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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

SOMMAIRE

PRE

SIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 2216).

INSERTION PAR L'ACTIVITE E

CONOMIQUE (p. 2216)

M. Jean Pontier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RECONNAISSANCE DU GE

NOCIDE ARME

NIEN (p. 2217)

Mme Janine Jambu, M. Daniel Vaillant, ministgre des relations avec le Parlement.

DE

VELOPPEMENT ABUSIF DU TRAVAIL PRE CAIRE (p. 2218)

M. Maxime Gremetz, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MODE DE SCRUTIN (p. 2219)

MM. Pascal Clément, Lionel Jospin, Premier ministre.

RE

GIONALISATION DU SYSTÈME DE SOINS (p. 2219)

M. Edouard Landrain, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RE

GIME FISCAL DES PROPRIE TAIRES BAILLEURS (p. 2220)

MM. Serge Poignant, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

POLITIQUE FAMILIALE (p. 2221)

M. Pierre Morange, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

TROISIE ME VOIE D'ACCE S A L'ENS (p. 2222)

MM. Didier Berthol, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

COUR PE NALE INTERNATIONALE (p. 2222)

M. Alain Vidalies, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

ZONES FRANCHES URBAINES (p. 2223)

Mme Nicole Bricq, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

PARENTS EN DIFFICULTÉ (p. 2223)

M. Damien Alary, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

INSERTION SOCIALE DES SOURDS ET SOURDES (p. 2224)

M. Pierre Cohen, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 2225)

2. Egalité entre les femmes et les hommes. - Discussion, en troisième lecture, d'un projet de loi constitutionnelle (p. 2225).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, rapporteur.

DISCUSSION GE NE RALE (p. 2227)

Mmes Janine Jambu, Marie-Jo Zimmermann, Nicole Feidt, Nicole Ameline, Huguette Bello,

M.

Pierre-Christophe Baguet, Mme Yvette Roudy,

M.

Yves Cochet, Mme Dominique Gillot.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 2236)

Articles 1er et 2. - Adoption (p. 2236)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 2236)

Adoption de l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

Mme la garde des sceaux.

Suspension et reprise de la séance (p. 2236)

PRE

SIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

3. Epargne et sécurité financière. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 2237).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 2237)

Article 5 (p. 2237)

M. Aloyse Warhouver.

Amendements identiques nos 17 de la commission des finances, 254 de M. Brard et 284 de M. Mitterrand : MM. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, pour la réforme des caisses d'épargne ; JeanPierre Brard, Jean-Louis Dumont, Dominique StraussKahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - Adoption.

Amendement no 18 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 135 de M. Jégou et 212 corrigé de M. Cabal : M. Jean-Jacques Jégou. - Ces amendements n'ont plus d'objet.

Amendement no 203 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 268 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 255 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 256 de M. Brard. - Rejet.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 (p. 2240)

M. Jean-Louis Dumont.

Amendement no 251 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Jégou. - Rejet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Amendement no 204 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 19 de la commission et 198 de M. Gantier : MM. le rapporteur, Marc Laffineur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 299 de M. Dumont : MM. Jean-Louis Dumont, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 213 de M. Cabal : MM. Yves Deniaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 168 de M. Douyère : MM. le rapporteur, le ministre, Yves Cochet, Jean-Jacques Jégou.

Amendements nos 269 de M. Brard et 205 de M. Cochet :

M. Jean-Pierre Brard.

Amendements nos 270 de M. Brard et 206 corrigé de M. Cochet : MM. Jean-Pierre Brard, Yves Cochet, le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements nos 168 rectifié et 269 ; les amendements nos 205, 270 et 206 corrigé n'ont plus d'objet.

Amendement no 20 corrigé de la commission, avec le sousamendement no 207 de M. Cochet : MM. le rapporteur, Yves Cochet. - Retrait du sous-amendement no 207.

MM. le ministre, Jean-Jacques Jégou. - Adoption de l'amendement no 20 corrigé.

L'amendement no 271 de M. Brard n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 (p. 2248)

MM. Germain Gengenwin, Bernard Schreiner, Armand Jung, Aloyse Warhouver.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 2249)

Amendements identiques nos 174 de M. Gantier et 285 corrigé de M. Terrier : MM. Jean Proriol, le rapporteur, le ministre, Jean-Louis Dumont. - Rejet.

Adoption de l'article 7.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2250).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

INSERTION PAR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour faire suite aux décrets du 18 février dernier pris en application de la loi relative à la lutte contre les exclusions, votre département ministériel vient de présenter un projet de circulaire au Conseil national de l'insertion par l'activité économique, le CNIAE, concernant exclusivement l'insertion par l'activité économique. Tel est l'objet de ma question.

Texte de près de soixante pages, truffées de renvois nombreux au code du travail et de sigles aussi habituels que nouveaux, cette circulaire a pour objet de mobiliser l'attention des acteurs de terrain : entreprises d'insertion, entreprises de travail temporaire d'insertion, associations intermédiaires, tout comme les représentants des chantiers d'insertion, des régies de quartier ou des centres d'hébergement et de réadaptation sociales, les CHRS.

A la lecture de cette circulaire, s'il est aisé de comprendre pour un initié que c'est l'activité exercée qui définit le statut au regard de l'intervention sur le secteur concurrentiel ou sur le secteur d'utilité sociale, la question reste entière pour les structures mettant en oeuvre différents types d'activité d'insertion par l'économique au sein d'une même entité juridique.

En l'état de ce projet, les associations intermédiaires, les entreprises d'insertion et les entreprises de travail temporaire d'insertion pourraient relever éventuellement et de manière exclusive du secteur lucratif. Or ce n'est ni leur vocation ni leur espoir, compte tenu de leur volonté de prendre en charge des gens les plus en difficulté.

Pour ces structures concernées par le secteur qualifié de

« mixte », c'est-à-dire nombre de « structures à but non lucratif qui, tout à la fois, produisent des biens et des services en vue de leur commercialisation et développent des activités présentant un caractère d'utilité sociale », leur statut est renvoyé à un prochain décret.

Et c'est bien là, madame la ministre, l'interrogation de beaucoup d'associations gérant des structures de ce type, interrogation dont je me fais l'écho. Quand sera pris ce nouveau texte réglementaire ? A quoi doit-on s'attendre ? Pouvez-vous au moins, d'ores et déjà, esquisser une piste ? Vous savez en effet que nombre d'associations s'inquiètent de ces nouvelles procédures, encore plus lourdes que les précédentes, et ne sont pas encore rassurées sur le régime fiscal qui leur sera appliqué alors qu'elles devraient mobiliser toutes leurs énergies au bénéfice des publics à prendre en charge. Comme si l'ANPE, nouveau Protée, allait extirper de ses tiroirs des offres d'emploi !

M. Yves Nicolin.

Trop long !

M. Jean Pontier.

Les procédures d'agrément des publics par l'ANPE sont, de l'aveu même des administrations concernées, inapplicables pour les structures dont l'activité demande une forte réactivité telles que les associations intermédiaires et les entreprises de travail temporaire - c'est le cas, par exemple, dans le département de la Drôme ou dans celui de l'Ardèche, que je connais bien.

(« La question ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie français-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Jean Pontier.

N'est-il pas encore temps, madame la ministre, de modifier les termes et les modalités de cette circulaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, vous ne disposez, malheureusement, que d'une minute trente pour répondre. Vous avez la parole.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, d'abord, je suis heureuse de vous saluer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur le député, je tiens à vous rassurer. Tout d'abord, l'insertion par l'économique a été l'un des éléments placés au coeur de la loi relative à la lutte contre les exclusions, et vous savez comme moi que cette loi améliore de beaucoup le statut des structures qui pratiquent l'insertion par l'économique et les moyens qui vont leur être affectés. Je veux parler de ces structures qui prennent en charge des personnes en grande difficulté, leur remettent le pied à l'étrier en leur procurant une activité et les accompagnent socialement pour traiter leurs problèmes de santé ou de logement, entre autres.

Ces structures vont voir, grâce à la loi, les moyens qui leur sont affectés multipliés par deux. Cela vaut aussi bien pour les structures d'insertion par l'économique classique que pour les plans locaux d'insertion par l'économique.

En outre, les entreprises d'insertion verront l'exonération de charges sociales dont elles bénéficient passer de 50 à 100 %, l'aide qui leur est apportée relever d'un seul ministère et unifiée en un seul document, les subventions qui leur sont allouées distribuées - comme nous l'avons fait cette année - pour moitié au mois de janvier et pour moitié au mois de juin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Tout cela explique sans doute que le Conseil national de l'insertion par l'économique, réuni la semaine dernière pour donner un avis sur cette circulaire, ait émis un avis excessivement positif.

Alors, vous mettez le doigt sur un problème, un seul, qui n'est pas encore réglé. Mais c'est volontairement qu'il ne l'est pas, car il est délicat.

Il y a des structures qui vendent des services et des biens, et qui font aussi de l'action sociale : leur problème est également réglé. Il y a des structures à vocation sociale qui peuvent recevoir des CES et des CEC : leur problème est réglé. Et il y a aussi des structures qui veulent faire les deux à la fois. Vous comprendrez bien que si nous voulons éviter le mélange des genres, nous devons être prudents dans l'élaboration du statut. C'est la raison pour laquelle nous procédons à de larges consultations avant de rédiger le dernier décret. Mais je vous rassure, il ne concernera que très peu de structures et n'aura pas l'ambition de révolutionner le secteur.

J'ajoute, et je pense que vous serez d'accord avec moi sur ce point, que l'agrément que nous avons mis en place, avec l'accord unanime de l'Assemblée et des structures d'insertion, vise à ce que les postes d'insertion, qui sont largement subventionnés par l'Etat, aillent bien vers les personnes qui en ont vraiment besoin et à faire en sorte que l'ANPE puisse, une fois tous les deux ans, ce qui n'est pas beaucoup, dire pour chaque personne si elle a besoin d'intégrer une structure d'insertion par l'économique. Il s'agit tout simplement de contrôler que ces structures reçoivent bien les personnes les plus « cassées » et les plus « abîmées ». Sur ce point également, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique, qui regroupe les représentants de ces structures, nous a donné un avis très favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Robert Pandraud.

N'empêche que la circulaire est totalement illisible !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le Premier ministre, le 29 mai 1998, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, après débat, une proposition de loi qui indique que la France reconnaît publiquement le génocide du peuple arménien.

Après quatre-vingt-trois ans d'un long, trop long et, il faut bien le dire, hypocrite silence, notre assemblée a reconnu le premier génocide du XXe siècle...

M. Francis Delattre.

Et ce sont des spécialistes qui parlent !

Mme Janine Jambu.

... perpétré de 1915 à 1922 par le gouvernement Jeune Turc de l'époque contre le peuple arménien.

M. François d'Aubert.

Et Staline ?

M. Francis Delattre.

Et Tien-Anmen !

Mme Janine Jambu.

Elle a pris une décision qui l'honore et, avec elle, notre pays tout entier.

M. François d'Aubert.

Pol Pot !

Mme Janine Jambu.

Mais pour que cette proposition de loi devienne la loi de la République, il faut qu'elle soit maintenant discutée et votée par le Sénat. Lors du débat du 29 mai 1998, le représentant du Gouvernement avait pris l'engagement d'inscrire sans tarder cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat. Neuf mois après, cela ne s'est toujours pas fait ! Comme je vous l'ai récemment demandé avec mon ami Guy Hermier, je vous demande à nouveau de saisir, dans les meilleurs délais, le Sénat de ce texte. A quelques semaines de l'anniversaire du génocide, c'est ce qu'attendent la communauté arménienne et les forces de progrès de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Madame la députée, comme vous l'avez indiqué vous-même, l'Assemblée nationale a reconnu, le 29 mai dernier, sur la base d'une initiative parlementaire, le génocide arménien de 1915, et ce par un vote unanime.

Lors de l'examen de cette proposition de loi, le Gouvernement a fait savoir combien il était sensible au souvenir des déportations et des massacres commis en 1915 et 1916 dans l'Empire ottoman.

M. Richard Cazenave.

Le Gouvernement avait également pris un engagement !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Il a rendu hommage aux victimes de cette tragédie, en pensant notamment aux enfants des victimes de ces événements.

M. François Rochebloine.

Non, de ce génocide !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Le Gouvernement a donc pris acte de l'intention politique de l'Assemblée nationale et a indiqué qu'il laisserait la procédure parlementaire se poursuivre.

M. Richard Cazenave.

Non, menteur !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Dans le même temps, la France veut aider à garantir la stabilité de cette région.

M. Pierre Lellouche.

Vaillant Tartuffe !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Elle participe aux efforts visant à la réconciliation entre les peuples et les Etats qui la composent. Elle veut donner toutes ses chances à la paix. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

C'est du pipeau !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Dans ces conditions, le Gouvernement n'a pas inscrit...

M. Pierre Lellouche.

Ah !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... et n'entend pas inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) comme je l'ai annoncé à plusieurs reprises à la conférence des présidents du Sénat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Pierre Lellouche.

Tartuffe ! Vous vous étiez engagé.

M. le ministre des relations avec le Parlement.

La Haute Assemblée a la faculté de l'inscrire à son ordre du jour complémentaire (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Pierre Lellouche et M. Richard Cazenave.

Vous vous y étiez engagé !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... conformément à l'article 48, alinéa 3, de la Constitution. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Je rappelle que la révision constitutionnelle du 4 août 1995 la vôtre, mesdames, messieurs de la droite (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. Pierre Lellouche.

Tartuffe !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... a créé une responsabilité particulière...

M. Pierre Lellouche.

Vous vous y étiez engagé ici même !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

... des assemblées sur leur ordre du jour, et le Gouvernement respecte cette dimension nouvelle de la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huéess ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Menteur !

M. Alain Calmat.

La droite, elle, n'a jamais inscrit à l'ordre du jour une proposition de loi relative à ce sujet ! DÉVELOPPEMENT ABUSIF DU TRAVAIL PRÉCAIRE

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question porte sur les projets du Gouvernement concernant l'explosion du travail précaire.

S elon les dernières statistiques publiées, près de quatre millions de salariés travaillent à temps partiel.

Pour la moitié d'entre eux qui souhaiteraient travailler davantage, il s'agit donc de travail à temps partiel subi.

Ces statistiques indiquent, par ailleurs, que l'emploi intérimaire a contribué pour plus de la moitié à l'augmentation des effectifs salariés. De grandes entreprises utilisent des centaines de personnes en CDD, par exemple, Péguform, dans le Pas-de-Calais, qui compte 250 intérimaires et 354 titulaires, Hutchinson, Allibert, les 3 Suisses, Plastic Omnium, Goodyear et j'en passe.

C'est également vrai, vous le savez, dans la fonction publique.

L'essentiel des embauches se fait, aujourd'hui, à durée déterminée.

L'UNEDIC, en publiant ses propres chiffres, comptabilise un emploi à temps partiel comme un emploi à temps plein. Selon l'UNEDIC, entre 1992 et 1997, 400 000 emplois ont été créés, mais pour une bonne part, il s'agit, vous le savez, madame la ministre, d'emplois à temps partiel comptabilisés en temps plein.

Vous aviez annoncé que vous envisagiez de prendre une disposition destinée à rendre plus strict le recours à l'intérim et aux CDD dont les grandes entreprises, notamment celles de l'intérim, usent et abusent. Les entreprises dont les effectifs totaux comportent plus de 10 ou 15 % de CDD ou d'intérimaires devaient être taxées.

Je ne peux donc croire, madame la ministre, les informations parues dans la presse selon lesquelles le Gouvernement renoncerait à ses projets de taxation des abus en matière d'emploi précaire.

Aussi, pourriez-vous nous préciser quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre pour interdire les abus de l'usage des contrats à durée déterminée et pour faire en sorte que ceux-ci soient transformés en emplois stables et durables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, ainsi que vous l'avez souligné, certaines entreprises abusent du travail temporaire et des contrats à durée déterminée. Je crois que nous sommes tous d'accord, ici, pour reconnaître que le recours à ce type de contrat n'a de sens que lorsqu'il s'inscrit strictement dans le cadre des dispositions prévues par la loi, c'est-à-dire en cas de surcroît temporaire d'activité, en cas d'absence, en cas de démarrage d'une nouvelle machine ou de lancement d'un nouveau produit.

Par contre, il n'est pas acceptable que certaines entreprises utilisent, comme un mode de gestion permanent, le recours, dans des conditions très importantes quantitativement, à ce type d'emploi. Aujourd'hui 12 % des établissements français utilisent de manière permanente 20 % de personnel en contrats à durée déterminée ou de travail temporaire. Nous savons que cela accroît la précarité et crée des coûts sociaux considérables qui sont supportés par le reste de la collectivité mais aussi par les autres entreprises et les salariés, qui financent l'UNEDIC.

J'ai écrit il y a plus d'un an aux partenaires sociaux pour leur demander de travailler sur ce sujet. Or, faute d'avancée, le Gouvernement a décidé le principe d'une contribution qui serait payée par les entreprises qui abusent de ce type de contrat.

Le MEDEF nous a proposé - et j'attends une réponse ferme et définitive dans quelques jours -, dans les secteurs concernés, c'est-à-dire l'agroalimentaire, la restauration, le bâtiment, la métallurgie, de négocier, comme cela avait été le cas pour le travail à temps partiel en 1982, les conditions de retour à des chiffres normaux de contrats à durée déterminée et de travail temporaire.

Bien évidemment, s'il y a engagement de négocier dans des délais brefs et selon des modalités valables, le Gouvernement préfère la négociation entre les partenaires sociaux plutôt que le recours à la loi. Mais nous souhaitons que cela se fasse rapidement. Si tel n'était pas le cas, c'est-àdire si nous n'obtenions pas dans les semaines qui viennent des engagements fermes, nous reprendrions notre projet, lequel a d'ailleurs déjà donné lieu à une concertation avec les organisations patronales et syndicales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

MODE DE SCRUTIN

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Monsieur le Premier ministre, nous avons eu, au détour d'un entretien radiophonique, la surprise d'entendre le premier secrétaire du parti socialiste nous expliquer que les prochaines élections législatives seraient, pour l'essentiel, majoritaires. Si nous comprenons bien, il y aurait donc une dose de proportionnelle.

Cela nous rappelle 1985,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

1986 !

M. Pascal Clément.

... année où nous sommes passés de « l'instillation » d'une dose de proportionnelle, selon l'expression du Président de la République de l'époque,

M. Mitterrand, à la proportionnelle intégrale.

Or, monsieur le Premier ministre, de tels propos sont en totale contradiction avec vos propres déclarations sur ce sujet dans cet hémicycle. Lors du débat sur la parité homme-femme, nous avons interrogé le Gouvernement, en particulier le ministre de l'intérieur et vous-même, monsieur le Premier ministre, pour savoir si ce projet n'en cachait pas un autre. Et vous nous avez assurés qu'il n'y avait aucune espèce de doute à avoir sur cette question, et que nous garderions le mode de scrutin majoritaire et uniquement majoritaire. Du reste, ces assurances ont permis de lever les réticences manifestées par nombre de parlementaires - députés et sénateurs -, lesquels ont alors voté la loi sur la parité homme-femme.

Si vous avez changé d'avis, monsieur le Premier ministre, nous vous serions reconnaissants de le dire. Ou alors êtes-vous contraint de contredire le premier militant de votre parti ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, je salue votre retour au perchoir.

Monsieur Clément, il semble que, dans l'échange entre les formations politiques, vous vous sentiez un peu défaillant, puisque, le premier secrétaire du parti socialiste s'étant exprimé, vous n'éprouvez pas le besoin dans le débat public, démocratique, de débattre avec lui. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Delattre.

Et que fait-on en ce moment ?

M. le Premier ministre.

Vous vous sentez gêné par son argumentation et vous voulez absolument interroger le Premier ministre à propos des déclarations du premier secrétaire du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Nous ne sommes pas gênés !

M. le Premier ministre.

Mesdames et messieurs les députés, si, par hasard, le premier secrétaire du parti socialiste était sur ces bancs... mais je vois qu'il est là (« Par hasard ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ... Voulez-vous que nous comparions la présence sur ces bancs du premier secrétaire du parti socialiste (« Oui ! » sur les mêmes bancs) et celle du président du RPR par exemple ? Nous risquons d'avoir de singulières surprises ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le Premier ministre.

Il s'agissait, mais vous l'avez tous compris, non pas d'une interrogation sur la présence du premier secrétaire du parti socialiste, mais d'une fleur de rhétorique. (Sourires.)

Je vais répondre à la question posée en mon nom, et non pas au nom d'une formation politique dont je suis l'humble militant (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) , mais dont je ne m'inspire pas dans mes fonctions.

M. Pierre Lellouche.

Quel cirque !

M. le Premier ministre.

A l'occasion du débat sur la parité, j'ai, le 8 mars, devant des femmes et des hommes rassemblés à Matignon, confirmé ce que j'avais dit devant le Sénat, où l'on m'avait interrogé à ce sujet, à savoir que, pour ce qui me concernait, je n'établissais aucun lien entre l'inscription dans la Constitution du principe de parité, ou plus exactement de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives, et la question des modes de scrutin.

Ainsi que je l'ai déjà déclaré clairement, je répète d evant vous que, si les formations politiques de l'ensemble de ce pays et de la majorité sont libres d'exprimer leur point de vue, je n'ai pas, en tant que Premier ministre, l'intention de proposer pendant cette législature un projet de réforme du scrutin législatif intégrant la proportionnelle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Alors, le premier secrétaire du parti socialiste dit des bêtises !

M. le Premier ministre.

Je reste donc très clair. Laissez les formations politiques s'exprimer librement ! Pour conclure, je dirai qu'au-delà de ce qu'on peut penser sur le fond, si j'en juge par ce qui s'est passé en 1997, ni le parti socialiste, ni les formations de la majorité, ni moi-même, et peut-être pas non plus les Français, n'ont lieu de se plaindre du scrutin majoritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

RÉGIONALISATION DU SYSTÈME DE SOINS

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Monsieur le président, avant de poser ma question à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, permettez-moi de vous faire respectueusement remarquer que la réponse de M. Vaillant à propos du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

génocide arménien manquait pour le moins d'élégance, voire de courage politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lellouche.

C'était un scandale !

M. Edouard Landrain.

Dans un livre récent, Jean de Kervasdoué, ancien directeur des hôpitaux, plaide pour une régionalisation du système de santé qui rapprocherait les décideurs des professionnels et des assurés. Chaque région recevrait une enveloppe en fonction de ses caractéristiques médicales, démographiques et sociales, à charge pour elle d'organiser l'offre des soins et de négocier avec les professionnels de santé.

M. Johanet, directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie, répondant aux exigences de ses partenaires patronaux, prétend quant à lui réduire de 50 milliards de francs le déficit de la sécurité sociale en sélectionnant les médecins, en impliquant les assurés sociaux notamment en rendant opposable le carnet de santé si décrié, et en réexaminant le remboursement des médicaments. Il propose donc une solution à la hache.

M adame la ministre, qu'avez-vous l'intention de répondre à M. le directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie ? Par ailleurs, ne pensez-vous pas que la régionalisation puisse être une bonne réponse aux problèmes posés ? Ne pourrait-on pas, au moins au niveau de l'expérimentation, tenter une approche nouvelle des difficultés que nous connaissons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Landrain, vous avez raison : nous devons aller de plus en plus vers une régionalisation de l'organisation de notre système de soins. C'est d'ailleurs ce que nous avons déjà fait dans le domaine qui dépend totalement de l'Etat, c'est-à-dire les hôpitaux, et vous et vos amis aviez commencé de le faire en mettant en place les agences régionales d'hospitalisation. Nous avons demandé à ces agences d'élaborer des schémas régionaux d'organisation sanitaire, qui sont aujourd'hui quasiment terminés puisqu'ils donnent lieu à d'ultimes consultations, notamment des élus. Ils seront arrêtés avant l'été.

De quoi s'agit-il en fait ? Il s'agit de partir des besoins de santé de la population, dont nous savons qu'ils sont différents d'une région à l'autre car les risques, la nature des personnes, leur âge, leur passé sont différents. Il s'agit de partir des besoins de santé, d'examiner les bassins de vie et les circulations afin d'organiser en conséquence la réponse hospitalière et des cliniques privées . Par ce biais, c'est donc la sécurité et un moindre coût que nous recherchons.

Nous commençons à étendre cette réflexion à tout ce qui touche au médico-social, notamment aux personnes âgées et aux handicapés. Nous devons peu à peu faire de même pour la médecine de ville. C'est pourquoi nous avons, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, renforcé les unions régionales de médecins afin de leur permettre de jouer un rôle important dans leur façon de travailler avec les médecins de ville et d'organiser des réseaux entre la ville et l'hôpital au niveau régional.

Mais pour avancer dans ce type de réforme, il convient de se laisser guider par l'expérience. C'est comme cela que nous procédons.

Je me réjouis que de nombreux réseaux commencent à se structurer sur un plan régional entre les médecins de ville et le secteur hospitalier. C'est l'une des voies, sur le plan structurel, de la réforme importante de l'organisation des systèmes de soins vers laquelle nous nous orientons.

Sur ce sujet, la CNAM et le Gouvernement ne sont pas en désaccord. D'ailleurs, les caisses régionales d'assurance maladie font partie des agences régionales hospitalières.

Il s'agit là d'un des outils structurels importants qui nous permettront de mieux soigner, et de soigner moins cher, ce que nous recherchons tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Rochebloine.

La ministre n'a pas répondu à la question !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

RÉGIME FISCAL DES PROPRIÉTAIRES BAILLEURS

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais revenir sur la réponse que vous avez faite hier à M. Le Nay sur la réforme de la contribution représentative du droit de bail et de la taxe additionnelle, prévue à la loi de finances rectificative 1998.

Vous vous êtes appuyé sur la décision rendue par le Conseil constitutionnel, indiquant que les contribuables ne paieront qu'une seule fois sur une même année. Il n'en demeure pas moins, monsieur le secrétaire d'Etat, que la même assiette est bien imposée deux fois en 1998.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Jean-Michel Ferrand.

Bien sûr !

M. Serge Poignant.

Cela est tellement vrai que la loi elle-même prévoit un remboursement du trop-payé lorsqu'une location s'interromprait plus de neuf mois, ainsi que vous l'avez rappelé vous-même hier.

Comment la loi pourrait-elle prévoir ce remboursement s'il n'y avait pas double imposition ? Par ailleurs, la même loi prévoit un dégrèvement pour les personnes morales, c'est-à-dire pour les sociétés. Là encore, c'est reconnaître implicitement la double imposition. Mais pourquoi ne pas considérer la situation des millions de personnes physiques qui ne seront jamais, quant à elles concernées par les neuf mois d'interruption de loyer ? La vérité, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que les propriétaires bailleurs seront bien imposés sur une double assiette, mais qu'ils ne s'en rendront compte qu' in fine , c'est-à-dire à la fin de la location, quand ils auront vendu ou transmis le bien.

Vous avez dit que le débat était clos. Nous ne pouvons l'admettre et nous vous demandons de revoir la question, par la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, il me semble que vous n'avez rien ajouté à ce qui a été dit hier. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le Gouvernement a entendu simplifier la vie de 3 millions de propriétaires fonciers...

M. Bernard Accoyer et M. Jean-Michel Ferrand.

Ils ont payé deux fois !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... en ne leur demandant plus de faire une déclaration spécifique.

Je rappellerai également qu'en 1998 les propriétaires fonciers auront payé une certaine somme d'argent dans l'ancien système...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Deux fois !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... alors qu'en 1999 ils ne payeront qu'une fois dans le nouveau système...

M. Gilbert Meyer.

Non, deux fois !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et cela sera le cas tant que les relations entre les propriétaires et leurs locataires seront stables. Je confirme que, si cette relation s'interrompait durablement, c'est-à-dire si le logement loué ne l'était plus pendant neuf mois, l'Etat rembourserait l'équivalent de neuf mois de droit de bail.

Il me semble que j'ai été clair hier...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Non !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et que je le suis tout autant aujourd'hui.

M. Gilbert Meyer.

Ce n'est pas une réponse !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Puisque vous vous placez sur le terrain juridique, je vous rappelle que vous avez porté le différend devant le Conseil constitutionnel et que celui-ci n'a rien trouvé à redire à la disposition de simplification fiscale dont il s'agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

POLITIQUE FAMILIALE

M. le président.

La parole est à Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le conseil d'analyse économique, qui est placé sous votre autorité, vient de rendre un rapport sur la politique familiale. Ce rapport prône une politique nataliste qui permettrait aux couples d'envisager plus rapidement la venue d'un premier enfant et de favoriser la naissance d'un troisième. Pour cela, vos experts rappellent qu'il faut aider les femmes à concilier emploi et vie de famille. C'est pourquoi ils préconisent de créer un droit de garde pour tout enfant de moins de trois ans, qui soit compatible avec la liberté de choix des familles. Il présenterait en outre l'avantage de créer des emplois de proximité.

J'avoue, monsieur le Premier ministre, y perdre mon latin, ou le peu qui m'en reste. (Sourires.)

En effet, en moins de deux ans, votre gouvernement a considérablement réduit l'allocation de garde d'enfant à domicile, ce qui ne manque pas de favoriser le travail au noir et ce qui ne s'inscrit pas, tant sans faut, dans votre volonté déclarée de favoriser l'égal accès des femmes à l a vie de la cité. Quel progrès social ! Vous avez réduit la déduction fiscale en faveur des emplois familiaux. Vous avez abaissé le plafond du quotient familial. Vous n'avez cessé de mettre à mal l'universalité de notre politique familiale...

M. Christian Bataille.

C'est faux !

M. Pierre Morange.

... à laquelle nos concitoyens sont pourtant très attachés ! Monsieur le Premier ministre, allez-vous tenir compte de l'avis de vos experts et instaurer un véritable choix de garde pour toutes les familles ? S'agira-t-il encore d'un effet d'annonce sans aucun bénéfice pour les familles et nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je voudrais d'abord rappeler que le conseil d'analyse économique regroupe un certain nombre d'experts, de toutes tendances d'ailleurs - c'est ce qui fait son intérêt -, qui travaillent sur des sujets majeurs, qu'il s'agisse de sujets économiques ou de sujets de société. Il présente au Gouvernement des rapports qui sont très intéressants et qui sont utiles dans les discussions d'ensemble que nous engageons, notamment sur un point essentiel : la politique de la famille.

Permettez-moi de vous faire observer que, si vous aviez lu le rapport en entier, vous sauriez qu'il salue les réductions que nous avons faites concernant l'AGED et les emplois familiaux comme des mesures justes qu'il convenait de prendre si nous souhaitions aider les familles les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ce que je dis est vrai, madame Catala, et il suffit de lire le rapport pour s'en convaincre. Moi, je lis toujours un rapport dans sa totalité avant d'en faire état. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est vrai, monsieur Morange, que le rapport du conseil d'analyse économique propose de travailler sur l'accueil du premier enfant dans la famille. Vous ne devez pas être sans savoir, puisque la presse en a fait état, que ce sujet figure à l'ordre du jour de la prochaine conférence de la famille. Le délégué interministériel à la famille y travaille actuellement avec l'ensemble des associations familiales.

Faut-il modifier l'allocation parentale d'éducation pour favoriser l'accueil du premier enfant ? Existe-t-il d'autres dispositifs qui soient plus efficaces ? Telles sont les questions que nous nous posons. Tout cela donnera lieu à des décisions du Gouvernement, ainsi que nous l'avions annoncé à la conférence de la famille, au mois de juin prochain. Le rapport du conseil national nous sera utile : ce sera un élément supplémentaire qui


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permettra de faire avancer notre réflexion. Toutes les mesures annoncées lors de la conférence sur la famille de juin dernier sont aujourd'hui appliquées. Cette conférence avait été unanimement saluée par les associations familiales. J'espère que le travail que nous faisons actuellement recevra le même accueil car ce sont au premier chef ces associations qui nous aident à avancer vers une véritable politique de la famille qui, certes, reconnaisse le rôle des familles, mais qui soit aussi juste, c'est-à-dire qui aide toutes les familles, notamment celles qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TROISIÈME VOIE D'ACCÈS À L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE

M. le président.

La parole est à M. André Berthol.

M. André Berthol.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Monsieur le ministre, nous avons décidément l'impression que vous ne nous dites pas toute la vérité ou, du moins, que vos vérités sont approximatives.

M. Arnaud Lepercq.

Disons variables !

M. André Berthol.

Le 10 février, nous vous interrogions sur la création d'un troisième concours d'accès à l'Ecole normale supérieure. Vous nous répondiez qu'il ne s'agissait que d'un projet. Or la décision figurait déja au Journal officiel

M. Patrick Ollier.

Il n'était pas au courant !

M. André Berthol.

Nous nous interrogeons : ce projet a-t-il jamais été sur votre bureau ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La semaine dernière, vous indiquiez à mon collègue Jean-Michel Dubernard que ce concours, où l'on peut se présenter sans maîtriser le français, comme cela est indiqué sur le site Internet de l'ENS, n'était pas une si grande atteinte à l'un de nos fleurons éducatifs, puisqu'il ne concernait que quatre places. Or les couloirs de la rue d'Ulm bruissent d'un chiffre beaucoup plus élévé, puisqu'il est même question de trente places.

Pouvez-vous dire ce qu'il en est vraiment ? Pouvez-vous nous confirmer qu'il ne s'agit que de quatre places ? Et, même pour quatre places, s'agit-il de la meilleure façon de défendre notre système éducatif ? Est-ce ainsi que votre gouvernement entend défendre la langue française au niveau international alors que vous la dévalorisez dans nos écoles, et notamment dans la plus prestigieuse d'entre elles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, pour répondre à cette question à laquelle plusieurs députés sont sensibles.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur Poignant puisque vous et vos amis aimez de temps en temps à citer Le Monde, permettez-moi de vous renvoyer à l'article paru aujourd'hui dans ce journal et dont l'auteur est Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel. Celui-ci y expose l'ouverture européenne de l'Ecole normale et rappelle pourquoi cette ouverture a été décidée.

Un député du groupe socialiste.

Ils ne comprennent rien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Une fois que vous l'aurez lu, je pense que vous pourrez être convaincu ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Permettez-moi de vous répondre.

Tout d'abord, je répéterai ce que j'ai déjà dit : dans la filière littéraire, et les scientifiques sont tous d'accord, il y a quatre postes. Mais il n'y en aura pas cette année car j'ai demandé au directeur de l'Ecole normale de prendre un an de plus pour expliquer la réforme.

M. Jean-Louis Debré.

C'est vous qui l'avez signée !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et la technologie.

Cette réforme a été rédigée par l'Ecole normale supérieure, de la même manière que l'Ecole polytechnique, l'école des mines et HEC ont rédigé les leurs, sans intervention du ministère. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ensuite, à partir du moment où nous allons avoir des élèves qui viendront suivre pendant quatre années leurs études en France et qui, par conséquent, passeront tous leurs examens en français, il est utile de ne pas faire de la connaissance du français une condition d'entrée, faute de quoi, et c'est ce qui s'est passé les années précédentes, nous recruterons essentiellement des Roumains. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

COUR PÉNALE INTERNATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Le 18 juillet 1998 était signé, à Rome, le traité portant création de la Cour pénale internationale. Le Conseil constitutionnel saisi, conformément à l'article 54 de la Constitution, par M. le Président de la République et M. le Premier ministre a estimé, dans sa décision du 22 janvier 1999, que le traité était conforme à la Constitution, à l'exception de certaines de ses stipulations, notamment les stipulations contraires au régime de responsabilité pénale exclusive du chef de l'Etat, des ministres et des parlementaires et celles affectant les conditions d'exercice de la souveraineté nationale s'agissant plus particulièrement des règles nationales de prescription, de l'intervention d'une loi d'amnistie ou des investigations effectuées par le procureur de la Cour pénale internationale. Le Conseil constitutionnel a conclu que la ratification du statut de la Cour pénale internationale exigeait une révision préalable de la Constitution.

M. Jean-Pierre Michel.

A Versailles !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Alain Vidalies.

Quelles sont, madame la ministre, les intentions du Gouvernement ? Le Parlement sera-t-il appelé prochainement à délibérer sur la révision constitutionnelle qui permettra ensuite la ratification du traité créant la Cour pénale internationale à laquelle nombre de parlementaires, sur tous les bancs de cet hémicycle, sont particulièrement attachés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Louis Debré.

J'espère qu'elle va être mieux qu'Allègre !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, la création de la Cour pénale internationale constitue une remarquable avancée pour la sauvegarde des droits de l'homme.

M. Thierry Mariani.

Vous n'avez rien contre les Roumains ? (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la garde des sceaux.

Lorsque cette cour existera, elle permettra de juger les crimes les plus odieux qui sont une offense à l'humanité : les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les d'agressions.

Lorsque cette cour existera, aucun dictateur ne pourra plus en toute impunité tuer, massacrer, martyriser des populations entières. Mais, pour que cette cour existe, il faut que son statut soit ratifié par soixante Etats. Notre pays, qui a participé très activement aux négociations en juillet dernier à Rome et qui a tout fait pour qu'elles aboutissent, a donc le devoir de montrer l'exemple. Aussi le Gouvernement souhaite-il que cette ratification intervienne aussi rapidement que possible.

Mais, vous l'avez rappelé, avant de pouvoir ratifier il faut que la Constitution soit révisée, car le statut de la cour est contraire à notre Constitution sur trois points.

Le projet de loi constitutionnelle est prêt et le conseil des m inistres l'a approuvé ce matin-même. L'Assemblée nationale en sera saisie au début du mois d'avril et le Sénat en débattra au début du mois de mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) ZONES FRANCHES URBAINES

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le ministre délégué à la ville, à la fin de la semaine dernière, conformément à la loi du 14 novembre 1996, vous avez adressé au Parlement le rapport dressant le bilan de la politique de la ville, concernant en particulier les 44 zones franches urbaines et des 416 zones de redynamisation urbaine.

Vous avez fondé ce rapport sur deux investigations conduites à votre demande, l'une de l'Inspection générale des affaires sociales et l'autre de l'Inspection générale des finances. Aucun des scénarios proposés ne préconise la disparition du dispositif tant il est vrai que la présence de l'Etat dans ces quartiers doit non seulement être maintenue, mais renforcée.

Toutefois, ces investigations ont montré les points faibles, voire les points noirs du dispositif. Le premier, bien connu de ceux qui ont ces dispositifs dans leur ville, c'est les effets pervers - la recherche des effets d'aubaine, les délocalisations -, qui sont souvent dus à des absences de contrôle et surtout à des absences de corrélation dans les évaluations menées par les administrations respectivement.

Le second point faible, qui m'apparaît le plus important eu égard à la volonté même du législateur, c'est la faiblesse relative du nombre d'emplois créés dans ces quartiers en difficulté et, par voie de conséquence, le coût du dispositif : 200 000 francs environ par emploi créé, soit plus du double du coût d'un emploi-jeune.

Comment comptez-vous, monsieur le ministre, moraliser le système, favoriser la mixité sociale et renforcer la lutte contre le chômage dans ces quartiers à partir des rapports qui vous ont été remis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Comme vous l'avez indiqué, madame la députée, le Gouvernement vient de remettre au Parlement le rapport demandé par les deux assemblées pour faire le point sur ce dispositif des zones franches urbaines créé dans le cadre du pacte de relance pour la ville. Nous avons pu constater, à la lecture du rapport de l'IGAS notamment, que ce dispositif, s'appuyant sur un zonage très restreint, n'avait pas donné les résultats attendus en termes de création d'emplois en particulier. Le Gouvernement a donc décidé de le renforcer par des dispositions réglementaires et législatives pour respecter la parole de l'Etat. Ce dispositif de zone franche urbaine sera pérennisé, mais nous voulons, mettre un terme aux entreprises boîtes à lettres, aux délocalisations, et moraliser ce système pour que les entreprises bénéficiaires des aides respectent certaines règles en matière de création d'emplois. Une série de circulaires précisera la règle du jeu en la matière.

Mais le problème de la création d'emplois et d'activités pour les femmes et les hommes qui habitent des quartiers en difficulté ne se limite pas à ces quarante-quatre sites de l'Hexagone. C'est la raison pour laquelle le Premier m inistre vient de demander à deux parlementaires,

Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. Pierre Bourguignon, de faire des propositions pour que, dans le cadre des futurs contrats de ville, tous les élus puissent prendre des initiatives en matière de développement économique afin que l'insertion par l'emploi soit une réalité dans tous les quartiers qui connaissent des difficultés. Au vu des conclusions de ce rapport nous étudierons comment prolonger le dispositif d'aide à la création d'emplois pour qu'il soit plus performant afin de donner aux jeunes, aux femmes et aux hommes de nos quartiers en difficulté une réelle possibilité d'accéder à un emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

PARENTS EN DIFFICULTÉ

M. le président.

La parole est à M. Damien Alary.

M. Damien Alary.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, la délégation interministérielle à la fami lle a annoncé hier, par la voix de Pierre-Louis Rémy, la création d'un dispositif d'écoute et d'accompagnement parental doté d'un budget de 163 millions de francs.

Le rôle de parent peut être difficile dans une société qui tend à s'écarter de ses repères traditionnels, et il est parfois nécessaire d'aider les parents à trouver leur place et à remplir la fonction qui est la leur. A cette fin, des structures ont déjà été créées. Je souhaiterais, madame l a ministre, que vous précisiez devant la représentation nationale le contenu de ce nouveau dispositif et que vous développiez en particulier les mesures concernant la mise en place d'activités nouvelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le délégué interministériel à la famille a, annoncé, hier, la mise en place de réseaux d'écoute et d'accompagnement des parents qui ont des difficultés relationnelles avec leurs enfants ou qui sont confrontés à des problèmes de délinquance ou de comportement difficile. Cette mise en place avait été annoncée par le Premier ministre lors de la dernière conférence de la famille. Votre question complète bien celle de M. Poignant.

C'est au sein de la famille, lieu majeur d'éducation, que les enfants peuvent trouver leurs repères et construire leur vie collective. Aussi nous paraît-il très utile d'accompagner les parents qui ont des difficultés. Or, en France, nous manquons cruellement de lieux permettant l'écoute des parents, la rencontre entre eux, leur information par des professionnels - psychologues, médecins, accompagnateurs - qui puissent les conseiller, les aider dans leurs relations avec leurs enfants. Nous manquons aussi de lieux de rencontre parents-enfants dont nous savons qu'ils ont eu des résultats importants dans d'autres pays.

Aussi avons-nous créé un réseau qui sera mis en place d ans chaque département dès demain, puisque les 163 millions dont 63 viennent de l'Etat et 100 des caisses d'allocations familiales sont aujourd'hui disponibles, par les associations qui déposeront un dossier auprès de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale. Nous avons préparé ce dispositif avec la CNAF et l'ensemble des associations familiales qui s'engagent à mettre en place un comité d'animation par département pour pouvoir échanger les expériences et mailler le territoire dans les plus brefs délais. C'est un dispositif extrêmement souple puisqu'il suffit d'avoir une expérience et d'être capable de présenter un projet pour être accueilli.

Il mobilise l'ensemble des acteurs qui travaillent autour de la famille, notamment de celles ayant des difficultés avec leurs enfants. Il s'agit de développer la relation avec les enfants, d'apprendre aux parents à reprendre confiance pour qu'ils puissent remplir pleinement leur mission parentale, qui est essentielle. Ce réseau est important pour l'accompagnement des parents.

Accompagner ceux qui ont des difficultés, plutôt que les montrer du doigt, telle est la voie que nous avons choisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

INSERTION SOCIALE DES SOURDS ET SOURDES

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le rapport de notre collègue Dominique Gillot sur les personnes sourdes nous a permis de mieux appréhender les difficultés qu'elles rencontrent au quotidien pour leur insertion sociale. Le dramatique incendie d'un magasin à Toulouse, il y a quelques semaines, en est une preuve. Ce rapport fait l'analyse globale de la situation d'une populat ion assez méconnue, pour laquelle une prise de conscience est nécessaire.

A la suite de ce rapport, qui est aussi une incitation à l'action, le Gouvernement a souhaité transformer concrètement et en profondeur le vécu des personnes sourdes.

Pour assurer la cohérence et l'efficacité des démarches, une mutualisation des volontés et des compétences s'impose. Aussi le Gouvernement vient-il de mettre en place un comité de pilotage réunissant associations, administrations, personnes qualifiées et parents d'enfants sourds pour la mise en oeuvre du rapport Gillot. Les associations de personnes sourdes attendaient ce moment avec impatience. Elles ont exprimé leur attente lors de la manifestation du 27 février dernier, notamment en ce qui concerne les mesures dans le domaine de l'éducation, la reconnaissance plus généralisée du langage des signes, un accueil adapté dans tous les services publics, en particulier dans le secteur de la santé. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser les axes de travail que privilégiera ce comité de pilotage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, Dominique Gillot a en effet accompli, en liaison avec les associations, un travail important qui fera date s'agissant des problèmes rencontrés par les personnes sourdes dans notre société.

Il y a aujourd'hui en France 3 millions de malentendants et 300 000 sourds profonds, dont les problèmes sont relativement méconnus alors même que leur handicap a des répercussions importantes sur leurs conditions de vie. Le travail de Mme Gillot constitue la plate-forme sur laquelle nous travaillons depuis maintenant six mois et il a d'ores et déjà inspiré plusieurs décisions. La richesse de cette analyse tient au fait qu'elle a été conduite par les associations représentatives des personnes sourdes, avec Mme Gillot. Ont ainsi été proposées plus d'une centaine de mesures concrètes que nous nous apprêtons à mettre en place et dont certaines sont déjà en application.

Les premières actions concrètes sont la création de centres d'information sur la surdité, la meilleure prise en charge des enfants bénéficiant d'implants cochléaires, la sensibilisation des instances d'orientation des personnes handicapées sur la spécificité des problèmes des déficients sensoriels et l'amélioration de l'accueil des personnes sourdes à l'hôpital. Mais je vous rejoins, monsieur le député, sur l'idée que les services publics, les administrations, les collectivités locales devraient se préparer à accueillir correctement les personnes malentendantes, par exemple en permettant à certains agents d'apprendre le langage des sourds. Certaines villes l'ont déjà fait et il faudrait développer de telles initiatives.

Le 8 mars dernier, nous avons mis en place avec Bernard Kouchner un comité de pilotage qui nous permettra d'avancer sur les aspects qui demandent à être encore approfondis. Trois priorités ont été fixées : la compensation de la surdité grâce aux nouvelles technologies, l'éducation et la scolarisation des enfants sourds - certaines expériences, notamment les emplois-jeunes, permettent l'entrée de ces enfants dans le milieu classique - et la vie sociale des personnes sourdes. Participent à ce comité de pilotage toutes les administrations concernées, les principales associations et Mme Dominique Gillot, à titre d'expert. L'accueil que cette initiative a reçu devrait nous permettre d'apporter, dans les plus brefs délais, des réponses complémentaires dans l'esprit du rapport qui nous a été présenté et qui, je le rappelle, est d'extrême qualité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

2 ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES Discussion, en troisième lecture, d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (nos 1436, 1451).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le 26 janvier dernier, le Sénat avait adopté en première lecture une rédaction du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, rédaction qui différait profondément de celle que tous les groupes de votre assemblée avaient adopté à l'unanimité en première lecture, et à l'unanimité, moins deux voix, en deuxième lecture.

Le Sénat ne contestait pas que la présence des femmes au sein des institutions politiques était très insuffisante et se situait nettement en deçà de celle constatée dans la plupart des pays démocratiques, mais il préférait renvoyer aux partis politiques eux-mêmes la mission de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.

En outre, il prévoyait de moduler les règles de financement public des partis politiques en fonction de la prop ortion des candidates qu'ils présentaient. Par conséquent, il avait fait le choix de modifier le seul article 4 de la Constitution sans laisser au législateur le soin de déterminer les mesures qu'il fallait adopter pour atteindre l'objectif de parité.

En sens inverse, à deux reprises et sans ambiguïté, votre assemblée avait manifesté son choix d'écrire à l'article 3 de la Constitution que c'était la loi qui devait déterminer les conditions dans lesquelles était organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Cette prise de position en faveur d'une modification de l'article 3 de la Constitution, qui était soutenue par le Gouvernement et par le Président de la République, a c onduit le Sénat à une évolution significative en deuxième lecture, le 4 mars dernier, la Haute assemblée a en effet adopté par 289 voix pour et 8 voix contre, un texte aux termes duquel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Toutefois, elle a maintenu son souhait de voir modifier l'article 4 pour bien souligner que les partis politiques contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé à l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi.

Voilà où nous en sommes et je voudrais faire deux remarques sur la rédaction du texte retenu par le Sénat.

La première remarque sera pour dire qu'en spécifiant à l'article 3 que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, le Sénat revient à la rédaction initiale proposée par le Gouvernement en accord avec le Président de la République.

Je sais que le terme « favoriser » a suscité quelques réserves, notamment parmi les femmes les plus engagées en faveur de l'objectif de parité. Le verbe favoriser était-il suffisamment volontariste ? Ne pouvait-on lui préférer un terme plus « engageant » ? Cette rédaction ne donnait-elle pas une liberté d'appréciation excessive au Conseil constit utionnel par rapport aux attentes du législateur ?

Mme Catherine Tasca avait développé ces arguments.

Le Gouvernement a entendu ces réserves et s'est rallié à la rédaction proposée par votre commission des lois, qui inscrivait dans la Constitution que la loi détermine - et non pas favorise - les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.

Cela étant, il ne me semble pas que les objections faites à la rédaction initiale doivent, aujourd'hui, empêcher votre assemblée de donner son accord au texte voté par le Sénat.

Les intentions du Gouvernement sont parfaitement claires : le législateur doit jouir de la liberté d'appréciation nécessaire pour adopter soit des mesures contraignantes, soit des mesures seulement incitatives. Il est tout à fait clair dans mon esprit que la rédaction que le Gouvernement avait proposée et qui a été reprise par la Haute Assemblée permettra maintenant au législateur d'adopter les mesures relatives aux quotas qui ont été censurées en 1982, comme les mesures relatives à la parité qui l'ont été en 1999.

Il est également parfaitement clair pour le Gouvernement que la nouvelle règle de fond qui sera inscrite dans la Constitution, si le constituant le souhaite, devra se combiner avec l'ensemble des autres règles et principes de valeur constitutionnelle. Il est donc évident que les mesures que le législateur sera amené à prendre pour mettre en oeuvre l'objectif de parité devront être compatibles, par exemple, avec l'exigence du pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui constitue le fondement de notre démocratie, comme l'a énoncé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 janvier 1990.

Ainsi, dès lors que les intentions du constituant sont parfaitement claires, rien ne s'oppose, selon moi, à ce que votre assemblée adopte la rédaction proposée par le Sénat.

Car même si le texte voté par votre assemblée était plus net, ce qui doit primer aujourd'hui, c'est la volonté de faire aboutir cette réforme constitutionnelle.

Mme Martine David.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Le texte initial du Gouvernement, avec les précisions que je viens d'apporter et qui, inévitablement, compteront dans le débat, permet sans ambiguïté au législateur de prendre des mesures positives en faveur des femmes, sans courir le risque de voir le Conseil constitutionnel censurer ses initiatives.

Mme Yvette Roudy.

C'est fondamental !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Mme la garde des sceaux.

Et c'est bien là l'essentiel ! Au-delà des nuances de rédaction, ce qui compte, c'est de faire aboutir cette grande réforme pour permettre enfin aux femmes d'accéder, à égalité avec les hommes, aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Ma seconde remarque porte sur l'article 4.

Le Sénat, comme il l'avait fait en première lecture, a souhaité bien marquer qu'une responsabilité essentielle pesait sur les partis politiques dans la mise en oeuvre du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.

J'ai dit devant le Sénat que le financement des partis politiques était, sans doute, un des moyens privilégiés d'atteindre l'objectif de parité, notamment en ce qui concerne les élections au scrutin uninominal.

Si je m'étais opposée, dans un premier temps, à la modification de l'article 4 de la Constitution proposée par la Haute Assemblée, c'est parce que celle-ci souhaitait limiter la révision constitutionnelle à ce seul changement et surtout renvoyer aux seuls partis politiques la responsabilité d'assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions politiques.

Mais, dès lors que la modification de l'article 4 vient compléter celle de l'article 3 et qu'elle ne s'y substitue plus, le Gouvernement ne voit pas d'objection à ce que notre loi fondamentale habilite le législateur à inciter les partis politiques à promouvoir les femmes en leur sein.

Je ferai seulement remarquer que le Sénat a choisi d'écrire que les partis « contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé à l'article 3 de la Constitution », ce qui fait disparaître toute allusion explicite aux règles de financement public des partis. Mais, là encore, je le souligne pour que les choses soient tout à fait claires, il me paraît évident que sur le fondement du texte adopté par le Sénat, le législateur pourra, s'il le souhaite, moduler les règles de financement des partis politiques selon qu'ils mettront en oeuvre, ou non, l'objectif de parité.

Mme Yvette Roudy et Mme Martine David. Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Une fois encore, je pense donc que votre assemblée pourrait adopter conforme cette modification de l'article 4 de la Constitution.

Au terme de ce débat, qui aura été long et très riche, je suis particulièrement satisfaite que puisse être sur le point d'être adopté, si vous l'acceptez, un texte parmi les plus importants et les plus emblématiques de la volonté du Premier ministre et du Gouvernement de faire évoluer notre droit en harmonie avec les changements de notre société.

Votre vote conforme serait aussi pour moi une grande joie personnelle, car il verrait aboutir la parité pour laquelle tant de femmes se sont battues. La présence conjointe, aujourd'hui, de plusieurs des femmes ministres montre aussi à quel point cet objectif est important pour le Gouvernement. Votre vote permettra de corriger une situation particulièrement choquante et à vrai dire inacceptable dans notre démocratie.

De surcroît, le principe de parité ne nuira en rien au p rincipe d'universalisme, si important dans notre République, dès lors que les femmes, nous le savons, ne sont pas une catégorie et que la différence des sexes est une dimension universelle de la condition humaine.

Si vous votez ce texte, ouvrant la voie à une révision de la Constitution devant le Congrès, vous accomplirez donc un geste historique.

Mais si la révision constitutionnelle permettra désormais de prendre les mesures positives indispensables pour faire progresser la place des femmes dans la vie politique, encore faudra-t-il que ces mesures soient adoptées par le législateur.

Par ailleurs, nous savons aussi que, dans les domaines économiques et sociaux, même s'il n'existe pas de verrou juridique, beaucoup reste à faire pour assurer l'égalité.

Deux rapports récents remis au Premier ministre l'ont bien montré. Le premier, rédigé par Mme Majnoni d'Intignano sur l'égalité économique entre les femmes et les hommes, ne peut qu'encourager le Gouvernement à développer les conditions d'une véritable égalité professionnelle et à lutter contre les causes de la précarité et de l'inégalité d'accès à la formation et à l'emploi. Le second, rédigé par Anne-Marie Colmou, sur l'encadrement supérieur de la fonction publique, ne peut qu'inciter le Gouvernement à mettre en oeuvre une politique volontariste d e promotion des femmes dans la haute fonction publique.

Vous le voyez, le chantier est vaste et si le projet de loi constitutionnelle est adopté, nous aurons encore plus le devoir de mettre en oeuvre les décisions concrètes en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le texte constitutionnel supprime un verrou, il ouvre des possibilités, il ne règle pas en lui-même le problème de l'égalité des femmes et des hommes.

Nous sommes aujourd'hui sur la ligne d'un nouveau départ et non sur une ligne d'arrivée.

Mme Yvette Roudy.

Tout à fait !

Mme Martine David.

C'est sûr !

Mme la garde des sceaux.

C'est donc à une nouvelle donne que je vous convie en vous recommandant d'adopter le projet de loi qui vous est transmis par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Robert Pandraud.

Si on m'avait suivi, on aurait gagné une lecture !

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous nous plaignons souvent d'un ordre du jour trop chargé.

Pourtant, nous ne pouvons que nous réjouir de la promptitude avec laquelle le Gouvernement a réinscrit ce projet de loi constitutionnelle à notre ordre du jour.

Mme Martine David.

C'est vrai !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui pour la troisième fois aura suscité bien des passions et bien des débats. Les discussions souvent enflammées auxquelles n ous avons pu assister et contribuer ces dernières semaines auront été pour nous l'occasion de mesurer combien notre pays demeure un lieu démocratique vivant. Cela n'est pas le moindre des apports de ce projet.

Reste que si le débat est une impérieuse nécessité, en particulier lorsqu'il s'agit de réviser notre Constitution, il faut, à un moment donné, savoir trancher. Les opinions de chacun ont été clairement exprimées et il nous appartient désormais de faire aboutir cette réforme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Je rappellerai rapidement quelles furent les positions de chaque assemblée lors des précédentes lectures.

En décembre dernier, l'Assemblée nationale a modifié l'article 3 de la Constitution comme le prévoyait le projet de loi présenté par le Gouvernement avec l'accord du Président de la République. Ce choix avait un double sens : tout d'abord juridique, dans la mesure où il s'agissait de lever le verrou posé par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence de 1982, renouvelée en 1999, interdisant l'introduction de quotas dans les listes de candidats aux élections. Il avait également une valeur symbolique puisqu'il proposait une lecture enfin pleine et entière du principe de souveraineté en faisant apparaître dans notre Constitution l'humanité dans sa totalité, c'està-dire dans sa mixité irréductible. L'Assemblée avait certes modifié le texte du projet de loi initial afin de renforcer le rôle du législateur en la matière, mais cette modification n'affectait pas le fond du dispositif.

Le Sénat a choisi de ne pas suivre l'Assemblée dans cette voie. En janvier dernier, il a préféré faire porter la révision constitutionnelle sur l'article 4 de notre loi fondamentale en donnant aux partis la responsabilité de faire progresser la cause des femmes dans la vie politique française,...

M. Robert Pandraud.

Ce n'est pas contradictoire !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

... alors même, monsieur Pandraud, que ces partis, qui en ont eu longuement le loisir, n'ont rien fait pour cette cause et s'y sont même opposés pendant plus de cinquante ans. La position de la seconde chambre était, sur ce point, avouez-le, assez paradoxale. Par ailleurs, alors même qu'il l'avait accepté en 1982, le Sénat a refusé toute introduction de quotas pour les scrutins de liste. On le voit, les positions respectives des deux assemblées étaient totalement inconciliable.

L'Assemblée nationale en a pris acte en deuxième lecture et a rétabli le texte qu'elle avait adopté précédemment, à l'unanimité des groupes qui la constituent, comme cela avait été le cas en décembre 1998.

C onstatant l'impasse juridique et politique dans laquelle il s'était enfermé, le Sénat a, quant à lui, adopté en deuxième lecture une position radicalement différente de celle qui avait prévalu quelques semaines auparavant.

A deux précisions près, c'est-à-dire l'ajout, que nous avions d'ailleurs proposé en première lecture, de deux qualificatifs aux mandats et fonctions, il a rétabli le texte du projet de loi initial modifiant l'article 3 de la Constitution. De la sorte, il a accepté la possibilité d'introduire dans notre droit électoral des règles paritaires pour les scrutins de liste, ce à quoi il se refusait en première lecture. Il s'agit là d'une avancée considérable.

Les sénateurs ont, par ailleurs, adopté une modification de l'article 4 de la Constitution, prévoyant que les partis politiques contribuent à la mise en oeuvre du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions dans les conditions déterminées par la loi.

Le texte voté finalement par la seconde chambre permettra au législateur de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif poursuivi. Des quotas paritaires pourront être instaurés. Des incitations financières à l'intention des partis pourront être mises en place si le législateur, bien sûr, en décide ainsi.

En dehors de ces deux pistes, l'Observatoire de la parité, dont Mme Dominique Gillot est le rapporteur général, proposera d'ici à l'été, un certain nombre de mesures concrètes qui, elles aussi, permettront de contribuer à l'établissement d'une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans la sphère représentative.

Nous aurions assurément préféré que figure, à l'article 3 de la Constitution, le texte que nous avions adopté en première lecture. Il nous semble néanmoins que la rédaction proposée par le Gouvernement et retenue par le Sénat, éclairée par l'ensemble du débat parlementaire, est de nature à offrir des moyens d'action suffisants au Parlement.

Il est temps aujourd'hui d'aboutir et de mettre en oeuvre une réforme qui, nous le savons tous, est très attendue par nos concitoyens et qui est portée depuis des années par l'action de nombreuses associations. Le vote de ce projet de loi constitutionnelle n'est pas la fin d'un processus mais bien plutôt l'ouverture d'un vaste chantier que - j'en suis sûre - le Gouvernement aura à coeur de mener à bien. Les propos tenus le 8 mars par le Premier ministre ouvrent de vraies perspectives qui devront évidemment aller, au-delà de la sphère politique, au coeur des inégalités sociales et économiques.

Que les esprits chagrins soient rassurés : cette révision constitutionnelle ne constitue pas la mise au tombeau de notre République ; elle est, bien au contraire, l'une des conditions de sa vitalité. C'est pourquoi la commission des lois vous propose, avec l'enthousiasme de l'unanimité, d'adopter sans modification le texte voté en deuxième lecture par le Sénat avec l'assentiment du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, un bon nombre d'orateurs sont inscrits. Ils ne seront pas pénalisés s'ils n'utilisent pas la totalité de leur temps... (Sourires.)

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mesdames les ministres, mes chers collègues, au terme de l'examen du projet de loi relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, les députés communistes se félicitent que les conditions d'une ratification de la révision constitutionnelle par le Congrès soient enfin réunies.

L'abondante médiatisation de ce sujet aura eu le mérite d'éclairer le débat opposant ceux qui estiment que l'universalité de la citoyenneté interdit toute sectorisation et ceux qui font remarquer que le retard considérable pris par la France en la matière impose des mesures exceptionnelles.

Pour les femmes elles-mêmes, l'idéal universaliste, selon lequel chaque individu a les mêmes droits, ne doit pas se réduire à de simples mots. Il est devenu un principe et une dynamique de vie. En témoignent les luttes qu'elles ont menées pour acquérir et sauvegarder des droits. Que vaut en effet cette référence à l'universalisme si elle devient la meilleure manière de camoufler des inégalités qui persistent ? Pourquoi, jusqu'en 1945, la démocratie française a-telle exclu les femmes ? Pourquoi, aujourd'hui encore, la France est-elle la lanterne rouge en Europe dans le domaine de l'égalité politique ? La représentation des femmes au sein des assemblées élues est affligeante : 5 % au Sénat, 11 % à l'Assemblée nationale ; c'est bien loin d'être le reflet de ce qu'elles représentent à tous les niveaux de la société.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Dans le domaine économique, le bilan n'est pas meilleur. La proportion des femmes chute vertigineusement lorsque la hiérarchie et les responsabilités s'élèvent. Les chiffres présentent les mêmes caractéristiques depuis des décennies et témoignent même d'une certaine régression.

Pourtant les femmes n'ont pas manqué de faire leurs preuves, et ce en tous domaines.

Devant la réalité du chômage, alors que certains s'empressent de les rappeler aux travaux de la maison, au devoir familial, elles font face dans les pires conditions, mais sont toujours plus nombreuses à vouloir accéder à une activité salariée.

On ne peut comprendre et accepter les discriminations criantes qui continuent à imprégner la vie politique et économique dans notre pays. Nous souscrivons donc pleinement à la volonté de sortir de cette impasse en créant les conditions de concrétiser l'objectif de parité.

En interpellant un des principes fondateurs de la République, la question de la parité porte le fer au coeur même des institutions sociales et témoigne qu'il est grand temps de débusquer les causes profondes des discriminations sexuelles.

Nous pensons en effet que la seule bonne volonté des partis politiques ne suffit pas. Et même si certains partis veulent s'engager dans cette voie, le mode de scrutin, selon les élections, peut bloquer leur aspiration.

Si chacun peut reconnaître que la parité est aisée pour les élections de listes, le respect du principe est autrement plus complexe à assumer dans les scrutins uninominaux.

C'est pourquoi nous sommes résolument pour le mode de scrutin à la proportionnelle.

Pour ma part, je suis fière d'appartenir à un parti qui respectera la parité lors du prochain scrutin européen.

Je veux croire que l'affirmation de la parité dans l'article 3 de notre Constitution contribuera à donner un souffle nouveau pour tendre vers l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays.

Cependant, je reste dubitative quant à la modification apportée à l'article 4 relatif aux partis politiques. En effet, si j'ai bien compris l'orientation de la majorité sénatoriale, il s'agirait de permettre une modulation du financement des partis politiques en fonction de leur détermination à tendre vers l'objectif de parité. Cette « parité d'aubaine » ne nous convient pas bien. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur cette importante question à l'occasion de décisions législatives.

Persuadés que cette réforme est urgente et nécessaire, les députés communistes voteront le texte tel qu'il nous est proposé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe radical, citoyen et vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette réforme tant attendue semble enfin aboutir, dans la mesure où notre Assemblée votera conforme le texte qui nous revient du Sénat. A ce stade de la procédure, avant son adoption solennelle en Congrès, je souhaite dire combien le travail parlementaire a été fructueux et sérieux.

Comme l'a rappelé Josselin de Rohan, la navette parlementaire améliore les textes parce qu'elle supprime ambiguïtés et imprécisions, qu'elle définit plus clairement la portée des dispositions légales, qu'elle concilie des points de vue qui paraissent irréductibles. Ce faisant, elle devient véritablement l'expression de la volonté générale.

Tout au long de ce débat, aucune des deux Assemblées n'a oublié l'essentiel. Nous sommes tous conscients de la sous-représentation des femmes dans la vie politique.

Cette constatation n'est pas flatteuse pour la France, et, sans présenter une nouvelle fois la situation maintes fois exposée, il suffit de dire de nouveau que, cinquantecinq ans après le droit de vote et d'éligibilité accordé aux femmes par le général de Gaulle, nous sommes tout simplement à l'avant-dernier rang en Europe quant à la représentation des femmes dans les parlements nationaux.

Jusqu'à ce jour, nos deux Assemblées étaient d'accord pour inscrire dans la Constitution le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électifs mais les moyens d'y parvenir différaient. Le Sénat a préféré, dans un premier temps, l'inscrire à l'article 4, considérant qu'il revenait aux partis politiques de mettre en oeuvre cette réforme, tandis que l'Assemblée nationale a choisi de l'inscrire à l'article 3 afin de lever l'obstacle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le retour au texte initial ne peut que vous satisfaire, madame la garde des sceaux, même si vous n'aviez pas retenu cette solution lorsque nous l'avons proposée avec mon collègue Baguet, le 16 février dernier. En effet, dans un esprit de conciliation et pour faire avancer notre débat, et surtout gagner du temps, nous avons, dès la deuxième lecture, souhaité le retour au texte initial. Cette proposition voulait dédramatiser le débat que certains avaient souhaité envenimer. Nous sommes donc tout à fait satisfaits que cette ébauche de compromis soit aujourd'hui retenue.

Ainsi, l'article 3 de la Constitution sera complété par un nouvel alinéa : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Cette rédaction laisse, en effet, plus de liberté au Parlement dans le choix des mesures législatives.

Les sénateurs ont repris, à l'article 4, ce qu'ils avaient voté en première lecture. Les partis politiques devront contribuer à promouvoir le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. C'est une contribution utile à la réforme engagée. Ainsi, est inscrite la responsabilité des partis politiques en la matière. Cette disposition permet d'adopter un texte plus équilibré et plus réaliste.

Une meilleure représentation des femmes dans nos assemblées est une exigence que le groupe RPR défend avec conviction. Le recours à la loi est nécessaire et cette révision constitutionnelle améliorera la place de la femme dans notre société, à n'en pas douter. En effet, les discriminations ne touchent pas que le monde politique et il faut faciliter l'accès des femmes à toutes les responsabilités.

Si, aujourd'hui, nous parlons de la représentation des femmes en politique dans nos assemblées, il y a encore bien des inégalités dans d'autres domaines. Dans le secteur privé, 70 % des employés sont des femmes, 30 % des cadres et sur ces 30 % seulement 50 % sont des cadres supérieurs. Elles sont à peine 14 % de chefs d'entreprise de plus de dix salariés tandis que seuls des hommes sont à la tête des 200 premières entreprises françaises.

Nous pouvons faire le même constat dans la fonction publique et le récent rapport de Mme Colmou le confirme. Elles occupent rarement des postes de responsabilité : sur 109 préfets, 5 femmes ; sur 30 recteurs, 4 femmes ; sur 88 présidents d'universités, 4 femmes ; sur 201 membres du Conseil d'Etat, 4 femmes. Et, alors que la magistrature compte 48 % de femmes, sur les 35 pre-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

miers présidents de cour d'appel, on ne relève qu'une seule femme et aucune parmi les 35 procureurs généraux.

Mme Colmou explique que les freins à la progression des femmes sont dans les faits et non dans le droit. Aujourd'hui, il revient aux politiques de prouver le contraire, et notamment au Gouvernement de donner l'exemple avec les nominations de hauts fonctionnaires en conseil des ministres.

N'est-ce-pas le rôle premier du législateur de mettre fin aux inégalités qui ne peuvent se résorber naturellement ? Ne lui revient-il pas d'assurer le bonheur à la fois de ses concitoyens et de ses concitoyennes ? Cette révision constitutionnelle sera un formidable levier pour faire évoluer les mentalités et les comportements. Face à un déséquilibre si flagrant entre la représentation des femmes dans le monde politique et la réalité sociologique et face à une évolution si lente, des mesures volontaristes sont indispensables. Comme je l'ai déjà dit, renforcer la place des femmes dans la vie politique est une exigence de démocratie, de justice et de bon fonctionnement du pays. Aucune grande démocratie n'a inscrit jusqu'à ce jour de telles dispositions dans sa loi fondamentale. Réduire l'inégalité en introduisant plus de mixité, voilà l'enjeu de cette réforme.

Mais la promotion de la femme en politique ne peut se réaliser sans sa promotion au sein de la société. Le vote de cette loi va permettre une participation effective et égale des femmes à la vie politique de notre pays. Souhaitons surtout qu'elle soit le point de départ de la reconnaisance et de la promotion de la femme dans bien d'autres domaines.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les gaullistes ont toujours oeuvré à l'amélioration de la condition de la femme afin qu'elle soit toujours plus autonome et qu'elle soit tout simplement l'égale de l'homme. En votant la révision constitutionnelle, le groupe RPR dit clairement et solennellement que les femmes ne sont pas une catégorie de la population mais une des deux composantes, absolument égales en dignité, de l'humanité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat que nous avons sur la parité aura eu le mérite d'aborder la situation des femmes dans notre pays et de répondre quelquefois aux questions les concernant.

Lors des débats, on a pu être alarmiste, insister sur les inégalités, sur la paupérisation croissante des femmes seules, regretter le manque de mesures concernant de meilleures conditions de travail, toutes déclarations utiles.

Mais ce qui me semble le plus important, après les différentes navettes entre le Sénat et l'Assemblée nationale, c'est de constater l'intérêt qu'a suscité la parité, et le bien-fondé de cette loi constitutionnelle.

La fonction de la loi dans la démocratie, c'est d'abord de remédier aux inégalités. La situation de la femme dans la vie publique en est une. Le sujet a été largement développé lors d'une précédente séance.

Notre texte a donc été modifié. Certes, il n'est pas aussi satisfaisant que celui que nous avions élaboré, mais les sénateurs n'en ont pas changé complètement l'esprit.

Leurs inquiétudes concernant le mode de scrutin ne pouvaient les conduire à rejeter complètement la parité. Il est vrai que, depuis une dizaine d'années, constitutionnalistes, sociologues, philosophes, associations et élus ont porté dans l'opinion la revendication de la parité, qui a rencontré ensuite un important succès auprès de la population.

Le Sénat a donc bien fait de rejeter les attitudes conservatrices développées lors de la première lecture au profit d'une attitude plus ouverte.

Ceux qui veulent imposer le principe d'égalité plutôt que la règle de parité doivent tout de même savoir qu'il faudra aller plus loin, veiller bien au-delà de la lettre de Constitution révisée et assurer aux femmes la possibilité d'exercer plus de responsabilités d'ordre politique, mais aussi économique, social, culturel et médical. C'est ce qui assurera au principe constitutionnel d'égalité un contenu pratique et concret.

Il appartiendra au Gouvernement et aux parlementaires que nous sommes d'éliminer les risques que présente une application étroite et restrictive de la loi constitutionnelle.

Les régimes électoraux appellent donc des aménagements auxquels nous devons réfléchir. Quant à nous, groupe socialiste, nous serons attentifs aux différents modes de scrutin et à l'étude de chacun d'entre eux dans l'application du principe de parité. Pour que la démocratie puisse véritablement s'exercer, il nous faut promouvoir la participation équilibrée des femmes et des hommes dans la prise de décisions ainsi qu'une façon d'appliquer cette parité.

Ainsi, la démocratie moderne n'est pas achevée, il reste encore plus d'une réforme à opérer, ici et dans les partis politiques pour en accomplir l'édification.

Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous franchissons une étape supplémentaire dans la construction d'un Etat de droit. C'est pourquoi nous voterons ce texte tel qu'il nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

M me Nicole Ameline.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'organisation de la société dépend très directement de la décision politique, qu'il s'agisse de l'organisation familiale, de la sécurité sociale, de la défense, de l'éducation ou de la vie des entreprises. Et, maintenir les femmes hors du champ politique, c'est priver notre société - nous en sommes tous convaincus - de l'avis, du regard et des idées de la moitié de l'humanité.

La politique doit être non seulement l'art de gérer les crises, mais aussi celui de proposer un projet de société.

La société est duale. Comment peut-on, en 1999, en décider les choix d'une manière aussi partielle et univoque ? La loi est donc ici pleinement dans son rôle d'innovation et de transformation de la société. Il s'agit d'une d émarche solennelle, nullement infamante, bien au contraire, qui donnera une traduction politique et juridique au principe d'égalité contenu dans le préambule de la Constitution.

La loi doit-elle déterminer ou favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ? La question fondamentale n'est assurément pas celle-ci. Elle est d'abord celle de savoir si nous sommes tous d'accord sur l'objectif, l'égalité des chances, sur le moyen, la voie législative, sur la procédure, la révision de la Constitution.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Précisément, le Sénat et l'Assemblée nationale se retrouvent aujourd'hui sur l'essentiel : accélérer l'histoire et adapter la démocratie française à notre temps. Certes, la formulation initiale, retenue par l'Assemblée en première lecture et confirmée en seconde lecture, avait l'avantage de préciser le texte et la portée de l'intervention législative. Mais la modification votée par le Sénat, qui a repris la logique et la lettre de la rédaction initiale, n'en altère pas le sens. Nous nous y sommes d'ailleurs montrés favorables en seconde lecture.

Cette affirmation solennelle répond donc à l'anachronisme criant qui frappe notre société - est-il besoin de le rappeler ? C'est également l'aboutissement d'un combat de près de vingt ans qui a traversé nos rangs et a réuni bien au-delà des clivages partisans.

Je ne sous-estime pas les critiques qui ont visé ce texte d'origine philosophique, politique ou juridique, elles ont souvent tendu à nier la nécessité comme l'opportunité d'une réforme constitutionnelle. Sans rouvrir ce débat, je rappellerai simplement que le principe républicain évoqué, celui de l'indivisibilité de la souveraineté, conduit à un paradoxe : au nom de l'égalité juridique, la Constitution met un frein à l'égalité réelle, par ailleurs affirmée, dans le Préambule.

Je ne sous-estime pas non plus les arguments développ és à l'appui de cette thèse de l'universalité qui condamne toute discrimination. Mais, encore une fois, peut-on se satisfaire de la discrimination négative de fait qui frappe aujourd'hui l'immense majorité des femmes ? Evidemment non. Or si, politiquement, ce débat est récurrent depuis des années, du point de vue constitutionnel, il est clos depuis 1982, et, quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur la motivation de la déci-s ion du juge constitutionnel, cette jurisprudence a condamné toute évolution réelle vers l'égalité.

Je me réjouis donc que nous ayons surmonté tous ces obstacles et que le Parlement ne résonne plus d'arguments d'un autre âge sur ce sujet essentiel. Car ne pas réviser la Constitution, ne pas ouvrir un nouveau champ législatif dans ce domaine, reviendrait à accepter le statu quo, c'est-à-dire l'inacceptable : une exception française, constitutive d'une véritable régression sociale et politique, au moment précis où nous avons un double rendez-vous avec le temps un siècle nouveau - et avec un espace nouveau - l'Europe.

Sans être un modèle, l'Europe, et singulièrement la France, ont en effet des valeurs de modernité, de démocratie, de civilisation à défendre et à exporter, même si et ce n'est pas non plus un paradoxe négligeable - certains régimes d'inspiration monarchique ou organisés en castes paraissent aujourd'hui plus ouverts aux femmes que notre démocratie française.

En termes juridiques, je souhaiterais que ce débat comme vous l'avez fait à l'instant, madame la garde des sceaux - éclaire le sens et la portée de la formulation retenue, afin que l'emploi du terme « favoriser » n'introduise pas, par son ambiguïté, une nouvelle incertitude au regard du contrôle exercé par le juge constitutionnel.

Je reprends, à cette fin, l'analyse développée par notre collègue Claude Goasguen en première lecture devant la commission des lois et qui visait précisément à souligner l es risques liés à cette insuffisance terminologique, ouvrant un réel pouvoir d'appréciation et ne préservant pas les textes à venir de la sanction éventuelle du juge. La proposition de notre groupe allait donc dans le sens d'une plus grande clarté, traduisant la force de l'engagement pris.

S'agissant de la modification apportée par la Haute Assemblée à l'article 4, même s'il faut remarquer qu'il est parfois plus facile de modifier les textes que de changer les états d'esprit, il faut bien reconnaître que le rôle des partis doit rester essentiel. Ils sont et doivent être porteurs de la modernisation de la vie politique, au risque, sinon, de perdre toute représentativité, donc toute crédibilité.

Mais ils ne peuvent en porter seuls la responsabilité. Du reste, ce constat et ce débat récurrent, mais aujourd'hui en voie de concrétisation, ont déjà, me semble-t-il, favorisé l'émergence d'une nouvelle prise de conscience. Qui i maginerait, demain, une liste européenne dont les femmes seraient largement absentes ou reléguées à des places marginales ?

Mme Véronique Neiertz.

On se le demande...

Mme Nicole Ameline.

L'adaptation des modalités de financement à la place réellement faite aux femmes, malgré les réserves qu'un tel procédé peut aussi suggérer, s'inscrit donc bien dans ce dispositif. Encore une fois, serait-il plus infamant de faire progresser notre démocratie en s'appuyant sur la loi que de laisser se pérenniser un système partial, qui n'a cessé, au fil du temps, de se reproduire lui-même ? Sans reprendre non plus ce débat, rappelons que, dans ce domaine comme en d'autres, nous avons toujours beaucoup de mal à sortir de nos schémas de pensée classiques ou conservateurs pour nous ouvrir à la modernité.

A force de se fixer des objectifs sans se donner véritablement les moyens de les atteindre, notre pays risque de manquer cette adaptation rapide et nécessaire au monde qui nous entoure. En effet, je n'ai perçu dans les diverses critiques qui ont été adressées à ce texte aucune ébauche de solution, et je me réjouis que le Sénat ait dépassé ses premières réserves pour faire avancer notre démocratie.

Nous approuvons naturellement le texte qui nous est soumis.

S'agissant précisément de la disposition relative aux p artis politiques, j'ajouterai simplement qu'elle doit dépasser la composition des listes électorales et viser l'ensemble des actions et initiatives servant l'objectif d'égalité des chances. Ainsi, tout ce qui peut servir au niveau de la formation et de l'information est un chantier immense.

On le sait, en effet, le poids de la culture sociale et politique dominante dans ce pays a souvent engendré une culture de résignation, voire de renoncement chez les femmes. Ce texte doit donc agir comme un signal fort auprès de celles qui en politique, comme dans l'exercice de responsabilités professionnelles, ont eu parfois trop tendance à renoncer par avance.

J'ai conscience que l'ouverture politique et juridique que nous réalisons ne peut naturellement modifier en un instant ce que les siècles ont forgé. Pour autant rien ne pouvait justifier que nous acceptions cette stagnation politique. En la circonstance, le droit doit précéder les faits.

D'autres freins existent. Ils ont été rappelés à cette tribune. Nous les connaissons bien. Ils sont liés à notre organisation sociale et familiale.

Si l'objectif que nous poursuivons tous est clair - parvenir à ce que l'accès des femmes aux responsabilités politiques s'effectue sans autre obstacle que les choix de carrière librement décidés - les conditions de vie et de travail ne permettent pas toujours ces choix, loin s'en faut.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

La décision que nous prenons donc aujourd'hui est indissociable d'une réflexion approfondie sur les handicaps sociaux ou professionnels qui freinent les femmes dans leur engagement et minorent souvent leur ambition.

Je pense au nécessaire réexamen de la politique familiale, dont nous souhaitons naturellement voir renforcer l'équilibre : elle doit favoriser de nouveaux espaces de liberté et permettre ainsi aux femmes de réaliser leur choix éducatif, tout en préservant leur chance de poursuivre une carrière professionnelle et politique.

Il faudra des solutions neuves, concrètes, imaginatives qui permettent dans tous les domaines l'aménagement du temps de travail, le retour à l'emploi, les congés formation, la gestion des carrières, et donc de favoriser les choix et les possibilités de réussite personnelles et professionnelles. Notre société a tout à gagner d'une implication plus forte des femmes dans le processus de décision.

J'irai même plus loin : la réhabilitation du politique passe par cette évolution. L'adhésion massive des Français à cette réforme - plus de 80 % - marque la volonté de nos concitoyens de voir le milieu politique en phase avec la réalité sociale et de voir ainsi se réduire ce que l'on peut considérer comme une fracture politique.

L'avenir des femmes en politique n'est donc pas un combat de pure forme. Il est au coeur d'une évolution profonde. Il participe de l'idée selon laquelle redonner du sens à la politique c'est d'abord rendre du pouvoir aux Français et aux Françaises.

Le groupe Démocratie libérale a pris acte des engagements et des affirmations de Mme la garde des sceaux et des éclaircissements du Premier ministre, notamment sur les modes de scrutin, et il s'en félicite. Il est depuis longtemps favorable au principe de cette réforme...

M. Pierre Forgues.

Il existe depuis peu !

Mme Nicole Ameline.

... et, avant lui, le président Giscard d'Estaing qui aura marqué, je pense, son septennat du sceau de la modernité.

Pour moi, le vote de ce texte est aussi l'aboutissement de l'action de toutes les associations qui militent depuis toujours pour la parité.

Au lendemain de la journée de la femme, et à la veille des élections européennes, cette décision prend un relief particulier. Elle ouvre des perspectives neuves et bien réelles aux femmes de France.

Ce siècle s'est ouvert sur le courage des femmes, qui ont assumé des responsabilités énormes sans y être vraiment préparées, notamment pendant la Première Guerre mondiale. Il s'achève sur ce progrès, qui les fera entrer, je l'espère, tête haute et avec fierté, dans le troisième millénaire, dans la nouvelle modernité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Marie-Françoise Clergeau.

C'est une récupération !

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous touchons au terme d'un processus à l'évolution longtemps incertaine, d'un combat interminable qui s'achève enfin, puisqu'en principe, dans les mois prochains, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles, va être appelé à consacrer une étape nouvelle et capitale de la libération de la femme en France.

A l'issue d'un vote, va se trouver ainsi couronné en quelques heures ce qui paraissait de toujours une utopie et qui tenait encore, voici peu, du domaine de l'impensable. La parité assurant ou favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives va figurer comme une obligation sacrée inscrite dans la loi fondamentale, même si nous savons bien qu'avec cette décision véritablement historique que nous allons prendre, sans distinction de tendance ou d'appartenance politique, l'oeuvre de libération n'en sera pas pour autant accomplie puisqu'il restera notamment à conquérir l'égalité dans la vie professionnelle, dans les administrations et les entreprises.

De la même façon, si la bataille de la parité est en passe d'être gagnée au plan de la loi et du droit, elle ne l'est pas tout à fait, en dépit des apparences, dans les esprits. Derrière des adhésions publiquement exprimées se cachent encore des tonnes de réticences qu'il faudra s'attacher à apprivoiser, en laissant le temps au temps mais en nous adossant au fait établi de notre présence en plus grand nombre, à nous les femmes, dans les instances de décisions politiques. Et c'est bien.

Pourtant l'évolution des esprits semblait à certains moments proprement désespérante. Et puis le mouvement s'est déclenché, tout s'est accéléré. Une accélér ation qui a été spectaculaire ces toutes dernières années. Et il faudra bien, pour en comprendre la raison, que sociologues et politologues prennent un jour la peine et le temps d'en faire l'analyse et d'approfondir la question.

Maintenant, les choses semblent devenues simples et la barre est franchie. Dans le même ordre d'idées je voudrais donner mon sentiment sur deux questions qui se posent : Pourquoi modifier la Constitution ? et comment les femmes vont-elles réagir ? Pourquoi modifier la Constitution ? J'aimerais, sous ce rapport, revenir sur un problème qui semble aujourd'hui réglé dans son principe sinon dans sa forme : celui de l'intervention, dans le débat, du législateur, voire du législateur suprême.

Fallait-il pour parvenir à la parité entre les femmes et les hommes pour l'accès aux fonctions électives passer par la loi et aller jusqu'à réformer la Constitution ? Cela ne fait pour moi aucun doute ! Dans la conservation des privilèges et des positions de p uissance, l'affirmation de principes n'est que le commencement d'une évolution qui s'annonce inéluctable. Mais elle ne suffit pas par elle-même à imposer une réforme décisive aux tenants d'un ordre établi.

Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que, des Lumières philosophiques qui ont régné pendant plus d'un siècle sur la pensée en exaltant les notions de liberté et d'égalité, il ne serait resté que des mots si n'était pas survenue la Révolution de 1789. Ce n'est que par cet acte créateur du changement qu'a été donné un tour concret à ce qui n'était au mieux, si belles qu'elles fussent, qu'intentions et abstractions.

Il en est allé de même pour l'esclavage, qui vous touche moins peut-être, mais dont vous comprendrez que je parle puisque je suis d'un pays où le fléau a sévi durant près de trois siècles. Ce système inique n'a cessé d'être condamné en tant qu'atteinte à la dignité humaine. Mais, là encore, il a fallu une révolution. Une deuxième ! Car, si celle de 1789 avait proclamé l'abolition de l'esclavage, elle n'avait pu l'imposer dans les faits. Il a fallu donc attendre 1848, une autre révolution, pour en venir à bout.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Pourquoi ces états d'asservissement par abus et domination séculaires fondés sur les différences de races ou de classes auraient-ils été plus difficiles à éradiquer que le maintien en éternel état d'infériorité de la femme ? Déjà, il a fallu, voici plus d'un demi-siècle, que, solennellement, la Constitution de 1946 intervienne dans son préambule pour consacrer « l'égalité des droits entre les hommes et les femmes dans tous les domaines ». De même, a-t-il fallu, pour imposer le droit de vote des femmes dont l'Assemblée consultative d'Alger avait le mois précédent adopté le principe, que la loi dise son mot avec l'ordonnance promulguée en avril 1944 par le général de Gaulle.

Rien ne dit que, sans la Constitution, qui en avait deux ans plus tard proclamé le caractère obligatoire, on n'aurait pas été tenté un jour de revenir en arrière sous le poids des conservatismes masculins.

C'est pourquoi je crois - et nous militons en ce sens depuis quelques années à l'île de la Réunion - que, pour mettre fin à la quasi-exclusion des fonctions de responsabilités politiques considérées comme un domaine réservé au pouvoir établi des hommes, il ne faut pas moins, pour renverser la vapeur et rendre irréversible la situation nouvelle qui doit en résulter, que la Constitution en fasse commandement de manière souveraine et solennelle.

C'est la seule façon, sauf circonstances exceptionnelles, d'écarter toute tentation de retour en arrière. En effet, si grande soit-elle, l'idée à elle seule ne suffit pas. Il faut presque à tout coup l'accomplissement d'un acte fondateur pour instaurer un ordre nouveau.

Et l'autre question maintenant est de savoir comment les femmes vont réagir. J'ai bien conscience qu'avec ce que je m'apprête à dire je vais donner à certains l'impression d'aller à contre-courant. A contre-courant en tout cas de commentaires que j'ai lus ici ou là mais aussi de remarques que j'ai entendues et qui, à première vue, semblent inspirées par le dépit éprouvé devant un événement indésirable qui s'annonce.

Ces remarques et commentaires traduisent une idée générale qui est celle-ci : la parité, c'est bien, elle va être inscrite en bonne et due forme dans la Constitution.

Oui, mais à quoi va-t-elle pouvoir bien rimer si les femmes, les premières intéressées, ne trouvent elles-mêmes aucun intérêt aux chances de promotion qu'elle leur offre ? On leur apporte sur un plateau la possibilité de présenter leur candidature et désormais en grand nombre aux élections, la possibilité d'occuper des fonctions de responsabilité dans toutes les instances politiques. Et comment réagissent-elles ? On dirait qu'elles n'en ont rien à faire.

Selon un sondage, 17 % des femmes en France envisagent de s'engager dans la vie politique. Sur quoi, l'on ajoute avec des airs contrits : 17 % seulement ! Eh bien, non. Il y a tout lieu de conclure que ce taux traduit au contraire un grand enthousiasme de la part des femmes françaises. Sur ce tremplin de la parité, elles s'apprêtent, dans un non moins grand élan, à se précipiter en force dans la brèche qui va ainsi s'ouvrir après le Congrès pour l'exercice des pouvoirs électifs.

Décidées à monter en masse dans le train de la parité, elles vont, en se portant candidates en nombre égal à celui des hommes, faire que, du point de vue de la représentativité des femmes dans l'arène politique, la France cesse d'être la lanterne rouge de l'Europe et de se retrouver à l'avant-dernière place, juste devant la Grèce.

On dirait qu'elles sont impatientes de rattraper le retard et qu'elles ont bien l'intention de saisir l'occasion qui leur est offerte enfin d'être présentes et actives au sein des instances et des assemblées où se prennent les décisions, dont elles étaient pour la plupart soigneusement tenues jusqu'ici à l'écart.

Qu'est-ce qui me permet de m'avancer ainsi ? C'est que ces 17 %, j'en fais, pour ma part, une tout autre lecture que celle qui consiste à dire que ce n'est vraiment pas beaucoup.

On compte dans ce pays environ 22 millions et demi de femmes de plus de dix-huit ans. On ne peut pas, chacun le sait, aux toutes premières années de ces tranches d'âge se porter candidate à tout type d'élections. Qu'à cela ne tienne. Si on applique à ce chiffre de 22 500 000 le pourcentage de 17 %, on aboutit à un effectif de femmes prêtes à entrer dans l'arène politique égal à environ 3 800 000.

Trois millions huit cent mille candidates potentielles aux divers scrutins qui désormais se présenteront. Pour moi, c'est impressionnant et c'est énorme.

M. Robert Pandraud.

Cela fait beaucoup ! Il y aura de la concurrence.

Mme Huguette Bello.

En brut, ces 17 % à eux seuls signifient qu'en France, une femme sur six se dit prête à entrer dans cette autre bataille qui, après la victoire de principe, va préparer la concrétisation de la parité. Ce n'est pas mal, je crois.

M. Robert Pandraud.

C'est trop !

Mme Huguette Bello.

Et il serait intéressant de comparer ce qui se passe, à ce même titre, du côté des hommes.

Alors, de grâce, disons plutôt aux femmes françaises

« Bravo, bravo et encore un grand bravo ».

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Très bien !

Mme Huguette Bello.

Cette parité, vous la vouliez ? Vous l'avez - enfin, presque. Et vous ne cachez pas que vous êtes décidées à en faire un bel instrument de rééqui librage d'une société qui, politiquement parlant, n'en finissait pas d'aller en boitillant, à force de marcher éternellement toujours sur une seule jambe.

En tant que dirigeante depuis plus de vingt-cinq ans d'une organisation féminine, l'Union des femmes de la Réunion qui, elle-même, a fêté l'an dernier son quarantième anniversaire, je voudrais, pour terminer, ne pas chercher à cacher le bonheur que je ressens à voir aboutir cette réforme.

Aussi me permettez-vous de saluer d'abord les femmes de mon île. De les saluer avant de rendre hommage à toutes les femmes de France sans la volonté desquelles on n'assisterait pas aujourd'hui à ce qui, à travers la parité, va constituer une véritable révolution culturelle dans ce pays, contribuant à replacer la France aux premiers rangs des nations militant pour la libération des femmes et à la donner en exemple au reste du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Nicole Ameline.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Robert Pandraud.

Enfin un homme ! (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec un plaisir tout particulier


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

que je m'adresse à vous aujourd'hui pour cette troisième lecture du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Ce débat parlementaire, que nous avons commencé dans la sérénité le 15 décembre dernier, va pouvoir, après bien des vicissitudes, se terminer dans la sérénité, avant sa ratification par le Congrès, je l'espère, dans un avenir proche.

Je me réjouis en pensant à toutes ces femmes qui bénéficieront enfin d'un signe fort du monde politique et à ce débat porté sur la place publique qui pourra peut-être faire avancer leur situation en général.

C'est aussi un succès pour notre démocratie qui sort grandie de ces semaines d'échanges d'idées. Les articles, les professions de foi, les publications attestent de la passion que suscite ce sujet dans notre société, même si l'excès parfois a pu dénaturer le fond.

Nous sommes tous d'accord sur le constat. Il est urgent d'avancer et aujourd'hui les atermoiements et les cris des derniers irréductibles ne sont plus possibles.

« L'exception française » en la matière n'est pas glorieuse. Les femmes sont sous-représentées, non seulement en politique, mais aussi dans la classe dirigeante aussi bien publique que privée ; le rapport d'Anne-Marie Colmou sur les femmes dans la haute fonction publique est venu tristement nous le confirmer.

Au-delà des postes à responsabilité, qu'elles revendiquent légitimement, les femmes peuvent apporter beaucoup à l'ensemble de notre société, y compris, contrairem ent aux certitudes anciennes, dans le secteur économique. Ainsi, Béatrice Majnoni d'Intignano, dans un rapport du conseil d'analyse économique récemment publié, déclare que, loin d'aggraver le chômage, comme on le leur a souvent reproché, elles sont une source de dynamisme économique du pays et contribuent très largement à son enrichissement. Elle ajoute qu'à partir du moment où la garde de leurs enfants est adaptée à leur situation personnelle, non seulement elles ont le nombre d'enfants qu'elles souhaitent, mais, en plus, elles sont particulièrement performantes. Voilà bien des poncifs qui s'effondrent. On aurait eu bien tort de rester sur des positions politiques si décalées, n'est-ce pas ? A l'image de nos débats, les réponses des Français, quand on les interroge sur leurs souhaits et sur les méthodes à utiliser pour atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, sont souvent contradictoires. Le sondage réalisé début mars par BVALa Croix révèle en effet que 74 % des Français approuvent le principe d'une loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes - ils sont même 80 % dans le sondage CSALa Tribune - mais, dans le même temps, il sont 76 % à considérer que

« c'est à la société de faire évoluer spontanément l'égalit é des sexes ».

Au fond, tout est ici résumé. Il aurait été bien, il aurait même été normal que la seule évolution de la société permette une réelle égalité des chances entre les femmes et les hommes. Mais, devant l'extrême lenteur, voire, pour certaines périodes, la régression observée, il devenait indispensable de s'engager fermement, de créer une dynamique. C'est ce que nous signifient les chiffres ici rappelés. Ce doute émis sur la capacité de la classe politique à faire elle-même avancer la situation des femmes n'est pas très flatteur. Il mérite même que l'on s'interroge loyalement sur notre propre fonctionnement. Aussi faut-il rendre hommage au Président de la République et au Premier ministre d'avoir initié cette démarche volontariste.

Je tiens aussi à souligner, comme je l'avais déjà fait lors de mon intervention en deuxième lecture, le sérieux du travail des sénateurs et le sens de l'ouverture dont ils viennent de faire preuve. Ils ont permis au débat de s'enrichir en laissant s'exprimer des opinions divergentes, ce qui est tout de même l'un des fondements de la démocratie.

Aujourd'hui, il faut clore cette phase du débat et avancer. Le groupe UDF-Alliance propose de reprendre le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture parce qu'il constitue une avancée significative et ouvre une issue digne pour nos deux assemblées.

Certes, ce texte est moins volontaire que celui qui avait été voté par l'Assemblée nationale en première et en deuxième lecture. Il propose d'inscrire à l'article 3 de la Constitution que la loi « favorise » - et non « détermine », comme nous l'avions voté dans cette assemblée l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Mais peu importe le mot, car modifier l'article 3 de la Constitution de 1958 demeurait indispensable pour lever le verrou d'inconstitutionnalité opposé par le Conseil constitutionnel aux différentes mesures envisagées aussi bien en 1982 que, dernièrement, en janvier 1999.

En première lecture, les sénateurs avaient souhaité seulement modifier l'article 4 de la Constitution relatif aux partis politiques. Ils ont été alors aussitôt l'objet d'attaques injustes et excessives ; leur sagesse légendaire prouve aujourd'hui que leurs détracteurs d'hier ont été par trop impulsifs.

Toutefois, fidèles à leur analyse, pas totalement fausse, il faut le reconnaître, selon laquelle les partis politiques sont largement responsables de la sous-représentation des femmes dans la sphère politique, les sénateurs ont adopté en deuxième lecture un texte qui conserve cette modification de l'article 4 et c'est une bonne proposition ! Le texte a, par ailleurs, supprimé toute idée de financement public des partis politiques. Y faire référence dans la Constitution n'était, il est vrai, ni indispensable, ni cohérent dans son esprit. Mais, pour que vive l'égalité des chances entre les femmes et les hommes d'accéder à la vie p olitique, des solutions plus contraignantes que de simples déclarations de principe devront être trouvées.

Aussi, le groupe UDF-Alliance, au travers de la proposition de loi de Alain Ferry et Pierre Albertini visant à modifier la loi de 1988 relative à la transparence de la vie politique, a-t-il fait des suggestions dont nous souhaitons qu'elles soient soutenues.

A ce point du débat, il serait peut-être temps d'ouvrir le suivant. Et il serait opportun que le Gouvernement révèle rapidement ses projets pour favoriser activement l'augmentation des femmes dans la vie politique.

Je voudrais rappeler les inquiétudes du groupe UDFAlliance sur les éventuelles intentions ou peut-être les volontés dissimulées de certains, notamment du Gouvernement, de modifier à cette occasion les modes de scrutin.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Les propos récents du premier secrétaire du parti socialiste ne sont pas pour nous rassurer...

Mme Martine David.

Cela vous obsède !

M. Pierre-Christophe Baguet.

... même si le Premier ministre s'est efforcé, il y a quelques instants, un peu difficilement tout de même, de justifier que lui, c'était lui, et que le premier secrétaire était le premier secrétaire. Cet exercice ne faisait pas ressortir une totale cohérence. Ce manque de clarté est inquiétant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Pour terminer, je relierai une nouvelle fois ce débat à celui de la politique familiale. Je regrette d'ailleurs que la ministre de l'emploi et de la solidarité soit en train de présenter son projet de couverture maladie universelle, en ce moment même, à la commission des affaires sociales.

Vous ne m'enlèverez pas de l'idée qu'une politique familiale, et non pas seulement une politique sociale, comme celle que le Gouvernement mène en ce moment, qu'une véritable politique familiale...

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Ce n'est pas le jour !

M. Pierre-Christophe Baguet.

... cohérente, stable sur le moyen terme et ambitieuse, reste le moyen le plus efficace de permettre aux femmes non pas de retourner à la maison, ce débat est terminé...

Mme Nicole Bricq.

Nous l'espérons !

M. Pierre-Christophe Baguet.

... mais de mener à bien l'ensemble de leurs souhaits, à savoir s'épanouir comme femmes et comme mères, tout en trouvant leur véritable place dans notre société.

Mme Yvette Roudy.

Il ne faut pas tout mélanger !

M. Pierre-Christophe Baguet.

C'est, en effet, en aidant les femmes à organiser leur quotidien, en leur permettant d'alléger leurs tâches matérielles par des aides fiscales judicieuses que l'on pourra traiter une partie de leurs difficultés.

Mme Yvette Roudy.

Et les pères ?

M. Pierre-Christophe Baguet.

En cette période de déclaration fiscale, quand on pense qu'au-delà de ses six ans, il n'est plus possible de déduire de son impôt les frais de garde occasionnés par un élève, il y a de quoi laisser rêveur, surtout lorsque l'élève ne va à l'école que vingt-sept heures par semaine et trente-deux semaines par an !

Mme Muguette Jacquaint.

Et que pensez-vous de l'inégalité des salaires ?

M. Pierre-Christophe Baguet.

Sous ces réserves maintes fois renouvelées, mes chers collègues, le groupe UDFAlliance votera en l'état le texte transmis par le Sénat.

L'égal accès des femmes et des hommes à la seule vie politique n'est pas tout, mais c'est un début significatif.

Et aujourd'hui, le monde politique de bonne volonté, que nous représentons tous, veut donner au pays un signal fort pour que nos enfants et nos filles, demain, n'aient pas à rougir de nos actes.

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Roudy.

Mme Yvette Roudy.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je commencerai par remercier tous ceux et celles qui ont réussi à nourrir un tel débat sur la parité dans le pays qu'aujourd'hui nul n'ignore que la France est la dernière de la classe européenne en matière de représentation des femmes dans les lieux politiques, bien que le mot « parité » et ce n'est pas le moindre - ne figure pas dans le projet approuvé par le Président de la République, le Premier ministre, l'Assemblée nationale, 80 % des Français et des Françaises et le Sénat.

Mais on peut, et même on doit s'interroger sur les causes de cette honteuse exception française.

J'en distinguerai six, mais on pourrait en trouver d'autres.

D'abord, je parlerai de la loi salique, chère à Clovis, qui, en France, exclut les femmes de toute succession au trône et le comte de Paris y est très attaché. (Sourires.)

Ensuite, j'évoquerai l'action des hommes de la Révolution qui interdirent aux femmes, par un vote, l'accès à la sphère politique. Le rapport Amar adopté par les conventionnels le 9 brumaire de l'an II, c'est-à-dire novembre 1793, refusait aux femmes l'exercice des droits politiques, l'activité gouvernementale et même le droit d'association.

Il y a eu un vote. Que ceux qui s'étonnent que nous demandions aujourd'hui une loi sachent qu'il y en eut pour interdire aux femmes l'accès de la sphère politique.

En mythifiant la Révolution française, nous avons fini par glorifier une sorte d'injustice et une inégalité manifeste.

Troisièmement, souvenons-nous du code Napoléon qui a instauré un véritable apartheid qui réduisait la femme au statut semblable à celui des fous et des enfants. Notre Empereur disait élégamment que la femme avait été donnée à l'homme comme l'arbre à fruits au jardinier.

Il faut aussi parler de la faiblesse et de la division du mouvement des femmes en France et de l'attitude des partis politiques français. Contrairement à ce qui se passe dans les pays scandinaves, pays protestants où les associations féminines et féministes sont puissantes, où les femmes ont largement dépassé 40 % de la représentation politique et où les partis reconnaissent et respectent le mouvement des femmes, dans le nôtre, les partis politiques ont si peur du féminisme qu'ils écrasent tout embryon d'organisation des femmes par la dérision et la mise à l'écart des personnalités les plus fortes et souvent la mise en avant de celles dont on sait bien qu'elles ne bousculeront pas l'ordre établi.

Cinquièmement, il faut mentionner un autre frein, celui de l'église catholique romaine qui s'exprime et se manifeste à chaque fois qu'il est question de laisser à la femme la liberté de choisir le moment de ses naissances.

Cela joue aussi un rôle. La culture protestante des pays nordiques, à cet égard, est beaucoup plus libérale et n'oublions pas qu'il existe dans le Nord des femmes pasteurs.

Chacun de ces points mériterait d'être développé.

Enfin, pour terminer, je parlerai de la culture dans laquelle nous baignons, dès l'instant où nous venons au monde. Sait-on quelle est la part et les effets de l'exaltation de la virilité érigée en valeur dans les violences qui frappent les femmes un peu partout ? Le texte dont nous achevons la discussion aujourd'hui est composé de la proposition du Gouvernement complétée par celle du Sénat. Il autorisera donc des mesures positives en faveur des femmes. C'est le but de notre exercice. Reste à définir les grandes lignes de la loi future d'application et le calendrier.

J'ai parlé, lors de la première discussion parlementaire, de sanctions financières à l'encontre des partis qui ne feraient pas d'efforts significatifs de féminisation. On peut imaginer en même temps l'application immédiate de la parité pour les prochaines élections à la proportionnelle. Tous les scrutins à la proportionnelle, élections m unicipales comprises, devraient immédiatement comporter, un homme, une femme, ou inversement.

Pour les élections législatives, cantonales et surtout sénatoriales, ce sera plus difficile car on a dit qu'on ne modifiait pas les modes de scrutin. Les partis devront donc jouer le jeu et leur subvention devra être calculée, c'est crucial, en fonction des élus et non pas des candidats et des candidates.

Cependant, l'arbre de la parité politique ne doit pas cacher la forêt encore dense des handicaps en matière d'orientation, de formation, de métier, d'emploi, de salaire, et j'en passe.

Mme Muguette Jacquaint.

Oui, très juste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Mme Yvette Roudy.

... sans parler des charges familiales mal partagées ni des violences domestiques, autant de handicaps qui freinent la marche des femmes vers l'égalité des chances.

Il reste donc encore beaucoup à faire, à commencer par la création d'un ministère à part entière vous seriez déçus si je ne le disais pas ! - qui pourrait regrouper en son sein des services éclatés au point que quand on a une question à poser, on ne sait jamais très bien de quel côté se tourner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, pour les Verts qui pratiquent la parité depuis longtemps, le texte, un peu timide, que nous allons voter cet après-midi est un pas vers la parité mais ne sera qu'un affichage proclamatoire s'il n'est pas suivi rapidement de lois électorales proportionnalistes, madame Roudy...

M. Michel Hunault.

C'est clair !

M. Yves Cochet.

... déterminant, pour chaque scrutin, comment on promouvra concrètement l'égalité des candidatures ou, mieux encore, pas simplement l'égalité des chances mais la parité des élus.

Mme Yvette Roudy.

Je n'ai pas dit autre chose !

M. Yves Cochet.

C'est pourquoi certains états d'âme philosophiques, qui ont précédé et accompagné ce débat, m'ont paru parfois déplacés.

Celles et ceux, en effet, qui dans ce débat ont prôné une vision universaliste de la République affirment que la parité volontaire assimilerait la moitié de l'humanité à une communauté. Mais en présupposant cette universalité radicale, ils et elles - excluent les moyens d'abolir l'injustice faite aux femmes.

C'est cet immense hiatus que la parité veut abolir. Le discours universaliste a fini par achopper sur son paradoxe fondamental : en projetant un universalisme plat et conceptuel sur une montagne d'injustice, il perpétue d'exclusion des femmes et condamne toute évolution.

Il apparaît donc évident que la moitié de l'humanité ne saurait être assimilée à une communauté et que l'injustice faite à la moitié de l'humanité concerne l'humanité tout entière.

Mme Martine David.

C'est vrai !

M. Yves Cochet.

La parité est l'instrument actif de la concrétisation de l'égalité. C'est la prochaine étape que de la systématiser, tant sur plan linguistique que par des lois électorales et par un encadrement législatif plus strict certaines pratiques - par exemple, d'embauche à temps partiel.

Mais ne nous leurrons pas, l'issue se trouve dans l'évolution des mentalités et, là encore, beaucoup de chemin reste à parcourir, tant pèse lourd la domination masculine dont les plus lâches et les plus caricaturales manifestations ont récemment visé une ministre qui cumulait le triple handicap de représenter une nouvelle formation politique, d'être une femme et de vouloir s'attaquer à un puissant lobby. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Yvette Roudy.

Trop puissant !

M. Yves Cochet.

Pierre Bourdieu l'a bien montré, dans son essai récent, les formes de la domination masculine s'exercent pour l'essentiel par des voies symboliques, par des modes de pensée, par des structures historiques héritées de l'ordre masculin. Seule une action politique peut contrer cet ordre social androcentrique, seule une action politique peut mettre fin à la complicité objective entre les structures incorporées et les structures des grandes institutions, notamment la nôtre, où s'accomplit et se reproduit non seulement l'ordre masculin, mais en fait l'ordre social tout entier.

Reste donc aussi à articuler le public et le privé. Tant que 93 % des hommes échapperont au repassage, par exemple...

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M. Yves Cochet.

... et tant que cela paraîtra normal, nous aurons à relier notre travail politique à un travail sur nos représentations mentales collectives.

Bref, la parité est peut-être bien, au bout du compte, une question très masculine ! Enfin, madame la rapporteur, mesdames les ministres, bien sûr, les députés Verts voteront ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous avions espéré une réunion du Congrès le 8 mars, Journée internationale de la femme, pour adopter cette révision constitutionnelle indispensable qui nous réunit pour la troisième fois. C'eût été un beau symbole, une inscription forte dans l'histoire des femmes, la preuve de la capacité politique à maîtriser le calendrier, le mouvement de l'histoire, voire l'organisation de la pensée et des esprits.

Il a fallu composer avec les réticences et le conservatisme du Sénat mais, finalement, c'est heureux. Tirons-en les enseignements et la force de tracer les perspectives d'avenir porteuses de progrès pour la dignité des femmes.

Tout d'abord, c'est la preuve que la seule volonté politique, fût-elle largement partagée par le Premier ministre, le Gouvernement, le Président de la République, par la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale, par toute la gauche sénatoriale et quelques sages de cette Haute Assemblée, heureusement éclairés, ne peut suffire à infléchir le cours de l'histoire, ne peut surmonter totalement les résistances institutionnelles. On nous avait pourtant assurés qu'elles tomberaient d'elles-mêmes à force de conviction, de volonté ou d'habitudes.

Non, les inégalités entre les femmes et les hommes ne peuvent, en France comme ailleurs, se résorber naturellement, par une forme de progrès continu et spontané ! Toujours, il faudra veiller à réduire la forte tolérance aux inégalités qui frappent la moitié de notre humanité. Les parcours individuels d'exception ne changent rien à l'affaire. Ils lui servent même d'alibi. Le Sénat en a heureusement convenu le 4 mars dernier.

Deuxièmement, à la troisième lecture, ces allées et venues entre l'Assemblée et le Sénat auront permis de développer un large débat public, riche en surprises et rebondissements, tellement divers et puissamment argumenté qu'aujourd'hui plus personne ne peut légitimement prétendre qu'il serait acceptable que l'universalisme républicain soit incarné dans sa neutralité par un citoyen essentiellement masculin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

De ces deux mois de débat très ouverts, c'est la nécessité de veiller par la loi à l'organisation de l'égal accès des femmes et des hommes à la représentation nationale, régionale, départementale, communale, européenne, qui sort victorieuse.

Après s'être caricaturalement discréditée le 26 janvier dernier, la deuxième assemblée a su écouter les voix montant du peuple, fortement relayées par nos amis sénatrices et sénateurs de gauche. Qu'ils en soient publiquement remerciés et assurés de notre hommage fraternel. Ces convaincus du nécessaire objectif de parité dans la vie publique n'ont pas ménagé leur force de conviction ni leur résistance à la cotonneuse et néanmoins méprisante ambiance misogyne et phallocrate qui s'exprimait avec cette mâle certitude véhémente dont nos collègues sont capables à la tribune, encouragée par certaines signatures prestigieuses et ponctuée de plaisanteries lourdes comme on ne les aime pas.

La calme détermination de notre rapporteuse, Catherine Tasca, a su maintenir le cap de la révision constitutionnelle sur l'article 3 où, finalement, le Sénat, dans sa grande sagesse, nous a rejoints, adoptant le texte initial qui avait recueilli le soutien du Gouvernement et celui du Président de la République.

La forte conviction exprimée sans relâche par notre groupe et par les ministres, au premier rang desquels Elisabeth Guigou et Nicole Péry, ici présentes, a été indéfectiblement soutenue par l'ensemble du Gouvernement et très fortement réaffirmée par Lionel Jospin lui-même, tout particulièrement avant-hier, 8 mars, journée internationale de la femme.

Ainsi, en acceptant de voter les textes tels qu'ils nous reviennent du Sénat, nous ferons le geste utile, attendu par la très grande majorité de nos concitoyens, qui marquera de façon déterminée l'évolution des mentalités et des comportements, assurant aux femmes et aux hommes le réel partage, à égalité, dans la solidarité et la fratern ité, de la modernisation de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et de groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis très sincèrement du ton consensuel de cette troisième lecture.

Madame Gillot, bien sûr, ce n'est pas le congrès du 8 mars que l'on pouvait espérer. Mais c'est une troisième lecture du 10 mars, et nous en sommes fort heureux. J'ai bien noté que vos regards se tournaient déjà vers l'avenir et vous avez raison, puisque la parole reviendra au législateur.

Madame Jambu, vous posiez la question du financement public des partis politiques. Ce sujet viendra vraisemblablement sur notre route en direction de la parité, pour sanctionner des comportements qui ne respecteraient pas la loi.

Les uns et les autres, vous avez mentionné qu'il reste de nombreuses inégalités. J'en avais parlé lors de la première lecture, je n'y reviens pas. L'orientation des filles, leur formation, la disparité des salaires, l'inégalité devant la formation tout au long de la vie sont des champs sur lesquels nous aurons à travailler, soit par voie législative, soit en imposant de nouveaux comportements.

Les chantiers sont d'une telle ampleur, avec des sujets de société qui nous tiennent à coeur comme la dénonciation des violences physiques faites aux femmes, qu'ils nécessitent réellement, au-delà des moyens d'un secrétariat d'Etat aux droits des femmes, une action conjuguée de l'ensemble des ministres du Gouvernement. C'est pourquoi j'ai proposé le 8 mars au Premier ministre d'instaurer un véritable partenariat sur un programme, avec un suivi et un bilan tous les 8 mars des engagements que nous prenons pour avancer sur l'ensemble des sujets de société que je viens très brièvement de rappeler.

Mesdames, messieurs les députés, merci une nouvelle fois pour le temps donné à ce débat. Je crois, comme vous, que c'est un moment extrêmement important dans notre histoire.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion des articles

M. le président.

Mes chers collègues, en application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi constitutionnelle sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Articles 1er et 2

M. le président.

« Art. 1er .- L'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté).

« Art. 2.- L'article 4 de la Constitution est compété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi. »

(Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

(L'ensemble du projet de loi constitutionnelle est adopté.)

M. le président.

Je constate que tous les votes ont été acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je tiens d'abord à remercier tous les groupes de cette Assemblée qui, à chacune des trois étapes, ont unanimement soutenu cette réforme. Je veux dire à mes amies et à mes amis à quel point je suis heureuse que nous ayons pu conduire à bien cette réforme. Maintenant, il faut une application concrète. En tout cas, c'est pour Nicole Péry et pour moi un jour de grand bonheur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du Citoyen et Vert ainsi que sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3 ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière (nos 1244, 1420).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 5.

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - Les caisses d'épargne et de prévoyance sont dirigées par un directoire sous le contrôle d'un conseil de surveillance. Ce dernier prend le nom de conseil d'orientation et de surveillance.

« Le conseil d'orientation et de surveillance est composé de dix-sept membres au minimum.

« Il comprend, dans des conditions prévues par les statuts :

« - des membres élus directement par les salariés de la caisse d'épargne et de prévoyance ;

« - des membres élus directement par les collectivités territoriales, sociétaires de groupements locaux d'épargne affiliés à la caisse d'épargne et de prévoyance ;

« - des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance. Ne sont pas éligibles à ce titre les collectivités territoriales ou leurs représentants, ni les salariés de la caisse d'épargne et de prévoyance.

« Dans chaque conseil d'orientation et de surveillance, le nombre des membres élus par les salariés est identique à celui des membres élus par les collectivités territoriales et ne peut être supérieur à trois.

« Les membres du directoire sont proposés par le conseil d'orientation et de surveillance. Le directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance s'assure qu'ils présentent l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate pour cette fonction, et propose leur agrément au conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. Lorsque celui ci a délivré l'agrément, le conseil d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance procède à la nomination des membres du directoire.

« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 45 de la loi du 24 janvier 1984 précitée, l'agrément peut être retiré par le conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, sur proposition de son directoire et après consultation du conseil d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance concernée. Le retrait d'agrément emporte révocation du mandat de l'intéressé. »

La parole est à M. Aloyse Warhouver, inscrit sur l'article.

M. Aloyse Warhouver.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mes chers collègues, je tiens d'abord à exprimer un regret : celui de voir disparaître des conseils d'orientatione t de surveillance les représentants des communes, l esquels permettaient d'assurer une bonne prise en compte par les caisses des intérêts de l'économie et du développement local.

Je sais, par expérience, que les directoires n'ont pas toujours apprécié la présence parfois dérangeante des maires ruraux au sein des conseils. Toutefois, la nouvelle disposition tendant à limiter à trois le nombre des élus représentants des collectivités ne permettra pas, selon moi, de soutenir les orientations fixées dans l'article 1er , c'est-à-dire le financement de projets d'économie locale et sociale.

Bien sûr, l'article 6 fait obligation aux caisses d'épargne d'affecter les sommes disponibles au financement de tels projets, mais, entre l'obligation légale et le choix des opérations, il y a une marge, et elle est grande ! En tout cas, les trois représentants des collectivités territoriales devront s'assurer que les caisses s'intéressent davantage à l'économie sociale.

Pour illustrer mon propos et pour vous rendre sensible à ce qui se passe dans les milieux ruraux, monsieur le ministre, je citerai l'exemple de la plus ancienne coopérative ouvrière de France : la cristallerie de Hartzwiller, en Moselle. Cette entreprise, qui date de 1931, recherche vainement des garanties financières auprès des caisses, alors que la menace de sa disparition se fait chaque jour plus criante.

Je souhaite donc que le nouveau projet de loi contribue à donner aux caisses d'épargne un peu plus de courage dans leurs interventions, tant nationales qu'internationales, et à faire en sorte qu'elles multiplient les interventions en faveur de l'emploi en général et des zones rurales en difficulté en particulier.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement no 17 est présenté par M. Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie g énérale et du Plan ; l'amendement no 254 par MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés ; l'amendement no 284 par

M. Mitterrand.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin du deuxième alinéa de l'article 5, supprimer les mots : "au minimum". »

Pour soutenir l'amendement no 17, je donne la parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Par cet amendement, il s'agit de lever une imprécision du texte quant au nombre des membres des conseils d'orientation et de surveillance, et qui tient à la présence dans le texte de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

l'expression « au minimum ». Il semble suffisant de limiter les COS à dix-sept membres, avec une représentation de trois membres pour les salariés et de trois membres pour les collectivités territoriales.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement no 254.

M. Jean-Pierre Brard.

Nous souhaitons que la composition des conseils d'orientation et de surveillance ne soit pas pléthorique, car se serait préjudiciable à leur fonctionnement. La bonne marche de ces organes devrait nous incliner à limiter le nombre des représentants qui y siègent. En conséquence, nous demandons que le nombre des membres des COS soit limité à dix-sept au maximum.

M. le président.

Je présume que l'amendement no 284 de M. Mitterrand est défendu.

M. Jean-Louis Dumont.

Il l'est, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 17, 254 et 284.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa de l'article 5, après le mot "salariés", insérer le mot "sociétaires". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il paraît normal que les salariés qui siégeront dans ces COS, marquant ainsi leur volonté d'être des acteurs de la vie des caisses d'épargne, soient des sociétaires. Cet amendement tend à le préciser.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements i dentiques. L'amendement no 135 est présenté par MM. Jégou, Paecht et Gengenwin ; l'amendement no 212 corrigé par M. Cabal et M. Yves Deniaud.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin du cinquième alinéa de l'article 5, substituer aux mots : "groupements locaux d'épargne affiliés à la caisse d'épargne et de prévoyance" les mots : "la caisse d'épargne". »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 135.

M. Jean-Jacques Jégou.

Etant donné la discussion qui a eu lieu hier, mon amendement tombe, monsieur le président.

M. le président.

En effet, monsieur Jégou, votre amendement no 135 tombe, de même que l'amendement no 212 corrigé.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 203, ainsi rédigé :

« Après le sixième alinéa de l'article 5, insérer l'alinéa suivant :

« des membres élus par les associations relevant de l'économie locale et sociale, de la protection de l'environnement et du développement durable du territoire. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

C'est un amendement de « propagation », destiné à donner toute leur portée aux pétitions de principe que nous avons inscrites hier à l'article 1er

Par cet amendement, je propose donc de créer dans les C OS une sorte de quatrième collège composé de membres élus par les associations s'occupant d'économie locale et sociale, de protection de l'environnement et de développement durable du territoire. Ceux-ci siégeraient à côté des sociétaires, des salariés et des représentants des collectivités dans des proportions à déterminer. Nombre d'associations sont des acteurs majeurs de l'économie locale et sociale, de la protection de l'environnement et du développement durable du territoire. Dans la mesure où l'on met l'accent sur ce type de missions, ces associations pourraient avoir leur place au sein des COS.

Il est prévu que chaque COS sera composé de dix-sept membres. En réservant onze places pour les sociétaires, il en restera six qui pourraient être attribuées de la façon suivante : deux pour les salariés, deux pour les collectivités, deux pour les associations. La participation de ces dernières ne peut que dynamiser le sociétariat et contribuer à mettre en oeuvre des projets d'économie locale, sociale et environnementale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Cet amendement, retiré en commission et redéposé au titre de l'article 88, a été repoussé. En effet, les associations qui se préoccupent d'économie sociale, et qui ont éventuellement la personnalité morale, peuvent constituer un groupement local d'épargne de dix personnes et avoir ainsi la possibilité d'être représentées au sein des COS.

Instituer un collège supplémentaire, alors que la création de trois collèges constitue déjà une dérogation par rapport aux dispositions de la loi de 1947, ne paraît pas utile à la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Chacun comprend bien l'intention de M. Cochet.

Il est vrai que nous avons tous tenu - tel est d'ailleurs le sens du vote que l'Assemblée a émis hier - à faire en sorte que les projets d'économie locale et sociale et le développement durable du territoire fassent précisément partie des missions d'intérêt général. Toutefois, il paraît assez difficile de morceler le conseil. D'autant que, comme l'a rappelé à l'instant le rapporteur, nous sommes déjà dans une situation dérogatoire, puisque les coopératives issues de la loi de 1947 n'ont que des sociétaires.

Je considère qu'il est souhaitable de créer deux collèges pour représenter les salariés et les collectivités locales, mais j'estime que la création d'un troisième collège ouvrirait la porte à un morcellement complet. De plus, cela conduirait à créer une sorte d'inégalité entre les associations qui ont ce type de vocation et les autres.

P armi les missions d'intérêt général figure, par exemple, la lutte contre l'exclusion bancaire. Imaginons que se créent des associations dont c'est la vocation spécifique : elles voudront, elles aussi, être représentées ès qualités ! Accepter votre amendement monsieur Cochet, risquerait de nous faire entrer dans le cadre d'un schéma difficile à respecter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Il me semble que l'accent que nous avons mis sur les associations s'occupant de développement local et de développement durable, d'une part, et la vivacité même de ces associations sur le territoire, d'autre part, devraient leur permettre d'être représentées.

Il était bon que nous ayons un débat sur cette question pour souligner l'importance que chacun d'entre nous y accorde. Mais, honnêtement, je ne vois pas comment nous pourrions ensuite refuser à tel ou tel parlementaire qui attacherait lui plus d'importance à telle autre mission, la création d'un collège pour les associations qui soutiennent la dite mission. En retenant cet amendement, nous risquons d'entrer dans un système difficile à gérer.

Je vous propose donc de retenir votre idée de faire en sorte que, parce qu'il s'agit d'une des composantes importantes de l'intérêt général, les associations porteuses de cette préoccupation puissent, d'une manière ou d'une autre, se faire représenter par l'intermédiaire du système normal sans que nous instaurions pour autant une quelconque forme de quotas. Je sais bien que les quotas ont aujourd'hui droit de cité, et tout particulièrement dans cette assemblée, mais il ne faut pas les généraliser : ce serait mettre le doigt dans un engrenage dangereux.

Je vous demande donc, monsieur Cochet, de bien vouloir retirer votre amendement, sinon, je ne pourrais malheureusement pas le retenir.

M. le président.

Monsieur Cochet, répondez-vous au voeu du Gouvernement ?

M. Yves Cochet.

Je note avec satisfaction que c'est le Gouvernement qui répond au mien. En effet, le ministre, comme le rapporteur, a souligné le rôle éminent dévolu aux associations nombreuses et multiples, pour porter des projets locaux.

Lorsqu'on observe les trois collèges actuels, on a l'impression qu'ils sont plutôt formés, peut-être pas de gestionnaires, mais de personnalités qui ne sont pas en tant que telles, d'un point de due ontologique, porteuses de projets, alors que les associations, elles, sont faites pour cela, c'est-à-dire pour porter des projets de développement local, social, environnemental. Le Gouvernement et le rapporteur l'ont souligné : ces associations peuvent en effet former des GLE et intervenir dans ce domaine.

Le débat a, je crois, montré l'intérêt que le Gouvernement portait à cette question, et je retire mon amendement.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vous en remercie.

M. le président.

L'amendement no 203 est retiré.

MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 268, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le septième alinéa de l'article 5 :

« Dans chaque conseil d'orientation et de surveillance, le nombre des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires est identique à celui des membres élus par les collectivités territoriales et ne peut excéder six. »

Le défendez-vous, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard.

Bien sûr, monsieur le président, je suis même venu pour ça. (Sourires.)

Il est important que le nombre des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires soit le même que celui des membres élus par les collectivités territoriales, c'est-àdire six au plus. La configuration du conseil de surveillance serait ainsi la suivante : six sièges pour les sociétaires, six sièges pour les collectivités territoriales et cinq pour les salariés. Une telle composition permettrait aux déposants du livret A et aux collectivités de détenir ensemble la majorité des sièges, tandis que les salariés obtiendraient ainsi une représentation supérieure à celle initialement prévue dans le projet de loi.

L'intérêt d'adopter cet amendement serait de nous faire gagner du temps et de nous éviter de discuter des deux suivants dont je suis l'auteur. (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission n'a pas adopté cet amendement, car il est satisfait.

Si j'ai bien compris l'exposé sommaire de son amendement, M. Brard souhaite que les clients des caisses d'épargne et les représentants des collectivités locales détiennent la majorité des sièges au sein du conseil. Or, cet amendement est déjà satisfait, puisque le nombre des membres du COS élus par les sociétaires permet de constituer une majorité avec les collectivités territoriales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les trois amendements que M. Brard a présentés à l'article 5, et qui sont un peu en dégradé l'expression d'une même préoccupation, présentent un avantage et un inconvénient. Or il faut toujours choisir entre les deux.

L'avantage, c'est de permettre une représentation plus importante, notamment, des collectivités locales, éventuellement des salariés.

Et dans la mesure où nous voulons que ce réseau d'économie sociale soit au plus près du terrain, on voit bien l'intérêt d'une plus large représentation des collectivités locales.

A l'inverse, ces amendements présentent l'inconvénient de nous éloigner, dans une certaine mesure, de la pureté du système coopératif, qui veut que, a priori, celui-ci ne comporte que des sociétaires. Et j'ai beaucoup entendu hier, pendant la discussion générale, les représentants de différents groupes, notamment de la majorité, et particulièrement de celui auquel vous êtes apparenté, monsieur le député, souligner la nécessité de se tenir au plus près, certes du terrain, mais aussi de la coopération.

Comme nous ne pouvons pas faire les deux à la fois, nous avons choisi un équilibre qui vaut ce qu'il vaut - et je reconnais volontiers qu'il est arbitraire -, mais qui me semble préserver assez largement la possibilité de continuer à considérer ces structures comme coopératives.

Je ne voudrais pas que les coopérateurs soient insuffisament représentés - il y a déjà une dérogation pour introduire d'autres collèges, ne l'oublions pas -, car cela pourrait finir par mettre en cause la réalité même du caractère coopératif des caisses d'épargne. Et comme tout le monde a rejoint le Gouvernement sur l'idée que cette structure coopérative était finalement la meilleure possible, je crains que nous ne dénaturions un peu le projet en introduisant trop de représentants des collectivités locales.

Ayant bien pesé les avantages et les inconvénients de ce que vous proposez, monsieur Brard, je suis plutôt d'avis de ne pas modifier la structure proposée par le texte, d'autant que, comme l'a rappelé le rapporteur, votre premier amendement est satisfait.

M. le président.

J'ai bien compris que le Gouvernement n'était pas favorable à l'amendement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le ministre, vous fonctionnez plutôt sur le principe du tiers exclu, si j'ai bien compris.

Vous voulez être au plus près du terrain et voilà au moins un point d'accord entre nous. Or le terrain est habité par les sociétaires, mais aussi par les représentants des collectivités qui ont la légitimité du suffrage universel et qui, mieux que quiconque, représentent l'intérêt général - et quand je dis mieux que quiconque, ce n'est pas par opposition aux sociétaires. Pour ma part, je propose de conjuguer deux vertus : celle de sociétaire et celle de représentant d'une collectivité territoriale.

« Tout bien pesé », avez-vous dit. Eh bien, je pense que nous n'avons pas la même idée de la balance de Roberval. Moi, je mets sur chaque plateau le même nombre de représentants, afin d'avoir un parfait équilibre entre les sociétaires et les représentants des collectivités territoriales. Vous, vous faites pencher un plateau ; ce n'est pas équilibré.

Mme Nicole Bricq.

Il y a des balances électroniques maintenant !

M. Jean-Pierre Brard.

En tout cas, celle-là est mal réglée.

(Sourires.) Je maintiens donc mon amendement.

S'il était rejeté, j'espère que nous trouverions un moyen terme avec l'un des amendements suivants.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Juste un mot sur Roberval ! (Sourires.) Nous avons bien la même balance, monsieur Brard. Mais comme je tiens à préserver les principes qui fondent ce texte, il m'a semblé qu'il ne fallait pas qu'il y ait un déséquilibre trop prononcé entre le nombre des représentants.

A l'heure actuelle, il y a onze représentants des sociétaires et trois des collectivités, soit un rapport supérieur à 20 %. S'il y a un déséquilibre, il joue déjà largement en faveur des collectivités locales si l'on considère le capital détenu.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 268.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 255, ainsi libellé :

« Après le mot : "salariés", rédiger ainsi la fin du septième alinéa de l'article 5 : "est fixé à 3, celui des membres élus par les collectivités territoriales est fixé à 5". »

Vous l'avez défendu, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard.

Pas tout à fait, et je voudrais profiter de l'occasion pour répondre au ministre.

Il y a quelque chose qui ne se mesure pas en pourcentage, monsieur le ministre, c'est l'autorité morale. Et l'autorité morale des élus, qui repose sur la légitimité du suffrage universel, ne peut pas évidemment être, d'une façon triviale, réduite à quelque pourcentage dans des parts de sociétés ! Comme nous ne pouvons pas nous en tenir à cette arithmétique quelque peu sommaire, je demande à l'Assemblée d'adopter mon amendement. Et à voir les hochements de tête de M. Gengenwin, j'en déduis qu'il va joindre sa voix à la mienne, ce dont je le remercie (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je suis contre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis. Contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 255.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 256, ainsi rédigé :

« A la fin du septième alinéa de l'article 5, substituer au chiffre : " trois " le chiffre " quatre " ».

Sur cet amendement de repli, dont nous pouvons considérer qu'il a été défendu, commission et Gouvernement ont donné leur avis.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. - Les sommes disponibles après imputation sur le résultat net comptable des versements aux réserves légales et statutaires, sont réparties par l'assemblée générale entre l'intérêt servi aux parts sociale s, les distributions opérées conformément aux articles 11 bis, 18 et 19 nonies de la loi du 10 septembre 1947 précitée, les mises en réserve et les affectations définitives au financement de projets d'économie locale et sociale du ressort territorial de la caisse d'épargne et de prévoyance. Les sommes mises en réserve doivent représenter au minimum le tiers des sommes disponibles telles que définies au présent article. Cette proportion peut toutefois être augmenté sur décision de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, au vu de la situation financière de la caisse d'épargne et de prévoyance dont il s'agit.

« Les projets d'économie locale et sociale doivent présenter à la fois un intérêt en termes de développement local ou d'aménagement du territoire et un intérêt en termes de développement social ou de l'emploi. Les sommes affectées au financement de ces projets ne peuvent excéder, pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, le montant total de l'intérêt servi aux parts sociales et des distributions effectuées conformément aux articles 11 bis, 18 et 19 nonies de la loi du 10 septembre 1947 précitée. Le choix des projets d'économie locale et sociale s'effectue en tenant compte des orientations définies par la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. »

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, inscrit sur l'article.

M. Jean-Louis Dumont.

Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué hier, après la discussion générale, combien vous teniez au développement des valeurs coopératives en ce qui concerne les caisses d'épargne.

S'agissant de la rémunération des parts sociales, de la capacité des caisses d'épargne à valoriser leurs réserves et à faire en sorte que les fonds propres leur donnent des capacités nouvelles d'investissement pour mener à bien des politiques d'économie locales solidaires, nous avons été entendus par le rapporteur Dominique Baert, puis-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

qu'il a proposé la suppression de l'article 37. Du reste, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'une réécriture de cet article était tout à fait possible.

Dans ces conditions, il nous faut, dans un souci de cohérence, supprimer les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 6. Cette suppression permettrait de m ontrer au mouvement de l'économie sociale que l'« impartageabilité » des réserves reste le dogme, dogme sur lequel s'est développée cette économie solidaire.

La loi de 1947, enrichie par la loi de 1992, a permis à certaines familles de l'économie sociale de se développer en faisant appel au financement d'autres coopératives, d'autres mutuelles - banques ou non -, d'autres membres du mouvement de l'économie sociale, avec ou non rémunération des ces apports. La modernisation du mouvement auquel on a assisté au cours de ces dernières années devrait donc vous convaincre, monsieur le ministre, qu'il n'y a pas loin entre la proposition du Gouvernement et ce que nous souhaitons sur tous les bancs de cette assemblée.

C'est pourquoi j'insiste pour que notre rapporteur entende ces arguments et puisse ainsi donner un avis personnel favorable à la suppression des deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 6.

Le dynamisme et la réussite des coopératives ont été relevés par M. le Premier ministre lors de l'assemblée de l'Alliance coopérative internationale, qui s'est tenue à Paris il y a quelques semaines. Hier, on a fait souvent référence au congrès de Manchester, qui s'est penché sur cette question, cruciale pour l'Europe, en tenant compte des particularismes de l'économie sociale dans chaque pays. Le congrès fait, dans ses conclusions, état de la progressivité de certaines mesures.

Une partie au moins, dit-on, du capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Il faut aussi tenir compte des objectifs et du développement éventuel par le biais de la dotation de réserve, dont au moins une partie est impartageable. Il s'agit là, monsieur le ministre, de prendre en compte toutes les différences du réseau européen.

Actuellement, une concertation européenne est engagée. Dans ces conditions, n'anticipons pas, montrons nos spécificités françaises et défendons-les jusqu'au bout ! Il y va de l'accroissement de la capacité des banques mutualistes et coopératives à faire face au développement et à la modernisation de l'économie de ce pays. (« Très bien » ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 251, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 6, supprimer les mots : "l'intérêt servi aux parts sociales".

« II. - En conséquence, dans la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, supprimer les mots : "de l'intérêt servi aux parts sociales et". »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Bien que le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière pose le principe d'une réforme des caisses d'épargne, il ne convient pas pour autant de faire table rase du passé des caisses.

Il nous semble que, dans le droit prolongement du passé des établissements, le caractère non lucratif des caisses d'épargne doit être derechef affirmé avec vigueur.

Je sais qu'il s'agit là d'un point de divergence entre nous, mais la majorité plurielle ne vit qu'en cultivant ses différences et en sachant les accorder entre elles.

On ne peut ignorer l'utilité publique du réseau de l'Ecureuil qui trouve, puisque le Gouvernement y montre son attachement, son expression dans la nouvelle rédaction de l'article 1er du projet de loi, laquelle énumère ses missions d'intérêt général.

Dans la perspective de la diffusion aux épargnants de 18 milliards de francs de parts sociales, on peut légitimement considérer que l'attrait des parts sociales se caractérise plus par la détention d'une partie, fût-elle symbolique, des caisses d'épargne que par la rémunération que ces parts sociales offrent éventuellement.

En toute objectivité, on peut considérer, au vu des sommes modestes déposées sur la majorité des livrets A, que les futurs détenteurs de parts ressentent une motivation plus affective que spéculative en direction de ce banquier de proximité particulier qu'est la caisse d'épargne.

Pour ces motifs, nous suggérons que les mots : « de l'intérêt servi aux parts sociales et » soient supprimés du texte de l'article afin que les fonds dont disposent les caisses d'épargne soient utilisés à bon escient, c'est-à-dire pour la réalisation de leur mission d'intérêt général, et non pour la rémunération des épargnants sociétaires.

Monsieur le ministre, nous faisons confiance à la qualité de la relation entre les caisses et les déposants ainsi qu'à l'altruisme et au sens de l'intérêt général des socié taires, valeurs que vous altérez en remettant en cause le c aractère non lucratif des dépôts dans les caisses d'épargne.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement sous le prétexte qu'il tend à instaurer une dérogation très forte par rapport au principe coopératif. M. Brard souhaite qu'aucun intérêt ne soit servi aux parts sociales. En lui répondant, je répondrai également à M. Dumont.

Les dispositions de l'article 6 ne prévoient pas d'encadrement strict des mises en réserve. Il y a fixation d'un minimum égal au tiers du résultat distribuable, ce minimum étant susceptible d'être augmenté sur décision de l'organe central. L'article 16 de la loi du 10 septembre 1947, qui régit la coopération, prévoyait déjà un minimum de mise en réserve égal à trois vingtièmes du résultat distribuable.

Le projet se borne à augmenter ce minimum en contrepartie du déplafonnement de la rémunération des associés. Cette augmentation de la proportion des mises en réserve répond à un autre principe coopératif : le développement de la coopération par la dotation en réserve.

Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là de sociétés de personnes réunies autour d'un objectif commun : un service bancaire ou une assurance. Selon le statut dont elles dépendent, la règle qui s'applique est celle d'un homme, une voix. Les apports en fonds propres réalisés sous forme de parts sociales s'analysent comme des prêts permanents à l'entreprise commune, rémunérés à un taux, comme le serait une obligation, et non en fonction des résultats de l'entreprise, comme le serait une action.

Une fois l'intérêt statutaire versé, l'activité commune génère un surplus, faute de quoi l'entreprise ne pourrait pas, bien entendu, se développer. C'est ce à quoi répondent les mises en réserve puisqu'elles accroissent l'efficacité de l'entreprise commune et, dans le cas d'une coopération financière, les réserves servent de fondement à la fois à la responsabilité solidaire des associés, à la sécurité des épargants et au financement du développement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

Ainsi, si l'on analyse bien les choses, qu'il s'agisse du service rendu, de la ristourne éventuelle que peuvent accorder les coopératives à leurs sociétaires ou de la mise en réserve, seul l'associé sociétaire bénéficie de l'activit é de l'entreprise sans qu'il y ait conflit d'intérêt entre l'actionnaire et le client puisqu'il est les deux à la fois.

C'est pourquoi il ne me paraît pas normal qu'aucun intérêt ne soit servi aux parts sociales. La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Brard, je me vois dans l'obligation de m'opposer à votre amendement, pour deux raisons.

La première a été évoquée par le rapporteur : les principes mêmes de la coopération, que M. Dumont a rappelés en faisant référence au congrès de Manchester, évoquent la juste rémunération des coopérateurs. Celle-ci peut s'évaluer à des montants différents, mais il est difficile de décider par principe que l'on ne rémunérera pas les coopérateurs, contrairement aux fondements mêmes de la coopération.

La seconde raison est plus ennuyeuse, si je puis dire.

Vous avez fait allusion au caractère non lucratif des caisses d'épargne. Je ne pense pas que les sociétaires à venir soient animés par l'esprit de lucre : ils voudront, vous l'avez dit vous-même, participer à la grande famille de la caisse d'épargne. J'en suis bien d'accord avec vous, ce n'est pas tellement le rendement qui les attirera. Il n'y aura donc pas là d'activité véritablement lucrative et la situation ne sera pas contradictoire avec la mission de la caisse d'épargne.

Cela dit, il y aurait une certaine injustice à ce qu'une personne qui dispose aujourd'hui de 30 000 francs sur son livret de caisse d'épargne et qui acceptera d'en distraire 1 000 pour prendre des parts de coopérative, ne soit pas rémunérée sur ces parts.

Alors que la Bourse, vous le constatez comme moi, fait des bonds considérables, on voudrait que les épargnants de notre pays, intéressés par les caisses d'épargne, et qui, pour nombre d'entre eux, sont modestes, ne soient pas rémunérés du tout ? Je ne peux penser une seconde que vous ayez à l'esprit de mettre en place une procédure dans laquelle la plus grande part des sociétaires - des épargnants modestes - se verrait privée de toute rémunération.

Il vaut mieux en rester aux sains principes de la coopération et laisser ouverte la possibilité de rémunération.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou, Je ne voudrais pas envenimer le débat, mais je constate que, chaque fois qu'il en a l'occasion, M. Brard pointe le bout de son nez pour dénaturer le projet de loi, à propos duquel nous avons, pour ce qui concerne le statut coopératif, donné notre accord.

Nous revenons sans cesse à la notion de « lucratif ».

A ce sujet, monsieur le ministre, vous avez fait un peu de sémantique. Il faut convenir que la langue française est riche et qu'elle s'y prête particulièrement bien. « Lucratif » vient de lucre. Ici, il ne s'agit pas de lucre, mais cela ne signifie pas que l'activité bancaire des caisses d'épargne ne puisse dégager quelques bénéfices du fait de la gestion et du travail des salariés, ces bénéfices allant abonder les réserves ou bénéficier aux sociétaires.

Monsieur Brard, nous nous connaissons bien et nous avons longuement discuté du sujet. Mais permettez-moi de vous dire amicalement que l'on ne peut, comme le font aussi les Verts, demander que, dans le cadre de la réforme des caisses d'épargne, soient financés des projets d'intérêt général sans reconnaître que les activités des caisses d'épargne permettront de dégager des financements pour la réalisation de projets que vous souhaitez vous-même. Je ne reviendrai pas sur le différend que nous avons eu hier, notamment avec M. Vila, sur le financement du logement social.

E n présentant de pareils amendements, monsieur Brard, vous poursuivez un objectif que l'on peut peutêtre respecter, mais qui n'est pas conforme à la philosophie du projet de loi. C'est pourquoi nous sommes contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Cochet, Mme Aschieri, MM. Aubert, Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 204, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 6, après les mots : "projets d'économie locale et sociale", insérer les mots : ", de protection de l'environnement et de développement durable du territoire". »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, je pourrais défendre en même temps, si nous n'y voyez pas d'inconvénient, les amendements nos 204 et 205 ainsi que le sous-amendement no 207.

A l'article 6, on retrouve à trois reprises l'expression :

« projets d'économie locale et sociale ». A l'article 1er , l'Assemblée a opté pour la formule : « projets d'économie locale et sociale, de protection de l'environnement et de développement durable du territoire », ainsi que je l'avais proposé.

Je propose cette fois que l'on introduise la formule à l'article 6, une fois au premier alinéa et deux fois au second.

Il importe en effet que le texte soit homogène : la même formule doit, en cas de besoin, se retrouver à tous les articles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je n'y suis pas opposé puisque nous avons choisi d'insérer la formule proposée par M. Cochet à l'article 1er

Mais faut-il vraiment rappeler la formule chaque fois alors que l'article 1er précise bien qu'une partie des ressources des caisses d'épargne financeront les projets dont nous parlons ? Il appartient à l'Assemblée d'en décider.

Personnellement, je le répète, je n'y vois pas d'inconvénient.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mentionner d'une façon répétitive les projets concernés ne me semble pas gênant en soi, d'autant plus que ce serait dans l'esprit de ce qui a été voté à l'article 1er . De ce point de vue, M. Cochet a raison.

Mais je ne voudrais pas qu'en voulant servir le développement rural et durable du territoire, nous aboutissions à une rédaction qui pourrait sembler à ceux qui la liront quelque peu redondante. Sur le fond, je ne vois pas d'objection à l'adoption de l'amendement. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 204.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 19 est présenté par M. Douyère, rapporteur, et M. Gantier ; l'amendement no 198, par

M. Gantier et M. Proriol.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 6, supprimer les mots : "du ressort territorial de la caisse d'épargne et de prévoyance". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

19.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de précision. Le projet prévoit que le dividende est affecté au ressort territorial des caisses d'épargne et de prévoyance. Or on voit bien que ces caisses, à travers les fondations qu'elles ont mises en place sur le plan national, participent déjà à des actions de lutte contre l'exclusion - je pense à la fondation Belem ou à l'association nationale Senior service écureuil. Elles sont aussi associées à la gestion de maisons de retraite.

Il nous paraît intéressant que chaque caisse d'épargne puisse participer non seulement à des actions dans son ressort territorial, mais aussi à des actions nationales.

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l'amendement no 198.

M. Marc Laffineur.

Cet amendement tend à élargir les actions des caisses locales en leur permettant de participer à des actions sociales nationales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 19 et 198.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

MM. Jean-Louis Dumont, Bourguignon, Mme Denise, M. Montcharmont, Mme PerrinGaillard, MM. Rouger, Terrasse, Terrier et Yamgnane ont présenté un amendement, no 299, ainsi rédigé :

« Supprimer les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 6. »

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

J'ai l'impression de ne pas avoir encore réussi à convaincre une majorité de mes collègues de voter cet amendement, qui tend à supprimer les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 6.

Dans une coopérative, l'organisation du capital, donc des parts sociales, relève de la loi du 13 juillet 1992. Cela permet, d'une part, de respecter le principe : un homme, une voix, une part sociale - y compris de cent francs.

Pour les caisses d'épargne, le chiffre serait peut-être un peu plus élevé.

Les militants de l'économie sociale qui sont dans cet hémicycle ont utilisé la faculté ouverte par la loi de 1992, en faisant appel à des personnes morales, banques ou non, collègues de l'économie sociale, qui apportent des capitaux. Ceux-ci finissent donc par détenir une grande partie du capital. On limite leur pouvoir stratégique aus ein du conseil d'administration et de l'assemblée générale.

La loi de 1947 et la loi de 1992 prennent bien en compte la nécessité d'une économie moderne et d'une capacité d'intervention avec un véritable capital et des fonds propres.

Il ne faut pas oublier la moralisation de la rémunération des ristournes aux parts sociales.

Je rappelle que, dans l'économie agricole - par exemple pour le lait et les céréales - ou dans l'économie plus solidaire - je pense à la CAMIF -, les ristournes annuelles sont calculées en fonction de l'activité du coopérateur avec sa coopérative, et non pas en fonction du nombre de parts sociales que celui-ci détient.

C'est toute cette culture qu'il faut prendre en compte.

Si j'insiste sur la suppression des deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 6, c'est que cette suppression serait un geste politique fort vers l'économie sociale.

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu hier soir votre argument en faveur d'une éventuelle réécriture, tenant compte de la culture générale et de la nécessité économique. Au-delà de tout ce que je viens de dire, j'aurais pu insister...

M. le président.

Non, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont.

J'en ai déjà terminé avec mes deux minutes ? Vous êtes dur, monsieur le président ! J'aurais pu faire référence aux articles 13, 14 et suivants. J'espère, mes chers collègues, vous avoir convaincus : les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article 6 sont néfastes pour l'économie sociale et, par conséquent, pour les caisses d'épargne.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement pour les mêmes motifs que précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne voudrais pas que M. Dumont ait le sentiment que je ne prends pas en considération ses arguments, mais j'ai du mal à comprendre sa position. La loi de 1947 disposait que les réserves devaient être égales à trois vingtièmes de l'excédent d'exploitation. Nous les faisons passer à un tiers, c'est-à-dire à environ sept vingt ièmes. C'est mieux ! Peut-on craindre qu'elles ne puissent dépasser cette proportion ? Non ! C'est un minimum et il sera toujours possible d'aller au-delà. Nous voulons que les caisses d'épargne soient solides et que les principes de la coopération soient respectés. Nous fixons un minimum de réserves supérieur à celui qui existait préalablement. Je ne vois donc vraiment pas où il peut y avoir une difficulté et et quel peut être l'inconvénient, à moins de vouloir des caisses peu solides, mais ce n'est absolument pas l'objectif que vous poursuivez, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Au contraire ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dans votre intervention sur l'article, vous avez évoqué le problème de l'impartageabilité des réserves. Je ne vois pas le rapport ! Personne ne parle de partager les réserves. Il s'agit de les alimenter davantage. Ne nous dites pas qu'il y a un risque de les voir diminuer. Personne n'en a envie ! La rédaction va donc dans le sens de ce que vous souhaitez, c'est-à-dire un minimum de mises en réserve obligatoire supérieur à celui fixé par la loi de 1947. Pour autant, ce seuil de 33 % n'est pas un blo-


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cage, ce sera non pas 33 % au maximum, mais 33 % au minimum. On pourra encore aller au-delà. Honnêtement, je ne vois pas où est la difficulté.

Il faut donc maintenir les lignes que vous proposez de supprimer et si vous ne retirez pas votre amendement, monsieur Dumont, je demanderai à l'Assemblée de le rejeter.

M. le président.

Le retirez-vous, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont.

Monsieur le ministre, ma détermination est grande sur cette question. J'entends bien votre argumentation. Il y aura d'autres lectures, d'autres analyses de votre projet de loi. Je m'efforcerai pour ma part d'affûter mon argumentation pour la suite.

A cet instant, je vais retirer mon amendement, mais nous serons très vigilants lors des lectures à venir, tant au Sénat que devant notre assemblée. En effet, votre attachement à l'économie sociale, à l'impartageabilité, aux valeurs fondatrices de ce mouvement nous fait grand plaisir, monsieur le ministre, mais je voudrais avoir l'assurance qu'il n'y a pas d'arrière-pensées du côté de Bercy.

(« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Est-ce possible ? (Sourires.)

M. le président.

L'amendement no 299 est retiré.

M. Cabal et M. Yves Deniaud ont présenté un amendement, no 213, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les deuxième et dernière phrases du premier alinéa de l'article 6 :

« Les sommes mises en réserve doivent représenter au minimum 50 % des sommes disponibles telles que définies au présent article. Cette proportion peut toutefois être diminuée ou augmentée sur décision de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, au vu de la situation financière de la caisse d'épargne et de prévoyance dont il s'agit. »

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Notre sensibilité est tout à fait différente. Nous croyons essentiel de garantir la solidité des caisses. En matière d'épargne populaire, notamment lorsqu'il s'agit des caisses d'épargne, la première des vertus est en effet la confiance que peuvent avoir les épargnants et, ultérieurement les sociétaires, dans la solidité des caisses.

Nous souhaitons donc que le montant minimum des sommes mises en réserve soit porté de 33 % à 50 % des sommes disponibles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission ar ejeté cet amendement. Les préoccupations de M. Deniaud sont satisfaites par les amendements adoptés précédemment. En effet, la rédaction actuelle prévoit que les sommes mises en réserve représenteront au minimum un tiers des sommes disponibles, mais que l'organe central pourra à tout moment augmenter cette proportion, donc la porter à 50 %, si la situation de la caisse l'exige.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Douyère a présenté un amendement, no 168, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa de l'article 6 par la phrase suivante : "Les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale, de protection de l'environnement et de développement durable du territoire ne peuvent être inférieures à l'intérêt servi aux parts sociales." » La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Une fois mis en réserve le tiers des sommes disponibles, il conviendrait que ce qui restera soit divisé en deux parties égales : l'une consacrée au développement des projets d'économie locale et sociale et l'autre affectée à la rémunération des sociétaires.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La question est de savoir comment nous voulons répartir les résultats des caisses. Le principe d'un tiers minimum de mise en réserve a été discuté à l'instant, je n'y reviens pas. Reste à savoir, ce que l'on fera des deux autres tiers - cela peut évidemment être moins que deux tiers si plus d'un tiers a été mis en réserve.

Comment veut-on organiser cette possibilité ? Pour ma part, je suis d'avis de trouver le moyen de garantir un minimum de rémunération des sociétaires tout en ayant l'assurance que les sommes affectées aux projets locaux et sociaux ne seront pas réduites de façon drastique. Loin de bloquer le système, nous pourrions laisser des possibilités plus larges que celles qui existent aujourd'hui.

L'amendement de M. Douyère introduirait sans doute une trop grande rigidité. Il me semblerait préférable de prévoir une fluctuation un peu plus importante.

L'amendement no 270 présenté par MM. Brard et Vila et l'amendement no 206 corrigé présenté par M. Cochet ont le même objet. Ces trois amendements visent en effet à répondre à la même question par des modalités différentes et, avant de donner définitivement l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 168, si vous le permett ez, monsieur le président, je souhaiterais avoir le sentiment des auteurs des deux autres amendements connexes pour que nous puissions trouver une solution commune. Cette procédure me conviendrait.

M. le président.

Elle me convient également ! Néanmoins, M. Cochet et M. Jégou ont demandé à intervenir sur l'amendement no 168.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Les amendements suivants portent sur le second alinéa de l'article 6, c'est pourquoi ils ne sont pas consécutifs à l'amendement no 168.

Je ne crois pas à la théorie des trois tiers, ou alors il faut que cela soit clairement précisé dans la loi. D'après le projet de loi, les réserves seront de 33 % au minimum.

Cela pourra être plus. Certains ont proposé qu'elles soient de 50 %. En cas d'urgence, la Caisse nationale pourra décider d'augmenter cette proportion. Que ferat-on du reste ? Mon idée rejoint celle de M. Douyère et de M. Brard. On pourrait en effet partager en deux ce qui restera alors que, selon la rédaction actuelle du projet, les sociétaires pourraient en percevoir l'essentiel et il pourrait ne rien rester pour les missions d'intérêt général.

C'est ce qui m'a effrayé. La somme affectée à ces missions risque de devenir epsilonesque. Nous proposons donc d'inverser la logique en précisant que les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale « ne peuvent être inférieures » à l'intérêt servi aux parts sociales, au lieu de « ne peuvent excéder ». Cela serait d'ailleurs conforme à l'esprit de l'article 1er qui met en exergue ces missions d'intérêt général. Cela ne signifierait pas pour autant que les sociétaires n'auraient pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

quelques dividendes, mais cela permettrait de préserver les missions des caisses d'épargne. D'autant que pour l'instant, concrètement, il n'y a pas beaucoup de missions locales, je ne parle pas du logement social.

L'amendement no 168 répond à la logique que je viens d'indiquer, mais M. Douyère propose d'ajouter la phrase en question à la fin du premier alinéa de l'article 6 alors que mon amendement et celui de M. Brard visent à la faire figurer au second alinéa relatif aux projets d'économie locale et sociale en remplaçant, dans cet alinéa, les mots « ne peuvent excéder » par les mots « ne peuvent être inférieures ».

Si les trois amendements sont adoptés, il risque d'y avoir redondance. Il faut donc choisir l'endroit où faire figurer cette phrase. Si nous décidons qu'elle doit être dans le premier alinéa M. Brard et moi-même pourrions cosigner l'amendement de M. Douyère, mais la phrase ne pourra alors figurer au second alinéa.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Pour la clarté des débats, je p récise que j'interviens contre l'amendement de M. Douyère.

L'amendement no 299 et l'amendement no 168 restreignent singulièrement le droit à la coopération. Notre lecture de l'article 6 n'est pas tout à fait la même. Dans u n premier temps, nous avons considéré, comme M. Cochet, d'ailleurs, que les difficultés pouvaient résider dans le deuxième alinéa, mais certainement pas dans le premier. Surtout, restons-en à la loi de 1947 ! Après cet article 6, nous examinerons d'ailleurs l'article 37, notamment, qui a pour but de repositionner le débat.

Notre débat a quelque chose de surréaliste. En effet, une partie de l'assemblée ne se contente pas de l'économie de ce texte et tente d'aggraver la situation des caisses d'épargne en ne leur permettant pas de gagner de l'argent et en discutant avec beaucoup de vivacité et d'espérance la distribution des bénéfices. Mes chers collègues, la meilleure façon de partager au mieux les bons résultats des caisses d'épargne, c'est de leur permettre d'être plus efficaces pour gagner plus d'argent. M. Brard sourit. Il sait que je n'ai pas tort, mais il ne le dira pas.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce serait bien la première fois que vous auriez raison ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Tout arrive, monsieur Brard ! Avant de partager les bénéfices des caisses d'épargne, nous d evons veiller à respecter la philosophie du texte.

Reconnaissez, monsieur le ministre, que nous avons une certaine continuité dans notre pensée ! L'article 6 laisse une liberté que nous devons maintenir pour qu'il y ait une bonne répartition. Monsieur Cochet, nous avons, nous aussi, la ferme intention d'utiliser une partie des bénéfices pour réaliser des missions d'intérêt général

M. Yves Cochet.

Il faut l'inscrire dans le texte alors !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous l'indiquez à tous les articles, il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir. En tout cas, il faut éviter de nous mettre dans une impasse.

L'article 6, tout au moins son premier alinéa, ne doit pas être modifié pour l'instant. Nous demandons donc le rejet de l'amendement de M. Douyère.

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 269, présenté par MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 6, après les mots : "locale et sociale", insérer les mots : "ainsi que les missions contenues à l'article 1er de la présente loi". »

L'amendement no 205, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 6, substituer aux mots : "ou d'aménagement du territoire", les mots : "ou de protection de l'environnement et de développement durable du territoire".

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no 269.

M. Jean-Pierre Brard.

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no 270.

M. le président.

Bien volontiers, ainsi la discussion sera regroupée. C'est ce que nous souhaitons tous ! Je suis saisi de deux amendements, nos 270 et 206 corrigé pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 270, présenté par MM. Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 6, substituer aux mots : "ne peuvent excéder pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, le" les mots : "ne peuvent être inférieures, pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, au double du". »

L'amendement no 206 corrigé, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 6, substituer aux mots : "ne peuvent excéder, pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance," les mots : "ne peuvent être inférieures, pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, au". »

Vous avez la parole, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

L'amendement no 269 est de cohérence, je n'y reviens donc pas.

L'amendement no 270 quant à lui va dans le même sens que les amendements de M. Douyère et de M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Doublement dans le même sens !

M. Jean-Pierre Brard.

Notre collègue Jean-Jacques Jégou a un grand mérite : il clarifie souvent le débat.

M. Arthur Dehaine.

Jusque-là, ça va !

M. Jean-Louis Dumont.

C'est après que les choses vont se gâter !

M. Jean-Pierre Brard.

Il clarifie le débat en utilisant des mots qui ont la signification contraire du sens qu'il veut bien leur donner.

(Sourires.)

Selon lui, adopter ces amendements serait restreindre le droit de la coopération.

A vrai dire, ce qu'il veut, c'est réduire les missions d'intérêt général à une peau de chagrin.

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais non !

M. Jean-Pierre Brard.

Et quand M. Jégou parle d'intérêt général, tout le monde entend « intérêt minimal ».

C'est évidemment là que passe entre nous la ligne de partage parce que M. Jégou et ses amis, nous le savons bien, souhaitent aller vers la banalisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Germain Gengenwin.

Vous exagérez !

M. Jean-Pierre Brard.

Non, je dis tout haut ce que vous pensez si fort que je l'ai entendu ! M. Jégou veut aller vers la banalisation des caisses d'épargne, disais-je, mais une telle position n'est pas vendable à l'opinion publique. Il veut donc faire sauter les verrous pour qu'en fin de compte les caisses d'épargne soient banalisées de fait et que leurs modalités de fonctionnement soient définies non par le législateur mais par leurs dirigeants. Or nous sommes ici pour faire la loi, pas pour laisser la bride sur le cou à des établissements aussi importants pour l'aménagement du territoire. C'est à nous qu'il revient de dire ce qu'il faut faire et de traduire par des modalités pratiques l'esprit de l'article 1er tel qu'il a été réécrit.

Vous avez fait allusion, tout à l'heure, monsieur le ministre, aux gens qui gagnent beaucoup plus en bourse qu'avec un livret de caisse d'épargne et vous m'avez dit :

« Ce n'est tout de même pas vous qui allez proposer de réduire la rémunération des petits épargnants ! » Seriezvous un peu sophiste ou casuiste ? Cela m'étonnerait parce que d'habitude, vous n'êtes pas ainsi me semblet-il ! Mais je ne veux pas vous faire de procès, je vais donc vous expliquer comment je vois les choses, c'est-àdire pas exactement comme vous.

Plus vous rémunérerez les parts, moins vous aurez de fonds pour les missions d'intérêt général. Or les modalités précisées à l'article 6 devraient refléter parfaitement les finalités définies à l'article 1er

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre esprit de cohérence ni de la bonne fois que vous affichez depuis le début de ce débat et que nous partageons. Mais pour qu'il n'y ait pas de surprise dans la mise en oeuvre de la loi et que les actes ne trahissent pas notre volonté, il est très important de placer des taquets dans la loi afin de réserver l'essentiel des sommes qui resteront au financement de missions d'intérêt général, n'en déplaise à l'esp rit de lucre que veut promouvoir notre collègue Jean-Jacques Jégou.

(Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Auberger.

C'est inadmissible !

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l'amendement no 206 corrigé.

M. Yves Cochet.

Sans doute suis-je deux fois plus raisonnable que M. Brard puisqu'il veut, lui, que les sommes affectées aux missions d'intérêt général soient deux fois plus importantes que celles consacrées aux dividendes pour les sociétaires. Je propose quant à moi de partager en deux ce qui restera après la mise en réserve.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes un social-démocrate vert !

M. Yves Cochet.

Je suggère simplement de remplacer les mots : « ne peuvent excéder », par les mots : « ne peuvent être inférieures » pour avoir la garantie que ces missions d'intérêt général seront financées, qu'il se passer a quelque chose à l'échelon local.

Monsieur le président, nous avons globalisé le débat sur plusieurs amendements qui concernent aussi bien le premier alinéa que le deuxième alinéa, le premier intéressant la réserve et le second à la fois les sociétaires et les missions d'intérêt général. Je ne demanderai pas à M. Douyère de retirer son amendement mais je remarque qu'il serait plus raisonnable d'adopter le mien, au deuxième alinéa (Sourires.)

C'est en tout cas ce que je propose à notre assembée.

M. le président.

Tous les amendements ont été défendus par leurs auteurs. Entre l'amendement no 168 sur le premier alinéa et les quatre autres au deuxième alinéa, il y a un choix à faire. Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Monsieur le président, les amendements s'appliquent à différents endroits du texte, mais ils ont tous le même esprit.

La commission a adopté l'amendement no 168 au premier alinéa. J'accorde à M. Cochet qu'il faudrait alors supprimer la deuxième phrase du second alinéa de cet article.

Certains des autres amendements n'ont pas été examinés par la commission, mais je suis favorable à leur adoption par l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'amendement no 269 de M. Brard améliore le texte : le Gouvernement y est favorable.

Sur le fond, j'ai bien entendu les arguments développés par les différents intervenants pour garantir qu'un montant minimum soit affecté au financement des projets afin d'éviter une situation dans laquelle, une fois la mise en réserve prévue et la rémunération des sociétaires déci dée, il ne resterait plus rien pour les projets locaux : une telle situation serait contraire à l'esprit de l'article 1er tel qu'il a été voté.

Toutefois, mon souci est de garder suffisamment de souplesse et donc de ne pas aller trop loin dans la fixation des seuils. Sinon, on risque de bloquer l'ensemble du système. Prévoir d'entrée de jeu la structure d'affectation des résultats n'est pas souhaitable : il faut pouvoir disposer de souplesse pour faire face aux aléas conjoncturels ou locaux.

C'est pourquoi je propose à l'Assemblée une solution de compromis, qui consiste à rectifier l'amendement no 268 en substituant aux mots : « à l'intérêt servi aux parts sociales », les mots : « au tiers des sommes disponibles après la mise en réserve ».

Autrement dit, il y aurait mise en réserve et, après cette mise en réserve, qu'au moins un tiers de la somme restant disponible serait affecté aux différents projets locaux, sociaux et de développement durable.

Cette solution garantit, d'une part, l'objectif recherché et, d'autre part, laisse une souplesse suffisamment grande pour faire face à des situations qui peuvent être variables selon les périodes ou selon les endroits.

M. Yves Cochet.

Le tiers de ce qui reste ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le tiers de ce qui reste après la mise en réserve.

M. Yves Cochet.

Il faut un partage moitié-moitié ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est trop rigide, nous n'aurions plus aucun choix.

M. le président.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas ici en réunion de commission ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez raison, monsieur le président.

Je précise en outre que ma proposition d'au moins un tiers, n'empêche pas que la proportion soit de moitiémoitié.

M. le président.

Qu'en pense la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Raymond Douyère, rapporteur.

A titre personnel, j'y suis favorable et j'invite l'Assemblée à suivre mon avis.

Mais, de toute façon, il faudra supprimer la deuxième phrase du second alinéa de l'article 6.

M. le président.

Cela devient d'un compliqué, mes chers collègues...

Mettons-nous bien d'accord. L'amendement no 168 deviendrait l'amendement no 168 rectifié.

Il faudrait lire : ...

« être inférieures au tiers des sommes disponibles après la mise en réserve » au lieu de : « à l'intérêt servi aux parts sociales ». En outre, il conviendrait de le compléter par l'alinéa suivant : « En conséquence, supprimer la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 6 ».

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

La question est très importante et mieux vaut consacrer cinq minutes à des questions si importantes. Cela évite de se perdre dans les détails et de mettre de la mauvaise humeur dans l'Assemblée, ce qui allonge toujours les débats.

(Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Vous n'avez pas de leçons à donner à la présidence tout de même ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Surtout pas, nous avons un excellent président. (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Brard, en effet j'espère que vous ne mettez pas en cause la présidence de l'Assemblée... (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Ce serait mal me connaître, monsieur le président...

M. le président.

Comme je vous connais bien, je n'en doutais point ! Poursuivez, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Bien. La proposition que vous faites, monsieur le ministre, n'est pas la même que la nôtre. Sinon, vous n'auriez pas fait une proposition intermédiaire...

M. Jean-Louis Dumont.

Une proposition de synthèse !

M. Jean-Pierre Brard.

L'intérêt de votre proposition est d'abord de poser un taquet, qui garantit qu'effectivement une partie des sommes sera clairement réservée aux missions d'intérêt général et, donc, de bloquer la dérive libé rale de notre collègue Jean-Jacques Jégou. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République.) Il est ensuite, si on se place du point de vue de la démocratie - même si nous aurions souhaité un peu plus en faveur de la réalisation de missions d'intérêt général , de laisser de la marge pour que les assemblées générales puissent discuter.

M. Jean-Louis Dumont.

Voilà !

M. Jean-Pierre Brard.

A cet égard, cette proposition rejoint notre volonté de démocratiser le fonctionnement des caisses d'épargne et donc de faire reculer l'opacité.

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'amendement no 168 rectifié. Pour que tout le monde soit bien d'accord, je vais relire les deux parties de cet amendement :

« I. Compléter le premier alinéa de l'article 6 par la phrase suivante : "Les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale, de protection de l'environnement et de développement durable du territoire ne peuvent être inférieures au tiers des sommes disponibles après mise en réserve". »

« II. En conséquence, supprimer la deuxième phrase du dernier alinéa. »

Si cet amendement est adopté, les amendements nos 270 et 206 corrigé tomberont.

Je mets aux voix l'amendement no 168 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Les amendements nos 270 et 206 corrigé tombent. Monsieur Brard, maintenez-vous l'amendement no 269 ?

M. Jean-Pierre Brard.

Oui.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 269.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement nos 205 tombe.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 20 corrigé, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 6 : "Chaque caisse d'épargne et de prévoyance tient compte des orientations définies par la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance pour le choix des projets d'économie locale et sociale sur son ressort territorial ou pour apporter sa contribution à des actions régionales ou nationales entreprises par le réseau." » Sur cet amendement, M. Cochet a présenté un sousamendement, no 207, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 20 corrigé, après les mots : "projets d'économie locale et sociale", insérer les mots : ", de protection de l'environnement et de développement durable du territoire". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 20 corrigé.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Nous avons souhaité mettre en place une fédération qui mènera un certain nombre d'actions ; elle veillera, en particulier, au respect de la mission des caisses d'épargne et au respect de l'article 1er . On voit bien que, par ce biais, on mettra en harmonie l'article 1er et les missions qui seront définies par la fédération.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir le sous-amendement no 207.

M. Yves Cochet.

Je le retire au profit de l'amendement de M. Brard, par souci d'homogénéité entre le premier et le second alinéa puisque nous venons d'écrire « ainsi que les missions contenues à l'article 1er ». L'amendement suivant de M. Brard, no 271, répète la même chose.

M. le président.

Le sous-amendement no 207 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 20 corrigé ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Sans y être vraiment hostile, je pense que cette précision risque d'être redondante par rapport à l'article 15 qui définit les fonctions de la fédération. Nous avons d'ailleurs, nous-mêmes, déposé un amendement - repoussé par la commission des finances, mais que nous soutiendrons - qui précise que la Fédération nationale définit les orientations stratégiques du réseau.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

L'article 15 purge donc largement ce que demande notre rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 20 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 271 de M. Brard tombe.

M. Jean-Pierre Brard.

Pourquoi ?

M. le président.

Parce qu'il rédige complètement la phrase.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - Les sommes déposées sur le premier livret des caisses d'épargne sont centralisées à la Caisse des dépôts et consignations et bénéficient de la garantie de l'État. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

L'article 7 est le plus court de ce texte ; il ne comprend que trois lignes, mais de quel poids ! Ces lignes sont capitales en tout cas pour la région Alsace-Moselle. Je l'ai déjà dit hier soir, et vous m'avez en partie répondu, mais je tiens à redire l'enjeu de cet article.

Le régime de libre emploi d'une partie de la collecte du livret A dont bénéficient les caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine depuis 1895 ne saurait être remis en cause aujourd'hui, et ce sans aucune concertation avec les caisses concernées. Cela constituerait un revirement inacceptable. Inacceptable aussi pour les élus des départements touchés. Comme vous le savez, nous sommes profondément attachés au droit local d'Alsace-Moselle et d'une partie de la Lorraine. La suppression du mécanisme du libre emploi affecterait les résultats financiers de ces caisses d'épargne et menacerait gravement l'équilibre du secteur bancaire de la région.

Vous pouvez constater qu'existe un consensus général parmi les parlementaires ici présents. Il en est de même au Sénat. C'est ainsi que l'amendement no 285 qui vise à préserver ce mécanisme est véritablement l'amendement d'un intergroupe.

Notre cohésion pour défendre cet amendement est au moins aussi forte que celle de ceux qui ont défendu, il y a quelques semaines, l'amendement sur les arrêtés Miot, et qui concernait une autre région.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

J'interviens dans le même sens que mon collègue Gengenwin. Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les caisses d'épargne sont une institution. Leur rôle social est éminent, tant pour le financement des constructions, l'accession au logement que pour leur intervention au profit des collectivités locales.

Le mécanisme du libre emploi, en Alsace-Moselle, a été institué en 1895 par une loi allemande, qui a été reconduite. On a parlé d'exception. On a dit que la Commission de Bruxelles ne l'accepterait pas. Pour contrecarrer cet argument, on peut avancer que son incidence financière est très faible par rapport à la globalité des sommes en jeu et que les Sparkassen allemandes y ont toujours recours.

Enfin, évitons de faire du jacobinisme - ce qu'on reproche parfois à la droite. Monsieur le ministre, pour aller dans le sens d'une véritable décentralisation, préservons l'identité des caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle. Laissons-leur cette possibilité pour que leurs interventions au service de l'intérêt général soient toujours aussi efficaces qu'elles l'ont été par le passé.

M. le président.

Monsieur Schreiner, je considère que vous avez défendu l'amendement no 285 corrigé sur cet article.

La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung.

L'amendement no 285 corrigé émane de l'ensemble des parlementaires d'Alsace et de Moselle, ce qui n'est pas rien ! Plusieurs parlementaires sont déjà intervenus hier soir à ce propos. Mais n'y voyez pas du harcèlement : c'est une publicité que nous n'avons pas recherchée et dont nous nous serions bien passés. Il eût mieux valu ne pas donner une telle importance à ce système en n'y touchant pas, puisqu'il fonctionnait correctement depuis un siècle. Maintenant que le débat est sur la place publique, devant la représentation nationale, je souhaiterais donner mon point de vue.

On a parlé tout à l'heure de consacrer 30 % des ressources du dépôt à des missions d'intérêt général. En l'occurrence, ce sont 50 % des ressources qui leur sont consacrées : actions dans le domaine social - hôpitaux publics, logement social, maisons de retraite, centres d'aide par le travail, lutte contre l'exclusion ; transports ; investissements dans le domaine de l'assainissement...

Certains y voient une attaque indirecte contre le livret A, une façon de fausser le jeu de la libre concurrence entre les établissements financiers. On inciterait même la Commission à requalifier ce dispositif en aide déguisée de l'Etat. C'est prêter aux caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle, et plus particulièrement au régime du libre emploi, une importance qu'elles n'ont pas ! Je voudrais donner encore un argument relatif au bilan des caisses d'épargne. Ce n'est pas une opération blanche, monsieur le ministre. Nos calculs, dont j'ai redemandé qu'ils soient confirmés et revérifiés, font apparaître un déficit de l'ordre de 100 millions de francs pour les proc haines années, malgré l'augmentation du taux de commissionnement, de 0,75 % à 1,20 %. De plus, sur les mille milliards que centralise la Caisse des dépôts au titre de la collecte du livret A opérée par les caisses d'épargne et La Poste, le libre emploi ne représente que 0,8 %. Plus généralement, le régime du libre emploi ne mérite ni excès d'honneur ni excès de critique. Je ne suis pas un intégriste du droit local alsacien-mosellan, mais chaque fois que ce régime particulier fonctionne bien, chaque fois qu'il est porteur de potentialités, je le défends.

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien !

M. Armand Jung.

Je note d'ailleurs que, très souvent, notre assemblée s'inspire à juste titre du droit alsacienmosellan. Je pense au débat récent sur l'échevinage, aux mesures prises dans le domaine de l'endettement ou encore au régime local d'assurance maladie, cité en exemple par Bernard Kouchner.

M. Jean-Louis Dumont.

Sans oublier le régime des retraites, qui est bénéficiaire !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

M. Armand Jung.

Monsieur le ministre, laissons fonctionner ce qui fonctionne bien. Au-delà des chiffres et des arguments techniques, je ne souhaite pas qu'il y ait une volonté de nivellement, d'uniformisation. Je n'ose pas croire qu'une majorité et un gouvernement pluriels veuillent remettre en cause un des aspects de la France plurielle, dont nous sommes partie intégrante.

M. Bernard Schreiner et M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Jean-Louis Dumont.

Une France qui gagne !

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver, dernier orateur inscrit sur l'article.

M. Aloyse Warhouver.

Je m'associe pleinement à ce qu'ont déclaré mes collègues Gengenwin, Schreiner et Jung. Je suis très favorable à l'amendement commun qu'ils ont défendu.

A propos de cette situation que nous avons héritée de l'histoire, j'ajouterai, monsieur le ministre, qu'il existe un corollaire en Allemagne. Mais les collectivités territoriales allemandes, elles, peuvent détenir plus de 10 % du capital des caisses alors que les nôtres doivent respecter cette limite. Le meilleur exemple est la caisse d'épargne de Bavière, qui draine des capitaux du monde entier grâce à la garantie que lui apportent les collectivités. C'est un autre problème sur lequel nous pourrons revenir.

En tout cas, je vous demande, mes chers collègues, de maintenir ce régime local auquel nous sommes attachés comme à la prunelle de nos yeux.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, je vous demande cinq minutes de suspension de séance avant la discussion des amendements.

M. le président.

Mais nous devons lever dans dix minutes.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Justement, il nous en restera cinq pour conclure.

(Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président.

La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques. L'amendement no 174 est présenté par MM. Gantier, Jacquat et Proriol ; l'amendement no 285 corrigé par MM. Terrier, Jung, Gengenwin, Schreiner, Ferry, Reitzer, Blessig, Bockel, Weber, Reymann, Baeumler, Bur, Schneider, Meyer et Dumoulin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter l'article 7 par la phrase suivante :

« S'agissant du régime du libre emploi propre aux caisses d'épargne des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les décrets d'application devront respecter les dispositions prévues par le décret no 54-1080 du 6 novembre 1954 complété et modifié, notamment par le décret no 85-624 du 20 juin 1985 relatif à l'organisation financière du réseau des caisses d'épargne et de prévoyance. »

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement no 174.

M. Jean Proriol.

Cet amendement se situe dans le droit fil des interventions de nos collègues alsaciens et mosellans qui nous ont exposé les raisons justifiant le maintien du libre emploi des ressources du livret A avec les pourcentages actuels.

Ce circuit de financement court et décentralisé favorise grandement le développement de l'économie régionale.

En outre, ainsi que me l'a indiqué M. Jacquat, auteur de cet amendement auquel s'est associé M. Gantier, le libre emploi des ressources du livret A à hauteur de 50 % des dépôts est un élément déterminant pour les caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle face à la concurrence sévère que leur livrent non seulement les établissements n ationaux, mais aussi ceux d'outre-Rhin qui, bien entendu, cherchent à collecter des fonds dans notre pays.

M. le président.

L'amendement no 285 corrigé a été largement défendu par les quatre intervenants sur l'article.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements identiques. Je ne vais pas revenir sur l'ensemble des arguments développés dans le rapport que chacun a pu lire. Je rappellerai simplement, à mon tour, que le régime dont bénéficient les caisses d'Alsace est un héritage historique.

M. Jean-Louis Dumont.

Et aussi culturel !

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'apparente au régime de libre emploi appliqué aux fonds collectés sur le livret bleu du Crédit mutuel, régime qui a fait l'objet d'un recours devant la Commission européenne. Même si sa décision n'a pas encore été rendue officiellement, on en connaît déjà la teneur.

M. Jean-Louis Dumont.

Qui sait ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Ecoutez, monsieur Dumont, je me suis rendu à Bruxelles et on m'a laissé entendre assez explicitement ce que seraient les attendus de cette décision.

Il s'agit donc aujourd'hui d'éviter que le maintien du statu quo pour les caisses d'Alsace-Moselle ne provoque un nouveau recours soit des banques commerciales, soit du Crédit mutuel lui-même, qui est très implanté en Alsace et qui, lui, aurait été condamné par Bruxelles. On risquerait en effet d'aboutir, en fin de compte, à une remise en cause du monopole de distribution du livret A.

Les informations que j'ai données dans le rapport montrent que les conséquences de ce passage au droit commun sur le compte de résultat des caisses devraient être minimes. L'organe central trouvera les compensations nécessaires pour faire en sorte que, non seulement il n'y ait pas de problème de refinancement, mais que le résultat des caisses ne soit pas affecté. Moyennant quoi je pense que l'Assemblée devrait, comme la commission, rejeter ces amendements.

M. Jean-Louis Dumont.

Ce n'est pas une question de sous, c'est une question de culture !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je suis sensible à l'argumentation développée par les députés d'Alsace et de Lorraine, quelle que soit leur appartenance politique. Je vois bien que leurs préoccupations se rattachent toutes à l'histoire de l'Est de notre pays.

Il reste que je ne peux pas laisser établir dans la loi une distorsion de concurrence manifeste qui pourrait ensuite nous être opposée. Je dois donc leur demander de retirer


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 MARS 1999

leurs amendements, tout en leur assurant que le Gouvernement veillera à ce que soient compensées les conséquences du passage au droit commun, tant sur le compte de résultats que sur la marge de manoeuvre des caisses.

Cela passe, je l'ai dit, par le taux de commissionnement, qui serait porté de 0,75 à 1,2 %, et par une ligne de crédit de la Caisse nationale des Caisses d'épargne. Et puisqu'on nous a reproché un manque de concertation, je précise que je suis ouvert à ce que nous poursuivions le débat sur ce point pour voir si nous arrivons bien à l'équilibre - je le crois, mais il faut le vérifier -, si d'autres aménagements peuvent être apportés, etc.

Par conséquent, il ne s'agit pas de pénaliser d'une quelconque manière les caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine. Il s'agit de ne pas se mettre dans une situation qui serait dommageable à l'ensemble de la collectivité nationale. Je vous demande donc de retirer vos amendements.

Si cela ne vous est pas possible, j'inviterai l'Assemblée à les repousser, mais cela n'empêchera en rien que la concertation se poursuive et que les mesures que je viens d'évoquer soient mises en oeuvre.

M. le président.

Retirez-vous l'amendement no 174, monsieur Proriol ?

M. Jean Proriol.

J'ai bien entendu votre appel, monsieur le ministre, mais je ne suis malheureusement pas mandaté pour retirer l'amendement de Denis Jacquat.

M. le président.

Et qu'en est-il de l'amendement no 285 corrigé ?

M. Jean-Louis Dumont.

Il est fermement maintenu.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 174 et 285 corrigé.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1244, relatif à l'épargne et à la sécurité financière : MM. Raymond Douyère et Dominique Baert, rapporteurs au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1420, tomes I et II).

La séance est levée.

(La séance est levée, à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT