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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Politique agricole commune - Fonds structurels - Nouvelles perspectives financières. - Discussion de propositions de résolution (p. 2495).

M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production, pour la proposition de résolution sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur de la commission de la production, pour la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la réforme des fonds structurels.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, pour la proposition de résolution sur les nouvelles perspectives financières.

M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les nouvelles perspectives financières.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (p. 2509)

MM. Christian Jacob, Félix Leyzour, François Sauvadet, Jacques Rebillard, Mme Nicole Ameline,

MM. François Hollande, Alain Marleix, Jean-Claude Lefort, Yves Coussain, Michel Suchod, Pierre Lequiller.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 2524).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

FONDS STRUCTURELS

NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES Discussion de propositions de résolution

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion : de la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre, sur le projet de réforme de la politique agricole commune (COM [98] 158 final/no E 1052) (nos 1248, 1381) ; de la proposition de résolution de M. Alain Barrau, sur la réforme des fonds structurels (COM [98] 131 final/no E 1061) (nos 1281, 1450) ; de la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 (COM [1998] 164 final/E 1049) et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (SEC [1998] 698 final/E 1128) (nos 1409, 1453).

La conférence des présidents a décidé que ces trois textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour la proposition de résolution sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production et des échanges pour la proposition de résolution sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture, monsieur le ministre chargé des affaires européennes, mes chers collègues, je suis chargé de vous présenter le texte que la commission de la production et des échanges proposé à l'adoption de l'Assemblée nationale sur la réforme de la politique agricole commune.

Les membres de la commission se sont beaucoup appuyés, je veux le préciser d'emblée, sur le remarquable t ravail d'instruction effectué, en application de l'article 151-1 de notre règlement, par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et par son rapporteur, Mme Béatrice Marre.

La commission s'est réunie le 10 février dernier dans un contexte de négociation communautaire sensiblement différent de celui que nous connaissons aujourd'hui, mais elle a mené un certain nombre d'analyses et adopté plusieurs positions, qui visent à servir avant tout de point d'appui à la délégation française dans les discussions sur la réforme de « l'Europe verte » , avec l'objectif premier de soutenir notre agriculture et tous ceux qui en vivent.

Le compromis présenté le 11 mars par la présidence allemande du Conseil de l'Union européenne marque certes des avancées positives comme le refus du cofinancement ou les mesures pour l'élevage allaitant, mais vous avez eu raison d'indiquer, monsieur le ministre de l'agriculture, que ce compromis représente un travail inachevé. J'ajouterai qu'il n'a donné lieu à aucun vote au Conseil des ministres et qu'il n'a pas été soumis au vote du Parlement européen. Il ne doit donc pas être considéré comme un accord véritable sur la réforme de la PAC.

En toute hypothèse, le Conseil européen de Vienne des 12 et 13 décembre dernier avait prévu qu'un tel accord ne pouvait prendre place que dans un cadre plus large c oncernant l'ensemble de la négociation sur l'Agenda 2000.

Sur le fond, le compromis du 11 mars contient des mesures qui apparaissent critiquables, il méconnaît la nécessité de stabiliser les dépenses agricoles, prévoyant un financement d'ensemble de 314 milliards d'euros pour la période 2000-2006, dépassant ainsi de près de 7 milliards d'euros le plafond retenu au sommet informel des chefs d'Etat et de gouvernement tenu à Petersberg, près de Bonn, le mois dernier.

Or la pérennité de la politique agricole commune, à laquelle nous tenons tous, mes chers collègues, impose que soit évitée toute dérive des dépenses budgétaires européennes, que soit pris en compte le développement rural, que soit reprise la proposition de la Commission européenne sur le plafonnement des aides, que soient revus le niveau de la baisse des prix des céréales et celui de la compensation aux oléagineux, que soit repoussée, après 2006 la réforme de l'organisation commune du marché laitier.

Je reviendrai tout à l'heure sur le contenu du compromis du 11 mars et je voudrais présenter maintenant les positions adoptées par la commission de la production et des échanges lors de sa réunion du 10 février, en distinguant successivement l'esprit général de nos propositions, puis nos suggestions précises pour chacune des organisations communes de marché dont la Commission européenne a suggéré la réforme. J'aborderai enfin le contenu du compromis du 11 mars.

La commission de la production et des échanges, comme la délégation de l'Assemblée pour l'Union européenne, s'est livrée d'abord à une analyse de la politique agricole commune, réfléchissant à son histoire, à son utilité, à ses dysfonctionnements et à son avenir.

Nous voulons affirmer en premier lieu, et tel a été également le point de vue de la délégation, que c'est l'affirmation progressive d'une politique agricole commune qui a permis la modernisation de nos agricultures, rendu possible l'autosuffisance alimentaire de l'Europe, puis fait de celle-ci une véritable puissance agro-alimentaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Nous avons tous été conscients aussi du fait que la politique agricole commune doit aujourd'hui être réformée, tant il est vrai que les dysfonctionnements sont flagrants depuis 1992.

D'abord, la répartition inégale des aides aboutit à favoriser la disparition des exploitations et la concentration excessive des terres et à aggraver la difficulté des jeunes às'installer. Il faut imaginer une politique agricole commune qui réponde mieux aux exigences de la bataille pour l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la préservation de l'environnement, et à celles des consommateurs en matière de qualité.

Il faut aussi une politique agricole commune plus lisible, plus légitime aux yeux des opinions publiques. Les membres de la commission de la production et des échanges, et votre rapporteur en tout premier lieu, ont pensé que cette réforme était certes nécessaire, inéluctable , mais que l'Union européenne ne devait pas anticiper, dans son projet de modification de la PAC, d'éventuelles concessions pouvant être faites lors des négociations de l'organisation mondiale du commerce.

Enfin, nous avons manifesté notre scepticisme profond à l'égard de la position de la Commission européenne, qui suggère pour l'essentiel une baisse généralisée des prix, ce qui risque tout simplement d'accélérer le mouvement d'agrandissement des exploitations et de peser sur la situation des régions en difficulté. La commission de la production et des échanges, comme la délégation pour l'Union européenne l'avait fait avant elle, a estimé également que les contraintes financières, certes importantes, ne devaient pas prendre le dessus, faisant de la PAC la v ariable d'ajustement financier des négociations de l'Agenda 2000.

J'en viens maintenant aux mesures proposées par la commission de la production et des échanges.

En ce qui concerne les propositions de réforme de l'organisation de marché des grandes cultures, nous avons eu u ne longue discussion en commission qui nous a conduits à contester le principe d'une baisse des prix, qui ne peut que porter préjudice aux agriculteurs, et à rappeler la nécessité de maintenir le principe de la préférence communautaire.

Les membres de la commission ont manifesté ensuite leur préoccupation à l'égard de la situation de plusieurs secteurs déficitaires. L'alignement sans délai du niveau des aides accordées aux oléagineux sur celui des aides versées aux céréales nous a semblé tout à fait discutable, car il est susceptible d'entraîner tout à la fois une baisse sensible du revenu des exploitants, une diminution de la production européenne d'oléagineux et un transfert des productions au profit du blé, en particulier.

De la même façon, nous avons souhaité un effort spécifique pour la prime aux protéagineux, effort indispensable à l'indépendance protéique de l'Europe, qui constitue un objectif constant de la politique menée par la Communauté depuis le milieu des années 70, le maintien de la base spécifique pour le maïs, qui reste profondément une culture déficitaire, la mise en place enfin d'un dispositif de soutien à l'agriculture biologique, qui dispose dans notre pays d'un marché en progression, et au développement des cultures agricoles non alimentaires, qui pourraient pâtir de la fixation prévue à taux zéro de la jachère obligatoire.

La commission de la production et des échanges s'est évidemment penchée aussi sur les problèmes du marché bovin. Ses demandes portent essentiellement sur la préservation de notre élevage extensif allaitant, qui joue un rôle majeur pour l'occupation du territoire et le maintien des exploitations. Les membres de la commission ont donc souhaité une forte revalorisation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. Ne croyant pas plus que pour le marché céréalier aux vertus de la baisse des prix, ils ont demandé par ailleurs une simple stabilisation de ceux-ci ainsi qu'un maintien du régime existant de l'intervention publique pour faire face aux situations de crise du marché.

Pour le marché laitier, la commission a estimé qu'une réforme du règlement communautaire ne semblait pas imposée par la situation du marché et que les propositions de la Commission européenne étaient à la fois coûteuses et inutiles. La prorogation au-delà du 1er janvier 2000 du mécanisme des quotas nous est apparu en revanche indispensable car ils jouent un rôle irremplaçable en matière de contrôle de l'offre et de maîtrise des dépenses et ont joué un rôle déterminant pour le maintien de la production et de nombreux producteurs dans les zones difficiles comme les régions de montagne et de piémont.

La commission s'est opposée enfin au cofinancement des aides de marché, mais a manifesté son grand intérêt pour le transfert de la politique de développement rural dans le « FEOGA » garantie, qui renforcerait la cohérence de la politique communautaire. Cette politique de développement rural est un axe important pour l'avenir des territoires ruraux des pays d'Europe, en France en particulier, qu'il s'agisse de l'installation des jeunes, de la modernisation des exploitations agricoles, ou des indemnités pour la compensation des handicaps naturels et pour les prairies : indemnités montagne, indemnités piémont, prime à l'herbe. Je rappelle que ce sont les seules politiques territoriales qui existent au niveau de la politique agricole commune, et nous connaissons l'effet positif qu'elles ont eu joué dans ces régions.

La commission a approuvé enfin le dispositif de plafonnement, d'éco-conditionnalité et de modulation des aides préconisé par la Commission européenne, moyen de parvenir à la meilleure répartition des aides, à laquelle nous tenons tous, ainsi qu'à une plus grande intégration dans la politique agricole commune des préoccupations d'emploi et d'environnement.

Sur tous ces points, on le voit, les suggestions de la délégation pour l'Union européenne et de la commission de la production et des échanges se sont très largement recoupées.

Je terminerai en évoquant à nouveau le compromis du 11 mars. Il est certain que le travail accompli reste inachevé et que des améliorations doivent encore être obtenues. La dégressivité des aides proposée par la France doit selon moi continuer à être défendue.

Plusieurs points positifs semblent acquis dans la négociation.

Tel est le cas de l'abandon du cofinancement, qui, je le rappelle, constituait une orientation remettant en cause la politique agricole commune.

Tel est le cas de la baisse limitée des prix de la viande bovine. Rappelons que la profession demandait 15 % et que la Commission européenne avait proposé 30 %, tel est le cas également des mesures concernant le troupeau de vaches allaitantes, qui est bien pris en compte.

Tel est le cas pour l'organisation commune du marché du vin. On en a peu parlé dans la presse et dans l'opinion, mais la négociation a permis d'arriver à un bon accord.


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Tel est le cas de la confirmation de la constitution d'un deuxième pilier de la PAC intégrant le développement rural, point qui devrait être confirmé et renforcé à Berlin.

Pour conclure, je voudrais m'adresser à vous, messieurs les ministres, et à la délégation française dans son ensemble, pour demander que soit maintenue cette fermeté qui a été la règle adoptée jusqu'à ce jour pour ces négociations.

La délégation présente à Berlin pourra largement s'appuyer sur la proposition de résolution soumise au vote de l'Assemblée nationale, qui traduit l'attente de l'agriculture française : la politique de développement rural doit être mieux prise en compte afin de redonner priorité aux hommes et aux territoires.

La réforme de l'organisation du marché laitier doit être définitivement repoussée, parce qu'elle est trop coûteuse et entraînera une baisse sensible du revenu des producteurs.

Le plafonnement des aides doit être défendu pour introduire plus de justice et pour premettre à la politique agricole commune d'être mieux acceptée par l'opinion publique.

M. François Brottes.

Très bien !

M. Joseph Parrenin, rapporteur.

La baisse du prix des créréales peut être limitée et permettra de réaliser des économies budgétaires ; L'aide spécifique aux oléagineux doit être maintenue ; Les prix de la viande bovine à l'intervention doivent être sensiblement relevés.

Il s'agit avant tout de défendre une agriculture dynamique, qui préserve l'occupation du territoire, l'avenir du plus grand nombre d'exploitations agricoles, une production de qualité, tout en restant performante à l'exportation.

C'est d'ailleurs le sens de la proposition de résolution que la commission de la production et des échanges m'a chargé de proposer à l'examen de l'Assemblée nationale.

Elle servira d'appui important à la délégation pour négocier à Berlin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, j'invite les orateurs suivants à respecter strictement leur temps de parole.

La parole est à Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le paysage communautaire dans lequel s'inscrit notre débat d'aujourd'hui est bien différent de celui de mai 1998, moment où la délégation pour l'Union européenne m'a confié le soin de réaliser son rapport sur la réforme de la politique agricole commune.

La Commission possédait alors la plénitude de ses prérogatives, l'alternance en Allemagne, qui se profilait certes, ne laissait pas pour autant présager un point de fixation de notre principal partenaire sur les soldes nets, non plus qu'une présidence de l'Union qu'il faut bien qualifier d'un peu cahotique. Par ailleurs, les contentieux agricoles entre l'Union européenne et les Etats-Unis n'atteignaient pas le point paroxystique que nous connaissons aujourd'hui, et les élections européennes étaient encore loin.

L'accumulation, ces derniers jours, des difficultés que je viens d'évoquer rendront donc le sommet de Berlin des 24 et 25 mars très difficile, nous en sommes conscients, mais, avant d'en venir à la suite des négociations, je souhaite évoquer rapidement le contenu même du rapport.

Il convenait tout d'abord de rappeler l'importance de la politique agricole commune pour l'Union européenne : seule politique communautaire totalement intégrée, c'est autour d'elle que s'est bâtie la méthode communautaire, c'est elle aussi qui a donné naissance au budget communautaire, dont elle représente encore aujourd'hui près de la moitié.

Bénéfique pour l'Europe, la PAC a été également déterminante pour le développement d'une agriculture française moderne et performante. C'est pourquoi, et je suis sûre de faire l'unanimité sur les bancs de cet hémicycle au moins sur ce point, nous réaffirmons avec force notre attachement à la PAC et à ses quatre principes fondateurs que sont l'unicité des prix, la préférence commun autaire, la solidarité financière et l'intervention commune sur les marchés.

Néanmoins, la politique agricole commune, en dépit des réformes de 1984 et de 1992, n'a pas su éviter l'émergence de graves dysfonctionnements : baisse constante du nombre d'exploitations et d'emplois, disparités insupportables dans la répartition des aides, prise en c ompte insuffisante des exigences environnementales, réapparition de déséquilibres sur certains marchés.

C'est pourquoi le rapport se poursuit par l'évocation de la nécessité d'un nouvelle réforme de la PAC pour au moins trois raisons de fond que je ne ferai qu'énumérer dans le temps qui m'est imparti.

La première, je l'évoquais à l'instant, tient aux déséquilibres prévisibles des marchés des céréales et de la viande bovine. Si rien n'était fait aujourd'hui, nous devrions, dans très peu de temps, subir des mesures brutales de contrôle de la production qui se prendraient nécessairement au détriment de la France.

La deuxième raison, la perspective de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, doit aussi nous conduire à une réforme, non pas tant, comme l'a évoqué la Commission, pour rapprocher nos prix agricoles respectifs que parce que les mécanismes de la PAC ne seraient pas supportables en l'état pour ces pays, ni d'ailleurs pour le budget de l'Union élargie.

La troisième raison, en cette période de resserrement budgétaire, est la nécessité d'améliorer la lisibilité et la légitimité des aides à l'agriculture aux yeux des citoyens européens. Loin de remettre en cause le principe de ces aides, je souligne au contraire que les citoyens doivent comprendre et accepter le fait qu'elles sont impérieusement nécessaires. Elles doivent donc, correspondre aux préoccupations croissantes des populations en matière d'emploi, de développement rural et d'environnement.

C'est tout l'enjeu de la réorientation de la PAC, j'y reviendrai.

A côté de ces raisons objectives, se trouve une échéance majeure, la reprise du cycle de négociations de l'OMC au 1er janvier 2000. La brusque tension des relations commerciales euro-américaines en ce domaine ne peut que nous inciter à prendre en compte cette donnée.

Soyons clairs, il ne s'agit en aucun cas de chercher à anticiper d'éventuelles concessions que l'Union européenne s'apprêterait à faire à l'OMC. Bien au contraire, il s'agit,


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afin d'éviter la situation que nous avons connue lors du précédent cycle, de permettre à l'Europe de se présenter unie dans la négociation internationale, avec des objectifs clairs, pour défendre un modèle agricole européen adossé à une PAC réformée.

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

J'en viens maintenant à l'analyse rapide des principes de la réforme proposée par le

« paquet Santer II ».

L'axe central des mesures proposées par le commissaire Fischler, la baisse généralisée des prix intérieurs, destinée selon lui à favoriser l'exportation extra-communautaire, n'est pas acceptable. Cela a été dit dans les résolutions, celles de la délégation comme celles de la commission de la production et des échanges.

Je n'entrerai pas dans le détail de cette analyse que chacun ici connaît, mais me bornerai simplement à dire deux choses : d'une part, la vocation de l'agriculture européenne n'est pas d'exporter des matières premières à bas prix, mais des produits à forte valeur ajoutée ; d'autre part, si des baisses de prix doivent être consenties dans certains cas, notamment pour diminuer les recours aux restitutions à l'exportation, elles doivent être strictement limitées et différencées selon les produits.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur avait proposé de ne pas accepter la réforme de l'OCM lait, inutile et coûteuse, et de limiter la baisse des prix, dans le secteur céréalier, à un niveau compatible avec le maintien de la préférence communautaire et, dans le secteur de la viande bovine, à ce qui est strictement nécessaire pour maintenir la compétitivité des viandes rouges par rapport aux viandes blanches.

Le second axe du « paquet Santer », en revanche, a paru à votre rapporteur beaucoup plus positif : je veux parler de la réorientation de la PAC proposée dans les règlements dits « horizontaux » : développement rural et modulation des aides.

Votre rapporteur souscrit personnellement à la volonté de faire du développement rural le second pilier de la PAC, par le transfert sous la ligne directrice agricole d'une partie des dépenses de développement rural. Je crois profondément que si la PAC reste consacrée aux seules activités agricoles de production, sans tenir compte de la place de l'agriculture en milieu rural, c'est-à-dire de l'ouverture vers la multifonctionnalité, sa pérennité ne sera pas assurée.

Ce volet développement rural était lui même complété par des mesures de plafonnement, d'éco-conditionnalité et de modulation des aides, qui ne peuvent qu'être approuvées dans leur principe, sous réserve qu'elles ne créent pas de distorsions de concurrence et soient encadrées au niveau communautaire.

La proposition de réforme, telle qu'analysée dans le rapport, nécessitait de nombreux amendements, que Joseph Parrenin vient d'évoquer.

J'en viens aux négociations en cours.

Je voudrais, en premier lieu, vous féliciter, messieurs les ministres, particulièrement monsieur le ministre de l'agriculture, pour la fermeté dont vous avez fait preuve, avec l e soutien du Président de la République, depuis l'automne dernier, dans ces négociations. Le risque était grand en effet, en particulier dans les dernières semaines, de voir la PAC devenir la variable d'ajustement financier de l'Agenda 2000, et c'est très exactement ce qui se profilait à travers la proposition allemande de cofinancement.

C'eût été le démantèlement de la PAC, et nous n'en voulions à aucun prix.

En second lieu et j'en viens au « paquet » de Bruxelles du 11 mars. Je tiens à souligner aussi le courage politique qui vous a conduit, monsieur le ministre de l'agriculture, seul contre les quatorze autres Etats membres, à refuser ce compromis comme bouclage définitif de la réforme de la PAC.

Pour autant, il ne faut pas sous-estimer les acquis de la négociation - cela a été évoqué à l'instant.

L'une des grandes craintes concernait le sort de notre troupeau allaitant. La présidence allemande semble l'avoir compris et la consistante revalorisation de la prime au maintien du troupeau allaitant est un motif de satisfaction.

De même peut-on estimer que, grâce à la moindre baisse des prix, à la revalorisation des autres primes et à l'institution d'une prime à l'abattage, entre autres, le niveau de compensation atteint pourrait être acceptable.

La compensation serait d'ailleurs presque intégrale pour l'élevage extensif.

Votre rapporteur avait également souligné l'intérêt des enveloppes nationales de flexibilité, sous réserve que leur volume soit moins important. Cela a été le cas puisqu'elles sont maintenant proposées au quart du volume total des aides de l'OCM viande.

Vous avez aussi évité de justesse, monsieur le ministre de l'agriculture, la suppression des quotas laitiers en 2001 et l'application immédiate des propositions de réforme de l'OCM lait, et ce malgré la pression exercée par le groupe constitué autour de la Grande-Bretagne et du Danemark, et soutenu par l'Italie, qui détenait la majorité de blocage.

En matière de grandes cultures, le rétablissement de la base maïs ne pourra que satisfaire nos producteurs.

Enfin, s'agissant de l'OCM vin, rattaché à la réforme de la PAC, les quatre revendications françaises principales ont été acceptées : droits de plantation nouveaux, interdiction de la vinification des moûts importés, reconnaissance des interprofessions françaises et intégration du régime de reconversion du vignoble dans l'OCM. Il y a donc un motif de satisfaction sur ce dernier point, même si l'enveloppe globale de l'OCM vin peut être considérée comme trop faible.

Je crois qu'il serait malhonnête de ne pas mesurer le chemin parcouru, au vu de ces éléments.

Toutefois, tant sur le coeur de votre dernière proposition, monsieur le ministre, c'est-à-dire la stabilisation des dépenses et la réorientation des aides vers le développement rural - proposition française d'ailleurs, puisque soutenue par le Président de la République - que sur les OCM, de nombreux problèmes demeurent, et je souhaiterais les évoquer rapidement.

D'abord, et même s'il faut se féliciter de l'acceptation par tous - qui n'était pas acquise, il faut le souligner du développement rural comme second pilier de la PAC, force est de constater que cette reconnaissance n'est que de principe puisque les propositions faites pour le financer n'ont pas, à ce stade, été retenues. (Dans une tribune, des manifestants déploient des banderoles portant la mention

« Confédération paysanne » et lancent des tracts ; ils sont exclus sur-le-champ.)

M. Jean Auclair.

Des socialistes qui manifestent contre le Gouvernement !

M. Patrick Ollier.

Que les socialistes s'expliquent dehors entre eux !


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Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Nous savions que ce sujet intéressait les Français, mais le mode d'expression retenu ici ne me semble pas le meilleur.

Chacun sait dans cet hémicycle l'importance que revêt, pour la politique agricole française, notamment pour la mise en place du contrat territorial d'exploitation, mais aussi pour l'installation des jeunes, la montée en puissance du développement rural. Nous l'avons dit : pour l'emploi et l'occupation des territoires, pour l'environnement et la préservation des ressources naturelles et des paysages, la multifonctionnalité de l'agriculture est un axe majeur dont la mise en oeuvre exige une augmentation des dépenses de développement rural.

Par ailleurs, la suppression du plafonnement, la transformation de la proposition de modulation en simple possibilité optionnelle et nationale ne vont pas non plus dans le bons sens.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, qu'avec l'appui du Président de la République, la délégation française obtienne à Berlin le moyen de financer le développement rural, c'est-à-dire celui d'une véritable réorientation des aides.

Enfin, j'énumérerai les points principaux concernant les OCM.

En matière de céréales, une baisse des prix de 20 % fragiliserait nombre de nos producteurs.

De même, le traitement des productions d'oléagineux et de protéagineux résultant de l'accord de Bruxelles me semble incompatible avec le maintien de l'indépendance européenne dans ce domaine et constitue de plus un risque d'aggravation du déséquilibre du marché des céréales par les transferts de production que ne manqueront pas de faire ceux qui le pourront, et on les comprend. Malgré l'étalement sur trois ans des propositions initiales et la clause de rendez-vous que vous avez obtenue, monsieur le ministre, pour l'été 2001, ce second point dur devrait être maintenu par la délégation française au sommet de Berlin.

Sur l'OCM lait, réforme inutile et coûteuse, peut-être faudrait-il, en s'appuyant sur son coût, essayer d'obtenir qu'elle soit reportée au moins jusqu'au premier élargissement, la phase de préadhésion permettant alors d'évaluer le niveau des réformes nécessaires à l'équilibre du marché en fonction du niveau de développement atteint par les pays adhérents.

Enfin, sur la viande bovine, un minimum supplémentaire à obtenir me semble devoir être le maintien d'un réel niveau d'intervention.

En conclusion, je dirai que le sommet de Berlin des 24 et 25 mars prochains doit se conclure, sur le volet agricole, par de réelles possibilités de réorientation des aides à travers le développement rural ainsi que par une moindre baisse des prix d'intervention, notamment pour les céréales, par le maintien de la spécificité des oléoprotéagineux et par le report de la réforme du lait. Tout cela étant compatible avec la stabilisation des dépenses.

Faute de cela, cette réforme, dont je regrettais déjà dans le rapport précité qu'elle fût moins une véritable refonte de la politique agricole commune qu'un simple approfondissement de la réforme de 1992, aura échoué, y compris à enrayer les dysfonctionnements créés par cette dernière réforme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Je demande à nouveau aux orateurs de respecter leur temps de parole, afin que notre discussion ne se prolonge pas à l'excès.

La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, après s'être prononcée sur le projet de réforme de la politique agricole commune, la commission de la production et des échanges a voté la semaine dernière en faveur de la proposition de résolution présentée par notre collègue Alain Barrau au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

La qualité du rapport de notre collègue nous a dispensé d'un travail d'instruction approfondi et nous a permis d'analyser les différentes propositions retenues en lesr eplaçant dans le contexte actuel des négociations communautaires et de leur évolution.

Si la politique commune a permis à ce jour de réduire les écarts entre les Etats membres, force est de constater qu'elle a échoué à combler les disparités entre régions. Ce constat, auquel s'ajoute une sous-consommation chronique des crédits, suffirait en lui-même à justifier une réforme des fonds structurels en vue d'une politique régionale plus juste, plus solidaire et plus efficace.

Les perspectives d'élargissement de l'Union ne font que confirmer cette analyse et imposent à chacun de conjuguer rigueur budgétaire et exigence.

Ainsi les fonds structurels, expression même la solidarité européenne, doivent-ils s'inscrire dans une perspective réaffirmée de cohésion économique et sociale.

C'est pourquoi notre commission a souscrit à l'analyse de la délégation pour l'Union européenne et s'est déclarée favorable au principe d'une réforme de la politique structurelle, aux objectifs de concentration des aides en vue d'un meilleur ciblage sur les territoires les plus en difficulté, à la volonté de simplification et de décentralisation de la gestion ainsi qu'au renforcement de l'évaluation et du contrôle.

Elle a ainsi souscrit à la réduction du nombre des objectifs prioritaires et des initiatives communautaires, tout en souhaitant néanmoins que soit maintenue l'initiative communautaire en faveur de la politique urbaine.

La commission de la production a pris acte des propo-s itions de la Commission européenne de consacrer chaque année 0,46 % du PNB de l'Union aux actions structurelles et de la volonté des Etats membres de ne pas dépasser, pour la période de programmation budgétaire à venir et pour les politiques existantes, le plafond des ressources propres égal à 1,27 % du PNB communautaire.

Tout en souscrivant à cette volonté de maîtrise budgétaire, notre commission, sur proposition de notre collègue Patrick Rimbert, a souhaité intégrer un considérant visant à conditionner l'éligibilité aux fonds structurels au respect d'un objectif de législation sociale et fiscale pour les Etats membres.

Concernant la répartition des fonds disponibles entre objectifs, la commission de la production a particulièrement soutenu la demande d'une répartition plus équitable des moyens entre les différents fonds, c'est-à-dire d'un redéploiement d'une partie des crédits prévus pour l'objectif 1 vers les objectifs 2 et 3. Par parenthèse, il c onvient de noter que ce redéploiement n'aurait aucunement pour effet de diminuer la dotation affectée aux départements d'outre-mer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Les régions concernées par l'objectif 1 seraient celles dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, les régions ultrapériphériques et les régions de l'actuel objectif 6.

A cet égard, notre commission s'est prononcée en faveur d'une dégressivité de l'aide en fonction du PIB, mesure qui introduirait plus d'équité et serait notamment bénéfique aux DOM.

Sur la définition de l'objectif 2, nous avons noté que la commission pour la délégation européenne ne s'était pas prononcée sur le critère de population éligible, mais avait souhaité que le chiffre de la population communautaire concernée soit relevé en corollaire à l'augmentation de la population éligible à l'objectif 1 pour faire suite aux dernières statistiques Eurostat.

Nous avons par ailleurs totalement souscrit à l'analyse de la délégation demandant que la plus grande souplesse soit laissée aux Etats membres dans la définition des zonages, ainsi qu'à son rejet de toute obligation de cohérence entre ces zonages européens et ceux des aides nationales à finalité régionale.

A cet égard, nous avons pris acte avec satisfaction de l'accord qui s'est dessiné au conseil des affaires générales du 25 janvier au cours duquel l'accent a été mis sur « la nécessité d'améliorer la cohérence » et non plus sur une obligation de cohérence qui aurait hypothéqué toute politique nationale d'aménagement du territoire.

Alors que la délégation s'était déclarée défavorable au mécanisme du filet de sécurité qui vise à assurer aux Etats membres de ne pas perdre plus d'un tiers de leur population éligible du fait du passage des anciens objectifs 2 et 5 b au nouvel objectif 2, il nous a semblé qu'une éventuelle adoption de ce principe était envisageable, sous réserve que les régions sortant des objectifs 2 et 5 b, mais devenant bénéficiaires de l'objectif 1, ne soient pas prises en compte dans ce filet de sécurité, et ce, bien sûr, dans un souci d'équité.

L'intégration de la dimension urbaine dans l'objectif 2 a été approuvée dés lors qu'elle ne préjuge pas la nécess ité de préserver des actions significatives de développement en zone rurale telles qu'elles étaient menées dans le cadre de l'ancien objectif 5 b.

Concernant les dispositifs transitoires de sortie, il a été fortement insisté sur la nécessité d'une période transitoire de six ans égale pour toutes les régions qui ne seront plus éligibles.

La nécessaire transversalité de l'objectif 3, affirmée par la délégation pour l'Union européenne, a reçu l'approbation unanime de notre commission. Exclure de son application les régions éligibles à l'objectif 2 conduirait de fait à une parcellisation néfaste de la mise en oeuvre de la stratégie européenne et nationale pour l'emploi qui doit être une priorité.

Aussi convient-il de se féliciter qu'un accord se soit dégagé sur ce point entre les Etats membres, accord qui va dans le sens de la préoccupation constamment affirmée par le Premier ministre, Lionel Jospin, et par le ministre chargé des affaires européennes, Pierre Moscovici, de faire de l'emploi un des axes majeurs de la construction européenne.

Le dysfonctionnement actuel des fonds étant une des raisons de la réforme proposée, nous avons évidemment accordé la plus grande attention aux moyens suggérés pour pallier ce problème. C'est pourquoi, alors que la commission pour la délégation européenne s'était prononcée contre la création d'une réserve de performance, les évolutions acquises au cours de la négociation, notamment grâce à notre gouvernement, nous ont conduits à en accepter le principe.

La proposition initiale de la Commission européenne était de créer une réserve de 10 % de la dotation des fonds structurels, celle-ci étant attribuée ultérieurement aux programmes jugés les plus performants à mi-parcours.

La délégation avait souligné, à juste titre, que les modalités d'application laissaient une trop grande marge de manoeuvre à la Commission européenne, que cette disposition risquait de susciter une compétition peu souhaitable entre les Etats membres et que, de surcroît, elle répondait à une logique purement comptable.

L'accord survenu au conseil des affaires générales du 25 janvier a levé le risque de réallocation de l'enveloppe entre les Etats membres et réduit sensiblement l'allocation financière qui y serait consacrée. Il a permis que la mise en oeuvre de cette réserve s'effectue au sein de chaque

Etat membre, objectif par objectif. Les critères d'appréciation seront définis par les Etats membres, en partenariat avec la Commission certes, mais bien par les Etats membres.

Ainsi ce système devrait-il permettre d'aiguiller les fonds communautaires dans la seconde moitié de la période vers les régions qui consomment rapidement et efficacement les fonds structurels, sans pour autant réduire l'allocation initiale des programmes les moins performants. Ce dernier point nous a semblé être un acquis non négligeable des dernières négociations.

Après avoir souscrit à ce principe, et en vue d'une meilleure consommation des crédits, notre commission a souhaité que soit instauré un dégagement d'office des crédits non utilisés dans les deux années suivant leur engagement, ce dispositif visant à éviter que des crédits qui pourraient être utiles par ailleurs ne soient bloqués inefficacement.

La proposition d'Alain Barrau de créer un fonds unique a été totalement soutenue : un des reproches récurrents fait à la politique structurelle est sa lourdeur et son manque de lisibilité. Il est incontestable que la pluralité des fonds, gérés par des services différents au sein de la Commission et par différents ministères au niveau national, rend difficile une gestion homogène et cohérente de la politique régionale communautaire, aussi l'instauration d'un fonds unique devrait être de nature à pallier les handicaps.

Concernant le dernier point de cette proposition de résolution, notre commission a suivi la délégation pour l'Union européenne dans son approbation des deux propositions de règlement spécifiques relatives aux FEDER et au FSE et dans son rejet du dispositif proposé dans la proposition de règlement relative aux actions structurelles dans le secteur de la pêche, eu égard à sa complexité et à ses éventuelles conséquences néfastes pour ce secteur.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les trois dossiers dont nous débattons aujourd'hui - réforme de la PAC, réforme des fonds structurels et nouvelles perspectives financières - sont les trois volets d'une politique commune ; ils ne sont pas concurrents, mais complémentaires.

Les négociations en cours sont certes délicates, mais

« si étroit que soit le chemin des crêtes, les choix sont toujours possibles ». Nous savons pouvoir compter sur la vigilance de notre Gouvernement qui , d'ores et déjà, a permis d'obtenir des inflexions positives afin que les 24 et 25 mars prochains l'Union soit dotée d'outils appropriés à la construction d'une Europe de la solidarité que nous


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appelons tous de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Barrau, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur la réforme des fonds structurels.

M. Alain Barrau, Au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur la réforme des fonds structurels.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'insisterai d'abord sur une des caractéristiques de ce débat, qui, à mes yeux, en fait un débat important.

Depuis plusieurs mois, voire depuis plusieurs années, nous essayons de faire en sorte que, avant les conseils européens importants, notre assemblée puisse se prononcer sur un certain nombre de textes. Grâce au président de l'Assemblée nationale, grâce à la conférence des présidents, grâce au Gouvernement, nous allons pouvoir nous prononcer...

M. Christian Jacob.

Grâce au groupe du Rassemblement pour la République, surtout. C'est lui qui a fait la demande !

M. Patrick Ollier.

En effet, c'est grâce au groupe du Rassemblement pour la République. Je peux en témoigner, puisque j'assistais à la conférence des présidents !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne ... non pas seulement sur le thème qui nous est très cher de la PAC, mais également sur l'ensemble des points concernant l'Agenda 2000.

A mon avis, un des éléments intéressants de ce débat, c'est qu'il ne va pas être saucissonné, mais, porter sur l'ensemble des enjeux de la négociation : la réforme de la PAC, la réforme des fonds structurels, les nouvelles perspectives financières.

M. François Sauvadet.

Jusque-là, ça va !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

J'espère qu'il en ira de même pour la suite ! Autre aspect intéressant concernant le fonctionnement interne de notre assemblée : ce débat a lieu en séance publique - ce qui doit satisfaire nombre de nos collègues - après avoir été préparé par la délégati on et par des commissions permanentes. A mon avis, c'est un bon mécanisme, puisque ces dernières ont amélioré, peaufiné et complété l'ensemble des propositions de résolution émanant de la délégation.

Ce premier point me semblait important quant à la méthode de travail.

Comme tous nos collègues ont eu l'occasion de lire le rapport sur les fonds structurels et que Marie-Françoise Pérol-Dumont a souligné les éléments les plus importants, je me contenterai d'insister sur les points les plus en discussion afin, à l'occasion de ce débat, de lever certaines hypothèques.

Première question : y aura-t-il un ajustement global financier au détriment des fonds structurels ? Le problème est réel puisque nous avons tous constaté un consensus politique pour que le financement de la PAC reste au niveau du financement précédent.

Comme, par ailleurs, l'ensemble des Etats membres de l'Union veulent conserver un budget alimenté par un prélèvement proportionnel au PNB, on peut craindre, si l'on veut développer les politiques communes, ce qui est notre cas, qu'il y ait une sorte d'ajustement sur les fonds structurels. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté fortement, dans les rapports et les propositions de résolut ion, sur le pourcentage du PNB communautaire consacré à la réforme des fonds structurels. Nous souhaitons que celui-ci soit maintenu, comme le propose la Commission, à 0,46% du PNB. Ce ne sera pas facile à obtenir dans les négociations car certains de nos partenaires veulent opérer un réajustement au détriment des fonds structurels.

Par ailleurs, diminuer de sept à trois le nombre des objectifs est un élément de rationalisation souhaitable, approuvé, je pense, par tout le monde. Il y avait trop de mécanismes compliqués, qui provoqueraient une déperdition d'énergie chez ceux qui présentent les dossiers, pour le financement et pour les financement croisés ; chacun, sur le plan local comme sur le plan national, le sait très bien.

Encore faut-il que tout le monde puisse s'y retrouver.

Concernant l'objectif 1, il est indispensable de préciser - et j'espère, monsieur le ministre, que vous le ferez sans ambiguïté - que l'ensemble de nos DOM continueront à être éligibles à cet objectif et, dans les mêmes conditions que précédemment. C'est un point important car les DOM font partie des zones prioritaires dans le cadre de l'objectif 1. Nous avons donc pris en compte un amendement élaboré par plusieurs députés des DOM, qui ne va pas du tout à l'encontre de la proposition de résolution mais précise ce point.

L'objectif 3 est très important pour la politique de lutte contre le chômage et de formation professionnelle que nous voulons mener. Le fait qu'il bénéficie d'une importante dotation financière dans les prochaines années sera sans doute un argument pour la réorientation de l'Europe que nous souhaitons et sur laquelle nous avons eu l'occasion d'insister.

Le plus difficile, chacun en conviendra, est de savoir comment va s'organiser le futur objectif 2. Pourquoi ? Parce qu'il inclura un certain nombre de moyens de financement de l'ancien objectif 5 b, que les zones rurales pourront utiliser facilement, mais les zones en reconversion industrielle, qui bénéficient de l'objectif 2 actuel, doivent également bénéficier du financement du nouvel objectif 2.

Enfin, il est tout à fait significatif que la volonté du Gouvernement comme celle d'autres partenaires européens soit que l'on puisse utiliser les fonds structurels pour une politique urbaine. Cela se manifeste dans nos propositions par le maintien du programme spécifique Urban - on passe de trois à quatre, voire à cinq, pour les questions concernant l'égalité professionnelle hommesfemmes et - les programmes directement gérés par la Commission -, et la possibilité d'utiliser les moyens et les fonds européens dans le cadre de la politique de la ville est soulignée.

Il faut être particulièrement vigilant à propos de l'objectif 2. J'appelle l'attention de tous mes collègues sur le fait que plus on augmentera, dans la négociation finale, le montant global de l'objectif 2, plus on pourra s'en servir dans l'esprit de l'ancien objectif 5 b et de l'ancien objectif 2, et pour la politique en direction des villes.

En troisième lieu, comment peut-on aller plus loin dans la simplification du fonctionnement des fonds structurels ? Un certain nombre de mesures dépendent du niveau communautaire - à cet égard, la simplification du nombre d'objectifs ainsi que la réduction des programmes directement gérés par la Commission sont positives mais il faut à mon sens aller plus loin.


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Il faut d'abord bien préciser quel sera le cheminement des projets sur le plan national. C'est une question franco-française, mais qui est très importante. Immédiatement après le Conseil européen de Berlin, le Gouvernement doit envoyer des directives aux préfets de région, pour que la marge de manoeuvre soit claire pour tous, en ce qui concerne tant l'ensemble des procédures anciennes que les zones de transition nécessaires entre les anciens objectifs et les nouveaux. Il doit être clairement précisé que le préfet de région est l'intermédiaire indispensable pour effectuer la redistribution sur le territoire national et permettre une clarification à partir des projets présentés par les collectivités territoriales et les différents organismes éligibles à ces fonds...

M. René André.

Il y a un blocage à Bruxelles !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

... afin d'éviter les court-circuits entre les différents niveaux.

M. René André.

Absolument ! Et nous perdons beaucoup d'argent à cause de cela !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Je suggère donc, monsieur le ministre, que vous preniez, après l'accord du Conseil européen de Berlin, en concertation avec le ministre de l'aménagement du territoire et la DATAR, une disposition nationale apportant des précisions à cet égard.

Mais, au-delà de la simplification des fonds structurels actuels, il faut progresser vers un fonds unique. Je l'ai proposé dans mon rapport, et la commission de la production et des échanges a repris cette idée. Plus nous disposerons d'un instrument simple à manier, lisible par les élus et par l'opinion, plus nous saurons comment l'Europe peut intervenir sur les objectifs prioritaires que nous voulons déterminer, qui sont liés à notre volonté de lutter contre le chômage et de réorienter l'Europe, afin qu'elle soit un instrument de lutte pour l'emploi et la croissance.

En définissant cette stratégie, en manifestant la volonté de rester dans un cadre financier qu'il faudra sans doute mettre en cause, un jour ou l'autre, quand d'autres politiques communes compléteront celles qui existent aujourd'hui, en défendant les politiques communes actuelles, comme le font dans les négociations européennes aussi bien le Président de la République que le Gouvernement, nous pourrons rendre la réforme des fonds structurels plus utilisable par chacun de nous sur le territoire, et l'Europe plus proche des citoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la proposition de résolution sur les nouvelles perspectives financières.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la proposition de résolution sur les nouvelles perspectives financières.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas si fréquent que viennent en discussion en séance publique des propositions de résolution sur des documents communautaires transmis au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Il y a un peu moins d'un an, notre assemblée avait été amenée à se prononcer de cette manière sur le sujet, ô combien important, du passage à l'euro. Aujourd'hui, nous nous penchons sur des dossiers qui n'ont peut-être pas la même portée historique, mais qui, indéniablement, engagent les politiques et les finances communautaires pour les sept années à venir.

La réalité de l'enjeu peut d'ailleurs se mesurer au fait que pas moins de trois propositions de résolution sont aujourd'hui en discussion : l'une sur les perspectives financières pour la période 2000-2006, les deux autres sur les principales politiques communautaires que sont la politique agricole commune et les actions structurelles. La commission des finances a souhaité suivre la voie tracée par la délégation pour l'Union européenne et ne pas intégrer au sein de la proposition de résolution sur les nouvelles perspectives financières, dont elle est saisie, des éléments relevant davantage du domaine des propositions présentées par Mme Béatrice Marre et M. Alain Barrau.

Je crois que cette méthode est justifiée et qu'elle permet à notre assemblée de bien individualiser les problèmes et les questions. Je me contenterai donc de saluer la qualité du travail fourni par ces deux rapporteurs, et m'en tiendrai aux nouvelles perspectives financières et au projet de réforme de l'accord interinstitutionnel sur la discipline et la procédure budgétaires.

Je pense que la proposition excellente de notre collègue Gérard Fuchs, légèrement modifiée par la commission des finances, est en mesure de susciter une très large adhésion au sein de notre assemblée.

En effet, elle présente le mérite de réaffirmer certaines orientations auxquelles nous adhérons tous, comme le rejet des revendications budgétaires mettant en cause le principe de solidarité entre Etats membres et le refus du cofinancement par les budgets nationaux des dépenses agricoles. Cette proposition de résolution aborde de plus trois sujets qui me paraissent essentiels : l'élaboration d'une procédure budgétaire privilégiant une gestion sérieuse des crédits, l'impératif d'une programmation budgétaire raisonnable et la concrétisation du caractère prioritaire de la préparation de l'élargissement.

En ce qui concerne l'accord interinstitutionnel, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de faire une remarque préliminaire. Je crois qu'il faut se réjouir de la transmission aux assemblées, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, de ce projet d'accord interinstitutionnel.

Monsieur le ministre, vous conviendrez que cela n'a pas été chose facile, et il a fallu que nous le demandions instamment dans une précédente résolution sur l'avantprojet de budget communautaire pour 1999.

Sur le fond de ce texte, il faut noter avec satisfaction qu'il est désormais prévu de revenir sur le système de rebudgétisation automatique des crédits destinés aux actions structurelles non consommés lors des exercices précédents. Dans sa résolution sur l'avant-projet de budget communautaire pour 1999, l'Assemblée nationale avait marqué son désaccord avec la progression déraisonnable des crédits en faveur des actions structurelles, résultant précisément de cet « effet report » et de la nécessité de solder les engagements précédents pour respecter à la lettre le précédent accord interinstitutionnel. Je rappelle que c'est cette croissance des crédits des fonds structurels qui a malheureusement conduit à un budget communautaire pour 1999 très sensiblement supérieur à ceux votés en 1997 et 1998. La remise en cause de l'aspect

« machine infernale » que présentait le précédent accord interinstitutionnel est donc plus que souhaitable.

Par ailleurs, compte tenu des problèmes rencontrés par les Etats membres pour l'absorption de ces crédits, il convient de présenter à l'avenir des dotations raisonnables. Aussi, la commission des finances a émis des


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réserves s'agissant de l'inscription systématique des plafonds de crédits pour engagements en matière d'actions structurelles prévus par les perspectives financières.

Comme on peut aisément le constater, toutes les propositions de la Commission européenne ne sont pas acceptables, tout particulièrement lorsque cette dernière souhaite, sous couvert de « flexibilité », permettre le report de 500 millions d'euros de crédits non consommés d'un exercice à l'autre, en augmentation des plafonds de crédits initialement prévus.

S'agissant de la programmation des dépenses proposée par la Commission européenne, la volonté de rigueur affichée par cette institution est malheureusement aisément démentie par une étude attentive. En prenant pour b ase de comparaison les perspectives financières pour 1999, très élevées, elle minore considérablement les taux de progression apparents. Si l'on prend pour base le budget voté de 1999, déjà en forte croissance, la progression des crédits pour engagements est de 8,5 % à l'horizon 2006, et non de 1,8 % comme l'indique la Commission européenne. Cette différence est encore plus forte s'agissant des crédits pour paiements, avec une augmentation de 22 %, au lieu des 8,5 % affichés par la Commission.

Les conséquences d'une telle progression des plafonds de dépenses sur la contribution de la France au budget communautaire ont été clairement mises en évidence par le rapport de M. Gérard Fuchs : la contribution brute française augmenterait de 23 % en 2006 par rapport à 1999. Le montant cumulé des augmentations de cette contribution brute sur sept ans représenterait près de 150 milliards de francs.

C'est d'autant moins acceptable que la Commission européenne ne se prive pas de donner des leçons de rigueur aux Etats membres dans le cadre des procédures de surveillance des déficits excessifs. « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais », en quelque sorte.

M. Jean-Claude Lefort.

Heureusement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Face à ces propositions, la France a avancé l'idée d'une stabilisation des dépenses, visant à prolonger l'effort consenti depuis 1997 pour maîtriser la progression des dépenses communautaires, sans préjudice de la proposition de grand emprunt faite par le Gouvernement français en vue de financer des dépenses d'équipement et d'investissement, afin de contribuer à la lutte contre le chômage. Des économies sont donc possibles et souhaitables, ainsi que l'a montré le rapport réalisé par le Conseil à l'occasion du Conseil européen de Vienne, les 11 et 12 décembre derniers.

Je n'entrerai pas dans le détail des chiffres, mais il est tout de même frappant de constater que près des deux tiers des dépenses supplémentaires programmées par la Commission européenne bénéficieraient aux Quinze, et seulement un tiers aux Etats candidats à l'adhésion. La priorité que constitue la préparation de ces pays à l'intégration dans l'Union n'est donc pas suffisamment marquée.

Ainsi, il serait sans aucun doute politiquement et techniquement beaucoup plus satisfaisant de regrouper les dépenses relatives à la préadhésion dans une nouvelle rubrique des perspectives financières, plutôt que de voir ces crédits éparpillés sous trois rubriques différentes.

Si, dans l'ensemble, le volume des crédits prévus en vue de l'élargissement est d'ores et déjà non négligeable, il n'est pas exclu que les besoins réels soient en fait plus importants. Le Commissariat général du Plan a procédé à des comparaisons instructives avec le plan Marshall et a noté qu'en termes de pourcentage du PIB l'aide prévue pour l'élargissement est de 75 % plus généreuse que celle consentie par les Etats-Unis pour aider à la reconstruction de l'Europe. L'effort prévu est donc réel, d'autant plus que la Commission européenne a retenu la date de 2002 pour cet élargissement, ce qui est sans doute optimiste.

Toutefois, l'ampleur des besoins des Etats sélectionnés pour la première vague d'élargissement est considérable et difficile à évaluer. Les aides publiques ne suffiront pas, à elles seules, à combler l'écart de prospérité relative. Les dépenses consenties par l'Union devront en conséquence être d'autant plus sélectives et efficaces. Dégager une marge de manoeuvre supplémentaire en stabilisant les dépenses des Quinze apparaît donc comme une mesure de prudence nécessaire afin d'aborder l'immense chantier de l'élargissement.

Notre assemblée doit réaffirmer une fois encore sa volonté de voir l'emploi des crédits communautaires en général, et celui des crédits destinés aux actions de coopération avec l'Europe centrale et orientale en particulier, mieux contrôlé qu'actuellement.

Cette volonté d'un meilleur contrôle du rapport entre le coût et l'effiicacité des actions menées impose une redéfinition des modalités de l'intervention communautaire. Le recours trop systématique et dans des conditions mal maîtrisées à des intervenants extérieurs, notamment à des consultants spécialisés, a été la source de dérives dangereuses. L'actualité souligne, je crois, suffisamment à quel point cela est nécessaire. Toutes les précédentes résolutions de notre assemblée sur le budget communautaire ont marqué notre volonté commune de voir la dépense mieux encadrée, mieux contrôlée et mieux évaluée. La Communauté peut constater aujourd'hui, d'une certaine manière, le prix qu'il faut payer pour n'avoir pas tenu compte des avertissements des parlements nationaux.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je suis donc convaincu que nos travaux d'aujourd'hui auront toute la portée qui leur est due et que vous saurez, monsieur le ministre, vous en faire l'écho fidèle lors des négociations en cours et, au-delà, dans le travail communautaire des prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur les nouvelles perspectives financières.

M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur les nouvelles perspectives financières.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les cinq rapporteurs qui m'ont précédé ont été tr ès complets et je consacrerai par conséquent les dix minutes qui me sont imparties à six réflexions.

L'Agenda 2000, c'est-à-dire les perspectives financières pour les années 2000-2006, représente à la fois beaucoup et peu d'argent.

Beaucoup d'argent car cela représente près de 800 milliards d'euros en sept ans, dont 80 milliards environ pour les pays candidats et futurs membres, soit à peu près le même montant en francs pour notre pays, ce qui est considérable.

Mais cela représente aussi peu d'argent car toutes ces sommes restent inférieures au fameux plafond de 1,27 % du PNB et les trois quarts alimentent des politiques spé-


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cifiques, alors qu'une impulsion macroéconomique, pour avoir quelque effet, doit être de l'ordre de 0,5 % à 1 % du PNB. Cela montre à la fois l'ampleur du budget communautaire actuel et ses limites du point de vue de la capacité de régulation, tout au moins en dehors du champ agricole et de celui de la politique d'aménagement du territoire.

Deuxième réflexion : les perspectives financières pour les Quinze, présentées par la Commission comme s'inscrivant dans un contexte de rigueur, sont en réalité fort peu rigoureuses. L'intervention du rapporteur général me permet d'abréger les réflexions que j'avais prévues sur ce point. Comme l'a dit Didier Migaud, les chiffres présentés sont, en réalité, plus optiques que réels. Et si l'on considère que le point de départ est non pas la dernière année des perspectives du paquet Delors II, mais le budget réellement voté par le Parlement européen et le Conseil pour 1999, si l'on considère en plus que ce budget voit l'accumulation de dépenses structurelles qui n'ont pas pu être consommées au cours des exercices précédents, on s'aperçoit que les taux d'augmentation présentés par la Commission sont en parfaite contradiction avec les recommandations politiques qui nous sont faites, par cette même commission, allais-je dire, mais je ne sais plus en quels termes en parler devant vous aujourd'hui, probablement au passé. Cette contradiction méritait d'être soulignée et la politique défendue par le Gouvernement dans le cadre des négociations de l'Agenda 2000 a naturellement pris en compte ces observations.

Troisième réflexion : que dire des perspectives financières pour les pays candidats, en théorie les principaux intéressés à cette programmation pluriannuelle ? Ces perspectives sont-elles réalistes ? Nous en connaissons les hypothèses et je crois qu'elle ne sont pas déraisonnables.

Je pense notamment à la limitation des aides agricoles reposant sur le fait que les prix agricoles des pays candidats étant déjà beaucoup plus bas que les nôtres, ils ne devraient pas évoluer à la baisse et les compensations ne seront pas nécessaires. Nous connaissons aussi les hypothèses de croissance envisagées pour le chiffrage de la Commission, c'est-à-dire, en termes de PNB, 2,5 % pour les Quinze et de l'ordre de 4 % pour les pays candidats à l'adhésion.

Que dire de ces hypothèses ? En matière agricole, nous devons suivre la Commission. Toute autre attitude aboutirait évidemment à l'explosion financière. En matière de croissance, je tiens à mentionner les intéressants travaux réalisés par le Commissariat général du Plan qui souligne que même si notre croissance était, en raison d'un accident international auquel je ne crois plus guère aujourd'hui, un peu plus faible que pronostiqué - jusqu'à 1,5 % - le financement prévu suffirait pour réaliser l'adhésion dans de bonnes conditions. Par contre, si la croissance des pays candidats était plus forte que prévu, ce que nous ne pouvons que leur souhaiter, les besoins de financement pourraient être plus élevés et nous nous trouverions peut-être devant une situation difficile à maîtriser, bien que souhaitable.

J'ajouterai sur ce point un commentaire personnel.

Pour avoir vécu en tant que député européen l'époque, j'allais dire l'épopée, de la réunification allemande, j'ai pu mesurer à quel point certaines estimations étaient en réalité des sous-estimations et nous sommes nombreux sur ces bancs à savoir que les futures dépenses d'investissement des pays candidats en matière d'infrastructures, d'environnement ou de sécurité nucléaire sont certainement aujourd'hui évaluées au plus juste et qu'il nous faudra probablement aller au-delà. Mais par ailleurs, on peut imaginer que les six premiers candidats n'adhéreront pas tous au début de l'année 2002, qu'il y aura peut-être un étalement dans le temps. Ceci compensant cela. Les chiffres avancés par la Commission me paraissent donc pouvoir être tenus, mais sans doute au prix d'un certain glissement dans le temps et d'une certaine concentration financière.

Ma quatrième réflexion est la réflexion centrale. Elle concerne un problème qui n'existait pas au départ, mais qui domine aujourd'hui les négociations, celui du solde net de certains pays, notamment de notre voisin d'outreRhin, la RFA. C'est un faux problème pourrait-on dire et je pourrais vous expliquer, comme d'autres, pendant une heure à quel point cette question des soldes nets est dépourvue de sens. Comment les calculer ? Il y a plusieurs méthodes : avec ou sans les recettes douanières ? Comment ne pas tenir compte du fondement de solidarité qui est affiché depuis l'existence de la construction européenne ? Comment surtout chiffrer ce qui, pour moi, est le principe de base de cette construction, c'est-à-dire qu'il s'agit de faire à plusieurs ce qu'aucun de nos pays membres n'est plus capable de faire seul ? Cette évaluation des soldes nets est donc absurde, mais l'importance politique qu'elle a prise outre-Rhin ne permet pas de la passer sous silence. Je me livrerai à quelques rapides remarques sur ce problème.

Nos voisins ont d'abord proposé un écrêtement des soldes, c'est-à-dire une espèce de généralisation, un peu plus intelligente mais extrêmement complexe, du système à la britannique auquel nous avons consenti à Fontainebleau il y a maintenant une quinzaine d'années. Si tous les pays bénéficiaient d'un tel système, même amélioré, nous aboutirions à une usine à gaz qui, de plus, pourrait paradoxalement conduire à faire supporter le financement de l'adhésion par les « pays de la cohésion », c'est-à-dire aujourd'hui les moins favorisés de l'Union européenne.

Ce serait évidemment absurde. Une telle perspective d'écrêtement des soldes ne peut donc qu'être écartée.

Je ne reviendrai pas sur le cofinancement agricole. Ce point a en effet été développé par Joseph Parrenin et Béatrice Marre. C'est un système inacceptable pour la France. Comme rapporteur des perspectives financières, je voudrais ajouter à tous les arguments que j'ai déjà entendus le suivant : si l'on suivait les propositions de la Commission d'un cofinancement de 25 % des dépenses agricoles, ce serait un peu la France, mais là encore surtout les pays de la cohésion, qui paieraient l'essentiel de la facture. Cela serait évidemment absurde.

Pour les quelques jours qui nous séparent encore du Conseil européen de Berlin, il nous faut nous tourner vers des solutions plus réalistes. Il nous faut accepter que le problème politique posé par nos voisins soit traité - je dis bien le problème politique, pas les chiffres qu'ils avancent. A cet égard, il nous faut soutenir la position défendue par notre gouvernement, c'est-à-dire un « mix » de solutions reposant sur la rigueur des dépenses - Didier Migaud en a parlé -, sur la dégressivité de certaines aides compensatrices aux baisses des prix agricoles - les rapporteurs sur la réforme de la politique commune en ont parlé - et sur une révision de l'assiette des ressources propres. Cette dernière solution n'a pas encore été mentionnée jusqu'à présent mais je la souligne - car supprimer la ressource TVA et la remplacer par la ressource PNB, qui est plus juste, permettrait d'assurer un meilleur équilibre aux Allemands et en même temps de construire l'Union européenne sur des bases de solidarité et de justice indiscutables. Enfin, a également été abordée la question de la réforme des fonds structurels et la suppression


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de certaines références nationales pour la caractérisation des régions éligibles. Je crois pour ma part en effet qu'un

« mix » de ces différentes mesures pourrait conduire à un compromis raisonnable donnant une certaine satisfaction politique à notre principal partenaire tout en préservant les équilibres financiers et l'avenir de l'Union européenne.

Ma cinquième réflexion porte sur les ressources - je viens de l'évoquer : suppression éventuelle de la ressource TVA qui serait remplacée par une ressource assise sur le produit national brut. En tant que rapporteur, je veux réaffirmer mon attachement à l'attribution à l'Union des ressources propres dites traditionnelles. Celles-ci sont en effet liées à des politiques communautaires - politique douanière ou politique commerciale - et je ne vois pas quel gain apporterait leur disparition. C'est une véritable ressource collective qui a aussi une signification politique et qui doit être préservée.

Ma dernière réflexion portera enfin sur ce qui ne figure pas dans les négociations actuelles sur les perspectives financières. J'ai l'impression - impression confirmée par un vote de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des finances - que les perspectives financières proposées par la Commission européenne marquent plutôt le triomphe de la reconduction que celui de l'imagination.

M. François Sauvadet.

Ça, ce n'est pas faux !

M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Il s'agit effectivement, pour l'essentiel, d'un chiffrage prospectif, donc utile, des futures dépenses agricoles, des futures dépenses régionales, mais il n'y a aucune perspective d'avenir. Je dirai - un peu brutalement et avec regret - que les perspectives financières dont nous discutons aujourd'hui me paraissent être plus pour la fin du XXe siècle que pour le début du

XXIe siècle. Et, pour être concret, j'évoquerai deux pistes de réflexion. Je souhaite - on peut toujours rêver ! - que le Conseil européen de Berlin décide de les examiner et de créer un groupe de travail pour voir à quoi elles pourraient conduire.

Première piste de réflexion : la politique de l'emploi, u ne politique macro-économique anticyclique de la Communauté. Didier Migaud, notre rapporteur général, se félicitait de la non-reconduction automatique d'une année sur l'autre de certaines dépenses. C'est bien ! Mais dans certains cas, quand la croissance des Quinze est en phase de diminution - c'est le type de situation que nous craignons aujourd'hui -, des sommes non dépensées pourraient être réinjectées avec un effet contracyclique, de façon utile pour la croissance et pour l'emploi. J'aimerais que nos futurs commissaires européens se penchent sur cette piste de réflexion plus détaillée dans le rapport que je n'ai le temps de le faire à cette tribune. En effet, malgré son faible volume en termes de PNB, le budget européen peut avoir un plus grand effet sur la politique de l'emploi que ce n'est le cas aujourd'jui.

Seconde piste de réflexion : une grande politique spatiale pour le XXIe siècle. Nous sommes aujourd'hui dépendants des Américains pour le positionnement des navires. Leur système est d'accès gratuit pour tous. Pourquoi faire quelque chose d'alternatif nous demandent certains pays voisins ? Pour la prise d'images, en termes aussi bien agricoles que militaires, nous dépendrons des satellites d'observation américains, et en termes de télécommunications, l'Europe n'est pas suffisamment représentée. J'aimerais que l'Union européenne affiche, pour les années qui viennent, la perspective d'une grande politique spatiale en y mettant l'argent nécessaire, que ce soit sous forme d'emprunt ou sous forme de contribution des budgets nationaux ou d'agences existantes. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais je souhaite que les perspectives financières ne cessent pas d'être discutées après l'accord du mois de mars, que j'attends, et que de nouvelles perspectives soient ouvertes par le Conseil européen des chefs d'Etat et de Gouvernement et - pourquoi pas ? - par la nouvelle Commission qui verra le jour.

Si nous voulons une Union européenne capable de faire collectivement ce que la France n'est plus capable de faire seule, les réflexions que je viens de présenter au nom de la Délégation pour l'Union européenne et de la commission des finances, ainsi que les quelques retouches proposées par le rapporteur général, doivent être prises en compte. Je sais que c'est ce que fait le Gouvernement.

J'entends dire que le Président de la République s'y intéresse également, ce qui est naturel et normal. La France est aujourd'hui engagée dans des discussions difficiles et notre assemblée s'honore en présentant, à l'appui des autorités politiques de notre pays, des propositions qui ne peuvent que conforter leur position de négociation. J'invite par conséquent l'Assemblée à adopter le plus largement possible la proposition de résolution que j'ai défendue devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, notre débat a pour objet d'examiner l'ensemble constitué par les trois résolutions adoptées, sur ce qu'on a coutume d'appeler l'Agenda 2000, par la commission de la production et des échanges pour deux d'entre elles et par la commission des finances pour la dernière.

Je souhaite tout d'abord souligner le remarquable travail d'analyse et de proposition effectué par la délégation à l'origine de ces résolutions et les deux commissions compétentes, ainsi que celui des rapporteurs, M. Joseph Parrenin, Mme Béatrice Marre, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Alain Barrau, M. Gérard Fuchs et M. Didier Migaud, qui viennent de vous présenter de façon très complète et précise, avec beaucoup de suggestions pertinentes, les résolutions soumises à votre approbation.

Ce débat est nécessaire, car il est important que la représentation nationale soit pleinement associée à la préparation des conseils européens, notamment des conseils européens extraordinaires, dont la pratique tend à se développer et qui engagent tout particulièrement l'avenir de l'Union. C'était le cas l'année dernière avec le Conseil européen de Bruxelles, qui a pris les décisions nécessaires au passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, donc à la réalisation de l'euro. Ce sera le cas dans une semaine avec le Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars, qui prendra les décisions relatives à l'Agenda 2000.

Ce débat, nécessaire, est aussi un débat utile, car nous sommes dans une phase cruciale et finale de la négociation. Le Conseil agriculture s'est séparé le 11 mars dernier avec une proposition de compromis sur la réforme de la PAC, élaborée par la présidence allemande, proposition de compromis qui, je le répète après d'autres à cette tribune qui n'est pas un accord. Le Chancelier allemand, Gerhard Schrder, en dépit de quelques petits contretemps imprévus, consacrera l'essentiel de cette semaine à


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une tournée des capitales européennes qui s'achèvera vendredi à Paris. Enfin, dimanche et lundi prochains, je serai à Bruxelles, aux côtés d'Hubert Védrine, avec nos collègues des Quinze pour tenter de bâtir, dans un conclave des ministres des affaires étrangères et européennes, un projet de compromis d'ensemble, avec sans doute plusieurs options ouvertes, qu'il appartiendra ensuite aux chefs d'Etat et de gouvernement de trancher à Berlin, les 24 et 25 mars prochains.

Dans ce contexte, il est normal et positif que le Gouvernement puisse apprécier la sensibilité de la représentation nationale avant que ne s'engage la phase finale des négociations à Berlin, dont la responsabilité incombera au Président de la République et au Premier ministre ensemble.

Je voudrais dire quelques mots de la réforme du cadre financier. La définition des nouvelles perspectives financières pour les années 2000-2006 doit s'efforcer de répondre à trois exigences.

Première exigence : préparer l'élargissement tout en veillant à ce que l'Union à Quinze dispose des ressources suffisantes pour la poursuite des politiques communes.

Nous avons décidé, dès le Conseil européen de Luxembourg, en décembre 1997, le principe de la double programmation des dépenses à Quinze et des dépenses d'élargissement, qui répond à cet objectif.

Deuxième exigence : contribuer au succès de l'euro en évitant d'alourdir les dépenses publiques européennes à Quinze, car cela aurait des conséquences sur notre propre programme de maîtrise des finances publiques à travers l'évolution du prélèvement européen. Nous devons être en mesure - personne ne le conteste aujourd'hui - de financer les réformes indispensables à l'intérieur du plafond de 1,27 % tout en préservant une marge substantielle sous ce plafond. L'objectif de la France est de parvenir à la stabilisation - c'est le mot clé dans la négociation - en volume des dépenses sur l'ensemble des rubriques du budget communautaire. Cette approche est partagée aujourd'hui par un groupe très largement majoritaire de pays.

Enfin, troisième exigence : nous devons assurer une répartition plus équitable des charges et des bénéfices du budget communautaire entre les Etats membres, de manière à répondre aux préoccupations exprimées par l'Allemagne et par d'autres pays comme les Pays-Bas. Je souhaite, à ce propos, dire quelques mots sur la demande allemande, dont on a pu dire qu'elle mettait à l'épreuve la relation franco-allemande.

Je crois qu'il faut ramener cette question à de plus justes proportions. En réalité, les analyses française et allemande en la matière sont assez largement convergentes.

Nous devons nous en réjouir, car personne n'a intérêt à une détérioration de la relation franco-allemande. Les Allemands reconnaissent, y compris par la voix de leur chancelier, qu'ils resteront le principal pays financeur de l'Union, quel que soit le résultat des négociations en cours, pour une raison très simple, que l'on a parfois tendance à perdre de vue : l'Allemagne est, de loin, et restera, la principale puissance économique et démographique de l'Europe des Quinze. Toutefois, le souhait légitime des Allemands est de mettre un terme à la dérive de leur solde net, qui a atteint 11 milliards d'euros en 1997. Il s'agit donc pour eux de corriger une tendance défavorable, et certainement pas de transférer une partie de la charge de l'Allemagne vers d'autres pays. Ce point est essentiel et il a contribué à l'établissement d'un dialogue plus serein entre nos deux pays, dialogue qui est la conditions sine qua non pour un accord à Berlin.

De notre côté, nous avons indiqué aux Allemands que la mise sous contrôle de leur solde net passait par la maîtrise de la dépense communautaire. C'est pourquoi, je le répète - pardonnez-moi d'être insistant mais, encore une fois, c'est la clé -, la stabilisation budgétaire sur toutes les rubriques, sur la PAC comme sur les fonds structurels, s'impose naturellement à nous dès lors que nous voulons manifester notre souhait d'aller à la rencontre des inquiétudes allemandes. Tout euro supplémentaire sur le budget de l'Union, que ce soit sur la PAC ou sur les fonds structurels, viendrait en effet dégrader le solde net allemand, mais aussi sans doute le nôtre et nous éloignerait donc d'un compromis d'ensemble sur l'Agenda 2000. Notons que l'un des reproches que l'on peut faire à la proposition des Allemands sur la PAC est qu'elle est coûteuse, ce qui est une contradiction interne puisqu'elle contribuerait à dégrader leur propre solde. C'est pourquoi il faudra y revenir.

M. René André.

Il ne fallait pas l'accepter ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Nous avons aussi indiqué que le Gouvernement français était ouvert à une approche combinant une certaine réorientation géographique de la dépense et des réformes limitées du système des ressources propres de façon à en corriger les imperfections actuelles. Nous avons fait des propositions en ce sens au gouvernement allemand : sur le volet dépenses, un programme spécial en direction des Lnder de l'Est ; sur le volet ressources, un passage plus rapide à la ressource PNB, plus juste que la ressource TVA, étant entendu qu'il faut conserver les ressources propres traditionnelles - prélèvements agricoles, droits de douane - qui appartiennent véritablement en propre à l'Union.

En revanche, nous avons rejeté, nous refusons, et nous continuerons à repousser catégoriquement le cofinancement des aides directes de la PAC, comme toute proposition visant à instaurer un mécanisme d'écrêtement généralisé des soldes nets. Ces propositions sont foncièrement mauvaises, l'une comme l'autre, car elles marqueraient une régression de l'Union européenne.

Le cofinancement des aides directes s'assimilerait, en fait, à une renationalisation de la politique agricole commune, la plus ancienne politique commune de l'Union. Il est absurde de penser que l'on peut préparer l'avenir en remettant si profondément en cause les acquis de plus de quarante années de construction européenne.

Vous le savez, nous avons obtenu de haute lutte de la présidence allemande qu'elle renonce au cofinancement, et nous devons lui en être reconnaissants.

Quant à l'écrêtement généralisé des soldes nets, il consacrerait au niveau de l'Union tout entière une logique de juste retour, qui était celle de Mme Thatcher à Fontainebleau en 1984, mais qui ne peut pas être la nôtre tant elle est manifestement contraire à l'esprit communautaire. Dans ce domaine, l'esprit européen commande de travailler à la disparition - sans doute partielle et progressive - d'un avantage britannique qui n'est plus justifié aujourd'hui, plutôt que de chercher à le généraliser.

J'en viens à la réforme de la politique agricole commune.

Le compromis présenté le 11 mars par la présidence du Conseil agricole ne constitue pas, je le redis avec force après le ministre de l'agriculture, après le Président de la République, un accord sur la réforme de la politique agricole commune. (Exclamations sur les bancs du groupe du


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Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Qu'est-ce que c'est alors ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

J'y viens. Ne vous élevez pas tant contre le Président de la République ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean Auclair.

Cet argument est un signe de faiblesse, monsieur le ministre !

M. René André.

Vous avez mal négocié, n'en faites pas porter la responsabilité aux autres ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cela vous gêne que la France parle d'une seule voix sur cette question, mais elle le fait et continuera de le faire jusqu'au sommet de Berlin.

M. François Guillaume.

Vous voulez vous défausser de vos erreurs sur le Président de la République ?

Mme la présidente.

Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole.

M. René André.

Il nous agresse, madame la présidente.

Mme la présidente.

Ne répondez pas aux provocations ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cette proposition de compromis n'est pas un accord, car le Conseil européen de Vienne avait confirmé avec clarté que le paquet Agenda 2000 était un tout. Par conséquent, l'ensemble, et seulement l'ensemble, des éléments qui constituent ce paquet - la réforme de la PAC, la réforme des fonds structurels et la définition du cadre financier - sera approuvé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Berlin pour autant qu'ils estimeront équilibré et satisfaisant ce paquet d'ensemble.

Je tiens néanmoins à souligner que, d'ores et déjà, des points positifs, notamment par rapport au point de départ de la négociation, ont été obtenus par Jean Glavany la semaine dernière dans la négociation agricole.

Il a obtenu la confirmation de la constitution d'un deuxième pilier de la PAC avec l'intégration du développement rural, outil essentiel de réorientation vers l'emploi, l'aménagement du territoire et l'environnement.

Sur la viande bovine, la baisse des prix est limitée à 20 %, alors que la proposition initiale de la Commission était de 30 % (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , avec une bonne compensation pour le troupeau allaitant extensif.

Sur le lait, les quotas, menacés de suppression dès mars 2000, sont sauvegardés au moins jusqu'en 2006.

M. René André et M. Christian Jacob.

C'est faux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Quant à la baisse des prix que la Commission souhaitait instaurer dès 2000, elle n'aurait lieu qu'en 2003.

Sur les céréales, le soutien spécifique au maïs, essentiel pour l'équilibre de régions fragiles, est sauvegardé.

Sur les oléagineux, même si les dispositions ne sont pas totalement satisfaisantes,...

M. Christian Jacob.

Certes ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... le passage à une aide identique à celle des céréales ne sera pas immédiat comme le voulait la Commission, mais étalé sur trois ans. En tout état de cause, une clause de rendez-vous est prévue dans deux ans pour évaluer la situation du secteur.

Enfin, sur le vin, c'est une réforme positive, comme l'a dit le rapporteur, avec une possibilité d'extension du vignoble à travers des droits de plantation à un niveau satisfaisant avec un soutien sur fonds communautaires à la restructuration du vignoble, y compris pour les jeunes.

M. François Guillaume.

C'est insuffisant !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Vous avez fait mieux ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il reste que cette proposition de compromis devra être remise sur le métier, car elle dépasse de près de 7 milliards d'euros, sur la période, le mandat budgétaire reçu des chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet informel de Petersberg, le 26 février dernier.

Le Chancelier Schrder lui-même s'était engagé personnellement à Petersberg sur un chiffre annuel de 40,5 milliards d'euros hors développement rural. Il a répété encore à Copenhague, avant-hier, que le respect de cette enveloppe budgétaire s'impose et qu'il faudra donc bien revenir, à Berlin, sur la proposition de compromis agricole.

Pour ma part, je considère que la présidence allemande doit tenir compte des quatre réserves inscrites à la demande de la France au procès-verbal des débats du conseil agriculture. Je ne doute pas que le Président de la République et le Premier ministre auront un échange de vues approfondi avec le Chancelier Schrder, lorsqu'ils le recevront à Paris, ensemble, vendredi matin, sur ces réserves, que je rappelle : Une réserve liée à la globalité des négociations, qui ne permettent pas un accord partiel sur la réforme de la PAC, conformément aux conclusions du Conseil européen de Vienne des 12 et 13 décembre 1998 ; Une réserve, ad referendum, dans l'attente, dans ce cadre, d'une décision du Président de la République et du chef du gouvernement français ; Une réserve liée à la nécessité d'atteindre un accord respectant le cadre d'une dépense agricole stabilisée ; Enfin, une réserve liée à la nécessité de réorienter les dépenses agricoles dans le cadre du deuxième pilier de développement rural de la politique agricole commune.

Mesdames et messieurs les députés, soyons clairs, disons-le avec force, la négociation agricole n'est pas achevée.

M. François Sauvadet.

Heureusement ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Des améliorations substantielles seront réclamées et recherchées à Berlin pour réorienter et maîtriser la politique agricole.

Premièrement, nous poursuivrons un objectif politique majeur : réorienter la PAC vers l'emploi, vers l'aménagement du territoire, vers la préservation de l'environnement à travers les dépenses de développement rural. Il s'agit de soutenir la petite et moyenne exploitation, les zones défavorisées de montagne, l'installation des jeunes.

Deuxièmement, nous voulons conforter la régulation des marchés par une PAC active et donc continuer à nous battre contre la baisse généralisée des prix. Cela vaut à la fois pour le lait, pour les céréales, pour les oléagineux et pour la viande bovine.

M. Christian Jacob.

Il aurait été bien de le dire au Conseil des ministres de l'agriculture !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur Jacob, la France est un grand pays agricole. Ses demandes sont donc nombreuses et sérieuses.

Nous avons besoin de votre soutien et non pas de contradictions qui ne nous servent à rien.

La fermeté des autorités françaises a prévalu, et vous savez très bien comment nous travaillons. Autour du Président de la République se tenait lundi soir encore, un conseil restreint. Les demandes de la France, je le répète, sont nombreuses et sérieuses, et sa fermeté continuera à être de mise jusqu'à Berlin.

M. René André.

Ce n'est pas le Président qui négocie ! Ce n'est pas lui qui a échoué !

M. François Guillaume.

A quoi sert le ministre de l'agriculture ?

Mme la présidente.

Mes chers collègues, laissez le ministre poursuivre son discours ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

La dépense agricole devra être maîtrisée afin que puisse être confirmé l'abandon du cofinancement.

Nous devons obtenir satisfaction sur nos demandes sans mettre en péril la construction européenne à un moment difficile de son histoire.

J'en termine par la réforme des fonds structurels.

Au Conseil européen de Vienne du 12 décembre dernier, nous avons pu enregistrer un certain nombre d'accords techniques, portant notamment sur les réformes indispensables pour simplifier et améliorer les procédures de gestion des fonds structurels européens.

La nouvelle programmation devra ainsi faire l'objet d'un document unique de programmation par zone, ce qui permettra, conformément au souhait d'Alain Barrau, d'obtenir une claire lisibilité de l'action européenne dans le domaine du développement local et régional.

Par ailleurs, dans les zones d'objectif 2 - zones rurales fragiles et zones en reconversion industrielle -, les DOCUP devront désigner le fonds européen responsable du programme, ce qui doit permettre d'éviter les interventions croisées du Fonds social européen, du FEDER et du FEOGA-Orientation, sources de lourdeurs administratives inutiles.

Le partenariat local sera amélioré en renforçant les comités de suivi, organes de consultation et d'association traditionnelle des partenaires locaux pour le suivi des projets.

Enfin, tout récemment, au Conseil affaires générales du 25 janvier 1999, nous nous sommes mis d'accord sur une

« réserve de performance », à hauteur de 4 % de l'enveloppe des fonds structurels, idée que soutient la commission de la production et des échanges, à condition que l'on reste vigilant sur les modalités de gestion de cette réserve.

Actuellement, nous avons deux débats essentiels, qui touchent à la concentration géographique des futurs objectifs 1 et 2 et à l'enveloppe financière globale, et deux débats un peu plus résiduels - je dis résiduels non pas parce qu'ils ne seraient pas importants, mais parce qu'ils sont en voie d'être tranchés. Ces deux derniers débats concernent le dispositif de phasing out pour les régions sortant des objectifs 1 et 2, d'une part, la question du Fonds social européen et de l'objectif 3, d'autre part.

Quelques mots sur ces deux dernières questions.

Sur le phasing out, notre souhait est d'obtenir un dispositif de sortie assez généreux sur quatre ans à partir de l'an 2000 et qui soit identique pour les régions d'objectif 1 et les régions d'objectif 2, et donc ex-5 b également.

Par ailleurs, il est pratiquement acquis que les régions d'objectif 1 basculeront automatiquement dans l'objectif 2 au terme de leur phasing out, dès lors qu'elles satisferont aux critères d'éligibilité de l'objectif 2. Ce doit être, bien sûr, le cas de nos deux régions métropolitaines concernées : la Corse et le Hainaut.

Quand au futur objectif 3, il est acquis qu'il sera consacré exclusivement à l'emploi et la cohésion sociale - qui sont nos priorités - et qu'il sera non zoné, ainsi que nous le souhaitons. Le Fonds social européen interviendra en totalité désormais dans le cadre de cet objectif 3, et sera réformé en conséquence.

Les régions d'objectif 1 devraient normalement être exclues du bénéfice du FSE, puisqu'elles bénéficient de programmes de développement intégré. En revanche, nous avons demandé et obtenu que les régions d'objectif 2 puissent continuer à bénéficier d'un accompagnement par le FSE de leurs actions de reconversion. Dans toutes les autres régions, le FSE pourra intervenir dans toutes les actions à contenu social, menées notamment dans les zones urbaines.

J'en viens aux deux débats principaux qui alimentent actuellement les discussions des Quinze sur les fonds structurels.

D'abord, la concentration géographique des fonds structurels.

L'orientation générale de la Commission, affichée dans ses propositions initiales, était de réduire la couverture géographique générale des fonds structurels, l'objectif étant de revenir d'un taux de 51 % à un taux de l'ordre de 35-40 % de la population communautaire couverte par les différents zonages. Nous avons toujours indiqué que nous souscrivions à cette orientation. Mais nous avons toujours dit également que nous souhaitions que la c oncentration s'applique de manière équitable entre objectif 1 et objectif 2. Cette condition d'équilibre général doit être respectée, sans préjudice pour les futurs zonages d'objectif 2, qui sont bien sûr, pour nous, tout à fait prioritaires. Ce sera l'option que nous défendrons à Berlin.

Le deuxième débat fondamental qui se déroule actuellement est, bien entendu, le débat sur l'enveloppe budgétaire globale. Notre réponse est, sur ce point, conforme à notre ligne générale, celle de la stabilisation des dépenses en volume.

Nous souhaitons le maintien de l'effort budgétaire consenti au titre de la période précédente du paquet Delors II, soit 200 milliards d'euros. Cette position correspond à la déclinaison de notre concept général de stabilisation budgétaire, que nous voulons appliquer à toutes les rubriques du budget communautaire, sur les fonds structurels comme sur la PAC.

A cet égard, je voudrais faire deux observations pour qu'il n'y ait pas de méprise, et j'en terminerai par là.

Première observation, cette position en faveur de la stabilisation réunit, aujourd'hui, une très large majorité de pays. Seuls demeurent opposés pour le moment à la stabilisation les pays de la cohésion, fortement bénéficiaires net du budget communautaire, et pour lesquels, d'ailleurs, il faudra trouver des solutions spécifiques - ne négligeons pas l'Espagne et le Portugal, qui peuvent être nos alliés dans la négociation -, pays auxquels se sont joints l'Italie et la Belgique. Donc, la France n'est pas en voie d'être isolée. Dans cette négociation, elle occupe une position solide et centrale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Seconde observation, la stabilisation est absolument impérative, je le répète, pour ne pas aggraver l'ampleur du solde net allemand et pour lui apporter un début de solution à Berlin.

En conclusion, je souhaite insister sur ce qui me paraît être l'essentiel. L'Agenda 2000 est un tout, et il ne peut être question de découper la négociation en morceaux. La présidence allemande travaille dans cet esprit, tout en s'attachant, non sans difficulté, à faire progresser les convergences sur les différents volets du paquet. Je crois qu'elle progresse sur la voie d'un compromis d'ensemble, et nous verrons vendredi, autour du Président de la République et du Premier ministre, les propositions qu'elle entend faire pour parvenir à un accord satisfaisant et équilibré à Berlin.

Nous devons contribuer - je parle des autorités françaises et aussi du Parlement - à l'élaboration du compromis final, en refusant avec force, jusqu'au dernier jour, toute tentation de bouclage financier par l'écrêtement des soldes ou par le cofinancement, mais en sachant aussi évoluer vers la présidence lorsque cela ne remet pas en c ause nos intérêts essentiels. Le Président de la République et le Premier ministre ne signeront pas, bien sûr, n'importe quel accord à Berlin. Mais chacun saura aussi mesurer le coût d'un non-accord à Berlin, qui ajouterait un blocage financier aux autres sources de difficultés que traverse actuellement l'Union européenne.

Chacun a en tête ce qui se passe aujourd'hui à la Commission.

C'est pourquoi nous devons résolument, en faisant entendre notre choix, chercher à obtenir un succès à Berlin les 24 et 25 mars. Vos travaux, j'en suis sûr, y contribueront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale commune

M me la présidente.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à faire un bref rappel : contrairement à ce que vient de dire Alain Barrau, si nous avons aujourd'hui ce débat en séance publique, c'est parce que le président du groupe RPR a demandé qu'il ait lieu.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Sur la PAC, oui, mais pas sur Agenda 2000.

M. Christian Jacob.

Tout a été fait d'ailleurs pour retarder ce débat puisque tous les autres présidents de groupe auraient pu, bien entendu, le demander. Cela reflète l'intérêt que portent les uns et les autres aux questions agricoles.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur.

Mauvaise foi !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Vous falsifiez l'histoire !

M. Christian Jacob.

Dans ce débat qui a donc lieu à l'initiative de Jean-Louis Debré, Alain Marleix parlera des fonds structurels et Henry Chabert du financement ; je m'en tiendrai pour ma part à la politique agricole commune.

Force est de constater que les négociations sur la PAC ont abouti à un quadruple échec.

C'est d'abord un échec personnel du ministre de l'agriculture lors des négociations du 11 mars.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Heureusement, le Président va tout sauver !

M. Christian Jacob.

C'est ensuite un échec du Gouvernement, qui s'est empêtré dans ses tergiversations. N'oub liez pas qu'au départ le cofinancement avait été demandé par le gouvernement français, alors représenté par M. Le Pensec, qui souhaitait financer ainsi les CTE.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

C'est faux !

M. Christian Jacob.

Ensuite, les organisations agricoles et les différents groupes politiques sont intervenus, et M. Le Pensec a dû faire marche arrière, en déclarant que nous ne voulions plus du cofinancement. Le changement de ministre a eu lieu en pleine négociation et le nouveau ministre a ajouté ses propres tergiversations à celles de son prédécesseur.

C'est encore un échec pour la majorité plurielle.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Et pour le président !

M. Christian Jacob.

Y a-t-il, dans les recommandations formulées par la proposition de résolution, que ce soit à l'initiative de la délégation ou à celle de la commission, un seul point que vous ayez voté à l'unanimité ?

M. Jean-Pierre Baeumler.

Tout dans la nuance !

M. Christian Jacob.

Y a-t-il un seul point qui ait été repris par le ministre de l'agriculture lors des négociations ? Non, aucun ! Vous lui avez fait des recommandations, il n'en a pas tenu compte.

Beaucoup plus grave, enfin, c'est un échec cuisant pour notre agriculture.

M. Guy-Michel Chauveau.

Oh ! Il n'y a pas de cinquième échec ?

M. Christian Jacob.

J'en ai annoncé quatre ! Les négociations achevées, on a eu droit à un numéro fantastique : la valse des communiqués. Elle s'engage par celui de Jean Glavany, qui déclare que « des points très positifs ont été obtenus ». Ensuite, Dominique StraussKahn nous explique qu'« un compromis a enfin été trouvé dans la nuit et ouvre la porte à un accord global sur Agenda 2000 ». Donc, accord complet du Gouvernement : je lis les communiqués, je n'invente rien ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Fleury.

Lecture incomplète !

M. Christian Jacob.

Puis, c'est le tour du bureau du Parti socialiste. Et cela devient amusant parce que, des points très positifs d'un compromis qui ouvre la voie à un accord, on passe alors à de « graves insuffisances ».

L'accord est donc devenu mauvais.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Lecture sélective !

M. Jacques Fleury.

Caricature !

M. Christian Jacob.

Mais ce n'est pas tout, la valse continue. Je cherche parmi les communiqués car il y en a beaucoup !

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

La revue de presse, nous l'avons déjà !

M. Christian Jacob.

Une fois dénoncées ces graves insuffisances, M. Glavany fait un discours sur le thème : ce n'est pas moi, c'est eux, sous-entendu les chefs d'Etat et de gouvernement.


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M. Jacques Fleury.

Vous tenez des propos de café du commerce !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Et c'est un tout petit café !

M. Christian Jacob.

M. Glavany dresse ainsi un fabuleux constat de sa propre inefficacité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais oui ! Il écrit textuellement : « C'est aux chefs d'Etat et de gouvernement de rectifier le tir. J'espérais bien que les chefs d'Etat et de gouvernement allaient retoucher l'accord. » Cela signifie clairement qu'il a été

inefficace.

(Mêmes mouvements.)

M. René André.

Ecoutez bien, messieurs les socialistes !

M. Jean Auclair.

Cela vous gêne que l'on dénonce vos incohérences !

M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Parlez-nous du fond, monsieur Jacob !

M. Joseph Parrenin, rapporteur.

Il en est bien incapable ! Il ne sait pas quoi dire sur le fond !

Mme la présidente.

Seul M. Jacob a la parole !

M. Christian Jacob.

Je passe sous silence le communiqué de votre syndicat maison, qui dénonce une trahison du Gouvernement.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Drôle de façon de le passer sous silence !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

On peut mieux faire.

M. Christian Jacob.

Non, non, il faut y aller avec méthode. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Moi, je reprends les déclarations des uns et des autres.

M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Parlez du fond !

M. Christian Jacob.

J'y viens, rassurez-vous !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, laissez parler

M. Jacob.

M. Christian Jacob.

Sur le fond, donc, constat d'un accord par M. Glavany. Cela figure également en toutes lettres dans son communiqué.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Ce n'est pas un accord !

M. Christian Jacob.

Attendez ! Quelles réserves fait M. Glavany ? Elles viennent d'être évoquées par M. Moscovici. Une réserve sur le fait que l'accord est global, mais on le sait depuis le début.

M me Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur.

Excusez du peu !

M. Christian Jacob.

Une réserve sur le cadre budgétaire. Et surtout une réserve sur la réorientation des dépenses vers le développement rural, qui n'est pas suffisante. En fait, M. Glavany considère qu'il y a déjà trop de financements pour le soutien des prix et des productions, et qu'il faut retirer des aides à l'agriculture pour les réaffecter au développement rural.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Quelle caricature !

M. Christian Jacob.

Dans les réserves émises par le ministre de l'agriculture, à quel moment dit-il qu'il n'est pas d'accord sur le compromis viande bovine...

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Partout ! Lisez le relevé des débats !

M. Christian Jacob.

... sur le lait, sur les oléoprotéagineux ou sur les céréales ? A aucun moment ! S'il avait été en désaccord sur une seule production, il l'aurait mentionné dans les points de réserve. Mais pas un mot à ce sujet. Donc, comme le prouvent les différents communiqués, M. Glavany était satisfait dans un premier temps.

C'est après coup seulement qu'il s'est rendu compte qu'il s'était fait piéger dans cette négociation.

Le grand point positif que vous affichez, c'est le résultat obtenu sur le lait. Formidable ! Les quotas laitiers sont préservés jusqu'en 2006.

M. René André.

Ce n'est pas vrai !

M. Christian Jacob.

C'est en effet complètement faux ! Le système des quotas laitiers éclatera dans un an, deux au maximum. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Joseph Parrenin, rapporteur.

Vous étiez contre il y a quinze ans !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, n'interrompez pas l'orateur.

M. Christian Jacob.

Monsieur Parrenin, nous n'avons pas le même âge ! Moi, il y a quinze ans, j'étais encore en culottes courtes (Sourires), alors que vous défendiez déjà des positions à la Confédération paysanne. Celle-ci considère d'ailleurs aujourd'hui que le Gouvernement a trahi.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

S'agissant du lait, il est évident que la maîtrise de la production passe par l'adéquation entre l'offre et la demande. Or, dès l'an 2000, c'est-à-dire dès l'année prochaine, on va entrer dans une logique d'augmentation de la production, notamment irlandaise. Dès lors, les stocks vont grossir et les prix s'effondrer, ce qui conduira à l'éclatement de la maîtrise de la production laitière. Ne prétendez donc pas que vous avez réussi à différer le problème de six ans. C'est le contraire ! Le système va implorer parce que le ministre de l'agriculture n'a émis aucune réserve sur ce point.

Sur les céréales, prenons comme base une exploitation moyenne céréalière dans le Lauragais. Après l'addition des différentes mesures envisagées, baisse des prix compensée à moitié, suppression des majorations mensuelles, qui ont une incidence de 7 % à 8 % sur le prix,...

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

C'est beaucoup moins que cela !

M. Christian Jacob.

... modulation en fonction de critères d'emploi - le secteur des grandes cultures emploie peu à la production, mais beaucoup à la transformation et à la commercialisation -, nous arrivons à une baisse nette de revenus de 25 à 30 % sur une exploitation non irriguée et d'un peu plus de 35 % sur un système irrigué.

Or, dans un communiqué du ministre de l'agriculture, on nous explique que tout cela est très bien que tout cela est très bien, que le soutien spécifique au maïs est sauvegardé, ce qui est l'essentiel. Encore une fois, je n'invente rien : je lis ce qui est écrit ! Il en est de même s'agissant des oléo-protéagineux. Je cite le communiqué : « Même si les dispositions ne sont pas totalement satisfaisantes, le passage à l'aide unique, identique à celle des céréales, ne sera pas immédiat mais étalé sur trois ans. »

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

On peut tout faire dire à un communiqué !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. Christian Jacob.

Non, je lis le communiqué du ministre de l'agriculture, madame Marre.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Vous ne rapportez que la moitié des choses !

M. Christian Jacob.

D'ailleurs, il l'a regretté par la suite, mais il l'avait écrit, ce qu'il ne fallait pas faire. Je ne reprendrai pas le vieil adage d'un de nos célèbres prédécesseurs : « Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent qui change. »

M. Gérard Fuchs, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Vous, vous ne changez pas !

M. Christian Jacob.

Les constats sont là et les écrits, malheureusement, restent.

M. Joseph Parrenin, rapporteur.

Il serait intéressant que vous nous disiez ce que, vous, vous voulez !

M. Christian Jacob.

Sur les oléo-protéagineux, ramener au même niveau de soutien les céréales et les oléoprotéagineux revient à supprimer purement et simplement l'assolement en protéagineux, pratiqué dans toutes les régions intermédiaires. Comment fera-t-on avec des pois ayant des rendements 30 à 35 % inférieurs à ceux des céréales avec le même type de soutien ? Il est évident que cela va disparaître.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. Christian Jacob.

Pourtant, dans le secteur des protéines, nous sommes très largement dépendants, puisque notre seuil d'autosuffisance est d'à peine 40 %. Concernant la viande bovine, avec la quasi-suppression de l'intervention, la suppression d'outils de maîtrise comme la prime Hérode, on arrive pour une exploitation type du bassin allaitant de soixante-dix vaches allaitantes et de vingt génisses en finition à une baisse directe de revenus de 25 à 30 %. Tels sont les points techniques que l'on retrouve dans le compromis et sur lesquels le ministre de l'agriculture n'a émis aucune réserve. Maintenant, il prétend que ce sont les autres qui sont responsables. C'est facile ! Un tel constat d'inefficacité ne rendra pas la tâche aisée au prochain sommet des chefs d'Etat.

Voilà les observations que je souhaitais faire. Nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces points au cours de la discussion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Nous ne connaissons toujours pas vos propositions !

Mme la présidente.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons à nous prononcer sur trois propositions de résolution relatives à la réforme de la PAC, à la réforme des fonds structurels et au financement des politiques européennes. Les trois textes sont soumis à une discussion commune en raison du lien étroit qui existe entre eux. Je traiterai, quant à moi, de la PAC et des fonds structurels.

On sait que les votes qui vont intervenir au terme de cette discussion n'ont pas de caractère contraignant pour le Gouvernement.

M. François Sauvadet.

Dommage !

M. Félix Leyzour.

Mais ils auront une signification p olitique importante, compte tenu notamment du contexte particulier des négociations en cours et de la démission de la Commission à Bruxelles. Celle-ci, comme chacun le sait, a dû démissionner pour cause « de fraude, de mauvaise gestion et népotisme », pour reprendre les heures des experts. L'accusation est grave et renforce l'image négative d'une technocratie européenne agissant hors de tout contrôle politique. Elle confirme qu'il faut rendre l'Europe aux citoyens.

Ainsi donc, on discute du paquet Santer au niveau européen et M. Santer est par terre.

(Sourires.)

Le jeu de mots est peut-être facile, il n'en reste pas moins que le contexte politique donne à réfléchir quand on lit que le comité d'experts semble avoir été abasourdi par ce qu'il appelle « la perte de contrôle » de leurs services par les commissaires européens et « la dilution des responsabilités ». Voilà des expressions peu tendres à l'égard de personnes qui, dans leurs fonctions, se montraient sûres d'elles dans leurs affirmations et péremptoires dans leurs jugements. Elles entendaient mal les observations et propositions des autres.

Pour en venir à la PAC, nous avons intérêt à ce que la résolution soit une ferme invitation pour la délégation française de continuer à défendre l'agriculture française et européenne au sommet de Berlin les 24 et 25 mars.

Au conseil des ministres de l'agriculture, le 11 mars dernier, un accord obtenu à la majorité qualifiée est intervenu. Mais M. Jean Glavany a estimé qu'il n'y avait pas de véritable accord et que les résultats ambigus sont appelés à être remis en cause par le sommet européen de Berlin, les 24 et 25 mars, M. Moscovici vient de le répéter.

Notre débat n'en prend que plus de relief. A la lecture des points essentiels du projet d'accord présenté par la présidence allemande, il apparaît - c'est, en tout cas, la lecture que j'en fais, - que l'objectif central demeure la baisse des cours pour tendre vers une banalisation du commerce des denrées alimentaires soumises aux fluctuations spéculatives d'un prix devenu mondial.

Le maintien de cet objectif, qu'il faudrait atteindre à partir des règles prédominant actuellement au sein de l'Organisation mondiale du commerce, aboutirait à déconnecter les prix agricoles des coûts réels de production, sans parler des aléas climatiques, dont les conséquences peuvent s'avérer dramatiques en certaines circonstances.

Les baisses de prix de 20 % appliquées aux céréales et à la viande bovine seraient partiellement compensées par des aides à la tonne de blé ou à la tête de bétail. Ainsi, les agriculteurs disposeraient d'un revenu inférieur avec une part accrue constituée de primes. Cela ne manquera pas de donner encore lieu à des campagnes démagogiques contre les « assistés » du monde agricole, d'autant que l'accord ne prévoit nulle dégressivité des aides aux grandes exploitations.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la course aux hectares reprendrait de plus belle au détriment de l'installation des jeunes et de l'emploi dans le monde rural, ce qui rendrait pratiquement inopérante la loi d'orientation agricole que nous sommes en train d'adopter.

M. Michel Vergnier.

C'est vrai !

M. Félix Leyzour.

En France, comme dans d'autres pays, la baisse du prix de la viande bovine et la sortie progressive des quotas laitiers auraient des conséquences redoutables dans nos campagnes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Selon nous, l'agriculture doit demeurer un secteur de production aidé. Il ne faut pas perdre de vue que les Américains, tout en faisant pression pour démanteler le système d'aides en Europe, continuent d'aider largement leur propre agriculture.

Une bonne réforme de la PAC passe aussi par des prix rémunérateurs à la production, une modulation et un plafonnement des aides. Ce serait plus économe en termes budgétaires et mieux garanti sur la durée. Au lieu de cela, il risque d'en coûter 1,5 milliard d'euros de plus sur la période 2000-2006 par rapport aux propositions initiales.

L'adoption de la proposition de résolution, telle qu'elle a été amendée par la commission - et nous y avons contribué -, constitue une invitation pressante en direction des négociateurs français, Président de la République et Gouvernement, pour rejeter le projet d'accord de Bruxelles, rouvrir les négociations et défendre les intérêts des agriculteurs français et le modèle de production agricole qui a cours en Europe.

N ous sommes partisans d'une politique agricole commune favorable au grand nombre des producteurs et rémunérant correctement leur travail. Cela peut aller de pair avec une politique européenne plus économe, car nous sommes aussi pour la défense des politiques structurelles.

J'en viens à la deuxième proposition de résolution qui leur est consacrée. Je rappelle que, sur 1 100 milliards de francs que mobiliseront ces politiques durant les années 1994-1999, 100 milliards seront engagés en France. Ce n'est pas rien. Pour autant, les inégalités de développement n'ont pas été effacées, ni en France, ni en Europe.

Toujours plus de libéralisme creuse les inégalités. Mais celles-ci auraient sans doute été plus grandes encore s'il n'y avait pas eu les fonds structurels.

Je veux souligner aussi que l'exécution de ces importantes dotations s'est révélée décevante. On observe unes ous-utilisation récurrente des crédits d'engagement.

Celle-ci est due, à n'en pas douter, aux lenteurs administratives, aux complications diverses pour faire aboutir les dossiers. Mais il ne serait pas juste d'attribuer tous les retards d'exécution à l'administration. Il ne faut pas oublier que ces crédits doivent être accompagnés de divers autres et, principalement, de crédits d'Etat.

Au cours des années passées, les gouvernements ont trouvé quelques avantages budgétaires à freiner la mise en place de leurs propres crédits, ce qui, par voie de conséquence, s'est également traduit par une sous-consommation des crédits européens. J'ose espérer que cette pratique aura tendance à disparaître.

La réforme des fonds prévoit, sur un fonds de stabilisation de la dépense, le redéploiement des moyens avec deux objectifs en vue : la simplification et la concentration. Simplifier et concentrer pour donner plus d'impact aux interventions peut, à première vue, apparaître comme un gage d'efficacité. Mais il faut toujours se méfier des mots. Simplification et concentration peuvent aussi traduire un désengagement pénalisant pour notre pays puisque c'est de l'utilisation des fonds structurels chez nous que nous discutons.

Le dispositif envisagé risque de faire de la France l'une des principales perdantes de la redistribution. Actuellement, notre pays perçoit environ 10 % des fonds structurels, soit 100 milliards de francs pour la période 19941999. Du fait de la réforme conçue par Bruxelles, la Corse et le Hainaut sortiraient de l'objectif 1, où ne subsisteraient que les DOM.

A ce propos, Ernest Moutoussamy, député de la Guadeloupe, apparenté au groupe communiste, a déposé, avec d'autres collègues des DOM, un amendement tendant à demander qu'au titre de l'objectif 1 la répartition des fonds soit au moins maintenue au niveau actuel, sous peine de vider de son sens la spécificité reconnue aux régions périphériques.

Par ailleurs, la nouvelle formule de l'objectif 2 ne devrait plus couvrir que 18 % de la population communautaire contre 25 % actuellement. Pour la France, cette concentration géographique se traduirait par une diminution de 41 à 33 % de la part du territoire éligible à l'objectif 2. Si j'ai bien compris ce que vient d'indiquer M. le ministre des affaires européennes, la France espère obtenir une baisse qui se limiterait à 20 % au lieu de 18 %, ce qui nous permettrait d'arriver à un taux de couverture de 37 % au lieu de 33 %.

Dans tous les cas, et même si les dispositifs d'accompagnement transitoires sont prévus pour les exclus de l'objectif 1 ou de l'objectif 2 nouvelle formule, nombre de régions pâtiraient à terme de la redistribution programmée. La logique qui sous-tend les propositions de la Commission est la stabilisation de la dépense communautaire avec l'application du principe des vases communicants entre la PAC et les fonds structurels.

Il est évident que l'élargissement de l'Europe à l'Est, objectif que je partage, implique que soit posé le problème de moyens financiers nouveaux, sous peine d'instaurer entre les régions de l'Union européenne, et donc les hommes et les différents pays, une compétition redoutable. C'est de cela que traitera mon ami Jean-Claude Lefort.

Il me paraît en effet difficile de soutenir l'idée que l'accent sera mis sur l'emploi en Europe alors que, dans le même temps, on verrouillera toute possibilité d'avancer dans cette direction. C'est tout le débat politique aujourd'hui au niveau européen. J'ai bien entendu ce qu'a dit M. le ministre. Je partage une part importante de son analyse, mais pas la totalité, personne n'en sera surpris.

Nous sommes favorables à ce que tout soit mis en oeuvre pour la meilleure utilisation des crédits et dans la plus grande transparence. Des amendements que nous avons présentés ainsi que d'autres ont été adoptés en ce sens, ce qui nous paraît positif.

Nous aurions souhaité que mandat soit également donné au Gouvernement pour engager la réflexion sur de nouveaux moyens financiers. La discussion ne fait que commencer ; nous verrons, au moment du vote, où nous en sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Ce débat, messieurs les ministres - je me réjouis du retour de M. Glavany -, nous souhaitions l'avoir. Ces sujets, en effet, vont engager l'avenir de nos territoires ruraux et de notre agriculture pour les six prochaines années. Il intervient toutefois dans un contexte marqué par l'actualité récente - je veux, bien sûr, parler de la démission de la Commission européenne.

C'est un événement majeur, et même inédit dans l'histoire des institutions européennes, qui se produit au coeur des négociations, ce qui ne sera sans doute pas sans conséquences.

Désormais, on ne parlera plus du paquet Santer ; il faudra s'en tenir à l'Agenda 2000 avec tous ses volets, et notamment la politique agricole commune et les fonds


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

structurels européens. A cet égard, je veux vous faire part, monsieur Moscovici, de notre inquiétude profonde quant à l'avenir des territoires ruraux qui ne seront plus reconnus éligibles. Où allons-nous trouver les moyens d'assurer à ces territoires l'avenir qu'ils sont en droit d'attendre dans un pays où la concentration urbaine est extrêmement forte ? Cela nous ramène au récent débat sur l'aménagement du territoire et au rééquilibrage voulu par le Gouvernement.

Yves Bur interviendra sur les perspectives financières, et Yves Coussain sur les fonds structurels européens. S'agissant des perspectives financières, je ferai toutefois observer, monsieur le ministre, qu'il faut parler non pas d'ambition mais de contrainte. Nous devons tenir compte des enveloppes budgétaires mais aussi décider quelle ambition nous voulons afficher pour la France, qui est un grand pays agricole.

Tout ces éléments, brièvement évoqués, ne font que rajouter au sentiment de grande incertitude, je dirai même, rejoignant en cela certains des orateurs précédents, au sentiment de confusion qui a entouré ces négociations, sur la réforme de la PAC notamment. J'en rappellerai quelques épisodes en soulignant la responsabilité du Gouvernement.

La discussion que nous avons aujourd'hui est importante car les négociations concernent l'avenir de pans entiers de notre économie. Mais, et je réponds là à M. Parrenin, elle aura une portée très limitée tout simplement parce que il y a une semaine, les contours de négociation ont déjà été tracés. En effet, monsieur Moscovici, les mots en un sens. Moi aussi, j'ai lu les différents communiqués. Certains de vos collègues du Gouvernement ont parlé de compromis. Or un compromis est le résultat d'une discussion. Certains de nos partenaires européens ont fait allusion à un pré-accord. M. Védrine, quant à lui, a évoqué une phase nécessaire d'évaluation avant le prochain rendez-vous du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement.

A cette tribune, je voudrais simplement revenir, au nom de l'UDF, sur quelques points que nous avons soulevés dès le début de la discussion sur la loi d'orientation agricole, et d'abord rappeler que c'est le ministre de l'agriculture français de l'époque, M. Le Pensec, qui a ouvert le premier la boîte à idées du cofinancement et d'une forme de renationalisation de la politique agricole commune.

En effet, alors que, durant les discussions de la loi d'orientation agricole, qui devait marquer notre ambition agricole pour les vingt prochaines années, nous l'avions interrogé sur les enjeux budgétaires, M. Le Pensec avait avancé que la modulation, le plafonnement des aides communautaires pouvaient constituer des moyens de financement.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

De même, en agitant en permanence le débat franco-français sur l'inégalité des aides allouées aux agriculteurs, sur le nécessaire rééquilibrage, en désignant certaines régions ou certains producteurs, le Gouvernement s'est inscrit dans la perspective d'un autre d ébat, européen celui-là, sur l'inégalité des retours communautaires entre les Etats membres, que l'Allemagne a remis d'actualité.

M. Parrenin a indiqué que la position qu'adopterait l'Assemblée aiderait la délégation française dans les négociations.

Je serais tenté de lui dire que nous attendions ce débat beaucoup plus tôt et que nous aurions aimé l'avoir au fond lors de l'examen de la loi d'orientation agricole ou du texte relatif à l'aménagement du territoire. En fait, la discussion a été confinée dans une vision purement hexagonale au point que c'est par voie d'amendement qu'a été introduite la notion d'exportation agricole et agroalimentaire et la vocation mondiale de l'agriculture française et européenne.

M. Patrick Ollier.

A notre demande !

M. François Sauvadet.

Après plusieurs mois de tergiversations, avec un changement de ministre à la clé, nous avons manqué l'occasion d'expliquer quel était le modèle que nous voulions défendre pour l'avenir de notre agriculture en Europe et dans le monde.

Nous estimons que la loi d'orientation agricole que nous examinerons prochainement en deuxième lecture a un goût d'inachevé. Cette impression a été confirmée lors de la réunion de la commission mixte paritaire au cours de laquelle le débat n'a été engagé que sous un angle procédurier. Nous l'avons d'autant plus regretté, madame Marre, que nous étions prêts à faire en sorte que nous puissions donner, tous ensemble, des signes forts à la veille de la réunion du conseil des ministres de l'agriculture.

Monsieur Glavany, lorsqu'au soir du pré-accord intervenu en conseil des ministres, la semaine dernière, annoncé par la présidence allemande et admis par la plupart de nos partenaires européens, nous vous avons entendu indiquer que le Gouvernement ne l'avait ni approuvé ni rejeté, faute de vote formel - dans une sorte de nouvelle version du « ni-ni » -, nous avons eu une curieuse impression. Cela nous a en effet rappelé la position que le gouvernement français avait prise sur la levée de l'embargo frappant la viande bovine britannique. Avait alors été choisie une position étrange avec une abstention à la clef ; je tenais à le rappeler.

L'examen de la proposition de résolution sur l'avenir de la réforme de la politique agricole commune doit permettre à chacun des groupes politiques d'exposer clairement son approche des discussions européennes. Pour l'UDF, ce débat n'est pas seulement agricole ; il concerne aussi l'économie, l'aménagement du territoire, l'avenir même de l'Europe, car l'agriculture est et reste la seule grande politique intégrée et réussie de l'Union.

Pour tous les Européens convaincus, la PAC ne doit pas être la victime de cette logique d'intérêt que Mme Thatcher avait introduite, dès 1984, avec son célèbre money-back . Ce serait, en effet, le prélude à une renationalisation des politiques communes que nous ne voulons pas, car elle s'apparenterait à un véritable recul de l'Europe. Cette dernière a, au contraire, besoin d'un visage, d'un budget qui lui soit propre, d'une véritable existence politique face à une technocratie dont on a vu les effets ces derniers jours.

Les négociations sur la politique agricole commune doivent être l'occasion de donner, au travers d'une réforme volontaire, le signe que nous voulons une Europe solidaire, efficace, présente dans la mondialisation de l'économie que nous connaissons.

Personne ne conteste la nécessité de réformer la politique agricole commune, afin de l'inscrire dans la perspective d'un élargissement de l'Union et des prochaines négociations sur l'organisation mondiale du commerce, qu'il faut aborder de manière offensive et non pas défensive. Personne ne conteste non plus la nécessité de trouver un nouvel équilibre qui ne soit pas seulement finan-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

c ier monsieur Moscovici. Il doit aussi s'agir d'un équilibre de société entre production et territoire entre écologie et emploi, entre qualité et consommation. Pour autant, ces perspectives ne doivent pas conduire à un affaiblissement de nos capacités, qui offrent seules la garantie durable d'une valorisation de l'espace.

L'UDF estime que cette réforme doit s'inspirer résolument des fondements qui ont garanti le succès de la PAC et qui nous ont permis de devenir et de rester une grande puissance agricole et agro-alimentaire. Je rappelle qu'il s'agit de l'unicité de marché, de la solidarité financière et de la préférence communautaire. Leur respect passe par de véritables organisations communes de marchés, en évitant toute renationalisation qui serait contraire à l'esprit tant de la PAC que de la construction européenne. La PAC doit préserver notre marché intérieur.

Dans cet esprit, peut-on accepter le principe d'une baisse des prix des productions telle qu'elle est proposée avec, à la clef, des aides qui constitueraient l'essentiel du revenu des agriculteurs et le démantèlement des outils communs de gestion de marchés ? Cela reviendrait à soumettre, chaque jour davantage, notre agriculture aux aléas budgétaires, alors que les agriculteurs doivent rester de véritables acteurs économiques.

Il faut réaffirmer que les prix pratiqués sur les marchés mondiaux ne répondent pas uniquement à des logiques économiques, contrairement à ce que certains prétendent.

Ainsi, les baisses des prix garantis en Europe ne conduiront pas, de façon mécanique, à l'accroissement des exportations vers les pays tiers et à une résorption des stocks, lesquels sont d'ailleurs très limités. L'ampleur de nos exportations dépend davantage d'autres critères, tels que la qualité, la sécurité alimentaire, la valeur ajoutée.

Une baisse des prix accompagnée de compensations à la hauteur affichée serait vraiment insupportable pour les grandes cultures, dans les zones de plaine comme dans les régions intermédiaires, qu'il s'agisse des oléoprotéagineux dont Christian Jacob a parlé, ou de la viande bovine et du lait.

Comment peut-on accepter cette réforme, à la fois inquiétante et plus budgétivore, puisqu'on annonce un dépassement de 6,5 milliards d'euros sur sept ans ? Le respect du cadre budgétaire est une contrainte, pas une a mbition. Il serait inadmissible de souscrire à des réformes qui se traduiraient par des baisses de prix très fortes, d'autant que leur réduction à la production n'aurait pas de répercussion sur les prix à la consommation.

Nous ne saurions donc accepter ce principe qui aurait pour conséquence d'amplifier le mouvement de concentration des exploitations.

Un accord est évidemment indispensable, mais pas à n'importe quel prix pour la France, première puissance agricole européenne et l'une des premières au monde. Il convient de tirer les leçons de ce que nous venons de vivre pour construire une Europe plus forte, une Europe avec un budget autonome, une Europe qui s'inscrive dans la perspective des prochaines négociations sur l'organisation mondiale du commerce. Au travers de l'Agenda 2000, du financement de l'Union, de l'avenir des politiques agricoles et régionales, c'est toute la consolidation de l'acquis européen qui est en jeu.

L'enjeu, monsieur Parrenin, n'est pas de voter une déclaration d'intention de pure forme, aux contours d'ailleurs discutables, qui oppose certains systèmes de production, certaines régions, certaines vocations agricoles entre elles. Il faut, je le répète, tirer les leçons de ce que nous venons de vivre et éviter le piège mortel du juste retour pour chaque Etat. Nous devons savoir bâtir cette Europe dont nous voulons tous.

Etre au Gouvernement, c'est assumer ses responsabilités. Les gouvernements européens, en majorité socialistes, je le rappelle, auront, dans les discussions qui vont s'ouvrir, une lourde responsabilité, dont ils ne doivent pas s'exonérer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Mesdames, messieurs, ces propositions de résolution interviennent au beau milieu des discussions sur la réforme de la PAC, incluses dans celles sur l'Agenda 2000. Les résultats encourageants du conseil agricole du 11 mars 1999 en disent toutefois long sur le fossé qui sépare la position française de celle de nos partenaires, au moins dans le domaine agricole.

Permettez-moi tout de même de souligner qu'il y a une certaine hypocrisie à envoyer le ministre de l'agriculture et toute la délégation française défendre des positions aussi éloignées, alors que les élus politiques - déput és, sénateurs, députés européens et responsables professionnels - auraient fort bien pu faire le tour de leurs partenaires européens pour les convaincre de la justesse des positions françaises. Ils ne l'ont pas fait, ou insuffisamment. De telles divergences ne peuvent être surmontées en quelques mois sans que nos partenaires européens, politiques et professionnels, n'aient été eux-mêmes acquis à 'l'idée d'encourager un modèle d'agriculture différent.

Sans doute les opinions publiques européennes sontelles aujourd'hui sensibilisées par les excès d'une agriculture industrialisée au mépris de la santé, de l'environnement et par la persistance de coûteux déséquilibres du marché. Mais, manifestement, le message n'est pas

« passé », n'est pas « remonté », alors que le soutien des opinions publiques aurait été nécessaire pour appuyer ce changement. Vous savez bien, en effet, que chaque ministre européen agit en tenant compte de son opinion publique et de l'avis de ses professionnels agricoles.

Sur plusieurs des points traités par la résolution, nos positions sont donc encore éloignées de celles de nos partenaires.

Les principaux points de désaccord qui persistent concernent les propositions de baisse des prix qui sont bien supérieures à celles qui figurent dans la proposition de résolution, en particulier pour la viande bovine et le lait. Ces baisses entraîneraient une prévision de dépassement des dépenses budgétaires contraire aux objectifs affichés par la présidence allemande, alors que leur compensation totale demeure notre objectif.

Les propositions concernant les oléagineux n'ont pas été retenues, alors que la Communauté européenne est déficitaire en huiles et en protéines, et alors que le colza, en particulier, s'adapte bien dans des régions aux sols superficiels et à potentiels limités.

La maîtrise des productions n'est pas clairement affichée.

Les propositions de plafonnement des primes et de dégressivité au profit du développement rural n'ont pas encore été acceptées. L'enjeu est de taille car il condit ionne la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Ainsi que le souligne le projet de résolution, certaines productions telles que les cultures méditerranéennes ou les productions ovines et caprines ne figurent pas dans les propositions, alors que leur soutien conditionne l'avenir de très nombreuses exploitations.

Face à ces premiers résultats, quelques enseignements s'imposent.

D'abord, les baisses de prix garantis imposeront à la profession une organisation plus poussée des filières, la mise en place de productions de qualité, la contractualisation des débouchés, la recherche de valeur ajoutée supplémentaire.

Ces résultats, encore perfectibles mais aussi prévisibles justifient pleinement le vote de la loi d'orientation agricole et l'instauration du contrat territorial d'exploitation, qui, en encourageant la multifonctionnalité de l'agriculture, peut libérer nos exploitations des contingences européennes sujettes à évolutions cycliques et aux incertitudes de la prochaine négociation de l'organisation mondiale du commerce.

Quant aux résolutions sur la réforme des fonds européens et des perspectives financières, elles nous paraissent plus proches des résultats attendus, avec la volonté réaffirmée de simplifier les procédures, de favoriser la fongibilité des fonds et d'assurer l'harmonisation non seulement sociale et fiscale, mais aussi environnementale, car les contingences, dans ce domaine, induisent des coûts élevés dans le fonctionnement de nos sociétés. Il faut, enfin, permettre leur utilisation en faveur de projets d'infrastructures routières, ferroviaires ou de télécommunications, ce qui limiterait la sous-consommation potentielle des crédits.

L es incertitudes allemandes et la démission des membres de la Commission européenne donnent à la France de nouvelles opportunités pour faire prévaloir son point de vue lors du sommet de Berlin. A ce propos, je tiens à souligner que cela est tout à leur honneur. Nous aimerions que la même attitude inspire certains de nos responsables politiques nationaux dans des circonstances similaires.

Messieurs les ministres, nous vous faisons confiance.

Acceptez le soutien du parti radical de gauche au travers de notre vote qui sera favorable aux propositions de résolution de la délégation européenne, amendées par la commission de la production et des échanges. Ce soutien illustre notre volonté d'appuyer une nouvelle dynamique politique européenne de la plus proche du citoyen.

(Applaudissements sur les bancs du group Radical, Citoyen et Vert du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la politique agricole commune, laissant à mes collègues Marc Laffineur et Pierre Lequiller le soin de traiter des deux autres sujets en discussion.

Dans un contexte politique extrêmement affecté par la démission collective de la Commission - fait sans précédent dans l'histoire de l'Union européenne - et par la crise politique que connaît l'Allemagne, c'est d'abord sur la portée réelle du compromis de Bruxelles que s'impose une clarification.

En vous écoutant, monsieur le ministre délégué, m'est venue à l'esprit cette réflexion de Céline à propos du fait d'avoir raison seul contre tous. En effet, si le compromis intervenu est un véritable accord politique pour l'immense majorité des Etats, vous considérez qu'il est une version nouvelle et contestable d'une négociation inachevée. Ce décalage réel sur le sens et cet isolement politique apparent renforcent nos inquiétudes sur le fond.

Quel constat d'échec ! On peut d'ailleurs s'interroger sur les raisons qui vous ont conduit à admettre un tel résultat, que nous considérons tous comme parfaitement inacceptable, et sur lequel vous n'avez essentiellement formulé que des réserves de forme et de procédure. L'opposition, avec le Président de la République, a toujours placé la défense des intérêts de l'agriculture française au premier plan de son action politique, car nous sommes conscients du fait que ce dossier est essentiel, tant pour les intérêts directs, les conditions de vie et le revenu des agriculteurs français, que pour le modèle européen agricole que nous souhaitons inspirer et préserver.

O r l'analyse sectorielle des mesures annoncées, appuyées sur une logique de baisse généralisée des prix partiellement compensée, c'est-à-dire sur l'alignement progressif sur les cours mondiaux, qui n'obéissent faut-il le rappeler ? - à aucune rationalité économique, est défavorable aux intérêts tant français qu'européens. Nous en discernons parfaitement les risques.

Le premier est celui d'une dépendance sans cesse accrue du revenu agricole vis-à-vis des soutiens publics, ce qui peut conduire à porter atteinte à la dignité des agriculteurs et à s'interroger sur la légitimité de tels soutiens, surtout compte tenu de l'importance du nombre des agriculteurs actifs au regard de la population active dans son ensemble, et de la part déjà occupée par l'agriculture dans le budget communautaire.

Le deuxième risque est celui d'une réduction endémique de nos exploitations au moment précis où il faudrait stopper la tendance à la baisse rapide de leur nombre en raison de la concentration encouragée par l'impératif de productivité.

Enfin, pèse le risque d'une insuffisante prise en compte de l'exigence de qualité, laquelle est pourtant devenue un impératif de société.

Que restera-t-il, à terme, du lien vital qui existe encore aujourd'hui entre l'agriculture - son monde, ses traditions, l'esprit rural - et le reste de nos concitoyens, si nos zones rurales sont envahies par les friches, si la confiance dans les produits agricoles n'est plus totale, si l'agriculture devient synonyme de coûts sans répercussions positives sur le prix des produits ? J'en déduis trois points essentiels.

Il est d'abord nécessaire de prendre en compte la diversité et la spécificité des marchés agricoles. Or la logique généralisée de baisse des prix affecte trois secteurs de production essentiels dans ces proportions trop importantes, faisant des prix bas le facteur déterminant de la compétitivité.

L'avenir de l'agriculture européenne passe-t-il nécessairement par son alignement sur les prix mondiaux ? Ce postulat est naturellement constestable, car il sous-estime le fait majeur que, pour deux au moins de ces productions essentielles - le lait et la viande bovine -, le marché est et reste européen. Les cours mondiaux portent sur des productions mises sur le marché souvent à prix marginal, en tout cas ne reflétant ni les coûts réels ni les contraintes environnementales ou sociales. Ainsi, le prix de la viande bovine au cours mondial est inférieur de plus de 50 % au prix européen.

Cette logique conduit dans une impasse et nous étions convaincus qu'il existait d'autre voies.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Les effets de cette solution seront très négatifs dans les différents secteurs.

S'agissant de la production laitière, l'ensemble de la profession, industriels et producteurs, était légitimement hostile à tout projet de réforme dans un secteur aujourd'hui stabilisé dont les stocks sont au plus bas et qui pèse peu sur le budget communautaire.

Cette réforme doit donc être différée, la maîtrise de l'offre maintenue, les prix stabilisés, sachant d'ailleurs que, dans ce domaine, la fluctuation à la baisse n'entraînerait aucune répercussion réelle pour le consommateur. Faut-il aussi rappeler que cette réforme serait également coûteuse ? Pour ce qui est du secteur céréalier, nous sommes tous conscients des risques de productivisme et de surproduction, et nous connaissons les correctifs nécessaires. Pour autant, il est souhaitable de limiter la baisse à son effet utile et de préserver un régime équilibré pour les oléoprotéagineux.

Pour ces secteurs, notamment pour la viande bovine, nous considérons qu'il faut préserver à tout prix les outils de régulation du marché, particulièrement l'intervention publique, dans des conditions qui ne soient pas celles retenues aujourd'hui, lesquelles prévoient un prix d'intervention à 10 francs le kilo pour le boeuf.

Dans le domaine de la viande bovine, d'ailleurs, le marché est à 80 % européen. La baisse de 20 % apparaît donc d'autant plus inadaptée que ses répercussions sur le panier de la ménagère seraient parfaitement marginales.

Deuxième exigence : préserver l'esprit et la solidarité communautaire.

La politique agricole est la première, la plus intégrée, celle qui, au-delà des crises, a réussi à progresser et a incarné la plus forte des solidarités. Il faut en effet éviter le démantèlement par le jeu des enveloppes nationales ou de cofinancement dont l'effet, assimilable à une renationalisation, ne manquerait pas d'engendrer, vous le savez, de nouvelles distorsions de concurrence sur des productions identiques d'Etat à Etat.

Il faut être vigilant sur ce type de mesure, tout en recherchant, dans la mise en oeuvre des mesures communautaires, la nécessaire souplesse que requiert toute politique agricole - et ce n'est pas un exercice simple - du fait de la diversité des territoires et des conditions d'exploitation et de production. C'est l'esprit même de la subsidiarité qui, dans ce domaine, comme en d'autres, doit inspirer l'Europe moderne, car il est important que l'Europe agricole soit également mieux perçue, et que ses coûts et son fonctionnement soient mieux compris.

La solidarité communautaire est aujourd'hui affectée par la volonté de certains gouvernements de remettre en cause le montant de leur contribution budgétaire. Nous partageons l'opinion qui a été exprimée à cette tribune selon laquelle la solidarité budgétaire ne saurait s'apprécier en termes de retour direct sur investissement. Il est néanmoins paradoxal que, destinée à favoriser un encadrement budgétaire plus strict, la réforme dont nous discutons aboutisse, à travers un compromis très insatisfaisant, à en augmenter singulièrement le coût.

S'agissant de la modulation, dont le principe est maintenu, nous attendons des explications sur les critères retenus, notamment ceux que vous avez vous-même introduits, monsieur le ministre, sur le volume des aides touchées par les agriculteurs.

Si nous partageons le souci de voir « moraliser » les aides publiques, dont 80 % sont mobilisées par 20 % d'exploitants agricoles, comme aux Etats-Unis, nous souhaiterions en connaître les modalités.

De la même façon, ce compromis n'accorde pas à la France les crédits européens supplémentaires pour financer le contrat territorial d'exploitation, contrairement à vos engagements, monsieur le ministre. Quelle est votre réaction à ce sujet ? Troisième exigence : prendre en compte la qualité.

Si l'objectif est bien de rendre notre agriculture plus compétitive, c'est-à-dire moins dépendante des subventions, il doit aussi faire la part à la qualité. Nous avons pris en compte l'idée de faire du développement rural le deuxième pilier de la PAC, mais la recherche de la qualité vaut d'abord pour la sécurité alimentaire comme pour l'environnement. La reconnaissance de la qualité, sa promotion, la plus-value qu'elle doit générer en termes de revenu doivent être des priorités. Il existe pour ces produits - je pense en particulier aux AOC - un marché mondial sur lequel l'Europe doit mieux se positionner.

De la même façon, doivent être pris en considération les modes nouveaux de production, qu'il s'agisse de l'agriculture biologique, des risques liés aux OGM ou de l'utilisation des hormones.

La recherche de la qualité passe aussi par l'extensification, encore trop faiblement encouragée malgré la revalorisation des primes au troupeau allaitant. Je déplore, comme beaucoup de mes collègues, que la prime à l'herbe n'ait pas été reconduite car elle était adaptée aux régions d'élevage extensif, respectueuses de l'environnement et faibles consommatrices d'intrants.

Dans cette utilisation optimale de l'espace, les zones défavorisées, telle la montagne, doivent être soutenues, de même que les productions qui n'apparaissent pas véritablement au coeur de ces dispositifs parce qu'elles sont moins importantes que d'autres. Je pense en particulier aux productions ovines qui n'ont pas bénéficié, par l'effet du stabilisateur retenu, de mesures de soutien équilibrées.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, pour ces motifs, nous ne vous suivrons pas. La proportion de résolution ne répond pas à l'ampleur des objectifs.

Les quelques avancées obtenues restent insuffisantes.

De la même façon que nous avions considéré la loi d'orientation agricole comme une mauvaise anticipation de la PAC, nous considérons que votre négociation n'a pas mis la France en position de force, comme elle ne met pas l'Europe en position de force face au prochain cycle de l'OMC. C'est d'une véritable remise à plat, en tout cas d'un changement de philosophie, que la PAC avait besoin pour faire face aux enjeux de l'élargissement, de la modernisation et de la rentabilisation et pour répondre aux nouveaux espoirs forgés pour une agriculture qui souffre énormément. Les agriculteurs vous regardent aujourd'hui, monsieur le ministre, avec inquiétude.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Hollande.

M. François Hollande.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, à mon tour, je me félicite de ce débat et je me réjouis que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne ait fourni


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un travail de qualité permettant un contrôle effectif du Parlement sur la construction européenne. C'est un des thèmes qui est au coeur des débats en cours.

L'Agenda 2000, cette proposition faite par la Commission à la demande du Conseil, touche, en fait, aux problèmes fondamentaux de l'Union. Ce n'est pas une revue de détail ni un ensemble de questions techniques. C'est un projet pour répondre à trois enjeux fondamentaux de l'Union européenne et, donc, de l'Europe du

XXIe siècle.

Le premier défi est commercial. Nous devons nous préparer à un cycle de négociations dans le cadre de l'OMC et notre politique agricole commune - chacun le sait - sera l'objet de critiques, de menaces et de mises en cause.

Le deuxième défi est budgétaire, Nous devons définir le cadre de nos dépenses et de nos recettes communes jusqu'en 2006 en tenant compte de la demande très forte de notre partenaire allemand de réduire sa participation.

Le troisième défi, enfin, est politique. Nous devons préparer l'élargissement, qui changera radicalement la dimension et les structures de l'Europe, telles que nous la connaissons.

Pour répondre à ces défis, nous affrontons une somme de contraintes, pas forcément compatibles les unes avec les autres.

La première contrainte est la poursuite des politiques communes. Tout le monde le souhaite.

La deuxième contrainte est la contribution au succès de l'euro. Tout le monde le souhaite également, à quelques exceptions près.

La troisième contrainte est la préparation de l'élargissement, qui est en cours. L'élargissement est inéluctable, même si nous reconnaissons tous, du moins je l'espère, qu'il doit être précédé par une réforme des institutions.

La quatrième contrainte est d'éviter d'alourdir les dépenses publiques européennes et donc de stabiliser leur niveau à 1,27 % du PNB européen. Cela vaut pour toutes les dépenses communautaires : pour la politique agricole commune comme pour les fonds structurels. Il y aurait, d'ailleurs, quelque paradoxe à demander la baisse de la dépense en France - bien que cela puisse arriver sur certains bancs - et souhaiter que la dépense communautaire croisse. Ce serait d'ailleurs un autre paradoxe que de demander davantage de dépenses pour la politique agricole commune et un peu moins pour les fonds structurels ou davantage pour les fonds structurels, lorsque nos régions sont concernées, et un peu moins pour la dépense agricole. L'effort de cohérence vaut pour tout le monde.

Cette somme de contradictions existe et c'est ce qui rend l'exercice compliqué.

Pour que le « paquet », que je n'ose plus qualifier dans le contexte actuel, soit dénoué dans la période exceptionnelle que nous vivons - après la démission de la Commission dans les circonstances que l'on sait, avec une nouvelle présidence allemande, qui affronte une tâche particulièrement difficile, et à quelques semaines des élections européennes -, nous devons faire preuve d'une volonté politique forte si nous voulons faire prévaloir un certain nombre de principes. Mais ce ne sera qu'un moment, après d'autres et avant d'autres, sans doute, de l'histoire de l'Union européenne.

Le débat d'aujourd'hui nous donne l'occasion de préciser ce que nous attendons du conseil de Berlin, de faire le point sur sa préparation, d'examiner ce qui a déjà été acquis et d'expliquer clairement - beaucoup l'ont fait avant moi - ce qui ne nous satisfait pas et doit être amélioré. C'est, dans une certaine mesure, une ambition collective. Evitons les jeux de rôle, même si la période y est propice, qui consisteraient à avoir des paroles différentes et un comportement commun, dans la négociation, au sommet de l'exécutif.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne, et Mme Marie-Françoise PérolDumont, rapporteur.

Très bien !

M. François Hollande.

Sur la politique agricole commune - c'est le premier dossier que j'aborderai parce que c'est le principal -, nous sommes tous convaincus, je l'espère, de la nécessité d'une réforme.

M. Yves Coussain.

Jusque-là, ça va !

M. François Hollande.

Nous étions, pour notre part, déjà convaincus qu'il fallait la réformer en 1992. Nous avons eu du mal à convaincre - et ceux qui, aujourd'hui, nous demandent de ne rien changer sont souvent les mêmes que ceux qui criaient le plus fort en 1992 contre la réforme qui était préparée à l'époque courageusement par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Coussain.

Nous avions des raisons !

M. François Hollande.

Il nous faut aujourd'hui négocier une réforme de la politique agricole commune. Mais dans quel sens et avec quels objectifs ? Premier principe : nous voulons une répartition des aides publiques différentes de celles d'aujourd'hui afin de corriger les inégalités entre les régions et entre les productions.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. François Hollande.

Deuxième principe : nous voulons le maintien des organisations communes de marché.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. François Hollande.

Nous récusons donc tout cofin ancement ou toute renationalisation des politiques commues.

M. François Sauvadet.

Il faudra que vous nous expliquiez cela !

M. François Hollande.

Troisième principe : nous demandons une prise en compte de l'environnement, de l'occupation du territoire, du maintien de l'emploi agricole, c'est-à-dire de la logique qui a prévalu pour l'adoption de la loi d'orientation agricole.

Quatrième principe : nous voulons éviter ce qui a été le plus critiquable dans la réforme de 1992, à savoir la prime à l'agrandissement et au productivisme, qui a fait qu'il y a eu moins d'emplois agricoles au terme de la procédure de réforme de la politique agricole commune.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

C'est exactement la même chose aujourd'hui.

M. Jean Auclair.

Vous recommencez.

M. Christian Jacob.

Cela ne vous réussit pas d'intervenir sur l'agriculture !

M. François Hollande.

Cinquième et dernier principe : nous voulons éviter que le coût soit excessif de la politique agricole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Mes chers collègues, nous affirmons notre attachement à cette réforme. Elle doit rester dans le cadre de la stabilisation des dépenses. Ce qui vaut pour la politique agricole vaut également pour les fonds structurels. Nous la jugerons en fonction des objectifs que nous avons fixés : une meilleure redistribution des aides, une solidarité financière et, bien sûr, la capacité de l'agriculture française à assurer la meilleure occupation du territoire tout en donnant les moyens de réussite économique.

M. François Sauvadet.

C'est insuffisant !

M. François Hollande.

A partir de ces principes, quel jugement peut-on porter sur le compromis du conseil agricole de Bruxelles ? D'abord, ce n'est qu'un compromis, qui, de surcroît, a fait l'objet de réserves de la part des ministres. Mais soyons, là aussi, le plus clair possible.

M. Christian Jacob.

Cela vous changera !

M. François Hollande.

Qu'est-ce qui, dans ce compromis, nous paraît déjà un progrès ? D'abord, nous avons su mobiliser - et ce n'était pas évident car nous étions assez isolés dans la phase initiale de la négociation - l'ensemble des Etats membres, ou en tout cas une majorité, sur notre position : à savoir le refus de tout cofinancement et de toute renationalisation de la PAC. C'est déjà un progrès décisif. Convenons-en !

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne. C'est majeur !

M. François Hollande.

Il n'y a pas lieu d'avoir un débat au Parlement si nous ne sommes pas été au moins d'accord entre nous sur ce qui a été obtenu dans la négociation. Grâce au ministre, grâce au Gouvernement, nous avons obtenu une mise à l'écart de ce qui était une volonté, et pas simplement une volonté simplement allemande.

Sur d'autres points, notre satisfaction est mitigée.

Certes, en ce qui concerne la viande bovine, il y a une revalorisation de la prime pour le troupeau allaitant, mais la baisse des prix est encore trop importante et le prix fixé pour le filet de sécurité trop bas.

Autre point sur lequel nous avons pour partie satisfaction : la réforme de l'OCM vin permet une extension du vignoble et une consolidation des interprofessions.

Par contre, plusieurs points posent encore aujourd'hui des problèmes, et l'intérêt de ce débat est aussi de les mettre en évidence.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation.

Très bien !

M. François Hollande.

Premièrement, si nous avons obtenu un délai pour la mise en forme de la réforme de l'OCM lait, il y a une tendance, une évolution que nous contestons : à savoir la mise en cause des quotas laitiers.

M. Christian Jacob.

Tout à l'heure, on m'a expliqué que ce n'était pas vrai !

M. François Hollande.

Monsieur Jacob, qui avez la politesse de m'interrompre, je n'aurai pas la cruauté de rappeler qui était pour et qui était contre les quotas laitiers au moment où ils ont été décidés. (Mêmes mouvements.) Il faudrait reprendre toutes les déclarations de l'époque, pour vous ramener à un peu plus de modération ou en tout cas au silence, ce qui serait déjà un progrès, et bénéfique dans la discussion d'aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Déaut.

Vous avez la mémoire courte, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

Aujourd'hui, c'est vous messieurs de la majorité, qui mettez en l'air la maîtrise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Monsieur Jacob, vous n'avez pas la parole.

M. Christian Jacob.

La majorité met en l'air, aujourd'hui, je le répète, la maîtrise. Vous n'avez fait aucune remarque sur ce point, monsieur Hollande. M. Glavany n'a fait aucune réserve sur le dossier laitier lors du conseil des ministres de l'agriculture.

M. Jean-Michel Ferrand.

M. Hollande dit n'importe quoi !

M. Albert Facon.

M. Jacob est dans les cordes !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, M. Hollande a seul la parole. Je vous demande de vous taire !

M. François Hollande.

Je vous remercie, madame la présidente.

Nous avons aussi noté que la spécificité des oléoprotéagineux était insuffisamment prise en compte. De même, nous avons constaté - le mandat en avait pourtant été confié à l'ensemble des négociateurs - qu'il n'y a pas eu de stabilisation de la ligne budgétaire, et que le compromis dépasse de 7 milliards d'euros ce qui avait été souhaité.

Voilà pourquoi les socialistes soutiennent la proposition du Gouvernement de continuer à mener la négociation sur les bases qui nous paraissent les plus solides : à savoir la dégressivité des aides publiques à l'agriculture,...

M. Jean Auclair.

C'est scandaleux !

M. François Hollande.

... la redistribution des aides en faveur des priorités essentielles que nous avons définies.

Nous souhaitons que ce qui sera obtenu par la dégressivité serve au maintien de l'emploi agricole et au développement rural.

Là aussi, ceux qui mettent en cause le principe même de la dégressivité devraient demander une augmentation du budget agricole.

M. Jean Codognès.

Eh oui !

M. Jean Auclair.

Nous en reparlerons, de la dégressivité des aides !

M. François Hollande.

Ils y sont opposés parce qu'ils ne veulent pas réorienter les aides !

M. Jean Auclair.

Vous parlez de choses que vous ne connaissez pas !

M. François Hollande.

S'ils ne souhaitent pas mettre en évidence la redistribution des aides dans le système agricole européen, c'est parce que certaines exploitations ont eu le bénéfice sinon exclusif, du moins principal des aides. Il y a, là aussi, des principes d'équité à défendre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est une caricature, comme d'habitude !

M. Jean Auclair.

Allez expliquer cela aux agriculteurs !

M. François Hollande.

Voilà pourquoi, messieurs les ministres, nous souhaitons que le principe de dégressivité et le principe de redistribution soient affirmés avec beaucoup de force dans la négociation. Autant d'objectifs qui nous permettront d'assurer le financement de la loi d'orientation, et notamment des contrats territoriaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Vous avez sans doute compris quel était le message que nous voulions lancer. Il est aujourd'hui un principe essentiel : celui d'aboutir. Pour ce faire, il faut trouver les compromis nécessaires. Mais ces compromis, qui, pour partie ont déjà été acquis, notamment le refus du cofinancement, ne peuvent pas se faire sur la base actuelle de ce qui nous a été donné. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Très bien !

M. François Hollande.

C'est le sens du débat d'aujourd'hui de le faire apparaître.

Quelques mots enfin sur les fonds structurels. Je salue le travail d'Alain Barrau : il a ouvert les perspectives dans lesquelles les propositions de réforme des fonds structurels doivent être replacées.

Le principe que nous avons fixé, là encore, c'est celui de la solidarité au sein de l'Europe.

Oui, les fonds structurels servent à permettre à des pays comme le Portugal, l'Espagne ou l'Irlande de rejoindre les standards communautaires,...

M. Guy-Michel Chauveau et M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Jacob était contre en 1982 et en 1986 !

M. Christian Jacob.

Vous aussi, vous étiez contre, messieurs !

M. François Hollande.

... même si ces fonds n'ont pas vocation à être éternels.

La solidarité signifie aussi permettre à nos régions rurales de bénéficier des fonds 5 b - qui seront réformés et des interventions de l'Europe pour assurer le développement local.

La solidarité signifie enfin que des fonds structurels viennent au secours des sites les plus dégradés.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Vous auriez dû le dire lors du débat sur l'aménagement du territoire !

M. François Hollande.

Oui, nous sommes attachés à cette politique ! Mais il faut convenir que les fonds structurels devront être reconcentrés géographiquement et réorganisés dans leur mise en forme et leur mise en oeuvre. Il nous faudra aussi réfléchir à l'avenir du fonds de cohésion.

Quant aux perspectives budgétaires, M. Gérard Fuchs a clairement exposé notre pensée dans son rapport. Nous avons entendu la demande de notre partenaire allemand de réduire sa contribution. Nous avons entendu aussi que d'autres partenaires ne souhaitaient pas remettre en cause les chèques qui leur ont été accordés un moment par la Communauté. Mais nous avons aussi tous souhaité une stabilisation de la dépense communautaire.

Je terminerai sur une question, à laquelle l'actualité doit nous rendre sensibles : si nous voulons que la construction de l'Europe progresse et que la Commission européenne soit dotée d'une autorité politique et d'une administration efficaces, si nous voulons répondre aux attentes de nos concitoyens en matière d'emploi, de croissance, de recherche, d'éducation et de culture, faut-il toujours imaginer la norme budgétaire de l'Europe à 1,27 % du PNB ? Cette question n'est peut-être pas d'actualité mais elle le sera dans la période qui vient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) à moins d'accepter d'avoir une Europe au rabais, une Europe réduite au minimum et de subir les convulsions politiques que nous connaissons aujourd'hui.

Messieurs les ministres, nous attendons de vous le rappel de nos principes, de nos exigences et de nos intérêts, c'est-à-dire de l'intérêt de la France et de celui de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Marleix.

M. Alain Marleix.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je traiterai pour ma part plus précisément de la proposition de résolution relative aux fonds structurels.

Il aurait été souhaitable que la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels européens fasse l'objet d'un consensus de la part de la représentation nationale. Malheureusement, le texte qui nous est présenté par la délégation pour l'Union européenne, après avoir été examiné et adopté par la commission de la production et des échanges, nous paraît en l'état inacceptable. La qualité des travaux de nos collègues n'est évid emment pas en cause ; leurs rapports ont été excellemment présentés, je tiens à le leur dire.

Sans doute le travail effectué en commission et l'adoption d'amendements, dont celui reconnaissant les zones de montagne, qui n'apparaissaient même pas dans le texte initial, auront-ils permis quelques évolutions favorables.

Ce projet de résolution, faut-il le rappeler, s'inscrit dans le cadre de l'Agenda 2000 à côté de deux autres résolutions concernant, pour l'une, la réforme de la PAC, pour l'autre, les finances communautaires et la discipline b udgétaire. Tout est évidemment lié : l'expression

« paquet Santer », dit bien ce qu'elle veut dire, mais laisse également une marge de négociation aux gouvernements pour concilier les nécessaires avancées de la construction européenne avec les impératifs nationaux.

Or, pour le groupe RPR, cette proposition de résolution paraît totalement incompatible avec une politique sérieuse et volontariste de l'aménagement du territoire national, surtout à un moment où l'Etat, en dépit des effets d'annonce, se désengage dangereusement de ses responsabilités et où les engagements financiers du Gouvernement, malgré l'allongement artificiel des contrats de Plan, demeurent notoirement insuffisants.

La proposition de résolution se déclare, page 4, favorable aux principes généraux de la réforme proposée et approuve la réduction à trois du nombre des objectifs prioritaires et des initiatives communautaires. Et pourtant, cette réforme nous paraît être celle de tous les dangers, globalement dangereuse pour la France et plus particulièrement pour ses régions les plus fragiles.

En effet, notre collègue Alain Barrau l'a bien laissé entendre, et avec raison, l'ajustement se fera sur le dos des fonds structurels...

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

J'ai dit : « Ne doit pas se faire sur le dos des fonds structurels ! »

M. Alain Marleix.

Réformer les fonds structurels européens avant de connaître le montant global de leur nouvelle enveloppe budgétaire, c'est à nos yeux prendre le problème à l'envers. N'aurait-il pas été préférable de la définir, de négocier le cadre financier avant de modifier les structures ? Faut-il discuter du contenu sans avoir le contenant ? La réponse est évidente. Le plafond fixé par la Commission à 0,46 % du PNB reste, qu'on le veuille ou non, un voeu pieux.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Si nous nous battons pour le préserver, c'est bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. Alain Marleix.

Cette réforme est également dangereuse car la réduction des objectifs communautaires à trois, conduira à laisser de côté l'ensemble du territoire métropolitain. La France, deuxième pays principal contributaire de l'Union européenne, se retrouvera parmi les

Etats victimes de la réforme, ce qui ne sera le cas d'aucun autre grand pays de l'Union européenne : Allemagne, Grande-Bretagne, Italie ou Espagne. La réalité, c'est tout simplement que la France verra son enveloppe de fonds structurels fondre d'au moins 30 %, voire davantage.

M. Michel Hunault.

Hélas !

M. Alain Marleix.

Entrons dans les détails.

La France métropolitaine sera désormais exclue du nouvel objectif 1, lequel concentrera à lui seul près des deux tiers des fonds structurels nouveaux. Seuls les quatre départements d'outre-mer y seront éligibles : c'est une excellente chose pour eux et nous nous en réjouissons tous. Mais pourquoi écarter d'emblée, alors que la référence au PIB le permettrait, les zones rurales le plus en déclin, les zones de montagne, les bassins de reconversion industrielle ? Le Gouvernement pense-t-il sérieusement que ces régions n'ont plus besoin de fonds structurels européens - ce qui serait illogique - ou est-il prêt à assurer la relève d'un désengagement européen qu'il appelle lui-même de ses voeux ? Le nouvel objectif 2 regroupera le quart des nouvelles aides européennes alors que les anciens objectifs 2, 5 et 5 b qu'il recouvraient en recevaient plus de la moitié. Ce ne sont pas précisément des vases communicants !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Nous sommes donc bien d'accord sur l'objectif !

M. Alain Marleix.

Il s'agit donc d'un objectif fourretout, monsieur Barrau, avec lequel le risque est grand de voir les aides se diluer et d'assister à un saupoudrage aussi inefficace que coûteux. Vous donnez la priorité à la ville et aux banlieues, c'est tout à fait votre droit...

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Aux objectifs 2 et 5 b, ainsi qu'à la ville !

M. Alain Marleix.

...mais pourquoi le nouvel objectif 2 ne prend-il pas en compte des zonages spécifiques pour les territoires nationaux ou ruraux en déclin démographique et économique ? Je vois parmi nous des élus du Limousin, de l'Auvergne, de Midi-Pyrénées, de Languedoc-Roussillon, de Corse, de Poitou-Charentes, pour ne prendre que ces exemples...

M. François Loncle.

Et de Normandie !

M. Alain Marleix.

Le Gouvernement est-il sûr que ces régions aient réglé leur problème de développement au point de ne plus être éligibles aux fonds structurels ? Pourquoi le nouvel objectif ne prend-il pas en compte le zonage montagne,...

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Vous anticipez !

M. Alain Marleix.

... grand absent, me semble-t-il, des préoccupations de la Commission et du gouvernement français, alors même que les gouvernements italien, espagnol, autrichien et l'Association européenne des élus de la montagne défendent ardemment ce concept ainsi que la pérennisation des aides spécifiques montagne ? Pourquoi l'objectif 2 ne prend-il pas en compte un sous-objectif ou un programme d'intérêt communautaire pour les régions en reconversion industrielle ? Le Gouvernement est-il sûr que les anciens bassins miniers du Nord-Pas-de-Calais, du Tarn, du Gard, de Lorraine, de Gardanne et d'ailleurs ne doivent pas continuer à faire l'objet d'une attention spécifique de l'Union européenne ? Il est grave enfin - c'est peut-être un détail, mais je tiens à le souligner - que les paramètres retenus pour l'éligibilité n'aient pas fait l'objet d'une véritable discussion tant au niveau des régions qu'à celui du Parlement. Le paramètre « taux de chômage », par exemple, ne doit-il pas être pondéré ? Dans des régions où la population est très vieillissante comme le Massif central, où les actifs réels sont peu nombreux, un taux de chômage inférieur à la moyenne initiale nationale n'est pas pour autant le signe d'une bonne santé économique ou la marque du développement. On pourrait multiplier les exemples de ce genre.

Enfin, comment accepter que les régions françaises exclues de l'objectif 1, confinées dans l'objectif 2, soient d'emblée écartées de l'objectif 3,...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur.

C'est faux ! C'est un objectif transversal !

M. Alain Marleix.

... consacré à l'emploi, à l'éducation ou à la formation, alors que le Gouvernement nous dit faire de l'emploi la priorité absolue de sa politique ? Force est de voir là une grave lacune et une incohérence majeure. Vous la dénoncez, il est vrai, au paragraphe 15.

M. Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Ah, tout de même !

M. Alain Marleix.

M. le ministre des affaires européennes se veut rassurant.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Et précis !

M. Alain Marleix.

Prenons-en acte.

L'objectif 3 n'a pas de base territoriale,...

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Evidemment !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur.

Puisqu'il est horizontal !

M. Alain Marleix.

C'est la prolongation, sous une autre appellation, de l'ancien FSE.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

C'est exact.

M. Alain Marleix.

Ce n'est guère rassurant, cher collègue Barrau. La gestion non décentralisée du FSE et le caractère éminemment technocratique de ses critères d'éligibilité ont conduit à une sous-consommation massive des crédits, que vous dénonciez à juste titre.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Absolument !

M. Alain Marleix.

Je crains que le système qui nous est proposé n'arrange en rien la situation mais, tout au contraire, ne l'aggrave.

Au total, je considère que la nouvelle réforme qui nous est proposée générera des injustices graves. Elle accentuera les inégalités entre les territoires et contredira l'objectif de cohésion économique et sociale, pourtant présenté par Bruxelles comme la finalité de l'opération. Les régions les plus pauvres risqueront de devenir encore plus pauvres, et l'écart avec les régions riches de se creuser du même coup. La raréfaction des aides structurelles européennes, comme la banalisation ou la suppression des aides spéci-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

fiques jusqu'alors réservées aux territoires fragiles apparaissent, force est de le constater, en totale contradiction avec les exigences de l'aménagement du territoire.

Enfin, les dispositifs transitoires de sortie des fonds actuels ne sauraient faire figure de lots de consolation c onvenables. La dégressivité prévue rendra, dès la deuxième année, l'impact des fonds structurels négligeable et laissera des régions en déshérence. La solidarité avec les autres, oui, mais pas à ce prix pour la France ! Cette réforme, où la France sera la grande perdante, nous paraît dangereuse par les injustices qu'elle génère et les inégalités qu'elle secrète au sein même de notre territoire national. Le groupe du RPR votera donc contre la proposition de résolution présentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, après Oskar Lafontaine, c'est la Commission de Bruxelles qui vient de tomber.

M. François Vannson.

Oh, quel dommage !

M. Jean-Claude Lefort.

Le monétaire et le financier ont eu raison du premier, le fumet de l'argent de la seconde. D'aucuns s'extasient devant cette construction européenne dont, suivant la même trajectoire, ils veulent pousser les feux. Combien de nouvelles du genre de celles qui occupent aujourd'hui l'actualité faudra-t-il encore pour que l'idée que nous défendons s'impose enfin : réorienter la construction européenne dans le sens d'une prédominance du politique et de la démocratie, garantie de progrès ? L'Europe est une chose trop sérieuse pour la laisser entre les mains d'européistes dont le libre-échangisme n'a d'égal que le mépris du politique et de la transparence.

Devrais-je rappeler ici que, tous les ans, au motif que la fraude sur le budget européen n'est pas éradiquée - et cela dépasse largement le problème de la Commission -, nous ne votons pas le prélèvement en faveur de l'Union ? Ce n'est naturellement pas l'existence du budget qui nous pose problème ; ce qui nous choque, c'est la passivité face à la fraude à laquelle il donne lieu, estimée à 10 % de son montant.

Il est grand temps de donner à l'Europe un sens conforme aux exigences des peuples et de notre temps.

Sinon, ce n'est pas la seule Commission qui sombrera, c'est l'idée européenne elle-même qui sera atteinte. Ce serait d'autant plus grave que ce monde devenu globalisé a besoin plus que jamais au service d'une Europe préservant et développant un modèle social où l'homme, la femme, la personne humaine ne soient plus considérés comme de simples variables d'ajustement des marchés.

C'est dans ce cadre qu'il convient de replacer la troisième proposition de résolution qui nous est soumise, portant sur les perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2000-2006.

Reconnaissons pour commencer que cette résolution n'a guère le mérite de la clarté. Dans son article 2, par exemple, elle regrette la logique de reconduction que la Commission a privilégiée, mais elle soutient dans son article 5 une stabilisation globale des dépenses dans le cadre des politiques existantes ! Sans doute faut-il y voir l'effet du carcan imposé, du pacte de stabilité.

De même, la résolution ne s'interroge pas sur la fixation tout à fait arbitraire du plafond de ressources à 1,27 % du PNB communautaire ou bien encore sur la fixation à 80 milliards d'euros du coût de l'élargissement entre 2002 et 2006. Pourquoi ces chiffres ? Sur quelles bases ont-ils été arrêtés ? Pour quoi faire ? A ces flous s'ajoutent des silences. Comment faire plus, notamment en matière d'emploi, sans poser la question du rôle de la Banque centrale européenne et de la nécessaire action des instruments monétaires favorisant le crédit en direction de l'investissement ? Heureusement, d'autres points sont plus clairs. Ainsi en est-il de l'idée d'une budgétisation du Fonds européen de développement en faveur du groupe Afrique-CaraïbesPacifique. Au moment où la guerre de la banane illustre une fois de plus la volonté libre-échangiste des Etats-Unis au profit de trois multinationales américaines et au détriment des pays en voie de développement, cette idée doit trouver des prolongements offensifs concrets.

Mais le débat sur les ressources du budget européen pose des questions plus générales. Et tout d'abord celleci : quels objectifs nous fixons-nous au plan européen ? Partant de là, quels moyens et ressources mettre en oeuvre ? Le chantier reste largement ouvert sur ce point, qui ne peut faire l'impasse sur la signification du mot subsidiarité.

Certes, quelques pistes existent dans cette résolution.

Suivant un principe de justice, nous ne pouvons qu'approuver l'objectif d'une disparition progressive de la ressource TVA au profit d'une contribution des Etats fondée sur leurs richesses. Mais la réflexion reste toujours ouverte, non sur l'instauration d'un nouvel impôt, mais sur la création d'une taxe réellement novatrice et civilisatrice, je veux parler naturellement d'une taxe sur les mouvements spéculatifs de capitaux, qui concentrerait en elle l'éthique et l'efficace.

De la même façon, il convient de démocratiser la procédure budgétaire. Celle-ci se réduit pour le moment à d'obscurs accords inter-institutionnels. Il ne nous apparaît pas inutile de rappeler dans la résolution que les Parlements nationaux devraient être plus et mieux associés à la définition des politiques et actions communautaires pour l'avenir.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Le fait que les annexes du traité n'évoquent que très sommairement cette question ne peut que conforter dans cette exigence, et l'actualité nous offre l'occasion d'y insister.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Bref, dans cette résolution mitigée, les silences, les flous, les voeux, pieux ou vagues, sont très nombreux, trop nombreux sans doute. Notre vote devra quant à lui exprimer une volonté claire. Si nous ne voulons pas que l'idée européenne suscite davantage de doutes encore, il est temps de changer en Europe, de lui donner lisibilité humaine et transparence. Si la démission de la Commission peut être l'occasion d'un nouveau départ en Europe, il faut le manifester dès maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Coussain.

M. Yves Coussain.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, chers collègues, je tiens pour commencer à dire mon accord avec le diagnostic posé par la délé-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

gation et par Mme le rapporteur de la commission de la production et des échanges. La politique des fonds structurels doit effectivement être réformée. D'abord parce que les résultats obtenus, loin d'être négligeables, justifient en effet une évolution des critères d'éligibilité des objectifs et des zonages, ensuite parce que les défauts nuisant à son efficacité est mauvais pour l'image de la construction européenne doivent être corrigés...

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Très bien !

M. Yves Coussain.

... et particulièrement la complexité et la lenteur d'attribution des aides dont les mécanismes s'apparentent souvent à des usines à gaz incompréhensibles par les acteurs du terrain. A cet égard, l'objectif affiché de simplification et de décentralisation nous convient parfaitement. Il devra cependant faire l'objet d'un effort constant et d'évaluations régulières pour éviter que les simplifications annoncées ne se traduisent par des formalités supplémentaires - nous l'avons souvent vu dans le passé - et ne se retrouvent pas réduites à néant par le zèle de notre administration et les complications nationales.

Les fonds structurels ont une importance majeure pour les régions françaises éligibles. Ils constituent un outil capital d'aménagement du territoire. Il n'est guère d'inauguration dans nos provinces où l'aide européenne ne tient pas une bonne place dans le plan de financement.

Remarquons au passage que celle-ci est souvent comptabilisée et récupérée par les représentants de l'Etat, qui ne mettent pas suffisamment en valeur l'intervention de l'Union européenne.

C'est bien parce que ces fonds ont une grande importance pour nos territoires que la concentration des moyens sur l'objectif 1 et l'exclusion du territoire française métropolitain de cet objectif nous inquiète. A terme, ce sont des sources de financement considérables qui disparaissent pour nos régions. Or, le rapport bien souligné, le bilan sur la cohésion de l'Union européenne est clair : si les écarts entre les Etats membres se sont réduits - le Portugal, l'Espagne, l'Irlande et bien d'autres ont largement profité des fonds structurels et rattrapé une bonne partie de leur retard - les disparités au sein même des Etats, voire des régions, se sont creusées et continuent de s'accroître.

Nous ne pouvons taire ces faits au moment de nous prononcer sur votre projet de résolution.

Il est normal que la solidarité européenne s'exerce vers les régions et Etats périphériques les plus fragiles. Il serait dangereux et contraire à l'objectif de cohésion qu'elle oublie au coeur de l'Europe et de la France des territoires qui ont besoin de rattrapage pour leurs infrastructures, leurs structures d'accueil, leur tissu économique.

Des départements français ont un PIB inférieur à 75% de la moyenne communautaire et seraient donc éligibles à l'objectif 1, mais le niveau NUTS 3 du découpage régional les en écarte.

Monsieur le ministre, il faut une appréhension territoriale plus fine. Nous voyons par exemple des Etats qui ont compris tout le bénéfice qu'ils pouvaient tirer de l'objectif 1 procéder à des redécoupages territoriaux administratifs.

La France ne doit pas exclure certains de ses territoires métropolitains, d'autant plus que ces derniers seront souvent les plus pénalisés par la réforme de la PAC car leur agriculture n'a pas la marge de progression de productivité pour compenser les baisses de prix programmés qui seront fatales, si elles sont maintenues, à de nombreuses exploitations.

La France doit obtenir une nouvelle répartition des moyens entre les objectifs et un zonage intégrant à l'objectif 1 ces territoires les moins développés économiques...

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Ou renforcer l'objectif 2 !

M. Yves Coussain.

... Ou renforcer l'objectif 2.

Il faut ajouter une clause en faveur des départements français en retard de développement économique pour qu'ils aient les moyens de se mettre à niveau.

Autre objection à cette réforme : l'objectif 2, qui va regrouper les zones rurales en déclin, la pêche, les zones industrielles en difficulté, est à vrai dire un fourre-tout sans moyens suffisants pour jouer son rôle de cohésion.

Il me semble en revanche souhaitable d'exiger un effort de cohérence entre les zonages nationaux et européens.

Cela répond à un souci louable d'efficacité.

Telles sont, rapidement, les réflexions que m'inspire ce projet de résolution. Notre volonté de poursuivre et de renforcer la construction de l'Europe exige une réforme de la politique des fonds structurels pour les rendre plus efficaces et plus simples.

Ces fonds structurels doivent être aussi au service des régions et départements français répondant aux critères d'éligibilité. La France ne doit pas être la grande perdante de la réforme, PAC et fonds structurels cumulés. Plusieurs de ses territoires ont besoin des fonds structurels européens pour se mettre à niveau. Or, tel qu'il se présente, l'objectif 1 exclut l'ensemble de notre territoire métropolitain, et l'objectif 2, sans moyens et éclaté entre plusieurs sous-objectifs, n'aura pas l'efficacité voulue.

L'Europe vit une grave crise institutionnelle. Les auteurs de l'Agenda 2000 sont démissionnaires, leur oeuvre et leurs projets doivent être revus. Exit le Paquet Santer et son contenu. Reconstruisons du solide, dans l'intérêt de nos concitoyens.

La PAC et les fonds structurels sont les fondements de l'Europe. Les réformes présentées vont saper ces fondements et sont contraires aux intérêts de la construction de l'Europe, contraires aussi aux intérêts du monde rural français. Nous devons les repousser et donner au Président de la République et au Premier ministre les bases pour refuser le très mauvais compromis de la semaine dernière et la force de le faire. Notre opposition à la réforme des FSE, telle qu'elle se présente, est la même que notre opposition à la réforme de la PAC.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

S'agissant de la réforme des fonds structurels, monsieur le ministre, je voudrais dire l'inquiétude de régions comme la mienne de voir disparaître l'objectif 5 b et sa disposition préservant les actions spécifiques de développement en zone rurale. Je sais bien que cela sera repris partiellement par l'objectif 2, mais nous sommes relativement inquiets. Je vous remercie en tout cas pour l'information en direct du Parlement grâce à ce débat qui nous permet de faire entendre notre voix en plein coeur de la négociation, d'être présents sur le terrain avec les organisations du monde agricole pour les informer au plus près.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

Nous sommes au milieu du gué, entre le conseil de l'agriculture du 11 mars et le Conseil européen de Berlin du 25 mars. Où en sommes-nous à ce stade ? Certes, le paquet du 11 mars est nettement plus satisfaisant pour nous que les propositions initiales de la Commission et que le précédent paquet du 25 février.

C'est ainsi que la priorité politique en faveur du troupeau allaitant semble être atteinte, que les quotas laitiers, menacés, sont en fait sauvegardés, au moins jusqu'à 2006, et que, pour les céréales, l'aide spécifique pour le maïs a été rétablie, ce qui sera très utile dans nos régions du grand Sud-Ouest.

Je tiens à vous féliciter particulièrement pour le compromis élaboré sur l'OCM viti-vinicole, car la possibilité d'étendre de 2 % notre vignoble national, soit 13 000 hectares par an, permettra de faire face à la situation qui a surgi lorsque l'Argentine, le Chili, l'Australie bientôt l'Asie - se sont mis à planter partout du vignoble.

Je souhaiterais que l'on accorde des droits gratuits à certaines régions, les plus dynamiques, qui pourraient en avoir besoin.

La restructuration du vignoble sur fonds communautaires est également importante. Nous sommes très sensibles à la reconnaissance des organismes de filière, ce qui assurera la pérennité de notre régime français des interprofessions en leur permettant d'organiser une certaine régulation de l'offre par les mises en réserve de production, par les sorties échelonnées de production, ce qui permet un contrôle du marché.

Le paquet proposé interpelle tout de même la représentation nationale sur un point majeur : la réorientation des aides à l'agriculture vers le développement rural pour soutenir l'emploi, l'environnement et l'aménagement du territoire. Cela n'est pas pris en compte puisque votre collègue allemand a opposé un blocage personnel à la dégressivité des aides et même à l'alternative proposée par son collègue autrichien d'un plafonnement, alors que l'idée avait jusque-là largement progressé dans les débats préparatoires. Or il s'agit pour nous évidemment d'un enjeu majeur, tout le travail que nous avons effectué sur la LOA et sur le contrat territorial d'exploitation dépendant évidemment du financement de ce dernier et, par conséquent du système de dégressivité. Sur cet objectif politique fondamental, je crois que vous avez l'accord d'un grand nombre de vos collègues. Il faut rappeler de manière inlassable que le CTE est pour nous la pierre angulaire de l'exploitation agricole de demain. Il faut, par conséquent, le financer par ce système.

Cela signifie qu'il reste sur la table une question majeure. C'est la question de confiance à poser à nos partenaires allemands. Seule la dégressivité leur permettra de ne pas détériorer leur solde net car l'augmentation des dépenses vient en fait compenser, et même au-delà, l'amélioration du taux de retour agricole allemand. Il faut le leur dire de manière inlassable, saisir l'occasion de la venue de M. Schrder à Paris qui rencontre, c'est original, M. le Président de la République et M. le Premier ministre ensemble, ce qui est une excellente chose.

J'en profite pour dire qu'il y a lieu de se féliciter de la cohésion française sur le sujet, marquée dès le conseil restreint qui a eu lieu à l'Elysée lundi dernier. Je crois que le Gouvernement a raison de ne pas vouloir rouvrir l'ensemble des négociations, même sur des points où nous aurions souhaité autre chose. Je pense, par exemple, à l'accord sur le lait. Jusqu'à Berlin, il faut se focaliser sur la dégressivité avec réorientation sur le développement rural.

Nous espérons que, fort de l'appui que vous avez du Club de Londres, et notamment des Britanniques, de l'appui et de la cohésion des Français, démontrés par la représentation nationale, vous pourrez le 25 mars, à Berlin, franchir le gué.

Franchement, au moment où la crise de la Commission bat son plein, l'Union aurait bien besoin de montrer que les gouvernements sont capables de passer un nouvel accord politique d'ensemble pour faire évoluer une nouvelle fois ce qui reste de très loin la principale politique c ommunautaire : notre politique agricole commune.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Lequiller, qui sera le dernier orateur à intervenir ce matin.

M. Pierre Lequiller.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la première fois qu'il est question d'une stabilisation des dépenses de l'Union, alors que le budget européen n'a cessé d'augmenter depuis les paquets Delors 1 et Delors 2.

La question se situe en plein dans l'actualité quand on sait que la Commission européenne a démissionné pour sa gestion frauduleuse de l'utilisation de ces fonds. En effet, le rapport du comité des cinq sages a épinglé sévèrement certains commissaires. Les programmes d'initiative communautaire, PIC, qui concernent des actions ciblées de la Commission, concernent environ 12 % du budget européen. Que ce soit Echo, Léonardo, Med, la gestion des fonds opérationnels de ces fonds a donné lieu à de graves irrégularités, dues pour la plupart à une absence totale de contrôle.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que, à Démocratie libérale, nous dénonçons ces graves dérives. Notre collègue François d'Aubert les a stigmatisées à de très nombreuses reprises, y consacrant un ouvrage.

Notre débat d'aujourd'hui se situe dans un contexte où les socialistes français ont porté un coup très grave à l'image de l'Europe et à l'Europe elle-même. Ni Mme Cresson, qui aurait été bien avisée de démissionner plus tôt, ni les députés européens socialistes, qui, par solidarité, n'ont pas voté la censure, ni le Gouvernement, qui a tardé à condamner et qui temporise encore quand les autres gouvernements réagissent vivement, ne font honneur à notre pays.

M. Marc Laffineur.

C'est vrai, malheureusement !

M. Pierre Lequiller.

Or le budget de l'Union a littéralement explosé ces dernières années, passant d'un peu moins de 500 milliards de francs en 1993 à environ 620 milliards de francs aujourd'hui. Parallèlement, la ressource forfaitaire assise sur le PNB des Etats, prélevée directement sur le budget français, est passée de 75 milliards de francs en 1993 à 95 milliards cette année.

Les Etats membres sont unanimes pour stabiliser une contribution qu'ils ne contrôlent pas pour un budget européen qu'ils ne contrôlent pas davantage. Cette inflation du budget européen a contrasté ces dernières années avec l'effort de rigueur budgétaire imposé par cette même Europe pour tenir le pari de la monnaie unique. Cert aines dispositions budgétaires méritent donc d'être revues. Le fonds de cohésion, par exemple, qui permettait à des pays comme l'Irlande d'obtenir un bénéfice six fois supérieur au montant de sa contribution, doit être réaménagé. Il avait été créé pour aider le passage à la monnaie unique, et certains pays entrés dans la zone euro ne devraient logiquement plus en bénéficier.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 MARS 1999

La France deuxième contributeur au budget européen, n'est en rien responsable de ces anomalies. C'est pourquoi, et je suis d'accord avec le rapporteur, la PAC ne doit pas être la seule variable d'ajustement financier. La régulation doit se faire également sur les fonds structurels, principale cause de l'explosion de l'eurobudget. Les Paquets Delors 1 et 2 ont fait des fonds structurels une manne financière qui représente près de 35 % des dépenses communautaires. Pourtant, la régulation budgétaire est un impératif pour la période 2000-2006, l'élargissement à cinq nouveaux pays nous y oblige.

Ainsi, la stabilisation des dépenses communautaires ne signifie pas un arrêt de l'Europe, mais plutôt une amélioration de ses interventions.

La proposition de résolution qui nous est soumise ce matin apparaît contradictoire. Elle pose comme principe la stabilisation des dépenses communautaires, ne prévoit pas les réductions indispensables, mais réaffirme la nécessité de nouvelles politiques. C'est ce principe qui avait fait exploser le budget européen et accentué le décalage entre contributeurs nets et bénéficiaires nets. Participe de la même contradiction la volonté de créer des nouvelles politiques communautaires.

Je crois comme vous qu'il est nécessaire de réformer le f inancement de l'Union européenne. Les ressources propres traditionnelles, droits de douane et droits agricoles, rapportent peu, et leur rendement est fortement décroissant depuis quelques années. La ressource TVA, de loin la plus importante puisqu'elle représente 50 % des recettes, est aussi celle qui est la plus difficile à percevoir, et celle sur laquelle la fraude est la plus considérable.

L'augmentation de la ressource forfaitaire sur le PNB est un bon système, puisqu'elle permet de rendre lisible le coût de l'Europe. Par contre, la création d'un impôt européen nous paraît une idée à repousser. Elle conduit nécessairement à l'engrenage du super-Etat, centralisateur et éloigné des citoyens de l'Europe.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Ni M. Fuchs ni M. Migaud n'ont dit ça !

M. Pierre Lequiller.

Le texte qui nous est soumis ce matin ne fait pas de propositions claires en matière budgétaire. Il aurait dû définir des choix plus affirmés et les propositions ne traduisent pas d'ambition. Il faut une réflexion beaucoup plus approfondie qui permettra à l'Europe de ne pas dépenser plus mais de dépenser mieux dans cette enveloppe stabilisée.

De plus, le tout est parachevé par un certain laxisme avéré dans l'exécution des programmes communautaires qui n'est pas stigmatisé dans la résolution. Or le financement de l'Union européenne est la clé des réformes entreprises par l'Agenda 2000.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale ne votera pas cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière ; Discussion : de la proposition de résolution, no 1248, de Mme Béatrice Marre sur le projet de réforme de la politique agricole commune (COM [98] 0158 final/no E 1052) ; M. Joseph Parrenin, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1381) ; de la proposition de résolution, no 1281, de M. Alain Barrau sur la réforme des fonds structurels (COM [98] 131 final/no E 1061) ; Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1450) ; de la proposition de résolution, no 1409, de M. Gérard Fuchs sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 (COM [98] 164 final/no E 1049) et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration d e la procédure budgétaire (SEC [98] 698 final/no E 1128) ; M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1453).

(Discussion générale commune.)

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT