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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Présomption d'innoncence et droits des victimes. Suite de la discusion d'un projet de loi (p. 2876).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 2876)

Article 9 (p. 2876)

Amendements identiques nos 165 rectifié de la commission des lois et 19 de M. Devedjian : Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois ; M. Patrick Devedjian, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Philippe Houillon.

- Adoption.

Adoption de l'article 9 modifié.

2. Rappel au règlement (p. 2877).

M. Jacques Limouzy, Mme la présidente.

3. P résomption d'innocence et droits des victimes. Reprise de la discussion d'un projet de loi (p. 2877).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 2877)

Avant l'article 10 (p. 2877)

Amendement no 93 de la commission des lois : Mmes Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois ; Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Adoption.

Amendement no 94 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

L'amendement no 272 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Amendement no 95 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Gérard Gouzes, Patrick Devedjian, Alain Tourret, Mme Frédérique Bredin. - Adoption.

Amendements identiques nos 96 de la commission et 238 corrigé de M. Tourret : M. Alain Tourret, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes.

- Adoption.

Article 10 (p. 2880)

MM. Pierre Albertini, Alain Tourret, Léonce Deprez, Philippe Houillon, Arnaud Montebourg, Mme Frédérique Bredin, M. Gérard Gouzes, Mme le rapporteur.

Amendement no 273 de M. Balladur ; M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, M. Pierre Albertini.

- Rejet.

Amendement no 54 de M. Albertini : M. Pierre Albertini,

Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 97 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

Amendements nos 20 de M. Devedjian et 186 de M. Houillon ; M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, M. Philippe Houillon.

- Rejets.

Amendement no 98 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

Amendement no 239 de M. Tourret : M. Alain Tourret.

Amendement no 240 de M. Tourret : M. Alain Tourret, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, M. Gérard Gouzes. - Rejet des amendements nos 239 et 240.

Amendements identiques nos 21 de M. Devedjian et 241 de M. Tourret : MM. Patrick Devedjian, Alain Tourret,

Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 22 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 99 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

Amendement no 187 de M. Houillon : M. Philippe Houill on, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Gérard Gouzes, Patrick Devedjian.

- Rejet.

Amendement no 188 de M. Houillon : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Les amendements identiques nos 23 de M. Devedjian et 189 de M. Houillon n'ont plus d'objet.

Adoption de l'article 10 modifié.

Après l'article 10 (p. 2893)

Amendements nos 237 de M. Devedjian et 266 deuxièmer ectification de M. Jacques Heuclin : MM. Patrick Devedjian, Jacques Heuclin, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Frédérique Bredin. - Rejet de l'amendement no 237 ; adoption de l'amendement no 266 deuxième rectification.

Article 11 (p. 2895)

Amendement no 53 de M. Albertini : M. Pierre Albertini. Retrait.

Adoption de l'article 11.

Article 12 (p. 2895)

Amendements nos 190 de M. Houillon et 24 de M. Devedjian : MM. Claude Goasguen, Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejets.

Amendement no 274 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendements identiques nos 100 de la commission et 242 de M. Tourret : Mme le rapporteur, M. Alain Tourret,

Mme la garde des sceaux.

- Adoption.

Adoption de l'article 12 modifié.

Article 13 (p. 2896)

Amendements nos 25 de M. Devedjian et 191 de M. Houillon : MM. Patrick Devedjian, Claude Goasguen, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejets.

Amendement no 275 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Adoption de l'article 13.

Article 14 (p. 2897)

Amendement no 26 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 192 de M. Houillon : M. Claude Goasguen, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 101 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.


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Amendement no 276 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 277 de M. Balladur.

- Rejet.

Adoption de l'article 14 modifié.

Après l'article 14 (p. 2898)

Amendement no 288 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 278 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendement no 289 de M. Balladur.

- Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 2898)

Article 15 (p. 2898)

MM. Alain Tourret, Léonce Deprez, Louis Mermaz.

Amendement no 249 de M. Hunault : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Christophe Caresche, Gérard Gouzes.

- Rejet.

Amendement no 102 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

Amendement no 67 de M. Albertini : M. Pierre Albertini.

Amendement no 68 de M. Albertini : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet des amendements nos 67 et 68.

Amendements identiques nos 41 de M. Gerin et 295 de M. Lang : M. André Gerin ; l'amendement no 295 n'est pas soutenu ; Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Adoption de l'amendement no

41. Les amendements nos 46 de M. Albertini, 103 de la commission et 244 de M. Tourret n'ont plus d'objet.

M. Alain Tourret.

Adoption de l'article 15 modifié.

Article 16 (p. 2902)

Mme Frédérique Bredin.

Amendement no 104 de la commission, avec le sousamendement no 307 du Gouvernement, et amendement no 52 de M. Albertini : M me le rapporteur, M. Pierre Albertini, Mme la garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement no 307 et de l'amendement no 104 modifié, qui devient l'article 16 ; l'amendement no 52 n'a plus d'objet, non plus que les amendements nos 296 de M. Lang et 42 de M. Gerin.

Article 17 (p. 2904)

Amendement no 51 de M. Albertini : M. Pierre Albertini,

Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Rejet.

Amendements nos 43 de M. Gérin, 297 de M. Lang et 105 de la commission : M. André Gerin ; l'amendement no 297 n'est pas soutenu ; Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 43 ; adoption de l'amendement no 105.

Amendements identiques nos 106 de la commission et 245 de M. Tourret et amendement no 319 de Mme Lazerges : M. Alain Tourret, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet des amendements identiques ; adoption de l'amendement no 319.

Amendement no 308 du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, le rapporteur.

- Adoption.

Adoption de l'article 17 modifié.

Article 18 (p. 2906)

Amendement no 107 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

Amendement no 108 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux.

- Adoption.

Adoption de l'article 18 modifié.

Après l'article 18 (p. 2906)

Amendement no 255 de M. Jean-Pierre Michel : M. Pierre Albertini, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Véronique Neiertz, M. Jacques Floch, MM. André Gerin, Arnaud Montebourg, Mme Frédérique Bredin.

- Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2910).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE de Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET DROITS DES VICTIMES Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1079, 1468).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 9.

Article 9

Mme la présidente.

« Art. 9. - I. - Il est inséré, après l'article 442 du même code, un article 442-1 ainsi rédigé :

« Art. 442-1 . - Sous réserve des dispositions de l'article 401, le ministère public et les avocats des parties peuvent poser des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins, et à toutes personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président.

« Le prévenu et la partie civile peuvent également poser des questions par l'intermédiaire du président. »

« II. La deuxième phrase de l'article 442 est supprimée.

« III. Le premier alinéa de l'article 454 du même code est ainsi rédigé :

« Après chaque déposition, le président et, dans les conditions prévues à l'article 442-1, le ministère public et les parties posent au témoin les questions qu'ils jugent nécessaires. »

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 165 rectifié et 19.

L'amendement no 165 rectifié est présenté par Mme Lazerges, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, MM. Houillon et M. Goasguen ; l'amendement no 19 est présenté par MM. Devedjian et Cazenave.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le deuxième alinéa du I de l'article 9, après les mots : "peuvent poser", insérer le mot : "directement". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 165 rectifié.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Il s'agit de préciser que les personnes qui posent des questions peuvent les poser

« directement ».

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l'amendement no

19.

M. Patrick Devedjian.

Je me rallie à la position de Mme Lazerges.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 165 rectifié et 19.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Sur le fond, je suis d'accord, mais la rédaction à laquelle nous allons aboutir ne me paraît guère satisfaisante : « Le prévenu et la partie civile peuvent également poser directement des questions par l'intermédiaire du président. » Le texte du Gouvernement était finale-

ment plus clair.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je précise que l'adverbe « directement » est inséré dans le deuxième alinéa du I de l'article 9, c'est-à-dire dans le premier alinéa de l'article 442-1.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Voici la rédaction que nous proposons pour le premier alinéa de l'article 442-1 : « Sous réserve des dispositions de l'article 401, le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins, et à toutes personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président. »

Il s'agit donc du ministère public et des avocats des parties.

Le prévenu et la partie civile, quant à eux, doivent, pour poser des questions, continuer à passer par l'intermédiaire du président, ce qui paraît tout à fait normal.

Mme la présidente.

Chacun aura donc compris qu'il s'agit d'insérer le mot « directement » dans le deuxième alinéa de l'article 9 ou dans le premier alinéa de l'article 442-1 du code de procédure pénale.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Cette ambiguïté levée, j'émets un avis favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 165 rectifié et 19.

(Ces amendements sont adoptés.)


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Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

2 RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jacques Limouzy.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Limouzy, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Limouzy.

Je souhaiterais savoir s'il a été précisé en conférence des présidents comment le débat de demain allait être organisé. Qui pourra y participer ? Seulement les présidents de groupe ? Nos groupes n'étant pas forcément unanimes sur de telles questions, il conviendrait que plusieurs parlementaires du même groupe puissent intervenir et pas uniquement les représentants désignés des groupes.

M. Léonce Deprez.

Très juste !

M. Jacques Limouzy.

Etant donné les circonstances, je comprends très bien qu'il n'y ait pas de vote.

M. Gérard Gouzes.

C'est trop tard, de toute façon !

M. Jacques Limouzy.

D'ailleurs, chaque fois qu'on entreprend une opération comme celle-là, il n'y en a pas.

M. Robert Pandraud.

Si, il y a eu vote avant l'intervention en Irak !

M. Gérard Gouzes.

En effet !

M. Jacques Limouzy.

Donc, je ne réclame pas un vote.

En revanche, je souhaite savoir comment le débat sera organisé et quel temps d'intervention sera imparti. Ces précisions sont importantes pour ceux d'entre nous qui seront là demain.

Je vous ferais remarquer que c'est là un vrai rappel au règlement...

M. Gérard Gouzes.

Parce que les autres rappels au règlement n'en sont pas ? Quel aveu ! (Sourires.)

M. Jacques Limouzy.

... puisqu'il s'adresse, non pas au Gouvernement, mais à la présidence, comme ce devrait être toujours le cas.

M. Léonce Deprez.

Très bonne remarque !

Mme la présidente.

Mon cher collègue, je vous invite à consulter l'article 132 de notre règlement. Il prévoit que, lorsqu'un débat est organisé à partir d'une communication du Gouvernement, chaque groupe dispose, pour l'orateur qu'il désigne, d'un temps de parole de trente minutes.

M. Gérard Gouzes.

Choisissez bien l'orateur de votre groupe, monsieur Limouzy !

Mme la présidente.

Il a été décidé en conférence des présidents que le débat qui aura lieu demain matin se déroulera dans ce cadre. Vous pouvez vous reporter à l'article 132 pour plus de précisions.

M. Jacques Limouzy.

Ça, je le savais, madame la présidente. Je souhaitais que vous nous fassiez part de ce qui avait été indiqué en conférence des présidents.

M. Gérard Gouzes.

C'est un problème interne au

RPR !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, vous êtes invités à être présents et à participer à ce débat par l'intermédiaire des orateurs désignés par chaque groupe.

M. Jacques Limouzy.

C'est un débat verrouillé !

M. Robert Pandraud.

Si l'on ne peut pas s'exprimer, autant ne pas y assister !

Mme la présidente.

Monsieur Pandraud, vous n'avez pas la parole.

3 PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET DROITS DES VICTIMES Reprise de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

Nous reprenons la discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1079, 1468).

Avant l'article 10

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'intitulé du chapitre II : « Chapitre II. - Dispositions renforçant les garanties judiciaires en matière de détention provisoire ».

Mme Lazerges, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté un amendement, no 93, ainsi rédigé :

« Avant la section 1 du chapitre II du titre Ier , insérer les dispositions suivantes :

« Section 1 A

« Dispositions générales » La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Cet amendement crée une section destinée à recevoir des articles additionnels de portée générale.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

93. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 94, ainsi libellé :

« Avant la section 1 du chapitre II du titre Ier , insérer l'article suivant :

« L'article 137 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle


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peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement a pour objet de mieux définir les conditions du recours au contrôle judiciaire et à la détention provisoire. Nous rappelons le principe que la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Puis, nous indiquons les exceptions : le contrôle judiciaire, voire la détention provisoire, si cela s'avère indispensable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable. C'est un bon amendement, qui pose le principe de la liberté en précisant que les sûretés sont des exceptions.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

94. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'amendement no 272 de M. Balladur tombe.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 95, ainsi rédigé :

« Avant la section 1 du chapitre II du titre Ier , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article L. 611-1 du code de l'organisation judiciaire est supprimé. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ce bref amendement est, en réalité, essentiel. Il a pour objet de supprimer les dispositions du code de l'organisation judiciaire selon lesquelles il y a un ou plusieurs juges d'instruction dans chaque tribunal de grande instance.

Dans sa présentation générale du projet, Mme la garde des sceaux a indiqué quatre scénarios possibles pour parvenir à une réforme de la carte judiciaire intelligente et qui ne soit pas traumatisante pour les uns ou les autres.

Cette modification de l'article L. 611-1 du code de l'organisation judiciaire s'inscrit dans le troisième scénario présenté et autoriserait dorénavant le regroupement des juges d'instruction dans certains tribunaux de grande instance. Ainsi, la présence d'un juge d'instruction dans de tout petits tribunaux de grande instance ne serait pas obligatoire. Cela va dans le sens d'une meilleure organisation de la justice et d'une meilleure rationalité du fonctionnement de l'instruction.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'avais précisé dans mon discours d'introduction que j'étais favorable à cet amendement d'honnêteté politique et intellectuelle. Il permet, en effet, d'envisager l'une des hypothèses que j'ai citées comme étant possible - encore une fois, ce ne sera pas une règle générale - pour mieux adapter à la réalité d u terrain l'existence du juge de la détention provisoire et du juge d'instruction. En l'occurrence, il s'agit du juge d'instruction.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Madame la garde des sceaux, quelle sera la portée véritable de cet amendement ? En effet, tous les Français ont droit à la même justice, qu'ils habitent dans une petite ou une grande ville. Or que se passera-t-il lorsque certains postes de juges d'instruction seront supprimés du fait des regroupements opérés ? Qui devra se déplacer ? Les citoyens qui devront être traduits devant la juridiction en question ? Ou les juges d'instruction, qui seront regroupés peut-être au sein d'une cour d'appel ? Ils devront alors se rendre au-devant des cas traduits devant une juridiction d'instruction.

La façon de présenter les choses est importante, car, encore une fois, tous les Français ont droit à la même justice.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je voudrais répondre à

M. Gouzes...

M. Gérard Gouzes.

J'ai interrogé le Gouvernement !

M. Patrick Devedjian.

... que l'on ne peut pas dire en même temps que la carte judiciaire actuelle est un obstacle sérieux à la mise en place de la réforme de la justice et s'opposer à toute disposition tendant à la rationaliser.

Je suis évidemment d'accord pour affirmer que tous les Français ont droit à la même justice, mais, actuellement, en raison de sa dilution, elle ne s'exerce pas de manière égale sur tout le territoire. Dans certains tribunaux, l'insuffisance de moyens empêche les justiciables de bénéficier d'un service de la justice comparable à celui offert dans les tribunaux qui disposent de davantage de moyens.

Il faut donc rationaliser cette carte et je félicite Mme Lazerges d'avoir le courage d'ouvrir cette perspective contre tous les conservatismes locaux, ceux des avocats, des hommes politiques, des magistrats et de bien d'autres encore. Au-delà du clivage entre gauche et droite, nous devons lui permettre de faire adopter cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Cet amendement, comme le suivant, est tellement important qu'il ne pourrait y avoir de réforme valable s'il n'était pas adopté. En effet, il ne saurait être question d'ajouter des magistrats dans tous les tribunaux à une chambre. Si l'on n'entrait pas dans la logique proposée par Mme Lazerges, on tuerait la réforme, comme cela a été le cas de celle de 1993.

Je suis également favorable à la départementalisation de l'instruction, car on ne pourra rien résoudre sans cette rationalisation de l'instruction qui avait déjà été commencée pour tout ce qui concerne les délits financiers. Nous pourrions d'ailleurs nous inspirer de certains exemples et admettre qu'il pourrait n'y avoir des juges d'instruction trois au minimum, sinon nous n'arriverons à rien - que dans certains tribunaux d'instance.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Monsieur Devedjian, je ne suis pas sûr que la justice, au regard de son aspect humain, auquel votre profession doit vous rendre plus particulièrement attentif, soit mieux rendue dans un hypermarché que dans une petite boutique.

M. Pierre Albertini.

Quelle comparaison ! Cela est désobligeant !

M. Gérard Gouzes.

M. Devedjian me comprendra ! Monsieur Tourret, à vouloir être trop moderne en soutenant la départementalisation, vous risquez d'apparaître comme étant beaucoup plus archaïque que vous ne le pensez. En effet, les départements sont sérieusement remis en cause aujourd'hui dans le cadre de l'aménagement du territoire et dans une vision ô combien plus moderne des choses, vous en conviendrez.


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Madame la présidente, je souhaite aussi que Mme la garde des sceaux puisse répondre à la question technique que je lui ai posée.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Je soutiens aussi l'amendement de Mme Lazerges qu'approuve Mme la garde des sceaux. Il faut en effet savoir rationaliser les choses. On ne peut pas vouloir tout et son contraire, créer des juges de la détention et ne pas prendre les mesures qui s'imposent.

C ertains de nos concitoyens habitant des villes moyennes peuvent certes souhaiter avoir un juge d'instruction à portée de main, si j'ose dire, mais je ne suis pas persuadée que ce sentiment soit très partagé.

Je comprends la réflexion de M. Gouzes sur les départements. Et je comprends ce combat pour les écoles, pour les postes, pour les services publics. Mais il ne me semble pas que la départementalisation en la matière poserait de gros problèmes à nos concitoyens.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Sur ce sujet éminemment important, l'amendement de Mme Lazerges apporte de la souplesse mais n'impose aucune obligation. Il devrait ainsi permettre de mieux organiser les juridictions.

Je crois aussi que les Français ont droit à la même justice, mais elle doit être de qualité. Par conséquent, nous devons nous poser la question de savoir quelle est la meilleure organisation judiciaire.

A cet égard, je rappelle, mais Gérard Gouzes le sait bien, qu'il n'y a pas de juge des enfants dans tous les tribunaux de grande instance, et je souligne que, de toute façon, nous ne nous interdisons aucune solution. Cela signifie que l'on pourra choisir des audiences foraines ou des regroupements. Nous disposons en effet d'un large éventail de possibilités.

Vous avez ainsi constaté que j'avais engagé la réorganisation de la carte judiciaire des tribunaux de commerce d'une façon pragmatique, adaptée à la particularité des t erritoires. En la matière, nous suivrons la même démarche. L'amendement est intéressant parce qu'il nous offre une possibilité supplémentaire.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

95. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 96 et 238 corrigé.

L'amendement no 96 est présenté par Mme Lazerges, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 238 corrigé est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Avant la section 1 du chapitre II du titre Ier , insérer l'article suivant :

« La carte judiciaire sera révisée dans les deux années qui suivent la publication de la loi no du renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. »

Madame le rapporteur, vous voudrez peut-être laisser le soin à M. Tourret de défendre les deux amendements ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Absolument !

Mme la présidente.

Monsieur Tourret, vous avez la parole.

M. Alain Tourret.

Cet amendement est aussi important que le précédent, qu'il tend d'ailleurs à compléter.

Il ne me semble pas possible aujourd'hui de pouvoir faire l'économie d'une révision de la carte judiciaire, comme cela est en cours pour celle des tribunaux de commerce, tribunal par tribunal. Cela est indispensable car il ne faut pas l'engager avec des idées préconçues ets elon un schéma théorique préalablement établi. Il convient, au contraire, de raisonner en fonction des situations, des lieux, de l'histoire, des besoins, des citoyens et des justiciables.

Les dispositions que nous venons d'adopter en matière d'instruction seront évidemment prises en compte, car il y a complémentarité entre les deux amendements.

Le délai de deux années a paru très sage à la commission et il devrait être retenu.

La réforme de la carte judiciaire est une nécessité, mais elle devra être opérée en mettant en oeuvre les adaptations indispensables. Avant de décider de créer ou de supprimer un tribunal, il faudra prendre en considération les circonstances géographiques, la répartition de l'habitat, les lieux où la justice est rendue, bien évidemment, mais aussi la modernisation de la vie en société. Par exemple, les gens sont désormais très nombreux à avoir des voitures pour se rendre au tribunal.

La démarche suivie pour la révision de la carte des tribunaux de commerce par la chancellerie est bonne. Nous devons conduire celle de la carte judiciaire de la même manière, en réfléchissant et en prenant des avis avant de décider en fonction des besoins et, surtout, des justiciables.

Mme la présidente.

L'avis de la commission est, je suppose, favorable ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

En effet !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable au texte de ces amendements.

Sur le fond, je ne suis évidemment pas hostile à la révision de la carte judiciaire puisque j'ai entrepris ce travail, qui est en bonne voie. Cependant, elle ne saurait être liée à la seule mise en oeuvre du projet en discussion.

Bien d'autres domaines sont concernés, en particulier les tribunaux de commerce.

Par ailleurs, il s'agit d'une prérogative du Gouvernement, qui doit rester maître du rythme de sa réalisation et de son contenu. Il serait d'autant plus regrettable qu'on lui impose une disposition aussi normative alors que je suis déjà engagée à ce sujet dans une démarche de consultation et de relevé des problèmes.

Enfin, la départementalisation évoquée dans l'exposé sommaire ne correspond pas à la voie que j'ai suivie jusqu'à présent.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Madame la garde des sceaux, cet amendement complète celui que nous venons d'adopter.

Il n'indique d'ailleurs pas quelle doit être l'ampleur de la révision : il pourra s'agir aussi bien de corrections à la marge que de modifications d'envergure.

M. Jacques Floch.

Tout à fait !

M. Pierre Albertini.

Nous voulons une révision profonde de la carte judiciaire. A 5 % près, en effet, nous a vons aujourd'hui le même nombre de magistrats


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

qu'en 1914. Cette différence est dérisoire au regard de la progression du nombre des affaires, de la judiciarisation de notre société, de l'imprégnation par le droit des mécanismes de relations sociales.

Pour optimiser les moyens de la justice non seulement au niveau de la détention provisoire, mais, d'une manière plus générale, il faudra une volonté politique courageuse.

A cet égard, j'en appelle d'ailleurs au bon sens et même au sens des responsabilités des élus, quel que soit le ministre ou le gouvernement en charge de ce dossier.

La sécurité juridique doit être traitée comme la sécurité sanitaire : on ne doit pas tartiner ses moyens sur tout le territoire. Il faut aussi des exigences de qualité, de regroupement, de polyvalence ou de spécialisation des magistrats. On ne peut utiliser un seul modèle pour réviser la carte judiciaire ; il conviendra sans doute de recourir à plusieurs solutions.

Mme la garde des sceaux nous a indiqué qu'elle avait plusieurs scénarios pour le déploiement des juges de la détention provisoire. Nous devons donc nous inscrire dans ce processus de réflexion. Le pouvoir politique s'honorerait d'ailleurs à mettre en oeuvre, après concertation avec les intéressés, une révision profonde de la carte judiciaire, seul moyen de remettre à niveau et de redéployer des moyens qui sont aujourd'hui inégalement répartis sur le territoire national.

Voilà pourquoi nous soutenons cet amendement qui fixe un terme sans indiquer l'ampleur de la révision, laquelle devra être définie par le travail politique et par la concertation.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je relève d'abord que les propos de M. Albertini démontrent qu'il n'y a pas trop de fonctionnaires en France !

M. Patrick Devedjian.

Cela dépend où !

M. Pierre Albertini.

Je plaide pour les magistrats !

M. Gérard Gouzes.

Il estime même qu'il en manque, en particulier dans le domaine de la justice.

J'ai apprécié la réponse que Mme la garde des sceaux m'a donnée en précisant qu'elle n'excluait pas ce que l'on appelle la procédure des juges placés. J'ai bien compris qu'elle entendait régler le problème de la carte judiciaire avec une grande souplesse et beaucoup d'intelligence. Il est vrai que l'on parle de cette question depuis bien des années.

Malgré tout, l'amendement ne semble constituer une fausse bonne solution car la seule précision que la révision doit être réalisée dans les deux ans n'a aucun sens puisque l'on ne parle ni du contenu, ni des conditions, ni des critères. Par conséquent, cet amendement est un voeu pieux.

Pourquoi donc introduire dans ce contexte une rigidité inutile ? Mme la garde des sceaux est hostile à cet amendement et je partage son point de vue.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 96 et 238 corrigé.

(Ces amendements sont adoptés.)

Article 10

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 10 : Section 1 Dispositions relatives au juge de la détention provisoire

« Art. 10. - Il est inséré, après l'article 137 du même code, cinq articles ainsi rédigés :

« Art. 137-1 . - La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge de la détention provisoire. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises.

« Le juge de la détention provisoire est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande instance. Il peut être remplacé dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 50.

Lorsqu'il statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier.

« Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu.

« Il est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui transmet le dossier de la procédure après a voir recueilli les réquisitions du procureur de la République.

« Art. 137-2 . - Le contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction, qui statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République.

« Le contrôle judiciaire peut être également ordonné par le juge de la détention provisoire, lorsque celui-ci est saisi en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 137-1.

« Art. 137-3 . - Lorsqu'il estime ne pas devoir décider le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci, ni prescrire une mesure de contrôle judiciaire, le juge de la détention provisoire n'est pas tenu de statuer par ordonnance.

« Art. 137-4 . - Le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance dans les cas suivants :

« 1o Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire ou demandant la prolongation de celle-ci, il ne transmet pas le dossier de la procédure au juge de la détention provisoire ;

« 2o Lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.

« Art. 137-5 . - Lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen ou à la prolongation de la détention provisoire, le procureur de la République peut saisir directement la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 10.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je me suis déjà exprimé sur l'importante question du juge de la détention provisoire au cours de la discussion générale. Je répète donc que la solution proposée reste au milieu du gué. En effet, elle laisse aux juges d'instruction la maîtrise de l'instruction et le contrôle judiciaire et ne transfère aux juges de la détention provisoire, dont les postes seront pourvus par création ou redéploiement, que la décision de mise en détention.


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Cette mesure a été justifiée par la nécessité d'avoir un deuxième regard en la matière. Cependant je crains que, dans la pratique, le juge de la détention provisoire ne découvre le dossier qu' in extremis.

Comment ce second regard pourra-t-il être aussi pertinent, aussi aigu que celui du juge d'instruction qui aura piloté l'affaire ? Je doute donc de la réalité du pouvoir du juge de la détention provisoire.

J'ajoute que, dans les juridictions de taille petite ou modeste, que l'on a évoquées à propos de la révision de la carte judiciaire, la relation de proximité ne placera pas le juge de la détention provisoire dans la meilleure des positions face à son collègue juge d'instruction.

Nous sommes évidemment d'accord pour limiter les abus de la mise en détention et la durée de la détention provisoire. En la matière, il faut une attitude volontariste, appuyée sur une solution législative plus drastique. Nous estimons même qu'il conviendrait d'instaurer la collégialité, car elle est le meilleur garant de la protection des libertés. C'est d'ailleurs ce que propose, avec beaucoup d'insistance, le rapport de la commission présidée par Pierre Truche.

Il nous semble aussi indispensable de fixer des termes beaucoup plus stricts à la durée de la détention. L'efficacité de l'enquête, celle de la police, ou, d'une manière générale, celle de l'instruction ne dépendent pas de la longueur de la détention, qui est, en revanche, une mesure très attentatoire à la liberté. Elle perpétue des solutions de facilité que nous reconduisons d'année en année parce que nous ne nous donnons pas les moyens de rompre avec un système de procédure pénale qui a pourtant atteint ses limites.

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

La création du juge de la détention et des libertés est le coeur de cette réforme. Elle constitue une excellente innovation, mais nous devons désormais nous poser la question de savoir s'il faut aller au-delà de ce qui est prévu et définir les pouvoirs qu'il convient de donner à ce juge.

Aller au-delà signifierait instaurer la collégialité, mais cela serait irréaliste. On pourrait proposer trois magistrats, voire un corps de douze personnes composé de neuf non professionnels et de trois professionnels, pour donner encore davantage de garanties, comme pour la cour d'assises. Cela resterait irréaliste. Il s'agirait d'une façon de tuer cette réforme, qui, en l'état, est bonne et applicable.

Ensuite, quels pouvoirs faut-il donner à ce magistrat ? Doit-on les limiter à la mise en détention ou convient-il de lui permettre de refuser de mettre en détention ? Tout en restant profondément attaché au principe inquisitorial, maintenu dans cette réforme, je pense qu'il faudrait accroître les pouvoirs du juge de la détention et lui donner l'ensemble de ceux relevant du contrôle judiciaire. Nous aurions alors un juge chargé de l'enquête et un juge chargé du contentieux.

Le premier serait une sorte de « superflic », comme cela a été dit hier, dont le rôle serait de faire éclater la véri té, d'instruire à charge et à décharge, d'aller sur le terrain, d'enquêter, d'instruire. Il n'y aurait aucune raison de lui laisser la charge énorme du contrôle judiciaire. Dans ce cadre, en effet, des dizaines de mesures peuvent être prises, dont certaines sont extraordinairement graves : on peut interdire à l'intéressé d'habiter dans tel département, de rentrer dans son entreprise, de fréquenter certains amis, voire sa femme ou sa famille.

Ce sont là des mesures extraordinairement graves sur le plan des libertés, et je trouve un peu paradoxal de réserver la seule détention au juge dit de la détention et des libertés. Il eût été plus cohérent de réserver l'ensemble du contentieux au nouveau juge que nous venons de créer.

Ce faisant, nous resterions dans la logique purement inquisitoriale.

Cela dit, madame le garde des sceaux, je vous dis les choses telles que je les pense : on y arrivera. Mme Lazerges nous en a souvent parlé ; elle saute une haie d'avance...

C'est à cela que nous aboutirons. Cela me paraît évident.

Si vous voulez sauver le juge d'instruction, compte tenu de toutes les obligations complémentaires, très lourdes, que vous lui donnez et qui, par moments, relèvent de l'usine à gaz, il faut totalement le dispenser des mesures du contentieux. Ce disant, je crois être parfaitement en accord avec votre logique inquisitoriale.

Dernier point, celui de l'intitulé. Dans un premier temps, lors des travaux préparatoires, on avait envisagé, ce n'est un secret pour personne, de l'appeler juge des libertés. Or tous les juges sont les juges des libertés, et même des libertés publiques. Mais de là à passer du juge des libertés au juge de la détention, voilà qui, en termes de philosophie, de sémantique, me paraît, je vous l'avoue, vraiment très dur !

M. Pierre Albertini.

Exactement !

M. Alain Tourret.

Ce pauvre juge de la détention aura envie de prendre une corde en sortant de son cabinet ! (Sourires.)

M. Gérard Gouzes.

Si c'est le juge des libertés qui est mis en cause, ce n'est pas mieux !

M. Alain Tourret.

Mais rendez-vous compte de ce que vous allez lui mettre dans la tête ! « C'est moi le juge de la détention, et pan ! je te mets en prison... »

(Sourires.)

Je préférerais naturellement que l'on parle du « juge de la détention et des libertés ». Ainsi évoquerait-on les deux aspects : il peut effectivement mettre en détention, mais il peut ne pas mettre en détention, auquel cas il est aussi juge des libertés, capable de mettre en prison, mais capable également, chacun le comprend aussi, de refuser la mise en détention.

Ces choses sémantiques n'ont pas grande importance, me direz-vous. Je ne le crois pas. Une réforme appropriée exige des termes appropriés. En ce sens, celle-ci s'enrichirait, me semble-t-il, en n'appelant pas ce magistrat seulement juge de la détention.

Mme la présidente.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

La décision que l'on attendait dans ce projet de réforme n'est pas venue. Or, si l'on organisait une consultation de tous les Français, elle montrerait que c'est ce point qui correspond à une attente toute particulière. Le placement en détention est une décision grave, et nous sommes nombreux à soutenir le principe de la collégialité, évoqué à maintes reprises et que

M. Edouard Balladur a lui-même mis en évidence...

M. Gérard Gouzes.

Et supprimée !

M. Léonce Deprez.

Il s'agit de la rendre possible pour tendre à une justice de qualité, contradictoire, équitable et non polémique.

La formule du juge de la détention provisoire ne paraît admissible qu'en cas d'urgence. Le principe de la juridiction collégiale devrait être la règle, supportant des exceptions seulement pour les cas où le collège ne pourrait, du fait de l'urgence, se réunir.

Cette juridiction collégiale imposerait bien évidemment des moyens, notamment humains. Il faudrait recruter des


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magistrats. Le vrai problème est là - mon collègue Albertini vient de l'évoquer. Pourquoi recule-t-on à chaque fois que l'on parle d'effort de recrutement dans la justice ? S'il est un domaine qui exige des personnels qualifiés supplémentaires, c'est bien celui-là. Combien de jeunes avocats ou juristes avons-nous vu poser leur candidature aux concours de magistrat pour finalement renoncer à leur objectif, découragés par la multitude de barrages mis au recrutement de juges ! L'idée que vous avez développée hier, madame la garde des sceaux, de faire appel à des vice-présidents, nécessairement civils, ou au président du tribunal de grande instance pour jouer le rôle de juge de la détention provisoire paraît simple, mais peu réaliste.

Jamais ce président ni les vice-présidents, surchargés de dossiers, n'auront le temps de se consacrer à cette nouvelle mission. Pour un tribunal de grande instance de taille moyenne, comme nous en connaissons dans nombre de nos départements, la mise en oeuvre de votre proposition se traduirait par 200 jugements civils rendus en moins chaque année. Autre risque à craindre, la baisse des arrestations par la police judiciaire qui pourra se demander : « A quoi bon arrêter puisque la détention est incertaine ? » Je vous ai également entendue dire qu'un juge de tribunal, un président ou un vice-président pourraient couvrir le territoire d'autres petits tribunaux pour tenir le rôle de juge de la détention provisoire. Là encore, est-ce réaliste ? Imaginez un président ou un vice-président de tribunal de grande instance, accompagné de son greffier, se déplaçant à tel tribunal, arriver à seize ou dix-sept heures pour n'en repartir que vers vingt ou vingt et une heures, pour peu qu'ils s'attachent à instruire le dossier de mise en détention avec le soin nécessaire, après avoir évidemment rencontré - mon collègue Albertini l'a dit le juge précédemment chargé de l'affaire, puisqu'il ne s'agit pas d'une juridiction collégiale ! Comment pourrait-on appliquer une telle idée dans le département de l'Allier, qui compte trois tribunaux à une chambre ? Une expérience similaire de juge de la détention a été engagée par un de vos prédécesseurs, M. Vauzelle. Elle n'a pas duré plus de six mois, tant elle avait provoqué de retards et de complications.

N'oublions pas que ces juges de la détention envisagés ne pourraient être désignés que sur l'effectif des sections civiles, car ils ne pourront juger en correctionnel, en vertu du principe que celui qui instruit ne peut juger au f ond. La solution d'une juridiction collégiale, mais facultative, proposée par les juges d'instruction euxmêmes, n'est-elle pas la meilleure solution, la saisie de la collégialité n'intervenant que sur la demande expresse de la personne à l'encontre de laquelle est requis le placement en détention ? Dans la pratique, 5 % seulement des décisions sont frappées d'appel. La faiblesse de ce chiffre tient peut-être au fait que le mis en détention provisoire ne voit guère d'espoir en l'appel. L'objectif est de bien mesurer les conditions de la mise en détention au regard du droit à la liberté de tout individu. La collégialité doit renforcer le respect de ce principe. Ne pouvez-vous pas envisager de modifier votre texte dans ce sens ? En cas d'urgence, lorsqu'il apparaîtrait impossible de réunir le collège dans la journée, la décision serait confiée sans attendre à un juge chargé de la liberté et de la détention...

M me la présidente.

Veuillez conclure, monsieur Deprez.

M. Léonce Deprez.

... de prononcer la garde à vue, jusqu'à ce que la juridiction collégiale ait le temps de statuer. Ce disant, je crois traduire le souhait exprimé par un grand nombre de Français.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je partage la remarque d'ordre sémantique de notre collègue Tourret : sans doute serait-il mieux d'appeler ce magistrat « juge de la détention et des libertés ». Il deviendrait du reste rapidement, connaissant le goût qu'ont les Français pour les sigles, le juge DL, ce dont je ne pourrai que me réjouir. (Sourires.)

Cela étant, madame le rapporteur, vous nous indiquez dans votre rapport, et je vous rejoins, que l'institution de ce juge dit de la détention a pour but de dissocier les fonctions, c'est-à-dire de séparer l'instruction de la mise en détention. Mais je crains que le texte n'aboutisse pas à l'objectif recherché.

En effet, aux termes de ce projet, le juge de la détention ne sera saisi que lorsque le juge d'instruction estimera ne pas devoir maintenir en liberté - en d'autres termes, raisonnons dans le sens inverse, lorsqu'il estimera devoir placer en détention - à ceci près qu'il n'aura plus la capacité de le faire dès lors que votre texte transfère ce pouvoir à un autre, en l'occurrence notre juge de la détention. Pis encore, votre projet de loi précise que le juge de la détention sera saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction. Dès lors, cette motivation ne pourra tendre qu'à une mise en détention, en en expliquant les raisons. C'est évident, c'est du droit simple, mais c'est exactement ce qu'il faut comprendre de votre rédaction.

Ce juge de la détention statuera donc au vu d'une ordonnance du juge d'instruction, motivée, donc tendant à la détention, et par ailleurs au vu des réquisitions du parquet, dont nous avons tout lieu de penser qu'elles seront probablement concordantes.

Voilà donc un juge de la détention qui se retrouvera avec deux avis de mise en détention au lieu d'un, dont l'un juridictionnel, puisque ordonnance motivée du juge d'instruction constituant par le fait même une sorte de préjugement. En conséquence de quoi, notre juge de la détention sera forcément, nécessairement et indirectement amené à statuer comme juge d'appel du juge d'instruction.

M. Pierre Lellouche.

Bien sûr !

M. Léonce Deprez.

C'est ce qui va se passer !

M. Philippe Houillon.

Dès lors, il confirmera la motivation de l'ordonnance du juge d'instruction en décidant la mise en détention, ou il l'infirmera en prononçant la mise en liberté. Peut-être tout cela est-il lié à une rédaction par trop rapide ; quoi qu'il en soit, même si l'intention, en l'occurrence la dissociation des fonctions, était louable, on arrive finalement, qu'on le veuille ou non, très exactement à l'inverse du but recherché.

J'appelle enfin votre attention sur le fait que, une fois de plus, le dispositif proposé se retrouve en pleine contradiction avec ce que nous avons voté hier dans le cadre de l'article 1er : la procédure pénale doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. Philippe Houillon.

Compte tenu de cette explication simple, je ne vois pas comment nous pouvons conserver le dispositif du juge de la détention tel qu'il est rédigé.


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Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Madame la présidente, je souhaite défendre avec enthousiasme le juge de la détention...

M. Olivier de Chazeaux.

Vous n'en avez pas l'air !

M. Arnaud Montebourg.

... pour une raison qui tient à l'expérience que nombre de praticiens ont pu avoir du juge délégué.

Lorsqu'un avocat arrivait devant celui-ci, un débat dialectique extrêmement vif s'engageait entre l'accusation et la défense. Cet échange, qui posait en arbitre un juge non directement intéressé à l'enquête, mettait en évidence les éventuelles discordances entre la position du juge délégué et celle du juge d'instruction qui réclamait le mandat de dépôt. Ce deuxième regard se voit aujourd'hui amélioré et théorisé dans la forme ; et cette manière de décision d'appel, comme l'a qualifiée M. Houillon, après ordonnance motivée, constitue peut-être un moyen de faire avancer davantage encore la question de la détention provisoire et de son contrôle.

Je suis d'ailleurs assez étonné d'entendre les responsables de l'opposition prétendre que ce que nous faisons est tout à fait insuffisant. Voilà à peine cinq ans, ils trouvaient que c'était beaucoup trop... Rappelez-vous les propos de votre gouvernement et de votre majorité à l'époque, lorsque vous faisiez le bilan des six mois du juge délégué que nous avions créé et que vous vous êtes employés à détruire.

M. Gérard Gouzes.

Très juste !

M. Arnaud Montebourg.

« Entre le 1er mars et le 30 mai, disait le représentant du Gouvernement, il y a eu 5 870 mandats de dépôt alors que les juges d'instruction en avaient délivré 7 825 au cours de la même période de 1992, c'est-à-dire, en gros, 3 000 de moins, soit une baisse de 25 %. » Et de citer des chiffres : 25 % de moins à Douai, 27 % de moins à Paris, 28 % de moins à la cour d'Aix... Ce qui fit réagir M. Jean-Pierre Michel, alors dans l'opposition, qui trouva ce résultat excellent.

Reprenez les déclarations de M. Pascal Clément, membre de l'UDF, alors ministre délégué aux relations avec l'Assemblée nationale, que je salue bien qu'il soit absent aujourd'hui : « On voit bien, après six mois d'application de la loi, à quel point la magistrature de notre pays manque de moyens pour défendre la société contre la délinquance et la criminalité. » N'est-ce pas frappant

? C'était donc beaucoup trop voilà cinq ans, c'est tout à fait insuffisant aujourd'hui : qui croire dans cette schizophrénie politique ?

M. Olivier de Chazeaux.

Certainement pas vous !

M. Arnaud Montebourg.

Un des deux doit se tromper ou mentir : est-ce celui de 1993 ou celui de 1998 ? Nous ne pouvons qu'être surpris de ce langage qui contraste violemment avec les positions que vous avez prises et réitérées d'ailleurs lors du débat sur la proposition de loi relative à la détention provisoire signée par notre collègue Alain Tourret.

Il suffit d'être raisonnable. La collégialité est de règle dans la chambre d'accusation, dans le cas des tribunaux statuant sous la forme des comparutions immédiates.

Avez-vous de meilleurs résultats en détention provisoire ? La collégialité n'est-elle pas un débat itératif, comme on dit dans le langage parlementaire, fruit de la navette entre un magistrat d'une condition et un magistrat d'une autre condition, d'un autre regard, d'une autre expérience, d'une autre sagesse, monsieur Balladur ? Nous avons là de quoi avancer sur la détention provisoire, sachant que la gauche, en matière de détentions provisoires inutiles - car si les chiffres ont baissé, c'est donc que ces mandats de dépôt étaient inutiles -, ne peut que se réjouir du bilan de l'expérience du juge délégué, même si celui-ci a malheureusement pâti de la position assez incompréhensible de la droite à l'époque et aujourd'hui encore.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

J'irai dans le même sens. Le juge de la détention prévu par le projet de loi du garde des sceaux marque, je crois, un progrès décisif dans la procédure pénale.

Il est amusant de voir la droite, comme l'a remarqué Arnaud Montebourg - mais sans doute est-ce là une ironie de l'histoire -, après s'être acharnée à détruire la collégialité que nous avions proposée en 1993, la réclamer soudain avec insistance...

La création du juge de la détention présente deux avantages. Elle permettra d'abord, comme nous le voulons tous, la séparation des fonctions d'investigation avec les fonctions juridictionnelles de placement en détention provisoire. C'est là une garantie essentielle pour les droits de la défense. Elle soumet ensuite le placement en détention, et cela répond d'ailleurs à votre préoccupation, à deux décisions, à un double regard, alors que la remise en liberté ne dépend que d'une seule décision ; c'est donc bien une forme de collégialité que permet le projet. C'est là un progrès décisif, fondamental à nos yeux pour l'évolution du code de procédure pénale.

M. Arnaud Montebourg.

Décisif, messieurs !

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Madame la présidente, mes chers collègues, rappelons tout de même ce qu'est le juge d'instruction. C'est un magistrat du siège que la Constitution institue gardien de la liberté individuelle. Ce qui fait sa force et sa faiblesse, c'est qu'il est aussi enquêteur à charge et à décharge. Et lorsqu'il se fait simplement accusateur, lorsqu'il a lui-même dirigé l'enquête aboutissant à la mise en examen, puis au débat sur la mise en détention, peut-il être neutre ? Je pose la question en toute sincérité. S'il a lui-même orienté, guidé, encouragé l'actio n des policiers, ordonné des écoutes téléphoniques, autorisé une garde à vue, une arrestation, une perquisition, peut-il subitement décider, en toute indépendance, du sort du même individu ? Le remettre en liberté serait un aveu d'erreur ! Voilà pourquoi le juge de la détention que vous créez, madame la garde des sceaux, prend à mon sens toute sa signification. Ce que veut comme nous le Gouvernement, c'est bien redéfinir le rôle du juge d'instruction en la matière. Est-il l'homme seul qu'il convient d'assister ? Est-il seul responsable de l'abus des détentions provisoires ? N'oublions pas non plus, mes chers collègues, que les chambres d'accusation ont, hélas ! plutôt tendance à confirmer sans discernement les décisions des magistrats instructeurs et se voient de ce fait souvent qualifiées par les avocats de chambres d'enregistrement. Elles aussi, reconnaissons-le, ont leur part de responsabilité. Voilà pourquoi il faut créer le juge de la détention.

Mais permettez-moi de me poser une question. Suis-je en train de rêver ? J'étais dans cette assemblée en janvier 1993. Nous avions voté une loi qui disait tout ce que je


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suis en train de dire aujourd'hui. En août 1993, sous l' imperium de M. le Premier ministre Balladur, ces dispositions-là ont disparu ! Et aujourd'hui, voilà qu'un amendement Balladur vient proposer d'établir une collégialité, d'instituer un tribunal des libertés. Quel est donc le secret de ce long remord du pouvoir qui fait que, dès lors que l'on revient dans l'opposition, on regrette ce que l'on a mal fait lorsqu'on était dans la majorité ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Si je voulais être plus cruel,...

M. Arnaud Montebourg.

Soyez cruel !

M. Gérard Gouzes.

Eh bien, je vais l'être ! (Sourires sur les mêmes bancs.)

M. Devedjian, M. Albertini, M. Houillon nous ont dit hier, redisent aujourd'hui et continueront à répéter qu'il faut restreindre la détention provisoire ! M. Devedjian trouve que vous n'allez pas assez loin, madame la garde des sceaux. Mais que l'on se souvienne ! Il n'y a pas très longtemps - ce n'était même plus du temps où ils étaient la majorité ! -, au moment où notre collègue Alain Tourret défendait ici, avec nous, une proposition qui allait dans le même sens que le présent texte du Gouvernement, « les groupes RPR et UDF à l'Assemblée nationale... » - je lis avec plaisir ce communiqué de l'AFP -

« ... se sont élevés contre l'adoption vendredi d'une proposition de loi restreignant les possibilités de placement en détention provisoire, qualifiant ce vote de "laxisme de gauche" en matière pénale ».

« Il s'agit d'une mesure votée subrepticement par la gauche et qui, par ses conséquences, correspond à environ quatre lois d'amnistie » s'est indigné, dans un communiqué, le président du groupe RPR, Jean-Louis Debré.

D ans un autre communiqué, le porte-parole du groupe UDF sur ce texte, M. Philippe Houillon,...

M. Arnaud Montebourg.

Ça ne peut pas être le même !

M. Gérard Gouzes.

... déplore « le caractère idéologique et l'inconséquence des mesures votées par la majorité ».

« Cette proposition a été rédigée à la hâte et discutée sans aucune réflexion globale ni aucune concertation avec le Gouvernement » écrit M. Houillon.

M. Arnaud Montebourg.

L'opposition devrait soigner sa schizophrénie !

M. Gérard Gouzes.

Mes chers collègues, il faut arrêter cette comédie tendant à faire croire que l'opposition serait devenue tout d'un coup, sur le plan des libertés, plus libérale que la gauche, qui les a toujours défendues depuis le début du siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Je voudrais montrer combien cette partie du projet de loi est capitale.

Nous avons la volonté, avec ce texte, à la fois de rendre la détention provisoire exceptionnelle et de faire qu'elle soit décidée par un magistrat extérieur à l'instruction.

Nos collègues de l'opposition se sont livrés à une conversion si rapide qu'ils ont l'attitude extrême des nouveaux convertis. Nous ne saurions les en critiquer ! Pour être bien claire, je voudrais rappeler quelques chiffres. Il y a en France, aujourd'hui, dans la population carcérale, entre 40 et 43 % de prévenus. Alors que le t aux de détenus provisoirement est de 17 pour 100 000 habitants en Belgique, de 24 en Allemagne, de 25 aux Pays-Bas, il est de 32 dans notre pays.

Nous nous sommes beaucoup interrogés. Le système proposé dans le projet de loi, comme le rappelait

M. Montebourg, a été expérimenté et il a fait ses preuves, tandis que d'autres étaient expérimentés avec moins de succès depuis 1985. Il paraît donc de bon sens d'essayer de mettre en place, pour une très longue période - du moins nous l'espérons - le seul - et ce n'est pas faute de s'être attelés à la question ! - qui ait fait ses preuves.

Aujourd'hui, je crois que nous tenons la bonne réforme en prévoyant un magistrat du siège comme le juge d'instruction. Cela ne pose, monsieur Houillon, aucun problème au regard de la séparation des fonctions de justice, en application de laquelle celui qui poursuit ne peut juger, pas plus que celui qui instruit. Nous demandons simplement à un second juge du siège d'exercer un second regard - beaucoup l'ont dit - sur une décision qui est éminemment difficile à prendre. La voie de l'appel devant la chambre d'accusation demeure. Et pour qu'il y ait plus de garanties d'indépendance entre le juge d'instruction et le juge de la détention, nous exigeons que le juge de la détention ait rang de président ou de viceprésident du tribunal de grande instance.

Tout cet ensemble, dont nous débattrons à nouveau en examinant quelques amendements, est cohérent et constitue une avancée considérable. Reste à trouver le bon titre pour ce juge de la détention provisoire. On pourrait songer à « juge du contrôle de la détention provisoire ».

J'ajoute, pour répondre à M. Tourret, que le contrôle judiciaire doit demeurer de la compétence du juge d'instruction pour lui éviter d'avoir à recourir à un autre magistrat quand il veut maintenir en liberté, même sous contrôle judiciaire. Compte tenu de notre objectif final, qui est de diminuer notre taux de détentions provisoires, il me paraît judicieux de laisser le juge d'instruction compétent en matière de liberté pleine et entière et en matière de contrôle judiciaire.

Nous avançons, aujourd'hui, vers une très grande réforme.

Mme la présidente.

Nous en venons maintenant aux amendements sur l'article 10 qui est, en effet, très important.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 273, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 10 :

« Il est inséré, après l'article 137 du même code, cinq articles ainsi rédigés :

« Art. 137-1. La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le tribunal de la liberté.

Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises.

« Le tribunal de la liberté est composé de magistrats du siège désignés par le président du tribunal de grande instance. Ils peuvent être remplacés dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 50. Les débats de ce tribunal sont contradictoires ; il est assisté d'un greffier.

« Les magistrats composant le tribunal de la liberté ne peuvent, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont ils ont connu.

« Lorsque la mesure de mise en détention provisoire est requise en même temps que celle ouvrant une instruction, ces réquisitions saisissent le tribunal de la liberté. Elles énumèrent les charges déjà recueillies à l'encontre du témoin et les motifs de nature à justifier la mesure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

« Dans les autres cas, le tribunal de la liberté est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui a préalablement rendu une ordonnance de mise en accusation.

« Art. 137-2. Le contrôle judiciaire est ordonné par le tribunal de la liberté, qui statue après avoirr ecueilli les réquisitions du procureur de la République.

« Art. 137-3. Lorsqu'il estime ne pas devoir décider le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci, ni prescrire une mesure de contrôle judiciaire, le tribunal de la liberté n'est pas tenu de statuer par une décision motivée.

« Art. 137-4. Le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance dans les cas suivants :

« 1o Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire, il ne transmet pas le dossier de la procédure au tribunal de la liberté ;

« 2o Lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.

« Art. 137-5. Lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, ou à la prolongation de la détention provisoire, le procureur de la République peut saisir directement la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Arnaud Montebourg.

Pourquoi pas M. Balladur lui-même ?

M. Patrick Devedjian.

Je suis cosignataire de l'amendement no 273 ! Voyez-vous un inconvénient à ce que l'opposition décide elle-même de la manière dont elle expose ses thèses ?

M. Arnaud Montebourg.

Pas du tout, c'est seulement que M. Balladur nous manque !

M. Patrick Devedjian.

Je vous remercie de cette grande preuve de libéralisme.

Je voudrais profiter de l'occasion que m'offre cet amendement initié par M. Balladur pour m'étendre précisément sur ce qu'il est destiné à remplacer et pour répondre à M. Gouzes. D'ailleurs, nous sommes condamnés à nous répéter puisqu'il a dit hier la même chose et que je lui ai déjà répondu que notre conversion à la défense des libertés était une heureuse chose et qu'elle résultait de la compréhension de notre véritable vocation.

M. Gérard Gouzes.

Miraculeuse !

M. Patrick Devedjian.

Cette conversion que vous trouvez prodigieuse...

M. Gérard Gouzes.

Vous nous faites rire !

M. Patrick Devedjian.

... n'a d'égale que la vôtre dans un domaine comparable qui est celui des privatisations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Cela n'a rien à voir !

M. Gérard Gouzes.

C'est une comparaison stupide !

M. Patrick Devedjian.

Monsieur Gouzes, vous ne voulez décidément pas que nous nous expliquions !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous parlons de justice !

M. Patrick Devedjian.

Dans le programme sur lequel vous avez été élu, il n'était nullement question de privatisations mais de nationalisations.

M. Gérard Gouzes.

Mais non ! Vous ne lisez pas nos programmes ! Je vous en communiquerai un exemplaire !

M. Patrick Devedjian.

Vous vous êtes convertis - depuis beaucoup moins longtemps que nous - à la liberté de l'économie. C'est très bien et je m'en félicite pour notre pays. Admettez qu'après quelques errements dans le passé, nous ayons, nous aussi, compris.

M. Arnaud Montebourg.

Est-ce parce que vous avez eu à faire dans les cabinets des juges ?

Mme la présidente.

Monsieur Devedjian, vous devriez en venir à l'amendement car vous n'avez que quelques minutes pour le présenter.

M. Patrick Devedjian.

J'y suis, madame la présidente, puisque j'en explique la philosophie.

Mme Frédérique Bredin.

C'est un acte de contrition !

M. Patrick Devedjian.

L'intérêt des défaites électorales, c'est qu'elles poussent à en analyser les causes et à en tirer toutes les conséquences.

M. Arnaud Montebourg.

C'est l'avocat du Président de la République qui parle !

M. Patrick Devedjian.

Nous n'avons pas voté la proposition de loi de M. Tourret pour la même raison qui nous motive aujourd'hui : nous nous opposons à votre dispositif sur le juge de la détention provisoire et je vais vous expliquer pourquoi. Au reste, vous auriez tort de nous le reprocher parce qu'après avoir été votée par cette assemblée, elle s'est perdue dans les sables mouvants en allant au Sénat ! C'est dire que le Gouvernement et sa majorité elle-même n'ont pas considéré cette proposition, que vous encensez aujourd'hui, suffisamment pertinente pour aller jusqu'au Sénat ! J'en viens à l'amendement proposé par M. Balladur et que les trois groupes de l'opposition ont cosigné.

Pourquoi instituer un tribunal de la liberté ? Parce que le dispositif du juge de la détention provisoire est, comme vous le disiez hier à propos d'autre chose, madame la garde des sceaux, une fausse bonne idée.

Cela ne réalisera pas, monsieur Gouzes, ce que vous demandiez tout à l'heure, à savoir la séparation entre l'enquêteur et le juge impartial de la mise en détention.

Quelle confusion des genres dans votre dispositif ! Le juge de la détention provisoire est saisi par le juge d'instruction, c'est-à-dire par une ordonnance motivée. En réalité, c'est une vraie réquisition, et, de ce point de vue, M. Houillon a parfaitement raison : vous ne respectez pas le principe que vous avez fait voter, madame Lazerges, de séparation des fonctions. En effet, le juge d'instruction fait office à la fois d'enquêteur, d'accusateur et de juge.

D'accusateur puisqu'il demande, par une ordonnance, la mise en détention, ce qui relève normalement de la fonction du procureur de la République.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Et l'ordonnance de renvoi ? C'est rigoureusement pareil !

M. Patrick Devedjian.

L'ordonnance de renvoi est ordonnée sur réquisition du parquet - indépendamment -, qui considère qu'il existe des charges suffisantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Vous ne faites pas, madame Lazerges, ce que la personne que vous admirez tant, Mme Delmas-Marty, vous réclame à cor et à cri, ce que M. Badinter recommande en prônant la séparation entre Maigret et Salomon, ainsi que la commission Truche : une séparation totale entre les fonctions d'enquête et les fonctions impartiales de mise en détention. Vous instituez un double regard selon les mots mêmes de Mme la garde des sceaux.

Dans le passé, on craignait que le juge d'instruction ne dise : « Monsieur, parlez ou je vous mets en détention. »

Aujourd'hui, il dira simplement : « Monsieur, parlez et je vous mets en liberté. » Car il peut le faire

! La seule différence avec le passé est sémantique, comme l'est d'ailleurs l'essentiel de votre réforme. Une réforme sémantique, c'est la spécialité socialiste : ne pas s'attaquer au fond des choses mais travailler sur les apparences !

M. Arnaud Montebourg.

Il est vrai que vous, vous êtes allés au fond des choses avec M. Jacques Toubon. Quelle grande politique !

Mme la présidente.

Monsieur Devedjian, il va nous falloir conclure.

M. Patrick Devedjian.

C'est un amendement très important, madame la présidente. Il y va de la liberté dans notre pays.

Mme la présidente.

Oui, mais je vous avais prévenu : vous n'aviez que cinq minutes !

M. Patrick Devedjian.

Des milliers de gens sont mis en prison chaque année sur le fondement de ce texte. Souffrez que nous prenions le temps d'en discuter !

Mme la présidente.

Je suis chargée de faire appliquer le règlement, monsieur Devedjian !

M. Patrick Devedjian.

Dans l'intérêt général, on peut l'appliquer dans son esprit !

Mme la présidente.

C'est ce que je fais !

M. Patrick Devedjian.

Il ne s'agit pas d'un dispositif accessoire. Je pourrai renoncer à la parole sur d'autres choses, mais sur cette question, j'entends me battre avec force.

M. Balladur propose d'instituer le tribunal de la liberté, lequel - là est la différence avec ce que vous proposez - n'est pas saisi par le juge d'instruction, qui n'est pas impartial, mais par le procureur de la République, qui est un accusateur et dont c'est par conséquent la fonction. Il statue en audience publique, collégialement, et il se moque - et c'est là l'essentiel - de l'avenir de l'enquête. Il n'est pas influencé dans la décision qu'il va prendre sur la mise en détention. Il regarde si les charges qu'on lui présente sont suffisantes pour que l'on porte atteinte aussi gravement à la liberté de quelqu'un. Le résultat des investigations qui sont à conduire, ce n'est pas son problème, contrairement au juge d'instruction.

Pour la première fois, si nous avions cette institution - mais je suis sans illusion -, on entrerait en prison toujours avec les mêmes garanties. Aujourd'hui, si l'on bénéficie de garanties d'impartialité quand on est envoyé en prison par un jugement du tribunal, ce n'est pas le cas si c'est le juge d'instruction qui en décide, pas plus qu'avec le dispositif que vous proposez.

Ce que nous réclamons - ce serait une avancée fondamentale -, c'est que la détention provisoire soit ordonnée avec les mêmes garanties que le prononcé de la peine ellemême, car c'est une mesure qui porte autant préjudice que celui-ci.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je vais, à mon tour, à l'occasion de cet amendement, faire le point sur l'institution du juge de la détention provisoire.

Je veux d'abord répondre aux questions de M. Deprez, que j'ai trouvé intéressantes, comme d'ailleurs toutes celles qui sont posées ici. Le juge de la détention provisoire sera soit le président du tribunal, soit un viceprésident. Les vice-présidents ne sont pas tous civilistes.

Certains sont en correctionnelle et peuvent très bien, par conséquent, être au fait des questions. J'ajoute que ce sont nécessairement des magistrats d'expérience, comme leur grade l'indique, et qu'ils auront donc ce que n'avait pas le juge délégué, cette autorité que leur confère l'expé rience. Nous avons voulu tirer les leçons des inconvénients de l'institution du juge délégué en 1993.

J'envisage d'avoir des vice-présidents placés auprès des premiers présidents de cour d'appel pour exercer les fonctions de juge de la détention ou bien, d'ailleurs, pour juger les affaires. Cette souplesse, dont parlait Gérard Gouzes, va nous permettre aussi d'améliorer l'organisation de la carte judiciaire.

J'ai déjà localisé soixante postes sur les cent qui sont nécessaires - nous ne créerons pas un juge de la détention provisoire dans chacun des 187 tribunaux de grande instance puisqu'une centaine d'entre eux n'ont que trente mandats de dépôt par an. Cinquante-deux vice-présidents sont déjà dans les juridictions ou y arriveront à brève échéance, ce qui est sans précédent.

Je ne répondrai pas sur la première partie de l'amendement qui visait à la coordination avec l'amendement no 267, rejeté hier par l'Assemblée nationale.

Je n'évoquerai que le juge de la détention provisoire et la collégialité.

S'agissant de la détention provisoire, pourquoi ai-je proposé cette réforme ? J'ai regardé comment avait fonctionné le juge délégué pendant les seule six mois, hélas ! où il a pu le faire, avant que le Gouvernement de M. Balladur ne le supprime en 1993. En interrogeant beaucoup de magistrats qui avaient expérimenté le juge délégué, cette expérience, je me suis aperçue que nous aurions intérêt à rehausser son expérience et son niveau - d'où l'exigence qu'il soit président ou vice-président. Surtout, j'ai constaté que, là où l'on avait joué le jeu, cela s'étai t révélé extrêmement efficace - Arnaud Montebourg nous a rappelé tout à l'heure les chiffres. Nous avons, grâce au dialogue qui a été instauré, obtenu une diminution du nombre des mandats de dépôt. Et si le gouvernement et la majorité de l'époque n'avaient pas supprimé la fonction de juge délégué, nous aurions aujourd'hui beaucoup moins de détentions provisoires et nous aurions atteint en grande partie le but que vous vous assignez aujourd'hui, mais que, à l'époque, vous récusiez.

M. Arnaud Montebourg.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

Vous parlez, monsieur Devedjian, de réforme « sémantique ». Demandez donc à quelqu'un s'il préfère passer devant un seul juge, qui à la fois mène l'enquête et l'autre qui décide de la détention.

Je suis persuadée que vous aurez un plébiscite en faveur du juge de la détention provisoire.

Mme Frédérique Bredin.

Bien sûr !

M. Arnaud Montebourg.

Evidemment !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la garde des sceaux.

C'est une forme de collégialité que je propose, à la vérité, une collégialité limité e à deux juges, il est vrai, mais rien ne nous empêchera, si le besoin s'en fait sentir, d'aller plus loin un jour prochain.

Si nous voulons que cette réforme entre en application, la sagesse commande de commencer par là. Dans quelque temps, nous nous demanderons s'il est nécessaire d'ajouter des juges - car Alain Tourret a raison de dire qu'on ne pratique pas nécessairement un meilleur contradictoire en multipliant les juges. Commençons par deux ! Ce qui est intéressant, c'est le dialogue. Nous dresserons un bilan de la mesure dans quelques années. Si nous avons fait face, à ce moment, aux autres priorités, nous pourrons nous reposer la question. Rien n'est fermé sur le chapitre de la collégialité.

A propos de la double décision - j'ai, en effet, pu parler de « double regard » -, je précise à M. Houillon que ce n'est pas une juridiction d'appel. Il est vrai que

M. Devedjian a fort habilement mis les choses au point.

La juridiction d'appel a la même compétence à un degré différent. Ce que nous proposons, ce sont deux juges aux compétences différentes et sans lien de subordination.

De toute façon, lorsque nous aurons adopté cette réforme, la garantie judiciaire sera encore accrue, puisque, désormais, cinq juridictions pourront, en théorie, examiner successivement la situation d'une mise en examen qui fait l'objet d'un mandat de dépôt : le juge d'instruction, le juge de la détention provisoire, le président de la chambre d'accusation, la chambre d'accusation elle-même et, éventuellement, la chambre criminelle de la Cour de cassation. C'est un réel progrès et je remercie celles et ceux d'entre vous qui m'apportent leur soutien pour cette importante réforme.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Madame la présidente, je répondrai à la fois à la commission et au Gouvernement, ce qui me permettra d'intervenir plus brièvement par la suite sur mon amendement.

Puisque vous faites les uns et les autres des citations, je relirai pour ma part quelques lignes du rapport de la commission Truche, dont je rappelle qu'elle était composée, de manière pluraliste, d'universitaires, de philosophes, de magistrats du siège et du parquet.

Sur ce point, sa réponse a été unanime, ce qui doit être relevé car il est tout de même assez rare qu'une commission parvienne à une solution si consensuelle. Je cite : « La commission estime que le pouvoir de mettre en détention doit être séparé de celui d'enquêter. » C'est très

exactement ce que nous proposons.

Mme la garde des sceaux.

Et c'est ce que nous faisons !

M. Pierre Albertini.

Je poursuis : « Et c'est à l'unanimité qu'elle souhaite l'intervention d'une collégialité dont le juge d'instruction serait exclu. »

M. Patrick Devedjian.

« Exclu » ! C'est cela qui est capital !

M. Pierre Albertini.

Mettons-nous d'accord sur les objectifs. Si nous parvenons à réduire le nombre et la durée des détentions abusives, ce sera au bénéfice de la défense des libertés. Pour autant, nous sommes sceptiques. Toutefois, à la différence de M. Montebourg et de M. Gouzes, nous nous réjouissons que la défense des libertés soit un thème de plus en plus partagé par l'ensemble des familles politiques. En tout cas, nous n'admettons pas l'idée, qui a été exprimée tout à l'heure, selon laquelle, au XXe siècle, seule la gauche a défendu les libertés. Permettez-moi de dire que c'est une vision contraire à l'histoire...

M. Gérard Gouzes.

En effet, cela remonte avant le XXe siècle !

M. Pierre Albertini.

... et que, en matière de conversions, vous en avez opéré quelques dizaines.

M. Arnaud Montebourg.

La vôtre date de quarantehuit heures !

M. Christophe Caresche.

C'est une conversion récente !

Mme la présidente.

Monsieur Caresche, laissez parler M. Albertini !

M. Pierre Albertini.

En matière de conversion et d'adaptation aux circonstances - pour ne pas dire de violation de certains principes ou de certaines valeurs -, vous avez eu un maître à penser qui a démontré pendant des dizaines d'années qu'il avait une certaine habileté à évoluer entre des écueils contradictoires !

M. Arnaud Montebourg.

Les amis de Peyrefitte ont la mémoire courte !

M. Pierre Albertini.

Cela dit, nous nous réjouirons tous si la défense des libertés progresse dans ce pays.

Pour ma part, j'ai soutenu la proposition de M. Tourret dès l'origine - et il le sait -, laquelle a fait l'objet d'un vrai débat au sein de notre groupe. A l'époque, nous étions minoritaires sur ce sujet.

M. Patrick Devedjian.

Q'avez-vous fait de cette proposition, mesdames, messieurs de la majorité ?

M. Pierre Albertini.

Je me réjouis qu'aujourd'hui cette défense des libertés ait progressé, y compris dans nos rangs !

M. Arnaud Montebourg.

L'apprentissage judiciaire est difficile !

M. Pierre Albertini.

De grâce, faites-nous crédit...

M. Arnaud Montebourg.

C'est difficile !

M. Pierre Albertini.

Monsieur Montebourg, je commence à comprendre ce qui nous sépare l'un et l'autre sur le terrain des principes, et cette différence est fondamentale : vous vous prononcez plus souvent en fonction de votre appartenance à une famille politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), alors que nous, nous recherchons l'intérêt de tous.

M. Patrick Devedjian.

Très juste !

M. Gérard Gouzes.

Nous, nous n'avons pas des positions contradictoires !

M. Pierre Albertini.

Sur ce point précis, si la commission Truche a permis l'éclosion d'une prise de conscience, alors que prédominait la méfiance à l'encontre de la défense et de l'avocat, eh bien, nous devons nous en réjouir tous ensemble ! Voilà pourquoi l'amendement no 273 nous paraît philosophiquement et concrètement intéressant. Ce sera certainement l'objet de la prochaine grande réforme de la justice.

M. Patrick Devedjian.

Bravo, monsieur Albertini !

M. Arnaud Montebourg.

Cette réforme, ce n'est pas vous qui la ferez !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 273.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

L'amendement no 40 de M. Gerin n'est pas défendu.

MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 54, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "ou prolongée". »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Nous proposons, par cet amendement, que les décisions de prolongation des détentions provisoires soient prises d'une manière générale par la chambre d'accusation, c'est-à-dire par une juridiction collégiale. Une telle disposition me paraît constituer une garantie et un premier pas vers la collégialité qui est souhaitable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Nous avons tenté d'instaurer la collégialité à plusieurs reprises, et vous n'en avez pas voulu. Avant tout, je crois qu'il faut être pragmatique.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis évidemment défavorable à cet amendement. En effet, dès lors que le juge de la détention existe et qu'il a le pouvoir de mettre en détention, il faut aussi lui donner celui de prolonger cette détention et non pas l'accorder au juge d'instruction ou à la chambre d'accusation.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

54. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 97, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de précision relatif au remplacement du juge de la détention. Nous considérons que le président du tribunal de grande instance peut désigner provisoirement un autre juge sans en référer à la cour d'appel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

97. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 20 et 186, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 20, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale :

« Il est saisi par un réquisitoire du procureur de la République. »

L'amendement no 186, présenté par M. Houillon et M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale :

« Il est saisi par voie de réquisition motivée du procureur de la République. Le juge d'instruction lui transmet le dossier de la procédure. »

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l'amendement no

20.

M. Patrick Devedjian.

Je serai bref, madame la présidente, puisque je me suis déjà exprimé longuement sur le sujet.

Cet amendement, comme celui de M. Houillon, vise à rétablir le mécanisme normal de la justice en confiant les réquisitions au procureur de la République, lequel ne devrait pas les perdre. Je souligne l'extrême confusion de la rédaction du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure dans la mesure où il prévoit que le juge de la détention est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, alors que luimême peut ne pas statuer par ordonnance - c'est le cas pour une décision de non-mise en détention.

Ainsi, il serait possible de faire appel de la décision qui saisit le juge de la détention provisoire, mais pas de celle du juge de la détention provisoire car elle ne serait pas rendue par ordonnance. C'est complètement fou !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable. On n'a jamais pu faire appel d'une décision de remise en liberté.

M. Patrick Devedjian.

Mais si !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Le système proposé me paraît absolument cohérent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai déjà indiqué que j'étais opposée à cette solution qui tend à revenir sur l'un des points essentiels du projet en prévoyant que le juge de la détention sera saisi par le procureur de la République et non par le juge d'instruction.

Cet amendement supprime l'un des intérêts principaux de la réforme : le fait que la détention ne puisse être prononcée que si deux magistrats du siège - le juge d'instruction et le juge de la détention - l'estiment nécessaire, ce qui est évidemment une garantie supplémentaire importante. De surcroît, il esquisse une autre procédure que celle qui est retenue par le Gouvernement. Je ne vois pas l'intérêt de permettre au parquet de demander une détention au juge de la détention si le juge d'instruction ne l'estime pas utile. Comment imaginer qu'un juge de la détention puisse mettre une personne en détention alors que le juge d'instruction estimerait possible de mener son information judiciaire sans que cette personne soit détenue ?

M. Gérard Gouzes.

C'est invraisemblable !

Mme la garde des sceaux.

Le juge d'instruction ne pourrait même pas - cela résulte des amendements nos 20 et 186 - mettre cette personne en liberté.

La disposition proposée n'est pas raisonnable et aboutirait exactement à l'inverse de ce que souhaitent les auteurs de ces amendements.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no 186.

M. Philippe Houillon.

Puisque M. Gouzes nous a mis en cause tout à l'heure et que je ne l'ai pas interrompu, je vais lui répondre, mais ce sera une réponse d'apaisement.

Je comprends bien que, sur un tel thème, la gauche s'en prenne à l'opposition. En effet, la gauche n'a jamais été excellente en matière de limitation de la dépense publique, d'économie, de sécurité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

M. Gérard Gouzes.

Ce sont des préjugés !

M. Philippe Houillon.

En revanche, alors qu'elle s'était autoproclamée championne des libertés, elle constate aujourd'hui une certaine division dans ses rangs.

M. Gérard Gouzes.

Pas du tout ! Ce sont des divisions techniques !

M. Philippe Houillon.

Ainsi, l'amendement de Mme Bredin a dû être retiré.

De notre côté, au contraire, on observe une parfaite unité.

Je vous indique, monsieur Gouzes - et M. Tourret a eu la gentillesse et l'honnêteté de le rappeler hier -, qu'il y a longtemps que j'avais déposé un amendement sur la nécessité de la présence d'un avocat au début de la garde à vue. Je suis satisfait qu'une telle disposition soit reprise aujourd'hui. Il ne s'agit pas du tout de quelque chose de nouveau. Seulement, à l'époque, une telle disposition ne recueillait pas une majorité dans nos rangs, alors que désormais elle nous fédère.

Ma réponse devrait vous apaiser, monsieur Gouzes, car finalement nous poursuivons des buts identiques. Nous nous contentons simplement de proposer des précisions sur divers points techniques quand cela est nécessaire.

Ainsi, madame le rapporteur, vous venez de dire que les ordonnances de mise en liberté ne pouvaient pas faire l'objet d'appel. Mais bien sûr que si, c'est possible ! J'en viens à mon amendement.

Evidemment, il ne s'agit pas d'une juridiction d'appel au sens de l'organisation judiciaire. Toutefois, à partir du moment où le juge de la détention se prononce sur la motivation d'un autre juge, il s'agit bien d'un deuxième regard, d'un jugement porté sur cette motivation, et c'est en contradiction avec ce que nous avons voté hier.

Bref, vous ne me répondez pas de manière précise à des questions précises.

Je sais bien que vous disposez d'une majorité suffisante pour repousser cet amendement mais je tenais à dire cela.

Mme la présidente.

Je suppose que l'avis de la commission sur l'amendement no 186 sera le même que sur l'amendement no 20, madame le rapporteur ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Oui, madame la présidente. Toutefois, je voudrais tout de même indiquer à M. Houillon qu'il propose de conserver le juge d'instruction - sans doute pour ne pas peiner les juges d'instruction -...

M. Philippe Houillon.

Mais non !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

... alors qu'il veut quasiment appliquer la réforme proposée par la commission Delmas-Marty,...

M. Patrick Devedjian.

Oui !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

... qui, elle, propose de supprimer le juge d'instruction.

Vous nous dites que nous sommes au milieu du gué, mais, vous, vous êtes sous le gué !

M. Philippe Houillon.

Pourquoi « sous le gué » ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ce n'est pas clair.

Vous voulez appliquer une réforme qui propose de supprimer le juge d'instruction, et vous voulez le faire sans pour autant supprimer celui-ci !

M. Gérard Gouzes.

Qu'ils le disent ! Qu'ils aillent jusqu'au bout de leur raisonnement !

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Nous, nous disons clairement que nous voulons conserver le juge d'instruction. Dès lors, pourquoi le procureur de la République serait-il le seul à pouvoir saisir le juge de la détention ?

M. Gérard Gouzes.

Ne restez pas au milieu du gué, monsieur Houillon !

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Cela a une logique dans votre système, pas dans le nôtre !

M. Christophe Caresche.

Très bien !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Quant à la séparation des fonctions de justice, c'est la séparation entre la poursuite et l'instruction, entre l'instruction et le jugement, entre la poursuite et le jugement. Il n'y a pas de séparation des fonctions de justice entre deux magistrats du siège, comme ces deux amendements le proposent.

Un juge d'instruction peut parfaitement, de la même façon qu'il peut par une ordonnace de renvoi saisir trois magistrats du siège en matière correctionnelle, saisir un juge de la détention.

M. Philippe Houillon.

Ce n'est pas la même chose !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il rend une ordonnance de renvoi à un autre magistrat du siège.

Mme la présidente.

L'avis du Gouvernement est-il identique à celui de la commission, madame la garde des sceaux ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 98, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "après avoir recueilli les" les mots : "accompagné des". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement qui tend à préciser que le juge d'instruction transmet le dossier de la procédure au juge de la détention, accompagné des réquisitions du procureur de la République.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

98. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Tourret a présenté un amendement, no 239, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 137-2 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "d'instruction" les mots : "de la détention provisoire et des libertés". »

Monsieur Tourret, je vous suggère de présenter en même temps l'amendement no 240.

M. Alain Tourret.

Volontiers, madame la présidente.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

L'amendement no 240, présenté par M. Tourret, est ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 137-2 du code de procédure pénale par les mots : " , si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave". »

Monsieur Tourret, vous avez la parole.

M. Alain Tourret.

Le nouveau juge dont on crée la fonction ne doit-il avoir que des pouvoirs en matière de détention ou doit-il avoir également des pouvoirs en matière de contrôle judiciaire ? Sur ce point, je dois avouer que je m'oppose à votre projet, madame la garde des sceaux. A mon sens, ce que vous proposez est incohérent ; il serait préférable que dans le respect total de la procédure inquisitoire, le juge de l'enquête et le juge du contentieux aient des fonctions différentes.

Il me semble préférable qu'il y ait un juge chargé de l'enquête, qui agisse, qui fasse progresser la vérité, et un autre juge chargé du contentieux. C'est, me semble-t-il, la logique même du texte qui nous est proposé.

Je soutiens la création de ce nouveau juge, car je fais mienne la logique du Gouvernement, et c'est pourquoi il m'apparaît nécessaire de donner à ce juge un pouvoir en matière de contrôle judiciaire.

Je le répète, le contrôle judiciaire peut se traduire par des décisions extrêmement importantes. Limiter le pouvoir du juge de la détention et des libertés à la seule détention, c'est, à mon sens, ne pas tirer les conséquences du projet qui nous est proposé, dont je souhaite qu'il soit beaucoup plus cohérent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Si nous avions choisi de trancher dans le vif, de supprimer le juge d'instruction, pour confier l'enquête au parquet et le contrôle de l'enquête à un juge des libertés, qui serait devenu juge de la détention et des libertés, il aurait alors fallu confier le placement sous contrôle judiciaire à ce juge-là.

Mais notre logique n'est pas celle-là. Nous entendons simplement apporter une garantie supplémentaire au moment où doit être prise la décision, très difficile et très lourde de conséquences, de placement en détention provisoire. Pour ce faire, nous avons prévu de recourir à un second regard, qui pourra être un contre-regard : la décision qui sera prise pourra être différente de celle qu'aura prise le juge d'instruction.

C'est un problème de choix de procédure. Dans celui que nous faisons, il me paraît cohérent que le contrôle judiciaire demeure de la compétence du juge d'instruction : si l'on veut diminuer le nombre des détentions provisoires, il vaut mieux que le juge d'instruction puisse agir seul jusqu'au contrôle judiciaire compris.

M. Alain Tourret.

Dans deux ans, madame le rapporteur, vous ferez vôtre ma proposition !

M. Patrick Devedjian.

Evidemment !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

On verra bien ! Pour l'instant, testons, observons, et nous aurons toujours la possibilité de faire d'autres avancées ensuite.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable à l'amendement no 239. J'ai déjà dit précédemment que tous les magistrats étaient les garants des libertés.

Avant de répondre sur l'amendement no 240, je rappellerai le mécanisme du Gouvernement. Le juge d'instruction garde la décision du contrôle judiciaire dans tous les cas et à tout moment. Il peut et doit demander au juge de la détention le placement en détention. Le juge de la détention peut choisir entre détention, contrôle judiciaire et liberté. Si le juge de la détention a décidé un contrôle judiciaire, cela n'interdit pas au juge d'instruction de prendre toutes les mesures modifiant ce contrôle judiciaire s'il l'estime nécessaire.

Ce système permet de responsabiliser le juge d'instruction, de donner sa liberté au juge de la détention et de faire en sorte qu'il y ait une différence de degré entre la détention provisoire et le contrôle judiciaire, dont je rappelle qu'ils figurent ensemble à la section 7 du titre III du code de procédure pénale.

Or votre amendement, monsieur Tourret, a pour objet de retirer au juge d'instruction le pouvoir de placer sous contrôle judiciaire une personne mise en examen, seul le juge de la détention détenant désormais ce pouvoir. Je suis très défavorable à cet amendement - il a d'ailleurs été repoussé avec sagesse par la commission des lois - qui applique absolument sans nuance au contrôle judiciaire le raisonnement que nous avons suivi pour la détention provisoire, et qui place de facto les deux formules sur le même plan.

Chacun comprend qu'être incarcéré et pointer à la gendarmerie ou au commissariat de police une fois par semaine n'est pas la même chose...

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Absolument !

M. Alain Tourret.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

... en ce qui concerne aussi bien la privation de liberté que le retentissement sur la vie personnelle, professionnelle et sociale.

J'estime indispensable que le juge d'instruction puisse prendre une décision de contrôle judiciaire afin d'éviter des détentions provisoires. En effet, si le juge d'instruction ne peut pas décider un contrôle judiciaire et le maîtriser, il aura tendance à saisir plus souvent le juge de la détention pour des placements en détention provisoire.

M. Gérard Gouzes.

Exact !

Mme la garde des sceaux.

Ce système participe de notre volonté de limiter la détention provisoire. C'est la raison pour laquelle je demande à l'Assemblée de rejeter l'amendement no 240.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

La proposition de M. Tourret ne s'inscrit effectivement pas dans la logique du texte. J'aimerais le convaincre, car je sais qu'il est accessible aux arguments. Si le juge d'instruction est dépouillé de tous les pouvoirs qui peuvent lui permettre de faire avancer son instruction, si on l'oblige à quémander en permanence auprès d'un autre juge, il ne faudra pas s'étonner si l'instruction dure plus longtemps qu'aujourd'hui.

Je crois que ce n'est pas du tout ce que souhaite M. Tourret. Comme moi, il pense que la meilleure façon de protéger la présomption d'innocence, c'est de faire en sorte que l'instruction soit le plus rapide possible. Si la personne visée doit être mise hors de cause, il faut que ce soit le plus rapidement possible ; c'est la meilleure façon de défendre la présomption d'innocence.

Très défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente.

Monsieur Tourret, les maintenezvous ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

M. Alain Tourret.

Oui, madame la présidente. J'ai beaucoup hésité et j'ai cherché à distinguer entre les mesures coercitives de contrôle judiciaire ; en effet, certaines sont beaucoup plus graves que d'autres. Etre privé de son passeport et ne pas pouvoir aller à l'étranger, ce n'est pas trop grave.

M. Patrick Devedjian.

Ça dépend pour qui !

M. Alain Tourret.

Mais ne pas pouvoir rentrer dans son entreprise, et perdre par conséquent son travail, ou ne pas avoir l'autorisation d'habiter dans son département, où l'on a sa maison et sa famille, c'est extrêmement grave.

M. Gérard Gouzes.

Il y a une intervention de la chambre d'accusation !

M. Alain Tourret.

Oui, mais la chambre d'accusation, vous l'avez dit vous-même, c'est la chambre des évêques ! Je n'ai donc pas voulu opérer de distinction. Peut-être aurais-je dû, mais j'ai cru que la logique que je proposais confortait le texte du Gouvernement. Si je ne suis pas suivi, tant pis !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 21 et 241.

L'amendement no 21 est présenté par M. Devedjian et M. Cazenave ; l'amendement no 241 est présenté par

M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-2 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l'amendement no

21.

M. Patrick Devedjian.

Ces deux amendements s'inspirent de la même logique. Nous déplorons que le contrôle judiciaire puisse être ordonné à la fois par le juge d'instruction et par le juge de la détention provisoire, l'appel étant possible. Offrir la même possibilité à deux personnes travaillant au même degré de juridiction risque d'être la source d'une énorme confusion.

Je crois que M. Tourret a d'une certaine manière raison. Soit vous basculez, et vous confiez le pouvoir de décider le contrôle judiciaire au juge de la détention provisoire, soit vous le confiez au juge d'instruction. Là, vous le partagez entre les deux. Bonjour la confusion ! J'ajoute que le contrôle judiciaire est très souvent en prise sur l'instruction elle-même. La suppression du passeport peut être importante pour un commandant de bord, monsieur Tourret, car il s'agit quasiment de son outil de travail.

M. Alain Tourret.

Pour un commandant de bord ou une hôtesse de l'air !

M. Patrick Devedjian.

En réalité, toutes les décisions sont prises en relation avec le contenu du dossier. Le juge d'instruction décide souvent le contrôle judiciaire en fonction de la conduite de son enquête ; et non pas dans une optique répressive. Choisissez ! Là, vous êtes à cheval sur les deux bords de la rivière et vous risquez la déchirure musculaire !

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Tourret, pour défendre l'amendement no 241.

M. Alain Tourret.

L'amendement est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Non, monsieur Devedjian, nous ne sommes pas à cheval sur les deux bords de la rivière.

Lorsqu'on saisit le juge de la détention, il est normal qu'on lui laisse la possibilité de choisir autre chose que la détention. Il peut donc choisir la liberté pure et simple ou le contrôle judiciaire. N'alourdissons pas la procédure en prévoyant que, si d'aventure, le juge de la détention veut choisir le contrôle judiciaire, il faut renvoyer le dossier au juge d'instruction, qui peut choisir une autre solution.

Si le juge de la détention est saisi, il a un choix total : liberté, contrôle judiciaire ou détention provisoire.

Le juge d'instruction, lui, a un demi-choix : liberté totale, contrôle judiciaire, et deuxième regard s'il désire la détention provisoire.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable !

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 21 et 241.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 22, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 137-3 du code de procédure pénale :

« Le juge de la détention provisoire statue par voie d'ordonnance susceptible d'appel. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

J'ai déjà défendu cet amendement.

Il vise à faire en sorte que le juge de la détention provisoire statue en tout état de cause, afin de permettre l'appel et le pourvoi en cassation. Le juge doit donc statuer par voie d'ordonnance.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable. Le parquet a la possibilité de faire appel.

M. Patrick Devedjian.

S'il n'y a pas d'ordonnance, comment faire appel ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis défavorable à cet amendement. Si le juge de la détention ne place pas en détention ou ne prolonge pas la détention, pourquoi l'obliger à rendre une ordonnance motivée, puisque le principe, c'est la liberté ? Vous avez peut-être du mal à opérer votre conversion, monsieur Devedjian, mais, je le répète, le principe, c'est la liberté, et l'exception, qui doit être motivée, c'est la détention.

M. Patrick Devedjian.

Le principe, c'est le double degré de juridiction !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 99, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du texte proposé pour l'article 137-3 du code de procédure pénale :

« Lorsqu'il ne décide ni le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci, ni la pres-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

cription d'une mesure de contrôle judiciaire, le juge de la détention provisoire... (le reste sans changement). »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendementp ropose une nouvelle rédaction du début de l'article 137-3.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

99. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Houillon et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 187, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 137-3 du code de procédure pénale par le mot : "motivée". »

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Cet amendement prévoit que, lorsqu'il ne met pas en détention, le juge de la détention n'est pas tenu de statuer par ordonnance motivée. Cela me paraît beaucoup plus correct sur le plan juridique, le texte actuel prévoyant qu'il n'est pas tenu de statuer par ordonnance. Mais alors, comment statue-t-il ? Quelle que soit la décision rendue, liberté ou détention, il y a une décision. Et comment appelle-t-on la décision d'un magistrat qui statue en qualité de juge unique ? Une ordonnance. Prétendre, madame le rapporteur, qu'il ne statue pas par ordonnance, c'est dire qu'il ne prend pas de décision. Lorsqu'il y a détention, il doit statuer par ordonnance motivée, de façon à permettre un appel. Et lorsqu'il laisse en liberté ou prononce la liberté, il statue également par une ordonnance, qui n'est pas forcément susceptible d'être motivée. Mais, dans les deux cas, il faut bien qu'intervienne une décision de justice. En l'occurrence, il s'agit d'une ordonnance non motivée.

M. Alain Tourret.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Négatif. Le projet de loi propose la rédaction suivante pour l'article 137-5 du code de procédure pénale :

« Lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen, ou à la prolongation de la détention provisoire, le procureur de la République peut saisir directement la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier. »

Lorsque le juge décide la mise en détention provisoire, l'ordonnance est motivée, et c'est l'application normale du code de procédure pénale, avec possibilité d'appel.

Il y a une procédure particulière lorsque le juge de la détention n'a pas fait droit aux réquisitions du parquet.

Mais le parquet peut faire appel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis défavorable à cet amendement parce que, je le répète, le principe, c'est la liberté, et il n'est donc pas nécessaire de décider la liberté par voie d'ordonnance.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Nous parlons de la motivation.

Mais je connais un autre Philippe Houillon qui, le 3 avril 1998, déclarait : « Depuis la loi du 30 décembre 1996, les motifs pour lesquels la détention provisoire peut être prononcée sont strictement définis. »

M. Houillon était donc satisfait de la situation.

M. Philippe Houillon.

Cela n'a rien à voir !

M. Gérard Gouzes.

Il ajoutait : « Ainsi, en ce qui concerne le motif d'ordre public, en interdisant toute prolongation lorsque la peine encourue n'est pas une peine criminelle, on irait trop loin dans le laxisme, et nous nous y opposerons donc. »

Monsieur Houillon, votre main droite oublie trop souvent ce que dit votre main gauche !

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je crois, madame Lazerges, madame le professeur de droit, que votre erreur vient de ce que vous pensez, comme Mme la garde des sceaux, qu'on ne peut pas faire appel d'une ordonnance prévoyant une mise en liberté. Je rappelle donc le texte de l'article 497 du code de procédure pénale : « La faculté d'appeler appartient au prévenu, à la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement, à la partie civile quant à ses intérêts civils seulement, au procureur de la République, aux administrations publiques, au procureur général [...] ».

Qui exerce le contrôle de la décision de mise en liberté par le juge de la détention provisoire, et comment ? Vous me répondez que, en vertu de la procédure pénale prévue à l'article 137-5 du code de procédure générale, le procureur de la République saisit directement, en le courtcircuitant, le juge de la détention provisoire. Mais comment nomme-t-on l'acte qui matérialise la décision rendue par le juge de la détention provisoire ? Le juge a bien écrit sa décision de mise en liberté sur un document.

Comment s'appelle ce document ? La chambre d'accusation peut-elle en vérifier la régularité ? Non, parce que l'article 137-3 prévoit que « le juge de la détention provisoire n'est pas tenu de statuer par ordonnance ». Comment statuera-t-il ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Quantité de décisions ne sont pas prises par ordonnance la mise en examen, par exemple.

M. Patrick Devedjian.

Mais cela pose un problème !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Peut-être, mais, pour l'instant, nous ne modifions rien. Nous pouvons n ous engager dans une réforme plus profonde de l'ensemble du code de procédure pénale, mais à condition de la préparer. Pour ce qui est de la procédure d'appel concernant un placement en détention provisoire ou une remise en liberté, nous ne modifions rien, je le répète, au code de procédure pénale. Je renvoie aux articles 185 et 186. D'ores et déjà, on ne parle pas d'ordonnance pour une remise en liberté. Peut-être modifierons-nous un jour le code de procédure pénale et préférerons-nous appeler ordonnance ce qui est aujourd'hui une simple décision de remise en liberté, de même que la mise en examen est une simple décision.

M. Patrick Devedjian.

Donc non contrôlable !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Contrôlable en application des articles 185 et suivants du code de procédure pénale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Madame le rapporteur, il n'y a pas de contentieux entre nous sur ce point, nous demandons simplement une précision. Lorsque le juge de la détention est saisi par le juge d'instruction, il doit bien prendre une décision afin d'ouvrir les possibilités de recours. Comme M. Devedjian l'a souligné, cette décision doit être rendue à une date déterminée et revêtir une forme juridictionnelle. Qu'elle ne soit pas motivée lorsqu'il s'agit d'accorder la liberté, fort bien ! Qu'elle le soit lorsque la détention est décidée, fort bien ! Mais il convient de préciser comment se nomme cette décision ; en l'occurrence, pour moi, il s'agit d'une ordonnance. Concrètement, le juge de la détention va, le jour J, recevoir du procureur de la République une demande de mise en détention. La défense va dire qu'il ne faut pas placer en détention. Le juge va donc soit rendre sa décision immédiatement, soit mettre en délibéré, mais, dans les deux cas, la décision s'appellera une ordonnance ; nous voulons simplement préciser ce point.

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Comme Mme la ministre l'a rappelé tout à l'heure, la liberté est le principe. Il s'agit donc simplement de prendre une décision et il n'y a pas besoin d'une ordonnance pour cela. Il en va d'ailleurs de même dans d'autres domaines de la procédure pénale.

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

C'est une totale anomalie !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

J'apporterai une précision qui convaincra peut-être M. Devedjian et M. Houillon qu'une ordonnance n'est vraiment pas nécessaire.

Actuellement, le juge d'instruction qui laisse en liberté ne rend pas une ordonnance.

M. Philippe Houillon.

Bien sûr !

M. Patrick Devedjian.

Il laisse en liberté !

Mme la garde des sceaux.

Les articles 82 et 137-1 du code de procédure pénale s'appliquent. Le parquet est avisé par le greffier et peut faire appel. Le principe est la liberté et nous restons dans cette logique.

M. Patrick Devedjian.

Sauf que si le parquet a requis une mise en détention, le juge rend une ordonnance !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Houillon et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 188, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 137-4 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

L'amendement est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 188.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Les amendements identiques nos 23 de M. Devedjian et 189 de M. Houillon n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 10

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 237 et 266 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 237, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« Le 11o de l'article 138 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 11o Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de mise en place, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ainsi que de la nature et de la valeur des biens constituant son patrimoine. Le mis en examen pourra s'acquitter du cautionnement dans les conditions fixées par l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales. »

L'amendement no 266 deuxième rectification, présenté par M. Heuclin, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Le 11o de l'article 138 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 11o Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de mise en place, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, en proportion notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ainsi que de son patrimoine.

« La personne mise en examen pourra s'acquitter du cautionnement dans les conditions fixées par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ; »

« II. Au début de l'article 142-2 du même code, les mots "première partie" sont remplacés par le mot "totalité". »

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l'amendement no 237.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est important car c'est à la fois un amendement de liberté et un amendement de modernisation.

Quand quelqu'un est mis en liberté sous cautionnement, il doit, à l'heure actuelle, verser des espèces auprès du trésorier du palais de justice.

Je propose que le cautionnement puisse être acquitté par des moyens semblables à ceux prévus par le Livre des procédures fiscales, c'est-à-dire en offrant certaines garanties : warrant, cautionnement bancaire ou hypothèque.

Aujourd'hui, la personne mise en examen peut être tenue de vendre son bien si la demande de caution est importante. Elle devra, par exemple, vendre son pavillon, au risque de le brader dans l'urgence. Or elle bénéficiera peut-être par la suite d'un non-lieu, mais le préjudice causé sera irrémédiable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Je propose que la justice pénale adopte enfin des moyens qui ne soient ni plus ni moins coercitifs que ceux du fisc, qui, on le sait, ne fait pas de cadeau quand il s'agit d'avoir des garanties. On doit pouvoir se libérer de la demande de caution dans les mêmes conditions que celles qu'impose le fisc par ailleurs.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Heuclin, pour soutenir l'amendement no 266 deuxième rectification.

M. Jacques Heuclin.

Cet amendement tend à préciser les conditions de fixation du montant de la caution que doit acquitter une personne qui est mise en examen et en détention provisoire pour recouvrer sa liberté.

M. Devedjian, qui m'a conforté dans mon opinion, a évoqué le cas d'une personne placée en détention provisoire dont la culpabilité n'est pas prouvée et qui ne peut recouvrer la liberté qu'en déposant une caution, ce qu'elle ne peut faire qu'en vendant, par exemple, son pavillon. Si elle est par la suite reconnue innocente, on ne peut plus parler de préjudice, mais de véritable drame.

Je regrette que ce sentiment semble peu partagé dans cette assemblée.

Mais puisque la caution existe, il me paraît logique et nécessaire de la réglementer en exigeant que son niveau soit proportionnel aux revenus effectifs des personnes mises en cause et qu'elle ne résulte pas de considérations arbitraires permettant dans certains cas le maintien en détention provisoire alors que son objectif est plutôt de rendre la liberté.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 237 et 266 deuxième rectification ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'affaire est délicate.

Le cautionnement n'est utilisé par les juges d'instruction que lorsqu'ils pensent qu'il n'est pas injuste. Sur ce sujet, je m'en remet volontiers à la sagesse des juges d'instruction, d'autant plus que la jurisprudence est claire.

J'ai sous les yeux un arrêt de la chambre criminelle du 19 avril 1995, qui précise que le juge qui statue sur une question aussi importante que celle du cautionnement fixe le montant de la garantie en se fondant sur l'ensemble des ressources de la personne mise en examen.

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas le sujet !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Je crois vraiment que la plupart des juges d'instruction procèdent avec sagesse.

Les amendements qui nous sont proposés, permettant d'acquitter la caution par une hypothèque, une garantie bancaire, un warrant, un nantissement ou des valeurs mobilières, sont protecteurs des personnes qui ont des biens. Et je trouve assez curieux qu'on s'inquiète à ce point de ces gens qui ont assez de biens pour s'acquitter de la caution qui leur est imposée.

M. Patrick Devedjian.

C'est honteux !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Je n'ai pour ma part jamais vu de juge d'instruction contraindre une personne à vendre son pavillon pour acquitter son cautionnement...

M. Patrick Devedjian.

Alors, vous n'avez pas vu grandchose !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

J'ai quand même vu pas mal de choses en ce domaine !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

L'amendement no 237 de M. Devedjian mérite qu'on s'y arrête un instant.

Cet amendement traduit le souci de limiter le nombre de placements en détention provisoire en prenant un certain nombre de sûretés, de garanties, via le cautionnement. Je ne peux rejeter cette préoccupation car je suis intéressée par toute proposition alternative à la détention p rovisoire. Cet amendement appelle cependant une réflexion approfondie.

On imagine bien les hypothèses dans lesquelles de telles dispositions pourraient être utilisées : on peut penser à une personne mise en examen qui est susceptible de prendre la fuite, qui se voit imposer une caution élevée mais qui ne dispose ni de liquidités ni d'épargne alors qu'elle est, en revanche, propriétaire d'une maison hypothéquée. Le juge pourrait alors prendre sa maison en garantie par le biais d'une hypothèque judiciaire. Le même dispositif pourrait s'appliquer à tout élément du patrimoine mobilier ou immobilier d'un mis en examen.

Mais autant je comprends l'inspiration de l'amendement, autant je crains que des difficultés, simplement techniques, ne surgissent. Quelle serait, par exemple, la place de l'hypothèque judiciaire parmi les créances, sinon la première ? Comment vérifier rapidement et de manière efficace l'existence du bien, voire sa valeur, sans recourir à des services publics tels que l'administration fiscale, ce qui risque de prendre un certain temps, alors que la décision de placement en détention provisoire est le plus souvent prise dans l'urgence ? Dans ces conditions, nous pourrions mettre à profit les navettes pour engager une réflexion plus approfondie sur le sujet. Je ne puis être favorable, dans l'état actuel de sa rédaction, à l'amendement, mais je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée, dans l'attente d'un approfondissement lors des lectures suivantes.

Quant à l'amendement no 266 deuxième rectification, je n'y suis pas favorable. En effet, le 11o de l'article 138 du code de procédure pénale précise déjà que le juge doit tenir compte des ressources de la personne pour fixer la caution. Il est au surplus indispensable de conserver l'article 142-1, qui, ne l'oublions pas, permet qu'une partie du cautionnement serve à rembourser la victime.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Heuclin.

M. Jacques Heuclin.

Selon la philosophie actuelle, le cautionnement me semble être une atteinte au principe de la présomption d'innocence. Faire verser de l'argent à quelqu'un qui peut être ultérieurement reconnu comme innocent pose un problème de fond. C'est ce problème-là que j'ai voulu poser.

Dans le département où je suis élu, j'ai connu quelques cas de petites gens qui n'avaient pas de biens immobiliers ni de fortune personnelle leur permettant de s'acquitter d'une caution élevée...

M. Patrick Devedjian.

Bien sûr !

M. Jacques Heuclin.

Je connais des familles où sont survenus des drames, où des accusations de pédophilie ont été formulées et où des remises en liberté ont été décidées sous réserve de cautionnement, alors que, trois ans plus tard, la personne concernée était reconnue innocente. Que l'on m'explique comment un retraité qui n'a pas de biens personnels et qui touche 6 500 francs par mois peut déposer 50 000 francs de caution !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Il s'agit là d'exemples vécus pour lesquels la sagesse des magistrats, que vous évoquiez tout à l'heure, ne s'est pas vérifiée. C'est ce type de situations qui m'a sensibilisé et conduit à rédiger un amendement. Je ne doute pas qu'elles soient rares, voire exceptionnelles. Il reste que le préjudice subi par la personne concernée, ainsi que par sa famille, est extrêmement grave, car les conséquences sur son devenir et sa réputation sont très pénibles.

Le principe de la caution est, je le répète, une atteinte à la présomption d'innocence. Par son biais, on met en cause, dès le départ, la personne mise en examen et placée en détention provisoire.

Le préjudice n'est d'ailleurs pas seulement matériel : l'opinion publique et notamment ceux qui sont toujours à l'affût de ce genre de situation considèrent que, puisqu'on a fait payer une caution, la personne soupçonnée est sans doute coupable. De fait, celle-ci ne bénéficie donc plus de la présomption d'innocence.

L'argent est vraiment un moyen de contrainte, à la fois financière et morale, mais parfois aussi médiatique, quand la situation est bien exploitée par certains organes de presse. Mais ce n'est pas le sujet de notre débat.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Les deux amendements proposent à peu près la même chose, mais M. Devedjian ne nous en voudra sans doute pas d'insister pour que ce soit l'amendement de M. Heuclin qui soit adopté par notre assemblée dans la mesure où il présente le grand avantage de prévoir toute une série de modalités de paiement et la proportionnalité du cautionnement par rapport aux ressources, qu'il s'agisse des revenus ou du patrimoine.

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Tout cela fait penser qu'il faudrait sans doute revoir globalement les obligations du contrôle judiciaire. Je suggère que, entre la première et la deuxième lecture, nous précisions ces obligations.

Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 266 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. Patrick Devedjian.

Et pan ! (Sourires.)

M me la présidente.

L'amendement no 258 de Mme Lignières-Cassou n'est pas défendu.

Article 11

Mme la présidente.

« Art. 11. - Le second alinéa de l'article 145-3 du même code est ainsi rédigé :

« Il n'est toutefois pas nécessaire que l'ordonnance de prolongation indique la nature des investigations auxquelles le juge d'instruction a l'intention de procéder lorsque cette indication risque d'entraver l'accomplissement de ces investigations. »

MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 53, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 11, substituer aux mots : "l'ordonnance" les mots : "l'arrêt". »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je retire cet amendement, madame la présidente, car il est la conséquence d'un amendement qui a été rejeté.

Mme la présidente.

L'amendement no 53 est retiré.

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12

Mme la présidente.

« Art. 12. - L'article 146 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 146 . - S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge de la détention provisoire aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire.

« Le juge de la détention provisoire statue dans le délai de cinq jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction. »

Je suis saisie de deux amendements, nos 190 et 24, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 190, présenté par M. Houillon et M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 12 :

« L'article 146 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 146. S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la république qui saisit éventuellement le juge de la détention provisoire aux fins de statuer à nouveau sur la détention provisoire. »

L'amendement no 24, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 12 :

« L'article 146 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 146. S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, et que le mis en examen est détenu, le juge d'instruction doit communiquer le dossier au procureur de la République auquel il appartient éventuellement de saisir le juge de la détention provisoire aux fins de statuer à nouveau sur la détention provisoire. »

La parole est M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no 190.

M. Claude Goasguen.

Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour défendre l'amendement no

24.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 274, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 146 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "juge de la détention provisoire" les mots : "tribunal de la liberté". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 100 et 242.

L'amendement no 100 est présenté par Mme Lazerges, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 242 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 146 du code de procédure pénale, substituer au nombre : "cinq" le nombre : "trois". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour défendre l'amendement no 100.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement tend à harmoniser les délais laissés au juge de la détent ion provisoire, l'article 13 prévoyant un délai de trois jours.

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l'amendement no 242.

M. Alain Tourret.

Afin de permettre à chacun de s'yr etrouver, nous proposons que le même délai de trois jours soit prévu aux articles 12 et 13.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 100 et 242.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

Mme la présidente.

« Art. 13. - La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 147 du même code est ainsi rédigée :

« Sauf s'il ordonne la mise en liberté de la personne, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant les réquisitions du procureur de la République, transmettre le dossier, assorti de son avis motivé, au juge de la détention provisoire, qui statue dans le délai de trois jours ouvrables. »

Je suis saisie de deux amendements, nos 25 et 191, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 25, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 13 :

« L'article 147 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 147. - En toute matière, le juge d'instruction peut de lui-même communiquer le dossier au procureur de la République afin de saisine du juge de la détention et qu'il soit statué à nouveau sur la détention.

« Le procureur de la République peut également de lui-même saisir le juge de la détention d'un réquisitoire aux fins de mise en liberté. Chaque fois qu'il est saisi, le procureur de la République doit adresser ses réquisitions au juge de la détention dans un délai de cinq jours. Ce dernier dispose du même délai pour statuer. »

L'amendement no 191, présenté par M. Houillon et M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 13 :

« L'article 147 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 147. - En toute matière, le juge d'instruction peut saisir le procureur de la République aux fins de réquisition relative à la mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire. Chaque fois qu'il est saisi, le procureur de la République adresse ses réquisitions au juge de la détention dans un délai de cinq jours.

« Le procureur de la République peut également de lui-même saisir le juge de la détention provisoire aux fins de mise en liberté.

« Le juge de la détention dispose d'un délai de cinq jours pour statuer. »

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour défendre l'amendement no

25.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no 191.

M. Claude Goasguen.

Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 275, ainsi rédigé :

« A la fin de l'article 13, substituer aux mots : "juge de la détention provisoire" les mots : "tribunal de la liberté". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est de conséquence.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 14

Mme la présidente.

« Art. 14. - L'article 148 du même code est ainsi modifié :

« I. - Les deux premiers alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :

« En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues à l'article précédent.

« La demande de mise en liberté est adressée au juge d'instruction, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions.

« Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge de la détention provisoire. Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144. Toutefois, lorsqu'il n'a pas encore été statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une précédente ordonnance de refus de mise en liberté, les délais précités ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. »

« II. Au cinquième alinéa, les mots : "le juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "le juge de la détention provisoire". »

M. Patrick Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 26, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 14 :

« L'article 148 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 148 . - En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en s'adressant au juge de la mise en détention privisoire qui se fait immédiatement communiquer le dossier par le juge d'instruction et demande au procureur de la République ses réquisitions. Il doit statuer dans un délai de cinq jours par une ordonnance motivée sur le fondement de l'article 144 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Rejet de conséquence ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Houillon et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 192, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de l'article 14 :

« I. Les deux premiers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les conditions prévues à l'article précédent.

« La demande de mise en liberté est adressée au juge de la détention provisoire. Ce dernier se fait immédiatement communiquer le dossier par le juge d'instruction et demande au procureur de la République ses réquisitions.

« Le juge de la détention provisoire statue dans un délai de cinq jours ouvrables par une ordonnance motivée sur le fondement de l'article 144 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 101, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du I de l'article 14, substituer au nombre : "deux" le nombre : "trois". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement tend simplement à corriger une erreur formelle.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 101.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 276, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du quatrième alinéa du I de l'article 14, après les mots : "avis motivé", insérer les mots : "et son ordonnance de mise en accusation". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est de conséquence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 276.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 277, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du quatrième alinéa du I de l'article 14, substituer aux mots : "juge de la détention provisoire" les mots : "tribunal de la liberté". »

L'Assemblée se prononcera sans doute dans le même sens que sur l'amendement précédent.

Je mets aux voix l'amendement no 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement no 101.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 14

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 288, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« Les deuxième et dernier alinéas de l'article 80-1 du code de procédure pénale, les articles 96, 103, 104, 105, 108 et 116-1, le deuxième alinéa de l'article 137 et les articles 214, 215, 215-1 et 583 du même code sont abrogés. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit encore d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 288.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 278, ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« I. - Le premier alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 179. - Si le juge d'instruction estime que les faits constituent un crime, un délit ou une contravention, il prononce, par une même ordonnance, la mise en accusation du témoin et le renvoi de l'affaire devant la juridiction compétente. »

« II. - Dans la première phrase du troisième alinéa du même article, après les mots : "spécialement motivée" sont insérés les mots : ", solliciter du tribunal de la liberté le maintien en détention du prévenu ou de l'accusé" et les mots : "le tribunal" sont remplacés par les mots : "la juridiction compétente".

« III. - Au début du premier alinéa de l'article 183 du code de procédure pénale, après les mots : "Les ordonnances" sont insérés les mots : "de mise en accusation et".

« IV. - Le premier alinéa de l'article 186 est ainsi rédigé :

« Art. 186. Le droit d'appel appartient à la personne mise en accusation contre les ordonnances ou décisions prévues par les articles 80-2, 80-3, 137-1, 137-2, 140, le premier alinéa de l'article 145 et les articles 145-1, 145-2, 148 et 179. »

« V. - Le premier alinéa de l'article 286 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 286. - Si la chambre d'accusation estime que les faits constituent un crime, un délit ou une contravention, elle prononce, par un même arrêt, la mise en accusation du témoin et le renvoi de l'affaire devant la juridiction compétente. »

« VI. - 1o Après le deuxième alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est insérée une phrase ainsi rédigée : "Elles sont avisées qu'elles peuvent se faire assister d'un avocat de leur choix ou commis d'office par le bâtonnier." »

« 2o Il est procédé à la même insertion après le premier alinéa de l'article 78 du même code. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est de cohérence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 278.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 289, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« Dans les dispositions législatives du code de procédure pénale, les mots : "personne mise en examen" sont remplacés par le mot : "témoin" et les mots : "mis en examen" sont remplacés par le mot : "entendu". »

L'Assemblée se prononcera sans doute dans le même sens que sur l'amendement précédent.

Je mets aux voix l'amendement no 289.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

A la demande de la commission, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-huit heures dix.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Article 15

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 15 : Section 2 Dispositions limitant les conditions ou la durée de la détention provisoire

« Art. 15. - L'article 144 du même code est remplacé par les deux articles suivants :

« Art. 143-1 . - La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que dans l'un des cas ci-après énumérés :

« 1o La personne mise en examen encourt une peine criminelle ;

« 2o La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement, compte tenu, le cas échéant, de l'aggravation de la peine encourue si elle est en état de récidive ;

« 3o La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle de deux ans d'emprisonnement pour un délit prévu aux livres II ou IV du code pénal ;

« 4o La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle de deux ans d'emprisonnement pour un délit prévu au livre III du code pénal et a déjà été condamnée, soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an ;

« La détention provisoire peut également être ordonnée dans les conditions prévues à l'article 141-2 lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.

« Art. 144 . - La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen :

« 1o De conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices ;

« 2o De protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

« 3o De mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Toutefois, ce motif ne peut, à lui seul, justifier la prolongation de la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement. »

Sur l'article 15, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons avec cet article un problème important, celui des seuils pris en compte pour la mise en détention.

Aujourd'hui, la détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine encourue est de au moins un an en cas de flagrant délit et de deux ans dans les autres cas.

Le Gouvernement propose de porter ce seuil à deux ans pour les délits contre les personnes et à trois ans pour les délits contre les biens.

Nous avons adopté, au mois d'avril dernier, une proposition de loi qui allait au-delà et qui rendait impossible la détention provisoire lorsque les peines encourues étaient inférieures à cinq ans pour les atteintes aux biens et à trois ans pour les atteintes aux personnes.

Je rappelle que, à l'époque, l'ensemble du groupe socialiste, qui avait pour orateur principal M. Louis Mermaz, avait soutenu cette proposition, laquelle avait été votée et unanimement approuvée par la presse.

Je me souviens encore des éditoriaux, aussi bien de Ouest-France que du Canard Enchaîné, expliquant que pour la première fois le législateur avait pris à bras-lecorps le problème de la détention provisoire en fixant des seuils d'emprisonnement minimum. Je persiste à dire que ce n'est pas la seule solution, mais la solution essentielle pour mettre un terme aux détentions provisoires abusives.

Combien de personnes sont-elles visées et combien de détentions sont-elles évitées ? Mme la garde des sceaux avait dit à l'époque que 11 500 personnes étaient visées et que sa proposition en visait 7 500. La différence entre les deux est donc de 4 000 personnes, ce qui n'est pas rien.

Par ailleurs, il faut distinguer Paris de la province, car il est incontestable que l'on met beaucoup plus en détention provisoire à Paris qu'en province.

Il me semble essentiel de revenir à ce qui avait été adopté. Je sais l'argument qui a été soutenu par Mme la ministre, à savoir qu'à partir du moment où deux magistrats intervenaient, on pouvait baisser les seuils. Mais cet argument ne me convainc en rien. Et je vois mal pourquoi on maintient la possibilité de mettre en détention provisoire le propriétaire d'un magasin dont les néons éclairent de manière excessive la façade - délit puni de cinq ans d'emprisonnement - ou un député qui aurait expliqué, en dehors de cet hémicycle, qu'il fallait dépénaliser le cannabis - cinq ans d'emprisonnement également.

Je pourrais citer des centaines et des centaines de cas...

Mme Véronique Neiertz.

L'immunité parlementaire joue en dehors de cet hémicycle !

M. Alain Tourret.

Pas sur un tel sujet, détrompez-vous !

M. Gérard Gouzes.

Il s'agit d'opinions politiques. Si on ne peut plus émettre d'opinion politique quand on est député !

M. Alain Tourret.

L'immunité parlementaire ne joue pas. De toute façon, je ne vous souhaite pas ce malheur...

Je souhaite que mes amis du parti socialiste soient cohérents avec ce qu'ils ont voté. Nous devons apparaître comme les protecteurs des libertés. Je souhaite qu'une modification des seuils soit l'une des grandes avancées de ce texte.

Mme la présidente.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Cet article, qui touche à la détention provisoire, est un des plus importants après celui que nous avons débattu tout à l'heure sur le juge de la détention provisoire.

Il faut reconnaître que nous partageons ici la même volonté de réduire le nombre des détentions provisoires.

Il faut reconnaître aussi que nous sommes allés d'échec en échec et que nous sommes déjà intervenus neuf fois dans ce but. Ce qui ne nous empêche pas de détenir encore les records du nombre de prévenus détenus avant jugement. D'ailleurs, votre rapport le précise, madame le rapporteur, page 31 : 36 % en France ; 25 % à 30 % dans les pays voisins.

Il faut donc tout mettre en oeuvre pour réduire ce nombre, grâce notamment à une modification des seuils - que l'on vient d'évoquer avec beaucoup de compétence.

Mais il faut aussi observer que le nombre élevé des mises en détention provisoire tient à l'insuffisance des moyens mis en oeuvre par la police et à l'engorgement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

effarant de la justice et des cabinets des juges d'instruction. Le spectacle d'un cabinet de juge d'instruction est d'ailleurs édifiant ! S'ils veulent faire face à leur mission, les juges d'instruction sont condamnés à fournir un nombre d'heures de travail incalculable ! Aujourd'hui, on parle de créer des postes dans la fonction publique. S'il y a un domaine dans lequel cette nécessité s'impose, c'est bien celui de la justice et je ne crois pas qu'aucun député puisse le contester.

Il convient donc de prendre des mesures en ce sens.

Sinon, quels que soient les remèdes apportés et les textes votés, nous n'aboutirons pas. Il faut un plus grand nombre de juges et donc ouvrir davantage leur recrutement, d'autant que, à travers la France, il y a une volonté, tant féminine que masculine, de participer aux structures de la justice.

Je voulais insister sur ce point au nom de notre groupe. Aujourd'hui, nous détenons en Europe un record qui ne fait honneur ni à la France ni à notre volonté commune de respecter la personne humaine et de réduire le nombre des détenus.

Mme la présidente.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Alain Tourret a eu raison de rappeler que, pour le calcul des seuils de détention provisoire concernant les cas ordinaires, l'Assemblée nationale, lors du débat sur sa proposition, avait pris comme taquets une peine encourue de cinq ans d'emprisonnement pour les délits contre les biens et de trois ans pour les délits contre les personnes. Cela avait même donné lieu à un effet de séance dont je me souviens, M. Jean-Louis Debré, président du groupe RPR, s'étant alors exclamé :

« Vous venez de libérer 12 000 personnes ! »

M. Christophe Caresche.

Exact !

M. Louis Mermaz.

Aujourd'hui, M. Jean-Louis Debré n'est pas parmi nous et les membres de son groupe sont saisis d'un grand élan libertaire, que j'apprécie d'ailleurs.

Ils partagent désormais notre avis et s'inscrivent comme vous contre la fameuse déclaration du grand Goethe :

« Mieux vaut une injustice qu'un désordre. »

Avec Mme Frédérique Bredin, responsable de ce texte pour notre groupe, je regrette que nous ayons été mis en minorité. Nous avons fait ce que nous avons pu, mais Mme la garde des sceaux a été plus convaincante. A moins que nos arguments ne la fassent évoluer... Un miracle est toujours possible.

M. Pierre Albertini.

Espérez encore quelques secondes !

Mme la présidente.

En attendant ce possible miracle, nous allons commencer l'examen des amendements à l'article 15.

« M. Hunault a présenté un amendement, no 249, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 15 :

« Le premier alinéa de l'article 144 du même code est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 144. En matière criminelle et correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure soit à trois ans d'emprisonnement en cas de délit flagrant, soit à cinq ans d'emprisonnement dans les autres cas et si les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard des fonctions définies à l'article 137, la détention provisoire peut être ordonnée ou prolongée, à l'exception du prévenu qui a déjà fait l'objet d'une condamnation antérieure et définitive auquel cas la détention provisoire sera applicable quelle que soit la peine encourue.

« Si la peine encourue est de sept ans maximum et qu'il n'y a pas de condamnation antérieure et définitive, la durée de la détention ne peut excéder un premier mandat de quatre mois renouvelable une seule fois pour deux mois.

« La détention peut être ordonnée ou prolongée. »

Cet amendement est-il soutenu ?

M. Patrick Devedjian.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je confirme ce que j'ai indiqué dans la discussion générale. Le Gouvernement est opposé à tout amendement qui vise à instaurer des seuils d'emprisonnement permettant le placement en détention provisoire plus élevés que ceux retenus dans le projet de loi, lequel réalise déjà une avancée.

Si je ne peux pas être d'accord sur la proposition de M. Tourret, c'est que nous créons le juge de la détention provisoire et que nous allons aussi limiter la durée de détention. L'élévation des seuils que nous proposons est déjà substantielle et aura des conséquences non négligeables. Aller au-delà affaiblirait la répression dans des domaines sensibles.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche.

Je serai intéressé par le vote de M. Devedjian sur cet amendement. Dans un article du Point très récent, du 20 mars, il regrettait en effet que le Gouvernement propose que toute personne passible de moins de trois ans de prison échappe à la détention provisoire. Et il ajoutait : « Par conséquent, on ne pourra plus mettre en prison pour des délits financiers comme les abus de confiance ou les abus de biens sociaux. »

M. Hunault suggère de relever ces seuils bien au-delà de ce que propose le Gouvernement. J'imagine donc que M. Devedjian sera conséquent avec lui-même et ne votera pas cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Là encore, M. Hunault me surprend. Il demande en effet que l'on relève le seuil « soit à trois ans d'emprisonnement en cas de délit flagrant, soit à cinq ans d'emprisonnement dans les autres cas ». Or M. Thierry Mariani, dans une autre instance, disait, il y a quelques jours, en s'adressant bien entendu à la gauche :

« Vous nous proposez ici de porter le délai de la peine encourue qui permet une mise en détention provisoire de deux à cinq ans, avec un seuil intermédiaire de trois ans pour les récidivistes. Nous ne pouvons vous suivre dans cette voie qui affaiblirait considérablement l'efficacité des enquêtes et de la répression et priverait la justice d'un moyen indispensable de lutter contre de très nombreux délits. »

Où sommes-nous ? De quoi parlons-nous ?

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 102, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé pour l'article 143-1 du code de procédure pénale :

« Art. 143-1 . - Sous réserve des dispositions de l'article 137, la détention provisoire... (le reste sans changement ). » La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

C'est un amendement de précision. Nous voulons rappeler que la détention provisoire n'est possible qu'à titre exceptionnel, comme nous l'avons fait précédemment en ce qui concerne le contrôle judiciaire. Détention provisoire et contrôle judiciaire sont prononcés à titre exceptionnel, le principe est la liberté.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis très favorable à cet amendement, car je pense, moi aussi, que le caractère exceptionnel de ces mesures doit être rappelé en toute occasion.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 102.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 294, présenté par M. Lang, et no 243, présenté par M. Tourret, pouvant être soumis à une discussion commune...

Leurs auteurs étant absents, ces amendements ne sont pas défendus.

M. Albertini a présenté un amendement, no 67, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 143-1 du code de procédure pénale, substituer au mot : "trois" le mot : "deux". »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai simultanément les amendements nos 67, 68 et 46, qui s'inscrivent dans la même logique.

Depuis 1970, Dieu sait si les efforts ont été nombreux pour réduire les cas abusifs de détention provisoire et la durée de détention. Celle-ci, je le rappelle, s'est stabilisée en matière criminelle à hauteur de vingt-trois mois en moyenne ; c'est dire que, bien souvent, elle atteint trois ans, trois ans et demi, voire quatre ans. Toutes ces tentatives se sont donc soldées par des échecs sinon totaux, du m oins assez prononcés. On a pourtant joué sur l'ensemble des facteurs, déplacé tous les curseurs, ceux des seuils, de la gravité des infractions, de la durée, et on a même voulu jouer sur les motifs. On a ainsi fabriqué une véritable usine à gaz.

L'étude d'impact le dit très clairement aujourd'hui, les juges d'instruction consacrent 15 à 20 % de leur temps à gérer le dispositif de la détention provisoire. C'est une perte d'énergie très substantielle.

M. Arnaud Montebourg.

C'est leur travail !

M. Pierre Albertini.

Mais non, car leurs efforts devraient aller prioritairement vers la recherche et l'établissement de la vérité, beaucoup plus que vers la gestion des délais et des motifs de la détention provisoire.

Je crains, et la presse s'est d'ailleurs empressée de le souligner, que les arbitrages rendus à l'intérieur du groupe socialiste ne soient relativement défavorables aux prévenus. En réalité, ils marquent un très net recul par rapport à la proposition de loi que M. Tourret avait déposée et qui avait été adoptée par l'Assemblée.

M. Christophe Caresche.

Pas par vous !

M. Pierre Albertini.

Je l'avais soutenue, monsieur Caresche. Je l'ai dit tout à l'heure.

M. Christophe Caresche.

Vous étiez bien seul !

M. Pierre Albertini.

J'ai dit aussi que j'avais été minoritaire au sein de mon groupe.

M. Arnaud Montebourg.

Extrêmement minoritaire !

M. Christophe Caresche.

N'hésitez pas à le répéter, monsieur Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je vous le répète volontiers. Je me suis réjoui tout à l'heure d'être devenu plutôt majoritaire dans mon propre groupe.

M. Patrick Devedjian.

Bien sûr !

M. Christophe Caresche.

Mais non !

M. Pierre Albertini.

Monsieur Caresche, les progrès doivent être salués, d'où qu'ils viennent. La cause des libertés ne se partage pas.

M. Gérard Gouzes.

Vous avez raison ! Rejoignez-nous !

M. Pierre Albertini.

Pour ma part, je propose un système qui est beaucoup plus simple et qui permet en même temps de dissocier des autres motifs éventuels de la décision celui de trouble à l'ordre public. Mon amendement no 46 prévoit que « ce motif ne peut être invoqué que par le procureur de la République ». Il me semble, en effet, que ce n'est pas au juge d'instruction d'apprécier si, oui ou non, l'ordre public est menacé. Ce n'est pas son travail, c'est au procureur de la République qu'il revient d'évaluer les risques que présente pour le corps social la décision de laisser une personne en liberté.

Tel est le sens des trois amendements que je présente.

Je le dis sans ambages, et aussi sans illusion, la proposition d'Alain Tourret, qui n'était pas là à l'instant pour la défendre, marquait un très net progrès par rapport au dispositif que Mme la garde des sceaux nous propose aujourd'hui dans son projet de loi.

M me la présidente.

L'amendement no 68, que M. Albertini a présenté et vient de défendre, est ainsi rédigé :

« Supprimer le quatrième et l'avant-dernier (4o)

alinéas du texte proposé pour l'article 143-1 du code de procédure pénale. »

Quant à l'amendement no 46, qui vise un autre article du code, nous y viendrons ultérieurement.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 67 et 68 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Madame la présidente, la commission a émis un avis défavorable. Le système proposé par M. Albertini est assez différent de celui que nous proposons nous-mêmes et que nous pensons encore plus fort en ce qui concerne les garanties de la liberté. J'y reviendrai.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il y a, dans la position de M. Albertini, quelque chose qui m'échappe. Dans son argumentation, il donne le sentiment d'être d'accord avec Alain Tourret, qui souhaite élever les seuils en dessous desquels la détention provisoire est exclue. Dans ses amendements, il propose de laisser les seuils en l'état, voire de les abaisser. J'aimerais donc savoir ce qu'il veut.

Quoi qu'il en soit, je suis défavorable aux amendements qui tendent à conserver le seuil actuel de deux ans, que je considère trop sévère. Mon projet élève les seuils de façon raisonnable, même si ce n'est pas autant que le souhaite M. Tourret.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

67. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

68. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 41 et 295.

L'amendement no 41 est présenté par MM. Gerin, Braouezec, Brunhes, Carvalho et les membres du groupe communiste ; l'amendement no 295 est présenté par

M. Lang.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le dernier alinéa (3o ) du texte proposé pour l'article 144 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement no

41.

M. André Gerin.

Le trouble à l'ordre public, qui permet de justifier la détention provisoire, nous semble une notion imprécise, mal définie et qui peut générer des abus.

Que le trouble doive être « exceptionnel et persistant », et « provoqué par la gravité de l'infraction » ne constitue pas, à notre sens, un encadrement suffisant, d'autant que la référence à la gravité de l'infraction va à l'encontre du respect de la présomption d'innocence et nous paraît contradictoire avec l'objectif de restreindre le recours à la détention provisoire.

Mme la présidente.

L'amendement no 295 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 41 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Nous reviendrons à la notion de trouble à l'ordre public puisque nous proposerons, le moment venu, que ce motif ne puisse plus être invoqué pour un renouvellement de la détention provisoire en matière correctionnelle. Mais il me semble que, dans certains cas, l'ordre public peut justifier le placement initial en détention provisoire. Par conséquent, avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable également.

Il est vrai que le motif de trouble à l'ordre public peut parfois être invoqué de façon un peu excessive. Il est vrai aussi que cette notion est plus imprécise que les autres motifs justifiant le placement en détention provisoire retenus dans le code de procédure pénale. Toutefois, si l'on examine très concrètement les situations auxquelles les magistrats ont à faire face, on s'aperçoit que le critère de l'ordre public est souvent le seul qui puisse justifier une détention provisoire absolument indispensable. Ce peut être le cas, par exemple, pour des crimes passionnels ou pour de graves violences urbaines commises lors de m anifestations autorisées. Si cet amendement était adopté, beaucoup de personnes mises en examen ne pourraient pas être placées en détention provisoire, puisque seul le critère de trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public leur est applicable.

Cela étant, je souhaite rappeler que le Gouvernement a le souci de limiter et d'encadrer le recours au critère de trouble à l'ordre public. Ainsi, il ne sera plus possible dorénavant, sauf bien sûr en matière criminelle, d'invoquer ce motif pour justifier une prolongation de la détention provisoire. Il y a là, monsieur Gerin, une amélioration qui va dans le sens que vous souhaitez.

Je souhaite néanmoins que cet amendement soit repoussé.

Mme la présidente.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

L'amendement déposé par M. Gerin et les membres de son groupe, jumeau de celui de M. Lang qui n'est pas défendu, me semble proposer une bonne disposition. Comme l'a rappelé Mme la garde des sceaux, la matière criminelle n'est pas concernée. Il est avéré que l'ordre public est une notion tellement élastique qu'il y a eu dans le passé beaucoup d'abus. Enfin, comme M. Lang le rappelle dans son exposé sommaire, en adoptant cette disposition, nous nous mettrions en conformité avec les recommandations de la Convention européenne des droits de l'homme.

C'est pourquoi je me déclare favorable à cet amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, les amendements nos 46 de M. Albertini, 103 de la commission et 244 de M. Tourret n'ont plus d'objet.

Je vais donc mettre aux voix l'article 15.

M. Alain Tourret.

Puis-je dire un dernier mot auparavant, madame la présidente ?

Mme la présidente.

Normalement, je ne devrais pas vous donner la parole, mais enfin, nous allons faire une exception. (Sourires.)

M. Alain Tourret.

C'est un gentleman's agreement, dont je vous remercie. (Sourires.)

Je ne voterai pas l'article 15, car les seuils qu'il institue ne sont pas conformes à ce que j'avais préconisé. Par élégance vis-à-vis de mes collègues du groupe socialiste, je n'ai pas voulu les mettre en difficulté en rappelant leur vote antérieur. Je pense qu'ils auront apprécié.

M. Louis Mermaz.

Merci de cette éclipse élégante !

M. Alain Tourret.

En revanche, chacun comprendra que je ne peux naturellement pas, au nom des députés radicaux, accepter une telle régression des libertés que nous avions conquises au mois d'avril dernier.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Article 16

Mme la présidente.

« Art. 16. - La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 145-1 du même code est remplacée par les phrases : "Lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, cette décision peut être renouvelée selon la même procédure. La durée totale de la détention provisoire ne peut alors excéder deux ans, sauf si la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée, et si la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement." » La parole est à Mme Frédérique Bredin, inscrite sur l'article.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme Frédérique Bredin.

L'article 16 est très important, puisqu'il touche à la durée des détentions provisoires. Plusieurs amendements présentés par notre rapport eur vont permettre d'enrichir, le texte du Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur les archaïsmes du système judiciaire français et l'atteinte aux libertés que représentent des détentions provisoires non seulement injustifiées mais souvent trop longues. C'est ce qui justifie nos amendements. Nous proposons une réduction des durées de la détention provisoire, particulièrement pour les petites peines, bien sûr, c'est-à-dire pour les délits les moins graves : quatre mois si la peine encourue est inférieure à cinq ans, douze mois si elle est égale ou supérieure à cinq ans mais inférieure à dix ans, deux ans si elle est égale à dix ans. Ce sont des mesures sages qui permettront peutêtre de mieux garantir les libertés individuelles, puisqu'il s'agit, je le rappelle, d'un emprisonnement avant jugement.

Des prolongations exceptionnelles de douze mois sont toutefois prévues dans deux cas. Tout d'abord si les peines sont supérieures à cinq ans et qu'une commission rogatoire internationale, essentielle au dossier et présentant des difficultés d'exécution, a été délivrée. On conn aît trop les difficultés en termes de délais et, parfois, d'exécution des commissions rogatoires internationales pour ne pas tenir compte, conformément d'ailleurs à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, de ces arguments, liés à la complexité des affaires.

Ensuite, et cette deuxième exception est proposée également par le Gouvernement, il est prévu une prolongation si les peines encourues sont égales à dix ans, pour toute une série de délits particulièrement graves - trafic de stupéfiants, terrorisme...

En matière criminelle, il nous paraît également important de limiter la durée de la détention provisoire à deux ans pour les peines encourues inférieures à vingt ans, à trois ans pour les peines encourues supérieures ou égales à vingt ans, avec le même type d'exceptions.

Sur cet article important du projet de loi, nous proposerons un amendement qui permettra, je l'espère, de limiter réellement les détentions provisoires.

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 104 et 52, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 104, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 16 :

« L'article 145-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 145-1. - En matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun, soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans.

« Dans les autres cas, à titre exceptionnel, et sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge de la détention provisoire peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas, de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, la durée totale de la détention provisoire ne pouvant excéder soit un an, soit deux ans si la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement. Les durées de un et deux ans sont portées respectivement à deux et trois ans lorsque le juge d'inst ruction a délivré une commission rogatoire internationale. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 307, ainsi rédigé :

« I. Dans l'avant-dernière phrase du dernier alinéa de l'amendement no 104, substituer aux mots : "soit un an, soit deux ans" les mots : "un an sauf".

« II. En conséquence, dans la dernière phrase du même alinéa, substituer aux mots : "Les durées de un et deux ans sont portées respectivement à deux et trois ans" les mots : "La durée de un an est portée à deux ans". »

L'amendement no 52, présenté par MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 16 :

« L'article 145-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

« Art. 145-1 . - 1o Les deux dernières phrases du premier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, à l'expiration de ce délai, la chambre d'accusation peut, à la demande du juge des libertés, la prolonger pour une durée qui ne peut excéder 4 mois. »

« 2o Le deuxième et l'avant-dernier alinéas sont supprimés.

« 3o Dans le dernier alinéa, les mots : "les ordonnances visées" sont remplacés par les mots : "les arrêts visés" ; les mots : "aux premier et deuxième alinéas" sont remplacés par les mots : "au premier alinéa". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 104.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Nous le disons depuis hier, lorsque l'on veut limiter la détention provisoire, il faut s'attaquer non seulement aux seuils de peine qui l'autorisent, mais également à sa durée. Nous le savons, l'incarcération est une épreuve particulièrement douloureuse pour qui n'est pas encore jugé. Du reste, les suicides dans les établissements pénitentiaires sont le plus souvent le fait de personnes placées en détention provisoire et non pas condamnées.

En commission, nous avons donc tenté de réécrire aussi clairement que possible l'article 145-1 du code pénal. La détention provisoire serait limitée à quatre mois lorsque la personne encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans et qu'elle n'est pas récidiviste, à douze mois dans les autres cas, et à deux mois lorsque l'infraction est p lus grave et qu'elle nécessite des investigations complexes. Comme Mme Bredin l'a noté à l'instant, nous nous sommes montrés à la fois déterminés à limiter la détention provisoire et pragmatiques. C'est ainsi que, lorsqu'une commission rogatoire internationale a été délivrée, nous avons prévu une prolongation exceptionnelle d'un an de la détention provisoire.

Ces dispositions nous paraissent on ne peut plus raisonnables et ne portent pas atteinte aux nécessités du respect du droit à la sécurité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement no

52.

M. Pierre Albertini.

Je considère qu'il a déjà été défendu.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 307 et donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 104 et 52.

Mme la garde des sceaux.

J'indique d'emblée que le Gouvernement est favorable à l'amendement no 104, à la condition, toutefois, que son sous-amendement no 307 sur les exceptions soit adopté.

L'amendement no 104 modifie sensiblement et sur de nombreux points les règles concernant la durée de la détention provisoire en matière correctionnelle. Je suis favorable à certaines de ces modifications et plus réservée sur d'autres.

Je suis d'accord avec deux modifications importantes : d'une part, la limitation à quatre mois, au lieu de six dans mon projet, de la durée totale de la détention pour les primo-délinquants auxquels on reproche un délit puni d'une peine inférieure ou égale à cinq ans ; d'autre part, l'obligation de procéder à un débat contradictoire dès la première prolongation à l'issue d'un délai de quatre mois, et non, comme dans le texte initial, à l'issue de la deuxième prolongation après un délai de huit mois.

J'appelle, en revanche, l'attention de l'Assemblée sur la limitation à un an de la durée de la détention pour tous les délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement alors que, actuellement, cette limite est de deux ans.

En 1997, 2 857 détentions provisoires correspondant à des condamnations correctionnelles ont eu une durée supérieure à un an d'emprisonnement. Même si l'on met de côté le nombre des correctionnalisations, qui n'est pas connu, on voit que l'impact de la modification proposée n'est pas négligeable. Seront ainsi concernés les faits de vol avec violence, les recels aggravés, ou les agressions sexuelles.

J'attire donc l'attention de l'Assemblée sur les conséquences de cette disposition. Le Gouvernement a pris ses responsabilités en estimant qu'il n'était pas opportun de réduire le délai de deux ans actuellement prévu pour ces infractions. L'Assemblée nationale, en adoptant cet amendement, va prendre les siennes.

Je suis opposée à l'institution d'un délai butoir de deux ans - trois ans en cas de commission rogatoire internationale - dans les affaires de trafic de stupéfiants, de terrorisme, de proxénétisme, de délinquances commises en bandes organisées. Il s'agit là de faits qui peuvent présenter une gravité et une complexité particulières qui justifient dans certains cas une détention plus longue. Je considère que, dans ces situations exceptionnelles, il ne faut pas affaiblir la répression, sous peine de désarmer l'Etat de droit.

Votre assemblée doit prendre, à cet égard, ses responsabilités. Dans des affaires de cette nature, je le répète, l'institution judiciaire risque d'être placée devant des situations impossibles : mettre en liberté de dangereux malfaiteurs, qui reconnaissent d'ailleurs peut-être leur culpabilité, parce que le délai butoir est atteint, renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel afin d'éviter ces mises en liberté, alors que le dossier n'est pas suffisamment instruit et qu'il n'est pas en état d'être jugé. N'oubliez pas qu'il est question de terrorisme, de délinquances organisées, de trafics de stupéfiants.

C'est pourquoi le Gouvernement a déposé un sousamendement à l'amendement de la commission visant à supprimer tout délai butoir dans ces hypothèses. Pour moi, ce point est absolument fondamental. J'appelle votre attention sur le fait que l'absence de délai butoir ne signifie pas une détention indéfinie. Sous le quintuple contrôle du juge d'instruction, du juge de la détention, du président de la chambre d'accusation, de la chambre d'accusation et de la Cour de cassation, la notion de

« délai raisonnable » prévue par la convention des droits de l'homme et consacrée par l'article 144-1 du code de procédure pénale devra être respectée.

En résumé, je suis favorable à l'amendement no 104 de votre commission sous réserve de l'adoption du sousamendement no 307 du Gouvernement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 307 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Le sous-amendement du Gouvernement a été repoussé par la commission. Mais après les explications de Mme la ministre et sachant, d'une part, que nous instaurerons un peu plus loin un débat contradictoire lors de chaque renouvellement de la détention provisoire en matière correctionnelle ou en matière criminelle et, d'autre part, que le juge d'instruction n'est plus seul à statuer sur la détention provisoire, nous pouvons, me semble-t-il, revenir sur notre position et adopter ce sous-amendement.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 307.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 104, modifié par le sous-amendement no 307.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé et l'amendement no 52 tombe.

Les amendements nos 296 de M. Lang et 42 de M. Gerin n'ont plus d'objet.

Article 17

Mme la présidente.

« Art. 17. - Après le premier alinéa de l'article 145-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et au-delà de trois ans lorsque la peine encourue est inférieure à trente ans de réclusion ou de détention criminelles. Les dispositions du présent alinéa ne sont toutefois pas applicables lorsque plusieurs crimes sont reprochés à la personne mise en examen. »

MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement no 51, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 17 :

« Les deux dernières phrases du premier alinéa et le dernier alinéa de l'article 145-2 du même code sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, la chambre d'accusation peut, à l'expiration de ce délai et à la demande du juge des libertés, prolonger la détention qui ne peut alors être supérieure à un an.

« La durée maximale de la mise en détention provisoire ne pourra être supérieure à deux années. »

La parole est à M. Pierre Albertini.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

M. Pierre Albertini.

Je considère que cet amendement a déjà été défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

51. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements, nos 43, 297 et 105, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 43, présenté par MM. Gerin, Braouezec, Brunhes, Carvalho et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après les mots : "au-delà de deux ans", supprimer la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 17. »

L'amendement no 297, présenté par M. Lang, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 17, substituer aux mots : "lorsque la peine encourue est inférieure à trente ans de réclusion ou de détention criminelles" les mots : "dans les autres cas". »

L'amendement no 105, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Après les mots : "détention criminelle", substituer à la fin de la première phrase du dernier alinéa de cet article les mots et la phrase suivants : "et audelà de trois ans dans les autres cas. Ces délais sont portés respectivement à trois et quatre ans lorsque le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale". »

La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement no

43.

M. André Gerin.

L'amendement vise, par souci d'équité, à limiter dans tous les cas la durée de détention provisoire en matière criminelle à deux ans.

Mme la présidente.

L'amendement no 297 de M. Lang n'est pas défendu.

La parole est à Mme le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 43 et défendre l'amendement no 105.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable de la commission sur l'amendement no

43. L'amendement no 105 fixe des dates butoirs plus strictes pour la détention provisoire en matière criminelle.

Elle serait limitée à deux ans si la peine est inférieure à vingt ans de réclusion criminelle, à trois ans dans les autres cas, avec une soupape de sécurité lorsqu'une commission rogatoire internationale est nécessaire au bon achèvement de l'instruction préparatoire.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 43 et 105 ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 43 et favorable à l'amendement no 105. Il est d'accord avec les durées de détention provisoire en matière criminelle proposées par la commission, à la condition toutefois que l'amendement no 106, qui exclut la référence aux crimes multiples soit repoussé - j'ai expliqué pourquoi dans mon discours introductif et que l'amendement no 308 du Gouvernement sur les exceptions - trafic de stupéfiants, terrorisme, etc. - soit adopté.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 105.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements, nos 106, 245 et 319, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 106 et 245 sont identiques.

L'amendement no 106 est présenté par Mme Lazerges, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 245 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 17, substituer aux mots : "plusieurs crimes sont reprochés à la personne mise en examen" les mots : "la personne a déjà été condamnée à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an d'emprisonnement ferme". »

L'amendement no 319, présenté par Mme Lazerges, est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 17, après le mot : "crimes", insérer les mots : "mentionnés aux livres II et IV de la première partie du code pénal". »

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir les amendements nos 106 et 245.

M. Alain Tourret.

L'article 17 prévoit des butoirs limitant la durée de la détention provisoire en matière criminelle - deux ans, trois ans - mais les élimine lorsque plusieurs crimes sont reprochés à la personne mise en examen. De ce fait, on peut être mis en détention provisoire éternelle - cinq ans, dix ans, vingt ans, pourquoi pas ? - dès lors que l'on se voit reprocher deux crimes.

Cela aboutit, à mon sens, à des absurdités. Ainsi, la personne qui commettra deux braquages en une demiheure ne pourra plus bénéficier de la limitation car elle aura commis deux crimes. En revanche, si elle prend deux fois la même somme dans le même lieu, on ne lui reprochera qu'un crime et on lui appliquera la date butoir. C'est absurde ! Il en est de même pour les meurtres. Tuer deux personnes est épouvantable, certes.

Mais en tuer une ne l'est pas moins. Pourquoi les deux meurtriers seraient-ils traités différemment ? D'autant que la même balle peut aussi tuer deux personnes...

Ces exemples montrent, et la commission l'a admis, qu'il est indispensable de modifier l'article 17 pour en revenir aux principes, sans les exceptions à ces principes.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Christine Lazerges pour soutenir l'amendement no 319.

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Nous avions pensé judicieux de placer des délais butoirs à la détention provisoire. Mais un certain nombre d'affaires particulièrement dramatiques nous ont conduits à estimer que, en tout cas pour les crimes multiples contre les personnes ou contre la nation, l'Etat et la paix publique, il faudrait autoriser une prolongation de la détention provisoire.

C'est l'objet de l'amendement no 319 que je propose de substituer à l'amendement de la commission qui vient d'être présenté par M. Tourret.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis défavorable aux amendements nos 106 et 245, et favorable à l'amendement no 319 présenté par Mme Lazerges, qui reprend l'essentiel des exceptions que j'avais souhaitées. Il complète l'amendement no 308 du Gouvernement qui va venir en discussion.

M. Alain Tourret.

C'est la détention perpétuelle ! C'est invraisemblable !

M. Arnaud Montebourg.

Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre Albertini.

Vous perpétuez la détention provisoire !

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 106 et 245.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 319.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 308, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 17 par les mots : "ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée". »

La parole est Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Comme en matière délictuelle, il est nécessaire qu'aucun délai butoir - sous réserve de ne pas dépasser une durée raisonnable - ne s'applique en matière criminelle pour les crimes de trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour les crimes commis en bande organisée, qui présentent une gravité et une complexité particulières.

Cette précision est indispensable compte tenu de l'extension du domaine d'application des délais butoirs en matière criminelle, à laquelle procède l'amendement no 105 de la commission des lois que j'ai accepté tout à l'heure.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 308.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

Mme la présidente.

« Art. 18. - I. - Il est inséré, après l'article 141-2 du même code, un article 141-3 ainsi rédigé :

« Art. 141-3 . - Lorsque la détention provisoire est ordonnée à la suite d'une révocation du contrôle judiciaire à l'encontre d'une personne antérieurement placée en détention provisoire pour les mêmes faits, la durée cumulée des détentions ne peut excéder de plus de quatre mois la durée maximale de la détention prévue respectivement aux articles 145-1 et 145-2. Lorsque la peine encourue est inférieure à deux ans d'emprisonnement, la durée totale des détentions ne peut excéder six mois.

« Pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 145-1 et des articles 145-2 et 145-3, il est tenu compte de la durée de la détention provisoire antérieurement effectuée. »

« II. Au premier alinéa de l'article 141-2, il est ajouté, après les mots : "quelle que soit la durée de la peine encourue", les mots : "et sous réserve des dispositions de l'article 141-3". »

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 107, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du deuxième alinéa du I de l'article 18 :

« Lorsque la peine encourue est inférieure à celle mentionnée à l'article 143-1, la durée totale des détentions ne peut excéder quatre mois. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement a pour objet d'adapter la rédaction de l'article 141-3 nouveau du code de procédure pénale afin de prendre en compte des nouvelles propositions relatives aux quantums de peine. En outre, lorsque la personne soumise au contrôle judiciaire ne pourrait être placée en détention, soit en raison de la peine encourue, soit parce que les conditions de fond ne sont pas réunies, il est suggéré de limiter le total de la détention qui est ordonnée dans le cas de soustraction au contrôle judiciaire à quatre mois, au lieu de six mois actuellement.

Mme la présidente.

Quel l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 107.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 108, ainsi rédigé :

« Supprimer le II de l'article 18. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 108.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 18, modifié par les amendements adoptés.

(L'aticle 18, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 18

Mme la présidente.

M. Jean-Pierre Michel a présenté un amendement no 255, ainsi rédigé :

« Après l'article 18, insérer l'article suivant :

« Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article 397-3 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Sauf dans les cas de délit flagrant, cette faculté est soumise aux condit ions mentionnées au 2o , 3o et 4o de l'article 143-1". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Pierre Albertini.

Il est défendu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement pose le difficile problème de l'harmonisation des seuils permettant la détention provisoire qui varient actuellement selon le type de procédure.

En cas de comparution immédiate, la détention provisoire est possible dès que la peine encourue est d'un an d'emprisonnement lorsque l'infraction est flagrante, mais le seuil est de deux ans quand l'infraction n'est pas flagrante. Ce dernier seuil est également retenu lorsqu'il s'agit d'une procédure d'instruction.

Dans la mesure où nous élevons les seuils applicables dans le cadre de l'instruction préparatoire, la question est de savoir si nous devons aussi relever ceux retenus en cas de comparution immédiate, exception faite des infractions flagrantes, pour lesquelles il n'est pas question de toucher au seuil d'un an.

Après en avoir longuement débattu la commission a adopté cet amendement, mais je me demande s'il n'est pas un peu prématuré de se prononcer dès aujourd'hui sur une question aussi difficile. Personnellement, je m'abstiendrai.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je souhaite m'exprimer un peu plus longuement sur ce sujet important.

L'amendement de M. Michel vise à étendre à la procédure de comparution immédiate la hausse des seuils proposée par le projet du Gouvernement pour permettre la mise en détention provisoire durant l'instruction, sauf en cas de flagrance.

Cet alignement des seuils, qui paraît logique intellectuellement, n'interdit certes pas le recours à la procédure de comparution immédiate, mais je souligne qu'il limite les possibilités pour un tribunal qui renvoie l'affaire à une date ultérieure - ce qui est une obligation si le prévenu le demande - de placer la personne en détention provisoire jusqu'à l'ordonnance de renvoi. Dans ces hypothèses, la procédure de comparution immédiate est donc de facto affaiblie.

Je rappelle que les seuils actuels sont d'un an en cas de flagrance et de deux ans dans les autres cas. Les nouveaux seuils applicables durant l'instruction seront, si le texte du Gouvernement est adopté, de deux ans pour les infractions contre les personnes et l'Etat, la nation ou la paix publique, de deux ans pour les infractions contre les biens commises par une personne déjà condamnée et de trois ans dans les autres cas.

L'alignement des seuils, s'il procède d'une vraie logique de cohérence intellectuelle, soulève des difficultés pratiques et, surtout, des problèmes d'opportunité.

D'abord, l'alignement des seuils permettant la détention provisoire durant l'instruction et de ceux prévus en cas de comparution immédiate ne s'impose pas, car les situations sont différentes. Je souligne en particulier qu'en cas de renvoi de l'affaire, la durée de la détention provisoire avant le jugement est extrêmement brève : le plus souvent quelques jours, deux mois au maximum aux termes de l'article 397-3 du code de procédure pénale.

D'un point de vue pratique, on pourrait arguer du fait que l'élévation des seuils ne concerne que quelques cas limitativement énumérés.

Néanmoins, il s'agit de délits sensibles ; je pense en particulier aux dégradations. Ainsi, l'auteur de destructions ou de dégradations simples - par exemple celui qui a lancé des pavés dans une vitrine - encourt une peine de deux ans d'emprisonnement. Or, s'il n'est identifié que plus de huit jours après les faits - s'il l'est avant, on est dans un cas de flagrance -, la comparution immédiate ne sera plus possible en pratique. Affaiblir ainsi la comparution immédiate ne me paraît guère opportun.

Si nous suivions cette orientation, nous priverions la lutte contre la délinquance urbaine d'un outil utile et efficace. Or vous savez à quel point les populations victimes de la délinquance urbaine, de jour comme de nuit, ont besoin de savoir que les auteurs d'infractions ne resteront pas impunis et qu'il y aura une réaction immédiate.

Je n'aime pas non plus le spectacle désolant que donne la comparution immédiate pour certains cas isolés. Je pense notamment aux cas sociaux, qui posent bien des problèmes. Je vous demande néanmoins de réfléchir au phénomène de la délinquance urbaine.

Je connais d'autant mieux les insuffisances de cette procédure que je me suis vigoureusement opposée, en début d'année, à l'extension aux mineurs de la détention provisoire en cas de comparution immédiate.

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Nous ne parlons que des majeurs et des dégradations commises dans le cadre de violences urbaines. Pour eux, la présence de cette procédure dans la palette des possibilités est nécessaire à la justice pour intervenir rapidement et efficacement.

Je vais citer trois exemples.

Le premier concerne les violentes manifestations qui se sont déroulées dans le quartier de la Nation, à Paris, à la fin de l'année dernière. Il s'agissait de dégradations pour lesquelles l'article 322-1 du code pénal prévoit jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Si la modification proposée avait alors été en vigueur, il n'aurait pas été possible de placer leurs auteurs en détention provisoire.

En début d'année, à Grenoble des dégradations répétées et importantes - bris de vitrines, démolition d'abris bus... - ont été commises dans deux cités sensibles. Elles ont placé la population dans une situation intenable, qu'elle ne supportait plus. La police a réalisé un excellent travail d'enquête, avec une mobilisation importante pour identifier les auteurs. Mais l'enquête a été bouclée en dix jours, c'est-à-dire au-delà du délai de flagrance. Là encore, la mesure proposée aurait interdit de recourir à la détention provisoire. La situation aurait alors risqué de devenir véritablement explosive.

A la suite des violences urbaines commises le 31 décembre 1998 à Strasbourg, où soixante et un véhicules ont été brûlés, huit comparutions immédiates sont intervenues le 4 janvier. Deux jeunes majeurs ont été condamnés, pour dégradations de biens, à huit mois de prison avec sursis et un jeune majeur a été condamné, pour dégradation de biens par moyens dangereux, à dix mois d'emprisonnement. La disposition en discussion aurait aussi empêché tout recours à la détention provisoire.

Les violences urbaines constituent un nouveau type de délinquance, dans lequel on ne peut pas toujours prouver l'existence de bandes organisées. Dans tous ces cas, on risquerait donc d'être en dessous des seuils permettant de décider la détention provisoire. Malgré toutes les critiques - dont certaines sont justifiées - que l'on peut adresser à la procédure de comparution immédiate lorsqu'il s'agit de cas isolés, je vous demande d'être extrêmement attentifs et de ne pas priver la justice d'un instrument de lutte efficace contre la délinquance urbaine.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Mme Véronique Neiertz.

Madame la garde des sceaux, nous vous avons écoutée avec beaucoup d'attention parce qu'il s'agit d'une question extrêmement délicate qui requiert des débat approfondis et des prises de position nuancées.

Il est d'abord évident que, dans les cas de délinquance urbaine - vous avez cité plusieurs exemples -, l'adoption de l'amendement de M. Jean-Pierre Michel aurait pour conséquence immanquable d'affaiblir la procédure de comparution immédiate. Or le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, ne le souhaite pas, et c'est un député de la Seine-Saint-Denis qui vous parle, département dans lequel a été testée pour la première fois cette procédure de comparution immédiate et de traitement des violences urbaines en temps réel.

Si nous avons pu, jusqu'à présent, éviter ou limiter les catastrophes dans nos cités et l'explosion générale du département, c'est parce que nous avons pu mettre en oeuvre, avec l'aide de la chancellerie et du tribunal de Bobigny, cette procédure qui est comprise tant par l'opinion, en particulier par les victimes, puisque la sanction intervient immédiatement, que par les délinquants. Après avoir travaillé ainsi en partenariat dans ce domaine, nous sommes désormais persuadés que la sanction n'est bien comprise par les auteurs de violences urbaines que si elle est appliquée immédiatement.

M. Christophe Caresche.

Très bien !

Mme Véronique Neiertz.

Par conséquent, tout ce qui pourrait affaiblir, notamment en matière de détention provisoire, les effets de cette procédure de comparution immédiate, serait totalement contraire à la fois aux déclarations du Gouvernement sur ce sujet et à l'action que nous menons sur le terrain pour limiter, avec le peu de moyens dont nous disposons, l'impact des graves incidents auxquels nous sommes confrontés. En fait, cet amendement rendrait impossible la détention provisoire en cas de comparution immédiate ce qui serait absolument inacceptable. Le groupe socialiste votera donc contre l'amendement.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Le sujet est grave et la manière dont se sont exprimés les orateurs qui m'ont précédé montrent que l'équilibre à trouver entre le temps de la justice et les pulsions de l'opinion est difficile, fragile.

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait !

M. Pierre Albertini.

Certes, il est évident que le principe de la comparution immédiate ne doit pas être remis en question. Cependant, la manière dont fonctionne cette procédure nous interroge.

M. Christophe Caresche.

Il fallait y réfléchir quand vous l'avez votée !

M. Pierre Albertini.

Voulez-vous polémiquer ou traiter sérieusement d'un sujet délicat ?

M. Patrick Devedjian.

Les socialistes n'aiment pas l'opposition !

M. Pierre Albertini.

Cette procédure a un effet d'exemplarité positif.

Mme Véronique Neiertz.

Absolument !

M. Pierre Albertini.

Nous en sommes d'accord.

Elle débouche aussi, il faut bien le reconnaître, sur une plus grande sévérité dans les condamnations prononcées.

Dans cette balance entre l'efficacité, l'exemplarité, la pédagogie de la sanction et la proportionnalité de la sanction infligée, notre esprit hésite constamment.

Cela étant, on ne peut pas raisonner ainsi seulement à propos des actes de délinquance urbaine. Quelques exemples, si douloureux soient-ils, ne font pas une politique pénale.

Si nous le pouvions, il serait plus important d'agir sur les causes même de la délinquance urbaine. C'est en ce sens que doit porter prioritairement l'effort.

M. Michel a proposé - sa position me paraît cohérente - un alignement des seuils. Après ce débat, la commission a adopté son amendement. Je conçois que certains aient des scrupules à cet égard. Ils honorent notre conscience et sans doute aussi l'Assemblée. Néanmoins, cet amendement voté par la commission des lois mérite un examen attentif. Personnellement, je me prononcerai en sa faveur.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

La nécessaire et importante explication donnée par Mme la garde des sceaux montre bien l'intérêt du sujet dont nous traitons. Il est donc inutile de polémiquer et de s'envoyer à la figure ce que nous avons voté ou non à un moment donné.

Il convient néanmoins de prendre en considération certains éléments. Ainsi, je crois que ceux qui ne voteront pas cet amendement pourront dire qu'ils ont agi pour protéger les citoyens, surtout ceux qui, dans nos villes, subissent des actions malfaisantes qui leur rendent la vie impossible. Je suppose que chacun, dans cet hémicycle, souhaite un peu d'ordre dans ce domaine. Cela dit, je peux comprendre ceux qui veulent voter cet amendement en estimant qu'il faut trouver un équilibre et faire la part des choses. Il n'y a donc pas à leur reprocher d'être laxistes ou de faire fi de la sécurité de nos concitoyens. Il serait désolant de le penser.

Nous avons tous connu, dans nos circonscriptions, des situations particulières. Elu local d'une ville de banlieue depuis près de trente ans, j'ai eu à m'occuper, en qualité d'abord de premier adjoint, puis de maire, de problèmes de sécurité et de comparution immédiate. En effet, ceux qui voient l'auteur d'un méfait revenir sur le lieu de sa mauvaise action et narguer les victimes ne croient plus à la justice, ne croient plus à l'ordre, ne croient plus à la police, ne croient plus à rien. Il faut donc trouver les moyens de régler ce genre de problème.

Faut-il renforcer la notion de comparution immédiate ? N'allons pas la confondre avec le flagrant délit : ce serait jouer sur les mots. La comparution immédiate, c'est souvent la justice des pauvres, de ceux qui ont eu la malchance d'être pris à un moment donné. Justice des pauvres assurément, et l'on sait bien comment cela se passe : une défense faiblement présente, des victimes qui n'apparaissent jamais, un juge qui doit rapidement trouver la sanction appropriée. S'il décide la détention provisoire, c'est parce qu'il sait qu'elle sera couverte par la peine finalement prononcée. Quant à ceux qui comparaissent, leur culpabilité est en quelque sorte inscrite dans les faits ; aussi, la détention provisoire est-elle utilisée comme une pré-peine,...

M. Patrick Devedjian.

Un préjugement.

M. Jacques Floch.

... un préjugement, au demeurant - et malheureusement - fort bien compris par nos concitoyens, qui ont l'impression que, ce faisant, la justice les protège.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

Cet amendement me pose un vrai problème. Au départ, j'étais tenté de le voter. Mais les arguments avancés par Mme la garde des sceaux me conduisent à penser que le sujet mérite une réflexion un peu plus approfondie. Comme nous aurons plusieurs lectures, peut-être serait-il bon de nous donner un peu de temps.

Que l'on n'y voie pas une position de lâcheté : je dénie à quiconque le droit de m'accuser de lâcheté au motif que je m'abstiendrais sur ce texte. J'ai vécu des situations de ce genre, je sais à quoi l'on s'expose, je sais à quoi cela correspond, mais je demande que l'on prenne le temps de la réflexion. Voilà pourquoi je rejoindrai la proposition de Mme le rapporteur en m'abstenant sur cet amendement. Dans quelque temps, lorsque nous aurons examiné les arguments très sérieux de Mme la garde des sceaux, nous pourrons prendre une position beaucoup plus claire.

Mme la présidente.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

J'ai parfois l'impression de vivre des moments surréalistes ! Je comprend bien que la comparution immédiate ne soit pas la panacée, la solution miracle, mais parlons franchement ! Il y a deux questions que se posent des millions de Français : premièrement, se donne-t-on dans ce pays les moyens d'avoir le droit de vivre en sécurité ? Ce qui, pour moi, vaut aussi bien pour la justice que pour la police, les transports, le logement ou la santé,...

M. Gérard Gouzes.

La sécurité est la première des libertés.

M. André Gerin.

Certes, mais je vais encore plus loin : je ne parle pas de la seule sécurité, mais du droit de vivre en sécurité.

Deuxièmement, lorsqu'on parle de délinquance, de violence, d'incivilités, on oublie toujours que des millions de familles, de jeunes, d'enfants, d'adolescents en souffrent dans leur vie quotidienne.

Ayons le courage de dire qu'il ne faut pas bouger, pas toucher à cette question-là, même s'il faut continuer à progresser ! Prétendre le contraire, c'est se raconter des histoires. Je l'ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale : il faut prendre le parti des victimes, donner des moyens à cette justice, pour qu'elle soit juste et exemplaire. Nous avons un devoir de lisibilité, de crédibilité et c'est ce qui nous conduira à nous opposer à cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Véronique Neiertz.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Madame la présidente, je connais la détention provisoire décidée dans le cadre des comparutions immédiates : j'y ai fait mes débuts. Nous nous y retrouvons fréquemment confrontés, praticiens du droit, à une extrême violence, à une violence légitime, devant laquelle nous ressentons profondément notre impuissance à défendre, à aider, tout comme nous ressentons la misère de certaines situations humaines.

J'ai bien entendu ce que nous ont dit Mme la garde des sceaux et la première vice-présidente du groupe socialiste, Véronique Neiertz : la comparution immédiate est une nécessité. Soit. Nous avons entre nous, vous l'avez tous ressenti, certaines nuances sur le sujet ; mais puisque nous avons besoin de la comparution immédiate, je ne voterai pas l'amendement déposé par M. Jean-Pierre Michel.

Cela dit, par le fait que nous avons établi dans les a mendements précédents un seuil pour un certain nombre d'infractions relevant des informations judiciaires, du juge d'instruction, distinct de celui réservé aux comparutions immédiates, nous avons bel et bien créé deux poids, deux mesures. Je propose donc que, en deuxième lecture, après le passage au Sénat, les seuils qui s'appliquent aux informations judiciaires soient alignés sur ceux de la comparution immédiate. Car je me demande, madame le rapporteur, si le relèvement uniforme, impersonnel des seuils constitue véritablement un grand progrès. Nous avons créé le juge de la détention pour individualiser, adapter la procédure. Dès lors que nous avons besoin des comparutions immédiates, ne faudra-t-il pas aligner les deux régimes vers le haut ?

Mme la présidente.

Compte tenu de l'importance du sujet, j'ai donné la parole à un grand nombre d'orateurs.

Je vais donner la parole à Mme Frédérique Bredin. Et nous passerons ensuite au vote.

Madame Bredin, vous avez la parole.

Mme Frédérique Bredin.

Je serai très brève, madame la présidente. J'approuve en tous points les propos de M. Floch et je ne les répéterai pas.

Je voudrais toutefois soumettre à notre assemblée une question qui mérite que nous y réfléchissions tous ensemble avant la deuxième lecture, car j'y vois un problème d'égalité devant la loi. Comment pouvons-nous prévoir des seuils de détention différents en fonction de l'aiguillage décidé par le parquet ? Dans le cas de l'instruction, ils seront déterminés par ce que nous avons voté sur la proposition du Gouvernement. Dans le cas de la comparution immédiate, ils seront différents -, le cas du flagrant délit devant évidemment être mis totalement à part, la culpabilité ne prêtant alors pas à discussion. Mais qu'en est-il des autres comparutions immédiates, de ce que l'on appelle les enquêtes simples ? La situation ne dépendra-t-elle pas de l'aiguillage ? Ce n'est pas une affirmation, mais une simple question. Quoi qu'il en soit, il est indispensable que nous y réfléchissions d'ici à la deuxième lecture : ce double régime lié, d'une certaine manière, à la seule décision du parquet ne pose-t-il pas un problème d'égalité devant la loi ? Pour le reste, chacun l'a reconnu, le sujet est délicat et mérite une longue réflexion.

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Madame la présidente, ce débat tout à fait intéressant prouve qu'il est un peu prématuré de nous prononcer dès maintenant sur cet amendement. Au regard de l'égalité devant la loi, il nous faudra nous mettre d'accord sur des seuils identiques, quelle que soit la procédure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Nous allons passer au vote sur cet amendement qui, malgré l'absence de son auteur, aura donné lieu à un large échange de vues.

Je mets aux voix l'amendement no 255.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MARS 1999

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1079, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : Mme Christine Lazerges, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1468).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT