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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

1. Loi d'orientation agricole. - Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 3403).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3403)

MM. Félix Leyzour, Christian Jacob, Jacques Rebillard, Jean Proriol, Joseph Parrenin, Germain Gengenwin, Mmes Marie-Hélène Aubert, Sylvia Bassot, Béatrice Marre,

MM. Charles de Courson, Aloyse Warhouver.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 3419)

M otion de renvoi en commission de M. Debré : MM. Patrick Ollier, le ministre, François Patriat, rapporteur de la commission de la production, Michel Grégoire, François Sauvadet, André Angot. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de rapports (p. 3430).

3. Dépôt d'un rapport d'information (p. 3431).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3431).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarantecinq.) 1

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation agricole (nos 1360, 1481).

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Félix Leyzour, premier orateur inscrit.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation agricole revient donc en discussion devant notre assemblée. La commission mixte paritaire n'a pu trouver un terrain d'entente, tant il est vrai que le Sénat a profondément remanié le texte que nous avions adopté en première lecture. Cela aura pour conséquence de retarder l'adoption de la loi. On l'attendait en mars, ce ne sera pas chose faite avant fin mai. Les contrats territoriaux d'exploitation, qui constituent l'ossature de la loi, verront donc leur mise en oeuvre différée de quelques semaines.

La discussion reprend dans les conditions de l'aprèscompromis de Berlin. Cet accord est venu clore les négociations sur Agenda 2000 qui, comme nous le savons, comporte trois volets ; celui de la PAC, celui des fonds structurels et celui du financement de l'Union européenne. Le Président de la République s'est félicité de cet a ccord qu'il a qualifié de raisonnable. Le Premier ministre, à mon avis plus circonspect, l'a trouvé un peu dur, la France ayant dû consentir beaucoup d'efforts.

Pour ce qui me concerne, je dirai que les négociateurs français et vous y avez pris votre part, monsieur le ministre - ont limité les dégâts par rapport à ce qu'on voulait nous imposer.

Les points marqués dans la difficile négociation qui s'était engagée ne changent évidemment pas le caractère négatif de la réforme pour l'agriculture et l'aménagement du territoire.

Concernant le dossier agricole, à considérer aussi par rapport à celui des fonds structurels, le souci de maintenir le budget à 40,5 milliards d'euros est certes respecté, mais dans le cadre du pacte de stabilité, qui pousse à la réduction des dépenses publiques et sociales.

Cela va se faire au détriment des aides. On aurait pu mettre en place, comme vous l'avez demandé, une dégressivité des aides au profit des exploitations les moins importantes ou même carrément leur plafonnement.

Les prix d'intervention vont subir des baisses importantes et les aides compensatoires ne les compenseront pas totalement, loin de là. L'objectif de la Commission, dans les propositions qu'elle a faites avant de démissionner pour les raisons que l'on sait, est d'aligner à terme les prix européens sur les prix des grandes exploitations américaines. Certes, du fait de la pression des agriculteurs, que vous avez relayée au plan politique dans les discussions européennes, les baisses sont moindres que prévu, mais la tendance est bien là et elle est inquiétante.

En résumé, le compromis aboutira à une diminution du revenu des agriculteurs européens et, si l'on n'y prend garde, à de nouvelles réductions d'emplois agricoles par l'élimination des exploitations les plus fragiles. Préparer l'élargissement de l'Union européenne par la régression économique et sociale ne serait pas une bonne chose.

Enfin, on perçoit dès maintenant combien les négociations sur le commerce mondial seront difficiles ; il faut s'y préparer.

Plus que jamais aussi, il apparaît nécessaire de réorienter la politique européenne dans le sens d'une Europe sociale qui, au plan de l'agriculture, devrait se traduire par des prix rémunérant correctement le travail, les investissements et les différentes missions de l'activité agricole.

De même, les aides publiques européennes devraient être attribuées en fonction de critères précis : le maintien et le développement de l'emploi, le respect des équilibres écologiques, la compensation des handicaps naturels et la qualité des produits. C'est l'esprit qui anime le projet de loi dont nous reprenons la discussion.

Nous avions, dans le cadre de la première lecture, souligné que les résultats à attendre de la mise en oeuvre de la loi dépendraient de son contenu, de ses dispositions propres, mais aussi du cadre que créerait la réforme de la PAC. C'est bien entendu vrai aujourd'hui. Le fait d'avoir engagé le débat sur la loi d'orientation a-t-il affaibli les p ositions de la France dans les négociations sur Agenda 2000 ? C'est ce que soutiennent nos collègues de l'opposition, c'est ce qu'ont déclaré cet après-midi M. Vasseur et M. Sauvadet. Ils ont ajouté que le débat est venu soit trop tard, soit trop tôt. Ce qui signifie qu'il n'aurait pas dû venir du tout, c'est-à-dire qu'il aurait fallu continuer comme avant et constater ainsi le creusement des inégalités.

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Eh oui !

Mme Béatrice Marre.

C'est juste !

M. Félix Leyzour.

Personnellement, je pense que le fait d'avoir débattu du projet dans les semaines qui ont précédé les discussions européennes a servi de point d'appui au ministre et aux négociateurs français pour limiter les dégâts de la réforme. En réalité, la discussion en premiè re lecture a permis de montrer que la France avait une alternative à présenter au plan européen par rapport aux


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tendances actuelles de la politique agricole commune, qu'elle avait une vision de l'agriculture européenne autre que l'alignement systématique sur l'agriculture à l'américaine. La prochaine mise en oeuvre de la loi d'orientation aurait néanmoins été plus aisée si les résultats de la né gociation européenne avaient été meilleurs.

Il faut maintenant reprendre la discussion du texte en y intégrant un certain nombre de points retenus par le Sénat, mais surtout en revenant à l'esprit du projet gouvernemental. Le texte sorti de nos premières délibérations vise à développer une production qui n'abandonne pas la quantité mais cible davantage la qualité. Il a pour objectif d'agir contre les concentrations excessives, de favoriser les plus modestes, qui ont besoin de terres, de contribuer à l'installation des jeunes. Il s'appuie sur la nécessité de promouvoir plus de justice dans la répartition des aides publiques.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que des dispositifs, dans un certain nombre de domaines, viendront renforcer les moyens d'action de votre ministère pour soutenir l'agriculture et corriger le plus possible les conséquences de la réforme de la PAC.

De la même façon que nous avons pris part à la discussion en première lecture, nous allons bien entendu participer activement à celle qui s'engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vous voyez, mes chers collègues, qu'il n'était pas nécessaire d'être long.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il suffit d'être pertinent !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je ne vous demanderai pas, monsieur Leyzour, de me faire don des cinq minutes que vous avez épargnées. (Sourires.)

Monsieur le ministre, j'évoquerai tout d'abord la stratégie qui a été la nôtre au RPR. J'ai cru comprendre que vous nous reprochiez d'avoir en quelque sorte bloqué la CMP, vous faisant ainsi l'écho de certaines organisations agricoles qui auraient regretté son échec. Mais si la CMP n'a pas réussi, c'est pour une raison toute simple : parce que votre majorité n'a pas accepté les avancées réalisées par le Sénat.

M. François Patriat, rapporteur.

Aucune !

Mme Béatrice Marre.

Ce sont des reculs !

M. Christian Jacob.

Aujourd'hui, nous vous disons chiche ! Si la majorité est prête à accepter ces avancées, nous la suivrons. Nous nous bornons en effet à défendre le texte du Sénat, qui représente à nos yeux un compromis. En effet, et François Patriat peut en témoigner, il va beaucoup moins loin que ce que souhaitait le groupe RPR de l'Assemblée. Nous nous rallions aujourd'hui à ce compromis et c'est pourquoi, à l'exception de quelques amendements techniques, nous n'avons déposé que très peu d'amendements portant sur le fond, quasiment aucun.

Malheureusement, on a bien vu en commission, la semaine dernière et ce matin encore, que vous n'étiez pas du tout prêts à adopter une attitude d'ouverture puisque vous avez refusé de manière quasi systématique toutes les avancées du Sénat. François Patriat me répondra tout à l'heure que bon nombre des amendements de nos collègues sénateurs ont été acceptés. Mais ce sont pour la plupart des amendements de forme, des amendements rédactionnels. En effet, comme le premier texte avait été, vous l'avouerez, relativement mal rédigé, le Sénat a pu faire quelques corrections que vous avez maintenues. Sur le fond, rien n'a bougé. Nous allons quand même jouer le jeu et attendre de voir si quelques éclairs de bon sens amèneront la majorité à accepter les modifications du Sénat.

Avant d'entrer dans le vif du sujet - nous aurons toute la journée de demain pour l'approfondir -, un mot sur le sommet de Berlin. Philippe Vasseur a dit que cette loi était dépassée après les accords de Berlin, j'aurais tendance à dire qu'elle est obsolète. Vous avez, monsieur le ministre, évoqué la position unanime de la France. Bien entendu, à l'étranger, on se doit de faire corps. Simplement, si nous avons pu obtenir des modifications importantes à Berlin, nous le devons, il faut le dire, au Président de la République.

M. Joseph Parrenin.

Tout pour Chirac !

M. Christian Jacob.

Mais oui ! Vous-même, monsieur le ministre, que ce soit sur le lait, sur la viande bovine, sur les céréales ou sur les oléoprotéagineux, vous aviez accepté le texte initial puisque vous n'aviez émis aucune réserve.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si !

M. Christian Jacob.

Non, sur les quatre réserves que vous aviez présentées, aucune ne concernait ces grandes productions. Pour ces quatre secteurs, c'est le Président de la République qui a réussi à corriger le tir. J'aimerais que tout le monde lui reconnaisse ce mérite.

Parmi les objectifs de cette loi d'orientation, il y en a un qui m'étonne d'autant plus qu'il émane de socialistes et surtout de vous, monsieur le ministre. Vous dont le département n'est pas très éloigné de celui de Jaurès, comment pouvez-vous avoir pour ambition de casser, de démolir les organisations agricoles ?

Mme Béatrice Marre.

Ah !

M. Christian Jacob.

Vous devriez savoir mieux que personne, qu'un pouvoir, quel qu'il soit, a besoin d'un contre-pouvoir organisé et structuré en face de lui. En l'occurrence, cette catégorie socioprofessionnelle a un taux de syndicalisation de 65 %. Je n'en connais pas d'autre qui soit dans ce cas hors du monde agricole. Cela tient à l'esprit militant de ses membres, à la tradition du monde agricole, qui sait se regrouper, et au choix démocratique d'une forte représentativité.

Or vous voulez refuser le seuil des 15 % retenu par le Sénat, ce qui permettra à n'importe quel groupuscule de siéger dans les commissions ou organismes agricoles.

L'amendement que nous avons présenté à ce sujet ce matin en commission a été rejeté.

M. Patrick Ollier.

Hélas !

M. Christian Jacob.

En réalité, vous tenez à ce que tout le monde puisse siéger, afin de diviser le monde agricole et de pouvoir mieux régner.

Le fond du problème tient au fait que, malheureusement pour vous, le syndicat officiel du parti socialiste n'arrive pas à passer la barre des 15 % dans tous les départements. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. Christian Jacob.

Vous préférez donc jeter le bébé avec l'eau du bain.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Qu'entendez-vous par « syndicat officiel du parti socialiste » ?


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M. Christian Jacob.

C'est celui qui était très en colère après vous au moment du sommet européen.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quel beau « syndicat officiel » !

M. Patrick Ollier.

C'était pour donner le change !

M. Christian Jacob.

Monsieur Glavany, vous connaissez les divisions au sein du PS. Je n'ai rien à apprendre en la matière à un expert tel que vous ! Si mes informations sont bonnes, le système du mardi mensuel qui a toujours existé serait supprimé.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je me méfie de vos informations ! (Sourires.)

M. Christian Jacob.

Vous me corrigerez ! Vous voulez aussi inclure dans le système les associat ions de défense de l'environnement agréées par Mme Voynet. Je ne suis pas du tout favorable à cette innovation, et je préférerais que ce soit vous, monsieur le ministre, qui donniez les agréments, parce que vous allez être le premier à constater les difficultés que cela va provoquer.

Les CDOA devraient également comporter des représentants des associations de consommateurs, des artisans et des commerçants de détail. Elles comprendront ainsi quatre-vingts personnes qui expliqueront aux agriculteurs quel type de production ils doivent privilégier ! Au bout du compte prévaudra la logique que vous connaissez bien puisqu'elle est la vôtre et celle de votre majorité, et qui aboutira à renforcer le rôle des préfets.

L'agriculture sera une agriculture de préfets, parce que plus les CDOA seront divisées, plus elles seront impossibles à gérer, plus les préfets auront un rôle prépondérant pour décider des types d'exploitation ou de production à privilégier. Tout sera régenté, administré, comme nous l'avons dénoncé à plusieurs reprises lors de la première lecture.

M. François Sauvadet.

Et voilà !

M. Patrick Ollier.

Excellente démonstration !

M. Christian Jacob.

Je vais aller plus loin, car j'ai été très surpris, monsieur le ministre, par le contenu de l'un de vos communiqués.

Vous avez fait état cet après-midi, ce dont personne ne doutait dans cette assemblée, de votre attachement à cette maison, de votre tradition républicaine. Or, dans ce communiqué du 24 mars, vous expliquez, à propos des contrats territoriaux, que l'objectif est de pouvoir sortir le décret dès la promulgation de la loi, c'est-à-dire à la fin du mois de mai, et vous annoncez la mise en place de trois types de consultation. S'il n'y a rien à dire sur le premier qui concernera les collectivités et les associations au sein de réunion régionales, vous évoquez ensuite la consultation des « élus de la majorité » ! Je n'ai encore jamais vu un ministre faire une différence entre les élus, mettant d'un côté les bons, ceux avec lesquels on peut travailler, et, de l'autre, les parias avec lesquels on ne veut rien avoir à faire. Pourtant, monsieur le ministre, la République est une et indivisible ! Tous ceux qui siègent ici sont les élus du peuple ! Je peux vous remettre ce communiqué du ministère.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela m'intéresserait !

M. Christian Jacob.

Il serait bon, en effet, que vous connaissiez les communiqués qui sortent du ministère !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous êtes capable de faire des faux ! (Sourires.)

M. Christian Jacob.

Il conviendrait même que vous fassiez un rectificatif, parce que nul ne saurait considérer qu'il y a des élus indignes et puis des élus nobles, ceux qui seraient à gauche.

Bien que je n'aie pas l'habitude de chercher la petite bête, votre agenda pour la période du 22 mars au 2 avril 1999 m'a étonné.

A u moment du débat sur la politique agricole commune, vous nous aviez expliqué, à cette tribune, que vous ne seriez pas présent au sommet de Berlin pour les négociations, mais que vous resteriez en relation étroite et permanente avec le Premier ministre. Or votre emploi du temps du jeudi 25, jour des négociations, porte à 11 heures : Tarbes, manifestation GIAT. Cela signifie que le jour où le Premier ministre, aux côtés du Président de la République, était au sommet de Berlin, vous étiez en train de manifester contre votre propre gouvernement avec les représentants de la CGT ! (Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Permettez-moi donc d'avoir quelques doutes sur votre esprit d'ouverture et de conciliation.

Venons-en à la loi d'orientation. Sans reprendre les excellentes interventions de Philippe Vasseur et de François Sauvadet, que j'approuve totalement, je traiterai de quelques sujets précis.

La politique d'installation me donne une nouvelle fois l'occasion de souligner que nous ne vivons pas dans le même monde.

M. François Sauvadet.

Eh non !

M. Christian Jacob.

Vous êtes encore enfermés dans cette doctrine socialiste selon laquelle, pour gagner plus, il faut travailler moins. Vous procédez de la même logique que pour les 35 heures et vous mettez en place des systèmes coercitifs dans tous les sens.

Ainsi - c'est assez fabuleux - en matière de politique des structures, vous avez réussi à inventer l'autorisation provisoire. Comme je l'ai déjà souligné en première lecture, cette notion est totalement inexistante sur le plan juridique. Qui financera de manière provisoire une reprise d'exploitation ? Qui s'installera dans la précarité ? De mon point de vue, il s'agit d'une attaque directe contre le droit de propriété.

Je vais d'abord prendre un cas que je connais bien, celui de mon exploitation. D'une superficie de cent hectares, elle a été transmise de père en fils depuis trois géné rations, sans modification de consistance, c'est-à-dire sans l'agrandissement d'un seul hectare. Comme sa taille sera supérieure à la surface de référence qui sera retenue en Seine-et-Marne - sans doute autour de quatre-vingts hectares -, je ne pourrai la céder à l'un de mes enfants qu'après autorisation.

M. François Sauvadet.

Voilà !

M. Christian Jacob.

Sous prétexte qu'à l'autre bout du village un exploitant a une superficie moindre, on pourra lui en transférer une partie ! De même, deux jeunes exploitants qui décideront de se marier devront attendre l'autorisation pour réunir leurs exploitations. Cela signifie qu'avant de publier les bans du mariage, il faudra demander l'autorisation au préfet !

M. Daniel Marcovitch.

S'agit-il d'un mariage de jeunes ou d'un mariage d'exploitations ?


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M. Christian Jacob.

Deux jeunes agriculteurs ont tout de même le droit de se marier ! Si vous reconnaissez réellement les conjoints, les épouses, vous devez accepter que chacun puisse s'installer et être agriculteur ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pas d'échanges ! Seul M. Jacob a la parole.

M. François Sauvadet.

Ils n'aiment pas la famille !

M. Christian Jacob.

A moins que vous ne contestiez aux femmes le droit d'être agricultrices, ce qui ne m'étonnerait pas, mais ce n'est pas mon point de vue.

Un propriétaire qui voudra léguer son exploitation à l'un de ses enfants sera aussi soumis à l'autorisation ! Avant de rédiger son testament, il devra la demander au préfet ; sinon, le légataire risquerait de ne pas pouvoir bénéficier du bien.

En matière de politique d'installation, il y a d'autres pistes à explorer que celles inspirées par vos archaïsmes doctrinaires. Nous en avons d'ailleurs proposé quelquesunes par voie d'amendement.

Je pense notamment au système de préretraite-installation dont M. Patriat a fait l'historique mais que vous voulez supprimer. La préretraite a été négociée par un ancien président du CNJA que je suis bien placé pour connaître. (Sourires.)

M. Félix Leyzour.

Qui ?

M. Christian Jacob.

C'était moi ! J'avais fait cette proposition à Pierre Bérégovoy, qui l'avait acceptée.

M. Joseph Parrenin.

Mais alors, monsieur Vasseur, c'est M. Jacob le coupable ! (Sourires.)

M. Philippe Vasseur.

Ecoutez M. Jacob, il va vous expliquer ! Même vous, vous allez comprendre !

M. Christian Jacob.

Je défends la préretraite-installation corps et âme ! M. Parrenin a quelques difficultés à saisir et je ne crois pas qu'il puisse comprendre. En revanche, M. le ministre, lui, comprendra.

M. le président.

Continuez sans vous laisser troubler.

M. Christian Jacob.

Merci de votre soutien, monsieur le président.

La préretraite-installation est un moyen concret de favoriser le départ d'un exploitant en douceur et l'installation d'un jeune sur une période de trois à cinq ans. Cela permet à la fois d'instaurer des relations entre eux et de familiariser le jeune avec l'exploitation avant qu'il ne la reprenne. Malheureusement, M. Le Pensec a décidé de la supprimer.

Nous présentons une autre proposition dans le même esprit : donner à un agriculteur de plus de cinquantecinq ans qui n'a pas de successeur la possibilité d'embaucher un jeune avec prise en charge des cotisations sociales. Cette formule permettrait, d'une part, à cet agriculteur, qui a souvent commencé à travailler très tôt, de lever un peu le pied et, d'autre part, au jeune de s'intégrer sur l'exploitation. Elle aboutirait donc à un abaissement du coût de la main-d'oeuvre pour l'exploitant prêt à céder et mettrait le pied à l'étrier à un jeune.

D'autres réformes seraient souhaitables en matière d'installation, notamment au regard du financement.

Aujourd'hui, un jeune agriculteur qui s'installe dispose des modes de financement adaptés pour acheter un tracteur de 70 chevaux ou de 120 chevaux. En revanche, il n'a aucune possibilité pour la création de sa trésorerie et de son fonds de roulement. Or c'est l'élément essentiel de la pérennité d'une exploitation.

En effet, dans 90 % des cas, les difficultés rencontrées par de jeunes agriculteurs au cours des dix premières années de leur installation sont dues à l'absence d'un fonds de roulement initial. En ce domaine, il faut faire preuve d'imagination. C'est le genre de proposition que nous attendons de vous, monsieur le ministre.

De la même manière, le système de cotisations socialese n agriculture est tel que l'assiette correspond à l'ensemble du revenu dégagé. Or, une partie de ce dernier étant réinvestie dans l'outil de production, seul le reliquat est réellement disponible. Comme cela est le cas pour les autres catégories socioprofessionnelles, à l'exception des artisans et commerçants, les cotisations sociales des agriculteurs devraient n'être calculées que sur la part réellement disponible. Pour cela, vous avez à votre disposition l'outil mis en place par Philippe Vasseur avec la dotationprovision-investissement. Cette formule permet de sortir de l'assiette fiscale une partie des résultats à condition qu'ils soient réinvestis dans l'outil de production. Il suffit de la faire monter en puissance.

Je vois, à votre sourire radieux, monsieur le ministre, que vous buvez mes paroles, que vous êtes d'accord avec moi. (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vois surtout que vous dépassez votre temps de parole !

M. Christian Jacob.

Nous voterons donc cette loi à l'unanimité, puisque vous allez accepter nos amendements !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous disposiez de quinze minutes !

M. Christian Jacob.

Certes, mais j'ai senti que M. Leyzour me faisait cadeau de quelques minutes. (Sourires.)

J'en termine en évoquant le contrat territorial d'exploitation.

A cet égard, je veux d'abord souligner qu'à son profit ont été sabordés bien des crédits qui étaient utilisés po ur favoriser les installations. Je pense au FIDIL, aux OGAF, qui concernent surtout les jeunes agriculteurs, aux crédits qualité des offices, au FGER, à l'ICHN. Je ne comprends d'ailleurs pas votre attitude à propos de cette dernière. En effet, s'il est des agriculteurs qui respectent, confortent l'environnement et nos paysages, ce sont bien ceux qui travaillent en zone de montagne.

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. Christian Jacob.

M. Ollier m'aurait repris si je ne l'avais pas rappelé.

Enfin, je tiens à souligner, s'agissant de la modulation, combien je trouve scandaleux de détourner ainsi des compensations mises en place pour pallier les baisses de revenus. Vous transférez de véritables aides économiques pour les attribuer à des associations de défense de l'environnement et autres ! Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je tenais à vous présenter. Maintenant, nous allons vous regarder agir. Vous pouvez compter sur notre bonne volonté si vous-même en faites un peu preuve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que, dans quelque temps, l'opposition nous expliquera que la loi d'orientation agricole a été votée


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grâce au Président de la République ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Vasseur.

Il a tout compris !

M. Jacques Rebillard.

Oui, j'ai tout compris !

M. François Sauvadet.

Vous n'allez pas commencer, cela devient lassant ! Vous n'écoutez même pas ce que nous disons !

M. Jacques Rebillard.

Mais si ! Les décisions politiques peuvent être regroupées en deux catégories : les décisions de gestion et les décisions d'orientation politique. Les premières concernent, par exemple, la réduction des déficits comme celui du budget de la nation ou de la sécurité sociale. Les secondes, à orientation politique, accompagnent les évolutions de la société à l'image de la loi sur la réduction du temps de travail ou de la loi d'orientation agricole qui vient aujourd'hui en nouvelle lecture devant notre assemblée. Cette seconde catégorie de choix résulte de la prise en compte de changements de société auxquels le législateur doit avoir le courage d'apporter des réponses.

En ce qui concerne la loi d'orientation agricole, la société attend de son agriculture qu'elle lui fournisse des produits de qualité, que la production soit maîtrisée et n'aille plus encombrer les frigos, et que l'environnement soit préservé, en particulier les nappes phréatiques. Alors que les Français restent attachés à leurs agriculteurs, les conditions d'exercice de leur profession ont changé et doivent encore être améliorées. Le politique se doit de répondre à ces nouvelles exigences, sachant que l'objectif d'autosuffisance alimentaire est atteint et que le développement de nos exportations se fera avec des produits élaborés à forte valeur ajoutée.

A ces contingences sociétales s'ajoutent des préoccupations internationales dans le cadre de la future négociation au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Il est fort probable que les aides directes au produit seront remises en cause au profit des aides au revenu ou à l'exploitant. Avant qu'il ne soit trop tard, les responsables politiques doivent anticiper sur les défis à venir.

Ces quelques considérations justifient pleinement la clairvoyance du Gouvernement, du ministre de l'agriculture et du rapporteur du texte, quand ils ont décidé de proposer une loi d'orientation agricole conforme aux évolutions de notre société. L'opposition se trompe en s'y opposant, et elle a commis une grave erreur politique en ayant fait échouer la commission mixte paritaire. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Sylvia Bassot.

Il ne faut pas inverser les rôles !

M. Jacques Rebillard.

La profession, qui a contribué à enrichir cette loi, s'est montrée fort déçue par ce contretemps.

M. Philippe Vasseur.

Vous êtes prisonnier des lobbies alors !

M. Jacques Rebillard.

C'est vous qui êtes prisonniers des lobbies, en particulier de la FNSEA, qui est fortement liée au RPR.

M. Philippe Vasseur.

Il ne faut pas dire n'importe quoi ! Vous êtes incohérent !

M. Jacques Rebillard.

La profession, qui a contribué à enrichir cette loi, s'est donc montrée fort déçue par ce contretemps, alors qu'elle réclame que les premiers contrats territoriaux d'exploitation soient signés rapidement. Après les résultats encourageants du sommet de Berlin, le vote de la loi d'orientation aurait pleinement rassuré nos agriculteurs.

Ce texte a été bien accueilli parce qu'il répond à de nombreuses attentes.

M. François Sauvadet.

Oh !

M. Jacques Rebillard.

D'abord, le contrat territorial d'exploitation permettra de rémunérer la multifonctionnalité des exploitations agricoles.

Le contrôle des structures évitera certains contournements de la loi par le biais des structures familiales.

M. François Sauvadet.

Non !

M. Jacques Rebillard.

Le statut de collaborateur améliorera nettement la situation des femmes d'agriculteurs.

L'emploi salarié simplifiera et facilitera l'emploi saisonnier, et permettra, sur le plan départemental, la création d'un comité des activités sociales et d'un comité d'hygiène.

S'agissant de l'organisation professionnelle et de la qualité des produits, les compétences de l'INAO et celles de la commission nationale des labels et des certifications seront clarifiées.

Pour ce qui est de la gestion de l'espace agricole et forestier, la loi permettra de protéger les zones les plus sensibles du développement mal maîtrisé des activités non agricoles.

Afin d'assurer la sécurité des produits, la loi définit le principe de précaution vis-à-vis des organismes génétiquement modifiés et établit des contrôles renforcés en matière d'anabolisants.

Enfin, la formation, le développement et la recherche sont confortés dans leur missions au service du développement agricole.

Les sujets abordés ont donc été nombreux, et cette nouvelle lecture permettra d'enrichir encore ce texte, mais je souhaite que nous avancions rapidement.

Les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert, notamment les Radicaux, ont été favorables dès le début à l'esprit de la loi. Ils attendent avec beaucoup de sérénité son application et s'investiront sur le terrain pour sa réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, joli parcours pour la loi d'orientation agricole ! De quoi rivaliser avec tout bon film de suspense digne de ce nom.

L'affaire était entendue : une lecture dans chaque chambre, et hop ! c'était terminé ! Mais, en cours de route, on a dû changer un des acteurs principaux, et M. Glavany, tout sourire et tout heureux, a succédé à

M. Le Pensec, au pied levé.

Le jeu s'était quelque peu calmé au Sénat, et la commission mixte paritaire semblait pouvoir connaître un dénouement constructif, quand,...

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Jean Proriol.

... contre toute attente, elle échoue : je veux dire contre toute attente de l'opposition, car la majorité était bien décidée à ne pas faire aboutir un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

compromis, alors que les propositions du Sénat répondaient en grande partie aux attentes des professionnels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous voilà donc tous convoqués à nouveau pour une nouvelle lecture du texte dans chaque chambre. Je me demande bien, monsieur le ministre, quels rebondissements le scénario nous réserve cette fois-ci. Il semble cependant que l'opposition n'ait rien de mieux à espérer qu'un rôle de figurant, ses propositions étant systématiquement contrecarrées.

M. François Patriat, rapporteur.

Ce ne sont pas des propositions, ce sont des régressions.

M. Jean Proriol.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le décor planté par le Sénat est tout à fait satisfaisant : il a redonné un peu de souffle à un projet de loi qui manquait sérieusement d'ambition ; il a réussi à rendre les dispositions de la loi plus crédibles et plus réalisables.

Le projet de loi d'orientation agricole est revenu enrichi et rééquilibré de la Haute Assemblée.

Ainsi, certains dossiers, incontournables à mon sens dans une loi dite d'orientation, ont été ouverts, à savoir le statut de l'entreprise agricole, la fiscalité, la sécurité des produits alimentaires.

D'autres points ont été sérieusement révisés, comme le CTE - qui n'est plus « le » contrat par lequel tout devait transiter et qui devient un outil contractuel parmi d'autres ; le contrôle des structures, dont les petites et moyennes exploitations devraient être dispensées en cas de transmission familiale ; ou encore la qualité des produits et la délivrance d'une IGP liée à l'obtention d'un signe de qualité.

Maintenant, nous avons deux craintes. La première, c'est que l'ouverture sénatoriale soit de courte durée, et la seconde, c'est que vous reveniez sur certaines avancées indiscutables, qui satisfont les professionnels. A ce sujet, M. le rapporteur et certains collègues de la majorité ont déclaré en commission de la production et des échanges que « le projet de loi semble bien accueilli par le monde agricole ».

M. François Patriat, rapporteur.

Oui.

M. Jean Proriol.

Je pense qu'ils voulaient parler du texte tel qu'il a été modifié par le Sénat ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. Jean Proriol.

J'aurais apprécié qu'ils le précisent.

La question qui se pose maintenant est la suivante : continuerez-vous d'opposer un rejet plus ou moins systématique, ou de toujours reporter à plus tard, toutes les avancées concrètes proposées par le Sénat ? J'en ai dressé une liste non exhaustive : l'inscription dans la loi des critères de représentativité syndicale, comme le souhaitent les organisations professionnelles agricoles, en vertu du décret pris par un ministre qui vous est cher, Henri Nallet - c'est l'article 1er bis ; le caractère autonome des indemnités compensatrices de handicaps naturels, les ICHN, par rapport aux CTE - c'est l'article 2 ; le financement des CTE, qui n'est toujours pas réglé et qui ne semble pas près de l'être après les accords de Berlin sur la PAC, même si vous nous avez précisé qu'on jouerait sur la modulation des aides européennes pour trouver le financement. On le cherche maintenant depuis un bon semestre ! Autres avancées : les dispositions fiscales nouvelles favorables notamment à la transmission des exploitations agricoles - articles 6 A à 6 D ; l'extension du régime de préretraite à cinquante-cinq ans aux agriculteurs qui décident de transmettre leur exploitation à un jeune bénéficiant de l'aide à l'installation - article 15 bis ; l'assouplissement du contrôle des structures demandé de partout - article 16 ; la revalorisation des retraites article 22 ; la réduction de cotisation des jeunes agriculteurs dont M. Vasseur a parlé tout à l'heure article 24 bis ; l'extension du TESA aux petites coopératives agricoles employant moins de onze salariés article 27 ; la suppression du commissaire du gouvernement auprès de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la création d'un conseil de surveillance de la MSA - articles 29 sexies et quinquies ; la suppression de l'IGP de la liste des signes de qualité et d'identification article 39 ; les nouvelles dispositions sur la biovigilance - article 43 ; l'introduction de la réciprocité article 45 bis A ; l'égalité d'accès aux formations supérieures de l'enseignement agricole public et privé article 59 - d'autres en ont déjà parlé, et, plus général ement, vous le comprendrez, monsieur le ministre, vous qui êtes un élu de la montagne pyrénéenne, le rétablissement de la place de l'agriculture de montagne - article 1er , article 2 -, auquel il faut ajouter la qualité montagne qui nous est chère.

En conclusion, ce n'est pas, monsieur le ministre, en bridant toute évolution, en la bureaucratisant toujours un peu plus,...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ah, le mot est lâché !

M. Jean Proriol.

... que l'agriculture française pourra s'adapter à une plus grande ouverture des marchés.

L'actualité des derniers jours l'a démontré. Pour nous, nous le répéterons à satiété, la première fonction de l'agriculture est et sera toujours de produire pour nourrir les hommes.

Je citerai pour terminer cette phrase de Claude Michelet, extraite de l' Histoire des paysans de France :

« Mais après-demain, qui peut jurer que nos petits-enfants n'auront pas faim, comme ont faim ceux, et ils sont légion, qui vivent en des pays où l'agriculture en est encore au stade de la cueillette ? » Votre projet de loi d'orientation avait été amélioré par le Sénat. Le rapporteur l'a dit, la commission aussi. Si vous ne retenez pas davantage les amendements de la Haute Assemblée que ne l'a fait la commission de la production et des échanges, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne pourra voter votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner en deuxième lecture le projet de loi d'orientation agricole.

A l'issue d'un débat riche, constructif, parfois passionné, nous avons adopté en première lecture un texte qui, il faut le dire, a été, avant son passage au Sénat, salué positivement à la fois par les milieux professionnels et par l'opinion. Ce texte a été modifié par un certain


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nombre d'amendements au Sénat. Certains seront repris et nous les voterons. D'autres, par contre, sont pour nous inacceptables. Cela tient à nos différences politiques.

Nous ne pouvons rien faire d'autre que l'admettre.

Le texte a ensuite été examiné en commission mixte paritaire. J'en faisais partie.

M. Christian Jacob.

Nous aussi !

M. Joseph Parrenin.

On peut en lire le compte rendu.

M. François Sauvadet et M. Christian Jacob.

Oui, absolument !

M. Joseph Parrenin.

La manière dont le président de la commission de la production et des échanges du Sénat a d'emblée posé le problème revenait à poser la question : comment échoue-t-on ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

C'est absolument faux !

M. Joseph Parrenin.

Au contraire, c'était tout à fait cela ! Il n'était pas question que la commission mixte paritaire aboutisse.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas un compte rendu fidèle !

M. Joseph Parrenin.

Les membres de la majorité de l'Assemblée nationale ont pris acte de cette volonté.

M. Philippe Vasseur.

Ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées.

M. Joseph Parrenin.

Telle ne semblait pas être l'intention de M. Souplet quelques jours auparavant. Quand nous sommes arrivés en commission mixte paritaire, nous avons été très surpris du ton et de l'orientation qui était prise. Nous en avons pris acte.

M. François Sauvadet.

C'est vous qui l'avez donné, le ton !

M. Joseph Parrenin.

Vous vouliez que la commission mixte paritaire échoue pour essayer d'agiter un peu le monde agricole à la veille des négociations importantes de Berlin.

M. Philippe Vasseur.

Non !

M. Joseph Parrenin.

Vous ne vouliez pas que la majorité et l'opposition se montrent d'accord sur un texte.

C'était cela le vrai sujet de discorde !

M. Christian Jacob.

Non ! Nous ne sommes pas d'accord sur le texte, c'est tout !

M. Philippe Vasseur.

Nous avons buté sur l'article 1er bis !

M. Joseph Parrenin.

Prenez vos responsabilités ! Il n'y a pas de honte à avoir fait échouer la commission mixte paritaire. Mais il faut avoir le courage de ses actes !

M. Christian Jacob.

C'est sur les conditions de la représentativité des syndicats agricoles que nous avons échoué.

M. Philippe Vasseur.

On a buté sur l'article 1er bis !

M. Joseph Parrenin.

La difficile négociation de la PAC est passée. Nous devons rendre hommage à l'ensemble de la délégation française et, d'abord, au ministre de l'agriculture M. Jean Glavany, qui a posé d'emblée les vraies questions.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas ce que vous disiez le 17 mars !

M. Joseph Parrenin.

Sans doute n'avons-nous pas obtenu tout ce que nous souhaitions !

M. Germain Gengenwin.

Vous nous faites sourire !

M. Joseph Parrenin.

Bien sûr, cet accord est encore trop orienté vers une baisse des prix et un alignement sur des cours mondiaux. Et sur quels cours mondiaux ? On peut en discuter, et les négociations prévues à l'automne dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce seront, c'est vrai, très difficiles. L'Europe a intérêt à êt re la plus unie possible avant de les entreprendre.

Malgré tout, il y a plusieurs points positifs.

Premièrement, la baisse des prix est limitée - le ministre l'a rappelé tout à l'heure.

Bien qu'insuffisamment budgété, le deuxième pilier - le développement rural - est acté, et c'est très important pour l'avenir. La loi d'orientation agricole à l'élaboration de laquelle nous travaillons définira un projet d'agriculture pour les dix, vingt ans à venir. Il nous paraît très important de définir dès aujourd'hui une orientation forte et courageuse.

Le projet de loi d'orientation agricole - on l'a déjà dit mais il est bon de le répéter - répond à une demande à la fois du monde rural et de l'ensemble des consommateurs, qui réclament des produits de qualité. Elle répond au besoin à la fois de sauvegarde de l'emploi dans le monde rural et de protection de l'environnement. C'est cela le fondement de la loi d'orientation agricole.

J'ai entendu des choses vraiment étonnantes. M. Jacob a dit que c'était le préfet qui allait signer.

M. Patrick Ollier et Mme Sylvia Bassot.

C'est vrai !

M. Joseph Parrenin.

J'ai été agriculteur pendant trente ans. C'est le DDA qui signait...

M. Germain Gengenwin.

Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. Joseph Parrenin.

... conseillé, assisté, et même souvent guidé par le président de la chambre d'agriculture ou de la FDSEA.

M. Christian Jacob.

Vous connaissez mal le règlement, monsieur Parrenin. Vous devriez savoir que c'est le préfet qui décide. Il délègue ses pouvoirs au DDA !

M. Joseph Parrenin.

Je sais bien comment les choses se passaient. Vous ne voulez pas de la réforme du contrôle des structures alors que la profession et le CNJA luimême la réclament.

M. Christian Jacob.

Je ne suis pas en proie aux lobbies, moi !

M. Joseph Parrenin.

Le CNJA sait très bien que c'est la condition à de nouvelles installations.

N ous avons besoin d'une politique agricole qui recouvre l'ensemble du territoire. Monsieur Proriol, j'ai lu la semaine dernière le dernier livre de Claude Michelet.

Si nous laissons boiser tout le Massif central, il n'y aura plus de productions agricoles dans vingt ou trente ans.

C'est aujourd'hui qu'il faut maintenir des agriculteurs sur l'ensemble du territoire, y compris dans le Massif central, les zones défavorisées, et les zones de montagne. Cela me paraît plus important que de prôner un productivisme à tout va et de n'avoir d'autre but, par exemple, que de faire passer la production de blé dans la Beauce de 120 à 200 quintaux pour vendre celui-ci de moins en moins cher...


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M. Christian Jacob.

Et il prétend avoir été paysan !

M. Joseph Parrenin.

Nous savons très bien, et François Patriat l'a dit, que, depuis dix ans, l'excédent de la balance commerciale dans le domaine agroalimentaire est le fait de plus en plus des produits élaborés et de moins en moins de matières premières. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Proriol.

Tant mieux !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie aujourd'hui, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation agricole, projet sur lequel le Gouvernement avait pourtant déclaré l'urgence.

Cette relance de la navette, qui retarde de plusieurs mois l'adoption du texte, aurait pu être évitée. En effet, alors que l'ensemble des organisations professionnelles nous demandaient de conclure rapidement sur la base du texte du Sénat, qui est une version équilibrée, la commission mixte paritaire a malheureusement échoué à cause de l'intransigeance...

M. François Patriat, rapporteur.

Des sénateurs !

M. Germain Gengenwin.

... de certains de nos collègues de la majorité, et notamment du rapporteur. Il faut dire les choses telles qu'elles sont.

M. François Sauvadet.

C'est tout à fait vrai !

M. François Patriat, rapporteur.

Il n'y a pas plus ouvert que le rapporteur ! (Sourires.)

M. Germain Gengenwin.

Elle a échoué sur des points importants comme la représentativité des syndicats agricoles et l'enseignement.

M. Joseph Parrenin.

Elle a échoué parce que vous avez poussé M. Souplet à la faire échouer !

M. Germain Gengenwin.

A part un seul point de divergence sur le logo concernant les produits d'appellation d'origine contrôlée, le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance soutient le texte tel qu'il a été adopté par le Sénat, car il comporte de nombreuses avancées, notamment sur le plan fiscal.

A la demande de votre rapporteur, la commission a, sur de nombreux points, remis en cause, malheureusement, ces acquis du Sénat...

M. François Patriat, rapporteur.

Quels acquis ?

M. Germain Gengenwin.

... et a rétabli le texte dans la version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, ce que, malheureusement, nous ne pouvons pas accepter.

Aussi, je me propose de vous rappeler notre position sur les principales dispositions du projet.

Le retour à la version adoptée par l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'article 1er bis qui rend obligatoire la représentation des principales organisations syndicales d'exploitants agricoles dans la quasi-totalité des organisations agricoles, spécifiques et générales, est pour nous un casus belli.

Le dispositif que vous voulez imposer est non seulement inapplicable dans la pratique, il est aussi contraire au principe de l'autonomie syndicale.

Nous ne voyons pas au nom de quoi les organisations qui ne sont pas représentatives siègent dans ces structures.

Nous proposerons plusieurs amendements au texte de la commission sur ce point, afin notamment d'exclure les interprofessions et les productions d'appellation d'origine contrôlée.

Le contrat territorial d'exploitation, que vous présentez comme l'épine dorsale de la réforme, fera beaucoup de déçus. Sur le terrain, les agriculteurs sont d'ailleurs en train de se rendre compte que vous leur vendez une coquille vide, ce qui aura des conséquences très négatives pour nos agriculteurs, que vous incitez non pas à produire mais à sous-produire.

A l'heure de la mondialisation, les perspectives d'avenir que vous proposez à l'agriculture ne sont guère encourageantes. Les moyens qui seront dévolus au fonds de financement des CTE ne sont pas du tout à la hauteur des besoins. Lors de la présentation du projet, vous aviez annoncé que des aides européennes viendraient compléter les 300 millions que le Gouvernement dégage péniblement pour le financement des CTE. Or nous savons aujourd'hui qu'il ne faudra pas compter sur une rallonge de l'Union européenne. Dans ces conditions, comment comptez-vous abonder le fonds, sachant qu'il faudra au bas mot 1,2 milliard pour financer les CTE ? Comment allez-vous faire pour rendre ce texte applicable ? Il ne s'agit pas uniquement de donner de faux espoirs aux agriculteurs, il faut assumer les conséquences de vos effets d'annonce.

Certes, il y a la modulation des aides et des primes, mais celle-ci risque surtout d'être un facteur de division plutôt que de cohésion.

Vous avez dit tout à l'heure, il est vrai, qu'il y aura un débat, mais il serait nécessaire, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez dès maintenant sur quels critères vous allez proposer cette modulation.

S'agissant du volet fiscal - sur lequel je ne m'attarderai pas car il a été longuement évoqué -, votre texte initial, présenté comme une grande loi d'orientation, faisait l'impasse totale sur ce sujet. Le Sénat a repris et fait adopter les propositions que le groupe UDF avait formulées en première lecture à l'Assemblée nationale. Je ne m'étends pas davantage sur ce point.

La question est trop grave pour être renvoyée aux calendes grecques. Face à la mondialisation, il est urgent de se donner les moyens, en particulier fiscaux, de rendre nos exploitations plus compétitives.

Comment pouvez-vous nous présenter une loi d'orientation agricole sans volet fiscal ? Les jeunes qui ont un projet d'installation, et qu'on veut inciter à l'installation, doivent clairement savoir dans quel genre d'entreprise ils s'engagent.

La précédente réforme de la PAC, en 1992, avait c onduit à de nombreuses cessations d'exploitation.

L'Agenda 2000 risque de produire les mêmes effets si l'on n'indique pas aujourd'hui, explicitement, aux jeunes qui s'installent dans quelle direction on veut les conduire.

L'article 30 bis, qui vise à rendre éligibles les parts des coopératives agricoles à la dotation pour investissement, doit être maintenu dans la version issue du Sénat, qui reprend la formulation proposée en première lecture par le groupe UDF.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez soutenus sur ce point. Je vous en remercie et j'espère que vous continuerez à nous soutenir.

M. François Patriat, rapporteur.

L'Alsace m'en saura gré ! (Sourires.)


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M. Germain Gengenwin.

Nous retirerons l'autre amendement que nous avions présenté sur cet article 30 bis, mais il conviendrait que le ministre nous soutienne aussi.

La pluriactivité pose d'énormes problèmes. La réponse que vous aviez donnée dans votre copie initiale n'était pas bonne. Sur proposition du groupe UDF, des avancées significatives avaient été apportées en première lecture. Là encore, le traitement de ce dossier très sensible a été renvoyé à plus tard, alors qu'il conviendrait de régler au plus vite le problème des distorsions de concurrence entre deux secteurs importants de notre économie.

S'agissant du contrôle des structures, nous regrettons son durcissement. Nous proposerons d'ailleurs des amendements pour relever le seuil de son déclenchement. Le groupe UDF s'opposera aux amendements de la commission qui remettent en cause les améliorations introduites par le Sénat dans ce domaine.

S'agissant du volet « qualité », vous renoncez à faire de l'IGP un cinquième signe de qualité. Nous en prenons acte.

L'article 40 ter , adopté par le Sénat avec l'avis favorable du Gouvernement, pose un vrai problème. Il ne saurait, en effet, être question d'imposer l'usage d'un logo AOC au secteur viticole. La commission a reconnu qu'il fallait supprimer cette disposition et je remercie, une fois de plus, le rapporteur d'avoir accepté l'amendement en ce sens de votre serviteur et de notre collègue François Sauvadet.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est un bon amendement !

M. Germain Gengenwin.

La suppression de l'article 42 bis doit être confirmée. Rien ne justifie la création d'un nouvel organisme chargé de la promotion des produits agricoles et alimentaires ; la SOPEXA et le CFCE ont vocation à remplir cette mission à condition qu'on leur en donne les moyens.

M. François Patriat, rapporteur, et Mme Béatrice Marre.

Il faut le dire à M. Guyau !

M. Germain Gengenwin.

Le problème est bien là, car le Gouvernement se désengage financièrement de la SOPEXA, ce que prouve amplement la diminution de ses crédits dans le dernier budget.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Germain Gengenwin.

Si nous devons créer un autre fonds de promotion, monsieur le ministre, soyez clair, et dites-nous de quelle manière vous allez le financer.

L'article 44 quinquies concerne la rédhibition à la vente des bovins présentant une réaction positive à la rhinotrachéite infectieuse. La profession considère que l'accord collectif serait plus approprié que la voie législative pour solutionner ce problème. Je proposerai donc un amendement.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Germain Gengenwin.

Votre projet opère une réforme a minima qui ne répond absolument pas aux défis que l'agriculture française aura à relever. Des améliorations y ont été apportées, notamment sur le plan fiscal. Il est indispensable de les confirmer.

L'achèvement de la réforme de l'assiette des cotisations sociales aurait été souhaitable. Le groupe UDF présentera une proposition tendant à extraire de cette assiette les revenus fonciers et à assurer ainsi une égalité de traitement entre les exploitants qui sont en fermage et ceux qui sont propriétaires de leurs terres.

C'est en fonction des réponses que vous apporterez à ces quelques observations que le groupe UDF déterminera sa position finale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à nous prononcer en nouvelle lecture sur le projet de loi d'orientation agricole dans un contexte fort différent de celui de la première lecture.

En effet, cette discussion fait suite à une actualité chargée, avec des éléments qui, hélas, nous préoccupent.

Je veux parler bien sûr de la réforme de la politique agricole commune, puisque l'examen de ce projet de loi d'orientation agricole, de retour du Sénat, intervient après l'adoption de cette réforme.

L es députés Verts sont loin de partager l'idée, largement diffusée, à grands coups de cocoricos, que le sommet de Berlin a été une réussite, malgré des avancées, que nous saluons, ou plutôt une limitation des dégâts, concernant la viande bovine et le lait par exemple.

M. François Sauvadet et M. Charles de Courson.

Très bien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

On peut s'interroger d'ailleurs sur la pertinence de la stratégie française - je m'adresse autant au Président de la République qu'au Gouvernement - qui réclamait en même temps la limitation stricte des dépenses européennes et le maintien, voire le développement, de la politique agricole commune.

A ce sujet, monsieur le ministre, nous souhaiterions vous poser deux questions.

C omment allons-nous permettre aux petites et moyennes exploitations qui risquent d'être touchées, comme elles l'ont été en 1992 - et celles qui ont survécu risquent de l'être encore plus maintenant - de franchir ce cap et de s'adapter à la nouvelle situation ? Comptez-vous utiliser la capacité de modulation des a ides, de l'ordre de 20, 25 %, proposée par l'Agenda 2000, pour atténuer l'impact de la réforme de la PAC, pour permettre une distribution plus équitable des aides et pour les réorienter vers l'emploi, l'environnement, la qualité et l'aménagement du territoire ? Les baisses des prix qui ont été proposées, dans une logique néo-libérale toujours à l'oeuvre, continueront, selon nous, à tirer la qualité de notre agriculture, mais aussi de l'agriculture mondiale, vers le bas, avec le cortège de dégâts sociaux et environnementaux qui s'ensuivront, en particulier dans les pays les plus pauvres et les pays du Sud.

Le gouvernement français, et nous l'avons soutenu, se proposait pourtant d'initier un changement de cap pour la PAC, dans le droit-fil de la philosophie de la loi d'orientation agricole ; cela, malheureusement, n'a pas eu lieu. Il est vrai qu'un vent libéral souffle sur beaucoup de nos partenaires européens, mais aussi sur le Président de la République et ses amis, et peut-être sur quelques membres de la majorité (Sourires), coincés parfois dans les contradictions et le double langage. On ne peut pas, en effet, à la fois prêcher l'exportation à tout prix et la compétitivité et réclamer des filets de sécurité sur fonds publics. Il faut choisir.

Pour notre part, nous avons choisi depuis longtemps.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

L'orientation générale de la présente loi, telle que votre prédécesseur et vous-même l'aviez exprimée, notamment dans l'article introductif, nous avait rassurés : l'agriculture française allait enfin sortir de ses tendances suicidaires qui font que les agriculteurs ne cessent de diminuer en nombre et les exploitations de grandir en surface.

Réorienter l'agriculture française en prenant en compte sa multifonctionnalité était un bon début. Nous avions, à cette occasion, exprimé notre approbation, mais aussi un certain scepticisme sur les moyens de financement de son principal outil, le contrat territorial d'exploitation.

Aujourd'hui, nos inquiétudes sont, hélas ! confirmées et même amplifiées sur ce sujet et sur d'autres, sur lesquels nous aimerions avoir des éclaircissements.

En effet, des interrogations persistent sur les outils de cette réorientation et plus particulièrement sur le CTE.

Aura-t-il les moyens de réorienter durablement l'agriculture française et d'en finir avec la voie sans issue d'un productivisme effréné ? Le doute est permis. Nous souhaitons savoir comment s'opérera le financement de toutes les mesures proposées dans le cadre du contrat ter-r itorial d'exploitation. Sachant que les dépenses de développement rural ne seront pas augmentées par le prochain Agenda 2000 comment pensez-vous financer ces dépenses ? Par ailleurs, deux points de validation du CTE doivent faire l'objet de précisions de votre part. L'emploi et la protection de l'environnement devront être tous deux pris en compte dans la conclusion des CTE, et non pas l'un ou l'autre. Quels critères retenez-vous : l'un, l'autre, les deux ? davantage ? lesquels ? Nous avons donc déposé à nouveau des amendements sur ces différents points.

Le contrat territorial d'exploitation doit ainsi, selon nous, avoir comme fondement - nous l'avions déjà dit lors de la première lecture - l'article L.

201 du code rural, car tenir compte de l'environnement peut paraître un slogan incantatoire, comme on en a entendu beaucoup, si cette simple définition n'est même pas mentionnée dans la loi.

D'autres points restent en suspens.

D'autres agriculteurs attendent votre aide. Ce sont notamment les agriculteurs biologiques qui ont fait la démarche d'une agriculture respectueuse de la terre et de la santé depuis de nombreuses années, sans aide et avec beaucoup de difficultés, et qui voient leurs voisins, nouveaux convertis, bénéficier de l'engouement actuel, parfois à leur détriment.

Quant à la question des organismes génétiquement modifiés, elle est pour nous essentielle. Vous devez montrer votre détermination à aller vers une agriculture soucieuse de la biodiversité, de l'autonomie des agriculteurs, de la santé et de la sécurité des consommateurs. Nous attendons de vous un accord au niveau européen pour un moratoire de cinq ans sur les autorisations de commercialisation de plantes transgéniques.

Ce serait adopter une attitude responsable vis-à-vis des générations futures que d'appliquer ainsi le principe de précaution dans un domaine où, manifestement, on n'en sait pas encore assez. Les Français attendent une telle initiative, et les témoignages de soutien en sa faveur nous le montrent tous les jours.

Enfin, les citoyens doivent pouvoir être représentés, par le biais des associations de consommateurs et de celles qui travaillent dans le domaine de l'environnement, dans des instances telles que les commissions départementales d'orientation agricole.

Enfin, nous vous demandons d'examiner avec attention notre proposition de créer un institut de l'agriculture durable. Il montrerait une réelle volonté d'autonomie de la recherche pour des solutions de développement agricole durables. Celles-ci existent dans de nombreuses régions.

Elles méritent d'être approfondies et vulgarisées auprès des agriculteurs intéressés, qui sont nombreux.

Monsieur le ministre, je vous remercie de répondre, autant que vous le pouvez, à nos interrogations et de faire bon accueil aux quelques amendements importants que nous apportons au débat, lors de cette nouvelle lecture d'un projet de loi dont nous approuvons, et dont nous a vons toujours approuvé la philosophie d'ensemble.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a trois ans le Président de la République demandait au gouvernement de l'époque, et à notre collègue Philippe Vasseur, alors ministre de l'agriculture, de préparer un projet de loi permettant à l'agriculture française de relever les grands défis du

XXI E siècle.

La majorité ayant changé, c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a repris ce projet, en y apportant des modifications.

Le projet de loi qui nous était présenté à l'automne d ernier comportait des avancées intéressantes : par exemple, le principe de contractualisation ou bien le nouveau statut de collaborateur d'exploitation.

Toutefois, sur de trop nombreux points, il appelait des critiques négatives. Ainsi, il éludait l'aspect économique de l'agriculture, et notre assemblée avait confirmé, malheureusement, cette orientation.

Les sénateurs ne souhaitant pas voir le « syndrome de Perrette » gagner la profession - je veux dire « Adieu veau, vache, cochon, couvée » - ont, dans leur très grande sagesse, apporté des modifications indispensables pour que le texte soit plus cohérent et plus en phase avec les attentes du monde agricole, afin de préserver la responsabilité et la liberté des agriculteurs et de renforcer leur rôle économique.

Pour préserver la liberté et la responsabilité des agriculteurs, le Sénat a introduit certaines dispositions fiscales d'application immédiate qui paraissent intéressantes, puisq u'elles visent à encourager les transmissions d'exploitation à des jeunes.

De même, afin de laisser la liberté de choix en matière d'enseignement agricole, le Sénat a permis l'égalité d'accès aux formations supérieures de l'enseignement agricole public et privé.

Mais devant les lacunes du texte initial, la Haute Assemblée a souhaité aussi renforcer la contribution des agriculteurs à l'économie, en insistant sur la qualité et en modifiant le CTE.

Les sénateurs ont modifié le texte voté par les députés qui consistait à faire de l'indication géographique protégée un nouveau signe de qualité alors que, jusqu'à présent, celle-ci devait être adossée à un signe de qualité existant.

Le choix de préserver le dispositif existant tout en renforçant le rôle de l'INAO sur l'ensemble des certifications d'origine est à la fois le gage d'une meilleure efficacité et une réponse aux attentes des consommateurs, pour lesquels une attestation d'origine est nécessairement la marque d'un produit de qualité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Le camembert au lait cru, malmené actuellement par un principe de précaution poussé jusqu'à l'absurde, le boudin noir de Mortagne cher à mon ami Jean-Claude Lenoir,...

M. Félix Leyzour.

La saucisse de Strasbourg !

Mme Sylvia Bassot.

... le calvados cher à notre ami Mexandeau...

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais, moi aussi, j'aime le calva !

M. Daniel Marcovitch.

On s'en doute ! (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale.)

Mme Sylvia Bassot.

Votre propos, monsieur Marcovitch, à un caractère désobligeant qui m'étonne de votre part.

Calvados, poiré et cidre, camembert au lait cru et boudin de Mortagne sont autant de produits du terroir normand que le consommateur identifie comme étant sains et goûteux du fait de leur origine.

Pour renforcer le rôle économique des agriculteurs, les sénateurs ont aussi amélioré le CTE. Celui-ci ne constituera une avancée que s'il devient un outil de développement d'une agriculture de qualité, articulant plus étroitement logique économique, environnementale, territoriale et sociale.

Mme Béatrice Marre.

C'est ce que nous proposons !

Mme Sylvia Bassot.

Les sénateurs ont amélioré la lisibilité du texte, notamment en clarifiant le contenu du CTE, en revoyant les critères d'attribution des aides...

M. François Patriat, rapporteur.

Non !

Mme Sylvia Bassot.

... et en créant un fonds spécifique de financement afin de supprimer les redéploiements de crédits.

M. François Patriat, rapporteur.

Ce ne sont pas eux qui paient !

Mme Sylvia Bassot.

Pour finir, je voudrais faire remarquer, comme Philippe Vasseur et François Sauvadet, qu'il est tout de même paradoxal que ce projet de loi ait été rédigé sans tenir compte du contexte européen qui bouleverse totalement la donne en matière d'aides.

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai déjà répondu sur ce point !

Mme Sylvia Bassot.

Et ce malgré un accord moins désavantageux que nous ne le craignions, obtenu grâce à l'opiniâtreté du Président Chirac et du Premier ministre.

M. François Patriat, rapporteur.

Et de Jean Glavany !

Mme Sylvia Bassot.

De même, je regrette vivement qu'en commission on n'ait pas davantage suivi le Sénat et qu'on soit revenu à plusieurs reprises au texte voté en première lecture, s'entêtant dans une vision par trop jacobine et idéologique de notre agriculture.

Un agriculteur, monsieur le ministre, est avant tout un producteur, et la noblesse de son métier est de valoriser sa production et de nourrir ses semblables.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En effet !

Mme Sylvia Bassot.

Au moins, nous avons l'air d'accord là-dessus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Sur presque tout !

Mme Sylvia Bassot.

Il n'a pas vocation à devenir le jardinier de la nation, n'en déplaise à Mme Voynet.

M. François Patriat, rapporteur.

C'est désobligeant pour Mme Voynet !

Mme Sylvia Bassot.

L'agriculture ne sera présente sur nos territoires que si elle est d'abord présente sur nos marchés...

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Félix Leyzour.

Et réciproquement !

Mme Sylvia Bassot.

... et dans nos petites épiceries de village, pour continuer à proposer les produits du terroir, tels que, dans l'Orne, dont je suis l'élue, la crème fraîche crue, les oeufs non calibrés, le lait cru, le beurre à la baratte et la viande de nos herbages.

M. Félix Leyzour.

Très bien !

Mme Sylvia Bassot.

Le projet tel que la commission l'a amendé concourt à une suradministration, voire à une bureaucratisation de la profession tout à fait préjudiciable pour l'avenir, et je crains que nos agriculteurs ne soient obligés de se préoccuper avant tout de leurs rapports avec leur sponsor principal, c'est-à-dire l'Etat, et de passer plus de temps sur les paperasses que sur l'exploitation ellemême.

Ce texte n'est pas assez ambitieux, et il est trop passéiste.

On pourrait le comparer à un araire, dont le guide gouvernemental trace des sillons qui ne sont ni assez droits ni assez profonds pour que la récolte soit bonne.

En conclusion, autant vous dire, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, que l'opposition aurait préféré un projet plus moderne, plus dynamique et véritablement porteur d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, six mois très exactement se sont écoulés depuis la première lecture du projet de loi d'orientation agricole présenté à l'époque par M. Louis Le Pensec, et le paysage a sensiblement changé. Le Sénat, cette fois en votre présence, monsieur le ministre, a certes enrichi le texte sur de nombreux points, mais a aussi tenté de l'altérer si profondément que la commission mixte paritaire a échoué, et, surtout, la réforme de la politique agricole commune est intervenue dans l'intervalle.

Je souhaiterais dire, au début de cette deuxième lecture, en quoi cette loi d'orientation agricole me semble peut-être encore plus nécessaire et pertinente aujourd'hui que lors de sa première présentation devant notre assemblée, et ce pour trois raisons.

C'est le cas au regard de la politique agricole commune, tout d'abord.

Si nous pouvons féliciter - et je ne résiste pas au plaisir de féliciter à nouveau, d'abord le ministre de l'agriculture, puis le Premier ministre et le Président de la République -,...

M. François Sauvadet.

Eh oui !

Mme Béatrice Marre.

Mais je le pense !

M. François Patriat, rapporteur.

Nous sommes honnêtes, nous !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Mme Béatrice Marre.

... des avancées considérables obtenues à Berlin au regard des propositions Fischler sur les organisations communes de marché, force est toutefois de constater l'échec relatif de cet accord de Berlin quant à une véritable réorientation de la PAC.

Aussi la loi d'orientation agricole doit-elle, me semblet-il, confirmer la volonté française d'installer ce deuxième pilier de l'agriculture que constitue la prise en compte des territoires, de l'emploi, de l'environnement, en s'inscrivant dans les ouvertures, même modestes, présentes dans les conclusions du sommet de Berlin.

Quelles sont ces ouvertures ? J'en vois au moins deux.

Tout d'abord, la reconnaissance officielle du développement rural comme deuxième pilier de la PAC, ce qui, M. Vasseur l'a rappelé, n'était pas acquis d'avance.

Les Allemands ont au moins évolué sur ce point en acceptant de reconnaître ce deuxième pilier. Si ce volet de la politique agricole commune n'a pas obtenu les moyens véritables de la montée en puissance que nous souhaitions, son principe est accepté. A nous de lui donner un contenu.

En second lieu, le rééquilibrage des aides. L'accord, là aussi officialisé, de maîtrise, par les Etats membres qui le souhaiteront, des modalités de modulation des aides directes nous ouvre la possibilité de mettre en oeuvre les moyens nationaux d'une réorientation des aides.

M. François Sauvadet.

C'est bien là le problème.

Mme Béatrice Marre.

C'est l'objet de l'article 4 du projet de loi. Nous y reviendrons au cours du débat sur les articles.

Cette loi est également plus pertinente aujourd'hui au regard des négociations de l'OMC.

L'accord de Berlin, que je qualifierai personnellement plus volontiers de révision de la politique agricole commune que de réforme, nous permettra certes de faire face en bon ordre à nos partenaires commerciaux agricoles, les Etats-Unis et le groupe de Cairns notamment, du simple fait de son existence comme base de négociation actualisée. Toutefois, la France se doit de faire un pas de plus, pas du reste attendu, par exemple par des pays candidats à l'adhésion, la Pologne et la Hongrie notamment.

Ce pas supplémentaire, allant dans le sens d'un plus grand découplage des aides, c'est cette loi d'orientation agricole et son pilier central qu'est le CTE. Je l'ai dit tout à l'heure, elle nous mettra dans une situation un peu comparable à celle des Etats-Unis : loi d'orientation agricole d'un côté et Fair Act de l'autre.

Elle est plus pertinente aujourd'hui au regard des attentes tant de nos concitoyens que de la profession agricole elle-même, et en particulier des jeunes.

La faible réorientation de la PAC, ajoutée à son manque d'ambition initiale, que nous avons dénoncé depuis le début, renforce les espoirs attendus de la loi d'orientation agricole.

La création du CTE, les mesures proposées en termes de politique des structures, d'emploi, de pluralisme, la politique de qualité, d'identification et de sécurité des produits, notamment, y répondent.

J'ajoute que l'article 65 constitue un engagement du G ouvernement auquel le groupe socialiste s'associe.

L'adaptation de la fiscalité agricole, en cohérence avec celle des autres catégories d'actifs ruraux - vous nous avez parlé, messieurs et mesdames les députés de l'opposition, de la fiscalité agricole, mais il y a aussi la cohérence avec celle des autres actifs ruraux - est un complément indispensable à cette loi d'orientation, même s'il était clair qu'elle ne pouvait entrer dans ce cadre, pour des raisons qui ont été déjà évoquées.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le sentiment personnel que les cinq mois évoqués au début de mon intervention n'auront pas été inutiles. Nous arrivons aujourd'hui, avec les améliorations apportées par le Sénat - qui aurait souhaité, notamment M. Souplet, sénateur de l'Oise, que je connais bien, que la CMP aboutisse, mais on a vu un durcissement qui n'était pas de son fait ni d'ailleurs de celui du président Poncelet -...

M. François Sauvadet.

Vous y avez contribué ! Je me souviens de l'aspect procédurier !

M. François Patriat, rapporteur.

C'est la faute du RPR !

Mme Béatrice Marre.

... et avec les amendements proposés aujourd'hui même par la commission de la production et des échanges, à un texte qui fera date pour les années à venir. A nous de l'améliorer encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-on voter une loi d'orientation agricole sans qu'y figure un volet sur les charges sociales et fiscales des exploitations ? Bien entendu, la réponse est négative, car la discrimination qui frappe l'agriculteur ou le viticulteur, et en particulier les entreprises individuelles, est considérable, tant à l'égard des exploitations qui ont choisi la forme sociétaire qu'à l'égard des entreprises des autres pays de l'Union européenne.

Cette carence du projet de loi est d'autant plus grave que les décisions prises à Berlin le 26 mars vont se traduire, pour les producteurs de céréales, d'oléo-protéagineux et même de viande, par des chutes de revenu importantes, par la relance de la course à l'agrandissement et par l'aggravation des disparités géographiques.

Dans mon département, monsieur le ministre, on vient de faire des simulations sur ce que donne l'accord de Berlin. Les exploitations les plus productives, qui sont dans la Champagne crayeuse, vont connaître une chute de 14 % en moyenne de leur revenu, et celles situées dans la Brie champenoise de 27 %.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non !

M. Charles de Courson.

En cas de modulation des aides, ces taux seront encore aggravés, et je tiens les chiffres à votre disposition.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je les connais !

M. Charles de Courson.

Non, les simulations viennent de sortir.

Aussi, mes chers collègues, le groupe UDF et, plus largement, l'opposition nationale n'ont cessé de dire que la baisse des charges fiscales et sociales constituait un impératif au regard de la nouvelle réforme de la PAC et des f utures négociations de l'Organisation mondiale du commerce.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

L'avenir de l'agriculture et de la viticulture françaises est à l'exportation. Il faut donc réduire leurs charges sociales et fiscales pour améliorer leur compétitivité par rapport aux autres agriculteurs, européens, nord-américains et sud-américains.

Deux grandes voies doivent être suivies. Tout d'abord, il faut favoriser le développement des entreprises agricoles et viticoles en encourageant l'autofinancement et le développement de la transformation des produits agricoles et viticoles. En second lieu, il faut faciliter la transmission des entreprises dans un cadre familial et en faveur des jeunes.

Pour favoriser le développement des exploitations agricoles, il faut poursuivre la réforme de l'assiette des cotisations sociales.

Les exploitations individuelles paient des impôts et des cotisations sociales sur une assiette non représentative du revenu réellement disponible. Il convient donc d'achever l'éclatement du revenu agricole entre ses trois composantes - le revenu du capital foncier, le revenu du capital non foncier et le revenu du travail de l'agriculteur - et de ne faire payer des cotisations sociales que sur le seul revenu du travail.

La loi de modernisation agricole de 1994 avait amorcé la réforme en sortant le revenu foncier du revenu imposable et cotisable. Cependant, ce n'est qu'à travers la réforme de l'assiette du foncier non bâti, qui sert de référence pour le calcul du revenu foncier, qu'aurait pu être achevée cette réforme, mais vous y avez renoncé. Aussi, il ne reste plus qu'à conforter par la loi la récente jurisprudence qui tend à reconnaître la déductibilité du loyer fictif de l'exploitant au propriétaire foncier qu'il est souvent pour une partie de sa ferme.

La seconde réforme consiste à sortir de l'assiette « cotisable » et imposable à l'impôt sur le revenu le revenu du capital non foncier. Mais comment, techniquement, distinguer le revenu du travail de celui du capital non foncier ? En première lecture, et à plusieurs reprises au cours des années précédentes, j'avais proposé, avec mes collègues de l'UDF, d'instaurer une réserve spéciale d'autofinancement, qui permettrait à chaque exploitant individuel de déduire de son revenu une somme consacrée aux investissements, et qui viendrait conforter les capitaux propres de l'entreprise agricole et viticole. Cette provision, qui interviendrait en sortie de la dotation pour investissement, serait taxée au taux des plus-values à long terme, 19 %, dans la limite d'un plafond.

Ainsi, l'exploitant individuel bénéficierait du même dispositif que celui qui a été octroyé aux PME, qui ne supportent qu'un taux réduit d'impôt sur les sociétés, au taux de 20,9 %, sur les 200 000 premiers francs de bénéfices. En cas de retrait de ces sommes immobilisées en réserves, l'exploitant supporterait une taxation à l'impôt sur le revenu à son taux marginal, net du taux des plusvalues à long terme, et des cotisations sociales aux taux normaux.

Si on voit aujourd'hui se multiplier les structures sociétaires, monsieur le ministre, c'est que leur revenu est éclaté entre ces trois composantes. Laissez faire les choses, me direz-vous, que tout le monde se mette en société ! Ce serait une profonde erreur, parce que les petites et moyennes structures n'y ont souvent pas intérêt, pour des raisons patrimoniales ou en raison du coût de gestion de ces structures.

Avec ma proposition seraient fortement atténuées les discriminations entre les entreprises agricoles exerçant leur activité sous forme de société et celles exerçant leur activité sous forme d'entreprise individuelle.

Les organisations agricoles représentatives se déclarent favorables à un tel dispositif, comme en témoigne le rapport du dernier congrès de la FNSEA, qui s'est tenu à Versailles.

Le développement de l'exploitation agricole serait facilité si on favorisait l'investissement des entreprises agricoles et viticoles dans la transformation de leurs produits.

Il faut favoriser l'investissement des agriculteurs vers l'aval, de façon à leur permettre d'exercer un contrôle sur la transformation et la commercialisation de leur produits agricoles. A défaut, l'agro-industrie captera une part croissante de la valeur du produit fini et imposera à l'agriculteur ou au viticulteur des prix qui réduiront peu à peu ses revenus.

Dans le cadre de la première lecture de la loi d'orientation agricole, un amendement permettant l'éligibilité à la dotation pour investissement de l'achat de parts sociales des sociétés coopératives agricoles a été adopté à la quasiunanimité et nous continuerons à nous battre pour que la dotation pour investissement soit également éligible pour l'achat de parts sociales de tout autre organisme mutualiste, ou d'actions ou de parts de société assurant la transformation ou la commercialisation de ses produits.

Enfin, il faut faciliter la transmission des exploitations agricoles.

M. François Sauvadet.

Absolument !

M. Charles de Courson.

Vous le reconnaissez vousmême, monsieur le ministre. Nous vous proposons un dispositif qui évite la double taxation « plus-values et droits de succession » et qui favorise la reprise de l'exploitation agricole par les jeunes agriculteurs. C'est d'ailleurs un schéma qui a été retenu par le Sénat, mais malheureusement écarté en commission.

En conclusion, l'absence de volet fiscalo-social dans le projet de loi d'orientation agricole constitue l'une des plus graves carences de votre texte. Ecoutez l'opposition et même une partie de vos amis, qui, en privé et parfois même en public, reconnaissent le bien-fondé de nos propositions.

M. Germain Gengenwin.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

Plus largement, acceptez des amendements qui ont pour seul objet de rétablir la compétitivité des exploitations agricoles et viticoles franç aises et l'égalité entre les différentes formes d'exploitation.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Charles de Courson.

Si vous le faites, la loi d'orientation agricole ne sera plus une petite loi vite oubliée, mais une grande loi qui fera date. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions de l'accord de Berlin donnent apparemment satisfaction aux agriculteurs, puisque le calme est revenu dans nos campagnes.

En ce qui me concerne, j'ai quelques regrets, d'abord parce que le plafonnement des aides n'a pas été retenu - dans notre pays, on aura réussi à tout écrêter, sauf


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

l'aide aux grandes surfaces agricoles -, ensuite parce que certaines ambitions exprimées dans la première mouture du texte, n'ont pu être prises en compte.

Il en résulte, à mon avis, deux inconvénients majeurs : la poursuite d'une agriculture productiviste, avec ses inconvénients, et la baisse non compensée des revenus des petites et moyennes exploitations que l'écrêtement aurait permis de corriger. La course à l'agrandissement va continuer de plus belle et la place laissée aux jeunes se rétrécira d'année en année pour se limiter à une filiation directe sans l'arrivée extérieure de jeunes pourtant formés dans nos lycées.

Le modèle agricole français que nous essayons de définir à travers cette loi d'orientation souffrira forcément des incidences de la politique européenne revue et corrigée, qui aura fait fi d'un pilier essentiel du développementr ural, vous l'avez vous-même regretté, monsieur le ministre.

Pourtant, il reste une possibilité novatrice qu'il faudra mettre en place avec beaucoup de conviction, c'est le contrat territorial d'exploitation.

Certes, les agriculteurs n'aiment pas les formalités administratives - il est vrai que les systèmes européens ne l es en privent pas -, mais le contrat territorial d'exploitation a une importance vitale pour le milieu rural lui-même. Il doit permettre aux agriculteurs de renouer le lien qui les unissait jadis à leur village. Les aides à l'implantation des bâtiments agricoles à l'extérieur des agglomérations ont, certes, atteint leur objectif, les outils mis en place sont opérationnels et évitent les gênes liées à la production et à l'élevage pour les autres habitants de nos agglomérations. Peu à peu, les maisons d'habitation ont suivi le même itinéraire et les exploitants sont hors agglomération, hors village, avec tous les inconvénients que cela entraîne.

Le dernier paragraphe du CTE relatif aux prestations en direction des collectivités locales permettrait de rétablir le cordon qui reliait l'exploitant et la commune. Je prends le seul exemple du déneigement en hiver pour illustrer mon propos. Les entreprises spécialisées ne peuvent être simultanément dans toutes les communes - j'en ai 240 dans ma circonscription.

Il est certain que les exploitants pourraient apporter, tôt le matin, la bonne réponse, tant pour le déneigement que pour l'épandage du sel. J'ai acheté une lame de chasse-neige à l'unique exploitant que j'ai encore dans ma commune, mais il ne veut plus s'en servir.

Avec la contractualisation, toutes les incitations et les aides afférentes, je suis certain que des solutions sont possibles, en plus de tous les aspects positifs que contient le CTE.

Monsieur le ministre, mettez toute votre conviction - nous y mettrons la nôtre - dans la mise en place du CTE, avec des financements appropriés. Ils seront certes essentiellement nationaux, mais ce sera une réponse correcte aux besoins de la ruralité.

J'en viens à l'autre aspect de l'aménagement rural : la gestion du foncier rural par les SAFER.

La réduction à 0 % des droits payés par les SAFER lors des acquisitions de propriétés agricoles n'apporte pas un écart incitatif suffisant pour garantir le niveau actuel des flux de terres orientés par les SAFER. Il conviendrait d'étendre ce taux à toutes les opérations conduites par les SAFER dans le cadre de leur mission de service public, en ce qui concerne notamment les forêts, la revitalisation agricole, etc., d'apporter aussi une incitation complémentaire aux agriculteurs préférant s'adresser à la SAFER plutôt que de surenchérir dans les transactions.

Enfin, le coût de fonctionnement, naguère pris en charge par l'Etat à 50 %, ne l'est plus qu'à 12 %. L'autofinancement étant impossible, il conviendrait de revaloriser le financement des SAFER pour leur permettre de poursuivre leur mission de service public.

Les contrats d'objectifs que votre ministère s'apprête à conclure devraient apporter les assurances nécessaires à cet opérateur indispensable de l'aménagement rural.

En conclusion, cette deuxième lecture du projet de loi d'orientation agricole, dont j'approuve bien sûr les orientations, doit nous permettre d'affirmer le triple rôle que nous attendons de notre agriculture : une production de qualité et une revalorisation des terroirs ; une prise en c ompte impérative des données environnementales ; enfin, la pratique d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural, dans une cogestion intelligente, où la discussion l'emporte sur les actions violentes visant à imposer des points de vue corporatistes et souvent égocentriques. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

A l'issue de cette discussion générale, je voudrais répondre brièvement, mais aussi exhaustivement que possible, à l'ensemble des orateurs.

Monsieur Leyzour, j'ai été très sensible à vos propos amicaux et je partage votre analyse de l'accord de Berlin.

Il a fallu limiter les dégâts, et je crois que nous y sommes à peu près parvenus.

Effectivement, la baisse des prix n'est pas une fin en soi. Se rapprocher du prix du marché ne suffit pas à définir une politique et, surtout, ne veut pas dire grand-chose dans certaines circonstances.

Cela ne veut pas dire grand-chose par exemple en matière de viande bovine. Même si on baisse les prix de 20 à 30 %, le prix argentin, le plus bas du marché, étant 70 % au-dessous du prix européen, il restera toujours 50 % de différence et les transferts de flux commerciaux seront très limités.

Ce « prix du marché » n'a guère de sens lorsque 81 %, voire 85 % ou 90 % des échanges sont intracommunautaires et se déroulent donc à l'intérieur du marché unique européen. Dans cette négociation, nous avons essayé de combattre l'idée selon laquelle le marché mondial, qui n'est souvent qu'une utopie ou une abstraction théorique, doit guider l'ensemble de nos choix.

Enfin, vous avez dit, avec raison, que, pour ceux qui n'en veulent pas, la loi d'orientation agricole vient toujours trop tôt ou trop tard. Pour autant, est-il vain de vouloir répondre aux questions qu'elle soulève ? M. Jacob s'est borné à défendre le texte du Sénat. Mais n'est-ce pas une étrange conception de la démocratie que de défendre le choix de la minorité politique ?

M. Patrick Ollier.

Au Sénat, c'est la majorité !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est une minorité politique.

M. Philippe Vasseur.

Nous sommes minoritaires à l'Assemblée, pas au Sénat !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je conçois que votre assemblée envie le Sénat, son mandat de neuf ans et, surtout, son « indissolubilité ». (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Sylvia Bassot.

Le Pensec a montré la voie !

M. André Angot.

Le déserteur Le Pensec a choisi le Sénat !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai partagé ces motifs de jalousie, et je les partagerai probablement encore. Toutefois, je suis toujours surpris lorsqu'une assemblée élue au suffrage universel direct adopte pour religion la position d'une chambre haute élue au suffrage censitaire.

M. Christian Jacob.

C'est méprisant pour le Sénat !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En outre, on fait une drôle de lecture de la Constitution de 1958 si l'on oublie que le général de Gaulle lui-même a voulu que l'Assemblée nationale ait toujours le dernier mot. Or, monsieur Jacob, vous défendez la position du Sénat comme s'il devait avoir, lui, le dernier mot,...

M. Charles de Courson.

Et François Mitterrand ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... oubliant en cela les convictions constitutionnelles du fondateur de la Ve République.

M. Charles de Courson.

Et celles de François Mitterrand ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne vous suivrai pas sur ce terrrain constitutionnel-là.

Monsieur Jacob, je ne jouerai pas avec vous au petit jeu qui consiste à comparer ce que le ministre - un minable - a obtenu, avec ce que le Président - un dieu a remporté. Vous avez le droit d'avoir une telle conception, mais vous aurez du mal à faire croire à l'opinion que, le 11 mars, c'était la nuit, que, à Berlin, c'était la lumière...

M. François Sauvadet.

Passer de la nuit à la lumière, c'était une de vos expressions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et qu'entre les deux il s'est produit une espèce de miracle. Je pourrais entrer dans le détail et vous dire, par exemple, qu'en ce qui concerne le lait j'ai obtenu que la réforme soit reportée de trois ans et que le Président de la République a obtenu deux ans de plus. Cela fait 3 à 2.

Vais-je dire que ce résultat est en ma faveur ? Non, je me réjouis simplement que le Président de la République ait obtenu deux ans de plus, et je trouve que c'est une très bonne nouvelle pour le secteur laitier.

De même, j'ai obtenu que la baisse du prix de la viande bovine soit limitée non plus à 30 %, mais à 20 %, soit 10 % de moins. De son côté, le président a obtenu que la baisse des prix des céréales soit limitée non plus à 20 %, mais à 15 %, soit 5 % de moins. Vais-je pour autant parler d'un score de 10 à 5 ?

M. Christian Jacob.

Et les majorations ? Et les interventions ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, je n'en tire aucune gloire. Je me réjouis que le Président de la République ait obtenu la limitation de la baisse du prix des céréales, un point c'est tout.

Arrêtons donc ce petit jeu, monsieur Jacob, je vous en supplie. Vous devriez comprendre - je sais bien que c'est dur pour vous, qui êtes batailleur, mais prenez sur vous -...

M. Christian Jacob.

Mais je me bats, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... que, dans la vie politique, les responsables de l'exécutif peuvent parfois s'entendre pour défendre l'intérêt général de la France. Cela arrive.

M. Charles de Courson.

C'est très centriste !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, ce n'est pas centriste, c'est responsable.

M. Daniel Marcovitch.

C'est républicain !

Mme Sylvia Bassot.

Que dit-il, le Serbe ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jacob prétend d'autre part que je veux « casser » les organisations professionnelles agricoles, les OPA. Qu'est-ce qui l'autorise à affirmer cela ? Quels propos, quelles propositions, quelles mesures du projet de loi ? La défense du pluralisme, c'est la reconnaissance du fait démocratique.

Je l'ai dit au Sénat, je le répète ici, la démocratie, c'est à la fois la reconnaissance des droits des minorités et celle du fait majoritaire.

M. André Angot.

Il vient de dire le contraire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela vaut ici, dans cette assemblée, symbole et creuset de la démocratie. Cela doit prévaloir aussi dans les organisations professionnelles et dans un certain nombre de structures.

M. André Angot.

Sauf pour le Sénat !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les organisations professionnelles elles-mêmes nous disent qu'elles ont maintenant adopté ce principe de pluralisme.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas l'inscrire dans la loi ?

Mme Sylvia Bassot.

Faites de même avec le Sénat !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, il serait faux de parler de votre capacité à fouiller dans les poubelles, car je pense que vous avez des activités beaucoup plus nobles.

M. Christian Jacob.

J'ai simplement cité un communiqué que vous m'avez envoyé sur mon fax !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai vérifié, ce n'était pas un communiqué du ministère et cela ne vous était pas adressé. Vous pouvez interpréter comme vous le voulez ces arguments, pour essayer de leur faire dire ce qu'ils ne peuvent pas dire.

M. Christian Jacob.

Ça venait du ministère ou non ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne parlerai pas non plus de votre capacité à éplucher mon emploi du temps. Vous êtes, je le remarque, fort critique lorsqu'un ministre reste proche de son terrain et de sa terre d'élection. Je ne considère pas, quant à moi, que ce soit un scandale.

Vous l'avez dit, en matière de structures, nous ne vivons pas dans le même monde. C'est possible. Vous avez fait allusion à votre exploitation de 100 hectares que vous souhaitez pouvoir transmettre à vos enfants. Rien, dans la loi, ne menace cette transmission. En revanche,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

vous n'avez pas dit, ce dont nous avons eu parfois l'occasion de parler, que cette exploitation n'a pas seulement 100 hectares, mais qu'elle bénéficie d'un quota de 600 000 litres de lait. En effet, nous ne vivons pas dans le même monde : dans ma circonscription, dans mon département, on est heureux lorsqu'on arrive à trouver 100 000 litres de lait pour un exploitant, car c'est assurer un avenir à sa famille. Il faut préciser les choses pour mieux se comprendre.

Je partage le point de vue de M. Rebillard. Le vote de cette loi est un choix politique. Si l'on en doutait, il suffirait d'observer les réactions dans l'hémicycle. Nous devons répondre à une attente de la société, qui accepte que les aides publiques à l'agriculture soient élevées, mais qui exige qu'elles soient légitimes.

Rien ne menace davantage l'agriculture que ce raisonnement qui prétend qu'elle coûte de plus en plus cher, pour des agriculteurs de moins en moins nombreux, qui produisent des denrées de moins en moins bonne qualité, en polluant de plus en plus les sols. Elle doit être, au contraire, un secteur où la dépense est maîtrisée, pour des agriculteurs aussi nombreux que possible, pour des productions de plus grande qualité et dans un environnement préservé. Telle est la réponse logique, responsable et équilibrée, que nous devons apporter à cette exigence de la société.

Monsieur Proriol, je n'ai jamais cru que le CTE était une solution miracle. Je ne crois d'ailleurs pas aux solutions miracles en politique ou en matière fiscale.

M. Christian Jacob.

Vous n'êtes pas vraiment socialiste !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La vie publique s'accommode très mal des solutions miracles, monsieur Jacob. Elle exige des outils adaptés, crédibles, qu'il revient ensuite aux responsables de faire vivre.

Aujourd'hui, il nous revient de transformer une abstraction théorique en réalité, de la traduire dans les faits, dans les contrats, et de la faire vivre avec des financements. Nous devons prouver le mouvement en marchant.

M. Proriol a parlé de « bureaucratisation ». D'après lui, la majorité et le Gouvernement n'auraient rien d'autre à proposer aux agriculteurs qu'une « bureaucratie paperassière ». Je réponds toujours à ces accusations avec sérénité.

Quand un agriculteur ira signer un contrat avec un préfet ou un directeur départemental de l'agriculture, ce sera une épouvantable bureaucratie, alors que, quand il va, aujourd'hui, à la DDA chercher 500 000, 1 million, 1,5 million ou 2 millions d'aides PAC, ce serait du libéralisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

C'est une caricature ! Il n'y a pas beaucoup d'agriculteurs à 2 millions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il y en a plus que vous ne croyez, monsieur Mariani, et cela pose problème.

M. Thierry Mariani.

Il n'y en a pas dans ma région !

M. Patrick Ollier.

Ni chez moi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pas chez vous, monsieur Mariani, ni chez M. Ollier, ni chez moi.

Mme Sylvia Bassot.

Pas chez moi non plus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il faut raison garder et aborder ces débats avec sérénité.

Je crois, avec M. Parrenin, que, bien que timide, la création d'un deuxième pilier - développement rural - de la PAC est une innovation. J'ai expliqué comment l'accord de Dublin en 1996 aurait pu être un peu moins timide, et pourquoi l'on n'a su saisir cette occasion. J'ai expliqué à quel point je regrettais qu'on ne soit pas plus audacieux dans cette négociation : la France a, je pense, le devoir de renforcer ce deuxième pilier de la PAC par la modulation et d'entraîner un mouvement européen.

M. Gengenwin a parlé du pluralisme. Il n'est évidemment pas question que des organisations non représentatives puissent siéger dans quelque structure que ce soit, mais, au contraire, que toutes les organisations représentatives puissent le faire, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Pour répondre en même temps à M. Gengenwin et à M. de Courson, je dirai que je ne renvoie pas le volet fiscal aux calendes grecques. D'ailleurs, pour être sûr que ce rapport soit suivi d'effet, le mieux serait qu'un ou une parlementaire se saisisse du dossier. Ce serait la meilleure façon de s'assurer qu'il ne prendrait aucun retard. En tout cas, je suis prêt à jouer le jeu du Parlement dans cette affaire, pour que les choses avancent le plus vite possible.

Pour ce qui me concerne, madame Aubert, je ne me suis pas glorifié de l'accord de Berlin. Nous avons limité les dégâts par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne et à la première proposition de compromis. L'étape du 11 mars a été suivie d'une deuxième étape à Berlin, qui a rendu l'accord plus présentable.

Toutefois, je l'ai dit, il me reste deux grands regrets. Le premier porte sur les oléoprotéagineux, pour lesquels je réfléchis à une solution nationale ; le second touche à l'insuffisance du processus de réorientation des aides directes vers le développement rural.

Cependant, l'accord sur la nouvelle PAC et l'accord de Berlin nous offrent l'instrument de la modulation, qui nous permet de mettre en oeuvre un processus de plafonnement des aides, de les réorienter pour financer le développement rural, notamment par le biais des CTE.

J'espère que cela fera tache d'huile en Europe, et je compte bien convaincre les ministres de l'agriculture qui, pour la plupart, y sont favorables, puisque, au moment de la négociation, 14 pays s'étaient prononcés soit pour le plafonnement, soit pour la dégressivité, mais que tous étaient partisans d'une réorientation sur le développement rural. Il nous appartient maintenant de compléter cet accord avec des dispositions prises en France, mais aussi, autant que possible, en Europe.

Mme Bassot, qui a prononcé un long plaidoyer en faveur de la qualité et de l'ancrage dans le terroir, n'a rien à craindre de ce projet de loi, qui va dans son sens. Elle a comparé ce texte à un araire : il est des araires qui ont tracé de beaux sillons.

Je partage, par ailleurs, les analyses de Mme Marre. Un point me paraît essentiel. C'est vrai - et cela prolonge ce que je disais à l'instant à Mme Aubert -, la faible ambition de la réforme de la PAC, qui s'apparente surtout à une révision de la PAC de 1992, nous rend plus exigeants à l'égard de la loi d'orientation agricole et de la mission qu'elle doit remplir. C'est à elle qu'il revient de combler ce vide de réformes.

M. de Courson a invoqué des simulations. Je commence en effet à les voir fleurir, et je m'y attendais.

Réalisées par divers organismes, elles jouent à effrayer les agriculteurs en leur disant que le pire est pour demain.

M. Charles de Courson.

Je tiens ces documents à votre disposition !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je les connais.

Vous n'étiez pas parlementaire en 1992 ; moi non plus, mais j'étais déjà élu local. A l'époque, lors de la pr emière réforme de la PAC, selon le même type de procédés, les simulations annonçaient déjà une baisse de revenus de 25, 30, 40 %, parfois même 50 ou 60 %. On a vu, depuis, ce que fut l'évolution des revenus moyens des agriculteurs. Les simulations de 1992 ont été démenties.

Prenons un peu de distance par rapport à cette « agitprop » qui ne vise qu'à faire peur. Ces simulations ne tiennent aucun compte de la dynamique des exploitations et des marchés, pas plus que de la mise en place progressive des réformes. Elles mettent tout au pire, prévoient les baisses des prix les plus extrêmes et n'envisagent donc pas les solutions les plus avantageuses. Elles ne tiennent, par exemple, aucun compte des gains de productivité des agriculteurs et des exploitations, qui sont pourtant bien réels. Quand on met tous les paramètres au pire, on obtient un résultat global trois ou quatre fois plus mauvais que ce qui est envisageable. La réalité est bien différente.

M. Charles de Courson.

Mais non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ne dites pas non. J'ai connu 1992, contrairement à vous, et l'on ne me fera pas deux fois le coup des simulations. Je mets d'ailleurs en garde ceux qui usent de ce genre de procédés : ce n'est pas une façon sereine d'aborder la réalité.

M. Christian Bataille.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pour le reste, monsieur de Courson, vous avez toujours l'imagination fiscale débordante...

M. Charles de Courson.

Et constante.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... mais je me méfie de toutes vos solutions miracles, notamment de celle qui, par le biais d'un amendement sur un dispositif fiscal, ferait d'une petite loi une grande loi. Les choses ne sont pas si simples. J'ai répondu que sur le plan f iscal nous procéderions tranquillement, sereinement, dans les mois qui viennent.

Je tiens enfin à rassurer M. Warhouver : la modulation va nous permettre de mettre en place le plafonnement des aides et la réorientation que vous appelez de vos v oeux. Ainsi, le financement du contrat territorial d'exploitation ne sera pas seulement national ; il sera cofinancé, comme l'ensemble du développement rural.

Nous acceptons ce cofinancement quand il s'agit de développement rural, et nous le refusions quand il s'agissait d'aides de marché, qui étaient des distorsions de concurrence et portaient en germe un démantèlement de la PAC. Le cofinancement que nous avions envisagé dès la préparation de la loi d'orientation agricole sera au rendez-vous, grâce à la modulation des aides que nous allons étudier tranquillement, selon plusieurs critères. A cet égard, l'accord permet d'ores et déjà de tenir compte du montant total des aides. Je lisais dans la presse que tel grand industriel, que je ne nommerai pas pour ne pas le vexer, mais qui fabrique des avions prestigieux, touche un million de francs d'aide de la PAC pour l'exploitation de 300 hectares qu'il possède par ailleurs. On peut considérer que les aides de la PAC ne sont pas indispensables à cet industriel multimilliardaire pour la survie de son exploitation.

Le montant total des aides doit ainsi être l'un de nos critères, comme le revenu brut d'exploitation, car certains agriculteurs touchant 300 000 francs d'aides de la PAC peuvent être plus riches que ceux qui en touchent 500 000...

M. Christian Jacob.

Mais moins riches qu'un haut fonctionnaire qui se « planque » entre deux élections !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... pour peu qu'ils aient quelques vignobles dont l'exploitation n'est pas primée, ou que d'autres qui ont des revenus annexes.

Il faut tenir compte aussi du critère de l'emploi. Je considère en effet qu'un exploitant qui touche un million de francs d'aides PAC mais qui entretient plusieurs actifs en milieu rural doit être plus épargné que celui qui, avec la même aide, est seul sur son exploitation.

Nous allons tranquillement étudier ces critères pour mettre en place une modulation équilibrée, intelligente.

Je le répète, je souhaite vivement que nous puissions convaincre le plus grand nombre possible de gouvernements européens pour que cette modulation soit mise en place de manière concomitante et coordonnée. Ainsi, nous donnerons tous ensemble le signal que les opinions publiques attendaient au moment de la réforme de la PAC, et qui a été bien timide. Si nous nous saisissons de la modulation de manière volontariste, ce signal viendra en son temps.

Voilà, monsieur le président, les quelques réponses que je voulais faire aux divers orateurs, étant entendu que je reviendrai en détail sur ces différents points lors de la discussion des articles et des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, je ne vous connaissais pas comme ça. Vous m'aviez habitué à une certaine bonhomie et, ce soir, je ne sais pas quelle mouche vous a piqué. Tout à l'heure, vous avez tenu à l'égard de notre collègue Jacob des propos qui m'ont surpris, je vous le dis très franchement et amicalement.

M. Jacob est un homme respecté, compétent,...

M. Charles de Courson.

Et respectable !

M. Patrick Ollier.

... qui, en tant que militant syndicaliste agricole, a fait ses preuves. Je ne pense pas qu'il soit opportun de laisser entendre que, dans le cadre de son exploitation agricole, il ferait partie d'une catégorie plus avantagée que d'autres.

Je regrette sincèrement que vous ayez placé ces propos sur un plan personnel.

Ce projet de loi d'orientation, dont nous débattons aujourd'hui pour la deuxième fois, ne fera malheureusement pas date dans l'histoire de l'agriculture. Ce n'est pas vous qui l'avez préparé mais vous en avez hérité et vous l'assumez ; alors, discutons-en.

Le Gouvernement n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai, si j'en crois le texte sur l'aménagement dit durable du territoire, qui sera examiné en seconde lecture par


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l'Assemblée nationale. M. Leyzour et M. Poignant peuvent en témoigner, la commission mixte paritaire a échoué avant même que ses membres aient eu le temps de parler, un peu comme pour le projet de loi d'orientation agricole.

Quelle mouche a donc piqué la majorité et le Gouvernement ? Pourquoi cette tendance a refuser le dialogue républicain et le débat constructif avec la Haute Assemblée ? Doit-on lier cela à l'attitude du Premier ministre et du Gouvernement à l'égard du Sénat ? On a le sentiment que le dialogue avec le Sénat est interrompu, aussi bien en ce qui concerne l'aménagement du territoire que l'agriculture, sur deux textes importants, donc, et l'échec des CMP n'est pas la faute de l'opposition.

M. Joseph Parrenin.

Si !

M. Patrick Ollier.

Non, ce n'est pas l'opposition qui a fait échouer les CMP, vous le savez très bien.

M. Joseph Parrenin.

Bien sûr que si !

M. Patrick Ollier.

Vous avez tenu des propos extrêmem ent désobligeants à l'égard du Sénat et je n'en comprends pas la raison. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous avons même entendu parler de suffrage censitaire.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas désobligeant : c'est un fait !

M. Patrick Ollier.

Il faut avoir du respect pour la Haute Assemblée, qui est de bon conseil. Est-ce que le fait d'y être minoritaires ne vous plaît pas ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous le serons toujours !

M. Patrick Ollier.

Est-ce que votre conception de la démocratie consiste, parce que vous êtes minoritaires, à refuser les bonnes idées qui nous viennent du Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons du mal à le comprendre, parce que ce n'est pas de notre culture politique. Nous, même lorsque n ous sommes minoritaires, comme c'est le cas en commission, nous nous rallions fréquemment aux idées qui nous semblent bonnes et constructives, et nous en avons donné la preuve à plusieurs reprises.

Je parle de projets dont les visées sont délibérément idéologiques, qui cherchent à déstructurer ce qui a été fait antérieurement, en l'occurrence par Philippe Vasseur, et à opérer une reprise en main administrative. Bien sûr, vous n'êtes pas contents quand on parle de bureaucratisation et de reprise en main administrative de politiques censées, au départ, obéir à l'intérêt général.

A cela s'ajoute l'inadaptation économique de ce texte, qui ne répond pas aux besoins. Nous insisterons donc tout au long des articles sur ce qui ne va pas, car il faut dénoncer les carences de ce texte : c'est le rôle des responsables de l'opposition.

En commission, monsieur le rapporteur, vous nous avez déjà subis, mais nous allons continuer. Car ce n'est p as avec ce texte qu'on préparera l'agriculture de l'an 2000, qu'on préparera la grande révolution agricole qui devrait permettre à la France d'entrer dans le troisième millénaire.

Les agriculteurs sont confrontés à de nouveaux défis, qu'il s'agisse de la PAC ou des exigences de la consommation. Vous avez, monsieur le ministre, de même que M. le rapporteur, insisté sur l'exigence de qualité. Quand on vous entend dire que le métier d'agriculteur doit prendre sa place dans l'entretien de l'espace et la défense de l'environnement, on se dit que quelque chose de positif se produit et que nous allons arriver à un accord sur certains articles permettant d'engager des actions. Mais lorsque nous devons examiner le texte qui nous revient du Sénat, il n'y a plus personne ! L'attitude de la majorité ne correspond donc pas aux intentions affichées. Cela justifie le renvoi de ce projet en commission, car nous avons le sentiment qu'il n'est pas achevé.

M. Félix Leyzour.

Vous n'étiez pas présent en commission !

M. Patrick Ollier.

Jusqu'à présent, l'agriculture française a toujours eu l'Etat à ses côtés, pour la soutenir, en tout cas depuis 1958. Aujourd'hui, vous vous engagez dans une voie qui n'est pas celle de l'intérêt de nos agriculteurs, et, en dépit de toutes vos déclarations, les professions agricoles ne vous soutiennent pas autant que vous voulez bien le dire. En tout cas, ce n'est pas le sentiment que nous avons dans nos permanences, en particulier dans les Hautes-Alpes, où l'agriculture de montagne rencontre des difficultés extrêmes.

Le débat auquel a donné lieu ce texte est insuffisant.

Un projet de loi d'orientation qui doit permettre à la France de s'adapter au troisième millénaire et de tenir compte de la mise en place de la nouvelle politique agricole commune est examiné en urgence. Avez-vous le sentiment, mes chers collègues, que le débat en commission a été constructif ?

M. Félix Leyzour.

Vous n'y étiez pas !

M. Patrick Ollier.

Lisez le compte rendu de la réunion de ce matin, monsieur Leyzour, je vous ai subi toute la matinée ! Mais, je vous rassure, il vous arrive de dire des choses intéressantes. Et M. Patriat a même fait allusion à plusieurs reprises à certaines dispositions que j'avais défendues en faveur de la montagne. Mais peut-être n'écoutiez-vous pas !

M. Félix Leyzour.

Arrêtez votre cinéma !

M. Patrick Ollier.

Le débat est insuffisant et je regrette que l'urgence ait été déclarée sur ce texte, car cela nous prive d'avancées que nous aurions pu réaliser.

Le rapporteur a été très positif à certains moments.

Mais on a aussi eu l'impression qu'il était bloqué par je ne sais quelle poussée de sa majorité plurielle qui l'empêchait, malgré son intention, que l'on devinait forte, d'aller vers les positions du Sénat ou de l'opposition, et de nous donner satisfaction. Cela a en particulier été le cas ce matin.

La procédure d'urgence est tout à fait désagréable. La commission a été saisie dans des conditions qui n'ont pas permis une confrontation réelle des arguments, et c'est un premier motif pour le renvoi en commission. Le projet a été examiné avec une rapidité exemplaire - bravo ! -, mais ce n'est pas satisfaisant pour le débat démocratique que nous sommes en droit d'attendre. Et 270 amendements pour une nouvelle lecture, c'est beaucoup. M. Leyzour en a déposés quelques-uns,...

M. Félix Leyzour.

Pas mauvais !

M. Patrick Ollier.

... mais il n'est pas le seul.

Et s'il y a autant d'amendements en nouvelle lecture, c'est peut-être parce que le texte laisse à désirer, peut-être aussi parce que vos collègues, quels que soient les bancs


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sur lesquels ils siègent, veulent présenter des propositions concrètes qui ont malheureusement été trop souvent refusées.

Vous imposez à l'Assemblée nationale et au Sénat le poids des choix agricoles défendus par votre majorité plurielle, et seulement par elle. Je crois que, s'agissant d'une loi d'orientation, vous commettez une erreur. Je croyais, après avoir entendu les propos tenus par M. Patriat et par un certain nombre de membres de la majorité, que nous pourrions trouver un accord. Nous ne sommes pas obstinément opposés à tout ce que vous proposez, nous ne sommes pas des fanatiques de l'opposition. S'il est possible de trouver un accord sur certains amendements, nous sommes prêts à voter pour, et nous l'avons déjà prouvé ! M. Patriat et M. Parrenin ont proposé des avancées sur des points qui m'intéressent beaucoup, notamment sur la montagne, et je leur ai exprimé, en première lecture, la reconnaissance des élus de la montagne. Nous avons soutenu sur ce point les propositions de la commission.

Mais pourquoi n'acceptez-vous pas de poursuivre ce dialogue et ce débat constructif qui aurait permis l'élaboration d'un texte mieux travaillé et accepté par tous ? C'est dommage, et vous n'avez pas habitué l'Assemblée à ce genre d'attitude, je le répète. Je crois bien vous connaître, monsieur le ministre. Vous êtes un homme cordial, aimant le dialogue, vous êtes vous aussi un montagnard, et tout cela ne correspond pas à votre personnalité.

Alors, qui bloque le système, qui empêche le dialogue ? Nous aimerions bien avoir une réponse, parce que revenir brutalement au texte de l'Assemblée nationale, sans tenir compte des avancées du Sénat, c'est absolument inadmissible pour le débat démocratique.

Les avancées dont j'ai fait état étaient reconnues, pour bon nombre d'entre elles, comme très positives par les organisations professionnelles. On aurait donc pu penser que vous alliez reconnaître le travail accompli et accepter une avancée en nouvelle lecture à l'Assemblée ; mais nous attendons toujours que vous ouvriez la porte.

Nous souhaitons que ce texte revienne en commission pour reprendre un dialogue interrompu et insister sur les points que j'ai évoqués.

L'obstination politique de la gauche est patente. Le débat est refusé, les propositions du Sénat sont écartées d'un revers de main et on se retrouve à la case départ. Ce texte est donc idéologique. Il a été voulu par une sensibilité politique particulière, qui refuse les avancées proposées par les autres groupes ; c'est à l'évidence, je le répète, un texte idéologique.

Vous avez créé dans ce texte, et c'est l'une de ses innovations majeures, le contrat territorial d'exploitation.

Mais creusons un peu. Que proposez-vous en fait ? J'ai conscience de répéter des choses qui ont déjà été dites tout au long du débat, mais l'art de la pédagogie n'est-il pas aussi l'art de la répétition ? Vous proposez en fait une contractualisation entre agriculteurs et préfets. Vous l'avez nié, mais Christian Jacob a bien expliqué ce qui allait se passer avec les CDOA. La mécanique est lumineuse et le préfet prendra la décision définitive. La bureaucratisation et l'administration sont les conséquences d'une mécanique qui ne peut pas marcher telle qu'elle est conçue. C'est celui qui a le pouvoir en mains qui décidera, car la multiplication des représentants et la confusion des genres empêcheront à l'évidence de prendre des décisions sérieuses. Telle est la crainte que nous avons. Tant mieux si les choses se passent différemment, et, pour ma part, je souhaite qu'elles se passent bien, mais, à l'évidence, l'usine à gaz que vous avez créée ne peut pas bien fonctionner.

Les CTE devraient s'intégrer dans un dispositif pour le moins complexe d'administration territoriale de l'agriculture. D'un côté, des directives seront édictées sur le plan national pour déterminer les objectifs opérationnels et constituer des guides ; de l'autre, au plan régional, les orientations seront arrêtées en concertation avec les régions, notamment dans le cadre de la préparation des contrats de plan Etat-région, avec, en prime, au plan départemental, l'élaboration d'une liste de CTE-types pouvant, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, être proposés aux agriculteurs.

Que proposera-t-on à ceux-ci ? D'un côté, de s'inscrire dans le processus de création de valeur ajoutée, avec la valorisation qualitative des produits, la diversification des activités agricoles, les préoccupations d'aménagement du territoire ou le maintien de l'emploi ; de l'autre, de participer à la gestion du territoire, en assurant la qualité de l'eau, les surfaces en herbe, la biodiversité, la qualité du paysage, la préservation des espaces verts ou la prévention des risques naturels.

Si tel était vraiment le cas, nous serions d'accord, car nous ne pouvons que souscrire à toutes ces bonnes intentions affichées. Le problème, c'est que vous programmez une gigantesque opération de réinjection d'ordres et de consignes d'origine administrative, qui sont malheureusement également politiques, et beaucoup trop à notre avis.

Vous voulez planifier l'agriculture française à l'aube de l'an 2000. Ne pensez-vous pas qu'elle est déjà suffisamment encadrée, orientée et surveillée par toutes les instances de contrôle existantes ? Vous prétendez ensuite, sur la base des objectifs que vous aurez déterminés, faire des agriculteurs des agents produisant dans le cadre de leur métier d'origine. Mais, cela a été dit et je tiens à le répéter, le métier d'agri culteur est avant tout un métier de producteur, et vous voulez en faire ici des jardiniers des espaces verts, là de nouveaux artisans. Ces spécialités sont souvent totalement éloignées de leur vocation initiale, qui est avant tout de produire.

Les agriculteurs français, qui travaillent depuis des années dans le cadre d'une politique orientée au plan européen, dans une agriculture de marché régulée par diverses instances, n'ont pas attendu ce texte de loi pour savoir quoi produire, comment le traiter, comment et à qui le vendre. L'agriculture française n'a pas attendu ce texte pour savoir comment affecter les ressources et les valoriser, pour le plus grand bien-être de notre population et, ce qui n'est pas négligeable, pour l'équilibre de notre balance des paiements.

Mais ce projet de loi d'orientation agricole entraîne une fonctionnarisation de notre agriculture et une suradministration du secteur agricole. Il faudrait que la commission puisse mieux évaluer les effets de cette bureaucratisation que vous n'aimez pas nous entendre dénoncer mais qui nous inquiète énormément. Toutefois, monsieur le ministre, si vous parvenez à nous rassurer en nous expliquant que le projet de loi que nous allons voter n'aura pas de telles conséquences, je serai prêt à vous suivre. Le problème, c'est que vous aurez du mal à nous convaincre, non pas parce que nous avons des positions idéologiques, mais parce que la structure même du CTE,


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telle que vous la prévoyez, conduit tout naturellement à la mise en place d'une bureaucratisation de l'agriculture, c'est-à-dire à son administration par autrui.

Un certain nombre de députés de l'opposition ne sont pas opposés au principe du contrat, M. Vasseur a été le premier à le dire et il a eu raison : on ne peut pas être, en effet, contre le principe du partenariat contractualisé.

Lorsqu'il s'agit de contrats passés avec des collectivités territoriales, d'un soutien apporté à des politiques librement décidées, on rejoint les thèmes du libéralisme, il n'y a pas de problème et je suis pour le contrat. Mais lorsque le contrat, une fois signé, conduit celui qui l'a signé à subir des orientations qu'il n'aura pas lui-même décidées, c'est difficile à accepter et nous ne pouvons être d'accord.

M. Joseph Parrenin.

Il n'y a qu'à pas signer !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Parrenin, je souhaite être convaincu car je voudrais que ce projet soit utile à l'agriculture. Les membres des groupes de l'opposition ne sont pas des fanatiques ; ce qui nous intéresse, c'est l'intérêt de l'agriculture.

M. Joseph Parrenin.

Vous avez surtout envie de vous faire peur !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Parrenin, si nous étions convaincus que vous défendiez l'intérêt des agriculteurs avec de bons arguments, nous pourrions souscrire à ce texte. L'intérêt de l'agriculture est si important pour nous que nous sommes prêts à soutenir une loi proposée par la majorité plurielle. Le problème n'est pas là ! Il tient au fait que nous sommes sincèrement convaincus que le dispositif mis en place n'est pas bon, en dépit des bonnes intentions que vous affichez et que je ne veux pas mettre en doute parce que j'ai acquis en commission la conviction que vous étiez de bonne foi ; j'espère d'ailleurs que vous avez la même conviction en ce qui nous concerne.

Ce dispositif n'est pas bon ou, en tout cas, ce n'est pas le meilleur. Voilà pourquoi il serait préférable de renvoyer ce projet en commission, pour mieux appréhender le problème des contrats territoriaux d'exploitation dont, bien que leur principe soit acceptable, la mise en place risque d'avoir des effets pervers.

L'agriculteur devrait être un chef d'entreprise innovant.

Vous allez en faire un contractuel de l'administration, qui devra répondre à des contraintes sociales et environnementales. Cette loi va par conséquent aboutir à une bureaucratisation supplémentaire de notre agriculture. Le Sénat s'y est opposé et, jusqu'au terme de la discussion, nous ferons de même, car nous ne sommes pas d'accord.

Et, avec toute notre conviction, nous essaierons de vous expliquer, tout au long de l'examen des amendements, pourquoi nous n'acceptons pas le dispositif que vous nous proposez.

Les contrats territoriaux d'exploitation, en prenant le risque de réorienter à l'excès les métiers de l'agriculture - ce sujet a déjà été évoqué par M. Sauvadet - vers des activités certes importantes de divers points de vue, mais qui ne correspondent pas à la vocation initiale de l'agriculteur, auront des effets pervers.

Dans mon département des Hautes-Alpes, la proximité est telle qu'on connaît parfaitement les interactions entre les commerçants, les artisans, surtout en matière d'entretien du territoire. S'il est des endroits où l'on ne peut pas ne pas être impliqué dans l'entretien du territoire, c'est bien dans les zones de montagne, M. Jacob l'a souligné tout à l'heure et je l'en remercie. Cette affaire aura des effets pervers parce qu'elle va dissuader certaines productions agricoles qui feront précisément défaut aux filières dans lesquelles elles s'inséraient. Cela aura des conséquences négatives à l'exportation. Est-ce à nous de vous rappeler que ces raisonnements, en termes de filières et de qualité, sont à la base de toute réflexion économique sur les bonnes manières de produire, de répartir et de consommer ? Il y a, d'un côté, une contradiction avec les activités locales artisanales et commerçantes et, de l'autre, un risque de déstructuration de nos filières de production. Vous parliez tout à l'heure de « qualité », de

« consommateurs », je vous répondrai : « filières ». Je ne pense pas que les dispositions figurant dans ce texte j'énumérerai les articles tout à l'heure - puissent permettre de conforter ces filières auxquelles je pensais que nous étions tous attachés.

Vous allez susciter une concurrence déloyale entre, d'une part, des agriculteurs partiellement reconvertis et, d'autre part, des artisans et commerçants des zones rurales. Quelle est la vision quasi schizophrénique que le Gouvernement a du tissu socioprofessionnel du monde rural - on la constate à l'occasion d'autres projets de loi, notamment celui de Mme Voynet - pour croire que ces contrats ne vont pas concurrencer directement les revenus d'autres actifs ? Vous vous trompez gravement. Vous essayez de nous faire croire qu'avec les CTE, on pourra mélanger des activités qui, en tout état de cause, sont concurrentielles pour les individus sur le terrain. Mais vous commettez une erreur qui aura de graves répercussions.

M. Vasseur, qui est à l'origine du FGER, avait bien bordé le système s'agissant des interventions des agriculteurs pour l'entretien du paysage notamment. C'était bien fait et c'était suffisant. Je dirai même que c'était limite, il ne fallait pas aller plus loin. Les dispositions que vous voulez prendre vont faire exploser le système et je crains que les concurrences que vous allez créer ne prov oquent de graves dérives pour ceux, agriculteurs, commerçants et artisans notamment, qui participent aussi à ce monde agricole. Croyez-vous sérieusement que ces mesures, qui suscitent déjà les protestations des organisations artisanales, n'auront aucun effet sur la vie économique et sociale des villages, y compris dans votre département des Pyrénées qui vous est si cher, monsieur le ministre ? Les démonstrations ont été faites, je n'irai donc pas plus loin.

Force est en outre de constater que vous avez bien du mal à imposer à la profession ce qu'elle va en fait payer par le biais de savants redéploiements pour financer cette politique et ces CTE. Le financement sera assuré par des transferts qui vont forcément toucher d'autres crédits nationaux, jusqu'à présent difficilement préservés. Vous allez créer une sorte de melting-pot et déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais les agriculteurs vont très vite s'en rendre compte.

M. Joseph Parrenin.

Pierre a trop chaud !

M. Patrick Ollier.

Pas dans mon pays ! Nous sommes étonnés que vous n'ayez pas prévu les inconvénients qui résulteront de cette façon de procéder. Comment peut-on imaginer que vous mettiez tout dans les CTE ? Je suis inquiet aussi s'agissant des ICHN - cela me concerne particulièrement. Lorsque M. Le Pensec, poussé dans ses retranchements par M. Sauvadet et M. Jacob, a avoué ici en première lecture que les DJA seraient intégrées dans les CTE, les représentants des organisations agricoles qui se trouvaient dans les tribunes ont eu des réactions plus que violentes. C'était même étonnant.

M. François Sauvadet.

Exactement !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

M. Patrick Ollier.

Ils étaient stupéfaits d'entendre cela.

M. Philippe Vasseur.

On les avait pourtant prévenus !

M. Patrick Ollier.

Oui, mais, là, ils l'ont vraiment entendu, et ils ont été déçus. L'essentiel du financement des CTE se fera par un redéploiement de crédits provenant du fonds de gestion de l'espace rural, et c'est grave.

M. François Sauvadet.

Ça a déjà commencé !

M. Patrick Ollier.

Avec Philippe Vasseur, nous avons fait beaucoup d'efforts pour mettre en marche le FGER, pour le faire monter en puissance. Sur le territoire, on y croyait ; on avait organisé le travail avec les agriculteurs et les organisations agricoles. Et, du jour au lendemain, on nous tire le tapis sous les pieds et on nous dit : « Ce n'est plus ce qu'il faut faire. Il faut travailler dans un autre contexte, avec un autre concept ! » Ce n'est pas une bonne méthode de travail pour nos agriculteurs. Les crédits du fonds d'installation, les OGAP et les crédits

« qualité » des offices vont forcément se mélanger pour financer les CTE. Vous allez me dire que je suis de mauvaise foi.

M. Félix Leyzour.

Mais non ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Patrick Ollier.

Merci, monsieur Leyzour, der econnaître ma bonne foi ! Je suis sensible à un compliment qui vient du groupe communiste, cela me fait très plaisir.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est un Pyrénéen d'origine ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Christian Jacob nous a fait une démonstration extraordinaire en première lecture. Il nous a expliqué que le budget de l'agriculture pour 1999 était en diminution de 6 %. Une altercation brutale a suivi et il a brandi des notes du ministère des finances. Il n'a jamais été démenti.

M. Charles de Courson.

Il ne pouvait pas l'être !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Bien sûr que si !

M. Patrick Ollier.

Non, monsieur le ministre, ou alors expliquez vous avec M. Strauss-Kahn !

M. Philippe Vasseur.

Ça c'est pas facile !

M. Patrick Ollier.

Oui, je le reconnais, mais nous sommes prêts à soutenir le ministre de l'agriculture pour que son budget augmente de 6 %. Cela nous ferait plaisir pour les agriculteurs. Malheureusement, ce n'est pas le cas ! Vous allez donc opérer un redéploiement des crédits existants alors que l'enveloppe globale diminue - tant mieux si elle ne baisse pas, mais cela ne correspond pas aux chiffres que nous avons ! Mon collègue Jacob disait que ce sont les zones les plus défavorisées qui paieront la note et, en tant qu'élu montagnard, ces perspectives m'inquiètent énormément. Je voudrais donc que l'on retourne en commission pour débattre de ce problème-là.

Vous avez refusé nos amendements en commission et je suppose que vous ferez de même en séance, monsieur le ministre, parce que vous êtes obnubilés par votre souci de sortir un texte qui soit seulement le vôtre, ce qui est politiquement ridicule. Si vous acceptiez certains amendements déposés par l'opposition ou adoptés par le Sénat, nous pourrions être rassurés.

Le projet du Gouvernement n'a pas non plus d'ambition économique en termes de liberté et de dynamisme.

Nous sommes des libéraux, c'est vrai. Je crois d'ailleurs que, tout à l'heure, un député de la majorité a déclaré que lui aussi, était libéral. Tant mieux ! Cela veut dire que nous faisons des émules. Nous nous donnons encore quelques années pour vous convaincre, mais les Français, eux, seront convaincus plus vite que vous ne le croyez.

Mon groupe n'a cessé de vouloir insérer un volet sur

« l'abaissement des charges et de la fiscalité ». Là encore je ne comprends pas votre obstination sur ce point important, que M. de Courson a analysé avec le talent qu'on lui connaît. En effet, comment élaborer une loi d'orientation agricole, à l'aube du troisième millénaire, sans y introduire un tel volet ?

M. Charles de Courson.

Hélas !

M. Patrick Ollier.

Cette lacune justifie à elle seule unr etour en commission. Cet après-midi, j'ai écouté Mme Marre avec attention - elle n'est pas là, je le regrette...

M. Jean-Claude Beauchaud.

Elle va revenir !

M. Patrick Ollier.

Elle nous a dit que ce serait une autre loi. Pourquoi ne serait-ce pas celle-ci ? Pourquoi ne pas faire, dans cette loi, le pas qu'il faut franchir sur l'abaissement des charges et la fiscalité agricole ? Le Sénat a fait des propositions très concrètes, mais vous avez refusé de l'entendre. Si, au moins sur ce plan, vous aviez fait l'effort d'accepter ses amendements, nous aurions pu trouver un consensus sur cette partie du texte qui nous apparaît comme indispensable à une loi d'orientation agricole se voulant porteuse d'avenir pour des générations d'agriculteurs qui ne pourront pas s'en sortir, dans les années à venir, sans un abaissement des charges et une révision importante de la fiscalité.

Mais vous ignorez superbement ces propositions, de même que vous ignorez les mesures d'incitation à l'installation des jeunes agriculteurs que nous vous avons proposées. Je suis désolé car je vais encore faire référence à

M. Vasseur, mais il a fait énormément.

M. Christian Jacob.

On avait un bon ministre !

M. Daniel Marcovitch.

Vous avez raison d'être désolé !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Marcovitch, vous m'avez habitué à mieux dans l'hémicycle !

M. Daniel Marcovitch.

C'est parce que je commence à être fatigué !

M. Patrick Ollier.

Dans ce cas, continuez à dormir, comme cela tout le monde se portera bien ! (Sourires.)

Mme Sylvia Bassot.

Ça c'est clair !

M. Patrick Ollier.

Ces dispositions sur l'incitation à l'installation des jeunes figuraient dans la « Charte sur l'installation » due à Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Le 6 novembre 1995 !

M. Patrick Ollier.

Le gouvernement Juppé avait de grandes ambitions pour l'installation des jeunes. Pourquoi n'acceptez-vous pas d'introduire dans cette loi d'orientation toutes les dispositions que nous avons proposées, avec le Sénat, pour aller jusqu'au bout de la logique consistant à pousser les jeunes à s'installer et à reprendre les exploitations de leurs aînés ? Vous êtes manifestement sourds à nos arguments puisque, n'ayant pas entendu une première fois les députés de l'opposition, vous n'entendez pas non plus les sénateurs et vous manifestez votre volonté de revenir au texte initial adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Non seulement vous refusez le volet fiscal, les mesures d'incitation pour l'installation des jeunes, mais vous supprimez un article intéressant prévoyant un régime fiscal


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

particulier des stocks et une déduction pour l'investissement des exploitations soumises à l'impôt sur les sociétés.

Vous rayez d'un trait de plume l'exonération prévue des plus-values réalisées lors de la transmission de l'exploitation à un jeune agriculteur. Voilà encore quelques raisons de revenir travailler en commission.

Partout, sur ce texte, la majorité plurielle campe sur ses positions initiales. Vous n'en êtes pas responsable pour ce qui s'est passé en commission, monsieur le ministre, puisque vous n'y étiez pas. Toutefois, au Sénat, vous avez affirmé vos positions. On va voir comment vous allez réagir ici en séance, mais je crains le pire compte tenu de la position de notre rapporteur. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, son attitude n'était pas habituelle. On le sentait un peu gêné, n'est-ce pas, monsieur Patriat ?

M. François Patriat, rapporteur.

Tout va bien !

M. Patrick Ollier.

Il y aurait des problèmes au sein de la majorité plurielle que cela ne nous étonnerait pas ! Mais vous nous le direz, monsieur le rapporteur, cela nous intéresse beaucoup ! Peut-être y a-t-il aussi des problèmes avec le ministre - on peut se poser la question sur des amendements avec lesquels il ne serait pas forcément d'accord ! Mais nous en reparlerons.

Le texte du Sénat, monsieur le ministre, aurait pu constituer un bon compromis. Ainsi, eu égard aux effets pervers possibles du CTE, il mentionne clairement la nécessité d'une concurrence loyale entre les différentes catégories d'actifs ruraux. Pour nous, il était important que cela figure dans le texte. Malheureusement, cela ne sera pas le cas.

La commission mixte paritaire du 4 mars 1999 a d'emblée mis en évidence vos intentions politiques en constatant l'impossiblité de parvenir à une rédaction commune.

Le texte du Sénat stipulait en effet, de manière explicite, les conditions de représentativité syndicale requises pour que les organisations syndicales agricoles siègent notamment à des commissions agricoles et des comités professionnels. Ne nous dites pas que votre refus de cette disposition n'est pas une position !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et la vôtre, elle n'est pas politique ?

M. Patrick Ollier.

Non, pas du tout ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Le fait de souhaiter que seules les organisations représentatives puissent représenter ne me paraît pas politique. C'est tout simplement logique !

M. Daniel Marcovitch.

Les députés ne font pas de politique à l'Assemblée nationale, c'est connu !

M. Patrick Ollier.

Il est sain, dans une démocratie, que ceux qui sont représentatifs représentent.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais j'en reviens aux organisations syndicales agricoles siégeant dans les commissions agricoles et les comités professionnels. Le texte du Sénat en limitait le nombre dans la transparence et en fonction du poids social réel desdites organisations. Au risque de démultiplier ces représentations et de créer une paralysie du pouvoir professionnel, vous préférez, vous, renvoyer les conditions de représentativité syndicale à des décrets, tout en avançant que « l'ensemble des organisations agricoles » ont vocation à être représentées. C'est là qu'il y a une différence. N ous considérons, quant à nous, que ce sont celles qui sont représentatives qui représentent alors que, selon vous, toutes doivent représenter. Une fois de plus, n'entendezvous donc rien ? Que vous n'entendiez pas les députés de l'opposition ou les sénateurs, on peut le comprendre, mais les organisations agricoles ! Le ministre de l'agriculture devrait les écouter, à moins qu'il n'y ait autre chose ! Quelqu'un est intervenu tout à l'heure sur ce sujet et a clairement dit que vous aviez peut-être la volonté d'apporter un appui particulier à des organisations qui ne sont pas réellement représentatives mais sont proches de vos « amis pluriels ». C'est peut-être cela ! Je crois que j'ai deviné, cela vous gêne !

M. Daniel Marcovitch.

C'est faible, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier.

Non, ce n'est pas faible, c'est la vérité ! Cela vous gêne que l'on mette le doigt sur la façon dont vous bafouez la démocratie représentative.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Joseph Parrenin.

Ce qui nous gêne, c'est ce que vous soyez dans l'erreur ! Cela nous fait mal de vous voir passer à côté de la vérité !

M. Patrick Ollier.

Cessez donc de souffrir, monsieur Parrenin ! Ce qui nous fait mal c'est que, pour des raisons purement politiciennes, vous franchissiez un cap que personne jusqu'à présent n'avait osé franchir. Cela, vous en porterez la responsabilité longtemps et, vous verrez, les réactions du monde agricole ne se feront pas attendre ! De même, pour l'enseignement agricole, votre position est politique. Le Sénat accorde les mêmes possibilités de formation aux secteurs privé et public. Pourquoi rester muré dans une position arbitraire et conservatrice ? Bonté divine, la société change, acceptez de changer avec elle ! Acceptez de reconnaître qu'il faut aider des organisations, des enseignements, même s'ils sont privés !

M. Charles de Courson.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Bravo !

M. Patrick Ollier.

D'ailleurs, autre motif de renvoi en commission, les organisations syndicales - j'y reviens, car, moi, j'essaie de les écouter - émettent toujours des réserves sur votre texte. Je vous vois faire la moue, monsieur le ministre. Cela dit, je comprends très bien que ce que je dis vous irrite.

Les organisations syndicales émettent donc des réserves très précises sur la représentativité - article 1er bis - sur le contrat territorial d'exploitation - article 2 -, sur les fonds de communication de l'agriculture en particulier article 4 bis -, sur la composition de la CDOA - article 5 -, sur la définition de l'activité agricole - article 6 -, sur la fiscalité - articles 6 A et 6 D -, sur les préretraites - article 15 bis -, sur le contrôle des structures - article 16 -, sur la revalorisation des retraites - article 22. Ce n'est pas moi, ce n'est pas le RPR, ce n'est pas l'opposition qui ont émis des réserves sur ces articles, ce sont les organisations agricoles qui ont dit qu'elles n'étaient pas d'accord ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous le savez, M. Parrenin, vous l'avez vous-même reconnu en commission !

M. Joseph Parrenin.

Ces organisations ont demandé que l'on en revienne au texte initial de l'Assemblée nationale !

M. Patrick Ollier.

Les organisations syndicales émettent aussi des réserves sur l'assiette forfaitaire des nouveaux installés - article 24 -, sur la réduction de cotisations des jeunes agriculteurs - article 24 bis -, sur la pluriactivité - article 29 decies - et là je suis d'accord avec elles -, sur les signes de qualité identification - article 39 -, sur lar éciprocité des distances des bâtiments d'élevage - article 45 bis A -, etc.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Voilà encore de nombreuses raisons de revenir en commission. Je voudrais que vous m'écoutiez, monsieur le ministre, et que la majorité vote cette motion pour que l'on puisse travailler sérieusement dans les semaines qui viennent afin d'élaborer un texte consensuel, utile à l'agriculture, sur lequel nous serions tous d'accord. Pour cela, il faut accepter le renvoi en commission.

M. Daniel Marcovitch.

On va y réfléchir !

M. Patrick Ollier.

Pour conclure, je n'oublierai pas, parce que je suis élu de la montagne,...

M. Joseph Parrenin.

Il prend de la hauteur !

M. Patrick Ollier.

M. Proriol est lui aussi un montagnard !

M. Joseph Parrenin.

Les montagnards sont là !

M. Félix Leyzour.

Halte-là ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Ma mairie est à 1 400 mètres d'altitude, monsieur Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Cela se voit ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Eh oui ! Cela me donne une forme extraordinaire.

M. Philippe Vasseur.

M. Ollier a de la hauteur !

M. Patrick Ollier.

Et je ne voudrais pas oublier, monsieur le ministre, comme responsable d'association montagnarde, quelques idées qui ont été avancées et qu'il faut préserver dans ce texte.

A l'article 1er : la politique agricole a pour objectif de favoriser l'exercice de l'activité agricole dans les zones de montagne.

A l'article 2 : les indemnités compensatrices de handicaps naturels seront-elles comptabilisées ou pas dans les

CTE ? Il faudra que vous ayez une position claire làdessus.

M. François Patriat, rapporteur.

On y vient...

M. Patrick Ollier.

Ah bon ? Mais pour l'instant, ce n'est pas très clair. C'est comme pour la DJA, à propos de laquelle on nous dit : « On va voir. Peut-être que cela y sera »... Et puis, un jour, on nous le confirme.

M. Le Pensec, dans cet hémicycle, nous avait déclaré que jamais les ICHN ne seraient intégrées dans les CTE, dans la mesure où les compensations de handicap n'avaient pas à y figurer. Or, pour ma part, je suis inquiet, parce qu'on ne nous a pas répondu suffisamment clairement. Monsieur Patriat, je suis prêt à vous faire confiance si vous apportez cette réponse que jusqu'à présent vous n'avez pas donnée.

A l'article 4 : les handicaps géographiques figurent parmi les critères de calcul du montant des aides accordées au titre du CTE.

A l'article 33 : la reconnaissance du principe d'une organisation interprofessionnelle spécifique « montagne ».

Je vous ai remercié, monsieur le rapporteur ; c'est vous qui avez accepté de vous engager dans cette action positive que nous avons voulu mener au niveau de la montagne.

M. François Patriat, rapporteur.

Nous allons continuer...

M. Patrick Ollier.

Vous m'avez associé, ainsi que M. Proriol, d'ailleurs, à l'amendement déposé. Il faut que vous nous aidiez à sauver cette interprofession.

Je reconnais que le rapporteur a fait un bon travail. Je souhaite que le ministre l'achève, de sorte que nous puissions, là encore, être rassurés.

A l'article 42 : la mise en conformité du régime des appellations « montagne ».

Ces articles-là, monsieur le ministre, sont tout aussi importants pour vous que pour nous. Dans votre région, on attend que vous soyez extrêmement précis, car il existe toujours une menace d'intégration des ICHN. Bercy ne lâchera pas, vous le savez. Nous sommes prêts à vous aider à résister. Mais encore faut-il que la loi soit suffisamment claire pour le permettre. Il faut confirmer l'unicité de l'interprofession de la montagne. Il faut réajuster le texte sur les provenances « montagne ». Il faut revoir la question de la pluriactivité, comme le souhaitent les syndicats agricoles.

Je ne comprends pas, monsieur le ministre, qu'on ne sorte pas d'une loi d'orientation avec des dispositions créant, sinon un statut de la pluriactivité - le terme « statut » est peut-être excessif -, du moins des dispositions suffisamment précises pour résoudre un problème vécu difficilement, toutes les saisons, dans quarante-deux départements français, par les agriculteurs pluriactifs. Je ne comprends pas que, dans une loi d'orientation, vous n'ayez pas franchi le cap qui permette de régler les questions de la caisse-pivot, de la cotisation minimale, etc.

M. François Patriat rapporteur.

La caisse-pivot, c'est fait !

M. Patrick Ollier.

Non, ce n'est pas fait ! C'est facultatif. Tant qu'il ne sera pas obligatoire pour les caisses nationales de contractualiser, le système ne fonctionnera pas ! Vous le savez. Il faut faire preuve d'autorité, monsieur Patriat ! Le vide économique de ce texte se traduit également par la disparition de l'idée de libre entreprise. L'entreprise, pour nous en tout cas, est le mot clé de l'activité économique, y compris agricole.

Le Sénat a lui aussi soutenu l'entreprise. Il a souhaité la voir réapparaître dans la loi d'orientation agricole.

A cela ont été ajoutées plusieurs dispositions fiscales ciblées concernant les déductions de parts sociales de coopératives, les déductions pour l'investissement et un dispositif de préretraite pour encourager l'installation. Or tout cela a disparu.

Un chapitre et un intitulé complet nouveau ont été rédigés par les sénateurs. Vous les remettez également en cause, en les faisant supprimer en commission par votre majorité. L'avenir des CTE et de nos agriculteurs sera vraiment très difficile dans ces conditions. Enfin, vous avez encore le temps d'accepter nos propositions...

J'en arrive au dernier point. Je sais que nous n'allons pas être d'accord, ce qui est regrettable, car je pensais que vous accepteriez certaines de nos propositions. Tout à l'heure, vous avez donné l'impression d'être vexé d'entendre dire qu'à peine voté, votre texte est déjà dépassé. Mme Marre a essayé de nous expliquer que ce n'était pas le cas, et que c'était bien d'anticiper sur la modification de la politique agricole commune avec un texte tel que le vôtre.

Monsieur le ministre, ce texte est-il adapté aux changements européens en cours ? Il est vrai que les dispositions qui ne sont pas liées à des aides européennes existent. Ces dispositions-là sont nombreuses. Mais constituent-elles, à elles seules, une loi d'orientation agricole ? J'en doute.

On peut parler des équidés, on peut discuter d'un certain nombre d'articles intéressants, mais qui ne sont pas à la hauteur d'une loi d'orientation agricole.

En revanche, ce qui est important pour l'orientation agricole est lié, qu'on le veuille ou non, à la politique agricole commune. Et je ne pense pas qu'il soit vraiment


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

sérieux de faire voter ce texte avant que ne soient connues définitivement les dispositions de cette nouvelle politique agricole commune.

M. Vasseur vous a interrogé sur ce point, vous n'avez pas répondu. Mme Béatrice Marre a fait un exercice d'équilibriste en nous expliquant que c'était très bien ainsi. Mais ce n'est pas cette réponse que nous attendons de vous. Nous espérons que la démonstration que vous nous ferez nous rassurera. Nous voulons être certains qu'avec cette loi, quelles que soient les dispositions qui vont être prises pour mettre en oeuvre, dans les détails, la politique agricole commune, vous êtes « bordé » et que l'agriculture pourra être parée contre tous les risques.

Mais j'en doute.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je demande à notre assemblée de voter la motion de renvoi en commission. Je sais la qualité du travail des commissaires de la production et des échanges, y compris M. Leyzour. Et il est vrai qu'à certains moments, nous avons cru pouvoir être d'accord.

Je ne suis pas sectaire : je reconnais une fois de plus, pour la quatrième fois ce soir, l'excellent travail de notre rapporteur. Mais ce dernier ne peut se battre tout seul contre sa majorité et contre son ministre.

Et, malgré notre soutien, M. Patriat est en difficulté...

M. François Patriat.

rapporteur.

Ils veulent tous ma peau ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Au contraire, nous voulons vous sauvez, monsieur Patriat ! Je reconnais ces efforts, mais ils sont, malheureusement, insuffisants face à l'intransigeance du Gouvernement. Comprenez-moi bien, monsieur le ministre. Je ne vous mets pas en cause personnellement, car je suis convaincu que, si vous l'aviez préparé, ce texte aurait été bien meilleur.

M. Philippe Vasseur.

Ce n'est pas sûr !

M. Patrick Ollier.

Si, je fais crédit à M. Glavany sur ce point. L'équipe précédente avait mal préparé ce texte.

Monsieur le ministre, vous héritez d'un texte qui n'est pas bon. Pourquoi ne pas laisser les trois semaines ou le mois qu'il faut pour qu'ensemble, en commission, on puisse se remettre au boulot et achever cette préparation ? Rempli d'incertitudes et d'approximations, sans dimension économique, trahissant une volonté de suradministration rampante, il aurait franchi avec succès - selon vous - les filtres de l'analyse parlementaire en commission. Pour notre part, nous pensons que ce n'est pas vrai.

Ce texte doit revenir en commission.

Le manque de vision d'avenir du Gouvernement, au travers du projet de loi d'orientation agricole qui nous est proposé, n'a d'égal - or c'est bel et bien de l'avenir de l'agriculture française qu'il est question - que le manque d e préparation du Gouvernement - ce dont, j'en conviens, vous n'êtes pas responsable non plus, monsieur le ministre - concernant les négociations sur la politique agricole commune. J'ai entendu des propos stupéfiants, monsieur le ministe, je suis honnête, vous vous êtes battu et je rends hommage à la pugnacité du combat que vous avez mené.

M. François Patriat.

rapporteur.

C'est un sportif !

M. Patrick Ollier.

Mais il faut malgré tout reconnaître que ce n'est pas en trois mois que l'on gagne un combat européen. Ce combat était préparé depuis plus d'un an.

Mettons deux ans !...

M. François Patriat, rapporteur.

On gagne un match à la dernière minute !

M. Patrick Ollier.

Cela nous ramène à 1997. Au hasard...

(Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si je dis 1996, cela ne vous intéresse plus ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Non, vous remontez peut-être un peu trop loin ! Je ne veux pas perturber votre mémoire, monsieur le ministre...

Mais soyons sérieux quelques instants ! Ce travail est préparé depuis au moins deux ans - même peut-être trois, je suis d'accord.

M. Jean Proriol.

Pas trois ans !

M. Christian Jacob.

Non, septembre 1997 !

M. Patrick Ollier.

Vous vous êtes battu, mais avec un an de retard, monsieur Glavany. Malgré toute votre bonne volonté, cela n'a pas suffi. Quand on vous dit que l'autorité du Président de la République a permis de renforcer ce que vous aviez défendu, on dit la vérité ! Il n'est pas choquant de reconnaître ici, surtout venant de l'opposition, que c'est le Président de la République qui, par son autorité, de par sa fonction et du rôle qu'il joue en Europe, a permis de sauver l'essentiel à Berlin.

C'est lui qui vous a permis de passer cet obstacle. Je rends hommage à l'action que vous avez menée, mais je voudrais que nous soyons bien tous d'accord : grâce à Jacques Chirac, le pire a été évité.

Revenons à cette loi d'orientation. L'opposition parlementaire pense aussi que, pour éviter le pire, il faut reprendre le dialogue et le débat en commission, pour adapter ce texte aux nouvelles circonstances européennes et pour éviter aux agriculteurs ce glissement irréversible et inacceptable vers une agriculture malheureusement trop administrée.

Voilà pourquoi, chers collègues, je vous demande de voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, je serai beaucoup plus bref que

M. Ollier - même si ce n'est pas très difficile. Cela dit, j'ai beaucoup apprécié son intervention. Elle m'a fait beaucoup rire, et, en particulier, j'ai retenu son numéro de sainte nitouche ou de vierge effarouchée.

M. Patrick Ollier.

Au moins, il a été utile !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... comme si le dogmatisme était d'un côté - le nôtre, évidemment -...

M. Christian Jacob.

Oui !

Mme Sylvia Bassot.

Vous êtes sectaire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et comme si l'ouverture d'esprit était du vôtre, vous seriez les victimes expiatoires du sectarisme insupportable de la majorité et du Gouvernement réunis.

Vous avez, m'avez-vous dit, approuvé des amendements du rapporteur. Tant mieux ! J'ai approuvé, pour ma part, des dizaines d'amendements du Sénat. Sachez le reconnaître aussi ! Cela prouve en tout cas que l'ouverture d'esprit n'est pas d'un seul côté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Quant au débat, monsieur Ollier, il se poursuit ici ce soir, et il se poursuivra demain, le temps qu'il faudra pour que, sur chaque article et sur chaque amendement, nous puissions ensemble débattre à fond, en nouvelle lecture, après une première lecture et des travaux en commission.

La procédure parlementaire suit son cours normalement et je ne vois pas en quoi vous pourriez être frustré.

Dans ce débat, vous, la victime expiatoire du sectarisme, ne rechignez pas devant la caricature. D'un côté, il y aurait les défenseurs de la production - c'est vous -, de l'autre côté les bureaucrates qui voudraient promouvoir des « jardiniers de l'espace » - c'est nous -, expression que j'ai déjà entendue quelque part...

Non, monsieur Ollier, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. J'ai toujours considéré, et tous les parlementaires de la majorité avec moi, que l'agriculteur était un producteur, qu'il le restera longtemps, toujours sans doute, et personne ne peut être le défenseur exclusif de cette idée géniale. C'est une réalité qui s'impose à tous.

Ce texte a pour but de reconnaître que l'agriculteur a aussi d'autres fonctions qui viennent non pas à la place de la production, mais qui viennent en plus de la production. C'est l'idée de multifonctionnalité que nous voulons reconnaître et rémunérer en raison de son utilité sociale. Donc, ce n'est pas une négation de la production que de reconnaître que, à côté de la fonction de production, l'agriculteur joue d'autres fonctions.

Le contrat territorial d'exploitation est un contrat, c'est une forme moderne de l'expression de la responsabilité, qui a d'ailleurs été approuvée par plusieurs parlementaires de l'opposition.

Je ne vois pas ce qui vous ferait craindre que l'on force l'agriculteur à signer un contrat. Où avez-vous vu ce film ? Les agriculteurs seront libres de contracter ou de ne pas contracter.

M. Christian Jacob.

Sauf si vous intégrez les ICHN !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non ! Vous mélangez tout. Ce n'est pas parce que l'on prévoirait telle ou telle prestation dans le contrat - quand il existe - que cela voudrait dire que, pour toucher cette prestation, il faudrait passer un contrat. Vous mélangez tout dans votre sectarisme, dans votre dogmatisme, dans votre aveuglement critique ! Ce n'est pas comme cela que les choses se présentent.

Regardez, au moins, interrogez-nous, écoutez-nous et tirez-en des leçons avant de rester dans votre aveuglement ! Les agriculteurs signeront ou ne signeront pas le CTE.

Personne ne les y forcera. Mais mon petit doigt me dit qu'ils seront nombreux à vouloir signer les CTE, surtout si nous savons rendre ces derniers attractifs, et, figurezvous, c'est plutôt notre intention.

Je finirai par deux mots sur le libéralisme. La clé de voûte de votre raisonnement serait cette notion d'entreprise. Comme si, dans le fond des campagnes françaises, on n'attendait qu'une grande décision : que soit reconnu le titre d'entrepreneur. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Je peux vous dire qu'à Maubourguet ou dans les Hautes-Pyrénées on n'attend que ça ! Les agriculteurs me demandent toujours : « Monsieur Glavany, quand sera-t-on reconnus comme entrepreneurs, car c'est ce qui nous importe ? » (Sourires sur les mêmes bancs.)

Vous plaisantez, monsieur Ollier ? Je vais vous dire : chiche ! Si on jouait à ce jeu-là, il faudrait alors en tirer les conséquences. en matière de fiscalité : ISF, taxe professionnelle...

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... au nom de l'égalité de traitement des chefs d'entreprise devant la loi et la fiscalité ! M. Jacob sait très bien de quoi on parle.

Je souhaite, pour ma part, que, devant cette espèce de débauche d'énergie pour faire reconnaître à l'agriculteur le titre d'entrepreneur et reconnaître la notion d'entreprise, on soit serein. Il ne faut pas jouer avec le feu. Cela risquerait de se retourner contre ceux que vous souhaitez défendre.

Mon dernier mot portera sur le libéralisme. Je vous raconterai une anecdote, qui remonte en 1984, quand la production laitière européenne était menacée. Le Président de la République de l'époque, auquel François Patriat rendait hommage tout à l'heure, François Mitterrand, avait accepté, dans un sommet européen, l'instauration des quotas laitiers.

M. François Sauvadet.

On nous l'a déjà faite, celle-là !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Tous vos prédécesseurs et certains d'entre vous hurlaient au loup pour nous dire : « Les quotas laitiers ! Mon Dieu, nous, les libéraux, nous ne pouvons pas supporter une telle expression du dogmatisme bureaucratique. »

M. Charles de Courson.

Le disque est rayé...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'était la bureaucratisation, la fonctionnarisation de l'agriculture ! M. Jacob et son organisation protestaient. Combien de tomates ou d'oeufs n'avons-nous pas reçus, nous les élus de la majorité de l'époque, en signe de protestation contre les quotas laitiers ? (Sourires.)

M. Christian Jacob.

Il a fallu deux gouvernements pour corriger le système de gestion que vous aviez mis en place !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Quinze ans après, les mêmes, vous et vos prédécesseurs, les mêmes agriculteurs, y compris chez moi, disent une seule et même chose : « Touche pas à mes quotas ». Monsieur Ollier, je vous en fais le pari : dans quinze ans, les mêmes nous diront : « Touche pas à mon CTE ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Patriat, rapporteur.

J'ai écouté l'ensemble des orateurs sans les interrompre. C'est un principe chez moi. Je me dispense toujours de lancer des interjections, de pousser des hurlements et de me livrer à des critiques systématiques. J'essaie d'écouter ce qui se dit, ne serait-ce que pour comprendre. Mais j'ai le sentiment qu'une telle attitude a été interprétée par les députés de l'oppositio n comme une compromission qui me créerait des problèmes avec ma majorité. (Sourires.)

M. Christian Jacob.

On a réussi ! (Sourires.)

M. François Patriat, rapporteur.

Je tiens à vous rassurer ce n'est pas le cas. Je peux être sensible à des arguments tels que ceux de M. de Courson, selon lequel une loi d'orientation qui méconnaît les problèmes fiscaux perd un de ses piliers. Il est sans doute vrai qu'il y a des éléments fiscaux. J'admets, par ailleurs, que la spécificité de la montagne doive être prise en compte et qu'il y a des avancées sociales à réaliser autour de caisses-pivots. Mais cela ne signifie pas que je sois en désaccord avec la philosophie de ce texte et avec les outils qui sont proposés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

J'ai entendu beaucoup de choses et j'aimerais, monsieur le président, répondre brièvement à certains orateurs.

J'ai le sentiment qu'il y a trois catégories d'opposants.

Il y a ceux qui, comme M. Jacob - il ne me fera pas grief de lui dire - sont philosophiquement opposés à la loi, et ce depuis le début. Ils disent en commission :

« Cette loi est mauvaise. Nous n'en partageons pas la philosophie, et, quoi que vous fassiez, nous y serons opposés. » Seulement, ils affirment ensuite à la tribune

: « Si vous aviez fait ce qu'a dit le Sénat, si vous aviez accepté nos amendements nous aurions pu, après tout, voter cette loi. »

M. Christian Jacob.

Elle ne serait pas la même ! Elle serait acceptable.

M. François Patriat, rapporteur.

Je donne acte à

M. Jacob qu'il est contre cette loi, contre sa philosophie, que nous avons ferraillé et que nous allons continuer à le faire. Mais qu'au moins il nous laisse ici développer l'idée que nous souhaitons une agriculture riche en hommes et accrochée aux territoires ! Il y a aussi ceux qui sont comme M. Vasseur, que j'ai écouté également avec attention. En résumé, celui-ci trouvait que c'était une bonne loi. Parce que le CTE, c'est bien ; mesurer les structures, c'est bien ; donner un statut au conjoint d'exploitation, c'est bien ; renforcer les filières, c'est bien ; renforcer la capacité économique, c'est bien. Tout cela, donc, le satisfait. Mais, en fin de compte, ce n'est pas ce qu'il voulait. La loi qu'il avait proposée était une autre loi qui avait, dans des arbitrages, à des moments un peu paroxystiques de la vie politique, à la veille d'une dissolution, fait croire tout et son contraire à l'opinion.

Et puis il y a les gens comme M. Sauvadet. Ils pensent que c'est une bonne loi, dans leur for intérieur.

(Sourires.)

Mais par souci d'alliances, ou par anxiété face aux futures échéances électorales, de peur de voir un candidat d'un autre parti de la majorité se présenter contre eux, ils se voient contraints et forcés d'en rajouter. Ils en remettent une louche, ils disent : « Non, non, ce n'est pas ça du tout ! Vous n'avez pas compris ! » (M. François Sauvadet lève les bras au ciel.)

M. Germain Gengenwin.

Quel cinéma !

M. François Patriat, rapporteur.

Alors, je vais répéter à M. Sauvadet ce que vient de dire M. le ministre. Je me souviens, cher collègue, ami et voisin, qu'en 1984, du temps où vous étiez journaliste politique et agricole dans un grand quotidien de Bourgogne...

M. François Sauvadet.

Juste agricole !

M. François Patriat, rapporteur.

... vous écriviez - j'ai gardé cet article en mémoire et aussi, d'ailleurs, dans mes archives -...

M. François Sauvadet.

Tiens !

M. François Patriat, rapporteur.

... vous écriviez, disaisje : « Je crois qu'aujourd'hui le député socialiste de la cinquième circonscription de Côte-d'Or se trompe. Il n'a rien compris à l'agriculture : il faut laisser aux agriculteurs le droit de produire. » Et c'est vous-même, aujourd'hui,

qui venez me dire dans l'hémicycle : « Mais où est donc, dans le compromis de la PAC, la maîtrise de la production ? Parce que, pour que ça aille, il faut maîtriser la production. »

Mme Sylvia Bassot.

Les choses évoluent !

M. François Patriat, rapporteur.

Nous, quinze ans après, nous sommes toujours pour la maîtrise de la production. Nous pensons que les éleveurs qui ont maîtrisé leur production autour de critères de qualité, autour de contrats de plantation ou d'élevage, ont aujourd'hui gain de cause et vendent leurs produits dans des conditions rémunératrices qui leur permettent de ne rien demander au soutien public.

Nous allons, dès demain matin, examiner les amendements. Auparavant, je voulais juste remettre les choses en place. Le rapporteur est là pour vous écouter et il continuera à le faire.

M. Patrick Ollier.

Nous voilà rassurés !

M. François Patriat, rapporteur.

Mais rassurez-vous, en effet, il est en cohésion avec sa majorité. Et je conclurai en paraphrasant Jaurès : quand l'opposition m'applaudit, je me demande bien quelle bêtise j'ai pu dire ! (Sourires.)

Je vais essayer maintenant de réparer ces bêtises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoie en commission, la parole est à

M. Michel Grégoire.

M. Michel Grégoire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai bref car le temps n'est plus à meubler le temps. Beaucoup de mots ont été dits, et il faut maintenant engager la discussion des articles.

Je suis d'ailleurs surpris par un tel souci de procédure.

Après l'exception d'irrecevabilité et la question préalable, demander en plus le renvoi en commission, c'est faire beaucoup de cinéma, surtout pour des gens de la montagne qui, en général, se préoccupent beaucoup plus des problèmes de fond et font beaucoup moins de manières.

Alors, j'ai le sentiment que les arguments manquent, que l'on cherche simplement à faire durer, à s'opposer pour s'opposer à affirmer un ultra-libéralisme permanent.

C'est vrai que les questions agricoles vous intéressent.

Qui ne s'y intéresse pas ? C'est vrai qu'il y a un grand débat de société, que tout le monde s'interroge sur l'avenir de l'agriculture, que tout le monde s'en inquiète.

C'est vrai que notre société est de plus en plus orientée vers l'urbain. Et quand vous nous dites que notre texte est idéologique, je réponds pourquoi pas ? Dans « idéologique », il y a « idée ». Débattre de l'avenir du monde rural et de l'agriculture, c'est donc une forme d'idéologie.

Vous nous parlez de bureaucratie. Moi, je trouve normal que lorsqu'on distribue de l'argent public, il y ait un minimum de contrôle. Heureusement que, dans la politique, on a mis en place des procédures pour contrôler la circulation de l'argent. Heureusement qu'on l'a fait aussi pour la gestion des collectivités. Eh bien, pour l'agriculture, ce doit être la même chose et je ne vois pas ce qu'il y a de gênant à essayer de contrôler les flux d'argent public dans ce secteur.

Mme Béatrice Marre.

Très bien !

M. Michel Grégoire.

Enfin, vous nous parlez des charges. Mais pour le foncier non bâti, au niveau des départements et des régions, c'est quand même nous, les socialistes, qui avons à l'époque proposé l'exonération.

Nous souhaitons valider ce qui est bon, ce qui fait avancer. Le temps nous permettra de repérer les points de blocage et d'effectuer les nécessaires corrections. Nous savons bien que nous n'avons pas tout obtenu dans la négociation de Berlin. Tout le monde s'y est mis, tout le monde a remonté les manches pour obtenir le maximum.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Et je crois que la loi peut servir de levier, comme le disait M. le ministre, pour convaincre encore nos partenaires européens qu'il reste du chemin à faire, qu'aller vers le développement rural est parfaitement possible. On n'obtient rien sans conviction.

Il y a là un enjeu national de solidarité. Je ne comprends donc pas l'intérêt que vous trouvez à vous opposer à un texte novateur, un texte porteur d'avenir, qui mérite, même si vous n'êtes pas d'accord sur tout, un consensus sur l'essentiel. En tout cas, je peux vous assurer que, sur le terrain, les agriculteurs, eux, l'attendent. Ils me le disent à chaque rencontre, et Dieu sait si je les côtoie. Ils espèrent beaucoup du CTE. Le ministre continuera à le répéter : nous avons la ferme intention de remplir la musette pour le financer.

Et puis, nous avons aussi abordé les retraites, le plural isme, la transparence, la sécurité alimentaire, la reconquête de l'espace rural. Je ne crois pas que ce soit un texte vide. C'est au contraire un texte qui oriente l'avenir.

Pour conclure, je souhaite au ministre de rester aussi calme, aussi ouvert au dialogue, aussi sûr de lui, car c'est par cette attitude que nous ferons avancer les nouvelles idées que nous avons pour notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Vous nous disiez, monsieur le ministre, que M. Ollier s'était livré à un numéro. Eh bien, je salue, moi, le beau numéro de Parlement auquel vient de se livrer un rapporteur qui se sent obligé de donner des gages à sa majorité, alors que nous avons simplement reconnu son pragmatisme, comme d'ailleurs celui de M. Leyzour qui a, lui aussi, avec d'autres, apporté une contribution essentielle au débat. Le pragmatisme est une grande vertu ; nous nous l'appliquons à nous-mêmes et nous vous le recommandons, monsieur le ministre.

J e n'irai pas au-delà pour François Patriat. Je comprends la difficulté du rôle qui lui revient, car il est proche du terrain, il est à l'écoute des agriculteurs, il sent bien, en même temps que leur espérance, les inquiétudes que ce texte leur inspire, surtout à la lumière du dernier budget de l'agriculture.

Ce budget préfigurait les orientations de la loi. Or même si vous l'avez démenti, monsieur le ministre, les faits sont têtus et les documents transmis à la représentation nationale pour le ministère des finances montrent que le budget de l'agriculture est en baisse...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non !

M. François Sauvadet.

... une baisse, a dit M. Ollier, de 6 %.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est faux !

M. François Sauvadet.

Je ne m'en réjouis pas. Vous pourriez ne pas vous en réjouir. D'ailleurs, depuis que vous avez la responsabilité du ministère de l'agriculture, vous passez votre temps à dire : « Cela n'a pas été génial jusqu'à présent ! » Espérons que les choses vont changer.

Je forme simplement le voeu que nous menions ce débat avec beaucoup de sérieux, sans nous jeter à la face des anathèmes ou des procès d'intention, car le monde agricole et la nation tout entière attendent autre chose de nous.

Nous avons exprimé un certain nombre d'inquiétudes que vous n'avez jamais apaisées. Vous avez démenti, tenté de rassurer, mais vous n'avez pas répondu clairement aux questions que nous vous avons posées pour faire avancer le texte et pour éviter que cette formidable espérance que vous semblez y mettre ne débouche sur une formidable déception.

Mes chers collègues, ne jouez pas trop avec cette espérance car, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il n'y a pas de miracle à attendre d'un simple outil. C'était une parole de bon sens. Reconnaissez simplement qu'il y a de profonds motifs d'inquiétude quant à l'organisation du CTE, dont les contours financiers sont extrêmement délicats à préciser. Vous n'avez pas voulu reconnaître que le deuxième pilier présentait un aspect de renationalisation des aides européennes. C'est pourtant ce qu'a dit textuellement Mme Marre. Le Journal officiel en fera foi.

Mme Béatrice Marre.

Je n'ai pas dit cela !

M. François Sauvadet.

Une nouvelle situation est née de l'accord de Berlin. Vous avez souligné, monsieur le ministre, qu'il n'avait pas été aussi facile à obtenir, et vous vous êtes même fait une vertu d'avoir su « refiler le Mistigri » juste avant le 17 mars en disant qu'il appartiendrait dorénavant aux chefs d'Etat et de gouvernement de trouver la solution. Mais je passe sur ce sujet, qui n'est pas l'essentiel.

Le renvoi en commission vous donnait le temps de préparer un texte plus complet. Vous avez reconnu que le volet fiscal était une nécessité. Le rapporteur vient de le souligner à son tour en citant M. de Courson. Il faut un volet fiscal, cela donnera un peu plus de corps, une vraie consistance à cette loi qui en manque un peu.

Je viens d'apprendre que Mme Marre allait être chargée d'une mission.

Mme Béatrice Marre.

Oui.

M. François Sauvadet.

Je ne sais pas combien de temps elle durera, mais elle aboutira forcément à un rapport qu'il faudra ensuite exploiter. Eh bien, il suffirait de voter le renvoi en commission. Vous auriez ainsi le temps de rencontrer Mme Marre, et pas elle seulement car ce serait quand même un peu trop limité.

Mme Béatrice Marre.

Je vous l'accorde.

M. François Sauvadet.

Je ne mets pas en doute ses compétences, qui sont grandes, mais elle nous avait habitués à mieux.

Bref, avec le renvoi en commission, vous auriez l'opportunité de préparer un texte beaucoup plus dense.

Enfin, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous répondiez plus clairement aux questions que nous vous posons, car ce sont celles que se posent les agriculteurs.

Nous avons évoqué notamment l'ICHN et j'espère que, pendant le débat, vous nous apporterez des éclaircissements sur ce sujet et sur d'autres, tout aussi importants.

Voilà pourquoi, bien sûr, nous voterons le renvoi en commission qu'a très bien défendu notre ami Patrick Ollier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union p our la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Monsieur le ministre, dans son brillant exposé, M. Ollier a mis en évidence les carences de votre texte. Il a souligné d'abord qu'elles étaient dues à un refus du dialogue en commission. Il est vrai que la discussion s'y est déroulée très rapidement, sans que l'opposition ait le temps d'exposer ses points de vue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

Les carences de ce texte sont également dues à un mépris des propositions de l'opposition.

M. Ollier a souligné les risques d'une bureaucratisation, que redoutent tous les milieux agricoles. Nous ferons bientôt plus d'agriculture dans les DDA que dans les zones de production !

Mme Béatrice Marre.

Quel culot !

M. André Angot.

M. Ollier a souligné les risques de concurrence déloyale entre les agriculteurs et certaines professions du commerce et de l'artisanat, avec la menace de déstabiliser complètement la vie économique des zones rurales, qui ont bien besoin de la complémentarité entre les artisans, les commerçants et les agriculteurs.

M. Ollier a souligné l'absence d'un volet fiscal et social pour permettre à l'agriculture de s'adapter aux nouvelles exigences de la politique agricole commune.

Il a souligné le parti pris consistant à sanctionner l'enseignement agricole privé. C'est une attitude idéologique : vous voulez à tout prix favoriser l'enseignement agricole public.

Il a souligné l'absence de vision pour l'évolution desr etraites agricoles. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a préféré se réfugier dans une assemblée où l'opposition est majoritaire, ce qui est plus confortable que le ministère de l'agriculture. Mais je lui avais rappelé en première lecture que, lors de sa dernière campagne électorale, il n'avait cessé de promettre, par écrit et oralement, qu'il exigerait que les retraites agricoles soient portées, à la fin de la législature, au minimum à 75 % du SMIC. J'avais proposé des amendements pour concrétiser cette promesse dans la loi d'orientation agricole. Bien sûr, il avait refusé.

M. Ollier a enfin souligné le manque d'informations sur le financement des CTE, avec le risque de transferts de crédits jusqu'à présent affectés à des programmes dont les objectifs sont identiques à ceux des CTE.

M onsieur le ministre, les agriculteurs n'ont pas confiance dans votre politique agricole. La baisse du nombre d'installations en 1998 l'atteste.

En définitive, ce texte est incomplet et inadapté aux mutations que devra subir l'agriculture. C'est un texte dangereux pour l'économie des zones rurales. C'est un texte avant tout idéologique, n'en déplaise au rapporteur, qui a essayé de renoncer à l'idéologie mais qui a été rattrapé par les propositions de son parti. C'est un texte qui n'a aucune ambition pour l'avenir de notre agriculture et qui ne répond pas aux attentes du monde agricole.

Avec un peu plus de dialogue, ce projet de loi pourrait être amélioré, car nombre de nos propositions recueilleraient un consensus. Pour y parvenir, il est nécessaire qu'il soit rediscuté en commission, et c'est pourquoi le groupe RPR votera la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de M. Philippe Duron, un rapport, no 1528, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de M. Jean-Pierre Michel, un rapport, no 1529, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi de M. Georges Sarre portant création d'une nouvelle collectivité territoriale : le Haut Conseil de l'agglomération parisienne (no 1350).

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de Mme Bernadette IsaacSibille, un rapport, no 1530, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur les projets de loi, adoptés par le Sénat : autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part (no 1315) ; autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part (no 1316) ; autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part (no 1314) ; autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Géorgie, d'autre part (no 1313).

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de M. Joseph Tyrode, un rapport, no 1531, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (no 786).

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de M. René André, un rapport, no 1532, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) (no 1312).

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de M. Paul Dhaille, un rapport, no 1533, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de c oopération entre la République française et la République de Géorgie (no 1320).

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de Mme Bernadette IsaacSibille, un rapport, no 1534, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 AVRIL 1999

le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation (no 1197).

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 7 avril 1999, de MM. Yves Durand et Jacques Guyard, un rapport d'information, no 1535, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la gestion des personnels enseignants du second degré.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1360, d'orientation agricole : M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1481).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 8 avril 1999, à zéro heure cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

COMPOSITION DE GROUPE (Journal officiel , Lois et Décrets, du 8 avril 1999)

GROUPE RADICAL, CITOYEN ET VERT Président du groupe : M. Roger-Gérard Schwartzenberg.