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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 3693).

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE (p. 3693)

MM. José Rossi, Lionel Jospin, Premier ministre.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE (p. 3695)

M. Bernard Grasset, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

RÉFUGIÉS DU KOSOVO (p. 3696)

MM. Serge Blisko, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

ELF-AQUITAINE (p. 3697)

Mme Martine Lignières-Cassou, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

ELF-AQUITAINE (p. 3698)

MM. Jean Vila, Christian Perret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE (p. 3699)

MM. René André, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

ASSURANCES EN CORSE (p. 3701)

MM. Roland Francisci, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

POLYNÉSIE FRANÇAISE (p. 3702)

MM. Emile Vernaudon, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

ACCORD ITALO-ALLEMAND

SUR LES TÉLÉCOMMUNICATIONS (p. 3702)

MM. Claude Gaillard, le président, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE (p. 3703)

M. François Huwart, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 3704)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

2. Accord entre la France et la République de Moldavie sur les investissements. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3704).

Article unique. - Adoption (p. 3704)

3. Accord entre la France et la République d'Inde sur les investissements. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3704).

Article unique. - Adoption (p. 3704)

4. Accord entre la France et la République libanaise sur les investissements. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3705).

Article unique. - Adoption (p. 3705)

5. Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3705).

Article unique. - Adoption (p. 3705)

6. Convention d'entraide judiciaire entre la France et le gouvernement de Hong Kong. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3705).

Article unique. - Adoption (p. 3705)

7. Traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la France et la République de Géorgie. - Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 3706).

Article unique. - Adoption (p. 3706)

8. Couverture maladie universelle. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 3706).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3706)

Mmes Odette Grzegrzulka, Roselyne Bachelot-Narquin, Jacqueline Fraysse,

MM. Yves Bur, Georges Sarre, Denis Jacquat, Marcel Rogemont, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia,

MM. Ernest Moutoussamy, François Goulard, Jean-Pierre Foucher, Mme Marisol Touraine,

MM. Jean-Michel Dubernard, André Aschieri.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

M.

Jean-Luc Préel, Mme Catherine Génisson,

MM. Jean Bardet, Alain Veyret, Jean-Jacques Denis.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

9. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3733).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je voudrais la poser avec beaucoup de gravité, tout en évitant d'engager le débat en termes conflictuels...

M. Christian Bataille.

On compte sur vous !

M. José Rossi.

... ou d'affrontement.

Mme Martine David.

A qui la faute ?

M. José Rossi.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais évoquer une situation très grave au lendemain d'un débat tout à fait responsable que nous avons eu ensemble ici même, dans cette enceinte, et au cours duquel vous avez pu constater qu'au-delà des clivages politiques notre volonté commune de responsabilité face à l'engagement qui est le nôtre au Kosovo nous avait conduits à avoir une analyse sereine. Ainsi, nous avons pu, les uns et les autres, nous projeter dans l'avenir et, à une très large majorité, nous rassembler autour du Président de la République et de vous-même pour défendre des objectifs communs dans le conflit dans lequel nous sommes engagés.

Quant au dossier corse qui nous interpelle aujourd'hui, je ne l'évoquerai pas seulement en tant que parlementaire représentant de la nation élu en Corse, mais aussi en tant que président d'une formation politique responsable, en tant que membre de l'opposition et en tant que simple membre de l'Assemblée nationale. Ceux qui s'intéressent à ce dossier l'abordent avec la meilleure foi possible, faisant en sorte qu'ensemble nous trouvions une solution républicaine au problème corse qui, hélas ! se pose depuis de très nombreuses années sans qu'aucun gouvernement, il faut le dire très clairement, ni de droite ni de gauche, n'ait été à ce jour en mesure de le résoudre.

Le Président de la République, vous-même et votre gouvernement avez manifesté, depuis plus d'un an, après l'odieux assassinat du préfet Erignac, une volonté nouvelle pour vous attaquer à ce problème. Mais force est de dresser aujourd'hui - n'y voyez pas de critique majeure un constat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Permettez-moi de m'exprimer dans le calme, et vous me répondrez ensuite ! Le constat est le suivant : ce qui doit légitimer le plus l'action de l'Etat en Corse, c'est la recherche de la sécurité, la recherche de l'application de la loi et de la justice. Cela doit se faire sur les points les plus sensibles dans l'opinion insulaire et nationale : les assassins du préfet Erignac n'ont pas été retrouvés, les crimes les plus importants demeurent à ce jour impunis, la violence peut encore se manifester librement.

Avant d'en venir au fond, je voudrais rendre un hommage appuyé à la gendarmerie qui a été victime d'odieux attentats, qui a été mitraillée à plusieurs reprises, à cette gendarmerie qui exerce avec beaucoup de courage ses responsabilités en Corse. Mais ce n'est pas de celle-là qu'il est question aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Monsieur le Premier ministre, si nous vous interrogeons aujourd'hui, c'est parce que d'autres vous ont i nterrogé avant nous. Lisez la presse d'hier et d'aujourd'hui : « Le Gouvernement dans le séisme corse », dans Le Figaro de ce matin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ;

« Le fiasco corse », dans Le Parisien ;

« Corse : l'enquête qui accable les gendarmes », dans Le Monde de cet après-midi. Toutes les questions sont posées.

J'imagine que vous ne disposez pas aujourd'hui de toutes les réponses, monsieur le Premier ministre, car vous avez besoin d'enquêter et vous avez sans doute besoin ainsi, dans le cadre de la chaîne de commandement administrative sur laquelle vous pouvez avoir toutes les informations que vous souhaitez, d'un peu de temps.

Mais je dois dire que nous avons un sujet de satisfaction : en effet, la justice s'est emparée de ce dossier dans des délais extrêmement rapides.

M. Christian Bataille.

Ça change !

M. José Rossi.

Avant même que tout responsable politique, quel qu'il soit, ou tout journaliste, quel qu'il soit, ne se manifestent, c'est la justice qui, sur la base d'un rapport de gendarmerie et d'une inspection, a été en mesure d'engager un processus qui doit conduire les responsables politiques, et notamment l'exécutif qui est aujourd'hui chargé de la conduite des affaires de notre pays, à s'exprimer avec la plus grande transparence sur ce dossier.

A la suite des initiatives qui ont été prises par la justice et le procureur de la République à Ajaccio, de fortes présomptions pèsent sur certains éléments de la gendarmerie qui auraient été susceptibles d'agir dans des conditions parfaitement illégales (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) voire, si l'on en croit le motif de leur mise en examen, de manière criminelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

La seule question utile que nous puissions poser (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) est celle de savoir s'il s'est agi d'une initiative isolée, ne répondant à aucune logique, ou si elle a été prise au bout d'une chaîne de commandement, comprenant un donneur d'ordres, engageant alors la responsabilité administrative du sommet de l'Etat et la responsabilité politique du Gouvernement.

M. le président.

Concluez, mon cher collègue.

M. José Rossi.

Il faudra sans doute, comme ce fut le cas en d'autres circonstances, quelques jours, quelques semaines ou quelques mois pour connaître toute la vérité.

Nous respectons trop la gendarmerie, monsieur le Premier ministre, pour imaginer que des gendarmes puissent agir sans ordres et sans informer leur hiérarchie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît, monsieur Rossi !

M. José Rossi.

Je vais conclure, monsieur le président.

Si les présomptions qui pèsent sur les hommes qui ont été incarcérés n'étaient pas fondées - cette hypothè se doit être aussi examinée -,...

M. Didier Boulaud.

Arrêtez ! Ça suffit !

M. José Rossi.

... il appartiendrait à la justice de démontrer avec plus de succès que dans d'autres affaires qu'on peut retrouver les criminels, les incarcérer et les punir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en Corse, un peloton de gendarmerie fait l'objet d'une enquête judiciaire dans le champ de la sécurité. Cela veut dire que le ministre de la défense, la garde des sceaux et le ministre de l'intérieur pourraient vous répondre. Ils le feront peutêtre si d'autres questions sont posées.

M. Laurent Dominati.

Il y en aura !

M. le Premier ministre.

Mais compte tenu de la gravité de l'événement, je commencerai par répondre moi-même.

Quels sont les faits ? Dans la nuit du 19 au 20 avril, un restaurant - une « paillote », dit-on - installé dans le domaine public maritime a été détruit par un incendie.

Ce bâtiment, construit sans autorisation sur le domaine public maritime, comme beaucoup d'autres constructions (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), devait, en application d'une décision de justice définitive intervenue en 1995, être démoli, après sursis à exécution, par son propriétaire à la fin de la prochaine saison estivale. Si je dis cela, c'est qu'il en va, ici aussi, du respect de l'Etat de droit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les circonstances de la destruction de ce bâtiment ont conduit les autorités judiciaires à mettre en examen et à écrouer plusieurs officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale, dont des membres du groupement de pelotons de sécurité, dit GPS, qui se trouvaient à ce moment-là à proximité de l'établissement et qui pourraient être impliqués dans cette destruction.

Je précise - il n'est sans doute pas inutile de le faire que c'est une unité de gendarmerie qui, informée et ayant découvert les faits, les a communiqués à la justice.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Une enquête judiciaire est donc en cours.

Ces faits, s'ils étaient avérés, constitueraient à l'évidence, du fait de leur gravité, une atteinte à l'Etat de droit, mais il convient d'ajouter, mesdames et messieurs les députés, que, par ces dysfonctionnements, se trouve aussi confirmée l'existence de l'Etat de droit.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Francis Delattre.

Charabia !

M. le Premier ministre.

Immédiatement, une enquête judiciaire a été diligentée. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Des responsables sont entendus et mis en cause.

Les services de l'Etat agissent bien en Corse sous le contrôle strict de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

Et les valises ?

M. le Premier ministre.

Ces événements sont bien une affaire de l'Etat...

M. Francis Delattre.

Une affaire d'Etat !

M. le Premier ministre.

... puisque certains de ses services sont mis en cause. Mais ce n'est pas une affaire d'Etat (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) car aucun des responsables politiques de l'Etat, qu'il s'agisse du Premier ministre, qui vous parle, du ministre de la défense ou du ministre de l'intérieur, n'est de quelque façon que ce soit intervenu dans ces événements. Je vous le confirme, monsieur Rossi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il en va de même de la garde des sceaux s'agissant aujourd'hui de l'enquête judiciaire.

Cela ne signifie pas, bien sûr, que l'Etat, et le Gouvernement en particulier, ne doivent pas prendre toutes leurs responsabilités. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François d'Aubert.

Que le Gouvernement démissionne !

M. le Premier ministre.

Outre l'enquête judiciaire, et à la lumière de celle-ci, sans pour autant interférer avec elle, des sanctions seront prises et elles se situeront au niveau, quel qu'il soit, où s'est exercée la responsabilité dans les erreurs commises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Deux enquêtes administratives sont lancées.

L'une, dirigée par un inspecteur général de l'administration placé auprès du ministre de l'intérieur (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), a un caractère interministériel et portera sur les services administratifs de l'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

L'autre, conduite par un inspecteur général des armées, concernera la gendarmerie et portera notamment sur l'organisation et le contrôle du GPS. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Les deux responsables de ces missions d'inspection ont été désignés aujourd'hui et ils seront en Corse demain.

Le ministre de la défense a en outre décidé la suspension du commandant de la légion de Corse et des officiers concernés par l'enquête judiciaire...

M. Laurent Dominati.

Ils sont en prison !

M. le Premier ministre.

... qui sont de toute façon, je le rappelle, hors d'état d'exercer leur commandement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils seront remplacés par d'autres officiers de façon à assurer la continuité du service.

Plusieurs membres du groupe du Rassemblement pour la République.

Pitoyable !

M. le Premier ministre.

A l'issue de l'enquête administrative, nous verrons s'il est souhaitable de maintenir la structure particulière du GPS. (Exclamations sur les bancs d u groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Au moment de sa création, elle était justifiée par le contexte exceptionnel de l'époque. Dois-je vous rappeler, mesdames et messieurs les députés, qu'on a assassiné un préfet en Corse, que des menaces ont été proférées contre des personnalités et que des exactions ont été commises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

La nécessité de procéder à des interpellations dans des conditions particulièrement difficiles, la nécessité d'assurer la protection des hauts responsables de l'Etat et de hautes personnalités a été l'une des justifications de la décision.

Compte tenu de ce qui vient de se produire, cette structure doit faire rapidement l'objet d'un réexamen. Nous allons y procéder.

M. Laurent Dominati.

Qui a donné l'ordre ?

M. Philippe Auberger.

Le préfet !

M. le Premier ministre.

Mais puisque vous avez évoqué la gendarmerie, je vous ferai observer que l'enquête a été confiée par les magistrats à d'autres militaires de la gendarmerie - à l'inspection technique et à la section de recherches judiciaires -, ce qui montre que les autorités judiciaires ne manifestent aucune défiance à l'égard de la gendarmerie nationale en tant que corps.

M. Laurent Dominati.

Encore heureux !

M. le Premier ministre.

J'affirme la même confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons tous constaté à quel point il est difficile d'agir en Corse. Les problèmes que nous évoquons aujourd'hui n'auraient pas à se poser si certains n'utilisaient pas systématiquement la violence en Corse contre la loi républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

L'objectif de la politique du Gouvernement en Corse est le rétablissement de l'Etat de droit dans le cadre de la République ; sans aucunement stigmatiser, contrairement à ce que j'entends dire, les Corses, que j'aime et que je respecte personnellement (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , dans le respect de la personnalité corse...

M. Christian Bergelin.

Voilà les violons !

M. le Premier ministre.

... afin de lutter contre les activités criminelles et mafieuses et d'assurer le développement économique, social et culturel de l'île. Telle est notre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est cette politique qu'a conduite en Corse le préfet Bonnet, qui a accepté cette mission, je veux le rappeler, après qu'un préfet de la République eut été assassiné. Les moyens que nous avons employés et que nous employons sont ceux de l'Etat de droit.

M. François Vannson.

Ils sont inefficaces !

M. le Premier ministre.

Au-delà des fautes ou des dysfonctionnements qui seront ou non constatés et sur lesquels nous entendons faire toute la lumière, ce sont ces seuls moyens de l'Etat de droit que nous entendons utiliser.

M. Laurent Dominati.

Qui a donné l'ordre ?

M. le Premier ministre.

Pour conclure, mesdames et messieurs les députés, je voudrais souligner devant vous l'extrême difficulté de la tâche que doivent accomplir dans l'île les autorités administratives, les services de police et les services de gendarmerie.

Vous n'ignorez pas les mitraillages de gendarmeries.

Vous n'ignorez pas les atteintes aux biens de l'armée.

Vous n'ignorez pas les atteintes aux bâtiments civils. Vous n'ignorez pas les menaces contre les personnes. Je souhaiterais que tout cela ne soit pas oublié.

M. François d'Aubert.

On ne l'oublie pas !

M. le Premier ministre.

Je partage la rigueur des exigences formulées à l'égard des services de l'Etat dans l'exercice de leur mission. Mais je ne voudrais pas qu'elle s'accompagne d'une sorte de fatalisme ou, parfois, de complaisance à l'égard de ceux qui utilisent la violence dans la transgression constante de la loi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Vous leur ouvrez un boulevard !

M. le Premier ministre.

Voyons dans cet événement, mesdames et messieurs les députés - et je m'adresse ici à l'ensemble des forces politiques, et, comme vous, monsieur Rossi, sans aucun souci de polémique - oui, voyons dans cet événément une raison non pas d'affaiblir l'Etat de droit, comme certains peuvent l'espérer en Corse, mais une raison de le renforcer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la ministre, un climat passionnel souvent teinté de démagogie et d'hypocrisie entoure l'annonce de la mise en examen en Corse de militaires de la gendarme-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

rie nationale pour « destruction volontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie commis en bande organisée », ainsi que pour complicité.

L'information judiciaire étant ouverte et malgré le principe de la séparation des pouvoirs nié par ailleurs par ceux qui, déjà, jugent, condamnent et choisissent au gré de leur fantaisie les responsables (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), il est urgent et nécessaire que la vérité soit rétablie,...

M. Francis Delattre.

C'est nul !

M. Bernard Grasset.

... que les provocateurs, les inspirateurs et les auteurs soient clairement identifiés, nul ne devant s'affranchir des principes de la loi républicaine.

Je vous serais très reconnaissant, madame la ministre, de faire diligence afin de ne pas laisser prise à la rumeur et de préserver l'Etat de droit dans cette affaire comme dans d'autres - je pense à l'assassinat de Claude Erignac -, dans ce département comme sur le reste du territoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, ainsi que vient de le rappeler M. le Premier ministre, la justice est saisie de cette affaire et les juges travaillent. Ils ne travaillent pas seuls, mais avec une équipe d'enquêteurs de la gendarmerie qui est mobilisée depuis le premier jour sur cette tâche éprouvante, délicate mais nécessaire : parvenir, comme vous le souhaitez, à la manifestation de la vérité.

Cette enquête a été et continuera à être conduite en toute indépendance, conformément à la loi et à la procédure pénale sans que rien ne vienne freiner, détourner ou entraver l'action de la justice. Nous devons en effet à l'Assemblée nationale des informations sur l'état de cette enquête. Je vais donc en rappeler les étapes.

Une enquête initiale s'est déroulée en trois étapes sous l'égide du procureur compétent, celui d'Ajaccio, et a concerné trois services judiciaires de la gendarmerie en Corse.

Au niveau local d'abord, dès le mardi 20 avril, le procureur a confié l'enquête à la brigade de gendarmerie locale et à la brigade des recherches d'Ajaccio.

Au niveau régional, le jeudi 22 avril, devant les premiers doutes apparus sur la version initiale des faits, le procureur d'Ajaccio a saisi la section des recherches de Corse, qui dispose de moyens plus importants en hommes et en matériel. Les investigations menées par cette unité durant des heures ont conduit à poursuivre les recherches vers des officiers de gendarmerie.

Au niveau national ensuite, le procureur a donc saisi, le vendredi 23 avril, l'inspection technique nationale de la gendarmerie qui a procédé à des auditions sous le régime de la garde à vue. C'est cette enquête initiale qui a conduit à la saisine du juge d'instruction qui a été désigné à Ajaccio, le lundi 26 avril.

C'est maintenant sous la seule autorité du juge d'instruction désigné à Ajaccio que l'instruction judiciaire proprement dite se déroule. Vous le savez, des mises en examen ont eu lieu parce que le magistrat instructeur a jugé qu'il y avait suffisamment d'indices laissant présumer la participation de certains gendarmes comme auteurs ou complices à cette opération. Deux officiers ont donc été mis en examen pour « destruction de biens appartenant à autrui en bande organisée », qualification criminelle. Le colonel commandant la légion de gendarmerie en Corse a pour sa part été mis en examen pour complicité de ces mêmes faits.

Ces personnes ont été placées en détention provisoire, car il a paru important au juge d'instruction de pouvoir procéder en toute sérénité aux expertises, interrogatoires et confrontations nécessaires. Je précise qu'un débat contradictoire avec la défense des officiers concernés sera organisé demain, à Ajaccio, sur la prolongation de la détention provisoire.

Cette mise en examen n'implique bien sûr pas la culpabilité des personnes en cause - je tiens à le souligner. Elle est nécessaire à ce stade de la procédure pour garantir les droits des parties et assurer un déroulement normal de l'instruction en raison des actes à accomplir, notamment les auditions de témoins et la reconstitution des faits. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.

Ce que je peux dire c'est que sur cette affaire, pourtant exceptionnelle, la justice agit rapidement selon les règles habituelles du droit pénal et de la procédure pénale, qu'elle continuera dans cette voie sans aucune entrave d'aucune sorte, en toute indépendance à l'égard de toutes les personnes qui pourraient être concernées.

Cela dit, je rappelle à l'Assemblée nationale que, parmi les règles de la procédure pénale, figure la présomption d'innocence : tant que les faits ne sont pas établis par la justice, les personnes mises en cause ne sont donc pas considérées comme coupables.

M. Laurent Dominati.

Ce ne sont pas n'importe quelles personnes ! Il s'agit de gendarmes ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Ça suffit !

Mme la garde des sceaux.

Je voudrais rappeler deux autres règles essentielles : les droits de la défense et le secret de l'instruction. Je recommande à chacun de se défier des accusations malveillantes, des soupçons non étayés, des attraits pervers de la fausse information et de la désinformation.

Dans cette affaire, la justice avance en toute indépendance et sans entrave, quelle que soit la qualité des personnes soupçonnées et, comme vient de le dire le Premier ministre, le traitement de cette affaire par la justice montre que l'Etat de droit s'applique (Vives exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qu'il est notre objectif et la réalité de notre action.

S'agissant des enquêtes judiciaires, il n'en a pas toujours été de même lorsque vous étiez aux responsabilités, messieurs de l'opposition ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Rainbow Warrior ! » sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.) RÉFUGIÉS DU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, le drame que vivent des centaines de milliers d'habitants du Kosovo s'aggrave


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

chaque jour. Les images, les témoignages, les enquêtes montrent une situation dramatique qui fait resurgir le souvenir d'un passé tragique. On parle de milliers de personnes exécutées, victimes de violences, spoliées, de femmes violées.

Aujourd'hui, 600 000 albanophones sont réfugiés dans les pays limitrophes, pays très pauvres aux économies fragiles que cet afflux risque d'entraîner dans de grandes difficultés politiques.

De plus, 800 000 personnes seraient déplacées dans le Kosovo, chassées de leur foyer et condamnées à errer dans les pires conditions, et cela dans leur propre pays.

Face à cette crise, la France, comme d'autres pays de l'Union européenne, a décidé d'accueillir des réfugiés.

Mais il restera des dizaines de milliers de personnes déplacées à quelques kilomètres de leur région d'origine que l'on doit aider à attendre et à se préparer au retour dans les meilleures conditions possibles quand une solution politique sera trouvée. Il serait évidemment vain d'opposer l'accueil à l'aide sur place. Les deux sont indispensables et il est évident qu'il faut envisager l'aide à ces personnes dans la durée et pas seulement dans l'urgence.

Au moment où notre pays ouvre ses portes aux réfugiés, pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, l'action du Gouvernement, ici et là-bas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, la réponse de la France à la tragédie des réfugiés a été immédiate. Elle exprime un élan de solidarité marqué d'une générosité tout à fait exceptionnelle. Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler hier, lors du débat consacré au Kosovo, et il a remercié tous les acteurs - médecins, logisticiens, hommes et femmes de la sécurité civile, sapeurs-pompiers, militaires, responsables des organisations non gouvernementales - qui, sur le terrain, luttent avec acharnement pour alléger les souffrances de ces réfugiés. Nos concitoyens eux-mêmes ont manifesté leur solidarité en répondant aux appels de détresse qui leur ont été lancés et cela a permis de collecter un tonnage considérable de biens dont les réfugiés ont un pressant besoin.

A titre d'exemple, je rappellerai le départ, hier, de Marseille, d'un bateau, Le Fret-Aquitaine , emportant douze camions et 2 500 tonnes d'aide, surtout alimentaire. Ce bateau a été chargé gratuitement par les dockers de Marseille et plus de la moitié de sa cargaison correspond précisément aux dons des familles françaises collectés par la Croix-Rouge et acheminés par La Poste.

Le Gouvernement, pour sa part, a débloqué 225 millions de francs, dont 80 ont déjà été dépensés pour mettre en oeuvre un plan gouvernemental que nous voulons coordonner avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Ce plan, c'est d'abord la réponse à l'extrême urgence humanitaire. Le pont aérien mis en place a permis d'acheminer, depuis le 25 mars, 1 500 tonnes d'aide humanitaire. Les 200 rotations d'avions et les 86 rotations d'hélicoptères ont permis d'acheminer au plus près des réfugiés les denrées de première nécessité.

Mais, tandis que nous aménageons les camps pour réfugiés ainsi que les bases logistiques où peuvent s'approvisionner les ONG, afin d'ailleurs d'aider prioritairement les familles albanaises ou macédoniennes qui ont - ne l'oublions pas - accueilli d'abord, et dans leur grande majorité, les réfugiés, nous orientons notre action vers l'installation des réfugiés dans des camps dont nous assurons la charge, pour cinq d'entre eux en particulier, qui accueillent à environ 20 000 réfugiés et qui sont gérés par des ONG, sous l'égide du Haut-Commissariat pour les réfugiés.

D'autres actions, pour mobiliser des crédits moins importants, sont au moins aussi déterminantes. Je pense à celle qui est engagée pour réunir des familles disloquées.

Une aide de 5 millions de francs a ainsi été mobilisée en faveur de Radio Kukës, une radio locale, de Télécom sans Frontière, de la Croix-Rouge et de Radio France de afin collecter les informations et les coordonnées des personnes qui se recherchent.

Je voudrais appeler ici l'attention des élus locaux, qui sont nombreux dans cet hémicycle, sur le fait que la question qui se pose dès à présent est celle du passage de l'humanitaire au développement. Il s'agit en effet désormais de remettre en état des infrastructures - écoles, services de santé, dispensaires - capables d'accueillir les réfugiés et d'aider les populations locales à mieux s'équiper.

Cet effort, qui doit notamment être dirigé vers des petites villes dont la population a doublé, voire triplé, devrait mobiliser aussi les collectivités locales françaises. Nous entreprenons donc une concertation avec les grandes fédérations d'élus pour coordonner cette action et aider à la reconstruction de ces pays.

M. le président.

Veuillez conclure, je vous prie ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Notre aide, vous le savez, se traduit aussi par un soutien macro-économique. Nous avons décidé d'apporter une aide budgétaire à la Macédoine et hier, à Washington, lors d'une réunion consacrée aux Balkans, Dominique Strauss-Kahn a présenté la demande de la France pour que la Banque mondiale et l'Union européenne se coordonnent afin d'aider ces pays. Je rappelle que le Premier ministre, lors du voyage qu'il va effectuer sur place vendredi et samedi, pourra préciser et éventuellement compléter ce plan.

S'agissant de l'accueil en France, à la fin de cette semaine 2 000 réfugiés kosovars auront été accueillis chez nous dans des centres où ils auront pu bénéficier d'un bilan de santé avant d'être éventuellement placés chez les familles françaises qui en ont fait la demande. Tous sont dans un état de santé difficile. Mais tous, je tiens à le rappeler, veulent rentrer chez eux. Sans vouloir pousser plus loin la comparaison, je rappellerai que 85 % des réfugiés bosniaques sont retournés chez eux, seuls 10 % environ sont restés en France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ELF-AQUITAINE

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le 19 mars dernier, Philippe Jaffré, P-DG d'Elf Aquitaine, annonçait depuis Londres, sans en avoir informé au préalable son conseil d'administration et avec des propos méprisants pour ses salariés, un plan de restructuration au sein de la société Elf Exploration Production.

Un mois plus tard, le 16 avril, la direction annonçait, cette fois-ci de manière officielle, le contenu du plan dit d e « performance » : 1 500 suppressions d'emplois à temps plein dans l'ensemble de la branche, sans compter les emplois induits.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

La réponse du Béarn est aujourd'hui à la hauteur du mépris et de la méthode utilisée. Toute la population salariés, syndicats, élus, commerçants - se mobilise pour refuser les externalisations et les suppressions d'emplois envisagées.

Comment un groupe qui annonce un bénéfice de 8 milliards de francs en 1998 peut-il se permettre de sacrifier les hommes et les femmes qui ont contribué à sa réussite au nom de la seule logique spéculative et financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Si Elf Aquitaine fut une aubaine pour le Béarn, l'entreprise ne doit pas pour autant oublier son territoire d'origine. A ce jour sont en grève les salariés de Paris, de Pau et ceux de Lacq. A leur volonté de négociation, la direction oppose la menace de l'arrêt de la production à Lacq et refuse la moindre remise en cause de son plan à Pau comme à Paris.

L'Etat ne peut rester indifférent à un territoire qui a grandement contribué à l'indépendance énergétique de la France. Malgré la privatisation d'Elf Aquitaine en 1993, contre laquelle les socialistes s'étaient élevés (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Laurent Dominati.

Chiche ! Un peu de courage !

Mme Martine Lignières-Cassou.

... pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'Etat, quels sont aujourd'hui les moyens d'action du Gouvernement et comment l'Etat souhaite mettre à profit son action spécifique ? Je vous remercie de bien vouloir répondre aux inquiétudes des milliers de salariés, de l'ensemble des syndicats et des élus dont je me fait l'écho ce jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la députée, l'Etat n'est naturellement pas indifférent à ce qui constitue un élément déterminant de l'avenir économique de tout le Béarn. Nous devons à cet égard concilier deux objectifs : d'une part, relayer les attentes légitimes, que vous exprimez, des salariés d'Elf, des habitants de la région et des élus du Béarn ; d'autres part, dans le même mouvement, nous assurer que l'industrie pétrolière française reste l'une des premières du monde. Cela suppose qu'Elf, comme l'a fait Total à la fin des années 1980, renforce son pôle Exploration-Production. Cela implique peut-être des réorganisations, mais aussi la prise en compte des savoir-faire des techniciens, des ingénieurs, notamment du centre Jean-Feger. Cet ensemble de mesures doit s'inscrire dans un plan de développement global de cette activité et de l'industrie pétrolière.

Sur le plan de la méthode, le Gouvernement souhaite que l'on suive l'idée d'un véritable dialogue constructif, patient, actif. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vous propose quatre mesures positives.

Tout d'abord, afin de bien faire une information et d'en déduire des actions sur la filière gaz et la chimie, j'ai mandaté l'ingénieur général des mines Pierre Boisson (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) et Jean-Pierre Aubert, inspecteur général de l'industrie (« Ah ! » sur les mêmes bancs) , pour me fournir rapidement un rapport circonstancié sur la question.

(Mêmes mouvements.)

J'attends, de leur part, une analyse objective de la situation industrielle du Béarn et des propositions concrètes de développement des filières existantes.

M. Philippe Vasseur.

Formidable !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Deuxième mesure : le Gouvernement pourra intégrer cette réflexion dans la préparation du comité interministériel d'aménagement du territoire (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui se réunira en juin prochain.

Troisièmement, il me paraît évident que le groupe Elf a une dette à l'égard du Béarn.

M. Thierry Mariani.

Et Dumas ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il doit poursuivre et renforcer son action de reconversion entamée depuis plusieurs années. De nouvelles initiatives doivent être prises en la matière et les premiers contacts, qui sont ceux de M. Boisson de la direction générale d'Elf et bientôt des organisations syndicales, augurent bien de la capacité, par le dialogue, de s'engager sur des pistes constructives.

(« Bravo ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Enfin, quatrième mesure importante, j'ai fait part au président de l'Institut français du pétrole - IFP - de l'opposition du Gouvernement à la fermeture de son antenne de Pau.

Je considère qu'il y a d'autres solutions que la fermeture. Il convient d'examiner quels sont les métiers de recherche que l'IFP doit développer, et non pas supprimer, à Pau.

Je puis donc vous assurer que le Gouvernement est actif (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et concrètement et pleinement solidaire de ce qui se passe dans le Béarn.

(« Bravo ! » sur les mêmes bancs).

En particulier, il est solidaire des salariés de l'entreprise et de l'ensemble des habitants, préoccupation que vous exprimez remarquablement en tant qu'élue de cette région.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Et Dumas, il rembourse quand ?

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

ELF-AQUITAINE

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, ma question s'adresse aussi à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le même dossier Elf.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je souhaite qu'il puisse répondre à quelques propositions du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. Bernard Accoyer.

Il n'a rien à formuler !

M. Jean Vila.

Trop de grandes entreprises dégagent de superbénéfices en supprimant des emplois pour améliorer la valorisation boursière de leur actif. La société Elf est particulièrement révélatrice de cette dérive. Elle vient de confirmer son intention de supprimer 2 000 emplois, dont 1 230 en services d'exploration et d'exploitation français. Cela va entraîner la suppression de milliers d'emplois, en particulier dans la région de Pau.

Elf est une entreprise à la pointe des innovations technologiques. Les coûts techniques sont comparables et même inférieurs à ceux, par exemple, de la société Total, pourtant souvent citée en exemple si l'on en croit Le Revenu français.

Avec Elf, c'est la maîtrise d'un secteur économique stratégique pour notre pays qui est en jeu. Le Gouvernement doit faire jouer son droit d'action spécifique. Il peut opposer son veto à la prise de contrôle par la société Shell, que la presse économique évoque aujourd'hui ouvertement.

Des alliances se concrétisant pour la constitution d'un consortium européen avec Total ou Agip sont certainement nécessaires. Elf subit de plein fouet la domination des fonds de pension, aujourd'hui principalement à base anglo-saxonne, dont l'exigence d'un retour rapide sur capital, 10 %, voire 20 %, est contradictoire avec un projet industriel aujourd'hui indispensable. C'est une politique suicidaire pour l'emploi et pour les grands groupes nationaux que de les présenter comme le seul moyen de faire face au risque de perte de contrôle de leur capital.

M. Laurent Dominati.

Il faut nationaliser !

M. Jean Vila.

IBM en France en est l'exemple récent.

Pour combattre ces dérives, le groupe communiste vient de déposer une proposition de loi relative au licenciement pour motif économique, laquelle devrait faire l'objet d'un débat constructif dans cette assemblée.

Il serait également possible, dans le cadre d'une réforme du crédit et des modes de financement de l'économie, d'envisager le développement de fonds d'épargne gérés démocratiquement et centrés sur le financement à long terme des entreprises développant l'emploi.

Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles dispositions envisage de prendre le Gouvernement, comme il en a la possibilité, afin de contrer toute OPA sur Elf, pour favoriser l e développement industriel du groupe, sauver des emplois et assurer l'avenir de Lacq et de sa région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, vous me permettez de compléter ma réponse à la question de Mme Lignières-Cassou.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vous en remercie.

Elf doit s'adapter, mais pas au prix de la disparition de la fonction exploration-production dans cette entreprise.

Des négociations qui visent à établir un plan social équilibré ont débuté, il y a quelques jours, dans un climat difficile. Elles butent sur des divergences concernant l'orientation générale et la philosophie même de la réforme et sur les moyens de la mettre en oeuvre. Aujourd'hui, un déblocage de la situation s'impose.

Je souhaite que l'ensemble des parties aient la volonté de dépasser à court terme, dans un esprit de responsabilité et dans leur intérêt mutuel, les actuelles conditions de négociation. Celles-ci n'ont pas suffisamment témoigné de la volonté d'une de ces parties de dialoguer et d'avancer.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Faites rembourser les chaussures à Dumas !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous posez une question tout à fait importante concernant les actions spécifiques dont dispose l'Etat dans ce domaine. Comme vous l'avez souligné, et je tiens à ce que cela soit très clair, l'action spécifique détenue dans le capital d'ElfAquitaine doit être maintenue dans l'ensemble de ses caractéristiques.

M. Lucien Degauchy.

Baratin !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Dominique Strauss-Kahn et moi-même l'avons récemment réaffirmé, nous n'avons pas l'intention de remettre en cause l'action spécifique ; nous en avons même justifié il y a quelques jours l'existence et la fonction auprès de la Commission européenne.

M. Didier Julia.

C'est trop long !

M. Lucien Degauchy.

Qui lui a préparé cette réponse ? Baratin ! Je partage votre souci de promouvoir une vision industrielle, où la compétitivité des entreprises et de l'économie soit assise non seulement sur la recherche de la rentabilité financière, mais aussi, comme vous l'indiquez dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi récente, sur le plein épanouissement de toutes les capacités humaines, notamment à travers l'emploi et la formation. C'est ainsi que nous résoudrons le problème d'Elf-Aquitaine et la question économique dans le Béarn. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Monsieur le Premier ministre, le 2 mars dernier, répondant à une question de notre collègue Myard au nom du groupe du Rassemblement pour la République, qui s'inquiétait des problèmes concernant l'Etat de droit en Corse, Mme la garde des sceaux répondait textuellement ceci : « Je peux dire devant l'Assemblée nationale qu'avec mes collègues Alain Richard et JeanPierre Chevènement nous avons pris, bien entendu sous l'autorité du Premier ministre, toutes les mesures possibles pour assurer une bonne coordination sur le terrain des différentes forces chargées des investigations et assurer également la meilleure coordination sur le plan judiciaire. » C'était, monsieur le Premier ministre, madame la

garde des sceaux, il y a à peine un mois. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Yves Nicolin.

Quel succès !

M. René André.

Comment pouvons-nous vous croire, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, aujourd'hui...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. Lucien Degauchy.

Il y a longtemps qu'on ne les croit plus !

M. René André.

... alors que tout le monde connaît et apprécie la gendarmerie : un corps d'élite encadré par des officiers qui ont le sens de l'honneur et de la discipline ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Personne ne peut croire un seul instant sérieusement que les gendarmes ont agi sans ordre du Gouvernement ou de ses représentants (Applaudissements sur les mêmes bancs - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , alors que c'est le Gouvernement luimême qui a créé le GPS.

Admettez, monsieur le Premier ministre, qu'il est difficile de croire que le Gouvernement soit étranger aux événements de Corse, alors qu'après n'avoir fourni aucune explication il ne cesse de varier d'heure en heure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Didier Boulaud.

Taisez-vous ! Vous n'êtes plus au Gouvernement !

M. Alain Calmat.

Assez ! Dehors !

M. René André.

Hier, ne disiez-vous pas tout ignorer de cette affaire ? Ce matin, ne parliez-vous pas de complot et, cet après-midi, de sanctions ? Pour enfin connaître la vérité, faudra-t-il attendre aussi longtemps que nous avons attendu dans l'affaire du Rainbow Warrior ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Faudra-t-il attendre aussi longtemps que nous avons attendu dans l'affaire des Irlandais de Vincennes ou dans celle des écoutes téléphoniques ? (Applaudissements sur les mêmes bancs. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, nous attendons vos explications. Mais vous comprendrez que, selon une formule qui vous est chère, nous les recevrons sous bénéfice d'inventaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Mesdames et messieurs les députés, la politique de retour à l'Etat de droit rencontre naturellement beaucoup d'obstacles, beaucoup de résistances...

M. Christian Bergelin.

C'est peu de le dire !

M. le ministre de l'intérieur.

Elle met en cause des intérêts nombreux, à la mesure des enquêtes, elles-mêmes nombreuses, qui sont diligentées par la justice.

M. Christian Bergelin.

Baratin !

M. le ministre de l'intérieur.

Dans l'affaire qui nous occupe, dont chacun s'accordera à reconnaître que les circonstances qui l'entourent sont troublantes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) on ne peut pas reprocher à la justice de ne pas avoir fait diligence : pour des faits qui se sont produits le mardi, le procureur général intervenait dès le vendredi.

M. Richard Cazenave.

Qui a donné l'ordre ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je considère, par conséquent, que d'une certaine manière cette affaire illustre la rapidité de réaction de la justice au service de l'Etat de droit,...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas la question. Ditesnous qui a donné l'ordre !

M. le ministre de l'intérieur.

... un Etat de droit qui concerne tout le monde, y compris ceux qui sont chargés de le rétablir et qui y sont particulièrement astreints.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Qui a donné l'ordre ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je le dis à M. André : je suis peiné de l'avoir entendu s'exprimer comme il l'a fait (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste) en laissant penser que le Gouvernement serait pour quelque chose dans cette affaire. (« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Qui a donné l'ordre ?

M. le ministre de l'intérieur.

De même, je suis choqué que M. Sarkozy et M. Madelin aient pu, dans un communiqué commun, poser des questions comme celleci : le préfet a-t-il agi sur ordre de son ministre ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.) Permettez-moi de vous le dire, c'est dérisoire ! J'ai entendu moi-même M. le préfet Bonnet qui m'a dit tout ignorer de cette opération.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Renvoyez-le !

M. le ministre de l'intérieur.

Je n'ai pas, à l'heure qu'il est, la moindre raison de mettre en doute sa parole.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Richard Cazenave.

C'est grave !

M. le ministre de l'intérieur.

Quand M. Madelin et M. Sarkozy continuent en demandant si le ministre de l'intérieur a rendu compte au Premier ministre du projet qui était en préparation, tout cela est grotesque, permettez-moi de le dire ! Vous n'avez pas peur du ridicule ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Sachez que la politique de l'Etat de droit ne sera pas abandonnée. Elle sera poursuivie jusqu'au bout ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

A cet égard, je considère que vous n'avez pas de leçons à nous donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je voudrais rappeler la visite qu'a faite en Corse un autre ministre de l'intérieur, qui était en fonction avant moi,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Joxe ?

M. Arnaud Montebourg.

Debré ?

M. le ministre de l'intérieur.

... en janvier 1996. A la veille de cette visite, 600 hommes du FNLC, cagoulés (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ont tenu une conférence de presse, rendant public un communiqué qui avait été élaboré de concert avec le cabinet du ministre de l'intérieur ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

Quand on a discrédité à ce point l'Etat de droit, on doit faire preuve d'un peu de retenue, mesdames et messieurs les députés ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans cette affaire, toute la lumière sera faite ! Le Premier ministre a annoncé que, outre l'enquête judiciaire, des enquêtes administratives allaient être diligentées dès demain. Des décisions seront prises, des sanctions aussi, le cas échéant. Mais nous devons nous garder aujourd'hui de tout jugement précipité qui serait préjudiciable au retour à l'Etat de droit, politique affirmée au lendemain de l'assassinat du préfet Erignac, aussi bien par le Président de la République que par le Premier ministre.

Nous devrions tous être solidaires pour dire que, concernant le retour à l'Etat de droit, il convient d'être exigeants. Or ce n'est pas ce que j'ai entendu, entre nous, pendant la campagne des élections à l'Assemblée de Corse (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) au cours de laquelle M. Rossi, que j'écoutais tout à l'heure, n'a pas cessé de critiquer cette politique. (« En effet ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Et je rappelle que, contrairement à ce que dit M. Sarkozy, cette politique, si elle a abouti (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), à des résultats significatifs sur le plan de l'ordre public, a entraîné un gain de deux sièges pour les nationalistes. Deux sièges que vous avez perdus, monsieur Rossi ! Car la gauche a maintenu les siens. (Mêmes mouvements.)

Ainsi, mieux vaudrait balayer devant votre porte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il y a une ligne sur laquelle nous devrions nous retrouver : faire en sorte que la loi de la République prévale en Corse. Et ce n'est pas en faisant élire M. Talamoni à la commission Europe de l'Assemblée de Corse qu'on y parviendra ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) ASSURANCES EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. Roland Francisci.

M. Roland Francisci.

On a déjà beaucoup parlé des événements qui secouent la Corse aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle je n'y reviendrai pas longuement.

Mais avant d'aborder le problème des assurances en Corse, je voudrais rappeler à M. le Premier ministre et à M. le ministre de l'intérieur que les Corses, qui sont dans leur immense majorité très attachés à l'Etat de droit, s'interrogent. Ils attendent, comme l'ensemble de nos concitoyens, la vérité sur cette lamentable affaire, et le plus tôt, monsieur le Premier ministre, sera le mieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le ministre, le délicat dossier de l'assurance en Corse, sur lequel j'avais déjà appelé votre attention au mois de novembre dernier, est à nouveau d'actualité.

M. Alfred Recours.

Etat de droit !

M. Roland Francisci.

Vous savez qu'en Corse les particuliers, les entreprises et les collectivités ayant été victimes d'un attentat à l'explosif ne trouvaient plus, depuis longtemps, d'assureur acceptant de garantir leurs biens. Pour pallier cette carence, il a été créé en 1986 ce que l'on a appelé « le pool des risques aggravés ». Cette structure désigne un assureur présent dans l'île, elle mutualise le risque et garantit celles et ceux que les compagnies d'assurance refusent de garantir du fait qu'ils ont déjà été victimes d'attentats.

Sous prétexte que les attentats en Corse sont passés d'une moyenne annuelle de 400 à 96 l'année dernière, l'assemblée plénière des sociétés d'assurances dommages, l'APSAD, a décidé récemment de dissoudre ce pool des risques aggravés à partir du 1er juillet 2000.

Ainsi, à partir de cette date, les particuliers, les entreprises et les collectivités ayant été victimes d'attentats ne pourront plus assurer leurs biens. Cette situation serait de nature à porter atteinte à l'égalité des citoyens et elle créerait, dans le domaine particulier de l'assurance, un état de non-droit.

Hélas ! depuis les dernières élections territoriales, les attentats, condamnés par l'immense majorité des Corses - dont je fais partie - ont repris de plus belle et se multiplient. Pour la seule journée du 21 mars, ils ont causé pour près de cinquante millions de francs de dégâts. Le risque n'a donc pas disparu, et la dissolution du pool des risques aggravés n'est donc pas justifiée. Que deviendraient, par ailleurs, les 450 contrats d'assurance gérés actuellement par le pool ? A partir du 1er juillet 2000 les intéressés ne trouveront plus aucune compagnie pour garantir leurs biens.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que le pool des risques aggravés soit maintenu en Corse aussi longtemps que la situation le justifiera ? Que comptezvous faire pour que les Corses, qui sont souvent rappelés à leur devoir, puissent aussi bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens de France continentale, y compris dans le domaine de l'assurance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, je réponds à la place de M. Dominique Strauss-Kahn qui, comme l'a rappelé M. Josselin, est à Washington pour chercher le moyen de mieux stabiliser le système financier international et pour contribuer à l'allégement du fardeau de la dette d'un certain nombre de pays qui entourent le Kosovo.

Vous appelez l'attention du Gouvernement sur un véritable problème. Certes, les compagnies d'assurances privées sont libres de leurs tarifs et de leurs choix. Mais le Gouvernement est attaché à ce que les victimes d'attentats en Corse ne soient pas pénalisées. Nous allons discuter avec les compagnies d'assurances et je suis prêt à en parler avec vous, monsieur le député, ou avec les parlementaires qui le souhaiteraient, pour que nous trouvions une solution au problème que vous avez posé.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président.

La parole est à M. Emile Vernaudon.

M. Emile Vernaudon.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je souhaite vous faire part de mon grand étonnement et de ma déception, comme de celle de la majorité des Polynésiens, causés par votre politique en Polynésie française.

En effet, vous gérez avec beaucoup de doigté les problèmes en Nouvelle-Calédonie, en vous efforçant de maintenir contre vents et marées un consensus entre les différents partis politiques. En revanche, votre interlocuteur privilégié pour la Polynésie reste le chef d'un parti politique, certes président du gouvernement du territoire, mais qui a des démêlés avec la justice.

Une énième réforme statutaire est élaborée dans la précipitation, sans consultation des forces politiques du territoire. Il n'y a pas eu de débat démocratique devant l'Assemblée de Polynésie, devenue une chambre d'enregistrement. Notre collègue Georges Lemoine en a d'ailleurs été témoin.

Quoique vous pensiez, monsieur le secrétaire d'Etat, le président du territoire ne peut pas être un interlocuteur valable. Il n'est que le chef d'un parti politique, comme l'a déclaré le parti socialiste. A moins qu'il n'y ait eu un accord secret ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Aussi, je voudrais demander solennellement au Gouvernement d'engager de véritables discussions entre l'Etat et les partis politiques polynésiens. Le précédent des événements graves de Nouvelle-Calédonie doit inciter à la réflexion. L'opposition polynésienne est en train de se mobiliser. Je voulais simplement attirer votre attention sur les dérives que pourrait entraîner votre politique en Polynésie française.

Je rappelle au Gouvernement que je fais partie de la majorité plurielle nationale. Je lui demande solennellement de prendre en considération l'opposition territoriale polynésienne Iaorana. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave.

Envoyez le GPS en Polynésie française !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur Vernaudon, veuillez excuser l'absence de JeanJack Queyranne. Je m'efforcerai de répondre à sa place, en des termes qu'il ne récuserait pas.

Le dialogue, dont le Gouvernement a le souci, s'organise différemment selon les sujets. Il faut de ce point de vue distinguer la révision constitutionnelle, les modifications statutaires et les politiques communes entre l'Etat et le territoire.

S'agissant de la révision constitutionnelle, la Polynésie française doit connaître une évolution comparable, mutatis mutandis, à celle de la Nouvelle-Calédonie, et sa spécificité évidente doit bénéficier de la même reconnaissance que cette dernière par notre loi fondamentale. J'ajoute, monsieur le député, que l'exposé des motifs de la loi constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie, qui a été adoptée par le Parlement en juillet 1998, évoquait une adaptation ultérieure à la Polynésie.

Une consultation a du reste eu lieu, je le rappelle.

L'assemblée de la Polynésie française, réunie en session extraordinaire le 6 avril dernier, a émis un avis sur l'avant-projet de loi constitutionnelle. Tous les groupes politiques ont pu exprimer leur point de vue à cette occasion. Cet avant-projet est actuellement devant le Conseil d'Etat. Il sera débattu par le Parlement et vous aurez l'occasion de vous exprimer.

Par ailleurs, les modifications du statut relèvent d'une loi organique, qui interviendra ultérieurement. Il est légitime, vous avez raison de le rappeler, que ces modifications soient discutées au préalable avec tous les partis qui le voudront. Jean-Jack Queyranne s'y est engagé.

Enfin, s'agissant des politiques communes Etat-territoire, il est logique qu'elles soient conduites avec le gouvernement de la Polynésie française, quoi que vous puissiez en penser. C'est la reconnaissance de la légitimité démocratique. Mais il est bien évident que, dans le dialogue avec le territoire, l'Etat a le souci de l'intérêt général. En outre, nous sommes tout à fait ouverts à des conversations qui vous permettraient, monsieur le député, de faire valoir pleinement votre point de vue, que je connais d'ailleurs pour avoir eu l'occasion, en d'autres périodes, d'évoquer avec vous l'avenir du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

ACCORD ITALO-ALLEMAND

SUR LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le président.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Monsieur le président, avant de poser ma question, qui s'adresse au Premier ministre, compte tenu de l'enjeu économique et social, je me permettrai de faire un petit rappel. Du temps de la présidence précédente, sous laquelle j'ai eu l'honneur de servir comme vice-président, nous nous attachions à faire en sorte que tous les groupes puissent poser au moins une question pendant l'heure qui est télévisée en direct.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je regrette que tel ne soit plus le cas.

M. le président.

Monsieur Gaillard, il n'est pas de tradition de mettre en cause la présidence. En l'occurrence, les choses auraient été plus faciles si le premier inter-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

venant de la séance qui est à vos côtés (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance) n'avait pas parlé huit minutes, alors que le t emps imparti était au total, question et réponse comprises, de cinq minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri.

Très bien, monsieur le président ! C'est leur faute !

M. Claude Gaillard.

Dont acte, monsieur le président.

Je retire ma critique concernant la présidence. Je tenais néanmoins à faire cette remarque.

Monsieur le Premier ministre, vous aimez à rappeler que, sur les quinze pays de l'Union européenne, treize sont dirigés par des gouvernements socialistes. Alors, s'agissant de l'avenir d'une grande entreprise nationale porteuse d'avenir comme France Télécom, on peut supposer que les excellentes relations que vous déclarez entretenir avec nos partenaires européens ne seront pas défavorables à la France.

Le Chancelier allemand et le Premier ministre italien et leurs ministres compétents doivent se rencontrer très prochainement à Washington pour discuter des modalités de fusion entre Deutsche Telekom et Telecom Italia. Cela va donner naissance à un géant européen, naturellement, et mondial, capable de faire face aux deux plus grands mondiaux, l'un japonais, l'autre américain. Or ce rapprochement ne sera pas sans conséquences pour France Télécom, notamment dans ses rapports avec le partenaire allemand et dans le cadre de sa stratégie internationale.

Mais on ne peut imaginer que le Chancelier allemand et le Premier ministre italien ne tiennent pas compte de votre avis et de la position de la France.

Ma question est donc simple. S'agissant de l'avenir d'une grande entreprise nationale, qu'avez-vous entrepris, monsieur le Premier ministre, auprès de vos amis pour défendre France Télécom et qu'avez-vous proposé concrètement en ce sens ? A moins que vous ne considériez que cet isolement de France Télécom est une bonne chose pour la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance).

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, dans le domaine des télécommunications, en effet, les évolutions sont très rapides : les technologies de pointe changent tous les dix-huit mois à deux ans. Le cadre réglementaire européen, vous venez de le dire, a beaucoup évolué - la régulation a été complètement bou leversée depuis deux ans et demi, trois ans -, et les stratégies des entreprises elles-mêmes sont hésitantes, parfois contradictoires, et font l'objet de retournements d'alliances tout à fait significatifs. On a ainsi vu une sorte de ronde entre British Telecom, MCI AT&T, WorldCom, etc.

Ces mouvements affectent naturellement les opérateurs européens : recherche d'effets de taille - il faut être très gros au plan mondial pour dominer des parts de marché considérables -, recherche d'une présence internationale sur l'ensemble des continents. A cet égard, l'accord entre Deutsche Telekom et France Télécom qui a été conclu en décembre dernier répondait globalement aux nécessités de l'heure. Il était d'ailleurs renforcé dans ses effets concrets par la participation des deux entreprises à Global One avec l'Américain Sprint.

L'initiative de Deutsche Telekom de conclure, ou de tenter de conclure, avec Telecom Italia, a été unilatérale et n'a pas fait l'objet d'une information préalable de son partenaire français. Elle remet naturellement en cause la coopération entre France Télécom et Deutsche Telekom.

Il est d'ailleurs prématuré, aujourd'hui, de tirer les conséquences de ce projet d'accord. France Télécom entreprend, et elle a raison de le faire, toutes les démarches nécessaires pour défendre ses droits et protéger les intérêts de ses actionnaires, dont l'Etat à hauteur de 62 %. Nous appuyons les démarches engagées en ce sens par France Télécom.

Il convient d'ailleurs de rester serein car la position internationale de France Télécom n'est pas du tout affectée par la rupture unilatérale de l'accord avec Deutsche Telekom. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) En outre, l'opération en cours n'arrivera pas forcément à son terme. En effet, elle suscite de nombreuses réticences du côté non seulement des autorités européennes à cause de l'éventualité d'une position dominante de la part du nouveau groupe, mais aussi des autorités italiennes qui verraient ainsi leur marché passer sous la domination d'une entreprise étrangère.

France Télécom doit donc aller vite. Elle doit définir de nouvelles orientations stratégiques. Elle doit reprendre l'initiative pour s'internationaliser encore plus. Cette prise d'initiative doit s'appuyer sur la mobilisation complète de l'entreprise, donc sur un véritable dialogue social qui doit reprendre tous ses droits non seulement sur les questions sociales déjà évoquées à l'Assemblée nationale, mais é galement sur la participation de l'ensemble de ses équipes à la définition d'une véritable stratégie internationale offensive.

Nous y veillerons en respectant deux principes : France Télécom restera fidèle à ses missions de service public et demeurera une entreprise publique forte. C'est le voeu des Français et, j'en suis certain, le voeu unanime de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en revenons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. François Huwart.

M. François Huwart.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne la situation en Corse à la suite des circonstances graves et préoccupantes qui ont abouti à l'incarcération d'un colonel de gendarmerie dans l'île.

Cette situation est gravement préoccupante car elle concernerait ceux qui sont précisément en charge du rétablissement de l'Etat de droit que votre Gouvernement a entrepris avec courage et détermination depuis deux ans, monsieur le Premier ministre. Sans attendre les conclusions d'une enquête dans laquelle le respect de la présomption d'innocence doit aussi être la manifestation de l'Etat de droit, et au-delà des informations que nous attendons tous légitimement ou que vous avez déjà données, cette affaire a évidemment provoqué des réactions immédiates et sans vergogne de ceux qui, en Corse, organisent l'Etat de non-droit.

Avec votre ministre, Emile Zuccarelli, les radicaux de gauche sont, vous le savez, particulièrement concernés par cette question de l'Etat de droit en Corse dont ils sont les partisans depuis des années. Ils appuient sans réserve votre politique, la seule possible, et ne vous ménagent pas leur confiance.


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Parce que nous pensons que ce qui touche aux principes républicains sur tout notre territoire national est très important, nous nous élevons avec force contre les tentatives d'exploitation partisane de faits qui ne sont pas encore établis. Monsieur le Premier ministre, quelles que soient les conclusions de l'enquête, cette très regrettable et très étonnante affaire ne doit en aucune manière donner lieu à une remise en cause par certains de votre politique. Elle doit, au contraire, être l'occasion de sa réaffirmation et de sa poursuite.

Je souhaite donc savoir quelles sont vos dispositions d'esprit à cet égard et comment vous entendez continuer de faire respecter par tous, quels qu'ils soient, le droit et l'Etat en Corse.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je voudrais redire ici que le Gouvernement est plus que jamais déterminé à progresser et à rétablir l'Etat de droit en Corse. Et c'est justement parce que nous sommes face à une affaire en effet troublante et exceptionnelle que nous avons plus encore l'intention de persévérer.

Le Premier ministre l'a indiqué tout à l'heure, il convient d'agir dans plusieurs directions. D'abord évidemment en laissant faire la justice qui a été saisie immédiatement et qui progresse dans ses enquêtes. C'est en toute indépendance et en toute sérénité qu'elle prend les décisions qu'elle juge nécessaires. Ensuite, en diligentant des enquêtes administratives à un très haut niveau qui, parallèlement et sans empiéter naturellement sur les enquêtes judiciaires et sur les prérogatives de la justice, doivent permettre de cerner de plus près la vérité de cette affaire.

Comme vous, monsieur le député, je considère qu'il est en effet très important, particulièrement dans une période aussi délicate, de se défier des insinuations, des rumeurs et des malveillances. Il faut se rappeler, comme le Premier ministre l'a fait tout à l'heure, qu'un préfet a été assassiné en Corse et que de nombreuses personnes ont intérêt à ce que l'Etat de droit ne soit pas rétabli.

Vous pouvez donc être assuré que c'est dans cette direction que le Gouvernement continuera d'agir et que rien ne nous fera dévier de la voie que nous nous sommes tracée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Raymond Barre.

Très bien !

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. François d'Aubert.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 ACCORD ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE DE MOLDAVIE

SUR LES INVESTISSEMENTS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République de Moldavie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 782, 1521).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République de Moldavie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 8 septembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous le votons de tout coeur ! (L'article unique du projet de loi est adopté.)

3 ACCORD ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE D'INDE

SUR LES INVESTISSEMENTS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 788, 1475).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

République d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 2 septembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

M. Marcel Rogemont.

Nous sommes tout à fait d'accord ! (L'article unique du projet de loi est adopté.)

4 ACCORD ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE LIBANAISE

SUR LES INVESTISSEMENTS Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approb ation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres) (nos 917, 1473).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres), signé à Paris le 28 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

5

CONVENTION INTERNATIONALE

POUR LA RÉPRESSION

DES ATTENTATS TERRORISTES À L'EXPLOSIF Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification d'une convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif (nos 1193, 1520).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, faite à New York le 12 janvier 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article du projet de loi.

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous le votons avec encore plus de conviction et d'enthousiasme que les autres ! (Sourires.)

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

6

CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE

ENTRE LA FRANCE ET LE GOUVERNEMENT DE HONG KONG Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong Kong (nos 1305, 1522).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong Kong, signée à Hong Kong le 25 juin 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article du projet de loi.

M. Marcel Rogemont.

Après réflexion, nous le votons ! (Sourires.)

(L'article unique du projet de loi est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

7 TRAITÉ D'ENTENTE, D'AMITIÉ ET DE COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA RÉPUBLIQUE DE GÉORGIE Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie (nos 1320, 1533).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie, signé à Paris le 21 janvier 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

8

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (nos 1419, 1518).

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Odette Grzegrzulka, premier orateur inscrit.

M me Odette Grzegrzulka.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, mes chers collègues, l'inégalité devant la prévention et les soins est une des injustices les plus criantes de notre époque. Il est insupportable que, devant la maladie et la douleur, le niveau de ressources introduise une discrimination.

Alors que, dès 1946, comme l'a rappelé notre rapporteur, le Préambule de la Constitution érigeait en principe fondamental la garantie à tous de la protection de la santé, depuis cinquante ans, nous constatons une dégradation croissante de l'état de santé des plus démunis. Elle constitue et aggrave leur exclusion, et les handicape pour retrouver un emploi.

C'est pourquoi, au nom de mes collègues socialistes, je me félicite que nous examinions le projet de loi sur la couverture maladie universelle : il constitue une évolution m ajeure et historique de la protection sociale du

XXIe siècle.

La CMU permettra concrètement de passer d'un droit juridiquement affirmé depuis cinquante ans à un droit réellement exercé, celui de se soigner, grâce à un dispositif simple accompagné des moyens budgétaires nécessaires.

Je salue à cette tribune l'exploit que constitue le court délai d'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée de ce dispositif. Le Premier ministre, dans son discours d'investiture, l'avait qualifié d'impératif national et de priorité de notre politique sociale.

Ce délai exceptionnellement bref, face à l'importance de l'enjeu, a été rendu possible grâce au remarquable rapport de notre collègue Jean-Claude Boulard...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Nous le saluons !

Mme Odette Grzegrzulka.

... dont le considérable travail de réflexion et de négociation a largement préparé la discussion de ce projet de loi et aussi grâce aux tables rondes et au dialogue étroit mené par le Gouvernement dans l'élaboration du texte, en particulier avec les associations caritatives.

Ainsi, dix mois après avoir voté la loi relative à la lutte contre les exclusions, qui comprend trois volets majeurs l'emploi, le logement, le surendettement - et huit mois après le rapport de M. Jean-Claude Boulard, nous franchissons aujourd'hui une étape décisive pour faire reculer l'exclusion.

Le projet de loi, qui consacre le droit à la santé pour tous, met fin à l'inacceptable violence, à l'insupportable spirale selon laquelle plus on est pauvre, plus on est malade, moins on se soigne et plus on meurt jeune.

Q uelques chiffres illustrent cette triste réalité : 700 000 personnes n'ont pas accès au régime de base obligatoire, 30 % des personnes dont le revenu est inférieur à 3 000 francs par mois renoncent à se soigner pour des raisons financières. C'est le cas de 40 % des chômeurs et des bénéficiaires du RMI.

Et si huit personnes sur dix bénéficient d'une couverture complémentaire, en réalité, le taux de cette dernière est particulièrement faible chez les inactifs et les chômeurs.

De même, 72 % d'ouvriers non qualifiés ne sont pas protégés, parce que notre système laisse 30 % des dépenses de santé à la charge des ménages et que beaucoup ne peuvent les engager.

Nous le savons tous, le renoncement aux soins et la dégradation de l'état de santé aggravent les difficultés financières, psychologiques et familiales et contrarient le retour à l'emploi.

Par ailleurs, le système en vigueur présente beaucoup d'autres inconvénients.

Les mécanismes de l'aide médicale et de l'assurance personnelle sont extrêmement complexes, ce qui pénalise toujours les plus démunis, qui connaissent le moins bien les droits auxquels ils peuvent prétendre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Ce système est non seulement complexe, mais inéquitable, puisqu'il dépend du lieu de résidence : en effet, suivant que vous vivez dans un département généreux ou riche ou dans un département très défavorisé, les efforts pour attribuer l'aide médicale sont extrêmement disparates.

Dès maintenant, je souhaite rappeler à ceux qui critiquent le montant du seuil fixé à 3 500 francs que, jusqu'à présent, la moyenne nationale du barème d'accès n'était que de 2 900 francs.

Voilà un chiffre qui parle. Il permet de mesurer l'avancée.

Le système actuel est par ailleurs stigmatisant pour les plus démunis car, quand ils bénéficient de bons d'aide médicale, ils sont immédiatement identifiés comme des pauvres. Et c'est toute leur dignité qui est ébranlée.

Dorénavant, avec la couverture maladie universelle, il n'y aura plus, d'un côté, les assurés sociaux et, de l'autre côté, les assistés sociaux.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà !

Mme Odette Grzegrzulka.

Sans reprendre le dispositif, je voudrais insister sur plusieurs de ses avantages.

Outre, la gratuité de l'accès aux soins, il s'attache à la qualité des soins offerts aux futurs bénéficiaires de la CMU. En effet, ceux-ci seront soignés comme tout le monde en choisissant leur médecin et leur hôpital. C'est la fin d'une médecine spécifique pour les pauvres. C'est la fin de la médecine à deux vitesses et de la fracture sanitaire.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le titre IV.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Je rappelle, sans m'y attarder, que l'affiliation sur la simple justification de résidence est immédiate et automatique.

Puisque le montant du seuil fait encore l'objet de débats, je veux rapidement citer les catégories de personnes qui vont bénéficier de ce nouveau dispositif.

Il s'agit des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation d'insertion, des actifs isolés sans enfant qui perçoivent au plus 60 % du SMIC, des actifs isolés avec un enfant qui perçoivent au plus 87 % du SMIC, des couples avec deux enfants qui perçoivent 110 % du SMIC.

Je signale également qu'à partir de seize ans, grâce à notre loi, les mineurs en rupture de vie familiale pourront avoir leur couverture complémentaire.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Ça, c'est bien !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ça fait 6 millions de personnes en tout !

Mme Odette Grzegrzulka.

Par ailleurs, le texte prévoit de prolonger pendant un an l'affiliation des assurés qui, changeant de situation, dépassent les conditions de ressources.

Pour accroître encore la portée de ce texte, les députés socialistes ont proposé plusieurs amendements, qui ont été adoptés en commission, qui constituent d'indéniables avancées.

Nous proposons l'extension du tiers payant, dès lors que l'assuré choisit un médecin référent, et nous veillerons au remboursement rapide des professionnels de santé.

Nous prévoyons une offre de soins, au nom de la prévention et non pas seulement de l'urgence, qui permettra non seulement de réduire les dépenses de santé, mais surtout d'augmenter les chances de guérison.

Nous avons également exigé que les caisses d'assurance répondent très rapidement aux demandes d'affiliation - certains ont même parlé de huit jours.

Nous demandons également la garantie, pour les ayants droit d'assurés sociaux, de ne pas être pénalisés lorsque l'assuré lui-même, par mauvaise foi, refuse de verser sa cotisation - je pense aux campagnes de boycott et d'appel lancées par la CANAM et la MSA.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Elle a raison !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et naturellement, nous appuyons la principale innovation proposée par notre rapporteur : la création d'un fonds d'accompagnement, financé par les organismes complémentaires, qui visera à limiter les conséquences de l'effet de seuil et à aider tous ceux dont les ressources se situent juste au-dessus de la barre de 3 500 francs.

Bien sûr, tout seuil a un effet. Bien sûr, nul n'osera dire qu'on est riche avec 3 500 francs par mois. Mais à ceux qui nous reprochent de ne pas être assez généreux et en particulier à l'opposition, je rappellerai que le barème moyen des départements n'était que de 2 900 francs et que, parce qu'aucune loi n'avait prévu de fixer dans un décret le barème départemental, on comptait 95 barèmes départementaux inégalitaires ; nous proposons d'y substituer un seul barème.

Je répondrai également à l'opposition qu'il est paradoxal d'accuser ce dispositif de favoriser l'assistanat et dans le même temps de demander d'en accroître le nombre des bénéficiaires en élevant le seuil. Je rappellerai aussi que, au-delà du fonds d'accompagnement, les conseils généraux nous ont assuré avoir d'ores et déjà prévu, au titre de leur aide sociale et grâce à la dotation de 5 % qu'ils vont conserver, de limiter les conséquences du seuil. Parallèlement, Mme la ministre nous l'a signalé hier, le fonds d'action sociale de la CNAM s'élève à 800 millions de francs ; rien n'interdit qu'il serve à modérer les conséquences de l'effet de seuil.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument rien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous avons enfin prévu que le dispositif sera prolongé pendant un an pour les personnes qui dépassent le seuil. Aux Cassandre et aux frileux, je réponds : cessez vos faux procès !

M. Alain Barrau et M. Marcel Rogemont.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Aavant de conclure, je rappellerai les principes qui ont guidé le Gouvernement dans l'élaboration de cette loi et dont mes collègues et moimême nous félicitons tout particulièrement. C'est le choix d'un système simple - et non pas simpliste, comme a osé l'écrire récemment M. Barrot dans France Soir -...

M. Marcel Rogemont.

C'est scandaleux !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est le choix d'un système mixte de gestion des prestations, c'est le choix du partenariat, c'est la neutralité, la liberté, la transparence, c'est l'égalité dans la qualité des soins et pas simplement dans les conditions financières d'attribution.

M. le président.

Veuillez conclure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Mme Odette Grzegrzulka.

A ce propos, je vous ferai part, madame la ministre, de notre étonnement, voire de notre préoccupation, face au protocole d'accord technique que viennent de signer la CNAM et les organismes complémentaires.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait !

M. le président.

Mon étonnement à moi, madame, tiendrait plutôt au fait que vous continuez à parler alors que votre temps de parole est épuisé ! Je vous demande de conclure.

Mme Odette Grzegrzulka.

Je termine, monsieur le président.

Ce protocole nous paraît de nature à justement ruiner le dispositif de libre choix auquel vous êtes, nous sommes très attachés, ou tout au moins à le pervertir. Si ce protocole devait être appliqué, ce serait une régression, une sélection, une tutelle des organisations complémentaires sur la CNAM.

Nos concitoyens attendent beaucoup du débat qui va enrichir le texte et j'espère qu'il fera l'objet d'un très large consensus. J'imagine mal, en effet, l'opposition s'y opposer : on connaît son maigre bilan dans le domaine de la santé et on se rappelle, comment, annoncée par M. Juppé en 1995, proposée par M. Barrot en 1997, l'AMU qui ne devait prendre effet qu'en l'an 2000 a explosé en plein vol.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

Mme Odette Grzegrzulka.

Car enfin, qui a augmenté les cotisations sociales ?

M. le président.

Madame, je vous demande de terminer.

Mme Odette Grzegrzulka.

Qui a augmenté les remboursements de soins ? C'est la droite, les Français s'en souviennent. Qui a réformé l'aide médicale, qui a créé une véritable démocratie sanitaire grâce aux Etats généraux de la santé ? Qui a créé le RMI et la CMU ?

Mme Monique Collange.

La gauche !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la gauche.

M. le président.

Madame Grzegrzulka, je vais être obligé de vous couper la parole. Vous aviez dix minutes, et vous les avez dépassées de quatre minutes !

Mme Odette Grzegrzulka.

Je conclus.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, j'ai plaisir à vous dire, au nom des mes collègues socialistes, combien nous sommes fiers de débattre de cette formidable loi de progrès.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Notre soutien vous est acquis. Nous voterons votre texte avec enthousiasme et conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Merci d'avoir patienté, monsieur le président !

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour vingt minutes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pas vingt-quatre ?

M. le président.

Non, vingt minutes. (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en février 1998, le rapport du Haut Comité de santé publique stigmatisait « l'incapacité du système médicosocial de notre pays à prendre en charge la détresse sociale et ses multiples symptômes ».

Notre rapporteur a rappelé les chiffres du CREDES : 23 % des personnes interrogées ont renoncé à des soins pour des motifs financiers, 150 000 ne peuvent faire valoir de droit à l'assurance maladie, 7 millions n'ont pas de couverture complémentaire.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très juste !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Derrière la sécheresse des chiffres, que de misères, de souffrances, de frustrations ! Car la difficulté d'accès aux soins ne fait que s'ajouter à d'autres problèmes : mauvaise qualité du logement, mauvais accès à l'éducation, à la culture, ruptures familiales, solitude, chômage.

Beaucoup de Français pensent encore naïvement que nous avons le meilleur système de santé du monde. Or non seulement ce système est coûteux, mais il exclut au moins 12 millions de Français d'un juste accès aux soins.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La montée des nouvelles pauvretés au début des années 80, le chômage de masse, l'étalage impudent des richesse de certains, la mondialisation dressent un décor v iolent et inquiétant. Dans cet environnement, la demande sans cesse accrue de biens matériels, l'amélioration du niveau de vie - le niveau de vie d'un RMIste aujourd'hui est supérieur au salaire moyen de 1970 vont de pair avec une exigence non seulement de santé, mais aussi de forme, de bien-être, de beauté, accompagnée d'une forte augmentation de l'espérance de vie.

Or nous avons un système de santé hérité d'une France où l'espérance de vie était de vingt ans inférieure à celle d'aujourd'hui, où le manque de bras nous contraignait à l'immigration massive, où chacun, entre les champs et l'usine, trouvait sa place dans le système de production.

De nombreux experts de toutes sensibilités politiques ont tiré la sonnette d'alarme pour avertir que nous allions dans le mur. Alain Juppé - était-ce du courage ou de l'inconscience ? - proposa en 1995 une réforme dont vos amis, les mieux au fait du dossier, nous assuraient dans les couloirs qu'elle était la seule possible, pour mieux la torpiller ensuite en séance. Je regrette que Claude Evin ne soit pas là !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il va arriver !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Avis aux nostalgiques et aux hypocrites : nous avons collectivement construit le système de soins le plus inégalitaire d'Europe.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Oh !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Qu'on en juge : le taux de remboursement de nos remboursements de nos régimes de base est de 73,9 % alors qu'il atteint 93 % au Royaume-Uni, 91 % en Allemagne et 86,5 % en Suède.

Encore ces chiffres intègrent-ils l'hôpital ! Les actes médicaux de ville étaient remboursés à 75,7 % en 1980 ; ils ne le sont plus aujourd'hui, en moyenne, qu'à 60,4 %. Les remboursements de soins dentaires quant à eux sont passés de 48,9 % à 32,1 %. Petite devinette : sous quel gouvernement cette chute du taux de remboursement fut-elle la plus rude ? Vous avez gagné, sous celui de M. Rocard !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous ne voulions pas vous donner la réponse ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais je savais que vous la connaissiez ! (Sourires.)

L'augmentation constante du ticket laissé à la charge du malade est bien la première cause de l'exclusion des soins.

Encore convient-il d'affiner cette approche. J'en prend rai l'exemple le plus significatif : celui des soins dentaires. Beaucoup soulignent la quasi-impossibilité d'accéder aux prothèses dentaires, même pour les revenus moyens.

On omet toujours de signaler qu'il s'agit là d'un choix politique délibéré qui a conduit les autorités de tutelle,

Etat et caisses, à écraser les tarifs de la chirurgie dentaire conservatoire, aujourd'hui la moins chère d'Europe, en laissant filer hors nomenclature les tarifs de prothèse, au motif qu'il s'agissait d'esthétique et qu'il fallait ainsi compenser la sous-cotation des soins conservateurs. Aussi n'est-il pas étonnant que cette politique de Gribouille, menée depuis plusieurs années, j'en conviens, ait conduit à ce que les renoncements à des soins concernent 42 % des soins dentaires.

Mais il serait évidemment trop simple de résumer les difficultés d'accès aux soins au seul aspect financier.

Vous avez évoqué, madame la ministre, des éléments intéressants de la loi de lutte contre l'exclusion, comme les programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins, les permanences d'accès aux soins de santé ; mais ces structures ne concernent que les personnes très démunies.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est déjà pas si mal !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

La prise en charge des populations à faibles revenus passe aussi par une offre de soins de proximité diversifiée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Comment ne pas s'inquiéter de la raréfaction du service médical en zone rurale ou dans certaines banlieues dites difficiles ? Pour ces populations - immigrés, femmes au foyer, jeunes enfants, personnes âgées -, la proximité reste la meilleure garantie de l'accès aux soins ; or celle-ci est chaque jour menacée.

La prise en charge de ces populations passe également par une vraie politique de prévention, hélas, boiteuse dans notre pays : insuffisances de la médecine scolaire et universitaire, de la médecine du travail, sans oublier le fait que des millions de personnes ne bénéficient d'aucune médecine préventive : retraités, femmes au foyer, chômeurs, etc.

Elle suppose aussi une politique de santé publique rénovée : le fléau que constitue l'alcoolisme, fréquent chez les populations en difficulté, est souvent minimisé et les crédits qui y sont consacrés très insuffisants. Mais on pourrait faire le même constat pour la lutte contre les toxicomanies ou le suicide des jeunes.

Elle passe enfin par une politique d'éducation à la santé, Arlésienne des programmes scolaires, alors que l'estime de soi, de son corps, la nécessité de le respecter, cela s'apprend, se construit ; on ne peut que constater les maigres performances de nos concitoyens en matière d'hygiène bucco-dentaire ou de banal lavage des mains.

L'accès aux soins de tous aujourd'hui ne peut donc résulter que de politiques plurielles qui jouent sur tous les leviers : économiques, sociaux, culturels et organisationnels du système de santé.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vive les pluriels !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

A la lumière de ce diagnostic, comment évaluer le traitement que vous nous proposez ? Je n'évoquerai que pour mémoire l'impasse effectuées ur les politiques d'accompagnement indispensables.

Après tout, me direz-vous, ce texte n'avait pour ambition que de traiter des aspects financiers.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est déjà pas mal !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pour autant, vous ne vous êtes pas privé de faire du titre IV le fourre-tout habituel d'un DMOS. Nous trouvons le procédé peu élégant et même réducteur pour un projet que vous présentez imprudemment comme une révolution sociale. Imaginez un peu que les lois sur l'IVG ou le RMI aient été agrémentées de considérants sur le congé de formation dans la fonction publique hospitalière ou sur la convention des pharmaciens d'officine ! Vous auriez donné plus de cohérence à votre texte en le complétant par les éléments de prévention que M. le ministre de la santé nous annonce pour plus tard.

Mais revenons à votre projet de création d'une couverture maladie universelle.

Nous y trouvons d'abord deux points positifs et pour commencer le droit réaffirmé - puisqu'il existait déjà - à l'assurance maladie pour tous sur le seul critère de résidence. Nous retrouvons notre projet d'assurance maladie universelle sur lequel avaient travaillé deux groupes de réflexion, conduits l'un par M. Bacquet sur l'ouverture des droits et l'autre par M. Fragonard sur les aspects financiers.

Mme Odette Grzegrzulka.

Cela a duré quatre ans et il n'en est rien sorti !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ces deux hauts fonctionnaires seront ravis de savoir que vous avez trouvé leur travail inexistant.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qui a dit cela ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On peut regretter que vous n'ayez pas profité de l'occasion pour simplifier nos dix-neuf régimes de base, mais je reconnais que cette tâche, pourtant nécessaire, exigeait sans doute de prendre quelques coups et de mécontenter quelques forteresses.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Nous sommes aussi d'accord sur l'objectif affiché du droit de tous à une protection sociale complémentaire et de la nécessaire amélioration du dispositif existant, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Jusqu'à maintenant, c'est parfait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais cela va se gâter !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cela va effectivement se gâter, madame la ministre. (Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Le rose vous va pourtant si bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ecoutez-moi, monsieur Recours, vous allez beaucoup apprendre.

M. le président.

Je vous demanderai d'éviter les dialogues particuliers, car ils seront pris sur le temps de parole de Mme Bachelot-Narquin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais nous exprimons des réserves de fond sur l'architecture proposée, ses insuffisances, ses ambiguïtés et les risques non mesurés de dérives majeures du système.

Les insuffisances sont patentes.

Pourquoi parler de couverture « universelle » ? Notre rapporteur indique lui-même que 23 % de nos concitoyens ont renoncé à des soins indispensables, soit 14 millions de Français. Or vous ne proposez de n'en prendre en charge que 6 millions, moins de la moitié de la population privée de droits. Il y a là une rupture majeure d'équité. A cela vous répondez que les caisses d'assurance maladie disposeront d'un fonds de 3 milliards qui leur permettront de faire du « cas par cas ».

Mais c'est justement la prise en charge « à la tête du client », ce sentiment de mendier, d'être à la merci de l'arbitraire ou d'arriver quand il n'y a plus d'argent dans la caisse que vous voulez, tout comme nous, éviter ; or vous y condamnez 8 millions de personnes ! Mais, me direz-vous, nous n'avions pas assez d'argent ! Sur cet argument, vous avez ramené à la raison les députés de votre majorité qui auraient voulu remonter le plafond d'attribution de la CMU. Je compatis, car les m inistres passent mais les fonctionnaires de Bercy restent : nous aussi avons dégusté, en notre temps, ce genre d'argument.

Je partagerais volontiers l'explication de M. Boulard sur l'effet de seuil quand il dit que le relèvement du plafond ne ferait que déplacer le problème. En revanche, monsieur le rapporteur, madame la ministre, je ne peux vous suivre quand vous indiquez avec désinvolture que notre système social étant truffé de ces injustices, peu importe d'en ajouter une autre ! Si vous n'avez pu surmonter cette difficulté majeure, c'est que vous avez refusé de vous attaquer à la déficience majeure de notre système de soins : l'insuffisence du taux de remboursement des régimes de base.

Comme l'écrivait le magazine Alternatives économiques , que l'on ne peut soupçonner d'inféodation à l'opposition,

« cette solution est profondément bâtarde. Elle prétend aller vers une universalisation des droits sans améliorer le seul système qui existe ». On ne saurait mieux dire. Mais il fallait remettre sur le métier l'oeuvre entreprise car le relèvement du taux de remboursement passe par une politique ferme - je vais dire un mot qui fâche, mais j'ose le dire - de maîtrise des dépenses de santé.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce n'est pas un gros mot.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour les titres Ier , II, III et V.

C'est même très juste.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous avez renoncé à cet effort,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... vous privant ainsi d'une démarche vers une vraie couverture maladie universelle.

Doit-on rappeler que la France est l'un des rares pays d'Europe où la consultation médicale n'est pas remboursée à 100 % ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, chez le généraliste.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Votre texte contourne aussi l'insuffisance ou l'absence de prise en charge de soins hors nomenclature, en particulier les soins dentaires, mais aussi la lunetterie ou les prothèses auditives. Certes, l'article 24 évoque un plafonnement du prix des prothèses proposées aux bénéficiaires de la CMU.

Oui, mais pour quels types d'appareillage ? Les prothèses mobiles de la sécurité sociale, nous les connaissons, personne n'en veut ! La sécurité sociale doit permettre à tous d'accéder à des prothèses de qualité et de revaloriser les soins conservateurs à leur juste prix, avec le double effet vertueux de hausser le prix des appareillages et d'inciter les praticiens à effectuer ces soins, évitant ainsi des prothèses ultérieures.

Or cette réforme a été soigneusement évitée et nous aboutirons inéluctablement à la perpétuation de l'injustice constatée, et dans certains cas à un recul des droits, puisque certaines collectivités qui assuraient jusqu'alors des soins hors nomenclature...

M. Bernard Accoyer.

Presque toutes !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... renverront désormais les bénéficiaires vers un système qui n'a pas corrigé cette déficience.

La réforme devait donc à tout le moins engager, sinon mener à terme le relèvement du taux de base et une réelle amélioration de prise en charge de secteurs à l'abandon.

Elle devait aussi, comme l'a indiqué Jean-François Mattei hier soir, remplacer le concept couperet - à 3 449 francs, vous avez droit, à 3 501 francs, vous n'avez plus droit par une vraie prise en charge personnalisée.

A la suite de Jean-Michel Belorgey - vous constaterez que j'utilise des références convenables -, je mets en garde contre l'abandon programmé du dispositif institutionnel d'aide sociale. M. Belorgey indique que l'aide sociale est une technique moderne dans son principe en ce qu'elle proportionne des droits à prise en charge à des besoins ; en effet, les ressources au sens de l'aide sociale ne sont pas les ressources encaissées, mais les ressources disponibles, car on tient compte des charges assumées.

Le concept - dans la droite ligne du dispositif expliqué hier soir par Jean-François Mattei - est fécond car mesurer un seuil de pauvreté ne relève pas d'une équation, fûtelle faite par un polytechnicien, mais bien de la prise en compte de facteurs humains, familiaux, sociaux et culturels. Or vous avez réduit la misère à un chiffre, vous enfermant ainsi dans un dispositif injuste.

Les insuffisances sont de surcroît compliquées par des ambiguïtés que Bernard Accoyer a détaillées avec brio dans sa motion d'irrecevabilité.

Je n'en citerais qu'une, reprenant les pertinentes conclusions de Jean-Michel Belorgey sur le droit d'option que doit effectuer le bénéficiaire de la CMU entre les caisses primaires ou les organismes complémentaires. Il dénonce la façon dont s'articulent l'ouverture des droits et la prise en charge ; les conditions dans lesquelles va s'exercer ce choix lui paraissent opaques et le circuit entre la caisse et l'organisme à l'origine de dénis de droit.

A terme, la dérive inéluctable sera l'affiliation totale aux caisses primaires sur le mode bien connu il y a quelques années de la vingt-sixième maladie - affiliation encouragée par les professionnels de santé tenus au tiers payant qui n'auront ainsi qu'un bordereau à pointer au lieu de plusieurs dizaines ! A la caisse primaire, les clients ; aux mutuelles, la taxe de 1,75 %. Chacun sa part ! On comprend dès lors les inquiétudes du président de la mutualité française...

Encore cette dérive prévisible n'est-elle rien eu égard aux évolutions que porte en gestation le dispositif proposé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Cette nouvelle allocation verra une augmentation inéluctable de ses coûts, comme l'a fort bien expliqué Bernard Accoyer qui n'a fait que reprendre des chiffres énonc és par des spécialistes incontestés. J'y ajouterai l'évaluation du président de la CNAF qui, de son côté, avance celui de 24 milliards en francs constants dans dix ans.

Les responsables n'auront au fil des ans qu'une alternative : soit maintenir le seuil à un niveau bas, découplé d'une éventuelle augmentation du niveau de vie, suivant un modèle que nous connaissons bien pour avoir connu le décrochage de l'AAH du SMIC ou la non-revalorisation du RMI alors qu'on relevait le SMIC ; soit définir un « panier de biens et de services » de plus en plus restreint, qualifiés de « soins indispensables », ou de « santé primaire », ou de première nécessité, les titulaires de la CMU n'étant remboursés que sur ces produits.

Cette définition fait frémir d'aise tous les technocrates, - et hélas, mes chers collègues, nous en avons dans tous nos rangs ! Ils rêvent également d'étendre ce concept à l'ensemble des assurés. Nous aurons alors le système de santé à deux vitesses que certains dénoncent. Peut-être, à terme, serons-nous contraints d'en arriver là ? Peut-être, madame la ministre, avez-vous été convaincue par Gilles Johanet, ardent militant, avec d'autres, d'un remboursement de ce type ? Peut-être avez-vous jugé que ce texte était l'occasion rêvée d'initier une réforme du système de santé ? Alors, il fallait le dire !

M.

Bernard Accoyer.

Tout à fait ! Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pour répondre à une vraie nécessité, la prise en charge et l'accès aux soins des personnes en difficulté, vous avez choisi un dispositif coûteux, qui n'est pas gagé sur des économies mais sur des prélèvements obligatoires supplémentaires, un dispositif bancal car il ne s'attaque pas aux injustices fondamentales d'un système qui n'a pas su évoluer, un dispositif opaque, car il ne clarifie pas les responsabilités des acteurs gestionnaires - caisses et organismes complémentaires -, un dispositif injuste enfin puisqu'il ne concerne que la moitié des personnes qui n'ont pas accès aux soins.

Vous comprendrez qu'il faudrait une restructuration complète du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle pour que nous puissions le voter. Le débat d'amendements nous permettra peut-être ce profond remodelage. Mais je vais vous faire un aveu : j'en doute ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M.

le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

M me Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord regretter l'ajout au projet de loi portant création de la couverture maladie universelle, d'un certain nombre d'articles sur d'autres sujets. Plusieurs d'entre nous s'en sont plaints, et je partage leur opinion : il s'agit d'un véritable DMOS accolé à ce texte, abordant des points très divers sur lesquels nos positions seront d'ailleurs très différentes.

M. Denis Jacquat.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous souhaitions que la couverture maladie universelle et le DMOS fassent l'objet de votes distincts - il y a d'ailleurs deux rapporteurs.

Nous n'avons pas eu satisfaction sur ce point, nous demanderons donc le vote du texte par division.

M. Denis Jacquat.

Nous aussi !

M. Bernard Accoyer.

Nouvelle procédure !

Mme Jacqueline Fraysse.

La couverture maladie universelle est une mesure que nous approuvons parce qu'elle correspond à une urgence. Elle touche, en l'état actuel du texte, 6 millions de personnes, qui ne se soignent pas bien, ou pas du tout, parce qu'elles n'en ont pas les moyens. Vous avez détaillé leurs situations, madame la ministre : celles qui ne disposent pas pour vivre chaque jour, du montant du forfait hospitalier, celles qui ne peuvent pas faire l'avance des frais, payer une mutuelle, ne voient plus de médecin, ou reculent la visite, au risque de voir leur état de santé s'aggraver. Et je ne parle pas des personnes pour lesquelles les lunettes, les prothèses dentaires ou auditives, pourtant indispensables dans la vie courante, représentent un véritable luxe.

La réalité est là. Elle nous saute aux yeux, pourvu que l'on ne détourne pas la tête. Elle est confirmée par tous les indicateurs de santé. Et le débat en commission nous a montré qu'en situant le plafond au seuil de pauvreté, c'est-à-dire, non plus à 3 500 francs, mais à 3 800 francs, la couverture maladie universelle concernerait alors huit millions de personnes. Autrement dit, plus d'une personne sur dix en France vit avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté ! Des chiffres éloquents, me semblet-il, pour illustrer l'ampleur du dysfonctionnement de notre société.

Que la droite, dont on sait la lourde responsabilité dans cette situation, multiplie les procédures pour tenter de retarder, voire empêcher d'apporter des réponses à toutes ces personnes qui ne peuvent pas attendre, est tout simplement indécent à nos yeux.

M. Bernard Accoyer.

C'est pour éviter la mise à mort de la sécurité sociale !

Mme Jacqueline Fraysse.

Au contraire, avec mes collègues du groupe communiste, je ne peux qu'approuver la mise en débat de ce volet santé de la lutte contre les exclusions et redire notre souhait de le voir adopter avant la fin de la session parlementaire.

L'affiliation à l'assurance maladie pour tous, l'accès à une couverture complémentaire pour les plus démunis, sans laquelle, malheureusement, l'accès aux soins ne peut plus être effectif, et la possibilité de se soigner sans avance de frais, sont les trois axes d'un ensemble de mesures destinées à combattre l'exclusion des soins de santé, une des formes les plus insupportables de l'exclusion.

Je tiens d'ailleurs à saluer l'élargissement du rôle de la sécurité sociale à cet aspect de la solidarité, qui me semble conforme aux grands objectifs qui lui avaient été assignés lors de sa création. Y compris le choix de l'introduire dans le champ de la couverture complémentaire, aux côtés du mouvement mutualiste, porteur d'une riche tradition de solidarité dont notre pays peut être fier.

En ce qui concerne les compagnies d'assurance privées, il nous paraît évident qu'il faut encadrer plus rigoureusement leur participation au dispositif, pour empêcher d'éventuelles dérives commerciales.

Cependant, si nous approuvons l'objectif clairement affiché de ce texte, il nous semble nécessaire de l'améliorer sur plusieurs points. Deux sont particulièrement saillants : le plafond d'accès et les modalités de financement.

Concernant le plafond d'accès, nous avons proposé de le relever pour le porter de 3 500 à 3 800 francs. Il ne s'agit pas de se livrer à une surenchère démagogique mais de prendre en compte ce qui est considéré comme le seuil


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

de pauvreté par les organismes internationaux et demandé par les associations, dont ATD-quart-monde, Médecins du monde, Médecins sans frontières, l'UNIOPSS, organisations que nous avons reçues.

Je regrette vivement que cet amendement ait été rejeté sans être mis en débat, au titre de l'article 40. Car ou bien il s'agit de besoins justifiés, et l'on cherche les moyens de leur financement, c'est ce que nous avons fait.

Ou bien on ne juge pas indispensable d'y répondre, et l'on s'en explique franchement. Nous reviendrons sur ce point.

Outre le niveau du seuil, il nous paraît nécessaire de traiter l'effet de seuil, pour les personnes dont les revenus sont légèrement supérieurs. Nous faisons des propositions telles qu'une aide à la mutualisation, sur critère de ressources.

J'ajoute que, dans certains départements, des personnes pourraient voir leur possibilité de se soigner brutalement réduite par la mise en place de la couverture maladie universelle, si ses critères d'accès étaient moins favorables que ceux de l'aide médicale gratuite. Ce n'est évidemment pas l'objectif de ce texte. Il faut que les engagements pris visà-vis d'elles soient respectés. Nous vous proposerons donc d'étendre la couverture maladie universelle aux bénéficiaires de l'aide médicale gratuite, aussi longtemps qu'ils satisferont aux conditions qui leur ouvraient initialement droit à cette aide.

D'autre part, les dispositions envisagées à l'article 30 pour les personnes en situation irrégulières nous semblent irréalistes, donc inefficaces. En effet, comment imaginer qu'elles oseront s'adresser au préfet du département pour bénéficier du droit aux soins, alors qu'elles sont en situation irrégulière ? Nous pensons que ce point mérite également d'être modifié.

Bien sûr, les améliorations que nous soumettons au débat ont un coût. Elles impliquent donc des choix, des décisions. Nous constatons que l'effort de l'Etat reste modeste. Quant aux entreprises, elles ne versent pas un centime.

Les modalités des transferts financiers des départements, prévus à l'article 13, et qui découlent de la modification des compétences en matière d'aide à la santé, nous préoccupent beaucoup.

En effet, les conseils généraux qui faisaient les plus grands efforts pour permettre aux populations précarisées de se soigner, sont aussi ceux qui, selon vos propositions, contribueront le plus au financement de la couverture maladie universelle. Cette question fait débat, à juste titre. S'il est normal que les conseils généraux assument leurs choix politiques, l'équité exige cependant de tenir compte de ce qui ne relève pas d'un choix mais d'une réalité concrète comme leurs ressources ou leur situation socio-économique - je pense au nombre de chômeurs et de RMistes qui varie d'un département à l'autre.

Nous avons proposé en commission des mécanismes prenant en compte ces critères. Il nous a été répondu que le problème était réel et méritait d'être retravaillé. Ma lheureusement, nous n'avons pas eu de nouvelles propositions à examiner, ce que je regrette beaucoup. Nous défendrons donc nos amendements.

Nous sommes d'ailleurs également préoccupés par le devenir des contingents communaux. Le texte n'en dit rien. Pourtant, avec la disparition de l'aide médicale départementale et les difficultés grandissantes auxquelles les communes sont confrontées dans le domaine social, ces questions se posent.

Nous souhaitons débattre sereinement de tous ces aspects, avec l'objectif d'avancer et d'aboutir le plus vite possible à l'essentiel : réduire de manière significative l'exclusion des soins pour des millions de personnes.

C'est dans cet état d'esprit, résolument constructif, et soucieux des attentes et des besoins, que nous abordons la discussion.

Cela étant dit, il convient de rappeler que la couverture maladie universelle est une disposition particulière, prise en faveur de personnes le plus souvent privées d'emploi et de salaire, ou qui ne disposent pas d'un revenu suffisant.

Cette mesure positive ne doit pas faire oublier le problème fondamental qui nous est posé : celui de l'emploi.

C'est pourquoi je réitère nos préoccupations sur la place des entreprises dans ce dispositif de solidarité.

Allons-nous continuer d'assister, sans prendre aucune mesure dissuasive, au jeu des placements financiers des entreprises sur les marchés boursiers, en même temps q u'elles bénéficient des exonérations de cotisations sociales et licencient chaque année plusieurs milliers de salariés ?

Mme Muguette Jacquaint.

Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse.

Voyez l'exemple tout récent de Elf qui, avec 3 milliards et demi de bénéfice net en 1998, vient d'annoncer 1 320 suppressions de poste.

Ajoutez-y 4 000 suppressions chez Thomson CSF et 1 200 chez Rhône Poulenc. Combien de candidats à la couverture maladie universelle parmi ces personnes ? Il ne suffit pas de tenter de réparer les dégâts des stratégies financières des grands groupes, d'une politique ultra libérale, qui sacrifie le travail et les hommes, mais d'engager des réformes structurelles au service de l'ensemble de la société.

Ce sont ces mêmes raisons qui nous conduisent à reparler de la réforme du mode de financement de la sécurité sociale. Elle devait intervenir lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, mais elle a été repoussée. Nous avions obtenu l'engagement qu'elle serait débattue au cours de ce semestre. Le débat est de nouveau reporté.

Il est pourtant urgent de prendre, dans ce domaine, des dispositions essentielles visant à enclencher une autre logique, une véritable logique de solidarité nationale et de responsabilité dans laquelle les entreprises prendraient toute leur place.

Le nombre de personnes pour lesquelles nous allons m ettre en place la couverture maladie universelle confirme, malheureusement, l'ampleur des besoins non couverts dans ce domaine.

Pour y répondre durablement, l'accroissement des ressources de la sécurité sociale est indispensable, ne serait-ce que pour améliorer le niveau de remboursement.

Dans ce contexte, le plan d'économies annoncé par le président de la caisse nationale d'assurance maladie nous préoccupe au plus haut point. Réduire les dépenses de santé soumises au remboursement, c'est accentuer un clivage déjà, hélas, bien réel, entre ceux qui pourront se soigner parce qu'ils pourront payer une mutuelle ou un contrat d'assurance - souvent d'ailleurs au prix de sacrifices -, et ceux qui n'auront que la couverture maladie universelle, c'est-à-dire, à terme, instaurer un système d'accès aux soins et une protection sociale à deux vitesses.

Ce n'est pas l'attente des Français et ce ne peut pas être l'ambition de la gauche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Madame la ministre, nous nous reconnaissons dans la générosité, dans la main immédiatement tendue à ceux qui souffrent, à ceux qui n'ont que le RMI pour vivre, qui ne peuvent manger que grâce aux restaurants du coeur ou qui, demain, ne pourront se soigner que grâce à la couverture maladie universelle. Cette solidarité appartient aux traditions de notre pays, elle fait honneur à son peuple.

En ce sens, ce texte répond à une nécessité impérative et urgente. C'est un objectif que nous partageons pleinement.

Mais permettez-moi de dire en terminant ce propos que l'avancée sociale réelle à laquelle devrait s'attacher la gauche à l'aube de l'an 2000 réside moins dans le RMI, les restaurants du coeur ou la CMU, que dans le fait d'offrir à chacun un travail, un salaire et une sécurité sociale, lui permettant de vivre dans la dignité. C'est à cela que nous avons la responsabilité, tous ensemble, de travailler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pendant de nombreuses années, responsables politiques de toutes tendances comme responsables syndicaux nous ont fait croire que la sécurité sociale française était le système de santé le plus efficace du monde et aussi le plus généreux.

Des plans de sauvetage successifs n'ont pas entamé cette certitude alors qu'un nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens ne pouvait plus bénéficier des bienfaits de ce système de santé, tout simplement parce qu'il devenait de plus en plus coûteux. L'augmentation du ticket modérateur, la mise en place d'un système d'honoraires libres, la non revalorisation du remboursement des prothèses dentaires et des lunettes ont conduit de nombreux français à renoncer à se faire soigner correctement, faute de moyens financiers suffisants.

La nécessité de mettre en oeuvre aujourd'hui la couverture maladie universelle signe d'abord l'échec de ce système de solidarité face à la maladie, échec dont ont pâti avant tout les moins favorisés de nos concitoyens. La difficulté à mettre en oeuvre des réformes de fond susceptibles de redonner des perspectives d'avenir à notre protection sociale vous conduit, madame la ministre, à proposer ce nouveau dispositif de solidarité, après que Jacques Barrot a envisagé en 1997 la mise en place d'une assurance maladie universelle.

Sur le fond, personne ne peut rester insensible aux difficultés croissantes que rencontre un nombre important de nos compatriotes pour accéder au système de santé dont les remboursements ont longtemps diminué sous prétexte de rétablir les équilibres financiers. Aujourd'hui, nous avons en France un des taux de remboursement parmi les plus faibles d'Europe et nous gardons une sécurité sociale qui reste structurellement déficitaire.

Comme vous, madame la ministre, nous réaffirmons aujourd'hui le droit à la santé pour tous car il est indispensable à de la dignité humaine. C'est un principe d'humanité et de solidarité. L'Union pour la démocratie française ne discute pas cet objectif auquel nous avions déjà réfléchi avec Jacques Barrot.

Sommes-nous pour autant condamnés, au nom des bons sentiments, à renoncer aux principes qui motivent notre engagement politique, principes fondés sur l'initiative et la responsabilité des personnes, lesquelles constituent, avec l'indispensable solidarité, le ciment de la cohésion sociale ? Nous ne le pensons pas, même si vous avez estimé, comme M. le rapporteur, que votre projet de loi devait rassembler tous les parlementaires, au-delà de votre majorité.

En effet, nous considérons que la couverture maladie universelle s'inscrit dans une logique humanitaire. Nous émettons donc, sur votre projet, un certain nombre de réserves majeures.

Concernant l'assurance maladie universelle de base, je rappelle que ce droit est actuellement assuré par l'intermédiaire de l'aide médicale gratuite des départements. Il doit continuer à relever exclusivement de la solidarité pour les personnes en grande difficulté.

Face aux critiques dont les départements ont fait l'objet, je tiens à souligner que le projet ne constitue pas une avancée majeure, car l'aide médicale gratuite départementale a rempli sa mission pour donner une réalité à ce droit à la santé, à travers une approche de proximité, m obilisant de manière complémentaire les centres médico-sociaux des conseils généraux, les CCAS et les associations, et à travers aussi la mise en place de cartes santé ou de réseaux de soins, facilitant par là-même l'accès aux soins.

Comme l'indique l'ODAS, seules 150 000 personnes très marginalisées échapperaient aujourd'hui encore à tout accès aux soins. Personne ne peut affirmer que le nouveau dispositif permettra de mieux couvrir cette population. Qui peut croire sérieusement que le fait de confier aux caisses primaires la responsabilité de l'ouverture des droits va profondément améliorer les conditions d'exercice de ce droit aux soins ? Le dispositif de la couverture maladie universelle tel que vous le proposez, madame la ministre, présente à nos yeux quatre inconvénients majeurs : c'est un projet centralisateur et administratif, c'est un projet d'assistanat élargi, c'est un projet qui ne met pas fin aux inégalités et c'est un projet dont le coût est mal cerné.

C'est d'abord un projet centralisateur et administratif qui s'éloigne du principe de proximité sur lequel doit se fonder toute action sociale.

Au lieu d'encourager les départements à améliorer le service de l'aide médicale gratuite, notamment en renforçant le partenariat avec les caisses primaires, vous avez fait le choix contestable de leur retirer cette compétence.

Une fois de plus, c'est l'Etat, et lui seul, qui va décider par décret : il va arrêter les contours véritables et concrets de la CMU. Les départements, qui ont en charge l'action sociale et la solidarité, sont écartés du dispositif alors que les problèmes liés à la santé constituent une composante forte des difficultés sociales.

De même, l'assurance maladie et les organismes de couverture complémentaire voient leur liberté d'action ser estreindre en raison de l'imposition de nouvelles contraintes financières qu'elles ont d'ailleurs du mal à accepter.

Nous considérons que cette recentralisation en matière de santé ne constitue pas un progrès, même si, en passant d'un régime d'aide médicale à un régime de sécurité sociale et de prévoyance, on évite peut-être les effets stigmatisants en permettant l'accès au droit commun.

Le Gouvernement, sous prétexte de garantir l'égalité à l'échelle du territoire national, prive le dispositif de la souplesse dont les départements ont pu faire preuve dans l'instruction des dossiers. Seuls des critères froidement administratifs permettront l'ouverture du droit ou le refus. Et je reviendrai plus loin sur les effets de seuil.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Comme l'a souligné Pierre Méhaignerie, « retirer aux conseils généraux la responsabilité en matière d'accès aux soins les prive d'un levier capital en matière de lutte contre l'exclusion. C'est revenir à une conception jacobine de la solidarité qui a fait pourtant la preuve de son inefficacité parce que trop éloignée de la réalité locale. »

Nous ne pouvons donc cautionner un tel retour en arrière.

C'est aussi un projet d'assistance élargie. Sans nier la réalité de la difficulté d'accès aux soins pour les personnes disposant de faibles ressources, nous considérons que le dispositif proposé par le Gouvernement s'inscrit dans une logique d'assistanat, laquelle est aussi l'une des causes importantes de l'exclusion dans notre pays. En effet, une fois de plus, on répond à la difficulté sociale en renforçant la situation d'assistance généralisée, situation dont les personnes les plus démunies auront de plus en plus de mal à sortir.

Pour notre part, nous estimons, sans pour autant méconnaître les difficultés particulières des personnes en grande précarité, que la lutte contre l'exclusion passe d'abord et avant tout par la responsabilisation des personnes, responsabilisation indispensable pour réussir un parcours d'insertion pendant lequel nous devons les accompagner.

Certes, la solidarité nationale doit assurer l'accès à la couverture de base. Mais nous restons partisans d'un système qui soit plus conforme à l'égalité entre droits et devoirs ainsi qu'entre avantages et participation.

Ainsi, il nous semble préférable de concevoir un dispositif qui serait étendu à l'ensemble des personnes confrontées à des difficultés pour accéder aux soins plutôt que de réserver le concours gratuit d'une assurance complémentaire à des personnes dont les ressources sont en deçà d'un seuil pourtant très faible.

Pourquoi ne pas avoir proposé une couverture maladie fondée sur une capacité contributive modulée en fonction des ressources, mais allant bien au-delà de ce seuil de 3 500 francs qui ne satisfait personne dans cet hémicycle ni au sein des associations caritatives ? Qui peut sincèrement accepter l'idée que le minimum vieillesse ou l'allocation adulte handicapé, chacun fixé à 3 540 francs, constituent des ressources trop élevées pour prétendre bénéficier d'une aide relative à la couverture complémentaire ? Face aux difficultés d'accès aux soins, l'objectif ne devrait pas consister à permettre à 4,5 millions de personnes supplémentaires d'entrer dans un système d'aide médicale élargi, mais au contraire de généraliser l'accès à une assurance complémentaire pour la maladie en allégeant le coût de la cotisation pour ceux dont les revenus sont les plus modestes. Les personnes relevant de l'aide sociale seraient concernées par ce dispositif, mais aussi celles dont les revenus atteignent jusqu'à deux fois le seuil de 3 500 francs retenu par le Gouvernement, voire audelà en fonction de la composition de la famille.

M. Marcel Rogemont.

Il y aurait trop d'assistance, mais vous proposez de relever les seuils !

M. Yves Bur.

Ainsi, un tel dispositif pourrait s'articuler autour de trois axes.

Pour les personnes bénéficiant du RMI, la prise en charge serait bien sûr gratuite, la solidarité devant jouer à plein pour ces personnes en grande difficulté.

Pour les personnes dont les ressources se situent entre le RMI et 3 500 francs, une contribution forfaitaire minime pourrait être demandée afin qu'elles puissent bénéficier d'une couverture complémentaire.

Enfin, pour les personnes et les familles dont les ressources dépassent le plafond de 3 500 francs mais sont inférieures à un seuil fixé à deux fois ce montant, voire à deux fois le SMIC, une contribution proportionnelle à leurs revenus pourrait leur ouvrir droit à une assurance maladie complémentaire.

Un tel dispositif présenterait l'avantage de renforcer l'accès aux soins pour l'ensemble de nos concitoyens, les plus démunis comme les plus modestes, alors qu'au-delà du seuil prévu par le Gouvernement, vous vous en remettez à nouveau et exclusivement à l'aide sociale des départements.

Même si vous le niez, la CMU est bien fondée sur une logique d'assistance élargie. Pourtant, ce projet ne mettra pas fin aux inégalités devant le droit à la santé.

Comme je l'ai déjà souligné, la fixation d'un plafond entraîne un effet de seuil. Certes, il existait déjà pour ce qui est de la prise en charge par l'aide médicale, mais l'appréciation du seuil de ressources sera de nature différente. En effet, le seuil de 3 500 francs proposé par le Gouvernement s'appliquera à des ressources encaissées, alors que l'aide médicale départementale prenait en compte les ressources disponibles, c'est-à-dire que l'on tenait compte des charges, tel le loyer, assumées par la personne ou la famille.

M. Jean-Paul Bacquet.

Selon les départements !

M. Yves Bur.

De plus, les départements avaient la possibilité d'accorder le bénéfice de l'aide médicale en fonction de la situation du demandeur, et ce bien au-delà des seuils fixés.

L'instruction par les CPAM des demandes d'adhésion à la CMU risque donc d'être un acte administratif faisant l'objet du même type de raisonnement que pour toutes les prestations sociales, c'est-à-dire un raisonnement reposant sur les revenus encaissés.

L'effet de seuil aura pour conséquence d'exclure du bénéfice de la couverture complémentaire les familles à revenus modestes, lesquelles continueront à avoir beaucoup de difficultés pour se payer cette couverture complémentaire. Il y a là une injustice flagrante pour des personnes disposant de faibles revenus du travail et qui devront payer « plein pot » leur accès à la santé.

Par ailleurs, ce projet de CMU permet de souligner une fois de plus l'insuffisance de remboursement de certains actes : les soins et les prothèses dentaires, les frais d'optique ou les prothèses auditives.

Il est prévu la définition d'un « panier de soins », mais on en ignore encore le contenu, et donc le coût des actes qui seront pris en charge. Sur quelle base médicale, déontologique et éthique et selon quels critères seront retenus les actes inclus dans ce panier de soins ? Ne risquez-vous pas d'inscrire dans la nomenclature des actes médicaux une médecine à coûts différents en fonction des ressources des patients ? Si nous voulons vraiment améliorer l'accès aux soins dentaires, l'accès à des prothèses de qualité - qu'elles soient dentaires, d'optique ou autres -, nous devons cesser de nous voiler la face et accepter de mettre en oeuvre une meilleure prise en charge de ces soins par l'assurance maladie. Ceux-ci ne devraient plus être considérés comme un luxe mais bien comme une réponse à des besoins de santé. Là encore, le Gouvernement fait preuve de frilosité.

Enfin, l'accès au système de santé restera inégalitaire car vous ne semblez pas envisager une remise à plat de l'ensemble des régimes d'assurance maladie. Ainsi les ressortissants de la CANAM, c'est-à-dire tous les travailleurs


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

indépendants, devront-ils continuer de se contenter d'un remboursement à 50 % de leurs dépenses de santé alors qu'ils cotisent lourdement, bien que disposant pour beaucoup de revenus modestes.

Nous savons que ces questions sont particulièrement difficiles à traiter, mais nous constatons dans ce domaine que, comme pour tout ce qui concerne la protection sociale, le Gouvernement ne fait preuve ni de courage ni d'ambition. Vous vous contentez de colmater les brèches du système de santé pour tenter d'obtenir un équilibre de la sécurité sociale, lequel paraît de plus en plus hors d'atteinte. Vous ne réunissez pas les conditions d'un équilibre durable.

La CMU ne sera pas neutre pour les finances de la sécurité sociale. Nous avons le sentiment que le volet financier de la CMU reste à ce jour mal cerné.

Vous en évaluez le coût à 9 milliards de francs, lequel sera financé par les sommes consacrées par les départements à l'aide médicale gratuite et par une cotisation de 1,75 % sur le chiffre d'affaires des assurances complémentaires santé - c'est-à-dire, indirectement, par un prélèvement supplémentaire pour les Français.

Comment croire que le coût annoncé sera bien le coût réel, alors qu'il est établi sur une dépense moyenne par bénéficiaire de 1 500 francs pour les soins et les médicaments ? Tous les organismes d'assurance complémentaire - mutuelles et assureurs - évoquent plutôt des chiffres allant de 2 000 à 2 500 francs par personne, soit une dépense minimale de 12 milliards de francs.

Comment croire que ce montant de 9 milliards de francs a pris en compte la répercussion de la CMU sur des régimes tels que la MSA ou la CANAM ? En effet, les responsables de ces régimes estiment que la CMU pourrait concerner plus de 800 000 personnes pour la MSA et plus de 300 000 personnes pour le CANAM.

Comme pour le RMI, nous avons le sentiment que vous essayez de minimiser les conséquences financières de la couverture maladie universelle pour le budget de l'Etat et pour celui de l'assurance maladie. Qui peut nous assurer aujourd'hui que ce nouveau dispositif ne connaîtra pas les mêmes dérapages financiers que le RMI ? Comment la sécurité sociale va-t-elle faire face au coût de l'assistance médicale gratuite et élargie alors que son équilibre semble un objectif impossible à atteindre malgré l'augmentation des recettes liée à une conjoncture plus favorable ? Ce sont là autant de questions qui nous conduisent à manifester une prudente réserve quant au financement de la CMU tel que vous nous le proposez.

Vous l'avez compris, madame la ministre, l'UDF n'est pas insensible aux objectifs de solidarité de ce projet, auquel nous avions déjà beaucoup réfléchi.

Oui, comme vous, nous voulons assurer un droit à des soins de qualité à nos concitoyens qui sont dans la difficulté. Cependant, le dispositif présenté est loin de nous satisfaire. Nous sommes prêts à débattre avec vous, en âme et consciense, pour améliorer ce projet, et pour répondre aux aspirations de solidarité et d'équité.

La CMU doit être un outil au service de la lutte contre l'exclusion, en renforçant l'activation des moyens mis en oeuvre dans le cadre d'un parcours vers l'insertion et le retour à la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement se devait de permettre aux personnes en situation de précarité de se faire soigner comme les autres grâce à l'instauration de la couverture maladie universelle. Il est en effet inacceptable que la situation matérielle ou administrative de quiconque puisse être en France un obstacle aux soins.

La CMU va permettre de réduire « l'angle mort » de la sécurité sociale, qui tient à la difficulté de faire établir des droits auprès d'un régime d'assurance maladie. Désormais, toutes les personnes qui ne relèvent plus d'aucun régime professionnel bénéficieront de la sécurité sociale grâce à un mécanisme simple et non stigmatisant. Les 150 000 personnes qui n'ont de fait aucune couverture mais aussi les 550 000 qui ne sont couvertes que par le mécanisme complexe de l'assurance personnelle pourront ainsi bénéficier sans délai d'un régime de base.

Pour résorber l'autre chiffre noir de l'assurance maladie, celui des 25 % de Français couverts par la sécurité sociale obligatoire mais qui, pour des raisons financières, renoncent à se faire soigner, ce projet propose en outre une assurance complémentaire gratuite sous condition de ressources.

Madame la ministre, le Gouvernement a refusé de construire un régime minima pour les exlcus et a, au contraire, décidé d'inclure ces derniers dans la couverture de tous. C'est une avancée incontestable. Dès l'an prochain, les quelque six millions de personnes qui aujourd'hui ne disposent pas d'une couverture maladie complète pourront se faire soigner gratuitement. La CMU est bien le chaînon manquant dans notre système sanitaire, et je veux saluer le travail considérable de consultation qu'a nécessité sa conception.

Mais si je sais que la CMU n'a pas la prétention d'apporter des solutions miracles, il me semble cependant que son architecture pourrait être différente sur certains points.

Avant tout, il y a une difficulté : ce mécanisme ne pose pas véritablement la question essentielle de ceux qui seront juste au-dessus du seuil de revenu arrêté, lequel devrait, selon moi, être revu à la hausse pour atteindre à tout le moins le seuil de pauvreté.

Quoi qu'il en soit, la seule manière, à mon sens, de passer du droit affirmé à la santé, au droit réellement pratiqué de se soigner, est de généraliser le tiers payant audelà des seules personnes les plus démunies. On atténuera ainsi les effets de seuils, et cette généralisation, demandée notamment par les associations, nous placera enfin dans la même situation que nos voisins développés, qui pratiquent tous la dispense d'avance de frais.

Le mécanisme du transfert à l'Etat des dépenses départementales est, je le souligne, pénalisant pour les départements qui se sont engagés très au-delà de leurs obligations légales. Cela vaut pour un certain nombre de départements comme le territoire de Belfort, la SeineSainr-Denis, le Pas-de-Calais, l'Ardèche, ou encore Paris.

La règle de la réduction forfaitaire de 5 % ne permettra aucune solidarité entre les départements riches et pauvres pour la simple raison que ceux qui ont réalisé les efforts les plus importants ne sont pas, quoi qu'on en dise, ceux qui ont forcément le moins de personnes en difficulté.

Nous aurions préféré un mécanisme de péréquation qui tienne compte des charges réelles d'aide médicale de chaque département. Au lieu de quoi, la règle retenue risque de jouer comme un frein à la dynamique néces-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

saire à la mise en oeuvre locale de la loi sur l'exlusion en incitant les départements à ne plus aller au-delà de leurs strictes obligations.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Très juste !

M. Georges Sarre.

Enfin, le Gouvernement a pris une décision hasardeuse en arrêtant un scénario « partenarialgénéralisé ». Outre qu'il aboutit à un système complexe,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ça, c'est vrai !

M. Georges Sarre.

... il conduit à introduire les assureurs privés dans un mécanisme qui veille à restaurer de l'égalité. Ce projet, sous le « pavillon » de la nouveauté, présente un risque réel pour notre protection sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Eh oui !

M. Georges Sarre.

Songez donc, les dépenses en

« complémentaires » s'élèvent en France à 80 milliards et celles des dépenses de santé à 800 milliards. De quoi réveiller tous les appétits ! Les assureurs grattent depuis longtemps derrière la porte pour gérer le risque maladie au premier franc, et je crains que nous ne soyons en train de leur offrir un ticket d'entrée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Quel ticket d'entrée ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il ne connaît pas le dossier !

M. Georges Sarre.

Il y a des engrenages dans lesquels il ne faut pas mettre le doigt. Je déplore que nous soyons à une époque où le simple bon sens est devenu iconoclaste.

Je terminerai par quelques mots sur les « cavaliers » d'ordre sanitaire et social que le Gouvernement a cru bon d'introduire dans ce texte. Je sais bien que le calendrier parlementaire lui laissait peu de choix. Cependant, il est tout de même regrettable que nous ayons à nous prononcer par un seul et même vote sur la CMU et sur des questions aussi sensibles que la définition du volet santé de la carte Vitale 2, le traitement des données personnelles de santé à des fins d'évaluation et d'analyse, la convention des pharmaciens d'officine, pour ne citer que celles-ci.

Pour l'instant, je ne retiendrai que les mesures qui ouvrent des perspectives d'intégration aux médecins titulaires de diplômes extra-européens. Le statut de praticien adjoint contractuel issu de la loi Veil de 1995 s'est révélé davantage un outil d'exclusion que d'intégration.

Quant aux professionnels qui se sont maintenus dans la voie du certificat de synthèse clinique et thérapeutique, ils attendent leur autorisation d'exercice depuis plus de dix ans du fait du nombre insignifiant d'autorisations délivrées.

Je me félicite que la commission ait approuvé que l'on mette progressivement fin à ces filières ghettos. Notre pays a largement ouvert les portes de ses hôpitaux à des médecins étrangers ou à des médecins français diplômés à l'étranger. Il n'est plus acceptable que ceux-ci soient maintenus dans le cadre de statuts précaires et peu rémunérateurs, alors même qu'ils exercent des responsabilités équivalentes à celles de leurs confrères.

J'espère que nous parviendrons à des solutions mettant fin à tous ces drames humains qui ont entaché les valeurs fondamentales de la République, et qui ont de surcroît nui à son intérêt et à son prestige.

Nous allons donc débattre des modalités de la CMU.

Au-delà des différences d'appréciation quant aux réponses appropriées à apporter, le Gouvernement sait qu'il peut compter sur notre plein accord quant aux objectifs qu'il vise. Nous avons la même volonté. Nous souhaitons que la couverture maladie universelle fasse date dans la mise en oeuvre du principe constitutionnel selon lequel la nation « garantit à tous la protection de la santé ».

Je suis convaincu que le débat permettra d'enrichir le projet de loi, afin que des députés de l'opposition puissent le voter avec nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du roupe communiste.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quand on a de pareils alliés, on n'a pas besoin d'adversaires !

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle est un texte très attendu. A l'aube du

XXIe siècle, le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine, se doit d'être assuré à l'ensemble de nos concitoyens.

Le Préambule de la Constitution de 1946 prévoyait déjà que l'Etat devait garantir à tous la protection de la santé. Car offrir à toute personne le droit de se soigner, lui donner les moyens d'être autonome, c'est reconnaître le droit pour tous d'avoir une place dans la société.

Tout doit donc être fait pour que la santé ne soit pas un domaine où le niveau des revenus engendre des discriminations.

Or il y a des carences en ce domaine. Si le régime de l'ordonnance du 4 octobre 1945 proposant une protection aux seuls travailleurs salariés et à leur famille avait vocation à être étendu progressivement, force est de constater que 150 000 personnes ne bénéficient aujourd'hui d'aucune couverture maladie. Par ailleurs, 16 % des Français n'ont pas de couverture complémentaire, et ce taux atteint 40 % chez les chômeurs.

Ces chiffres soulignent également les limites de l'aide médicale départementale. Ce système, qui couvre aujourd'hui 2,5 millions de personnes, bien qu'il ait permis d'énormes progrès en matière d'accès aux soins, n'est pas exempt de défauts. Il est notamment générateur d'inégalités entre les départements.

C'est pour pallier ces faiblesses que la CMU est proposée. Onze ans après le RMI, ce projet de loi doit constituer un pas important dans la lutte contre les exclusions.

La CMU, qui répond à une idée généreuse, comporte trois dispositions que nous jugeons majeures : la prise en charge pour tous des soins par un régime de sécurité sociale ; la protection complémentaire gratuite pour les 6 millions de personnes les plus fragiles financièrement ; la dispense de l'avance des frais. Cette troisième branche du projet est essentielle, car le ticket modérateur est biensouvent synonyme de ticket d'exclusion.

Quelques grands principes, que nous partageons, ont inspiré ce projet de loi : l'immédiateté des prestations d'assurance maladie, l'universalité, la continuité, même en cas de changement de régime, la non-sélection des risques.

Financée par l'Etat et les organismes de couverture complémentaire, la CMU met fin à l'assurance personnelle et à l'aide médicale départementale. Les conseils généraux verront ainsi leur dotation globale de décentralisation diminuée des dépenses d'aide médicale du département moins 5 %. Cela aura cependant un effet pervers, car les départements les plus « vertueux » seront pénalisés.

Je rappelle que le projet de loi en discussion n'est pas précurseur en la matière. Je tiens à saluer l'action des gouvernements précédents, et notamment le formidable


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

travail accompli par Xavier Emmanuelli, en direction des populations défavorisées. Il faut également se rémémorer le projet d'assurance maladie universelle présenté par Alain Juppé et Jacques Barrot en novembre 1995, dans le projet de réforme de la sécurité sociale.

Ce texte ouvrait droit en particulier aux prestations en nature à l'ensemble de la population sous simple condition de résidence régulière. Le Gouvernement actuel ne s'est donc pas aventuré sur un terrain vierge et il doit accepter que le mérite d'un tel projet soit partagé.

J'examinerai successivement les dispositions relatives au régime de base et à la couverture complémentaire.

Concernant le régime de base, je souligne que la question des populations les plus marginalisées au sein des exclus ne pourra être traitée sans le maintien d'une forte implication des associations. Elles devront continuer à conseiller et aider les personnes qui sont actuellement hors du système de santé, plus particulièrement celles qui se sont heurtées à la complexité des démarches administratives. Il faudra suivre attentivement leurs démarches afin que, dans les faits, le nombre de personnes sans couverture médicale de base passe de 150 000 à zéro, conformément à l'objectif affiché.

C'est dans le régime complémentaire que l'on constate la plupart des limites du projet de loi.

Pour les 6 millions de personnes aux revenus les plus modestes, le Gouvernement propose une couverture complémentaire comprenant la prise en charge intégrale du ticket modérateur et du forfait journalier. Les bénéficiaires auront le choix entre le recours à la caisse de sécurité sociale ou le recours à une mutuelle, une institution de prévoyance ou une compagnie d'assurance, sans avoir à verser de cotisation, même symbolique. Si la nécessité d'une prise en charge complète des soins est acquise, les modalités d'application du dispositif peuvent être discutées.

Le premier sujet qui prête à discussion est celui de l'absence de cotisation pour les bénéficiaires du régime complémentaire de la CMU. Il mérite que l'on s'y arrête quelques instants.

En faveur du paiement d'une somme modique, on peut soutenir que payer une cotisation est un geste de citoyenneté qui contribue à affirmer le sentiment de dignité. Je citerai en ce sens notre rapporteur, JeanClaude Boulard, qui insiste, dans l'un de ses rapports, sur le fait que « contribuer, même faiblement, est également une composante de l'insertion ».

Par ailleurs, l'absence de cotisation pose un problème au regard du code de la mutualité. En effet, sans contribution, les « membres bénéficiaires » ne peuvent être considérés comme des adhérents à part entière ni jouir des prérogatives liées à ce statut.

Défendant le point de vue opposé, des voix s'élèvent pour rappeler que l'accès aux soins est un droit constitutionnel, auquel les individus peuvent prétendre sans avoir à verser de cotisation.

Finalement, l'argument qui me semble décisif est celui tenant aux conséquences en cas de non-paiement de la contribution. En effet, la somme à verser ne pouvant être que symbolique, il est fort improbable que des poursuites soient engagées pour en assurer le recouvrement. Les contrevenants seraient de facto impunis et le principe même de contribution serait dépourvu de sens.

Voilà pourquoi, même si le principe d'une cotisation symbolique est intéressant, les modalités de sa mise en oeuvre limitent singulièrement le bénéfice qu'on peut en attendre.

M. Marcel Rogemont.

Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est vrai !

M. Denis Jacquat.

Le second bémol que je souhaite mettre au projet de loi concerne le niveau du seuil de revenu retenu pour bénéficier de la gratuité de la complémentaire. Le seuil est actuellement fixé à 3 500 francs pour une personne seule, à 5 200 francs pour un ménage de deux personnes, 6 300 francs pour trois personnes, 7 700 francs pour quatre personnes. Au-delà, il convient d'ajouter 1 400 francs par personne supplémentaire.

Le montant de 3 500 francs est inférieur au minimum vieillesse et à l'allocation pour adulte handicapé ; c'est surtout une somme inférieure au seuil de pauvreté, estimé dans notre pays à 3 800 francs par l'INSEE. Pour être réellement universelle, la CMU doit prendre en compte la totalité des situations de détresse. Or en choisissant un plafond inférieur au seuil de pauvreté, on exclut de la protection complémentaire deux millions de personnes qui, par définition, sont nécessiteuses.

M. Marcel Rogemont.

Qui peut dire que les situations d e détresse s'arrêtent quand le revenu dépasse 3 800 francs ?

M. Denis Jacquat.

C'est le seuil de pauvreté retenu par l'INSEE ; et les associations humanitaires que nous avons reçues étaient toutes d'accord ! Les orateurs précédents ont d'ailleurs insisté sur ce point, ce qui prouve qu'ils étaient présents, qu'ils ont écouté, et que le message est passé.

Un tel seuil n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Il doit être relevé à 3 800 francs, ce montant devant être considéré comme un minimum.

En outre, il est impératif qu'un mécanisme d'indexation soit mis en place.

J'aborderai maintenant un problème majeur relatif aux effets pervers liés à l'effet de seuil, qui va à l'encontre de l'idée générale de l'accès égalitaire aux soins.

L'effet de seuil, tel qu'il apparaît dans le projet de loi, va engendrer une discrimination inacceptable. A un franc près, certains auront droit au système de soins dans le cadre de la CMU, tandis que d'autres, situés juste audessus du seuil de revenus, devront payer intégralement leur complémentaire. Un tel effet « guillotine » va s'exercer au détriment de personnes aux revenus modestes.

Cette situation, je le répète, n'est pas acceptable ; tout doit être mis en oeuvre pour effacer l'effet de seuil. Je tiens à souligner que certains mécanismes proposés sont insuffisants. En effet, si l'effet de seuil doit être compensé par l'action sociale des caisses, des autres organismes ou des collectivités locales, le risque d'engendrer à nouveau des situations inégales est réel.

Pour moi, la meilleure solution pour limiter l'effet de seuil est de mettre en place un système d'aides dégressives pour ceux dont les revenus sont situés au-dessus du plafond. Dans ce cas de figure, l'essentiel est de ne pas oublier les personnes ayant de faibles salaires ou revenus, qui ont actuellement de réelles difficultés à payer une complémentaire.

Par ailleurs, je souhaite que nous nous interrogions sur les chiffres relatifs au nombre de personnes ayant besoin d'une aide en matière d'accès aux soins.

L'enquête réalisée par le CREDES en février 1999 précise qu'un Français sur quatre a déjà renoncé à se soigner pour des motifs financiers. Le plus souvent, les renonce-


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ments concernent les soins dentaires, 42 % des soins cités, les soins médicaux et examens, 31 %, et l'optique, 13 %. Pour l'ensemble de la population française, le taux de renoncement aux soins au cours de l'année s'élève à 16,5 %. Ces chiffres, émanant d'une enquête dont le sérieux ne peut être contesté, prêtent à réflexion. En ef fet, le projet de loi se propose de couvrir six millions de personnes, soit 10 % des Français, ceux dont les revenus sont les plus faibles.

Or, même avec un seuil fixé à 3 800 francs, la CMU ne couvrirait que 8,5 millions de personnes, soit environ 14 % de la population. Nous serions encore loin du nombre total de personnes ayant renoncé à des soins pour motif financier, soit 16,5 % de la population. Il n'est pas possible d'ignorer ces chiffres qui nous interpellent.

Que vont devenir les personnes qui, non couvertes par la CMU, n'ont pas les moyens de recevoir l'ensemble des soins que nécessite leur état de santé ? Cette question ne peut être éludée et nous renvoie à la nécessité d'un liss age de l'effet de seuil.

Concernant toujours la couverture complémentaire, je m'arrêterai un instant sur le montant du « panier de soins » prévu par le projet de loi. Celui-ci s'élève à 1 500 francs par personne et par an. Fixer un chiffre uniforme, c'est bien, mais c'est perdre de vue que ce montant ne peut être identique pour l'ensemble de la population concernée.

Ainsi, les personnes âgées consomment davantage de b iens médicaux. Pour elles, le coût est estimé à 2 400 francs par an. En revanche, il ne serait que de 800 francs pour les jeunes.

Si l'on part de ce constat, et eu égard au nombre important de personnes âgées concernées par le projet de CMU, on comprend que le montant de 1 500 francs risque d'être insuffisant.

En outre, dans le rapport du ministère de l'emploi et de la solidarité, les statistiques révèlent que les Français ont dépensé en moyenne 12 431 francs par personne pour leur santé en 1997. Cela donne à penser que le

« panier de soins » a été sous-estimé, et nous voudrions être rassurés à cet égard.

Pour conclure sur le problème de la couverture complémentaire, je souhaite souligner les remarques qui sont faites sur le caractère inéquitable de la concurrence entre les CPAM et les mutuelles dans ce domaine.

On nous fait remarquer que la lutte n'est pas égale puisque les CPAM bénéficieront d'une compensation intégrale des frais exposés alors que les mutuelles paieront une taxe et subiront une perte technique dès lors que le coût réel de la garantie dépassera les montants fixés légalement. Ainsi, elles seront obligées de reporter cette taxe sur les autres affiliés. Par conséquent, il conviendrait d'instaurer un mécanisme permettant d'égaliser les conditions de gestion de la prestation complémentaire entre les différents acteurs.

Par ailleurs, ce dispositif pourrait être contraire au droit communautaire. En effet, les CPAM, bénéficiant d'un monopole pour le régime de base, ne devraient pas pouvoir offrir des prestations sur le marché concurrentiel de la complémentaire avec, de surcroît, des avantages fiscaux.

Pour terminer, je formulerai quelques critiques générales concernant le projet de loi.

Je soulignerai d'abord les limites du texte portant création de la CMU dans le domaine de la prévention. Il est indispensable que des actions soient menées à ce titre.

Ensuite, il est clair que le titre IV du projet, portant modernisation sanitaire et sociale, et qui constitue en réalité un vrai DMOS, aurait dû être scindé par rapport à la partie du texte portant sur la CMU. Les parlementaires vont être en effet tenus de se prononcer par un même vote sur ses diverses dispositions et sur la CMU, alors que ces deux éléments peuvent donner lieu à des appréciations contraires. Il aurait été plus convenable de se contenter d'un débat sur la seule CMU, l'importance du sujet justifiant qu'on n'ajoute pas dans le projet des dispositions sans rapport avec celui-ci.

Pour clore cette série de remarques, je ne voudrais pas oublier d'indiquer que la CMU ne doit pas occulter le débat sur la nécessité de modifier notre système de soins, qui se caractérise par un des taux de remboursement les plus bas des pays européens - 4 % pour le régime de base - alors que les cotisations sociales sont parmi les plus élevées.

Au total, si le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle constitue une avancée sociale indéniable,...

M. Marcel Rogemont.

C'est bien de le reconnaître !

M. Denis Jacquat.

... il comporte cependant des limites. Certains points du texte doivent impérativement être réexaminés. Madame la ministre, vous avez dit hier soir à la tribune que le Gouvernement était ouvert à toutes les propositions des parlementaires visant à améliorer le texte. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants, que j'ai l'honneur de représenter, ne désespère pas de vous convaincre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, développement de la croissance, emplois-jeunes et 35 heures marquent avec netteté le sens de l'action gouvernementale.

La lutte pour l'emploi doit être la priorité dès lors que chacun reconnaît le chômage comme le premier facteur d'exclusion.

Dans le même temps, les ravages multiples des exclusions mobilisent la représentation nationale comme le Gouvernement, et c'est une bonne chose.

Ainsi, l'article 1er de la loi relative à la lutte contre les exclusions désigne cette lutte comme un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains.

R épondre à la demande des 150 000 personnes absentes du droit à la santé, des six millions de personnes qui ne peuvent pas assumer pleinement leurs dépenses de santé, en particulier les soins dentaires, la médecine de ville, la lunetterie et les appareillages, nous fait revenir aux sources même de la Constitution de 1946, qui garantissait à tous la protection de la santé et affirmait le principe de la dignité de toutes les personnes.

Ainsi, nous recentrons la politique sur la personne humaine, qui est au coeur du présent projet de loi créant une couverture maladie universelle, comme elle l'était dans la loi sur le RMI ou dans la loi contre les exclusions.


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Reconnaissons à la gauche sa fidélité et sa volonté d'inscrire davantage encore la personne humaine dans le fonctionnement de notre société.

Mme Odette Grzegrzulka et M. Alfred Recours, rapporteur.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Cette société est trop souvent dure avec les faibles, et parfois faible avec les puissants, pour ne pas dire les durs.

La couverture maladie universelle fait partie des ces grandes lois qui marquent une législature, mais elle marquera aussi l'histoire sociale de notre pays.

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

L'adjectif « universelle » souligne une ambition qui commande de dépasser les égoïsmes, d'ouvrir les yeux sur l'autre pour faire vivre la fraternité, fondement de la solidarité.

La nouveauté de la loi tient à l'universalité de ses principes et à sa simplicité d'application : toute personne vivant en France est a priori couverte.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Marcel Rogemont.

Quel progrès que cet a priori ! Les questions posées à la personne viennent après la reconnaissance du droit et non avant. Et ce droit n'a rien à voir avec l'assistanat, c'est l'expression d'une citoyenneté positive.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Cela n'a rien à voir non plus avec la charité.

La nouveauté de la loi tient aussi au partenariat recherché, dans sa mise en oeuvre, entre les caisses primaires, les régimes complémentaires, les mutuelles et l'Etat.

Le caractère novateur de la loi est reconnu par chacun, même si la couverture maladie universelle n'arrive pas dans un désert. Mais il faut cependant reconnaître que l'action des départements, de l'ensemble des collectivités locales et de l'Etat laisse de côté une part croissante des plus démunis.

La situation de ces personnes prend des formes nouvelles et exige des initiatives nouvelles, même si les départements, qui avaient jusqu'à présent la charge, aux côtés de l'Etat, de l'accès aux soins, ont parfois pris des initiatives qui vont bien au-delà de la loi.

En ce sens, le projet de loi tire les conséquences des initiatives prises par des conseils généraux, du moins ceux qui ont souhaité défricher par leurs initiatives le domaine de l'accès aux soins. Il tire des conséquences et les généralise, approfondit la solidarité si nécessaire dans les situations douloureuses que vous avez décrites en présentant votre projet, madame la ministre ; ces familles demandent un surplus de dignité.

Maintenant, la mise en place de la CMU ouvrira une période d'incertitude liée à tout système nouveau. Cette période doit être propice à la collaboration.

L'incertitude tient notamment à ce que la CMU, avec ses aspects généreux et le progrès social considérable qu'elle représente, risque de proposer à certaines familles en nombre réduit une couverture maladie moins avantageuse que celle actuellement proposée par certains départements.

La collaboration tient à la recherche d'une adaptation intelligente, sur le plan local, entre les partenaires de la CMU et les départements, pour proposer des solutions pertinentes.

Parmi les questions qui sont au coeur de cette inquiétude, il y a l'effet de seuil, que certains font semblant de découvrir.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Marcel Rogemont.

D'ailleurs, le découvrant, ils estiment qu'il n'y a rien de mieux, pour le cacher, que d'en créer un autre, ce qui montre le caractère récurrent de l'effet de seuil.

M. Jean-Michel Dubernard.

Vous parlez du Gouvernement ?

M. Marcel Rogemont.

Je parle de vous, cher monsieur.

L'effet de seuil suscitera probablement des réflexions.

La vôtre vient d'être faite, monsieur Dubernard. (Sourires.) Mais nous ne souhaitons pas qu'il ne suscite que des réflexions : nous souhaitons qu'il fasse naître des initiatives de la part des partenaires de la couverture maladie universelle et des collectivités territoriales, pour autant que l'on crée le climat nécessaire. N'oublions pas qu'il existe aujourd'hui un ou plusieurs seuils par département pour l'accès à l'aide médicale gratuite mais que, demain, avec la CMU, il n'y en aura plus qu'un seul.

Il y aura donc plus de justice et plus de lisibilité pour les familles. Il faut que la période de mise en place soit féconde : elle peut permettre une collaboration entre les services chargés de la CMU et les collectivités territoriales. C'est pourquoi notre excellent rapporteur, suivi par la commission, a proposé de créer un fonds d'accompagnement de la couverture maladie universelle, à la gestion duquel est associé l'ensemble des partenaires de la CMU.

C'est pourquoi aussi, madame la ministre, il sera particulièrement nécessaire de suivre et d'analyser l'application de la loi.

Il sera utile d'envisager un bilan deux-trois ans après la mise en place de la CMU. Bref, il sera utile de faire vivre la loi ! De même, monsieur Le Garrec, la commission pourrait, comme elle l'a fait pour chaque loi importante de cette législature, mettre en place un groupe de suivi de l'application du texte afin que puissent être identifiés les problèmes qui se poseront nécessairement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bonne idée !

M. Marcel Rogemont.

Je voudrais poser une autre question : qu'en sera-t-il des personnes, des familles qui retrouveront le régime commun après avoir relevé de la couverture maladie universelle ? La différenciation entre les familles ou les personnes qui auront choisi la Caisse primaire d'assurance maladie pour leur couverture maladie universelle et celles qui auront choisi un organisme de c ouverture complémentaire doit-elle subsister ? Après tout, pourquoi l'universalité, qui existe à l'entrée dans le système de la couverture maladie universelle, n'existeraitelle pas à la sortie ? Nous avons tout le temps d'approfondir ces questions.

Il serait aussi nécessaire de poursuivre les réflexions avant de mettre en place, fût-ce de façon facultative, une cotisation aussi minime fût-elle, ne fût-ce que pour adhérer au système. En effet, il ne faudrait pas que le coût de


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cotisation soit supérieur à ce qu'elle rapporte. Surtout, si cette cotisation facultative se couple avec un service différent, on ne doit pas avoir une meilleure prestation à la sortie de la couverture maladie universelle suivant que l'on relèvera de la Caisse primaire ou d'un régime complémentaire. Il y aurait sinon un problème de lisibilité.

Voilà quelques questions posées pour le débat à venir.

Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous y revenir, préciser votre point de vue et nous éclairer notamment sur l'avenir du contingent d'aide sociale dès lors que les départements n'auront plus à supporter l'aide médicale gratuite.

U n député du groupe socialiste.

Très bonne remarque !

M. Marcel Rogemont.

Qu'en sera-t-il des communes, par exemple ? Toutes ces questions visent à alimenter un débat nécessaire, et non à masquer l'importance du projet de loi.

Il ne s'agit pas seulement, avec la CMU, d'une affiliation au régime général, comme avait pu le prévoir un projet de loi précédent : il s'agit aussi d'une affiliation à un régime complémentaire et de la généralisation du tiers payant. Bref, il s'agit d'assurer réellement l'accès aux soins, que nous avions annoncé lors du vote de la loi contre les exclusions.

Madame la ministre, vous avez souhaité compléter votre texte par un titre IV, qui est une sorte de miniDMOS. Nous vous en remercions...

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà qui est nouveau !

M. Marcel Rogemont.

... tant les questions que nous nous posons sont nombreuses. Parmi elles, nous avons dû choisir afin de respecter l'essentiel du projet de loi, c'està-dire l'instauration d'une couverture maladie universelle, mais aussi l'esprit de vos propositions, tournées vers les préoccupations de santé les plus urgentes. Nous aurons, le moment venu, à les traiter, voire à les compléter. Mais dès à présent, je veux ici affirmer que nous avons eu le temps d'étudier chacune de ces propositions. Nous avons eu le temps d'étudier ce mini-DMOS, et même de proposer des amendements. Nous avons fait notre travail de député tout à fait normalement.

Cependant, si nous comprenons que l'encombrement du calendrier parlementaire commande une telle initiative, notre sagesse ne doit pas nous dissimuler la nécessité d'un projet de loi portant sur diverses mesures d'ordre sanitaire et social.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Marcel Rogemont.

Pourriez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet ? Comptez-vous déposer prochainement un tel projet de loi ? Le débat que nous avons eu en commission témoigne de cette urgence.

Mais il faut maintenant que je close mon propos, qui a simplement visé à participer activement à une réforme qui est en soi une révolution dans l'approche de la santé, au moment où nous entrons dans un nouveau siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs, inévitablement, il y aura des répétitions, des redites. J'essaierai quant à moi d'aller très vite, d'autant plus que je ne dispose que de cinq minutes.

Je suis d'accord avec tous ceux qui m'ont précédée, pour dire l'absolue nécessité de cette réforme de la sécurité sociale permettant de couvrir toute la population de notre pays.

Cela suppose, selon vos chiffres, madame la ministre, que 10 % de nos concitoyens doivent être globalement pris en charge, soit 6 millions de personnes.

Nous sommes tous d'accord, tant à gauche qu'à droite.

Les arguments que vous avez exposés raisonnent en nous tous. Ce sont aussi les nôtres.

Dois-je ajouter que les médecins qui, au premier chef, sont concernés par la douleur et les misères humaines appliquent naturellement depuis des siècles, sans en parler, dans le secret de leur cabinet, l'article du serment d'Hippocrate qui les invite à dispenser gratuitement leurs soins à l'indigent.

Ils ne font d'ailleurs là que répondre à leur vocation.

Je vois des hochements de tête qui donnent à penser que tous ne le font peut-être pas...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Ils font plutôt des dépassements d'honoraires !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je suis d'accord.

Mais beaucoup ont cette attitude et ils ne le disent pas.

Ainsi donc, une unanimité aurait dû se faire autour d'un projet aussi séduisant. Mais nous sommes déçus et nous nous dressons contre certains de ses aspects.

A mon avis, quatre grands dangers risquent de rendre caduque la proposition en l'état. Mais je compte, comme beaucoup de mes collègues, que de notre débat naîtront des améliorations et des transformations.

Le premier danger est celui d'une rupture avec le corps médical, avec l'ensemble des personnels soignants. Ce sont eux qui sont quotidiennement penchés sur les malades. Ce sont eux qui seront, demain, les artisans du projet devenu loi. Il y a donc lieu de ne pas risquer de rupture avec eux. Ils ressentent au premier chef, la souffrance de ceux qui ont une dignité blessée en demandant l'assistance. Ils ressentent encore plus fort la souffrance de ceux qui se taisent et qui ne demandent rien. Un dialogue entre le législateur et ceux qui, sur place, pratiquent la santé est nécessaire.

Autre danger : les dysfonctionnements de notre sécurité sociale.

Madame la ministre, hier vous disiez que notre sécurité social était très chère et qu'elle laissait néanmoins sur de côté 10 % de la population. Ces dysfonctionnements sont connus, analysés. Pourtant, il semblerait que nous n'en tenions pas compte.

Le gaspillage lui aussi est connu et reconnu. Or il n'est pas traité. Aux yeux des Français, nous allons être tous responsables - et peut-être vous un peu plus puisqu'il s'agit de votre loi - de ne pas essayer de traiter ce gaspillage.

Pourquoi ne pas répondre à la demande de transformation de la nomenclature des actes médicaux, que veulent tous les médecins ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Très bonne question !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Pourquoi considérer encore comme « soins de confort » les prothèses dentaires, absolument nécessaires, ou les prothèses auditives, laissant ainsi les malentendants murés dans le silence ? Pourquoi les lunettes, que l'enfant casse deux fois, voire trois, parce qu'il est un enfant, ne sont-elles pas remboursées ? Des voies existent. L'une de nos collègues nous demandait de faire des propositions. Je lui répondrai qu'au cours de la discussion des propositions seront faites et lui rappellerai qu'hier des pistes extrêmement intéressantes ont été évoquées par notre collègue le professeur Mattei.

Un autre danger encore : le risque financier. A cet égard nous ne sommes pas du tout en contradiction. Ce n'est pas parce que nous signalons les dangers de dérapage et que nous demandons parallèlement que le seuil soit relevé que nous sommes en contradiction. Nous touchons là à quelque chose d'extrêmement important - j'insiste : il faut savoir où nous allons tous ensemble avec cette loi et, à partir du moment où nous voulons vraiment mettre en accord les grands principes avec leur réalisation, il faut y mettre le prix. Si nous souhaitons un seuil de 3 800 francs, c'est que nous dénonçons la contradiction qui existe entre le seuil de pauvreté fixé à 3 800 et celui de la CMU à 3 500 francs. Serait-ce à dire que les pauvres seraient riches ? Je passerai très rapidement sur l'aspect moral du texte.

Certaines personnes risquent de ne plus trouver d'intérêt à travailler si elles doivent payer l'assurance complémentaire. Nous risquons donc de dissuader certaines personnes de travailler car elles voudront rester au-dessous du seuil fixé afin de bénéficier de la CMU. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Marcel Rogemont.

C'est un procès d'intention !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Pour certaines personnes, ce pourra être le cas !

M. Maxime Gremetz.

Les gens ont de la dignité, madame !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

En tout cas, nous ne devons pas courir ce risque.

Mme Catherine Génisson.

Il ne faut pas avoir de ces mauvaises pensées !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il nous appartient à nous, législateurs, de ne pas oublier cet aspect des choses.

M. François Goulard.

Mme Mathieu-Obadia a raison !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Par ailleurs, le travail non déclaré existe. Votre texte pourra peut-être aussi encourager certaines personnes à exécuter un travail non déclaré pour continuer de bénéficier de la couverture médicale gratuite.

M. Maxime Gremetz.

Il ne faut pas accuser les pauvres ainsi !

M. le président.

Je vous demande de conclure, ma chère collègue.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je vais conclure, monsieur le président. Mais cinq minutes, cela passe vraiment très vite ! Nous reviendrons sur le titre IV lors de la discussion des amendements. Je vous poserai néanmoins une question, monsieur le secrétaire d'Etat.

Vous avez promis aux étudiants dentaires un statut. Ils le réclament et cela ne coûterait rien.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Un amendement a été déposé !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Très bien ! Les étudiants dentaires, qui ne font pas de politique, qui ne savent pas ce qui se passe pensaient que leur statut serait déjà accepté. J'espère vraiment que cet amendement sera voté par l'ensemble de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Un amendement a été déposé à ce sujet, madame la députée !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

J'espère qu'il sera voté !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je l'espère aussi, tout comme j'espère que vous le voterez vous-même !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Sans aucun doute !

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour l'outre-mer, où la misère, le chômage, la précarité, la pauvreté et d'autres phénomènes d'exclusion sont durablement installés et font des ravages épouvantables sur le plan sanitaire et social, ce projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle est un message d'espoir à l'égard des victimes de notre société.

A l'inégalité devant la prévention et les soins, aux lenteurs et obstacles administratifs de l'aide médicale, ce texte apporte une réponse empreinte de justice et de solidarité.

S i, depuis la loi de départementalisation du 19 mars 1946, des progrès considérables ont été réalisés dans les départements d'outre-mer, il importe toutefois, d'avoir présent à l'esprit que le taux de chômage y est en moyenne trois fois plus fort qu'en France métropolitaine, que la longévité y est plus courte, que le coût de la vie y est plus élevé, que les médicaments y coûtent 33 % de plus et que le renoncement aux soins faute de moyens y est très important. Des enfants, des jeunes, des personnes âgées et des exclus subissent trop souvent, face à la maladie et la douleur, la dure loi de l'argent, empreinte d'inhumanité et de discriminations.

C'est dire avec quelle satisfaction nous souscrivons aux objectifs de ce texte qui doit permettre à tous de bénéficier de la protection d'un régime obligatoire d'assurance maladie. Nous y sommes d'autant plus favorables qu'il sort le pauvre de l'indigence et qu'il arrache les exclus et les plus démunis à la violence, au chômage et à la misère en leur garantissant au moins l'égalité dans l'accès à la santé par l'ouverture immédiate d'un droit à la gratuité des soins.

Pour apprécier, madame la ministre, la portée de ce dispositif qui lève l'obstacle financier de l'accès aux soins pour la personne qui ne dispose pas de revenus suffisants, il convient de se rappeler que, dans les départements d'outre-mer, les bénéficiaires du RMI, qui sont plus de 100 000, ne perçoivent que 80 % du RMI versé en métropole alors qu'ils doivent acheter des médicaments qui coûtent 33 % de plus. On mesure donc la difficulté, pour une personne qui perçoit 1 750 francs par mois au titre du RMI, de payer le praticien et les 35 % du mon-


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tant des médicaments restant à sa charge. Cela rélève souvent du domaine de l'impossible et c'est pourquoi, faute de moyens, beaucoup des personnes concernées subissent leur misérable sort et se voient condamner àr enoncer à défendre leur santé. Cela constitue, avouons-le, une véritable défaite, pour ne pas dire une honte, pour notre société civilisée.

Aussi, garantir à toute personne, quelle que soit sa situation, une protection contre le risque maladie, lui permettre de bénéficier d'une couverture complémentaire selon ses revenus, de la dispense d'avance de frais pour la prise en charge du ticket modérateur, du forfait journalier et des dépassements tarifaires notamment en matière de prothèses dentaires et de frais d'optique, sont des dispositions attendues et appréciées, qui assureront pour la première fois en outre-mer l'accès effectif aux soins de santé.

Dans notre département de la Guadeloupe où la carte de santé n'existe pas, elles sont des milliers, ces familles qui attendent la CMU pour pouvoir se soigner et avoir accès à la prévention comme tout le monde.

En mettant fin aux mécanismes d'admission à l'aide m édicale, impliquant des démarches complexes et longues, en faisant sauter le verrou financier qui privait de soins une partie importante de la population, la CMU ouvre une nouvelle ère pour une politique de santé vraiment solidaire, où chacun pourra enfin se soigner sereinement et, nous l'espérons, efficacement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je vous rassure immédiatement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés précédemment par mes collègues de l'opposition et je ne réitérerai pas les louanges qui ont été exprimées sur l'intention animant les auteurs du projet que nous partageons, bien évidemment. Je voudrais simplement rappeler que la nécessité d'instaurer une couverture malade universelle traduit un échec de l'assurance maladie telle que nous la connaissons en France.

M. Maxime Gremetz.

C'est l'échec de votre société libérale !

M. François Goulard.

C'est d'ailleurs un échec collectif, que tous les gouvernements successifs partagent. En effet, si la CMU est aujourd'hui nécessaire, c'est en raison de la baisse progressive dans le temps du taux de remboursement des soins.

M. Maxime Gremetz.

En 1945 on n'en avait pas besoin !

M. le président.

Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. François Goulard.

Nous sommes le seul pays européen où se pose cette question de la couverture maladie universelle. Les pays comparables au nôtre, qui sont tous dotés d'une organisation d'assurance maladie dont la structure est quelquefois assez différente de la nôtre, ont en effet un régime de base qui rembourse correctement tous les assurés.

Face à cette situation, qui concernait le gouvernement précédent comme elle concerne le gouvernement actuel, deux approches étaient possibles.

La première est la plus simple. Elle aurait consisté à conserver l'organisation actuelle en y apportant un correctif : une prise en charge, par la collectivité, des assurances complémentaires. Cette solution simple aurait eu le mérite de ne pas bouleverser notre organisation de la sécurité sociale. Elle aurait présenté l'énorme avantage de ne pas créer d'effets de seuils, car la prise en charge de l'assurance complémentaire aurait été modulée en fonction des revenus par une allocation sociale évoquée hier soir par mon collègue Mattei.

La seconde approche, beaucoup plus radicale, aurait consisté à revoir de fond en comble l'organisation de notre assurance maladie. Je précise qu'il faudra bien un jour le faire, et j'espère que chacun ici en est conscient.

En effet, la question de la maîtrise des dépenses de santé de notre assurance maladie n'est toujours pas réglée aujourd'hui. Après la décision du Conseil constitutionnel de la fin de l'année et l'annulation du dispositif mis en place dans votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous n'avez toujours pas avancé de solution permettant de parler de maîtrise des dépenses de santé.

Cela dit vous n'avez choisi ni de reprendre l'organisation actuelle en la corrigeant ni de refondre notre assurance maladie. Vous avez fait un choix que je qualifie de bâtard et qui, à mon sens, se traduira très rapidement par un monopole des caisses d'assurance maladie pour toute la population concernée, c'est-à-dire 6 millions de Français.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est évident !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et alors ?

M. François Goulard.

Je suis à peu près certain qu'il y aura éviction rapide des mutuelles et des assurances complémentaires par les formules que vous avez retenues, en particulier la solution du guichet unique. Je crains que la couverture maladie universelle ne préfigure l'organisation de la sécurité sociale dont vous rêvez...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Laissez-moi mes rêves !

M. François Goulard.

... et dans laquelle la CNAM serait toute-puissante, monopolistique, imposant sa loi aux offreurs de soins.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On me reproche plutôt l'inverse d'habitude !

M. François Goulard.

Aujourd'hui la CNAM n'est pas monopolistique pour la bonne raison qu'il existe des couvertures complémentaires. Elle n'est pas le seul assureur de notre organisation d'assurance maladie.

Je crains donc que la CMU ne préfigure une organisation répondant à vos voeux et que la CNAM ne devienne, pour une proportion de plus en plus importante de notre population, l'assureur unique, l'assureur monopolistique qui imposerait sa loi aux offreurs de soins et à toutes les professions de santé. Vous construiriez ainsi une sécurité sociale à deux vitesses, sur le modèle anglais, avec un socle relativement peu coûteux, mais assez peu satisfaisant, et des assurances privées pour ceux qui peuvent se les payer. Ce modèle, que je crois entrevoir dans la solution curieuse retenue pour la CMU, est à mon sens désastreux.

J'en viens à l'article 37 qui soumet à une procédure d'autorisation rigoureuse la transmission de données concernant l'hôpital. Pour résumer, nous pourrions intituler cet article : « Hôpital, silence ! » (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est le contraire !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. François Goulard.

La manière dont les hôpitaux fonctionnent, leurs performances, leur efficacité, autant médicale qu'économique, devient un sujet tabou, est frappée d'une interdiction de transmission, d'ouverture et de transparence.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non !

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est parfaitement exact !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est faux !

M. Jean-Luc Préel.

C'est tout à fait exact ! C'est la censure instaurée !

M. François Goulard.

Vous faites complètement fausse route. L'heure n'est pas à occulter les réalités des hôpitaux, non plus que des autres acteurs de notre système de soins. L'heure est au contraire à ce que chacun puisse mesurer la performance des uns et des autres et cet article est parfaitement déplacé dans ce projet de loi dont je répète qu'il appelle de nombreuses critiques de notre part.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, devant la réalité qui nous montre chaque jour que certains de nos concitoyens connaissent une inégalité face à l'accès aux soins, à leur qualité, au traitement de la douleur ou tout simplement à la prévention, qui ne pourrait, à l'aube du troisième millénaire, adhérer au titre du projet de loi que vous nous présentez ? D'ailleurs, en 1995 et 1996, Alain Juppé et Jacques Barrot avaient engagé une réflexion sur la mise en place d'un régime d'assurance maladie universelle en concertation avec les partenaires sociaux. Il s'agissait d'un projet ambitieux qui refondait la sécurité sociale en ouvrant droit aux mêmes prestations en nature pour tous et en uniformisant les différents régimes.

Cette ambition de réforme est absente du texte que vous nous présentez aujourd'hui. Il ne s'agit pas de se donner bonne conscience ; il faut élaborer un système équitable. Or votre projet crée une double injustice : tout d'abord, par les effets de seuil qui pénalisent les revenus situés juste au-dessus du plafond de 3 500 francs de revenus mensuels ; ensuite, en raison des disparités qui continueront d'exister entre les différents régimes d'assurance maladie.

Pour les effets de seuil, je n'ai pas été convaincu par vos explications, madame la ministre. Ce plafond instauré pour bénéficier de la CMU gratuite va laisser hors du système de soins une multitude de foyers aux revenus modestes qui cotisent avec difficulté pour l'assurance maladie et qui, souvent, se privent d'une couverture complémentaire trop onéreuse. Les assurés CMU seront, eux, entièrement et mieux couverts gratuitement. Vous instaurez une situation d'injustice terrible en n'ayant pas prévu un système de paliers. Ne vaudrait-il pas mieux mettre en place ces plafonds par paliers ? Ne faudrait-il pas plutôt mieux rembourser les assurés ? Ne faudrait-il pas établir une véritable médecine scolaire, premier pas vers la prévention ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Foucher.

Pour ce qui est de la disparité des régimes, les régimes autres que le régime général soulignent leurs craintes devant ce projet qui risque de les déstabiliser, en particulier parce que, avec l'article 6 du projet, il y aura dissociation entre le paiement des cotisations et l'ouverture des droits.

A ces remarques, il faut ajouter que les chiffres que vous avancez sont contestables. Vous parlez, madame la ministre, de 150 000 personnes qui accéderont enfin à la couverture médicale gratuite de base. Ces bénéficiaires potentiels seront certainement infiniment plus nombreux.

En effet, d'une part, il est déjà difficile d'estimer le nombre de personnes qui ne sont pour l'instant pas du tout couvertes : ne se faisant pas soigner, elles ne sont pas connues et certaines, hors des normes sociales, refusent tout simplement de s'intégrer dans un système organisé.

D'autre part, certaines, actuellement couvertes par d'autres mécanismes de prise en charge, par exemple, celui de la personne qui les héberge, vont réaliser qu'elles peuvent l'être gratuitement de manière autonome.

Ainsi, le coût de ce projet sera certainement beaucoup plus élevé que prévu à court terme. Certes, quelques milliards seront récupérés ici et là, par exemple, avec la disparition de l'AMG. Mais le nombre de bénéficiaires augmentant considérablement et l'état de santé des personnes nouvellement assurées étant très mauvais, les montants avancés ne suffiront pas. Il aurait mieux valu, par souci d'honnêteté, annoncer des chiffres plus proches de la réalité.

A ce propos, je souhaiterais d'ailleurs que vous puissiez nous préciser, madame la ministre, comment ces dépenses supplémentaires vont s'articuler autour de l'ONDAM déjà dépassé lors de son récent vote. Est-il certain que la carte d'assuré CMU que vous comptez mettre en place permette effectivement de différencier les coûts entre

« médecine habituelle » et « médecine CMU » ? Pour terminer avec les remarques d'ordre général, j'exprime la crainte, partagée je le sais par beaucoup ici, qu'une telle CMU entraîne un peu plus les Français dans l'idée d'assistance que le Gouvernement développe en tous domaines. L'accès aux soins doit être encouragé, aidé et développé, mais rester responsabilisé. C'est pourquoi il me semble indispensable qu'une participation, même faible, soit mise à la charge des assurés CMU.

Vous avez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, adjoint à ce projet de loi une sorte de second projet que le rapporteur a lui-même qualifié de « miniDMOS ». Outre que j'appuie fermement mes collègues qui souhaitent transformer le nom du titre IV, je m'étonne que vous n'y ayez pas inclus plus d'articles. Le nombre des articles additionnels proposés par amendements révèle une véritable demande. N'aurait-il pas mieux valu soumettre un texte indépendant et plus complet ? En ce qui concerne cette partie du projet, je m'attacherai particulièrement à l'article 35 qui entérine l'accord intervenu entre les caisses d'assurance maladie et les syndicats de pharmaciens d'officine. Quelques précisions seraient les bienvenues concernant les obligations respectives de chacune de ces deux parties. En effet, alors que les obligations restent en principe à la convenance des conventions, certaines obligations sont spécifiées au sein de l'article L. 162-16-1 du code de la santé publique, comme, par exemple, le développement d'avance des frais ou le rôle du pharmacien dans la dispensation des médicaments génériques. Ainsi, un certain flou existe entre obligations vraiment obligatoires et obligations conventionnelles.


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J'ai noté également, pour la formation, l'absence de l'adjectif « continue » au sein de l'article. Sans doute ne s'agit-il là que d'une erreur rédactionnelle, mais la précision éviterait de futurs problèmes d'interprétation. En ce qui concerne l'application aux pharmaciens assistants des dispositions applicables aux pharmaciens titulaires d'officine, il me semble utile de différencier la responsabilité pharmaceutique de la responsabilité de gestion. Cette dernière doit rester du seul domaine du pharmacien titulaire, qui doit pouvoir mener sa propre politique profesionnelle.

Puisque vous nous soumettez un mini-DMOS, j'ai souhaité introduire un article additionnel relatif à la création d'une section H, réservée aux pharmaciens hospitaliers, au sein du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. Créées par une ordonnance de 1945, les structures de l'Ordre fonctionnent bien, mais exigent cette modification en raison du développement du nombre et des missions des pharmaciens hospitaliers.

Enfin, puisqu'il s'agit de santé et que le fléau du tabac est à l'origine d'un nombre très important des décès annuels, nombre qui augmentera de manière fulgurante d'ici à une trentaine d'années - 165 000 décès prévus en l'an 2030 -, il m'a paru utile de rendre accessibles, sans prescription médicale obligatoire, les substituts nicotiniques. Aujourd'hui, un enfant mineur peut aller au bureau de tabac acheter des cigarettes en vente libre, mais les substituts nicotiniques, dont la demande est élevée selon les enquêtes médicales, ne sont délivrés que sur ordonnance. Outre l'incohérence de cette situation « poison libre mais traitement brimé », la délivrance directe en pharmacie, sur conseil du pharmacien, indiquant les précautions à prendre, les contre-indications et les différents contrôles éventuels à faire effectuer, paraît correspondre à la politique de lutte contre le tabagisme. D'ailleurs, l'OMS ne vient-elle pas de proposer la vente des cigarettes en pharmacie, en raison justement de leur toxicité ? J'ai souhaité m'attacher également au sort des enfants en convalescence ou malades à domicile, pour qui aucun enseignement n'est prévu comme c'est le cas dans la plupart des hôpitaux. C'est une manière de lutter contre une future exclusion scolaire et sociale que de leur offrir la possibilité de recevoir un enseignement malgré leur absence du système éducatif normal.

Pour clore mon propos, je constate que le projet qui nous est soumis demande de multiples aménagements auxquels je souhaite, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous prêtiez une oreille attentive.

En effet, l'existence même de ce texte prouve que les réformes sur l'exclusion n'ont jusqu'ici pas eu l'effet escompté et que la fracture sociale est encore bien vivace.

Mais prenons garde de ne pas engendrer de nouvelles fractures et de nouvelles inégalités en ne s'attachant qu'aux plus démunis avec le risque de créer de nouveaux exclus par manque de vue d'ensemble ! On constatera alors que le mot « universelle » qui figure dans le titre de cette loi n'a pas le sens qu'on lui connaît et qu'on en attend.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine.

Je commencerai mon intervention en citant Pierre Laroque qui, en prenant la mesure des multiples obstacles à surmonter pour établir la sécurité sociale au lendemain de la guerre, s'écriait tout simplement : « Nous devons faire la révolution, et nous la ferons ! » L'effort à accomplir tendait tout simplement, mais c'était une grande et belle ambition, à renforcer notre démocratie politique en la complétant par un solide pilier social. Loin de l'assistance ou de la charité, la sécurité sociale a permis à des millions de citoyens de l'être à part entière. A écouter certains discours, à l'évidence la même ténacité s'impose aujourd'hui que de nouvelles lacunes apparaissent dans notre Etat providence.

Cette belle et juste ambition est celle qu'aujourd'hui, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez à votre tour de poursuivre et d'amplifier.

Cent ans - cent un ans exactement - après le vote par notre assemblée d'une loi protégeant des accidents du travail, plus de cinquante ans après la mise en place de la sécurité sociale, dix ans après l'instauration du revenu minimum d'insertion, un an à peine après la loi de lutte contre les exclusions dont elle est le prolongement logique, nous allons, à votre initiative et comme nous nous y étions engagés, poser un nouveau jalon du développement de l'Etat social en votant la couverture maladie universelle. Tout le monde a expliqué le bien-fondé de la démarche, la valeur des principes. Encore fallait-il passer à l'acte ! C'est ce que vous nous proposez de faire.

Ainsi, grâce à cette loi, 700 000 personnes relevant de l'assurance personnelle auront droit à la CMU. Surtout, beaucoup de ceux qui renoncent aujourd'hui à une couverture complémentaire pour des raisons financières se verront désormais proposer le dispositif de la couverture maladie universelle. Près de 6 millions de personnes, sans doute, exclues des soins même si elles ne sont pas toutes des exclues, seront ainsi soutenues.

En votant cette loi, nous affirmerons un droit fondamental et nous ouvrirons des droits nouveaux, mais surtout nous ferons progresser dans les faits la réalité de la solidarité et de la fraternité sans lesquelles l'égalité rép ublicaine reste inachevée, la liberté démocratique inaccomplie.

Le texte dont nous débattons aujourd'hui sera une grande loi parce que nous savons bien qu'il est vain de parler de responsabilité et d'intégration si les besoins élémentaires ne sont pas satisfaits. La médecine ne cesse de surmonter de nouveaux défis ; les progrès de la science permettent de repousser chaque jour davantage les limites du savoir et des thérapeutiques. Des maladies hier encore irrémédiables sont désormais combattues même si, hélas, de grands fléaux demeurent invaincus.

On soigne de mieux en mieux ; on vit aussi de mieux en mieux et de plus en plus longtemps. Mais, nous le savons, derrière cette réalité heureuse se cachent de nouvelles inégalités. Nous recevons tous dans nos permanences des personnes enfermées dans des situations sociales douloureuses, victimes d'une précarité ravageuse, blessées dans leur corps, mais aussi blessées par la vie, qui souvent ne savent où s'adresser ou n'osent faire appel au médecin, de peur que cela ne coûte trop cher, de peur tout simplement de s'adresser à quelqu'un d'extérieur.

Nous recevons des jeunes en rupture de lien familial, des femmes seules et tant d'autres.

Le renoncement aux soins et la dégradation de l'état de santé aggravent les difficultés financières, psychologiques et familiales, tout en rendant, bien sûr, difficile le retour à l'emploi. Je n'égrènerai pas ici des chiffres et des situa-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

tions bien connus de nous tous. Je dirai simplement ma conviction profonde : malgré ce qu'ont prétendu certains, cette loi est tout le contraire d'une loi d'assistance.

En appeler à la responsabilité, et nous le faisons tous, ce n'est pas renoncer devant les lacunes progressivement réapparues dans notre Etat providence. C'est y répondre, pour permettre à chacune et à chacun de trouver sa place, de jouer son rôle au sein de la société.

L'Etat a un rôle particulier à jouer et c'est sa responsabilité que de l'assumer pleinement. Il doit le faire en définissant les nouveaux principes de la solidarité et de la prise en charge du risque, dans une société profondément transformée depuis l'instauration de la sécurité sociale. Il doit le faire surtout en refusant que, comme dans d'autres démocraties, son rôle se limite à la prise en charge de ceux dont plus personne ne se charge. Il doit enfin le faire en relation avec tous les acteurs sociaux, professionnels de santé ou non, institutionnels ou associatifs, qui voient ainsi reconnu le travail qu'ils accomplissent. Mais, à l'évidence, il ne saurait se substituer à eux.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ensemble nous pouvons faire reculer l'injustice et vaincre la fatalité. Cette loi y contribuera, apportant sa pierre au bel édifice de l'intégration républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviendrai sur le titre IV. J'évoquerai en particulier deux amendements qui portent article additionnel. Mais auparavant, je vous ferai remarquer qu'hier, pendant les interventions du Gouvernement, plusieurs députés siégeant à droite de l'hémicycle ont laissé éc happer le mot « cynisme ». Je me demande, quant à moi, si le cynisme ne va pas être érigé en méthode de gouvernement, en particulier au ministère de l'emploi et de la solidarité.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marisol Touraine.

Pas vous, monsieur Dubernard !

M. Jean-Michel Dubernard.

J'ai le droit de dire ce que je pense !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous commencez bien, monsieur Dubernard. C'est à la hauteur de votre réputation !

M. Jean-Michel Dubernard.

Cynisme, madame le ministre, vis-à-vis des futurs bénéficiaires de la CMU.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Gouzes.

Cela n'a pas de sens !

M. Jean-Michel Dubernard.

Les exclus, les mal lotis du système de santé, que je connais bien, nous tiennent à coeur, sur tous les bancs. Ils méritaient une belle loi, une loi de l'ampleur et de l'ambition du projet de l'assurance maladie universelle, auquel il a été fait allusion à plusieurs reprises. Ajouter ce titre IV, sème la confusion et dévalorise encore votre projet.

Cynisme vis-à-vis de la commission, de son président et du rapporteur qui ont tous regretté - mais je n'y reviendrai pas - que l'on n'ait pas un véritable DMOS.

Cynisme, entre autres, vis-à-vis des praticiens hospitaliers...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais qu'entendez-vous par cynisme ?

M. le président.

Madame la ministre, n'interrompez pas l'orateur !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je veux seulement comprendre sa pensée !

M. le président.

Alors, demandez la parole au nom du Gouvernement ! Poursuivez, monsieur Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard.

Cynisme ou disons distance, pour le moins, vis-à-vis de certains praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale à l'hôpital public.

Ce point mérite d'être rediscuté : ils sont carrément soupçonnés de minorer leurs déclarations d'honoraires. Fallait-il un article de loi pour les obliger à percevoir leurs honoraires par l'intermédiaire de l'administration ? Quel sens donner à cette décision ? Un simple décret n'aurait-il pas suffit ? En tout cas, vous le savez, la mesure est inapplicable dans la plupart des hôpitaux. Le secteur privé est depuis longtemps une épine irritative pour une certaine gauche - pas pour toute la gauche. N'oubliez pas que les patients ne vont pas consulter un hôpital ou un service.

Ils consultent un médecin. N'oubliez pas qu'ainsi, l'activité libérale participe, de façon significative, au recrutement de l'hôpital public. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons eu l'occasion d'en parler, c'est le seul moyen de retenir les praticiens hospitaliers de qualité. Revoir le statut des praticiens hospitaliers, le revaloriser est urgent et indispensable.

Mme Catherine Génisson.

C'est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard.

Pourquoi ne le faites-vous pas ? Vous auriez même pu l'ajouter dans ce DMOS déguisé. Cela réglerait le problème de l'activité libérale comme celui des médecins travaillant dans les petits hôpitaux - mais j'y reviendrai.

Cynisme vis-à-vis des étudiants en médecine français, qui attendent depuis des années une véritable réforme des études médicales.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

« Depuis des années », c'est vrai !

M. Jean-Michel Dubernard.

On aurait pu la faire entrer dans le DMOS, tant qu'on y était. Soumis à un numerus clausus, c'est-à-dire à un concours d'entrée au cours duquel près de 90 % d'entre eux sont éliminés,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme dans tout concours !

M. Jean-Michel Dubernard.

... empêchés de poursuivre leurs études médicales, ils voient que l'on régularise un nombre toujours plus grand de médecins à diplômes non européens...

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ce sont eux qui font fonctionner les hôpitaux, monsieur Dubernard !

Mme Dominique Gillot.

Oui, ils font fonctionner les services !

M. Jean-Michel Dubernard.

... arrivés par des voies parallèles. Ils n'apprécient pas, et leurs parents non plus !

M. Marcel Rogemont.

C'est marginal !

M. Jean-Michel Dubernard.

Non, ce n'est pas marginal ! Mais on ne connaît même pas leur nombre exact : 8 000, 12 000...

Cynisme vis-à-vis des internes, futurs spécialistes dont les possibilités d'orientation de carrière sont faussées, biaisées par ce flux non contrôlé de spécialistes, qualifiés ou non.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Cynisme vis-à-vis des médecins à diplôme non européen eux-mêmes. Tous comptent sur une régularisation d'une situation effectivement inacceptable - j'en conviens.

M. Marcel Rogemont.

Ah !

M. Jean-Michel Dubernard.

Mais, à l'évidence, tous ne seront pas régularisés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vous qui êtes cynique !

M. Jean-Michel Dubernard.

Nombre d'entre eux sont menacés par le couperet qui tombera en 2002.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est Mme Veil qui a mis ce dispositif en place !

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est là toute l'hypocrisie de cette attitude et de ce gouvernement qui aborde le problème sans lui trouver de véritable solution.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Hypocrite, en plus ! Monsieur le président, on nous insulte !

M. Jean-Michel Dubernard.

Je ne vous insulte pas, je parle de cynisme !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Et d'hypocrisie !

M. Jean-Michel Dubernard.

Et la solution relève encore de la revalorisation des statuts des médecins hospitaliers.

Je le répète, c'est une nécessité.

Mme Muguette Jacquaint.

Si vous le saviez, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Jean-Michel Dubernard.

La situation des médecins à diplôme non européen est difficile à résoudre. Elle résulte d'un laxisme administratif qui, j'en conviens, s'est perpétué pendant les deux dernières décennies, mais aussi de la volonté de la plupart de ces médecins de trouver en France des débouchés qui n'existent pas dans leur pays pour des raisons de développement économique,...

M. Marcel Rogemont.

Il n'y a pas que cela ! Il y a ceux qui se marient !

M. Jean-Michel Dubernard.

... de qualité de la médecine ou parfois, et c'est paradoxal, parce qu'ils n'ont pas été reçus à l'examen d'entrée dans leur faculté de méd ecine. Ils sont venus pour se former et pour rester. Ils sont là par le biais des anciens CES, sans avoir les droits des autres. Ils sont sous-payés, ils sont souvent humiliés et ils sont les victimes de discriminations. On les a parfois qualifiés de « soutiers » de la médecine.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est pour cela que nous les régularisons et que nous rétablissons la justice !

M. Jean-Michel Dubernard.

Il faut donc régulariser...

M. Marcel Rogemont.

C'est ce que nous faisons ! Nous régularisons ! Ce n'est pas cynique !

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Michel Dubernard.

Je conclus, monsieur le président, en disant que je vois parmi les médecins à diplôme non européen deux types de victimes des mesures que vous prenez en ce moment - à la suite d'autres, d'ailleurs. Et je ne vous accuse pas, monsieur le secrétaire d'Etat, pas plus que je ne vous insulte, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tant de cynisme...

M. Jean-Michel Dubernard.

Première catégorie de victimes : les médecins à diplôme non européen dont la compétence est indiscutable, qu'ils travaillent dans les hôpitaux généraux ou dans les CHU.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

C'est l'amendement que j'ai déposé !

M. Jean-Michel Dubernard.

Aujourd'hui, nous ne savons pas apprécier la contribution forte qu'ils apportent au développement et au rayonnement de la médecine française. Ils méritent d'être totalement intégrés...

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est ce que nous faisons !

M. Jean-Michel Dubernard.

... dans les mêmes conditions que leurs collègues français. Ces médecins souffrent de l'amalgame que les textes actuels, imprécis, entretiennent.

Deuxième catégorie : les grands absents parmi les médecins à diplômes non européens...

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Cela fait plus de cinq minutes qu'il parle, monsieur le président !

M. Jean-Michel Dubernard.

... sont ceux que nous n'entendons pas parce qu'ils ne sont plus là et qui venaient se former ou compléter leur formation en France avant de retourner exercer dans leur pays. Ils ont presque disparu, tant il est difficile de devenir interne à titre étranger et tant il est complexe de passer les DIS, de s'inscrire à l'AFS ou à l'AFSA. Ces médecins pâtissent des amalgames avec les autres. Réagir, leur ouvrir les portes est indispensable. Vous le savez bien, et nombreux sont ceux, parmi mes collègues d'Afrique de l'Ouest ou d'Amérique latine, qui ne comprennent pas.

M. le président.

Maintenant, il faut vraiment conclure, monsieur Dubernard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, il le faut vraiment !

M. Jean-Michel Dubernard.

Je termine, monsieur le

président

! Il est plus facile d'envoyer leurs élèves aux Etats-Unis qu'en Europe, et ces francophiles nous taxent de xénophobie.

En somme, nous demandons un travail préparatoire plus long. Pourquoi pas de nouveaux rapports ? Pourquoi pas une mission parlementaire, qui apporterait des précisions susceptibles d'éviter l'amalgame et les confusions dont pâtissent certains de ces médecins de grande qualité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'ai dépassé mon temps de parole, mais c'est parce que j'ai été interrompu, monsieur le président !

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri, pour cinq « véritables » minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Monsieur le président, dans la distribution du temps, vous êtes très injuste !

M. le président.

Monsieur Boulard, je vous dispense de vos remarques ! Ici, la présidence est seule maîtresse de l'emploi du temps. Il y a eu quelques dépassements. Mais ils ont été assez équilibrés, reconnaissons-le.

Monsieur Aschieri, ne vous laissez pas troubler par ces considérations d'emploi du temps !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parmi les droits sociaux inscrits dans le Préambule de notre Constitution, le droit à la protection de la santé constitue l'un des plus fondamentaux.

Le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle entend corriger les inégalités en matière de soins, et je suis convaincu qu'il le fera.

Si l'amélioration générale de la santé de la population est certaine, trop de personnes restent à l'écart du progrès à cause de la situation sociale encore défaillante de la France.

L'accès à des soins de qualité pour chacun est devenu l'un des thèmes majeurs du débat de société, car les inégalités qui s'attachent à la santé ne sont plus tolérables.

Comment admettre que, dans notre pays, plus de 300 000 personnes soient exclues de toute couverture maladie et de toute aide sociale ? Comment ignorer ou accepter la dégradation constante de la santé d'une partie de la jeunesse ? La couverture maladie universelle doit permettre de réduire de façon importante l'inégalité d'accès aux soins.

Il est toutefois indispensable d'apporter une attention à la qualité des soins offerts. Pour que la CMU élimine la médecine à deux vitesses, il faut que les soins et les prothèses puissent être de bonne qualité pour tous.

Des améliorations peuvent être apportées à ce dispositif. Votre projet de loi ne prend pas suffisamment en compte la situation des personnes d'origine étrangère.

Nombre de malades, du sida par exemple, se trouvent en rupture de traitement en raison de l'irrégularité de leur séjour ou parce qu'on leur oppose un refus de soins.

Cette situation est bien sûr intolérable sur le plan humain, mais elle l'est aussi en termes de santé publique.

Je veux parler des risques de contagion qu'engendre l'exclusion de certaines populations. Contrairement au nuage de Tchernobyl, qui « évitait les frontières », la maladie ne fait pas la différence entre vrais et faux papiers ! En ce sens, nous souhaitons la création d'un observatoire de la CMU et de l'aide médicale d'Etat afin de vérifier que l'accès aux soins et le secret médical soient effectifs pour tous.

Dans le cadre du titre IV, je souhaite également attirer votre attention, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation difficile d'un certain nombre de personnels dans le milieu médical.

Les députés Verts expriment leur inquiétude quant à la disparition de la profession d'aide opératoire ou instrumentiste. Je sais que l'on va s'en occuper, mais c'est une question importante. Cette activité était légale lorsque ces personnes ont commencé leur vie professionnelle. Or un décret de 1993 a remis en cause la profession. Nous souhaitons que vous puissiez, au travers de ce projet de loi, trouver une solution pour ces personnels compétents et formés à ce métier.

De même, nous souhaitons souligner la situation difficile des médecins titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne. Plus de 8 000 d'entre eux exercent dans les hôpitaux publics français. Leur travail est indispensable au bon fonctionnement du réseau hospitalier.

Pourtant, nombre d'entre eux se trouvent dans une situation professionnelle difficile qu'il faut améliorer.

Nous regrettons, surtout, madame la ministre, que vous n'ayez pas choisi d'étendre la couverture maladie universelle à un plus grand nombre de bénéficiaires. Les députés Verts, soutenus par un certain nombre de leurs collègues, sur tous les bancs, avaient proposé et fait voter par la commission des affaires sociales un élargissement de la couverture maladie universelle. Un nouveau seuil d'accès de 3 800 francs - qui est le seuil de pauvreté de l'INSEE - et une dégressivité au-delà et jusqu'au SMIC n'ont finalement pas pu être retenus.

Les membres du groupe RCV regrettent publiquement la méthode qui a permis de revenir sur un vote de la commission ! A quoi servent les parlementaires ? En outre, cela aurait permis à 2 millions de personnes, dépourvues de couverture sociale et écartées du dispositif prévu, d'accéder à la couverture maladie.

Dans un contexte marqué à la fois par l'augmentation des coûts des soins et par la diminution régulière du taux de remboursement des prestations maladie, les personnes aux revenus modestes disposant de l'assurance maladie, mais pas de couverture complémentaire, sont dans une situation plus défavorable que les personnes en situation très précaire bénéficiant de la gratuité des soins. La pauvreté non-assistée est une situation moins favorable que la grande pauvreté assistée. Il convient d'y remédier.

Nous comprenons les contraintes budgétaires. Mais elles n'interdisent ni le bon sens, ni la cohérence.

Il est possible de donner une logique à ce projet en indexant les conditions d'accès sur les minima sociaux que sont le minimum vieillesse ou l'allocation adulte handicapé. Faute de quoi, de très nombreuses personnes âgées titulaires du minimum vieillesse ou des personnes handicapées ne pourront bénéficier de la CMU.

Les députés Verts souhaitent que votre position puisse évoluer au cours du débat et tienne compte des avis de la FNATH, de l'UNIOPSS, de Médecins du Monde et de tant d'autres associations.

Enfin, il est nécessaire d'instaurer une plus grande transparence dans l'accès aux informations sur la santé publique. Cette loi donne au ministre de la santé la faculté de s'opposer à la publicité des données sanitaires, même si les fichiers épidémiologiques sont dépourvus de caractère nominatif permettant d'identifier les personnes.

Notre conviction est que la transparence doit constituer le fondement d'une bonne politique de santé publique.

L'accès aux soins pour tous est l'une des voies qui permettront de restaurer la dignité des personnes en détresse et de retisser les liens qui les unissent à la société. C'est une nécessité humaine. C'est notre devoir de parlementaire, c'est le droit de tous les citoyens.

La CMU est un initiative généreuse et révolutionnaire.

Elle deviendra une loi historique, comme vous l'avez dit, madame la ministre, si l'on l'enrichit par une démarche démocratique qui fera prendre en compte les propositions sages de l'Assemblée.

Compte tenu de l'urgence de la situation et de l'attente de milliers de personnes dans notre pays, les députés Verts voteront cette loi en souhaitant que vous répondiez à leurs réserves. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

(M. Patrick Ollier remplace M. François d'Aubert au fauteuil de la présidence)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, madame la m inistre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

collègues, la volonté de permettre à chaque Français, et notamment aux plus démunis, d'avoir accès aux soins est généreuse et nécessaire. Nous l'approuvons.

L'ouverture des droits à la couverture de base pour les 150 000 personnes qui n'en bénéficient pas emporte notre adhésion.

Cependant, il est permis de s'interroger sur les raisons qui font qu'aujourd'hui, malgré les dispositifs existants, 1 50 000 personnes n'en bénéficient pas. Feront-ils demain la démarche pour bénéficier de la CMU ? Espérons-le.

Nous aurions préféré une assurance maladie universelle harmonisant les dix-neuf régimes existants.

Par contre, le deuxième volet de votre projet, celui qui c oncerne la couverture complémentaire, mérite de sérieuses critiques, pour les choix pervers que vous avez effectués.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pervers ?

M. Jean-Luc Préel.

Je pensais bien vous faire réagir, madame la ministre ! Ce deuxième volet comporte deux défauts majeurs : celui du seuil et celui du non-respect du champ de compétence.

Y avait-il une autre solution ? Oui, bien sûr, celui d'une aide dégressive, inversement proportionnelle au revenu pour financer l'assurance complémentaire.

L'effet de seuil est particulièrement pervers dans votre projet, non pas tant en raison du niveau lui-même, sur lequel on peut toujours discuter, mais parce qu'il va aggraver l'injustice.

Au-dessous du seuil, la personne ne paiera pas de cotisation, tout sera gratuit : forfait hospitalier, prothèses dentaires, et lunettes, ce qui semble juste pour les plus démunis. Mais sitôt le seuil franchi, la personne devra payer le forfait hospitalier, les prothèses, les lunettes. En outre, cette personne verra sa cotisation pour la complémentaire augmentée probablement de 1,75 %, au minimum ; en effet, les mutuelles vivant des cotisations de leurs adhérents, elles devront répercuter la taxe de 1,75 % que vous leur imposez et, sans doute, plus encore car elles vont perdre des adhérents : ceux qui se trouveront pris en charge par la CMU et qui, à ce jour, cotisent.

Dans votre système, le Français moyen, celui dont le revenu est supérieur à 3 500 francs, a le droit de payer mais n'a droit à rien.

Vous aggravez également les inégalités entre le salarié et le travailleur indépendant.

Vous n'avez prévu aucune progressivité, et cela est particulièrement regrettable.

Deuxième critique majeure : le champ de compétence de la protection sociale.

Il ne s'agit pas, comme l'a dit notre rapporteur M. Boulard, d'un faux problème - et il est bien placé pour le savoir.

Aujourd'hui, les régimes d'assurance maladie ont le monopole de l'assurance de base. Les assurances, les mutuelles, les institutions de prévoyance se partagent la

« complémentaire ». C'est sur cette base que fonctionne notre protection sociale à la française.

Votre projet remet en cause cette délimitation du champ de compétence. Pour ne pas tout chambouler, un accord technique a été passé par l'ensemble des acteurs pour remédier à ce problème majeur. Le plus simple serait de le reprendre dans la loi ; ainsi tout serait clair.

Sinon, ou bien, par réciprocité, vous permettez aux complémentaires d'assurer au premier franc, ou bien vous le refusez, et Bruxelles risque de remettre en cause notre système à la française. Ainsi, c'est vous qui tenez en principe à le sauvegarder, madame la ministre, qui en serez - à votre corps défendant mais en étant prévenue - le fossoyeur.

Pour pallier ces deux inconvénients majeurs, j'ai déposé une série d'amendements qui modifient le système. Il s'agit tout simplement d'apporter à chacun une aide inversement proportionnelle à son revenu, pour payer son assurance complémentaire. Ce système est extrêmement simple puisque alors il n'y a plus d'effet de seuil, il n'y a plus de remise en cause de la délimitation du champ de compétence.

De plus, ma proposition responsabilise le bénéficiaire, qui reste acteur de sa protection sociale et n'est pas assisté.

Cette proposition a reçu un excellent accueil auprès de mes interlocuteurs. Pourquoi ne l'avez-vous pas retenue ? Telles sont les deux critiques majeures que je fais à l'encontre du texte.

D'autres problèmes importants se posent, qui n'ont à ce jour pas, semble t-il, trouvé de solution et que je ne peux qu'évoquer dans ce laps de temps bien court : Celui de la définition du « panier » de soins. Il est, en principe de 1 500 francs, mais, malgré plusieurs questions, nous ne savons toujours pas ce qu'il comporte exactement ; c'est regrettable.

Celui de la prévention. L'accès aux soins c'est bien.

Vouloir favoriser l'accès à la prévention serait préférable.

Encore faudrait-il que celle-ci soit organisée dans notre pays, nous en reparlerons.

Celui de la prise en chage des frais de gestion.

Celui de la situation des personnes concernées par un contrat collectif et qui bénéficieront de la CMU. Comment se déclareront-elles au niveau de leur entreprise ? Comment seront-elles dispensées de leur cotisation personnelle ? J'aimerai avoir une réponse, monsieur Boulard.

Celui des étudiants. En effet, un jeune de seize ans aura droit à la CMU, un jeune étudiant ayant des ressources inférieures à 3 500 francs y aura t-il droit ? Si oui, pourra t-il s'adresser à la CPAM ? Dès lors que deviendront les mutuelles étudiantes ? Sinon, n'y a t-il pas rupture du principe d'égalité des Français devant la loi ? Celui des veuves qui aujourd'hui bénéficient de la couverture maladie par l'intermédiaire de l'assurance personnelle, que vous supprimez. Y auront-elles toujours droit ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

Comment ? Celui de la mise en place d'une double tarification des prothèses.

Vous l'aurez constaté, bien des questions se posent.

J'espère que les débats et les amendements permettront d'y répondre.

Je ne parlerai pas du titre IV, titre fourre-tout, pseudo DMOS. Les mesures sont trop diverses pour pouvoir être abordées dans une discussion générale. Je me demande pourquoi vous n'avez pas présenté deux textes distincts.

Le calendrier parlementaire n'est qu'un prétexte, rien n'empêchait de proposer deux projets et de prévoir deux votes, nous avons déjà deux rapporteurs.

M. Jean-Pierre Foucher.

Absolument !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. Jean-Luc Préel.

Merci, madame la ministre, de votre écoute attentive. Merci d'avance pour vos réponses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

M me Catherine Génisson.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis deux ans, notre gouvernement, notre majorité mènent un combat long et difficile pour mettre un terme aux inégalités devant l'emploi, devant l'accès aux droits fondamentaux, pour résoudre toutes les formes d'exclusion, notamment dans le cadre de l'accès à la santé.

Aujourd'hui, notre majorité aura la fierté d'assurer à tous un droit à l'assurance maladie de base, à la couverture complémentaire. Elle va permettre d'éviter à nombre de nos concitoyens de renoncer aux soins pour des raisons purement financières. Elle va permettre aux plus exclus mais aussi à chacun d'entre nous non seulement de se faire soigner mais aussi de rester en bonne santé.

Tel est l'esprit qui prévalait à l'édification de notre système de protection sociale, il y a cinquante ans. La couverture maladie universelle va donner l'occasion de corriger les défaillances, qui se sont insidieusement installées au fil des années.

Nous connaissons tous les chiffres de l'exclusion de notre système de soins et d'assurance maladie. Nous savons tous que ceux qui ont de faibles revenus ne préviennent pas la maladie. Ainsi, 700 000 Français sont mal protégés et 150 000 d'entre eux n'ont aucune protection sociale.

Le projet de loi portant création de la couverture maladie universelle que nous commençons d'examiner doit remédier à cette situation inacceptable et pourtant trop longtemps tolérée. Son principe est simple, son application devra l'être également.

Le seul critère de résidence ouvre droit à la couverture d'un régime obligatoire, au moment même de la demande, simplifiée, facilitée, sans que son bénéficiaire ne soit dépendant du principe de cotisation.

En outre, auprès de cette assurance du risque maladie, un droit à couverture complémentaire est instauré sous conditions de ressources, dans un système partenarial impliquant les caisses, les prévoyances, les mutuelles et les assurances. Le libre choix de l'organisme qui assurera cette couverture complémentaire étant laissé au bénéficiaire. Ce système touchera 6 millions de personnes, sachant qu'actuellement l'aide médicale départementale n'en touche que 2,8 millions.

Il est souhaitable que ce droit d'option entre le régime général et les organismes mutualistes pour la couverture complémentaire soit transitoire et que le système mutualiste joue pleinement la mission originelle qui est fondamentalement la sienne. Il faut que ce droit d'option assure l'égalité d'accès à une prestation identique pour tous, dans des conditions semblables.

En effet, nous ne comprendrions pas qu'en voulant remédier aux applications hétérogènes de l'aide médicale par les départements nous provoquions de nouvelles inégalités de droits entre ceux qui opteraient pour la couverture complémentaire de la sécurité sociale et ceux qui choisiraient les couvertures complémentaires mutualiste ou assurantielle. Nous devons donc nous garder de créer des conditions particulières pour l'offre mutualiste et assurantielle et éviter le risque de poser la CMU comme produit d'appel à d'autres prestations offertes par ces organismes et sortant du cadre de la loi.

La CMU doit assumer, dans une relation partenariale, les conditions de la réalité quotidienne de la solidarité.

Elle permettra ainsi l'accès à l'assurance maladie obligatoire et complémentaire à plusieurs millions d'entre nous.

Mais la CMU, c'est bien plus que cela. C'est avant tout un véritable accès au droit de se soigner. Pour guérir certes, mais aussi pour prévenir. C'est mettre en oeuvre un principe d'égalité devant le droit à la santé.

Dans cette exclusion, il faut particulièrement tenir compte des soins que certains qualifient, à tort, de soins de luxe : les soins dentaires, de lunetterie, d'appareillage, par exemple. Les chiffres le prouvent, ils sont les premiers soins auxquels on renonce. Les raisons sont multiples et l'absence de couverture obligatoire ou complémentaire est fondamentale, mais le niveau de remboursement de ces soins et appareillages joue aussi un rôle crucial. Il ne faut pas oublier que, même couverts, certains Français y renoncent parce que trop mal remboursés.

La loi prévoit, bien entendu, des accords avec les professionnels de santé concernés et il faut s'en féliciter.

D'autant que des propositions innovantes sont faites en la matière.

Cependant, je souhaite aujourd'hui attirer votre attention sur la nécessité d'envisager une révision de la nomenclature des actes de chirurgie dentaire, notamment pour permettre à ces professionnels de faire face à leurs charges mais, surtout, aux patients de ne pas renoncer aux soins. Une telle disposition pourrait intervenir dans le cadre de l'examen de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent texte va nous conduire à une réflexion globale sur notre système de santé et de protection sociale.

En outre, en facilitant l'accès aux soins, nous allons améliorer la prévention et la prise en charge précoce des pathologies, ce qui permettra d'assurer dans de meilleurs conditions, la santé publique et contribuera à maîtriser les dépenses de santé. En effet, une pathologie est plus facilement curable et moins coûteuse lorsqu'elle est décelée précocement.

Un certain nombre de nos collègues présenteront les intérêts de la gestion partenariale de cette couverture maladie universelle. Je tenais, pour ma part, à souligner le caractère politique majeur de ce projet de loi, qui garantit un principe d'égalité auquel nous sommes profondément attachés. Il favorisera, en outre, j'en suis sûre, une vraie politique de santé publique et une plus grande justice sociale.

Bien sûr, des questions verront légitimement le jour au cours de la discussion. Notre enceinte est, à cet égard, le lieu par excellence où elles doivent s'exprimer et trouver des réponses. Des mesures à prendre pour limiter au maximum l'effet de seuil induit par le plafond de ressources feront l'objet de nombreuses questions mais aussi de propositions telles celles que présentera notre collègue rapporteur, Jean-Claude Boulard.

Dans le même ordre d'idée, la prise en compte d'une cotisation à ce système de couverture, qui n'est pourtant pas lié au principe de cotisation, méritera d'être discutée, de manière honnête sans vouloir donner de leçons de dignité à qui que ce soit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Aujourd'hui, dans le cadre de cette discussion générale, je pensais bon de rappeler les grands enjeux de ce texte et dire la fierté qui m'anime, comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, de contribuer à l'élaboration d'une loi qui constitue une avancée sociale considérable et qui fera date.

Sachez aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre soutien sera solide et notre réflexion et nos apports nombreux pour parfaire ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci !

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec la couverture maladie universelle voilà bien le type même de l'idée généreuse qui est une vraie fausse bonne idée. En effet, sous prétexte de supprimer une injustice, celle de ne pas pouvoir accéder aux soins, elle en crée une autre.

M. Marcel Rogemont.

Laquelle ?

M. Jean Bardet.

Ne commencez pas à m'interrompre, mon cher collègue ! Ne pas accéder aux soins est sûrement la plus grande injustice de cette fin du XXe siècle, car elle crée deux groupes de citoyens au regard de la santé, la maladie et la mort. Paradoxalement, ce sont les progrès de la médecine qui l'ont rendue plus criante. Actuellement cette injustice existe d'ailleurs essentiellement entre les pays développés et les pays du tiers-monde. En effet, moi qui ai une pratique hospitalière journalière, je n'ai jamais vu un malade se présentant aux urgences être refoulé parce qu'il n'avait pas de carte de sécurité sociale.

Ce qui ne veut pas dire que tout est parfait. Loin de là ! Dire que 150 000 Français n'ont pas accès aux soins est sûrement vrai. Mais c'est souvent plus par manque d'information et impossibilités de toutes sortes à faire les démarches nécessaires que par manque véritable de possibilité d'accès aux soins. Je ne suis pas sûr que le présent dispositif y changera quelque chose, même si le rôle des associations est expressément stipulé.

Cette loi est génératrice d'injustice par les effets de seuil qu'elle entraîne, plusieurs de mes collègues de l'opposition l'ont déjà dénoncé.

Finalement, le projet aurait été plus cohérent si la cotisation à la complémentaire avait été proportionnelle aux revenus pour tous.

J'ai entendu dire au cours de ce débat et en commission que c'était aux gouvernements de gauche que l'on devait les avancées sociales majeures : le RMI, l'accès de droit à l'aide médicale pour les personnes les plus défavorisées, et maintenant la CMU.

Comme j'aurais aimé, mes chers collègues, qu'un gouvernement, qu'il soit de gauche ou de droite, supprime le chômage. Cela aurait ipso facto rendu inutiles toutes ces avancées sociales dont vous vous gargarisez.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est bon les gargarismes, cela adoucit la voix !

M. Jean Bardet.

Je voudrais dire un mot de l'aspect financier du dispositif. Qui peut croire qu'il coûtera 9 milliards de francs - hypothèse basse - plutôt que 15, hypothèse haute habituellement retenue, voire 24, comme l'avancent certains ? Comment va être assuré le financement ? Certainement pas par le présent dispositif qui ne tient compte que de l'hypothèse basse. Le supplément sera-t-il ajouté au déficit de la sécurité sociale ? Ou financé par un relèvement des cotisations ou par l'impôt ? Avant d'aborder rapidement la deuxième partie du projet de loi, celle qui aurait dû s'intituler « diverses mesures d'ordre sanitaire et social », je voudrais dire un mot de cette disposition incompréhensible qui ouvre la possibilité aux caisses primaires d'assurer la couverture complémentaire.

Certes, l'argument de la simplicité peut être défendu, à moins que par ce biais innocent vous n'ayez décidé, madame la ministre, d'ouvrir les caisses à la concurrence, ce dont par ailleurs vous dites ne pas vouloir entendre parler.

Aussi imparfait soit-il, le médecin que je suis aurait pu voter la première partie de ce projet de loi. Pourquoi y avez-vous ajouté un titre IV, intitulant pompeusement

« modernisation sanitaire et sociale » ce qui est un simple

DMOS ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est moins joli ! (Sourires.)

M. Jean Bardet.

Le titre IV traite de sujets variés et je regrette que ce DMOS qui ne veut pas dire son nom n'ait pas fait l'objet d'une loi spéciale. Je ne vois pas en quoi la discussion de deux lois aurait perturbé le calendrier parlementaire. Par contre, je crois que vous avez voulu, madame la ministre, noyé le fatras du titre IV au milieu de la CMU.

J'insisterai sur l'article 37 et sur l'amendement concernant les praticiens adjoints contractuels (PAC), voté en commission.

Sous le prétexte de préserver l'anonymat des patients hospitalisés, l'article 37 prive le public d'un droit d'information dont il est, ce qui est parfaitement compréhensible, de plus en plus demandeur. Un article récent paru dans un mensuel de vulgarisation scientifique a fait à juste titre scandale, non pas parce qu'il délivrait des informations comparatives que le public est en droit de connaître sur les hôpitaux et les cliniques, mais parce que ces informations reposaient sur des critères subjectifs, faute de critères objectifs, en particulier en ce qui concerne l'AP-HP.

Partisan de la médecine libérale, parce que c'est ma philosophie, mais défenseur de l'hôpital public, je pense que celui-ci ne pourra rester un lieu de soins de haut niveau que s'il pratique la transparence. Si le programme de médicalisation des systèmes d'information ne respecte pas l'anonymat, il faut le réformer et non pas tenir les informations secrètes.

Je terminerai cet exposé en évoquant les PAC. Le problème des médecins titulaires de diplômes extra-européens est capital, tant sur un plan médical que sur un plan humain, et les PAC ne sont que l'arbre qui cache la forêt.

Ces médecins jouent un rôle dans notre système de soins, non seulement dans nos hôpitaux dits de proximité, mais é galement dans de nombreux CHU, y compris à l'AP-HP.

Je connais des médecins à l'AP-HP qui, pour trois vacations par semaine, assurent un travail à quasi-temps plein et sont obligés pour vivre, ou survivre, de prendre des gardes ou des astreintes plusieurs fois par semaine, souvent sous un prête-nom, car certains règlements leur interdisent de le faire.

M. Jean-Michel Dubernard.

C'est vrai !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Pourquoi n'avez-vous pas agi lorsque vous pouviez le faire ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

M. Jean Bardet.

Or, soit ces médecins sont capables de faire ce qu'ils font, là où ils le font, et dans ce cas leurs compétences doivent être reconnues, soit ils n'en sont pas capables. Bien entendu, la solution n'est pas simple.

Peut-on, d'un côté, imposer le numerus clausus à des médecins à diplôme français, et de l'autre, régulariser des médecins à diplômes étrangers ? Pour autant, peut-on priver les hôpitaux de l'apport considérable que représentent les médecins à diplômes étrangers ? La solution serait de multiplier les postes de PH et de rendre plus attractive la carrière de PH. Mais les restrictions budgétaires ne vont pas dans ce sens. Il faudrait que les PAC soient recrutés sur la base d'un concours de même niveau que celui des PH ; l'institution de quotas, évitant de pénaliser les médecins à diplôme communautaire.

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est ce qu'on fait !

M. Jean Bardet.

Mais ne croyez pas que je critique tout ce que vous faites, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Au contraire, et j'en suis heureux ! (Sourires.)

M. Jean Bardet.

Certes, le problème des médecins à titre étranger non reçus à ce concours ne serait pas pour autant résolu.

Vous voyez, mes chers collègues, que cette question mérite mieux qu'un amendement déposé en commission dans le cadre du projet de loi sur la CMU.

M. Jean-Michel Dubernard.

Eh oui !

M. Jean Bardet.

Voilà, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais vous livrer sans esprit de polémique car, en tant que médecin, mon seul souci est d'améliorer le niveau des soins et de la santé de mes concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Veyret.

M. Alain Veyret.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qui pourrait remettre en cause le bien-fondé d'une loi dont le but est de permettre à chacun dans notre pays d'avoir le droit de se soigner ? Des trois principes fondateurs de notre République, « liberté, égalité, fraternité », les deux derniers me semblent à l'heure actuelle particulièrement méprisés.

Depuis une vingtaine d'années, avec l'avènement d'un système économique dérégulé, soumis aux lois de la mondialisation et de l'économie de marché, les individualismes se sont exacerbés tandis que les légitimes solidarités et la justice sociale ont été négligées. Tout cela aboutit peu à peu à l'abandon de quelques-uns des desseins principaux de notre contrat social.

Au nom d'un libéralisme triomphant et du dogme monétariste, l'Etat-providence a été désigné comme la cause de tous les maux, accusé d'encourager la paresse et le ramolissement général et d'être un obstacle à l'épanouissement économique. Ces dérives ont abouti à creuser les inégalités, ont permis l'apparition d'une société à plusieurs vitesses et l'avènement du temps des exclusions.

En entendant, hier soir, M. Mattei - je regrette qu'il ne soit pas là cet après-midi - dénoncer l'assistanat comme étant responsable de la perte de la dignité d'un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens, je me demandais si nous avions la même vision des principes républicains que nos pairs nous ont légués. Je voulais lui rappeler que les dogmes libéraux et individualistes auxquels il adhère sans réserve sont la cause de la perte du droit à l'emploi qui, elle, prive l'homme de sa dignité.

C'est la charité à laquelle il se réfère pour les plus fragiles qui prive l'homme de sa dignité, en ce sens qu'elle n'est pas un droit mais une largesse que les riches veulent bien - parfois ! - consentir aux indigents. A l'inverse, l'assistance érige la solidarité nationale en un devoir collectif qui rend sa dignité au plus faible.

C'est une vertu malheureusement trop souvent négligée de notre République que de tendre la main à ses enfants les plus fragiles.

M. Marcel Rogemont.

C'est bien de le rappeler.

M. Alain Veyret.

Me faut-il vous rappeler les discours de nos pairs à l'Assemblée constituante de 1790 ?

M. Marcel Rogemont et M. Gérard Gouzes.

Oui !

M. Alain Veyret.

Ils déclaraient : « On a toujours pensé à faire la charité et jamais à faire valoir les droits de l'homme pauvre sur la société.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Alain Veyret.

« L'assistance publique n'est pas une vertu compatissante. Elle est un devoir. Elle est la justice !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. Alain Veyret.

« Là où existe une classe d'hommes sans subsistance alors existe une violation des droits de l'humanité et l'équilibre social est rompu. »

Notre pays est riche. Notre économie a permis une augmentation considérable du produit intérieur brut de la France. Elle a permis l'enrichissement et l'amélioration du pouvoir d'achat du plus grand nombre, mais, parallèlement, notre système de redistribution n'a pas su s'adapter : un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens restent sur le bord de la route, privés d'emploi, privés des solidarités les plus élémentaires, victimes d'une pauvreté intolérable au regard de l'opulence des autres.

L'exclusion est le grand crime social de cette fin de siècle. Il est de notre devoir, dans cette assemblée, d'y mettre fin.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

M. Alain Veyret.

Le paradoxe c'est que l'accroissement des richesses de notre société conduit à des exigences de plus en plus grandes en matière de santé et à des dépenses toujours croissantes malgré des mécanismes régulateurs qui, au fil du temps, se sont mis en place avec plus ou moins de succès. Ce qui est inacceptable dans cette constatation, c'est que les régulations les plus communément mises en oeuvre aboutissent à une diminution de la prise en charge qui pénalise essentiellement les plus modestes, qui sont aussi les plus exposés.

En effet, une des inégalités les plus criantes en matière de santé est l'inégalité sociale face à la mort qui ne fait que s'accentuer.

Certes, toutes les catégories sociales bénéficient de l'élévation générale de l'espérance de vie mais celle-ci profite surtout à celles qui avaient déjà le niveau de mortalité le plus bas. Ainsi, le taux de mortalité a baissé de près de 40 % depuis 1960 pour les catégories sociales les plus aisées alors qu'il a baissé de moins de 20 % pour les travailleurs manuels. Les cancers du poumon et des voies


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aérodigestives ont augmenté de façon très importante, surtout chez les ouvriers et les employés. La prévention des maladies cardiovasculaires a surtout profité aux cadres et aux professions libérales.

Est-ce cela notre conception de la justice ? Le projet de loi contre les exclusions adopté par notre assemblée a tracé les grandes lignes de la volonté politique de la majorité actuelle, et le projet de loi créant la c ouverture maladie universelle vient apporter un complément indispensable à l'avènement d'une société où chacun est en droit de bénéficier d'un travail et d'un revenu décent, d'un logement et de la garantie d'un état de santé conforme à celui que les progrès scientifiques sont à même d'apporter.

Toutefois, si cette loi est légitime, indispensable, incontestable, elle nécessite des ajustements afin d'éviter de porter en elle les ferments de nouvelles inégalités.

Elle se doit d'être complétée par des mesures qui visent à rendre plus équitable l'effort contributif des uns et des autres à une solidarité légitime.

L'avènement de la couverture maladie complémentaire pour faire face au ticket modérateur, aujourd'hui de l'ordre de 25 %, se doit d'être généralisée car son absence conduit une part de plus en plus importante de notre population à renoncer aux soins.

Pour être incitative, la volonté politique ne doit pas négliger les difficultés rencontrées par la frange la plus modeste des classes moyennes. Celle-ci ressentira probablement comme une injustice qu'aucun geste ne soit fait pour l'aider à assumer la charge supplémentaire qu'entraînera la CMU. Nous devons avoir le courage de faire les arbitrages budgétaires nécessaires.

Il en va de même pour tous ceux que les accidents de la vie ont mis en situation de surendettement ou qui sonts oumis à des charges involontaires qui diminuent d'autant leur revenu disponible et ne leur permettent pas de faire face dans leur totalité aux cotisations d'une assurance complémentaire.

Sans remettre en cause la nécessité d'un financement à 100 % pour les ménages en situation d'extrême pauvreté du fait de la faiblesse de leur revenu, il nous faut instaurer une aide ajustable, définie en fonction du revenu disponible, afin que la légitime solidarité nationale, affirmée dans notre Constitution, s'applique à tous.

Cela est d'autant plus vrai que le seuil a priori admis aujourd'hui pénalisera les personnes dont les revenus sont au niveau du minimum vieillesse, et qui, en raison de leur âge, doivent avoir recours beaucoup plus que les autres aux soins et surtout doivent payer les cotisations d'assurances complémentaires les plus fortes.

Bien sûr, il y aura toujours un seuil à l'aide totale comme cela existait déjà au niveau de l'aide sociale départementale. Mais celle-ci comportait des ajustements en fonction des situations particulières. Il importe donc de concevoir, au niveau de l'Etat, un dispositif qui tienne compte de ces situations particulières et qui évite, comme vous l'avez souligné hier, madame la ministre, aux personnes en difficulté de devoir tendre la main en permanence et de se mettre à nu.

La hauteur du seuil ? Il vous appartient de la fixer, madame la ministre. Néanmoins, sans nous braquer sur cette question, nous pouvons déjà réfléchir à une solution qui démontre, si cela est encore nécessaire, notre détermination à lutter contre l'injustice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Denis.

M. Jean-Jacques Denis.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on ne peut rester indifférent devant le constat froid, émanant du Haut comité de la santé publique, selon lequel « Plus on est pauvre, plus on est malade, et plus on meurt jeune ».

Malgré l'augmentation d'un trimestre par an de l'espérance de vie, les écarts de mortalité entre les différentes catégories socio-professionnelles s'aggravent en fonction des revenus. De nombreuses études confirment en effet que le recours aux soins médicaux et dentaires varie selon le niveau de revenu de la population concernée.

Ce constat est sévère pour notre société. Cela nous donne à réfléchir sur les failles de notre système de protection sociale. Et c'est l'objet du projet de loi dont nous débattons.

Le régime de base de la sécurité sociale, créé en période de plein emploi, à la sortie de la guerre, garde toute sa pertinence mais montre cependant des faiblesses.

Actuellement, 73 % seulement du coût total des soins sont remboursés. Alors que les cotisations n'ont cessé d'augmenter, les prestations, elles, ont diminué.

Il était donc urgent de corriger deux failles de ce système, et c'est l'objet de deux volets essentiels de la couverture maladie universelle.

Premier volet : une affiliation automatique et immédiate pour tous les résidents sur le territoire français remplacera l'adhésion individuelle, très imparfaite, au régime général.

Second volet : il est prévu une prise en charge du complément, le ticket modérateur s'étant révélé être u n ticket d'exclusion.

A la précarité sociale et professionnelle s'ajoute donc une précarité médicale. L'inégalité devant la maladie, la douleur et la mort doit être combattue, tout comme le chômage et la pénurie de logements.

L'injustice entourant l'accès aux soins représente une remise en cause flagrante des acquis de notre République.

C'est un droit fondamental de tout être humain que précisent la déclaration de l'OMS d'Alma-Ata tout comme l'article 22 de la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, [...] compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays. »

Madame la ministre, vous avez su trouver les ressources nécessaires à votre projet et réorganiser l'offre de soins en faveur des plus démunis. Les bienfaits des progrès de la médecine ne peuvent être dispensés selon les moyens financiers des intéressés.

Les soins aux exclus sont sensiblement passés de l'assurance à l'assistance, pour tomber parfois dans la charité. Il faut bien sûr saluer le rôle de sentinelle joué par les associations et leur dévouement. Cependant, elles ne peuvent pas répondre à une demande en augmentation constante.

Et elles sont inégalement réparties sur notre territoire.

Organisée par l'Etat, la couverture maladie universelle permettra une affiliation d'office, immédiate pour tous ceux qui ne bénéficient pas aujourd'hui de l'assurance maladie, de la sécurité sociale.

C'est ainsi six à sept millions de personnes qui bénéficieront d'une assurance complémentaire, quel que soit leur lieu de résidence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 28 AVRIL 1999

Nouvelle avancée sociale à l'instar du RMI, la couverture maladie universelle répond aux attentes des Français qui se sont mobilisés en grand nombre pour les Etats généraux de la santé. Ces derniers ont révélé que la sant é est une préoccupation fondamentale de nos concitoyens.

Ce texte ne pouvait plus attendre.

Le projet de loi insiste aussi sur le droit à la prévention. Ce droit a sa place dans une santé publique bien comprise. Un diagnostic et des soins les plus précoces possible, tel doit être un des objectifs de notre système de santé.

La réalité est aujourd'hui tout à fait différente. Les consultations et les traitements sont tardifs, et donc plus lourds et plus onéreux.

L'offre de soins doit donc être accessible en amont pour éviter des drames humains et limiter les coûts liés aux hospitalisations rendues nécessaires par les consultations tardives.

Le projet de loi est porteur de cohésion sociale : il lie le médical et le social et complète, dans une même dynamique, la loi contre les exclusions.

Toutefois, des questions restent en suspens. Il convient d'atténuer, autant que faire se peut, les conséquences du seuil retenu de 3 500 francs.

Il est urgent qu'en attendant qu'il atteigne le seuil de pauvreté estimé à 3 800 francs, il ne soit pas inférieur au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes handicapés.

Je souhaite enfin souligner la démarche de dialogue et de concertation qui a prévalu entre tous les partenaires concernés par ce dossier.

A compter du 1er janvier 2000, il arrivera dans les mains des acteurs de santé, qui le feront vivre.

Ils ont prouvé, par leur présence nombreuse et leur engagement dans les associations, tout comme dans le huis clos de leur cabinet, leur volonté de lutter au quotidien contre le caractère précaire de l'accès aux soins.

Ce texte fait donc appel à leur responsabilité. Je pense au développement du tiers payant qui ne devrait plus provoquer de réticences.

Ce texte permettra aux médecins de mettre en accord leur vocation avec le serment d'Hippocrate, complété par le code de déontologie.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Jean-Jacques Denis.

Le droit aux soins pour tous sera considéré comme un acquis de notre politique. Il relève de la définition même de l'être humain et de sa dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

9

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique.

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1419, portant création d'une couverture maladie universelle : MM. Jean-Claude Boulard et Alfred Recours, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1518, tomes I et II).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT