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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

1. Aménagement du territoire. - Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 4039).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 4043)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy : M. François Sauvadet, Mme la ministre, MM. Jean-Pierre Balligand, Serge Poignant, Jean-Michel Marchand, Félix Leyzour, Jean Proriol. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 4049)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : M. Patrick Ollier, Mme la ministre, MM. le rapporteur, Jean-Claude Daniel, François Sauvadet, Jean Proriol, Félix Leyzour, Serge Poignant, Jean-Michel Marchand.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

Suspension et reprise de la séance (p. 4067)

Rejet de la question préalable.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4067).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 7 avril 1999.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire par votre assemblée, aux mois de janvier et février derniers, nous avait permis d'avoir un débat riche.

J'ai pu, à cette occasion, vous exposer les intentions du Gouvernement et entendre vos préoccupations. Cette première lecture a débouché sur un texte dont je m'étais félicitée.

Son examen par le Sénat il y a un mois nous conduit à examiner aujourd'hui un texte profondément modifié. Le Sénat a en effet réécrit très largement le texte, suivant en cela les dispositions de sa commission spéciale.

Les propositions et les arguments que j'ai formulés, au nom du Gouvernement, pour défendre la cohérence du texte que vous aviez adopté n'ont pas été entendus, en dépit de ma grande disponibilité pour examiner les propositions des sénateurs.

Bien entendu, je ne rejette pas tout ce qui a pu être fait par le Sénat. Les sénateurs ont insisté sur la finalité humaniste de la politique d'aménagement du territoire, et je partage cette ambition.

Les modalités d'association des départements à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire ont été précisées. Il en est de même pour les conditions d'intervention du Parlement dans la définition des politiques et le contrôle de leur mise en oeuvre, ou pour la prise en compte des politiques européennes dans la politique nationale.

De même, cette discussion a permis d'échanger longuement sur les pays et les agglomérations ainsi que sur l'évolution des services dans les territoires les plus en difficulté.

Au-delà de ces contributions utiles, le Sénat s'est livré à un travail de réécriture du texte, qui en a bouleversé l'esprit et le rend inconciliable avec la volonté que vous avez exprimée lors de la première lecture.

Les schémas de services collectifs sont remplacés par des « schémas directeurs d'équipements et de services » qui sont une version à peine revisitée des schémas sectoriels de la loi du 5 février 1995.

Vous aviez considéré, avec le Gouvernement, que cette vision trop exclusivement « équipementière » de l'aménagement du territoire ne correspondait plus aux objectifs d'une planification territoriale moderne de l'intervention publique au service du développement du territoire. La réflexion sur les besoins des populations en services collectifs et sur les moyens d'y répondre doit succéder à cette vision du passé, grâce à l'élaboration de schémas des services collectifs.

C'est ainsi que le schéma directeur de l'enseignement supérieur et de la recherche proposé par le Sénat s'attache aux seuls établissements et a une finalité centrée sur l'emploi et le développement économique. Celui de la culture n'évoque plus l'égal accès aux biens, services et pratiques culturelles et à la diversité de l'art et de la culture. Celui de la communication s'apparente à un schéma d'équipement et se propose de définir des règles touchant à la clarification. Ceux des transports reviennent à une logique de l'offre. Celui des espaces naturels et ruraux supprime les références à la protection de l'environnement et à la préservation des ressources naturelles.

Les dispositions relatives aux pays que vous aviez adoptées ont été profondément transformées. Le Sénat, en insistant sur le caractère d'institution intercommunale des pays, les a dépouillés de toute capacité d'organisation et d'animation propre, en supprimant leur conseil de développement par exemple. Il a également supprimé la démarche progressive de constitution des pays que vous aviez imaginée, autour des chartes de pays. Il en résulte une construction plus rigide et plus institutionnelle qui me semble contradictoire avec la notion de territoires de projet.

Les liens entre les agglomérations et le « projet de loi sur le renforcement de l'organisation urbaine et la simplif ication de l'intercommunalité » ont été distendus : suppression du seuil de population et des conseils de


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développement, suppression de l'engagement de se constituer en communautés urbaines et communautés d'agglomérations dotées des compétences et de solidarité fiscale à l'échéance des contrats de plan ou des délais prévus par le projet de loi sur l'intercommunalité et remise en cause du principe de libre administration des communes ou du caractère contractuel de la relation avec la région et le département.

De même, les dispositions financières en faveur des milieux naturels, par la fusion avec le fonds de gestion des espaces ruraux et une gestion départementalisée, ou des zones de revitalisation rurale ont été bouleversées, celles relatives aux fonds régionaux pour l'emploi et le développement supprimées.

Enfin, les propositions des sénateurs sur l'identification de collectivités chefs de file dans le processus de contractualisation entre l'Etat et les régions, ou sur l'intervention économique des collectivités locales, pour intéressantes qu'elles aient pu être en elles mêmes, ne peuvent pas être intégrées à cette loi sans difficultés.

L'idée de collectivité locale chef de file du processus de la contractualisation avancée par le Sénat est liée au démantèlement pur et simple de deux des compétences majeures des régions au profit des autres niveaux de collectivité. Comment y faire droit ? C'est donc avec l'espoir de rebâtir un texte proche de celui que vous aviez voté le 10 février 1999 que je reprends cette discussion, en prenant en compte, le cas échéant, les précisions ou les améliorations qu'a pu formuler le Sénat au cours de sa première lecture.

La révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a pour objet de situer cette politique dans une perspective de développement durable, donnant la priorité à l'emploi et au renforcement de la solidarité sociale et territoriale, s'appuyant sur une mobilisation et une organisation forte des territoires qui composent notre pays. Elle concrétise l'engagement du Premier ministre de donner un cadre nouveau à cette politique.

Cette volonté se traduit dans un ensemble de textes, projet de loi d'orientation agricole, projet de loi relatif au renforcement de l'organisation urbaine qui vous ont d'ores et déjà été soumis. D'autres textes viendront compléter cet édifice, celui d'Emile Zuccarelli sur l'intervention économique des collectivités locales, celui de Mme Lebranchu pour les petites et moyennes entreprises en fin d'année.

Je rappellerai brièvement les grands axes du projet du Gouvernement en faveur de l'aménagement et du développement durable du territoire, sans refaire devant vous le débat que nous avons eu en première lecture.

L'aménagement du territoire doit être placé dans une perspective de développement durable.

Le développement durable, c'est d'abord une conception patrimoniale du monde dans lequel nous vivons, d'un patrimoine collectif qui s'utilise, se préserve, se partage et se transmet, dans des conditions telles que la nécessaire satisfaction de nos besoins d'aujourd'hui ne compromette pas celle des générations futures.

Cela est vrai pour l'eau, l'air, les sols, les paysages et tout ce qui constitue non pas seulement notre « cadre de vie », mais en réalité les conditions même de notre vie.

Mais c'est aussi à la durabilité des modes de développement de nos économies qu'il faut penser. Une croissance économique qui ne permettrait pas de réduire les phénomènes d'exclusion sociale, la concentration des richessese t des activités peut-elle réellement être considérée comme durable ? Le développement durable, c'est un mode de croissance de la société qui garantit le progrès économique, social et environnemental. Pour traduire ces préoccupations, il me semble qu'il faut adopter dans l'ensemble de nos régions, à l'occasion de la négociation des prochains contrats de plan Etat-régions, une méthode commune qui nous amène progressivement à envisager différemment la prise de décision.

Les projets d'investissement, la création de telle ou telle infrastructure ne doivent pas être retenus sans un examen a priori des solutions alternatives, a priori car, trop souvent, la concertation revient à demander l'avis de la population après que les décisions ont été réellement prises.

Il faut aussi recourir plus qu'on ne le fait aujourd'hui à l'expertise contradictoire. L'avis des techniciens, des administrations en charge des dossiers est bien entendu important, mais il doit être confronté à celui d'experts indépendants qui contribuent à éclairer les décideurs sur tous les aspects des projets en cause.

Et puis, si l'on veut que la référence au développement durable ne soit pas qu'une clause de style, il faut définir, en même temps que les projets, les modalités d'évaluation et de suivi qui les accompagneront. Cette évaluation, ce suivi doivent porter sur l'ensemble des domaines économique, social et environnemental, et des indicateurs pertinents doivent être définis en même temps que les décisions sont arrêtées.

Cette évaluation doit permettre une mise en oeuvre effective des principes de précaution, de prévention et de responsabilité qui s'imposent dans toutes les prises de décision des pouvoirs publics.

Cette méthode et ces principes seront mis en oeuvre avec d'autant plus de succès que les représentants de l'Etat dans les régions auront à coeur d'organiser les débats publics nécessaires et d'associer les citoyens, sous des formes adaptées, aux prises de décisions.

L'efficacité de toutes les politiques publiques doit être a ppréciée en fonction de la contribution qu'elles apportent à la lutte contre le chômage. Cela doit devenir l'un des critères d'appréciation majeurs dans le choix des investissements publics.

La politique d'aménagement du territoire doit appréhender cette question sous plusieurs angles.

Elle doit encourager la création d'emplois sur tout le territoire, et éviter la concentration et la spécialisation excessive des zones d'emploi dans un certain type d'activités, car cette spécialisation peut se révéler destructrice à moyen terme.

La responsabilité de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire en matière d'emploi, c'est aussi de considérer qu'aucun espace n'est condamné, et d'y encourager le développement local, non seulement en introduisant des discriminations positives liées à tel ou tel zonage, mais aussi en finançant l'ingénierie des projets et en veillant à ce que les financements croisés ne conduisent pas à diriger les financements de l'Etat prioritairement vers les collectivités les plus riches. C'est enfin de mettre en place une politique et un dispositif institutionnel qui permettent d'attirer les investissements étrangers en France, et de faire en sorte qu'ils soient source de création d'emplois sur tout le territoire.


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Autre axe de notre projet, contribuer à mettre en place une société plus juste et plus solidaire, même si l'aménagement du territoire ne peut à lui seul prétendre résoudre tous les problèmes. Il revient à la politique d'aménagement du territoire de ne pas ajouter à l'injustice sociale l'injustice territoriale.

La compensation des handicaps joue ici un rôle, mais les zonages et autres discriminations positives ne sauraient à eux seuls régler tous les problèmes. Une politique permettant l'expression des potentialités de chaque territoire est la seule qui permette un développement réellement durable de notre pays.

Il lui faut pour cela définir et soutenir les actions structurelles en faveur des économies régionales propres à en améliorer la performance et le dynamisme en s'appuyant sur le constat du renforcement des écarts de production de richesse ou de répartition des fonctions décisionnelles entre régions, alors même que les écarts de revenu disponible des ménages ou de potentiel fiscal entre elles se réduisent. L'aménagement du territoire ne peut se résumer à la compensation des handicaps même s'il doit y être attentif. Je voudrais à cet égard attirer votre attention sur la nécessité de poursuivre le rééquilibrage entre l'Ile-de-France et les autres régions.

Par exemple, la diminution du nombre d'emplois dans l'industrie fait conclure abusivement à la désindustrialisation de cette région. Or la valeur ajoutée industrielle de l'Ile-de-France croît plus vite que la moyenne nationale.

Ce paradoxe illustre la mutation et la montée en qualification de l'industrie francilienne qui pose de réels problèmes d'offres d'emplois pour la part la moins qualifiée de la population de cette région et le chômage dans certains secteurs, mais ne justifie aucunement de ralentir l'effort de rééquilibrage.

Le développement doit valoriser les ressources. Une politique d'aménagement doit privilégier les « zonages » de projet que sont les agglomérations, les pays, les parcs naturels. Elle doit notamment donner la possibilité à chacune de ces entités de se doter de la capacité d'élaborer et de mettre en oeuvre un projet identifié de développement que les zonages « traditionnels » de discrimination fiscale ou budgétaire facilitent ou accompagnent par leurs dispositions propres.

Ces derniers doivent en outre être considérés de manière relative à l'échelle nationale et européenne, la délimitation de zones n'ayant d'intérêt que si elle permet de concentrer pendant une période limitée des moyens publics spécifiques permettant la mise en place de conditions de développement autonome du secteur concerné.

Je persiste à considérer que le meilleur moyen de freiner la concentration de la population et de l'activité dans les grandes agglomérations est de permettre aux territoires ruraux et urbains de moyenne importance de se doter d'un projet reconnu, fondé sur les ressources, les expériences et les initiatives locales et sur leur articulation en réseaux susceptibles d'offrir la meilleure qualité de service aux agents économiques et une qualité de vie souvent supérieure à leurs habitants. A cet égard, « désenclaver » un territoire avant qu'il n'ait un tel projet a pour effet de le vider plutôt que de le nourrir par l'effet d'attraction des pôles les plus importants.

Dernier axe, favoriser l'intégration de la France à une Europe élargie.

La construction européenne, au-delà des péripéties qui peuvent l'affecter, est riche d'opportunités, mais aussi de menaces pour notre pays. S'agissant des opportunités, participer à la construction d'un ensemble économique et politique qui compte parmi les plus puissants et les plus stables du monde constitue une chance appréciable.

Mais cet ensemble évolue, son centre de gravité économique et politique se déplace vers l'Europe médiane et notre pays doit veiller tout spécialement à ne pas être marginalisé dans le processus de croissance à venir. Nos régions atlantiques et méditerranéennes doivent rester des atouts dans une stratégie de croissance française pensée à l'échelle internationale.

Cette loi d'orientation doit être l'occation d'affirmer nos ambitions dans ce domaine, à quelques jours du conseil informel des ministres de l'aménagement du territoire de l'Union européenne qui devrait adopter le schéma de développement des espaces communautaires.

L'aménagement du territoire n'étant pas une compétence communautaire, ce schéma ne sera qu'un cadre de référence, mais son adoption devrait être suivie de rencontres régulières des ministres concernés, pour évaluer la prise en compte de ces orientations dans les politiques nationales, développer les coopérations interrégionales et transfrontalières, échanger les expériences.

Il ne suffit pas de fixer des objectifs, il faut aussi indiquer le chemin pour y parvenir et les moyens à mettre en oeuvre.

La démarche que je vous propose est pragmatique. Il ne s'agit pas de bouleverser l'organisation administrative du pays, de supprimer tel ou tel type de collectivité locale ou de redéfinir leurs compétences respectives. Certains le regretteront,...

M. François Patriat.

Oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... d'autres trouveront que cela va déjà trop loin.

La méthode que je vous propose respecte le triptyque suivant : un projet, un territoire, un contrat.

Un projet partagé est à l'origine de tout, parce que je suis convaincue que l'aménagement du territoire ne se décrète pas, que le développement local n'existe pas sans volonté locale, que tout ne s'organise pas autour des principes décidés par une autorité centrale.

C'est autour de ce projet, traduit dans une charte, de pays ou d'agglomération, que s'organiseront les nouveaux espaces de l'action locale, que se développeront des dynamiques territoriales. Je préfère également l'incitation à l'affirmation déclamatoire ou aux démarches technocratiques. Les pays et les agglomérations naîtront des projets élaborés par des acteurs locaux ayant envie de travailler ensemble, du contrat qu'ils passeront entre eux et avec l'Etat, et non de découpages administratifs établis sur des bases statistiques.

Enfin, un contrat, signé dans le cadre des contrats de plan Etat-région, organisera l'action coordonnée entre les partenaires et définira les moyens à mettre en oeuvre pour que le projet devienne réalité.

Le texte que vous avez adopté en première lecture traduisait cette vision de la politique d'aménagement du territoire, il faut y revenir. C'est la voie que propose pour l'essentiel votre commission.

Elle a pris en compte quelques évolutions, à la lumière de la discussion au Sénat, que le Gouvernement est prêt à examiner attentivement. Je citerai pêle-mêle le caractère public des débats du CNADT, la valorisation du bénévolat des acteurs associatifs, la possibilité pour les collectivi-


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tés locales de mettre en place des réseaux de télécommunication à haut débit ou la reconnaissance des comités d'expansion et agences de développement.

Plus significativement, elle reprend l'idée de la création d'un nouveau schéma de service collectif du sport, quir encontre l'intérêt du Gouvernement. Elle propose l'adoption des schémas de services collectifs par un décret unique, dont il convient de mesurer l'intérêt, mais aussi les inconvénients. Elle renforce les dispositions relatives à l'implantation territoriale des services publics en secteur rural ou urbain défavorisé. Elle rétablit l'évaluation de la faisabilité de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. Elle réécrit les dispositions relatives aux pays et aux agglomérations conçus comme des territoires de projets.

Votre commission propose la suppression des dispositions introduites par le Sénat qui dénaturent le projet et sa logique, en particulier sur le contenu des schémas de services collectifs et tout spécialement ceux des transports.

Elle rejette également les articles relatifs au code de l'urbanisme ou aux interventions économiques des collectivités locales qui font l'objet de textes en préparation par le Gouvernement, ainsi que celles relatives aux zonages qui feront l'objet d'un examen d'ensemble à la fin de cette année, dans un cadre européen désormais connu dans ses grandes lignes.

Sur cette base, il me paraît possible de reformuler les termes d'une politique d'aménagement du territoire qui privilégie le projet et le contrat sur la réglementation, trace le chemin d'un développement économique plus conscient de ses responsabilités et dont les fruits soient mieux partagés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. La commission mixte paritaire, réunie au Sénat le 6 avril dernier, n'a pu aboutir. Il y a été fait le constat de désaccords trop importants sur des dispositions essentielles, voire sur l'esprit même du projet de loi.

Le texte que nous avions adopté ici même en première lecture le 9 février dernier a été profondément remanié par le Sénat, qui n'a conservé que sept articles sans modification, en a supprimé neuf, et en a profondément modifié beaucoup d'autres. Le Sénat a de plus adopté quarante-deux articles nouveaux. C'est dire combien il a transformé le texte de l'Assemblée nationale.

Le Sénat a, pour résumer, adopté une approche de l'aménagement du territoire que je qualifierai de défensive, centrée principalement sur les zones en difficulté, marquant par là même un retour à l'esprit de la loi du 4 février 1995, que le présent projet de loi vise précisément à modifier. Alors que la majorité de notre assemblée avait, lors de la première lecture, soutenu une aproche novatrice de l'aménagement du territoire, reposant sur une logique de projet, le Sénat est, lui, revenu à une logique de zonage et d'offre équipementière, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, logique dont les difficultés d'application par le passé ont pourtant clairement montré les limites.

Le Sénat a toutefois apporté, sur quelques points, des améliorations réelles - vous y avez fait allusion -, enrichissant le texte de notre assemblée sans en modifier l'esprit. Parmi celles-ci, on peut citer la reconnaissance législative des agences de développement et des comités d'expansion économique, dont le rôle essentiel dans l'aménagement du territoire n'est plus à démontrer. La commission de la production et des échanges a décidé d'y ajouter, dans un amendement, les comités de bassins d'emplois.

D'autre part, l'introduction par le Sénat d'un schéma directeur d'équipements et de services sportifs est une avancée qu'il faut saluer. Un tel schéma complète utilement les huit autres schémas de services collectifs prévus par le projet de loi.

Pour autant, la rédaction du Sénat ne peut nous satisfaire. Calquée sur le schéma des équipements culturels prévu par la loi du 4 février 1995, elle n'est pas compatible avec la philosophie des schémas de services collectifs.

Notre commission en a donc préféré une autre, davantage orientée vers la contribution des activités sportives à la cohésion sociale de notre pays et à la structuration de notre territoire.

Malgré ces points positifs qu'il convenait de souligner, les conceptions de l'aménagement du territoire des deux assemblées n'en demeurent pas moins, à mon sens, éloignées, pour ne pas dire inconciliables.

C'est ainsi que le Sénat a profondément remis en cause les instruments essentiels de l'aménagement du territoire introduits, madame la ministre, par votre projet de loi. Je veux parler des schémas de services collectifs. Ceux-ci sont rebaptisés « schémas directeurs d'équipements et de services ».

L'effort de synthèse entre la loi de février 1995 et le présent projet de loi peut certes paraître louable. A la lecture, cependant, on perçoit vite que les services s'effacent derrière les équipements.

La vraie nature de ces « schémas directeurs d'équipem ents et de services » apparaît clairement dans le domaine des transports, le Sénat étant revenu à des schémas unimodaux d'infrastructures de transport, alors que la rédaction initiale préférait la notion de multimodalité et des schémas séparés pour le transport des voyageurs et celui des marchandises.

Enfin, les sénateurs ont adopté le principe de la validation de ces schémas par une loi portant schéma de synthèse sous la forme d'un rapport annexé. Voilà qui ressemble fortement au schéma national, dont plusieurs de nos collègues ont démontré, lors de la première lecture, la difficulté de mise en oeuvre par l'ancienne majorité.

Ici, la commission de la production et des échanges a donc décidé de revenir à la version de notre assemblée.

L'architecture des territoires d'action proposée par votre projet de loi, madame la ministre - pôles de taille européenne, pays, agglomérations et territoires en difficulté -, visait à permettre une véritable recomposition territoriale de notre pays. Cette approche novatrice, qui constitue une des dispositions les plus essentielles du projet de loi, une disposition fondatrice même, a été considérablement affaiblie par la rédaction sénatoriale relative aux pays et aux agglomérations.

En ce qui concerne les pays, le Sénat a supprimé tous les éléments de souplesse que notre assemblée avait introduits, presque à l'unanimité. C'est ainsi que la distinction entre le périmètre d'étude et le périmètre définitif du pays a été supprimée. Le Conseil de développement, instance de représentation de la société civile et de mobi-


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lisation de toutes les énergies du pays, disparaît également de la version sénatoriale, de même que la possibilité offerte aux pays de constituer un groupement d'intérêt public de développement local, structure pourtant caractérisée par sa souplesse. Votre commission a donc adopté un amendement visant à revenir, en le précisant, à l'article 19 tel qu'il a été voté par notre assemblée en première lecture.

Quant aux agglomérations, les sénateurs ont modifié le seuil de population permettant de les constituer, en l'établissant par référence au code général des collectivités ter -r itoriales. Celui-ci prévoit qu'une agglomération est constituée par un ensemble d'une population de plus de 20 000 habitants, alors que le texte que nous avions adopté fixait ce seuil, en cohérence avec le projet de loi de M. Jean-Pierre Chevènement, à 50 000 habitants. Ils ont également supprimé le Conseil de développement de l'agglomération, ainsi que l'obligation pour une agglomération de s'être constituée en EPCI à taxe professionnelle unique à l'échéance du premier contrat avec l'Etat, ce qui constituait pourtant un autre élément essentiel de continuité entre le projet de loi que nous examinons et celui relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. La commission a, là encore, adopté un amendement qui, tout en apportant certaines précisions, revient au texte adopté par l'Assemblée en première lecture, afin, entre autres, de rétablir la nécessaire cohérence, que nous souhaitons tous, avec le projet de loi de M. Chevènement.

Le renforcement de la démocratie participative constitue une autre nouveauté que vous avez introduite, madame la ministre, dans l'aménagement du territoire.

Une présence plus forte des acteurs économiques et sociaux et des associations doit permettre à nos concitoyens de mieux s'approprier les territoires et leurs projets, et de renforcer la légitimité de ces nouveaux territoires que sont les pays et les agglomérations.

Las ! le Sénat a voté la suppression de ces dispositions.

De même, il a supprimé certaines dispositions en faveur du maintien des services publics sur le territoire. Je pense ici, bien sûr, à l'introduction du service universel postal, avec la transposition de la directive que M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, était venu défendre dans cet hémicycle. Je pense aussi aux maisons de services publics, qu'Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, nous avait présentées.

Tout cela conduira donc votre commission à vous proposer, pour de nombreux articles, de revenir au texte voté ici même en première lecture, sous réserve d'améliorations rédactionnelles.

Un autre point introduit par le Sénat ne devrait pas manquer de donner lieu à débat, comme cela a été le cas en commission. Je veux parler de la possibilité pour les collectivités locales d'intervenir dans le secteur des télécommunications.

Le droit étant dans son état actuel assez incertain sur le sujet, il semble important d'adopter ici des dispositions législatives claires. La commission a pour sa part adopté un amendement visant à préciser et à encadrer l'intervention des collectivités locales en la matière.

Le Sénat avait d'autre part repris, par le biais de dix amendements, une proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur le territoire.

Si chacun est bien convaincu de la nécessité de doter les collectivités locales d'outils économiques efficaces, il n'a pas semblé opportun à la commission d'intégrer ainsi, par voie d'amendement, l'intégralité d'une proposition de loi.

En revanche, il apparaît nécessaire que le Parlement soit saisi dans les meilleurs délais du projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales.

Le présent projet de loi constitue une chance réelle pour nos territoires face aux enjeux de l'avenir, vous l'avez souligné, madame la ministre. Il nous appartient, mes chers collègues, d'en rétablir l'esprit, tout en continuant à l'enrichir, comme nous l'avions fait lors de la première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Madame la ministre, lors du débat en première lecture, vous aviez fait observer à l'Assemblée quel devait être le sens d'une exception d'irrecevabilité. Aujourd'hui, pour cette nouvelle lecture, nous avons fait à nouveau le choix de déposer une exeption d'irrecevabilité - mais aussi d'autres motions de procédure - et je vais vous en préciser le sens et la portée.

Pour l'UDF, et pour l'opposition, c'est d'abord l'occasion de redire notre inquiétude devant ce projet de loi, comme devant la méthode que vous avez adoptée pour sa préparation.

Tout d'abord, je regrette que M. le rapporteur ait affiché d'emblée, en commission comme en commission mixte paritaire, une volonté formelle de s'en tenir au texte initial, balayant ainsi les apports du Sénat et ceux de l'opposition, dont il a été dit, de manière assez inacceptable, monsieur le rapporteur, qu'ils s'inscrivaient dans une logique défensive.

Et puisque vous aviez, madame la ministre, lors de la première lecture, fait porter le débat sur l'utilisation de la procédure parlementaire en répondant aux interventions, eh bien, c'est précisément sur l'utilisation de la procédure d'urgence par le Gouvernement que je souhaite, au nom de l'UDF, vous faire part de quelques réflexions.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Ce que nous regrettons, et que nous voulons dénoncer, c'est précisément l'utilisation abusive par le Gouvernement de cette procédure d'urgence.

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'elle a été utilisée à deux reprises, notamment pour des lois qui s'inscrivent pourtant dans la durée. D'abord, il y a eu ce projet de loi d'orientation agricole, déposé dans l'urgence et à contretemps, nous l'avons dit. Ensuite, il y a eu le projet de loi d'orientation relatif à l'aménagement et au développement durable du territoire : le Parlement n'aura guère disposé que de trois mois pour en discuter, alors que ce texte est censé tracer, pour les prochaines années - vingt ans, avez-vous dit - les orientations et la direction à prendre pour inverser des déséquilibres croissants dans notre pays.


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C'est une procédure assez inhabituelle pour un texte d'orientation, dont je regrette à nouveau, comme M. Patrick Ollier, qu'il n'ait pas fait l'objet d'emblée d'une concertation suffisante...

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

... et d'un vrai débat dans le pays, dans chacune des régions, avec les collectivités territoriales et les élus locaux. Ceux-ci se trouvent souvent placés face à ce qu'ils perçoivent comme un maquis inextricable, face à des complexités et des responsabilités parfois accrues et ils attendent de nous tous, non seulement une véritable ambition pour le territoire, mais aussi une simplification et une vraie solidarité.

Tout autant que cette déclaration d'urgence, à dire vrai irrecevable, qui n'a pas permis ce grand débat sur un sujet aussi essentiel, nous regrettons, madame la ministre, cette pratique qui vous a conduite, vous et votre Gouvernement, à présenter des amendements importants, déposés à la hâte lors de la discussion en première lecture.

Je pense notamment au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, venu, au détour de l'examen de l'article 22, évoquer les maisons de services publics ou encore au secrétaire d'Etat à l'industrie, venu, lui aussi au détour d'un article additionnel, proposer un amendement portant transposition de la directive européenne sur les services postaux.

M. François Brottes.

C'est une bonne mesure !

M. François Sauvadet.

D'ailleurs, la Commission supérieure du service public des postes et des télécommunications a elle aussi regretté et dénoncé cette méthode. C'est à juste titre, madame la ministre, que le Sénat avait proposé qu'une loi d'orientation postale intervienne dans un délai de six mois et vienne clarifier un amendement dont nous souhaitions le retrait pour rendre possible ce débat au fond, qui est essentiel. Car, derrière la question postale, chacun le sent bien, ce n'est pas seulement la distribution du courrier qui est en cause, c'est aussi celle du dernier rempart que représente ce service au public, ce service public autour duquel peuvent s'organiser des polyvalences. Plusieurs expériences ont d'ailleurs déjà été lancées dans notre pays.

La majorité de la commission a préféré en revenir à l'amendement de M. Pierret voté par l'Assemblée nationale en première lecture. Nous le regrettons, comme nous regrettons cette méthode, qui nous laisse un goût d'inachevé, un sentiment d'impréparation et de précipitation.

Même chose pour les maisons de services publics, qui sont apparues dans le texte afin, probablement, d'éviter un rejet pur et simple de la rédaction initiale, laquelle prévoyait la possibilité pour les communes de mettre des bâtiments à disposition des agences locales et postales sans compensations financières, ce qui renvoyait en quelque sorte aux collectivités territoriales la responsabilité des moyens matériels à mettre à disposition, nouvelle version d'un transfert de charges.

Nous avons également souligné à plusieurs reprises le risque réel d'un manque de cohérence entre ces lois

« patchwork », ces trois textes successifs que nous avons examinés ou que nous serons appelés à examiner, concernant directement l'aménagement et l'organisation du territoire : l'un, déposé par le ministre de l'intérieur, relatif au renforcement et à la simplification de la coopérat ion intercommunale, le deuxième déposé par vous-même, madame la ministre de l'aménagement du territoire, le troisième concernant les interventions économiques des collectivités territoriales, prévu à l'automne par M. Zuccarelli.

En commission, M. le rapporteur n'a d'ailleurs pas écarté ce risque, lorsqu'il insistait sur la nécessité de pré senter ce dernier projet de loi au plus tôt. D'ores et déjà, à l'article 20, il a réécrit le texte sur les agglomérations pour, dit-il, « le mettre en cohérence avec la nouvelle définition de l'agglomération retenue dans le projet de loi relatif au renforcement et à la simplification intercommunale ».

Tout cela ne contribuera pas à la lisibilité des textes pour les élus locaux et ne donne pas l'image d'une action construite du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire, dont nous attendons toujours les grandes directions, au-delà des déclarations d'intention.

Ce projet de loi est arrivé également - et vous l'avez d'ailleurs brièvement évoqué, madame la ministre - dans un calendrier en plein bouleversement ; du fait de la renégociation des contrats de plan et des négociations difficiles avec nos partenaires européens sur l'Agenda 2000, qui ont abouti récemment. Nous aimerions savoir comment vous allez aborder l'application de l'accord de Berlin, qui est une donnée importante, essentielle pour les territoires, pour ceux qui seront reconnus éligibles aux trois nouveaux objectifs des fonds structurels de l'Union européenne, comme pour ceux qui ne le seront plus.

Vous avez précisé que tout cela serait fixé vers la fin de l'année. Mais moi, j'écoute ce que disent de nombreux élus : ils disent qu'ils ne savent toujours pas, à l'heure actuelle, quelle direction va prendre le Gouvernement pour la mise en place des fonds structurels. Qui sera éligible ? Quels vont être les choix faits pour ne pas casser la dynamique amorcée dans de nombreux territoires ou quartiers qui ne seront plus éligibles demain ? Ils ne le savent pas plus que nous ne savons ce qu'il adviendra des zones éligibles aux PAT, les primes d'aménagement du territoire, si ce n'est que le 16 mars, le Conseil national de l'aménagement du territoire a donné son avis à la DATAR sur un scénario de réforme, et ce sur la base de cartes affichées et tout aussitôt retirées - la méthode a surpris, je dois vous le dire. Où et comment se déroule la concertation ? Je souhaiterais personnellement que vous puissiez nous apporter ici même des précisions.

La précision sur l'éligibilité des territoires et des quartiers les plus fragiles aux procédures de développemnt notamment économiques, d'infrastructure, d'équipement ou d'animation, avec l'appui de l'Europe, est, selon nous, essentielle à la définition d'une politique territoriale. Car, contrairement à ce que vous avez dit, ce n'est pas de matière grise que nous manquons dans nos territoires, mais de moyens pour conduire nos projets. Une absence de moyens que l'organisation territoriale ne permet pas à elle seule de compenser. Et ce n'est pas en nous opposant la faiblesse de la consommation des crédits européens que vous apporterez une quelconque démonstration, car cette faiblesse est souvent le fait de lourdeurs administratives et procédurales,...

M. François Patriat.

C'est souvent le cas, en effet.

M. François Sauvadet.

... sur lesquelles il faudrait d'ailleurs se pencher pour en faire le diagnostic.

Vous disiez récemment devant notre assemblée que la politique du Gouvernement dans le domaine de l'aménagement du territoire ne se juge pas à l'aune des crédits accordés au travers du Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire, le FNADT, ou à l'importance des primes d'aménagement du territoire.

Nous ne partageons pas du tout votre avis, madame la ministre.


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Il faut tout à la fois encourager les projets de développement, les susciter lorsqu'ils font défaut, et apporter des moyens financiers suffisants pour les accompagner, dans les zones rurales comme dans les quartiers les plus fragiles, où, spontanément, ils ne trouvent pas leur prolongement financier ou économique.

Nous attendons, je le répète, de savoir comment vous a llez appliquer en France le volet structurel de l'Agenda 2000.

M. Patrick Ollier.

C'est très important !

M. François Sauvadet.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que les fonds structurels représentent neuf fois le budget de l'aménagement du territoire. Entre 1994 et 1999, la France a bénéficié de 16,5 milliards - 16,5 milliards ! - de crédits européens par an... Et puisque vous évoquez notre attitude défensive lorsque nous parlons de zonage, je formerai simplement un voeu : c'est que vous passiez enfin à l'offensive, avec les collectivités locales et territoriales, pour définir ce paysage.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes tout autant attachés, en la matière, au rôle du Parlement qu'au dialogue avec les collectivités territoriales, car c'est avec elles et non sans elles que se construiront les projets de territoire.

M. Patrick Ollier.

Oui. C'est essentiel.

M. François Sauvadet.

Mais pour l'instant, je vous le dis comme nous le ressentons tous, c'est le flou le plus total et les élus du CNADT eux-mêmes s'en sont émus.

Comment préparer des contrats de plan sans savoir comment vont être traités ni quels seront les zones rurales et les quartiers sensibles retenus ? Autre point sur la méthode : avant même que la loi ne soit votée, nous avons vu arriver sur nos bureaux, dans nos régions, des schémas de services collectifs. Une fois encore, cela montre bien la limite de l'exercice parlementaire que vous nous proposez : les schémas existent avant même que nous les ayons mis en place au plan législatif, et je le regrette.

M. Jean-Marc Nudant.

C'est scandaleux !

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

Je voudrais d'ailleurs souligner que, depuis le début de ce débat, l'opposition n'a cessé de demander que le Parlement soit clairement associé à la définition et au contrôle de l'action en matière d'aménagement du territoire, notamment pour la conception des schémas de services collectifs élaborés par l'Etat dans une perspective à vingt ans.

Les régions, si le texte est maintenu, seront consultées, le CNADT aussi. Mais pour ce qui est des assemblées, on devra s'en remettre à l'avis de deux délégations parlementaires, alors que nous aurions souhaité que les schémas de services collectifs soient soumis au Parlement et qu'un calendrier puisse être établi.

Vous refusez au Parlement des droits que vous revendiquez pour les associations dans les territoires, sans même vous assurer de leur représentativité, puisque le mot

« agréées » a disparu.

D'un côté, vous arguez de l'urgence pour engager l'élaboration des schémas de services collectifs mais, de l'autre, nous ne savons toujours pas quels territoires seront éligibles aux fonds structurels.

Au-delà de la méthode, il y a le fond qui nous est proposé et l'état d'esprit dans lequel la majorité a abordé cette deuxième lecture.

Je voudrais relever à nouveau cette volonté affichée d'emblée par le rapporteur de ne prendre en compte pratiquement aucun des apports que nous avons tenté de faire et auquel le Sénat a contribué.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

De nombreux articles ont été récrits entièrement par le rapporteur la semaine dernière et Léonce Deprez a légitimement regretté en commission la technique retenue, qui consiste à proposer des amendements de rédaction globale. Cela traduit à nouveau une impréparation et un défaut de discussions préalable.

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

Si la commission mixte paritaire a échoué, c'est qu'il y a entre nous, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, des divergences profondes, que nous revendiquons. Mais vous avez ajouté qu'elles ne sont pas « acceptables » sur des aspects qui traduisent bien votre volonté d'un retour au texte initial, sans vouloir prendre en compte les arguments que nous avons développés et qui sont eux aussi l'expression des territoires, arguments qui s'articulent autour de plusieurs idées-forces sur lesquelles reviendront notre porte-parole, Yves Coussain, mais aussi Léonce Deprez, Dominique Caillaud, Patrick Ollier et d'autres.

Parmi ces idées-forces, nous tenons à réaffirmer la nécessité de la simplification et de la clarification des compétences en matière d'aménagement du territoire.

C'est l'une des conditions essentielles d'une efficacité renf orcée comme d'une meilleure lisibilité de l'action publique pour ceux qui sont chargés de la mettre en oeuvre et pour ceux qui attendent beaucoup de notre part.

Or nous n'avons absolument pas avancé dans cette voie avec ce texte, dont je crains qu'il n'introduise des éléments supplémentaires de complexité.

La majorité a refusé en commission les amendements qu'Yves Coussain et Léonce Deprez avaient déposés au nom de l'UDF, précisant qu'une loi devrait intervenir avant le 1er janvier 2001 pour clarifier les compétences des collectivités territoriales.

Le rapporteur et la majorité ont aussi repoussé l'amendement du Sénat sur la notion de chef de file.

Nous avions également demandé un droit à l'expérimentation et insisté à maintes reprises sur la nécessité de renforcer la souplesse dans la définition des espaces de projets, de continuer à équiper le pays en partant des besoins, de la notion de services, en n'opposant pas, comme vous venez encore de le faire, une logique d'équipements à une logique de services ; l'une ne va pas sans l'autre : il n'y aura pas de services sans équipements nouveaux, même si nous partageons la préoccupation de préserver notre environnement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mais la commission a également rejeté le concept de schéma de synthèse, proposé par le Sénat, qui aurait permis de mettre en cohérence les actions d'aménagement dans l'espace national. Or nous avons besoin de rendezvous périodiques devant le Parlement pour évoquer ces questions qui touchent à l'essentiel, à l'avenir de nos territoires, à la cohésion nationale.

La commission a renvoyé à un prochain projet de loi la dimension économique sur laquelle a travaillé le Sénat.

Je le répète, nous aurions pu nous retrouver, madame la ministre. Je pense à la notion de schémas de services et d'équipements proposée par le Sénat. Mais vous avez sou-


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haité en rester à une logique que je trouve dogmatique et que nous ne partageons pas, au moins sur deux points : la priorité n'est pas mise sur la poursuite de l'effort d'équipement dont la nation a besoin, y compris pour s'inscrire dans l'espace européen ; en second lieu, ces schémas ne seront pas soumis au Parlement, sans parler de la nécessité d'une cohérence nationale.

Ce n'est pas seulement en répondant à la demande avec les équipements existants qu'on réglera le problème de l'avenir de nos territoires, mais en réfléchissant aux offres nouvelles de services qui, demain, pourront bouleverser la donne actuelle : je pense bien sûr aux transports autoroutiers, ferrés, à grande vitesse et à la voie d'eau - je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit en première lecture sur la liaison Saône-Rhin -, voie d'eau qu'il faut bien sûr combiner, car ce sont des facteurs importants d'aménagement, au même titre que les services de proximité ou l'accès aux technologies nouvelles.

La proposition du Sénat d'adopter des schémas directeurs d'équipements et de services pouvait répondre à cette préoccupation de services et d'équipements. On peut équiper tout en restant très vigilant sur les questions environnementales : il faut l'un et l'autre. Et en revenir au décret pour l'adoption des schémas de services équivaut en fait à exclure le Parlement du processus d'élaboration des choix pour l'aménagement du territoire.

Tous ces amendements que nous avons déposés, et que le Sénat a repris et enrichis, vous les avez balayés en affichant une vision de l'aménagement du territoire opposant services et équipements, ville et campagne, parlant de

« loi ruralo-ruraliste » à propos de la loi de 1995, en affirmant la volonté manifeste de réorienter la politique d'aménagement du territoire vers les villes, parce que vous semblez considérer comme une sorte de fatalité que le développement économique ait lieu autour des métropoles, développant une vision défensive quand nous vous parlons des territoires fragiles qu'il faut renforcer et des zonages. Comme si la France était aujourd'hui équipée et comme si ce n'était pas d'abord aux territoires fragiles, aux quartiers et aux territoires, qu'il fallait consacrer les moyens de la reconquête !

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Vous le savez, on ne fera pas une bonne politique d'aménagement du territoire sans un traitement équilibré : nous avons des quartiers fragiles, mais nous avons des zones rurales qui le sont tout autant, des espaces à protéger mais aussi à équiper. Vous affichez une conception de l'aménagement du territoire que nous ne partageons pas et qui tend à confiner villes et campagnes dans des rôles distincts : aux uns l'activité, aux autres les milieux à préserver.

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est caricatural !

M. François Sauvadet.

La loi de 1995 avait au moins un mérite, celui de considérer que les territoires ont un avenir à se forger pour peu qu'on mette des outils à leur disposition, et nous en avons imaginé plusieurs : fiscalité d érogatoire, zones de revitalisation rurale et zones franches, pacte de relance de la ville et moratoire, schéma d'équipement.

C'est à vous qu'il revient depuis deux ans de les appliquer ou de les réformer. Mais vous n'avez pas utilisé la palette qui vous était offerte et vous en avez réduit le champ avec une loi renvoyant, pour de nombreux aspects essentiels, à demain ce que vous auriez dû entreprendre dès hier.

Le rapporteur, suivant en cela le Gouvernement, a d'ailleurs renvoyé à une prochaine loi le volet économique proposé par le Sénat. Celui-ci est d'importance puisque ses dispositions visaient à renforcer l'activité et l'emploi : je pense à la création de fonds commun de placement de proximité pour drainer l'épargne locale vers les entreprises et les artisans installés dans les zones rurales fragiles, à l'incitation à une mise en réseau des entreprises sur un territoire, à l'allégement des droits sur les transmissions d'entreprises en milieu rural et urbain sensible, à la prorogation des exonérations fiscales prévues par la loi de 1995 en faveur des entreprises qui s'installent ou se développent dans les zones fragiles.

C'est là un point essentiel car ce sont les entreprises, surtout les plus petites d'entre elles, en milieu rural notamment, qui font l'activité et l'emploi. Elles n'exerceront leur activité là ou elles ne l'exercent pas spontanément que si nous les aidons à se développer ou à s'implanter.

Nous sommes pour notre part convaincus que la reconquête du territoire par l'économie, l'emploi et les services est une véritable solution alternative pour parvenir à un nouvel équilibre dans notre société devenue trop urbaine, avec son lot de difficultés, la perte des racines et les risques de ghettos. Mais cela suppose des moyens.

Là encore, vous avez renvoyé à des dispositions ultérieures tout ce qui touche à la fiscalité et à la péréquation ; la question des ressources locales est pourtant fondamentale.

Enfin, nous avons insisté à maintes reprises sur la nécessité de reconnaître la diversité des territoires comme une chance, ce qui suppose des procédures souples, notamment pour les pays, espaces de projets qui doivent être constatés à partir d'une volonté locale, laquelle est le fondement même de la notion de contrat.

Souplesse aussi pour ces conseils de développement que vous souhaitez créer et dont l'existence doit être laissée à l'initiative de chacun des pays. Laissez s'organiser les territoires et les consultations : les territoires sont divers.

Mais, là encore, vous avez voulu formaliser et faire participer des associations dont, je le répète, nous ne contestons pas la représentativité, nous interrogeant simplement sur le sort que vous voulez leur voir jouer. Il y a des élus qui ont la charge de responsabilités. A eux d'agir et d'organiser la consultation ; ils le font d'ailleurs tous, quelle que soit leur appartenance politique.

Souplesse également pour les espaces péri-urbains ; il faut tenir compte de la réalité territoriale de la société française.

Nous revendiquons bien sûr ce droit à la reconnaissance des différences économiques et culturelles, qui est indissociable d'un droit à l'équité de services garanti par l'Etat, lequel doit assumer ses missions, équiper le territoire et assurer le maillage en appui des collectivités territoriales. Cela ne signifie pas spécialisation des territoires, mais prise en compte de leurs spécificités.

Votre loi n'est pas, selon nous, de nature à répondre à cette ambition qui doit être permanente, respectueuse, c'est-à-dire partenariale, et mobiliser de nombreuses volontés.

Parce que nous réprouvons la méthode, parce que nous ne partageons pas votre conception étatique et votre vision éclatée de l'aménagement du territoire, l'UDF a déposé cette exception d'irrecevabilité. Nous estimons en effet que, au sens littéral du terme, votre texte est irrecevable, et qu'il n'est pas de nature à répondre aux aspirations de nos compatriotes qui souhaitent mieux vivre là


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où ils veulent vivre. Irrecevable, dans le Larousse, signifie : qui n'est pas acceptable et ne peut être accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs le députés, M. Sauvadet n'a pas développé beaucoup d'argents nouveaux. Concernant les fonds structurels, je rappelle que le sommet de Berlin a arrêté la règle du jeu à la fin du mois de mars, qu'une première exploitation du cadre général est actuellement en cours à la DATAR et que, bien évidemment, la concertation qui a été promise sur cette réforme des fonds structurels aura bien lieu.

Comme ce débat risque d'être l'occasion de bien des dérapages, je rappelle aussi que les décisions acceptées par la France lors du sommet de Berlin, et qui nous engagent pour des années, l'ont été par les deux têtes de l'exécutif, qui ont la même approche de ces questions.

M. Patrick Ollier et M. François Sauvadet.

Ce n'est pas le problème !

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Je répondrai rapidement à l'exception d'irrecevabilité défendue par François Sauvadet. Nous avons entendu un discours sur la méthode qui s'est conclu sur quelques questions de fond.

Le premier reproche que nous a adressé M. Sauvadet est de recourir de façon abusive à la procédure de l'urgence. Je répondrai au nom du groupe socialiste qu'une bonne partie des élus français, notamment ceux qui sont préoccupés par la mise en place des contrats de plan, et en particulier par la dimension territoriale de la contractualisation Etat-région, laquelle concerne 20 % de l'enveloppe, attendaient avec un grand intérêt l'architecture juridique de la contractualisation infrarégionale.

Le problème n'est pas celui des contrats Etat-régions, que nous avons créés, nous, socialistes, il y a de nombreuses années, mais de leur dimension infra-régionale ; il fallait bien évidemment savoir si les agglomérations ou les pays étaient éligibles, et à quelles conditions. Il fallait donc un soubassement juridique, ce qui justifiait l'urgence. Celle-ci n'a d'ailleurs pas été déclarée à l'initiati ve du Gouvernement, elle était souhaitée par de nombreux élus et par certains d'entre nous, en particulier par moi, qui suis responsable de ces questions au parti socialiste. Il est en effet déjà un peu tard et il est indispensable que nous disposions de ce soubassement juridique pour le milieu de l'année 1999.

M. Patrick Ollier.

Vous avez déjà eu deux ans pour le faire !

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur Ollier, je n'ai pas interrompu M. Sauvadet et, quand vous présidez, vous faites régner la discipline ; donnez donc l'exemple lorsque vous siégez dans l'hémicycle.

M. le président.

Monsieur Balligand, je vais essayer d'en faire autant et je vous prie de poursuivre non pas un dialogue particulier mais votre explication de vote !

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le président, c'était à vous de dire à M. Ollier de se taire ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

J'allais le faire mais vous m'avez devancé !

M. Jean-Pierre Balligand.

François Sauvadet a parlé de M. Zuccarelli, de M. Pierret, de La Poste, des maisons de service public, et j'en passe. C'est vrai que trois textes sont sur le métier et je reconnais, au nom du groupe socialiste, que nous ne sommes pas totalement emballés d'avoir examiné un texte sur l'aménagement du territoire et un autre sur l'intercommunalité, pour en examiner bientôt un autre sur les maisons de service public et les interventions économiques.

M. Léonce Deprez.

C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Balligand.

De nombreux députés socialistes mais aussi d'autres collègues avaient demandé un seul texte et la constitution d'une commission spéciale.

Cela n'a pas été le cas mais je donne acte au Gouvernement que le rapprochement des textes dans le temps a présenté un certain intérêt. Nous avons voté la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, et, quatre jours plus tard, nous attaquions la loi Chevènement, ce qui donnait une forte cohérence au dispositif territorial. Nous n'avons donc pas eu totalement satisfaction mais le rapprochement des deux discussions a donné une force à l'ensemble.

Reste cependant la question des interventions économiques, qui nous préoccupe et sur laquelle je reviendrai.

Le troisième reproche que nous a adressé M. Sauvadet concerne le problème des porteurs de projets et la nécessité de définir des moyens dans les zones les plus pauvres.

Nous n'allons pas nous quereller sur ce point : il faut des moyens, certes, mais il faut aussi, et Mme la ministre l'a répété plusieurs fois, des porteurs de projets. Or c'est ce qui manque dans les zones rurales. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler à ceux qui ont voulu les zones de revitalisation rurale qu'il ne suffit pas de procéder à un zonage pour créer des activités. S'il n'y a pas de dossiers et pas de porteurs de projets, vous pouvez procéder à tous les zonages que vous voulez, vous n'aurez aucun résultat !

Aucun crédit ne sera consommé, et c'est terrifiant : cela prouve que la matière grise et l'existence de projets sont essentiels. Le discours de Mme la ministre ne me semble donc pas inadapté.

J'en viens à votre dernier reproche, qui concerne la simplification des compétences des collectivités locales et territoriales. Vous êtes quand même un peu hardi dans votre argumentation ! Vous êtes en fait des spécialistes de la législation à crédit. La loi Pasqua était formidable, c'était le plus grand hypermarché, les Galeries Lafayette de l'aménagement du territoire : tout en annonce, rien en réalisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Vous n'avez fait aucune des lois que vous aviez prévues dans les deux ans. Tandis que la loi Chevènement est déjà là, et elle est fondamentale pour l'infrarégional et l'intercommunalité.

Bien entendu, nous ne pouvons pas accepter cette exception d'irrecevabilité, mais j'appelle votre attention, madame la ministre, sur la question des interventions économiques. Il faut que la loi Zuccarelli vienne rapidement en discussion ; le problème du capital de proximité permettant de passer de la très petite entreprise à la PME est en effet fondamental et, d'ailleurs, Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises y est très attentive. Je souhaite, au nom de notre groupe, que vous puissiez appuyer cette demande, car cela donnerait une vraie dimension à l'aménagement du territoire en permettant le


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développement local, le développement territorial autour du capital de proximité, problème essentiel si l'on ne veut pas parler de manière uniquement incantatoire de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Le groupe du Rassemblement pour la République partage bien évidemment les considérations développées par François Sauvadet, qu'il s'agisse du refus d'une politique équipementière, du refus du volet économique, de votre prise en compte des zones rurales, ou du rôle du Parlement. Quant à moi, j'insisterai davantage sur le vrai débat qui aurait dû avoir lieu pour les vingt années à venir.

Pourquoi ce débat n'a-t-il pas eu lieu ? Tout simplement parce que, madame la ministre, vous avez déclaré l'urgence. Vous disposiez de deux ans si vous aviez voulu faire en sorte que la loi Pasqua, que vous critiquez, puisse continuer d'être appliquée. Des décrets, des ordonnances ont tout de même été pris et un certain nombre de dispositions mises en oeuvre.

Selon M. Balligand, il aurait mieux valu qu'il n'y ait qu'un seul texte, au lieu d'un texte Zuccarelli, d'un texte Chevènement et d'un texte Voynet : mais lui et ses amis se font à la situation. Eh bien, ce n'est pas notre cas.

Nous, nous disons que le texte qui nous est présenté est irrecevable et que la méthode est inacceptable : il y a carambolage, il y a confusion, il y a risque d'incohérences. On est ainsi contraint à introduire des amendements d'importance à la hâte, sur les services postaux par exemple, pour transposer la directive européenne.

Pour toutes ces raisons et compte tenu de la précipitation avec laquelle on procède, alors que nous aurions pu avoir un grand texte, le groupe du Rassemblement pour la République votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Jean-Michel Marchand.

Notre collègue s'est interrogé, à juste titre, sur la préparation des contrats de plan, mais je ne comprends pas bien la conclusion qu'il en a tirée. Nous sommes effectivement un peu pressés par le temps. Sur le terrain, nous sommes en train de discuter des contrats de plan et je ne vois par pourquoi nous perdrions du temps : nous devons légiférer car nous avons besoin des instruments législatifs nécessaires, de ceux qui nous sont proposés aujourd'hui comme de ceux qui le seront ultérieurement et que M. Balligand a évoqués.

D'un côté, M. Sauvadet a prôné le retour à la loi Pasqua. Il a par ailleurs tenu des propos un peu caricaturaux sur la différenciation entre milieu urbain et milieu rural.

Monsieur Sauvadet, je pense que vous n'avez ni lu le texte de loi ni entendu les propos de notre ministre. La complémentarité et la solidarité entre l'urbain et le rural sont prévues, tout comme la création d'emplois sur tout le territoire, afin d'éviter la concentration et la spécialisation excessive des zones d'emploi.

Il faut savoir retenir ce qui figure dans les textes et comprendre ce qui est dit ! Enfin, et c'est le comble, vous avez conclu votre propos en dénonçant une vision « étatique » et « éclatée ».

Permettez-moi de vous dire que la vision qui a prévalu n'est ni l'une ni l'autre : elle n'est pas « éclatée », et les orientations qui sont définies dans le texte de loi en offrent la preuve exactement inverse ; elle n'est pas « étatique » car le projet traduit la volonté d'associer les acteurs locaux. Nous avons donc là la preuve d'une volonté de démocratie participative.

Ne serait-ce que pour ces quelques raisons, le groupe RCV votera contre l'exception d'irrecevabilité.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour le groupe communiste.

M. Félix Leyzour.

M. Sauvadet a terminé son intervention en se référant au Larousse . Nous avons tous besoin de nous référer souvent à cet ouvrage.

(Sourires.)

Notre collègue nous a précisé que, selon le Larousse , l'adjectif « irrecevable » signifiait « qui ne peut pas être reçu, qui ne peut pas être accepté ». Je pense que personne ne discutera cette définition.

Mais M. Sauvadet aurait dû se référer aussi au règlement de notre assemblée.

M. François Sauvadet.

Je l'ai lu !

M. Félix Leyzour.

Notre règlement précise quant à lui que l'objet d'inacceptation d'irrecevabilité est « de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ».

J'avoue que je n'ai pas bien compris, en écoutant son intervention, en quoi le texte que nous avons à examiner en nouvelle lecture serait contraire à la Constitution.

M. François Sauvadet.

Vous êtes procédurier !

M. Félix Leyzour.

M. Sauvadet a exposé les raisons politiques de l'UDF et de l'opposition de s'en prendre aux orientations de la politique gouvernementale, ce qui est de bonne guerre. Mais nous ne sommes pas obligés de le suivre sur ce terrain.

M. Alain Cacheux.

Surtout pas !

M. Félix Leyzour.

En tout cas, cela n'est pas suffisant pour que nous n'engagions pas la discussion aujourd'hui, d'autant plus qu'elle nous permettra d'éclairer un certain nombre de points qu'a évoqués M. Sauvadet. Ce n'est pas en la renvoyant que nous pourrons approfondir les points sur lesquels il a insisté : c'est au contraire en l'engageant dès aujourd'hui.

Voilà pourquoi notre groupe votera contre l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean Proriol.

Madame la ministre, François Sauvadet vous a posé de nombreuses questions en soutenant une exception d'irrecevabilité. Nous n'avons pas, et je le déplore, obtenu beaucoup de réponses, ni de votre part ni de celle du rapporteur.

M. Alain Cacheux.

Cela va venir !

M. Jean Proriol.

Rien, ou presque, sur les fonds structurels ! Rien sur les contrats de plan ! Rien sur la vision

« éclatée » que traduit le projet de loi ! Le groupe Démocratie libérale a apprécié le travail du Sénat. D'ailleurs notre rapporteur, dans un article qui a eu quelques échos et qui est paru dans la Tribune , a reconnu que le Sénat avait enrichi le texte. Malheureusement, son attitude en commission comme son exposé de tout à l'heure vont à l'encontre de cette belle déclaration journalistique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

François Sauvadet a montré que nous avions une autre vision de l'aménagement du territoire. C'est pour cela que le groupe Démocratie libérale votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois de plus, nous allons nous trouver en désaccord avec une partie de l'hémicycle. Je suis désolé de venir renforcer les excellents arguments développés par M. Sauvadet, mais ces arguments étaient excellents.

M. Jean-Louis Idiart.

Insuffisants plutôt !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Idiart, vous qui êtes un élu de la montagne, vous devriez être encore plus sensible que nous aux arguments développés car on sait à quel point, dans le texte, les zones défavorisées et les zones de montagne ont été oubliées.

Je vais donc défendre une question préalable déposée par le groupe du RPR. Et, puisque M. Leyzour est un fin connaisseur du règlement...

M. Félix Leyzour.

Il suffit de le lire !

M. Patrick Ollier.

... je lui dirai que, aux termes de son article 91, alinéa 4 - lisez-le bien, chers collègues -, l'objet d'une question préalable est « de faire décider par l'Assemblée nationale qu'il n'y a pas lieu à délibérer ».

Je vais essayer, mesdames, messieurs, pendant les quelques instants qui me sont impartis, de vous convaincre qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le texte qui nous est soumis. Tout au long de ma démonstration, je répéterai ce qui a déjà été dit.

Ainsi que vous l'avez relevé, madame la ministre, M. Sauvadet a développé des arguments qui vous ont déjà été opposés. Il est vrai qu'entre les lectures de l'Assemblée et du Sénat, nous n'avons trouvé aucun argument nouveau que nous puissions vous opposer, si ce n'est que vous n'avez pas accepté de vous engager dans la logique d'amélioration du texte proposé par le Sénat.

Il n'en reste pas moins qu'il me paraît important, pour respecter le règlement, de démontrer que ce projet de loi n'est pas opportun. Il a d'ailleurs été rarement aussi facile de mettre en évidence devant notre assemblée qu'un texte ne correspond pas aux ambitions affichées par le Gouvernement, que celui qui nous est soumis n'avait pas lieu d'être présenté et qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'en délibérer. La raison en est simple : ainsi que M. Sauvadet l'a très bien dit, ce projet de loi n'était pas nécessaire pour engager vraiment et mettre en oeuvre une politique d'aménagement du territoire qui se veuille imaginative et volontariste, comme nous le souhaiterions. Il suffisait simplement de poursuivre sur le chemin ouvert par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », promulguée en 1995.

Je sais, madame la ministre, qu'il est très désagréable d'entendre répéter les mêmes arguments. Mais comment ceux qui ont travaillé, sur tous les bancs de cet hémicycle, qu'il soient de gauche ou de droite, à ce texte fondateur pour l'aménagement du territoire, peuvent-ils accepter qu'il passe par pertes et profits et que le grand espoir né au niveau des collectivités territoriales et des acteurs locaux de l'aménagement du territoire puisse être complètement inhibé par la manière dont vous engagez votre politique ? Je trouve cela extrêmement désagréable, non par pour ceux qui ont travaillé, mais pour le temps perdu pour l'aménagement du territoire.

M. François Sauvadet.

Très juste !

M. Patrick Ollier.

Il vous était facile d'appliquer le texte que nous avions promulgué, d'autant que l'on vous a entendue, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, affirmer que votre projet de loi respectait la ligne générale de la loi Pasqua.

Nous ne comprenons pas comment un gouvernement qui trouve une loi d'orientation votée deux ans avant son arrivée au pouvoir et élaboré pour vingt ans - il mettait en place un édifice très important, il prévoyait une hiérarchie dans l'application des textes et la mise en oeuvre des procédures - décide d'un trait de plume que ce texte n'a pas de valeur, qu'il doit être remis en cause, et qu'il faut en préparer un nouveau.

Voilà pourquoi nous sommes très déterminés pour dénoncer et la méthode et le texte que vous présentez.

Vous auriez pu respecter les étapes proposées. Vous auriez pu, comme M. Sauvadet l'a dit, faire fonctionner les instruments créés, dégager les moyens financiers nécessaires à leur fonctionnement, préparer les lois nouvelles prévues, car tout avait été préparé dans les moindres détails. Ces lois, tout aussi indispensables que le premier texte, auraient dû être présentées au Parlement.

Au lieu de cela, vous avez préféré une démarche que nous avons qualifiée de politicienne. Très sincèrement, cela nous étonne de votre part ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il est vrai que ce n'est pas mon genre ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

On le croyait, mais vous avez des défauts cachés ! En tout cas, nous ne vous connaissions pas celui-là ! (Sourires.)

Nous nous attendions à ce que vous adhériez à la logique consensuelle que nous avions voulu établir et que vous acceptiez, dans le cadre du débat démocratique, de faire en sorte que nous puissions améliorer ce qui avait été fait. Ainsi, tous ensemble, nous aurions pu nous engager résolument dans la politique d'aménagement du territoire. Mais vous avez préféré, à la faveur d'une démarche politicienne, avoir votre texte à vous, ce qui est bien regrettable. Il en est malheureusement ainsi quand les gouvernements se succèdent, qu'ils soient de droite ou de gauche. Il y a tous les risques pour que cela se reproduise demain, lorsque l'alternance se produira...

M. Jean-Louis Idiart.

On n'y est pas encore !

M. Patrick Ollier.

Aussi veillerons-nous à ce qu'il en soit autrement.

Plutôt que de conserver ce qui a été fondé sur un grand débat national qui a duré un an et sur la volonté consensuelle des élus et des acteurs locaux, vous avez sou-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

haité, pour que la gauche dite « plurielle » ait sa loi d'aménagement du territoire, geler pendant deux ans l'application de la loi Pasqua et tourner le dos à la politique qui avait été engagée. Et c'est bien la perte de ces deux ans que nous regrettons, et que nous vous reprochons.

La gauche passe son temps, depuis que nous avons commencé de discuter de votre texte dans cette assemblée, à pousser des cris d'orfraie, faisant valoir que la loi Pasqua n'a pas été appliquée et donc qu'elle n'est ni valable ni efficace.

M. Jean-Louis Idiart.

Même Pasqua le dit !

M. Patrick Ollier.

Je ferai en sorte, monsieur Idiart, de répondre à ces accusations. Mais je m'interroge sur ce que doivent penser les élus et les acteurs locaux du développement économique.

J'ai entendu en commission une députée qui siège de votre côté nous expliquer qu'elle avait cru à l'élan de la loi Pasqua et à la possibilité de changer les choses par la volonté du politique, que cette loi avait fait naître chez elle un grand espoir, mais qu'elle avait été déçue par la suite. C'est cette déception que je vais m'acharner à expliquer. Je veux en effet, par cette question préalable, convaincre l'Assemblée nationale qu'il n'y a pas lieu à débattre...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Vous aurez du mal !

M. Patrick Ollier.

C'est justement de vous que je parlais à l'instant, madame ! Je veux aussi convaincre l'Assemblée qu'il existe une autre solution qui consisterait, à partir des bases que nous avions jetées à améliorer avec vous ce qui avait été fait.

Tout à l'heure, M. Balligand a essayé, mais il n'est plus là...

M. Jean-Louis Idiart.

Il va revenir !

M. Patrick Ollier.

J'espère. J'ai bien compris que

M. Balligand et d'autres étaient venus juste pour voter.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout.

Il connaît votre discours !

M. Jean-Louis Idiart.

Vous exagérez, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier.

C'est pourtant la vérité. Les bancs se sont subitement éclaircis sur le côté gauche de l'hémicyle ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout.

On vous a suffisamment entendu, monsieur Ollier !

M. le président.

Monsieur Ollier, revenez à votre question préalable.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président, je m'en remets à votre sagesse. Vous avez raison de me remettre dans le droit chemin et je vous prie de m'excuser de m'être égaré. (Sourires.)

Madame la ministre, vous répétez depuis un an que la loi Pasqua n'est pas appliquée et qu'il faut donc la changer.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai dit qu'elle n'était « pas applicable » !

M. Patrick Ollier.

Je dis bien : « pas appliquée » car est applicable ce que l'on applique et ce que l'on a la volonté d'appliquer. Or cette loi n'a pas été appliquée, et c'est bien le problème.

M. Pierre Ducout.

Vous ne l'avez pas appliquée non plus !

M. Patrick Ollier.

Tous les représentants de la gauche plurielle clament depuis un an, comme une litanie, que la loi Pasqua n'est pas appliquée...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pas applicable !

M. Patrick Ollier.

... et qu'il faut la changer.

Je n'insisterai pas trop sur la période 1997-1998...

M. Pierre Ducout.

Sur 1997, il ne vaut mieux pas, en effet !

M. Patrick Ollier.

Madame la ministre, vous êtes responsable depuis deux ans de la politique de l'aménagement du territoire. Or, pendant ces deux années, vous n'avez pas voulu appliquer les dispositifs essentiels de la loi Pasqua. Alors ne dites pas qu'elle n'est pas applicable ! C'est vous qui n'avez pas voulu l'appliquer.

Nous allons le rappeler à longueur d'articles et d'amendements, car c'est pour nous extrêmement important. Au risque de vous lasser, je dirai encore qu'on ne peut pas, uniquement parce que vous avez décidé de tourner la page, faire comme s'il ne s'était rien passé en 1995. Uniquement parce que la gauche plurielle veut avoir « son » texte, va-t-on expliquer aux Françaises et aux Français que ce que nous avions engagé ou fait dans ce pays n'était pas utile à notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A partir de là, madame la ministre, mes chers collègues, il va bien falloir que vous acceptiez d'entendre répéter, point par point - M. Sauvadet l'a fait et M. Poignant le fera tout à l'heure -, les différences qui existent entre votre projet de loi et cette loi d'organisation et d'aménagement du territoire sur laquelle vous avez tiré un trait pour présenter le texte dont nous avons à débattre. Votre attitude est politicienne et je la trouve médiocre parce que la France et son développement sont victimes de votre obstination politique. Ce ne sont pass eulement nos petites communes rurales, les zones urbaines fragiles qui pâtissent de vos ambitions politiciennes et du choix idéologique que vous avez fait.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

Elle ne faisait que créer les instruments nécessaires à la mise en place d'un équilibre parfait entre les territoires, pour éviter justement que l'on ne penche trop vers l'un ou vers l'autre. Ces instruments auraient pu fonctionner. Vous avez fait un choix différent. Ce choix n'est pas bon, madame la ministre. Il n'est donc pas utile de discuter de votre texte et il serait préférable que la question préalable soit adoptée.

Les dispositions d'application de la loi de 1995, prévue pour vingt ans, n'auraient pas été prises selon vous. Je tiens, bien sûr, à votre disposition tous les textes. Votre argument est faux ; c'est un faux-semblant. Il n'est pas honnête, de la part de la gauche plurielle, de nous l'opposer. Je préférerais que vous nous expliquiez point par point en quoi nous nous sommes trompés, pourquoi la loi que nous avons votée, les décrets, les arrêtés que nous avons pris ne sont pas bons. Je voudrais que vous nous expliquiez techniquement quelle est la bonne logique que vous défendez et la mauvaise logique qui était la nôtre.

M. François Sauvadet.

Très bien ! Ce sont toutes les populations, toutes celles et ceux qui, au-delà des collectivités territoriales, au-delà de l'organisation du territoire, attendaient que l'on s'engage


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

dans cette politique d'organisation, de développement des richesses, de création des activités nécessaires pour empêcher la désertification des zones rurales fragiles tout en assurant une symétrie absolue, comme nous avions voulu le faire. A cet égard, je ne peux pas accepter de vous entendre toujours dire que la loi Pasqua est purement ruralo-rurale, qu'elle privilégie le monde rural. Elle ne faisait que rattraper un retard extrêmement grave et préjudiciable pour celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Au-delà de tout débat politicien, j'aurais aimé que, point par point, argument par argument, vous nous opposiez un vrai projet d'aménagement du territoire et non cette litanie permanente selon laquelle, la loi Pasqua n'étant pas appliquée, il faut la changer.

Promulguée en 1995, la loi Pasqua a fait l'objet dès mars 1996 - vous ne pouvez pas l'ignorer, madame la ministre -, soit un an après, de quarante-deux textes d'application. Pourquoi ces textes n'ont-ils pas été mis en oeuvre ? Je me souviens des quarante-deux contrats de pays lancés par votre prédécesseur ou des directives territoriales d'aménagement, notamment dans le Sud-Est et les Alpes, qui ont été, à tort ou à raison, expérimentés.

Deux ans après son vote, madame la ministre, c'est-àdire au moment de votre arrivée au pouvoir, cette même l oi disposait de 102 textes d'application ! Trouvez d'autres exemples de lois aussi importantes dont les textes d'application sont sortis aussi vite ! Je ne parlerai pas de la loi montagne, très importante pour certains d'entre nous, adoptée en 1985 et dont certaines dispositions ne sont toujours pas mises en oeuvre en 1999, alors que nous approchons de l'an 2000.

Vous savez très bien qu'il n'était pas facile de sortir autant de textes d'application. Lorsque vous êtes arrivée au pouvoir, quarante-six décrets, cinquante-trois arrêtés et circulaires, deux lois et une ordonnance étaient à votre disposition, madame la ministre. Pour travailler ce n'était pas si mal ! Qu'en avez-vous fait ?

M. François Sauvadet.

Rien !

M. Patrick Ollier.

Qu'avez-vous fait entre 1997 et aujourd'hui, si ce n'est répéter sans cesse que la loi Pasqua n'avait pas été appliquée et qu'il fallait la changer ? Au regard de l'histoire, je tiens à ce que demain ou aprèsdemain, lorsque certains, à l'aube du troisième millénaire, reviendront en arrière et se pencheront sur la politique d'aménagement du territoire, on se souvienne que ce grand dessein, ce grand espoir que nous avions fait naître dans le pays a été...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Déçu !

M. Patrick Ollier.

... brisé. C'est vous, madame PérolDumont, qui l'avez dit en commission.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mais la démonstration a été faite de l'inapplicabilité !

M. Patrick Ollier.

C'est vous qui avez dit que vous y aviez cru et que vous aviez été déçue. Et je suis en train d'expliquer que si vous avez été déçue, c'est parce que le Gouvernement que vous soutenez depuis 1997, depuis deux ans qu'il est au pouvoir, n'a même pas essayé d'appliquer cette loi...

M. Michel Bouvard.

Il a même essayé d'en supprimer certaines dispositions !

M. Patrick Ollier.

... et qu'il l'a, au contraire, totalement gelée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je souhaite que l'histoire retienne que, ce faisant, vous ne servez pas l'intérêt du pays. M. Sauvadet l'a dit tout à l'heure ; je le fais maintenant, MM. Proriol, Coussain, Poignant, tous les autres inscrits de l'opposition dans le débat, M. Lenoir ensuite, vous le rappelleront.

Comment pouvez-vous soutenir que la loi Pasqua n'aurait pu être opérationnelle sur le terrain, vous qui avez tout stoppé en 1997 ? Comment pouvez-vous prétendre que nous n'avons pas fait le nécessaire pour qu'elle monte en puissance et dispose des moyens administratifs et techniques nécessaires pour sa mise en oeuvre ? Tout à l'heure j'ai entendu parler des finances. Mais depuis 1997, c'est vous qui faites voter les lois de finances !

M. Jean-Louis Idiart.

Avant, il y avait Juppé !

M. Patrick Ollier.

C'est vous qui dotez les budgets ! C'est vous qui assurez la corrélation entre les moyens financiers et les instruments !

M. Patrick Rimbert.

Moyens que vous nous avez toujours refusés !

M. Patrick Ollier.

Et vous me donnez l'occasion de vous rappeler, chers collègues de la majorité, que vous n'avez pas mis en face des dispositions de la loi Pasqua les moyens financiers nécessaires pour l'appliquer.

M. Jean Besson.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

En gelant financièrement l'application de cette loi, vous avez préparé le terrain pour le texte de Mme Voynet.

M. Jean-Louis Idiart.

Et la responsabilité de M. Balladur !

M. Patrick Ollier.

Voilà donc l'une des principales raisons - j'en trouverai d'autres puisque nous avons du temps devant nous - du dépôt de cette question préalable. Il n'y a pas lieu de débattre, car le Gouvernement dispose de tous les moyens nécessaires pour conduire une grande politique d'aménagement du territoire et on ne peut faire semblant de l'ignorer. Qu'il le fasse et il trouvera ici, sur les bancs de l'opposition, des députés soucieux d'améliorer ce qui aurait dû être engagé, mais que vous n'avez malheureusement pas voulu mettre en oeuvre soucieux de travailler comme l'a fait le Sénat - M. Sauvadet l'a très bien expliqué. Nos collègues sénateurs ont en effet eu le grand mérite d'appréhender ce texte avec une volonté de l'améliorer...

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

... et de le reconstruire selon la ligne que vous aviez vous-même indiquée, madame la ministre.

Mais même cela, vous ne l'avez pas accepté ! Alors, certes il y a la logique du gouvernement JospinVoynet et la logique de l'opposition, et M. le rapporteur a raison de dire que ces deux logiques ont du mal à se concilier. Je le comprends tout à fait aujourd'hui après ce que j'ai vécu en commission mixte paritaire, après ce qui s'est passé au Sénat et la manière, monsieur le rapporteur, dont vous revenez, d'une manière quasiment manichéenne et systématique au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Vous nous dites que vous ne changez que vingt articles de la loi Pasqua, que c'est un texte de modification, sans plus, comme si vous n'aviez pas le courage de vos opinions ! Mais dites la vérité ! Parce qu'en en changeant vingt articles, vous désossez complètement la loi Pasqua, vous la déstructurez totalement et je vais essayer de l'expliquer !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

Vous dénaturez complètement l'architecture de la loi d'orientation que nous avions fait promulguer ; vous en modifiez les fondements, car vous vous inscrivez dans une logique diamétralement opposée à la nôtre. On ne peut pas vous le reprocher, en revanche nous avons le droit de ne pas l'accepter. Ce n'est pas un texte de modification, c'est un texte de rupture que vous nous proposez. Voilà aussi pourquoi l'opposition souhaite que cette question préalable soit adoptée. En effet, nous n'acceptons pas cette rupture avec une loi d'orientation qui représentait tant d'espoir pour les vingt années à venir.

Pour les vingt années à venir la France a besoin d'une vraie politique d'aménagement du territoire qui soit ambitieuse, déterminée, mais aussi consensuelle si l'on veut qu'elle ait une chance de réussir. Or ce n'est pas en ayant des positions que nous avons qualifiées, à juste titre, de sectaires ou de dogmatiques que vous arriverez, madame la ministre, à réaliser sur le terrain, avec les élus locaux et les acteurs de l'aménagement du territoire, le consensus que nous avions pensé pouvoir établir avec le texte de 1995.

Tout d'abord, une loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable - nous sommes d'accord sur ce point - du territoire devrait avoir pour première ambition de rétablir les équilibres territoriaux et de compenser les handicaps. Je vous ai entendue en parler tout à l'heure mais, au-delà des pétitions et des déclarations d'intention, je souhaiterais que le texte apporte, dans les mécaniques qu'il devrait mettre en place, de véritables réponses à ces questions déterminantes.

Une loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire devrait créer les instruments du développement local. Il est important que cette part décisive dans le rééquilibrage des territoires puisse être prise en compte. Une loi d'orientation devrait aussi mettre en place les moyens de la péréquation nécessaire pour établir une justice territoriale entre les régions les plus riches et les régions les plus pauvres. Elle devrait, enfin, pour avoir une chance de réussir et d'atteindre ses objectifs, se donner les moyens d'une nouvelle organisation territoriale.

Tout cela était le fondement même de notre politique en 1995. Préserver la richesse là où elle existe, mettre en place les conditions du développement, recréer cette richesse là où elle a disparu, c'était et c'est toujours l'obsession de celles et ceux qui sont toujours résolus à instaurer cette politique. Peut-être sommes-nous trop cartésiens dans notre démarche ! J'accepterais volontiers que l'on nous reproche d'avoir, sur la méthode en tout cas, une vision par trop hiérarchisée, par trop organisée. Mais est-ce un défaut d'être organisé pour pouvoir soutenir u ne politique volontariste ? Peut-être faudrait-il, au contraire, comme le propose aujourd'hui la gauche plurielle, être inattendu dans ses propositions, voire fantaisiste ! Notre démarche, quant à elle, est plutôt logique.

Nous avons souhaité fixer des objectifs, les plus ambitieux possible, à la politique d'aménagement du territoire et préparer, après un long débat populaire, après une concertation de terrain qui n'existe malheureusement plus aujourd'hui,...

M. François Sauvadet.

C'est tout à fait vrai !

Mme Nicole Feidt.

Pourquoi avez-vous été battus en 1997 ?

M. Patrick Ollier.

... un schéma national d'aménagement et de développement du territoire fixant le cadre au sein duquel auraient dû s'inscrire les schémas sectoriels qui, eux, déclinent, secteur par secteur, les équipements et les services à mettre en place. Cette méthode était simple et logique, c'est vrai. Mais nous avons pensé en notre for intérieur et avec toute la sincérité qui est la nôtre que c'était une méthode efficace et que nous aurions les moyens, avec le schéma national, avec les schémas sectoriels déclinés activité par activité, d'organiser le maillage de ce territoire qui nous est si cher. Enfin, nous avions souhaité faire décider par le Parlement de ce schéma national d'aménagement et de développement du territoire,...

M. Christian Jacob.

Et ça, la gauche ne l'a pas voulu !

M. Patrick Ollier.

... car seul le Parlement peut engager une telle politique sur les vingt ans à venir.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il a raison !

M. Patrick Ollier.

Il est inconcevable que le Parlement soit exclu...

M. Michel Bouvard.

Et méprisé !

M. Patrick Ollier.

... des décisions fondamentales pour l'avenir du territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Le Gouvernement méprise le Parlement !

M. François Sauvadet.

M. Ollier a raison !

M. Patrick Ollier.

Oh, monsieur Sauvadet, je sais que nous sommes tout à fait d'accord sur ce point, comme sur beaucoup d'autres d'ailleurs. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Riez, chers collègues, mais je sais que nous sommes aussi d'accord avec beaucoup d'entre vous sur ce point-là, et ce que nous n'acceptons pas dans ce débat sur l'aménagement du territoire, c'est d'avoir vu une majorité reconnaissant le rôle du Parlement voter en commission un dispositif remettant en cause ce que vous aviez prévu, madame la ministre, et excluant le Parlement. Hélas, monsieur le rapporteur, nous avons vu la majorité renier ses engagements, « avaler son chapeau » - passez-moi l'expression ! - en séance publique. Eh oui, c'est vous, mesdames, messieurs de la majorité, qui avez renoncé à intervenir sur la mise en oeuvre des schémas de services collectifs,...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Vous parlez de quoi ?

M. Patrick Ollier.

Enfin, nous avions souhaité engager des schémas dans les régions, mettre en place un dispositif de péréquation entre régions riches et régions pauvres, aider les zones rurales et urbaines les plus défavorisées par la mise en place d'incitations liées à la fiscalité dérogatoire, prévoir les équipements structurants dont notre pays a besoin, notamment pour les transports - M. Bouvard en parlera tout à l'heure. A ce propos, comment peut-on imaginer une politique d'aménagement du territoire qui oppose les équipements aux services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Cette seule raison suffirait à justifier le vote de la question préalable. Il ne faut surtout pas accepter ce texte. On vous a en effet entendu, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous expliquer en commission, et encore en commission mixte paritaire, que les propositions du Sénat étaient « équipementières ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. Christian Jacob.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

Mais si l'on veut être efficace en matière d'aménagement du territoire, il faut des équipements pour que les services puissent fonctionner. Il n'y a pas de choix à faire entre une politique privilégiant des équipements et une politique privilégiant des services. En revanche, il est fondamental de mettre en place les équipements qui permettront aux services de fonctionner. Et c'est ce que nous avions voulu faire, notamment pour créer les conditions du maintien des services publics sur l'ensemble du territoire.

La loi de 1995 avait en effet proposé une nouvelle organisation territoriale à partir du pays. Vous l'avez retenue, c'est vrai, mais vous l'avez tellement transformée que je ne suis pas sûr qu'elle corresponde à ce qu'elle était au départ.

Nous avons également prévu un ensemble de lois qui auraient dû poursuivre la mise en place de la politique d'aménagement du territoire et la compléter. Un projet de loi sur l'avenir du monde rural était rédigé lorsque vous êtes arrivée, mais il a disparu des tiroirs du Gouvernement. Il est aberrant de ne pas proposer une loi sur la clarification des compétences !

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

Des textes sur la péréquation financière ou sur la réforme de la fiscalité locale étaient prévus également. Le chantier était colossal, il s'ouvrait pour les vingt années à venir, c'est vrai, mais nous avions prévu les différentes étapes à suivre. Or vous faites comme s'il n'en avait rien été, et c'est bien ce que nous condamnons dans votre démarche.

Le texte de 1995 méritait tous nos efforts, toute notre détermination. Il aurait aussi mérité que vous poursuiviez la politique engagée et que vous évitiez d'en faire le champ d'une confrontation politicienne. En effet, ce n'est pas en créant les conditions d'une opposition frontale sur l'aménagement du territoire que l'on convaincra les élus locaux, les acteurs locaux de l'aménagement du territoire de s'associer aux décisions du Parlement. Croyez-vous que les élus locaux, ruraux ou urbains, que les acteurs du développement local se soucient de savoir si c'est un texte Pasqua ou un texte Voynet qu'ils appliquent ? Je ne le pense pas, madame la ministre. Ils veulent des actes, des moyens. Ils veulent surtout ne pas perdre de temps. C'est tout ce qu'ils veulent ! Et ils vous condamnent avec toute la force nécessaire ; nous le constatons tous les jours sur le terrain.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Nous ne devons tous pas entendre la même chose !

M. Patrick Ollier.

Nous ne devons pas participer aux mêmes réunions, monsieur le rapporteur.

Ils regrettent amèrement que ces deux années aient été perdues. Quant à moi, je prends le pari que vous allez encore perdre au moins une année, peut-être plus hélas, avant de publier les textes d'application de la loi. Au total, cela fera plus de trois ou quatre années de perdues.

Madame la ministre, vous n'avez pas non plus beaucoup aidé vos propres députés dans cette démarche. Car vous les avez obligés et vous allez encore les obliger à revenir sur des initiatives prises en commission et qui nous auraient peut-être permis de nous retrouver dans la démarche consensuelle souhaitée par l'opposition.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Oh ! On se retrouvera ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Il ne faut pas en rire, madame la ministre. Vous n'étiez pas en commission. Vous n'avez donc pas pu apprécier l'ambiance positive qui y régnait avant la première lecture.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

Nous avions cru, après les votes acquis en commission, que la majorité aurait le courage de dire : « Ce texte n'est pas bon ; il nous faut l'améliorer avec le soutien de l'opposition ; le Parlement doit s'exprimer. »

M. François Sauvadet.

Balligand l'a dit !

M. Patrick Ollier.

Et notre rapporteur l'avait dit aussi en commission. Mais le Gouvernement est passé par là et toutes ces idées constructives, positives, voire consensuelles, ont été gommées à cause de cette volonté qui n'appartient qu'à vous, madame, d'en revenir au texte initial.

Ne vous étonnez pas de nous entendre parler d'idéologie et de sectarisme car, pendant la première lecture - et c'est bien pourquoi nous entendons mettre un terme à la deuxième en faisant adopter la question préalable - à tous les arguments développés sur les bancs de l'opposition, vous avez opposé soit un silence inquiétant, soit un refus systématique et non argumenté de nos propositions.

Comprenez que nous ne puissions l'accepter et que nous dénoncions dès lors ce que nous appelons du sectarisme et de l'idéologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Ducout.

Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Patrick Ollier.

Il suffit, cher collègue, de se reporter au Journal officiel pour constater que mes propos n'ont rien d'excessif. Et je les tiens, vous l'admettrez, avec calme et sérénité.

C ette intolérance était plus manifeste encore en commission mixte paritaire. Avant même que le débat ne s'ouvre entre les représentants des deux assemblées, vous avez déclaré, monsieur le rapporteur, qu'il ne serait pas possible de conclure un accord. C'est stupéfiant ! Depuis dix ans que je suis député, j'ai participé à bon nombre de commissions mixtes paritaires. Eh bien, c'est la première fois que j'entendais un rapporteur, quelles que soient par ailleurs ses qualités, annoncer, sans même attendre que le Sénat ait expliqué sa position, que l'échec était inévitable.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je répondrai.

M. Patrick Ollier.

Mais je l'espère bien, monsieur le rapporteur. Souffrez néanmoins que nous jugions votre attitude dogmatique et sectaire.

M. François Brottes.

Vous exagérez !

M. Patrick Ollier.

Je veux bien retirer « sectaire », monsieur Brottes,...

M. Philippe Duron, rapporteur.

Merci ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

... mais « dogmatique », je le maintiens.

M. Patrice Martin-Lalande.

Dogmatique et fermée.

M. Patrick Ollier.

Oui, ce qui est moins définitif que sectaire, car on peut toujours rouvrir une porte fermée.

Et croyez-bien que cette porte-là, nous ferons en sorte de la rouvrir en relançant le débat de l'aménagement du ter-


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ritoire sur les bases consensuelles qui ont toujours été celles de l'opposition, dans deux ans, lorsque l'alternance jouera. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Jusqu'à maintenant, vous aviez les pieds sur terre. Gardez-les !

M. Patrick Ollier.

Ne vous inquiétez pas, madame la ministre, je vais rester bien accroché à ce pupitre, car j'ai la ferme intention de continuer à développer les arguments de l'opposition.

Comprenez, monsieur le rapporteur, que nous puissions ne pas être d'accord avec la manière dont vous avez traité la commission mixte paritaire. Que vous ne souhaitiez pas sortir du schéma qui vous a été imposé par le Gouvernement, on peut le comprendre, mais on peut aussi ne pas l'accepter, et nous ne l'acceptons pas.

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est une vision romanesque !

M. Patrick Ollier.

Non, car quand on a la liberté d'agir et la volonté de convaincre, on dialogue, on discute, on débat, en défendant ses arguments avec conviction et ardeur. Ensuite seulement, on constate qu'on n'est pas à même de convaincre et alors on décide. Mais on ne décide pas que l'on échouera avant même d'avoir engagé le débat.

M. Patrice Martin-Lalande.

Vous avez raison !

M. Patrick Ollier.

Pourquoi, chers collègues, ne pas vous être inscrits dans la logique du Sénat, puisque vous êtes si sensibles, dites-vous, à la volonté d'établir un consensus dans cet hémicycle ? Pourquoi n'avez vous pas accepté les évolutions considérables et positives que le Sénat a imprimées à ce texte ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Considérables, oui.

Positives, c'est moins sûr !

M. Patrick Ollier.

Les sénateurs ont effectué un travail remarquable et très constructif, en adoptant, point par point, des amendements qui enrichissent le texte sans en changer pour autant l'économie générale. Pourquoi, si vous êtres sincères lorsque vous parlez de rapprochement des points de vue et de consensus, ne pas avoir accepté la méthode proposée par le Sénat ? Vous me répondrez bien sûr que la commission a retenu des amendements du Sénat. Combien ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Neuf !

M. Patrick Ollier.

Merci, monsieur le rapporteur, de reconnaître l'indigence du chiffre.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Et combien le Sénat a-t-il gardé d'articles de l'Assemblée nationale ?

M. Patrick Ollier.

Vraiment, quelle concession vous faites là au Sénat ! Neuf amendements que la majorité plurielle concède à l'opposition pour toute preuve de sa volonté de consensus. Neuf !

M. François Sauvadet.

Et mineurs, de surcroît !

M. Patrick Ollier.

On connaît, chers collègues, votre obstination à tenter de dévaloriser la Haute assemblée.

Souffrez là aussi que nous ne partagions pas votre point de vue et que nous jugions essentiel le rôle du Sénat dans les institutions de la République...

M. Jean-Louis Idiart.

Opinion que les gaullistes ont toujours soutenue ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

... surtout lorsqu'il contribue, comme c'est le cas, à enrichir et à améliorer un texte.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Caricature !

M. Patrick Ollier.

Non, défense d'institutions auxquelles nous croyons.

Vous avez donc refusé cette logique consensuelle. Je le regrette et nous devons tous le regretter, car nous aurions pu nous retrouver dans cette démarche. M. Sauvadet au nom de l'UDF, M. Lenoir au nom de Démocratie libérale, M. Poignant au nom du RPR étaient prêts, ils en témoigneront tout à l'heure, à vous dire : « Chiche ! Travaillons avec le Sénat et faisons en sorte de sortir des ornières d'ores et déjà tracées par le Gouvernement afin de nous retrouver sur un texte constructif. » On ne peut

admettre que vous ayez refusé cette démarche.

M. Daniel Marcovitch.

A quoi sert l'Assemblée nationale s'il suffit d'écouter le Sénat ?

M. Patrick Ollier.

Si nous avons déposé cette question préalable, c'est aussi parce que vos décisions font fi du processus démocratique.

M. Pierre Ducout.

C'est la Constitution de la Ve République !

M. Patrick Rimbert.

Supprimons l'Assemblée nationale !

M. Patrick Ollier.

Vous ne croyez pas si bien dire, monsieur Rimbert, car vous l'avez supprimée pour l'aménagement du territoire. Ne vous inquiétez pas, j'y viendrai.

Vous avez donc accepté, monsieur le rapporteur, quelques amendements « alibis » provenant du Sénat et écarté les autres qui concernaient l'essentiel du projet de loi. En réalité, vous êtes revenu systématiquement au texte adopté en première lecture par l'Assemblée. Voilà pourquoi nous sommes aussi catégoriques dans nos refus.

En procédant de la sorte, le Gouvernement et la commission reviennent sur des acquis que nous considérons essentiels. Je vais rapidement les décliner.

Les deux logiques en présence sont tellement différentes qu'elles peuvent apparaître opposées. Il y a la démarche de l'opposition, fondée sur la concertation, sur le rôle des élus, sur la cohérence nationale, sur le dynamisme économique, sur le rôle du Parlement, sur la solidarité et la justice territoriale qui sont indispensables pour éviter cette fameuse fracture territoriale que nous craignons tant. Et puis il y a votre politique, celle de la gauche plurielle, dont les acteurs locaux vont très rapidement percevoir les faiblesses et les défauts.

J'insisterai sur quatre ou cinq points essentiels que nous ne pouvons accepter dans la démarche du Gouvernement.

Tout d'abord - vous voudrez bien m'excuser de me répéter mais je dois le faire pour que l'histoire retienne ce qu'il y a de fondamentalement différent entre nous ...

M. Patrice Martin-Lalande.

La pédagogie est l'art de la répétition !

M. Patrick Ollier.

... la suppression du schéma national d'aménagement et de développement du territoire est une décision grave, qui va priver de la cohérence nationale nécessaire l'ensemble des dispositions de votre texte. Tout le monde, le Conseil économique et social - on l'a vu à cette tribune avec son rapporteur - les syndicats, même la CGT, et l'on ne peut pas dire que j'en sois un fervent défenseur...

M. Félix Leyzour.

Le « même » est de trop, c'est dévalorisant !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. Patrick Ollier.

La CGT, c'était pour vous faire plaisir, monsieur Leyzour.

... les chambres consulaires, les élus locaux, les conseils généraux, représentés par l'association de leurs présidents, et même les présidents de région, tout le monde, dis-je, a d e manière unanime, condamné la suppression du schéma national d'aménagement du territoire.

Je comprends encore, madame la ministre, que vous ne vouliez pas nous écouter, nous, mais eux, qui représentent les activités économiques de proximité, vous pourriez tout de même les entendre ! Or, tous vous ont dit qu'il fallait préserver cet élément indispensable de cohésion nationale, mais aussi de cohérence qu'est le schéma national d'aménagement du territoire. Vous nous répondez systématiquement depuis un an, emboîtant le pas à vos services qui ont tranché bien avant vous :

« Comme on ne sait pas faire ce schéma national, on va le supprimer ! » Quelle admirable preuve de l'autorité du Gouvernement ! Je ne vais pas passer mon temps à brandir l'avantprojet - ce serait fastidieux -mais il existe et ce n'est pas fait pour vous plaire. Car si nous l'avons réalisé, c'est qu'il était réalisable.

Que les choses soient claires, madame la ministre : quand M. Balladur et M. Pasqua ont voulu imposer le schéma national d'aménagement du territoire, ils ont eu tout le monde contre eux : je veux dire tous les responsables des différents ministères, toute cette technocratie contre laquelle nous nous battons - nous comme vous, je l'espère - et qui, des finances à l'équipement et jusqu'au ministère de l'aménagement du territoire - avait décrété : surtout pas de schéma national d'aménagement du territoire ! surtout pas d'organisation nationale qui constituerait un élément de référence trop durable dans le temps et nous obligerait à réaliser ce qui a été décidé tout au long des années pour lesquelles elle a été prévue. Il a fallu toute l'autorité du Premier ministre et de M. Pasqua pour faire taire ces voix-là. Ils ont réussi à redonner au pouvoir politique son autorité en faisant adopter le principe d'un schéma national contre la technocratie, contre les ministères qui préféraient garder leur liberté d'action dans leurs domaines respectifs, plutôt que d'être tenus par des engagements nationaux pris par le pouvoir politique.

Voilà l'histoire du schéma national d'aménagement du territoire.

Pour nous expliquer qu'il faut le supprimer, on nous dit maintenant qu'on ne sait pas le faire ! Quel est donc ce pouvoir qui, sous prétexte qu'il ne sait pas l'exécuter, supprime une disposition législative. Vous auriez eu beaucoup plus de mérite, madame la ministre, à imposer aux technocrates cette cohérence nationale qui était prévue dans le schéma. Sur ce point-là, notre opposition est fondamentale. Le Sénat avait réussi à trouver une solution qui aurait permis de nous rassembler. Vous avez, malheureusement, décidé de la supprimer, renvoyant la Haute assemblée dans ses buts.

Un avant-projet peut être transformé. Il peut être revu.

Il peut surtout être discuté au Parlement avant d'être définitif et de devenir projet. Pourquoi ce renoncement qui change totalement la portée du texte ? Nous n'avons toujours pas compris pourquoi il fallait supprimer le seul élément de cohérence d'une politique où les services de l'Etat se veulent déconcentrés, où les lois de décentralisation donnent le pouvoir aux régions, aux départements et aux collectivités locales, où chacun veut aller plus loin - nous aussi - dans la mise en oeuvre de la décentralisation et de la déconcentration nécessaires. Pourquoi supprimer la colonne vertébrale de la politique d'aménagement du territoire ? Cet élément est la seule référence nationale qui existe dans le projet de loi pour faire en sorte que l'Etat garde, avec le Parlement, le moyen de supprimer les déséquilibres territoriaux et d'établir la justice territoriale, qui est de la responsabilité du pouvoir politique, de la responsabilité du Gouvernement.

Madame la ministre, les risques qu'occasionnera la disparition du schéma national sont nombreux. Et d'abord, naturellement, au niveau national. L'absence de cohérence entre les différents schémas de services collectifs posera un vrai problème. Imaginez des voies ferrées parallèles qui n'auraient jamais d'aiguillage. Cela me paraît correspondre exactement à ce que sera la mise en oeuvre des schémas de services collectifs. Nous ne sommes pas obstinément contre, puisqu'ils reprennent peu ou prou les schémas sectoriels que nous avions souhaités. Mais il manque l'aiguillage. Il manque la liaison entre ces voies parallèles que sont les schémas de services, qui n'ont rien à voir, a priori, les uns avec les autres, mais qui tous concourent au développement équilibré de l'ensemble d'un territoire urbain et rural. Cet aiguillage, c'était le schéma national.

Un autre risque important est de voir les régions se développer sans souci de solidarité. Il y a là, pour nous, une inquiétude majeure. Et je suis étonné que la gauche plurielle ne soit pas au rendez-vous de la solidarité. Nous l'attendions au moins à ce rendez-vous essentiel de la solidarité entre les territoires : cette fameuse péréquation, le problème de la disparité des richesses, la nécessité de la compenser par des moyens donnés aux collectivités les moins pourvues. Mais à ce rendez-vous-là, pourtant au coeur de ses priorités, la gauche est absente.

Le risque est plus grand encore au niveau européen.

C'est celui de l'absence de référence nationale fournie par un seul schéma, voté par le Parlement, dans le cadre de la politique européenne d'aménagement du territoire, politique à laquelle, un jour, il faudra bien s'intéresser, à laquelle, un jour, il faudra bien que nous apportions notre pierre, en commençant par engager le Conseil européen à formuler des propositions. Ce jour-là, où sera la France si elle ne dispose pas de ce schéma national qui devrait constituer tout naturellement l'élément de référence européen ? Vous vous dites européenne, madame la ministre, et je vous crois. Mais vous préférez situer la région dans le cadre de l'Europe. Je ne discute pas vos engagements politiques dans le mouvement des Verts ou dans certaines autres formations de la gauche plurielle, et je comprends très bien que, dans le contexte européen, on souhaite privilégier la région par rapport à la nation. Souffrez cependant que nous ne soyons pas d'accord sur cette démarche et que nous ne puissions pas, dès lors, accepter un texte d'aménagement du territoire qui contribue à accentuer cet effet pervers.

Dans cette hypothèse européenne, je comprends que le schéma national puisse vous gêner. Nous, qui sommes pour l'Europe des Etats - chacun pourra le constater dans les semaines qui viennent, à l'occasion de la campagne électorale - nous ne pouvons pas accepter l'autre choix que vous avez fait.

M. Pierre Ducout.

Et Bayrou ?

M. Patrick Ollier.

J'ai l'impression que vous êtes assez d'accord avec lui, cher collègue ! Nous ne pouvons pas suivre non plus quand vous otez au Parlement la possibilité d'intervenir. J'espère que, sur ce point, tous les députés vont suivre l'opposition. Je le dis sans crier, madame, car je ne veux pas donner


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l'impression d'agresser qui que ce soit, nous ne pouvons pas accepter que, dans le processus décisionnel des schémas de services collectifs, vous ayez totalement exclu le Parlement.

Alors que le schéma national devait être voté par le Parlement et révisé par lui tous les cinq ans, la gauche plurielle a décidé que la mise en oeuvre des schémas de services collectifs serait assurée, par ce que j'ai appelé tout à l'heure la technocratie. Ce terme n'est en rien péjoratif, il désigne simplement ce qui ne relève pas du pouvoir politique, c'est-à-dire les membres de votre cabinet, les responsables de l'administration centrale. Comment voulez-vous, madame, que le Parlement accepte de renoncer à ses droits, à son rôle décisionnel dans cette politique qui va engager la France pour plusieurs années ? Souffrez que l'opposition dénonce cette attitude du Gouvernement que le rapporteur et la majorité, après des pérégrinations multiples et variées, et notamment un changement de position entre les débats en commission et en séance publique, ont fini par accepter. Il faut qu'on sache qu'on ne peut pas engager une politique d'aménagement du territoire, fût-ce pour cinq ans, sans que le Parlement, légitimement élu à cet effet, puisse en décider.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons donc dû lancer de nombreux assauts. Certains furent même conduits par votre propre majorité.

Ainsi, notre rapporteur a fait des efforts énormes...

M. François Sauvadet.

Au début !

M. François Brottes.

Constants !

M. Patrick Ollier.

... en tout cas au début. Mais je le sais honnête dans ses engagements et gêné par certaines bornes, certaines contraintes. Mais, monsieur le rapporteur, il arrive que l'exercice libre du mandat politique permette de s'affranchir des limites fixées par le Gouvernement. Nous sommes ici à l'Assemblée nationale et nous avons la liberté de vote. Que n'avez-vous accepté de nous suivre dans notre logique ? Certains, qui étaient déjà présents sur ces bancs le savent bien, nous avons, quant à nous, plus d'une fois dit non à M. Pasqua en séance publique, le rapporteur sur ce texte n'était pas seul à avoir cette position.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Patrick Ollier.

Combien de fois avons-nous mis en minorité, monsieur Pasqua !

M. Daniel Marcovitch.

Cela continue ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Ollier.

Vos mots d'esprit, monsieur Marcovitch, ne feront pas date dans l'Histoire ! En revanche, le manque de courage politique dont vous faites preuve dans cet hémicycle marquera l'histoire de l'aménagement du territoire. Si vous en aviez eu le courage, en effet, vous auriez pu faire adopter ici ce qui avait été décidé par la commission et les droits fondamentaux du Parlement auraient ainsi été rétablis. Mais vous ne l'avez pas fait, et nous ne pouvons pas l'accepter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Félix Leyzour.

Encouragez-le ! Applaudissez davantage encore !

M. Patrick Ollier.

Merci de vos encouragements, monsieur Leyzour ! Je vais poursuivre dans cette voie, puisque vous m'y incitez. Mais, vous le comprendrez, je ne peux pas toujours parler en votre nom ! Il faudrait aussi qu'à gauche certains répètent tout haut ce qu'ils disent tout bas dans les couloirs. Vous verrez qu'ainsi tout ira mieux ! Nous sommes d'ailleurs prêts à vous soutenir sur certains points, notamment pour l'aménagement du territoire. Je reconnais toutefois qu'il est plus facile de parler en commission et dans les couloirs que de se lever dans l'hémicycle pour dire : « Madame la ministre, vous avez tort ! » Nous, nous le faisons. Qu'attendez-vous pour le faire, à votre tour ?

Mme Nicole Feidt.

Calmez-vous, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier.

Je suis très calme, madame. Souffrez simplement que je sois passionné !

M. Daniel Marcovitch.

Comment pouvez-vous comparer Mme Voynet et M. Pasqua ?

M. Patrick Ollier.

Ils ne sont pas comparables ; nous sommes bien d'accord.

Après avoir supprimé le rôle du Parlement, vous avez voulu donner quelques compensations. Nous vous en donnons acte bien volontiers. Vous avez donc prévu de mettre en place une délégation à l'Assemblée et au Sénat.

Mais est-ce ainsi que le Parlement va retrouver sa place ? Allez-vous vous contenter de cela, mesdames, messieurs les députés ?

M. Michel Bouvard.

C'est un enterrement de première classe !

M. Patrick Ollier.

De qui se moque-t-on ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Vous oubliez la loi que le Parlement aura à voter deux ans avant la fin de la mise en oeuvre des schémas !

M. Patrick Ollier.

J'allais y venir, monsieur le rapporteur ! J'allais évoquer ce cadeau merveilleux et fantastique que nous fait le Gouvernement. Merci, madame la ministre, de nous accorder un droit de regard deux ans avant la fin de la mise en oeuvre des schémas de services collectifs ! Mais le rôle du Parlement ne se résume pas à cela. le Parlement doit décider en premier lieu, avant l'intervention de l'administration. Il ne doit pas, au bout de quatre ans, se substituer à elle, qui aura décidé à sa place.

Le Parlement doit être souverain dans la décision. N'essayez pas de donner l'impression que le Parlement sera réellement saisi alors qu'en fait vous priviliégiez l'administration. Je pense d'ailleurs que les réactions des populations concernées seront bien différentes de celles auxquelles vous vous attendez.

J'en viens maintenant au rôle excessif que vous accordez au pouvoir administratif, au détriment de celui des élus locaux. Après avoir supprimé le schéma national et le pouvoir du Parlement, vous privilégiez le rôle de l'administration à celui des élus. Voilà, mesdames, messieurs les députés, trois raisons fondamentales de voter la question préalable.

Nous ne pouvons pas accepter que la politique d'aménagement du territoire se décide ainsi. Pour montrer à quel point le rôle de l'administration a été renforcé, je ne prendrai qu'un exemple : le pays. A cet égard, vous avez refusé toutes les évolutions proposées par le Sénat.

Nous avions conçu le pays - et encore une fois je vous remercie, madame la ministre, de l'avoir préservé, c'est toujours cela ! - de façon qu'il puisse réellement faire l'objet d'un censensus sur le terrain. En effet, le pays ne


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peut exister que s'il est constaté être connu par ceux qui y vivent. Il ne peut pas être le fait d'une décision administrative. Il ne peut résulter de la signature d'un haut fonctionnaire, aussi respectable soit-il, comme le préfet de région.

Quand nous avons créé le concept de pays, nous avons donc fait en sorte que les élus de proximité disposent des moyens de décider de son existence. C'était capital, sous peine de voir très peu de pays se mettre en place. Malheureusement, que vous le vouliez ou non, le retour au texte voté par l'Assemblée en première lecture, même après la modification apportée par M. le rapporteur - je n'y reviens pas, M. Sauvadet l'a bien expliqué - donne in fine le pouvoir aux préfets de régions.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Non !

M. Patrick Ollier.

Il faut bien lire les textes qu'on écrit pour bien comprendre ce qu'ils veulent dire, monsieur le rapporteur ! Partout où des difficultés de terrain interviendront pour délimiter les pays, c'est une décision administrative qui tranchera. Or nous ne pouvons pas l'accepter. Pour clore un long débat sur le sujet en première lecture, vous aviez déclaré, monsieur le rapporteur : « Il faut bien que quelqu'un décide, en fin de compte ! ». Cela me fait froid dans le dos, car j'ai la faiblesse de penser que c'est aux élus et non au préfet de décider, en fin de compte.

M. Michel Bouvard.

Ce sont les élus qui doivent décider !

M. Patrick Ollier.

Ceux qui se veulent les chantres de la décentralisation, ceux qui se targuent d'avoir soutenu les lois de M. Defferre...

M. Pierre Ducout.

A l'époque vous avez voté contre !

M. Jean-Louis Idiart.

On va vous rappeler quelques souvenirs !

M. Patrick Ollier.

... doivent faire confiance aux élus. Il faut faire confiance à ceux qui, sur le terrain, sont chargés de mettre en oeuvre toutes les dispositions des textes que nous votons ici. Il faut tourner résolument le dos aux vieilles pratiques, à ces vieilles habitudes centralisatrices qui consistent à faire confiance aux hauts fonctionnaires plutôt qu'à l'élu qui, sur le terrain, porte la responsabilité, et lui seul, de ce qui se passe au sein de sa collectivité.

M. Jean-Louis Idiart.

Mais ce n'est pas le préfet qui négociera !

M. Patrick Ollier.

Nous ne pouvons pas accepter votre conception des choses, madame la ministre. Que craignez-vous ? Pourquoi suspectez-vous les élus locaux d'être incapables de décider eux-mêmes de ce qu'ils peuvent ou veulent faire ? Vous prétendez que, du fait d'un certain nombre de dispositions - extrêmement compliquées -, le préfet ne fera qu'appliquer ce qui aura été décidé.

M. Jean-Louis Idiart.

Bien sûr !

M. Patrick Ollier.

Nous y reviendrons. En tout cas, il faudrait, monsieur le rapporteur, que vous acceptiez de modifier votre rédaction. Peut-être pourrions-nous alors nous mettre d'accord.

Votre conception de la décentralisation ne rejoint donc pas la nôtre. Et nous ne pouvons pas vous suivre dans cette démarche, mesdames, messieurs de la gauche plurielle, qui consiste à ne pas faire confiance aux élus du peuple. Ne pas faire confiance au Parlement, ne pas faire confiance aux élus sur le terrain : cela fait beaucoup ! Du reste, vous avez beaucoup de mal à défendre la structure de votre texte. En dépit de vos explications, monsieur le rapporteur, le courant ne passe pas avec les élus locaux, qui se rendent bien compte de la portée des dispositions que vous avez prévues. Ils ont des réactions semblables aux nôtres.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Patrick Ollier.

Voilà une raison de plus, mesdames, messieurs les députés, de ne pas débattre de ce projet de loi. Le rôle du Parlement et des élus en matière d'aménagement du territoire sera ainsi totalement préservé.

Autre argument qui milite contre ce texte : il participe à la politique de rééquilibrage en faveur de l'urbain m enée par le Gouvernement. M. Chevènement et

M. Zuccarelli, notamment, sont également concernés.

Comme si l'on en faisait trop pour le monde rural ! Au début de mon propos j'ai indiqué que si la loi Pasqua pouvait être jugée « ruralo-ruraliste » c'est précisément parce qu'elle tentait de rattraper le temps perdu pour le monde rural. Il n'est pas question pour nous, madame, d'adhérer aux propos que nous avons entendus. Que signifie « rééquilibrer en faveur de l'urbain » ? La même remarque vaudrait s'il était question de « rééquilibrer en faveur du monde rural ».

La tâche principale d'une loi d'aménagement du territoire est de créer les conditions d'un développement harmonieux de tout le territoire. Nous ne nions pas que certaines zones urbaines fragiles méritent, tout autant que des zones rurales défavorisées, d'être soutenues par les dispositions que nous mettons en place dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. Nous voulons simplement un texte équilibré, un texte qui permette d'aider autant les uns que les autres mais pas plus la ville que le monde rural.

Vous vous dites opposés aux politiques différenciées, aux aides spécifiques pour les territoires défavorisés - M. le rapporteur et M. Rimbert l'ont notamment fait savoir.

Vous pouvez toujours faire la grimace, madame la ministre...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je ne fais pas la grimace, je lève les yeux au ciel !

M. Patrick Ollier.

Levez les yeux au ciel mais que cela ne vous empêche pas de répondre de manière très précise ! Ceux qui soutiennent ce texte ont donc expliqué que les politiques différenciées n'étaient pas efficaces. Mais, les banlieues qui brûlent...

M. Michel Bouvard.

Comme des paillotes ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

... les villes qui consomment les équipements, les hommes et les moyens comme autant de tonneaux des Danaïdes ou les villages qui se désertifient, les zones rurales qui perdent leur substance et rétrécissent comme peau de chagrin, sont à l'instar de Janus, les deux faces du même mal : tout cela est dû à l'absence d'une politique d'aménagement du territoire dynamique et volontariste.

Il faut aider la ville, notamment à limiter son développement et à mieux le structurer. M. Sauvadet l'a très bien expliqué tout à l'heure et je suis heureux de constater que nous sommes une fois de plus d'accord. Le monde rural constitue, en effet, un fantastique gisement de développement d'activités et de création de richesse. Il ne peut pas être consacré uniquement à la nature et au développement naturel. Il doit aussi compter dans les choix essentiels au niveau de l'économie - création


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d'emplois, harmonie du développement du territoire.

Nous ne pouvons donc pas accepter la conception essentiellement - je ne dis pas exclusivement - urbaine du Gouvernement.

Comme le Président de la République, Jacques Chirac, nous voulons mettre en oeuvre une politique qui empêche que la fracture territoriale s'ajoute à la fracture sociale. Ce point est très important pour nous. Or nous avons malheureusement le sentiment que les présentes dispositions s'écartent de cet objectif.

Si j'oppose la question préalable, c'est aussi parce que je considère que votre texte est celui des rendez-vous manqués. Une grande loi d'orientation pour l'aménagement du territoire aurait dû, en effet, répondre à certaines questions essentielles. Or tel n'est pas le cas, en dépit de bonnes intentions, monsieur le rapporteur, et d'un important travailleur commission. Il manque des pans entiers. Vous avez beau nous expliquer que M. Zuccarelli et M. Chevènement présenteront chacun un texte, nous condidérons, quant à nous, que, lorsqu'on élabore une loi d'orientation pour les vingt années à venir, il i mporte d'y inclure l'ensemble des dispositifs qui concourent à l'aménagement du territoire. Avec tous les aléas que comportent la discussion parlementaire, on ne laisse pas à d'autres le soin de mettre en place des mesures qui ne seront pas forcément celles qu'on aurait pu souhaiter.

Ainsi, on ne trouve rien sur la clarification des compétences entre collectivités territoriales. Est-il normal qu'un texte important ne comporte aucun dispositif en la matière ? Pensez-vous vraiment que nous faisons aujourd'hui oeuvre utile en votant un texte qui ne prévoit pas d'apporter des réponses à toutes ces questions posées quotidiennement dans les conseils régionaux, les conseils généraux, les collectivités territoriales - communes ou groupements de communes ? Deuxième rendez-vous manqué, il n'y a rien sur la péréquation entre les régions riches et les régions pauvres.

Vous pouvez sourire du système mis en place dans la loi Pasqua, de la fourchette de 20 % concernant les richesses.

M. Michel Bouvard.

Et les charges !

M. Patrick Ollier.

Au moins, nous avions prévu quelque chose ! Comment la gauche peut-elle défendre un texte prétendument fondamental sur l'aménagement du territoire, en loupant le rendez-vous de la péréquation ?

M. Jean-Paul Nunzi.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Cela paraît ahurissant. Comprenez que nous ne soyons pas d'accord ! Comprenez que nous déposions une question préalable, une exception d'irrecevabilité ! Comprenez que M. Lenoir défende une motion de renvoi en commission ! Ce texte serait utile à la France s'il comportait des décisions sur la clarification des compétences, sur la péréquation.

Il pourrait également être utile au pays s'il comportait des dispositions sur la fiscalité locale, élément essentiel de la justice territoriale. On nous renvoie, là encore, à d'autres ministres, à d'autres textes, à d'autres discussions.

Il pourrait aussi être utile s'il comportait des dispositions sur la fiscalité dérogatoire et sur l'incitation à la création d'activité économique. Là encore, vous nous demandez de prendre le prochain train. Aménagement du territoire et développement économique n'allant pas ensemble, il faut attendre le texte de M. Zuccarelli ou de je ne sais quel autre ministre. Non, madame, une loi d'orientation pour l'aménagement du territoire doit mettre en place les instruments nécessaires pour que les créations de richesses sur le terrain puissent être décidées par les acteurs locaux.

J'ai dit un jour, dans cet hémicycle, que l'égalité des chances passait par l'inégalité des traitements. Le gouvernement de l'époque avait accepté cette pétition de principe et des discussions avaient été engagées sur la fiscalité dérogatoire, sur les politiques différenciées. Où dans votre texte affirmez-vous vouloir développer et encourager cette politique ? Si vous aviez réellement voulu le faire, vous auriez, comme M. Sauvadet l'a souligné, prévu des dispositions pour compenser les conséquences catastrophiques - et je pèse mes mots - attendues de la réforme des fonds structurels, notamment pour le monde rural.

Certes, ces effets seront sans doute atténués grâce à l'action de l'exécutif - vous l'avez dit, madame - c'est-àdire du Président de la République et du Premier ministre qui se sont battus ensemble pour défendre une position qui permettra de limiter les dégâts. Nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau, ne vous inquiétez pas.

Néanmoins, votre texte aurait dû anticiper cette évolution, d'autant que vous savez quelles seront les pertes pour notre pays en termes tant de territoires éligibles aux fonds structurels que de crédits. Gouverner étant prévoir, il aurait fallu instaurer un dispositif permettant d'anticiper et de compenser comme l'a demandé mon excellent collègue M. Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Votre texte ne comporte rien non plus sur la manière dont vous interprétez l'évolution des zonages, question liée à celle que je viens d'évoquer, ainsi que la dynamique des primes qui y sont liées.

Je vous ai entendu en parler avec beaucoup de conviction ailleurs. Pourquoi donc refusez-vous de fixer les règles du jeu dans ce texte ? Peut-être sommes-nous trop jacobins en demandant que tout soit prévu et organisé dans la loi.

M. Félix Leyzour.

Bonapartiste !

M. Patrick Ollier.

Je laisse ce qualificatif à d'autres, monsieur Leyzour ! En réalité cela tient au fait que nous n'avons pas confiance en la manière dont la Commission européenne est en train de réorganiser la question des fonds structurels et des zonages.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

Nous craignons notamment que la manière de traiter le nouvel objectif 2, cet objectif fourretout, ait des conséquences dramatiques pour les territoires ruraux. Que l'on ne nous raconte pas d'histoire ! Nous savons très bien que la tempête arrive et que nous allons très rapidement la subir. Un véritable texte d'aménagement du territoire, madame, aurait dû nous préparer à affronter ce choc et mettre en place des dispositifs de soutien dans le cadre de politiques différenciées.

Il s'agit donc du texte des occasions manquées, il est bon de le répéter, qui fera date dans l'histoire de l'aménagement du territoire. Non seulement vous supprimez les dispositions essentielles de la loi Pasqua et vous ne décidez rien en ce qui concerne les sujets essentiels en la matière, mais vous voulez nous convaincre que votre projet de loi sera réellement le ferment d'une politique nouvelle d'aménagement du territoire, laquelle est évidemment indispensable à la France.

Je vais terminer, madame, mais il était important que je répète à plusieurs reprises ces arguments parce que vous avez trop l'habitude, du côté de la majorité, d'abuser


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

de votre position majoritaire pour écarter d'un revers de main des arguments qui sont pourtant essentiels au débat.

Vous devez, en effet, respecter une décision prise, non pas par vous, mesdames, messieurs les députés de la majorité, mais par le Gouvernement. A partir du moment où votre obsession consiste essentiellement à revenir aux propositions de ce dernier, il n'est plus possible d'ouvrir le débat et d'apporter des contributions à la discussion.

Permettez donc que je rigole quand j'entends parler de

« godillots » parce que chacun voit bien où ils sont aujourd'hui !

M. Patrick Rimbert.

Nous ne sommes pas des godillots !

M. Patrick Ollier.

Vous l'avez déjà dit une fois dans l'hémicycle.

M. Patrick Rimbert.

Absolument !

M. Patrick Ollier.

Vous aviez même souligné qu'il avait été décidé en commission que le Parlement jouerait tout son rôle.

M. Patrick Rimbert.

C'est vrai, nous avons même fait des propositions !

M. Patrick Ollier.

Or, dès le lendemain, en séance publique, le Parlement ne jouait plus aucun rôle et M. Rimbert devait probablement chercher à s'acheter une nouvelle paire de godillots. (Sourires.)

M. Jean-Louis Idiart.

Vous oubliez l'histoire !

M. Patrick Ollier.

Je vous en prie, monsieur Idiart !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

C'est pitoyable !

M. Patrick Ollier.

Non, c'est la vérité !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mais si ! Vous valez mieux que cela et nous aussi !

M. Patrick Ollier.

Madame Pérol-Dumont, cela est conforme à la vérité ! En effet vous aviez voté, en séance publique, contre des propositions que vous aviez acceptées en commission. Ne prétendez pas le contraire !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Pas du tout, vous caricaturez !

M. Patrick Ollier.

Je ne caricature pas, je dis la vérité ! Voulez-vous m'obliger à lire les comptes rendus de la commission en séance publique ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous verrez que je ne caricature pas !

M. Jean-Claude Daniel.

Mettons « godillots » sur le compte du coup de pompe de midi !

M. Patrick Ollier.

Je ne suis pas en hypoglycémie mais, je vous rassure, je n'en ai plus que pour une heure.

M. Pierre Ducout.

C'est intéressant !

M. Patrick Ollier.

Je vais essayer de ne pas vous décevoir et de tenir jusqu'à la fin de la séance, puisque vous êtes gourmands de mes propos.

Peut-être pensez-vous que le travail que font les députés de l'opposition - MM. Sauvadet, Lenoir, Coussain, Poignant et d'autres - est inutile. Je sais que nous vous lassons en répétant toujours les mêmes propos ; je sais que nous sommes exaspérants en reprenant sans cesse exactement les mêmes arguments, mais je pense qu'il n'est pas inutile de présenter de nouveau, point par point, les arguments que nous vous avons déjà assénés en première lecture.

S'il ne s'agissait que d'une question de temps, vous auriez raison, madame le ministre, de nous reprocher d'allonger les débats. Mais, en réalité, cela traduit le fait que deux conceptions de la politique d'aménagement du territoire s'opposent. Malgré tout ce que M. le rapporteur a essayé de faire en première lecture pour nous rapprocher, malgré toutes les mains tendues par l'opposition, nous n'avons pas pu rapprocher ces deux conceptions.

L'une est soucieuse de la cohérence nationale, respectueuse de la concertation et de la démocratie : c'est celle de l'opposition qui fait confiance aux élus et aux acteurs sociaux.

M. Pierre Ducout.

Il vaut mieux le dire !

M. Patrick Ollier.

L'une, toujours la nôtre, ambitieuse et volontariste, veut engager résolument le pays, pour les vingt prochaines années, dans cette politique d'aménagement du territoire que nous souhaitons. M. Poignant l'exposera au nom du groupe RPR.

Ainsi que Jacques Chirac l'a indiqué en février 1993, la France a besoin d'une politique volontariste d'aménagement du territoire lequel doit, tout en se préoccupant des projets structurants, devenir plus proche de l'individu.

Madame la ministre, puisque vous avez fait référence au Président de la République, souffrez que je le fasse à mon tour, sans doute plus légitimement.

A l'Assemblée nationale et au Sénat, nous avons essayé de vous convaincre que votre texte devait être considérablement amélioré pour être voté. Malheureusement, la majorité plurielle s'obstine sur des positions que nous avons qualifiées d'idéologiques, car on ne peut pas les appeler autrement.

M. Serge Poignant.

Eh oui !

M. Patrick Ollier.

Or elles sont inacceptables pour les Français, pour les élus et pour les acteurs locaux que représente l'opposition dans cet hémicycle.

L'autre politique d'aménagement du territoire, celle que vous défendez, manque d'ambition et de perspectives, affaiblit le Parlement, écarte les élus et les acteurs locaux d es décisions essentielles, contrairement au discours annoncé. Votre politique est malheureusement soustendue par des arrière-pensées politiciennes qui vous conduisent à mettre en place des systèmes pervers au détriment des équilibres territoriaux. A cet égard je ne veux pas reprendre la démonstration que vient de faire M. Sauvadet et qui sera prolongée par les orateurs de l'opposition.

Dans vos projets, vous oubliez l'homme, acteur essentiel de l'initiative locale. En effet le territoire n'est pas un sujet de droit, mais le support de l'action des hommes et des femmes qui veulent savoir, madame Voynet, avec quelle France nous allons franchir le

XXIe siècle. Le RPR souhaite que ce soit une seule et même communauté de valeur et d'intérêt au sein de laquelle les différences ne seraient pas devenues d'inconciliables divergences. Or ce texte conduit à la fracture territoriale et à la divergence.

Voilà pourquoi, madame, je souhaite que cette question préalable soit adoptée. Voilà pourquoi l'opposition va la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Ollier, il m'arrive souvent d'admirer votre éloquence. Il m'arrive même parfois


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d'envier l'habileté et la passion que vous déployez. Mais, aujourd'hui, je déplore que vous mettiez si résolument ces talents au service d'une bien mauvaise cause.

Ne voulant pas reprendre point par point chacune de vos interpellations, je me bornerai à revenir sur trois éléments de votre intervention : la mise en oeuvre de la loi Pasqua, la concertation et la nature de la politique d'aménagement du territoire.

Bien que vous ayez employé des mots blessants et un ton qui n'a rien de consensuel, ce qui permet d'ailleurs d'affranchir ceux qui seraient tentés de bonne foi d'accorder du crédit à vos protestations, vous savez que la loi Pasqua a été mise en oeuvre, pour celles de ses dispositions qui étaient fonctionnelles et réalisables. Les textes d'application, quand ils existaient, ont été mis en oeuvre, d'autant plus facilement qu'il s'agissait souvent d'éléments secondaires de la loi qui ne prêtaient pas à discussion.

D'ailleurs ce travail se poursuit. Je pense non seulement aux dispositions concernant la montagne, mais aussi à la mise en oeuvre du fonds national de développement des entreprises et aux directives territoriales d'aménagement.

Au cours des nombreux déplacements que j'ai effectués dans des régions j'ai pu me rendre compte de l'avancement ce travail qui me paraît intéressant, qui n'est c ontesté par personne, mais dont l'ampleur et la complexité justifient de longs délais.

Nous avons souhaité également, sans anticiper sur le vote de la loi, élaborer les cahiers des charges des schémas de services collectifs afin de permettre à chacun de commencer à réfléchir sur ce qui doit être un exercice intéressant, pour enrichir des contributions des différentes régions non seulement la réflexion des élus régionaux et des services de l'Etat au moment d'engager la discussion sur les contrats de plan Etat-régions, mais aussi celle des services de l'Etat, au niveau national.

Bien des dispositifs ont été appliqués, sans qu'il soit d'ailleurs possible d'affirmer qu'ils ont contribué à maintenir ou à créer le moindre emploi ou la moindre activité.

Nous sommes même en droit de penser que certains d'entre eux ont généré des effets d'aubaine, des effets de frontière. Néanmoins, avant de les modifier ou de les supprimer, nous avons souhaité procéder à une évaluation non seulement quantitative mais aussi qualitative de leur intérêt pour l'emploi, pour les territoires ou pour d'autres activités et services existant sur ces territoires.

Comment, monsieur Ollier, osez-vous parler de budget ? Comment osez-vous parler des moyens financiers de l'aménagement du territoire alors que le budget de l'aménagement du territoire a été divisé par deux quelques semaines après le vote de la loi Pasqua ; alors que, avec la majorité de l'époque, vous avez été à l'origine de l'élab oration de contrats de plan dont vous saviez, au moment de leur signature, qu'ils étaient insincères et que vous ne disposeriez pas des moyens nécessaires pour les financer ?

M. François Sauvadet.

Mais non !

M. Pierre Ducout.

Si ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Comment osez-vous vouloir prolonger le désastreux exercice de législation à crédit qui a été, à de nombreuses reprises, dénoncé ici par Jean-Pierre Balligand ?

M. François Sauvadet.

C'est excessif ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous aviez en effet annoncé de nombreuses lois pour l'avenir.

M. Patrick Ollier.

Sur vingt ans, madame ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non ! Pour la plupart d'entre elles, vous vous étiez donné un an ou dix-huit mois pour les proposer à l'Assemblée nationale.

Vous n'avez pas été capable de faire avancer ces schémas et une certaine dissolution n'explique pas tout.

Depuis, le Gouvernement travaille : Jean-Pierre Chevènement défend, en ce moment-même, devant le Sénat, une loi sur l'intercommunalité qui permettra de défricher une partie des chantiers que vous prétendiez ouvrir ; Emile Zuccarelli et Marylise Lebranchu travaillent également sur le sujet pour ce qui relève de leurs compétences.

Quant à la clarification des compétences, exemple que vous avez cité, pouvez-vous ici prétendre que la loi Pasqua s'en est occupée ?

M. François Sauvadet.

Oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous avez seulement collé un post-it dans un coin pour rappeler qu'il faudra songer à aborder ce chantier ! Vous n'avez rien fait en matière de clarification des compétences ; vous avez seulement listé les chantiers à ouvrir.

A cet égard, nous sommes d'accord : il y a beaucoup de chantiers à engager pour opérer la rénovation de nos institutions et des moyens en matière d'aménagement du territoire.

Par conséquent, je le répète, le Gouvernement travaille : que ce soit dans le cadre de ce texte sur l'aménagement du territoire ou en dehors, qu'importe ! En effet, l'aménagement du territoire est, par nature, une politique transversale et la plus grande partie de mon travail en la matière se fait, monsieur Ollier, en dehors de cet hémicycle pour convaincre l'ensemble de mes collègues, les administrations, les collectivités territoriales de tirer dans le même sens et de faire en sorte que soient progressivement retissés des liens, reconstruites des solidarités entre les territoires parce que c'est bien l'un des points sur lequel nous sommes d'accord : les inégalités sociales et territoriales s'aggravent.

Je préfère le pragmatique, le concret, le faisable au quotidien à l'affirmation de principes.

Ainsi, je n'ai pas souhaité que soient modifiés les articles de la loi Pasqua qui se réfèrent à la péréquation parce que j'en partage l'ambition de principe. Néanmoins, je crois que notre travail de redistribution solidaire des richesses dans notre pays - lequel doit d'ailleurs être assumé par l'ensemble des ministères et des administrations, singulièrement par le ministère de l'économie et des finances auquel vous avez fait allusion - sera, pour ce qui concerne le champ des mes compétences, mieux rempli grâce à notre exigence de transparence, de rigueur et d'objectivité dans la fixation des critères de répartition de l'enveloppe entre les différentes régions et les différentes politiques des contrats de plan.

M. François Sauvadet.

Où est la transparence ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cette exigence de transparence, de rigueur et d'objectivité vaut également pour la définition des critères à retenir en matière de zonage pour la prime d'aménagement et pour les fonds structurels.

M. François Sauvadet.

La transparence implique le dialogue ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Que les choses soient claires : nous avons souhaité définir la méthode et les critères au sein


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

du conseil national d'aménagement et de développement du territoire et soumettre très largement au débat les propositions de zonage. D'ailleurs cette concertation n'est pas terminée.

M. François Sauvadet.

Elle n'a pas commencé ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si je reprenais - et ce serait rapide - les dispositifs retenus par les précédents gouvernements, vous verriez que cela nous amènerait très vite à mon second thème : la concertation.

En effet peut-on vraiment qualifier de concertation la merveilleuse tournée préélectorale qui avait permis de susciter tant d'espoirs avant la présentation de la loi Pasqua ?

M. Patrick Ollier.

Oui, tout le monde a pu s'exprimer !

M. François Sauvadet.

C'est incroyable ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce grand débat a accouché d'une grenouille devenue un boeuf à l'issue de l'examen par le Parlement.

M. Patrick Ollier.

Vous n'étiez pas là ! Chacun a pu s'exprimer !

M. François Sauvadet.

Quel mépris pour le législateur ! Comment osez-vous tenir de tels propos devant le Parlement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il n'en reste pas moins qu'il y avait avant tout une volonté de mobilisation préélectorale, mais pas vraiment celle de révolutionner l'aménagement du territoire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il en a été de même pour la PAT, pour les zonages de l'aménagement du territoire. Je n'ai jamais retrouvé dans les services à propos desquels vous avez parlé de technocratie contre laquelle il fallait se battre, d'éléments témoignant d'une volonté ou d'une pratique de concertation en amont de l'élaboration des cartes qui nous régissent aujourd'hui. J'entends donc bien changer de méthode.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Ollier, il n'a pas fallu toute l'autorité du Premier ministre et de M. Pasqua pour imposer un schéma national ni quoi que ce soit d'ailleurs. Votre commission spéciale avait imposé ses vues à M. Pasqua qui avait même utilisé quelques précautions de langage au moment de présenter le texte devant l'Assemblée.

M. Patrick Ollier.

Ça alors ! C'est faux, madame ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En vous écoutant, j'ai eu, une fois de plus, l'impression que quand on réécrit l'histoire, c'est souvent pour mieux supporter les blessures du passé. Je comprends qu'elles soient encore béantes, mais cela n'autorise pas à proférer des contrevérités !

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas croyable !

M. Jean Veberschlag.

Qu'est-ce que ce galimatias ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En effet, monsieur Ollier, le schéma national n'a jamais été, ni dans l'esprit de M. Pasqua ni dans celui du législateur, autre chose qu'un texte chapeau destiné à faire oublier le fait que les schémas modaux d'infrastructures et les schémas sectoriels ne permettaient aucune cohérence de la politique nationale d'aménagement du territoire.

Je veux également, sans dresser la liste de toutes les mesures inapplicables de la loi Pasqua, vous dire que j'ai réellement cherché à comprendre votre point de vue. J'ai tenté de le faire à l'Assemblée comme au Sénat. Je vous rappelle d'ailleurs que le Gouvernement a accepté cent des cent trente-cinq amendements de la commission de la production et des échanges en première lecture, ainsi que soixante-dix des trois cent vingt amendements du Sénat, dont vingt-cinq des quatre-vingt-six de la commission spéciale. En revanche, le Sénat n'a pas accepté le moindre amendement du Gouvernement malgré des formulations parfois très proches.

J'ai souhaité rester à l'écoute de l'Assemblée. J'avais noté votre souhait d'être mieux associés et votre souci que l'ensemble des collectivités locales voient leur place reconnue. Mais je ne crois pas que ce soit en démolissant des textes, en démantelant les compétences des régions en matière d'aménagement du territoire ou en alourdissant de façon invraisemblable les dispositifs d'association prévus que l'on ait en quoi que ce soit fait avancer les choses.

Je le répète, la volonté du Sénat de supprimer les conseils de développement des pays et des agglomérations me paraît tout à fait désastreuse. Qui peut ici prétendre que seuls les élus sont légitimes, efficaces, créatifs, géné reux et aptes à créer du développement dans les territoires ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Besson.

Ils le sont au moins autant que les associations ?

M. François Sauvadet.

Les élus sont redevables devant leurs électeurs ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Qui peut se passer des acteurs sociaux économiques et des associations pour porter les politiques au plus près du terrain ? (Protestations sur les mêmes bancs).

M. François Sauvadet.

Laissez les pays s'organiser.

Vous croyez que ce sont les associations qui représentent le peuple ?

M. Christian Estrosi.

Comment pouvez vous contester le peuple de France ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Estrosi, je m'étais proposée de ne pas y faire allusion à ce stade du débat, pensant qu'on y reviendrait sans doute dans le courant de la discussion. Je suis désolée de vous apprendre qu'il arrive que les électeurs ne se positionnent pas comme vous le pensez. Ainsi, selon un sondage IFOP réalisé à la demande de la présidence du Sénat, près de 70 % des Français estiment qu'il faut supprimer le département. Allez-vous pour autant leur accorder du crédit ? Soyons sérieux ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Estrosi.

Les électeurs désignent les élus qu'ils veulent. On ne légifère pas avec les sondages !

M. Michel Bouvard.

Si les sondages étaient justes, je n'aurais jamais été élu !

M. le président.

S'il vous plaît, laissez Mme la ministre terminer sa démonstration.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

L'opposition nous annonce-t-elle aujourd'hui son intention de ne plus faire de la politique des sondages ? C'est nouveau ! Je salue cette nouvelle pour ce qu'elle mérite. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Estrosi.

Votre gouvernement est celui des sondages. C'est incroyable !

M. Michel Bouvard.

Ce ne sont pas les sondages qui gouvernent. C'est le Parlement qui légifère.

M. Christian Estrosi.

C'est la démocratie qui doit jouer !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues, laissez Mme la ministre terminer.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il y a bien deux conceptions de l'aménagement du territoire : un aménagement du territoire virtuel fait de bavardages et d'effets d'annonce et qui n'est ambitieux que dans les postures et dans les effets d'assemblée...

M. Patrick Ollier.

Vous parlez de votre texte ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et un aménagement du territoire lucide, modeste...

M. Patrick Ollier.

Trop modeste, madame.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qui préfère la sincérité, la loyauté, la transparence et la concertation. C'est cette deuxième conception de l'aménagement du territoire que j'entends faire valoir. Vous aurez noté que cela m'aura pris moins de temps pour le dire qu'il n'en a fallu à M. Patrick Ollier pour défendre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Philippe Decaudin.

Voilà une exécution terrible, monsieur Ollier.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les motions de procédure poussent à une certaine radicalisation des points de vue, voire à une présentation quelque peu manichéenne de la réalité. Je pense ici à l'intervention de M. Sauvadet.

M. Michel Vergnier.

Et à l'outrance !

M. Philippe Duron, rapporteur.

J'en accepte les règles et je m'efforcerai de répondre brièvement à quelques points du réquisitoire de M. Ollier, réquisitoire qui aurait pu être un beau moment d'éloquence s'il avait été un peu plus bref.

Je reprendrai quatre points. Je reviendrai tout d'abord brièvement sur les conditions dans lesquelles s'est déroulée la CMP, puis sur la rupture que vous voyez entre la loi Pasqua et la loi que proposent le Gouvernement et Mme Voynet. Je reviendrai ensuite quelques instants sur le rôle du Parlement et, enfin, sur l'article 19.

Pour ce qui est du premier point, la CMP, vous m'avez « habillé pour l'hiver », comme on dit trivialement.

M. Patrick Ollier.

Vous aviez froid !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Lors de l'examen du texte en première lecture, j'avais été sensible à vos compliments. Vous disiez que j'était ouvert à la discussion et que je m'étais efforcé d'entendre les différents points de vue.

M. Jean-Claude Daniel.

Nos compliments étaient sincères.

M. Patrick Ollier.

C'est ce que nous avions cru.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Lorsque la discussion a démarré au Sénat, j'étais toujours dans la même disposition d'esprit. Je trouvais même, lors des premières interventions des sénateurs, que les choses étaient bien engagées, qu'il y avait un discours d'enrichissement et non de négation ou d'opposition.

Mais, au fur et à mesure de débats sénatoriaux, il m'a bien fallu rectifier mon impression première. En effet, le Sénat a supprimé la plupart des enrichissements apportés par l'Assemblée nationale, Il n'a conservé que sept articles sans les modifier et en a supprimé neuf, parmi les plus importants. Il a profondément modifié...

M. Patrick Ollier.

Amélioré !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... non seulement la lettre de ces articles, mais aussi l'esprit de la loi, monsieur Ollier.

Il n'a pas amélioré, il a modifié l'esprit de la loi, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier.

Je ne suis pas d'accord.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Enfin - et je crois que nous pourrions être d'accord sur ce point, monsieur Ollier -, en alourdissant le texte de quarante-deux articles, le Sénat aurait pu rendre le même mauvais service qu'il avait rendu à la loi Pasqua. En effet, si la loi Pasqua a été aussi difficile à mettre en oeuvre, c'est parce qu'elle était passée de trente-cinq articles dans le projet de loi gouvernemental à quelque quatre-vingt-huit articles au Sénat.

M. Christian Estrosi.

Ne vous faites pas d'illusion.

Votre loi ne sera jamais mise en oeuvre !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je n'ai pas dit qu'il n'y avait aucun espoir de rapprochement. J'ai dit que, de mon point de vue de rapporteur, nous ne pourrions pas arriver à un avis conforme de la commission mixte paritaire. Les divergences étaient trop grandes pour parvenir à un texte commun en quelques heures.

M. Paul Patriarche.

C'est dommage !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je le maintiens. Je crois que la comparaison des deux textes illustres bien mon attitude et justifie ma position.

Deuxième point : vous avez dit qu'il y avait une rupture entre la loi Pasqua et la loi Voynet.

D'abord, reconnaissez que, contrairement à ce qui s'est passé entre l'Assemblée et le Sénat, le Gouvernement et Mme Voynet ont été respectueux de la loi Pasqua. Sur les quatre-vingt-huit articles que comporte cette loi, la loi Voynet en modifie à peine vingt.

M. Patrick Ollier.

Oui, mais ce sont les articles essentiels, fondamentaux !

M. Philippe Duron, rapporteur.

On va y venir, monsieur Ollier.

Le Gouvernement et le ministre ont donc jugé que la loi Pasqua avait quelques vertus et était opérationnelle sur bon nombre de points. Ils n'ont pas, contrairement à ce


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

que vous avez dit, fait preuve d'une attitude manichéenne ou sectaire. Ils ont décidé au contraire de garder tout ce qui était compatible avec leur vision de l'aménagement du territoire. Mais leur vision de l'aménagement du territoire ne coïncide pas exactement avec celle du Sénat. Elle n'est pas complètement équivalente.

J'ai dit tout à l'heure, et cela a choqué M. Sauvadet comme cela avait choqué les sénateurs, que la position des sénateurs et la loi Pasqua avaient un aspect défensif.

M. François Sauvadet.

Oui !

M. Patrick Ollier.

Vous l'avez également dit en CMP.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Dans ma bouche, ces propos n'avaient rien de péjoratif.

Pendant très longtemps, l'aménagement du territoire a été conçu comme un rééquilibrage entre les régions riches et les régions pauvres, à l'intérieur de l'Hexagone. La loi Pasqua a eu le grand mérite de vouloir relancer la notion même d'aménagement du territoire alors qu'après une quinzaine d'années, elle était tombée quelque peu en désuétude.

Elle a lancé un grand débat. On peut en penser ce que l'on veut. Mme Perol-Dumont a dit en commission qu'elle avait été sensible à ce débat lorsqu'il avait eu lieu et de nombreux élus de l'opposition d'alors y ont participé dans leur département lors des grandes réunions qui avaient été organisées.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Cela dit, la loi Pasqua n'a pas complètement tenu ses promesses parce que, si nous voulons vraiment que l'aménagement du territoire

« vive » au

XXIe siècle, nous devons élargir les fondements et les valeurs sur lesquels doit reposer cette politique.

La loi dont nous débattons est en ce sens refondatrice de l'aménagement du territoire parce que, à côté du rééquilibrage, qui est bien sûr nécessaire, monsieur Sauvadet, elle introduit de nouveaux principes, à savoir l'indispensable imbrication du territoire français dans le territoire européen. L'Europe, nous la construisons en effet les uns et les autres avec nos différences.

Les territoires doivent être recomposés de manière à avoir des mailles suffisamment cohérentes et vastes pour soutenir la comparaison avec ce qui existe chez nos voisins.

La loi Voynet a un autre mérite - et cela vous choque beaucoup : elle essaie de partir des besoins des Français et des territoires. C'est en cela qu'elle est novatrice et c'est pour cela qu'ont été créés les schémas de services collectifs.

Ces schémas de services collectifs, il vous plaît de les caricaturer. Vous dites qu'ils s'opposent aux équipements.

Pas du tout ! Ils marquent simplement un changement de démarche : on part des besoins pour déterminer les équipements à mettre en place. Le Sénat avait rétabli une logique qui faisait primer l'équipement sur le besoin.

M. François Sauvadet.

Non. Vous caricaturez !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Il me paraît plus logique de partir des besoins pour définir les équipements nécessaires.

Le troisième pilier de cette refondation de l'aménagement du territoire est le développement durable. Nous en avons débattu et, au fond, je crois que vous n'êtes pas complètement opposés à cette conception. En commission, de nombreux membres de l'opposition ont d'ailleurs fait des propositions qui allaient dans ce sens.

Nous sommes tous conscients qu'il faut évaluer dans une perspective de vingt ans l'impact des décisions que nous prenons aujourd'hui. Dans le domaine de la politique de la ville, par exemple, nous avons pu mesurer à quel point des conséquences sous-estimées il y a trente ou quarante ans pouvaient être préjudiciables. La politique de la ville est aujourd'hui un des principaux chantiers de la politique nationale.

Enfin, il fallait valoriser la démocratie participative. Il fallait associer nos concitoyens à l'aménagement du territoire au travers des associations - vous réduisez un peu la portée de leurs contributions - et au travers des acteurs socio-économiques. Pour qu'un territoire vive, il faut qu'il ait des projets et, comme l'a rappelé Jean-Pierre Balligand tout à l'heure, il faut qu'il y ait des hommes pour porter ces projets. Cette démocratie participative fondée sur des projets et sur des acteurs actifs figurait dans la loi que nous avions ensemble élaborée et votée en première lecture.

Le Sénat a réduit tout cela à néant en supprimant les conseils de développement. Je reçois actuellement des lettres d'organismes ou d'associations professionnelles qui, pour certaines, sont assez proches de vous, dans lesquelles il m'est demandé de rétablir les conseils de développement en deuxième lecture. Ces organismes ont fondé un grand espoir sur ces conseils de développement.

Pour ce qui est du rééquilibrage, ne caricaturons pas.

Nous n'y sommes pas opposés. La meilleure preuve en est que le quatrième objectif stratégique qui figure dans l'article 2 de la loi d'aménagement du territoire est consacré au rééquilibrage, c'est-à-dire aux territoires en difficulté. On ne peut pas faire une politique d'aménagement d u territoire uniquement sur le rééquilibrage, mais celui-ci y participe.

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas ce qui est affirmé dans votre texte.

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est ce qui ressort de la loi et c'est ce que vous essayez de minorer ou de nier.

M. Patrick Ollier.

Non !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Venons-en maintenant au rôle du Parlement. Nous ne sommes pas hostiles, bien évidemment, à ce que le Parlement valide les schémas de services collectifs. Vous avez rappelé votre attitude en commission. Mais vous êtes comme nous, en attente de ces schémas pour élaborer la politique d'aménagement du territoire dans le cadre des contrats de plan à la fin de l'année. Il faut que ces schémas soient opérationnels au début de l'an 2000.

Vous savez bien que la validation par la loi, dès la mise en place de celle-ci, empêchait que ces schémas de services collectifs soient élaborés selon la chronologie qui était imposée. C'est pourquoi la majorité de la commission de la production et des échanges a souhaité, d'une part, la mise en place de délégations parlementaires à la fois pour valider ces schémas dans le délai qui s'imposait et pour associer le Parlement dans la continuité aux politiques d'aménagement du territoire et à leur évaluation, et, d'autre part - et ce n'est pas le Gouvernement qui nous l'a concédé, nous l'avons obtenu presque de haute lutte - l'examen par le Parlement, deux ans avant la fin des contrats de plan, d'une loi permettant de revenir sur le cahier des charges des schémas collectifs afin que l'aménagement du territoire reste dans le champ de compétence de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Enfin, dernier élément : l'article 19. Je croyais, mes chers collègues, qu'il faisait l'objet d'un consensus. J'étais convaincu, après les trois heures et demie de discussion


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

que nous avions eues en commission, et après un temps presque équivalent de débat dans l'hémicycle, que nous étions vraiment parvenus, sur cet article qui est le centre d'intérêt premier des élus locaux et d'un grand nombre d'élus nationaux, à un texte d'équilibre. Quelle n'a pas été ma surprise de voir que les sénateurs, qui ont vocation à représenter les territoires, l'avaient complètement démantelé ainsi que l'article 20.

Vous nous reprochez, monsieur Ollier, de donner aux préfets le pouvoir de délimiter le périmètre des pays. Ne nous moquons pas, ne caricaturons pas ! Nous nous sommes efforcés, au contraire, d'enrichir le texte du Gouvernement afin d'associer à cette opération les départements - je m'y suis engagé - par le biais de la commission départementale de coopération intercommunale.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.

C'est une très bonne chose !

M. Philippe Duron, rapporteur.

J'avais très bien entendu les objections que vous aviez formulées en commission selon lesquelles, dans une région comme la vôtre, on pouvait difficilement voir de Marseille les problèmes qui se posaient dans les Hautes-Alpes.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai, monsieur le rapporteur !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Nous avions trouvé un équilibre entre la région et le département. Cela me semblait être un bon point.

Pourquoi fallait-il que le préfet arrête la décision finale ? Parce que nous savions bien que, sur un certain nombre de points mineurs, mais qui sont chers à tous les élus, des petits différends s'exprimeraient encore. Il me semblait que le préfet avait suffisamment de recul pour trouver les derniers coups de crayon qui s'imposaient lorsque les points de vue de la commission départementale et de la CRADT n'étaient pas compatibles.

M. Patrick Ollier.

Je ne suis pas d'accord !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je vous rappelle que le préfet agit après un avis conforme de la CRADT, ce qui limite singulièrement son pouvoir de décision et, éventuellement, son arbitraire.

Je ne sais pas si votre motion sera votée. J'en doute un peu. Quant à moi, j'aborde la discussion de ce texte avec une grande sérénité. Je suis toujours ouvert aux enrichissements, pour peu qu'ils ne modifient pas l'économie, la philosophie du texte.

Vous vous êtes fait l'écho de jugements négatifs d'un certain nombre d'élus locaux. De mon côté, je réponds à de nombreuses invitations sur l'ensemble du territoire pour expliquer le projet de loi et je constate qu'il suscite beaucoup d'intérêt. Les gens comprennent assez bien la nécessité d'élargir les fondements de l'aménagement du territoire et, sur l'article 19 qui intéresse, il est vrai, beaucoup plus les élus locaux que les autres articles, ils sont tout à fait convaincus du bien-fondé de l'équilibre.

Voilà, brièvement exposés, les arguments que je voulais opposer à votre longue intervention, monsieur Ollier. Je me devais de nuancer vos propos quelque peu combatifs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous passons aux explications de vote.

Je rappelle qu'un orateur par groupe va s'exprimer pour une durée de cinq minutes.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Claude Daniel.

Vous nous avez dit, monsieur Ollier, qu'il n'y avait pas lieu à délibérer, que vous en feriez la démonstration. Vous avez tort ! Des affirmations appuyées, véhémentes, ironiques, trop souvent répétées ne constituent pas l'argumentaire d'une démonstration.

Trois logiques nous ont été présentées.

Celles de la minorité, de l'opposition dans cette Assemblée nationale, c'est le contrôle par le Parlement, la centralisation au travers d'un schéma national et le retour constant au texte de 1995. Vous nous avez sorti plusieurs fois votre petit livre bleu. Pourquoi la loi Pasqua auraitelle toutes les vertus ? Pourquoi ce texte, qui est resté sous votre responsabilité pendant deux ans, a-t-il eu tant de mal à trouver les voies de son application ? Il ne suffit pas de citer les 102 textes complémentaires d'application pour oublier dans un même élan ceux qui étaient nécessaires pour que la loi entre enfin dans la réalité.

La deuxième logique est une logique défensive. C'est celle présentée par la majorité du Sénat : ruralité s'oppose à urbain, les schémas directeurs d'équipements et de services sont un substitut au schéma national que vous appeliez de tous vos voeux, et l'unimodalité se substitue à la plurimodalité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La troisième logique, celle qui est sous-tendue par ce texte, est effectivement une logique de projet. Ce n'est pas la simplification abusive d'une situation territoriale complexe, mais la compréhension et l'organisation de cette complexité, appuyée sur l'emploi, le développement et le progrès social.

Oui, trois logiques s'affrontent. Il y a donc nécessité à en délibérer. C'est le but du texte qui vous est présenté.

Sur la méthode de concertation, vous nous avez dit deux choses contradictoires en apparence : on va trop vite, c'est l'urgence ; on ne va pas assez vite, vous avez eu le temps d'organiser l'aménagement du territoire depuis dix-huit mois.

M. Patrick Ollier.

Deux ans !

M. Jean-Claude Daniel.

La préparation actuelle des contrats de plan, le travail de préparation des SRAD, la préparation des schémas d'objectifs instaurent entre les régions, les départements, les EPCI, les communes un échange et une réflexion utiles et nécessaires. Cela nourrit aussi le travail des législateurs. Cette méthode nous paraît être la bonne. C'est celle qui sous-tend le travail que nous avons mis en route.

J'ai le sentiment que l'opposition à l'Assemblée nationale, la majorité au Sénat, est quelque peu schizophrène.

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est insultant !

M. Jean-Claude Daniel.

... en présentant deux objectifs qui paraissent nettement contradictoires.

Je ne m'engagerai pas dans une exégèse de vos qualités et de vos défauts, comme vous avez pu le faire pour la ministre. Je comprends évidemment la frustration qui est la vôtre en tant qu'ancien rapporteur du texte de 1995, qui ne voudrait pas abandonner ce bébé en cours de route.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

On n'abandonne jamais nos enfants.

M. François Sauvadet.

On est trop attaché à la famille.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. Jean-Claude Daniel.

Cela ne veut pas dire cependant qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

Oui, monsieur Sauvadet, nous défendons le droit à la reconnaissance des différences et de la diversité dans la nécessaire équité territoriale.

Je suis, pour ma part, confiant dans l'avenir. Les acteurs du développement local sont déjà concrètement à l'oeuvre dans les territoires et il m'a bien semblé remarquer leur diversité politique.

Le problème, monsieur Ollier, n'est pas de faire trop pour le rural ou trop pour l'urbain. C'est d'en faire assez pour tous nos concitoyens où qu'ils soient.

M. Patrick Ollier.

C'est ce que nous proposons !

M. Jean-Claude Daniel.

Nous proposons donc de repousser cette question préalable qui apparaît non fondée et dont vous n'avez pas fait la preuve qu'elle est autre chose qu'une simple rhétorique politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République française, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

M. François Sauvadet.

Madame la ministre, j'ai été très choqué par les propos que vous avez tenus, qualifiant d'abord le grand débat qui avait précédé la loi de 1995 de tournée préélectorale.

M. Pierre Ducout.

Elle n'a pas été couronnée de succès !

M. François Sauvadet.

C'est insultant pour tous ceux qui y ont participé et c'est encore plus insultant pour la conception que nous avons du dialogue qui doit exister entre ceux qui sont en charge de l'exécutif et ceux qui doivent exprimer leurs attentes. Nous regrettons qu'il n'ait pas eu lieu cette fois-ci.

J'ai été également extrêmement choqué par les analogies que vous avez utilisées, renvoyant à la grenouille ou au boeuf, même si vous avez des attaches parmi les Verts ! Nous avions eu un débat extrêmement riche pour préparer la loi de 1995, et tous ceux d'entre nous qui ont participé à son élaboration au sein de la commission mixte savent combien nous y avons mis d'ardeur, combien nous nous sommes enrichis mutuellement de nos réflexions. S'il y a eu un tort peut-être, c'est d'avoir tenu compte de tous les avis pour offrir une palette d'outils, que vous vous êtes d'ailleurs refusés à utiliser au cours des deux dernières années. Patrick Ollier, avec beaucoup de talent, mais aussi avec conviction, a rappelé que vous avez perdu beaucoup de temps et que les déséquilibres se sont accrus. Vous avez critiqué cette palette d'outils. Vous auriez mieux fait de les utiliser !

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Il était utile de rappeler l'esprit qui était le nôtre lors de l'élaboration de la loi de 1995.

Les pays, dont vous faites aujourd'hui l'un des outils de base de la politique d'aménagement du territoire, proviennent précisément du travail que nous avons réalisé ensemble.

M. Pierre Ducout.

Nous ne jetons pas tout ! Nous ne sommes pas sectaires !

M. François Sauvadet.

Enfin, Patrick Ollier a bien fait de rappeler le caractère dogmatique qui sous-tend votre démarche. Et quand le rapporteur dit qu'on n'oppose pas équipements et services, de grâce ! En modifiant le texte du Sénat, vous venez précisément de ramener l'amélioration de l'aménagement du territoire à une démarche de services exclusive, fondée d'abord sur l'utilisation de l'existant. C'est une vision que nous ne partageons pas.

Il y a des divergences profondes entre nous,...

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

... et je pense simplement aux élus locaux et aux populations qui attendent de vous comme de nous des actes et des moyens.

Madame la ministre, ne parlez pas de transparence, parce que vous n'avez toujours pas répondu à notre question sur la façon dont vous allez aborder concrètement, dans la transparence, avec les acteurs du territoire, la difficile question, essentielle, des zonages des fonds structurels européens. Parler de zonage qu'on est sur le terrain, ce n'est pas une attitude défensive, c'est simplement reconnaître les difficultés particulières de certains quartiers et de certains territoires, pour pouvoir leur donner les moyens de se forger leur avenir.

M. Christian Jacob.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Pour toutes ces raisons qui ont été excellemment rappelées par Patrick Ollier, et parce qu'il nous semble que vous vous trompez d'aiguillage, l'UDF votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

Très bonne intervention !

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Jean Proriol.

Madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, le groupe Démocratie libérale votera la question préalable que Patrick Ollier a défendue avec énergie...

M. Pierre Forgues.

Talent ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean Proriol.

... talent, conviction, force images, verve... et avec la très grande connaissance qu'il a de ce sujet. Tout le monde ne pourrait pas en dire autant ! Cette matinée a deux mérites.

Le premier, c'est de vous avoir obligée, madame la ministre, à répondre à des questions pertinentes que vous avait posées tout à l'heure François Sauvadet et sur lesquelles Patrick Ollier est revenu. Je reconnais que votre seconde réponse était plus longue et un peu plus charpentée que la première.

Cela a également obligé le rapporteur à donner quelques explications.

Si les fonds structurels européens, les contrats de plans, les zonages, ceux de la PAT ou les zonages européens, les interventions économiques dont nous attendons que la loi Zuccarelli les définisse enfin, ne font pas partie de l'aménagement du territoire, le débat est vidé d'une grande partie de sa substance. Or, dans le texte qui nous est soumis, ces points ne sont pas traités. Vous nous dites par exemple que les contrats de plans et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire que vous nous demandez d'établir dans les régions devront tenir compte des huit ou neuf schémas de services collectifs qui figurent dans cette loi. Or nous n'avons pas les réponses les concernant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

Par ailleurs, et vous l'avez reconnu tout à l'heure, monsieur le rapporteur, le texte ne corrige pas les inégalités régionales et territoriales que nous constatons dans notre pays.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Au contraire !

M. Jean Proriol.

C'est un aveu très important.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Vous m'avez mal entendu !

M. Jean Proriol.

Enfin, vous privilégiez la notion de services plutôt que celle d'équipements. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.

Dernier point, Patrick Ollier a eu raison de rappeler que le Parlement a été court-circuité. Pourtant, en commission, la gauche plurielle avait eu un bon mouvement en lui redonnant par un amendement un rôle décisif. La création de la délégation à l'aménagement du territoire concédée au Parlement ne remplace pas le rôle fondamental que les députés voulaient jouer à cet égard, surtout lorsqu'on leur propose in fine, deux ans avant la fin des contrats de plan, un débat de rattrapage.

C'est pour toutes ces raisons que nous voterons la question préalable, parce qu'elle nous paraît indispensable pour enrichir encore le texte. La gauche plurielle a tort de critiquer urbi et orbi le rôle joué par le Sénat, qui a incontestablement enrichi le texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Alain Cacheux.

L'alliance des conservateurs !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour le groupe communiste.

M. Félix Leyzour.

J'écoute toujours avec beaucoup d'attention et d'intérêt ce que dit M. Ollier (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , et, contrairement à ce que pensent certains de mes collègues, je suis convaincu que la passion qu'il met à défendre son point de vue n'est pas feinte, ou politicienne,...

M. François Vannson.

Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est une juste réponse !

M. Daniel Marcovitch.

Cela va se terminer par un PACS !

M. Félix Leyzour.

... surtout s'agissant d'un domaine comme l'aménagement du territoire.

Il a, bien entendu, pris la précaution de se référer à notre règlement, selon lequel la question préalable a pour objet de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

Pourquoi n'y aurait-il pas lieu à délibérer ? Le problème serait-il sans intérêt, sans importance ? Non. Il est tout simplement déjà résolu. Il existe une loi, la loi Pasqua, de 1995, qui avait, paraît-il, tous les mérites sauf, il faut bien le constater, celui d'avoir pu être appliquée dans de nombreuses dispositions par ceux-là mêmes qui l'avaient préparée et votée.

J'observe tout de même une contradiction dans les propos de notre collègue !

M. Jean-Louis Idiart.

S'il n'y en avait qu'une !

M. Félix Leyzour.

Il a demandé, sur un ton un peu patelin de recherche d'un large consensus, pourquoi il fallait voter une nouvelle loi puisqu'il en existe déjà une, et proposé que nous nous donnions la main pour l'appliquer, et, tout de suite après, sur un ton plus tranchant, plus batailleur, presque menaçant (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Patrick Ollier.

Vous me connaissez mal !

M. Jean-Claude Lenoir.

Là, il y a un malentendu !

M. Félix Leyzour.

... il a déclaré que, lorsque l'alternance jouerait en leur faveur...

M. Jean-Louis Idiart.

Jamais !

M. Félix Leyzour.

... ils déferaient notre loi !

M. René André.

Que faites-vous actuellement ?

M. Michel Bouvard.

Nous rétablirons les droits du Parlement !

M. Félix Leyzour.

C'est donc admettre qu'il y a un problème...

M. Patrick Ollier.

Oui, le problème, c'est le texte !

M. Félix Leyzour.

... qui n'est pas un problème de pure forme, mais un problème de fond concernant l'aménagement du territoire.

Il y a donc lieu de reprendre notre discussion et de délibérer, d'autant plus que nous sommes en nouvelle lecture et que le chantier est déjà ouvert, et je demande que la question préalable déposée et défendue par notre collègue soit repoussée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Idiart.

Belle démonstration !

M. Christian Jacob.

La chute est mauvaise !

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe RPR.

M. Serge Poignant.

M. Ollier a annoncé qu'il essayerait de convaincre tout le monde, et je crois qu'avec son talent, il aurait pu y parvenir, mais, visiblement, madame la ministre, vous n'avez pas été convaincue, sans doute parce qu'il a visé juste en parlant de votre attitude dogmatique, qu'il s'agisse du contenu ou, surtout, du ton de votre réponse, comme l'a souligné François Sauvadet.

Attitude dogmatique dans le refus d'un schéma national, ô combien important, pourtant, pour la France et sa place en Europe. Et comment ne pas parler d'une politique équipementière auprès d'une politique de service ? Dogmatisme également dans votre manière de considérer les zones rurales ainsi que dans votre façon de considérer le rôle du Parlement.

Cette attitude a été confirmée par le refus de tenir compte des dispositions prises par le Sénat, refus très vite manifesté en CMP, monsieur le rapporteur, alors qu'en commission, vous étiez plus ouvert au dialogue.

Madame la ministre, vous avez à la hâte balayé la loi Pasqua et, dans la confusion, vous êtes finalement arrivée à une loi plutôt médiocre et manquant d'ambition. C'est pourquoi le groupe RPR votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. Jean-Michel Marchand.

Cette question préalable, monsieur Ollier, vous a permis de vous livrer à un exercice de style parfois remarquable. Si je suis d'accord avec M. Leyzour pour dire que votre enthousiasme et votre passion ne sont pas feints, il y avait tout de même dans vos propos quelques connotations politiciennes.

J'ai senti chez vous une nostalgie fort compréhensible de ce texte de 1995 sur lequel vous aviez travaillé et que vous n'avez pas pu ou pas su faire vivre, pas su dans les mois où la minorité actuelle était au pouvoir, et pas pu puisque les électeurs en ont décidé autrement il y a un peu moins de deux ans.

Ce texte, il faut le réaffirmer, avait un caractère trop ruraliste. Il faisait le choix des territoires sans faire le choix des hommes et des femmes qui y vivent. Or c'est essentiel.

Il y avait également dans vos propos de la démagogie.

Vous ne pouvez pas critiquer lorsque les décrets ne sortent pas assez vite et vous étonner lorsque les cahiers des charges des schémas de services collectifs sont déjà connus. Le Gouvernement et Mme la ministre ont la volonté de nous informer de ce qu'il est prévu de décréter dès que ce texte sera voté.

Vous nous faites part de votre ressentiment à l'égard des dispositions que nous avons prises. Je vous affirme à nouveau que le Parlement et les parlementaires auront toute leur place dans ce débat qui ne fait que commencer.

Nous voterons, bien entendu, contre cette question préalable, parce qu'il est nécessaire de trouver des solutions pour l'aménagement du territoire et surtout de le mettre au service d'un développement durable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vais mettre aux voix la question préalable présentée par M. Ollier.

(« Ah, enfin ! », sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

(Vives protestations sur les mêmes bancs.)

M. Charles Miossec.

Ah non, c'est incroyable !

M. Patrick Ollier.

Inadmissible ! Le vote était appelé ! (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi.

Si, le vote était commencé !

M. Michel Bouvard.

Et on va suspendre quand même la séance ! (« Mais oui, ils ne sont pas assez de députés à gauche ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Charles Ehrmann.

Tartufferie !

M. le président.

Le vote n'était pas commencé.

(« Si ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Scandaleux !

M. le président.

La suspension est de droit.

(« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Michel Bouvard.

On va finir par voter après les questions d'actualité ! (« Bonne idée ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue pour cinq minutes.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à douze heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise. (« Au vote, au vote ! », sur les mêmes bancs.)

Attendons un instant, que le Gouvernement soit représenté. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Qu'il démissionne ! Nous le lui demandons d'ailleurs depuis deux jours ! (« Oui ! », sur les mêmes bancs.)

M. Patrick Ollier.

C'est du sabotage !

M. Michel Bouvard.

Et puis nous n'avons pas besoin de voter sous la pression du Gouvernement. Les explications de vote ont eu lieu.

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît ! L e Gouvernement étant maintenant représenté (« Combinazione ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , nous allons voter, et dans les formes réglementaires.

M. Michel Bouvard.

Et pendant ce temps, en face, ils vont rappeler leurs troupes ! (« C'est inadmissible ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

J'invite donc les secrétaires présents, M. René André et Mme Bernadette Isaac-Sibille, à bien vouloir m'assister ici dans les opérations de vote.

Je mets aux voix la question préalable.

(L'épreuve à main levée est déclarée douteuse.)

M. le président.

Mes chers collègues, pour que les choses soient claires, nous allons procéder par assis et levé.

(L'assemblée est consultée par assis et levé.)

M. le président.

La question préalable n'est pas adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 5 MAI 1999

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi no 1527 rectifié, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1562).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT