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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Souhaits de bienvenue (p. 4071).

2. Questions au Gouvernement (p. 4071).

ORGANISATION DE LA GENDARMERIE NATIONALE EN CORSE (p. 4071)

MM. Jacques Desallangre, Alain Richard, ministre de la défense.

CRISE DU KOSOVO (p. 4072)

Mme Muguette Jacquaint, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

RESPECT DE L'ÉTAT DE DROIT EN CORSE (p. 4073)

MM. Pierre Lequiller, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

APPLICATION DES TRENTE-CINQ HEURES À LA SNCF (p. 4075)

M. Pierre Méhaignerie, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

FONCTIONNEMENT DU GPS EN CORSE (p. 4076)

MM. Dominique Perben, Alain Richard, ministre de la défense.

HOSPITALISATION PRIVÉE (p. 4077)

M. Bernard Accoyer, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

BAISSE DU CHÔMAGE (p. 4078)

M. Jérôme Cahuzac, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE (p. 4079)

M. Marcel Rogemont, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

REFUGIÉS DU KOSOVO (p. 4079)

MM. Jean Launay, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

AVENIR DE LA FILIÈRE BOIS (p. 4080)

MM. François Brottes, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 4080)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

3. Rappel au règlement (p. 4080).

M. Gilbert Gantier, Mme la présidente.

4. Aménagement du territoire. - Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 4081).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4081)

MM. Patrick Rimbert, Jean Proriol, Félix Leyzour, Yves Coussain, François Huwart, Serge Poignant, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont,

MM. Paul Patriarche, Jean-Michel Marchand, Dominique Caillaud.

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

MM. Jean-Claude Daniel, Michel Bouvard, Léonce Deprez.

Clôture de la discussion générale.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 4100)

Motion de renvoi en commission de M. José Rossi : MM. Jean-Claude Lenoir, François Sauvadet, Patrick Rimbert, Jean Proriol, Félix Leyzour, Jean-Michel Marchand, Serge Poignant. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 4108).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, une très chaleureuse bienvenue à Mme Helle Degn, présidente de l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Radical, Citoyen et Vert.

ORGANISATION DE LA GENDARMERIE NATIONALE EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Monsieur le ministre de la défense, les événements graves qui viennent de se produire en Corse (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et qui impliquent directement des officiers et des gradés de la gendarmerie nationale révèlent à l'évidence de sérieux dysfonctionnements.

Je n'oublie certes pas que ce n'est pas l'arme en tant que telle qui est mise en cause : ce sont d'ailleurs les constatations d'autres gendarmes qui, transmises à la justice, ont permis à celle-ci de diligenter une enquête, laquelle a été confiée par le procureur, puis par le juge d'instruction, à l'inspection technique de la gendarmerie nationale, secondée par la section de recherche d'Ajaccio.

Il n'en reste pas moins qu'il est de votre responsabilité de tirer toutes les conclusions des manquements très graves qui sont maintenant établis.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les mesures concrètes que vous avez déjà prises et celles que vous comptez prendre pour réformer l'organisation de la gendarmerie nationale en Corse.

Par ailleurs, et plus largement, la gendarmerie est chargée sur l'ensemble du territoire national, conjointement avec la police, de participer à l'exercice de la police judiciaire et au maintien de la sécurité de nos concitoyens. A la lumière de ces événements et aussi, bien sûr, des réflexions que vous avez engagées, monsieur le ministre, comment voyez-vous dans l'avenir l'organisation de la gendarmerie pour qu'elle remplisse au mieux ses missions, dans le plus strict respect des lois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le député, l'implication de plusieurs gendarmes dans une infraction très grave est une lourde gêne, nous le savons tous, dans la défense de la loi, qui est et qui restera la mission éminente de la gendarmerie nationale, sous la responsabilité du Gouvernement.

Que ce comportement soit une aberration par rapport aux règles d'éthique et de droit qui encadrent l'action des gendarmes, une aberration par rapport à la conduite scrupuleuse qu'ils suivent en toutes circonstances, n'empêche pas que nous recherchions les améliorations, les réformes qui permettent de prévenir encore plus strictement de telles fautes individuelles. C'est l'objet de l'enquête que j'ai immédiatement demandée au général Capdepont, inspecteur général des armées, qui me remettra son rapport vendredi.

Trois actions doivent être impulsées.

D'abord, il faudra prendre les sanctions individuelles qui seront justifiées par les faits établis, selon la procédure disciplinaire qui sera scrupuleusement suivie. L'Assemblée doit savoir que les rares cas de faute personnelle dans la gendarmerie sont suivis de sanctions très sévères...

M. Michel Hunault.

On sanctionne les lampistes !

M. le ministre de la défense.

... sur lesquelles je veille personnellement, car elles sont un élément indispensable du maintien de la confiance faite à l'institution.

Ensuite, le contrôle exercé sur les missions opérationnelles de la gendarmerie par sa direction générale - contrôle qui s'exerce a posteriori, comme vous le savez, puisque la direction générale n'exerce pas d'autorité d'emploi sur les unités - peut être encore amélioré, et nous allons y travailler dans le cas des missions qui sortent de l'activité quotidienne des unités.

A ce sujet, je dois rappeler que le contexte de travail des gendarmes comme des policiers en Corse est rendu beaucoup plus intense qu'ailleurs dans le pays par la persistance d'un risque élevé d'atteinte aux personnes : 421 attentats ou tentatives d'attentats ont été comptabilisés en 1995, 397 en 1996, et encore 301 en 1997. Voilà la situation qu'a trouvée notre gouvernement lors de son installation. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est dire qu'il y a bien dans ces deux départements des contraintes lourdes pour ceux qui assument au quotidien les charges de la sécurité des citoyens. (Mêmes mouvements.)


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Mais dans ce cas, comme dans les autres situations où il y a surcharge dans les missions, il nous faut, c'est exact, réexaminer les mécanismes de contrôle et d'évaluation.

M. Charles Cova.

Ce sont les lampistes qui trinquent !

M. le ministre de la défense.

Nous ferons donc en ce sens des propositions bien étudiées, qui seront présentées à la représentation nationale.

Enfin, plus globalement, nous allons parachever un travail déjà engagé sur mes instructions...

M. Philippe Auberger.

Il serait temps. Réveillez-vous !

M. le ministre de la défense.

... portant sur les procédures d'affectation et de formation des gendarmes, sousofficiers et officiers pour les emplois les plus sensibles.

La capacité de la gendarmerie à faire face à la délinquance sous toutes ses formes et à assister la justice dans ses enquêtes les plus difficiles demandent la poursuite de l'effort d'adaptation déjà engagée.

C'est l'esprit dans lequel le Gouvernement a, il y a peu de mois, créé, sur ma proposition, la direction des affaires juridiques au ministère, laquelle travaille quotidiennement avec la direction générale de la gendarmerie nationale.

C'est aussi la raison pour laquelle j'ai mis en place un conseil de prospective de la gendarmerie, instance pluraliste de haut niveau.

M. Philippe Vasseur.

Nous sommes sauvés !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. le ministre de la défense.

Je conclus, monsieur le président.

Dans cette instance, travaillent des magistrats, des avocats, des hauts fonctionnaires et des universitaires. Je demanderai à ce conseil de travailler dans un esprit d'indépendance aux améliorations des procédures d'affectation et de formation que je vais proposer.

(« C'est nul ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous sommes confrontés, nous sommes tous confrontés, notamment tous ceux qui siègent sur ces bancs, à la nécessité de continuer à faire progresser l'Etat de droit.

Dans tous les domaines, c'est la politique du Gouvernement et il la mène solidairement.

La place de la gendarmerie dans l'action à mener doit être entière. Nous le devons à ces soldats de la loi, meurtris comme nous par les défaillances de leurs collègues.

Nous défendrons donc fermement avec eux l'Etat de droit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

CRISE DU KOSOVO

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

M me Muguette Jacquaint.

Monsieur le Premier m inistre, depuis quarante-deux jours, des frappes aériennes sont effectuées sur la Serbie et le Kosovo.

A l'origine, cette initiative de l'OTAN a été présentée comme devant permettre, d'une part, de mettre un terme aux exactions du dictateur Milosevic, massacrant et déportant la population kosovare, et, d'autre part, de contraindre la partie serbe à revenir à la table des négociations.

Cette stratégie est aujourd'hui en échec. Chacun peut le constater. En définitive, ce qui a été présenté comme le remède s'avère pire que le mal. La communauté internationale est dans l'impasse.

D epuis le début, les députés communistes ont condamné les bombardements et préconisé une solution politique. Des enfants, des femmes et des vieillards souffrent dans leur chair de cette guerre atroce.

Plus que jamais, l'heure est à la solidarité avec les réfugiés dont le nombre ne cesse de grossir. Les élus communistes apportent leur contribution active à cet effort collectif.

Tout ce qui pourrait aider dans la voie d'une solution, toute avancée contribuant à sortir de la crise et de cette guerre, rien, vraiment rien ne doit être négligé, même le plus petit effort.

Tel est le sens des propositions des députés communistes que je rappelle ici : retrait des forces serbes du Kosovo, arrêt des bombardements, mise en place d'une force d'interposition, de sécurité et de coopération placée sous l'égide de l'ONU et de l'OSCE, tenue d'une conférence internationale sur les Balkans.

Ces jours-ci, les conditions changent : les opinions p ubliques évoluent, des voix politiques autorisées s'élèvent, notamment en Allemagne et en Italie, la diplomatie russe fait des efforts et des prisonniers sont libérés - même s'il n'y a aucune illusion à se faire sur Milosevic.

Bref, la moindre opportunité d'avancer vers une solution pacifique doit être saisie. Le Président Clinton lui-même s'interroge sur une éventuelle pause. Tout cela constitue autant d'éléments nouveaux propres à créer les conditions permettant de trouver une issue à cette guerre.

Dans de telles conditions, la France ne saurait prendre du retard pour aider à la solution de ce conflit. Dans ces circonstances, une démarche forte et nette pèserait d'un bon poids en faveur des Kosovars et de la paix pour tous les peuples dans cette partie de l'Europe.

Ma question, monsieur le Premier ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) est donc simple : compte tenu de ces conditions nouvelles, la France entend-elle, par la voix de son gouvernement, donner sa chance à la paix ? Quelle initiative en ce sens allez-vous prendre sans tarder ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Madame la députée, vous le savez, bien avant que ne commencent les frappes sur la Serbie et sur le Kosovo, la diplomatie française a consacré tous ses efforts à la recherche d'une solution de la crise par la voie diplomatique et politique. Cela a été le processus dit de Rambouillet, auquel étaient associés la diplomatie britannique et les pays membres du groupe de contact.

La voie de la diplomatie et du dialogue a donc été constamment la démarche de la France, et c'est faute que celle-ci débouche, avec l'accord de M. Milosevic, sur ce qui apparaissait à tous, pourtant, comme la solution raisonnable que les pays de l'Alliance ont dû se résoudre aux frappes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Je me suis rendu, vous le savez, vendredi et samedi, à l'occasion d'un voyage en Egypte, en Albanie et en Macédoine. Je l'ai fait, certes, pour avoir un contact direct avec les réfugiés, les déportés, ceux qui vivent sur place et ceux qui viendront chez nous.

M. Thierry Mariani et M. Jean-Michel Ferrand.

Il faut aller en Corse !

M. le Premier ministre.

Mais je l'ai fait aussi pour saluer le travail extraordinaire accompli, notamment sur le terrain humanitaire, par les soldats français, en Albanie sous l'autorité du colonel Gros et en Macédoine sous celle du général Valentin.

Je l'ai fait également pour dialoguer avec l'ensemble d es organisations non gouvernementales, notamment françaises, impliquées dans l'aide aux réfugiés. J'ai d'ailleurs pu transmettre aux autorités des deux pays les préoccupations des ONG pour qu'elles puissent améliorer leur efficacité.

Je l'ai fait enfin pour être aux côtés des autorités de ces deux pays, dont l'un accueille fraternellement une masse énorme de réfugiés et dont l'autre essaie de régler dans un équilibre démographique et ethnique instable le problème d'un afflux excessif.

Ce qui m'a frappé à l'occasion des dialogues que j'ai noués avec ces autorités politiques, Premier ministre ou Président de la République, c'est que par rapport à une question que nous nous posons tous, dans l'opinion ou sur ces bancs, celle qui consiste à savoir si, par les frappes, nous avions eu une responsabilité dans le mouvement de déportation, ou à savoir si nous pouvions l'anticiper, c'est que les autorités de ces pays, notamment les autorités macédoniennes, en particulier le Président de la Macédoine, qui a connu M. Milosevic au sein des organismes dirigeants de la ligue communiste de Yougoslavie (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), m'ont dit de la façon la plus claire qu'ils n'avaient pas imaginé eux-mêmes une seconde que M. Milosevic pourrait procéder à des déportations massives.

J'ai assuré ces deux pays de l'aide de la France. J'ai déclaré qu'à l'occasion de cette nouvelle visite, nous allions créer un fonds pour aider la Macédoine et l'Albanie.

M. Jean-Michel Ferrand.

Et pour aider la Corse ?

M. le Premier ministre.

Je peux vous indiquer que les sommes que nous accordons à ces deux pays, hors les programmes de coopérations antérieurs, c'est-à-dire pour faire face aux difficultés économiques et humanitaires auxquelles ils sont confrontés, représentent aujourd'hui 980 millions de francs, soit près d'un milliard de francs !

M. François Vannson.

Et pour la Corse ?

M. le Premier ministre.

Quand on voit les réfugiés, quand on voit les déportés, on se rend compte qu'il faut absolument, puisqu'il n'y a pas de moyens autres aujourd'hui, conduire par les frappes et par la force M. Milosevic à la table de négociation.

Mais vous avez raison, madame la députée, il ne faut négliger aucune occasion de déboucher sur une issue diplomatique, qui, en tout état de cause, mettra fin à ce conflit. A cet égard - M. le ministre des affaires étrangères aurait pu le dire avec plus de précision que moi, mais j'ai voulu répondre à votre question et vous rendre compte également de mon voyage en Macédoine et en Albanie - la diplomatie française, je peux vous l'assurer, est au coeur des discussions.

Nous nous réjouissons certes que M. Tchernomyrdine, l'envoyé du Président Eltsine, fasse des propositions, aille à Belgrade, aux Etats-Unis et dans la capitale de l'Allemagne, pays qui assure actuellement la présidence de l'Europe. Mais nous ne pouvons pas aujourd'hui, malgré les signes positifs et les mouvements qui s'opèrent, faire preuve d'un optimisme excessif.

Cela dit, la France elle-même, au sein du groupe des 8 les directeurs politiques ont adopté un texte qui résulte en partie de nos propositions -, en préparant la réunion ministérielle du G 8 dont nous espérons qu'elle pourra se tenir, la France est bien au coeur de ce processus diplomatique. Nous avons l'intention de le poursuivre.

Vous avez évoqué, madame la députée, un certain nombre de conditions ou un certain nombre d'évolutions en les citant dans un ordre qui m'a convenu. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous avez dit : retrait des forces serbes, arrêt des frappes. Mais je peux vous indiquer, madame la députée, que si M. Milosevic commençait à retirer des forces, acceptait le principe du retour des réfugiés, tous points sur lesquels vous et moi, ainsi que le Gouvernement et vous tous ici sommes d'accord, je pense - je le dis en tant que Premier ministre - que les frappes s'arrêteraient immédiatement, donnant ainsi toutes ses chances à la négociation. C'est en tout cas le point de vue du Gouvernement français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert), et je pense que c'est aussi celui du Président de la République.

Faute de faire confiance à M. Milosevic, c'est bien dans ce sens, effectivement, que les choses doivent être faites, c'est-à-dire qu'il faut un début d'engagement pour que nous puissions passer au langage de la paix.

J e terminerai en disant que le Président de la République se rendra dans quelques jours à Moscou et qu'il pourra converser avec le Président Eltsine, que le ministre des affaires étrangères ira également dans la capitale russe où il rencontrera son homologue russe et que j'aurai l'occasion moi-même d'y aller les 24 et 25 mai, dans le cadre, il est vrai, de la commission bilatérale économique qui réunit les Premiers ministres russe et français, commission mise en place, je crois, par M. Alain Juppé. A cette occasion, nous participerons tous à ce dialogue politique qui doit permettre la paix, si M. Milosevic revient à la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

RESPECT DE L'ÉTAT DE DROIT CORSE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Monsieur le Premier ministre, si j'ai bien entendu vos explications concernant la Corse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), nous sommes passés en une semaine d'une simple affaire de l'Etat à une affaire d'Etat dont l'Etat ignore tout.

Hier, vous avez affirmé que vous-même, les ministres et l'ensemble de vos collaborateurs n'étaient au courant de rien. Vérité ou pas, cette situation traduit une scandaleuse désorganisation et une incompétence de l'Etat. (Pro-


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testations sur les mêmes bancs.)

C'est vous qui avez décidé de faire du dossier corse un dossier interministériel, géré à Matignon où il faisait l'objet de réunions régulières.

C'est vous qui avez fait nommer le préfet Bonnet...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non, c'est Chirac !

M. Pierre Lequiller...

et qui lui avez donné carte blanche.

C'est vous qui avez créé un corps d'élite d'exception au sein de la gendarmerie : le GPS.

Sérieusement, monsieur le Premier ministre, il est difficile d'imaginer, avec toutes ces recommandations et vos décisions, que votre cabinet, dont vous avez tant loué les mérites et l'efficacité hier, ignorait tout de cette opération. L'enquête éclaircira ce point.

Aujourd'hui, la transparence s'impose et je vous poserai trois questions : Premièrement, quels étaient les objectifs de cet acte insensé du commando qui a détruit la paillote dans la nuit du 19 au 20 avril ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

D euxièmement, le groupe Démocratie libérale a demandé la création d'une commission d'enquête à l'Assemblée nationale sur l'application de l'Etat de droit en Corse. Je rappelle que vous aviez déjà accepté qu'une commission d'enquête sur la Corse soit créée : la commission Glavany. J'espère, compte tenu de la gravité des faits et de la nécessité affirmée par tant de vos amis de faire la lumière sur cette affaire, que le principe de la création d'une telle commission sera adopté par votre majorité.

Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour assurer à la représentation nationale une information pleine et entière sur cette affaire ? Troisièmement, compte tenu du nombre important de faits non élucidés, nous souhaiterions savoir si d'autres opérations de ce type ont été menées par l'organe d'exception que vous aviez mis en place.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Nous refuserons pour réponse les propos violents que le ministre de l'intérieur a proférés hier à l'encontre de notre collègue Moyne-Bressand.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Ce que nous voulons, c'est la vérité.

M. Alfred Recours.

Oh non !

M. Pierre Lequiller.

Il en va de l'image de l'Etat et de votre responsabilité politique de faire la pleine lumière sur cette affaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Je vais vous répondre très calmement, monsieur le député.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Si j'ai repris hier M. Moyne-Bressand, c'est parce qu'il avait employé à propos de la préfecture des expressions comme « repaire de malfrats ».

(Protestations sur les mêmes bancs.)

Or, en tant que tuteur du corps préfectoral, je tiens à réagir fermement contre de tels propos.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il avait également employé d'autres expressions que je juge pour le moins inappropriées.

M. Lucien Degauchy.

Il citait la presse !

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement n'a rien à cacher. Si des fautes apparaissent, elles seront sanctionnées.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais vous devez, nous devons tous ensemble garder sur cette affaire une prudence élémentaire et nous exprimer avec une certaine circonspection.

Je vous ai lu hier la lettre du préfet Bonnet.

(Exclamations sur les mêmes bancs.) Vous n'avez pas le droit de ne pas le laisser s'expliquer.

Permettez-moi de vous dire que le souci d'une justice équitable doit conduire à écouter les uns et les autres, le lieutenant-colonel Cavalier comme le préfet Bonnet.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Michel Herbillon.

C'est vous le ministre !

M. le ministre de l'intérieur.

J'essaierai de répondre à votre première question en resituant cet événement dans le contexte de ce qu'on a appelé l'affaire des paillotes. Il est vrai qu'en Corse, comme nulle part ailleurs, la plage fait l'objet d'appropriations privées par des paillotes, des cabanons, des hangars et que ce que l'on tolère en Corse depuis fort longtemps, on ne le tolérerait pas à Carnac ou à Saint-Tropez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Des décisions de justice existaient, dont certaines depuis plus de dix ans.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Gardez votre calme !

M. le ministre de l'intérieur.

Je suis très calme, et je rappelle la réalité. Le préfet Bonnet, qui a tenté de ramener un certain ordre dans plusieurs domaines, a essayé, en matière de préservation du littoral maritime, de faire exécuter les décisions de justice (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), soit par la voie amiable (Rires sur les mêmes bancs),...

M. Lucien Degauchy.

Les pieds dans le tapis !

M. le ministre de l'intérieur.

Je tiens à votre disposition la liste des engagements qui ont été pris.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous me demandez de répondre calmement et je le fais. Je vois que la passion n'est que d'un côté ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues ! Une question a été posée et, sauf à faire un procès d'intention, il faut écouter la réponse dans le silence.

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est un dossier brûlant !

M. le ministre de l'intérieur.

Lorsque cela n'a pu se faire à l'amiable, il est vrai que le préfet a eu recours aux moyens du génie civil ou du génie militaire.

(Exclamations et rires sur les mêmes bancs.) Laissez-moi aller jusqu'au bout ! Vous me posez une question sérieuse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Le 9 avril, il devait être procédé à certaines destructions, mais l'assemblée de Corse a voté, à l'unanimité moins quelques abstentions, une motion demandant qu'il soit sursis à la démolition de ces paillotes. Je vois que

M. Rossi opine du chef et reconnaît que, ce jour-là, l'assemblée de Corse a demandé que des décisions de justice ne soient pas appliquées, tandis que M. Léotard demandait la même chose. Le préfet a accepté.

Que s'est-il passé ensuite ? Deux interprétations sont possibles. Ou bien il y a eu un « excès de zèle » de la part des gendarmes (Rires et exclamations sur les mêmes bancs) , ou bien il y a eu un emportement. C'est à l'enquête judiciaire qui a été ouverte qu'il appartiendra de le déterminer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous ai resitué les faits tels qu'ils se sont produits, mais je vois que vous mettez une passion malsaine dans l'exploitation de cet événement.

Alain Richard vous a donné les statistiques concernant les homicides jusqu'en 1997, et il s'agit bien là de votre bilan. Je vous rappelle qu'en 1998 les attentats par explosifs ont chuté de 69 %, qu'ils sont tombés de 315 à 98, que les incendies volontaires ont régressé de 39 %, que les vols à main armée sont passés de 160 à 61. Quant aux homicides et tentatives d'homicides, ils ont chuté de moitié en cinq ans et la plupart de leurs auteurs sont désormais identifiés. Cet effort ne doit pas se relâcher, malgré l'exploitation que vous faites de cet événement déplorable ! Il faudra continuer ! (Mêmes mouvements.)

La création d'une commission d'enquête relève de l'Assemblée nationale, pas du Gouvernement. Quant aux autres faits non élucidés, monsieur le député, il est trop facile de reprendre l'argumentation des nationalistes qui, dans un tract, revendiquent dix attentats et accusent l'Etat d'en avoir commis quatre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

APPLICATION DES TRENTE-CINQ HEURES À LA SNCF

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ma question ne s'adresse pas au Premier ministre (« Ah ! » sur divers bancs du groupe socialiste), bien que la réponse du ministre de la défense nous fasse craindre le contenu du dossier de la Corse.

Elle s'adresse à Mme la ministre de l'emploi, car des centaines de milliers de Français souffrent aujourd'hui, une nouvelle fois, de la détérioration de la qualité du service p ublic. Les grèves à répétition conduisent à une incompréhension des Français.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, une règle dans cette assemblée veut que l'on écoute celui qui parle.

M. Méhaignerie a la parole ; je prie les autres de faires ilence ! Veuillez poursuivre, monsieur Méhaignerie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Méhaignerie.

Merci, monsieur le président ! Je crois que cette question intéresse les Français.

Ces grèves à répétition conduisent non seulement à une incompréhension des Français, mais aussi à une exaspération croissante des usagers, à une détérioration de l'image de la France à l'étranger et à un accroissement de la fracture sociale entre ceux qui peuvent faire céder l'Etat et les millions de salariés qui, eux, ne le peuvent pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Madame la ministre, je voudrais vous poser trois questions simples.

Première question : l'application des trente-cinq heures à la SNCF représente-t-elle vraiment un coût supplémentaire de 1,5 milliard, comme l'a dit son président ? Deuxième question : l'application des trente-cinq heures dans le secteur public, et particulièrement à la SNCF, conduit-elle, comme le disent certaines organisations syndicales, à une régression sociale ? Troisième question : pour éviter une augmentation supplémentaire des dépenses publiques pour les contribuables, une insatisfaction des personnels de la fonction publique et une détérioration des services au public, ne faudrait-il pas, madame la ministre, remettre en question l'application des trente-cinq heures dans la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous posez une bonne question (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), celle de l'application des trente-cinq heures dans notre pays, et j'ai le plaisir de vous faire je ne dirai pas une bonne réponse, mais une réponse qui nous satisfait puisque, depuis quinze jours, nous avons déjà dépassé le million de salariés travaillant sous le régime des trentec inq heures et ainsi créé, ou préservé, plus de 50 000 emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous en discuterons d'ailleurs ensemble lors du bilan de la loi que nous ferons en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Personne n'a dit que la mise en place des trentecinq heures était facile. Mais personne non plus sur ces bancs n'a trouvé la façon miracle de régler le problème du chômage. Pour ma part, je me réjouis que depuis près de deux ans le chiffre du chômage se soit réduit de 260 000 (« Pas grâce à vous ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), ce qui est sans précédent depuis trente ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Les trente-cinq heures, je crois pouvoir le dire, n'y sont pas pour rien, non plus que la relance du pouvoir d'achat, de la consommation et de la croissance, que les emplois-jeunes et l'aide à l'innovation technologique.

(« La question ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vais y venir, mais permettez-moi d'y répondre plus globalement, car la situation de l'emploi mérite que toutes les pistes soient ouvertes. C'est ce que nous avons fait et c'est pourquoi les résultats sont là.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

J'en arrive à la SNCF et aux entreprises publiques.

(« Ah ! » sur les mêmes bancs.) Il serait particulièrement malvenu de penser qu'une partie du pays pourrait rester à l'écart des trente-cinq heures, d'abord parce que c'est une aspiration des Français (Exclamations sur les mêmes bancs), ensuite parce que l'emploi est notre priorité numéro un ; enfin, parce que dans les entreprises ces négociations permettent un vrai dialogue social prenant en compte, en termes de souplesse, tant les besoins de l'entreprise pour faire face à la concurrence que les souhaits des salariés pour mieux articuler leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Les discussions dans les grandes entreprises publiques ne sont jamais faciles - vous êtes bien placés pour le savoir -, parce que ces entreprises jouent un rôle majeur pour notre pays. Nous le voyons lorsque surviennent des troubles et je regrette que cela soit le cas aujourd'hui, car cela perturbe la vie d'un grand nombre de Français.

M. Charles Ehrmann.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela dit, les négociations en cours ont donné lieu à des centaines d'heures de travail.

M. Lucien Degauchy.

Et les Français qui marchent à pied, on n'en parle pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les principales organisations syndicales ont déclaré que les propositions faites méritaient d'être prises en considération,...

M. François d'Aubert.

Et les clients de la SNCF ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... même si elles doivent être précisées et amendées.

Comme l'a indiqué le ministre de l'équipement, des transports et du logement, et comme c'est le cas aujourd'hui en France dans une entreprise sur deux où se négocient les trente-cinq heures, la négociation va se poursuivre. Dans les heures qui viennent, nous allons trouver une solution permettant à la SNCF d'être plus productive, de mieux rendre un service de qualité à ses usagers, d'améliorer les conditions de travail et surtout de préserver l'emploi, car cela reste l'objectif numéro un du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du rassemblement pour la République.

FONCTIONNEMENT DU GPS EN CORSE

M. le président.

La parole est à M. Dominique Perben.

M. Dominique Perben.

Monsieur le Premier ministre, la vraie question qui se pose aujourd'hui à propos de la Corse, indépendamment du déroulement de l'enquête judiciaire, est celle de l'autorité de l'Etat, de son fonctionnement et donc de son image. Or ce qui s'est passé est évidemment le résultat d'un processus de dérapage progressif dans le fonctionnement de la préfecture de Corse et dans ses relations avec les forces de l'ordre.

Un tel événement, monsieur le Premier ministre, quelles que soient la faiblesse ou les erreurs des hommes, n'arrive pas par hasard. Il arrive d'autant moins par hasard que les auteurs présumés de ces actes criminels sont membres d'un corps militaire discipliné, exigeant et digne d'éloges : la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour qu'un tel acte soit commis, il y faut un contexte favorable qui pousse à travailler en marge de la loi, puis qui pousse à la transgresser. Et c'est cela, monsieur le Premier ministre, qui vous concerne directement, en tant que responsable de l'administration.

Il est clair, en effet, que la création du Groupe de pelotons de sécurité a joué un rôle déterminant dans cette dérive progressive. Vous l'avez d'ailleurs reconnnu, après huit jours d'hésitation, puisque vous avez décidé hier de le dissoudre. Vous devez dire au Parlement les raisons qui vous ont amené à autoriser sa création. Vous devez nous dire avec quelles orientations et quelles instructions il a été mis en place. Vous devez aussi nous dire pourquoi vous n'avez pas agi avant l'affaire de la paillote.

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Dominique Perben.

Vous ne pouviez pas ignorer les difficultés de relation entre les différents services de police et de gendarmerie en Corse.

M. Arnaud Montebourg.

Comme Chirac !

M. Dominique Perben.

Vous ne pouviez pas ignorer les circonstances parfois troublantes de certaines arrestations ou de certaines filatures dont la presse s'est fait l'écho.

Des questions vous avaient été posées ici même à ce sujet, monsieur le Premier ministre, il y a quelques mois.

J'ajoute qu'au moins trois de vos ministres ne pouvaient qu'avoir été alertés sur le mode de fonctionnement de cette unité : la ministre de la justice, car le Parquet ne pouvait pas ignorer les actions du GPS,...

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Dominique Perben.

... le ministre de l'intérieur, en charge de l'ordre public, et le ministre de la défense, de qui dépend la gendarmerie.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et le chef des armées ?

M. Dominique Perben.

Monsieur le Premier ministre, pourquoi n'avez-vous pas réagi ?

M. Christian Bataille.

Et le chef des armées ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Dominique Perben.

Pourquoi avez-vous toléré de telles méthodes, inévitablement porteuses de difficultés et de dérapages ? Vous ne pouvez pas me répondre que vous ne saviez pas, ou alors ce serait encore plus grave quant à votre méthode de gouvernement ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Vous savez, monsieur le député, que vos questions portent sur des faits qui font l'objet d'une enquête judiciaire qui se poursuit.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Restez maîtres de vous-mêmes, messieurs, quand on parle de la justice ; cela semble vous exciter ! Voyez-vous un hélicoptère dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

C'est trop facile !

M. le ministre de la défense.

Puis-je répondre maintenant devant quelque chose qui ressemble à un Parlement ? (Vives protestations, huées et claquements de pupitress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants se lèvent.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. le président.

Un peu de calme, je vous prie !

M. le ministre de la défense.

D'abord, la gendarmerie n ationale assure en direct l'ensemble des missions d'enquête. Elle est au service de la justice et, minute après minute, elle lui fournit toutes les données dont elle a besoin pour éclaircir les faits.

M. François Rochebloine.

C'est lamentable !

M. le ministre de la défense.

Ensuite, s'agissant du Groupe de pelotons de sécurité (Exclamations sur les bancs du gorupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), les missions qui lui ont été assignées à la suite de l'observation de la situation en Corse étaient des missions d'intervention p arce que les interpellations et les arrestations se déroulent souvent là-bas dans des conditions dangereuses.

Ces missions seront reprises par les formations de la gendarmerie. Elles restent nécessaires. En Corse, beaucoup d'arrestations sont en effet des épisodes dangereux.

Le GPS exerçait aussi une mission de protection qui sera également reprise par un peloton dépendant du groupement de gendarmerie.

M. Michel Herbillon.

Les ministres perdent leur sangfroid !

M. le ministre de la défense.

Cette protection est, hélas, nécessaire...

M. Jean Ueberschlag.

Donc, vous saviez !

M. le ministre de la défense.

... pour garantir la sécurité des autorités.

Enfin, le GPS avait une mission de surveillance liée aux enquêtes judiciaires qui sont nombreuses et qui donneront des résultats en Corse. Vous allez le voir, mesdames, messieurs les députés ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ça, on l'a vu !

M. le ministre de la défense.

Le contrôle régulier des activités du GPS a été effectué par la direction de la gendarmerie nationale et toute investigation qui portera sur ce point démontrera sa vigilance.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Ueberschlag.

Vous le saviez !

M. le ministre de la défense.

L'Etat de droit a subi des atteintes du fait de manquements individuels qui seront réprimés conformément à la loi.

M. Jean Ueberschlag.

Et vous le saviez !

M. le ministre de la défense.

L'opposition, dans une telle affaire, fait son travail comme elle croit devoir le faire. La controverse politique fait partie de la démocratie.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Franck Borotra.

Les responsabilités aussi !

M. le ministre de la défense.

Mais, que notre diligence et notre compétence soient discutées par ceux qui ont suivi fougueusement dans leurs actions, avec les résultats que l'on connaît,...

M. Jean Ueberschlag.

Et le Rainbow Warrior !

M. le ministre de la défense.

... - M. Jean-Louis Debré et M. Charles Millon - n'est pas pour nous une épreuve insurmontable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

HOSPITALISATION PRIVÉE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, il serait surprenant que l'on s'oppose à l'un des devoirs essentiels du Parlement, le contrôle de l'action du Gouvernement.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Permettez-moi de vous rappeler qu'il y a deux jours, le ministre de l'intérieur indiquait sur RTL qu'il n'avait eu connaissance de la création du GPS qu'il n'y a que quelques jours...

M. Christian Bataille.

Ici, nous sommes au Parlement, pas à la radio !

M. Bernard Accoyer.

Or, le 12 août, en visite à Arcachon, le ministre de l'intérieur se félicitait publiquement de la création du GPS. Comprenez, monsieur le Premier ministre, que nous nous interrogions ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question concerne l'hospitalisation privée qui, depuis 1991, s'est restructurée profondément : elle a amélioré la qualité des soins qu'elle dispense, contrôlé ses dépenses de façon contractuelle. Mais, pour la première fois en 1998, l'objectif de dépenses de l'hospitalisation privée aurait été dépassé, dans un contexte de transfert d'activités du secteur public vers le secteur privé. Des négociations ont été ouvertes entre votre gouvernement et ses représentants.

Or, brusquement, vous avez rompu ces négociations et, contre l'avis unanime de la CNAM, décidé d'une baisse de 2 % des tarifs de l'hospitalisation privée. Cette décision menace, à court terme, 30 à 50 % des capacités de l'hospitalisation privée qui doit faire face à des hausses de charges liées à la sécurité sanitaire et à l'application des trente-cinq heures.

L'hospitalisation privée, ce sont 130 000 emplois, 40 000 professionnels de santé, 63 % des interventions et 50 % des accouchements qui se font en France.

Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour lever cette menace qui pèse sur les établissements, sur les personnels et surtout sur le libre choix des patients ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, en matière de sécurité sociale, nous devons tenir le même discours à l'ensemble des professionnels de santé.

Nous le faisons vis-à-vis des médecins à qui nous demandons, comme à l'ensemble des professionnels, d'améliorer la qualité de la santé, de favoriser l'égal accès des soins à tous et de faire en sorte que les ressources soient utilisées de façon optimale. Nous le faisons vis-àvis de l'hôpital public et de l'hôpital privé, de l'ensemble des acteurs. Nous avons encore signé, la semaine dernière, un accord avec les pharmaciens : il n'en n'avait jamais été conclu jusqu'à présent.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Baratin, baratin !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas du baratin, c'est la réalité, le travail que nous faisons, et il n'avait pas été fait précédemment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous avons signé un accord avec les radiologues. Nous sommes sur le point d'en signer un avec les cardiologues, avec les laboratoires biologiques. La CNAM a signé un accord avec les infirmières libérales. Car nous souhaitons avancer par la concertation, en trouvant les meilleures solutions pour que nos concitoyens y gagnent en matière de santé publique et pour garantir la pérennité de la sécurité sociale.

Monsieur le député, on ne peut pas tenir un double d iscours selon que l'on s'adresse à l'hospitalisation publique ou à l'hospitalisation privée.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cette année, je le regrette tout comme vous, les cliniques n'ont pas respecté l'objectif sur lequel elles s'étaient engagées vis-à-vis de la CNAM et de l'Etat.

Nous avons essayé de négocier la façon de rattraper ce dérapage et de faire en sorte que les évolutions de ce secteur soient compatibles avec celles des autres postes de la sécurité sociale. Nous ne sommes pas parvenus à un accord, et je le déplore.

Le Gouvernement sera prêt à prendre les mesures nécessaires pour permettre à la sécurité sociale de parvenir à l'équilibre et de continuer à réduire son déficit. Je rappelle que celui-ci est déjà tombé de 55 milliards en 1996 à quelque 15 milliards cette année.

Il ne faut pas qu'il y ait deux poids, deux mesures. Je connais le travail mené par les cliniques privées. Je sais qu'actuellement un grand nombre d'entre elles travaillent en liaison, en réseau avec l'hôpital public.

Pour nous, chacun travaille dans le cadre de la santé publique et chacun est regardé de la même manière. Mais nous ne pouvons pas accepter que ceux qui ont choisi certaines pathologies, les plus rentables, certains publics et ne remplissent pas des missions de formation et des missions de santé publique comme le font les hôpitaux, ne respectent pas les mêmes règles que les hôpitaux publics (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Renaud Muselier.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui, eux, s'en tiennent à l'enveloppe que nous leur avons proposée et acceptent les évolutions aujourd'hui nécessaires.

Alors évitons de tenir deux discours, l'un pour plaire à nos amis, l'autre pour dire que nous voulons pérenniser la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

BAISSE DU CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, des dépêches officielles ont fait état d'une baisse du chômage de 1,3 % au mois de mars.

Cela signifie qu'au cours de ce seul mois, près de 40 000 de nos concitoyens ont trouvé ou retrouvé du travail.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale la validité de ce chiffre ? Comment l'analysez-vous et quelles raisons avons-nous d'espérer que c e processus, sans précédent depuis de nombreuses années, se poursuive ? Les mêmes chiffres font état du développement du travail par intérim. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quels sont les voies et moyens que vous comptez mettre en oeuvre afin de faire de la lutte pour l'emploi un combat contre la précarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le chiffre du chômage du mois de mars est en effet bon, avec 38 000 chômeurs de moins : et 260 000 chômeurs de moins depuis vingt et un mois, c'est une réduction sans précédent du chômage, même s'il reste beaucoup à faire.

Ce résultat tient à la combinaison suivante. D'une part, une politique économique qui continue à donner la confiance aux Français et donc à maintenir un niveau élevé de consommation et de croissance ; de fait, au mois de mars, les offres d'emploi, malgré le petit trou d'air de fin d'année, ont réaugmenté de manière importante : de 5 % par rapport à mars 1998, qui était pourtant en pleine croissance. D'autre part, une politique sociale qui commence à porter ses fruits, puisque les résultats de mars montrent que toutes les catégories y gagnent. Le chômage des jeunes baisse. Les 180 000 emplois-jeunes qui ont été créés n'y sont sans doute pas pour rien. Le nombre des chômeurs de longue durée a baissé de 60 000 depuis le vote de la loi contre les exclusions. Mais le travail précaire reste un sujet de préoccupation.

Monsieur le député, l'année dernière, le retour de la croissance s'est traduit par une forte augmentation des contrats à durée indéterminée. Si, ce mois-ci, nous assistons à une nouvelle poussée du travail précaire, c'est parce qu'il y a, à nouveau, relance de la croissance. J'espère, comme vous, que ces emplois se transformeront en emplois permanents.

Cela dit, le Gouvernement n'entend pas accepter que certaines branches, certaines entreprises continuent, malgré l'amélioration de la situation économique, aujourd'hui que l'horizon s'est éclairé, à recourir au travail précaire...

M. Yves Rome.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... en permanence et à de forts taux.

J'ai proposé aux organisations patronales une négociation dans ces branches. Je vous le redis : si, avant l'été, ce n'était pas le cas, des mesures seraient prises à l'automne soit dans la loi sur la durée du travail, soit dans la loi budgétaire, pour que soient taxés ceux qui précarisent l'emploi et coûtent très cher à la collectivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le président d'ATD-Quart-Monde déclarait, il y a peu : « La couverture maladie universelle est une avancée historique. Cela fait un demi-siècle que nous l'attendons. » Son propos faisait probablement écho

à la Constitution de 1946 de la République française selon laquelle : « La nation garantit à tous la protection de la santé. » Si je rappelle cette déclaration, c'est qu'il y

a quelques heures, dans le courant de la nuit, une loi très importante de la présente législature a été votée en première lecture, loi instituant la couverture maladie universelle.

Cette loi s'inscrit dans le droit fil de la lutte contre les exclusions, puisque 150 000 de nos concitoyens sont absents du droit à la santé. Plus de 6 millions ne peuvent, faute de moyens suffisants, se soigner ou faire donner à leurs enfants des soins dentaires ou leur acheter une paire de lunettes.

Grâce à la couverture maladie universelle, un vrai droit à la santé pour tous donne vie au troisième mot qui figure au fronton de la République, je vais dire « fraternité ». Dès lors, l'attente est grande pour que ce droit à la santé pour tous, digne d'un Etat moderne, soit mis en oeuvre.

Madame la ministre, pourriez-vous rappeler à la représentation nationale et, au-delà, à nos concitoyens, les principaux enjeux de cette loi, ainsi que les moyens que vous allez mettre en oeuvre en vue de son application la plus rapide possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, la couverture maladie universelle est une avancée majeure qui complète la loi de lutte contre les exclusions. D'une part, 150 000 personnes qui, sur notre territoire, n'ont pas de carte de sécurité sociale - je pense par exemple à des jeunes en rupture de famille - pourront y avoir accès très rapidement. D'autre part, et c'est un élément majeur, 6 millions de personnes, qu'il s'agisse de chômeurs, d'exclus, mais aussi de salariés, d'artisans, de commerçants à petits revenus, pourront être soignées gratuitement, sans avance de frais, à partir, je l'espère, du 1er janvier 2000.

Je le répète, il ne s'agit pas pour nous d'ériger un système à l'américaine où les personnes seraient soignées selon un système de second ordre, mais bien de veiller à ce que ces personnes soient soignées comme l'ensemble de nos concitoyens, en ayant recours aux mêmes médecins, en ayant accès aux mêmes hôpitaux, aux mêmes cliniques, aux mêmes services de santé.

Ce débat était l'objet d'enjeux majeurs. Je remercie tous ceux qui y ont participé. Mais je tiens à saluer le travail mené par Jean-Claude Boulard, qui avait été chargé préalablement par le Gouvernement d'une mission pour mettre en place cette CMU et conduire la concertation avec les différents partenaires. Le travail que nous avons accompli pendant ces quelques jours a permis d'améliorer encore le texte sur beaucoup de points. Je crois pouvoir dire aujourd'hui aux Français que l'accès aux soins, c'està-dire l'accès à l'avenir, va devenir une réalité.

Sur un texte aussi fondamental, soutenu par les associations qui travaillent auprès des exclus depuis des années, chacun aurait pu se retrouver. Je regrette donc que l'opposition n'ait réussi à se mettre d'accord que sur une opposition systématique.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Entre ceux qui souhaitaient une privatisation et ceux qui la regrettaient, ceux qui nous parlaient d'assistance et ceux qui demandaient de relever le seuil, ceux qui parlaient d'étatisation et ceux qui nous réclamaient, en tant que président de conseil général, la remontée fu département à l'Etat, nous avons eu bien du mal, une fois de plus, à comprendre quel était son projet. Mais je me réjouis, comme vous, que six millions de Français puissent dorénavant croire en l'avenir pour eux et leurs enfants, car ils auront droit à un accès aux soins, le même que l'ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) RÉFUGIÉS DU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay.

Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, la guerre du Kosovo et les conditions de l'engagement militaire dans le cadre de l'OTAN préoccupent nos concitoyens. Les conséquences de l'épuration ethnique entreprise par Milosevic, l'afflux des réfugiés dans les camps en Albanie, en Macédoine, au Monténégro ont provoqué un élan de solidarité sans précéd ent chez nos compatriotes, qui s'interrogent aussi sur notre capacité d'accueil.

Compte tenu du nombre de réfugiés toujours plus important, des limites - en particulier sanitaires - des conditions d'accueil dans les camps, des efforts insupportables que cette situation fait peser sur les petits pays limitrophes et après la visite de notre Premier ministres ur place, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour accueillir davantage de réfugiés en France ? Et quelles initiatives prendrons-nous, afin que la solidarité qui s'impose à l'égard des victimes de l'épuration ethnique soit coordonnée aux niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que nos concitoyens sont extrêmement touchés par les images de colonnes de réfugiés qui arrivent en Albanie - où 400 000 personnes environ ont trouvé refuge -, en Macédoine ou au Monténégro.

Comme l'a dit le Premier ministre à plusieurs reprises, l'urgence impose d'organiser et de protéger les réfugiés du Kosovo au plus près de leur région d'origine, là où ils se trouvent, pour préparer leur retour dans leur pays, ainsi d'ailleurs qu'ils le souhaitent. C'est dans ce sens-là que se mobilise la communauté internationale.

La France, vous le savez, a apporté une contribution très importante à cet effort. La visite du Premier ministre en Albanie et en Macédoine a été l'occasion d'annoncer une série de mesures nouvelles, dans le cadre d'un fonds d'aide à la reconstruction. Cette assistance, principalement destinée à soulager ces pays des conséquences de la crise sur l'économie, s'élève à 335 millions de francs : 172 pour l'Albanie, 163 pour la Macédoine.

Vous avez également tout à fait raison de rappeler, monsieur le député, que les camps installés dans ces pays sont aujourd'hui proches de la saturation. Il faut donc réfléchir au moyen d'accroître la capacité d'accueil des réfugiés dans les Etats membres de l'Union. Je vous rap-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

pelle qu'en France nous avons déjà accueilli 2 400 réfugiés, ce qui fait de nous le troisième pays d'accueil en Europe derrière l'Allemagne et la Turquie.

C'est pourquoi le Gouvernement est en train de procéder à l'identification de nouveaux sites avec les collectivités locales - dont nous saluons tous l'immense travail et avec les administrations. La défense, notamment, a identifié 3 000 places.

Je partage votre idée selon laquelle l'Union européenne doit apporter une réponse coordonnée à cette crise. A cet égard, je vous assure qu'au-delà d'un effort financier très important de la Communauté, de plus de 300 millions d'euros, la concertation entre les Quinze est permanente, ainsi que l'action.

C'est le cas sur place. Mme Bonino va se rendre en Albanie et en Macédoine cette semaine. C'est le cas à Bruxelles, notamment pour coordonner l'aide communautaire et les aides bilatérales. C'est le cas sous l'égide de la présidence allemande, qui organisera, le 27 mai prochain, une première conférence sur la reconstruction.

Il est de la responsabilité de l'Union européenne d'assumer une part majeure aujourd'hui dans l'urgence, mais aussi dans le futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

AVENIR DE LA FILIÈRE BOIS

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, vous avez fait, lundi dernier, plusieurs annonces importantes qui intéressent un secteur d'activité qui pèse plus lourd en emplois que le secteur automobile. Je veux parler de la filière bois.

Dans le droit-fil du rapport de notre collègue JeanLouis Bianco, qui a fait l'unanimité, la consultation sans précédent animée par le groupe d'étude de notre assemblée que j'ai l'honneur de présider (Sourires) a confirmé, au titre du développement durable et du fort potentiel de croissance économique et d'emplois du secteur, l'impérieuse nécessité que les pouvoirs publics s'impliquent de manière plus dynamique dans la filière bois.

Depuis des années, la forêt s'accroît considérablement dans notre pays. Il faut l'exploiter plus et mieux, pour lutter contre la pollution. Ainsi, la filière bois devra être l'une des activités économiques majeures du siècle qui va commencer.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles sont les grandes lignes suivies par le Gouvernement pour traiter un dossier qui, par nature, a une large dimension i nterministérielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous avez raison, le vaste travail qui a été entrepris doit beaucoup au rapport réalisé par JeanLouis Bianco, « La forêt, une chance pour la France », qui, par ses propositions concrètes et de qualité, est un exemple des services que le Parlement peut rendre à un gouvernement. Je suis heureux de souligner que le groupe d'étude que vous présidez au Parlement poursuit ce travail, notamment par l'organisation d'un colloque, las emaine dernière, et fait toujours des propositions constructives au Gouvernement.

A la suite d'une communication que j'ai présentée au conseil des ministres, le 25 novembre dernier, le Gouvernement a décidé de mettre en place un plan d'action pour la politique forestière : c'est une sorte de fusée à trois étages.

Le premier étage est la définition d'une stratégie forestière. Il s'agit d'une des propositions originales de JeanLouis Bianco, qui consiste à définir avec les professionnels concernés une stratégie à quinze ou vingt ans, de façon que la France se dote d'une ligne directrice en matière de politique forestière. Ce travail est en cours. Il sera achevé à la fin du mois de juin.

Le deuxième étage de la fusée est l'élaboration d'une loi de modernisation forestière. Ce travail vient d'être entrepris, et nous devrions aboutir à la fin de l'année à un projet de loi établi en parfaite concertation avec les professionnels. Vous avez raison de le dire, ce travail est interministériel. Il concerne évidemment le ministère de l'agriculture, chargé de la forêt. Mais il concerne également le ministère de l'environnement - nous savons combien la forêt contribue à la lutte contre l'effet des serre ; le ministère de l'industrie, qui fait beaucoup d'efforts pour le papier, le carton ou l'ameublement ; le ministère des finances et le ministère de l'emploi, puisque le rapport de M. Bianco fixe un objectif raisonnable de 100 000 emplois à créer dans ce secteur. Toutes leurs actions doivent être mises en cohérence.

Le troisième étage de la fusée enfin, c'est l'Office national des forêts. Ce matin, un nouveau président du conseil d'administration et un nouveau directeur général de l'Office national des forêts ont été nommés en conseil des ministres. Ces responsables auront pour mission de mettre en oeuvre le nouveau contrat liant l'Etat à l'Office national des forêts qui sera évidemment l'une des pierres angulaires de cette politique forestière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Nicole Catala.)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

3 RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour un rappel au règlement.

M. Gilbert Gantier.

Madame la présidente, j'avais prévenu M. Duron, rapporteur du projet sur l'aménagement du territoire, qu'à la reprise de la séance je demanderais à faire un rappel au règlement en vertu de l'article 58.

Mon intervention porte sur les actes de vandalisme survenus la nuit dernière en plein Paris. A l'issue du match de football entre l'OM et Paris-Saint-Germain, des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

supporters de l'OM se sont livrés à d'innombrables actes de vandalisme. Certains de ces actes ont été perpétrés avant le match dans les autobus qui conduisaient les supporters de la gare de Lyon au Parc des Princes, mais les plus graves l'ont été après la rencontre.

Il s'agit d'événements d'autant plus graves que les forces de l'ordre se sont rendues coupables d'inertie. On a ainsi assisté à des dégradations d'autobus qui ont eu lieu en leur présence, mais sans qu'elles interviennent.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Gilbert Gantier.

Comme il s'agissait notoirement d'une rencontre à risques, la police était présente sur les lieux et aurait dû intervenir. Or elle s'est bornée, la plupart du temps, à escorter les casseurs.

D'après les renseignements que nous avons pu obtenir, sept autobus de la RATP ont été intégralement détruits.

Le préjudice est d'ores et déjà évalué par la RATP à au moins 5 millions de francs.

Par la suite, les casseurs ont poursuivi leurs actes de déprédation dans le TGV qui les ramenait à Marseille.

Trois questions se posent.

Premièrement, pourquoi la police n'est-elle pas intervenue ? Alors qu'il y avait un trouble manifeste à l'ordre public, elle n'a pas bougé.

Deuxièmement, d'après un journal de ce matin, vingtcinq personnes auraient été interpellées et treize seraient en garde à vue. Quelles suites le Gouvernement comptet-il donner à ces interpellations ? Ces déprédations ont un coût pour la RATP et pour la SNCF. Quel sera le montant total de la facture et surtout qui va la payer ? Je demande à la présidence de l'Assemblée s'il ne serait pas possible, compte tenu de la gravité de ces faits, d'interroger M. le ministre de l'intérieur pour obtenir des éléments d'information plus précis.

Mme la présidente.

Monsieur Gantier, vous pourrez interroger le ministre de l'intérieur la semaine prochaine.

Puisque vous avez fait référence à l'article 58, je vous indique que son alinéa 2 n'autorise pas de rapport au règlement lorsque le fait évoqué n'a pas de rapport avec la séance ou avec le règlement. Compte tenu de la gravité des agissements que vous évoquez, je vous ai laissé vous exprimer, mais je dois vous dire qu'indépendamment du fait que je veux bien prendre acte de votre déclaration, elle n'avait pas sa place dans le cadre d'un rappel au règlement.

M. Gilbert Gantier.

Madame la présidente, je n'aurais pas pu faire cette déclaration avant les questions d'actualité, vous le savez mieux que moi.

Mme la présidente.

Mais vous auriez pu poser une question d'actualité à ce sujet dès aujourd'hui, ou attendre la semaine prochaine.

M. Gilbert Gantier.

Longtemps après les faits ! 4 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (nos 1527 rectifié, 1562).

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Rimbert.

M. Patrick Rimbert.

Madame la présidente, madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mes chers collègues, nous allons donc nous prononcer, une deuxième fois, sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Déjà remanié par notre Assemblée, ce texte nous est revenu du Sénat plus conforme aux souhaits de l'opposition. Mais la majorité ne s'y retrouve plus. Alors que deux logiques s'affrontent, notre rapporteur nous propose de revenir au texte que nous avons déjà voté, enrichi par certains apports du Sénat et notre propre réflexion.

Il y a bien deux conceptions différentes. L'une est défensive et consiste à se concentrer sur les territoires abandonnés par leur population, qui préfère la ville où la vie semble plus facile et les opportunités plus grandes. Il s'agit d'offrir à ces populations les mêmes équipements partout sur le territoire. C'est ce qu'on appelle la logique de l'offre. Celle-ci est très claire et a tout son sens dans un débat démocratique.

Aux termes de l'autre conception, chaque territoire a ses propres forces et ses propres faiblesses, et c'est à partir des besoins spécifiques des territoires et de leur population qu'il faut construire un projet pour passer un contrat entre l'Etat et les collectivités territoriales. Dans ce cas, il s'agit non pas d'offre d'équipements standard, mais de services adaptés aux besoins de la population sur son lieu de vie. Bien sûr, cela n'exclut pas une réponse sous forme d'équipements. Je le précise car je sais que vous répandez le bruit que nous sommes insensibles à ces équipements.

Derrière certaines des modifications du Sénat, nous pouvons discerner quelques craintes, et notamment celle de voir les départements court-circuités par les pays et les agglomérations. Une des innovations fortes de votre projet de loi, madame la ministre, consiste précisément à solliciter les forces vives des territoires pour que, ensemble,e lles définissent leur destin commun. C'est cette démarche que vous proposez à travers tout le pays.

J'ai donc été très étonné d'apprendre que le Sénat a supprimé les conseils d'équipement, ainsi que des outils de souplesse comme les GIP, ou encore la possibilité d'avoir un périmètre d'étude différent d'un périmètre définitif. On sent là une peur, un manque d'engagement qui peuvent être préjudiciables au projet que nous souhaitons tous.

Il en va de même avec les agglomérations, qui sont des territoires pertinents pour construire des projets autour des transports, de l'habitat, de l'organisation des espaces.

Depuis longtemps, les communes ont mis en commun leurs compétences ; il faut en prendre acte. L'aménagement et le développement durable des territoires doivent s'appuyer sur les agglomérations, en cohérence avec la loi relative à l'intercommunalité. Notre objectif est non pas de refaire cette loi, mais de la compléter.

Ne construisons pas nos lois sur des peurs. La légitimité des territoires s'inscrit dans leur capacité à répondre aux attentes de leurs concitoyens. C'est l'enjeu principal, c'est cela que nous avons voulu organiser au cours de notre débat, en première lecture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Loin de rejeter les départements, nous les avons reconnus lorsqu'ils participent au projet dans le cadre de leurs compétences. Les départements ont deux siècles et presque dix-huit ans d'indépendance et ils ont beaucoup à faire au niveau social, de la santé, de la prévention, des contrats locaux de sécurité, des contrats locaux éducatifs, des contrats de ville. Ils ont là l'occasion de renforcer leur légitimité, de répondre aux désirs de leurs concitoyens et d'éloigner leur peur.

Je ne reprendrai pas le débat sur le rôle du Parlement, qui nous a longuement occupés ce matin. Je soulignerai simplement que nous avons donné à l'Assemblée nationale la possibilité d'être informée régulièrement, de débattre et surtout d'évaluer, de suggérer, d'orienter en permanence l'aménagement du territoire par l'intermédiaire des délégations parlementaires.

Par ailleurs, il faut saluer le Sénat pour sa proposition concernant le schéma de services pour les sports. Je partage également son souci de voir précisé le rôle des collectivités territoriales en matière d'intervention économique locale. Dans les textes, celle-ci repose sur la région. Mais on constate dans les faits que toutes les collectivités interviennent, souvent sur des bases juridiques fragiles. Pour la période 1995-1996, sur un total de 14 milliards d'aide, les communes occupent le premier rang avec 5,7 milliards, puis viennent les régions, avec 4,7 milliards, et les départements, avec 3,5 milliards.

Mes chers collègues, nous sommes tous d'accord, il faut légiférer vite sur ce point. Faut-il, comme le Sénat l'a fait, aborder ce problème par des amendements ? Je ne le pense pas. Le sujet est trop sérieux et trop complexe.

C'est pourquoi j'émets le voeu, madame, que le texte de M. Zuccarelli et celui de Mme Lebranchu soient examinés le plus rapidement possible par notre assemblée. Je vous remercie de transmettre ce message au Gouvernement.

Madame la ministre, vous avez fort bien résumé l'esprit de cette loi : « Un projet, un territoire, un contrat ».

J'ajouterai, pour répondre au besoin sympathique de consensus de l'opposition, une phrase de M. le Président de la République : « Il n'y a pas de territoire sans avenir, il n'y a que des territoires sans projet. »

La commission mixte paritaire a conclu à l'incompatibiltié des textes votés en première lecture par l'Assemblée et le Sénat. Et M. Sauvadet et M. Ollier nous ont plus ou moins longuement convaincus, s'il en était besoin, de cette incompatibilité. Un peu moins longuement pour

M. Sauvadet...

(Sourires.)

M. François Sauvadet.

Merci de le reconnaître !

M. Patrick Rimbert.

C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à revenir comme nous le propose notre rapporteur, M. Duron, au texte que nous avons voté en première lecture en reprenant les apports positifs du Sénat et ceux qui émergeront de cette nouvelle lecture.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Madame la ministre, vous avez déclaré l'urgence sur le projet de loi d'orientation pour le développement durable et l'aménagement du territoire, car ce texte vous tient à coeur et vous avez des délais à respecter.

Mais, et c'est une des contradictions du Gouvernement auquel vous appartenez : en adoptant une position rigide, les députés de votre majorité ont fait échouer la commission mixte paritaire et refusé la main tendue par l'opposition - François Sauvadet et Patrick Ollier l'ont très bien montré ce matin. Bien sûr, votre refus est stratégique, voire un peu dogmatique, votre seul objectif était de revenir au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Pourtant le texte du Sénat est bon. Vous ne pouvez même pas reprocher à la Haute Assemblée d'avoir réécrit votre projet, elle l'a seulement enrichi.

M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Complètement désarticulé plutôt !

M. Jean Proriol.

Même le rapporteur, le bon M. Duron, l'a reconnu. Je cite ses propos : « Le Sénat a amélioré le texte sur de nombreux points. »

M. André Lajoinie, président de la commission.

La citation est-elle complète ?

M. Jean Proriol.

Je vous renvoie, monsieur le président Lajoinie, au compte rendu des travaux de la commission mixte paritaire.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je l'ai répété ce matin !

M. Jean Proriol.

Si j'en crois le journal La Tribune du 31 mars, qui reprend les propos de Philippe Duron, décidément très à l'honneur, « La loi d'aménagement et de développement durable du territoire dessine une vraie recomposition du territoire. ».

M. Philippe Duron, rapporteur.

Tout à fait !

M. Jean Proriol.

« Cette loi constitue une vraie chance pour la politique d'aménagement du territoire », peut-on lire un peu plus loin dans le même article.

Bref, la majorité prétend parler vrai et détenir ainsi une espèce de monopole de la vérité.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Pas du tout !

M. Jean Proriol.

C'est peut-être d'ailleurs ce qui explique sa faiblesse dans la négociation en commission mixte paritaire.

Comment peut-on ne pas trouver un compromis sur certaines propositions du Sénat ? Elles sont indispensables à notre pays et surtout pleines de bons sens. Je veux tout d'abord parler du volet économique PME introduit par Jean-Pierre Raffarin.

Il s'agissait de créer des fonds communs de placement de proximité pour drainer l'épargne locale vers les entreprises installées dans les zones fragiles. Du reste, le président Lajoinie entend souvent à Clermont-Ferrand ses collègues et ses amis lui dire qu'il faut mobiliser l'épargne locale.

Il s'agissait aussi de soutenir la mise en réseau des entreprises sur un territoire sur le modèle des grappes d'entreprises et des fameux districts industriels italiens.

Il s'agissait encore d'alléger les droits sur les transmissions anticipées d'entreprises en milieu rural et urbain sensible.

Enfin, il s'agissait de proroger jusqu'en 2006 les exonérations fiscales liées à la création d'entreprises dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire.

M. Patrick Ollier.

Excellente proposition !

M. Jean Proriol.

Voilà d'authentiques mesures pour le développement des PME et donc de l'emploi. N'est-ce pas là, madame la ministre, la première des politiques d'aménagement du territoire et surtout le gage d'un développement durable ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

En second lieu, je ne comprends pas comment, vous, madame la ministre, qui êtes issue d'un mouvement écologiste et soucieuse de rapprocher la vie de la nature, vous pouvez approuver la dissociation entre aménagement du territoire et équipements. Faute d'équipements, les zones rurales vont, en effet, perdre la vie qu'il leur reste, ce qui ne profitera à personne. Pas même à la nature, qui a besoin d'être entretenue, ni aux zones urbaines, qui connaîtront une plus grande concentration et seront plus encore surpeuplées avec tous les inconvénients que l'on sait, problèmes de transport, bien sûr, mais aussi de violence, hélas ! Dans ces conditions, ne craignez-vous pas de parvenir au but inverse de celui que vous recherchez ? Jeudi dernier, 29 avril, j'ai assisté à Saint-Flour à une réunion des TERRA - territoires ruraux en réseau et en action - qui avait été précédée à Clermont par une ré union des cinq comités économiques et sociaux des cinq régions du Massif central à laquelle d'ailleurs avait participé le commissaire au Massif central. J'y ai entendu une phrase qui ne vous plaira peut-être pas, madame la ministre : le désenclavement doit rester une priorité.

Or les liaisons transversales ferroviaires ou routières sont gravement déficitaires en France et le tronçonnage des programmes, région par région, n'y est pas pour rien.

Au cours des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire qui se sont également tenues ces dernières semaines, des élus de tout bord n'ont cessé de répéter qu'il fallait poursuivre les schémas routiers et autoroutiers.

M. François Sauvedet.

Oui !

M. Jean Proriol.

Bien sûr, il importe de faire une place plus grande au transport ferroviaire. Mais le train ne passe pas partout, ou c'est au prix de longues pérégrinations.

M. Serge Poignant.

Hélas !

M. Jean Proriol.

Et puis même M. Gayssot n'a pas arrêté le processus de fermeture des lignes.

J'ai lu dans le projet de schéma de services collectifs des transports d'Auvergne - c'est celui que je connais le mieux - des propositions de fermeture ou de transfert de lignes ferroviaires sur routes tout à fait étonnantes et contraires à tous les engagements en faveur du transport collectif par voie ferrée.

Autre sujet, apparemment pas négociable, les pays.

Constatés ou reconnus, délimités par les préfets, structure légère, boîte à idées, future boîte à outils, bassin d'emploi nouvel échelon administratif à terme : voilà autant de questions les concernant qui parasitent inutilement le débat. Le problème, c'est qu'il est impossible, au vu de vos réponses, de se faire une idée exacte de l'aménagement du territoire de demain. Comment dessiner une carte sans avoir en effet une vision d'ensemble ?

Indiquez-nous plutôt ce que vous voulez faire. S'agit-il de poursuivre la décentralisation lancée par vos homologues en 1981 ? D'empiéter sur les départements ? De diminuer le nombre de régions ? Si oui, de combien ? De revoir les compétences des collectivités locales ? Après être passés de la commune à la communauté de communes définie par la loi Joxe, on va passer du canton au pays placé soit au-dessous, soit au-dessus de l'arrondissement -, puis à l'agglomération selon que nous sommes en milieu rural ou en milieu urbain ou péri-urbain mais avec des inégalités de traitement que nous critiquons et donc de futurs conflits de compétences entre toutes ces structures.

Je terminerai par les dispositions visant à transposer partiellement la directive concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la communauté et l'amélioration de la qualité des services. Ces dispositions sont loin de constituer un point de discorde : elles ne satisfont personne, ni sur le fond ni sur la forme. Il faut dire pour résumer qu'il s'agit d'un simple amendement introduit à la dernière minute dans un texte avec lequel il n'a aucun rapport, qui ne respecte ni les justifications économiques exigées, ni l'obligation de création d'une autorité réglementaire indépend ante, ni les règles élémentaires de transparence comptable. Par conséquent, la France ne peut prétendre avoir respecté le délai de transposition de cette directive q ui est, par ailleurs, largement expiré depuis le 10 février 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Là encore, un débat et une loi d'organisation générale du service postal, tels que préconisés par le Sénat, seraient préférables à une position intransigeante qui nuira à la préparation du secteur postal à l'Europe de demain.

Enfin, bizarrement, la question de la péréquation financière n'est jamais évoquée, ce qui est un peu à l'image de la politique du Gouvernement : des pétitions de principe sans financement. Il serait peut-être temps de passer de la théorie à la réalité. Cessons de nous contenter, j'allais dire de nous gargariser, de formules vides de sens. Le développement durable, pourquoi pas ? Mais il faut lui donner corps et mettre en place un financement durable.

L'aménagement du territoire nécessite du concret. Il faut simplifier, rationaliser, développer. J'espère tout simplement que ces trois verbes guideront nos travaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Madame la ministre, lors de la première lecture, nous avions souligné qu'il était nécessaire de modifier la loi du 4 février 1995 qui, de 1995 à 1997, n'a pas trouvé beaucoup de points d'application. En effet, le libéralisme à tout crin dont la voie avait été choisie après l'élection présidentielle de 1995 s'accommodait sans doute mal d'un aménagement équilibré du territoire. Une révision de la loi d'aménagement du territoire s'imposait donc afin de marquer les nouvelles orientations de la politique gouvernementale.

Avec votre projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire, que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture, vous avez manifesté la volonté du Gouvernement de modifier la loi de 1995 dans le sens d'une mobilisation des territoires et de la réduction des inégalités, d'une consolidation des systèmes urbains à vocation internationale, en jetant les bases d'un développement durable sur l'ensemble des territoires et d'une consolidation de la décentralisation.

Sur de nombreux points, votre projet de loi répondait à nos préoccupations, et nous l'avions souligné. Le g roupe communiste avait aussi relevé, en première lecture, ce qu'il considérait comme des insuffisances. Il avait également mis en exergue les aspects qui pouvaient constituer de sérieux inconvénients pour l'aménagement du territoire. Les amendements que nous avions défendus avaient pour objectif d'apporter les correctifs que nous estimions indispensables. Au terme d'un débat très riche, très ouvert, nous avions adopté le projet amendé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Le groupe communiste attend un aménagement du territoire équilibré qui prenne appui sur la diversité des territoires, qui en valorise les atouts et qui réponde aux besoins sociaux. Une politique d'aménagement du territoire doit donc conjuguer l'action contre les inégalités territoriales avec la lutte contre les inégalités sociales. Cette politique entre nécessairement en contradiction avec le libéralisme auquel elle doit s'opposer.

Dans la perspective d'un aménagement et d'un développement équilibré du territoire, nous estimons, en accord avec l'esprit du texte, que la région doit être considérée comme le pivot de l'aménagement du territoire. Elle constitue effectivement un bon niveau d'appréhension des problèmes et de mise en oeuvre de politiques de développement en liaison avec la politique nationale et les politiques européennes.

Dans cette logique de territoires pertinents de développement, il nous semble important que le département ne soit pas tenu à l'écart. Sa place a été confirmée. Le département, échelon administratif de l'Etat, est aussi une collectivité ayant à sa tête une assemblée élue au suffrage universel. Il joue un rôle déterminant au plan de la solidarité sociale et de la mise en oeuvre de diverses politiques d'aménagement.

Au titre des territoires pertinents pour l'aménagement et le développement du territoire, le pays occupe dans le texte et a occupé dans la discussion une place importante.

La philosophie qui sous-tend sa définition, à savoir un projet, un territoire, un contrat, comme vous l'avez rappelé ce matin, correspond à l'idée que nous nous faisons du pays et qui privilégie la souplesse et le pragmatisme.

Notre objectif, avec cette nouvelle lecture, est d'arriver à un texte qui soit en accord avec les préoccupations de la population et des élus, qui ait un contenu progressiste et qui permette, dans son application, d'avancer dans le sens de toujours plus de démocratie, de justice, d'égalité entre nos territoires et leurs populations.

Je me réjouis que la commission ait rétabli la disposition que nous avions retenue en première lecture concernant la création de fonds régionaux pour favoriser le développement local, disposition que le Sénat avait supprimée. M. Proriol vient d'indiquer qu'il serait favorable à la création de fonds provenant de l'épargne locale.

M. François Sauvadet.

Oui !

M. Félix Leyzour.

C'est un aspect des fonds régionaux, mais pas le seul. Toutefois, je crois que nous pouvons engager le débat sur cette question.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. Félix Leyzour.

Notre volonté d'avancer vers toujours plus de souplesse, de démocratie, de justice, d'égalité a été remise en cause par le Sénat. En effet, si certaines des modifications qu'il a apportées complètent et précisent des dispositions du texte, d'autres tendent à le modifier fondamentalement en revenant à l'esprit de la loi du 4 février 1995. Le désaccord entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur les dispositions essentielles du projet de loi a d'ailleurs été tel que la commission mixte paritaire a échoué.

Le Sénat a tenu à souligner l'importance du Parlement et a réservé une meilleure place à l'institution départementale. Pour avoir contribué à introduire dans le texte ces deux aspects des problèmes, le groupe communiste ne peut que s'en réjouir. Toutefois, ces aspects positifs ne contrebalancent pas le contenu négatif de la démarche d'ensemble.

Ainsi, les moyens préconisés par le projet de loi ont été remis en cause : les CRADT ont été transformées en organes qui excluent, de fait, la représentation des activités économiques et sociales et des associations ; il en va de même pour le conseil de développement prévu pour les pays que le Sénat a jugé bon de supprimer.

L'orientation affichée par le Sénat est d'insérer le territoire national dans l'ensemble européen et d'assujettir les politiques publiques nationales en matière d'aménagement du territoire aux choix de la Commission de Bruxelles. Il s'agit d'un abandon dans des domaines de compétences qui ne sont pourtant pas, aujourd'hui, reconnus à l'Union européenne. Il n'existe d'ailleurs pas de schéma d'aménagement du territoire de l'Europe.

Sans assujettir nos politiques aux choix de la Commission de Bruxelles, nous devons, bien entendu, tenir compte des réalités européennes avec la volonté de les réorienter dans le sens d'un développement générant de l'emploi, articulant le progrès économique et le progrès social.

Par ailleurs, le Sénat préconise de reconnaître la région comme chef de file de la politique d'aménagement du territoire, ce qui prépare une hiérarchisation des compétences et une recomposition d'ampleur de notre territoire national. Or il n'y a pas lieu de confondre le rôle pivot de la région avec celui de chef de file qui introduit la notion de tutelle sur les autres collectivités.

Traduisant les préoccupations de notre collègue Ernest Moutoussamy, député de la Guadeloupe et membre apparenté de notre groupe, je voudrais que le concept de région ultrapériphérique soit précisé et adopté dans le cadre de la présente loi. J'observe que plusieurs collègues élus des départements d'outre-mer sont intervenus sur ce sujet, autant ici en première lecture qu'au Sénat.

Le Sénat souhaite également accélérer et élargir la transposition de la directive postale. Or nous avons émis les plus expresses réserves sur ce qui a déjà été ajouté dans le projet à ce sujet. Il faut se garder des dérives libérales que la droite veut introduire à l'occasion de tous les textes qui nous sont soumis.

M. François Sauvadet.

Qui a déposé l'amendement et au dernier moment ?

M. Félix Leyzour.

La majorité sénatoriale a également voulu autoriser les collectivités locales à confier leurs réseaux de télécommunication en concession à des opérateurs. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans le débat, mais il ne nous paraît pas politiquement sain de vouloir ainsi, par un amendement présenté subrepticement, légiférer sur un sujet aussi vaste concernant les télécommunications.

M. François Sauvadet.

Il faut le dire au Gouvernement !

M. Félix Leyzour.

Des problèmes sont posés. Il conviendrait de les aborder dans le cadre de la révision de la directive Télécom qui doit avoir lieu l'an prochain. La France devrait, à cette occasion, proposer d'intégrer la fourniture de réseaux à haut débit dans le service universel.

Le groupe communiste va, par conséquent, se montrer particulièrement attentif et vigilant lors de cette nouvelle lecture. Nous approuvons le retour aux dispositions essentielles adoptées en première lecture et nous allons défendre des amendements et des sous-amendements que nous avons déjà présentés en commission, et qui, s'ils sont adoptés, préciseront, amélioreront le texte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Il est nécessaire de rappeler que nous attendons, avant tout, de ce projet de loi un aménagement équilibré du territoire qui prenne appui sur la diversité des territoires, qui en valorise les atouts et réponde aux besoins sociaux.

Nos amendements et sous-amendements vont également dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Coussain.

M. Yves Coussain.

Madame la ministre, nous allons discuter sur un texte profondément revu par le Sénat qui a souhaité donner du corps et de l'ambition à votre projet. Cela vaut, en particulier, pour le volet relatif au développement économique qu'il y a intégré, et pour la défin ition d'objectifs chiffrés et datés en matière d'équipements.

Notre commission, suivant son rapporteur et faisant preuve de constance, est revenue dans des formes différentes sur le projet adopté par notre assemblée le 9 février dernier.

Avec la même constance, je vous rappelerai, au nom du groupe UDF, ce que nous attendons d'une loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Nous voulons d'abord que les compétences entre les d ifférentes collectivités territoriales soient clairement réparties. Cela permettrait à nos concitoyens de savoir à qui s'adresser dans leurs projets, dans la résolution de leurs problèmes dans leur vie quotidienne.

Nous voulons aussi que les procédures soient simplifiées, que nos compatriotes ne croulent pas sous le poids des papiers et des contrôles, qu'on s'attache plus à la qualité d'un projet qu'à sa bonne présentation ou au bon respect des formes et hiérarchies. Or votre projet contient le germe de nouvelles complications, de nouveaux étages de compétence.

Ainsi, le pays, regroupement de communautés de communes, de communes et agglomérations, comme le propose le Sénat, doit être un espace de projets, un espace d'animation, et pas un nouvel échelon administratif.

Nous avons également la faiblesse de penser que l'aménagement du territoire nécessite des moyens, et qu'un moyen indispensable consisterait à corriger les écarts de ressources entre les collectivités. La péréquation financière est un préalable de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Or il n'en est pas question dans ce projet.

De même, le droit à l'expérimentation doit être intégré dans notre droit pour que chaque région, chaque territoire puisse s'engager dans des opérations de développement...

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Yves Coussain.

... et prendre les initiatives qu'il estime souhaitables et adaptées à ses niveaux d'organisation, à ses particularités économiques, sociales et culturelles.

Enfin, cela est essentiel, il est vrai que les besoins sont grands dans les villes et dans leurs périphéries où il faut panser les blessures de la concentration urbaine. Mais il est dangereux d'opposer villes et campagnes, de priver celles-ci des moyens d'accueillir, aujourd'hui ou demain, des familles dont le choix de vie professionnelle et personnelle, grâce à des moyens nouveaux offerts par la société de l'information, n'est pas obligatoirement la ville agitée et plus ou moins exposée, mais la campagne.

D'ailleurs, Le Monde fait état d'un sondage selon lequel 48 % des Français estiment que, dans dix ans, la vie la plus moderne sera la vie à la campagne. Ce même sondage montre que 44 % des Français préféreraient vivre dans une petite commune rurale. Cela démontre qu'investir dans le développement rural, dans la campagne, est un investissement à long terme. Nous aurions souhaité que cela ressorte de votre projet mais nous ne le voyons pas.

M. Michel Bouvard et M. François Sauvadet.

Et oui !

M. Patrick Ollier.

Hélas !

M. Yves Coussain.

Je veux aussi exprimer une nouvelle fois ma conviction largement partagée...

M. Félix Leyzour.

Par « moi-même » ! (Sourires.)

M. Yves Coussain.

... - non, par beaucoup ! - selon laquelle un territoire ne peut se développer, ne peut conserver ou attirer des activités et des populations que s'il a un réseau de communications ouvrant sur l'extérieur.

M. Michel Bouvard.

Bien sûr !

M. Yves Coussain.

Instaurer un bon réseau de communication moderne ne signifie pas, mes chers collègues, madame la ministre, construire des autoroutes ou des TGV partout.

M. Michel Bouvard.

Exact !

M. Yves Coussain.

Le développement passe non par des équipements standards, mais par des équipements adaptés à des reliefs,...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Yves Coussain.

... à des modes de développement, à des besoins de transports.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Yves Coussain.

C'est pourquoi nous vous proposerons encore de fixer des objectifs précis et contraignants, d'abord pour les routes ayant la caractéristique de liaisons d'aménagement du territoire. Le nouveau concept d'autoroute évolutive, à haut niveau de service et à spécification simplifiée, présenté par la direction des routes et mis en avant par nos collègues sénateurs, est très intéressant pour des régions rurales qui souffrent actuellement lourdement de leur enclavement. Je pense, bien sûr, à mon département, le Cantal, mais d'autres sont concernés.

Nous savons bien que la classique route à deux fois deux voies exige des investissements trop lourds et risque d'avoir des effets ravageurs sur notre meilleure ressource, l'environnement. Mais nous voulons des voies de communication modernes et sûres, telles que ces autoroutes simplifiées. Je vous invite, madame la ministre, à les faire inscrire dans les prochains contrats de plan pour les régions les plus mal desservies par le réseau routier.

Nous formulons la même demande en matière de réseaux de télécommunications interactifs à haut débit : la reconquête de nombreux territoires ruraux passe en effet par la diffusion d'activités nouvelles basées sur la transmission d'informations et par l'offre de services marchands ou non marchands efficaces. L'équipement prioritaire des zones rurales en réseaux interactifs à haut débit est donc à mettre au premier rang des urgences d'aménagement du territoire.

Telles sont les observations que je tenais à formuler, madame la ministre, mes chers collègues, dans cette discussion générale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

L'aménagement et le développement durable du territoire sont un fort enjeu pour des territoires comme celui que je représente. Telle qu'elle s'annonce, la réforme des fonds structurels européens va y être durement ressentie, car la France a accepté que son territoire métropolitain soit totalement exclu de l'objectif 1 alors que certaines zones présentaient les critères requis. Nous serons très attentifs à ce que ces mêmes zones en difficulté, mais aux potentiels d'avenir forts, ne soient pas pénalisées par les dispositions de votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Mme la présidente.

La parole est à M. François Huwart.

M. François Huwart.

Madame la ministre, votre texte vient en nouvelle lecture. Lors de sa première discussion par l'Assemblée nationale, une large concertation s'était engagée et vous aviez fait preuve de votre volonté et de votre capacité à dialoguer avec les parlementaires en acceptant un nombre élevé d'amendements.

Je tiens d'ailleurs à répéter que les députés radicaux de gauche au nom desquels je m'exprime avaient estimé que la discussion parlementaire avait largement éclairé, dans son esprit et dans son dispositif d'application, un texte dont nous ressentions tous la nécessité à la fois pour tirer les conséquences de l'inapplicabilité de beaucoup de dispositions de la loi Pasqua de 1995 et pour affirmer un changement d'esprit nécessaire en matière d'aménagement du territoire.

Ce changement d'état d'esprit s'organise autour, premièrement, de la prise en compte de la dimension européenne des problèmes de l'aménagement du territoire à terme ; deuxièmement, de la substitution au schéma national d'aménagement du territoire de la loi de 1995 de schémas de services collectifs ; troisièmement, de l'affirmation du rôle des pays et des agglomérations ; quatrièmement, de la contractualisation qui devient le moyen privilégié de la mise en oeuvre de l'aménagement du territoire ; cinquièmement, de l'affirmation de la notion d'aménagement durable du territoire.

Dans un premier temps, les députés radicaux de gauche avaient exprimé leurs préoccupations quant à la continuation de l'affirmation du rôle de l'Etat, régulateur du développement, garant des solidarités sur le territoire national. Ils avaient aussi souhaité que l'application de ce texte ne soit pas ressentie comme l'occasion d'opposer la ville et la campagne et que, après une loi de 1995 jugée trop ruraliste, la vôtre ne soit perçue comme trop urbaine.

Au travers de la discussion en première lecture, nous avions progressivement été convaincus que l'équilibre entre ville et campagne serait trouvé, notamment avec l'affirmation du rôle des pays qui doivent permettre d'aider l'espace rural et les petites villes à se développer et à jouer un rôle d'équilibrage d'une société où l'on a trop vu les excès d'une concentration urbaine mal maîtrisée.

Si, de surcroît, les pays deviennent de vrais espaces de projets collectifs et pas seulement, comme cela est trop souvent le cas aujourd'hui, des espaces d'aubaines, des machines à collecter des subventions régionales ou européennes, nous aurons accompli un grand pas.

Quant au reproche assez paradoxal qui vous a parfois été adressé d'une recentralisation rampante ou, du moins, d'une démarche technocratique dans la mise en place de schémas de services collectifs, il est apparu rapidement comme largement injustifié. Je ne crois pas que l'on puisse à la fois vous reprocher d'abandonner une politique de l'offre, de fonder votre politique sur des projets d'initiative locale et cette recentralisation.

Vous aviez d'ailleurs accepté la création d'une délégation parlementaire et le principe d'une loi d'évaluation avant la fin des contrats de plan.

Au total, amendé par l'Assemblée nationale, votre texte nous est apparu innovant et suffisamment équilibré pour que nous le votions.

S'il a, sur certains points, adopté des modifications qui peuvent apparaître utiles, le Sénat a profondément bouleversé l'architecture du texte surtout - mais qui s'en étonnerait ? - dans ses dispositions les plus novatrices. Tel est, en particulier, le cas des articles concernant les pays et les agglomérations qui sont parmi les dispositions décisives pour l'avenir.

Bien entendu, nous refusons pour l'essentiel la rédaction du Sénat qui modifie l'esprit de votre projet et dont l'objectif est manifestement de nous ramener aux dispositions de la loi de 1995 que nous avons souhaité changer.

Vous aviez d'ailleurs déjà, madame la ministre, choisi d'en conserver une partie, ce qui était une démarche à la fois objective et réaliste.

L'expérience a montré que le vote d'une loi sur l'aménagement du territoire n'est pas une affaire simple, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle a surtout montré que sa mise en application est encore plus difficile tant les pesanteurs sont lourdes, les habitudes ancrées, tant est grande la propension des collectivités territoriales à s'arcbouter sur leurs compétences même lorsque celles-ci et le champ de leur application paraissent inadaptés.

Si nous avions souhaité que les départements soient consultés, nous n'avions sûrement pas envisagé que le rôle des régions soit contesté ou minoré comme le Sénat nous le propose.

L'enjeu est trop important en termes de développement harmonieux de notre territoire pour ne pas mériter une loi avant tout lisible et cohérente. Les modifications introduites par le Sénat auraient précisément pour effet non seulement de remettre en cause ou pour le moins d'affadir l'esprit de cette loi, mais surtout d'en affaiblir la cohérence et par conséquent l'efficacité.

Dans ces conditions, nous souhaitons voir rétablir, à quelques changements près, le texte sur lequel nous étions tombés d'accord en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

L'Assemblée nationale est aujourd'hui saisie en nouvelle lecture du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, sur lequel le Gouvernement avait déclaré l'urgence en juillet 1998 ; mais il avait fallu attendre six mois pour voir ce texte inscrit à l'ordre du jour du Parlement ! Cette relance de la navette aurait pu être évitée si la mouture proposée par le Sénat avait été acceptée par la commission mixte paritaire. La commission spéciale du Sénat n'avait pas cherché à revenir stricto sensu sur le texte de 1995 dont vous aviez dit, madame la ministre, ne pas vouloir. Je regrette que la commission mixte paritaire ait échoué avant même que de commencer à examiner point par point les articles.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai.

M. Serge Poignant.

Faisant preuve d'une vision constructive et non partisane, le Sénat avait apporté plusieurs améliorations au texte voté par l'Assemblée natio-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

nale, aboutissant, nous semble-t-il, à un bon compromis législatif auquel nous entendons nous rallier dans un esprit de construction et d'ouverture.

La preuve en est que mon groupe a déposé fort peu d'amendements portant sur le fond.

Malheureusement, la commission de la production et des échanges a, sur de nombreux points, remis en cause les acquis du Sénat et a rétabli le texte adopté dans sa version initiale, ce que nous ne pouvons pas accepter à ce stade de la discussion. Aussi me proposé-je de vous faire part de notre position sur les principales dispositions du projet soumis à notre examen.

Nous avions déploré en première lecture la suppression du schéma national d'aménagement du territoire prévu par la loi de 1995. Le rapporteur du Conseil économique et social lui-même avait indiqué dans cet hémicycle : « Ce schéma constituait un instrument de cohérence indispensable ». Il avait en effet l'immense mérite d'associer le Parlement à l'aménagement du territoire.

Le Sénat n'en a pas proposé le rétablissement, mais a souhaité aboutir à un document de synthèse dans lequel l'ensemble des réflexions pourraient se trouver rassemblées. Nous aurions ainsi été en mesure de croiser l'ensemble des informations, aussi bien celles portant sur les infrastructures traditionnelles, par exemple, que celles relatives aux infrastructures de nouvelles technologies, et d'apprécier les effets cumulatifs des différents schémas de services.

Bien que la commission de la production et des échanges ait rejeté cette idée, je vous propose de la retenir. Faisons ensemble la synthèse des outils existants et débattons de la France à l'horizon 2020. Elaborons, de surcroît, un projet français au sein de l'aménagement de l'espace européen. Nous devons concevoir une stratégie française pour dire notre perception, notre volonté ; n'oublions pas que de nombreuses régions françaises sont à la périphérie. La France se doit d'assumer la cohérence entre son aménagement du territoire et le SDEC.

Pour ce qui est des schémas proprement dits, le Sénat a souhaité compléter la notion de schéma de services par celle d'équipement, ce dont je me félicite. Il est incohérent de vouloir aujourd'hui opposer développement durable et infrastructures d'équipement. Ces infrastructures sont par nature durables et soutiennent le développement. Certes, il importe à l'évidence de les rendres upportables et acceptables par la population. J'en conviens volontiers.

Le rapporteur a reproché au Sénat une vision « équipementière ». Je pense en particulier aux infrastructures routières. Que vous l'admettiez ou non, madame la ministre, la demande de transport de notre société croît de façon inéluctable. La mondialisation n'a fait qu'accentuer ce phénomène. La construction de l'espace européen a multiplié les échanges et la France en a bénéficié.

Il est certain qu'une meilleure utilisation des infrastructures existantes est indispensable, mais il est tout aussi indéniable que nous avons besoin d'équipements et d'aménagements nouveaux dans tous les domaines d'infrastructures et de transport. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Serge Poignant.

Certes, une meilleure coordination intermodale est indispensable. Mais il est illusoire de penser que l'intermodalité éliminera les insuffisances de capacité et nous dispensera de poursuivre nos efforts d'équipement.

M. Patrick Ollier.

Exactement !

M. Michel Bouvard.

Cela va de soi, notamment dans les Alpes !

M. Serge Poignant.

Il faut bien en être conscient.

Par ailleurs, et pour revenir aux schémas en général, la proposition du Sénat d'introduire un schéma concernant le sport est une excellente initiative. Ces équipements constituent des éléments de valorisation et d'attractivité des territoires qui bénéficient à l'ensemble de la population. Je me réjouis que tous, sur les bancs de l'Assemblée comme du Sénat, nous ayons pu nous rejoindre sur cette question. Après tout, le sport n'est-il pas un vecteur de cohésion sociale ? Madame la ministre, si vos schémas sont d'une importance capitale, alors le Parlement ne saurait être exclu ni des débats ni des décisions prises dans ce cadre. Il serait paradoxal que le Parlement ne puisse adopter ces schémas qui seraient acceptés et modifiés par décret, alors qu'il a acquis le droit de voter les lois de financement de la sécurité sociale et d'être consulté pour avis sur les actes communautaires ! Vous ne pouvez laisser l'administration se substituer au pouvoir politique en décidant de ce qui sera fait sur vingt ans par décret.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Serge Poignant.

Le Sénat a proposé à l'article 9 que l'ensemble des schémas fassent l'objet d'une adoption par le Parlement au travers d'un rapport annexé, préalablement à la mise en oeuvre du décret. Cette proposition me paraît tout à fait mesurée et mérite d'être retenue. Pourquoi priver la représentation nationale d'une analyse et d'un débat sur les orientations fixées à l'horizon 2020 ? Qui jugera au niveau national de la qualité et des options à prendre au regard de la concertation menée dans chaque région ? Comment seront intégrés à l'échelon national les résultats de cette consultation ? Qui en fera la synthèse ? Autant de questions qui légitiment l'imp lication démocratique du Parlement et auxquelles, madame la ministre, je vous demande de nous répondre.

Enfin, les décrets créant les schémas de services devraient, aux termes de la loi, être promulgués avant le 31 décembre prochain. Si les préfets ont déjà organisé la concertation pour certains schémas de services collectifs. il est matériellement impossible de mener une concertation sérieuse, y compris sur le dernier schéma créé pour le sport, d'ici à la fin de l'année, d'autant plus que, si nos propositions de consultation du Parlement n'étaient pas acceptées - je ne me fais pas d'illusion -, il conviendrait alors que la délégation parlementaire soit formée et consultée. Soyez assurée que nous serons très vigilants sur ce dernier point.

J'en arrive aux pays et aux agglomérations. Votre objectif, madame la ministre, doit être naturellement d'éviter toute opposition entre les uns et les autres, ce que nous ne retrouvons pas dans vos propos. Lorsque vous affirmez que le pays est un territoire de projets, je ne puis que vous approuver, présidant aux destinées d'un pays qui a aujourd'hui vingt ans. Mais je réaffirme que cette structure doit rester souple, tout comme celle de l'agglomération, et qu'elles ne doivent pas être mises en opposition. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance). En effet, il existe des communes péri-urbaines qui forment un lien naturel entre le pays et l'agglomération. Laissons donc les acteurs locaux prendre les initiatives qui conviennent à la promotion de leur territoire. Le pays trouvera son plein essor en restant ce qu'il doit être : un espace de projets.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Serge Poignant.

Peut-être en êtes-vous consciente, madame la ministre, mais je tenais à le réaffirmer pour que l'administration le comprenne bien, car j'éprouve encore quelques craintes sur ce point.

M. Patrick Ollier.

Vous n'êtes pas le seul !

M. Serge Poignant.

Le Sénat n'a pas, contrairement à ce que vous avez affirmé en introduction ce matin, madame la ministre, introduit d'autre idée que celle de l'intercommunalité des projets. Il a en revanche rétabli un juste équilibre entre territoires ruraux et villes, ne souhaitant pas opposer ville et campagne. Le développement des espaces ruraux doit être complémentaire du développement urbain.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Serge Poignant.

Notre collègue Michel Bouvard développera notamment le cas des zones de montagne dont les attentes restent insatisfaites.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Encore ?

M. Serge Poignant.

La nouvelle rédaction de l'article 18 concernant le schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels, proposée par le Sénat, nous offre l'occasion de valoriser les potentialités des territoires ruraux et de mieux coordonner les politiques de développement économique. Il s'agit de mieux distinguer les territoires ruraux, lieux de vie, de production et de développement, et les espaces naturels, et de s'assurer de la complémentarité entre développement économique, agricole, touristique et protection de l'environnement. Ce schéma doit par ailleurs être soumis à la concertation régionale, tout comme les autres.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Evidemment !

M. Serge Poignant.

C'est dans ce sens que j'ai déposé, comme certains autres, un amendement.

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission l'a accepté.

M. Serge Poignant.

En effet, monsieur le rapporteur, et je vous en remercie.

Il y a donc une réelle volonté de conjuguer de façon équilibrée les nécessités du développement du territoire et la protection du patrimoine culturel.

Sur ce qui concerne le volet économique adopté par le Sénat, je resterai concis. Comment parler de développement du territoire sans créer les conditions de création des entreprises et, par conséquent, des emplois ?

M. Patrick Ollier.

Eh oui, c'est essentiel !

M. François Sauvadet.

C'est une vraie question.

M. Serge Poignant.

Le vide économique de votre projet initial a obligé le Sénat à rééquilibrer votre texte.

Nous soutenons le volet que celui-ci a proposé avec des mesures concrètes et précises telles que le fonds commun de placement, les réseaux d'entreprises et d'autres mesures encore dont notre collègue Proriol a parlé. Le rapporteur et la commission n'ont pas souhaité retenir cette proposition et je le regrette. Ou alors, il aurait fallu que le projet de loi sur les interventions économiques des collectivités territoriales soit débattu en même temps que cette question afin que ces dispositions soient prises en compte, comme je l'avais déjà demandé lors de la première lecture en janvier dernier. Il est urgent de doter les collectivités locales d'outils économiques. Nous insistons pour que le Gouvernement puisse inscrire en priorité ce projet de loi à l'ordre du jour du Parlement.

Je m'interroge toutefois sur un point. Pourquoi avoir refusé d'introduire dans cette loi, par le biais des amendements proposés par le Sénat, un volet économique au motif qu'il fallait une autre loi, alors que, paradoxalement, vous jugez possible d'introduire à la hâte tout un volet sur la directive postale ? Une loi d'orientation postale eût été beaucoup plus judicieuse. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Notre collègue Jean Besson, spécialiste de la question, interviendra à l'occasion des articles correspondants.

Pour ce qui est des agences de développement et des comités d'expansion, nous soutenons leur inscription dans ce texte car ils concourent au développement du territoire dans le domaine économique, certes, mais aussi dans le domaine social. Nous avons déposé un amendement dans ce sens, que la commission a également accepté.

Enfin, nous soutenons la proposition du Sénat qui crée la notion de chef de file. Elle clarifie le débat dans la logique du contrat, les départements et les régions devant s'engager à travailler ensemble au développement de leur territoire dans l'intérêt de tous. Le rapporteur a reconnu la nécessité de cette notion, mais je regrette qu'il n'ait pas jugé bon de confirmer la proposition sénatoriale.

E n conclusion, je souhaiterais que le débat qui commence en deuxième lecture soit l'occasion de donner une vraie chance à la France.

Vous avez profondément transformé, comme l'a fort justement expliqué Patrick Ollier dans sa question préalable, la loi de 1995, résultat d'un très gros travail et d'une très large consultation.

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. Serge Poignant.

Le Sénat a rééquilibré votre projet et le groupe parlementaire RPR soutiendra largement ses propositions durant la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme MarieFrançoise Pérol-Dumont.

M me Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Madame la ministre, l'examen par notre assemblée de votre projet de loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire nous aura permis de mesurer, s'il en est encore besoin, combien nos travaux obéissaient trop souvent à une approche convenue, fruit de schémas de pensée préétablis en fonction des bancs sur lesquels nous siégeons.

En effet, que ce soit lors de l'examen en commission, en séance publique en première lecture ici même et au Sénat, en commission mixte paritaire puis de nouveau en commission préalablement à cette nouvelle lecture, j'ai constamment eu le sentiment que nos collègues de l'opposition se refusaient obstinément à aborder la logique d'aménagement du territoire proposée par votre texte et s'appliquaient à une opposition systématique.

M. Paul Patriarche.

Inévitable !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Il était un peu surréaliste d'entendre ce matin ces mêmes collègues déplorer qu'un tel sujet prête à affrontement systématique. En déclarant la semaine dernière en commission


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

qu'ils soutiendraient sans états d'âme - ce qu'ils font effectivement - les substantielles modifications apportées par le Sénat au texte que nous avions voté en première lecture, ils réaffirment pourtant clairement leur choix d'un affrontement systématique...

M. François Sauvadet.

Pas du tout ! Vous ne savez pas écouter !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

En effet, le Sénat a, quoi qu'en ait dit M. Proriol, délibérément exclu toute approche d'enrichissement et le plus souvent dénaturé le texte que nous avions voté en remettant en cause plusieurs de ses axes essentiels, tels que les schémas sectoriels ou la démocratie participative.

Force est pourtant de constater que l'ouverture d'esprit du rapporteur et de vous-même, madame la ministre, avaient permis un enrichissement substantiel du projet initial,...

M. François Sauvadet.

Oh là là !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Je pense ce que je dis.

M. François Sauvadet. Cela vaut mieux !

M me Marie-Françoise Pérol-Dumont.

... à telle enseigne que d'aucuns estiment çà et là que celui-ci s'en trouve quelque peu alourdi. C'est à mes yeux un mauvais procès : un tel sujet méritait que l'on soit à l'écoute des élus de terrain que nous sommes tous, que l'on intègre les expériences passées et les acquis en termes de développement - car nous ne partons pas de rien - et que l'on prenne en compte les réalités de chaque territoire, notamment dans la perspective des pays et agglomérations.

Avec la même ouverture et le même souci d'enrichir ce texte, rejetant toute logique partisane, je tiens, en tant qu'élue départementale chargée entre autres du secteur sportif, comme d'autres avant moi, à souligner l'intérêt de la proposition sénatoriale, et à créer un neuvième schéma de service collectif relatif au sport.

Cet amendement est particulièrement bienvenu, même si la proposition de nos collègues sénateurs apparaît à certains égards un peu restrictive ; elle n'intègre pas, par exemple, la nécessité de démocratiser certaines pratiques sportives ou d'envisager le sport comme un outil de la cohésion sociale.

Nos travaux, madame la ministre, auront, je le crois, permis de lever un certain nombre d'inquiétudes légitimes, singulièrement celles qui touchent à la pertinence et au rôle des différents échelons territoriaux.

Aussi voudrais-je saluer tout particulièrement certains éléments acquis en première lecture et repris par le Sénat, tels que la notion de coopération entre les différentes collectivités territoriales, la notion de complémentarité des politiques publiques assurées par les collectivités territo-r iales, le développement harmonieux des territoires urbains, péri-urbains et ruraux dans le cadre du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire ou l'association des cofinanceurs des contrats de plan à la négociation, la programmation et le suivi de ces plans.

Dans cet esprit, madame la ministre, j'avais noté avec grand intérêt les propos que vous aviez tenus en fin de première lecture : votre projet, disiez-vous, était soutenu par une conception qui visait à redonner « du contenu et de la matière aux cadres traditionnels de notre démocratie, que sont par exemple la commune et les départements ».

Ce texte, complété par ceux présentés par MM. Chevènement, Zuccarelli ou Mme Lebranchu, ainsi que par l e nouveau cadre consécutif aux négociations sur l'Agenda 2000, va définir l'espace dans lequel les territoires évolueront dans les années à venir. L'attente et l'espoir sont grands, mais, reconnaissons-le honnêtement, l'inquiétude persiste. Sans doute serai-je l'interprète de nombreux collègues présents dans cet hémicycle en vous indiquant que l'annonce des nouveaux zonages de la prime à l'aménagement du territoire, par exemple, a soulevé une vive émotion dans les territoires les plus fragilisés.

M. François Sauvadet.

Bonne remarque !

M. Patrick Ollier.

C'est ce que nous disions ce matin !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Voilà qui prouve que je ne pratique pas la langue de bois, mes chers collègues. Je dis ce que je pense.

M. François Sauvadet.

Nous le constatons avec plaisir, madame !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Nous sommes nombreux, et sur tous les bancs de cet hémicycle, à penser qu'aménager le territoire, c'est avant tout s'opposer de façon volontariste aux courants de concentration dominants, c'est lutter contre les déséquilibres naturels, c'est par conséquent soutenir prioritairement les zones les plus handicapées,...

M. François Sauvadet.

Très bien !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

... cette discrimination positive étant bien sûr la seule forme de discrimination qu'un démocrate puisse solliciter, au service de l'aménagement territorial équilibré qu'avec vous, madame la ministre, nous appelons de nos voeux. C'est en tout cas dans cet esprit que nous voterons votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est souvent reproché aux lois d'aménagement du territoire leur manque de lisibilité. Elles s'apparentent, pour nos concitoyens, davantage à des empilements juridiques qu'à des réformes dont ils pourraient constater l'efficacité sur le terrain. D'ailleurs, les Français se désintéressent de ce genre de débats qui leur paraissent bien obscurs.

De fait, les lois successives d'aménagement du territoire ont conduit à un empilement de structures administratives, à la création de fonds rarement dotés de moyens suffisants et à des redéploiements de crédits par l'Etat, qui s'est rarement donné les moyens d'une vraie politique d'aménagement du territoire.

Finalement - tel est le constat d'aujourd'hui -, les politiques d'aménagement du territoire ont conduit à l'inexorable désertification du monde rural et à une urbanisation, souvent mal maîtrisée, à l'origine de problèmes sociaux de plus en plus nombreux.

Vous faites, madame la ministre, le même constat lorsque vous rappelez que 80 % de la population est concentrée sur 20 % du territoire, avec tous les déséquilibres que cette situation entraîne pour notre société.

Aménager le territoire nécessiterait d'inverser cette tendance et de rééquilibrer les moyens afin de conduire à une meilleure répartition de la population sur le territoire. Et cette inversion de tendance ne pourra se faire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

sans une action volontariste de l'Etat qui doit y consacrer les moyens nécessaires. Rééquilibrer un territoire, cela demande du temps et plus aucun gouvernement n'a aujourd'hui le temps. Rééquilibrer un territoire demande des moyens importants que les gouvernements toujours préoccupés par les prochaines échéances préfèrent consacrer à des actions immédiatement visibles, et donc plus rentables politiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Michel Bouvard.

Malheureusement !

M. Paul Patriarche.

L'Etat, dépensier pour ses actions prioritaires, mais très regardant pour des opérations de longue haleine, s'en remet donc généralement aux collectivités locales pour financer les orientations qu'il a définies et le texte qui nous est proposé ne déroge pas à cette regrettable tendance.

Je prendrai pour exemple votre projet de maisons des services publics, prévues par l'article 22. On ne peut, certes, rester indéfiniment dans une situation de moratoire, mais votre majorité n'était pas tenue de supprimer la compensation financière de l'Etat adoptée par le Sénat.

Dès lors que l'Etat ne veut pas y mettre les moyens, il va aller demander aux collectivités locales, donc aux contribuables locaux, de financer un accès à un service public auquel d'autres Français auront accès sans surcoût.

M. Patrick Ollier et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Paul Patriarche.

Habiter la campagne va devenir un luxe et c'est ainsi que vous allez poursuivre la transformation des 80 % du territoire en espaces naturels, habités par des agriculteurs subventionnés pour entretenir les paysages et par quelques personnes âgées que l'on v iendra observer comme des habitants d'une autre époque.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Caricature !

M. Paul Patriarche.

Pas du tout madame ! Moi qui suis maire d'une commune de soixante-deux habitants, qui en comptait quatre cents en 1960, je sais de quoi je parle.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

C'est tout de même un peu caricatural !

M. Patrick Ollier.

Non, c'est la réalité.

M. Michel Bouvard.

Même si elle vous gêne !

M. Paul Patriarche.

Chacun sait que la fermeture de l'école - ce fut le cas chez moi - puis de la poste signifie la mort d'un village.

J'ai d'ailleurs appris que La Poste allait ouvrir, dans les villes, quatre cents nouveaux bureaux modernes, ainsi qu'un établissement chargé de gérer les dépôts sur les CCP. Permettez-moi, par conséquent, de douter que le maintien de quelques bureaux de poste en milieu rural, qui n'ont certes pas la rentabilité financière souhaitée, mais qui participent au maintien des populations en milieu rural, ait un coût prohibitif pour ce service public.

C'est pourquoi il m'apparaît tout à fait souhaitable de maintenir le dispositif du Sénat prévoyant que toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service public doit s'accompagner d'une vraie concertation.

Je tiens également à rappeler une évidence : les petites communes des zones en voie de désertification n'ont pas les moyens d'augmenter leurs dépenses. C'est là toute la différence avec les agglomérations urbaines qui peuvent espérer un développement. Nos communes ne peuvent même plus financer l'assainissement, ni les nouvelles oblig ations concernant l'eau ou les ordures ménagères.

Nombre d'entre elles ne pourront participer financièrement au fonctionnement d'un service public.

Rééquilibrer les zones d'habitation sur notre territoire, cela signifie non seulement le maintien d'infrastructures et des services publics indispensables, mais aussi une dynamique économique de développement. C'est pourquoi je regrette vivement les amendements adoptés par la commission supprimant des articles introduits par le Sénat qui permettraient de créer cette dynamique économique, indispensable à une véritable politique d'aménagement du territoire.

Un vrai développement ne peut être que le fruit de la création ou de l'implantation d'entreprises qui permettent de fixer les populations.

Nous savons que la faiblesse des PME françaises réside dans l'absence chronique de fonds propres. La création de fonds communs de placement de proximité, sur le modèle du fonds commun de placement dans l'innovation, pourrait fournir un outil pragmatique et efficace du développement de zones à revitaliser.

Deuxième mal français récurrent : la faiblesse du nombre de transmission d'entreprises. Cette question est particulièrement préoccupante dans les zones rurales. De nombreux fonds de commerce, de nombreuses entreprises artisanales disparaissent, faute de repreneurs. Il est plus aisé, en France, de créer une nouvelle entreprise que de reprendre une entreprise existante. Il en résulte un gâchis économique considérable et particulièrement préjudiciable à l'aménagement du territoire. La transmission des entreprises est un enjeu majeur du maintien des activités. C'est pourquoi l'initiative du Sénat a le mérite de rappeler cet enjeu essentiel et de montrer les lacunes d'un projet de loi qui oublie le volet économique de l'aménagement du territoire, lequel devrait pourtant en constituer la pierre angulaire.

L'absence de volet économique est également le reproche essentiel qui peut être fait à la loi d'orientation agricole, proposée par le Gouvernement, construction intellectuelle et administrative intéressante mais loi qui manque de moyens. Le présent projet de loi est de la même veine. Il dénote de bonnes intentions mais manque de souffle, en l'absence de moyens pour son application.

Vous affirmez ne pas vouloir opposer les Français des villes et les Français des champs. Je constate pourtant que votre projet de loi n'envisage aucunement un rééquilibrage de notre territoire. Vous vous contentez de constater une situation, d'en tirer les conséquences en termes d'objectifs et de moyens pour les zones urbanisées, et de figer cette situation pour l'avenir.

Vous avez ainsi décidé de prendre acte de l'accroissement constant de nos zones urbaines, dont je ne crois pas qu'elles rendent les citoyens plus heureux. De même que vous vous résignez pour des raisons, que je n'ose imaginer politiciennes, à laisser dépérir la France rurale qui véhicule pourtant des valeurs de convivialité et une qualité des relations humaines, lesquelles, j'en suis convaincu,r eprésentent un enjeu d'avenir pour notre société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre en seconde lecture, selon la procédure d'urgence, de votre projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, après l'échec de la commission mixte paritaire. Cet échec était inévitable et logique tant les textes étaient différents, dans leur esprit, dans leurs orientations, dans les volontés politiques exprimées. Et c'est bien au texte voté par l'Assemblée nationale qu'il nous faut revenir.

Quant à l'urgence, elle se justifie car l'Etat et les régions devront signer avant la fin de l'année de nouveaux contrats de plan. Et chacun est bien conscient de l'importance de ces contractualisations, comme est important, pour ne pas dire essentiel, le zonage des territoires éligibles à la prime à l'aménagement du territoire et aux fonds structurels européens.

Votre projet de loi, voté par l'Assemblée nationale, madame la ministre, s'inscrit dans les priorités stratégiques de la politique gouvernementale que sont l'emploi et la cohésion sociale, pour une société plus juste et plus solidaire. Et il s'insère dans un processus d'élaboration de textes législatifs qui se completeront : la loi sur l'organisation urbaine et l'intercommunalité, la loi sur les interventions économiques des collectivités territoriales, sans oublier celle sur les PME-PMI.

En première lecture déjà, et nous aurons à le confirmer au cours de ces débats, nous avions affirmé notre volonté d'une politique de services publics. La place qui leur est accordée conditionne largement la politique d'aménagement du territoire. Les maisons de services publics sont un outil particulièrement intéressant pour répondre aux besoins exprimés. Les députés Verts réaffirment leur attachement à des services publics modernes, performants, équitablement répartis sur le territoire, accessibles à tous, ayant recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication et répondant aux besoins de chaque citoyen.

Vous nous avez dit, madame la ministre, que votre texte reposait sur le triptyque suivant : un projet, un ter-r itoire, un contrat. Vous préconisez une méthode empreinte de pragmatisme en réaffirmant un principe essentiel, le principe de précaution, avec une volonté de dialogue et de participation citoyenne, en donnant aux acteurs de terrain, acteurs socio-économiques, associatifs et élus, les moyens et le pouvoir d'élaborer leur projet au service du développement local. Nous nous félicitons de ces dispositions.

Les perspectives et les orientations sont tracées par les schémas de services collectifs, ce qui garantit le caractère opérationnel de la loi, avec le souci de renforcer la décentralisation tout en conservant à l'Etat son rôle de cadrage et de régulation. Ces schémas de services collectifs, tous aussi importants, portent la marque de votre volonté politique, du développement que nous voulons et de l'aménagement que nous souhaitons.

Je citerai les schémas multimodaux des transports de marchandises et de voyageurs, le schéma sur l'énergie et celui sur les espaces naturels et ruraux. Tous seront définis sur le long terme et des indicateurs pré-établis permettront de mesurer périodiquement l'impact de ces polit iques. Evaluation, actualisation, réorientation à la lumière des résultats constatés : voilà une méthode qui nous convient parfaitement.

Les parlementaires, grâce aux dispositions votées en première lecture par notre assemblée, tiendront toute leur place dans cette démarche : au sein des délégations parlementaires, ils pourront réorienter cette politique après avoir pris connaissance des évaluations ; et ils participeront au débat sur le projet de loi qui nous arrivera deux ans avant la fin des contrats de plan.

Votre texte redéfinit la structuration de notre territoire avec les pays, comme territoires de projet, les communautés d'agglomérations et les communautés urbaines.

L'articulation que nous avons su trouver entre pays et agglomérations permettra qu'au sein de ces nouveaux lieux d'organisation du territoire s'expriment complémentarité et solidarité entre l'urbain et le rural au service d'un équilibre des aménagements, et la volonté d'un développement durable pour répondre aux besoins légitimes de chaque citoyen.

Nous souhaitons une reconnaissance plus importante des parcs naturels régionaux, dans l'article 2 de la loi, qui indique les choix stratégiques de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire. Nous n'avons pas encore trouvé la meilleure combinaison entre pays et PNR.

La réflexion sur l'aménagement et le développement du territoire sera du rôle des conseils de développement, qui mettront en synergie toutes les compétences des acteurs locaux.

Je note, avec beaucoup de satisfaction, l'amendement retenu par la commission qui complète celui du Sénat, et qui donne toute leur place aux comités de bassin d'emploi, à côté des comités d'expansion et des agences de développement, au service des pays et des agglomérations, en matière de création d'emplois et de développement économique.

Les députés Verts préconisent un modèle de croissance qui économise les ressources naturelles, privilégie les stratégies de long terme, veille à l'équité sociale et à la soli darité, se mette au service du développement local et de l'emploi, en prenant en compte les qualités de l'environnement. C'est le développement durable, un concept qui nous est cher, que la France s'est engagée à promouvoir à la suite des sommets internationaux de Rio, de New York et de Kyoto, en référence aux recommandations inscrites dans les agendas locaux du programme

« Actions 21 » qui sont la traduction locale des engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de Janeiro des 1er et 15 juin 1992.

C'est un projet mondial pour la mise en oeuvre d'un développement durable, englobant les questions économiques, sociales et culturelles aussi bien que la protection de l'environnement. Il s'agit donc bien de participer à cette mise en oeuvre.

Quant au traité d'Amsterdam, certes bien imparfait par ailleurs, il place le développement durable parmi les objectifs fondamentaux de l'Union européenne. Il s'agit de minimiser les coûts collectifs, de repenser les systèmes de transport, d'intégrer les enjeux de la biodiversité et des espaces naturels, de préserver les ressources raréfiées, surexploitées ou menacées, d'économiser l'énergie et de promouvoir les énergies renouvelables. Tels sont les enjeux majeurs du développement durable.

Il s'agit également de concevoir des espaces où les ressources seraient mieux utilisées, les espèces et les milieux mieux préservés.

L'Etat devra participer à tout cela, par le biais de la fiscalité et des aides publiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Votre texte, madame la ministre, est un projet de loi d'orientation, important par les directions que vous tracez et les outils que vous fournissez pour sa mise en oeuvre.

Vous envisagez celle-ci sur le long terme, vingt ans, avec d'éventuelles évaluations et réorientations.

C'est un texte ambitieux et novateur qui assure la cohérence entre les actions nationales et, nous l'espérons, les actions des politiques communautaires. Il affirme la solidarité nationale à l'égard des catégories de population ou des parties du territoire en situation défavorisée. Il a la volonté de donner à tous les moyens de participer à la croissance économique et au développement social et culturel. Il permet une intégration à une Europe en construction, une Europe des citoyens, une Europe sociale et solidaire, une Europe politique.

Ce texte, que nous avons voté en première lecture, et que nous sommes capables, j'en suis sûr, d'améliorer encore, nous allons le voter à nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mobiliser les territoires, réduire entre eux les inégalités pour assurer un développement durable, consolider la décentralisation, tels étaient les principes définis par le CIADT et que votre texte de loi devait concrétiser pour vingt ans.

Lors du débat en première lecture, le groupe UDF a mis en évidence ses principales faiblesses : absence de cohérence nationale pour les schémas de services collectifs ; mise à l'écart de notre assemblée pour l'élaboration de leur contenu, comme si notre avenir local, régional et communal ne devait concerner que les techniciens de l'administration ; disparités trop durables entre les territoires urbains et ruraux, notamment en matière de développement économique et d'égalité d'accès aux services publics ; enfin, complexité excessive de la gestion locale avec la création des concepts territoriaux supplémentaires de pays et d'agglomération.

Les compétences, les financements, les responsabilités et l'identification des élus de ces différentes structures feront certainement de l'électeur français le plus citoyen d'Europe, à moins que ce ne soit le plus désabusé ou le plus abstentionniste, voire le plus fiscalisé ! Le Sénat, madame la ministre, avait apporté des précisions et des propositions qui nous semblent essentielles.

J'en évoquerai trois.

La première est un certain retour à la notion de zonage et d'objectifs en termes d'équipements et d'infrastructures routières notamment. Si aujourd'hui, sur tous nos bancs, des élus se battent le plus souvent solidairement, toutes tendances confondues, pour équiper leurs régions des infrastructures routières et ferroviaires, c'est qu'ils ont vérifié qu'à défaut d'assurer automatiquement la remise à niveau entre régions, elles créent immédiatement les conditions d'une stabilisation et d'un retour aux projets.

La deuxième visait le respect des solidarités avec les territoires ruraux et l'égal accès des citoyens aux services publics. Votre texte va créer une France à deux vitesses en matière d'accès aux services publics. Que constate-t-on aujourd'hui dans les villes, qui vous paraissent d'ailleurs prioritaires ? L'ensemble des services publics investit, facilement, confortablement, même dans les centres villes, sans aucune aide ni charge de la commune. Bien au contraire, il y a même produit fiscal ! Que nous proposez-vous ? Des maisons de service public où la collectivité devra fournir locaux et personnel en contrepartie de conventions ; tous ceux qui ont déjà dû en signer, avec La Poste par exemple, savent parfaitement qu'il n'y a jamais compensation complète, sans même parler de recette ! Il y a là une inégalité profonde pour nos petites communes que la bonne foi de vos intentions ne corrigera pas.

M. François Sauvadet.

Très juste !

M. Dominique Caillaud.

Le troisième aspect que je souhaite évoquer est la mise en oeuvre de la contractualisation avec les villes, les pays et les agglomérations.

La possibilité pour l'espace de projet qu'est le pays de contracter séparément avec des structures intercommunales est une avancée par rapport au texte initial, mais, concrètement, un mandat ne suffira pas aux maires pour engager et exploiter tout le dispositif proposé : d'abord, un contrat de ville, inséré dans le projet d'agglomération, lui-même intégré dans le contrat de pays, l'ensemble en harmonie avec le contrat de plan, chaque étape se contractualisant financièrement avec les partenaires, Etat, région, voire Europe et département, ensemble ou séparément.

C'est un labyrinthe administratif et financier qui impose de fait la primauté de la ville centre jusqu'aux limites du pays, et qui recentralise sur l'Etat la capacité et l'autorisation de faire. Il dilue dans le temps et retarde tous les projets d'aménagement du territoire ! Permettez-moi de penser, compte tenu de mon expérience déjà longue de l'intercommunalité, que, là où elle est forte et bien ancrée, la mise en oeuvre de ce texte sera longue et difficile, et que, là où elle est encore fragile et récente, elle risque fort de ne jamais se concrétiser entièrement. Vous allez développer des inégalités durables au profit des territoires urbains ! Certes, me direz-vous, il existe des incitations financières fortes, mais, là encore, l'examen concret des conditions de mise en oeuvre de la TPU et la proximité des changements des équipes municipales amènent à penser que fort peu de crédits seront rapidement dépensés en dehors des grandes agglomérations. Voilà pourquoi nous regrettons avec le groupe UDF que les propositions du Sénat n'aient pas eu très largement l'assentiment de la commission.

Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, que vivons-nous dans nos régions depuis deux mois de mise en oeuvre d'un texte qui n'est pas encore adopté ? Sans aucun doute une mobilisation du territoire à travers tous ses élus pour définir les priorités, les hiér archiser. Les listes sont prêtes, chiffrées. Rarement on se sera autant réuni pour évoquer des projets. Les concertations par schémas se surperposent, dans lesquelles l'Etat distille ses intentions, nous informe des masses prévisionnelles de crédits. Mais chacun mesure bien aujourd'hui, au vu des chiffres annoncés, que nous risquons fort de faire accoucher la montagne de concertation d'une souris financière.

Notre rapporteur Philippe Duron, indiquait dans la discussion générale, en termes militaires, mais c'est dans l'air du temps, que le Sénat avait une approche défensive de l'aménagement du territoire par rapport à une perspective plus offensive de notre assemblée. Les plans régionaux sont prêts pour avancer, madame la ministre, mais sans les aménagements du texte que nous proposons, les plus faibles de nos territoires vont manquer cruellement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

de munitions. Encore faudra-t-il que les renforts législatifs qui sont annoncés avec les lois Chevènement et Zuccarelli arrivent à l'heure.

Les ambitions de votre loi ne seront jugées qu'à la hauteur des moyens mis en oeuvre. Aujourd'hui, ils nous paraissent bien modestes et inégalement répartis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

(M. Arthur Paecht remplace Mme Nicole Catala au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, la LOADDT, telle qu'elle a été adoptée par notre assemblée en première lecture, s'est trouvée, nous le savons tous, profondément modifiée après son examen en première lecture au Sénat. Ce texte nous est présenté en deuxième lecture, et les propositions d'amendements sont nombreuses à la suite du travail complémentaire de notre commission.

Je voudrais souligner pour ma part quelques modifications proposées par le Sénat, qui ne sont pas forcément celles qui ont été abordées jusqu'à présent, et auxquelles je ne souscrirai pas.

Dans le texte du Sénat, le pays n'est plus constaté par la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, la CRADT, mais uniquement par la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI. On passe donc de l'échelle régionale à l'échelle départementale. Chacun sait pourquoi et c'est un sujet sur lequel nous divergeons.

La différenciation entre périmètre d'étude et périmètre d'adhésion pour le pays serait supprimée. C'est un élément de souplesse indispensable qui disparaît ainsi.

Dans le cadre de l'élaboration de la charte de pays - article 19 - ou du projet d'agglomération - article 20 -, la référence à l'article 28 relatif aux agendas 21 locaux du programme « Actions 21 » adopté à Rio serait supprimée.

Le conseil de développement dans les articles 19 et 20 serait également supprimé. Il est seulement indiqué que l'élaboration de la charte s'effectue « en concertation avec les acteurs locaux concernés », sans plus. C'est un élément de la démocratie locale qui disparaît.

La structuration du pays doit se faire, selon le Sénat, en vue de passer un contrat particulier avec l'Etat et la région dans le cadre des contrats de plan Etat-région sous la forme d'un syndicat mixte. La faculté du groupement d'intérêt public serait ainsi supprimée.

M. Patrick Rimbert.

Ce ne sont pas des sénateurs, ce sont des sécateurs ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Daniel.

Pour les agglomérations, la référence aux communautés d'agglomération de la loi Chevènement - article 20 - serait supprimée.

Dans le cas d'un pays comprenant une agglomération éligible à un contrat particulier, la disposition stipulant la complémentarité entre le contrat d'agglomération et le contrat de pays serait aussi supprimée.

On voit bien ainsi que le Sénat s'est cantonné dans une attitude de prudence ou de méfiance par rapport au texte que nous avions préparé et l'a ainsi largement dénaturé par rapport à son esprit initial.

Il est vrai que, localement, la complexité actuelle dans l'organisation des territoires est grande. Il est vrai que des inégalités territoriales, économiques ou sociales demeurent et n'ont guère été corrigées, y compris depuis la loi dite Pasqua de 1995. Je suis personnellement dans une zone considérée comme semi-aride économiquement, et je sais de quoi je parle.

La crise sidérurgique, d'ailleurs, qui, par effet de décalage, est en train de gagner le haut bassin de la Marne est une conséquence de ces inégalités territoriales.

Les zonages nationaux et européens ont provoqué aussi souvent des injustices et les élus ont renoncé à intervenir.

M. Sauvadet ne semble pas être d'accord avec moi mais il y a injustice quand, avec des situations économiques tout à fait semblables, un territoire est zoné et le territoire limitrophe ne l'est pas. Il y a des conséquences qu'il faut savoir analyser. Les fonds structurels provoquent sur certains territoires des effets induits de même nature.

Je ne saurais d'ailleurs trop insister sur le fait que, souvent, pour les élus locaux et en particulier les élus ruraux, la mobilisation des crédits européens s'est faite sur des crédits d'étude plus que sur des crédits de réalisation.

M. François Sauvadet.

Ça, c'est une affirmation gratuite !

M. Jean-Claude Daniel.

Effectivement, il y a eu des difficultés et je pourrais citer par exemple les programmes LEADER et LEADER II.

On voit bien que les effets des zonages, nationaux ou européens, sont à mettre en corrélation avec l'aménagement du territoire, mais cela ne signifie pas qu'il faut les inclure.

Depuis ce matin, on nous demande pourquoi cette loi ne fait pas directement référence aux zonages. Tout simplement parce que l'une doit précéder les autres. Les zonages seront réétudiés à la fin de 1999, et l'on devra naturellement tenir compte de cette loi.

Des éléments de développement économique ont été introduits au Sénat par des amendements proposés par M. Raffarin. Nous n'avons pas souhaité les réintégrer dans le texte, pour deux raisons essentiellement : la plupart d'entre eux seront inclus dans le texte de M. Zuccarelli, et des avancées significatives seront prises en compte par le secrétariat d'Etat aux PME-PMI, au commerce et à l'artisanat, au travers des réseaux productifs locaux, les districts industriels à la façon française, avec les nouvelles règles de la transmission des entreprises et l'amélioration nette des conditions offertes aux créateurs.

Ce texte arrive à son heure, et juste à son heure. Il y avait certainement urgence, monsieur Sauvadet,...

M. Patrick Ollier.

Depuis deux ans !

M. Jean-Claude Daniel.

... urgence à légiférer, urgence à expliquer sur le territoire, urgence à construire selon une logique qui est la nôtre, autour des hommes, des projets et des territoires, au service de l'emploi et du développement social.

Il y a urgence à agir concrètement pour tous nos concitoyens où qu'ils se trouvent, en évitant deux pièges que l'on a bien connus, l'infléchissement de l'aménagement par le poids supposé d'élus politiques à tel ou tel endroit, la « barycentration » par le poids des grands fac-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

teurs - je sais de quoi je parle - et l'effet de distorsion lié à l'adage « la richesse appelle la richesse, la pauvreté la pauvreté ».

Il faut absolument sortir de ce cercle non vertueux et c'est ce que permettra ce texte, fortement amendé après son examen au Sénat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où va débuter l'examen en nouvelle lecture de ce texte, je m'étonne d'abord d'avoir été, à plusieurs reprises depuis la première lecture, invité à des réunions pour l'élaboration des schémas de services par le préfet de région Rhône-Alpes alors même que le texte de loi n'est pas voté.

M. François Sauvadet.

Il a de la chance ! Il est invité, lui ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Je dois dire ma surprise de voir appliquer un texte avant même qu'il n'ait été voté par le Parlement. Il est vrai que nous nous plaignons parfois que les décrets ne sortent pas assez rapidement, mais, lorsque les textes sont mis en oeuvre avant même d'être votés par le Parlement, je me demande si nous sommes considérés comme une simple chambre d'enregistrement...

M. Patrick Ollier.

Même pas !

M. Michel Bouvard.

... ou s'il s'agit d'une méconnaissance du rôle de l'institution parlementaire.

Je salue les améliorations apportées à ce texte par le Sénat, qui répondent à de nombreuses préoccupations exprimées par les élus de la montagne.

Si la CMP a échoué sur un accord entre les deux assemblées, l'approche territoriale de l'aménagement du territoire défendue par la Haute Assemblée répond aussi à certaines de nos demandes.

Ainsi, sur les choix stratégiques et les objectifs généraux de la politique de l'aménagement du territoire, le texte du Sénat fait une mention explicite de « la correction des effets des disparités spatiales ». De même, à propos des territoires défavorisés, il fait référence à « certains territoires de montagne » et indique la nécessité de « compenser les handicaps territoriaux ».

Les sénateurs ont précisé notamment que les contrats de plan devaient prendre en compte les inégalités existantes entre territoires, alors que nous avions introduit en première lecture la péréquation comme instrument de la réalisation des choix stratégiques d'aménagement du territoire.

Sur l'interrégionalité que nous avons introduite par l'article 5 B de la loi, le Sénat a précisé dans le texte qui nous revient, et vous avez accepté cette disposition, madame la ministre, que l'établissement de conventions interrégionales n'était pas conditionné à l'effectivité pré alable du schéma.

De même, la rédaction du Sénat traduit un souci d'équilibre entre protection et développement en ce qui concerne le schéma des espaces naturels et ruraux, tout comme, s'agissant des pays, la réécriture de l'article apporte une meilleure lisibilité et traduit des améliorations. Il s'agit de la suppression de l'avis conforme de la CRADT et des orientations purement environnementalistes qui suscitaient des réserves chez les élus, aussi bien dans la majorité que dans l'opposition.

Pour la politique des services publics, la prise en compte dans le calcul de la DSR de l'engagement des collectivités situées en ZRR, dans les maisons des services publics, va dans le bon sens, tout comme la possibilité de constituer des groupements d'employeurs mixtes dans le cadre de ces maisons.

Nous souhaitons que ces améliorations, tout comme celles concernant le vote d'un fonds de gestion des territoires ruraux et des espaces naturels, ne soient pas balayées pour la satisfaction de tel ou tel droit d'auteur ou pour le plaisir de revenir au texte initial, car elles correspondent au désir profond de la majorité pour ne pas dire de l'unanimité, des élus montagnards.

Depuis la discussion en première lecture, est aussi intervenu un événement important pour l'aménagement du territoire dans nos régions de montagne, C'est l'accord de Berlin sur la réforme des fonds structurels européens, et je ne vous cache pas, madame la ministre, notre déception profonde...

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. Michel Bouvard.

... que le bureau de l'Association nationale des élus de la montagne a exprimée hier au ministre des affaires européennes.

Les préoccupations et les demandes des régions de montagne ne sont pas prises en compte dans les nouveaux règlements européens. Le constat est simple : la montagne française sort affaiblie de la réforme.

Je ne développerai pas la sortie de la Corse de l'objectif 1, qui a pour conséquence de réduire assez considérablement les possibilités d'intervention sur un massif important.

S'agissant de l'objectif 2, les critères socio-économiques qui définissent l'éligibilité des zones n'ont pas été non plus modulés ou pondérés par des critères d'ordre géographique, comme nous le demandions. En effet, le chômage, la proportion de population agricole et le vieillissem ent de celle-ci, ou même la diminution de la population ne sont pas des critères favorables à la montagne car, d'une part, celle-ci a perdu depuis longtemps la majeure partie de sa population agricole et, d'autre part, le niveau démographique relativement bas auquel elle est parvenue à bien des endroits fait apparaître comme positif le moindre accroissement de population.

Seule une pondération par la notion de handicap géographique aurait donc permis de mieux prendre en compte la situation réelle de ces territoires. Malheureusement, il ne semble pas que cette question de la montagne, pas même les handicaps géographiques, soient venus sur la table de négociations, si l'on en croit les fonctionnaires européens qui étaient chargés du dossier.

Seules ont été retenues, au niveau des considérants du règlement du FEDER, les notions de périphéricité et d'insularité, alors que les trois instances que sont le Parlement européen, le Comité économique et social et le Comité des régions avaient associé le caractère montagneux à ces deux notions dans leurs avis.

En dépit de nos démarches, ni les représentants des gouvernements, ni la Commission ne se sont attachés à revenir sur cette inégalité de traitement incompréhensible.

Dans ces conditions, nous souhaitons que le Gouvernement, que votre ministère, madame la ministre, jouent à plein la marge de manoeuvre laissée aux Etats pour mieux prendre en compte la montagne dans la mise en oeuvre des orientations.

Cela peut se faire au travers du classement, des DOCUP et des initiatives communautaires.

Sur le classement, je n'ai pas besoin de développer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Pour les DOCUP plurirégionaux, le Premier ministre s'est engagé devant le conseil national de la montagne vous y étiez - à faire défendre par la France la mise en oeuvre de DOCUP au niveau de chacun des massifs éligibles à l'objectif 2. Nous serons attentifs à ce que le gouvernement français l'obtienne. La cohérence avec la politique communautaire s'impose à ce niveau.

Pour les initiatives communautaires, nous souhaitons que la montagne soit considérée comme un territoire où s'appliqueront de façon privilégiée les deux nouvelles initiatives communautaires.

S'agissant d'INTERREG, cela ne devrait entraîner aucune difficulté puisque les trois volets de cette initiative concernent la coopération transfrontalière, la coopération interrégionale et la coopération transnationale. Par aill eurs, devrait être envisagé un programme national

« LEADER montagne », qui porterait sur des problématiques spécifiques aux zones de montagne. Ces orientations devraient figurer expressément dans les documents d'orientation communautaires en cours d'élaboration.

Cela permettrait une cohérence avec les dispositions de la loi que nous sommes en train de discuter.

Enfin, un autre événement est survenu depuis notre première lecture, dramatique, celui-là, qui a endeuillé plusieurs dizaines de familles avec la tragédie du tunnel du Mont-Blanc.

Le 3 février dernier, après plusieurs jours de débat où j'évoquais ici même le manque d'infrastructures de transport dans les Alpes et le besoin d'un nouveau tunnel intégrant le concept d'autoroute ferroviaire, vous me répondiez - cela figure au Journal officiel - que ces projets étaient trop coûteux.

A regret, je le dis sincèrement, la démonstration est aujourd'hui faite avec l'accident du Mont-Blanc de la fragilité des axes de communication dans les Alpes.

Aujourd'hui, chacun constate que le trafic sur les autres traversées alpines n'est pas supportable : ...

M. Patrick Ollier.

Absolument !

M. Michel Bouvard.

... 80 % de hausse du trafic poids lourds au tunnel routier de Fréjus avec un engorgement de la vallée de la Maurienne nuisible à l'environnement et dangereux pour la sécurité des habitants ; des mesures de régulation qui posent autant de problèmes qu'elles n'en règlent ; une croissance de 700 à 1 100 poids lourds, en pointe, au col du Montgenèvre, chez mon ami Patrick Ollier dans les Hautes-Alpes.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai ! C'est insupportable !

M. Michel Bouvard.

Ce trafic, c'est celui que nous connaîtrons dans dix ans si aucune infrastructure n'est créée dans le massif alpin.

Le 21 avril, à Turin, les départements français frontaliers, les provinces et la région autonome italiennes se sont réunis pour adopter une résolution commune, que je vous remettrai, sur « la grave question des transports dans les Alpes ». Cette demande doit être entendue du Gouvernement et faire l'objet de décisions concrètes introduisant une véritable priorité pour le franchissement des Alpes dans la loi d'aménagement du territoire.

Oui, cela a été dit par plusieurs orateurs avant moi, nous avons des besoins en équipement. Ce n'est pas une tare de vouloir introduire dans ce texte sur l'aménagement du territoire des perspectives d'équipement, de création d'infrastructures parce qu'elle correspondent à des logiques de développement économique, parce qu'elles correspondent aussi à des logiques environnementales lorsqu'il s'agit de franchir les massifs montagneux, parce qu'elles correspondent, enfin, à un objectif de sécurité pour les populations qui vivent dans ces régions.

Je veux insister particulièrement sur ce point, madame la ministre, mes chers collègues. J'y reviendrai lors de la discussion des articles. La situation est telle que nous ne pouvons plus longtemps ne pas prendre en compte les attentes des populations montagnardes dans les Alpes et dans les Pyrénées...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

... qui voient le trafic doubler tous les dix ans, sans que les infrastructures dont nous avons besoin figurent dans les lois et soient programmées par les gouvernements qui se succèdent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez, dernier orateur inscrit.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre, mes chers collègues, tout a été dit, et c'est un privilège que de disposer seulement de cinq minutes pour conclure. (Sourires.)

J'ai presque la tentation de laisser mes notes de côté.

Après avoir entendu tout ce qui méritait de faire l'objet d'une réflexion, après avoir entendu les différents intervenants, je soulignerai tout de même un point qui me paraît essentiel : s'il devait y avoir au sein de cette assemblée une ambition commune, ce devrait être l'aménagement du territoire, surtout à la veille d'un nouveau siècle. Comment mobiliser les Français sinon en leur donnant la passion de l'aménagement de leur territoire ? Je déduis des propos des uns et des autres qu'il y a une volonté commune de reconquête du territoire. Comme l'a dit Patrick Ollier,...

M. Arthur Dehaine.

Brillamment !

M. Léonce Deprez.

... c'était déjà la volonté de la loi Pasqua. Et je vous félicite, monsieur le rapporteur, d'avoir souligné que la loi Pasqua a eu ce grand mérite. Et si le Gouvernement décide de prolonger les effets de ce texte et son impact sur le territoire national, son mérite sera tout aussi grand.

Il est heureux que nous puissions, en deuxième lecture, tout faire pour que les volontés se rejoignent et pour que les chemins permettant d'atteindre les objectifs puissent se rejoindre en dernière lecture. Pour cela, peut-être faudra-t-il que vous fassiez une effort, monsieur le rapporteur, comme vous en avez fait un lors des premières réunions de la commission de la production et des échanges, réunions au cours desquelles nous avons apprécié votre esprit de conciliation. La pensée des sénateurs ne vous a-t-elle peut-être pas suffisamment convaincu ? En tout cas, j'espère que vous l'aurez été par ce qui s'est dit ici.

M. Patrick Ollier.

Nous l'espérons !

M. Léonce Deprez.

Notre ambition commune est bien de revaloriser tout notre territoire et en priorité les régions appauvries afin de rétablir un équilibre. Nous avons également la volonté de mieux équilibrer la vie de territoires qui sont en expansion économique et où il est nécessaire de permettre aux citoyens de mieux vivre.

Nous voulons aussi mieux répartir les ressources nationales et faire converger les moyens de l'Etat, des régions, des collectivités locales et de l'Europe, afin que, lors du siècle prochain, le territoire français soit mieux rééquilibré.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. Patrick Ollier.

Oui !

M. Léonce Deprez.

Je pense que la cohérence est la première exigence d'une politique d'aménagement du territoire. A cet égard, M. Balligand a eu l'honnêteté de dire, comme Patrick Ollier, François Sauvadet et bien d'autres, que la grande loi qu'il aurait fallu voter aurait dû être une loi Voynet-Chevènement-Zuccarelli prolongeant la loi Pasqua. Si vous aviez réalisé ce travail de synthèse, nous aurions certainement été plus unis aujourd'hui.

Cette cohérence doit d'abord s'exprimer dans les stratégies de l'Etat. L'aménagement du territoire étant une politique interministérielle, nous vous avons demandé, madame la ministre, que les schémas de services collectifs que vous nous avez proposés s'intègrent dans le cadre d'un schéma national.

Nous regrettons, monsieur le rapporteur, que vous n'ayez pas au moins retenu l'idée du Sénat d'un schéma de synthèse, car il faudra bien faire cette synthèse.

De même, il faudra une cohérence entre le schéma national ou les schémas de services collectifs et les schémas régionaux. Or, nous avons constaté dans les réunions préalables que nous avons organisées dans nos régions que la notion de schémas de services collectifs était un peu floue dans la mesure où ces schémas ne s'intégraient pas dans un schéma national. Pourtant, il faudra que les schémas régionaux s'inspirent du schéma national.

Enfin, il faudra aussi assurer une cohérence entre schéma national, schémas régionaux et contrats de plan

Etat-région. Or en ce qui concerne ces derniers, nous sommes inquiets car ils ne se conçoivent pas sans le soutien de l'Europe. Ainsi, dans la région Nord Pas-deCalais, la part de l'Europe aux investissements du contrat de plan Etat-région a été supérieure à celle de l'Etat. On ne peut pas concevoir une politique d'aménagement du territoire si on ne l'intègre pas dans les ambitions européennes et sans les stratégies européennes. Or, a cet égard, nous avons besoin de précisions.

Je voudrais appeler tout particulièrement votre attention sur un autre point madame la ministre. Quelles que soient les régions, il faudrait mettre fin à l'hostilité - que l'on ressent parfois dans certains propos - qui oppose les défenseurs du développement et les défenseurs de l'environnement. Pour notre part, et nous vous demandons instamment de le comprendre, nous sommes de ceux qui veulent à la fois défendre le développement et l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il ne peut plus y avoir aujourd'hui de développement sans environnement ni d'environnement sans développement ! (Mêmes mouvements.) Nous sommes de ceux qui oeuvrent en ce sens dans leurs régions. Il faudra bien un jour concilier l'impératif de l'environnement et celui du développement, notamment dans les zones de montagne dont on parlait tout à l'heure,...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Léonce Deprez.

... dans les zones littorales et dans les espaces verts. Si nous parvenons à concilier les exigences du développement et celles de l'environnement, le débat d'aujourd'hui aura été utile.

J'espère, madame Voynet, que vous serez la ministre qui aura permis à la loi Pasqua d'atteindre ses objectifs.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un essai avait été marqué. La loi Voynet, comme la loi Zuccarelli, comme la loi Chevènement, devrait nous permettre de le transformer.

N'oubliez pas que le contrat de plan Etat-région comporte un volet régional et un volet territorial.

N'oubliez pas non plus que vous avez présenté comme un espoir nouveau les contrats de pays à côté des contrats d'agglomération. Mais surtout n'oubliez surtout pas qu'il faudra consacrer à ces contrats au moins 20 % de crédits de l'Etat pour que les territoires qu'ils concernent se revitalisent et se revalorisent comme le souhaitent les élus nationaux et les élus locaux.

Votre tâche d'aujourd'hui consiste à ne pas décevoir l'espérance que nous plaçons dans une politique ambitieuse d'aménagement du territoire, qui fasse le lien entre les moyens de l'Etat, ceux de la région, ceux des collectivités intercommunales et ceux de l'Europe.

C'est une oeuvre de synthèse formidable, c'est une oe uvre passionnante qui peut nous mobiliser tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, sur quelques bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mesdames, messieurs les députés, il semble que, au-delà des impressions peut-être superficielles que nous pouvons avoir à cette heure les uns et les autres, nous puissions en tout cas nous mettre d'accord sur un certain nombre de constats.

Ainsi, le libre jeu des acteurs du marché ne permet pas de réduire les inégalités entre les régions. Il arrive même, beaucoup plus souvent qu'on ne le dit, qu'il contribue à les aggraver. Il est en général responsable d'une tendance lourde qui minore les impacts de moyen et de long terme d'un certain nombre de décisions d'implantation ou d'exploitation sur l'emploi, la justice sociale, l'environnement, la santé et la dynamique du territoire au sens large.

Jean-Claude Daniel l'a abondamment expliqué en détail et je n'ajouterai rien à ce constat.

Face à cette situation, peut-on tout demander à la politique d'aménagement du territoire ? Ne doit-on pas exiger que toutes les politiques publiques soient tournées vers cet objectif qui nous est commun d'une solidarité sociale et territoriale retrouvée ? En annonçant, dès le 19 juin 1997, son intention de procéder à la révision de la loi d'orientation et d'aménagement du territoire, dite loi Pasqua, le Premier ministre a souhaité, avant tout, marquer cette volonté politique et donner un signal fort illustrant la volonté de chacun des acteurs publics de ne pas laisser faire.

La loi que je défends devant vous en cette nouvelle lecture se donne donc essentiellement pour objectif l'identification des enjeux stratégiques de la politique nationale d'aménagement du territoire et la mise en place d'un cadre qui permettra à chacun d'entre nous, au niveau de responsabilité où il se trouve, de prendre sa part du fardeau et de rompre peut-être avec une tradition de l'aménagement du territoire, qui, en dépit des efforts déployés depuis trente ans, n'a pas permis d'enrayer les tendances lourdes dont on constate aujourd'hui les dégâts.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Mais qu'on demande à cette loi ce qu'elle peut apporter, et non de se substituer aux efforts de tous les acteurs publics dont il a été question depuis ce matin.

De même, le budget de l'aménagement du territoire est bien modeste par rapport à ceux des transports ou de l'agriculture, ou encore par rapport aux moyens des grandes entreprises et des grands groupes qui, malgré les illusions que nous pouvons peut-être avoir en la matière, sont loin d'avoir besoin de la PAT pour décider de leurs implantations industrielles.

Mais le budget de l'aménagement du territoire est intéressant par la dynamique qu'il impulse, par les effets de levier qu'il permet, par les signaux qu'il envoie et par la cohérence qu'il construit quand il peut mobiliser les budgets d'autres ministères, d'autres collectivités, et parfois d'autres acteurs publics ou privés.

Ce qui m'a le plus constamment manqué depuis deux ans, ce n'est pas la volonté politique, monsieur Ollier. Je l'ai. Ce ne sont pas les moyens financiers : ils sont modestes, mais le problème n'est pas là. Ce qui m'a le plus manqué, ce sont les moyens me permettant de suivre et d'évaluer qualitativement les politiques menées. Lors de mes déplacements en région, à l'occasion de mes contacts avec les élus locaux, avec les porteurs de projet, avec les chefs d'entreprise et avec les associations, j'ai pu constater qu'on était toujours dans l'impalpable, dans le hors sol, dans l'affirmation gratuite, dans l'incapacité de vérifier, pour n'avoir pas précisé les objectifs poursuivis, si les réalisations étaient bien en adéquation avec les objectifs, et si les moyens considérables qu'on avait mobilisés avaient permis de créer des emplois, de restaurer la cohésion sociale ou territoriale, et s'ils étaient compatibles avec les enjeux du développement durable.

J'aimerais que le débat sur la loi d'orientation soit l'occasion d'avancer un peu dans cette direction. J'aimerais que la préparation de la prochaine génération des contrats de plan Etat-Région soit l'occasion de rompre avec une tradition un peu bavarde, un peu prétentieuse de l'amén agement du territoire. J'aimerais que nous nous retroussions les manches et que nous soyons capables d'identifier, au plus près des besoins des populations et des entreprises, les projets les plus riches en emplois, les plus générateurs d'impact durable sur la dynamique des territoires, les plus susceptibles de restaurer des solidarités.

Des questions ont été posées, que je trouve légitimes et qui recoupent mes interrogations - je pense, bien sûr, à l'intervention de Mme Perol-Dumont. Je dirai que le travail que nous avons engagé depuis deux ans est un travail d'évaluation critique, quantitatif et qualitatif, de ce qui s'est fait, sur le terrain législatif, réglementaire et administratif, sur le terrain financier, ainsi que - j'y reviendrai sur le terrain européen. Avant de procéder à cette évaluation, je n'ai pas souhaité remettre en cause les dispositifs en vigueur. Certains sont très efficaces ; d'autres ne le sont que médiocrement. Certains sont même carrément contestables. Qui peut affirmer, par exemple, que l'allégement des cotisations d'allocation familiale dans les zones de revitalisation rurale a permis de créer le moindre emploi ?

M. Michel Bouvard.

Mais si ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

On a des intuitions, des impressions.

Est-on sûr que cela a créé des emplois ?

M. Patrick Ollier.

Oui !

M. Michel Bouvard.

Nous avons des preuves ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

N'allez pas trop loin, vous êtes en train d e démontrer l'efficacité de la politique du doigt mouillé : j'ai l'impression, donc j'affirme. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je suis désolée. Rien, aujourd'hui, ne permet d'affirmer l'efficacité de cette mesure.

M. Michel Bouvard.

Que Bercy a voulu supprimer ! Preuve qu'elle marche ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce brouhaha me permet de passer directement à la deuxième partie de mon intervention, qui consiste en un rapide panorama des faux procès.

Je passerai vite sur le rôle du Parlement.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas une surprise ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai déjà reconnu à plusieurs reprises que les dispositions initiales que nous avions envisagées étaient insuffisantes, et je me réjouis de voir que la discussion que nous avons eue en première lecture à permis de renforcer considérablement le projet de loi. J'en profite d'ailleurs pour vous rappeler que j'ai constamment manifesté ma volonté de venir travailler avec vos commissions parlementaires, et je crois d'ailleurs avoir un rendezvous prochainement avec les membres de l'une d'entre elles pour examiner non seulement la méthode de concertation, mais aussi les critères à retenir pour procéder à la révision des zonages et des programmes d'actions européens dans la perspective de la préparation des documents uniques de programmation.

Je passerai vite également sur le rôle des départements.

La croisade a en effet tourné court, et le débat qui a eu lieu à Deauville - ballet bien réglé entre Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Raffarin et Jean Puech - n'a fait que confirmer que les craintes de certains n'étaient pas fondées.

Je serai un peu plus longue sur les pays. En effet, vos interventions, messieurs de l'opposition, m'ont paru à certains égards un peu surréalistes. C'est tout de même la loi du 4 février 1995 qui a mis en place les pays. C'est tout de même le précédent gouvernement qui a choisi de procéder à un certain nombre d'expérimentations...

M. Patrick Ollier.

Oui. Quarante-deux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... dont je déplore au demeurant que les résultats n'aient pas été rendus publics alors qu'ils étaient disponibles lors du CIADT d'Auch. J'ai souhaité reprendre une bonne idée, consolider des espaces de projets à l'échelle de territoires pertinents comme l'a rappelé Félix Leyzour. Plus généralement, j'ai souhaité que nous puissions nous saisir de toutes les opportunités de développement, exogène parfois, à condition de ne pas garder les deux pieds dans le même sabot, mais endogène de plus en plus souvent. Il peut s'agir parfois de consolider l'existant, mais aussi de développer de nouvelles activités.

La séquence, rappelée par M. Rimbert et par d'autres intervenants, « un territoire, un projet, un contrat » ou, selon les cas, « un projet, un territoire, un contrat » est extrêmement intéressante parce qu'elle permet d'assurer la continuité et la cohérence de l'action publique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Je ne dresserai pas la liste de tous les faux procès évoqués par M. Proriol, qu'il n'a d'ailleurs pas forcément pris à son compte, mais je serai plus diserte sur d'autres éléments.

M. Caillaud a affirmé tout à l'heure que les dispositifs incitant à l'organisation des territoires prévus par ce projet de loi d'orientation risquaient de pénaliser ceux qui n'avaient pas, à ce jour, choisi l'intercommunalité et, par voie de conséquence, d'avantager les villes. Sa longue connaissance de l'intercommunalité ne lui a, semble-t-il, pas permis d'approfondir cette question. En effet, l'intercommunalité n'a pas eu beaucoup de succès dans les villes et la mise en place des agglomérations, dans le cadre du toilettage des dispositifs existants auquel s'est attelé Jean-Pierre Chevènement, doit précisément nous permettre de mettre un outil à la disposition de ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas encore fait le choix de l'intercommunalité. Je suis tout a fait convaincue de l'intérêt de ces nouveaux outils, mais personne ne vous forcera à vous en servir. A vous d'utiliser les mieux adaptés à votre contexte local, à la réalité des liens entre les partenaires, à la qualité des projets que vous entendez monter, à la cohérence des territoires que vous avez à défendre.

Un mot sur les schémas de services collectifs pour rassurer M. Bouvard. Personne n'a jamais imaginé de rédiger ces schémas avant qu'ils soient votés. Nous avons simplement souhaité que le temps de la concertation ne soit pas compté aux acteurs locaux.

M. François Sauvadet.

Elle n'a pas commencé ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'élaboration des cahiers des charges des schémas des services collectifs a été faite par les administrations, comme il est tout à fait normal, à l'issue d'un long travail interministériel. Ensuite, nous avons demandé aux préfets d'animer une première phase de concertation pour permettre non seulement d'élaborer des contributions régionales à la réflexion nationale sur les schémas de services, mais aussi d'approfondir la réflexion et de mûrir des propositions formulées dans le cadre de la réflexion que l'on doit avoir sur le territoire régional lui-même, et l'on voit bien que les deux exercices sont étroitement mêlés.

Je suis convaincue de la lourdeur de la tâche et de la nécessité de l'accomplir dans les délais que nous nous sommes fixés pour assurer la cohérence des exercices qui devraient être consécutifs et qui, compte tenu des contraintes du calendrier, seront malheureusement largement simultanés. Je mesure donc la difficulté ainsi que la modestie des moyens de l'Etat et des régions pour y faire face, mais je ne voulais pas amputer cette phase de concertation et je serai extrêmement attentive à ce que les enjeux nationaux qui émergeront de cette première phase de travail soient correctement pris en compte, traités et débattus avec vous.

Un mot encore concernant les zonages. J'ai éprouvé beaucoup de difficultés à susciter l'intérêt des 500 000 élus locaux qui sont pourtant concernés au premier chef par la réforme des zonages européens et du cadre dans lequel nous serons amenés à proposer la réforme de nos aides nationales - je pense bien évidemment en premier lieu à la PAT.

S'agissant de la PAT, vous savez que nous devons procéder, dans des délais limités, à la mise à jour de la carte des aides à finalité régionale, aides soumises aux règles de la concurrence européenne. La Commission a transmis au gouvernement français, comme à tous les Etats membres de l'Union, les nouvelles lignes directrices qui régiront l'attribution de ces aides à partir de l'an 2 000. Le nouveau cadre communautaire imposé...

M. François Sauvadet.

Négocié à Berlin ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... est plus rigoureux que les règlements en vigueur. Il conduit à une réduction de 40 % à 34 % de la population éligible, au choix des zones d'emploi comme échelon unitaire pour l'élaboration du zonage, à la justification des zones choisies par des critères statistiques établis et à l'adoption d'un seuil minimal de population pour chaque zone éligible isolée. Autant d'éléments qui ne facilitent pas notre tâche, vous en conviendrez avec moi.

Dans un souci de transparence, j'ai souhaité que le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire soit saisi non pas sur des projets de cartes, mais sur des bouquets de critères utilisables pour élaborer ces cartes. Le Conseil national s'est réuni à quatre reprises, en commission permanente ou en formation plénière. Son avis insiste sur l'importance d'une vision d'ensemble de la cohésion des territoires fondée sur des critères clairs et accessibles à tous. Le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire a souhaité que le Gouvernement examine les conditions dans lesquelles pourraient être attribuées par les régions des aides à finalité locale.

Cela rejoint les préoccupations qui ont été exprimées lors du débat au Sénat et, semble-t-il, ici au sein de votre commission.

M. François Sauvadet.

Et ici même, ce matin ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous serons amenés à y revenir. En tout cas, le Conseil national a approuvé la démarche méthodologique de la DATAR consistant à présenter des scénarios clairs et il a souhaité que soit retenu un principe de « discrimination positive » qui prenne en compte les difficultés objectives auxquelles sont confrontés les territoires.

Contrairement aux informations publiées, aucun projet de carte n'est arrêté. Le Gouvernement ne s'est pas encore prononcé sur ce sujet. En revanche, j'ai été sollicitée par beaucoup plus d'élus soucieux de sauver leur zone d'emploi dans la carte de la PAT que je n'ai pu en mobiliser avant le sommet de Berlin pour insister sur l'intérêt que revêtaient les fonds structurels pour la politique d'aménagement du territoire.

M. François Sauvadet.

Vous ne pouvez pas dire cela, madame la ministre ! Nous avons eu un débat ici-même, vous ne vous en souvenez pas ! Un long débat sur des résolutions, sur la politique agricole commune. C'était un vrai débat !

M. Patrick Ollier.

Les associations sont mobilisées làdessus ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si vous parlez tous en même temps, je ne pourrai malheureusement pas vous répondre ! En tout cas, je suis heureuse de voir les députés de l'opposition se mobiliser. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Pas seulement ceux de l'opposition !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En effet, je dois dire que j'ai éprouvé de sérieuses difficultés à mobiliser l'une des deux têtes de l'exécutif sur cette politique des fonds structurels.

M. Patrick Ollier.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Précisez, madame la ministre !

M. Kofi Yamgnane.

C'est pourtant clair ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le choix fait par la France de stabiliser la dépense au niveau européen, d'une part, et de privilégier la politique assurant le meilleur retour financier à la France - j'ai cité la politique agricole -, d'autre part, explique que nous aurons à assumer une réduction drastique de la population couverte par ces zonages européens au titre de l'objectif 2 notamment. Quoi qu'il en soit, je n'entends pas faire l'impasse sur la concertation et j'aurai à me livrer à cet exercice non seulement devant la commission de la production et des échanges, mais également devant le CNADT et en régions, par l'intermédiaire des préfets de région. J'ai par ailleurs sollicité celle des régions de France et celle des départements de France pour les associer à ce travail.

J'en viens à quelques éléments plus précis qui ont été évoqués par certains d'entre vous concernant tout d'abord la montagne. Vous savez fort bien qu'aucun des dispositifs prévus par la loi Pasqua au profit de la montagne n'a été remis en cause. Vous savez très bien que le massif montagneux qui sortira de l'objectif 1 bénéficiera d'un dispositif de sortie prolongé, permettant de garantir des flux financiers à un niveau tout à fait confortable : sans doute 85 % ou 87 % de ce qui existait par le passé. Vous savez également, et vous avez eu l'honnêteté de le rappeler, que le Premier ministre a annoncé qu'un volet montagne sera identifié dans les prochains contrats de plan, avec le souci d'ailleurs d'un traitement aussi interrégional que possible de ces questions tant nous déplorons que les schémas interrégionaux de massifs n'aient pas été élaborés.

M. Patrick Ollier.

Là, je suis d'accord avec vous ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si le message pouvait être transmis par l'intermédiaire des valeureux et très efficaces élus de la montagne, ce serait intéressant ! Mais ces dispositifs seront ciblés sur les zones de montagne qui souffrent, pas sur la montagne en général, puisque le rapport fourni par le commissariat du Plan a permis de montrer qu'une partie significative des zones de montagne n'était pas en difficulté.

Je donnerai bien entendu la priorité au franchissement ferroviaire des Alpes. Vous en conviendrez avec moi, il s'agit d'un combat ancien pour le mouvement auquel j'appartiens et je n'accepterai pas que vous déformiez systématiquement mes interventions à ce sujet. En effet, si j'ai souligné le coût extravagant des projets actuellement dans les cartons, je me suis engagée fortement, avec JeanClaude Gayssot et l'ensemble du Gouvernement, pour que ce dossier avance. Il a d'ailleurs été l'un des thèmes essentiels des deux précédents sommets franco-italiens. La volonté du Gouvernement de rééquilibrer les investissements publics en faveur du rail concerne bien évidemment des chantiers comme celui-ci.

M. Michel Bouvard.

Vous condamnez le rapport Brossier ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non !

M. Patrick Ollier.

Si, vous le condamnez ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je ne pense pas qu'il soit intéressant de caricaturer la position exprimée par M. Brossier. Je constate en tout cas que son rapport traite fort justement les problèmes d'équilibres modaux à travers les Alpes. Je me réjouis de voir que la discussion a beaucoup évolué et que l'on parle aujourd'hui davantage du tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre que du tunnel routier sous le Mercantour.

M. Patrick Ollier.

Vous y êtes favorable ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais bien sûr !

M. Patrick Ollier.

Vous allez nous aider alors ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je me garde de tout effet d'annonce, monsieur Ollier. Face à des dossiers qui représentent des milliards, on réfléchit, on étudie, on arbitre et on ne se contente pas de faire le tour de France en faisant des promesses inconsistantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier.

Faire étudier, c'est tout ce qu'on vous demande, madame la ministre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'invite M. Bouvard et M. Ollier à prolonger leur réflexion. En effet, le problème ne concerne pas que les Alpes.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je constate que, dans les Pyrénées aussi, il existe des projets pharaoniques impossibles à financer.

On vient aussi d'y mettre en service un tunnel routier très proche du modèle contesté ici même et qui a été l'objet d'un drame, il y a quelques semaines.

Pour terminer je voudrais, d'une part, évoquer la nécessité de disposer d'outils adaptés au développement économique des territoires ; d'autre part, revenir sur la nécessaire clarification des compétences des collectivités locales.

Nécessité de disposer d'outils adaptés au développement économique : c'est l'objet du projet de loi d'Emile Zuccarelli au service des collectivités et du travail accompli depuis deux ans par Marylise Lebranchu au profit des PME, des PMI, des très petites entreprises. Et là, je ne pense pas seulement à la rédaction de projets de loi, je pense au travail réalisé pour simplifier les contraintes administratives des petites entreprises, des artisans, des commerçants. Je pense aussi bien sûr à la réforme de la taxe professionnelle, que l'on passe un peu vite sous silence, aux dispositifs concernant la transmission des entreprises sur lesquels Mme Lebranchu travaille. Mais ne me dites pas que j'aurais dû m'emparer de ces questions ! Ne me dites pas que j'aurais dû me comporter comme ces super-ministres qui s'arrogent le droit d'empiéter sur le champ de compétences de leurs collègues !

M. Jean-Claude Lenoir.

Des noms ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce gouvernement a choisi une autre méthode. Ce gouvernement, c'est une équipe d'hommes et de femmes qui travaillent ensemble, en confiance. Une équipe où chacun joue son rôle, où chacun assume ses responsabilités, où chacun agit dans l'intérêt commun et porte sa part du fardeau. Monsieur Deprez, c'est bien la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

cohérence qui compte et nous y veillerons. C'est tout le Gouvernement qui est mobilisé sur ces questions, trop souvent et trop longtemps réservées aux experts. Il n'y pas d'un côté un excellent ministre des transports qui aimerait bien les routes et, de l'autre, une affreuse ministre verte qui ne les aimerait pas. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il y a un gouvernement soucieux de rééquilibrer les choix d'investissements au profit des plus utiles et des plus compatibles avec un développement équilibré du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Il n'y a pas, d'un côté, un ministre de l'agriculture qui s'occupe des campagnes et, de l'autre côté, un ministre de la ville qui s'occupe des quartiers en difficulté. Il y a un projet assumé et porté collectivement par un gouvernement qui considère que ses efforts pour retisser des solidarités dans les territoires constituent le complément logique, indispensable des efforts qu'il déploie avec l'aide efficace de sa majorité et le soutien de la population pour lutter contre le chômage, la pauvreté, l'injustice et la marginalisation des territoires.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

S'agissant, enfin, de la clarification des compétences. Les lois de décentralisation ne sont pas si mauvaises, figurez-vous ! Et si chaque collectivité ne se mêlait pas de tout faire et de tout cofinancer, les choses seraient peut-être plus simples. Je ne souhaite pas réécrire les lois de décentralisation. Je souhaite simplement qu'on les applique. Quand l'idée a été avancée par les sénateurs d'identifier un chef de file, je n'ai vu aucun problème à ce que chaque collectivité soit chef de file pour ses compétences. Mais j'ai vite compris que cette ambition généreuse masquait en fait le démantèlement de deux des compétences essentielles des régions dans les domaines de l'aménagement du territoire et du développement économique. Alors, soyons clairs, la démarche n'est pas celle attendue. Ne comptez pas sur moi pour m'y prêter ! En conclusion, je paraphraserai M. Deprez, qui a été brillant tout à l'heure : il s'agit bien, pour une fois, de concilier développement économique, justice sociale et gestion responsable des milieux et des ressources. C'est vous, mesdames, messieurs de l'opposition, qui procédez à une lecture caricaturale des ambitions du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arthur Dehaine.

On ne se permettrait pas ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il n'y a pas ici une malheureuse ministre qui serait exclusivement soucieuse d'une qualité de vie plus proche de la nature. Il y a un gouvernement et une majorité mobilisés pour gagner la bataille de l'emploi et celle de la solidarité des territoires. Cette loi...

comme les contrats de plan nous offrent une occasion historique de réconcilier économie, écologie, justicesociale et je m'en réjouis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

(M. Patrick Ollier remplace M. Arthur Paecht au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai donc l'honneur, au nom du groupe Démocratie libérale et Indépendants et conformément à l'article 91, alinéa 6, de notre règlement, de défendre devant vous une motion de renvoi en commission. Je me référerai également à l'alinéa 7 de cet article, puisque je dois vous dire par anticipation q uelles seraient les conséquences de l'adoption par l'Assemblée de cette motion.

Pour répondre à la question pertinente qui sera certainement posée tout à l'heure par notre collègue Félix Leyzour, extrêmement attentif à ce que le règlement de notre assemblée soit pleinement respecté, je vais d'entrée de jeu vous donner les raisons pour lesquelles j'ai utilisé cette voie de procédure.

J'aurais pu défendre l'exception d'irrecevabilité, je ne l'ai pas fait. J'aurais pu soutenir la question préalable, je ne l'ai pas fait.

M. Alain Néri.

Cela vous regarde, ce n'est pas notre problème !

M. François Cuillandre.

C'est un homme-orchestre !

M. Jean-Claude Lenoir.

J'ai préféré, en effet, soutenir la motion de renvoi en commission parce qu'il m'apparaissait nécessaire de reprendre le travail en profondeur, et non de faire disparaître le texte, encore que ce matin c'eût pu être le cas ! J'ajoute que je ne veux pas remettre en cause le travail important accompli par Philippe Duron, rapporteur du projet de loi.

M. Alain Néri.

Vous ne le pourriez pas de toute façon !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je pense, en effet, que mes collègues de l'opposition me suivront si je dis qu'il s'est employé, au moins dans un premier temps - pendant la première lecture, en commission notamment - à travailler dans un esprit d'ouverture en étant attentif aux suggestions et soucieux de répondre à toutes les questions. Je ne voudrais donc pas que le renvoi en commission, si l'Assemblée me suit dans ma requête,...

M. Alain Néri.

Il ne faut pas rêver !

M. Jean-Claude Lenoir.

... lui apparaisse comme une forme de désaveu.

Si tel était le cas, je tiens d'entrée à lever le malentendu.

J'aurais pu néanmoins ne pas soutenir la motion de renvoi. Je vous l'avoue, j'ai un moment envisagé d'y renoncer.

(« Bonne idée » ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) En effet, les arguments qui ont été avancés par mes collègues de l'opposition, notamment François Sauvadet lorsqu'il a soutenu l'exception d'irrecevabilité et ensuite Patrick Ollier lorsqu'il a défendu la question


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

préalable, me sont apparus tellement pertinents que j'ai imaginé que l'Assemblée nationale pourrait les suivre, que le débat allait s'interrompre et que l'on n'irait pas jusqu'à la discussion de la motion de renvoi.

Mais comme l'Assemblée, après un moment d'hésitation en fin de matinée, a finalement souhaité poursuivre, nous en sommes aujourd'hui, et à cet instant précis, en fin de discussion générale et, qui sait, dans quelques instants peut-être, à la veille de la discussion des articles.

Une question pressante a été posée. Elle l'a été par écrit par certains de mes collègues, plutôt de la majorité ; elle l'a été par certains fonctionnaires, que je comprends.

Ils voulaient savoir combien de temps j'envisageais de rester à la tribune pour présenter les arguments qui me semblent aujourd'hui devoir être défendus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous avoue que je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Mais pour vous rassurer, je vous le dis d'emblée, je vais essayer d'être aussi bref que possible. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour rendre mon propos plus compréhensible, je le structurerai en trois parties. La première rappellera quels sont les objectifs d'une politique d'aménagement du territoire. La deuxième me permettra de relever un certain nombre d'erreurs qui ont été commises par le Gouvernement et par la majorité plurielle. La troisième partie m'amènera à faire des propositions aussi judicieuses que possible, et néanmoins concrètes, pour le cas où la commission devrait travailler à nouveau sur ce projet de loi.

Nous sommes partis d'une loi qui porte le nom de celui qui l'a défendue au Parlement, la loi Pasqua. Vous avez annoncé votre intention de la remanier profondément, mais paradoxe étrange, vous avez souligné à plusieurs reprises n'en avoir modifié qu'une vingtaine d'art icles, laissant entendre que, pour les autres, une soixantaine, il s'agissait simplement de retouches. Il faudra nous expliquer pourquoi vous vous êtes attachés, comme vous l'avez fait, à remettre en cause les options essentielles de cette loi Pasqua votée en 1995, pour nous orienter dans des voies qui aujourd'hui nous inquiètent.

A notre avis, et je parle ici non seulement au nom de mes amis du groupe, mais, également, de l'ensemble des groupes de l'opposition, une politique d'aménagement du territoire doit rassembler le plus grand nombre.

Il ne s'agit pas de faire une politique politicienne au plan local sur les territoires dont nous avons la charge. Il est essentiel que nous puissions travailler ensemble le plus n ombreux possible. C'est un postulat auquel nous sommes attachés. Et d'ailleurs, toutes les conditions avaient été réunies lorsque la loi Pasqua avait été discuté e, en 1994 et en 1995, dans la mesure où plusieurs renc ontres avaient été organisées, qui avaient associé l'ensemble des élus, qu'ils fussent de droite ou de gauche.

Chacun avait pu apporter, avant que le texte lui-même soit porté devant le bureau de notre assemblée, sa contribution à la réflexion qui avait été menée. J'ajoute que lorsque nous nous retrouverons les uns et les autres sur des territoires que nous représentons ici, nous ne chercherons pas à ne travailler qu'avec les uns et à exclure les autres. Notre objectif, pour la réussite de cette politique, visera bien entendu à faire travailler le plus grand nombre.

Le deuxième objectif, qui nous paraît extrêmement i mportant, est de replacer l'homme au centre du dispositif.

Inutile de créer des structures, d'afficher des politiques, d'inventer des procédures si on perd de vue qu'au centre de ces politiques, il y a des hommes et des femmes que nous représentons. C'est pour eux que nous travaillons.

Ils doivent attendre des politiques que nous engageons les retombées qui leur permettront de vivre dans les meilleures conditions, là où ils l'ont choisi.

Au-delà des débats que nous avons eus sur les équipements, sur l'offre, sur la demande, il ne faut pas oublier les populations qui sont extrêmement attentives à la façon dont nous nous y prenons et qui sont persuadées que les politiques mises en place aujourd'hui sont faites pour durer. D'ailleurs, soyez-en conscients, les lois que nous auront votées en 1999 sont les lois de la fin de ce siècle, mais le début du prochain siècle portera profondément l'empreinte de ce que nous aurons décidé ici.

Le troisième objectif d'une loi d'aménagement du territoire est de veiller à assurer les grands équilibres.

Je suis frappé de constater, à l'occasion des entretiens que nous avons, des conversations que nous engageons entre les séances, le déséquilibre qui existe entre les différents territoires que nous représentons. Les conditions de vie ne sont pas les mêmes, l'espérance de l'avenir n'est pas la même car nous ne bénéficions pas des mêmes chances. D'une région à l'autre, d'un département à l'autre, d'un pays à l'autre les conditions ne sont jamais les mêmes. Un bassin peut être touché par un sinistre industriel, par un problème d'ordre économique. Il peut être touché et freiné dans son développement par des handicaps structurels, l'absence d'équipements en matière de circulation routière, autoroutière, ferroviaire, que saisje ? Les inégalités sont fortes.

Lequel d'entre nous n'a pas un jour envié tel autre de ses collègues qui représentait une région, un département, une circonscription qui pouvait lui apparaître comme disposant de chances plus sûres, plus affirmées ? Lequel d'entre nous n'a pas considéré un jour qu'il représentait une région qui avait besoin, peut-être plus que d'autres, de toute l'attention des pouvoirs publics, et des concours auxquels il pouvait prétendre ? Quatrième objectif d'une politique d'aménagement du territoire : assurer la promotion du développement économique.

C'est un peu tard que ces questions majeures ont été posées et que des avancées verbales ont été faites en ce sens. La première des priorités n'est-elle pas, précisément, d'assurer le développement économique ? Il ne s'agit pas de se limiter à quelques pôles industriels mais de créer les conditions pour que des petites entreprises puissent s'installer, se développer, recruter, assurer la formation de leurs salariés.

L'ensemble de ces questions ont été évoquées par Mme la ministre dans son intervention. Malheureusement, l'absence de textes sur ces sujets dans le dispositif sur lequel nous discutons fait que nous avons le sentiment de nous prononcer sur une partie d'un texte majeur qui se trouve gravement amputé.

Le cinquième objectif est plutôt lié à la perception que nous avons des territoires. Les débats l'ont montré, nous sommes convaincus les uns et les autres que l'avenir des régions auxquelles nous sommes attachés, des territoires sur lesquels nous essayons d'animer les procédures de développement mises à notre disposition, passe par des projets.


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Reconnaissons qu'il n'est pas toujours facile de faire émerger des projets. On a toujours des idées sur ce qu'il faudrait faire, mais on en reste au stade des intentions, des déclarations de principe. Un projet, c'est autre chose.

Ce n'est pas une idée. Un projet, c'est déjà le résultat d'une réflexion, d'une concertation, d'un travail. C'est déjà une esquisse, un cadre. C'est déjà un document sur lequel on avance, assuré que l'on est de la possibilité de trouver un maître d'ouvrage, les financements correspondants, de la rentabilité, de la fiabilité, de la pertinence de ce que l'on souhaite réaliser.

Enfin, sixième objectif plus important aujourd'hui qu'il y a quelques années : inscrire cette politique dans une dimension européenne, dimension qui ne figurait pas dans le projet initial. Peut-être ne faut-il accorder aux mots que l'importance qu'ils méritent. Mais il me semble avoir soutenu un amendement - voté d'ailleurs à l'unanimité - permettant de rappeler cette dimension à laquelle nous devons nous attacher.

Tels sont les objectifs que nous devons nous fixer.

Maintenant, quelles erreurs ont été commises ? Et si j'en parle, ce n'est pas pour crucifier qui que ce soit, ni pour attirer l'attention sur ceux qui en auraient été les auteurs. C'est pour faire en sorte que la majorité de cette assemblée se reprenne pendant qu'il en est encore temps et revoie le texte sur lequel nous allons devoir délibérer.

Mme la ministre, j'ai le sentiment que nous aurions pu faire une grande loi ensemble. (Rires sur quelques bancs du groupe socialiste.) Mais l'occasion ne s'est pas présentée, en raison d'une série de rendez-vous manqués. On ne peut pas soutenir dans cet hémicycle qu'une loi doit être votée à tout prix par une fraction qui ne représente qu'une partie de la population, alors que l'autre partie ne peut pas être entendue. D'ailleurs, nous l'avons déclaré, et je suis persuadé que notre sincérité ne vous a pas échappé, nous étions désireux de travailler sur ce texte et de porter ensemble un vote qui eût été positif. Au point que l'on aurait pu parler de l'unanimité que se serait créée autour d'une politique d'aménagement du territoire.

M. Jean-Claude Daniel.

Vous êtes très frustré !

M. Jean-Claude Lenoir.

C'eût été d'ailleurs beaucoup plus facile ensuite, pour vous comme pour nous. Mais surtout pour vous ! Vous avez pu constater, par exemple, que, ce matin, la question préalable a failli être adoptée...

Plusieurs députés du groupe communiste.

A failli !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je ne ferai aucun commentaire eu égard au vice-président qui préside, sur les conditions dans lesquelles ce vote s'est déroulé. Quoi qu'il en soit, à quelques voix près, la question préalable pouvait être adoptée. A un moment, l'opposition - une fois encore ! était majoritaire dans cet hémicycle.

M. René Mangin.

Descendez de votre nuage !

M. Jean-Claude Lenoir.

Néanmoins, la question préalable a été repoussée de quelques voix.

M. Félix Leyzour.

Ah, vous n'étiez donc pas majoritaires !

M. Jean-Claude Lenoir.

Croyez-vous qu'une loi soit bonne lorsqu'elle a été votée avec quelques voix de majorité ? P lusieurs députés du groupe socialiste.

Et la République ?

M. Jean-Claude Lenoir.

Je sais que la République a été votée avec une voix de majorité en 1875. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Rimbert.

C'était une belle chose !

M. Jean-Claude Lenoir.

Précisément, n'aurait-il pas été préférable qu'elle le fût par un plus grand nombre pour en consolider les bases ?

M. René Dosière.

Elle a duré longtemps !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je suis persuadé que nous aurions pu, si vous l'aviez accepté, permettre à cette loi de s'installer dans le paysage administratif de la France dans des conditions qui en assurent le plein succès.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quelles erreurs avez-vous commises ? Des erreurs de forme et des erreurs de fond.

Les erreurs de forme, d'abord. Vous avez choisi de saucissonner ce texte, de le tronçonner. Chaque ministre a sa part d'un vaste dispositif dont on voyait bien les contours, il y a un an et demi. Que s'est-il passé ? Pourquoi avez-vous choisi cette procédure ? Je ne le sais pas.

Mais nous en devinons les raisons : chacune et chacun d'entre vous aura sa loi. Nous votons actuellement une loi dont on dit, madame la ministre, qu'elle pourrait porter votre nom. Dans quelques semaines, reviendra du Sénat le texte sur l'intercommunalité. Et dans quelques semaines, voire quelques mois, nous discuterons le texte présenté par votre collègue M. Zuccarelli sur le développement économique et sur l'intervention des collectivités territoriales dans le monde économique.

Pourquoi n'avez-vous pas réuni l'ensemble de ces volets pour faire une grande loi ? Les arguments que nous entendons ne sont pas convaincants.

On a dit d'abord qu'une grande loi traînerait un dispositif pesant, qui risquerait d'être paralysé par sa propre lourdeur. Pensons toutefois au choix qui avait été fait pour le volet principal de son dispositif par Gaston Defferre lorsqu'il a engagé la décentralisation - même si des textes subséquents ont été ensuite soumis au vote du Parlement.

On a dit ensuite qu'il fallait voter la loi d'aménagement du territoire pour répondre à des demandes qui pouvaient être faites au plan européen ; assurer une certaine cohérence entre ce que nous votons en matière d'aménagement du territoire et les dispositifs en préparation au plan européen. Ce n'est pas non plus très convaincant. Je ne suis pas sûr que les dispositifs dont nous parlons aujourd'hui sont disponibles au moment où il aurait fallu le faire.

Vous avez finalement navigué entre deux écueils : l'écueil du nombre de textes et l'écueil de la précipitation.

Force est de constater, aujourd'hui, que vous avez succombé à la tentation de la précipitation. Pourtant, les apparences vous sont plutôt favorables. Pensez - c'est un rappel, mes chers collègues - que le texte d'aménagement du territoire a été soumis au conseil des ministres en juillet 1998, il y a donc de cela plus de neuf mois. A l'époque, on pouvait espérer que la discussion interviendrait dans des délais assez rapides. Mais vous avez attendu pendant des semaines, pendant des mois...

M. Michel Vergnier.

On ne siège pas en juillet !

M. Jean-Claude Lenoir.

... bien que vous ayez, dès le début, décidé d'utiliser la procédure d'urgence sur ce texte. Il n'est pas banal de parler d'une procédure d'urgence sur un texte qui a été déposé en juillet 1998 !

Mme Monique Collange.

C'est une seconde lecture quand même !

M. Jean-Claude Lenoir.

Ce fut votre deuxième erreur, qui est lourde de conséquences. Vous avez choisi l'urgence pour une raison que nous apparaît assez claire-


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ment : éviter de repasser une nouvelle fois devant l'Assemblée et devant le Sénat comme la procédure nous y aurait conduits pour le cas où il n'y aurait pas eu d'urgence.

Madame la ministre, nous vous avons surprise, lors de la discussion en première lecture, en flagrant délit de méconnaissance de la conséquence de cette déclaration d'urgence. Vous avez vous-même, à plusieurs reprises - et le Journal officiel en fait foi - suggéré que sur des problèmes un peu pointus, un peu délicats, un peu sensibles nous puissions en reparler en nouvelle lecture.

Mme Monique Collange.

On y est !

M. Jean-Claude Lenoir.

Seulement, chère collègue, ne nous trompons pas : ce n'est pas une vraie seconde lecture ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pourtant, on entend les mêmes arguments !

M. Jean-Claude Lenoir.

La raison en est simple. Si vous n'aviez pas utilisé la procédure d'urgence, nous aurions examiné aujourd'hui non pas le texte de la commission, mais le texte du Sénat sur lequel nous aurions pu travailler.

Il est trop facile de dire maintenant que le Sénat a alourdi, dénaturé le texte, voté des amendements. Mais on n'en parle pas. On peut en discuter. Les institutions ont prévu qu'il y ait un échange entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Peut-on affirmer aujourd'hui que les sénateurs n'avaient pas la possibilité de se faire entendre ici ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François Sauvadet.

Excellent !

M. Jean-Claude Lenoir.

Il suffit que les députés de l'opposition reprennent, sous forme d'amendements, des dispositions arrêtées par le Sénat pour que vous les fustigiez en disant : regardez, même les députés de l'opposition en sont arrivés à reprendre, sous forme d'amendements, des dispositions qui ont été votées par le Sénat ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Et alors ? Le Sénat participe à l'élaboration de la loi et, pour ce qui concerne le temps que nous consacrons à l'examen de ce texte, je me permets de faire observer que si retard il y avait, il n'était pas du fait de l'opposition à l'Assemblée nationale ou de la majorité au Sénat.

La troisième erreur a consisté à ne pas faire ce que vos prédécesseurs avaient fait en 1994 lors de l'examen de la loi Pasqua, à savoir ouvrir la réflexion dans le cadre d'une commission spéciale. Il ne fallait pas s'en tenir à unes imple commission, fût-elle aussi éminente que la commission de la production et des échanges. En faisant partie, je ne voudrais pas nier, monsieur le président Lajoinie, que les réflexions menées en son sein sous votre autorité exercent une forte influence sur les travaux de l'Assemblée. Mais l'intérêt de la commission spéciale est de réunir autour d'une table des parlementaires qui, audelà des sujets sur lesquels nous nous penchons régulièrement à la commission de la production et des échanges, peuvent nous apporter des avis, d'ordre juridique ou financier par exemple, et concourir ainsi à l'élaboration d'un texte plus pertinent et plus solide. Ce choix, le Sénat l'a fait. Il faut s'en féliciter, car personne ne peut douter ici qu'il a travaillé dans des conditions meilleures que les nôtres. C'est une raison supplémentaire, cher Félix Leyzour, pour soutenir qu'un retour en commission serait particulièrement utile.

Une autre erreur résulte de la précipitation que je viens de dénoncer. Vous avez créé une sorte de climat d'instabilité dans le paysage politique et administratif français.

Depuis deux ans et même un peu plus si on y ajoute la période de discussion de la loi Pasqua, nous avons été porteurs d'un message selon lequel il fallait réorganiser la France. Nous avons commencé il y a longtemps, mais je passe sur l'épisode des lois de décentralisation et sur la loi de 1992, et je fais démarrer le compteur en 1995.

Qu'avons-nous dit alors tous ensemble, non seulement les députés de la majorité de l'époque mais également ceux de l'opposition qui s'intéressaient au développement du territoire ? Qu'il fallait s'orienter vers une organisation permettant de défendre dans de meilleures conditions les chances de nos territoires et que le pays était une bonne solution. Au moment même où les communautés de communes et les divers établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre se mettaient en place, nous avons cherché à convaincre les élus qu'il n'y avait pas de chevauchement entre les deux démarches, que le pays n'était pas une structure administrative supplémentaire qui viendrait s'ajouter aux autres formes d'intercommunalité, qu'il s'agissait d'un territoire pertinent d'une autre nature, qui permettrait de porter un regard différent sur l'ensemble des politiques d'aménagement.

Nous avons présenté le pays comme une avancée. A l'époque, on en parlait encore comme d'une notion, on n'en était pas encore au stade de la structuration.

Puis est arrivé un autre message porté par les défenseurs de l'actuel gouvernement et qui consiste à dire que ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder et qu'il convient de s'y prendre autrement. Sans esprit partisan, mes chers collègues, je voudrais interroger celles et ceux d'entre vous qui participent aux politiques de développement local.

N'avez-vous pas le sentiment que les élus locaux commencent à s'interroger sur la pertinence de nos choix et des avancées que nous proposons ? Les maires, notamment, ont du mal à s'y retrouver. Ils sortent à peine d'une période où ils ont digéré, assimilé les principes et, je le dis comme je le pense, les vertus de l'intercommunalité. Ils auraient préféré une pause. Aujourd'hui, on leur dit non, le schéma dont on vous a parlé il y a seulement trois ans avec la loi Pasqua n'est pas le bon, on repart sur un autre.

Je ne dis pas que certains des dispositifs contenus dans votre projet ne soient pas les meilleurs. Je dirai même que je suis plutôt d'accord sur quelques-unes de vos propositions, et donc en désaccord avec mes propres amis.

Cela dit, chacun parle en fonction de ses convictions mais également de l'expérience qu'il tire de ses actions.

Ce que je fais dans mon département et dans les pays où je me suis impliqué n'a sans doute rien à voir avec ce qu'un autre de mes collègues, quelle que soit sa formation politique, a pu réaliser de son côté. Toute expérience tient aux hommes et aux femmes qui y participent. La culture est différente. Les conditions géographiques font qu'on n'appréhende pas de la même façon la problématique qui se pose. Le vécu, le quotidien nous entraîne à des écarts par rapport à d'autres qui ont choisi une autre voie.

Cette instabilité m'apparaît source de grandes difficultés, et je suis convaincu que les lois qui s'annoncent, notamment celle portée par M. Chevènement puis celle portée par M. Zuccarelli, aggraveront ce phénomène et ce


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sentiment d'instabilité. Une seule loi aurait, je pense, conduit à d'autres réactions de la part des élus locaux.

Que dire des citoyens qui ne participent pas à la gestion d'une cité ou d'une assemblée départementale ou régionale ? Une autre erreur encore pardonnez-moi d'enfoncer le clou - tient à la façon dont vous avez abordé la commission mixte paritaire. Là, monsieur le rapporteur, je vous le dis tout net, nous ne vous avons pas reconnu.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai une mauvaise influence sur lui ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Autant nous avions apprécié la façon dont vous aviez abordé l'examen du texte en première lecture, autant nous avons été surpris par la façon dont vous avez abordé la commission mixte paritaire.

Comme cette réunion associait peu d'entre nous, qu'il me soit permis sans prolonger inutilement cette intervention, sans trop abuser, je l'espère, de votre bienveillante attention - de dire quelques mots sur la façon dont les choses se sont passées.

La commission mixte paritaire s'est réunie il y a un mois au Sénat, à vingt et une heures. Peut-être ces détails vous paraîtrons-ils superflus, mais ils sont révélateurs. Les commissaires de l'opposition avaient pris leurs dispositions pour le dîner. Ceux de la majorité ne l'avaient pas fait, car ils pensaient, en réalité, que la réunion allait durer peu de temps. En arrivant à vingt et une heures, ils avaient une intention que nous connaissions, car il y a toujours des bavardages, monsieur le rapporteur, il y a toujours des personnes qui en disent un peu plus qu'il ne faut. Nous avions donc été prévenus, un peu auparavant, que les commissaires de la majorité souhaitaient faire échouer la commission mixte paritaire. C'était quand même surprenant, car nous avions très sincèrement la conviction que nos points de vue pouvaient se rapprocher.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Seriez-vous candide ?

M. Jean-Claude Lenoir.

Sous réserve, bien sûr, qu'un effort fût accompli de part et d'autre,...

M. Philippe Duron, rapporteur.

Quel effort !

M. Jean-Claude Lenoir.

... sous réserve que des concessions fussent acceptées, pour parvenir à un texte donnant satisfaction aux deux assemblées.

Quel n'a donc pas été notre étonnement d'entendre les intervenants de la majorité plurielle annoncer d'emblée qu'il n'était pas possible de parvenir à un accord, puisque, affirmaient-ils de façon péremptoire, tout nous séparait ! Les commissaires de l'opposition ont néanmoins tenté de discuter, de faire entendre leur point de vue, de provoquer un retournement d'opinion chez les commissaires de la majorité.

M. Alain Néri.

Provoquer, cela ne m'étonne pas de votre part !

M. Jean-Claude Lenoir.

Nous avons employé tous les moyens. Je suis persuadé que le déjà nommé Félix Leyzour, très familier de ces procédures lorsqu'il était sénateur, avait perçu qu'il était possible de faire un effort.

Mais cet effort nous a été refusé. Nous avions beau expliquer qu'il y avait certes des points de désaccord, mais également des points d'accord, la même réponse nous était fournie : il était impossible d'aboutir.

Tout cela nous a retenus un certain temps - et j'en suis désolé pour les commissaires de la majorité, compte t enu des dispositions qu'il avaient prises - mais reconnaissez, mes chers collègues, que l'opposition a tout fait pour parvenir à un texte qui nous rassemble et nous réunisse.

M. Jean-Pierre Dufau.

A droite, vous n'aimez pas les divisions ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Une autre erreur est apparue plus nettement depuis que le Sénat a délibéré sur cette question et a pris des positions qui vous ont obligés à fournir un minimum d'explications. Elle concerne le problème des équipements publics ; c'est tout le débat autour de l'offre et de la demande.

De temps en temps, pour simplifier, pour mieux expliquer, il faut bien - qui ne le fait pas ? - donner un peu dans la caricature. On nous a opposé ce qui était de l'offre et ce qui était de la demande. M. le rapporteur a été très brillant sur le sujet ; il s'est obstiné à nous expliquer que nous étions les tenants d'une vision plutôt passive puisque nous insistions sur l'offre, tandis que la majorité privilégiait la demande.

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est un peu ça !

M. Jean-Claude Lenoir.

Tel serait, entre nous, le principal clivage.

Monsieur le rapporteur et vous, mes chers collègues qui avez soutenu le même argument, je crois utile de vous rappeler le jugement qui figure dans le rapport produit par le Conseil économique et social sous la plume de M. Bury. L'un des reproches majeurs qu'il adresse à votre projet de loi - et là je suis obligé de lire mes notes pour ne trahir ni la lettre ni la pensée de l'auteur - est que ce texte « privilégie l'existant au détriment d'une réflexion renouvelée en fonction de l'évolution des besoins ».

Autrement dit, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui analysent les demandes et, de l'autre, ceux qui analysent les offres, les uns ayant raison et les autres ayant tort.

M. Bury est dans le vrai - et c'est bien ainsi que nous l'entendons : il nous faut une « réflexion renouvelée » qui ne soit pas figée en fonction de l'évolution des besoins.

Mais vous avez opté pour la demande, et j'avoue ne pas très bien comprendre comment vous allez réussir à promouvoir une politique d'aménagement du territoire en vous fondant sur une telle logique.

M. Jean-Paul Mariot.

M. Ollier, au moins, nous réveillait !

M. Jean-Claude Lenoir.

J'ai évoqué le rapport du Conseil économique et social. Pour tenter d'instiller un peu de modestie dans la pensée que vous avez de vos propres actes, je dois vous rappeler que M. Bury, dont personne ne saurait contester l'autorité, regrettait le manque de souffle de votre texte, et j'ajouterai, quant à moi, son manque d'ambition. Ce jugement sévère aurait dû vous inspirer d'autres considérations.

Enfin, dernière erreur, vous n'avez pas hésité, en première lecture, à ouvrir la boîte de Pandore, à glisser dans ce projet un certain nombre de mesures qui, si je puis dire, passaient par là. Souvenez-vous de l'épisode de l'amendement sur la directive concernant la poste. Il a fallu, toutes affaires cessantes, introduire ce qui ressemblait à un cavalier, en tout cas une disposition qui n'avait rien à voir avec le texte, sous prétexte que des délais impérieux arrivaient à échéance et que vous deviez à tout prix transposer cette directive sous peine de contrevenir à nos engagements européens. A l'époque, nous vous avons expliqué que l'on pouvait prendre d'autres initiatives du même type, notamment pour ce qui concerne l'électricité.

Je rappelle que la directive électricité aurait dû être votée


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avant le 19 février. Le Gouvernement a présenté un projet de loi il y a peu de temps, et l'Assemblée l'a approuvé ; seul de l'opposition, je l'ai voté, et ce n'était pas en me trompant de bouton, comme il arrive, mais parce que j'avais souhaité le faire. Le Sénat, cependant, n'examinera ce projet qu'après l'été. Alors, pourquoi avoir cherché à tout prix à dénaturer votre texte sur l'aménagement du territoire, initialement porteur d'une vaste espérance ? En lui collant des appendices hors de propos, vous l'avez, d'une certaine façon, défiguré.

Je voudrais maintenant aborder la troisième partie de mon intervention - sera-t-elle plus longue que les deux premières, je ne sais - celle relative aux propositions que nous souhaitons formuler au nom de l'opposition.

M. Camille Darsières.

Inutile, vous aurez tout le temps de le faire en commission ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

L'opposition, souvenez-vous, était extrêmement attachée à l'élaboration d'un schéma national d'aménagement du territoire. Nous avons eu de longs débats, de longues discussions à ce sujet. Pendant la première lecture, on m'a souvent présenté une objection, mais non sans pratiquer le raccourci, et donc la caricature : décidément, disait-on, les libéraux sont parfois enclins à défendre des procédures faisant intervenir l'Etat.

C'est pour moi l'occasion de rappeler à celles et ceux, peu nombreux j'en suis persuadé, qui auraient ces vilaines pensées, que, pour asseoir une politique libérale, il faut que l'Etat fixe les règles. L'Etat doit être un régulateur, et c'est en ce sens que le schéma national est pour nous un garant des grands équilibres nationaux. C'est lui qui garantit les meilleures chances d'accès aux services, les meilleures chances de vie dans les territoires qu'on a choisi d'occuper ; c'est lui qui permet d'assurer que le principe d'égalité inscrit sur le fronton de nos mairies soit véritablement respecté. Comment peut-on espérer que l'équilibre entre les territoires puisse être réalisé naturelle ment ? Bien entendu, et c'est ce que nous souhaitons faire en élaborant un schéma national, l'Etat doit poser les règles et vérifier qu'elles sont respectées.

Le Sénat, conscient que votre obstination sur ce point allait être trop forte, a proposé une solution de compromis : le schéma de synthèse. En première lecture, nous étions d'ailleurs à deux doigts de fixer le principe même de cette synthèse. Les mots « schéma national d'aménagement du territoire » ne vous plaisaient pas parce qu'ils étaient issus d'un texte que vous vouliez absolument abroger, ou au moins un certain nombre de ses articles.

Cependant, l'idée que l'on puisse opérer une synthèse dans le cadre d'une discussion au Parlement avait été un moment envisagée. Le Sénat la rend possible. Pourquoi aujourd'hui y renoncer ? Nous souhaitons que cette synthèse soit réalisée par le Parlement.

Une autre de nos propositions - et c'est un des points essentiels du dispositif - porte sur le devenir du monde rural. Que n'avons-nous entendu à ce sujet ? Il faudra bien, à l'issue de nos débats, publier un document qui recense tous les propos tenus sur la ruralité.

J'appartiens, comme beaucoup d'entre vous, à un territoire très rural. Je ressens le besoin que toutes les chances soient données aux hommes et aux femmes qui y vivent pour affronter au mieux tous les défis, économiques, sociaux ou culturels, qui les attendent.

Lorsque j'étais beaucoup plus jeune, je vivais comme une humiliation que, dans ma ville, qui comptait pourtant deux salles de cinéma, il faille attendre deux ans, voire trois, quand il s'agissait d'un film à grand succès, pour voir les films dont nos camarades nous parlaient.

M. Félix Leyzour.

Hors sujet !

M. Jean-Claude Lenoir.

Une sorte de fossé était établi entre ceux qui avaient la chance d'habiter la ville et ceux qui vivaient à la campagne.

M. Patrick Rimbert.

Cela frise l'incorrection pour votre auditoire !

M. François Sauvadet.

C'est un témoignage !

M. Jean-Claude Lenoir.

Or il était nécessaire de combler ce fossé. Il était essentiel d'assurer les mêmes chances d'accès aux manifestations d'ordre culturel pour faire disparaître cette coupure entre les grandes villes et la province. Certes, aujourd'hui, les technologies nouvelles et les initiatives prises par les élus en bien des endroits ont permis de corriger tout cela. Mais combien d'autres domaines nécessiteraient qu'on y prête attention pour garantir les mêmes chances à toutes les personnes qui vivent sur le territoire national ? Le monde rural mérite autre chose qu'une sorte de charité. Charité à l'égard d'un monde qui perd ses habitants et qui tourne un peu le dos à l'évolution technologique et à la modernité. C'est vrai, on ne pense pas tout à fait de la même façon, lorsqu'on vit sur un territoire rural. Pourtant, un sondage réalisé à la demande du Sénat et publié dans Le Monde du 5 mai nous apprend que 44 % des Français préféreraient vivre...

M. Jean-Paul Mariot.

A la campagne !

M. Jean-Claude Lenoir.

Gagné ! En effet, 44 % préféreraient vivre dans une petite commune rurale. Quant à l'autre grosse moitié, elle se répartit comme suit : 26 % optent pour une ville moyenne, 11 % pour une banlieue périurbaine et 9 % pour une grande ville de province, le reste étant destiné à peupler Paris et d'autres très grandes villes.

Parallèlement, les personnes interrogées précisent que, pour vivre dans une petite commune rurale, il faut des services collectifs : écoles, centre hospitalier, gendarmerie, université, relations ferroviaires - quand les trains roulent (Sourires) -, poste, cinéma, musées, théâtre, Internet, avec tout ce qui relève des technologies modernes.

Par ailleurs, 48 % des sondés ont déclaré que, dans dix ans, la vie la plus moderne sera la vie à la campagne. Les mots « moderne » et « campagne » se retrouvent ainsi accolés. Voilà qui corrige une impression parfaitement erronée et qui résulte des propos tenus par les uns et par les autres. J'atteste que c'est dans les zones rurales qu'on assiste aujourd'hui, grâce à la mobilisation des acteurs locaux et aux différentes volontés politiques, à une vraie renaissance rurale, souvent très dynamique. Oui, le monde rural est une idée moderne ! C'est une idée humaine, c'est une idée conviviale.

D'ailleurs, ce qui manque à votre loi, madame la ministre, et je ne suis pas sûr que ce volet apparaisse un jour dans les projets préparés par vos collègues, c'est le texte spécifique au monde rural, qui était prévu à l'article 61 de la loi Pasqua. Celle-ci ne se contentait pas d'organiser les territoires, les agglomérations et les pays.

Cette loi spécifique devait contenir tout ce que nous vous demandons aujourd'hui, et qui nous permettrait de juger positivement le texte que vous nous présentez.

Elle devait s'articuler autour de quatre axes. Premier axe, le développement économique. A ce titre, je réagis vivement aux propos souvent entendus et selon lesquels le territoire rural serait destiné aux loisirs. Les gens de la ville sont tellement contents de pouvoir y passer leur week-end...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est bien pour vous, à Mortagne ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

En revanche, c'est dans les agglomérations que l'activité économique est censée se développer. Ce n'est pas vrai ! Des politiques de l'emploi extrêment actives sont également mises en oeuvre dans les territoires ruraux, et beaucoup de témoignages pourraient être portés à la connaissance de ceux qui en doutent.

Deuxième axe, le locatif social. J'appelle l'attention de mes collègues, notamment de la majorité...

M. Félix Leyzour.

De toute façon, ceux de l'opposition sont très peu nombreux dans l'hémicycle !

M. Jean-Claude Lenoir.

... sur les difficultés que nous allons rencontrer dans les années qui viennent pour construire des logements à caractère social dans les petites communes, essentiellement pour des raisons de coût.

Quelle part devons-nous mobiliser sur nos budgets pour accueillir des logements de ce type ? Voilà peu, nous y consacrions une somme moyenne de 50 000 francs par logement. Aujourd'hui, et je suis surpris de le constater, à la lecture de la presse, un certain nombre de conseils m unicipaux réagissent fortement devant les chiffres annoncés : un logement locatif social coûte au minimum 80 000 francs, et souvent entre 100 000 et 120 000 francs.

J'ai des exemples récents. Il faudrait donc, madame la ministre, car il est encore temps de se ressaisir, revoir cette importante question. Au-delà du présent débat - on le mesurera à l'issue du prochain recensement -, c'est le dépeuplement plus prononcé encore des zones rurales qui nous menace, tout simplement parce que nous ne nous serons pas donné les moyens d'accueillir une population attachée à un logement de confort.

Troisième axe, les services publics. J'y ai déjà fait allusion, je n'y reviens donc pas.

Dernier axe, la revitalisation des villes rurales, des toutes petites villes. Ce sont souvent des pôles d'animation économique qui ont su agréger autour d'elles des services collectifs utiles à la population.

Enfin, nous revendiquons un certain nombre d'avancées significatives que nous ne trouvons pas dans votre texte en matière de péréquation des ressources. Voilà qui explique aussi que nous demandions le renvoi de ce texte devant la commission de la production et des échanges, ou, mieux, une commission spéciale. Les textes déjà présentés, comme ceux de M. Chevènement et de M. Zuccarrelli, montrent que les moyens alloués seront très différents selon les régions.

Ainsi, la péréquation qui a fait une apparition dans le dispositif financier propre aux collectivités territoriales n'est pas suffisamment forte pour rééquilibrer les inégalités constatées ici ou là.

Pour ce qui est de la fiscalité locale, vous vous bornez à nous renvoyer au texte de M. Chevènement. Mais pourquoi n'avons-nous pas discuté en même temps de l'ensemble de ces dispositifs ? Quant à l'absence de simplification, c'est sûrement l'un des défauts majeurs du texte. Certains ne semblent pas mesurer la difficulté que nous, élus de tous bords, aurons dans les mois à venir pour élaborer les pays, les agglomérations. La plus grande confusion règne. Et, malheureusement, lorsque nous prétendons simplifier, nous ajoutons des procédures supplémentaires qui ne font que compliquer la situation.

Enfin, madame la ministre, profitant de l'intérêt que vous portez à mon intervention, je voudrais appeler tout particulièrement votre attention sur un point qui me paraît capital. Il concerne les moyens à mettre à la disposition des territoires. En effet, la logique des projets a tout de même une limite.

M. François Sauvadet.

Bien sûr !

M. Jean-Claude Lenoir.

Certes, certains se gargariseront de projets audacieux. Mais quelle suite leur donner si les moyens ne suivent pas ? Aux graves inégalités de traitement constatées entre les territoires va s'ajouter l'incertitude qui pèse sur un certain nombre de procédures en discussion.

Pour ce qui est de l'Etat, il y a tout d'abord les contrats de plan. En effet, vous avez à plusieurs reprises souligné que ceux-ci étaient destinés à assurer le financement d'un certain nombre d'opérations. Le Gouvernement a affiché le chiffre de la participation de l'Etat pour la durée du prochain contrat de plan de 2000 à 2006. Il faut maintenant entrer dans la discussion. Mais force est de constater que nous ne disposons pas exactement des sommes que nous aurions dû trouver si nous avions eu l'ambition de poursuivre - sur sept ans - l'effort entrepris voilà quelques années.

Autre source de soutien, la prime d'aménagement du territoire. Madame la ministre, on ne peut pas être insensible à cette question en particulier lorsqu'il s'agit de savoir quelle stratégie on va choisir pour défendre son territoire. Le débat est en cours. Qu'il me soit permis de souligner que la concertation a été engagée. Je remercie, pour ce qui me concerne, vos collaborateurs qui m'ont reçu ainsi que ma collègue Sylvia Bassot, elle aussi élue de l'Orne. Nous avons pu leur exposer nos problèmes. Je remercie également le cabinet du Premier ministre d'avoir ouvert sa porte pour que nous en discutions. Mais nous restons très préoccupés quant à l'issue qui sera donnée à ces procédures.

J'en arrive aux fonds structurels européens. Madame la ministre, vous avez tenu à la fin de votre intervention des propos que je veux m'employer à corriger. Selon vous, les députés, les hommes politiques en général, qui étaient particulièrement prompts à défendre les zones susceptibles de bénéficier de la prime d'aménagement du territoire, ne s'étaient pas vraiment souciés de la question des fonds structurels européens.

Certes, c'est votre collègue délégué aux affaires européennes qui représentait le Gouvernement au cours du débat qui s'est tenu à l'Assemblée. Mais je peux vous assurer que les trois propositions de résolution portant notamment sur la politique agricole commune et sur les fonds structurels européens, qui avaient été très largement discutées au sein de la commission de la production et des échanges, ont suscité une mobilisation très forte des parlementaires. Le Journal officiel en fait foi. L'objectif était de soutenir le Gouvernement avant le sommet de Berlin.

Si donc vous avez le sentiment que nous avons été timorés, timides, voire muets sur cette question, je m'empresse de corriger votre impression car elle ne correspond pas du tout à la réalité et, que je sache, ces propositions de résolution ont été approuvées à l'unanimité.

Madame la ministre, je vous avais dit que je serais aussi bref que possible. J'en arrive donc à ma conclusion.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Claude Daniel.

Comme quoi on ne réussit pas toujours ! (sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Je voudrais pour finir vous faire partager mon amour du pays dont je suis le représentant, le pays où je suis né et où j'ai lontemps travaillé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

Quand on aime son pays on s'emploie à le défendre et on ne trouve pas de mots assez beaux pour le définir, pour en parler autour de soi, et convaincre ses amis d'y venir. Bref, on espère pour ce pays un avenir aussi souriant que possible.

C'est la raison pour laquelle, lorsque le président Fabius a proposé à chaque parlementaire de lui transmettre un poème en vue de l'élaboration de L'Anthologie parlementaire, j'ai choisi un poème de René Char.

Celui-ci, en effet, traduit peut-être mieux que tout autre ce que je ressens et, surtout, madame la ministre, se termine par une phrase qu'un jour j'espère pouvoir prononcer en vous regardant. (Exclamations et sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pas de sexisme !

M. Jean-Claude Lenoir.

Voici ce bref poème.

« Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.

« La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif.

« Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.

« Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée.

« Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.

« On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.

« Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits.

« On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur. »

Et le dernier vers, madame la ministre, c'est à vous que je le dédie :

« Dans mon pays, on remercie. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Madame la ministre, moi non plus je ne voudrais pas laisser passer vos propos concernant les fonds structurels. Vous avez sous-entendu que nous ne nous étions pas mobilisés comme il aurait fallu dans le difficile débat qui s'est conclu par les accords de Berlin.

Je rappellerai que, dès le début de l'examen de la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire, en commission même, nous avons insisté sur la nécessité de prendre en compte la problématique des fonds structurels européens. Du reste, je n'ai pas manqué ce matin de citer les chiffres : plus de 16 milliards de francs sont affectés chaque année aux territoires fragiles, au titre des nouveaux objectifs qui seront désormais au nombre de trois.

Nous avons d'ailleurs tenu à vous interroger sur la façon dont nous allions les mettre en place.

Ici même et M. Lenoir a bien fait de le rappeler nous avons eu un grand débat le 17 mars, soit une semaine avant la grande négociation qui s'est ouverte à Berlin avec les chefs de gouvernement et d'Etat des quinze pays de l'Union européenne. Nous avions d'aill eurs considéré que ces propositions de résolution venaient un peu tard. En tout cas, nous avions abordé les trois sujets : la politique agricole commune - et nous étions en plein examen de la loi d'orientation agricole -, les fonds structurels européens et les perspectives financières de l'Union européenne, ce qui a permis de soutenir et d'affirmer clairement quelle était la position de la représentation nationale, alors que le chef du Gouvernement et le Président de la République allaient s'engager dans le discussion finale.

Partout où je suis passé, j'ai, comme vous, écouté les élus locaux, mais j'ai le sentiment que nous ne les avons pas entendus de la même manière. Pourtant, les mêmes préoccupations ont été exprimées partout.

Aujourd'hui encore, nous attendons de savoir comment seront accompagnés nos projets sur nos territoires.

A cet égard, je souscris à l'idée de pays, mais je souhaiterais qu'il y ait davantage de souplesse. Notre préoccupation est légitime et nous demandons la plus grande transparence dans la définition des critères, et pas seulement leur communication. Ils doivent être discutés sur le terrain.

Nous partageons évidemment l'essentiel des réflexions présentées par M. Lenoir qui a parfaitement recadré le débat. Il a rappelé notre crainte que le Parlement ne soit pas suffisamment associé à la définition de la politique d'aménagement du territoire. Il a également souligné les insuffisances du texte et démontré qu'il était morcelé, éclaté, qu'il ajoutait de la complexité et imposait parfois davantage de contraintes.

Pour toutes ces raisons, nous devons encore travailler ce projet et le revoir en commission. Le groupe UDF votera donc le renvoi en commission excellemment présenté par notre ami et collègue M. Lenoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Rimbert.

M. Patrick Rimbert.

M. Lenoir a d'abord pris dix m inutes pour nous expliquer que son intervention comporterait trois parties.

Puis il a présenté la première partie qui définissait ses objectifs, notamment rassembler le plus grand nombre, placer l'homme au coeur de la politique, expliquer que nous sommes tous différents. Je m'en tiens là.

Dans la deuxième partie qui devait traiter de nos erreurs, dans la forme et sur le fond, je n'ai rien entendu de nouveau à propos de la forme et M. Lenoir, soucieux de notre bien-être, est passé directement à la troisième partie sans parler des erreurs sur le fond.

La troisième partie devait être consacrée à vos propositions. Comme vous, mes chers collègues, je pensais que j'allais être récompensé de ma ténacité et connaître enfi n l'apport décisif de notre collègue qui justifierait un nouvel examen en commission. Or qu'ai-je entendu ? Un schéma de synthèse, l'exposé de la vie de M. Lenoir quand il était jeune, le résultat d'un sondage sur le monde rural. J'arrête ! Votre intervention a donc confirmé, monsieur Lenoir, qu'un renvoi en commission ne servirait à rien, puisqu'elle n'a rien apporté de nouveau. C'est pourquoi mon groupe votera contre votre proposition.

Un dernier mot : merci, René Char ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n'est pas une surprise : le groupe Démocratie libérale, qui avait mandaté le meilleur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 MAI 1999

d'entre nous (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), Jean-Claude Lenoir, - je vois que vous l'avez reconnu, merci pour lui - votera la mention de renvoi en commission.

Dans la troisième partie de son intervention, brossée un peu rapidement par le porte-parole du groupe socialiste, il a bien montré que nous étions aussi capables de présenter des propositions concrètes et pratiques, en matière d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, sur les bancs du groupe Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, m'étant posé la question de savoir quelles seraient les conséquences de l'adoption de la motion de renvoi en commission du texte, je me suis reporté au règlement de l'Assemblée. Il m'a confirmé que son adoption aurait pour effet de suspendre le débat jusqu'à présentation par la commission d'un nouveau rapport.

Or nous en avons déjà eu deux : un pour la première lecture et un deuxième cette nouvelle lecture. Je ne crois donc pas que M. Lenoir, dont chacun a pu apprécier la rhétorique, l'amour de la poésie et l'esprit de synthèse puisqu'il a pu, en moins de deux heures, exposer tout ce qu'il avait à dire (Sourires) -, a la naïveté de penser qu'un troisième rapport traiterait du sujet en d'autres termes que ceux que nous connaissons. Cela signifie donc que, si on le suivait, on perdrait du temps, alors qu'il a luimême regretté que l'on en ait déjà perdu, bien que ce texte soit examiné selon la procédure d'urgence.

Les rapports sur le sujet ont été très complets. Nous avons consacré au projet de nombreuses heures de discussion en commission et en séance publique. Il y a eu un débat au Sénat dont les conclusions, si elles ne sont pas approuvées majoritairement dans cette enceinte, ont néanmoins apporté certains éclairages sur des problèmes qui retiennent notre attention. Le moment est venu d'entrer dans le vif du sujet avec la discussion des articles et des amendements.

Nous devons donc rejeter cette motion qui, en définitive - même si cela est dit avec beaucoup d'élégance -, est une invitation à perdre du temps.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

La discussion en commission a déjà eu lieu, tant avant la première lecture qu'avant cette nouvelle lecture. Nous n'avons donc pas besoin d'y retourner.

Monsieur Lenoir, j'ai apprécié que vous ayez pris ce temps de parole. Comme nombre de mes collègues, j'ai trouvé votre intervention un peu longue, mais il fallait en attendre la fin. J'ai d'ailleurs aimé le poème que vous avez lu, mais cela ne suffit pas pour voter cette motion de renvoi en commission, je regrette.

M. Michel Bouvard.

Quoi ? De ne pas la voter ?

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Après tout ce qui a été dit, et même très bien dit, notre collègue M. Lenoir a apporté une excellente conclusion à nos travaux de cet après-midi.

Certains de nos collègues de la majorité, comme M. Balligand, ont même reconnu qu'il n'était pas très satisfaisant d'avoir une loi Voynet, une loi Chevènement, une loi Zuccarelli, et qu'un grand texte aurait été préférable.

Nous admettons que vous auriez dû avancer plus vite à cause de l'échéance des contrats de plan, mais vous êtes ainsi passé à côté d'une grande loi qui aurait dû afficher une grande ambition, celle de la loi de 1995. Vous auriez notamment pu présenter un volet économique et traiter de la péréquation, comme l'a souligné Jean-Claude Lenoir.

Vous avez opéré d'autres choix. C'est pourquoi nous estimons qu'il faut renvoyer le texte en commission, afin que nous puissions donner des ambitions pour vingt ans à cette loi d'aménagement du territoire.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1527 rectifié, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1562).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT