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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 5178).

CHÔMAGE (p. 5178)

M. Jean-Paul Durieux, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

KOSOVO (p. 5179)

MM. Gérard Fuchs, Lionel Jospin, Premier ministre.

SÉCURITÉ SOCIALE (p. 5180)

MM. Alfred Recours, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

FISCALITÉ (p. 5181)

MM. Philippe Briand, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DROITS DE L'OPPOSITION

IMPOSITION DES PROPRIÉTAIRES-BAILLEURS (p. 5182)

MM. Georges Tron, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PRIME D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p. 5183)

M. René Couanau, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

SÉCURITÉ SANITAIRE (p. 5184)

MM. Jean-François Mattei, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

GRÈVE DES URGENTISTES (p. 5185)

MM. Patrick Leroy, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

POLITIQUE DE LA FRANCE DANS LA CARAÏBE (p. 5186)

MM. Alfred Marie-Jeanne, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE (p. 5186)

MM. André Aschieri, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

FRUITS ET LÉGUMES (p. 5187)

MM. Léon Vachet, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

ÉCONOMIE TOURISTIQUE (p. 5188)

MM. Léonce Deprez, Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Suspension et reprise de la séance (p. 5188)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

2. Epargne et sécurité financière. - Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 5188).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, pour le renforcement de la sécurité financière.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5192)

MM. Yves Cochet, Jean-Jacques Jégou, Christian Cuvilliez, Marc Laffineur, Jean-Pierre Balligand, Christian Cabal, Aloyse Warhouver.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5204)

Article 1er (p. 5204)

Amendements identiques nos 2 de la commission des finances et 73 de M. Cuvilliez : MM. Raymond Douyère, rapporteur, Christian Cuvilliez, le ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 1 de la commission et 72 de M. Cuvilliez : MM. le rapporteur, Christian Cuvilliez, le ministre. - Adoption.

Amendement no 91 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 5205)

Amendement no 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 4 (p. 5205)

Amendement no 4 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Jégou. - Adoption.

Ce texte devient l'article 4.

L'amendement no 78 de M. Jégou n'a plus d'objet.

Article 5 (p. 5206)

Amendement no 5 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 (p. 5206)

Amendement no 79 de M. Jégou : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 6 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 bis (p. 5207)

Amendement de suppression no 7 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

L'article 7 bis est supprimé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Avant l'article 8 (p. 5208)

Amendement no 8 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 8 (p. 5208)

M. Christian Cuvilliez.

Amendement no 87 corrigé de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 10 de la commission : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement no 10 modifié.

Adoption de l'article 8 dans le texte de l'amendement no 87 corrigé, complété par l'amendement no 10 modifié.

Article 9 (p. 5209)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendement no 88 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

L'article 9 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 10 (p. 5209)

Amendement no 12 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 98 de M. Laffineur : M. Marc Laffineur.

Amendement no 99 de M. Laffineur : MM. Marc Laffineur, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Balligand, JeanJacques Jégou. - Rejet des amendements nos 98 et 99.

Amendement no 13 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 10 modifié.

Article 11 (p. 5211)

Amendement no 14 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 11 modifié.

Article 15 (p. 5212)

Amendements identiques nos 15 de la commission et 75 de M. Cuvilliez : MM. le rapporteur, Christian Cuvilliez, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 15 modifié.

Après l'article 16 (p. 5212)

Amendement no 93 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, le rapporteur, le ministre. - Réserve.

L'article 17 est réservé.

Avant l'article 18 (p. 5213)

Amendement no 109 de M. Terrier : MM. Jean-Louis Dumont, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 18 (p. 5213)

Amendement no 17 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 18 modifié.

Article 19 bis . - Adoption (p. 5214)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 5214).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir saluer la présence exceptionnelle dans les tribunes des élèves d'une classe du lycée professionnel La Cabucelle à Marseille, partis il y a un mois de leur ville pour venir, à pied, assister à une séance de l'Assemblée nationale. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Paul Durieux.

CHÔMAGE

M. Jean-Paul Durieux.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'emploi est la priorité du Gouvernement. (Murmuress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est aussi, mes chers collègues, notre préoccupation majeure et celle de nos concitoyens.

Nous avons donc pris connaissance, avec satisfaction, de la nouvelle diminution du chômage à la fin du mois d'avril : 17 000 personnes ont retrouvé une activité professionnelle au cours de ce seul mois, portant à 285 000 la baisse du nombre de demandeurs d'emplois depuis l'été 1997. Ce chiffre est à rapprocher des 400 000 demandeurs d'emplois supplémentaires enregistrés entre 1993 et 1997. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Ces résultats sont encourageants.

M. Yves Fromion.

Minables !

M. Jean-Paul Durieux.

Ils sont toutefois à conforter et à amplifier.

M. Lucien Degauchy.

A vérifier !

M. Jean-Paul Durieux.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner votre analyse de la situation et nous préciser les voies et moyens que vous fixez à votre action ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, comme vous l'avez dit, le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité, et cela se voit dans les faits (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : 17 000 chômeurs de moins en avril, 55 000 de moins sur deux mois, 285 000 de moins depuis vingt et un mois. C'est la plus forte baisse qu'ait jamais connue notre pays, tant dans son ampleur que dans sa durée, il faut le souligner.

M. Francis Delattre.

Merci l'INSEE !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Elle est due, bien sûr, à une croissance forte, une croissance qui, même si elle a bénéficié d'un climat international correct, ne se décrète pas. Mais nous avons fait en sorte de relancer la consommation et de ramener la confiance, si bien qu'aujourd'hui nous avons un des taux de croissance les plus élevés parmi les pays industrialisés.

J'entends dire, depuis hier, que dans les autres pays, cela irait plus vite. Or l'OCDE vient de publier les chiffres de la baisse du chômage, depuis juin 1997 : nous avons le meilleur score de réduction du chômage, à l'exception de l'Espagne qui, il est vrai, partait d'un taux de plus de 21 %. Voilà la réalité, non pas donnée par le Gouvernement, mais par les organismes internationaux.

La croissance a été forte. Elle a créé 620 000 emplois en vingt et un mois, record absolu. Mais elle a aussi été accompagnée - car nous savons que la croissance ne suffit pas - de la préparation des emplois de demain - nous sommes aujourd'hui à 198 000 emplois-jeunes - et de la réduction de la durée du temps de travail dont nous a vons, monsieur le député, un dernier bilan : 4 500 accords, 60 000 emplois créés. Vous voyez que le rythme s'accélère, comme nous l'avons toujours dit.

C ependant, vous avez raison, il reste beaucoup d'hommes et de femmes au bord du chemin, notamment les chômeurs de longue durée. C'est la raison pour laquelle la loi de lutte contre les exclusions a fait porter la priorité sur l'aide à ces chômeurs. Aujourd'hui, ils recherchent un nouveau départ avec l'ANPE. Depuis trois mois, le chômage de longue durée a diminué de 6 0 000. C'est encourageant, même si c'est encore insuffisant.

Enfin, au sommet de Cologne, dans quelques jours, le Premier ministre pourra défendre, à côté du Président de la République, une conception qui intègre l'emploi dans l a politique économique de l'Europe, comme il a défendu, au sommet de Luxembourg, les plans nationaux d'action, faisant de l'emploi la priorité numéro un en Europe.

Ces résultats sont satisfaisants, ce sont les meilleurs que nous ayons jamais obtenus. Ils doivent nous donner l'énergie de poursuivre sur l'ensemble des pistes qui ont été tracées, notamment de compléter, par la réduction des charges sociales sur le travail, les mesures d'ores et déjà annoncées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Le Gouvernement a montré, en deux ans, que lorsqu'on fait de l'emploi sa priorité, on obtient des résultats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Gérard Fuchs.

M. Gérard Fuchs.

Monsieur le Premier ministre, la France a décidé, le 24 mars, de s'associer à l'action militaire de l'OTAN contre le régime de Milosevic.

Je crois que cette décision était juste : nous ne pouvions, sans réagir, laisser se poursuivre, au Kosovo, une épuration ethnique engagée depuis plusieurs mois. Je crois qu'elle était nécessaire : nous savons, malheureusement, après la Bosnie-Herzégovine, que le président serbe ne recule que sous la pression de la force. Pour autant, notre objectif n'a jamais été de gagner une guerre que nous n'avons pas déclarée. Il est de remplir les cinq conditions que vous nous avez souvent rappelées et que je résumerai ainsi : permettre le retour, en sécurité, des Kosovars dans leur pays.

Votre gouvernement n'a jamais cessé de chercher un chemin diplomatique pour obtenir ce retour, que ce soit en réintroduisant les Nations unies ou la Russie dans les négociations, que ce soit en faisant jouer à l'Union européenne le rôle le plus important possible pour qu'elle fasse contrepoids à l'action des Etats-Unis.

M. Christian Jacob.

La question !

M. Gérard Fuchs.

Aujourd'hui, pour la première fois, l'impression peut prévaloir que le régime serbe est ébranlé, peut-être même qu'il est, enfin, prêt à négoc ier.

Il semble accepter, au moins verbalement, les principes du plan de paix du G8.

Monsieur le Premier ministre, après dix ans de guerre dans l'ex-Yougoslavie, dix ans de massacres collectifs, de viols et de déplacements forcés de populations, je pense qu'il n'est plus dans cet hémicycle de naïfs.

Pouvez-vous nous indiquer votre appréciation de la situation ? Pensez-vous qu'un nouveau chapitre du conflit du Kosovo est en train de s'ouvrir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le pré-s ident, mesdames, messieurs les députés, soixanteneuf jours après l'engagement des frappes au Kosovo, Belgrade s'est dit « prêt à accepter les principes fixés par le G8 et à donner son accord à l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité ».

Lorsqu'un geste, attendu, je dirai même exigé par la communauté internationale, semble se dessiner, nous ne devons pas l'ignorer mais considérer qu'il peut permettre de tracer une perspective et d'ouvrir peut-être une issue.

C'est pourquoi cette déclaration doit être considérée sans naïveté, mais aussi, comme je l'ai indiqué, sans excès de scepticisme, et donc avec attention.

Sans naïveté, car depuis que les frappes ont été engagées - et même avant leur déclenchement - rien dans les actes de M. Milosevic n'autorise a priori à considérer sans réserve, sans prudence, la disponibilité à bouger qu'il affiche aujourd'hui.

Avec attention, car la déclaration de Belgrade constitue peut-être une donnée nouvelle. Si elle était étayée par des gestes concrets, elle pourrait faciliter le processus diplomatique auquel la communauté internationale, et en particulier la France, travaille sans relâche.

Cette approche est partagée, vous le savez, par la présidence de l'Union européenne, comme en atteste le communiqué franco-allemand adopté à Toulouse par le Président de la République, le chancelier allemand et moi-même, au nom du Gouvernement.

Quel est à cet égard l'état des discussions en cours ? Le Président finlandais, M. Ahtisaari, évalue ce jour même à Bonn avec M. Tchernomyrdine et l'émissaire américain M. Talbott, ainsi que, dans un deuxième temps, avec le président de l'Union européenne, M. Gerhard Schrder, quel crédit peut être apporté à ces déclar ations et comment il peut y être répondu.

Sur la base de cette évaluation collective, à laquelle travaille également l'Alliance, et du débat qui a eu lieu hier à Bruxelles, au conseil Affaires générales de l'Union, le Président finlandais doit, au nom de l'Union européenne, se rendre mercredi à Belgrade avec M. Tchernomyrdine pour vérifier si les déclarations yougoslaves constituent un changement d'attitude effectif.

Les autorités françaises sont favorables à ce que soit ensuite convoquée une réunion du G8, incluant donc la Russie, afin de finaliser le projet de résolution, permettant au conseil de sécurité des Nations unies de concrétiser les perspectives d'un règlement politique de la crise, sur la base des principes affirmés par la communauté internationale.

Naturellement, jeudi et vendredi prochains, lors du Conseil européen de Cologne, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Union européenne débattront de la situation au Kosovo et apprécieront avec M. Ahtisaari les résultats de sa mission.

Enfin, les Quinze, vous le savez, ont élaboré un projet de pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est, qui trace des orientations pour l'avenir des Balkans. Cette initiative est à nos yeux fondamentale en ce qu'elle s'efforce, audelà de la résolution de la crise, d'améliorer le sort et les perspectives des peuples de la région. La France y participe très activement.

De même notre pays continuera d'apporter son appui au Tribunal pénal international. Celui-ci vient de décider l'inculpation de M. Milosevic et de quatre autres hauts responsables serbes en activité pour crimes contre l'humanité - « déportation, meurtre et persécution, pour raisons politiques raciales et religieuses » - et pour violation du droit de la guerre.

La décision du TPI - juridiction indépendante créée par les Nations unies - marque une étape décisive dans l'affirmation d'une légalité internationale à laquelle les assassins, les criminels de guerre ne pourront plus échapper.

Le gouvernement français s'est toujours prononcé pour le respect et le développement du droit international, il n'a pas ménagé ses efforts pour que soit créée la Cour pénale internationale, qui a vu le jour à Rome en juillet 1998. Vous débattrez d'ailleurs, avec les sénateurs, de la révision constitutionnelle que cette création impose, le 28 juin prochain.

Mesdames et messieurs les députés, sommes-nous à un tournant de ce conflit ? Il est trop tôt pour l'affirmer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Tout en maintenant notre pression militaire, tant qu'elle est nécessaire, nous allons poursuivre tous nos efforts diplomatiques pour rétablir le droit là où il est bafoué et soulager les souffrances de ceux qui sont expulsés, maltraités, privés de leur dignité.

Le temps de la sécurité et de la paix au Kosovo reviendra pour ces hommes et ces femmes, bientôt, je l'espère.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SÉCURITÉ SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

La commission des comptes de la sécurité sociale s'est réunie hier. Après 232 milliards de déficit cumulé sur les années 1993-1996 (« Et avant ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), après 55 milliards de déficit en 1996, 35 milliards en 1997, nous sommes maintenant à 17 milliards annoncés pour 1998 et 5 milliards pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Qui a fait la réforme ?

M. Alfred Recours.

La décroissance est nette, c'est vrai, mais le déficit sera encore de 5 milliards en 1999. Et nous savons que, malheureusement, nous aurons à payer jusqu'en 2017 les déficits accumulés dans les années 19931997. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Grotesque !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Alfred Recours.

Parce que le déficit de la sécurité sociale pose le problème de l'avenir de cette institution, nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser deux questions.

Comment se ventilent les 17 milliards et les 5 milliards de déficit annoncés respectivement pour 1998 et 1999 ? Comment, après ces réductions chaque année plus importantes du déficit, pourrons-nous parvenir, enfin, au déficit zéro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Sylvia Bassot.

Bonne question !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, nous ne nous satisfaisons pas de ce déficit de 5,2 milliards. Nous aurions préféré être à l'équilibre, mais il n'en est rien encore cette année. Je vous remercie tout de même d'avoir fait valoir que nous sommes sur une pente positive par rapport aux années précédentes et tout le monde devrait s'en réjouir.

M. Jean Ueberschlag.

Et de 1988 à 1993 ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je n'aurai pas la cruauté, sauf si l'on m'y pousse, de rappeler les prévisions de certains qui sont ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Epargnez-nous cette cruauté, monsieur Kouchner ! De toute façon, nous n'avons pas le temps !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Merci, monsieur Juppé, de me tendre votre Figaro ! Je vous rappelle qu'en 1995, vous aviez prévu pour 1997 12 milliards de bénéfices alors que l'assurance maladie a connu cette année-là un déficit de 37 milliards ; 49 milliards de différence ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « "Menteur ! Menteur !" scandé sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous m'interrogez, monsieur Recours, sur la correction de ces déficits. Le Gouvernement a, pour cela, travaillé dans deux directions.

La première a consisté à substituer la CSG aux cotisations maladie, à baisser le quotient familial et à poursuivre un certain nombre de mesures structurelles. En effet, on constate que si l'hôpital, fidèle à ses engagements, respecte les prévisions, en revanche, les cliniques privées ont dérapé de 4 %. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous réagirons évidemment à cela.

En ce qui concerne les professions médicales, la dépense la plus préoccupante est celle des prescriptions, en particulier des prescriptions médicamenteuses, qui connaissent un dérapage de 8,1 %. Nous travaillons en concertation avec chacune des professions médicales.

Contre toute attente, nous avons signé avec les radiologues, avec les cardiologues et avec les pharmaciens.

M. Renaud Muselier.

Mensonges !

M. le président.

S'il vous plaît, monsieur Muselier !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Pour le médicament, notre démarche est de plus grande ampleur encore, puisque nous allons déterminer, dans chaque classe thérapeutique, les médicaments qui rendent un service médical et ceux qui ne le font pas, lesquels seront évidemment pénalisés.

Des nouveautés ont été proposées, la plus grande étant le médicament générique et la substitution - ce qu'on appelle la « grande substitution » - par les pharmaciens.

Enfin, il y a un plan de la CNAM, et nous nous réjouissons qu'il soit discuté, et que les propositions soient présentées avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Renaud Muselier.

Ce n'est pas vrai ! Il n'y a pas de concertation !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà comment nous continuerons à essayer de réduire le déficit, et nous espérons bien y parvenir, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.


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FISCALITÉ

M. le président.

La parole est à M. Philippe Briand.

M. Philippe Briand.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je voudrais avant tout conseiller à M. Kouchner l'usage de la médecine plutôt que celui de la comptabilité publique ! On peut lire, en effet, dans le Monde paru aujourd'hui que le déficit était de 40 milliards en 1995 et de 14 milliards en 1997, sous Juppé. Le résultat obtenu depuis deux ans n'est pas fabuleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française - Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le Premier ministre, deux ans après, il ne se passe pas un jour sans que les Français découvrent, par médias interposés, les délices de la fiscalité de votre gouvernement. En deux ans, il est vrai, personne n'a été oublié. Tout d'abord, les ménages, qui ont le tort d'avoir épargné un peu pour leurs vieux jours ou pour leurs enfants : doublement de la CSG. Les familles qui ont des enfants : baisse sans précédent du plafond du quotient familial. Les entreprises qui se battent chaque jour dans la compétition internationale pour garder des marchés et préserver l'emploi : surtaxe de 20 milliards de l'impôt sur les sociétés, à un moment où tous vos amis européens baissent l'impôt sur les sociétés, l'Angleterre et l'Allemagne ayant pour objectif entre 20 et 25 % en l'an 2002.

Les Français n'oublient pas non plus la hausse de la redevance télé, la hausse des prélèvements sur l'essence, la hausse des prélèvements sur le tabac, et, comme votre gouvernement ne sait plus quoi taxer, vous taxez deux fois la même chose,...

M. Maxime Gremetz.

N'importe quoi !

M. Philippe Briand.

... je veux parler du droit de bail que les propriétaires bailleurs paieront deux fois pour les loyers cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'imagination fiscale de votre gouvernement n'a pas de bornes. Elle redouble même d'efforts depuis quelques semaines : annonce de la création d'une écotaxe et d'une nouvelle contribution sur les bénéfices des sociétés, prétendument pour financer des allégements de charges, mais personne n'est dupe : ce sont bien des impôts en plus alors que les trente-cinq heures ne devaient rien coûter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Vous n'aviez qu'à ne pas dissoudre !

M. Philippe Briand.

Puisque votre majorité semble s'émouvoir, je voudrais être objectif : vous avez tout de même minoré de dix francs par mois la TVA sur les abonnements à EDF-GDF.

Alors, ma question est simple. Quand allez-vous mettre un terme à cet excès fiscal, qui est bien la première des caractéristiques de votre gouvernement, ce qui vous distingue de vos amis socialistes européens, avec lesquels vous animez des estrades ? En matière de fiscalité, en dépit de tous vos efforts sur les tribunes, vous ne parlez décidément pas la même langue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, je tiens d'abord à vous remercier pour la première partie de votre intervention, car ce que vous avez dit est exact : à la fin de 1997, le déficit de la sécurité sociale était bien de 14 milliards. Mais ce qu'a dit M. Kouchner l'est également : votre gouvernement prévoyait qu'il serait de 47 milliards. Entre les deux, il s'est passé quelque chose.

M. Alain Juppé.

Un miracle ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Au mois de juin, le Gouvernement a changé, et le déficit est passé de 47 à 14 milliards.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comme quoi, les Français ont eu raison, et les résultats ont été au rendez-vous.

J'en viens à votre question.

Je laisserai de côté le côté malicieux qui vous fait oublier chaque fois de dire, par exemple que, lorsque la CSG a augmenté, c'est en compensation de la suppression des cotisations.

M. Philippe Auberger.

Pas uniquement ! Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il est demandé aujourd'hui un effort spécifique aux entreprises sur leurs bénéfices mais c'est pour financer la baisse du coût du travail des salariés les moins qualifiés.

M. Pierre Lellouche.

Les trente-cinq heures ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'il n'en était pas ainsi, monsieur le député, après la longue liste que vous avez donnée, il y aurait au total une augmentation des prélèvements obligatoires. Or on constate, et vous avez les statistiques sous les yeux, que leur taux n'a pas augmenté. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Mais si ! C'est faux ! Menteur ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je sais que cela vous surprend ! Vous êtes tellement habitués, en effet, à ce qu'un gouvernement ne puisse pas faire autrement que d'augmenter les prélèvements obligatoires, comme vous l'avez fait vous-mêmes de 1993 à 1997 (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), période pendant laquelle il y a eu la plus forte hausse que notre pays ait connue au cours des vingt dernières années, notamment avec deux points de TVA...

M. Philippe Auberger.

N'importe quoi ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et je vois que M. Juppé les revendique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Les prélèvements obligatoires ont été stabilisés, et, si ces arguments ne vous gênaient pas, vous les écouteriez en silence.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il y a d'ailleurs une preuve à tout cela. Vous prétendez, et vous n'avez pas tort, que trop d'impôt, ce n'est pas bon pour le pays, et le Gouvernement en est d'accord.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé en juin 1997 qu'il commencerait à stabiliser les différents prélèvements pour les baisser ensuite. La stabilisation est faite !

M. Philippe Auberger.

Et la TVA ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si les impôts avaient augmenté comme vous le prétendez, selon votre propre logique, nous n'aurions pas les résultats économiques que nous avons. Nous avons les meilleurs résultats économiques de la décennie, ceux-là mêmes que vous n'avez pas été capables d'avoir.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est bien parce que nous avons stabilisé les prélèvements obligatoires. Les Français le savent qui, jour après jour, voient la croissance et le pouvoir d'achat être plus forts dans notre pays que chez nos voisins et le chômage baisser, comme Martine Aubry l'a rappelé tout à l'heure.

Laissez-nous continuer sur la même voie,...

M. Philippe Auberger.

Vous vous enfoncez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... stabiliser les prélèvements obligatoires puis les baisser.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je comprends que ce sujet vous gêne. Vous avez été les plus grands taxeurs des années 90. Nous ferons baisser les prélèvements obligatoires mais, de grâce, cessez de vous agiter sur vos bancs en disant : oui, nous avons fait des bêtises, mais comment se fait-il que vous ne les ayez pas corrigées plus vite ? (Protestations sur les mêmes bancs.)

Nous les corrigeons au rythme que l'économie permet. Il vaut mieux corriger lentement vos bêtises que d'être ceux qui les ont faites.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

C'est lamentable !

DROITS DE L'OPPOSITION

IMPOSITIONS DE PROPRIÉTAIRES-BAILLEURS

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je remercie d'abord M. Strauss-Kahn de me donner l'occasion de rappeler qu'en 1993, il y avait deux années de déficit de la sécurité sociale qui n'étaient pas financées. Cela représentait environ 250 milliards de francs. M. Strauss-Kahn et M. Kouchner ont raison de considérer que c'est secondaire ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Puisque nous sommes dans le domaine fiscal, restons-y pour parler à la fois de la méthode et du fond.

Ici même, monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration de politique générale, vous avez indiqué que le Parlement devait exercer pleinement son rôle et que l'opposition devait pouvoir exercer pleinement ses droits.

Depuis le début de la législature, dix fois de suite, s'agissant d'une proposition de loi déposée par l'opposition sur des sujets les plus variés, nous n'avons pas eu l'occasion de discuter des articles, uniquement parce que vous considériez que le sujet n'en valait pas la peine. C'est sans doute au nom du dialogue qui vous est si cher.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'une des propositions de loi, examinée la semaine dernière, avait trait - c'est une coïncidence mais elle tombe bien - au droit de bail. Il se trouve simplement que vous avez trouvé le moyen d'imposer deux fois les mêmes contribuables sur la même assiette, pour la même période.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est faux !

M. Georges Tron.

Cinquante d'entre vous, mes chers collègues de la majorité, ont posé la même question au Gouvernement et n'ont d'ailleurs obtenu, jusqu'à la semaine dernière, aucune réponse à ce sujet.

Ma question est très simple, monsieur le Premier ministre. Votre façon de traiter l'opposition et ses propositions de loi correspond-elle à votre vision des droits de l'opposition, et la double imposition correspond-elle à votre vision de la justice fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'agissant des modalités de discussion des propositions de loi de l'opposition, il m'est arrivé de participer à la discussion de l'une d'elles, présentée par M. Douste-Blazy, et qui vous a occupés assez longtemps. Cela dit, il me semble que chacun se souvient, non seulement dans l'Assemblée mais sans doute aussi dans le pays, que, alors qu'il s'agissait d'un des grands textes présentés durant cette législature, vous avez fait en sorte d'utiliser un subterfuge pour que la proposition relative au PACS ne puisse pas être discutée. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Donc, si dans cette assemblée, quelqu'un empêche la discussion, ce n'est pas la majorité ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous voyez bien, mesdames et messieurs les députés, que, lorsque l'on veut discuter avec vous, vous criez et vous empêchez toute discussion.

M. le président.

Mes chers collègues, vous allez finir par nous faire croire que l'on est en période électorale ! (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quand au droit de bail, vous savez fort bien, car la plupart d'entre vous sont des parlementaires expérimentés, que ce qu'affirme M. Tron est faux. Le dispositif du Gouvernement n'impose évidemment pas les Français deux fois sur la même assiette (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Vous étiez tellement convaincus que vous aviez là un argument que vous avez fait un recours devant le Conseil constitutionnel. Or celui-ci vous a donné tort. Sinon, il aurait refusé l'article.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

Non contents de ne pas avoir lu correctement l'article, vous n'avez pas lu correctement les conclusions du Conseil constitutionnel et vous continuez à poser la même question. Je ne peux que vous répéter, comme mon collègue Christian Sautter vous l'a déjà dit souvent, qu'il n'y aura pas de double imposition.

De grâce, si vous voulez discuter avec la majorité, ce qui est normal, choisissez des sujets où c'est possible, pas des sujets à propos desquels la cour suprême de notre pays a décidé qu'il n'y avait pas à débattre. Vous l'avez interrogée et elle a répondu que vous aviez tort ! Sur tout autre sujet sur lequel le Conseil constitutionnel n'a pas encore tranché, le Gouvernement est évidemment à votre disposition pour discuter aussi longuement que vous voudrez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

PRIME D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président.

La parole est à M. René Couanau.

M. René Couanau.

Ma question s'adresse à Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la ministre, de nombreux élus sont profondément choqués par la manière autoritaire, centralisée, discrétionnaire avec laquelle vous avez redécoupé le territoire national pour l'attribution de la prime d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

La prime de déménagement !

M. Alain Calmat.

Et Pasqua ?

M. René Couanau.

Aux questions ici posées depuis plusieurs semaines, aux courriers, aux demandes de rendezvous, aux dossiers et argumentaires qui vous ont été adressés, spontanément puisque vous n'avez organisé aucune concertation, vous n'avez opposé la plupart du temps qu'un silence discourtois,...

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. René Couanau.

... voire méprisant pour les milliers d'élus nationaux, régionaux et locaux qui s'inquiètent, à juste titre, des conséquences catastrophiques que pourrait avoir pour les territoires dont ils sont les représentants l'exclusion du bénéfice de la PAT.

Vous ne pouvez ignorer ces conséquences. Privés de la prime et des incitations financières et fiscales qui en découlent, des bassins d'emploi entiers vont se trouver démunis de tout moyen de faciliter l'installation d'entreprises et la création d'emplois industriels.

Vos services, harcelés par nos démarches, auxquels nous parvenons à arracher quelques bribes d'information, nous ont objecté que les critères avaient été établis - p ar qui et comment, nous l'ignorons - et que les ordinateurs feraient le reste, c'est-à-dire la décision.

M. Edouard Landrain.

On se moque de nous !

M. René Couanau.

Comme si la réalité d'une région tenait en trois données statistiques ! Même cette logique, absurde et aveugle, n'a pas été tenue puisque, selon certaines indiscrétions, l'application des critères retenus n'a même pas été la même partout.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. René Couanau.

Au moment même où, selon vos incitations, les pays s'organisent sur tout le territoire, préparent leur avenir, préparent leur contrat avec l'Etat, vous venez, par des oukases d'un autre âge, sans discussion, sans explication, couper leur élan et saper leur confiance en l'Etat. Jamais l'aménagement du territoire n'a ainsio béi qu'au seul bon vouloir d'un ministre de la République...

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. René Couanau.

... dans un domaine où, pourtant, s'imposeraient la décentralisation, le partenariat et la contractualisation.

Madame la ministe, pourriez-vous vous expliquer sur cette volonté délibérée de ne pas écouter, de ne pas dialoguer, et, si cela n'est pas trop vous demander, de nous dire à la fin des fins et clairement quelle est votre politique d'aménagement du territoire,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Il n'y en a pas !

M. René Couanau.

... quels sont les outils dont vous disposez en dehors de la prime d'aménagement du territoire...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Il n'y en a pas !

M. René Couanau.

... et quelles compensations vous imaginez pour les bassins d'emploi que vos décisions risquent de condamner au sous-emploi durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Laissez-moi vous le dire très fermement et très directement, monsieur le député, vous n'êtes pas sérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Depuis des mois, j'ai animé une concertation...

M. René Couanau.

Zéro ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... sur les critères qui devaient faire l'objet d'un consensus permettant d'élaborer la carte de la prime d'aménagement du territoire.

M. Patrick Ollier.

Avec qui ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai reçu, ainsi que les membres de mon cabinet, des centaines de délégations d'élus,...

M. Eric Doligé.

De gauche ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... en particulier de votre région, vous le savez parfaitement. J'ai reçu une délégation pluraliste représentant non seulement la région et l'ensemble des départements mais aussi les villes et les bassins d'emploi de Bretagne.

Contrairement à ce qui s'est fait dans le passé, la carte a été élaborée et sur la base de critères objectifs (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Alors pour échapper à tout reproche de clientél isme que, dans le passé, c'était l'opacité totale (Exclamations sur les mêmes bancs)...

M. René Couanau.

C'est faux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et le clientélisme permanent (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , nous avons souhaité retenir des critères que chacun d'entre vous pouvait vérifier : un revenu moyen par foyer inférieur à la moyenne nationale, un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale, un taux de dépopulation montrant une dynamique négative dans les territoires.

Nous avons ajouté trois critères subsidiaires : la volonté d'anticiper sur des suppressions massives d'emplois, la volonté de répondre aux inquiétudes des zones qui sortiront de l'objectif 1 des fonds structurels et le souci de prendre en compte la situation particulière de certaines périphéries de grandes villes confrontées à des taux très élevés de chômage, supérieurs à 13,9 %. La combinaison de ces critères nous a permis d'élaborer une carte qui a été transmise à Bruxelles mais, rapidement, la Commission nous a adressé une remarque. Pour des bassins d'emploi homogènes, les critères statistiquess ont vérifiables mais, pour quelques grandes villes confrontées à des taux très élevés de chômage, nous nous sommes permis de retenir des zones plus réduites qu'un bassin d'emploi, celles où l'on peut effectivement installer des entreprises.

Essayez de comprendre notre difficulté : en retenant une agglomération tout entière, on inclut une quantité formidable de population, alors que l'on sait que, dans les centres des villes, on n'installera pas des entreprises créant d'emblée vingt emplois avec 20 millions d'investissement.

En procédant à un tel découpage, nous avons souhaité répondre mieux aux inquiétudes des villes. La Commission nous fait remarquer que ce ne correspond pas tout à fait aux règles qu'elle a imposées, et nous sommes en train de justifier notre position.

L'application stricte de ces critères doit vous permettre de vérifier qu'il ne s'agit pas d'une carte politique,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Si ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qu'il ne s'agit pas d'une carte clientéliste, mais d'une carte qui pointe les territoires les plus en difficulté, ceux qui ont absolument besoin de la PAT.

Que vous ne puissiez comprendre qu'une réduction drastique de la population couverte suppose une répartition équitable et lucide du fardeau, ça, je ne peux pas le comprendre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. René Couanau.

Ce n'est pas une réponse !

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

SÉCURITÉ SANITAIRE

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Ma question pourrait s'adresser au ministre de l'agriculture, à celui du commerce extérieur ou à celui des affaires européennes, mais je veux la poser au secrétaire d'Etat à la santé car il s'agit de la sécurité sanitaire de notre alimentation.

Il y a quelques mois déjà, nous avions été un certain nombre à nous élever contre la décision de Bruxelles de lever l'embargo sur la viande bovine britannique. Je persiste à dire qu'il n'y a pas de nouveaux éléments scientifiques permettant de justifier la levée de cet embargo.

Quel est votre point de vue, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à la santé des Français ? Nous avons été nombreux à nous émouvoir également du conflit qui a opposé les Etats-Unis et l'Europe sur la viande aux hormones. La récente décision de l'Organisation mondiale du commerce semble vouloir contraindre les Européens et les Français à importer cette viande dont les consommateurs ne veulent pas. La situation devient de plus en plus inextricable. Quel est votre point de vue quant à la santé des Français ? Il y a quelques jours, l'affaire des poulets à la dioxine a éclaté. Le problème, qui touche d'abord nos voisins belges, nous intéresse aussi, car les contrôles sanitaires ont connu des dysfonctionnements. Nous avons évidemment envie de connaître votre point de vue sur la santé des Français.

Enfin, la semaine dernière, notre collègue Yves Cochet interrogeait le Gouvernement sur les organismes génétiquement modifiés et je dois dire qu'à quelques détails près, j'aurais pu poser la même question. Nous avons entendu la réponse du ministre de l'agriculture, mais aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est votre point de vue sur la santé des Français que je voudrais entendre.

Chacun peut se rendre compte que la sécurité alimentaire devient un problème de société, relevant d'une compétence interministérielle, et il serait peut-être temps d'avoir un débat sur le sujet dans cette enceinte.

Mais en attendant, je poserai une dernière question, monsieur le secrétaire d'Etat : avec la nouvelle Agence de sécurité sanitaire des aliments, pensez-vous avoir réellement la capacité d'assumer vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, pour une réponse courte.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur Mattei, avec votre concours, nous essaierons d'assumer au mieux nos responsabilités.

Vous avez posé quatre questions.

La première est relative à la viande anglaise. Je regrette, mais nous nous sommes abstenus au moment du vote à Bruxelles (Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la République)...

M. Charles de Courson.

Quel courage !

M. Lucien Degauday.

Pourquoi n'avez-vous pas voté contre ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... et, faute d'expertise, il n'est pas question d'accepter cette viande anglaise. Compte tenu en particulier des nouvelles possibilités de dépistage du prion, nous ne le ferons que si nous estimons, si nos experts estiment que cela ne fait peser aucun danger sur la population.

S'agissant de la viande américaine, qui fait l'objet d'un c onflit avec l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, nous nous battons également contre la décision qui a été prise. Il ne sera pas question d'accepter une viande provenant de bêtes auxquelles on a administré des hormones pendant une longue période, même si certains affirment que leur effet se dissipe assez rapidement. Nous n'accepterons pas que cette viande entre en France si nos experts considèrent qu'elle pourrait présenter un danger pour la population. L'expertise pourrait d'ailleurs être menée non seulement par l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, mais aussi par une éventuelle agence santé et environnement.

Vous le savez, l'alerte à la dioxine a été donnée le vendredi 28 mai et, dès le samedi 29, nos services, en particulier la DGCCRF, retiraient de la vente dans les supermarchés tout ce qui était reconnu comme provenant de Belgique. Nous avons donc été extrêmement rapides.

Pour autant, le dossier n'est pas clos, car on peut penser qu'un producteur français avait donné à ses bêtes la même alimentation que les producteurs belges.

Enfin, Mme Grzegrzulka et M. Aschieri ont rédigé un rapport, dont nous avons débattu ensemble, et je suis partisan de créer une agence santé et environnement. On ne peut être plus clair.

Sommes-nous pour autant prémunis contre tout ? Non, car bien souvent, vous le savez, monsieur Mattei, ce qui nous manque, c'est l'expertise. Telle est d'ailleurs la raison d'être de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, dont M. Glavany, Mme Lebranchu et moi-même allons installer le conseil dans quelques jours. J'espère ainsi que nous renforcerons encore notre expertise.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

GRÈVE DES URGENTISTES

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Elle concerne le mouvement de grève illimité des urgentistes.

Ce mouvement reçoit un écho favorable au sein de la population, car il touche à un maillon sensible de notre système de santé, auquel nous sommes attachés. Ses revendications mettent en lumière ce que nous avons dénoncé à plusieurs reprises, à savoir les insuffisances financières, matérielles et d'effectifs dont souffrent les établissements publics de santé. Les personnels médicaux des services d'urgence hospitalière et des SAMU nous alertent sur le rôle qu'ils jouent et sur les moyens insuffisants qui leur sont accordés.

Les urgences ont en effet un rôle médical, mais aussi social, qui est de plus en plus difficile à assumer. Ces personnels ont un statut précaire, très en deçà des responsabilités qui leur incombent, et leur temps de travail mensuel peut atteindre 250 heures, ce qui n'est pas sans conséquence sur la qualité des soins dispensés, malgré les compétences professionnelles qui leur sont reconnues.

Par leur mobilisation, ils veulent nous faire prendre conscience, si besoin en est, que toutes les conditions ne sont pas réunies pour qu'ils remplissent correctement leur tâche. C'est pourquoi nous soutenons leur action et leurs revendications : la reconnaissance de la profession d'urgentiste en tant que telle, la création de postes statutaires à plein temps, ainsi que des moyens supplémentaires pour qu'ils accomplissent pleinement leur mission.

Il semblerait que des représentants syndicaux aient été reçus hier soir au ministère de la santé. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement afin de répondre à ces attentes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, pour une réponse courte.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, je vous confirme que les urgentistes ont été reçus au ministère hier soir. Je partage entièrement votre diagnostic sur les urgences et sur la nécessité d'une prise en charge humaine à cet endroit stratégique qu'est souvent la porte d'entrée de l'hôpital.

Vous l'avez dit, les établissements hospitaliers, dont le rôle est très important, souffrent souvent d'un manque d'effectifs. Surtout, ceux qui prennent en charge les urgences sont souvent des médecins généralistes qui ne sont pas assurés de leur carrière ; leur statut est précaire, ils s'inquiètent véritablement pour leur avenir et ils ont raison. Et je vous rappelle que 9 millions de personnes fréquentent les urgences chaque année.

Avec Martine Aubry, qui est en ce moment au Sénat pour défendre le projet sur la couverture maladie universelle, nous avons commencé par créer, dans le cadre des SROS, les schémas régionaux d'organisation sanitaire, une centaine de postes dans les agences régionales d'hospitalisation.

Nous avons également créé, dès cette année, 170 postes de praticien hospitalier à mi-temps aux urgences des CHU et 122 postes d'assistant aux urgences dans les centres hospitaliers généraux.

De plus, nous avons déjà modifié l'accès au concours, en concertation avec les urgentistes, qui se plaignaient des modalités en vigueur : il fallait six ans pour que les généralistes présentent le concours de praticien hospitalier de médecine polyvalente ; nous avons réduit cette durée à trois ans d'exercice et les jurys sont désormais composés d'urgentistes.

Dans la discussion d'hier, plusieurs pistes de travail ont été explorées : le gain d'un niveau sur l'échelle salariale dès lors que le médecin est titulaire, du diplôme d'urgentiste, la prise en charge de leur formation par les hôpi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

taux, la refonte de la grille globale des assistants et la création en l'an 2000 d'un nombre encore significatif de praticiens.

Il n'en reste pas moins qu'il nous faut créer un véritable corps de praticiens hospitaliers urgentistes et nous travaillons sur cette question avec les gens que nous avons reçus hier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

POLITIQUE DE LA FRANCE DANS LA CARAÏBE

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

La question s'adresse à

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, comme l'écrivait Frantz Fanon, je vous invite à quitter « cette Europe qui n'en finit pas de parler de l'homme, tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde ».

Quittons donc la Corse et le Kosovo pour SantoDomingo et Paramaribo.

En République dominicaine, les 16 et 17 avril 1999, s'est tenu le deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Association des Etats de la Caraïbe. Du 26 au 29 avril, le président de la région Guyane a effectué une visite au Surinam. Ces deux rencontres ont fait éclater au grand jour des contradictions d'un autre âge.

En République dominicaine, les membres de l'AEC ont déploré et refusé que la mer des Caraïbes soit utilisée en permanence pour le transport des déchets nucléaires et toxiques. Mais la France, en tant que pays associé, estimant qu'il n'y avait point de danger encouru, a publiquement renoncé à approuver la déclaration de politique générale, ainsi que celles portant sur les risques naturels majeurs et le tourisme durable, lesquelles ne faisaient pourtant pas problème. A la dernière minute, on ôta le droit de signer au président de la région Guyane, pourtant chef de délégation.

Au Surinam, M. l'ambassadeur de France a tout fait pour contrecarrer et minimiser la représentation guyanaise, pourtant invitée très officiellement par le Gouvernement d'un pays limitrophe.

Ces incidents révélateurs sont pour le moins regrettables. Il est nécessaire de redistribuer les rôles en ce qui concerne les relations extérieures régionales, afin de permettre à la Guadeloupe, à la Guyane et à la Martinique de participer et d'intervenir de plein droit. Monsieur le ministre, le moment n'est-il pas venu d'y penser et surtout d'y souscrire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Cette question est scandaleuse ! Cela reviendrait à accorder l'indépendance !

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, en réalité, vous avez posé plusieurs questions distinctes ; j'essaierai d'y répondre séparément.

Le transport des déchets nucléaires dans la mer des Caraïbes fait l'objet depuis toujours de débats au sein de l'Association des Etats de la Caraïbe. La France ne manque aucune occasion de rappeler que le transport des substances dangereuses se fait dans le strict respect des normes internationales et du droit international et que ce transport ne représente pas de menace pour la mer des Caraïbes. C'est pourquoi elle a demandé qu'une réserve soit apportée au paragraphe de la déclaration politique qui est relatif à cette question. Devant le refus de la présidence du sommet, le chef de délégation, le président de la région Guyane, a été conduit à ne pas signer le document.

M. Pierre Lellouche.

C'est normal ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Par contre, monsieur le député, contrairement à l'information dont vous disposez, le protocole d'accord créant la zone de tourisme durable Caraïbes a bien été signé par le président de conseil régional. Quant au protocole d'accord sur les catastrophes naturelles - qui intéresse évidemment beaucoup les Etats de la région, mais aussi la France - s'il n'a pas été signé, c'est parce que son examen par les ministères compétents n'était pas terminé.

Toutefois, je peux vous assurer qu'il sera signé très rapidement.

S'agissant du voyage du président de la région Guyane au Surinam, qui répondait en effet à une invitation officielle des autorités de Paramaribo, je dois dire que, conformément à l'usage, c'est l'ambassadeur qui a préparé le voyage et qui a présenté le président aux autorités surinamiennes ; il n'y a là rien d'extraordinaire. Contrairement à ce que vous venez d'affirmer, monsieur le député, le Gouvernement n'a jamais eu la volonté d'empêcher ou de contrarier ce voyage.

Je vous le rappelle, le Gouvernement entend encourager la coopération régionale dans la Caraïbe comme ailleurs et il souhaite que les collectivités locales, en particulier les DOM-TOM, s'y impliquent fortement. Le Premier ministre l'a dit à cette tribune dès 1997. Je l'ai rappelé à Saint-Domingue l'an dernier lors d'une réunion conjointe des préfets et des ambassadeurs. Mon collègue Jean-Jack Queyranne l'a encore répété à l'occasion du débat sur les politiques concernant l'outre-mer.

Enfin, le Premier ministre a confié à M. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et à M. Michel Tamaya, député de la Réunion, la rédaction d'un rapport sur ce sujet. Les conclusions en seront tirées très rapidement et vous serez évidemment informé des mesures que nous serons amenés à prendre.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri, pour une question très courte.

M. André Aschieri.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. M. Kouchner vient de donner une réponse partielle sur l'affaire des poulets contaminés à la dioxine, mais j'aimerais entendre une réponse globale de M. le ministre de l'agriculture.

Cette affaire démontre qu'un certain type de production agricole, de caractère industriel, fait peser de graves risques sur la santé publique. Après le nitrate dans l'eau, le lait aux dioxines, la viande aux hormones, le scandale de la vache folle et, bien sûr, les OGM, une nouvelle crise sanitaire vient saper la confiance des consommateurs dans leur alimentation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Certains producteurs de l'agriculture industrielle ont manifestement perdu de vue que leur première fonction est de fournir à la population une nourriture saine et de qualité. L'intérêt général est aujourd'hui bradé au profi t de quelques intérêts particuliers.

Depuis longtemps, les Verts, ainsi que les associations d e consommateurs et certains syndicats agricoles, condamnent la course au rendement, l'élevage et la culture pratiqués de façon intensive, au mépris des équilibres naturels. Depuis des années, la tolérance envers les rejets polluants de toute nature met délibérément en danger la population.

Une fois de plus est démontrée l'urgente nécessité de rendre opérationnelle l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, dont a parlé M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, et de créer l'agence de sécurité santé et environnement. Ces deux agences permettraient de fournir aux consommateurs des informations plus fiables et surtout plus indépendantes.

M onsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir qu'une telle contamination ne touche pas la production française ? Quelles mesures comptez-vous prendre en France et défendre en Europe pour qu'une nouvelle politique fondée sur la transparence, la prévention et le respect du principe de précaution permette d'éviter de nouvelles crises ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Avec cette affaire de contamination par la dioxine des productions de poulets et d'oeufs en Belgique, l'Europe agricole et agroalimentaire vit en effet une nouvelle crise grave. Face à cette crise, l'attitude du gouvernement français repose sur quatre principes.

Le premier est évidemment le principe de précaution.

Nous avons été alertés par les autorités belges le 28 mai, c'est-à-dire vendredi dernier ; en trois jours, les services de l'Etat ont pu repérer la trentaine d'élevages français qui s'étaient fournis directement auprès de l'entreprise belge en question. La livraison et la commercialisation de leurs produits ont été bloquées. Et les quelques dizaines d'élevages français qui se sont approvisionnés auprès des entreprises françaises concernées se sont eux aussi vus interdire toute commercialisation. Par conséquent, à ce stade, je peux vous assurer que toutes les précautions ont été prises pour protéger les consommateurs français.

Deuxième principe, la coopération internationale. Vous le savez bien, en la matière, nous devons échanger les informations avec l'ensemble des pays européens, au premier chef avec les Belges - qui, reconnaissons-le, jouent depuis plusieurs jours le jeu de la transparence avec beaucoup de rigueur -, mais aussi avec les autres pays européens qui, comme la France, sont menacés ou susceptibles de l'être ; je pense à la Hollande ou à l'Allemagne.

Au moment où je vous parle, le comité vétérinaire permanent est en train de se réunir pour un échange d'informations.

Troisième principe, la proportionnalité. Bien entendu, il faut prendre toutes les précautions pour protéger les consommateurs français, mais en même temps, nous devons éviter la psychose. Nous ne pouvons pas, par des mesures à l'emporte-pièce, pointer du doigt l'aviculture française, qui est déjà dans une situation économique très fragile et pourrait subir une crise beaucoup plus grave encore. Les mesures ne doivent donc pas être excessives, pour ne pas déstabiliser le secteur.

Enfin, dernier principe, l'évaluation, dont parlait tout à l'heure à juste titre Bernard Kouchner. A cet effet, le G ouvernement, à l'initiative du législateur, a créé l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, qui sera installée au cours du mois de juin. Celle-ci aura justement pour objet d'évaluer les risques sanitaires. En outre, le Conseil supérieur d'hygiène publique français travaille depuis 1998 sur les risques liés à la dioxine. Il sera intégré à l'Agence et poursuivra ses travaux dans ce cadre.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République.

FRUITS ET LÉGUMES

M. le président.

La parole est à M. Léon Vachet, pour une question courte.

M. Léon Vachet.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, lors de la réforme de la politique agricole commune, un compromis acceptable a été trouvé pour différents secteurs de production, mais celui des fruits et légumes semble être le parent pauvre.

En effet, bien que la mise en place de l'OCM, l'Organisation commune des marchés, ait permis la transformation des groupements de producteurs en organisations de producteurs et présente certains avantages, son fonctionnement se révèle trop contraignant, trop bureaucratique pour les producteurs. Par exemple, dans le département des Bouches-du-Rhône, seulement 10 % des producteurs y adhèrent ; les autres sont privés des aides éventuelles qu'ils pourraient recevoir de l'Union, des régions ou de l'Etat.

Les membres de la profession et les fédérations nationales de producteurs de fruits et légumes désirent que les conditions d'adhésion aux organisations de producteur soient assouplies. Ils proposent notamment la création d'associations de producteurs aux règles d'organisation moins rigides, qui viendraient compléter le dispositif.

Cet assouplissement semble absolument nécessaire, car le secteur des fruits et légumes connaît depuis plusieurs années une crise grave qui a conduit à la disparition de bien des exploitations, dans de nombreux départements - 40 % dans les Bouches-du-Rhône.

Il convient d'aider en urgence les exploitations encore existantes en leur permettant de bénéficier des différentes formes d'aides. Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, afin de répondre aux préoccupations de la profession ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous avez raison d'indiquer que la question de l'organisation commune des marchés des fruits et légumes n'était pas inscrite à l'ordre du jour de l'Agenda 2000 : nous n'en avons pas traité dans le cadre de ces discussions.

Vous avez également raison de souligner que l'OCM fruits et légumes a besoin d'être réformée, notamment dans le sens d'un assouplissement et d'une simplification.

Nombre d'organisations professionnelles se plaignent, à juste titre, de son caractère tatillon.

C'est pour cette raison que le Gouvernement français, en collaboration avec ces organisations professionnelles, a rédigé un mémorandum, lequel a été déposé la semaine


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

dernière auprès de la Commission de Bruxelles. Il est d'ores et déjà contresigné par les gouvernements italien et espagnol, et il le sera, d'ici à quelques jours, par les gouvernements grec et portugais.

Ce sujet sera inscrit à l'ordre du jour du prochain conseil de l'agriculture, le 14 juin. J'espère que nous aurons l'occasion d'en reparler d'ici là.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je remercie M. Glavany, dont les réponses sont toujours très brèves.

Nous revenons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

E

CONOMIE TOURISTIQUE

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

L'excédent de 71 milliards de la b alance des paiements de l'économie touristique démontre que ce secteur peut être une source d'activités et d'emplois à exploiter. La politique d'économie touristique doit, bien sûr, s'intégrer dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire et bénéficier de la solidarité européenne et de la solidarité nationale : c'est une nécessité pour stimuler les 1 500 ou 2 000 pôles touristiques répartis sur l'ensemble du territoire français.

Le Gouvernement est-il prêt à associer le Parlement à un grand débat national pour doter l'économie touristique d'une législation nouvelle et cohérente et à faire en sorte qu'elle puisse bénéficier des fonds structurels européens ? S'agissant de ces fonds, les informations que nous avons concernant leur évolution nous inquiètent.

Il y a là une chance à saisir pour développer les activités touristiques à travers le territoire et pour assurer le rééquilibrage de la vie économique et sociale. Pouvonsnous compter sur l'intervention du Gouvernement - et, dans cette action, il sera soutenu par le Parlement - pour que les fonds européens structurels européens et la solida-r ité européenne contribuent au développement de l'économie touristique à travers le territoire français.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Monsieur le député, vous avez absolument raison de mettre en évidence l'importance du tourisme en tant que secteur économique prometteur. Il est, en effet, extrêmement prometteur en matière de croissance, puisque, selon les prévisions de l'Organisation mondiale du tourisme, les flux touristiques mondiaux devraient doubler d'ici les années 2020. Il est également extrêmement prometteur en matière d'emploi puisque, depuis quelques années, il ne cesse de créer des emplois.

Le Gouvernement attache une grande importance à ce secteur d'activité. La preuve en est qu'il lui a consacré un secteur ministériel à part entière et qu'il a donné une impulsion nouvelle au budget, lequel avait perdu un cinquième de ses moyens durant les dernières années.

Il a également mis en oeuvre une nouvelle politique du tourisme, laquelle prend en compte la potentialité du développement économique touristique pour notre pays certes, mais tend aussi à favoriser l'accès de tous aux vacances.

Vous avez évoqué le problème de la solidarité européenne et des aides. Sachez que le secrétariat d'Etat s'en préoccupe et que, parallèlement, un important travail interministériel est réalisé car c'est un secteur extrêmement transversal.

M. Pierre Lellouche.

Transversal !

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

A l'heure actuelle, tous secteurs ministériels portent une attention particulière au tourisme. C'est à ce titre que j'ai discuté avec Dominique Voynet des fonds structurels européens.

Je peux également vous assurer que les aides nationales prendront en compte le développement de l'économie touristique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François d'Aubert.)

PRE SIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 E PARGNE ET SE

CURITE

FINANCIE RE Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 26 mai 1999,

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 6 mai 1999.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 1600, 1638).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous voici réunis pour une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière. Je ne le présenterai pas à nouveau puisque nous en avons déjà longuement discuté ; je ferai simplement deux ou trois remarques sur ce qui s'est passé au cours de ces dernières semaines.

L'examen du texte par le Sénat a été l'occasion d'améliorations techniques concernant la transposition de la directive dite post BCCI, sur l'échange d'informations entre les autorités prudentielles et les sociétés de crédit foncier ; à l'initiative des groupes socialiste et communiste du Sénat, des précisions fort utiles ont été apportées.

Tout en préservant l'équilibre du texte, le Sénat a également précisé le fonctionnement des fonds de garantie.

Malgré ces améliorations techniques, il y a eu des divergences politiques. Elles expliquent l'échec de la CMP et concernent surtout la partie du texte portant sur les caisses d'épargne. Le Sénat a ainsi voté la suppression du dividende social, alors que le Gouvernement l'avait défini comme possible et que l'Assemblée nationale l'avait rendu obligatoire pour un montant d'un tiers des dividendes.

Second exemple : la suppression des 18,8 milliards de francs provenant de la cession des parts coopératives à verser au fonds de réserve pour les retraites.

Troisième divergence importante entre le Sénat et l'Assemblée : la volonté du Sénat d'indexer automatiquement le livret A sur l'inflation, concourant ainsi à sa banalisation, alors que, au contraire, depuis juin 1997, la ligne du Gouvernement, soutenu par sa majorité, est de réaffirmer la spécificité du livret A.

Le Gouvernement a pris plusieurs décisions dans ce domaine.

L'une, déjà assez ancienne, et que vous avez à l'esprit, est le refus, après la réunion, le 23 mars dernier, du comité des taux réglementés, de procéder à un ajustement vers le bas des taux des livrets A, afin d'attendre des conditions qui n'étaient pas encore réunies, ainsi qu'une stabilisation des évolutions économiques, notamment en matière d'inflation, pour être sûrs de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

La deuxième décision est plus récente. Le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises - je l'ai fait ici même en réponse à des questions - sa volonté de mettre en place un pôle financier public regroupant, autour de la Caisse des dépôts, de la Caisse nationale de prévoyance - que le Gouvernement n'a pas voulu privatiser -, de la BDPME et de La Poste, les caisses d'épargne, et peut-être demain le Crédit foncier, de façon à animer et à coordonner l'ensemble des établissements publics ou semi-publics, en tout cas d'intérêt général, pour les mettre au service de la croissance et de l'emploi.

Afin que cet engagement soit plus solennel, j'ai écrit au président de l'Assemblée nationale pour lui demander d'insérer dans l'exposé des motifs une déclaration en ce sens permettant d'éclairer la signification que le Gouvernement voulait donner à l'évolution du secteur financier et public.

Je souligne enfin un troisième événement, qui a trait aux travaux de la commission des finances de votre assemblée.

Je veux saluer une grande avancée sémantique. Nombreux sont ceux qui avaient trouvé que les groupements locaux d'épargne avaient au moins un défaut sur lequel nous pouvions tous tomber d'accord, c'est que l'acronyme GLE n'était pas heureux. Dans un effort de créativité que je veux saluer, la commission des finances a proposé de transformer les groupements locaux d'épargne en sociétés locales d'épargne, SOLE, dont la sonorité est évidemment bien plus agréable à l'oreille.

Mais les avancées de la commission des finances ne sont pas simplement sémantiques, elles sont aussi politiques. Le plus souvent, elles se traduisent par le retour au texte de l'Assemblée nationale, mais parfois aussi par des compromis. C'est par exemple le cas de l'article 6 sur le dividende social, pour lequel, je l'ai rappelé, l'Assemblée avait décidé qu'un tiers du dividende devait être affecté sous forme de dividende social, ce qui constituait un plancher. La commission des finances a également créé un plafond en précisant que le dividende serait au plus égal à la rémunération des sociétaires ; voilà donc le dividende social encadré par un plancher et par un plafond.

De nouveaux amendements sont aussi apparus, souvent à l'initiative du groupe communiste, qui soulignent une volonté politique. Ils soulignent, par exemple, la spécificité du livret A, et j'ai rappelé que c'était la ligne du Gouvernement, ou visent à mettre en place une première part à tarif préférentiel permettant aux épargnants clients des caisses d'épargne, éventuellement peu fortunés mais désireux de devenir des coopérateurs, d'acheter une part à un tarif particulièrement peu élevé.

Enfin, la commission des finances a proposé quelques avancées techniques, les amendements étant d'ailleurs souvent cosignés par plusieurs formations, je pense notamment à un amendement cosigné par M. le rapporteur, M. Douyère et M. Jégou. Le Gouvernement sera évidemment favorable à ces amendements techniques.

Quelles conclusions tirer de tout cela ? Que le texte dont vous êtes saisis en nouvelle lecture a préservé sa logique et a été enrichi par le débat parlementaire. Nous savons tous qu'il doit être voté avant la fin du mois de juin : c'est l'intérêt des caisses d'épargne et l'intérêt du Crédit foncier de France.

Je pense que le projet sera adopté. Le Gouvernement est favorable à de nombreux amendements, notamment à ceux qui ont été adoptés par la commission des finances.

Il est par ailleurs ouvert à l'un des grands sujets de discussion sur lequel nous avons eu de nombreux échanges en première lecture, c'est-à-dire la façon dont doivent être collectées les sommes correspondant au capital social. Des propositions ont été faites à ce sujet par plusieurs groupes et par le rapporteur, Raymond Douyère ; le Gouvernement est disposé à les examiner. Je suis encore plus convaincu qu'en première lecture que ce texte peut rassembler très largement sur les bancs de l'Assemblée nationale, eu égard en particulier au fait que des amendements ont été déposés par l'opposition comme par la majorité, que le Gouvernement en a retenu certains en première lecture, qu'il est prêt à en retenir à nouveau et qu'il en a accepté certains adoptés par la majorité sénatoriale, notamment sur la seconde partie du texte.

J'espère par conséquent que nous pourrons avoir une discussion dépassionnée, rapide mais aussi approfondie que vous le souhaiterez, de façon à doter le plus rapidement possible les caisses d'épargne du statut dont elles ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la réforme des caisses d'épargne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan pour la réforme des caisses d'épargne.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il paraît important de mener à bien la réforme des caisses d'épargne engagée depuis le début de l'année, parce que le secteur bancaire et financier connaît des mutations considérables. Il n'est pas besoin de multiplier les exemples pour justifier la nécessité de la réforme que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture : il faut donner au réseau des caisses d'épargne les moyens de s'adapter aux nouvelles conditions de la concurrence. Il faut lui permettre de faire valoir ses spécificités et de tirer le meilleur parti de sa culture, particulièrement ancienne et riche.

J'avais eu l'occasion de dire, lors de la première lecture, combien le débat avait été exemplaire. D'une part, parce qu'il avait permis d'attribuer aux caisses d'épargne le statut coopératif qui leur manquait. D'autre part, parce que l'initiative du Parlement avait été particulièrement respectée.

Sans préjuger les résultats de cette deuxième lecture devant notre assemblée, je crois pouvoir dire que, cette fois encore, la discussion sur la réforme des caisses d'épargne fera la part belle à l'initiative parlementaire, et nous devons nous en réjouir. La commission des finances a adopté, comme en première lecture, de nombreux amendements issus de tous les groupes politiques, et elle a maintenu des modifications importantes proposées par le Sénat.

Cette belle harmonie ne doit pas masquer le fait que la commission mixte paritaire, réunie le 26 mai dernier, a échoué. En effet, plusieurs dispositions ne pouvaient faire l'objet d'un accord entre l'Assemblée et le Sénat.

Le principal point d'achoppement a été l'organisation même du réseau. En effet, le Sénat avait choisi de supprimer les structures locales, appelées groupements locaux d'épargne, pour leur substituer des sections locales d'épargne, qui n'auraient eu pour objet que d'animer le sociétariat. La différence avec les actuelles sections locales était plus que ténue.

Or l'une des ambitions principales du projet était bien d'ancrer les caisses d'épargne dans un sociétariat large, vivant, où les entrées et les sorties puissent se faire avec le plus de souplesse possible, conformément aux principes qui régissent le droit coopératif.

En créant des structures dissociant expression du sociétariat et détention de parts sociales, comme le proposait le Sénat, on aurait sans aucun doute risqué de priver les caisses d'épargne de leur âme. Le sociétariat ne serait devenu qu'une masse informe dominée par quelques personnes morales dans le meilleur des cas, ou directement par la direction de la caisse régionale dans les autres cas.

C'est pourquoi la commission des finances a souhaité rétablir le dispositif adopté par l'Assemblée en première lecture, en maintenant les groupements locaux d'épargne prévus dans le texte initial. Elle a cependant acceptée sur ma proposition de modifier l'appellation de ces structures locales et de les rebaptiser sociétés locales d'épargne, abrégées en SOLE, ancrant les caisses d'épargne et le sociétariat dans une réalité solide.

L'agrément du président du directoire de la Caisse nationale est également l'un des points de désaccord ; le Sénat l'avait supprimé et nous l'avons rétabli.

Des discussions importantes ont également eu lieu entre le Sénat et l'Assemblée sur la composition du capital social et sur les bases de son évaluation.

Le Sénat avait en effet supprimé le filet de sécurité que constituait la possibilité de composer le capital social de 25 % de certificats coopératifs d'investissement. Il avait en outre allongé de quatre à huit ans la période de mutualisation et prévu que le capital initial serait déterminé par référence à la moyenne des autres établissements de crédit mutualistes ou coopératifs, ce qui le plaçait dans une fourchette comprise entre 13 et 15,5 milliards de francs.

Sur ces différents points, la commission des finances a voulu parvenir à un point d'accord respectant le souhait des différents groupes de l'Assemblée, le mien et celui du Sénat. C'est pourquoi j'ai fait adopter tout à l'heure par la commission un certain nombre d'amendements qui visent, d'une part, à permettre, tout en conservant l'objectif de 18,9 milliards de francs de placement de parts sociales, d'établir un filet de sécurité afin que, au bout d'un certain nombre d'années de placement et de mutualisation, on puisse voir ce qui a été réellement placé en parts sociales et déterminer le montant minimum en deçà duquel les caisses d'épargne devront faire appel à leurs fonds propres pour abonder le fonds de mutualisation. Nous ne devrions donc pas faire descendre le capital social en dessous de 15,9 milliards de francs si l'Assemblée veut bien adopter les amendements que j'ai présentés.

Enfin, le Sénat a supprimé l'article 17, qui prévoyait des modalités spécifiques d'exercice du droit de dénonciation des accords collectifs par les syndicats, rendant ainsi le droit commun applicable en la matière. La commission des finances propose pour l'essentiel de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, avec l'adjonction d'un amendement du groupe communiste tendant à préciser le contenu de l'article 29.

Après ces quelques points de divergence, j'insisterai sur les nombreuses dispositions qui ont recueilli un accord favorable des deux assemblées. Il y a eu quand même une convergence des opinions, ce qui permettra, je l'espère, un vote unanime de l'Assemblée et, demain, du Sénat.

Il faut relever, tout d'abord, que le Sénat a conservé de nombreuses modifications apportées par l'Assemblée en première lecture, notamment celles concernant l'objet social des caisses d'épargne, la composition des conseils d'orientation et de surveillance, les missions de la caisse nationale et de la fédération nationale, ou encore l'amélioration de l'information des sociétaires. Certaines simp lifications introduites par l'Assemblée en première lecture ont également été suivies par le Sénat, comme la réduction à deux du nombre des membres composant la délégation de chaque caisse à la fédération.

Il convient de noter que la commission des finances a adopté certaines des dispositions introduites par le Sénat, comme la neutralisation de l'effet fiscal de la réforme en matière de TVA, à l'article 19 bis, ou encore la rationalisation de la désignation du président de la fédération, qui devra être choisi parmi les présidents de COS.

Je citerai également l'adoption d'une disposition qui, tout en garantissant aux caisses d'épargne la détention d'au moins 51 % de la caisse nationale - ce qu'avaient souhaité beaucoup de groupes, notamment ceux de l'opposition, mais aussi l'ensemble des acteurs des caisses d'épargne, et aucun désaccord fondamental ne s'était manifesté sur ce point -, leur permettra ainsi de développer plus aisément des partenariats, notamment avec les caisses d'épargne européennes. J'ai fait adopter par la commission des finances un amendement leur permettant, dans la période transitoire de mise en place de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

réforme, de détenir au moins 60 % des parts, car il est certain que la caisse nationale n'aura pas immédiatement des partenaires lui permettant de diversifier son partenariat.

Enfin, je souligne que l'enrichissement du texte intervenu lors de la première lecture s'est poursuivi lors de l'examen en nouvelle lecture devant la commission des finances.

Plusieurs amendements ont permis de préciser certains points et d'en expliciter d'autres.

La commission des finances a adopté, à l'initiative de MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila et Brard, deux amendements visant, d'une part, à réaffirmer le maintien de la spécificité du livret A en tant qu'instrument de financement du logement social et de la protection de l'épargne populaire, et, d'autre part, à indiquer que la contribution du réseau des caisses d'épargne peut s'exercer dans le domaine de l'emploi et de la formation.

Elle a, grâce à la même initiative, adopté un amendement tendant à permettre aux sociétés locales d'épargne de proposer aux sociétaires une première part sociale à un prix préférentiel. Il me semble que cette initiative est bonne et correspond à un besoin. Il convient toutefois que la Caisse nationale d'épargne propose un prix bas pour la première part, les gens souscrivant autant de parts qu'ils le souhaiteront.

La commission vous propose par ailleurs d'adopter une disposition permettant expressément à l'ensemble de ces sociétés locales de bénéficier du régime mère-fille, afin d'éviter une double taxation des résultats distribués.

M. Jégou a fait plusieurs observations à ce sujet en première lecture, sur lesquelles nous avons longuement réfléchi. Nous sommes parvenus à un accord qui permettra d'éviter toute double imposition mère-fille.

Pour éviter toute spéculation, la commission des finances a également souhaité spécifier que les parts sociales des SOLE ne peuvent être revendues qu'à leur valeur nominale, conformément à l'esprit et à la lettre de la loi de 1947 sur la coopération.

Pour assurer aux sociétaires les moyens d'exercer leurs droits, la commission des finances a adopté un amendement donnant pour mission à la fédération nationale de favoriser leur formation par l'organisation régulière de séances d'information.

En ce qui concerne l'affectation à des projets d'économie locale et sociale d'une partie des résultats des caisses d'épargne, dite « dividende social », le Sénat avait supprimé, comme M. le ministre l'a rappelé, le plancher, égal au tiers des sommes disponibles après mise en réserve, qui avait été introduit par l'Assemblée afin d'assurer une mise en oeuvre réelle de cet élément de la spécificité des caisses. Le « dividende social » constitue en effet un instrument essentiel de l'ancrage des caisses d'épargne dans l'économie de proximité.

C'est pourquoi, sans supprimer le plafond de distribution du « dividende social », réintroduit par le Sénat, la commission des finances vous propose de rétablir le plancher voté par l'Assemblée en première lecture.

En conclusion, je rappellerai, s'il en était besoin, que le choix du statut coopératif proposé dans le projet de loi sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui répond parfaitement à la culture particulièrement riche des caisses d'épargne et à leur double nature, sociale et bancaire.

C'est pourquoi, au nom de la commission des finances, je demande à l'Assemblée de bien vouloir adopter ce texte, compte tenu des précisions que je viens d'indiquer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le renforcement de la sécurité financière.

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le renforcement de la sécurité financière.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, la seconde partie du projet de loi relatif à l'épargne et la sécurité financière comportait 57 articles.

Pour la nouvelle lecture, 56 articles restent en discussion. La permanence de ce chiffre n'est qu'optique : le Sénat a, en effet, adopté 27 articles sans modification mais il a, surtout, inséré 26 articles additionnels.

Je peux dès à présent indiquer que la commission des f inances propose d'adopter 34 nouveaux articles conformes, ne laissant que 22 articles en discussion.

C'est dire que, d'ores et déjà, près des trois quarts du projet de loi ont fait l'objet de décisions communes à nos deux assemblées. Cela me permet, une fois encore, de rappeler combien cette deuxième partie du texte consacrée à la sécurité financière est importante, décisive même, pour la sécurité des placements et des établissements, voire pour le renom de la place financière de Paris. Mais aussi combien, sur tous les bancs, nous partageons la même volonté de voir ce texte aboutir rapidement.

Je ne peux donc que me féliciter que le Sénat ait conservé l'économie générale du projet de loi, souscrivant, notamment en ce qui concerne les fonds de garantie, à cette approche du fonds unique, clair, lisible et compréhensible par tous et chacun. Cette approche de la « maison commune » était la vôtre, monsieur le ministre, et notre assemblée l'avait largement partagée en première lecture. Ce sera, à l'évidence, celle du dispositif final.

D'autres points d'accord existent avec le Sénat ; examinons-les brièvement.

Le Sénat a retenu le texte de l'Assemblée pour la limitation de l'agrément à certaines activités, le renforcement des organes centraux des banques mutualistes, le système de contrôle interne ou les relations de la commission bancaire avec les autorités de contrôle des Etats étrangers.

Il a approuvé l'architecture globale des trois mécanismes de garantie, qu'il s'agisse de leur statut juridique, de leurs modalités d'intervention ou de leur mode de financement.

Enfin, il a entériné les grandes lignes de la réforme des sociétés de crédit foncier.

De nouvelles dispositions ont été introduites par le Sénat, et je les ai volontiers reconnues comme autant d'avancées positives.

Il s'agit d'abord de la transposition en droit français de la directive du 19 juin 1995, dite post BCCI, qui aurait dû être transposée depuis près de trois ans. Le retard pris par notre pays devenait d'autant plus incompréhensible que la directive renforce les contrôles prudentiels. Le nouveau dispositif concerne l'ensemble du secteur financier, impose de nouvelles conditions d'agrément, aménage les règles du secret professionnel, renforce le rôle des commissaires aux comptes et vise à combattre des pratiques de dumping fiscal. C'est bien sûr un mieux pour notre place financière !


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Autre précision utile : l'intervention, en cas de sinistre, du fonds de garantie des dépôts entraîne automatiquement la radiation de l'entreprise concernée, et donc sa liquidation.

Enfin, en modifiant le régime de l'indemnité pour remboursement anticipé, le Sénat a fort opportunément souhaité améliorer la situation de nombre de nos concitoyens victimes de ce qu'on appelle communément les

« accidents de la vie ».

Je souscris pleinement à ces heureuses initiatives sénatoriales que la commission a volontiers acceptées. Néanmoins, ces larges plages d'accord ne doivent pas masquer la persistance de quelques divergences importantes.

Ainsi, à l'article 35, je vous proposerai de revenir à notre position initiale, à savoir la nomination systématique d'un commissaire du Gouvernement auprès des organes centraux dotés de prérogatives de puissance publique, comme vous l'aviez vous-même, monsieur le ministre, si éminemment souhaité au Sénat.

Par ailleurs, notre assemblée avait supprimé l'article 37, relatif à la mise en réserve des résultats des banques mutualistes et coopératives. Le Sénat propose une rédaction qu'il présente a priori comme un compromis, mais cette rédaction, qui n'est pas seulement technique, est réprouvée fortement par le secteur mutualiste et coopératif lui-même. D'évidence, le processus de concertation n'est pas allé à son terme ! Notons d'ailleurs que c'est plus largement pour nous une question de fond, et donc une différence majeure d'approche entre l'Assemblée et le Sénat ! Aussi est-il cohérent qu'à défaut qu'une solution équilibrée et concertée ait été avancée l'Assemblée so uhaite de nouveau supprimer l'article 37, conformément à une philosophie de la coopération qui privilégie l'économie sociale et non le seul profit.

S'agissant du fonds de garantie des assurés prévu à l'article 49, le Sénat a, me semble-t-il, témoigné d'une trop grande prudence en ce qui concerne ses modalités d'intervention. La commission des finances, partageant mon analyse, a considéré que la « procédure d'appel » mise en place par le Sénat et sa volonté de voir fixer des limites globales à l'intervention du fonds contrevenaient à la logique qui a présidé à l'institution d'un mécanisme de garantie, voire qu'elles pouvaient de surcroît ne pas assurer l'égalité de traitement des assurés, ce qui pour nous n'est pas acceptable.

En première lecture, notre assemblée avait voté un mécanisme de garantie des cautions afin de résoudre un problème social urgent. Cette urgence, doit-on le rappeler, était reconnue sur tous nos bancs. Or le Sénat a atténué la portée de notre dispositif, en supprimant notamment sa rétroactivité, ce qui laisse entier le problème des victimes de la faillite de Mutua-Equipement.

Le dispositif que nous proposons est cohérent, même s'il est envisageable de l'améliorer lors de la présente lecture. Je suis le premier à reconnaître sa lourdeur technique et le fait qu'il fasse porter le poids de l'indemnisation sur les seules banques. Mais nous cherchons avant tout à résoudre un drame social et un déni de droit, et c'est cela, pour moi, comme pour nous tous, j'en suis certain, qui est le plus important.

Enfin, en ce qui concerne les sociétés de crédit foncier, le Sénat n'a pas accepté la possibilité, que l'Assemblée leur avait reconnue, de conserver des prêts aux établissements publics. Sur ce point aussi, la commission vous proposera de revenir au texte adopté en première lecture.

En conclusion, je dirai que la navette parlementaire a incontestablement permis d'arriver à un consensus sur la majeure partie du texte. Pour autant, comme vous le voyez, mes chers collègues, des différences subsistent et elles ne sont pas neutres dans leurs fondements politiques. Elles ne sont pas neutres quant à notre conception de la société. Et cela aussi il faut pouvoir le dire, comme je le fais maintenant.

Toutefois, sans préjuger nos débats à venir et compte tenu du fait qu'il appartient à l'Assemblée de trancher en dernier lieu - et elle tranchera ! -, je dirai que le Parlement aura du moins montré son attachement au renforcement de notre système financier. Pour cette raison, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, sur ma proposition, d'adopter la seconde partie du projet de loi modifiée par les amendements qu'elle a votés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Cochet, premier orateur inscrit.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour notre part, nous avions été déjà satisfaits des débats de première lecture et de ses résultats, qui ont permis plusieurs améliorations, notamment à l'article 1er , où les missions des caisses d'épargne ont pu être précisées et élargies.

Cependant, ces missions ne sont toujours pas, à notre avis, suffisamment garanties.

Je prendrai un exemple, que vous avez d'ailleurs cité vous-même, monsieur le ministre, à savoir la règle des trois tiers, à laquelle j'étais favorable, concernant, à l'article 6, l'affectation des résultats des caisses d'épargne et de prévoyance : un tiers pour les mises en réserves, un tiers pour les dividendes des sociétaires et des investisseurs, et un dernier tiers pour les missions d'intérêt général local, dont on a beaucoup parlé et qui servent d'étendard à l'article 1er . Il fallait bien fixer une garantie, un plancher, dont on avait d'ailleurs inversé la logique, c'està-dire que les sommes affectées au financement de projets d'économie locale et sociale ne pouvaient être inférieures au reversement des dividendes aux sociétaires.

Le Sénat a quant à lui purement et simplement supprimé le plancher du « dividende social », mais il a fixé un plafond : le montant des dividendes des sociétaires ne pourra être dépassé.

Cette théorie des trois tiers n'a donc plus cours. Le compromis qui vous semblerait acceptable, monsieur le ministre, consisterait à prévoir au moins un tiers pour les missions d'intérêt général local, mais pas plus que la moitié du reste, si je puis dire. Une telle disposition me semble dévaloriser, disqualifier quelque peu l'affichage politique assez fort de l'article 1er . Cet affichage politique a d'ailleurs été renforcé par les travaux de la commission des finances, notamment par les amendements, que je soutiens, de notre collègue Christian Cuvilliez et qui tendent à préciser davantage les missions des caisses en matière d'emploi et de formation professionnelle. En fait, c'est un peu la portion congrue, la part chiche, la part maudite qui est réservée à ces missions. Cela étant dit, c'est quand même quelque chose plutôt que rien, comme disent parfois les philosophes.

(Sourires.)

Nous avions aussi discuté, à l'article 5, de ce que je considère comme une erreur : la non-intégration des associations relevant de l'économie locale et sociale ainsi que


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de la protection de l'environnement et du développement durable dans les conseils d'orientation et de surveillance des caisses.

Je reste convaincu que ces associations, qui connaissent bien le terrain local, faciliteraient le travail des conseils car elles veilleraient à ce que les missions d'intérêt génér al soient réalisées selon les besoins locaux.

La semaine dernière, j'étais rapporteur pour avis du projet de loi de Mme Trautmann relative à la communication audiovisuelle. J'ai eu moins de temps que je ne l'aurais souhaité pour participer aux travaux de la commission des finances sur le texte en discussion. Je vous prie de m'en excuser, mais je tenais à intervenir aujourd'hui.

M. Dominique Baert, rapporteur.

On vous a regretté !

M. Yves Cochet.

Merci beaucoup, monsieur Baert. Permettez-moi de vous remercier pour votre rapport, qui est d'autant plus remarquable que la seconde partie du projet de loi est moins valorisée que la première.

(Sourires.)

En conclusion, je dirai que, malgré ces réserves et si les amendements proposés par la commission des finances et par le groupe communiste sont acceptés - j'ai cru entendre que vous les accepteriez, monsieur le ministre les députés Verts voteront le projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois mois ont passé depuis la première lecture de ce texte, et chacun a eu le temps de conforter ou d'affiner ses points de vue.

Un certain nombre de choses ont évolué mais, en vérité, l'architecture du projet a été peu modifiée.

Pendant ces trois mois, les bouillonnements d'une partie de la majorité ont continué.

M. Christian Cuvilliez.

Parlez-nous plutôt de l'Alliance !

M. Jean-Louis Idiart.

Il vaut mieux bouillir que brûler !

M. Jean-Jacques Jégou.

Du coup, les relations entre le Gouvernement et la majorité plurielle ne ressemblent pas vraiment à un long fleuve tranquille. On a vu, puisqu'il a fallu en arriver à l'article 88 en commission des finances, quelles ont été les transactions qui ont eu lieu - je veux surtout parler de celles de nos collègues du Parti communiste.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

J'en veux pour preuve la façon dont s'est déroulée la réunion de la commission mixte paritaire, mercredi dernier. L'affaire, pour ceux qui n'y étaient pas, était assez cocasse. Nos collègues sénateurs et nous-mêmes étions d'accord ou, tout au moins, chacun était déterminé, ainsi que le ministre et les rapporteurs l'ont rappelé, à faire preuve de bonne volonté. Même le très sourcilleux rapporteur général Marini,...

M. Dominique Baert, rapporteur.

« Sourcilleux » ? Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Jacques Jégou.

... a eu des accents extrêmement conciliateurs, à plusieurs reprises.

Chacun était déterminé, disais-je, à faire preuve de bonne volonté. Pourtant, au dernier moment, certains d'entre nous - certains de la majorité plurielle - ont fini par trouver un motif pour faire capoter la CMP.

M. Dominique Baert, rapporteur.

Il y en avait d'autres !

M. Jean-Jacques Jégou.

Et pour quelle raison ? Parce que les négociations avec le Gouvernement n'étaient pas terminées. Ces négociations devaient avoir au moins deux objets : d'une part, faire plaisir aux communistes, dont je remarque la présence importante, leur président compris, qui vient vérifier que ses amendements ô combien importants seront adoptés lors de cette nouvelle lecture (Exclamations sur les bancs du groupe communiste),...

M. Alain Bocquet.

La tour de contrôle !

M. Jean-Jacques Jégou.

... et, d'autre part, calmer les ardeurs de notre rapporteur Douyère enhardi puisque, après la première lecture, il pousse aujourd'hui le Gouvernement à accepter une réduction du capital des caisses d'épargne.

Je ferai deux remarques.

D'abord, les négociations ont été longues - des amendements ont été examinés dans le cadre de l'article 88, ce qui prouve que cela a dû être très dur -, mais elles ont été très bien menées, puisque, monsieur le ministre, vous avez réussi à placer les enchères, tout au moins vis-à-vis du parti communiste, assez basses. Vous avez été meilleur lors d'autres lois de finances, mais je reconnais bien là votre art de la négociation, art où vous êtes depuis longtemps passé maître.

M. Jean-Pierre Balligand.

Jégou pousse-au-crime ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Non, Jégou ne pousse pas au crime ! Il ne fait que dire la vérité.

(Sourires.)

Nous reparlerons d'ailleurs des amendements dont il s'agit.

Ma seconde remarque ne vous concerne pas directement, monsieur le ministre, mais je me permettrai tout de même de la faire ici car, et c'est ma conviction profonde, je fais partie de ceux qui pensent que la Ve République a déjà pas mal émasculé le Parlement...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Cuvilliez.

Des gros mots ?

M. Dominique Baert, rapporteur.

Elle l'a féminisé !

M. Jean-Louis Idiart.

On émascule ce qui est mixte, maintenant ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Elle met maintenant en danger notre démocratie parlementaire. Il ne nous restait de temps en temps qu'une petite CMP pour que nous puissions nous expliquer, pour que le Parlement puisse avoir un certain pouvoir de proposition vis-à-vis du Gouvernement. Or, aujourd'hui, le Gouvernement, même absent, réussit à devenir indispensable dans cette procédure.

J'ai envie de dire, monsieur le ministre, pour que nous puissions avoir encore vis-à-vis de nos concitoyens un peu d'utilité : « Laissez-vous vivre ! ».

En tout état de cause, votre aptitude à convaincre et à négocier ne s'applique pas uniquement à votre majorité plurielle. Elle pourrait s'étendre, par exemple, aux parlementaires, tout au moins à certains d'entre eux, qui ressentent pour les caisses d'épargne le même intérêt que la majorité.

Mais venons-en au texte qui nous occupe aujourd'hui.

Tel qu'il ressort du Sénat, vous vous douterez que je n'attende pas une seconde pour le signer, à une ou deux exceptions près, notamment dans la seconde partie.

Le Sénat s'est, tout comme moi, rendu compte de l'inutilité, de l'opacité, de la complexité des groupements locaux d'épargne. On s'est d'ailleurs plu, à plusieurs


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reprises, à dire que ces fameux GLE étaient indigestes. Le Sénat a quant à lui réussi sans aucune difficulté et, je dois le dire, d'une façon éclatante, à rendre le texte très cohérent, beaucoup plus digeste, et sans GLE ! Le capital social est lui aussi revenu à un niveau raisonnable, correspondant mieux à la réalité du capital des caisses d'épargne et n'appauvrissant par les fonds propres.

Nous verrons que cette disposition aura un prolongement dans notre discussion.

De même, sur la seconde partie concernant la sécurité f inancière, nos collègues sénateurs ont réalisé dans l'ensemble un excellent travail, à l'exception d'une erreur manifeste d'appréciation, mais la fin de la discussion tout autant que la précipitation peuvent aisément expliquer cette erreur, sur laquelle je reviendrai plus tard. Disons que, malgré sa sagesse légendaire, le Sénat peut, ici ou là, avoir des moments d'égarement.

(Sourires.)

M. Christian Cuvilliez.

Il lui arrive aussi d'avoir des moments de lucidité !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je voudrais faire quelques observations sur les caisses d'épargne.

La commission des finances s'est à nouveau chargée de transformer l'article 1er en faisant plaisir à toutes les composantes de la majorité, transformant cet article en chapelet de bonnes intentions. A titre d'exemple, je rappellerai qu'elle a affirmé que le livret A devait servir au logement social et réécrit le texte de l'article 18 de la loi de 1947. Quelle avancée ! Je suis sûr que le président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts en est extrêmement ému.

Mais tant que personne n'en attend de miracle - ici, le miracle a plutôt servi l'heureux négociateur -, cela n'est pas pour nous, car sur ce point nous souhaitons être efficace, un casus belli.

La commission s'est également empressée de remettre en place les GLE. Nous avions insisté sur le côté curieux et indigeste de cette dénomination. Mais victoire ! Notre rapporteur a eu l'heureuse inspiration de les rebaptiser

«

SOLE ». Nous connaissions déjà la savoureuse sole meunière, nous aurons désormais « la SOLE douyère ».

(Rires sur divers bancs.)

M. Alain Bocquet.

Jégou à l'Académie !

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais je doute de son excellence. D'ailleurs, cela n'a malheureusement rien changé au fond, et ces «

SOLE » vous colleront peut-être à la peau, monsieur Douyère !

M. Dominique Baert, rapporteur.

Gare aux arêtes ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous n'avons pas pallié les défauts de ces SOLE qui, comme je le disais à l'instant, restent inutiles et complexes, voire désastreuses pour la vente des parts de caisses d'épargne.

Je ne reviendrai pas sur tous les arguments que j'avais développés en première lecture sur cette véritable usine à gaz, me contentant de revenir sur le fait que ces SOLE, même si le problème de l'information des futurs sociétaires a été partiellement réglé, sont toujours contraires au droit coopératif : elles ont la propriété de la totalité, au lieu de 49 %, des parts « caisses d'épargne » sans être clients de ces caisses. Elles rendront difficile, voire impossible une distribution équitable des dividendes, mais cela n'a pas, pour l'instant, l'air de faire partie des préoccupations de votre majorité.

M. Christian Cuvilliez.

Ce n'est pas le problème numéro un !

M. Jean-Jacques Jégou.

De même, les participations croisées seront toujours impossibles. Le groupe UDF continuera donc à se battre contre la mise en place des SOLE.

Il y a un autre élément sur lequel je voudrais particulièrement insister, monsieur le ministre : la participation possible des caisses d'épargne européennes au capital de l'Ecureuil. Certes, M. le rapporteur nous a indiqué que cette participation était possible. Je pense que, à la faveur de cette nouvelle lecture, nous pourrions nous mettre d'accord sur un amendement qui, malheureusement, a été rejeté un peu vite par la commission. Or cet amendement n'est pas plus toxique que celui sur le livret A, bien au contraire. Je souhaite avoir des assurances à cet égard car je suis persuadé que l'amendement pourrait être adopté.

Un autre problème persiste : le financement des projets d'économie locale et sociale. Si nous pouvons finalement tomber d'accord sur le fait que de tels projets peuvent être financés par les caisses d'épargne - quoique... -, nous ne pouvons décidément pas être d'accord pour les financer en vidant les coffres des caisses d'épargne.

Or tel que l'article a été rédigé en commission des finances, nous risquons d'en prendre le chemin. J'ai proposé un amendement en CMP puis un autre en commission des finances, que M. le rapporteur Douyère a feint de considérer comme identique au premier. Je propose dans cet amendement de fixer un plancher correspondant au tiers des intérêts servis aux coopérateurs et un plafond du montant des intérêts, et de conserver les intérêts des projets et des caisses d'épargne tout en gardant attractives les parts pour les futurs coopérateurs.

Toujours dans l'intérêt de nos coopérateurs et dans la mesure où le système SOLE restera, il faudra veiller à ne pas diminuer les dividendes des sociétaires. En fait, il faudra éviter une double imposition des résultats. Les SOLE, telles qu'elles sont aujourd'hui, ne le permettent pas. Il semble que la mise en place d'un système « mère-filles » serait un moyen peu onéreux pour l'Etat et salvateur pour les caisses d'épargne comme pour les coopérateurs.

Je le proposerai également lors de la discussion de l'article 8. La commission des finances m'a suivi et l'a d'ores et déjà accepté. J'espère qu'il en sera de même en séance publique aujourd'hui.

Reste la détermination du capital initial des caisses d'épargne. Là encore, le texte du Sénat me semblait équilibré, même si le délai de huit ans pour la vente des parts était un combat perdu d'avance. Nous en débattrons certainement longuement lors de l'examen de l'article 21. Si l'article 1er ne représentait pas un casus belli, ce point pourrait peut-être en être un pour nous. Mais j'ai cru comprendre que le Gouvernement et le rapporteur avaient des propositions à faire.

Au passage, je tiens à souligner le sens du détail de notre ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, repris par notre rapporteur. Tous deux soulignent que « la mutualisation des caisses d'épargne ne peut s'apparenter à une privatisation, puisque le produit n'ira pas dans le budget de l'Etat ». Quelle ironie ! Mais je comprends pourquoi vous avez dit cela...

Je pense que c'est le même sens du détail, monsieur le ministre, qui vous a conduit à si bien négocier avec l'aile gauche de la majorité. Ne fermez pas les yeux, messieurs du Parti communiste : nous assistons bien à une privatisation, que vous le vouliez ou non !


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M. Patrick Malavieille.

Et cela vous chagrine ?

M. Jean-Jacques Jégou.

J'en termine avec les caisses d'épargne. Certes, monsieur le ministre, nous aurions pu faire quelque chose de plus utile, de plus préparé, de plus adapté à la concurrence qui existe aujourd'hui dans le monde bancaire. J'espère, en tout cas nous souhaitons au sein du groupe UDF, que cette réforme sera néanmoins couronnée de succès.

La seconde partie, sur la sécurité financière, n'est pas moins importante que la réforme des caisses d'épargne, ainsi que l'a excellemment dit notre rapporteur. Elle prépare de façon satisfaisante l'avenir de notre système bancaire et financier. A une ou deux exceptions près, cependant. Mais vous vous en seriez certainement douté, monsieur le ministre, et pour l'une d'entre elles, vous savez de quoi je veux parler.

Plusieurs articles importants me semblent devoir être encore débattus ici, à commencer par le fameux article 37.

Les discussions que nous avons avec le système mutualiste semblent montrer qu'il est possible de s'entendre. Aujourd'hui, avec le lancement de la privatisation du Crédit lyonnais, le Crédit agricole est en tête de file. Malgré tout, les mutualistes ne peuvent pas vouloir le beurre et l'argent du beurre. Il faudra les doter d'un système beaucoup plus commun que ce que la suppression de l'article 37 nous contraindra à faire.

Nous ne pouvons pas laisser les choses en l'état. Voulons-nous permettre au mouvement coopératif d'évoluer ? A l'heure où le Crédit agricole prévoit d'acquérir 10 % du Crédit lyonnais, le texte du Sénat, qui propose une faculté de déplafonnement, constitue une première ouverture intéressante. Je souhaite que nous réfléchissions sur un texte commun, car nous pouvons encore nous mettre d'accord.

De même, je reviendrai sur le débat concernant la contribution des institutions financières. Là non plus, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les choses en l'état. A l'heure de l'Europe, la CIF représente une véritable distorsion de concurrence à laquelle, de toute façon, nous serons obligés de mettre fin d'ici à 2002.

Pourquoi ne pas commencer son aménagement ? Je regrette que mon amendement, qui était des plus modérés, n'ait pas pu être retenu en commission des finances.

Enfin, monsieur le ministre, et je vais certainement déclencher un sourire sur vos lèvres, le plus discutable a été ajouté par nos amis sénateurs. Ceux-ci peuvent être quelquefois un peu fatigués, ou s'égarer, ou ne pas discerner la finesse du ministre à des heures vespérales ou postprandiales. (Sourires.)

C'était, je crois, vers dix-sept heures trente, et je fus surpris par notre excellent collègue Marini. Il s'agit bien sûr, de l'indemnité de remboursement anticipé. Certes, le coup est bien joué. Mais si le texte qui est en discussion aujourd'hui est adopté en l'état, nous n'aurons pas fait le chemin que nous pouvions espérer. Comme l'a dit notre rapporteur, il est nécessaire de mener une négociation, une concertation avec des associations de consommateurs et des banquiers.

Et nous ne pouvons pas, au détour d'une affaire quelque peu contestable, en rester là. Alors, monsieur le ministre, foin de la politique ! Rétablissons cet équilibre entre consommateurs et institutionnels. Vous êtes le ministre.

Vous avez la possibilité, et dans ce cas-là le devoir, de nous proposer quelque chose de plus convenable.

En dehors de ces quelques points qui ont été rapidement abordés, cette seconde partie nous paraît satisfaisante.

Ce texte est très attendu, aussi bien par les caisses d'épargne que par la place bancaire et financière française.

Nous ne pouvons donc pas nous permettre d'erreur en la matière. J'ai exprimé les réserves du groupe UDF sur ces sujets.

A ce titre, monsieur le ministre, dans des textes aussi sensibles, aussi techniques quelquefois, mais également politiques, vous devez prendre la partie de l'opposition que je représente pour ce qu'elle doit être : certes une force critique, mais également une force de proposition.

Ecoutez ces propositions pour ce qu'elles sont la sauvegarde minimum des caisses d'épargne, des coopérateurs, des consommateurs et des institutions financières, mais également le passage de la concurrence vers le vingt et unième siècle de notre système bancaire et financier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons aujourd'hui à un moment de vérité. Jamais, en effet, ce projet de loi ne serait venu en deuxième lecture sous cette forme si le groupe communiste n'avait exprimé son opposition la plus totale à ce qu'il fût, sous couvert de modernisation des caisses d'épargne, le point de départ de leur démantèlement.

Cette exception culturelle bancaire allait-elle, comme le souhaitaient les hérauts de l'AFB - et nous venons d'en avoir un représentant à cette tribune - qui siègent à droite de cet hémicycle, et comme le réclamaient les milieux d'affaires, les acharnés du CAC 40, se fondre dans le magma des restructurations gigantesques qui, loin des sentiers battus et balisés de l'Europe, affectent les équilibres du monde ? Allait-elle être préservée des spirales de la spéculation et demeurer un irremplaçable refuge antirisque de l'épargne populaire, de l'épargne de précaution ? Ses missions d'utilité publique et de transformation sociale allaient-elles être affirmées et développées dans le sens d'un progrès humain véritablement partagé être abandonnées ? Alors que des tempêtes se sont déchaînées en Asie et en Amérique latine à partir de bulles financières artificiellement gonflées, au moment où se déclenchent des opérations de captation « inamicales » entre la BNP, Paribas et la Générale, que le Lyonnais va être mis à l'encan sur ordre de Bruxelles, tandis que l'Etat se rembourse une partie des 300 milliards que lui auront coûté les fièvres spéculatives des responsables qu'il avait lui-même commis aux commandes de cet établissement, au moment où la Banque centrale européenne exerce un pouvoir souverain sur la monnaie unique, les taux d'intérêt de référence et les grands équilibres budgétaires des Etats qui forment l'Union européenne, il était juste, il était nécessaire que la gauche plurielle marque d'une empreinte particulière sa relation avec le corps social, dont elle est l'expression politique majoritaire.

Au-delà du statut des établissements et de leurs personnels, de leurs missions, du fonctionnement démocratique des instances de gestion, dont traite le projet de loi sur les caisses d'épargne, c'est bel et bien la question d'un pôle bancaire et financier maintenu dans le secteur public, chargé de missions spécifiques de service public et d'intérêt général, que le groupe communiste a voulu pour, dans le droit fil du débat qu'il avait réclamé et obtenu le 17 février dernier.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Nous vous remercions, monsieur le ministre, de l'avoir compris et d'avoir accepté, non pas comme un compromis de circonstance mais comme une expérience réelle de réorientation du crédit vers l'emploi, la formation et la valeur ajoutée sociale, de reconsidérer l'architecture du projet et d'en modifier les perspectives.

L'importance de l'enjeu que notre détermination a fait peser sur ces orientations fondamentales, vous l'avez mesurée, notamment dans cette lettre que vous avez adressée le 17 mars à Robert Hue après qu'il vous ait interrogé. Il s'agit d'un enjeu politique tout autant qu'économique et financier.

Je sais que les représentants de l'opposition, qui sont aussi les représentants des milieux d'affaires et des

« barons » de la finance ont daubé ou vont dauber, avec leur élégance coutumière, sur ces considérations qu'ils disent subalternes.

En réalité, ils sont profondément ulcérés : cela porte atteinte aux intérêts et aux perspectives qu'ils défendent.

Comme pour les emplois-jeunes, les 35 heures ou la proposition de loi de lutte contre les licenciements que nous voulons soumettre au débat, cela met bien en évidence le peu de cas qu'on fait, sur certains bancs de cet hémicycle, des salariés, des gens de condition modeste, de tous ces petits porteurs de livret A dont l'AFB convoite avec gourmandise le produit global, sans pouvoir même imaginer la portée humaine et profonde de l'épargne réalisée sou par sou.

L es points sur lesquels nous voulions, en nous appuyant sur les analyses pertinentes des syndicats des personnels, obtenir des assurances contre le risque de banalisation et de confiscation des caisses d'épargne étaient les suivants : la confirmation de leur spécificité, exprimée jusqu'à présent dans la notion d'établissement sans but lucratif ; le maintien de la spécificité du livret A comme instrument essentiel du financement du logement social et de la protection de l'épargne populaire ; la garantie des droits sociaux et syndicaux acquis pour les personnels ; la diffusion la plus large des parts sociales mises en vente auprès des épargnants modestes et la participation effective de ceux-ci à la gestion des GLE, devenus SOLE depuis, sur le principe : un sociétaire égale une voix.

Dès la première lecture, un nombre significatif d'amendements déposés au nom de notre groupe par Daniel Feurtet et Jean-Pierre Brard ont été retenus.

Les missions d'intérêt général des caisses d'épargne ont été précisées et étendues. Sans doute pour la première fo is dans l'histoire bancaire les missions d'intéret général ont été consacrées par la loi, notamment pour ce qui concerne la protection de l'épargne populaire et le financement du logement social. Lors de la discussion, elles ont été étendues à « l'amélioration du développement économique local et régional et à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale ». Et pour que ces dispositions ne restent pas lettre morte, le texte prévoit l'affectation obligatoire du tiers des résultats des caisses à ces missions d'intérêt général ainsi définies.

Mais Jean Vila, dans son intervention du 3 mars dernier, faisait plusieurs observations sur le « but non lucratif », dont chacun comprend qu'il s'agit là du caractère spécifique d'un statut préservant le réseau de la spéculation externe et l'empêchant de se livrer à des opérations de spéculation hasardeuses ; sur la spécificité du livret A, notamment pour mettre à disposition du logement social des ressources échappant aux seules contraintes des marchés financiers ; sur le statut des personnels, ces trois points formant le « volet défensif » de notre demande.

Quant à la constitution en grandeur réelle d'un pôle bancaire public ou expressément assigné à des missions de service public, apte à démontrer que le crédit peut être un levier pour l'emploi et la formation plutôt qu'un accélérateur de mouvements financiers erratiques et parasitaires, elle constitue le « volet offensif » de nos propositions. Pour que notre opposition tombe, il fallait que la loi comportât explicitement ces clauses.

Ce sera, je l'espère, en partie chose faite quand l'Assemblée aura, dans le respect de la diversité et de la convergence de sa majorité plurielle, adopté nos derniers amendements, y compris celui portant création d'un haut conseil du secteur public bancaire par adjonction aux lois de nationalisation de février 1982.

Cet amendement pose expressément, comme dans l'exposé des motifs que le Gouvernement vient de peaufiner, l'existence d'un groupe associant la Caisse des dépôts et consignations, les caisses d'épargne, la Caisse nationale de prévoyance, La Poste, la BDPME - et pourquoi pas demain le Crédit foncier ? - placés sous le contrôle d'un haut conseil. Il rappelle, et je suis sûr que l'opposition sera sensible à l'ironie de la situation, l'existence des lois de 1982 dont on ferait bien de réveiller, au-delà du souvenir, les applications très actuelles quand elles sont quelque peu « engourdies ».

Monsieur le ministre, nous sommes décidés à ne plus nous opposer à ce projet de loi réformant le statut et les missions des caisses d'épargne et à vous témoigner la confiance que nous gardons dans la dimension résolument sociale de la politique du Gouvernement en matière d'économie et de finances. Mais nous déplorons que cette politique soit corsetée et mutilée par les directives qui résultent des traités de l'Union européenne. Nous craigons même, parfois, que ceux-ci ne servent de paravent à des politiques nationales librement consenties visant, en l'occurrence, à la banalisation - dont M. Jégou a, d'ailleurs, évoqué la perspective - de tout le dispositif bancaire et financier.

Nous resterions donc en état de vigilance et de résistance si, à la lumière des débats qui vont suivre ou des événements qui vont survenir, notre attente était contrariée. Par exemple si la suppression ou la fermeture de filiales ou de succursales des caisses d'épargne, dans telle ou telle région, comme on l'entend dire en Rhône-Alpes, notamment en zone urbaine sensible ou en zone rurale, était confirmée ; si une prise de contrôle du pilotage du réseau par des investisseurs institutionnels enclins à pervertir l'esprit de la loi avait lieu ; si, au nom de la concurrence et de la compétitivité, les caisses d'épargne, au niveau le plus haut, entraient dans la spirale infernale des suppressions d'emplois ; si, au grand dam des intéressés et en contradiction avec l'esprit de cette loi, des décisions prises par ordonnance venaient en brouiller la lecture, je pense au statut de l'IEDOM sur lequel nous venons à nouveau de vous interroger.

Oui, monsieur le ministre, nous apprécions autrement qu'en première lecture ce texte, parce qu'il a été remanié, alors qu'initialement, il n'aboutissait qu'à un progrès technique ambigu. Nous attendons que le changement de statut des caisses d'épargne apporte un réel progrès social et un réel progrès dans l'utilisation du crédit.

Naturellement, monsieur le ministre, nous serons attentifs à la manière dont vous veillerez, lors de la constitution de son capital initial, à ne pas déséquilibrer ou affaiblir les capacités d'action du réseau par un pré-


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lèvement excessif de l'Etat au nom d'un dette ancienne et quasi mythique. Il serait utile que vous nous rassuriez dès maintenant sur ce point.

Oui, monsieur le ministre, ce texte peut être le signal fort d'une alternative au monothéisme financier libéral actuellement à la mode dans le confort et le conformisme ambiants des cercles d'experts et des clubs de nantis. Il peut constituer une mise en perspective de voies nouvelles pouvant s'ouvrir, d'autres l'ont dit, dans le champ d'une Europe nouvelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau confrontés au projet de loi sur l'épargne et la sécurité financière, obligés de statuer sur une réforme qui va bouleverser l'organisation et le fonctionnement de l'Ecureuil, bien sûr, mais aussi les habitudes de 26 millions de Français titulaires d'un livret A.

Cette réforme de l'organisation du réseau, les caisses d'épargne la réclament aux pouvoirs publics depuis près de deux ans. Tout le monde, dans cette assemblée, s'acc orde aujourd'hui pour reconnaître que leur statut sui generis constituait une gêne manifeste, entravait une éventuelle croissance externe et ne les préparait pas à affronter une environnement concurrentiel de plus en plus mondialisé. La réalisation de l'Union économique et monétaire, l'élargissement du champ d'action des institutions financières et la concurrence effrénée qui en résulte constituent la nouvelle donne des établissements de crédit. Il n'est donc plus question de discuter de l'opportunité de cette réforme.

En revanche, nous ne nous sommes pas mis d'accord sur ses modalités. Car si cette volonté de réforme est unanime, elle ne peut être anodine. Comme l'a affirmé notre collègue sénateur Joël Bourdin, la réforme des caisses d'épargne rencontre un trop large écho dans la population pour être entreprise sans circonspection et sans discernement. Sur un tel sujet, nous devons faire l'économie d'un combat idéologique qui n'a pas sa place dans ce texte. La volonté du Sénat et de l'Assemblée d'arriver à un compromis acceptable était à cet égard manifeste. On aurait même pu croire un temps à la réussite de la commission mixte paritaire.

Malheureusement, le texte revient devant nous en nouvelle lecture. Je m'attarderai donc sur la réforme des caisses, puisque c'est ce volet qui a fait échouer la CMP.

Ce n'est pas la première fois que les caisses d'épargne vont changer de physionomie. Depuis 1983, elles sont devenues des établissements de crédit à caractère général

La loi du 10 juillet 1991 a posé les jalons d'une restructuration profonde qui a fait émerger un groupe de trente et une caisses d'épargne métropolitaines. Mais ces transformations successives s'étaient produites dans un relatif consensus, et les réformes de 1983 et de 1991 avaient réussi parce que les gouvernements avaient recherché l'accord des deux assemblées.

Le dialogue aurait pu être constructif. Il n'aboutira finalement qu'à un dialogue de sourds, où le pragmatisme laissera la place au dogmatisme idéologique.

Le projet initial du Gouvernement était de transformer le réseau des caisses d'épargne en réseau du même type que celui du Crédit agricole. C'était donc une banalisation qu'on nous proposait.

M. Christian Cuvilliez.

Exactement !

M. Marc Laffineur.

Au menu : alignement du statut sur celui des banques coopératives et extension de l'activité d'établissement de crédit.

Mais le texte souffrait d'un vice de fabrication congénital. A force de compromis avec la gauche plurielle, que ce soit lors de la confection du texte ou lors du vote en première lecture, le projet a cristallisé les contradictions de la majorité. Les communistes rêvent d'un grand service public de la banque...

Plusieurs députés du groupe communiste.

Et ils ont raison !

M. Marc Laffineur.

... et le texte accouche d'une banalisation qui autorise la rémunération des sociétaires et qui transforme les caisses en établissements à but lucratif. On ne peut pas faire des caisses d'épargne un second Crédit agricole, rémunérer les sociétaires, généraliser les activit és bancaires classiques, et leur demander en même temps d'être la banque de l'économie sociale.

M. Christian Cuvilliez.

C'est vrai !

M. Marc Laffineur.

Pour remédier à une contradiction plus qu'apparente, l'Assemblée a adopté nombre d'amendements afin de rendre la réforme politiquement acceptable. La redéfinition des missions des caisses d'épargne et l'orientation arbitraire de la répartition des bénéfices sont des compromis accordés aux composantes minoritaires de la majorité. Mais résultat : on ne sait plus trop où la réforme est censée mener les caisses d'épargne.

Assurant à l'origine des missions d'intérêt social, comme la sécurisation de l'épargne populaire, puis le financement du logement social, les caisses d'épargne se sont de plus en plus tournées vers les métiers bancaires.

C'est bien là que réside le problème : leur mission n'est plus lisible. Cette double casquette des caisses est une hypothèque qui pèse sur leur véritable vocation.

La question est pourtant simple : ou bien les caisses d'épargne assurent une stricte mission d'intérêt social, et la banalisation du statut que vous nous proposez n'est pas vraiment nécessaire ; ou bien elles ont vocation à faire concurrence aux banques, et il n'est pas question d'alourdir leur gestion en leur imposant un mode arbitraire de répartition des résultats.

C'est pourquoi l'Assemblée, en première lecture, a dilué les missions des caisses d'épargne au lieu de les clarifier. En ajoutant au financement du logement social et à la protection de l'épargne populaire le financement des projets à caractère environnemental et la lutte contre les exclusions, la majorité a rendu très peu lisible le destin des caisses.

L'alourdissement de leurs missions va à l'encontre de l'intention initiale du projet de réforme. Comment prétendre qu'il faille adapter le futur réseau à la concurrence bancaire internationale et faire peser sur les caisses des contraintes supplémentaires qui les affaibliraient et entraveraient leur essor ? Le texte, tel qu'il était rédigé en première lecture, faisait exactement comme si l'unique vocation des caisses d'épargne était de financer l'économie locale et sociale.

Devant de telles perspectives, comment attirer des souscripteurs ? Les caisses d'épargne ont certes une tradition sociale et populaire et mettent un point d'honneur à financer des actions sociales. Mais elles le font sans qu'aucun texte législatif les y contraigne. C'est sans contrainte qu'elles consacrent 10 % de leurs actions au sport, à la culture et à la lutte contre l'exclusion. Les obliger par la loi à affec-


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ter un tiers de leurs bénéfices au financement de l'économie sociale, c'est leur imposer une contrainte sans équiv alent dans le monde bancaire. Un établissement financier qui tient à se placer convenablement par rapport à ses concurrents doit rémunérer correctement ses porteurs de parts sociales, et ne surtout pas établir une répartition arbitraire des résultats.

Par ailleurs, le délai de souscription des parts sociales est trop court, ce qui témoigne d'un dispositif de transition brutal. Mettre sur le marché 18,8 milliards de francs de parts sociales, puis trouver des souscripteurs dans les quatre ans relève d'un exercice périlleux. D'autant que l'Etat ne prend aucun risque : quoi qu'il arrive, que toutes les parts sociales soient ou non souscrites, il récupérera 18,8 milliards de francs dans quatre ans. Cela veut dire que si toutes les parts sociales ne sont pas souscrites, les caisses d'épargne payeront la différence de leur poche.

Comment l'Etat a-t-il fixé ce chiffre de 18,8 milliards de francs ? En se référant aux dotations statutaires des caisses. Mais ces dotations statutaires qu'elles constituent sont dues aux hasards d'arbitrages locaux de nature plus comptable que juridique. Elles ne sont pas comparables au capital social des entreprises.

Nous avions vivement combattu ces dispositions en première lecture, estimant, comme nos collègues sénateurs, que la fixation du capital social était tout à fait arbitraire. Plutôt que de déterminer un chiffre arbitraire, ils ont trouvé un dispositif astucieux : le montant initial du capital des caisses d'épargne ne pourrait dépasser un certain plafond, évalué par référence à la moyenne des ratios capital social - fonds propres des autres réseaux bancaires coopératifs.

Surtout, c'est la tutelle de l'Etat qui n'a pas disparu.

En fait, le texte du projet de loi n'y fait que très peu allusion, ce qui vous permet, monsieur le ministre, de tenir un discours différent à chacun de vos interlocuteurs.

Constituer le grand pôle financier public cher aux communistes, rien ne vous interdit de soutenir que tel est votre projet, puisque la Caisse des dépôts et consignations conservera sa place dans le futur réseau. Permettre aux caisses de s'adapter à leur futur environnement bancaire, vous êtes fondés à dire que la réorganisation du réseau façon Crédit agricole y contribue. Faire des caisses le pilier du financement d'une économie sociale étatisée, agrémentée de soupçons de projets environnementaux, vous pouvez également affirmer que vous en avez l'intention.

Ce texte creux et mal ficelé de la première lecture, que vous vous proposez de nous resservir, ne mécontente personne mais ne répond pas au véritable objet de cette réforme. Peut-on vraiment préparer les caisses d'épargne à la concurrence en inscrivant dans le texte de loi des dispositifs qui constituent une résurgence de l'ère des nationalisations ou de l'économie administrée ? Nous nous sommes opposés à ces dispositions en première lecture, nous nous y opposerons encore.

Les caisses d'épargne sont aujourd'hui un réseau en pleine expansion, comme en témoignent la prise de participation du réseau au capital de trois filiales étrangères ou l'acquisition de 6 % du capital de la Caisse d'épargne de Gênes. Le pari est également réussi pour la diversification des activités d'épargne et de crédit : le groupe est aujourd'hui le deuxième établissement financier français pour les dépôts et placements gérés.

Pourtant, un réseau bancaire comme l'Ecureuil, qui se situe au douzième rang des banques européennes en termes de réseau, n'arrive qu'au soixante-dix-huitième rang européen pour la rentabilité des fonds propres. Cetter éforme avait pour but d'améliorer une rentabilité médiocre. Je ne crois pas qu'alourdir les missions des caisses d'épargne et fixer une répartition arbitraire des résultats soient les meilleurs moyens d'y parvenir.

A cause d'une trop forte présence de l'Etat et du dogmatisme de la majorité, qui interdit toute vraie réforme, les caisses d'épargne manqueront tous les rendez-vous du

XXIe siècle. Par ailleurs, aucun dispositif permettant la conclusion d'alliances ou de partenariats n'est prévu.

Nos collègues sénateurs ont effectué un travail louable de clarification et de pragmatisme tout en respectant l'identité des caisses d'épargne. Mais la majorité s'est opposée au dialogue républicain, plus par dogmatisme que par réelle volonté d'avancer. Vous comprendrez que, dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale vote contre ce texte.

M. Christian Cabal.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est au hasard des appels à la tribune que je dois de succéder à ce que je tiens pour l'une des présentations les plus archétypiques du libéralisme le plus débridé. Il est d'ailleurs dommage que M. Laffineur ne se soit pas rendu, il y a quelques jours, à la journée organisée par la commission des finances et son président sur les vertus de la régulation bancaire. Il aurait pu y entendre même certains banquiers se montrer plus prudents que lui sur la question des risques au niveau mondial, notamment dans des systèmes très libéralisés.

M'exprimant au nom du groupe socialiste, je soulignerai d'abord qu'en décidant en première lecture de transformer le réseau de l'Ecureuil en banque coopérative, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont opté pour le rattachement au secteur ccopératif, très puissant en Europe continentale, plutôt que de s'engager sur les voies hasardeuses de la banalisation. Le choix ainsi opéré il y a trois mois était à l'évidence équilibré, pragmatique et je dirai même visionnaire au regard des bouleversements intervenus depuis trois mois dans le paysage bancaire français. Si le Gouvernement et l'Assemblée avaient préféré la banalisation, étant donné l'instabilité des valeurs bancaires, quel aurait été l'accueil réservé par les marchés financiers aux caisses d'épargne ? A l'inverse de l'option pour les marchés et leurs comportements souvent irrationnels, le choix de la majorité a été celui de la consolidation maîtrisée, graduelle et volontariste pour les caisses d'épargne, le marché des obligations foncières et la supervision des banques et des assurances.

De ce point de vue, il n'est pas choquant d'assurer aux caisses d'épargne toutes les garanties de réussite pour leur réforme et leur développement futur, ni de leur accorder des moyens similaires à ceux du secteur mutualiste.

L'ambition de ce projet consiste bien à prouver que l'efficacité financière, à la portée des caisses d'épargne si l'on se réfère aux résultats très prometteurs de 1998, sera compatible avec les missions d'intérêt général confiées au réseau.

Mes chers collègues, j'ai la conviction qu'avec ce projet de loi nous avons posé les jalons des lois-cadres à venir pour le secteur bancaire dans le contexte très particulier de la globalisation financière.


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Cette méthode, pour être efficace, doit s'appuyer sur plusieurs piliers, l'ensemble formant un tout cohérent. Il faut simultanément : Premièrement, modifier les structures de la concurrence ; Deuxièmement, assurer aux épargnants et aux déposants une meilleure protection vis-à-vis de la sanction des marchés, en cas de liquidation des banques et des assurances ; Troisièmement, modifier, autant que faire se peut, le statut des intermédiaires financiers pour organiser la concurrence, sans doute une à deux fois par décennie, et c'est ce qui nous est proposé pour les caisses d'épargne et les sociétés de crédit foncier ; Quatrièmement, enfin, donner aux régulateurs de banques et d'assurances toute latitude pour effectuer leur mission et améliorer leur coordination. De ce point de vue, le Sénat a contribué, en adoptant les articles 41 bis et 41 terdecies à accélérer la transposition, en France, de la directive communautaire de juin 1995, dite « directive post

BCCI ».

Je souhaite appeler l'attention de mes collègues sur la nécessité de légiférer le plus sereinement possible, en se ménageant un temps de discussion et de réflexion correspondant aux enjeux du moment. Etant donné que l'arrière-plan financier de la réforme ne cesse de se transformer, il n'est pas inutile que cette deuxième lecture nous permette de prolonger nos débats.

Le paysage bancaire français est-il identique à ce qu'il était lors de la discussion à l'Assemblée au mois de mars dernier ?

M. Christian Cuvilliez.

Non !

M. Jean-Pierre Balligand.

On peut répondre non, en effet, ne serait-ce que parce que les comportements des différents acteurs du monde bancaire ont profondément changé, et à un rythme très rapide.

La mutualisation n'est pas une privatisation : je l'avais dit en première lecture et je l'ai confirmé aux syndicats au nom du groupe socialiste. Et compte tenu de l'ampleur et de la rapidité des évolutions, ce choix, je crois pouvoir le dire, est perçu globalement par tout le monde comme réaliste, sécurisant et stabilisant pour le réseau des caisses d'épargne.

En se transformant en banque coopérative, les caisses d'épargne vont rejoindre le secteur mutualiste européen, très puissant en Europe continentale puisqu'il représente de 50 à 60 % du marché bancaire européen. La France n'échappe pas à cette tendance ; le secteur mutualiste y récolte désormais près de la moitié des dépôts, avec des établissements coopératifs comme le Crédit Agricole, qui distribue plus de 18 % des crédits et recueille près de 22 % des dépôts, et les caisses d'épargne, qui parviennent à faire jeu égal avec le Crédit Mutuel et le CIC, en rassemblant près de 12 % des dépôts. La sélection du Crédit Agricole parmi les actionnaires stables du Crédit lyonnais conforte notre idée que le secteur mutualiste et coopératif constitue une base stable et solide de consolidation d'une partie non négligeable du secteur bancaire français.

Si tout le monde, Sénat compris, a finalement reconnu l'actualité du statut mutualiste, notamment en raison des protections qu'il assure face aux OPA, la démarche de l'Assemblée a, dès l'origine, consisté à inscrire dans la durée la réussite de la mutualisation des caisses d'épargne.

Cette deuxième lecture s'avère nécessaire étant donné la mutation extrêmement rapide, certains diraient à marche forcée, du secteur bancaire français, certes, mais surtout européen. Il faut être conscient que le secteur mutualiste européen sera amené, en Allemagne avec les Landesbanken, ou en Angleterre avec les building societies, à se repositionner et à chercher de nouvelles alliances en Europe. Mais, pour cela, les secteurs mutualistes européens et français ont besoin de stabilité à moyen terme, stabilité rendue nécessaire par l'accélération des fusions et acquisitions propres au secteur concurrentiel.

Dans un souci de prudence et de stabilité, il ne nous a pas semblé utile de modifier l'économie générale d'un projet qui répond à la fois aux défis de court terme et aux défis à venir. Le texte de l'Assemblée assure également un équilibre d'ensemble entre les missions d'intérêt général et la mutualisation progressive. Il n'aurait pas été cohérent de préciser ces missions à l'article 1er si un effort n'avait été demandé en retour pour le capital social des caisses d'épargne : de ce point de vue, je crois pouvoir dire, après M. le rapporteur et M. le ministre, qu'un point d'équilibre stable a été finalement trouvé et que l'amendement à l'article 24 ramenant le capital initial de 18,9 à 15,9 milliards de francs répond de manière satisfaisante aux demandes formulées à cet égard.

Par ailleurs, il ne nous a pas semblé opportun de faciliter une quelconque démutualisation du secteur coopératif.

Au total, j'ai le sentiment que l'équilibre du texte adopté en première lecture est un gage précieux pour le devenir du groupe des caisses d'épargne. N'oublions pas que nous ne faisons qu'entrer dans une phase de profonde recomposition du secteur bancaire français, dont nous ne maîtrisons que marginalement le rythme. Pour cette raison, le secteur coopératif français doit être tenu à l'écart des effets non contrôlés des fusions et acquisitions du secteur bancaire.

Pour conclure, je tiens à réaffirmer au nom du groupe socialiste que le rattachement des caisses d'épargne au secteur mutualiste européen est un atout incontestable pour le groupe Ecureuil. La preuve en est que la seule banque non publique aujourd'hui créditée du très rare triple A par les agences de notation internationale est une banque coopérative, en l'occurrence la banque néerlandaise Rabobank. Aucune autre banque privée n'a obtenu le triple A.

Bien entendu, une banque publique comme la Caisse des dépôts peut s'en prévaloir, mais c'est un autre débat.

Les caisses d'épargne trouveront à moyen terme, grâce à leur partenariat avec la Caisse des dépôts et, au-delà, au sein du secteur coopératif européen, des opportunités pour mettre en oeuvre des coopérations.

Mes chers collègues, ce projet de loi est manifestement un texte ambitieux pour la stabilité du secteur bancaire français, et pour le réseau des caisses d'épargne en particulier. De sa réussite dépendra l'amélioration des conditions de financement du développement et de la croissance durable en France, que nous nous efforçons - et vous en particulier, monsieur le ministre de l'économie et des finances - de faciliter depuis maintenant deux ans.

Les réformes proposées par des majorités de gauche ont souvent obtenu un assentiment fort de la part des assemblées. Malgré les efforts de la commission des finances et de nos rapporteurs, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à surmonter ses désaccords. Mais je suis convaincu qu'à l'occasion de cette nouvelle lecture, il est possible d'avancer sur quelques-unes de ses propositions et d'aboutir ainsi à un texte équilibré renforçant la tendance qui s'était déjà manifestée en première lecture au mois de mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

M. le président.

La parole est à M. Christian Cabal.

M. Christian Cabal.

Cette nouvelle lecture, monsieur le ministre, événement supplémentaire dans la chronologie d'un débat, ne sera pas pour nous l'occasion de répéter les arguments que Michel Inchauspé, Yves Deniaud et moi-même avions développés lors de la première. A ce stade de la procédure, il convient en effet d'aboutir dans d es délais relativement rapides - à cet égard, je comprends votre souci - sans pour autant que la discussion soit expéditive.

L'objectif est donc de définir le nouveau statut des caisses d'épargne sur lequel certains d'entre nous travaillent depuis une quinzaine d'années. Certes nous ne saurions prétendre atteindre à la perfection mais nous devons viser au moins une situation stable, pérenne pour un nombre d'années appréciable, permettant de positionner le réseau des caisses d'épargne dans le paysage bancaire non seulement français mais aussi européen, car c'est à ce niveau que les évolutions ont été le plus sensibles.

Dans ce secteur, la situation des banques privées est claire et celle des sociétés mutualistes est aussi relativement bien définie. On aurait donc pu imaginer que le nouveau statut du réseau des caisses d'épargne les situerait dans le concept banal des réseaux coopératif et mutualiste. Or tel n'est pas tout à fait le cas, peut-être d'ailleurs à juste titre. Cela méritait discussion, réflexion et propositions.

Cela étant, ce particularisme des caisses d'épargne, auquel les déposants et les élus sont sensibles, a donné lieu, dans les faits, non pas à une approche que je qualifierais de technique, mais, surtout, à des discussions internes à la majorité plurielle. Je reviendrai sur les procédures que nous avons suivies, mais, comme Jean-Jacques Jégou et d'autres orateurs l'ont souligné, je regrette que, malgré les discussions ouvertes à toutes les composantes tant de la majorité plurielle que de l'opposition nous n'ayons pu conclure, après les débats en première lecture dans chaque assemblée, puis l'examen en commission mixte paritaire, dans des conditions s'apparentant à un assez large consensus. En effet, ainsi que M. Marc Laffineur l'a rappelé, ce statut des caisses d'épargne ne doit pas être l'objet d'une guerre de religion, d'une rupture politique ou, a fortiori , politicienne.

Or tel ne sera pas le cas, à l'évidence pour des raisons qui, dépassant le simple sujet de la réforme des caisses d'épargne, sont vraisemblablement liées à une échéance électorale prochaine. S'il est supportable, logique et légitime que se déroulent des discussions internes à une majorité, on peut s'étonner que soit intervenu, dans des conditions qui ont surpris, un modus vivendi comme celui auquel vous semblez avoir abouti dans la majorité plurielle. A cet égard, j'attendais de M. Cuvilliez une réponse à une question qui me hante et me harcèle : comment et sur quelles bases objectives réelles autre que des questions sémantiques et d'approche - j'allais dire de superficialité - lui et ses amis sont-ils passés, entre les deux lectures, d'une opposition assez ferme, même si elle s'est traduite par une abstention, à un vote positif ?

M. Alain Bocquet.

Ce n'est pas encore sûr !

M. Philippe Auberger.

C'est la flexibilité, la ductilité du PC !

M. Christian Cabal.

Puisque vous maintenez le suspens, monsieur le président du groupe, je demeurerai encore plus attentif.

En tout cas, permettez-moi de rendre hommage au ministre qui a su manager cette discussion avec efficacité pour aboutir à un accord sans, me semble-t-il, changer profondément l'économie du texte.

M. Christian Cuvilliez.

Vous allez donc le voter ?

M. Philippe Auberger.

Il les a roulés dans la farine !

M. Christian Cabal.

A propos de ce texte, le docteur Cabal dira que le docteur Douyère, appelé au chevet des caisses d'épargne, a rédigé une ordonnance qui prend en compte les maux dont elles souffraient et permet de fortifier ces organismes. Le professeur Strauss-Kahn y a ajouté une pincée de son remède afin qu'elles puissent aborder l'avenir avec davantage de cohérence encore.

Néanmoins - à cet égard je marque une réserve - cela s'est fait dans des conditions qui n'ont pas toujours été d'une grande transparence et sans que le consensus nécessaire, notamment dans le réseau, au sein des personnels et dans cette assemblée, ait été recherché, ce qui nous empêche d'adhérer à vos propositions et de nous engager dans la direction que vous proposez.

Par conséquent, si je dois rendre hommage à votre habileté, monsieur le ministre, force est de reconnaître qu'elle a surtout été tactique et qu'elle n'a pas réellement servi l'objectif pourtant bien défini lors des discussions qui ont présidé à l'élaboration des lois précédentes : mettre les caisses d'épargne en orbite. A cet égard permettez-moi une comparaison inspirée par le prochain Salon de l'espace au Bourget.

Le satellite caisses d'épargne devait être mis en position opportune par une fusée à trois étages. Le premier, la loi de 1983, a permis de le faire décoller dans de bonnes conditions, avec l'assentiment général. La fusée a bien fonctionné. Avec le deuxième étage, la loi de 1990, nous nous sommes affranchis de l'attraction terrestre, ce qui a permis au réseau de devenir une grande banque, grâce à une nouvelle structure modernisée. A présent, le troisième étage commence à fonctionner, mais j'ai quelques doutes sur la finesse de son pilotage et sur sa capacité à mettre les caisses d'épargne sur une orbite conforme aux objectifs visés.

En effet, la satellisation est problématique parce que l'on n'a pas bien défini les paramètres de cette orbite.

Nous allons avoir un statut mixte, voire bâtard, avec nombre d'insuffisances. Il risque de plomber le développement et de faire retomber les caisses d'épargne, car la concurrence satellitaire est féroce. Dans les prochaines années, tous les réseaux seront en situation de concurrence aiguë et tous ne pourront survivre. Or je pense que nous sommes tous convaincus de l'impérieuse nécessité de voir les caisses d'épargne jouer leur rôle, tout leur rôle et ne pas disparaître.

Quelles conditions statutaires considérons-nous encore comme imparfaites ? Jusqu'à la réunion que la commission a tenue en application de l'article 88 du règlement au début de l'aprèsmidi, nous considérions - et nous considérons d'ailleurs toujours - que le niveau des dotations statutaires de parts sociales est trop élevé. Tout le monde l'a reconnu, à l'Assemblée comme au Sénat, et la CMP semblait évoluer favorablement sur ce sujet. Finalement, nous sommes saisis d'un amendement curieux qui revient à attendre pour voir comment cela va se passer. On peut estimer qu'il s'agit de pragmatisme, mais si l'on veut légiférer dans un tel état d'esprit encore faut-il avoir des objectifs clairement définis. Or personne n'est capable de dire quel sera


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

le plancher retenu. On a parlé de 18,9 millions de francs, de 15,9, de 16,9 ; les chiffres énoncés varient en fonction des réactions.

Tout cela est bien flou, alors qu'il serait préférable que l'on donne aux caisses d'épargne le niveau des dotations statutaires, étant entendu que le plancher ne devrait pas être trop élevé, plutôt que des marges de fluctuation. Il faut d'ailleurs reconnaître que ce texte comporte beaucoup trop de marges ! Compte tenu de ce changement, la question du délai s'inscrit dans cette même logique du flou. Je sais bien que les physiciens modernes aiment beaucoup ce genre de logique, mais j'espère que tel n'est pas le cas des banquiers, des financiers et des parlementaires ! Pour ce qui est des modalités financières de fixation du dividende social, les discussions quelque peu sibyllines sur les planchers, les plafonds, les pourcentages m'apparaissent absconses, presque ubuesques. Laissons plutôt les caisses d'épargne vivre ! Laissons chacune d'elles définir de façon autonome et indépendante, en fonction du revenu net bancaire, les moyens financiers nécessaires pour distribuer le dividende social sans les encadrer d'une façon aussi rigide, aussi contraignante, ce qui peut s'avérer extrêmement dangereux pour la gestion à moyen terme des caisses.

En la matière, monsieur le rapporteur, vous avez apporté une possibilité d'aménagement quant au plafonnement à 51 % ou 60 % des parts non apportées par les caisses. Mais pourquoi vouloir attendre plusieurs mois, peut-être pour estimer que ce taux est trop élevé et le redescendre ? Là encore, le réseau souhaiterait que le ratio soit fixé.

Agissez-vous ainsi pour ne pas choquer la Caisse de dépôts ? Peut-être, mais il serait préférable de définir un pourcentage précis pour les investisseurs autres que le réseau.

Telles sont les exigences statutaires qui ne nous satisfont pas.

Les exigences de la clientèle et du personnel sont d'ailleurs étroitement liées. Or, dans ce domaine aussi, on fait l'impasse un peu rapidement, même si l'on est revenu sur quelques dispositions statutaires.

Les critères retenus nous inquiètent, car ils s'apparentent aux ratios de solvabilité et de résultat des réseaux bancaires privés, comme en témoignent les contraintes que l'on impose aux caisses et le rappel régulier de l'ampleur du coefficient d'exploitation, comme s'il s'agissait d'une tare du réseau des caisses d'épargne ! Ainsi, - notre collègue M. Cuvilliez l'a justement souligné - il est de plus en plus question de fermetures d'agences, de rétrécissement du réseau, de décisions de gestion, toutes mesures qui s'opposeront à la vocation sociale essentielle des caisses que favorise leur maillage dense du territoire grâce à un volume de personnel - que je ne qualifie pas de surabondant - qui permet de répondre aux besoins d'une clientèle souvent très spécifique, en particulier des personnes âgées auxquelles il faut donner davantage d'explications qu'aux « tycoons » de la finance moderne.

Dans ces conditions, l'exigence de résultats qui conditionnera les carrières des agents risque de gêner la réelle vocation sociale des caisses.

Tels sont les principaux points sur lesquels nous avons des différences sensibles d'appréciation. Alors que les dispositions adoptées par le Sénat tendaient à les corriger - il a également retenu des apports significatifs sur la partie de la loi relative à la sécurité financière -, ces réserv es persistent. En effet, si les informations que nous avons obtenues aujourd'hui en commission ouvrent une nouvelle perspective, elles sont insuffisantes pour nous permettre d'approuver le texte. Le groupe du RPR ne pourra donc pas le voter en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Aloyse Warhouver.

M. Aloyse Warhouver.

Beaucoup de dirigeants et d'épargnants attendent avec sérénité la réforme du statut des caisses d'épargne. Dans un environnement bancaire européen en pleine mutation, il faut donner à ces dernières les moyens juridiques nécessaires pour lutter contre la concurrence tout en sauvegardant l'identité d'une institution qui, depuis 180 ans, n'a jamais trahi la confiance populaire ni porté atteinte à l'intégrité du système bancaire français alors que d'autres établissements ne se sont pas gênés pour le faire.

L'intérêt du projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, réside dans la double vocation des caisses d'épargne qui pourront développer tant des opérations bancaires usuelles et d'intérêt général que des missions d'acteur social qu'il faudra encore mettre en valeur et renforcer lors de cette nouvelle lecture. L'affectation de la partie de la rémunération des parts sociales à des actions contre l'exclusion ou le chômage et pour la défense de l'environnement constitue une innovation très attendue par les acteurs du développement local. Il faudra y mettre les moyens.

Si, dans l'ensemble, le projet de loi ne soulève plus d'oppositions très vives, les acteurs socio-économiques des trois départements de l'est de la France regrettent malgré tout la disparition du régime du libre emploi d'une partie de la collecte du livret A, davantage pour des raisons culturelles que pour ses conséquences financières. Les dirigeants des caisses espéraient, de la part du Sénat, un rétablissement des dispositions propres aux trois départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Malheureusement, l'article 7 bis qu'il a introduit n'est pas meilleur que l'article 7 initial.

Lors de la séance du 10 mars dernier, vous aviez répondu aux parlementaires alsaciens et mosellans que vous ne pouviez pas laisser établir dans la loi une distorsion de concurrence manifeste qui pourrait ensuite nous être opposée. Nous comprenons bien qu'avec les directives européennes et le suivi des institutions de Bruxelles sur les lois votées, le régime local propre à la région Alsace et au département de Moselle souffrira chaque fois que des textes nouveaux toucheront à notre législation héritée de l'histoire. Mais vous qui connaissez l'attachement des Alsaciens et des Mosellans à leur particularisme, faites en sorte que le régime local de ces trois départements soit généralisé chaque fois qu'il est plus intéressant que le régime général et non le contraire.

L'article 5 soulève également quelques questions collatérales, selon une expression à la mode, quant à la composition des conseils d'orientation et de surveillance.

Ainsi, en ce qui concerne les membres élus par les collectivités territoriales, y aura-t-il des incomptabilités pour les parlementaires qui seraient en même temps conseillers régionaux pour siéger dans les COS ? Les membres élus dans les COS des caisses d'épargne auront-ils la faculté de siéger dans d'autres conseils de surveillance bancaire ? L'article ne le précise pas. Il conviendrait que les dispositions actuelles restent en vigueur. J'espère que vous pourrez nous donner des indications à ce sujet, monsieur le ministre.


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Ma dernière observation concerne la définition du réseau des caisses d'épargne.

A cet égard, il est indispensable de conserver les groupements locaux d'épargne, même si leur dénomination a changé, d'autant que celle de société locale d'épargne me paraît au moins aussi convenable que la précédente. En effet, le statut coopératif suppose l'existence de règles élémentaires de démocratie, donc de gestion de proximité.

La proposition du Sénat de gérer les caisses régionales directement, ou presque, à partir des épargnants de base peut se concevoir dans les grandes villes, mais, dans les territoires très étendus de certaines régions, les sociétés locales d'épargne pourront assurer la gestion de proximité. Elles devraient, grosso modo, équivaloir à un groupement par arrondissement, voire par pays, c'est-à-dire à un espace à taille humaine pour permettre une implication plus forte des groupements dans le développement local.

En conclusion, monsieur le ministre, je voterai le projet de loi avec l'espoir que, désormais, les caisses d'épargne pourront s'impliquer davantage dans la vie locale, y compris dans le tissu rural. La confiance des épargnants est toujours présente. Faisons en sorte que leur argent porte des fruits qui profitent aussi à l'économie des territoires où il est collecté.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vais tenter d'être bref tout en répondant aux principales remarques formulées par les orateurs.

Je tiens d'abord à saluer les propos de M. Douyère, et sa proposition de transformation des GLE en SOLE, dont j'ai compris qu'elle avait eu l'heur de réjouir M. Jégou. Je suppose donc que ce dernier votera l'amendement correspondant.

Le débat sur ce problème des GLE ou des SOLE a montré l'utilité d'une telle structure. J'en veux pour preuve que je ne vois, dans cette nouvelle lecture, aucun amendement qui en conteste l'existence, ce qui n'avait été le cas ni en première lecture à l'Assemblée ni en première lecture au Sénat. Même si cette structure ne présente pas que des avantages - son fonctionnement aura même une certaine lourdeur - la discussion a permis de constater sa nécessité et chacun s'y rallie. On aura d'ailleurs noté que le président du CENSEP y est favorable. Or l'avis des experts sur un tel sujet n'est pas négligeable.

Monsieur Douyère, à propos du capital social, vous avez évoqué le ratio capital sur fonds propres. Comme vous, j'estime qu'il n'a pas obligatoirement une pertinence extraordinaire ainsi qu'en témoigne la différence existant entre le Crédit agricole, dont le rapport capital sur fonds propres est de 22 %, et le Crédit mutuel, où il est de 41 %. Les situations sont si différentes dans le réseau mutualiste tel qu'il existe actuellement que l'on ne peut en tirer une norme automatiquement applicable.

Ce qu'il faut, c'est préserver la solvabilité du système.

Or le ratio de solvabilité, supérieur à 11 %, sera de moitié plus élevé que le ratio moyen des établissements financiers existant aujourd'hui. On ne peut donc pas demander mieux. Malgré tout, le Gouvernement est ouvert à une réflexion sur ce capital social de 18,8 milliards, et nous aurons l'occasion, en discutant votre amendement, de voir quelles modifications peuvent être apportées.

Monsieur Baert, l'article 37, je l'ai déjà reconnu en première lecture, avait été sans doute mal rédigé et mal expliqué. Ne revenons pas là-dessus. Je partage votre souhait de donner à la coopération les moyens de son développement, en cohérence avec les principes mêmes de la coopération, ces fameux principes rappelés au congrès de Manchester en 1995. Le Gouvernement proposera un amendement qui, je l'espère, apportera une solution satisfaisant tout le monde, en permettant une rémunération compatible avec les principes de la mutualité sans entraîner de difficultés dans l'ensemble des structures coopératives.

En ce qui concerne l'arbitrage en matière d'assurance - nous aurons l'occasion d'en discuter quand nous arriverons à cet article - soyez rassuré : le dispositif qui a été prévu ne donne aucun pouvoir bloquant au fonds de garantie. Le dernier mot revient à la commission de contrôle des assurances, donc, dans une certaine mesure, au ministre, dans l'intérêt des assurés. Cet aller-retour n'est qu'une tentative d'obtenir le consensus mais, au bout du compte, c'est bien la commission de contrôle des assurances qui garde le dernier mot. Et point n'est besoin d'expliquer à l'Assemblée nationale l'importance du dernier mot au sortir d'une navette ! Pour ce qui est de la nomination d'un commissaire du gouvernement dans les établissements ayant des missions d'intérêt général, le Gouvernement est d'accord avec votre proposition qui fait un tout, d'ailleurs, avec le Haut conseil du secteur public des établissements financiers.

C'est l'objet d'un des amendements de la commission des finances.

Je remercie M. Cochet pour les positions générales qu'il a prises sur ce texte. Les missions d'intérêt général ont été largement étendues, à l'initiative de son groupe, dès la première lecture. Le retour à un seuil minimum de dividende social devrait le satisfaire. Monsieur Jégou, je ne partage pas votre sentiment que l'échec de la CMP s'est fait sur autre chose que sur des questions lourdes. Lorsque la majorité de l'Assemblée contre la majorité du Sénat refuse la banalisation du livret A, souhaite le rétablissement d'un plancher pour le dividende social et l'abondement du fonds de réserve des retraites, quelle que soit l'opinion que l'on défende, ces questions ne sont pas secondaires.

En revanche, il est une chose à laquelle le Sénat a renoncé en commission mixte paritaire, c'est la suppression des fameux GLE. A moins qu'il ne l'ait fait dans un moment d'égarement, cela montre que nous avons réussi à nous mettre d'accord sur l'idée que c'est utile, même si certains trouvent que c'est bien et d'autres que c'est un peu compliqué.

Vous avez évoqué la participation des caisses d'épargne européennes au niveau régional. J'y vois, pour ma part, un inconvénient : au niveau régional, un investisseur institutionnel pourrait avoir autant de poids tout seul qu'une SOLE représentant 100 000 épargnants. C'est un peu choquant. Néanmoins, vous avez raison, il faut permettre des accords avec les caisses d'épargne allemandes, espagnoles et italiennes. Cela pourra se faire sans difficulté au niveau de la Caisse nationale des caisses d'épargne. Dans ces conditions, je pense que nous arriverons à trouver des modalités satisfaisantes.

Par ailleurs, je suis favorable à votre amendement sur le statut mère-fille, qui est effectivement nécessaire pour permettre au système de fonctionner correctement sans conséquence fiscale.

Vous êtes revenu sur un thème qui a ensuite fait florès chez différents orateurs de l'opposition, à savoir qu'il s'agissait là d'une privatisation. Je ne peux pas vous empêcher d'utiliser les mots que vous voulez, mais il faut tout de même qu'ils aient un sens, sans quoi on ne sait plus de quoi l'on parle. D'abord, les caisses d'épargne


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n'étaient pas possédées par l'Etat ; elles jouissaient, on l'a suffisamment répété, d'un statut sui generis . Ensuite, le produit de la cession des parts de coopérative n'ira pas au budget de l'Etat. Enfin, le statut choisi est celui de coopérateur, qui n'est pas équivalent à celui du secteur privé - sinon, pourquoi la Commission de Bruxelles ferait-elle, depuis des lustres, une telle chasse aux mutualistes s'il n'y avait pas de différence ? On est donc bien loin d'une opération de privatisation ! Sur les IRA, indemnités pour remboursement anticipé, je ne veux pas vous suivre. Dans un moment de génie fulgurant, le Sénat a estimé qu'il fallait avancer sur ce point afin de faciliter la mobilité : je ne peux qu'approuver. La mobilité est un problème important dans notre pays. En permettant à ceux qui ont emprunté pour acheter un bien immobilier de s'en dégager sans avoir à payer de pénalités aux banques, on facilite, la mobilité, et on permet à celui qui a trouvé un travail loin de chez lui de l'accepter.

Ne critique-t-on pas, surtout à droite de cet hémicycle, la rigidité du marché du travail français qui fait qu'un chômeur de Lorraine refuse, par exemple, un emploi en Aquitaine ? Alors, quand les sénateurs, qui ne sont pas réputés les plus gauchistes de la vie politique française, décident d'une procédure facilitant la mobilité et que le Gouvernement s'y rallie, on aurait mauvaise grâce à ne pas vouloir les suivre. Cela n'empêche pas de chercher les meilleures modalités d'application, nous aurons l'occasion d'en rediscuter. Mais, sur le principe, il y a là un progrès, et on ne saurait revenir en arrière. Votre ralliement à cette position de vos collègues sénateurs montrera que vous êtes bien la force de proposition que vous prétendiez tout à l'heure, et que je salue.

M. Cuvilliez a donné un signal fort de l'unité de la majorité et je l'en remercie. Contrairement à ce qu'a dit M. Cabal, les discussions entre le Gouvernement et les différentes parties de sa majorité ne sont pas anormales, au contraire. Et pourquoi se cacher dans des chambres obscures ou derrière des rideaux plutôt que de le faire au vu et au su de tous dans l'Assemblée nationale ? N'est-ce pas une bonne méthode pour faire avancer les textes dans le bon sens ? Qu'entre le texte présenté en première lecture et celui qui sera voté à la fin de cette discussion, il y ait eu des é volutions, c'est normal. A quoi serviraient, sinon, l'Assemblée et la discussion parlementaire, principalement avec la majorité, bien sûr, mais aussi avec l'opposition ? Car vous reconnaîtrez que certains amendements de l'opposition ont été pris en considération ou le seront encore, tout à l'heure.

S'agissant des restructurations, monsieur le député, la précédente équipe du CENCEP avait effectivement lancé une étude sur le maillage du réseau. Des documents techniques ont circulé, révélant que cette étude préconisait des suppressions à tel ou tel endroit. La nouvelle équipe et le Gouvernement ne veulent pas que les choses se passent ainsi. Ils sont très attentifs à l'application de l'idée même de mission d'intérêt général. Or, s'il est un endroit où la mission d'intérêt général a plus de signification qu'ailleurs encore, c'est bien dans les zones sensibles.

Vous avez cité Rhône-Alpes, mais il y en a d'autres. Il est évident que la mission d'intérêt général de soutien du secteur social que les caisses d'épargne doivent assumer, dont nous avons beaucoup discuté en première lecture, doit se traduire par le maintien de ses implantations.

La spécificité des caisses d'épargne, qui a été beaucoup renforcée en première lecture, le sera encore, je pense, par les amendements adoptés par la commission des finances et que le Gouvernement acceptera bien volontiers.

La non-banalisation du livret A correspond à notre politique depuis deux ans. Il n'y a donc pas de changement sur ce point. Quant à l'absence de spéculation sur les parts sociales, il est conforme à l'esprit de la coopération que les parts sociales soient revendues au prix auquel elles ont été achetées afin qu'elles ne soient pas un instrument de spéculation mais bien un instrument de participation à une opération coopérative. Avec le respect des droits sociaux acquis et l'extension des missions d'intérêt général, tout cela forme un « paquet » qui définit bien ce que nous voulons faire, et qui nous est d'ailleurs commun sur tous ces bancs, du moins dans l'esprit. Or si on est d'accord dans l'esprit, on doit pouvoir se mettre d'accord sur la rédaction des amendements.

L'objectif est clair : plus de résultat pour plus de solidarité. Toute la majorité s'accorde là-dessus : il ne s'agit pas d'obtenir des caisses d'épargne un meilleur résultat pour rémunérer mieux les capitaux investis ; il s'agit d'obtenir le résultat le plus élevé possible pour que la solidarité que le réseau des caisses d'épargne met en oeuvre se fasse au niveau le plus élevé possible.

Au reste, s'il n'y avait pas de résultat, il n'y aurait plus de solidarité parce qu'il aurait pas de dividende social. Il faut donc bien que les caisses d'épargne soient efficaces et qu'elles se servent de cette efficacité pour les objectifs que nous leurs avons dévolus.

Tout cela s'inscrit dans le contexte de ce pôle financier public dont j'ai parlé dans mon introduction - je n'y reviens pas - et qui sera très bien concrétisé par l'amendement de M. Cuvilliez à propos du Haut conseil du secteur public des établissements financiers. Voilà qui définit clairement - et cela ressortit au domaine législatif - ce que nous entendons faire de ce pôle qui comprend cinq ou six parmi les plus grands réseaux du pays, je pense à La Poste, aux caisses d'épargne, aux établissements spécialisés comme la Caisse des dépôts, la BDPME, la CNP, ensemble qui mérite, en effet, d'être chapeauté au sein du Haut conseil du secteur public.

Monsieur Laffineur, un lapsus vous a fait dire que la réforme était attendue depuis deux ans. Elle l'est depuis cinq ou six ans au moins ! La précédente majorité en avait établi quelques moutures dont je conviens bien volontiers que j'en ai repris des éléments. Si cette réforme attendue a été repoussée, c'est qu'elle était difficile à mettre en oeuvre. Nous arrivons à son terme, c'est tout à l'honneur de cette législature.

Vous préconisez la banalisation non pas seulement du livret A, mais de l'ensemble du réseau. C'est votre position, ce n'est pas celle de la majorité. Nous ne pensons pas qu'il faille faire du réseau des caisses d'épargne un réseau banalisé, car il a des missions d'intérêt général, ce qui le rend particulier par rapport aux autres, d'où son statut de type coopératif.

Inutile de revenir plus longuement sur cette divergence de fond. Sans trahir votre pensée, je crois que vous êtes persuadé que, pour résister à la financiarisation du monde, il faut se doter du même statut que les autres, et que c'est ainsi que l'on peut nager dans les eaux du large.

Je crois, au contraire, que nous mettrons nos réseaux financiers, notamment les caisses d'épargne qui nous intéressent aujourd'hui, en bonne position pour répondre à la globalisation financière - appelons cela comme on veut -, en les dotant de statuts qui leur sont particulièrement


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avantageux et de règles qui permettent ces statuts. Car il n'y aurait aucune justification à un statut particulier s'il n'y avait pas d'obligations, celles d'intérêt général, en contrepartie.

Je remercie M. Balligand d'avoir résumé rapidement, mais de façon très détaillée, le cadre général dans leque l ce projet s'inscrit, en reprenant à la fois la modernisation du secteur financier qui s'est déroulée depuis deux ans dans notre pays, la mise en oeuvre d'un certain nombre de réformes structurelles que la présente loi, notamment dans sa seconde partie, vient considérablement augm enter, et un troisième volet, la réorientation de l'épargne vers la prise de risques et l'innovation plutôt que vers la rente, comme dans le passé.

Tout cela constitue, en effet, une stratégie d'ensemble que le Gouvernement n'a pas annoncée, en juin 1997, à grand renfort de trompettes, mais qu'il met en oeuvre depuis deux ans et dont on voit maintenant, petit à petit, le dessin se former. Car les réalisations sont là et l'on peut constater le renforcement du secteur mutualiste, d'un côté, celui des droits des épargnants, de l'autre.

Diverses opérations successives ont réorganisé, restructuré le secteur financier. Je suis très reconnaissant à M. Balligand d'avoir retracé ce paysage. Comme il l'a dit, ce qui se passe en ce moment dans le secteur bancaire privé montre combien la remise en ordre de ce sur quoi l'Etat pouvait avoir une influence n'était pas inutile. C'est bien le sens à donner à ce pôle public dont il a déjà été b eaucoup question.

Monsieur Cabal, j'ai un peu exagéré en disant tout à l'heure que vous aviez reproché au Gouvernement de discuter avec sa majorité. Vous avez tout de même stigmatisé ces discussions. Et j'avais d'ailleurs noté à ce moment : « Et alors ? » (Sourires.) Qu'y a-t-il de mieux qu'un Gouvernement qui discute avec sa majorité devant tout le monde ? Au moment du vote en première lecture, j'avais, c'est exact, écrit au président du groupe communiste, qui appartient à la majorité, pour répondre aux questions qu'il se posait sur mes orientations. Cela n'avait rien de secret. Mais certains en ont tiré argument pour changer d'avis et dire qu'ils n'étaient plus d'accord ! Pourquoi ? La conversation est tout à fait normale et tout gouvernement a intérêt à discuter le plus possible avec sa majorité.

Cela dit, monsieur Cabal, ne le prenez pas en mauvaise part, mais le premier objectif du Gouvernement n'est pas de se concilier l'opposition. S'il arrive que l'opposition trouve que le Gouvernement va dans le bon sens, tant mieux ! Personne ne s'en plaindra ! Mais l'objectif du Gouvernement est davantage de trouver un accord avec sa majorité qu'avec l'opposition, même s'il peut y avoir des convergences ! Vous considérez le texte comme imparfait. Sans doute l'est-il de votre point de vue. Selon moi, il est meilleur que lorsqu'il est arrivé à l'Assemblée nationale, et je pense que c'est aussi l'avis de l'ensemble de la majorité.

Comme M. Laffineur, vous n'arrivez pas à sortir d'une contradiction : vous plaidez pour une plus grande banalisation, pour que les caisses d'épargne ressemblent davantage à n'importe quelle autre banque mais, en même temps, vous souhaitez qu'on ne leur demande pas trop de rentabilité sans quoi elles ne pourront pas leurs missions.

Or la banalisation du réseau des caisses d'épargne conduirait à la rentabilité qu'on demande aujourd'hui aux banques privées, qui est de l'ordre de 15 %, ce qui est très élevé. Je ne prétends pas être capable de résoudre cette contradiction. Je vous la laisse donc.

M. Warhouver a beaucoup insisté, à juste raison, sur les caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine. L'article a été voté conforme à l'Assemblée et au Sénat, ce qui me semble garantir que, dans les deux assemblées, les parlementaires ont été convaincus que le Gouvernement compensait correctement la normalisation de la situation.

Et, en effet, il le fait par l'augmentation de la commission versée, par une ligne de crédits ouverte pour compenser le volume de ce qui peut être prêté. J'y ai ajouté au Sénat une autre ligne de financement permettant de maintenir à hauteur le flux des prêts nouveaux.

Ainsi, nous avons presque « surcompensé » les effets négatifs de la mise au statut commun. D'ailleurs, les élus que vous représentez tout comme les professionnels d'Alsace et de Lorraine le reconnaissent, c'est mieux pour tout le monde de ne pas conserver un statut particulier qui aurait posé problème.

Vous avez également soulevé la question des conseillers régionaux. En effet, dans la version antérieure, il n'était pas impossible à ces derniers de siéger dans un conseil d'orientation et de surveillance. Cet article n'a pas été repris dans le texte qui vous est soumis. Il sera donc possible à un conseiller régional, comme à tout citoyen, de siéger dans un COS. Cette limitation n'a plus de raison d'être.

J'ai, trop rapidement sans doute, essayé de répondre à toutes les questions. Nous pourrons, au cours de l'examen des amendements, revenir sur les sujets les plus importants. J'espère que chacun trouvera, dans les efforts que fait le Gouvernement pour tenir compte des propositions parlementaires, une satisfaction suffisante à ses légitimes revendications.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Le réseau des caisses d'épargne remplit des missions d'intérêt général. Il participe à la mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions. Il a en particulier pour objet la promotion et la collecte de l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance, pour satisfaire notamment les besoins collectifs et familiaux. Il contribue à la protection de l'épargne populaire, à la collecte des fonds destinés au financement du logement social, à l'amélioration du développement économique local et régional et à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale.

« Dans les conditions fixées par l'article 6, les caisses d'épargne et de prévoyance utilisent une partie de leurs excédents d'exploitation pour le financement de projets d'économie locale et sociale. »

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 73.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

L'amendement no 2 est présenté par M. Douyère, rapporteur, MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila et Brard ; l'amendement no 73 est présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila, Brard et les membres du groupe communiste et apparentés.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "développement économique local et régional", insérer les mots : ", particulièrement dans le domaine de l'emploi et de la formation,". »

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement no

2.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

C'est une précision.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour défendre l'amendement no

73.

M. Christian Cuvilliez.

Même chose.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2 et 73.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1 et 72.

L'amendement no 1 est présenté par M. Douyère, rapporteur, MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila, Brard et les membres du groupe communiste et apparentés ; l'amendement no 72 est présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila, Brard et les membres du groupe communiste et apparentés.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le premier alinéa de l'article 1er par les mots : "grâce en particulier aux fonds collectés sur le livret A dont la spécificité est maintenue".» La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

1.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit de réaffirmer la spécificité du livret A.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour défendre l'amendement no

72.

M. Christian Cuvilliez.

C'est un point important qui n'avait pas été retenu en première lecture et cela représente un progrès sensible dans la mesure où les missions d'intérêt général, la formation, l'emploi, le logement social, passent par cette spécificité du livret A.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 1 et 72 ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1 et 72.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila, Brard et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 91, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Elles présentent une utilité économique et sociale spécifique au sens du présent article. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Il s'agit d'assurer la spécificité des établissements de caisses d'épargne, dont nous attendons beaucoup. Ils doivent rester à l'écart du réseau banalisé du système bancaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Les caisses d'épargne présentent effectivement une utilité économique et sociale tout à fait spécifique dans le paysage bancaire français.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

91. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Le réseau des caisses d'épargne comprend les caisses d'épargne et de prévoyance, la Caisse nationale des caisses d'épargne et de p révoyance et la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Dans l'article 2, après les mots : "les caisses d'épargne et de prévoyance,", insérer les mots : "les sociétés locales d'épargne,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

J'en ai parlé en présentant mon rapport. Il s'agit de substituer à l'appellation

« groupements locaux d'épargne » l'appellation « sociétés locales d'épargne », c'est-à-dire SOLE en abrégé, ce qui nous paraît plus agréable à l'oreille et plus représentatif de ce que nous souhaitons faire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

3. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Les parts sociales des caisses d'épargne et de prévoyance sont détenues par des sociétaires. Peuvent être sociétaires des caisses d'épargne et de prévoyance les personnes physiques ou morales ayant effectué avec la caisse d'épargne et de prévoyance une des opérations prévues aux articles 1er , 5, 6 et 7 de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, les salariés de cette caisse d'épargne et de prévoyance, les collectivités territoriales et, dans les conditions définies par l'article 3 bis de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée, les autres personnes physiques ou morales mentionnées à cet


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article. Les collectivités territoriales ne peuvent toutefois pas détenir ensemble plus de 10 % du capital de chacune des caisses d'épargne et de prévoyance. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« Les parts sociales des caisses d'épargne et de prévoyance ne peuvent être détenues que par les sociétés locales d'épargne.

« Les statuts des caisses d'épargne et de prévoyance peuvent prévoir que le nombre de voix dont dispose chaque société locale est fonction du nombre de parts dont elle est titulaire. Lorsque la part de capital que détient une société locale d'épargne dans la caisse d'épargne et de prévoyance à laquelle elle est affiliée excède 30 % du total des droits de vote, le nombre de voix qui lui est attribué est réduit à due concurrence. Le pourcentage des voix pouvant globalement être détenues par les sociétés locales d'épargne composées majoritairement de personnes morales ne peut dépasser 49 %. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit de rétablir le texte adopté en première lecture, en substituant à la dénomination « groupements locaux d'épargne » la dénomination « sociétés locales d'épargne ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne disconviens pas que SOLE,...

M. Raymond Douyère, rapporteur.

C'est mieux que

GLE !

M. Jean-Jacques Jégou.

... c'est tout de même mieux que GLE, mais cet amendement me paraît plutôt en SOLE mineur..., sans compter que cela ne change strictement rien. Nous nous étions beaucoup battus sur un sigle imprononçable. Alors va pour les SOLE ! Je ne m'oppose pas à cet amendement, mais je ne le voterai pas.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Tout à l'heure, M. Jégou a fait un jeu de mots qui n'était pas désagréable. Il a dit qu'après les soles meunières, on aurait les SOLE Douyère. Si cette dénomination que j'ai proposée à la commission des finances faisait le tour de l'Europe, je m'estimerais satisfait pour les caisses d'épargne.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, le texte devient l'article 4.

L'amendement no 78 de M. Jégou n'a plus d'objet.

Article 5

M. le président.

« Art.

5. Les caisses d'épargne et de prévoyance sont dirigées par un directoire sous le contrôle d'un conseil de surveillance. Ce dernier prend le nom de conseil d'orientation et de surveillance.

« Le conseil d'orientation et de surveillance est composé de dix-sept membres.

« Il comprend, dans des conditions prévues par les statuts :

« des membres élus directement par les salariés sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance ;

« des membres élus directement par les collectivités territoriales, sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance ;

« des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance. Ne sont pas éligibles à ce titre les collectivités territoriales, ni les salariés de la caisse d'épargne et de prévoyance.

« Dans chaque conseil d'orientation et de surveillance, le nombre des membres élus par les salariés est identique à celui des membres élus par les collectivités territoriales et ne peut être supérieur à trois.

« Les membres du directoire sont proposés par le conseil d'orientation et de surveillance. Le directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance s'assure qu'ils présentent l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate pour cette fonction, et propose leur agrément au conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. Lorsque celui-ci a délivré l'agrément, le conseil d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance procède à la nomination des membres du directoire.

« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 45 de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, l'agrément peut être retiré par le conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, sur proposition de son directoire et après consultation du conseil d'orientation et de surveillance de la caisse d'épargne et de prévoyance concernée. Le retrait d'agrément emporte révocation du mandat de l'intéressé. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« A la fin du cinquième alinéa de l'article 5, substituer aux mots : "de la caisse d'épargne et de prévoyance", les mots : "des sociétés locales d'épargne affiliées à la caisse d'épargne et de prévoyance ;". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Retour au texte adopté par l'Assemblée nationale, en substituant à la dénomination « groupements locaux d'épargne », la dénomination « sociétés locales d'épargne ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

5. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. - Les sommes disponibles après imputation sur le résultat net comptable des versements aux réserves légales et statutaires sont réparties par l'assemblée générale entre l'intérêt servi aux parts sociale s,


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les distributions opérées conformément aux articles 11 bis, 18 et 19 nonies de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée, les mises en réserve et les affectations au financement de projets d'économie locale et sociale. Les sommes mises en réserve doivent représenter au minimum le tiers des sommes disponibles telles que définies au présent article. Cette proportion peut toutefois être augmentée sur décision de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, au vu de la situation financière de la caisse d'épargne et de prévoyance dont il s'agit. Les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale ne peuvent excéder, pour chaque caisse d'épargne et de prévoyance, le montant total de l'intérêt servi aux parts sociales et des distributions effectuées conformément aux articles 11 bis , 18 et 19 nonies de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée.

« Les missions définies à l'article 1er de la présente loi ainsi que les projets d'économie locale et sociale doivent présenter à la fois un intérêt en termes de développement local ou d'aménagement du territoire ou de protection de l'environnement, et un intérêt en termes de développement social ou d'emploi. Chaque caisse d'épargne et de prévoyance tient compte des orientations définies par la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance pour le choix des projets d'économie locale et sociale sur son ressort territorial ou pour apporter sa contribution à des actions régionales ou nationales entreprises par le réseau. Les projets d'économie locale et sociale financés par les caisses d'épargne et de prévoyance font l'objet d'une annexe détaillée au rapport annuel de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. »

M. Jégou a présenté un amendement, no 79, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du premier alinéa de l'article 6 : "Les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale ne peuvent être inférieures au tiers de l'intérêt servi aux parts sociales, ni excéder le montant total de celuici." » La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Cet amendement tend à remettre le plafond proposé par le projet de loi initial, c'est-à-dire le montant total des intérêts servis aux coopérateurs, et un plancher qui assurera un financement minimal pour les projets.

Avec le texte actuel, c'est un peu un robinet ouvert déifnitivement, qui mettrait en cause, comme je l'ai dit t out à l'heure dans mon intervention, les caisses d'épargne. Je propose d'introduire plus de souplesse. Il ne s'agit pas de dénaturer le texte, mais de laisser aux caisses d'épargne la maîtrise du financement et une possibilité d'apprécier la situation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Défavorable car cet amendement est incompatible avec l'amendement no 6 qu'a adopté la commission des finances et qui fixe la plancher du dividende social au tiers des sommes disponibles après la mise en réserve. C'est une meilleure garantie de distribution d'un dividende social, M. Jégou, se calant, lui, sur les sommes servies aux sociétaires. Il me semble qu'il devrait plutôt se rallier à l'amendement de la commission, que j'aurai ainsi défendu, car ce dernier répond plus à ce qu'il souhaite.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Conforme à celui du rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

79. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du premier alinéa de l'article 6 par les mots : "ni être inférieures au tiers des sommes disponibles après la mise en réserve". »

Cet amendement a déjà été soutenu.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no

6. (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7 bis

M. le président.

« Art. 7 bis . - Sans préjudice des dispositions spécifiques qui les régissent, les taux d'intérêt nominaux annuels des comptes d'épargne-logement, des premiers livrets de caisses d'épargne, des comptes spéciaux sur livret du Crédit mutuel, des comptes pour le développement industriel, des comptes sur livrets d'épargne populaire et des plans d'épargne-logement sont révisés semestriellement par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances.

« Les taux d'intérêt nominaux annuels des premiers livrets de caisses d'épargne, des comptes spéciaux sur livret du Crédit mutuel et des comptes pour le développement industriel ne peuvent être inférieurs au taux de l'indice des prix à la consommation majoré d'un point et ne peuvent excéder le taux d'intérêt du marché interbancaire à un mois minoré de 0,5 point.

Un décret détermine les conditions d'application du présent article. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 7 bis »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

L'Assemblée n'a pas souhaité laisser le mécanisme mis en place par le Sénat concernant les taux administrés. Si le ministre met en place une commission pour lui donner un avis, c'est tout de même à l'autorité politique d'avoir l'entière maîtrise du moment où elle décide une montée ou une descente des taux.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 7 bis est supprimé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Avant l'article 8

M. le président.

Le Sénat a supprimé la division et l'intitulé du chapitre III.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Avant l'article 8, rétablir l'intitulé du chapitre III d ans le texte suivant : "Les sociétés locales d'épargne". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit de rétablir l'intitulé du chapitre III qui a été supprimé par le Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Les statuts des caisses d'épargne et de prévoyance prévoient que les sociétaires d'une caisse d'épargne et de prévoyance sont répartis en sections locales d'épargne délibérant séparément, et dont les délégués constituent l'assemblée générale de la caisse d'épargne et de prévoyance. Les sections locales d'épargne doivent rassembler au moins cinq cents sociétaires personnes physiques ou dix sociétaires personnes morales.

Elles ont pour objet de favoriser la détention la plus large du capital des caisses d'épargne et de prévoyance en animant le sociétariat. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez, inscrit sur l'article.

M. Christian Cuvilliez.

La discussion en première lecture du projet de loi a permis de faire apparaître les difficultés liées à une distribution gratuite des parts sociales. Nous avions proposé que chaque déposant puisses ouscrire une part sociale gratuite par tranche de 10 000 francs sur son livret A. Il faut rappeler qu'il y a 28 millions de titulaires de livret A dans les caisses d'épargne sur les 46 millions de livrets que comptent La Poste et les caisses d'épargne. Sur ces 28 millions, la moitié ont un encours inférieur à 1 000 francs.

L'objectif était simple, je l'ai dit tout à l'heure, mais je d éveloppe un peu parce que c'est fondamental : reconnaître aux plus modestes un droit qu'ils ne pourraient exercer au regard de leurs seuls moyens financiers.

L'amendement qui a été adopté en commission participe de la conception générale que nous avons de l'organisation des caisses d'épargne et de leur sociétariat. C'est l'inverse de la définition donnée tout à l'heure par M. Jégou qui, lui, se place résolument à chaque fois dans une logique d'actionnaire.

Le Gouvernement nous a répondu qu'il partageait cette préoccupation, mais que des difficultés se posaient quant à sa mise en oeuvre : le respect du principe constitutionnel de protection de la propriété publique, qui interdit de céder un bien public à un prix inférieur à sa valeur, le respect du principe d'égalité, lui aussi à valeur constitutionnelle, qui interdit la discrimination entre les coopérateurs.

C'est pourquoi nous avons soumis cette nouvelle proposition pour atteindre l'objectif : permettre aux SOLE de proposer aux sociétaires une première part sociale à un pric préférentiel, et j'ai cru comprendre que cela pourrait être 10 francs. Nous permettrions ainsi à chacun de participer largement à la vie du réseau, sans référence aux moyens financiers.

Voilà donc le principe « un sociétaire, une voix » que j'ai évoqué dans la discussion générale.

M. le président.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 87 corrigé, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 8 :

« Les sociétés locales d'épargne sont des sociétés coopératives, soumises aux dispositions de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée sous réserve des dispositions de la présente loi.

« Elles contribuent à l'élaboration, dans le cadre des missions d'intérêt général qui leur sont confiées, des orientations générales de la caisse d'épargne et de prévoyance à laquelle elles sont affiliées. Elles ont également pour objet, dans le cadre de ces orientations générales, de favoriser la détention la plus large du capital de cette caisse d'épargne et de prévoyance en animant le sociétariat.

« Pour faciliter cette détention, les sociétés locales d'épargne sont habilitées à proposer aux sociétaires définis à l'article 9 de la présente loi une première part sociale à un prix préférentiel.

« Les sociétés locales d'épargne ne peuvent faire d'opérations de banque. Elles sont dispensées de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Elles sont affiliées à la caisse d'épargne et de prévoyance dans la circonscription territoriale de laquelle elles exercent leur activité.

« Le niveau de la rémunération des parts sociales détenues par les sociétaires des sociétés locales d'épargne est fixé par l'assemblée générale de la caisse d'épargne et de prévoyance à laquelle ces sociétés locales d'épargne sont affiliées.

« La création d'une société locale d'épargne doit être préalablement approuvée par la caisse d'épargnee t de prévoyance à laquelle la société locale d'épargne est affiliée, ainsi que par la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Nous revenons au texte de l'Assemblée, en substituant à la dénomination

« groupements locaux d'épargne » la dénomination

« sociétés locales » d'épargne et nous avons intégré, pour répondre aux desiderata du groupe communiste, une disposition permettant aux sociétés locales d'épargne de proposer à leurs sociétaires une première part sociale à un prix préférentiel.

J'ai indiqué dans mon intervention qu'une seule part devrait être proposée à un prix très modeste. Je pense que c'est la solution que retiendront les caisses d'épargne.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est un sujet important de notre discussion.

Je vais donc m'y arrêter quelques instants.

Lors de la première lecture, l'idée qu'il était souhaitable que chacun puisse participer à la société coopérative, s'il le souhaitait, a été émise, et certaines propositions visaient à ce que tout détenteur d'un livret A puisse bénéficier d'une part de coopérateur.

Des arguments juridiques on été opposés par le Gouvernement, et je m'étais engagé à ce que, pour la deuxième lecture, une solution soit trouvée, permettant


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

de respecter l'esprit de cette proposition mais avec des modalités qui, elles, ne poseraient pas de problème constitutionnel.

Le Gouvernement a tenu parole, fait la proposition technique qui est reprise par cet amendement, et soutient son vote devant l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 87 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Douyère, rapporteur, et M. Jégou ont présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« I. Compléter l'article 8 par l'alinéa suivant :

« L'ensemble des sociétés locales d'épargne affilié à chaque caisse d'épargne et de prévoyance constitue une seule entité pour l'application de l'article 145 du code général des impôts. »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés à l'article 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Je laisse à M. Jégou le soin de défendre cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Comme nous l'avons indiqué dans la discussion générale, il s'agit de permettre aux SOLE de bénéficier du régime « mère-fille » afin de ne pas pénaliser les coopérateurs. Il risquait, en effet, d'y avoir un impact fiscal sur le montant des distributions aux sociétaires puisque les dividendes donnés aux SOLE seraient taxés, ceux versés aux sociétaires étant réduits d'autant. J'ai cru comprendre que M. le ministre acceptait cet amendement. Pourrait-il aller au-delà et lever le gage ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Je souhaite également, monsieur le ministre, que vous leviez le gage.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement est favorable à l'esprit de cet amendement mais je voudrais encore regarder certains aspects techniques, car ce qui peut être valable pour les caisses d'épargne en raison du caractère extrêmement particulier des sociétés locales d'épargne ne doit en aucune manière constituer un précédent qui pourrait, par contagion, s'étendre à d'autres activités. Je veux donc m'assurer qu'il n'y a aucun élément qui rendrait impossible le confinement aux caisses d'épargne, ce qui risquerait pour le coup de déstabiliser l'ensemble de notre régime « mèrefille ».

Néanmoins, je ne veux en rien revenir sur ce que j'ai dit à M. Jégou. Je vous propose donc de voter cet amendement, mais je me réserve la possibilité d'y revenir au Sénat, si d'aventure apparaissait une impossibilité technique.

Si cette disposition n'est pas adoptée, les dividendes versés par les caisses d'épargne aux sociétés locales tomberont sous le coup d'une fiscalité spécifique, ce qui pose un problème pour le fonctionnement du système. Nous verrons lors de la deuxième lecture au Sénat si l'on peut maintenir l'amendement en l'état. En tout cas, je lève le gage.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 10, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8 dans le texte de l'amendement no 87 corrigé, complété par l'amendement no 10 modifié.

(L'article 8, ainsi rédigé, est adopté.)

Article 9

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 9.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 88, ainsi rédigé :

« Rétablir l'article 9 dans le texte suivant :

« Peuvent être sociétaires d'une société locale d'épargne, dans les conditions prévues par les statuts, les personnes physiques ou personnes morales ayant effectué avec la caisse d'épargne et de prévoyance une des opérations prévues aux articles 1er , 5, 6 et 7 de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, les salariés de cette caisse d'épargne et de prévoyance, les collectivités territoriales et, dans les conditions définies par l'article 3 bis de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée, les autres personnes physiques ou personnes morales mentionnées à cet article. Les collectivités territoriales ne peuvent toutefois pas détenir ensemble plus de 20 % du capital de chacune des sociétés locales d'épargne. »

« Tout sociétaire d'une société locale d'épargne désirant liquider tout ou partie de ses parts sociales dans le cadre des dispositions de l'article 18 de la loi no 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée ne peut les revendre qu'à leur valeur nominale à la société locale d'épargne dont il relève.

« Chaque société locale d'épargne ne peut revendre qu'à leur valeur nominale les parts sociales qui lui sont cédées par les sociétaires. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit de rétablir le texte de l'Assemblée nationale en substituant à la dénomination « groupements locaux d'épargne » la dénomination « sociétés locales d'épargne ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, constituée selon les modalités définies à l'article 26, est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance régie par les articles 118 à 150 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 précitée, dont les caisses d'épargne et de prévoyance détiennent ensemble la majorité au moins du capital et des droits de vote. Elle est un établissement de crédit au sens de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 précitée. Elle est autorisée à fournir les services d'investissement prévus aux articles 4 et 5 de la loi no 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières.


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« Le conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance comprend notamment des membres élus par les salariés du réseau des caisses d'épargne dans les conditions prévues par ses statuts. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 12 rectifié, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 10, substituer aux mots : "la majorité au moins", les mots : "au moins la majorité absolue". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Comme je l'ai expliqué dans mon rapport oral, l'Assemblée s'était interrogée sur la nécessité de faire détenir par les caisses d'épargne 60 % du capital de la Caisse nationale.

Nous avons pensé que c'était nécessaire dans une période transitoire d'installation de l'ensemble du processus mais que, à terme, on pouvait très bien revenir à 51 %. Dans un autre article, nous proposerons une période transitoire à 60 %.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 12 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Laffineur, Gantier, Delattre et Proriol ont présenté un amendement, no 98, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du premier alinéa de l'article 10, insérer la phrase suivante : "La part restante du capital à souscrire ne peut être détenue par un seul actionnaire". »

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Cet amendement se suffit à luimême. Il s'agit de faire en sorte qu'il n'y ait pas un seul actionnaire de la part restante du capital des caisses d'épargne.

M. le président.

Puis-je considérer, monsieur Laffineur, que l'amendement no 99 a également été défendu ?

M. Marc Laffineur.

Oui.

M. le président.

Cet amendement, présenté par MM. Laffineur, Gantier, Proriol et Delattre, est ainsi rédigé :

« Après la première phrase du premier alinéa de l'article 10, insérer la phrase suivante : "Le ou les actionnaires restants ne peuvent détenir une part du capital et des droits de vote égaux ou supérieurs à la minorité de blocage". »

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 98 et 99 ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit d'empêcher la CDC, qui détient une partie du CENCEP et qui entrera demain dans le capital de la Caisse nationale des caisses d'épargne, de détenir à elle seule 40 % des parts.

Dans la période de constitution de la caisse nationale, il ne sera pas possible de faire entrer d'autres investisseurs et il paraît donc logique et normal que la Caisse des dépôts puisse détenir 40 % du capital, d'autant plus qu'un pacte d'actionnaires est en cours de discussion entre les caisses d'épargne et la Caisse des dépôts et consignations et que celle-ci a déjà signifié que si, demain, d'autres personnes devaient entrer dans le capital, ce serait sur sa part. Le fait de ne pas détenir 40 % serait donc acté dans les faits, et la proposition de M. Laffineur satisfaite, mais cela procède d'une discussion entre partenaires majeurs et non de la loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Vos propos, monsieur Laffineur, sont assez logiques et je ne m'offusque pas du tout que vous soyez opposé à ce que la Caisse des dépôts ait une part substantielle. Votre discours contre tout pôle public vous conduira probablement aussi à déposer un projet de démantèlement et de privatisation de la Caisse des dépôts et consignations ! D'autre part, sur le fond, il faut être un peu sérieux.

En tant que membre de la commission des finances, je siège avec mes collègues Jégou et Brard, au conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, dont je suis le président, et je vous assure qu'en aucune manière cet établissement ne considère comme fondamental de se maintenir à 40 %. Si d'autres actionnaires, dans le système coopératif, sont intéressés et souhaitent entrer dans un pacte d'actionnaires, comme vient de le dire le rapporteur, ce sera une excellente chose.

Mais si, dans une première phase, les partenaires ne sont pas à la hauteur, il serait absurde de ne pas adosser pleinement les caisses d'épargne à la Caisse des dépôts, non pas pour que celle-ci se retrouve en position dominante, mais, on peut le dire sans trahir aucun secret, parce que des négociations avec le réseau des caisses d'épargne sont actuellement en cours, qui devraient aboutir à modifier notre vision des choses.

En effet, le réseau des caisses d'épargne deviendrait aussi actionnaire d'un certain nombre de filiales de la Caisse des dépôts qui ont des activités dans l'industrie bancaire. Pourquoi ne pas concevoir une structure forte, prévoyant des contreparties, au lieu de perpétuer la domination historique de la Caisse des dépôts sur le réseau des caisses d'épargne ? Les choses évoluent, mais on ne doit pas avoir l'impudence de penser qu'un réseau comme celui des caisses d'épargne n'a pas besoin de s'adosser à une banque publique, la Caisse des dépôts, seul établissement bancaire français auquel est attribuée la plus haute notation bancaire mondiale : AAA.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Notre collègue Balligand l'a rappelé, il préside le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, dans lequel je siège également en tant que représentant de l'Assemblée nationale. Pour prolonger ses propos, il serait intéressant que M. le ministre nous donne une indication sur le pourcentage exact, puisqu'on a parlé tour à tour de 30 %, de 32 % et de 35 %. Certes, ce texte ne l'y oblige pas, mais les occasions sont rares d'informer la représentation nationale sur ces sujets.

Lorsque je faisais partie de la majorité, j'étais déjà membre du conseil de surveillance, auquel je suis très attaché, car on y travaille beaucoup et on y fait des c hoses intéressantes. Néanmoins, en raison de la méconnaissance que les parlementaires ont de cette matière, ils fantasment sur la puissance de la Caisse des dépôts, sur ses tentacules et ses intentions. Je l'ai toujours regretté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Je rappelle, sous le contrôle du président du conseil de surveillance, que nous vérifions que les activités de la Caisse participent bien à l'équilibre du budget de l'Etat.

C'est le cas, et dans des proportions très importantes, car près de 400 milliards ont été prélevés en quinze ans.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire succinctement quelles sont vos intentions sur le niveau de participation de la Caisse des dépôts, laquelle, Jean-Pierre Balligand l'a rappelé, bénéficie du AAA, ce qui est tout de même une garantie ? Dans mon raisonnement, y compris d'un point de vue p olitique, je considère que la chance des caisses d'épargne, c'est qu'elles sont adossées à un établissement public je le dis pour faire plaisir à nos collègues communistes -, mais surtout à un établissement financier ayant des activités publiques, dans l'intérêt de l'Etat, et aussi des activités d'ingénierie bancaire apparentées aux activités privées, avec des ratios sur fonds propres tout à fait intéressants.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous voilà face à un sujet important : les relations entre la Caisse des dépôts et le nouvel ensemble.

Il était nécessaire, je crois, que le texte de loi ne fixe pas de pourcentage, de façon à laisser une souplesse et à permettre une évolution dans le temps, en fonction des événements. Mais, de mon point de vue, il était important aussi qu'au démarrage, à tout le moins, et pour une durée que je ne saurais fixer, la Caisse des dépôts joue un rôle important dans le réseau.

Pourquoi ? D'abord, n'en déplaise à certains, c'est la traduction du fameux pôle financier public. Par ailleurs, certaines opérations financières peuvent éventuellement intervenir dans les mois qui viennent et si d'aventure les caisses d'épargne devaient assez rapidement se porter acquéreur d'autres établissements financiers, il serait utile que la présence de la Caisse des dépôts soit significative.

Le protocole d'accord est en voie de signature, mais il n'est pas encore totalement terminé et je veille à ce qu'il soit équilibré, c'est-à-dire qu'en contrepartie d'une participation importante de la Caisse des dépôts dans le réseau des caisses d'épargne, il y ait des participations importantes des caisses d'épargne dans plusieurs filiales de la Caisse des dépôts, afin que les deux groupes soient bien imbriqués. En effet, plus ils seront imbriqués, plus la constitution du pôle public aura avancé.

Les intentions du Gouvernement correspondent donc à vos souhaits. Il me semble indispensable que dès le démarrage, la Caisse des dépôts dispose bel et bien de la minorité de blocage dans le capital.

Un taux de participation initial de 35 % aurait l'avantage de marquer l'importance de la Caisse des dépôts dans le réseau, quitte à ce que d'autres participations se substituent à celle-ci dans l'avenir, dans le cas où le réseau deviendrait plus autonome. Mais quoi qu'il en soit, au démarrage, la création du pôle financier public, la nécessité d'être adossé à un actionnaire particulièrement bien coté, comme l'évoquait le président Balligand, et enfin le nécessaire équilibre entre la Caisse des dépôts et les caisses d'épargne d'une part et entre les caisses d'épargne et les filiales de la Caisse des dépôts d'autre part ont conduit le Gouvenement à retenir un taux supérieur au seuil de 34 %, pour aller au-delà du minimum.

Le Gouvernement se rallie donc à un taux de 35 %.

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Les propos des uns et des autres montrent qu'ils sont à peu près de mon avis. Tout le monde dit bien qu'il ne faut pas dépasser 34 ou 35 %, de façon qu'il y ait d'autres actionnaires. Si c'était inscrit dans la loi, cela faciliterait la recherche de ces autres actionnaires. C'était le sens de mon amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

98. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

99. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 10 par la phrase suivante : "La nomination du président du directoire de la caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est soumise à un agrément du ministre chargé de l'économie". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit de soumettre la nomination du président du directoire de la caisse nationale d'épargne à l'agrément du ministre chargé de l'économie. Le Sénat avait supprimé cette disposition, mais il nous paraît important de la rétablir, d'autant, nous le savons bien, que le ministre, à ce niveau, ne fait qu'entériner la décision prise par le réseau, qui est luimême lié à d'autres réseaux coopératifs soumis au même type de procédure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - I. - La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est l'organe central du réseau des caisses d'épargne, au sens de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 précitée. Elle est chargée de :

« 1o Représenter le réseau des caisses d'épargne, y compris en qualité d'employeur, pour faire valoir ses droits et intérêts communs ;

« 2o Négocier et conclure, au nom du réseau des caisses d'épargne, les accords nationaux et internationaux ;

« 3o Etablir les statuts types des caisses d'épargne et de prévoyance ;

« 4o Créer ou acquérir toute société ou tout organisme utile au développement des activités du réseau des caisses d'épargne et en assurer le contrôle, ou prendre des participations dans de tels sociétés ou organismes ;

« 5o Prendre toute disposition administrative, financière et technique sur l'organisation et la gestion des caisses d'épargne et de prévoyance, leurs filiales et organismes communs, notamment en ce qui concerne les moyens informatiques ;

« 6o Prendre toute mesure visant à la création de nouvelles caisses d'épargne et de prévoyance ou à la suppression de caisses d'épargne et de prévoyance existantes, soit par voie de liquidation amiable, soit par voie de fusion ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

« 7o Définir les produits et services offerts à la clientèle et coordonner la politique commerciale ;

« 8o Assurer la centralisation des excédents de ressources des caisses d'épargne et de prévoyance ;

« 9o Réaliser toutes les opérations financières utiles au développement et au refinancement du réseau, notamment en ce qui concerne la gestion de sa liquidité et son exposition aux risques de marché ;

« 10o Prendre toute mesure utile à l'organisation, au bon fonctionnement et au développement du réseau des caisses d'épargne, et appeler les cotisations nécessaires à l'accomplissement de ses missions d'organe central du réseau des caisses d'épargne ;

« 11o Veiller à l'application, par les caisses d'épargne et de prévoyance, des missions d'intérêt général énoncées à l'article 1er

« II. Non modifié. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Compléter le quatrième alinéa (3o ) de l'article 11 par les mots : "et des sociétés locales d'épargne ;". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Il s'agit de revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale, avec la substit ution à la dénomination « groupements locaux d'épargne » de la dénomination « sociétés locales d'épargne ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement no

14. (L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Article 15

M. le président.

« Art.

15. La Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est constituée selon les modalités prévues par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Elle regroupe l'ensemble des caisses d'épargne et de prévoyance représentées par le président de leur conseil d'orientation et de surveillance et par le président de leur directoire.

« Le président de la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est désigné parmi les présidents de conseil d'orientation et de surveillance. Il a voix prépondérante en cas d'égalité lors d'un vote.

« La Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est chargée de :

« coordonner les relations des caisses d'épargne et de prévoyance avec le sociétariat et représenter leurs intérêts communs, notamment auprès des pouvoirs publics ;

« participer à la définition des orientations stratégiques du réseau ;

« définir les orientations nationales de financement par les caisses d'épargne et de prévoyance des projets d'économie locale et sociale et des missions d'intérêt général telles que définies à l'article 1er ;

« contribuer à la définition, par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, des orientations nationales en matière de relations sociales dans le réseau ;

« organiser, en liaison avec la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, la formation des dirigeants ;

« veiller au respect des règles déontologiques au sein du réseau des caisses d'épargne ;

« contribuer à l'implication du réseau des caisses d'épargne français au sein des établissements européens de même nature.

« La Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est consultée par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance sur tout projet de réforme concernant les caisses d'épargne et de prévoyance.

« La Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance appelle, pour le financement de son budget de fonctionnement, des cotisations auprès des caisses d'épargne et de prévoyance. »

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 15 et 75.

L'amendement no 15 est présenté par M. Douyère, rapporteur, et MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila et Brard ; l'amendement no 75 est présenté par MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila et Brard et les membres du groupe communiste et apparentés.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le huitième alinéa de l'article 15 par les mots : "et des sociétaires par l'organisation régulière de séances d'information gratuites dans le domaine économique entendu au sens large". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

15.

M. Raymond Douyère, rapporteur.

C'est le groupe communiste qui a souhaité que nous inscrivions cette disposition dans la loi et je trouve que c'est une excellente idée. D'autres réseaux ont déjà adopté cette pratique et donnent régulièrement à leurs sociétaires une information économique leur permettant de faire des choix appropriés lorsqu'ils sont amenés à prendre des décisions.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 15 et 75.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 16

M. le président.

MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila, Brard et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 93, ainsi rédigé :

« Après l'article 16, insérer l'article suivant :

« La commission paritaire nationale conclut des accords par décisions prises par la majorité des trois quarts des membres présents. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Initialement, nous avions pensé déposer cet amendement à l'article 17, mais nous avons finalement préféré le présenter sous forme d'article additionnel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

Il s'agit tout simplement de faire en sorte que les caisses d'épargne soient mieux en capacité de se mobiliser au service des missions d'intérêt général.

La force du réseau des caisses d'épargne réside dans son caractère très décentralisé, dans la compétence et le savoir-faire des professionnels. Nous avons proposé des amendements visant à modifier le contenu même des missions des caisses d'épargne touchant à l'intérêt génér al et à la non-lucrativité. Nous souhaitons également offrir des garanties sociales et collectives aux salariés en ce qui concerne les retraites, mais aussi les modalités de conclusion d'un accord collectif.

C'est le point nodal de cet amendement. Pour nous, il est important que ce projet de loi ne se traduise pas par un recul social et il serait donc anormal qu'un accord de branche puisse être négocié par un syndicat minoritaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, le rapporteur n'y est pas favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je comprends la motivation de l'amendement de M. Cuvilliez, mais dans la mesure où il n'a pas été discuté par la commission des finances, j'aimerais avoir le temps de le regarder d'un peu plus près.

J'en demande donc la réserve ainsi que de l'article 17 jusqu'à la séance de ce soir.

M. le président.

La réserve est de droit. L'amendement no 93 est réservé, ainsi que l'article 17.

Avant l'article 18

M. le président.

MM. Terrier, Dumont, Aubron, Metzinger et Liebgott ont présenté un amendement no 109 ainsi rédigé :

« Avant l'article 18, insérer l'article suivant :

« Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux caisses d'épargne et de prévoyance des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Les décrets d'application devront respecter les dispo-s itions prévues par le décret no 54-1080 du 6 novembre 1954 complété et modifié, notamment par le décret no 85-624 du 20 juin 1985 relatif à l'organisation financière du réseau des caisses d'épargne et de prévoyance. »

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Monsieur le ministre, vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer sur cet amendement au cours de la première lecture, mais cela mérite clarification.

Nous aurions préféré que les systèmes en vigueur dans les territoires d'Alsace-Moselle soient maintenus, car ils ont donné d'excellents résultats en matière d'implication des caisses d'épargne dans le développement local.

M. Germain Gengenwin.

Et les fonds ont bien été utilisés !

M. Jean-Louis Dumont.

Absolument ! Je l'ai déjà dit, ils ont bénéficié au développement de l'habitat. C'était un levier économique important.

Pour des raisons que vous avez déjà expliquées, monsieur le ministre, vous ne souhaitez pas les maintenir.

Mais si, par hasard, vous deviez vous opposer à cet article additionnel, il serait absolument nécessaire que les caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle aient des garanties et des certitudes quant à l'architecture nouvelle que vous leur proposerez.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Raymond Douyère, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, comme elle l'avait fait en première lecture, au motif que le Gouvernement avait donné des assurances formelles sur le devenir et le financement des caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle, assurances qui lui avaient paru largement suffisantes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'ai le plus grand respect pour le combat localiste, mais il y a des moments où l'intérêt général doit prévaloir, (Sourires) surtout quand l'intérêt local est préservé, et même mieux que préservé. D'ailleurs, si l'Assemblée votait cet amendement, je ne suis pas sûr que vous seriez reçu sous les vivats en Alsace ou en Moselle en disant qu'on en revient finalement au système antérieur mais qu'on a perdu tout ce que le Gouvernement proposait en échange. (Sourires.)

Honnêtement, vous avez mené un combat noble, jusqu'au bout. Mais puisque l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté conforme l'article qui vous préoccupe, je vous propose de retirer votre amendement sous les honneurs, afin que nous n'ayons pas à demander à l'Assemblée de voter contre.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont.

Sans vous faire injure, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir rappeler que les mesures annoncées en première lecture s'appliqueront bien à l'ensemble des territoires concernés par le droit local.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il s'agit en effet de l'ensemble des territoires concernés par le statut particulier des caisses d'épargne d'Alsace-Moselle. Ceux-ci relèveront désormais du statut normal, mais la perte de leur avantage sera compensée.

J'ai déjà répondu tout à l'heure à M. Warhouver sur ce point, je n'y reviens pas, mais croyez-moi, la situation est équitable.

M. le président.

Retirez-vous votre amendement, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 109 est retiré.

Article 18

M. le président.

« Art. 18. - L'utilisation de la dénomination de : "Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance", "caisse d'épargne et de prévoyance", de "caisse d'épargne" ou de "section locale d'épargne" par des organismes qui n'entrent pas dans le champ d'application de la présente loi est punie des peines prévues aux articles 313-1 et 313-2 du code pénal. »

M. Douyère, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Dans l'article 18, substituer au mot : "section", le mot : "société". »

La parole est à M. le rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er JUIN 1999

M. Raymond Douyère, rapporteur.

Retour au texte de l'Assemblée, en substituant les SOLE aux groupements locaux d'épargne.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article no 18, modifié par l'amendement no

17. (L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Article 19 bis

M. le président.

Article 19 bis . - Après le quatrième alinéa (3o ) de l'article 260 C du code général des impôts, il est inséré un 3o bis ainsi rédigé :

« 3o bis. - Aux opérations effectuées par les affiliés de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, ainsi que leurs groupements, entre eux ou avec la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance ; » Je le mets aux voix.

(L'article 19 bis est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1600, relatif à l'épargne et à la sécurité financière : M. Dominique Baert et M. Raymond Douyère, rapporteurs au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1638, tomes I et II).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT