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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

1. Expression « guerre d'Algérie ». - Discussion d'une proposition de loi (p. 5711).

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5713)

MM. Jacques Floch, Didier Quentin, François Huwart, Georges Colombier, Alain Clary, François Rochebloine, Mme Martine David,

MM. Christian Estrosi, Jacques Desallangre, Robert Gaïa, Alain Ferry.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'Etat.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 5724)

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5724)

Article 1er (p. 5724)

M. Julien Dray, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Jacques Myard.

Amendement no 1 de M. Gremetz : MM. Alain Clary, le rapporteur, le président de la commission, le secrétaire d'Etat, François Rochebloine, Jacques Myard. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 5727)

Amendement no 3 de M. Gremetz : MM. Alain Clary, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Myard, François Rochebloine, le président de la commission. - Rejet.

Article 2 (p. 5728)

A mendement no 6 de M. Néri : M. le rapporteur,

Mme Christiane Taubira-Delannon. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 5729)

M. Yvon Montané.

Amendement no 7 de M. Néri : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Ce texte devient l'article 3.

Article 4 (p. 5729)

M. François Rochebloine.

Amendement no 8 de M. Néri : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement no 8 rectifié.

Ce texte devient l'article 4.

Article 5 (p. 5730)

Amendement no 9 de M. Néri : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement no 9 rectifié.

Ce texte devient l'article 5.

Titre (p. 5730)

Amendement no 5 de M. Néri : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 10 de M. Néri : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Le titre de la proposition de loi est ainsi modifié.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 5731)

MM. Georges Sarre, Michel Dasseux, Didier Quentin, Alain Clary, Georges Colombier, François Rochebloine.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5733)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble de la proposition de loi.

Rappel au règlement (p. 5733)

M. Robert Pandraud.

2. Saisine pour avis d'une commission (p. 5733).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5733).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1 EXPRESSION «

GUERRE D'ALGÉRIE » Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jacques Floch et plusieurs de ses collègues relative à la substitution de l'expression

« aux opérations effectuées en Afrique du Nord » par l'expression « guerre d'Algérie et aux opérations effectuées en Afrique du Nord » (nos 1293, 1672).

Le rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales porte également sur les propositions de loi de M. Maxime Gremetz relative à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc (nos 1392, 1672) ; de M. Georges Colombier tendant à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie (nos 1558, 1672).

La parole est à M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui constitue une initiative au contenu symbolique très fort, puisque le groupe socialiste a souhaité affirmer d'entrée de jeu qu'en Algérie, c'était bien la guerre.

M. Yann Galut et M. Didier Migaud.

Très bien !

M. Alain Néri, rapporteur.

Cette proposition de loi permettra aussi de réparer une injustice à l'égard des anciens combattants d'Algérie et de rétablir une vérité historique trop longtemps pudiquement dissimulée sous les vocables ambigus de « maintien de l'ordre », de « pacification », voire d'« événements d'Algérie ».

M. Didier Migaud.

Tout à fait !

M. Alain Néri, rapporteur.

En affirmant clairement et nettement qu'en Algérie, c'était bien la guerre, cette proposition de loi donne toute sa place à la troisième génération du feu au coeur du monde combattant.

Il aura donc fallu plus de quarante ans pour que le langage officiel se mette enfin en conformité avec le langage courant. Il aura fallu plus de quarante ans pour que les demandes légitimes exprimées par les anciens combattants d'Algérie et leurs associations, ou formulées par les élus à cette tribune, comme je l'avais fait dès 1989, lors du débat sur le budget des anciens combattants, soient entendues.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à rendre hommage à votre clairvoyance, à votre lucidité et à votre courage.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Alain Néri, rapporteur.

En effet, vous avez été le premier des ministres à systématiquement utiliser l'expression « guerre d'Algérie » dans vos discours officiels.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Vous avez même concrétisé votre volonté de rétablir la réalité des faits en inaugurant de nombreux monuments portant l'inscription « guerre d'Algérie » et en apposant deux plaques, à la charge symbolique très forte, d'abord sur le cercueil du soldat inconnu de la guerre d'Algérie à Notre-Dame-de-Lorette, ensuite sous l'Arc de triomphe, pour matérialiser la reconnaissance de la nation aux soldats de la guerre d'Algérie.

Je me félicite que la République française reconnaisse aujourd'hui, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par ceux qui ont participé à la guerre d'Algérie, comme l'affirme l'article 1er de notre proposition de loi. C'était reconnaître une vérité d'évidence, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Et pourtant, l'attente fut longue, bien trop longue.

En effet, comment pouvait-on appeler autrement que guerre un conflit qui a mobilisé plus de 1,5 million de jeunes Français pendant plus de huit ans ? Commento ublier les 30 000 morts de cette guerre et les 60 000 blessés ? Comment ne pas se rappeler le cri de détresse de cette génération : « avoir vingt ans dans les Aurès » ? Comment ne pas se souvenir du sacrifice des harkis ? Comment ignorer l'angoisse des familles, des pères et mères des jeunes appelés du contingent, des femmes et des enfants des rappelés et des maintenus, des militaires d'active et de gendarmerie ? L'inquiétude était grande en attendant que le gosse ou le père revienne.

Oui, notre proposition de loi veut assumer l'histoire telle qu'elle est, par respect pour des générations de Français et d'Algériens touchées sur le plan personnel, physique, psychologique et familial par ce conflit.

Oui, en Algérie, c'était la guerre.

Notre proposition de loi a aussi l'ambition d'asseoir la légitimité combattante des anciens combattants d'Algérie et de répondre aux exigences du devoir de mémoire de la nation en rendant hommage à leur sacrifice et en les réunissant plus intimement et plus officiellement à leurs anciens de conflits antérieurs. Ils l'étaient déjà dans nos coeurs et dans nos esprits ; ils le seront dorénavant dans la loi.

Nous aurions pu aller plus loin en incluant dans ce texte des mesures matérielles, mais cela aurait conduit, à notre avis, à affaiblir son caractère symbolique, à affaiblir


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notre volonté de reconnaissance officielle, à affaiblir l'hommage solennel et le devoir de mémoire légitimement dû aux anciens combattants de la guerre d'Algérie.

Oui, avec Jean Jaurès, j'affirme que le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire. C'est de cet état d'esprit que participe notre proposition de loi.

Oui, avec Péguy, affirmons que celui qui ne crie pas la vérité quand il la connaît se fait le complice des menteurs et des faussaires. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous rétablissons la vérité, nous assumons notre histoire et rendons le juste hommage que la nation et la République doivent à la troisième génération du feu : pour les appelés du contingent et les militaires présents sur les théâtres d'opération, pour les rapatriés, pour la communauté harkie.

Oui, mettons fin à l'hypocrisie latente qui se cachait sous les mots d'« événements », de « maintien de l'ordre » ou de « pacification ».

Mme Hélène Mignon.

Tout à fait !

M. Yann Galut.

C'est vrai !

M. Alain Néri.

rapporteur.

Rompons avec une frilosité qui n'est plus de mise ; brisons un tabou de notre temps.

C'est l'honneur d'un peuple et d'une nation que de reconnaître et d'assumer son histoire.

Aujourd'hui, la représentation nationale l'affirmera avec force et détermination : oui, en Algérie, c'était la guerre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne dirai que quelques mots, car lorsque l'histoire est douloureuse, il faut en parler avec beaucoup de pudeur.

D'abord, je remercie M. le secrétaire d'Etat pour son courage ; c'est lui qui a voulu lancer et donner contenu à ce débat. Je remercie aussi M. Néri pour le travail qu'il a fait avec la commission et pour ce qu'il vient de dire à la tribune ; je partage totalement son analyse.

Je rappelle que, pour la collectivité nationale, c'est une page extrêmement douloureuse, et que l'hypocrisie et l'ambiguïté ne peuvent qu'ajouter à cette douleur. Il faut avoir le courage de regarder les choses en face, de le dire et d'en tenir compte : il s'agissait bien d'une guerre.

Nous avons tous appris que bien souvent il faut du temps pour se pencher sur son histoire, pour revivre son passé. En l'occurrence, il a fallu quarante ans - mais nous avons d'autres exemples. Nous le ferons aujourd'hui, je l'espère, unanimement, car je crois que les membres de notre assemblée partagent largement cette volonté.

Je ferai simplement remarquer à M. le rapporteur, qui a parlé des appelés du contingent, qu'il aurait pu évoquer aussi les rappelés.

M. Alain Néri, rapporteur.

Je l'ai fait.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais je ne l'avais pas entendu. Or je fais partie moi-même de cette catégorie, puisque j'ai vécu personnellement cette histoire en étant rappelé au 43e régiment d'infanterie de Lille, le « quarante-trois », comme disent les Lillois.

Je me souviens des conditions extrêmement difficiles, extrêmement douloureuses, extrêmement pénibles dans lesquelles les appelés devaient pitonner dans le djebel. Le moins qu'on puisse dire est que les conditions matérielles et militaires étaient marquées par une très grande précarité. Et ils sont restés en Algérie vingt-sept ou vingt-huit mois, parfois même plus longtemps.

Il était donc tout à fait nécessaire de revenir sur cette phase douloureuse de notre histoire ; en effet, comme le disait Jaurès, on ne peut regarder en face l'histoire et en faire matière à une construction de l'avenir que si on a la volonté de dire la vérité. Il a fallu du temps, mais aujourd'hui, nous disons la vérité. Vous y avez beaucoup contribué, monsieur le secrétaire d'Etat, et croyez bien que l'Assemblée dans son ensemble, et moi personnellement, nous vous en sommes très reconnaissants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'interviendrai en écho aux propos de votre rapporteur et de votre président de la commission.

Ce matin, le travail de l'Assemblée nationale est un peu exceptionnel, puisque l'on va qualifier l'histoire. Or, en règle générale, ce n'est pas vraiment le rôle du Parlement que d'intervenir sur ce type de questions, mais plutôt celui des historiens. Pourtant, en l'occurrence, il était nécessaire de le faire. Pourquoi ? Parce que l'on va changer de siècle, parce que l'on va abandonner le XXe siècle.

Il était important, avant l'an 2000, que nous puissions regarder notre histoire avec beaucoup de tranquillité et de lucidité, et en particulier la guerre d'Algérie, qui a été un moment extraordinairement douloureux pour la France.

Un million de nos concitoyens ont dû quitter l'Algérie, département français, et regagner la métropole. Les soldats et l'ensemble des personnes qui ont été engagées dans ce conflit ont énormément souffert. Cela explique sans doute le temps qu'il a fallu pour faire ce travail sur nous-mêmes et finalement accepter de regarder les choses en face.

Vous m'avez adressé quelques compliments. J'y suis sensible, mais honnêtement, je n'ai pas de mérite (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste), parce que cela ne m'a jamais posé le moindre problème. J'avais dix ans en 1954, dix-huit ans en 1962, et je rentrais alors à l'université. Je n'ai donc pas fait la guerre d'Algérie, mais je l'ai vécue au quotidien en écoutant la radio, en lisant les journaux, en observant ce qui se passait autour de moi : mon futur beau-frère était en Tunisie ; au-dessus de chez moi, vivait une famille dont l'aîné des quatre enfants était en Algérie et je voyais bien les réactions de la mère de famille, qui craignait tous les jours de recevoir une mauvaise nouvelle lui annonçant la mort de son fils.

Pour chacun et chacune d'entre nous, c'était réellement la guerre, de sorte que je n'aurais jamais pu employer un autre mot. Intellectuellement et moralement, cela m'aurait été impossible. Les journaux, les historiens, tout le monde qualifiait de « guerre d'Algérie » ce qui était vraiment une guerre.

Par conséquent, il était normal de franchir la dernière étape : l'appellation juridique. C'est en quelque sorte un point d'orgue, qui ne met toutefois pas fin à l'ensemble des revendications du monde combattant, nous sommes


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d'accord. Nous aurons naturellement à débattre de ces questions au moment de la discussion budgétaire. Mais aujourd'hui, notre démarche est éthique, morale, et il est bon de ne pas y mêler des revendications matérielles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A partir de 1955, il y a eu une série d'évolutions : en 1968, l'attribution du titre de reconnaissance de la nation ; en 1974, la délivrance de la carte du combattant ; aujourd'hui, l'appellation juridique. Je suis donc persuadé que ce matin, l'Assemblée nationale s'exprimera unanimement.

Dans un journal du matin, Libération...

Mme Martine David.

Pas de publicité ! M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Tant pis ! Ce sera quand même inscrit au Journal officiel. (Sourires.)

Dans ce journal, j'ai lu vos témoignages, notamment ceux de Jacques Floch et de Georges Colombier, qui étaient bien jeunes à l'époque,...

M. Robert Gaïa.

Jeunes et beaux ! (Sourires.)

M. Julien Dray.

Ils le sont toujours ! M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants. ...

comme on le voit sur les photos. Ils sont extraordinairement poignants. Ils expriment la souffrance que vous avez ressentie, parce que vous étiez des soldats engagés dans une guerre, la guerre d'Algérie.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vingt ans après le 1er novembre 1954, le 9 décembre 1974, la loi donnant

« vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord » est publiée. Cette loi reconnaît la qualité de combattant à ceux qui n'auraient participé qu'à des opérations de police ou de maintien de l'ordre. Incongruité ? Inconséquence ? Refus de connaître l'histoire ? Frilosité devant la réalité ? Non-dit ? Irrespect à l'égard de toutes les victimes ? Un peu de tout cela, je pense. Beaucoup de tout cela dans ce texte, qui a eu tout de même le mérite d'éviter l'oubli, le terrible oubli, et qui nous oblige aujourd'hui à dire ce moment tragique de l'histoire de notre pays.

Et dire l'histoire, c'est assurer le respect dû aux peuples qui se sont opposés, c'est saluer ceux qui ont fait leur devoir de citoyen, ce n'est pas absoudre une politique dont on sait aujourd'hui qu'elle avait tragiquement fait fausse route.

C'est pour cela que je vous remercie, mes chers collègues, sur tous les bancs de l'Assemblée - Maxime Gremetz et le groupe communiste, nos collègues Georges Colombier, Didier Quentin et François Rochebloine pour l'ensemble de l'opposition, le groupe socialiste et son président Jean-Marc Ayrault -, d'avoir effectué la même démarche, en termes différents, certes, mais suivant la même approche, avec le même sens des responsabilités.

Cela correspond exactement à la volonté des associations d'a nciens combattants, qui, ensemble dans le Front uni, ont réussi à nous persuader du bien-fondé de leur demande. Je souhaite que l'on reconnaisse ici leur rôle primordial, essentiel dans la décision que nous allons, j'en suis persuadé, prendre aujourd'hui.

Je voudrais aussi saluer M. le secrétaire d'Etat et le remercier de sa grande compréhension, de sa recherche permanente de la vérité historique, en faisant fi, et avec quelle constance, des inquiétudes, pour ne pas dire plus, de tous ceux que cela dérange que l'on dise enfin l'histoire.

En tant que personne ayant participé à la guerre d'Algérie, je témoigne enfin de ma reconnaissance envers M. le Président de la République et M. le Premier ministre, qui ont souvent dit l'histoire avec le langage courant, en identifiant cette période tragique du peuple français et du peuple algérien dans toutes ses réalités.

Et la réalité, la grande réalité, c'est que la fin tragique de l'histoire commune à l'Algérie et à la France, qui datait de 1830, fut une guerre. Une guerre avec tout son cortège d'horreurs, d'abominations, de martyrs, de victimes, de moments héroïques, d'humanité, de larmes et de sang.

La guerre propre n'existe pas. La guerre d'Algérie fut comme toutes les autres : sale, abominable.

Elle mobilisera près de 1,5 million de militaires de car-r ière, rappelés et appelés, auxquels s'ajouteront 200 000 supplétifs ; un peu plus de 23 000 d'entre eux f urent tués, dont 6 400 soldats du contingent ; 60 188 blessés, disent les statistiques - mais beaucoup subirent des trautismes dont ils ressentent encore aujourd'hui les effets. Les nationalistes algériens font état d'une mobilisation de près de 350 000 des leurs. Les historiens estiment entre 400 000 et 500 000 le nombre de victimes civiles d'origine européenne ou musulmane.

L'histoire devra dire un jour la réalité de ces chiffres, les archives devront s'ouvrir, les chercheurs se mettre à l'ouvrage. L'histoire devra aussi dire les conséquences de cette guerre, l'exode d'un million de nos concitoyens qui partirent d'Algérie sans espoir de retour, laissant derrière eux un pays aimé, avec leurs maisons, leurs paysages, leurs cimetières. L'histoire devra enfin dire les disparitions après le cessez-le-feu de 1962.

M. Julien Dray et M. Charles Cova.

Absolument !

M. Jacques Floch.

Ce rappel est nécessaire si l'on veut que la reconnaissance officielle de notre histoire, de l'histoire de l'Algérie et de la France, conduise aux rencontres qui permettront la grande réconciliation entre le peuple français et le peuple algérien.

Il faut que l'histoire se répète ; ce qui avait été fait hier par le Chancelier Adenauer et le Président Charles de Gaulle pour la rencontre, sans l'oubli, mais avec toute la fraternité, toute l'amitié, l'égalité possibles, entre le peuple allemand et le peuple français, doit être répété demain entre les Algériens et les Français. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.) J'y crois fermement. Peut-être suis-je naïf, mais nous sommes nombreux à l'être de part et d'autre de la Méditerranée, et particulièrement parmi ceux qui se sont opposés, les armes à la main. Peut-être naïf, mais fier aussi de voir que ce sont les anciens combattants d'Afrique du Nord, d'Algérie, qui sont aujourd'hui au premier rang dans ce bon combat pour la paix et la réconciliation.

Ils ont, nous avons des titres pour cela. Tous ceux qui ont été appelés ou rappelés en Algérie sont des enfants de la guerre. Ils ont tous passé leur petite enfance dans une France occupée, martyrisée. Certains n'ont connu leur père que quelques années après leur naissance. D'autres ont vu le leur prendre les armes, résister. Ils ont tous soufferts, nous avons tous soufferts d'immenses priva-


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tions. Puis, arrivés à l'âge de vingt ans, on nous a envoyés faire la guerre. Le prétexte politique n'était pas bon ; l'histoire fut tragique pour la France, terrible pour l'Algérie.

Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y a pas eu de défaite militaire, mais une sortie politique choisie et approuvée par le peuple français et le peuple algérien.

Il est temps, il est grand temps que l'histoire, celle qui apaise les esprits, celle qui ne fait plus saigner les coeurs, celle qui dit le droit, la justice, celle qui suggère l'amitié, la coopération, fasse son oeuvre. En acceptant cette proposition de loi, c'est dans cette voie que la France s'engage.

Et puisque j'ai eu l'honneur, au nom du groupe socialiste, de rédiger la proposition de loi sur laquelle vous allez vous exprimer, permettez-moi, en reprenant un très beau texte du poète Paul Eluard, de régler un compte avec la guerre, avec les deux guerres que j'ai connues, comme petit enfant puis comme soldat du contingent.

« Dix amis sont morts à la guerre Dix femmes sont mortes à la guerre Dix enfants sont morts à la guerre Cent amis sont morts à la guerre Cent femmes sont mortes à la guerre Cent enfants sont morts à la guerre Et mille amis et mille femmes et mille enfants Nous savons bien compter les morts Par milliers et par millions On sait compter mais tout va vite De guerre en guerre tout s'efface Mais qu'un seul mort soudain se dresse Au milieu de notre mémoire Et nous vivons contre la mort Nous nous battons contre la guerre Nous luttons pour la vie. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, en engageant le débat sur la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie pour les opérations de maintien de l'ordre et les combats de 1954 à 1962, c'est une page douloureuse de notre histoire que nous rouvrons, mais nous répondons aussi à une demande répétée, depuis de longues années, par les différentes associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord.

Pour des raisons liées à l'organisation du travail parlementaire, nous allons examiner, dans le cadre de la niche réservée au groupe socialiste, la proposition de loi présentée par les élus de ce groupe, mais je note avec satisfaction que d'autres groupes avaient déposé des propositions de loi allant dans le même sens. Je me permettrai de rappeler le texte que j'avais cosigné, comme député du RPR, avec mes collègues Georges Colombier, de Démocratie libérale, et François Rochebloine, de l'UDF. Nous pouvons donc nous féliciter du consensus ainsi apparu au sein de la représentation nationale sur cette question tellement sensible pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.

En votant cette proposition de loi, nous allons accomplir un geste symbolique fort. Nous allons mettre « le langage officiel en conformité avec le langage courant », comme l'avait souhaité le Président de la République, M. Jacques Chirac, lui-même ancien d'Algérie, en recevant, le mercredi 18 septembre 1996, une délégation du Front uni des anciens combattants d'Afrique du Nord.

En adoptant, il y a plus de vingt-cinq ans, la loi no 741044 du 9 décembre 1974 qui donne vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, le Parlement avait entendu assurer une complète égalité des droits entre les militaires engagés dans les opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord et ceux ayant servi en période de guerre ; 1,2 million de Français de cette troisième génération du feu sont ainsi titulaires de la carte d'ancien combattant d'Afrique du Nord, qui leur donne les mêmes droits que ceux qui ont participé aux conflits précédents.

La loi du 9 décembre 1974 faisait toutefois mention des « opérations effectuées en Afrique du Nord », et non de la « guerre d'Algérie ». Cette situation est vécue par beaucoup d'anciens combattants d'Algérie, sinon comme u n reniement, du moins comme un manque de reconnaissance de ce qu'ils ont fait par devoir au service de la nation.

La nature particulière de ce conflit, qui ne ressemblait pas aux guerres du début et du milieu de ce siècle, a pue xpliquer les réticences à le qualifier d'emblée de

« guerre ». Mais les esprits, par une lente évolution appuyée sur le développement des travaux historiques,o nt progressivement considéré que les événements d'Afrique du Nord eu égard aux méthodes de combat utilisées et aux risques encourus par nos soldats, devaient être assimilés à une guerre et non pas à de simples opérations de police.

Des chiffres très lourds sont là pour en témoigner. Ce conflit meurtrier de plus de sept ans et demi, auquel le général de Gaulle a su mettre fin, a coûté la vie à plus de 500 000 personnes, en incluant les très nombreuses victimes tombées après la signature du cessez-le-feu du 19 mars 1962, comme les harkis, supplétifs de l'armée française.

Selon le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, 1 747 000 soldats, dont 1 343 000 appelés ou rappelés, 404 000 militaires de carrière, parmi lesquels mon ami Charles Cova, que je vois sur ces bancs, ont servi en Afrique du Nord, principalement en Algérie, de 1952 à 1962. Au total, 24 300 soldats ont trouvé la mort en Algérie, dont 14 500 tués au combat ou par attentat - 7 500 appelés ou rappelés, 2 700 engagés, 1 500 légionnaires, 2 700 soldats originaires d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire.

L'appellation « guerre d'Algérie » est donc parfaitement justifiée, mais seule une loi peut l'officialiser. Il convient en conséquence de faire disparaître l'expression « opérations de maintien de l'ordre » du code des pensions militaires d'invalidité et du code de la mutualité pour les combats qui se sont déroulés sur le territoire algérien entre 1954 et 1962.

Avec cette substitution de l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » par celle de « guerre d'Algérie et aux opérations effectuées en Afrique du Nord », nous allons aujourd'hui apporter une contribution attendue depuis longtemps au devoir de mémoire que nous avons envers tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie ou d'une partie de leur jeunesse, envers tous ceux qui sont revenus blessés ou malades. Mais nous avons aussi à leur égard un devoir de vérité et d'honnêteté. Trop souvent, des engagements ont été pris à la légère, sans avoir été chiffrés et programmés.


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Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas mélanger les genres, mais je mentionnerai tout de même les engagements qui avaient été pris, de divers côtés, je le reconnais, mais notamment le 8 mai 1997 par M. Lionel Jospin, alors premier secrétaire du parti socialiste, d'accorder la retraite anticipée aux chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités de cotisations, diminuées du temps passé en Afrique du Nord.

D'autres déclarations avaient également été faites à l'Assemblée nationale, qui pouvaient laisser espérer une mesure générale pour tous ceux qui ont cotisé pendant quarante ans.

Il semble malheureusement, après la rencontre récente entre le Premier ministre et des responsables de la FNACA, que ces engagements ne pourront pas être honorés, alors que seulement deux ou trois classes d'âges sont encore concernées. Nous imaginons aisément la déception de tous ceux qui y avaient cru ! Il conviendra donc d'envisager - et le groupe du RPR y sera attentif - une compensation de la part du droit à réparation ainsi « économisée » par le refus de la retraite anticipée.

Il y a déjà - et il y aura de plus en plus - de retraites professionnelles dont la modicité pourrait justifier une nouvelle allocation différentielle de solidarité.

Il est également indispensable, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour concrétiser sans délai les mesures prévues dans la loi de finances de 1999 en ce qui concerne l'application du système d'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE. Nous aurons l'occasion de reparler de toutes ces questions lors de la préparation du débat budgétaire, et nous savons que vous êtes ouvert au dialogue constructif.

Revenant à la proposition de loi en discussion aujourd'hui, je tiens à souligner qu'elle ne devra pas être détournée de son objet qui est d'exprimer la reconnaissance de la nation, dans un souci de vérité historique.

Toute tentative d'exploitation qui viserait, au contraire, à raviver les plaies de ce passé douloureux devra être résolument écartée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais enfin, ce n'est pas l'esprit du texte !

M. Alain Néri, rapporteur.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Didier Quentin.

Il est aussi hautement souhaitable que l'on arrive, dans le même esprit de dignité et de réconciliation, à se mettre d'accord sur le choix d'une date, aussi consensuelle que possible, pour rendre hommage aux victimes de cette guerre.

Mme Véronique Neiertz.

Elle est toute trouvée : le 19 mars !

M. Didier Quentin.

J'espère également qu'une solution satisfaisante pourra être trouvée au lancinant problème du mémorial national. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, avant de conclure, je voudrais avoir une pensée pour votre armée, pour la communauté rapatriée et pour les anciens harkis.

Les Français d'Afrique du Nord, si durement éprouvés dans les années 50 et 60, ont su reprendre leur place dans la communauté nationale et lui ont beaucoup apporté.

J'ajoute que, même si les temps sont parfois à la contrition ou à l'expiation, la France n'a globalement pas à regretter ce qui a été fait en Algérie pendant 132 ans et qui a eu bien des aspects positifs.

Quant aux harkis, qui ont connu un long long calvaire et qui ont souvent le sentiment d'avoir été trahis, abandonnés et exclus, ils peuvent compter sur notre vigilance pour que les mesures annoncées à plusieurs reprises par

Mme Aubry se concrétisent dans les meilleurs délais.

Le débat de ce matin nous a permis d'officialiser cette guerre qui s'est déroulée sur le sol algérien de l'été 1954 à l'hiver 1962. Elle a certes mis fin à plus de 130 ans de colonisation, mais elle fut aussi, à bien des égards, une déchirure.

Le plus bel hommage qui puisse être rendu à ceux qui ont donné leur vie ou une partie de leur jeunesse dans ce drame ne serait-il pas de voir venir entre la France et l'Algérie, cette grande nation encore si cruellement meurtrie, le temps des retrouvailles et d'une fructueuse coopération, dans le respect de l'indépendance totale des décisions et dans le souci des intérêts communs de nos deux peuples épris de paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Huwart.

M. François Huwart.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 1954-1999, cela fait donc quarante-cinq ans, oui, quarante-cinq ans qu'éclataient les événements dramatiques de la Toussaint 1954. Quarante-cinq ans que ce que l'on a d'abord appelé « les événements » allait engager notre pays dans un conflit armé qui devait d'abord concerner l'armée d'active, au sortir de la guerre d'Indochine, mais aussi, par la suite et rapidement, les jeunes Français du contingent, la France déployant en Algérie plusieurs centaines de milliers d'hommes sur le terrain.

Non seulement ce conflit fut meurtrier par son ampleur - 30 000 Français l'ont payé du prix de leur vie et des dizaines de milliers furent blessés - mais il constitua également l'élément principal de la déstabilisation de la IVe République.

En dépit de l'importance numérique des forces engagées et de la logistique mise en oeuvre, il ne fut pas officiellement admis qu'il s'agissait là d'une guerre parce que les opérations conduites par l'armée de libération algérienne prenaient la forme de la guérilla et que ce conflit se déroulait dans un département français.

Pourtant la conscience qu'en avait notre nation, l'imp lication quotidienne des familles dans notre pays, inquiètes des risques encourus par leurs enfants, et la réalité vécue en Algérie par nos armées étaient bien celles d'une guerre. Cette volonté de ne l'admettre que comme des opérations dites de maintien de l'ordre, au motif que nul Etat reconnu autre que l'Etat français n'y était engagé, a longtemps exprimé le principe que l'Algérie, ce ne pouvait être que la France ; puis, après la fin des hostilités, cette volonté a traduit une vraie et grave difficulté politique qui a longtemps persisté en métropole.

La guerre d'Algérie ayant provoqué la chute de la IVe République, la fin de la guerre d'Algérie menaçait les institutions de la Ve République.

Sans doute peut-on comprendre que, pendant un temps, les circonstances de ce conflit et ses prolongements dans la vie intérieure de la métropole aient pu conduire au refus d'admettre dans l'expression d'Etat la réalité vécue par les combattants d'Algérie et d'Afrique du Nord. Sans doute. Il y a des fictions qui peuvent un temps - et le temps des Etats est long - trouver leurs justifications dans l'état d'esprit public du moment. Mais après ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Après, ceux qui ont effectivement participé à ce conflit, qui en ont souffert, comme ont pu souffrir toutes les générations du feu de l'histoire de ce pays, ont pris conscience que c'était une sorte de déni de justice de ne pas les considérer comme leurs aînés, eux qui n'avaient fait que servir leur pays, que s'acquitter de leur devoir, puisque la nation le leur avait demandé.

Ce besoin de reconnaissance et cette simple considération pour ce qu'ils avaient sacrifié de leur jeunesse, de leur vie même, étaient d'autant plus justifiés que la France, à la différence de bien d'autres pays, a pris la peine d'inscrire dans ses lois des droits pour les anciens combattants, y compris des droits à réparation, et que, dans un pays républicain et démocratique, la question des droits est inséparable de celle de l'égalité des droits.

Depuis des années - et je devrais compter en décennies -, les anciens combattants d'Algérie ont réclamé à juste titre cette reconnaissance de l'état de guerre en Algérie. Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous rendre hommage et souligner ici que vous avez vous-même commencé à répondre à leur attente en prenant l'initiative dans vos discours, dans vos écrits et dans ceux de votre administration, comme dans votre décision de réaliser un mémorial, de reconnaître qu'en Algérie il y avait bien eu une guerre. Partout dans ce pays, les responsables politiques locaux, les médias et l'opinion p ublique avaient depuis longtemps déchiré le voile pudique, mais c'est vous qui avez commencé de mettre un terme à la tendance trop naturelle des Etats à persévérer dans leurs attitudes au-delà du temps nécessaire.

Aujourd'hui, nous sommes saisis d'une proposition de loi tendant à substituer à l'expression « aux opérations effectives en Afrique du Nord » celle de « guerre d'Algérie et aux opérations effectuées en Afrique du Nord ». Cette proposition de loi fait, je crois, l'objet d'un très large consensus au sein de cette assemblée, car elle met le droit en accord avec les faits.

Il faut d'ailleurs prendre acte que le droit n'avait pas attendu les mots et que les anciens d'Algérie ont obtenu, sans que la satisfaction de leurs demandes soit complète - il s'en faut de beaucoup -, un certain nombre de réparations. C'est là un autre débat, qui n'est pas clos. Mais un pas important sera franchi si cette loi est votée.

La société française a été divisée par la signification de ce conflit. C'est la nation française, ses principes, la solidarité avec les Français d'Algérie, rapatriés dans les conditions que l'on sait et ayant tout abandonné, qui étaient en cause.

Pendant très longtemps, cette guerre a été tabou dans les médias, sur les écrans de nos cinémas. Le temps des historiens a mis longtemps à venir, comme dans toutes les circonstances où une nation n'a pas, sans parler de mauvaise conscience, une conscience claire de son histoire. Ce fut une période charnière, où les puissances coloniales furent partout dans le monde en butte à la montée des nationalismes et à l'aspiration à la décolonisation, où l'universalisme républicain cessa de justifier le maintien et l'exportation d'un modèle de civilisation hors du vieux continent. Ce fut l'époque où la fluctuation des discours politiques était le prix de l'efficacité, mais au point de désorienter bien des consciences. Mais les soldats français, eux, sortaient d'une guerre qui n'avait pas avoué son nom.

Ce texte est aussi l'hommage qu'ils attendent, et c'est pourquoi les députés radicaux de gauche le voteront sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Verts, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur le texte de la proposition de loi du groupe socialiste, no 1293, tendant à reconnaître officiellement l'état de guerre pour le conflit algérien. Permettez-moi, en préambule à mon intervention, d'exprimer ma réelle émotion.

Cette reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie, que j'ai depuis de longues années appelée de mes voeux en lien étroit avec mes amis combattants d'Afrique du Nord et mes collègues parlementaires, fait resurgir en moi quelques souvenirs. En effet, appelé en novembre 1961 à servir en Algérie, vous comprendrez toute l'importance - et le mot est faible - que revêt ce texte pour moi, pour nous les soldats d'Afrique du Nord.

Ayant déposé avec François Rochebloine et Didier Quentin, et avec le soutien du groupe Démocratie libérale, la proposition de loi no 1558 tendant à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, je me réjouis de ce débat après plus de trente-sept années d'attente.

En adoptant la loi du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 1er juillet 1962, le Parlement entendait assurer une complète égalité des droits entre les militaires engagés dans les opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord et ceux ayant servi en période de guerre. Toutefois, cette loi faisait mention des « opérations effectuées en Afrique du Nord » et non de la

« guerre d'Algérie ».

Depuis, un quart de siècle s'est écoulé sans que les sacrifices consentis par nos soldats, par nous-mêmes n'aient été pleinement reconnus. Il s'agit bien de sacrifices, le terme n'est pas trop fort, lorsque l'on est amené, à vingt ans, à quitter une épouse et enfant, à consacrer les meilleures années de sa vie pour servir en Algérie ou bien quand on a été victime de blessures, de traumatismes physiques ou psychologiques.

A cette occasion, permettez-moi d'avoir une pensée toute particulière pour tous nos soldats et pour toutes les associations humanitaires qui accomplissent actuellement leur mission dans les Balkans ou ailleurs dans le monde afin de lutter contre le totalitarisme, d'assurer le maintien de la démocratie, de protéger les populations et de leur porter secours.

M. François Goulard.

Très bien !

M. Georges Colombier.

Nous pouvons les remercier pour leur courage et pour leur dévouement.

Mme Véronique Neiertz.

Très bien !

M. Georges Colombier.

L'absence trop longue de reconnaissance a été vécue à juste titre comme un reniement de ce que nous avons fait par devoir au service de la nation. Tous les soldats qui ont servi en Afrique du Nord ont répondu à l'appel de la nation, à l'instar de tous les autres soldats dans tous les autres conflits. Ils ont accompli leur devoir national. C'est la raison pour laquelle la nation se devait de s'engager sur le devoir de reconnaissance et de réparation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Si la nature particulière de ce conflit - qui, certes, ne ressemblait pas aux guerres du début et du milieu du siècle - a pu expliquer les hésitations à le qualifier d'emblée de guerre, les esprits ont évolué du fait de la progression des travaux historiques. Peu à peu les événements d'Afrique du Nord ont été considérés comme une guerre en raison des moyens de combat engagés et des risques permanents encourus par les soldats.

Non, nous n'avons pas été envoyés à Tiaret, en Kabylie ou ailleurs en Algérie, pour mener de simples opérations de police ou de maintien de l'ordre ! C'était une guerre à part entière. Je peux en témoigner pour avoir assisté personnellement à quelques événements particulièrement violents.

Faut-il rappeler le nombre officiel d'hommes morts ou disparus, blessés ou malades ? Nous savons tous que le bilan pour l'ensemble de l'Afrique du Nord est particulièrement lourd. Nous ne pouvons pas oublier la mort de près de 30 000 hommes, ainsi que la tristesse des parents éplorés, des veuves et des orphelins. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les 300 000 blessés ou malades, le million d'hommes revenus traumatisés.

Non, il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans le détail.

La guerre d'Algérie a marqué toute une génération ! Je souhaite rendre hommage aux familles qui ont perdu un être cher à cette occasion et à tous ceux qui souffrent encore de leurs blessures, qu'elles soient physiques ou morales.

Nous pouvons aussi avoir une pensée pour les rapatriés d'Afrique du Nord et les harkis, qui, à l'issue de cette guerre tragique, ont dû quitter précipitamment et dans des conditions dramatiques leur terre natale ou d'adoption. Juste avant l'indépendance, pendant les mois de mai et de juin 1962, j'ai été le témoin à Mers el-Kébir de leur embarquement dans des conditions loin d'être satisfaisantes et qui n'étaient pas à l'honneur de la France.

Aujourd'hui enfin, chacun s'accorde à reconnaître les faits, et ce dans la lignée de la déclaration du Président de la République, Jacques Chirac, qui, le 18 septembre 1996, demandait à « mettre le langage officiel en conformité avec le langage courant ». Vous avez vousmême, monsieur le secrétaire d'Etat, depuis votre arrivée au secrétariat d'Etat aux anciens combattants utilisé les mots : « guerre d'Algérie » dans vos différentes interventions. Au Parlement, nous étions déjà nombreux à le faire. Aussi, je me réjouis que ce débat nous donne l'occasion d'officialiser cette reconnaissance. Je tiens à vous remercier pour cette avancée qui répond à nos attentes.

Je précise néanmoins que le texte de la proposition de loi no 1293, présentée par notre collègue Jacques Floch et le groupe socialiste, a été modifié par un certain nombre d'amendements adoptés mercredi dernier en commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ces modifications, que nous avions également souhaitées, puisque nous avions, nous aussi, déposé des amendements en ce sens, permettent d'enrichir le texte initial et d'aboutir à un texte pratiquement identique à la proposition de loi que François Rochebloine, Didier Quentin et moi-même avions déposée.

Beaucoup s'interrogent sur les modifications concrètes qu'apportera cette proposition de loi. Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de relayer auprès de vous ces inquiétudes bien légitimes. Je serai extrêmement attentif à ce que cette appellation permette d'accorder aux combattants d'Afrique du Nord les mêmes droits que ceux dont bénéficient leurs aînés.

Un amendement à l'article 1er tend à réaffirmer l'égalité entre les différentes générations du feu, égalité qu i est inscrite à l'article L.

1er bis du code des pensions militaires d'invalidité. La solidarité de toutes les générations du feu impose leur totale égalité dans la reconnaissance que leur accorde la République. Je me réjouis que cette disposition essentielle, qui figure d'ailleurs dans notre proposition de loi, ait été retenue mercredi dernier par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Par ailleurs, cette même commission a également adopté des amendements rédactionnels visant soit à rétab lir à l'article 2 une formule inscrite dans l'article L.

243 bis du code des pensions militaires d'invalidité, soit à ajouter au sein des articles 3 et 5 de la proposition de loi les mots : « de la guerre d'Algérie », soit à mieux définir le champ de la réforme.

Un seul point de divergence est à relever, et c'est pourquoi j'avais déposé, avec mes collègues François Rochebloine et Didier Quentin, un amendement additionnel à l'article 4 de la proposition de loi, afin de tirer les conséquences de la reconnaissance de l'état de guerre pour l'application des dispositions de l'article L.

12 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives aux bénéfices de campagne. Toutefois, il a été déclaré irrece vable au titre de l'article 40. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler au cours de la discussion des articles.

Comme mes collègues qui ont servi en Algérie, j'approuve la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie dans le code des pensions militaires d'invalidité et le code de la mutualité, ainsi que l'affirmation de l'égalité entre tous les combattants. Je resterai néanmoins très vigilant quant à l'application des mesures concrètes qui seront prévues dans le projet de budget des anciens combattants pour 2000, car il existe encore des points de contentieux.

Vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous avez raison, que l'on ne parle pas ce matin de revendications. Néanmoins, je tiens à rappeler que la représentation nationale a voté, dans le cadre de l'examen de la loi de finances de 1999, un article 121 concernant la mise en place, à partir du 1er janvier 1999, du système ARPE pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.

Il semblerait que les décrets d'application ne soient toujours pas parus. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de veiller à ce qu'ils soient publiés le plus vite possible.

Acceptons cette reconnaissance officielle de l'état de guerre en Algérie comme un hommage rendu aujourd'hui à tous ces hommes qui ont participé à ce devoir national.

Trente-sept ans après le cessez-le-feu, c'est aujourd'hui un devoir de mémoire. C'est également un devoir pour renforcer la paix. La paix pour notre pays, pour l'Europe et pour l'Algérie. Que le temps qui passe apaise les différends qui subsistent encore et renforce les bases de la réconciliation entre le peuple français et le peuple algérien, à un moment où ce dernier vit une réelle tragédie ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la guerre d'Algérie soulève encore dans notre pays des discussions passionnées. Mais il est un fait certain : un tel sujet mérite un débat de la représentation nationale, que, pour notre part, nous réclamions depuis de très nombreuses années. Nous nous félicitons par conséquent que ce débat ait lieu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Avec la discussion d'aujourd'hui, il s'agit de définir l'attitude officielle de la France face à sa période algérienne, entre 1954 et 1962.

Pendant cette période, appelée « opérations de police en Algérie », trois millions d'appelés ont été mobilisés ; la France a perdu 30 000 de ses fils ; 300 000 soldats sont revenus blessés ou malades, un million traumatisés.

Je n'oublie pas non plus les centaines de milliers de morts et disparus algériens, ni la tragédie des harkis et le douloureux déracinement d'un million de rapatriés.

Quarante-cinq ans après l'éclatement de la guerre, trente-sept ans après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, il importe d'officialiser ce qui n'est jusqu'ici qu'implicitement reconnu.

Nous pouvons maintenant aborder cette période de notre histoire plus sereinement. Et je souhaite, comme les associations d'anciens combattants, que notre assemblée unanime reconnaisse l'existence de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

C'est une promesse qui leur avait été faite lors de la campagne électorale de 1997, et je me félicite que cet engagement soit tenu. En effet, les promesses non tenues sont l'une des causes de ce qu'on appelle la « crise de la politique ».

Il est nécessaire que les générations plus jeunes aient une réelle connaissance de l'histoire de notre pays, de ses pages sombres comme de ses pages héroïques.

C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé une proposition de loi relative à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, que nous avions élaborée après des échanges fructueux avec les associations d'anciens combattants : l'UFAC, le Front uni et la FNACA notamment. L'examen en commission de la proposition de loi no 1293 a permis de prendre en compte cette question.

Nous proposons, en accord avec les associations d'anciens combattants, de l'améliorer encore, afin que les droits à réparation des anciens combattants en Algérie, au Maroc et en Tunisie soient reconnus, avec tout ce que cela suppose. C'est pourquoi nous soumettrons deux amendements à l'Assemblée.

Le premier vise à remplacer les mots : « opérations effectuées en Afrique du Nord » par les mots : « combats en Tunisie et au Maroc ».

Le deuxième vise à remplacer, dans tous les textes législatifs ou réglementaires et les documents officiels, sur tous les monuments, stèles et plaques commémoratives portant trace de ce moment dramatique de l'histoire de la France et de l'Algérie, les termes : « opérations de maintien de l'ordre » ou « opérations d'Afrique du Nord » par l'expression : « combats de Tunisie, Maroc, et guerre d'Algérie ».

Reconnaître l'existence de la guerre d'Algérie, c'est assumer les actes passés de la France, c'est tirer les enseignements de notre histoire, c'est permettre une plus grande compréhension entre les peuples et inciter à de nouvelles coopérations.

L'histoire de l'Algérie a été marquée par la colonisation, la guerre, les luttes d'indépendance, les violences qui les ont accompagnées : massacres, tueries. Les conséquences s'en font sentir aujourd'hui encore, notamment sur le plan économique.

Reconnaître la guerre d'Algérie, ce n'est pas attiser un quelconque esprit de revanche, c'est au contraire en tirer tous les enseignements pour construire les nouvelles coopérations dont le peuple algérien a tant besoin aujourd'hui.

C'est l'intérêt mutuel du peuple français et du peuple algérien de multiplier les échanges économiques et culturels.

C'est également contribuer à une meilleure compréhension entre les peuples, dans un esprit de paix qui a toujours été celui des communistes.

La législation française a reconnu la qualité de combattant, avec les droits et les devoirs qui y sont attachés, à ceux qui, sous certaines conditions, ont servi l'armée française. Le code des pensions militaires et d'invalidité a pris en compte, encore insuffisamment et imparfaitement, le droit à réparation.

Les associations d'anciens combattants, qui ont beaucoup oeuvré pour cette reconnaissance, ont sollicité tous les groupes parlementaires afin que soient reconnus aux anciens combattants tous les droits auxquels ils peuvent prétendre. Ceux-ci n'admettent pas, en effet, qu'on ait pu trouver les moyens matériels et financiers pour les envoyer au combat, mais qu'on ne les trouve plus lorsqu'il s'agit du droit à réparation.

Le droit à la retraite pour tous les anciens combattants, la reconnaissance des handicaps et traumatismes sont de légitimes revendications, qui devront être reconnues.

La mesure adoptée lors du débat budgétaire permettant l'accès à l'ARPE doit se concrétiser rapidement, tout comme le droit à réparation pour les autres revendications que sont notamment la revalorisation du plafond de retraite mutualiste, la prise en compte de l'allocation différentielle, l'élargissement des conditions d'attribution de la carte de combattant, le renforcement de l'action sociale de l'ONAC, la décristallisation des pensions. Le prochain budget devra répondre à ces aspirations.

En conclusion, le groupe communiste se félicite de la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie, qui permettra une clarification et le rétablissement de la vérité historique. Elle rendra plus visible et plus compréhensible cette période par la jeunesse, à qui nous avons le devoir de transmettre le flambeau de la mémoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici saisis de la proposition de loi du groupe socialiste tendant à officialiser l'expression « guerre d'Algérie » dans le code des pensions militaires d'invalidité et le code de la mutualité.

Plus de trente-sept ans après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, nous légiférons enfin.

Ayant déposé avec mes collègues Georges Colombier et Didier Quentin une proposition de loi tendant à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, je ne peux que me réjouir de ce débat.

Notre proposition de loi, comme celle de nos collègues du groupe communiste, a fait l'objet, lors de nos travaux en commission, d'une discussion commune, au cours de laquelle le texte proposé fut amélioré.

Plusieurs amendements ont été adoptés, en particulier à l'article 1er , avec le rétablissement de la notion de stricte égalité entre les générations du feu, mentionnée à l'arti cle L. 1er bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction initiale, c'est-àdire celle résultant de l'article 1er de la loi no 74-1044 du 9 décembre 1974.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Sa suppression aurait été inacceptable : elle eût conduit à n'accorder qu'une reconnaissance partielle.

Avec l'acceptation de ces amendements, à un point près, concernant l'application des dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives aux bénéfices de campagne, nous retrouvons mot pour mot notre proposition de loi, ce qui ne peut que nous satisfaire, comme le monde combattant, la troisième génération du feu en particulier.

A cet instant de mon intervention, et considérant que l'histoire n'est finalement qu'un éternel recommencement, vous me permettrez d'avoir une pensée toute particulière pour nos militaires qui sont actuellement dans les B alkans et pour les organisations humanitaires qui viennent en aide aux populations en détresse.

Les anciens combattants en Afrique du Nord, et plus précisément ceux qui ont servi en Algérie entre 1954 et 1962, estiment qu'il est temps de les considérer enfin comme des anciens combattants à part entière, qui ont dû prendre part à une véritable guerre et non à de simples opérations de police ou de maintien de l'ordre, comme tous les gouvernements, de droite comme de gauche, l'ont trop longtemps prétendu, en invoquant des motifs juridiques ou diplomatiques qui pouvaient se justifier lors du conflit, dans le contexte international de l'époque, mais plus après les accords signés à Evian le 18 mars 1962, qui y ont mis fin.

Nos soldats ne sont pas allés en Algérie pour appréhender quelques malfaiteurs, canaliser des manifestations dans la rue ou régler la circulation routière, ce qui est de la compétence de la police ou de la gendarmerie, mais pour combattre ceux qui avaient déclenché les hostilités le 1er novembre 1954 afin d'obtenir leur indépendance.

Je laisse aux historiens le soin d'analyser pourquoi ce drame n'a pu être évité, et où sont les responsabilités, car ce n'est pas l'objet de notre débat.

Me plaçant uniquement au niveau des faits, j'observe que la montée en puissance de nos armées dans le conflit fut rapide.

En 1954, 55 000 hommes étaient stationnés en Algérie.

En l'espace de deux ans, les effectifs furent portés à 400 000 hommes.

Le rappel des réservistes, le maintien sous les drapeaux des jeunes du contingent au-delà de la durée légale de dix-huit mois, jusqu'à vingt-sept, voire trente mois, l'utilisation de l'artillerie, des chars et de l'aviation confirment bien la mobilisation de tous les moyens militaires.

D'après la note no 37470 du 19 novembre 1968 du ministère des armées, ce sont près de trois millions d'hommes qui ont servi en Afrique du Nord de 1952 à 1962, dont deux millions en Algérie.

N'oublions pas, cependant, que les troupes stationnées au Maroc et en Tunisie ont eu à intervenir également aux frontières.

Une autre étude des services historiques des armées, d atée du 25 novembre 1985, n'a recensé que 1 747 927 militaires, majoritairement des appelés du contingent, ayant servi en Afrique du Nord, mais le ministre de l'époque, André Giraud, précisait que ce nombre ne tenait pas compte, contrairement à la première estimation, des fonctionnaires de diverses catégories qui sont intervenus aux côtés des militaires, ce qui confirme que plus de deux millions d'hommes au total furent concernés, selon toute vraisemblance.

Dès 1955, l'état d'urgence fut décrété, suivi un an plus tard par les pouvoirs spéciaux.

La mention « mort pour la France » fut accordée dès les premiers mois du conflit à ceux qui sont tombés.

De même, la loi no 55-1074 du 6 août 1955 a étendu aux combattants d'Afrique du Nord les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité en matière de blessures de guerre.

En Algérie, c'était donc bien la guerre.

S'il fallait d'autres chiffres pour convaincre, les pertes subies parlent d'elles-mêmes.

Rien que pour l'Algérie, le ministère de la défense dénombre officiellement 23 196 tués et 60 188 blessés.

Je salue ici les familles endeuillées par la perte d'un fils, d'un frère ou d'un mari, et toutes celles et tous ceux qui souffrent encore aujourd'hui des conséquences de leurs blessures.

Par ailleurs, les dures conditions de vie, le climat, la nourriture, le stress eurent des conséquences sur la santé d e centaines de milliers d'hommes, comme en témoignent les statistiques des infirmeries et des hôpitaux militaires.

N'oublions pas également les psychotraumatismes de guerre, qui subsistent aujourd'hui.

Le bilan pour l'ensemble de l'Afrique du Nord est de l'ordre de 30 000 morts et disparus et de 300 000 blessés ou malades.

La guerre d'Algérie a donc marqué à jamais toute une génération.

Comme si cela ne suffisait pas, des dizaines de milliers de supplétifs payèrent de leur vie leur fidélité à la France et de nombreux civils européens et musulmans subirent également un sort tragique.

A l'issue de ce drame, près d'un million de personnes durent en outre quitter en catastrophe leur terre natale.

S'agissant de qualifier de guerre ce qui s'est passé en Algérie, nul ne peut contester les faits, y compris les plus pénibles, mais nous ne saurions accepter que certains tentent d'accréditer l'idée que nos militaires se seraient systématiquement mal comportés, même si ce fut parfois le cas, en omettant soigneusement d'évoquer les exactions de nos adversaires, pour jeter l'opprobre sur notre armée et tous ceux qui ont servi la France dans l'honneur.

Les mêmes insistent aujourd'hui sur les bavures de l'OTAN dans les Balkans et passent sous silence la purification ethnique au Kosovo, sauf pour prétendre que l'armée française aurait fait de même en Algérie. De tels propos, qui ne correspondent pas à la réalité, sont proprement scandaleux et ne grandissent pas leurs auteurs.

Ce qui se passe actuellement en Algérie démontre malheureusement où était déjà l'horreur à l'époque.

Quelles que soient les convictions de chacun, personne ne doit oublier qu'en pleine guerre d'Algérie, nos soldats s'employaient aussi à ravitailler les populations civiles, à les soigner, et à faire la classe aux enfants éloignés de toute école. On pourrait multiplier les exemples.

Ces actions humanitaires avant l'heure, qualifiées de pacification à l'époque, n'empêchaient pas, hélas ! la guerre au quotidien, avec les attentats, les accrochages dans les djebels et aux frontières, les embuscades meurtrières, les grandes opérations, beaucoup de durs combats, avec l'insécurité permanente, y compris dans les villes, ce qui a fait dire au général Ailleret, commandant supérieur des forces en Algérie, dans son ordre du jour no 11 du 19 mars 1962 : « L'armée peut être fière des succès remportés par ses armes, de la vaillance et du sens du devoir


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

déployés par ses soldats, réguliers et supplétifs, de son oeuvre d'aide aux populations, si durement éprouvées par les événements. »

L'issue politique de la guerre d'Algérie, qui s'inscrivait dans le cours de l'histoire de la décolonisation après la Seconde Guerre mondiale, et qui fut approuvée par 90,7 % du peuple français lors du référendum du 8 avril 1962, ne saurait remettre en cause l'action de notre armée, et plus particulièrement du contingent, dont le loyalisme aux heures sombres des derniers soubresauts de la guerre, en 1961 notamment, permit de sauvegarder nos institutions républicaines.

La guerre est une situation de fait avant d'être une situation de droit, et l'opinion publique ne s'y trompe pas, elle qui a toujours parlé de « guerre d'Algérie ».

Au Parlement, nous sommes nombreux, depuis longtemps, à utiliser cette expression. Aussi, je me réjouis de ce débat, qui va au-delà des droits accordés progressivement après la levée du prétendu barrage juridique des

« opérations de maintien de l'ordre » par André Bord le 2 novembre 1972 et le vote de la loi no 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux anciens combattants en Afrique du Nord.

Lors d'une audience accordée par le Président de la République au Front uni, le 18 septembre 1996, Wladislas Marek, président de la FNACA, exprimait le souhait de voir substituer dans les discours comme dans les textes officiels l'expression « guerre d'Algérie » à l'expression

« opérations de maintien de l'ordre en Algérie ». Le chef de l'Etat se déclarait ouvert à une telle évolution, dans la mesure où elle ne ferait que « mettre le langage officiel en conformité avec le langage courant ».

Vous aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez utilisé cette expression depuis votre arrivée Rue de Bellechasse, en 1997, notamment lors du 16e conseil national de la FNACA, auquel j'étais invité et qui s'est tenu à Saint-Etienne le 18 octobre 1997. Les anciens combattants d'Algérie ont apprécié.

J'approuve donc avec satisfaction l'officialisation de la guerre d'Algérie dans le code des pensions militaires d'invalidité et le code de la mutualité.

Nous veillerons attentivement à la bonne application de la loi après son vote par l'Assemblée nationale et le Sénat, notamment lors de la prochaine discussion budgétaire, à l'automne.

Nous souhaitons également que le mémorial national de la guerre d'Algérie, dont il est question depuis plusieurs mois, voie le jour rapidement, à Paris, afin de couronner solennellement l'hommage de la nation à tous les

« morts pour la France » lors de cette tragédie.

Avec l'adoption de ce texte, que le groupe UDF votera, j'ajouterai, à titre personnel, que cette reconnaissance constitue un geste important en direction de toute une génération, à laquelle, trop jeune à l'époque, je n'appartiens pas, mais dont je connais bien les attentes.

Notre assemblée s'honore en reconnaissant, tant d'années après les événements, une réalité : la guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

« Le départ eut lieu. Jamais je n'oublierai ce spectacle. Les familles étaient dans la rue et, à travers les grilles de la caserne, regardaient monter dans les camions leurs fils ou leurs frères ou leurs petits amis. Je voyais encore mes parents, petites silhouettes en larmes. Pour eux comme pour moi, on m'emmenait à la boucherie. J'étais un enfant, leur enfant et cet enfant partait à la guerre. » C'est ainsi que s'exprime Claude Berri

dans Le Pistonné.

La « guerre » : le mot terrible est lâché et, pourtant, très peu de ceux qui ont vécu cette période n'ont osé, au cours des décennies qui ont suivi, dire ce qu'ils avaient vécu, tant ils se sentaient mortifiés et coupables. Les cauchemars ont hanté leurs nuits aux blessures corporelles sont venues s'ajouter l'indifférence, voire le mépris d'une société qui voulait l'oubli. Alors, ils ont fait taire leur souffrance.

Aujourd'hui, il nous faut libérer la mémoire, libérer ces hommes d'une culpabilité injustement ressentie.

La proposition de loi présentée par le groupe socialiste, rejoint par d'autres, va accomplir cette tâche indispensable et mettre un terme à tant d'années d'hypocrisie.

Jusqu'alors, on indemnisait des soldats, pour des combats bien réels, dans une guerre qui n'en n'était pas une. Sur nos monuments aux morts figuraient les noms de jeunes hommes, victimes d'une « non-guerre ».

Il était indigne, presque indécent, au regard des missions remplies courageusement, au péril et, pour près de 30 000 d'entre eux, au prix de leur vie, par les soldats français, de persister à évoquer de simples opérations de maintien de l'ordre.

Tous ceux à qui notre nation a demandé de sacrifier ce qui aurait dû être les plus belles années de leur vie, n'oublient pas la cruauté des combats. Ils y ont perdu des proches, ils y ont été blessés dans leur chair ou traumatisés par ce qu'ils ont subi.

A tous ceux-là, aux orphelins, aux veuves, la réparation matérielle ne pouvait suffire, d'autant qu'elle a suscité des luttes acharnées pour être obtenue.

Oui, la France était en guerre. Sans doute aurait-on pu éviter cette tragédie. Sans doute aurait-on pu et dû éviter certaines exactions et certains débordements inacceptables.

Mais il ne sert à rien de réécrire l'histoire quand il suffirait de la regarder en face. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Car l'avenir d'un pays se construit sur les bases d'un passé clairement assumé, dans toutes ses dimensions, y compris les moins glorieuses.

Benjamin Stora écrivait avec raison en 1991 : « Aucun peuple, aucune société, aucun individu ne saurait exister et définir son identité en état d'amnésie. »

Encore une fois, l'examen clairvoyant et honnête de notre histoire ne doit pas être conçu comme un risque.

Le préfet Marcel Blanc, président de la commission de réflexion sur le devoir de mémoire, expliquait récemment que « la mémoire n'est pas un pensum à subir, mais un don à cultiver ». (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Et d'ajouter qu'« elle préfère les événements et les pensées qui rassemblent les hommes, aux affrontements des chapelles ».

On ne doit pas y voir, en effet, une complaisance malsaine à raviver sans cesse des plaies mal cicatrisées, pas plus qu'il ne s'agit là de déstabiliser l'Etat ou de mettre en cause telle ou telle communauté, tel ou tel groupe, tel ou tel individu. C'est - simplement, dirai-je - l'hommage que nous devons aux anciens combattants et à l'action opiniâtre et patiente des associations qui les représentent, mais aussi une attitude lucide et courageuse qu'il nous faut léguer en exemple aux générations à venir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

De même, nos relations avec l'Etat algérien, quelque peu passionnelles et pourtant si essentielles, bénéfieront à n'en point douter de cette mise à jour.

Le gouvernement de Lionel Jospin s'est investi efficacement, dès les premiers jours de son installation, pour que soient améliorées les conditions de réparation dues aux anciens combattants d'Algérie, mais aussi pour que soit reconnu comme tel l'engagement de la troisième génération du feu. En son sein, il convient de vous féliciter, vous, monsieur Masseret, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, pour avoir été le premier à prendre position fermement sur le sujet, dès 1997. Cette initiative courageuse trouve une suite logique dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Patrick Rotman et Bertrand Tavernier, dans le film La Guerre sans nom, racontent : « Ils avaient 20 ans... Ils étaient deuxième classe ou officiers, ils ont combattu dans les Aurès, le Constantinois ou en Kabylie... Ils portaient le chapeau de brousse, le béret du para, la casquette du commando ou la galette des chasseurs alpins. Ils ont laissé une partie de leur jeunesse sur les pitons isolés, dans les cantonnements, les ratissages. Ils ont eu peur au cours des gardes de nuit... et plus encore dans les opérations quand pétait la mitraille. Beaucoup trop sont morts au fond d'un oued desséché, à la conquête d'une crête déchiquetée... »

A tous ceux-là, nous décidons aujourd'hui de redonner ce que l'histoire leur avait pris : l'honneur et la dignité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, sans doute suis-je ce matin le benjamin des intervenants à cette tribune, et donc l'un des moins habilités à évoquer cette période de notre histoire. Mais, et je le dis bien modestement à ceux d'entre vous qui ont servi pendant cette période, c'est peut-être parce qu'il y a un écart de génération entre eux et moi que je me sens, plus que d'autres, la nécessité d'accomplir un devoir de mémoire au nom de ma génération.

Je veux aussi, en tant que jeune député, dire que je suis fier de voir le Parlement débattre de cette affaire sur un texte d'origine parlementaire, qui vient grandir l'image de notre assemblée. Ce texte, synthèse de trois propositions d'origine parlementaire issues de tous ces bancs, démontre le courage des députés, une fois de plus, monsieur le secrétaire d'Etat. Je dis bien : une fois de plus, car, même si cela n'a rien de comparable, j'ai encore présent à l'esprit ce grand jour où notre assemblée a légiféré sur la reconnaissance du génocide arménien. Le texte était aussi d'origine parlementaire, et la démarche était aussi une marque de courage des députés.

M. Jean-Pierre Blazy.

Il faut que le Sénat suive !

M. Christian Estrosi.

Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est traditionnellement aux historiens d'analyser l'histoire. Mais je crois que les représentants du peuple, ceux qui sont à l'écoute et qui peuvent être les interprètes, au sein de l'Assemblée nationale, des associations, de celles et ceux qui ont été acteurs et victimes d'une période aussi douloureuse, sont tout aussi habilités à réparer ce que nous étions nombreux à considérer comme une vaste hypocrisie.

Ainsi, nous inscrivons aujourd'hui dans notre droit la reconnaissance de la guerre d'Algérie.

Jusqu'à ce jour, la tragédie algérienne avec ses dizaines de milliers de morts, se dissimulait sous le vocable pudique d'« événements ».

Pourtant, l'enchaînement des combats, des violences, des exactions qui, de 1954 à 1962, conduisirent à l'indépendance de l'Algérie, étaient d'une tout autre nature que de simples événements : c'était la guerre, la guerre pour ceux qui, alors, luttaient pour que l'Algérie reste dans la République.

Ce texte répare une injustice historique et réhabilite le sacrifice de ceux qui ont lutté avec courage et honneur au service de la France.

La nation doit assumer ses devoirs envers les combattants d'Algérie : devoir de mémoire, devoir de reconnaissance, devoir de réparation. Les anciens combattants ont des droits d'autant plus forts que la nation n'a pas assumé ses devoirs.

Les accords d'Evian spécifiaient qu'« il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action militaire armée sur l'ensemble du territoire algérien le 19 mars 1962 à douze heures ».

Ces accords, toujours célébrés comme une victoire en Algérie, furent plus qu'éphémères. La fusillade de la rue d'Isly, le 26 mars, sept jours après les accords d'Evian, en est, hélas ! la plus tragique démonstration.

Le 3 juillet 1962, l'indépendance de l'Algérie a été reconnue solennellement. Cent jours ont séparé le 19 mars de l'indépendance, cent jours terribles où 1 500 Français et, en premier lieu, des harkis, ont été massacrés par le FLN dans des conditions d'une barbarie extrême. Certains ont été ébouillantés ou émasculés. C'est une tache noire de notre histoire, mais c'est aussi une tache noire pour le peuple algérien, qui commençait bien mal sa propre histoire. Une histoire qui, sans la France, ne cessera d'être tragique.

C'est pourquoi ce texte doit aussi permettre de définir une date de commémoration qui soit la plus consensuelle possible.

M. Jean-Pierre Blazy.

Le 19 mars !

M. Christian Estrosi.

En inscrivant aujourd'hui dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ainsi que dans le code de la mutualité la guerre d'Algérie, nous apportons donc une légitime reconnaissance à ceux qui ont tant souffert dans leur chair et dans leur âme durant l'une des périodes les plus douloureuses de notre histoire, à ceux qui sont tombés au champ d'honneur, à ceux qui ont laissé un fils, un mari, un proche, à ceux qui se sont battus pour une certaine idée de la France, à nos compatriotes pieds-noirs qui ont laissé une partie d'eux-mêmes sur cette terre qu'ils chérissaient autant que la France et à laquelle ils ont tant apporté et, enfin, à nos frères harkis qui ont payé l'impôt du sang pour revendiquer pour eux et les enfants leur fierté d'appartenir à notre belle et grande nation. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. Jacques Desallangre.

Aujourd'hui, les plus hautes autorités de l'Etat substituent à toutes les appellations l'expression « guerre d'Algérie ». Vous avez été le premier à le faire, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous vous en remercions.

D'abord « événements » en 1954, puis « opérations de police » en 1955, puis « actions de maintien de l'ordre » en mars 1956, puis « opérations de rétablissement de la paix civile » en 1957, et enfin « entreprise de pacification » jusqu'en 1962. Dans quelques heures, cette guerre sans nom en aura enfin trouvé un.

Nous devons supprimer de tous les textes, de toutes les lois, du code des pensions, l'expression hypocrite et rétablir la vérité : c'était la guerre. Nous, jeunes soldats à l'époque, le savions déjà. Mais, depuis quarante ans, nous avions besoin d'entendre notre pays le dire.

Nous abordons ce débat avec le sérieux, avec l'humilité que nous commande le respect du souvenir de nos jeunes et malheureux camarades tués dans ces « opérations de maintien de l'ordre », dans ces « opérations de pacification », et, personnellement, avec la gravité que m'inspire le rappel quotidien de la tragédie par la présence dans ma commune de ce cul-de-jatte à vingt ans devenu aujourd'hui un infirme vieillissant.

Depuis des années, le rencontrer quotidiennement suscite en moi des sentiments contradictoires : la joie un peu égoïste d'être rentré indemne ou la gêne un peu honteuse de le voir dans sa chaise roulante. Lui aussi sait que c'était la guerre.

Les mères qui voyaient sonner à leur porte deux gendarmes à la mine grave savaient que ce ne pouvait être qu'une guerre qui allait faire qu'elles devraient barrer de noir la photo de premier communiant sur le buffet de la cuisine.

Oui, ce conflit doit être dénommé « guerre », car il en présente les caractéristiques tant objectives que psychologiques pour les combattants.

Nous ne devons plus tricher avec notre histoire.

Aujourd'hui, nous constatons, nous ne faisons que dresser l'acte, même si notre démarche revêt une forte portée symbolique. Nous déclarons que nous avons fait la guerre à une nation qui bâtissait alors par sa lutte armée l'une de ses fondations.

Nous nous rappelons que la France a conduit dix classes d'âge au feu, allongé la durée du service national, mobilisé une partie de son industrie et de son économie, organisé la censure et la maîtrise de l'information pour faire cette guerre. Mais, plus encore que de ces indices extérieurs, il importe de considérer la perception qu'ont eue les populations françaises et algériennes. Quand des mères pleurent leurs fils morts, quand des jeunes pendant dix ans tirent sur d'autres jeunes, quand une jeunesse revient incertaine, doutant de la cause pour laquelle elle a combattu, c'est d'une guerre qu'il s'agit.

Il est indéniable que la majorité des Algériens adhérait au projet qu'elle allait faire aboutir par la lutte armée : l'indépendance - cette indépendance que les accords d'Evian allaient préparer. Quand deux nations, dont l'une est en train de naître, s'affrontent les armes à la main, cela s'appelle la guerre.

L'acte que nous accomplissons aujourd'hui est courageux car il nous oblige à nous regarder dans le miroir.

Mais n'est-ce pas la meilleure façon de savoir d'où nous venons ? Comme d'autres jeunes à l'époque, j'avais la tête pleine des échos de la Résistance. Comme j'avais rêvé, fils de cheminot résistant, sur ces mots : « franc-tireur » et

« partisan » ! Et dix ans plus tard, je me trouvais engagé dans un combat incertain, qui suscitait un vif débat au sein de la classe politique et au sein de la population.

Livrais-je la guerre juste ? J'en doutais, comme des milliers d'autres. A ce doute s'ajoutait le malaise né du lancinant débat sur la torture, qui taraudait notre jeune et encore fraîche conscience.

Oui, c'est bien une guerre, qui nous a marqué moralement ; c'est bien une guerre qui a marqué physiquement tant d'entre nous.

Plus besoin aujourd'hui de démontrer que nous avons fait la guerre ! Il n'y a plus ni contestation ni controverse alors que - on l'a rappelé - des Français se déchirèrent, et certains même s'entretuèrent, autour de la contradiction majeure : nation algérienne ou département français.

Il est indispensable pour nos enfants - par pédagogie -, comme pour nous, que nous fassions concorder les mots utilisés avec les catégories auxquelles ils correspondent et dont ils font à la fois partie. Il faudrait, sinon, comprendre et expliquer pourquoi un conflit opposant deux nations et présentant exactement les caractéristiques d'une guerre est appelé « opération de maintien de l'ordre ». Il y aurait alors un risque sémantique généré par cette hypocrisie car, sachant que c'est le langage qui participe majoritairement à notre conception du monde, il serait à craindre que la création de faux concepts, de fausses catégories, n'altère de façon importante notre perception.

Nous avons été très nombreux, ces deux dernières années, à vous interpeller, monsieur le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, en appelant cette réforme du langage officiel. Même si celle-ci vient tard, elle sera l'honneur de ceux qui la voteront, elle sera l'honneur du Gouvernement.

C'est sur le sol de ma circonscription que sont tombés les fusillés de Vingré en 1917. Et c'est aussi sur le sol de ma circonscription qu'a été fusillé le héros malheureux du pantalon rouge. L'an dernier, le Premier ministre a rendu hommage à la mémoire de ces pauvres victimes en se rendant sur les lieux du carnage et il leur a rendu justice.

A ujourd'hui, par l'adoption de la dénomination

« guerre d'Algérie », nous franchissons une nouvelle étape dans la quête d'une vérité officielle qui soit toute simple, toute nue, cruelle parfois.

C'est en dénudant cette vérité que l'on pense aussi que notre pays détient maintenant la force paisible de regarder son passé en face pour aborder sereinement l'avenir et les grands défis qu'il nous appelle à relever.

Oui, c'était la guerre ! Il est temps aujourd'hui que le langage officiel le reconnaisse. Il est temps aujourd'hui que la République l'affirme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Monsieur le président, monsieur les ecrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est en décembre 1998 que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi relative à la substitution de l'expression

« opérations effectives en Afrique du Nord » par l'expression « guerre d'Algérie et opérations effectuées en Afrique du Nord ».

Les plus hautes autorités de l'Etat ont souhaité que le langage officiel sur le conflit algérien soit en harmonie avec la réalité des faits et la conscience nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Aujourd'hui, nous proposons de traduire cela dans les faits, en utilisant notre niche parlementaire.

Trop nombreux, parmi nos compatriotes, sont ceux qui ont connu le prix de la vie, le prix du sacrifice, le prix de l'honneur. Trop nombreux parmi ceux-là supportent aujourd'hui encore le poids de l'injustice et de l'incompréhension.

Drame des familles de ces morts pour la France, angoisse des familles de ces appelés servant en Algérie, déchirement pour ces rappelés abandonnant leur emploi et la vie dans laquelle ils s'étaient installés, telles furent les images de mon adolescence.

On parlait alors de « maintien de l'ordre » et « d'événements d'Algérie ». Combien de morts et de blessés pour

« maintenir l'ordre » ? Et puis toujours cette appellation

« d'événements d'Algérie ». Quels termes génériques, porteurs de toutes les ambiguïtés d'une époque ! Ces ambiguïtés ont généré et génèrent toujours tant de frustra tion et d'amertume.

Amertume pour cette troisième génération du feu qui se voit délivrer la carte du combattant pour de simples

« actions de maintien de l'ordre ».

Frustration et amertume pour tous ces membres des forces supplétives, ces harkis oubliés de l'histoire, qui nous demandent d'assumer notre passé en leur rendant leur dignité.

Il y a aujourd'hui cette France plurielle qui a, elle aussi, besoin de repères, besoin de connaître et de vivre une communauté d'histoire.

Aujourd'hui, avec ce texte, nous ne tournons pas une page. Nous ne sommes pas là pour évoquer simplement des souvenirs : nous participons au devoir de mémoire.

On a trop tendance à confondre mémoire et souvenir.

Comme le dit si bien Jean-Pierre Masseret, « le souvenir, c'est un témoignage de respect, de reconnaissance pour ce qui a été fait. Le travail sur la mémoire c'est retrouver le sens et l'utiliser pour permettre la construction de la citoyenneté et des raisons de bâtir l'avenir ».

Depuis 1830, l'Algérie et la France ont une histoire commune. Cette histoire a comme une fin dramatique.

Par cette appellation de « guerre d'Algérie », nous essayons d'identifier cette période dans toutes ses réalités.

Nous proposons des repères pour retrouver un avenir commun.

Parce que je suis un élu du Sud, un Européen du Sud, c'est peut-être avec plus de sensibilité que je ressens ce besoin de dialogue autour de la Méditerranée.

Avec tous nos compatriotes rapatriés, avec les anciens combattants d'Afrique du Nord, avec les harkis, avec tous ces jeunes Français issus de l'immigration, avec ce peuple algérien qui doit chercher son apaisement, nous devons être capables d'analyser ensemble ce que fut l'action de la France en Algérie, en Afrique du Nord.

Nous avons une histoire commune. Et cette histoire existe quel que soit le jugement que l'on porte dessus.

C'est parce que demain nous serons capables de parler de la guerre d'Algérie avec le peuple algérien que nous pourrons retrouver un nouveau dialogue de paix et de fraternité autour d'un passé commun et d'une mémoire commune.

Alors, cette mémoire permettra de renouer les liens d'un avenir commun, dans le cadre d'une harmonie méditerranéenne, creuset de civilisation et de culture, trait d'union du dialogue Nord-Sud indispensable à tout codéveloppement.

C'est cela aussi la citoyenneté dans sa dimension méditerranéenne, c'est ce désir exprimé d'aspirer à un devenir commun. Devenir qui doit s'enraciner dans une histoire commune et partagée.

Depuis trente-sept ans, nous n'arrivons pas à échapper collectivement à une vision réductrice de cette période, vision faite de nostalgie, d'idéalisation, de mauvaise conscience souvent.

Chaque guerre est faite de pages glorieuses, mais de pages douloureuses aussi. Le travail sur la mémoire nous permet de les évoquer sans haine ni oubli. Ce n'était toujours pas le cas pour cette guerre d'Algérie aux feux toujours mal éteints.

Comme l'a bien souligné notre rapporteur, Alain Néri, nous avons voulu garder à ce texte toute sa charge symbolique. Nous devons éviter de le transformer en catalogue revendicatif. Ce serait affaiblir notre volonté de reconnaissance. Ce serait affaiblir l'hommage solennel et le devoir de mémoire dus aux anciens combattants de la guerre d'Algérie. Certes, des revendications demeurent.

Mais, aujourd'hui, nous faisons oeuvre de vérité, oeuvre de reconnaissance, oeuvre de courage, oeuvre de justice, de dignité, et c'est cela qui doit nous rassembler sur ce texte.

Alors oui, mes chers collègues, reconnaître l'état de guerre en Algérie, c'est permettre à notre peuple de comprendre la véritable portée historique et humaine de ces combats.

C'est reconnaître les sacrifices consentis par une génération, en lui rendant honneur et dignité.

C'est comprendre notre histoire pour la dépasser.

C'est retrouver les chemins d'un destin commun.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi soumise aujourd'hui à notre examen mérite toute l'attention de la représentation nationale.

« La guerre d'Algérie » est aujourd'hui une expression employée dans le langage courant.

Tel n'a pas toujours été le cas. Les Français qui ont vécu cette période se souviennent qu'il était question à l'époque de « rebelles » et « d'opérations de maintien de l'ordre ». Le vocabulaire officiel, employé dans les textes législatifs et réglementaires, a évité d'utiliser cette expression depuis 1962.

Pour permettre aux intéressés de bénéficier des avantages sociaux en vigueur, le législateur a progressivement assimilé les soldats engagés en Afrique du Nord aux combattants des conflits traditionnels, en 1967 et 1974 notamment.

La présente proposition de loi n'entraînera aucune conséquence concrète sur le statut des anciens combattants d'Afrique du Nord. Son objet est tout autre. Elle vise à mettre enfin en conformité le langage officiel avec le langage courant.

M. Alain Néri, rapporteur.

Absolument !

M. Alain Ferry.

Dès lors, il convient de s'interroger sur les causes de ce long refus des pouvoirs publics à admettre ce qui est pourtant, depuis trente-sept ans, une évidence pour tous.

Cherchons ensemble une explication à ce non-dit.

La guerre d'Algérie a été longtemps une guerre sans nom. L'Algérie était en 1954 un territoire partie intégrante de la France, divisé en plusieurs départements.

Conquise en juillet 1830, elle comptait une population d'origine européenne d'un million et demi d'habitants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

A u

XIXe siècle, plusieurs observateurs de marque comme Tocqueville avaient décelé les risques d'un conflit futur. Mais pour l'immense majorité des Français, l'existence d'une immigration européenne forte faisait de ce territoire une fraction indiscutable de notre pays. En 1954 encore, un ministre déclarait « l'Algérie, c'est la France ».

Il ne faisait que traduire un état d'esprit.

Tous les partis politiques de la IVe République ont soutenu la guerre d'Algérie.

M. Alain Clary.

Non ! Vous oubliez un cas : les communistes !

M. Charles Cova.

Bien sûr, vous ne pouviez pas porter les valises et soutenir la guerre !

M. Jacques Floch.

Restez convenable !

M. Alain Néri, rapporteur.

Préservez la dignité du débat !

M. Alain Ferry.

La majorité de gauche décida en 1956 l'envoi du contingent. Mais, en 1958, l'arrivée du général de Gaulle est ressentie par la droite et les Français d'Algérie comme la garantie du statu quo

En somme, presque aucun parti politique n'est resté fidèle à sa position d'origine.

La violence des événements a contraint les hommes à évoluer très vite, acceptant ce qui était présenté comme inadmissible peu de temps auparavant.

L'Etat, après avoir affirmé que la France resterait en Algérie, avait dû se déjuger. C'est là une situation pénible pour les hommes comme pour les institutions. Telle est sans doute l'explication de ce refus d'adopter l'expression qui convient pour désigner ces événements.

Aujourd'hui, les propositions de loi soumises à notre examen vont nous permettre de mettre le langage officiel en conformité avec la réalité : tous nos compatriotes qui ont souffert de cette guerre l'attendent.

Reconnaître officiellement la guerre d'Algérie, c'est assumer toute notre histoire.

Je me félicite du soutien que vous apportez, monsieur le secrétaire d'Etat, à cette initiative parlementaire. Je constate que vous avez à coeur de faire aboutir des revendications très anciennes des anciens combattants, qu'il s'agisse de l'Algérie ou encore de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale. Je vous en remercie.

En conclusion, je soutiens pleinement ce texte et souhaite que, au moment du scrutin, l'unanimité de la représentation nationale puisse s'exprimer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Mesdames et messieurs les députés, quelques mots pour remercier l'oratrice et les orateurs qui sont intervenus. L'unanimité qui s'est dégagée sur le fond augure bien du vote qui interviendra dans quelques instants.

Aux différents orateurs qui ont avancé, dans ce débat qui porte sur la qualification de « guerre d'Algérie » certaines revendications catégorielles, je ne répondrai pas ce matin. Il y a un temps pour la reconnaissance et un temps pour l'expression de cette reconnaissance en termes de solidarité. Dans les semaines qui viennent et à l'occasion du débat budgétaire, nous aurons l'opportunité de débattre de ces questions, et cela se fera, naturellement, devant l'Assemblée nationale.

Je conclurai d'un mot sur le mémorial d'Algérie dont il a été question et qui viendra compléter le travail parlementaire de ce matin. Une commission a été mise en place. Elle est présidée par Jean Lanzi, que j'ai souhaité associer ce matin à nos travaux. Le dossier avance bien concernant les différentes définitions et ce qui doit figurer sur ce mémorial. Reste à en déterminer le lieu d'implantation. Un rendez-vous a été fixé à la fin du mois de juin avec M. le député-maire de Paris pour trouver un accord satisfaisant en la matière. J'espère que, dans les meilleurs délais, nous pourrons, les uns et les autres, venir nous recueillir devant ce mémorial national. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, je viens d'être saisi de plusieurs amendements. Pour permettre leur mise en distribution, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Nous abordons la discussion des articles.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

TITRE Ier

MODIFICATION DU CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE LA GUERRE

« Art. 1er . - L'article L.

1 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ainsi rédigé :

« Art. L.

1 bis. - La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

« Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, en prolongeant quelques instants la discussion générale, de vous féliciter, avec toute l'amitié que je vous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

porte, de votre excellent travail. Depuis onze ans que je suis parlementaire, j'ai assisté, dans cet hémicycle, à bien des débats concernant les anciens d'Algérie, des débats parfois très rudes, et je dois dire que je suis fier de vous avoir pour ministre des anciens combattants.

Le moment essentiel que nous vivons ce matin participe de cette fierté. C'est pour moi un honneur de soutenir à cette tribune une proposition de loi qui vise, quarante ans après, à rétablir la vérité dans sa plénitude.

Enfin - oui enfin ! - la République ose assumer pleinement son histoire, avec ses gloires, mais aussi ses erreurs.

En 1954, c'était bien une guerre que la France avait engagée en Algérie.

J'en sais quelque chose : je suis un enfant de cette guerre. Et croyez-moi, je n'ai jamais été un enfant des prétendues « opérations de maintien de l'ordre en Algérie ». Je n'ai jamais pensé que tant de morts, tant de drames humains, de vies brisées et marquées à jamais par la peine, la souffrance et le feu, tant de familles endeuillées, pouvaient être imputables à des « opérations de maintien de l'ordre ». Seule la guerre provoque cela.

A vouloir la cacher en la débaptisant au profit de dénominations faussement pudiques, on n'a fait que rajouter le déshonneur au malheur. Vis-à-vis de tous ceux qui sont tombés pendant ces tristes heures, vis-à-vis de tous leurs proches et de toutes leurs familles, la France ne s'était pas montrée à la hauteur de ce qu'elle représente.

Elle n'avait pas eu le courage de dire la vérité, n'hésitant pas à travestir la réalité au point de lui retirer son nom.

Ce texte n'efface rien. Il reconnaît et assume. Il est un élément de dignité et de reconnaissance à l'égard de tous ceux qui ont été victimes de la guerre. Il participe d'un travail de mémoire et d'une exigence d'honnêteté.

Ce n'est donc pas simplement un texte créateur de droits pour tous nos anciens combattants. Assurément, il complète la reconnaissance partielle qu'avait instituée la loi du 9 décembre 1974 et je m'en réjouis, bien entendu, en en mesurant toute la portée matérielle pour les personnes concernées. Mais, vous l'aurez compris, ce texte représente bien plus à mes yeux.

Il résonne comme un hommage à tous les disparus et à leurs enfants, au peuple algérien, meurtri dans sa chair et qui n'en finit pas de payer les conséquences d'une décolonisation ratée, aux combattants de l'armée française et à ceux qui portent, aujourd'hui encore, les traces de cette guerre, à ces amis de la France qui avaient cru à sa parole et qui furent abandonnés en 1962 à leur triste sort.

Il résonne aussi comme un pardon à tous ceux qui se sont retrouvés, avec pour seuls bagages une malle et une valise, à attendre patiemment en gare de Marseille que quelqu'un vienne leur dire dans quel hangar ils allaient dormir la nuit. A tous ceux qui ont dû faire face aux quolibets et aux railleries une fois la question de leur installation réglée, le plus souvent dans la précarité. A tous ceux qui ont dû recommencer leur vie loin de tout ce qu'ils avaient connu jusqu'alors, sans espoir de retour, qui ont dû faire le deuil d'une grande partie de leur existence, en plus de celui de leurs défunts.

Ce n'est un secret pour personne et encore moins un parjure que de le dire : la France a mal accueilli ceux dont elle jurait par tous les dieux qu'ils étaient ses enfants légitimes.

Pour tous ces déracinés, ce texte est un réconfort et surtout une fierté. Rien n'est réparé, bien sûr. On ne répare pas l'irréparable. Mais on peut reconnaître ses fautes, ce qui n'est pas un acte vide de sens, loin de là, pour ceux qui en ont pâti. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Mes chers collègues, l'histoire de tous les pieds-noirs commence par sa fin. Car enfin, les pieds-noirs ne le sont devenus qu'au moment de quitter l'Afrique du Nord ! Beaucoup racontent que ce sont les Algériens qui leur ont donné ce nom, en référence aux premiers temps de la colonisation où, dit-on, les Français avaient posé leurs souliers noirs sur le sol d'Alger. Injuste réécriture de l'histoire : ce sont les Français de France qui ont trouvé ce surnom.

Nombreux sont les pieds-noirs qui ont vécu le fait d'être ainsi dénommés comme une insulte, au moins les premiers temps. D'autres s'y sont faits, le temps aidant.

Personnellement, j'en suis très fier. Particulièrement aujourd'hui, au moment de voter, un peu en leur nom, cette proposition de loi.

(Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes propos ne seront pas très longs puisqu'il semble que, pour une fois, dans cet hémicycle, il y ait unanimité.

Cela n'est pas si fréquent et mérite d'être salué.

Mais je souhaite insister sur la portée symbolique de la nouvelle rédaction de l'article L.

1er bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre :

« La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux opérat ions effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. »

Cet article ainsi rédigé met en valeur trois mots essentiels, qui sont la pierre angulaire de la proposition de loi :

« République », « égalité » et « guerre » ; trois mots lourds de signification qui donnent à ce texte tout son poids et toute sa valeur.

Aujourd'hui, le législateur va reconnaître officiellement et solennellement, au nom de la nation, que ce que l'on appelle la « troisième génération du feu » a, dans les faits et dans sa chair, participé à une véritable guerre. Depuis quarante ans, on employait des périphrases hypocrites en parlant d'« opérations de maintien de l'ordre », « d'événèments », de « pacification ». Grâce à la reconnaissance de l'état de guerre, la troisième génération du feu va se voir légitimée et renforcée dans la place qu'elle occupe déjà depuis de nombreuses années au coeur du monde combattant.

Nous avons tous, en tant que représentants de la nation, des relations privilégiées avec les associations d'anciens combattants, notamment d'Algérie. Nous savons tous combien cette reconnaissance leur tient à coeur. A nous aussi, elle tient à coeur, car nous estimons à juste titre qu'ils la méritent et qu'elle les libérera.

La séparation familiale, l'isolement, la peur, l'angoisse, les souffrances, les blessures endurées, qu'elles soient physiques, morales ou psychologiques, ont un prix et portent un nom. Ce nom, il est temps de l'assumer car, dans le langage usuel et dans les livres d'histoire, il y a bien longtemps que l'on appelle les choses par leur nom et que l'on parle de guerre, même si ce ne fut pas une guerre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

comme les autres, même si ce fut une guerre plus complexe et plus ambiguë. Cette proposition de loi place enfin la République en face de ce drame et de cette vérité, reconnaissant ainsi les risques et les dangers encourus par nos jeunes soldats.

Le fait que, pendant quarante ans, on n'ait pas voulu donner son nom à cette guerre illustre la difficulté de notre pays à se remettre de cette période si douloureuse pour nos anciens combattants. Certes, depuis 1974, un certain nombre de mesures allant dans le sens de la réparation, de la reconnaissance et de la solidarité ont été prises, mais sans qu'elles soient gravées dans le marbre de la loi. Il fallait donc franchir ce pas afin d'assumer complètement la réalité des faits historiques.

Cette démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'aviez déjà entamée depuis votre prise de fonction en 1997, en vous efforçant de mettre en accord le langage officiel avec le langage courant, conformément à l'engagement que vous aviez pris. Aujourd'hui, en ajoutant, dans notre droit, aux termes « opérations effectués en Afrique du Nord », la qualification précise de « guerre d'Algérie », notre nation regarde en face son passé, l'assume, l'assainit et prépare l'avenir avec un peu plus de sérénité. Car l'avenir se dessine en fonction du passé.

Nous sommes là dans le domaine de la décision symbolique, mais c'est une requalification courageuse qu'il était temps de décider. Nous nous en félicitons.

Si, comme j'en suis convaincue, ce vote est acquis aujourd'hui, ce sera tout à l'honneur du gouvernement de Lionel Jospin, ce sera tout à l'honneur de la représentation nationale, ce sera un hommage à tous les combattants, ce sera la dignité rendue à tous ceux qui ont combattu en Algérie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

C'est une qualité des grands p euples que d'assumer pleinement leur histoire. Et aujourd'hui, en votant, vraisemblablement à l'unanimité, cette proposition de loi, nous tirerons définitivement un trait sur la tragédie algérienne.

J'espère cependant, monsieur le secrétaire d'Etat et chers collègues, que vous irez au bout de la logique des accords d'Evian et que vous tirerez toutes les conclusions juridiques du fait que l'Algérie est devenue indépendante, notamment dans le code français de la nationalité. Je soumets cette remarque à votre réflexion.

Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, appeler votre attention sur un point plus particulier qui devrait, selon moi, découler de l'appellation « guerre d'Algérie », objet de la proposition de loi soumise à notre assemblée.

L'article L. 36 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre prévoit que, pour ouvrir droit à la fois au titre et au statut de grand mutilé de guerre, les blessures doivent être des blessures de guerre.

Une fois le texte voté, le bénéfice des dispositions de l'article L. 36 sera-t-il accordé aux blessés en Algérie qui, par ailleurs, réunissent les conditions prévues par cet article pour obtenir ce titre et ce statut ? C'est une question qui préoccupe les associations d'anciens combattants.

Je prends la liberté de la soumettre à votre attention.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

M. Gremetz et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, substituer aux mots : "opérations effectuées en Afrique du Nord", les mots : "combats en Tunisie et au Maroc". »

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

A l'initiative de Maxime Gremetz et du groupe communiste, cet amendement tend à remplacer l'expression « opérations effectuées en Afrique du Nord » par les mots « combats en Tunisie et au Maroc ». Le terme « opérations » a une connotation qui ne correspond pas à la réalité, puisque ce sont bien des combats qui ont été menés. En outre, cette expression globale ne concerne plus désormais que la Tunisie et le Maroc, dans la mesure où la référence à la guerre d'Algérie a été int roduite dans l'article.

Notre amendement répond à un souhait exprimé par les associations d'anciens combattants.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Néri, rapporteur.

La commission, après une large discussion, a repoussé cet amendement. Nous avons en effet considéré que l'expression « opérations effectuées en Afrique du Nord » permettait de globaliser la situation vécue pendant ces années douloureuses par les anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et de Maroc. Nous avons donc souhaité distinguer et nommer clairement la

« guerre d'Algérie » tout en maintenant cette référence globale.

Cependant, compte tenu du fait que la plaque que M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a fait apposer sous l'Arc de Triomphe reprend expressément les mots : « combats en Tunisie et au Maroc », je ne verrais pas d'inconvénient, à titre personnel, à ce que cet amendement soit adopté. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je m'en remets donc à la sagesse du Gouvernement.

(Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur le rapporteur, je suis sûr de la sagesse du Gouvernement...

M. Jacques Myard.

Ah ça !

M. Alain Clary.

Et de sa cohérence !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... mais, ce qui importe, c'est la sagesse de l'Assemblée.

Ainsi que peut en témoigner M. Rochebloine, nous avons eu un moment d'hésitation ce matin en commission, sans doute parce que le débat n'avait pas été suffisamment bien préparé. Il fallait en effet concilier la volonté du rapporteur de donner au texte la plus large portée possible et le souci exprimé par plusieurs membres de la commission d'avoir une rédaction très précise.

J'ai parfaitement conscience que, lorsque l'on écrit l'histoire, il faut agir avec beaucoup de prudence. Ce débat était donc parfaitement légitime. Nous nous en sommes entretenu avec le ministre - M. le rapporteur vient de le rappeler - et il est évident que le dépôt d'une plaque faisant explicitement référence aux combats de Tunisie et du Maroc lève nos hésitations.

Par conséquent, je partage l'avis du rapporteur et je pense que vous serez également d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat, pour donner satisfaction à l'amendement déposé par M. Gremetz et le groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

L'avis du Gouvernement est favorable.

Cela étant, je dois présenter des excuses au président de la commission, au rapporteur Alain Néri et aux membres de la commission pour ne pas leur avoir communiqué cette information. Je suis en effet persuadé que si je vous avais fait connaître le libellé de la plaque qui a été apposée sous l'Arc de Triomphe, le texte initial aurait retenu cette appellation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Je remercie M. le secrétaire d'Etat d'être aussi aimable avec les membres de la commission. Je serais d'autant plus heureux que cet amendement soit accepté que je l'ai défendu ce matin en commission où il a été repoussé. Le rapporteur, qui, par ailleurs, a accompli un excellent travail, je tiens à le souligner, nous avait indiqué que les associations n'y seraient pas favorables.

Comme nous avions un peu de temps, j'ai tenu, depuis, à vérifier cette assertion. Je peux donc vous rassurer : les associations sont également favorables à cette appellation. Tout le monde étant satisfait de cet amendement, nous pourrons aller très vite dans l'examen de ceux qui vont en découler.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Il faut effectivement un peu de cohérence : au-delà de la plaque il y a la nécessité d'appeler les faits par leur nom.

Tous les orateurs ont souligné qu'en Algérie il s'était agi non d'opérations mais d'une guerre. En Tunisie et au Maroc se sont déroulés, chacun le sait bien, de véritables combats qui n'ont pas été des parties de plaisir.

C'est pourquoi je souhaite que cet amendement soit adopté.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

1. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

M. Gremetz et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« De fait, les termes "opérations de maintien de l'ordre" ou "opérations d'Afrique du Nord" sont désormais remplacés dans le code des pensions et les textes législatifs ou réglementaires fixant les droits des anciens combattants d'Afrique du Nord, sur les titres de reconnaissance de la Nation, brevets de pension, etc., délivrés à ce titre, sur tous les monuments, stèles, plaques commémoratives portant trace de ce moment dramatique de l'histoire de la France et de l'Algérie, par l'expression "combats de Tunisie, Maroc et guerre d'Algérie". »

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Le débat sur le premier amendement me dispense de longs développements pour justifier celui-ci, qui vous est également proposé au nom de la cohérence. Parlementaire, je tiens cependant à souligner que nous présentons des propositions non pas en fonction de l'argument d'autorité et parce qu'un ministre aurait fait graver telle ou telle appellation, mais au nom de la souveraineté de l'Assemblée dans laquelle nous siégeons et de notre libre arbitre qui doit s'exercer pleinement. Tant mieux si, en l'occurrence, elle rejoint une action déjà engagée par M. le secrétaire d'Etat.

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Néri, rapporteur.

Dans un souci de cohérence par rapport au débat que nous avons eu sur le premier amendement, je sollicite l'avis du Gouvernement. (Sourires.)

M. François Rochebloine.

Le rapporteur ne prend pas ses responsabilités !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Monsieur le député, je souhaite que vous retiriez cet amendement, sinon je demanderais à l'Assemblée nationale de voter contre pour trois raisons.

D'abord, il s'agit d'une proposition qui vise à modifier tous les textes qui feraient référence à une certaine appellation. Or la régularité juridique exigerait qu'ils soient visés les uns après les autres. Il faudrait donc autant d'articles additionnels que de textes à modifier.

Ensuite, ce n'est pas à la loi de modifier des dispositions réglementaires, mais au décret.

Enfin, cet amendement correspond à une injonction adressée aux collectivtés locales de modifier les inscriptions sur les monuments aux morts. Or le Gouvernement ne tient pas à leur imposer cette nouvelle charge.

M. François Rochebloine.

Très bien ! M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Il appartient à chaque mairie de décider ce qu'elle souhaite faire.

M. Jean Briane.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Cet amendement, je le répète, ne procède pas de l'argument d'autorité. Il se situe dans le cadre d'un débat, d'une réflexion qui se poursuit en séance, en présence, d'ailleurs, de manière inhabituelle, d'un très grand nombre de représentants d'associations d'anciens combattants.

Ce texte sera examiné au Sénat, avant de revenir ici en deuxième lecture. Entre-temps, nous aurons eu les réactions de l'opinion publique et les réflexions des uns et des autres. Aujourd'hui, il s'agit simplement d'apporter une contribution au débat et non d'imposer quoi que ce soit aux collectivités locales.

Nous ne sommes pas spécialement adeptes de la valse des plaques. Chacun sait en effet que les modifications les concernant sont une denrée périssable en même temps qu'un exercice quelque peu infantile. Toutefois, notre amendement peut, d'ores et déjà, représenter une incitation à tenir compte de ce qui aura bientôt force de loi. Je le maintiens donc eu égard aux contacts que nous avons eus. Nous verrons bien le sort qui lui sera réservé, sachant qu'il y aura une deuxième lecture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. Yann Galut.

Ce n'est pas très honorable.

M. Alain Clary.

J'ai cru entendre parler d'honorabilité.

Le propos est pour le moins déplacé et ne correspond pas à l'esprit dans lequel travaille notre assemblée, encore moins à celui de la gauche plurielle. Je souhaite donc que la personne qui a dérapé veuille bien rentrer dans le chemin commun.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Indépendamment des débats internes à la majorité hétéro-plurielle, je veux indiquer que, sur le fond, je ne suis pas défavorable à cet article additionnel. Néanmoins, il convient de ne pas oublier les modalités pratiques de sa mise en oeuvre. A partir du moment où nous aurons posé le principe qu'il s'est bel et bien agi d'une guerre, les choses se feront petit à petit.

Chacun sait d'ailleurs que les associations d'anciens combattants sont très bien organisées et qu'elles ne manqueront pas de solliciter les collectivités locales. Laissonsles donc agir en toute liberté. Je ne pense pas qu'il faille graver cela dans le marbre de la loi.

Pour une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis d'accord avec vous, pour laisser jouer pleinement le principe de subsidiarité cher à mon coeur.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Initialement, j'étais favorable à cet amendement, dont j'approuve le fond. Cependant les arguments présentés par M. le secrétaire d'Etat m'ont paru tout à fait recevables. Ils doivent être pris en compte. C'est pourquoi je voterai contre l'amendement.

Au nom de la sagesse de notre assemblée et pour préserver son unanimité, il serait d'ailleurs préférable que notre collègue communiste, qui a fait un excellent travail, le retire.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Cet amendement n'a pas été retenu par la commission. Je rappelle aussi avec beaucoup de respect à nos collègues du groupe communiste que l'adoption de l'amendement no 1 de M. Gremetz va entraîner la prise en compte de cinq amendements de coordination qui renforcent la portée du texte.

Mme Martine David.

Bien sûr !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je regrette donc que M. Clary n'ait pas accédé à la demande du Gouvernement, même si cela est son droit le plus strict, et n'ait pas retiré cet amendement, qui pose incontestablement des problèmes d'application.

La commission ayant repoussé l'amendement, je ne peux que le rappeler. Puisqu'il n'a pas été retiré, je demande à l'Assemblée de le rejeter.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. Le deuxième alinéa de l'article L.

243 du même code est ainsi rédigé :

« Ces dispositions sont également applicables aux membres des forces supplétives françaises ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ainsi qu'à leur ayants cause lorsque les intéressés possèdent la nationalité française à la date de présentation de leur demande ou sont domiciliés en France à la même date. »

M. Néri a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 2, substituer aux mots : "opérations effectuées en Afrique du N ord" les mots : "combats en Tunisie et au Maroc". »

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri, rapporteur.

C'est un amendement de cohérence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Favorable.

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Je vais me permettre de distraire trois minutes de votre temps pour un court voyage dans l'histoire des mots à propos des forcess upplétives françaises dont il est queston dans cet article 2.

L'histoire officielle retient le 14 juin 1830 pour la conquête militaire de l'Algérie par la France. Peut-être est-il bon de rappeler que c'est aux cris de « Vive le roi » que les soldats de Bourmont ont envahi Sidi-Ferruch suivant un plan du commandant Boutin, conçu depuis 1810 à la demande de Napoléon.

Les mots sont essentiels dans ce texte qui nous permet d'aller au coeur de leur sens. En effet, les vingt-sept années qui ont suivi ce que l'on a appelé la capitulation ont été dénommées la pacification. Nous étions alors au lendemain de la prise d'Alger qu'on appelait la cité barbaresque. En fait, le dey Hussein a appris qu'il serait sous la protection des troupes du roi.

Les mots sont donc extrêmement importants parce qu'ils déterminent les conditions dans lesquelles l'histoire est aujourd'hui rétablie. Afin qu'elle le soit réellement, il faut exposer très clairement les conditions dans lesquelles l'Algérie a été occupée. Nous savons que la France n'a été présente au Maghreb, le pays du couchant, qu'à partir du début du

XVIe siècle, exception faite de la parenthèse de Saint-Louis en 1270.

La France a engagé le conflit après l'incident du chasse-mouches qui a provoqué l'affrontement et l'invasion décidée en conseil des ministres le 31 janvier 1830.

Commence alors l'épopée d'Abd-el-Kader et l'occupation se poursuit.

A propos des mots, il est bon de rappeler que l'on n'a pas parlé des gourbis et des guitounes qui étaient le quotidien des fellahs, les paysans ; que l'on a oublié la confiscation des terres des Turcs d'abord, des Algériens ensuite, soit 450 000 hectares, ainsi que les 15 000 noirs esclaves qui ont été libérés pour se prendre en charge. On a également oublié les 35,5 millions de réparation exigés. On a oublié que ce pays a connu les occupations numide,r omaine, byzantine, arabe, almoravide, abdalwadide, turque. La France a réunifié géographiquement, mais ni culturellement, ni politiquement, ni socialement. Un siècle plus tard Ferhat Abbas disait encore que son pays avait le sens tribal.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Les mots sont importants parce qu'ils caractérisent les relations qui ont existé entre la communauté française et la communauté algérienne. Je pense notamment à ceux prononcés douloureusement par Bugeaud en face de l'insurrection conduite par Abu Màza lorsqu'il a dit : « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes fumez-les comme des renards. » Ce que fit Pélissier en boucanant 50 per-

sonnes ; ce que fit Saint-Arnaud deux mois après en emmurant à nouveau 500 personnes.

Les mots ont effectivement nourri l'affrontement, les défiances, la mémoire, les peurs et ce sont encore eux qui, aujourd'hui, par leur violence, provoquent toujours des rancoeurs. Pour solder ces dernières nous devons donc commencer par abolir la violence de ces mots et permettre enfin que surgisse en pleine lumière l'histoire de ceux que Fanon appelaient « les damnés de la terre » et qu'on appelle aussi les forces supplétives françaises, venues notamment d'outre-mer pour participer à un conflit qui les a beaucoup perturbées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

6. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Dans le premier alinéa de l'article L. 253 bis du même code, après les mots : "caractère spécifique", sont insérés les mots : "de la guerre d'Algérie". »

M. Yvon Montané.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à Pavie, près d'Auch, en Gascogne le 21 septembre 1997, à l'occcasion de l'inaug uration d'un mémorial aux victimes des combats d'Afrique du Nord, pour la première fois M. le secrétaire d'Etat a qualifié officiellement de guerre les tragiques événements qui se sont déroulés en Algérie de 1954 à 1962 et substitué, de fait, aux expressions « opérations de maintien de l'ordre en Algérie » ou « opérations effectuées en Afrique du Nord » utilisées jusqu'à présent, ce terme précis.

Cette déclaration a fortement touché le monde ancien combattant, d'autant qu'il demande depuis de nombreuses années la reconnaissance par l'Etat de ce qui a toujours été appelé par tous la guerre d'Algérie. Cette proposition de loi a donc simplement pour objectif de mettre en accord la réalité des faits en Algérie avec le vocabulaire usuel et de souligner la spécificité de ce conflit. Parce que notre passé et notre avenir sont solidaires, nous avions le devoir de le faire.

Cette proposition revêt bien évidemment un caractère symbolique fort, d'autant qu'il est essentiel pour les générations actuelles et à venir de pouvoir apprécier et reconnaître les faits dans toutes leurs dimensions. L'heure est aujourd'hui, mes chers collègues, à la juste reconnaissance de ceux qui ont vécu ce drame, qui a engendré, tant pour ceux qui ont servi la France en Algérie que pour ceux qui, après avoir quitté leur terre natale, vivent à nos côtés depuis 1962, amertume, tritesse et regrets, avec l'impression d'un immense gâchis comme dans une histoire d'amour qui finit mal, laissant des souvenirs pudiquement scellés et qui ne cicatrisent pas.

L'article 3 de cette loi a pour objet la modification de l'article L.

253 du code des pensions militaires d'invalidité, relatif à l'attribution de la carte du combattant.

La possession de cette carte est d'une importance capitale : elle est en effet une des conditions ouvrant droit à la retraite du combattant et à la rente mutualiste. Pour son attribution, le caractère spécifique de la « guerre d'Algérie et des opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 » sera désormais pleinement pris en compte.

Il est juste de noter que les conditions d'attribution de la carte du combattant, fixées par le décret du 11 février 1975, ont été assouplies ces dernières années, marquant ainsi l'intérêt que porte le Gouvernement aux anciens combattants d'Afrique du Nord.

Plusieurs majorations de points ont été attribuées aux personnels civils et militaires. Des aménagements ont ensuite permis l'assimilation de la participation personnelle à une action de feu ou de combat, à une présence d'une certaine durée en Algérie.

La loi de finances pour 1998 a, pour sa part, fixé à dix-huit mois le temps de présence nécessaire en Algérie, mesure encore assouplie par une circulaire du 25 janvier 1998 pour ceux qui ne remplissent pas cette condition mais peuvent se prévaloir d'une continuité de cette durée entre le Maroc ou la Tunisie et l'Algérie.

Enfin, l'article 123 de la loi de finances pour 1999 a ramené cette durée de présence nécessaire en Algérie de dix-huit à quinze mois.

En conclusion, l'article 3 de la proposition de loi que nous examinons, sans toutefois modifier les conditions d'attribution de la carte du combattant, concourt à cette évolution en faisant explicitement référence à la « guerre d'Algérie ». Il forme avec les articles précédents une suite logique et cohérente en adaptant l'ensemble des textes législatifs et réglementaires, qui reconnaissent ce qu'il faut désormais et définitivement appeler la « guerre d'Algérie ».

Aussi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

M. Néri a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 3 :

« Dans le premier alinéa de l'article L.

253 bis du même code, après les mots : « caractère spécifique », les mots : « des opérations effectuées en Afrique du Nord » sont remplacés par les mots : « de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc ».

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement no

7. (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Dans le premier alinéa de l'article L.

401 bis du même code, après les mots : "ayant participé", sont insérés les mots : "à la guerre d'Algérie ou". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

La parole est à M. François Rochebloine, inscrit sur l'article.

M. François Rochebloine.

La loi no 74-1044 du 9 décembre 1974 a clairement posé que devaient être reconnus, dans des conditions de stricte égalité avec ceux des combattants des conflits antérieurs - guerres de 19141918, de 1939-1945, de Corée et d'Indochine - les services qu'ont rendus les personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Cette loi a donné à ceux qui ont alors combattu en Afrique du Nord vocation à la qualité de combattants leur permettant ainsi de bénéficier des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Les dispositions de l'article 12 de ce code qui organise le droit à la campagne double et aux majorations d'ancienneté ne sont pourtant pas applicables aux anciens combattants d'Afrique du Nord du fait d'une interprétation restrictive du décret du 14 février 1957 pris en application de l'article 12 précité.

De nombreuses études ont été entreprises et des propositions, déposées, tendant à prévoir l'octroi aux fonctionnaires et assimilés anciens d'AFN des bénéfices de campagnes doubles. Cette réforme reste à mener alors qu'il s'agit là pour les intéressés d'un droit et qu'elle est conforme au principe d'égalité entre les générations du feu.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avions avec mes collègues Georges Colombier et Didier Quentin déposé un amendement en ce sens. Il a été déclaré irrecevable. Je me permettrai simplement de vous en rappeler la teneur en souhaitant qu'il puisse être examiné lors du prochain débat budgétaire et je sais que nous pouvons compter sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le président.

M. Néri a présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article :

« Dans le premier alinéa de l'article L.

401 bis du même code, après les mots : "ayant participé", les mots : "des opérations effectuées en Afrique du Nord", sont remplacés par les mots : "de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc". »

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri, rapporteur.

Il convient, dans un souci de cohérence, de modifier la rédaction de cet amendement en remplaçant des articles indéfinis par des articles définis. La modification consiste donc à substituer aux mots :

« des opérations effectuées en Afrique du Nord », les mots : « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » et aux mots : « de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc », les mots : « à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc ».

M. le président.

Les rectifications sont notées.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Favorable en toute décontraction.

(Rires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 8, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté,)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4 modifié par l'amendement no

8. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

Je donne lecture de l'article 5 :

TITRE II MODIFICATION AU CODE DE LA MUTUALITÉ

« Art. 5. - Dans le septième alinéa (6o ) de l'article L. 321-9 du code de la mutualité, après les mots : "ayant pris part", sont insérés les mots : "à la guerre d'Algérie ou". »

M. Néri a présenté un amendement, no 9, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 5 :

« Dans le septième alinéa (6o ) de l'article L. 321-9 du code de la mutualité, après les mots : "pris part", les mots : "des opérations effectuées en Afrique du Nord » sont remplacés par les mots : "de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc". »

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri, rapporteur.

Je propose les mêmes corrections grammaticales qu'à l'amendement précédent, monsieur le président.

(Sourires.)

M. Jacques Myard.

Quel grammairien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Toujours favorable, monsieur le président.

M. le président.

Il est donc proposé de remplacer les mots : « des opérations effectuées en Afrique du Nord » par les mots : « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » et les mots : « de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » par les mots : « à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc ».

Je mets aux voix l'amendement no 9, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

9. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Titre

M. le président.

Je donne lecture du titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi relative à la substitution de l'expression "aux opérations effectuées en Afrique du Nord" par l'expression "guerre d'Algérie et aux opérations effectuées en Afrique du Nord" ».

M. Néri a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Dans le titre de la proposition de loi, avant le mot : "guerre", insérer les mots : "à la". »

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri, rapporteur.

C'est la conséquence des amendements précédents. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants.

Favorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. le président.

M. Néri a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Dans le titre de la proposition de loi, après les mots : "guerre d'Algérie et aux", substituer aux mots : "opérations effectuées en Afrique du Nord", les mots : "combats en Tunisie et au Maroc". »

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri, rapporteur.

Même chose que précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Avant de donner la parole aux intervenants dans les explications de vote, j'indique à l'Assemblée que, sur le vote d'ensemble, il y aura scrutin public à la demande du groupe socialiste.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Georges Sarre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, ce n'est pas sans émotion que les hommes de ma génération ont abordé ce débat dans notre hémicycle ce matin.

L'importance historique autant que symbolique et pratique de cette proposition de loi n'échappe à personne. Il a fallu en effet attendre trente-sept ans pour que la République rende légalement hommage à ceux qui ont donné leur vie pour la France en Algérie.

Dans l'immédiat après la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement de décolonisation du tiers-monde avait commencé à produire ses heurts. La guerre d'Indochine à peine finie, une autre allait commencer, meurtrière, terrible, horrible : la guerre d'Algérie. Et il faut rendre hommage au général de Gaulle,...

M. Charles Cova.

Très bien !

M. Georges Sarre.

... à Pierre Mendès France (

« Très bien ! » sur plusieurs bancs.

), à Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui, avant d'autres, surent mesurer que le vent de l'histoire allait dans le sens de l'indépendance des peuples.

M. Robert Pandraud.

Vous avez oublié Guy Mollet !

M. Georges Sarre.

Oh, monsieur Pandraud, il y aurait tellement de noms à citer, de partis à nommer, de gens simples, de syndicalistes qui se levèrent contre cette guerre, qu'il m'a semblé préférable de retenir quelques noms historiquement forts et symboliquement porteurs.

M. Robert Pandraud.

Mais le rappel des disponibles, c'est quand même Guy Mollet !

M. Georges Sarre.

Mais, en Algérie, ce mouvement prit une tournure particulièrement dramatique parce qu'il s'agissait juridiquement de départements français.

Entre le désir de considérer que ce territoire faisait partie intégrante de la France et le sentiment, justifié par le sens même de l'histoire, que l'indépendance était inéluctable, les gouvernements successifs hésitèrent.

Je ne dirai pas comme d'autres l'ont fait que la France a manqué de lucidité. Simplement, ses élites et son peuple, - car s'il y eut à un moment donné symbiose entre les dirigeants et le peuple, c'est bien à ce momentlà -, ne comprenaient plus le mouvement des idées. Dans notre pays, où les principes républicains constituent le socle de notre système politique, la souveraineté nationale est une valeur centrale qui transcende tous les clivages et légitime la recherche de l'intérêt général.

C'est donc aujourd'hui au nom de la nation que nous pouvons exprimer notre reconnaissance à tous ceux qui ont combattu en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962.

Cette reconnaissance tant attendue ouvre la voie à la satisfaction des revendications exprimées par les associations d'anciens combattants, et notamment la FNACA, pour ce jour qui vient couronner des années d'efforts opiniâtres auxquels je veux, au nom de mes collègues du Mouvement des citoyens et du groupe Radical, Citoyen et Vert, rendre hommage.

La préparation de la prochaine loi de finances, monsieur le rapporteur, devrait nous permettre d'avancer substantiellement dans cette direction, notamment en ce qui concerne les retraites et l'attribution de la carte du combattant.

Enfin, et ce sera ma conclusion, cette reconnaissance ouvre une page nouvelle, riche en espérances, de l'histoire tourmentée de nos relations avec l'Algérie. Après s'être tant combattus, il faut que le peuple français et le peuple algérien marchent la main dans la main pour que la France et l'Algérie aillent de l'avant. Tout cela est désormais nécessaire et possible. C'est pourquoi les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert votent la proposition qui a été présentée par le groupe socialiste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole à est M. Michel Dasseux.

M. Michel Dasseux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, au nom du groupe socialiste, je veux affirmer notre détermination de voir substituer aux différents qualificatifs utilisés pour désigner les actions menées en Afrique du Nord et plus particulièrement en Algérie de novembre 1954 à juillet 1962, l'expression « guerre d'Algérie et combats en Tunisie et au Maroc ».

Notre groupe a été le premier à déposer une proposition de loi relative à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie puisque la présidence de l'Assemblée nationale en a été saisie le 22 décembre 1998.

Je me félicite que d'autres groupes, de la majorité ou de l'opposition, en aient fait de même début 1999.

Ce n'est évidemment pas sans émotion que j'évoque ces périodes, ayant été moi-même un acteur très engagé p endant de très nombreux mois. Un parmi les 1 101 580 appelés ou rappelés du contingent, les 317 545 militaires d'active, les 200 000 harkis et moghaznis. Un parmi les populations civiles musulmanes ou européennes qui eurent elles aussi à souffrir de ce conflit.

C'est aussi en pensant aux 23 196 tués que j'interviens aujourd'hui, ainsi qu'aux 60 188 blessés recensés. Mais combien n'ont pas été recensés ? En effet, dans ce compte


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

n'apparaissent pas ceux qui ont souffert, qui souffrent encore de troubles psychologiques ou de maladies chroniques. Il faudra que l'histoire que nous sollicitons aujourd'hui dise la réalité de ces statistiques.

Si j'insiste sur ces chiffres, c'est bien pour appuyer la thèse que nous défendons : en Algérie, c'était une guerre.

Lorsque l'aviation et l'artillerie interviennent massivement et qu'autant de troupes au sol sont engagées, c'est quand même autre chose que de simples opérations de maintien de l'ordre.

Malheureusement, chaque conflit a ses spécificités.

Nous ne demandons pas la comparaison avec nos glorieux anciens. La compétition n'est pas de mise en ce domaine, mais ne parle-t-on pas de la « troisième génération du feu » ? Ce conflit fit appel, comme je l'ai dit, non seulement aux militaires de carrière mais également à toute une génération d'âge, d'appelés et de rappelés. Certains ont donné trente mois de leur jeunesse au service de la nation. Pour eux, leur familles, leurs amis, ils ont fait « la guerre d'Algérie ».

Trente-sept ans après les accords d'Evian, il faut qu'enfin on puisse aborder notre histoire avec les mots qui conviennent.

C'est pour nous, au groupe socialiste, un acte symbolique de reconnaissance d'un fait historique qui toucha de près ou de loin chaque famille française.

Cette reconnaissance de l'état de guerre, loin de raviver des blessures comme certains le craignent, contribuera, j'en suis sûr, à apaiser des douleurs et des interrogations en assumant notre passé.

Le courage qu'a manifesté notre secrétaire d'Etat, JeanPierre Masseret, dans le cadre du devoir de mémoire, nous honore tous. Qu'il en soit remercié.

Puisque j'évoque le devoir de mémoire, permettez-moi rapidement une petite digression en référence à un article paru dans un journal du matin : je veux parler de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat dans les actes du gouvernement de Vichy.

Même si la modestie de Jean Le Garrec doit en souffrir, je voudrais rappeler qu'il fut à l'initiative d'une proposition de loi reconnaissant cette responsabilité. Il avait demandé la création d'une journée nationale de commémoration à la date de la rafle du Vel d'Hiv. C'est à la suite de ce texte que le président de la République, François Mitterrand, par décret présidentiel, décida la création de cette journée nationale.

Les orateurs qui se sont succédé, chacun avec sa sensibilité, nous ont très bien fait partager l'hommage solennel que ce vote rendra aux acteurs de cette guerre ! Aux tués, aux blessés, aux disparus ainsi qu'à leurs familles.

Notre désir, au groupe socialiste, est que ce projet de loi devienne réalité en recueillant une adhésion massive et que la représentation parlementaire - Assemblée nationale et Sénat - puisse y donner rapidement la suite que nous en attendons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe du Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Didier Quentin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe RPR votera, de tout coeur, cette proposition de loi.

En officialisant l'appellation de guerre d'Algérie, cette guerre terminée par le général de Gaulle, la représentation nationale a rempli aujourd'hui avec solennité un devoir de reconnaissance, un devoir de reconnaissance morale attendu depuis longtemps, depuis trop longtemps peutêtre, envers des hommes...

M. Charles Cova.

Et des femmes !

M. Didier Quentin.

... qui ont rempli leur devoir vis-àvis de la patrie.

J'aurai aussi une pensée émue pour tous les jeunes hommes de France qui sont tombés loin des leurs et, en ce moment, penser tout particulièrement à leurs familles.

Gardons leur souvenir et qu'ils trouvent tous toute leur place dans notre mémoire nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Clary, pour le groupe communiste.

M. Alain Clary.

Enfin, oui, enfin, nous reconnaissons la guerre qui s'est achevée voilà trente-sept ans, nous officialisons une situation et nous créons les conditions propices à l'expression de la vérité, pour que les jeunes générations puissent elles-mêmes en tirer toutes les conséquences et pour que nous passions enfin à une ère de paix, de solidarité, de coopération et, bien évidemment, de réparation envers les survivants et les familles. Notre tâche suivante sera de faire en sorte que cela se traduise dans les mesures budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Colombier, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Georges Colombier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'ensemble des collègues du groupe Démocratie libérale et Indépendants avait cosigné la proposition de loi déposée par François Rochebloine et Didier Quentin. C'est donc bien volontiers que l'on votera ce texte.

Je souhaiterais véritablement, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous allions jusqu'au bout de la logique de ce texte, c'est-à-dire que les anciens combattants d'Afrique du Nord puissent, à l'avenir, bénéficier des mêmes droits que leurs aînés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. François Rochebloine.

Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, le groupe UDF unanime votera naturellement ce texte.

Je regrette cependant que certains cherchent à s'attribuer plus de mérites que d'autres. Au moment d'accomplir un acte aussi solennel, les préoccupations politiciennes n'ont pas à interférer dans l'hommage ainsi rendu à toute une génération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Floch.

Vous auriez pu le faire avant !

M. François Rochebloine.

Vous avez raison, nous aurions dû le faire avant. Il y a eu des gouvernements de droite, il y a eu des gouvernements de gauche, et cela n'a pas été fait. Ne nous en rejetons pas mutuellement la responsabilité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. Yves Fromion.

Parfaitement ! Cette remarque était minable !

M. François Rochebloine.

Aujourd'hui, nous y sommes enfin parvenus, et je m'en réjouis, croyez-le bien. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. François Rochebloine.

Je suis désolé, chers collègues, mais c'est vous qui avez déclenché cette polémique. Il était important de le rappeler.

M. Charles Cova.

Il a raison !

M. François Rochebloine.

Quoi qu'il en soit, nous l'avons fait, au terme d'un débat serein dont je regrette seulement un peu la fin. Il n'y a pas à en rendre grâce à un tel ou à un tel, contrairement à ce que certains ont cherché à faire croire en créant une polémique que je déplore. Pour ma part, cela fait onze ans que je suis arrivé dans cet hémicycle et il y a bien longtemps que j'avais déposé une proposition de loi au nom du groupe UDF. Nous avons été les premiers. Aujourd'hui, mon groupe s'honore en votant cette proposition de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

117 Nombre de suffrages exprimés .................

117 Majorité absolue .......................................

59 Pour l'adoption .........................

117 Contre .......................................

0 L 'Assemblée nationale a adopté, à l'unanimité.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Rappel au règlement

M. Robert Pandraud.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud, pour un rappel au règlement.

M. Robert Gaïa.

Sur quel article ?

M. Robert Pandraud.

Monsieur le président, mon rappel au règlement a seulement pour but de vous demander si le vote dont nous nous réjouissons aura une portée quelconque. Je me souviens que nous avons voté, il y a quelques mois, en présence du même secrétaire d'Etat, une loi reconnaissant le génocide arménien. Depuis, le Gouvernement bloque la discussion au Sénat.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous aimerions que les propositions de loi que nous votons à une grande majorité soient enfin suivies d'effets.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Loncle.

C'est le Sénat qui bloque ! 2 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997 (no 1277).

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SE ANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion : - du projet de loi, no 1173 rectifié, portant ratification des ordonnances no 98-522 du 24 juin 1998, no 98-731 du 20 août 1998, no 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer : M. Daniel Marsin, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1673), - du projet de loi, no 1174, portant ratification des ordonnances no 98-580 du 8 juillet 1998, no 98-582 du 8 juillet 1998, no 98-728 du 20 août 1998, no 98-729 du 20 août 1998, no 98-730 du 20 août 1998, no 98-732 du 20 août 1998, no 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer : M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1666), - du projet de loi, no 1175 rectifié, portant ratification des ordonnances no 98-524 du 24 juin 1998, no 98-525 du 24 juin 1998, no 98-581 du 8 juillet 1998, no 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gou-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

vernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer : M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1686), - du projet de loi, no 1176 rectifié, portant ratification des ordonnances no 98-520 du 24 juin 1998, no 98-521 du 24 juin 1998, no 98-523 du 24 juin 1998, no 98-526 du 24 juin 1998, no 98-776 du 2 septembre 1998, no 98777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer : M. Maxime Bono, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1663), - du projet de loi no 1623 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer : M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1666), (Discussion générale commune) ; Discussion du projet de loi constitutionnelle, no 1624, relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie : Mme Catherine Tasca, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1665).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 JUIN 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du jeudi 10 juin 1999 SCRUTIN (no 168) sur l'ensemble de la proposition de loi relative à la substitution de l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » par l'expression « à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc ».

Nombre de votants .....................................

117 Nombre de suffrages exprimés ....................

117 Majorité absolue ..........................................

59 Pour l'adoption ...................

117 Contre ..................................

0 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 93 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. François d' Aubert (président de séance).

Groupe communiste (35) : Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (34) : Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Non-inscrits (5).