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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. Droit applicable outre-mer. - Discussion de quatre projets de loi de ratification d'ordonnances (nos 1173 rectifié, 1174, 1175 rectifié et 1176 rectifié) et d'un projet de loi d'habilitation (p. 5740).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Daniel Marsin, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour le projet de loi no 1173 rectifié.

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi no 1174 et pour le projet de loi d'habilitation.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur de la commission des finances pour le projet de loi no 1175 rectifié.

M. Maxime Bono, rapporteur de la commission de la production pour le projet de loi no 1176 rectifié.

DISCUSSION GÉNÉRALE

COMMUNE (p. 5749)

M.

François Rochebloine, Mme Huguette Bello,

M.

Dominique Bussereau, Mme Christiane Taubira-Delannon,

MM. Michel Buillard, Jacques Brunhes, Victor Brial.

Clôture de la discussion générale commune.

M. le secrétaire d'Etat.

Projet de loi no 1173 rectifié

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5757)

Article 1er (p. 5757)

Amendement no 6 de M. Marsin : MM. Daniel Marsin, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 1 de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2. - Adoption (p. 5758)

Après l'article 2 (p. 5758)

Amendement no 4 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 3 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 5 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5758)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Projet de loi no 1174 Article unique (p. 5759)

Amendement no 20 de la commission des lois : MM. Jérôme Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article unique modifié.

Après l'article unique (p. 5759)

Amendement no 24 de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 12 deuxième rectification de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

- Adoption.

Amendement no 6 de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 23 de M. Jean-Baptiste : MM. François Rochebloine, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 21 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 22 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

VOTE SUR L'EN

SEMBLE (p. 5761)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Projet de loi no 1175 rectifié Article unique (p. 5761)

Amendement no 8 de M. Le Guen : MM. Jean-Marie Le Guen, rapporteur de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article unique modifié.

Après l'article unique (p. 5762)

Amendement no 2 de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 5 de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 6 de M. Buillard : MM. Michel Buillard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5762)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Projet de loi no 1176 rectifié Article unique (p. 5763)

Amendement no 1 de la commission de la production : MM. Maxime Bono, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. Adoption.

Adoption de l'article unique modifié.

Après l'article unique (p. 5763)

Amendement no 2 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 3 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5763)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Projet de loi d'habilitation

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5763)

Article 1er (p. 5763)

M. Victor Brial.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Amendement no 1 de la commission des lois : M. Jérôme Lambert, rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 2 de M. Brial : M. Victor Brial.

Amendement no 5 de M. Brial : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements nos 2 et 5.

Amendement no 3 de M. Darsières : MM. Daniel Marsin, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 4 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Articles 2, 3 et 4. - Adoption (p. 5766)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5766)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

2. Polynésie française et Nouvelle-Calédonie. - Discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 5766).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, rapporteur.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5770)

MM. Dominique Bussereau, René Dosière, Michel Buillard, Jacques Brunhes, François Rochebloine, Emile Vernaudon, Pierre Frogier.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'Etat.

M. le président.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5780)

Article 1er (p. 5780)

M. Dominique Perben, Mme le rapporteur.

Amendement no 5 de la commission des lois : Mme le rapporteur.

Amendement no 6 de la commission : Mme le rapporteur, M. le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no 6 ; adoption de l'amendement no

5. Adoption de l'article 1er modifié.

Articles 2 et 3. - Adoption (p. 5781)

Article 4 (p. 5782)

M. Dominique Perben.

Amendements nos 7 et 8 de la commission des lois : Mme le rapporteur, M. le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 5783)

Adoption de l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

3. D épôt du rapport d'une commission d'enquête (p. 5783).

4. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 5783).

5. Dépôt d'un rapport d'information (p. 5783).

6. Dépôt d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 5784).

7. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 5784).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5784).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DROIT APPLICABLE OUTRE-MER D iscussion de quatre projets de loi de ratification d'ordonnances (nos 1173 rectifié, 1174, 1175 rectifié et 1176 rectifié) et d'un projet de loi d'habilitation

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion : du projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-522 du 24 juin 1998, no 98-731 du 20 août 1998, no 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (nos 1173 rectifié, 1673), du projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-580 du 8 juillet 1998, no 98-582 du 8 juillet 1998, no 98-728 du 20 août 1998, no 98-729 du 20 août 1998, no 98-730 du 20 août 1998, no 98-732 du 20 août 1998, no 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (nos 1174, 1666), du projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-524 du 24 juin 1998, no 98-525 du 24 juin 1998, no 98-581 du 8 juillet 1998, no 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (nos 1175 rectifié, 1686), du projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-520 du 24 juin 1998, no 98-521 du 24 juin 1998, no 98-523 du 24 juin 1998, no 98-526 du 24 juin 1998, no 98-776 du 2 septembre 1998, no 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (nos 1176 rectifié, 1663), et du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (nos 1623, 1666).

La conférence des présidents a décidé que ces cinq textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui plusieurs textes relatifs à l'adaptation du droit à l'outre-mer : les premiers portent sur la ratification des ordonnances prises en application de la loi du 6 mars 1998, le dernier habilite le Gouvernement à prendre diverses ordonnances dans différents secteurs.

Vingt ordonnances ont été prises dans le délai imparti et publiées en application de l'article 1er de la loi du 6 mars 1998.

L'article 2 de cette loi demandait au Gouvernement de déposer des projets de loi de ratification au plus tard le 15 novembre. Ce dépôt a eu lieu le 4 novembre 1998 sur le bureau de votre assemblée, et j'ai tenu à ce que la procédure de ratification soit menée à son terme avec le débat parlementaire organisé aujourd'hui. Les droits du Parlement auront ainsi été scrupuleusement respectés.

Les ordonnances ont été élaborées en collaboration avec les collectivités concernées et, sur de très nombreux points, répondent à des demandes expresses.

Sur le fond, les vingt ordonnances, regroupées dans quatre projets de loi, s'inscrivent dans la volonté gouvernementale de mettre le droit à niveau pour assurer le développement de l'outre-mer dans le cadre du pacte républicain. Elles couvrent de nombreux domaines qui touchent à la vie quotidienne de nos compatriotes d'outre-mer. L'action du Gouvernement a ainsi porté dans trois directions.

D'abord, le renforcement de l'expression de la citoyenneté.

Plusieurs ordonnances ont concerné le droit de la nationalité pour les Mahorais qui ont omis de souscrire la déclaration recognitive au moment de l'indépendance des Comores, l'état civil des populations de l'intérieur de la Guyane, les droits et devoirs politiques des électeurs et des élus, l'organisation et le fonctionnement de la justice.

Deuxième objectif : le développement économique et social.

L'actualisation des dispositions du droit civil, du droit commercial, du droit des activités financières et du droit du travail ont fait l'objet d'une importante actualisation.

Des mesures très concrètes ont été prises, par exemple, pour autoriser l'intervention d'opérateurs fonciers et agricoles à Mayotte, permettre l'extension du régime de l'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, introduire le prêt à taux zéro à Mayotte, moderniser le régime de la pêche dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises.

L'ordonnance du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane mérite une mention particulière.

Pour tenir compte d'une situation foncière exceptionnelle, l'Etat possédant 90 % de la superficie du département, le Gouvernement a entendu, avec cette ordonnance, régulariser la situation juridique des agriculteurs


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qui exploitent des terres mises à leur disposition par l'Etat et permettre l'attribution, à titre gratuit, de terres du domaine privé de l'Etat aux Guyanais qui y ont construit leur habitation principale.

Deux décrets sont en cours de préparation. Le premier a pour objet d'élargir les compétences de l'établissement public d'aménagement en Guyane dans la mise en oeuvre des opérations de cession et de déterminer les règles générales de cession gratuite aux agriculteurs et aux personnes physiques. Le second a pour objet de fixer le plafond de la superficie des terrains qui peuvent être cédés.

La consultation des assemblées locales sera engagée prochainement et ces textes devraient être publiés rapidement. Ils seront complétés par une instruction interministérielle définissant les conditions de cession onéreuse du domaine privé de l'Etat, au bénéfice des populations qui ne sont pas visées par l'ordonnance.

L'ensemble du dispositif permettra ainsi de libérer le marché du foncier en Guyane, dans des conditions adaptées à chaque situation particulière.

Le troisième objectif poursuivi par le Gouvernement est d'étendre l'accès à la formation et à la santé publique.

Dans le Pacifique, où dominent la langue et la culture anglo-saxonnes, l'université française du Pacifique constitue le seul pôle universitaire francophone. L'ordonnance relative au régime de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique renforce ce pôle en procédant à une nouvelle organisation qui se traduit par la création de deux universités, l'une en NouvelleCalédonie, l'autre en Polynésie française, et par le rapprochement de leur régime juridique avec le régime issu de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.

Le 2 juin, le décret portant création de l'université de la Polynésie française et de l'université de la NouvelleCalédonie a été publié. Quatre autres décrets d'application sont en cours d'élaboration, leur publication devrait intervenir au cours du second semestre de 1999.

D'importantes mesures sont prises en matière de santé publique pour permettre par exemple le prélèvement et la greffe de cornées et le prélèvement de reins en NouvelleCalédonie ou pour réglementer le tarif des produits sanguins et des médicaments dans les départements d'outremer.

En vous présentant ces quatre projets de loi de ratification, le Gouvernement remplit sa mission puisque toutes les ordonnances qu'il était habilité à prendre ont été publiées et vous sont aujourd'hui soumises pour ratification dans les délais prévus. Les assemblées locales concernées ont été consultées. L'ensemble des avis rendus est favorable.

Au total, et sous cette forme, c'est l'équivalent d'une loi portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer qui aurait eu environ 200 articles qui est soumis à votre ratification.

Le Gouvernement tient le double engagement qu'il avait pris, à l'égard des représentants des collectivités d'outre-mer, de moderniser le droit applicable à l'outremer, et, à l'égard de votre assemblée, de lui soumettre l'ensemble des ordonnances prises en application de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.

Cette tâche de modernisation et d'adaptation du droit de l'outre-mer offre de nouveaux sujets à prendre en compte. Il y a également des questions urgentes qui demandent une réponse rapide pour satisfaire les attentes des populations intéressées. C'est pourquoi je vous présente également un nouveau projet de loi d'habilitation, qui prolonge la loi du 6 mars 1998.

Après avoir organisé la consultation des autorités et des c ollectivités intéressées, le Gouvernement demande aujourd'hui au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances dans huit matières, ces ordonnances devant être prises dans les six mois qui suivent la publication de la loi d'habilitation.

Au travers des différentes matières, le Gouvernement vise les objectifs suivants : D'abord, il veut affirmer ses obligations financières visà-vis de l'outre-mer.

L'une des ordonnances devra permettre de pérenniser la contribution de l'Etat au profit des communes de Polynésie française. De la même manière, le concours de l'Etat au profit de l'établissement public de santé territorial de Mayotte sera prolongé pour prendre en compte sa situaton spécifique : ainsi, le système dérogatoire de financement qui lui permet de prendre en charge, pendant une nouvelle durée de cinq ans, les personnes ne pouvant faire la preuve de leur nationalité française ou de la régularité de leur séjour sera reconduit en attendant que certaines difficultés, notamment en matière d'état civil, soient surmontées.

Ensuite, le Gouvernement entend poursuivre la modernisation et l'extension des droits sociaux des habitants des collectivités d'outre-mer.

Ainsi, les ordonnances prises à ce titre permettront de préciser les règles d'option de juridiction en matière de litiges de contrats de travail pour les salariés ayant travaillé dans une collectivité d'outre-mer et l'ayant quittée.

Un dispositif permettra aux partenaires sociaux de négocier des accords d'annualisation du temps de travail à Mayotte et aux îles Wallis-et-Futuna, dispositions déjà introduites en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Les règles de base en matière d'hygiène et de sécurité de travail seront étendues à Wallis-et-Futuna.

En matière de droit de la santé, il s'agira d'actualiser les régles relatives au droit des professions de santé à l'outre-mer. Il est aussi prévu de créer à Wallis-et-Futuna une agence de santé, établissement public national à caractère administratif, chargée d'élaborer un programme de santé publique, de le mettre en oeuvre et de délivrer les médicaments et dispositifs médicaux.

Le troisième objectif du Gouvernement est de conforter l'état de droit et la sécurité juridique outre-mer.

D'abord, la loi du 25 juillet 1952 sur le droit d'asile sera étendue à l'ensemble de l'outre-mer après l'avoir été à la Nouvelle-Calédonie par la loi du 19 mars 1999. Ce droit constitutionnel pourra ainsi être désormais exercé pleinement, dans le respect des engagements internationaux de la France.

Ensuite, plusieurs ordonnances devraient créer les c onditions de l'élaboration d'un état civil fiable à Mayotte, notamment pour remédier aux difficultés que j'ai évoquées en matière de soins hospitaliers. En particulier, des règles relatives à la fixation du nom seraient définies et une commission de révision de l'état civil procéderait à la remise à jour des actes.

Enfin, la loi d'habilitation doit permettre de résoudre deux questions qui concernent l'organisation des institutions sociales et financières dans les départements d'outremer et qui sont très attendues.

En premier lieu, il s'agit d'adapter l'organisation des agences d'insertion dans les départements d'outre-mer à la modification de statut à laquelle la loi du 29 juillet 1998 a procédé en transformant celles-ci en établissements publics locaux à caractère administratif.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Pour des raisons juridiques mais aussi pour tirer toutes les conséquences de l'esprit qui a présidé à cette réforme, le Gouvernement souhaite qu'à l'avenir les agences départementales d'insertion soient présidées par les seuls présidents de conseil général. C'était la volonté du législateur.

L'Etat se verra, par son représentant, doté de moyens de contrôle administratif et financier de droit commun. Il sera donc mis fin au système actuel de la coprésidence : président du conseil général et préfet.

Il est essentiel que la mise en oeuvre définitive de cette réforme n'ait aucune conséquence négative pour le personnel actuel des agences départementales d'insertion et que soient précisés le cadre et les modalités de leur statut et de leur déroulement de carrière. L'ordonnance relative aux agences d'insertion permettra de pérenniser les contrats à durée indéterminée de ces personnels en dérogeant, pour ce faire, aux règles qui régissent traditionnellement les établissements publics locaux.

En second lieu, l'IEDOM sera adapté pour prendre en compte les impératifs de l'Union économique et monétaire et permettre son inclusion dans le périmètre du système européen des banques centrales. Le Gouvernement souhaite que cette réforme permette à l'IEDOM de conserver sa dimension ultramarine, qu'il s'agisse de la composition de ses organes dirigeants ou de ses capacités d'expertise et d'analyse. Il est également essentiel de préserver certains éléments spécifiques au statut des personnels de l'IEDOM, notamment ceux qui travaillent dans les agences départementales : éléments de rémunération ou possibilité de recrutement et d'affectation au plan local.

Dans le cadre d'une concertation avec les organisations représentatives du personnel, l'intention du Gouvernement, dans le triple souci que je viens d'indiquer, est de maintenir un établissement public dont le conseil de surveillance serait présidé par le gouverneur de la Banque de France, cette dernière ayant une représentation majoritaire au sein de cette instance.

Par ce projet de loi d'habilitation et les ordonnances qui suivront, le Gouvernement entend poursuivre son action de modernisation du droit de l'outre-mer, élément indispensable à son développement. En agissant de cette manière et en tenant compte des droits du Parlement, tant au niveau de l'habilitation que de la ratification, des assemblées locales et, en ce qui concerne les statuts des personnels, des organisations syndicales, nous faisons oeuvre utile pour l'évolution du droit outre-mer. (Applaudissements.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a organisé ce débat et que chaque rapporteur dispose de dix minutes par texte pour présenter son rapport.

La parole est à M. Daniel Marsin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le projet de loi no 1173 rectifié.

M. Daniel Marsin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le projet de loi no 1173 rectifié.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'il est fréquent de recourir à la procédure des ordonnances, prévue par l'article 38 de notre Constitution, pour définir le régime juridique applicable outre-mer, la loi d'habilitation du 6 mars 1998 avait un champ d'application inhabituel, dont l'étendue avait été soulignée au cours des débats parlementaires.

Cette habilitation, je le rappelle, couvrait dix-sept domaines, notamment le droit civil, le droit pénal, la construction et l'action foncière, les activités financières, et elle s'appliquait à l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer.

Compte tenu de ce particularisme, la ratification des ordonnances prises en vertu de cette loi a donné lieu au dépôt de quatre projets de loi distincts, conformément à un amendement déposé à l'initiative de notre assemblée.

Le projet renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour lequel je rapporte porte sur trois ordonnances : no 98-522 du 24 juin 1998, no 98-731 du 20 août 1998 et no 98-773 du 2 septembre 1998.

Il est évident que ce débat de ratification ne doit pas être pour nous l'occasion de nous interroger sur le bienfondé du recours aux ordonnances ni sur les avantages et inconvénients de cette procédure puisqu'un tel débat a eu lieu au moment de l'habilitation. Il s'agit surtout d'examiner aujourd'hui la régularité des ordonnances et leur contenu.

En ce qui concerne la régularité, je préciserai seulement que les délais fixés par la loi d'habilitation, tant pour la publication des ordonnances que pour le dépôt des projets de loi de ratification, ont été respectés.

Par ailleurs, la consultation des collectivités d'outre-mer est allée plus loin que ce qui est prévu par l'article 74 de notre Constitution : alors que celui-ci impose seulement la consultation des assemblées des territoires d'outre-mer, la loi du 6 mars 1998 a également prescrit de recueillir l'avis des conseils généraux et régionaux des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales de SaintPierre-et-Miquelon et de Mayotte, et ces consultations ont bien eu lieu.

Si l'on s'attache maintenant au contenu des ordonnances, on peut dire qu'elles ont une portée variable.

L'ordonnance du 2 septembre 1998 concerne seulement la Nouvelle-Calédonie et porte sur un point spécifique. Il s'agit d'autoriser sur ce territoire la greffe de corn ées et le prélèvement de reins, ce qui suppose d'introduire dans son système juridique les dispositions pertinentes du code de la santé publique, à savoir la loi du 29 juillet 1994 sur le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain. La base juridique de cette ordonnance se trouve dans la disposition de la loi d'habilitation relative au droit civil.

La deuxième ordonnance, celle du 20 août 1998, porte adaptation aux départements d'outre-mer, à la NouvelleCalédonie et à Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sanitaires et sociales.

Pour les départements d'outre-mer, elle donne une base légale à la majoration des tarifs des produits sanguins et des médicaments remboursables pour tenir compte des frais particuliers qui accroissent le coût de ces produits par rapport à celui qui est le leur en métropole.

Elle permet également l'affiliation des travailleurs nonsalariés non agricoles de Saint-Pierre-et-Miquelon à un régime de retraite complémentaire obligatoire.

Enfin, elle autorise la mise en place d'un système de coordination des régimes de protection sociale de métropole et de Nouvelle-Calédonie de maintenir la couverture sociale, sans interruption ou perte de droits, aux assurés qui se déplacent d'un département vers la NouvelleCalédonie, et réciproquement.

Quant à la troisième ordonnance, celle du 24 juin 1998, elle porte actualisation et adaptation du droit du travail dans les territoires, collectivités et départements d'outre-mer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

En ce qui concerne la Polynésie française, l'adaptation et la modernisation du droit applicable doivent se réaliser dans le respect du partage des compétences entre l'Etat et le territoire, opéré par le statut d'autonomie de 1996. Les dispositions de l'ordonnance couvrent des domaines très variés et concernent notamment l'hygiène et la sécurité des travailleurs, l'aménagement du temps de travail, l'application de conventions collectives, le travail intérimaire, les comités d'entreprise et le droit syndical, les modalités de rupture du contrat de travail.

Plusieurs de ces mesures, sur le statut des syndicats ou le temps de travail par exemple, répondent à des demandes des autorités territoriales. D'autres ne se substituent pas à des dispositions antérieures, mais tendent à régler des questions sur lesquelles existait en Polynésie un véritable vide juridique : ainsi, jusqu'à présent, les lois applicables n'encadraient pas le travail temporaire ou ne prévoyaient pas qu'une femme enceinte puisse démissionner sans délai-congé.

D'une manière générale, l'ordonnance met à niveau le droit polynésien en le rapprochant des règles en vigueur dans les départements.

Pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, l'adaptation du droit est de moindre ampleur, mais touche des domaines très voisins.

E nfin, diverses dispositions de l'ordonnance s'appliquent aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Elles concernent l'organisation des services de l'emploi, le droit au congé en vue d'une adoption, le droit du travail applicable aux navires immatriculés dans les TOM, le recrutement d'adjoints de sécurité dans les TOM et à Mayotte, ainsi que la prohibition, dans les conventions collectives, des clauses d'indexation sur le salaire minimum.

Quel jugement global porter sur ces ordonnances ? Je crois que cette procédure était nécessaire et elle est donc positive, car elle permet une adaptation du droit dans des domaines techniques sans pour autant déposséder le Parlement de ses droits, puisqu'il donne l'habilitation et intervient lors de la ratification, ce qui lui fournit l'occasion de corriger certaines erreurs matérielles dans le texte des ordonnances. C'est d'ailleurs l'objet de l'article 2 du présent projet de loi, ainsi que des amendements présentés par le Gouvernement.

Enfin, il faut souligner que les textes qui nous sont soumis respectent les compétences des autorités locales et vont dans le sens de l'égalité entre les citoyens de la République, où qu'ils se trouvent et quel que soit le statut du territoire concerné.

C'est pourquoi, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je demande à l'Assemblée d'adopter le présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour le projet de loi no 1174 et pour le projet de loi d'habilitation, qui dispose de vingt minutes.

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour le projet de loi no 1174 et pour le projet de loi d'habilitation.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'année dernière, en mars 1998, notre assemblée avait été saisie d'un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Ce type de procédure permet au Gouvernement, sous le contrôle du Parlement - et nous exerçons ce contrôle aujourd'hui -, de mener des actions rapides, répondant aux attentes et aux préoccupations exprimées par nos compatriotes de l'outre-mer.

C'est la commission des lois, de la législation et de l'administration générale de la République, traditionnellement compétente pour tous les projets de loi d'habilitation, qui avait préparé l'examen du projet de loi d'habilitation qui a donné lieu aux ordonnances que nous examinons aujourd'hui. Votre rapporteur était ainsi déjà le rapporteur de la loi du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Cette loi, qui comprenait dix-sept domaines d'habilitation, a donné lieu à l'édiction de vingt-sept ordonnances qu'il revient maintenant au Parlement de ratifier au travers de quatre projets de loi, lesquels ont été déposés sur le bureau de l'Assemblée dans les délais prévus par la loi d'habilitation.

Au total, vingt-sept ordonnances sont soumises à ratification tandis qu'une quinzaine devraient être élaborées dans le cadre d'une nouvelle loi d'habilitation que nouse xaminerons par la suite. C'est dire l'ampleur des réformes engagées et envisagées, qui concernent aussi bien les DOM et les TOM que les collectivités d'outre-mer dans des domaines aussi vastes et riches, que, par exemple, le droit du travail, le droit électoral, le droit commercial, le droit de la procédure pénale, la législation fiscale, l'urbanisme, l'état civil.

Ces vingt-sept ordonnances ont été regroupées dans quatre projets de loi de ratification qui ont été renvoyés devant les quatre commissions compétentes de notre assemblée. Car, contrairement au projet de loi d'habilitation renvoyé devant la commission des lois, les projets de loi de ratification sont, eux, renvoyés devant chacune des commissions compétentes sur les sujets traités avant d'être soumis à notre assemblée.

Pour sa part, la commission des lois a eu à examiner l'un de ces projets de loi de ratification. Celui-ci porte sur sept des vingt-sept ordonnances que nous examinons aujourd'hui.

La première ordonnance est relative au délai de déclaration des naissances en Guyane.

A la suite de l'adoption d'un amendement de M. Henry Jean-Baptiste, l'état civil à Mayotte et en Guyane faisait l'objet d'un point spécifique de la loi d'habilitation. Deux ordonnances ont été prises dans ce domaine d'habilitation : la première concerne la procédure relative aux déclarations de naissance en Guyane, la seconde les conditions d'acquisition de la nationalité française à Mayotte.

Cette première ordonnance, relative au délai de déclaration des naissances en Guyane, permet de porter ce délai à trente jours, au lieu de trois jours actuellement comme le prévoit l'article 55 du code civil. Cette dérogation, qui s'applique dans toute la Guyane à l'exception d'un nombre limité de communes énumérées à l'article 1er de l'ordonnance, permet de tenir compte de l'isolement de certaines populations et des difficultés de communication dans cette région, difficultés qui font que de nombreux nouveau-nés ne peuvent être déclarés dans les temps à l'état civil et sont ainsi privés de reconnaissance juridique.


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Cette ordonnance doit être considérée comme la première étape d'une remise en ordre de l'état civil en Guyane, où certaines populations ne possèdent actuellement aucun état civil. Elle sera l'occasion d'effectuer un premier recensement de ces populations, qui pourra éventuellement par la suite servir de base à la constitution de dossiers permettant l'attribution d'un état civil.

La deuxième ordonnance est relative au régime de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique et crée deux universités distinctes, une en Nouvelle-Calédonie et l'autre en Polynésie française.

Cette ordonnance précise le régime de l'enseignement supérieur dans les territoires du Pacifique. Je rappelle que la loi du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer a étendu la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur. Désirant mettre fin à la double implantation de l'université française du Pacifique, située en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, et souhaitant rapprocher le régime de ces universités du droit commun, le Gouvernement a dû modifier par ordonnances l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 précitée.

Il est ainsi créé deux universités distinctes, une en Nouvelle-Calédonie et l'autre en Polynésie française, régies par le statut de droit commun.

Cependant, compte tenu des spécificités des territoires d'outre-mer, notamment de la faiblesse du nombre des étudiants et des enseignants - environ 1 100 étudiants à Papeete et près de 1 200 à Nouméa - de nombreuses adaptations ont été nécessaires. Ces universités seront administrées par un conseil d'administration qui exercera également les compétences du conseil des études et de la vie universitaire, assisté d'un conseil scientifique. La composition de ces conseils est adaptée, d'une part, pour tenir compte de la faiblesse des effectifs et, d'autre part, pour y assurer la présence de membres des assemblées territoriales. Enfin, il est prévu une conférence trimestrielle destinée à assurer une cohésion entre les activités de chaque université et des organismes de recherche implantés sur le territoire et à favoriser l'insertion des universités dans le tissu économique et social.

La troisième ordonnance a pour objet de compléter l'application du nouveau code pénal et du code de procédure pénale aux territoires d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en y actualisant la législation pénale applicable.

Les articles 1er et 2 de l'ordonnance ont pour objet d'étendre aux territoires d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon deux lois adoptées en 1996 : la loi du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime ; la loi du 19 juin 1996 relative au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.

L'extension de ces deux lois aux TOM et collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte fait l'objet d'adaptations mineures afin de tenir compte de la spécificité outre-mer.

Comme le soulignait déjà votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi d'habilitation, l'extension outremer de ces deux lois aurait dû avoir lieu au moment de leur adoption, par l'insertion d'une mention spécifique, compte tenu des adaptations mineures exigées pour leur application. Ces deux articles de l'ordonnance illustrent u ne nouvelle fois la nécessité de s'en tenir aux recommandations de la circulaire du 15 juin 1990 en étudiant, au stade de l'élaboration de chaque projet, l'opportunité et la faisabilité de l'extension outre-mer.

L'article 3 étend à Mayotte des dispositions introduites dans le cas de procédure pénale par une loi du 22 juillet 1996 relative à la qualification des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints. L'ordonnance permet ainsi d'assimiler certains agents de Mayotte aux agents de police nationale en les habilitant pour l'exercice de mission de police.

L'article 4 permet d'habiliter les agents de police municipale des territoires d'outre-mer et de Mayotte à constater les contraventions au code de la route.

L'article 5 autorise, en Nouvelle-Calédonie, des dérogations à l'interdiction de jeux de loterie. Celles-ci sont toutefois limitées et portent sur l'organisation de loteries d'objets mobiliers, de lotos traditionnels ou sur l'autorisation de loteries à l'occasion des fêtes. Des dérogations du même type étaient déjà prévues pour la Polynésie française par des dispositions introduites par une ordonnance du 28 mars 1996.

L'article 6 étend à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française la loi du 2 juin 1891 concernant l'interdiction d'organiser des courses de chevaux. Quelques aménagements sont toutefois prévus dans le cadre de cette extension, notamment la possibilité donnée aux assemblées de province ou à l'assemblée de la Polynésie française d'autoriser des sociétés de course à organiser des courses.

L'article 7 reprend un souhait du comité consultatif de Nouvelle-Calédonie datant d'août 1996 concernant l'extension sur ce territoire de la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.

Les articles 8 et 9 étendent aux TOM et à Mayotte des dispositions diverses concernant la procédure pénale et le code pénal : l'article 8 applique dans les TOM et à Mayotte la détermination de droit fixe de procédure dans les juridictions répressives ; l'article 9 prévoit l'application aux TOM et à Mayotte de l'article 113-12 du code pénal - cet article, introduit par la loi du 26 février 1996 relative aux transports, rend la loi pénale française applicable aux infractions commises au-delà de la mer territoriale dès lors que des conventions internationales le prévoient.

La quatrième ordonnance se compose de trois parties : la première concerne l'organisation et le fonctionnement de la justice à Saint-Pierre-et-Miquelon ; la deuxième les conditions de fonctionnement de la justice dans les TOM et à Mayotte ; la troisième la création d'une chambre disciplinaire de l'ordre des chirurgiens-dentistes en NouvelleCalédonie et en Polynésie française.

L'organisation et le fonctionnement de la justice à Saint-Pierre-et-Miquelon souffrent d'une faiblesse des effectifs inhérente aux caractéristiques géographiques du territoire. Les articles 1er à 3 de l'ordonnance permettent d'aménager les procédures judiciaires, compte tenu de cette faiblesse des effectifs, tout en respectant les principes fondamentaux de notre système.

L es articles 5 et 6 de l'ordonnance concernent l'ensemble des territoires d'outre-mer et Mayotte et permettent d'étendre un certain nombre de mesures déjà applicables en métropole et qui ont donné de bons résultats en termes d'accélération des procédures, de désengorgement des tribunaux et de résorption de vacances de postes. La première de ces mesures permet des délégations de compétence des magistrats au greffe de la juridiction pour l'accomplissement de tâches non juridictionnelles : déclarations de filiation, d'adoption ou d'exercice de la


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fonction parentale, exercice de tutelle, placement sous sauvegarde de justice, délivrance de certificats de nationalité française. La seconde mesure instaure la possibilité de délégation de magistrats pour exercer temporairement des fonctions judiciaires dans d'autres tribunaux du ressort de la cour.

Les articles 7 et 8 de l'ordonnance abordent un sujet quelque peu à part dans l'organisation juridictionnelle, en prévoyant la création d'une chambre disciplinaire de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Le partage de compétences entre l'Etat et les territoires semble ici soigneusement respecté : s'il revient effectivement aux autorités ter-r itoriales de fixer les attributions administratives et réglementaires dévolues aux ordres professionnels, l'instauration d'une chambre de discipline au sein de ces ordres relève de l'organisation judiciaire et ressortit donc à la compétence de l'Etat. Il appartiendra en revanche aux autorités territoriales de mettre en place les instances de gestion au sein de cet ordre et de rédiger un code de déontologie.

La cinquième ordonnance est certainement celle dont l'examen se révèle le plus délicat. Elle a, en effet, pour objet de moderniser certains aspects du droit électoral applicable aux TOM et à Mayotte en l'alignant sur les dispositions actuellement en vigueur dans les départements, cette modernisation devant toutefois respecter le partage spécifique opéré par l'article 74 de la Constitution entre le domaine de la loi organique et celui de la loi ordinaire pour les territoires d'outre-mer.

Ressortissent bien évidemment au champ d'application de la loi ordinaire les dispositions prévues à l'article 1er de l'ordonnance adaptant la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen aux territoires et collectivités d'outre-mer.

Il en est de même de l'extension à ces mêmes territoires de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion - il s'agit de l'article 2.

L'article 3 de l'ordonnance, bien qu'elle concerne le découpage des circonscriptions, ne touche qu'à des détails qui tiennent compte de la création d'une commune en Nouvelle-Calédonie. Il instaure également, pour les seuls territoires d'outre-mer, une dérogation en matière de plafond des dépenses pour les élections législatives en excluant les frais de transports maritimes et aériens.

L'article 4 permet de regrouper dans la loi du 10 juillet 1985 les mesures relatives aux élections législatives et sénatoriales dans les territoires d'outre-mer. Ce texte, auparavant strictement consacré aux élections des députés dans les TOM, devient la « loi relative à l'élection des députés et des sénateurs dans les territoires d'outre-mer ».

Ce regroupement ne concerne que les dispositions relevant de la loi simple et a pour objectif d'assurer un accès plus aisé à des dispositions actuellement éparses.

L'article 5 étend aux TOM l'application de l'article 41 de la loi du 26 juillet 1991. Cet article énumère les cas d'inéligibilité applicables aux conseillers municipaux. Ces inéligibilités ne s'appliquant ni aux membres des assemblées territoriales, ni aux députés ou aux sénateurs, ne comportent donc pas de dispositions de caractère organique.

Les articles 6 à 10 de l'ordonnance prévoient l'application des dispositions relatives au plafond des dépenses pour les élections législatives outre-mer et reprennent, pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, la règle du plafonnement des dépenses excluant les frais de transports aériens et maritimes.

L'article 11 est relatif à l'enregistrement des candidatures.

L'article 12 délimite les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le cadre de l'élection à l'assemblée territoriale de la Polynésie, tandis que l'article 13 fixe les modalités de contestation de cette élection, lesquelles sont calquées sur le droit en vigueur en métropole.

Les articles 14 et 15 actualisent le droit applicable à l'élection des membres de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, la plupart des dispositions en vigueur d atant de la IVe République et du début de la Ve République.

Les articles 16 à 20 étendent à Mayotte plusieurs dispositions en vigueur en métropole, notamment celles du code électoral concernant l'élection des sénateurs, députés, conseillers généraux et municipaux. Il convient de rappeler, là encore, que cette extension ne peut concerner que des dispositions relevant de la loi ordinaire.

Par ailleurs, le régime électoral des conseils municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, institué par la loi du 19 novembre 1982, est étendu aux communes de Mayotte, dont les conseils sont encore actuellement élus au scrutin de liste majoritaire à deux tours en vigueur avant l'intervention de ladite loi. L'extension de cette loi entraînera l'augmentation des effectifs des conseils municipaux, qui seront désormais identiques à ceux des communes des départements, ainsi que l'application de diverses dispositions relatives au fonctionnement des conseils municipaux.

A l'instar de la première ordonnance relative au délai de déclaration des naissances en Guyane, la sixième ordonnance, relative à l'application de l'article 21-13 du code civil à Mayotte, a été édictée dans le cadre d'un point spécifique de la loi d'habilitation concernant l'état civil en Guyane et à Mayotte.

Cette ordonnance permet, comme celle concernant la Guyane, un début de remise en ordre dans l'état civil mahorais. Lors de l'accession à l'indépendance du territoire d'outre-mer des Comores, auquel était rattachée Mayotte, il a été possible aux personnes originaires de ce territoire de conserver la nationalité française en souscrivant une déclaration. Cette disposition était également applicable aux personnes nées à Mayotte avant 1975, mais un certain nombre d'entre elles ont omis d'accomplir cette formalité. Nombre d'entre elles et leur descendance ont donc perdu la nationalité française sans en être conscientes, renforcées dans leur ignorance par les autorités de l'Etat, qui ont pu, par erreur, les inscrire sur les listes électorales ou leur délivrer une carte nationale d'identité.

L'ordonnance permet à ces personnes de régulariser leur situation : pendant une période de trois ans à compter de la publication de l'ordonnance, leur nationalité française est présumée acquise par déclaration, si elles sont nées à Mayotte d'un parent originaire d'un ancien TOM et peuvent justifier d'une inscription sur les listes électorales pendant une période de dix ans.

La septième ordonnance est celle qui présente sans aucun doute les dispositions les plus hétéroclites.

Certaines procèdent à des extensions pures et simples aux territoires d'outre-mer : c'est le cas de l'article 1er , qui étend aux territoires d'outre-mer des dispositions du code civil concernant notamment la possibilité pour les juges d'accorder des délais de grâce pour le paiement des sommes dues, ainsi que les dispositions relatives à la preuve testimoniale, la promotion immobilière ou les gages d'une chose mobilière. Est également étendu à la


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P olynésie française et à la Nouvelle-Calédonie l'article 1751 du code civil relatif au droit au bail entre époux, ainsi qu'à l'ensemble des territoires, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie, l'article 1844-2 du code civil relatif aux hypothèses sur les sociétés. Ces dispositions relèvent sans nul doute du droit civil : le partage des attributions entre l'Etat, compétent en matière de droit civil, et les territoires, compétents en matière de procédure civile, semble donc effectivement respecté.

L'article 2 étend aux TOM et à Mayotte des dispositions ne relevant plus du droit civil, mais du droit commercial.

L'article 3 étend aux TOM et à Mayotte certaines dispositions du code de la santé publique touchant à l'intégrité de la personne humaine, tels le consentement, la gratuité ou l'anonymat en matière de don ou d'utilisation des éléments et produits du corps humain. Relevant davantage d'une logique de droit civil, en concourant à assurer la protection du corps humain, que d'une logique de santé publique, cette extension n'empiète pas sur les compétences territoriales en matière de droit à la santé.

L'article 4 adapte le code rural à Saint-Pierre-etMiquelon afin, en attendant l'éventuelle installation d'un vétérinaire dans l'archipel, de permettre l'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux par des agents agréés par l'Etat, qu'ils soient préposés sanitaires ou vété rinaires volontaires de l'aide technique n'ayant pas encore passé leur diplôme.

Les articles 6 et 7 concernent également l'exercice de certaines professions : sont ainsi étendues aux départements d'outre-mer des dispositions datant d'avant 1946, de l'époque de la spécialité législative, concernant la profession de commissaires-priseurs et celle de géomètres experts.

Les articles 5 et 8 à 16 sont des dispositions de caractère technique, en liaison avec l'extension des dispositions du code civil prévue à l'article 1er . Il s'agit d'étendre aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-etMiquelon et aux territoires d'outre-mer, ou, selon le cas, à certains d'entre eux, plusieurs dispositions de droit civil et commercial relatives à la vente et au nantissement des fonds de commerce, au nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement, aux rapports entre bailleurs et locataires d'immeubles ou de locaux à usage commercial et industriel ou artisanal, à la location-gérance des fonds de commerce et des établissements artisanaux, aux entreprises pratiquant le crédit-bail, à l'information précontractuelle obligatoire du concessionnaire exclusif, à la vente d'immeubles à construire, aux rapports entre bailleurs et locataires ou au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

En ce qui concerne le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances, l'article 1er énumère les dix domaines dans lesquels le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires. Ces dix domaines sont supposés corresp ondre à l'édiction d'une quinzaine d'ordonnances.

Treize d'entre elles ont déjà pu être communiquées, au stade d'avant-projets, à votre rapporteur.

La première habilitation portera sur l'adaptation du statut des agences départementales d'insertion. Créées en juillet 1994, les agences d'insertion étaient à l'origine des établissements publics nationaux à caractère administratif placés sous la tutelle du secrétariat d'Etat.

L'habilitation donnée au Gouvernement consiste à adapter les dispositions relatives aux agences d'insertion afin de tirer les conséquences de leur nouveau statut.

Il convient de préciser le régime administratif, financier et budgétaire qui leur est désormais applicable, d'étendre la compétence de la chambre régionale des comptes et, enfin, de définir le statut du personnel. Dans l'avantprojet d'ordonnance, le conseil d'administration est modifié afin de faire du président du conseil général le président du conseil d'administration, le représentant de l'Etat se voyant confier le rôle de commissaire du Gouvernement.

Un article additionnel est introduit dans la loi du 25 juillet 1994 créant les agences d'insertion afin de prévoir des dispositions en faveur des agents contractuels, qui constituent la majorité du personnel des agences.

Pour tous ceux qui sont déjà en fonctions, il établit ou conserve de façon dérogatoire le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée. Les dispositions statutaires relatives au nouveau personnel sont précisées.

La deuxième ordonnance traite de l'évolution des missions et de l'organisation de l'institut des missions des départements d'outre-mer. Ce domaine d'habilitation, qui ne donnerait lieu qu'à une seule ordonnance, est sans nul doute le point le plus délicat de cette loi d'habilitation, et le rapporteur regrette, même s'il est conscient des difficultés liées à l'élaboration de cette ordonnance, de n'avoir pas pu prendre connaissance d'un avant-projet.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, votre temps de parole expire. Je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

Je vais rapidement terminer, monsieur le président.

La troisième ordonnance porte sur la contribution de l'Etat aux ressources des communes de la Polynésie française. Ce domaine d'habilitation concernerait une seule ordonnance, qui, bien que présentant un caractère technique et ponctuel, revêt une grande importance pour les communes de Polynésie.

Un fonds de péréquation avait été prévu par la loi de 1994 ; il était destiné à durer jusqu'en 1998. A compter de 1999, ce texte n'étant plus applicable, il convient de le proroger par ordonnance. Le Gouvernement va donc légiférer car il y a urgence.

La quatrième ordonnance concerne le droit d'asile et les dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. Il convient d'adapter le droit français, mais surtout d'utiliser des dispositions qui ne sont pas applicables actuellement dans ces territoires.

La cinquième ordonnance concerne l'état des personnes et l'état civil dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Ce domaine d'habilitation se situe dans la continuité de la loi d'habilitation que nous venons d'examiner.

M. le président.

Monsieur le rapporteur...

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

J'ai pratiquement terminé, monsieur le président.

L'objectif est de poursuivre la remise en ordre de l'état civil mahorais.

La sixième ordonnance concerne le droit à la santé ; quatre ordonnances seront édictées dans ce domaine.

La septième ordonnance est relative à l'organisation juridictionnelle dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-etMiquelon.

La huitième ordonnance est relative à l'application de dispositions concernant le droit au travail dans les territoires d'outre-mer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

L'article 2 précise les modalités de consultation des c onseils généraux des assemblées territoriales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur les projets d'ordonnance.

L'article 3 précise le délai d'adoption des ordonnances et de dépôt du projet de loi de ratification.

Enfin, l'article 4 prévoit l'extension en NouvelleCalédonie de la loi du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents de l'aviation civile.

Je vous prie, mes chers collègues, de m'excuser pour la rapidité de cette intervention, mais le sujet était très vaste.

La commission des lois a adopté les conclusions du rapporteur, aussi bien pour la loi portant ratification que pour la loi d'habilitation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Compte tenu, précisément, de l'importance de ces rapports, la conférence des présidents vous avait accordé un temps de parole de vingt minutes, monsieur le rapporteur.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan pour le projet de loi no 1175 rectifié, qui dispose de dix minutes.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan pour le projet de loi no 1175 rectifié.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre assemblée est saisie aujourd'hui d'un projet de loi portant ratification d'ordonnances. Ce texte découle de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Quatre ordonnances ont été prises dans des matières relevant de la compétence de la commission des finances : Le 24 juin 1998, l'ordonnance no 98-524 portant dispositions relatives à la déclaration périodique entre les départements de la Guadeloupe et de la Martinique ; il s'agit du problème de l'octroi de mer ; Toujours le 24 juin 1998, l'ordonnance no 98-525 relative à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des transferts financiers avec l'étranger dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ; Le 8 juillet 1998, l'ordonnance no 98-581 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ; Enfin, le 2 septembre 1998, l'ordonnance no 98-775 relative au régime des activités financières dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ce projet de loi correspond à la volonté du Gouvernement de ne pas écarter le Parlement, provisoirement dessaisi de ses compétences constitutionnelles, du processus d'édiction du droit applicable outre-mer. Ce souci, assez rare pour être souligné, est amplement justifié par le caractère particulièrement large de l'habilitation et par l'importance des questions traitées. On peut également supposer que les recours déposés devant le Conseil d'Etat sur une de ces ordonnances ne sont également pas étrangers à cette volonté d'obtenir une ratification explicite des ordonnances.

L'ordonnance no 98-524 vise à préciser le régime du contentieux de la déclaration périodique douanière entre la Guadeloupe et la Martinique. De quoi s'agit-il ? Cette déclaration périodique concerne l'octroi de mer.

Au regard de cette taxe, la Guadeloupe et la Martinique forment un territoire unique, constituant un « marché commun antillais » dans lequel une déclaration périodique est obligatoire pour les échanges de marchandises.

Cette déclaration peut être l'objet d'un contentieux dont cette ordonnance précise le régime. Elle permet notamment à l'administration, dans le cadre d'un recours gracieux, d'utiliser des mécanismes de transactions et de remises.

Les trois premiers articles de l'ordonnance no 98-525 du 24 juin 1998 modernisent les codes des douanes applicables en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon en ce qui concerne la matière douanière relevant de la compétence de l'Etat. Ils étendent l'application d'un certain nombre d'articles du code des douanes métropolitain dans les deux domaines suivants : la définition des pouvoirs des agents douaniers ; la définition du délit de blanchiment de fonds ayant pour origine des délits douaniers.

En particulier, l'ordonnance vise à transposer dans les TOM les dispositions législatives encadrant strictement les pouvoirs de perquisition des agents des douanes, notamment grâce à l'intervention du juge judiciaire, dispositions de l'article 64 du code des douanes. Le dernier article institue pour les personnes physiques une obligation de déclaration des transferts de sommes, titres ou valeurs, en provenance ou à destination de l'outre-mer, au-delà d'un seuil fixé par ordonnance ; cet article comble une lacune de la législation, puisque ces territoires étaient jusque-là dépourvus de mécanisme de contrôle des mouvements de capitaux.

L'article 2 de cette ordonnance, relatif au code des douanes applicable en Polynésie, fait l'objet de trois recours devant le Conseil d'Etat : lorsque la loi de ratification sera promulguée, l'ordonnance ayant force de loi, ils n'auront plus lieu d'être.

L'ordonnance no 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française fait suite à un voeu de l'assemblée de la Polynésie française. La mise en place de la taxe sur la valeur ajoutée, à compter du 1er janvier 1998, a en effet rendu nécessaire l'élaboration d'un tel dispositif. L'ordonnance définit les règles applicables en Polynésie française en s'inspirant des procédures en vigueur en métropole. Elle fixe les règles relatives aux garanties de recouvrement de l'impôt en matière de privilège du territoire et de taxes communales sur les meubles, d'hypothèque légale sur les immeubles et d'avis à tiers détenteur ; elle organise le contentieux de l'assiette et celui du recouvrement dans des termes très proches du droit applicable en métropole et dans les départements d'outre-mer, afin de garantir les droits des contribuables.

L'ordonnance no 98-775 du 2 septembre 1998 répond à la volonté d'actualiser le régime des activités financières dans les territoires d'outre-mer, la collectivité territoriale de Mayotte et, également, bien que sa législation soit déjà plus proche que celle applicable en métropole, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. L'ordonnance étend à ces territoires une série de textes déjà en vigueur en métropole et dans les départements d'outremer. Parmi ceux-ci, on peut citer notamment l'ordonnance du 28 février 1967 modifiée instituant la Commission des opérations de bourse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Tel est le contenu des quatre ordonnances dont le projet de loi de ratification est soumis aujourd'hui à notre assemblée. Elles apportent des adaptations nécessaires au droit douanier, fiscal et financier applicable à l'outre-mer.

C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter ce texte technique mais fort utile. Je souhaite cependant que vous preniez en considération les travaux de la commission des finances, que nous vous présenterons tout à l'heure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jacques Brunhes.

Excellent !

M. le président.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre concision.

La parole est à M. Maxime Bono, rapporteur de la commission de la production et des échanges pour le projet de loi no 1176 rectifié, qui dispose de dix minutes.

M. Maxime Bono, rapporteur de la commission de la production et des échanges pour le projet de loi no 1176 rectifié.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la procédure de l'article 38 a été amplement commentée, présentée et justifiée, je n'y reviendrai donc pas.

Je dirai simplement que la commission de la production et des échanges a apprécié que les commissions compétentes au fond aient pu, à cette occasion, examiner les différentes ordonnances, et que cet examen n'ait pas été réservé, comme c'était traditionnellement le cas, à l a seule commission des lois.

Je présente rapidement les six ordonnances dont le projet tend à autoriser la ractification.

L a première est l'ordonnance no 98-520 du 24 juin 1998. Elle vise à actualiser le droit applicable à Mayotte en ce qui concerne l'action foncière, les offices d'intervention économique dans le secteur de l'agriculture et de la pêche et l'aide au logement.

Elle vise donc tout d'abord à confier, pour une durée maximale de cinq ans, au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, l'exercice du droit de préemption en matière f oncière dont dispose la collectivité territoriale de Mayotte. En effet, le CNASEA, chargé par voie de convention de mettre en oeuvre la politique foncière définie par le conseil général de Mayotte, ne disposait pas des compétences nécessaires à l'exercice de cette mission.

Cette ordonnance vise ensuite à rendre applicables à Mayotte les dispositions relatives aux offices d'intervention agricoles afin de tirer les conséquences de l'extension d es compétences de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer, l'ODEADOM, à cette collectivité.

Enfin, cette ordonnance donne une base législative à la mise en oeuvre de la nouvelle politique de l'Etat en matière d'aide au logement social, notamment en matière de prêts à taux zéro et de plans locaux de l'habitat, celle-ci reposant sur des aides réparties par le représentant de l'Etat après avis du conseil général.

La seconde ordonnance, no 98-521, du 24 juin 1998, vise tout d'abord à permettre l'adaptation par décret en Conseil d'Etat des normes de construction en matière acoustique et thermique dans les départements d'outremer.

Elle vise ensuite à rendre applicable à Saint-Pierre-etMiquelon les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accès des personnes handicapées aux lieux publics ainsi que certaines des dispositions relatives à la sécurité des équipements des immeubles.

Enfin, elle étend à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les dispositions du régime métropolitain de l'épargne-logement relevant de la compétence de l'Etat.

M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois du projet de loi d'habilitation, avait regretté que le coût estimé de ce dispositif pour l'Etat ne lui ait pas été communiqué et avait souhaité qu'il soit examiné avec attention lors de la discussion du projet de loi de ratification.

Vous nous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, communiqué le coût de ce dispositif - ce dont je vous remercie -, que vous évaluez en année pleine à 35 millions de francs.

La troisième ordonnance, no 98-523, du 24 juin 1998, modifie les dispositions relatives à l'exercice de la pêche maritime dans le territoire des terres Australes et Antarctiques françaises.

Elle vise notamment à préciser leur zone maritime d'application, à fixer l'assiette, le taux et les modalité de recouvrement d'un droit de sortie relatif à la pêche à la langouste, et à identifier clairement les fonctionnaires chargés de procéder à la saisie des navires ayant servi à pêcher en infraction. Il s'agit, pour l'essentiel, d'adaptations garantissant que la légalité des dispositions nécessaires à la préservation des ressources halieutiques des TAAF ne puisse être contestée.

La quatrième ordonnance, no 98-526, du 24 juin 1998, vise à moderniser la réglementation de l'urbanisme commercial à Mayotte. A cet effet, elle crée, sur le modèle des commissions départementales d'équipement commercial, que nous connaissons bien, une commission territoriale d'organisation des activités commerciales et artisanales.

Cette commission autorise les créations ou les extensions de magasins de commerce de détail d'une surface de vente égale ou supérieure à 120 mètres carrés. Elle propose en outre au conseil général de Mayotte toute mesure de nature à faciliter le maintien et l'adaptation du commerce et de l'artisanat traditionnels. Elle assiste enfin, par son concours technique, la première installation de jeunes commerçants et artisans ainsi que la conversion des commerçants et artisans atteints par les mutations économiques.

La cinquième ordonnance, no 98-776, du 2 septembre 1998, modifie le code rural afin de permettre aux présidents des chambres d'agriculture de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française d'adhérer au nom de celles-ci à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture.

Je rappelle que cette ordonnance trouve son origine dans un amendement déposé par notre collègue Pierre Frogier étendant le champ de l'habilitation législative demandée par le Gouvernement le 6 mars 1998.

Enfin, la sixième ordonnance, no 98-777, du 2 septembre 1998, concerne les cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane.

Comme vous le savez, l'importance du domaine privé de l'Etat dans ce département est tout à fait exceptionnelle.

Celui-ci couvre environ 90 % de la superficie de la Guyane, et la nécessité de permettre un transfert des terres à des propriétaires privés est reconnue de longue date.


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La loi de finances rectificative du 29 décembre 1989 a institué un dispositif de cession gratuite des terres au profit d'agriculteurs ayant réalisé, cinq ans au moins avant l'entrée en vigueur de ce dispositif, un programme de mise en valeur des terres mises à leur disposition ou ayant réalisé un tel programme et étant titulaires de concessions accordées par l'Etat.

Afin de régulariser des occupations sans titre, l'ordonnance no 98-777 prolonge ce dispositif au profit des agriculteurs installés antérieurement à sa publication.

Cette ordonnance étend en outre le dispositif à deux nouvelles catégories de bénéficiaires. Elle permet ainsi la cession gratuite de terres à des personnes morales dont l'objet est essentiellement agricole et dont le capital appartient majoritairement à des personnes physiques susceptibles de bénéficier à titre individuel de ce dispositif.

Elle permet également, sous certaines conditions, la cession gratuite de terrains à des personnes physiques qui occupent sur ceux-ci des constructions principalement affectées à leur habitation et qui ne possèdent pas de bien immobilier.

Il a été précisé que ce dispositif de cession gratuite sera complété par des cessions à des prix très avantageux, dans des conditions qui seront prévues par une circulaire puisqu'elles ne relèvent pas du domaine de la loi.

La combinaison de ces cessions à titre gratuit organisées par l'ordonnance et des cessions à prix très avantageux prévues par la circulaire permettra de favoriser l'accès de tous les Guyanais à la terre.

Pour ces raisons, la commission de la production a estimé que ces ordonnances constituaient une avancée positive et une actualisation importante du droit applicable outre-mer et a adopté sur le fond les projets de ratification. Elle a néanmoins souhaité proposer trois amendements, de portée très formelle ou technique, qui précisent certaines des ordonnances.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale commune

M. le président.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner aujourd'hui en discussion commune un ensemble de textes : il s'agit, d'une part, de plusieurs projets de loi portant ratification de diverses ordonnances adoptées dans le cadre de la dernière loi d'habilitation et, d'autre part, d'un nouveau projet de loi d'habilitation portant cette fois-ci sur dix thèmes très divers.

Je voudrais faire plusieurs observations. La première concerne le principe même de la loi d'habilitation et des ordonnances.

Au total, vingt-sept ordonnances sont soumises à ratification aujourd'hui tandis qu'une quinzaine devrait être élaborée dans le cadre de la nouvelle loi d'habilitation. Il s'agit donc bien d'un projet de réforme de grande ampleur, touchant à des domaines aussi divers que le droit du travail, la santé, l'état civil, le droit pénal, et concernant aussi bien les départements que les territoires d'outre-mer ainsi que les collectivités à statut particulier, comme Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. René Dosière.

Le Gouvernement travaille beaucoup !

M. François Rochebloine.

Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, l'article 38 de la Constitution prévoit expressément ce type de procédure, qui correspond à la nécessité d'adapter le droit commun au statut particulier de l'outre-mer.

Il résulte du principe de spécialité législative un retard parfois important au niveau de l'application du droit outre-mer. La procédure des ordonnances a le mérite de la rapidité et elle permet de répondre à certaines urgences. Dans le cas de Mayotte, par exemple, elles ont permis de combler en partie les lacunes du droit applicable.

La pratique des ordonnances s'est en tout cas généralisée, puisque l'utilisation de l'article 38 pour l'outre-mer représente aujourd'hui le tiers des lois d'habilitation. Pour autant, elle constitue un indéniable dessaisissement du législateur au profit de l'exécutif et ne doit donc pas être prise à la légère. Il est en effet rare que le Parlement se dessaisisse de ses compétences dans des domaines aussi divers et, parfois, aussi spécifiques.

Il est vrai que les conseils généraux sont consultés pour avis, de même que le Parlement lors de la procédure de ratification. Néanmoins, il faut souligner que ces avis des conseils généraux ne sont généralement pas suivis lorsqu'ils sont défavorables.

En outre, les dispositions prises en vertu des ordonnances sont applicables dès leur inscription au Journal officiel, donc avant leur ratification par le Parlement.

A ce sujet, nous vous savons gré d'avoir été sensible à nos préoccupations et d'avoir permis l'examen de ces ordonnances par les commissions compétentes au fond et non par la seule commission des lois, selon l'usage, comme cela avait été convenu lors de la discussion de la loi d'habilitation. C'est une mesure qui va dans le bon sens et elle a permis de rectifier certaines erreurs ou oublis.

Cependant, nous souhaiterions que les projets de loi prennent mieux en compte dans leur rédaction l'outremer, afin d'éviter des retards préjudiciables et de recourir aux ordonnances qui, malgré tout, ne doivent pas constituer la règle.

Une circulaire du 15 juin 1990 relative à l'application d es textes législatifs et réglementaires outre-mer recommandait de veiller à l'insertion de mentions spécifiques dans les projets, rendant applicables les textes outre-mer. Ces recommandations sont pour le moment restées lettre morte, ce qui oblige à recourir aux ordonnances.

Je pense qu'il y aurait quelque chose à faire dans ce domaine.

Je relèverai en tout cas plusieurs points positifs dans ces ordonnances.

Lors de la discussion de la loi d'habilitation à l'origine des ordonnances qui sont à ratifier aujourd'hui, mon collègue Gérard Grignon, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, avait évoqué le cas difficile de sa collectivité en matière d'organisation juridictionnelle. Il était arrivé que le même magistrat instruise une affaire, la juge en première instance et la rejuge à nouveau en appel en l'absence du président du tribunal supérieur d'appel.

Cette confusion des rôles était évidemment contraire aux principes fondamentaux du droit et nous sommes donc heureux de constater que des dispositions, figurant dans le projet de loi, interdisent le cumul des fonctions d'instruction et de jugement.


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Quant à l'utilisation de la télédiffusion en cas d'absence du magistrat à Saint-Pierre pendant l'audience, on renvoie à un décret du Conseil d'Etat pour ce qui concerne la fixation des modalités de la retransmission. Il faudra veiller à garantir le secret de la retransmission et à la non-conservation des images du procès, dont l'archivage est régi par des règles spéciales.

J'en arrive à la seconde observation que je souhaiterais faire à l'occasion de la discussion de ces textes.

Somme toute, il ne nous est pas souvent donné l'occasion de parler de l'outre-mer. Je voudrais donc profiter de cette tribune pour proposer quelques axes de réflexion qui me semblent pertinents pour éclairer notre politique de l'outre-mer.

Plusieurs des domaines d'intervention de la loi d'habilitation que nous examinons, qu'il s'agisse de l'adaptation du statut des agences d'insertion ou du droit du travail, renvoient à la question de l'emploi, et donc à celle du développement économique des départements, territoires et collectivités d'outre-mer. Or ce développement économique est conditionné par la levée des handicaps propres à ces départements, territoires et collectivités : l'isolement, l'étroitesse des marchés et, pour certains, l'absence de matières premières.

Aussi est-il nécessaire de maintenir des dispositions particulières pour « casser » le coût de l'emploi. A SaintPierre-et-Miquelon, par exemple, la cherté de la vie entraîne un coût salarial global moyen supérieur de 27 % à celui de la France métropolitaine, et de 200 % à celui de Terre-Neuve.

Par ailleurs, compte tenu de l'étroitesse du marché local, les activités économiques doivent majoritairement s'orienter vers l'exportation.

Il faut donc aussi prendre en compte le coût du transport des marchandises.

Cela me conduit, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous interroger sur l'arrivée à échéance, au printemps 2000, de la loi Perben sur l'insertion, l'emploi et le développement économique dans les DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ce texte prévoit notamment des exonérations sectorielles, il permet de réduire les charges sociales patronales, dans la limite du SMIC, pour les entreprises fabriquant des produits transformés et destinés à l'exportation - produits de la mer, activités de service, hôtellerie, restauration, entre autres. Avez-vous prévu un nouveau dispositif permettant de prolonger ces aides à l'emploi ? La disparition des mesures de la loi Perben entraînerait, pour les entreprises de première transformation de Saint-Pierre, un surcoût salarial de 22 %, que celles-ci ne pourraient supporter. Il est donc urgent d'élaborer des dispositifs d'aide à l'emploi dynamiques si l'on veut éviter de telles situations.

Il ne faut pas oublier que ces territoires, répartis sur l'ensemble des continents, constituent pour la France une chance supplémentaire de rayonnement culturel, géographique et économique dans le monde. C'est pourquoi, et c'est le dernier point que je souhaiterais aborder, il me paraît essentiel de se donner les moyens d'une politique de l'outre-mer ambitieuse.

Cette politique doit être soucieuse du respect de la diversité et des spécificités institutionnelles - départem ents, territoires, collectivités territoriales -, géographiques et culturelles de ces pays. Saint-Pierre-etMiquelon, Wallis-et-Futuna, la Guadeloupe ont finalement peu de choses en commun. L'outre-mer est plurielle.

Ces spécificités nécessitent l'adoption de règles particulières. En ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, l'application des règles du code de la construction et de l'habitat obligerait à n'utiliser que des matériaux européens, on ignorerait alors la spécificité géographique et climatique de cette collectivité.

Je conclurai mon intervention en soulignant le rôle que peut jouer l'Europe dans le cadre de cette politique de l'outre-mer. Notre groupe soutient les orientations de la résolution adoptée par la majorité des pays et territoires d'outre-mer français le 28 avril dernier sur l'avenir du régime d'association à la Communauté européenne. Ces derniers réclament certaines adaptations de ce régime afin que soient mieux pris en compte les handicaps structurels des économies d'outre-mer ainsi que leurs particularités institutionnelles.

Nous souhaitons donc un véritable débat sur l'avenir de l'outre-mer au Parlement, qui ne doit pas seulement jouer le rôle d'une chambre d'enregistrement.

Le groupe de l'UDF votera les différents textes qui nous sont proposés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur le projet de loi d'habilitation, et plus particulièrement sur deux des dix domaines qui feront l'objet d'une ordonnance, à savoir, d'une part, le statut des ADI, les agences départementales d'insertion et, d'autre part, le statut et les missions de l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer.

Etablissements publics nationaux à leur création, les ADI sont devenues, depuis le vote de la loi relative à la lutte contre les exclusions, des établissements publics locaux. Cette évolution statutaire doit s'accompagner d'un certain nombre de changements, dont les plus notables portent sur la présidence et sur le statut des personnels.

A une coprésidence exercée par le préfet et le président du conseil général se substituera une présidence exercée par le seul président de l'assemblée départementale, tandis qu'un statut spécifique, dérogeant au droit commun, sera créé pour le personnel contractuel, majoritaire dans ces structures.

Lorsqu'on se souvient des difficultés multiples qui ont émaillé ces changements, on peut affirmer que les solutions retenues marquent une réelle avancée, même si elles restent en deçà des attentes des personnels.

Tout avait mal commencé. La ministre de l'emploi et de la solidarité s'était déclarée défavorable à l'amendement relatif au changement de statut présenté, au mois de juillet 1998, lors du vote de la loi contre les exclusions. Un mouvement de grève avait été déclenché par les personnels des ADI pour demander des garanties sur leur statut. Ce mouvement avait duré de longues semaines.

Les bénéficiaires des différentes prestations des ADI avaient subi de nombreux retards et contretemps.

Mais un processus est engagé, qui devrait aboutir à une solution correspondant aux attentes de tous les acteurs concernés.

La logique suivie pour résoudre le problème du statut des personnels contractuels des ADI nous intéresse particulièrement, parce qu'elle ouvre aussi des perspectives à


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d'autres catégories de personnels de la fonction publique, qui, depuis nombre d'années, sont dans l'attente d'une solution qui mette fin à leur précarité.

Je souhaite à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur le sort de ces milliers d'employés communaux voués, leur vie professionnelle durant, à la précarité.

Constituant 80 % des effectifs des communes de la Réunion, ces employés communaux non titulaires, qu'on appelle « journaliers autorisés », ne peuvent, du fait de leur situation, prétendre à l'ensemble des droits attachés aux agents titulaires de la fonction publique territoriale : pas de mobilité, pas de prêts bancaires à long terme, pas de retraite décente, pas de perspectives de carrière.

Ils sont pourtant reconnus indispensables au bon fonctionnement d'un service public local, dont le ratio d'encadrement est un des plus faibles de France et qui est particulièrement sollicité, en raison d'un contexte social marqué par un niveau de chômage élevé.

En s'inspirant du précédent des ADI, pour lesquelles l'expression d'une volonté politique a permis de dégager une solution, ne pourrait-on pas déroger, cette fois encore, au droit commun et imaginer, pour ces milliers d'employés, qui l'attendent depuis de longues années, un acte juridique de titularisation ? Plusieurs députés de la Réunion ont déposé une proposition de loi en ce sens.

Second point que je souhaite aborder : l'IEDOM.

Comme le rapporteur du projet de loi d'habilitation, je ne peux que déplorer l'absence d'avant-projet dans un domaine aussi important pour les économies de nos régions. Je le regrette d'autant plus que la disparition de l'IEDOM est programmée, depuis plusieurs années déjà, du fait de la mise en oeuvre du système européen des banques centrales.

A vrai dire, plutôt que cette procédure d'habilitation, qui restreint les prérogatives des parlementaires, nous aurions préféré une démarche qui aurait permis une plus grande implication des élus.

Je propose donc, afin de remédier, même modestement, à la procédure qui a été choisie, et d'atténuer l'impression que le Gouvernement nous demande aujourd'hui de lui signer un chèque en blanc, que la réforme de l'IEDOM soit précédée d'une consultation aussi large que possible, à laquelle seraient associés notamment les acteurs économiques et les représentants des personnels.

C'est dans cette perspective que je souhaite intervenir.

Deux hypothèses sont couramment avancées : la filialisation de l'IEDOM ou l'intégration à la Banque de France, désormais seule banque centrale française. Le choix qui sera fait ne sera sans conséquences ni sur le personnel ni sur les missions.

Pour ce qui concerne le personnel, qui s'est beaucoup mobilisé au cours de ces derniers mois, nous pensons que l'hypothèse la plus cohérente, et qui répond le mieux au principe d'égalité républicaine, est celle de l'intégration à la Banque de France. Il serait d'ailleurs paradoxal, alors que les régions d'outre-mer font intégralement partie de l'Euroland, que le personnel chargé des missions de la banque centrale outre-mer ait un statut particulier dans une filiale ou dans une société anonyme de droit privé.

Parmi ces missions, le réescompte, c'est-à-dire le mécanisme qui permet au petites et moyennes entreprises d'outre-mer de bénéficier de prêts à taux bonifié, est appelé à disparaître avec l'intégration de l'outre-mer dans la zone euro. Apparemment, aucune autre solution n'a été jusqu'à présent envisagée. La disparition de cette procédure de financement de l'économie locale et l'absence de solution de remplacement inquiètent fortement les acteurs économiques.

De même, le plus grand flou règne pour ce qui touche à l'activité de fonds de garantie interbancaire. Cette activité devrait sortir du champ de compétence de la banque centrale. La possibilité a été évoquée de la transférer à un opérateur privé, mais sans plus de précisions.

Respecter les règles d'indépendance du système européen des banques centrales, tenir compte des besoins spécifiques des régions ultrapériphériques, dont l'existence est reconnue par le traité d'Amsterdam, telles sont les deux exigences qui doivent guider la réforme des missions et de l'organisation de l'IEDOM. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai très bref afin d'alléger notre discussion.

J'indique dès à présent que le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera les textes qui nous sont proposés.

Certes, la méthode, que nous connaissons bien, de ratification et d'habilitation, soulève un certain nombre de difficultés car elle implique une certaine forme de dessaisissement du Parlement. Mais si l'on veut légiférer vite en matière ultra-marine, il est absolument nécessaire de procéder ainsi.

J'approuve la méthode qui a été retenue en l'occurrence et qui associe davantage le Parlement à la procédure et qui consiste à consulter non seulement la commission des lois, naturellement compétente en la matière, ce dont je me réjouis pour de multiples raisons, mais aussi l'ensemble des autres commissions compétentes.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, formuler deux remarques.

D'abord, nous souhaitons que les choses avancent très vite pour ce qui concerne le statut de l'île de Mayotte.

J'ai cosigné avec plusieurs députés, de tous les bancs de cette assemblée, la proposition de loi préparée par notre collègue Henry Jean-Baptiste.

Il faudra bien qu'un jour la République dise aux Mahorais ce qu'elle attend d'eux. A cet égard, j'ai lu dans la presse que des consignes de vote diverses avaient été données pour le scrutin européen de dimanche. Tant que la situation institutionnelle de Mayotte ne sera pas stabilisée, les choses ne changeront pas.

Tout ayant été excellemment dit par nos rapporteurs sur les ordonnances, ma seconde remarque a pour objet d'attirer votre attention sur ce que nous allons malheureusement constater une fois de plus dimanche prochain, c'est-à-dire une forte abstention aux élections européennes dans les départements, territoires et collectivités territoriales de l'outre-mer français. C'est d'autant plus dommage que chacun sait le rôle, financier en particulier, que l'Europe joue pour nos collectivités ultra-marines. Il serait donc bon, monsieur le secrétaire d'Etat, d'organiser des campagnes d'informations spécifiques à l'outre-mer pour les élections européennes à venir. Compte tenu de l'attention que nous demandons à l'Europe de porter à n os compatriotes d'outre-mer, il est dommage que ceux-ci manifestent une certaine forme de désintérêt pour


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un scrutin dans lequel ils devraient se sentir plus impliqués, même si dans une île des Marquises, à Wallis ou à Futuna on se sent très loin de Bruxelles et de Strasbourg.

Cela dit, je vous le répète, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera sans aucun état d'âme ces projets de loi d'habilitation et de ratification des ordonnances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

De plus en plus de députés semblent se familiariser avec la procédure des ordonnances, qui suscite de moins en moins de protesttions. Est-ce à croire que les vertus parlementaires sont incommensurables, notamment nos vertus d'abnégation ? Pour ma part, bien que cela risque de faire mauvais genre puisque j'appartiens à la majorité, je trouve dommage que nous procédions aussi fréquemment de la sorte, car c'est manifestement démobilisateur.

M. René Dosière.

Tout à fait !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

En outre, et je suis sûre que vous aurez l'élégance d'en convenir, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne nous permet pas d'aller au fond des sujets. On nous propose même un « package » - pardonnez-moi l'expression ! - puisque nous traitons en même temps l'habilitation et la ratification. L'intérêt de la ratification, qui est une surprise extrêmement agréable, se trouve dès lors neutralisé par le fait que nous traitons tout à l'arraché. Puisqu'il en est ainsi, je vais faire sobre eh oui, moi aussi j'ai des vertus insoupçonnées ! (Sourires) - et efficace, du moins je l'espère.

S'agissant d'abord des agences départementales d'insertion, c'est une initiative parlementaire relayant une demande des présidents d'exécutifs départementaux qui a conduit à la modification du statut de ces établissements publics, nationaux à l'origine et devenus locaux. La loi doit préciser certaines dispositions et il faut dissiper l'inquiétude légitime des personnels qui s'interrogent sur leur avenir. Il suffit de regarder la pyramide des âges de ces personnels pour comprendre leurs préoccupations en termes de carrière. Actuellement, il est prévu deux statuts différents : celui des personnes déjà recrutées par l'ADI et qui resteraient sous contrat à durée indéterminée, sous réserve d'une dérogation à la loi d'ailleurs, et celui des personnes qui seront recrutées après. Dans un même établissement, il pourra ainsi y avoir deux statuts professionnels différents. Cela me semble de nature à créer des difficultés et à donner l'impression, fût-elle illusoire, qu'un régime est préférable à l'autre. Il faut donc rassurer le personnel pour qu'il puisse se consacrer pleinement à ses missions, qui sont importantes dans nos pays où le taux de chômage est si élevé. Ces missions consistent justement à favoriser l'insertion des personnes marginalisées par un marché de l'emploi trop exigu aussi bien là où il y a peu de ressources naturelles que là où il y en a beaucoup, dans des endroits comme en Guyane, où les diverses politiques économiques menées se sont toujours révélées assez peu performantes. En tout état de cause, on peut demander aux personnes d'être raisonnables, sous réserve toutefois qu'on lutte contre les abus et les inégalités. Parmi ces abus figurent les primes de déplacement ou de dépaysement - peu importe le nom qu'on leur donne - qui concernent des catégories de personnels venant travailler outre-mer. En effet, ces primes jouent de métropole vers l'outre-mer, alors que toute une série de dispositions préférentielles n'existent pas en sens inverse et que les congés bonifiés sont battus en brèche. Donc, le discours raisonnable passera lorsque les inégalités auront disparu.

Concernant l'IEDOM, les choses ont quand même évolué. Des séances de travail ont eu lieu et, d'après les informations dont je dispose, les personnels représentés par leur centrale syndicale sont en train d'examiner des dispositions négociées qui ont permis de sortir de l'état de crispation lié au fait que ces personnels ont appris de façon inopinée la décision sur la réforme indispensable de l'IEDOM.

La question de l'IEDOM comporte trois volets. Le premier concerne le personnel. Il est normal que celui-ci se préoccupe de son statut. Encore faut-il lui dire qu'il y en a de moins enviables et que, s'il faut sécuriser le sien, nous sommes dans une période où il faut demander des efforts à tous.

Le deuxième volet concerne le financement de nos économies puisque cet institut avait des missions spécifiques, notamment le réescompte. Vous aviez un temps envisagé de remplacer le réescompte par un système de bonification. Cette solution semble aujourd'hui abandonnée par le Gouvernement au profit d'un dispositif de garantie qui, manifestement, n'assure pas les mêmes prestations. Il est vrai que, en recourant au marché monétaire, la garantie devrait, en principe, avoir un effet déflationniste sur les taux d'intérêt. Il n'en reste pas moins que, dans nos pays, l'usage est d'imposer une prime de risque qui varie entre 1,5 % et 3 %. Va-t-on la supprimer ? Par ailleurs, compte tenu du fait que, même avec le recours au marché monétaire, les entreprises seront financées sur la base des cotations, un effet d'ouverture réel pourra-t-il suppléer, ne serait-ce que partiellement, à la disparition du réescompte ? Il serait intéressant que nous puissions avoir quelques réponses à ce sujet.

Le troisième volet concerne la capacité d'implication des responsables politiques et socioprofessionnels locaux dans les interventions de l'IEDOM, donc la capacité des responsables, sur place, à orienter peu ou prou les secteurs d'investissement. Telles sont les réflexions que m'inspire le projet de loi d'habilitation.

Pour ce qui est du projet de loi de ratification, et s'agissant en particulier de l'état civil en Guyane, je voudrais revenir sur un aspect qui n'est pas abordé aujourd'hui, quoiqu'il figure dans la loi du 6 mars 1998 : la régularisation des adultes qui n'ont pas d'état civil et qui résident dans le nord-ouest de la Guyane et le long du fleuve Maroni. A la suite de l'adoption d'un amendement que j'avais présenté en décembre 1997, cette opéation est prévue par la loi. D'un point de vue pratique, elle est prise en charge par le ministère de la justice qui a dépêché des magistrats. Une enquête et un recensement ont été entrepris. Qu'en ressort-il ? Les points de vue sont divers. La Chancellerie semble plutôt satisfaite. D'après les magistrats que j'ai interrogés et certains hauts fonctionnaires, les choses se passent plutôt bien, et, surtout, il est encore possible de se faire recenser. Je vous demande de bien vouloir le confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat. Les élus concernés par les communes qui sont relativement dispersées ont quant à eux le sentiment que le recensement n'est pas exhaustif, que tout le monde ne p eut pas se faire recenser en raison de certaines contraintes matérielles tout à fait contingentes. On m'a indiqué, par exemple, l'absence de photographe dans un village. Compte tenu de la situation le long du fleuve,


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qui est en fait une zone de vie, l'administration craint que des personnes en situation irrégulière ne se glissent entre les mailles de ce recensement. Mais, de toute façon, il faudra assainir une situation de fait qui existe depuis plusieurs siècles pour que les Guyanais aient bien le sentiment d'appartenir à un ensemble et se sentent citoyens français.

J'en viens au foncier, et là je ne sais pas si je vais pouvoir faire sobre, à supposer que j'y sois parvenue jusqu'à maintenant. Les premiers textes régissant le foncier en Guyane sont les ordonnances royales de 1825, et le texte qui a charpenté tout le corpus législatif foncier est celui de 1898 par lequel l'Etat s'attribuait les biens domaniaux.

Tous les textes suivants confortent en fait cette autoattribution, certes légale - légitime ayant un autre sens -, de sorte que, aujourd'hui encore, l'Etat est propriétaire à titre privé de 98,4 % du territoire. Certaines dispositions ont quand même été prises. En 1994, l'Etablissement public foncier de la Guyane a été créé dans le cadre de la loi Perben. J'avais souhaité la création de cet établissement public foncier dans un dossier déposé dès le mois de janvier 1994. Les décrets d'application ont tardé à être élaborés et publiés. Depuis, l'EPAG existe. Il fonctionne tant et si bien qu'il est en ce moment en conflit avec des habitants de Roura qui auraient été installés par la commune et auxquels il veut vendre les terrains à vingttrois francs le mètre carré. C'est une situation de litige.

J'ai eu cette information dans la nuit, mais je n'ai pu joindre personne aujourd'hui puisque l'on commémore l'abolition de l'esclavage en Guyane et que c'est un jour férié. Il faut donc éclaircir cela. Il n'empêche que nous sommes dans une situation relativement difficile, qui semble se clarifier sur la base de la loi d'habilitation de mars 1998 qui conduit l'Etat à envisager les dispositions pratiques de mise à disposition des terres à titre gratuit et à titre onéreux, c'est-à-dire l'ouverture du marché foncier.

En effet, jusqu'à maintenant près de 80 % de la population n'y avait pas accès. En effet, sur un territoire occupé pour à peine 5 % de sa superficie totale, l'organisation de la rareté et la spéculation avaient exclu la grande majorité de la population de l'accès au foncier.

En fait, il y aurait, semble-t-il, des réponses à diverses situations. Les agriculteurs profitent déjà de dispositions législatives et réglementaires et les choses se précisent à nouveau. Les personnes morales ont maintenant accès au foncier ; les associations à caractère communautaire aussi depuis le décret de 1992. Quant aux pluri-actifs, ils pourront y accéder à titre gratuit pour ceux qui étaient installés avant le décret de septembre 1998 et à titre onéreux pour les autres. Des dispositions sont donc prévues dans la circulaire et c'est à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il appartiendra de préciser ces conditions.

Une inquiétude subsiste néanmoins pour les associations foncières. Celles-ci sont une réalité. Elles sont extrêmement dynamiques et ont encadré l'installation. Elles sont devenues des partenaires de certaines administrations, notamment de l'administration des domaines sur place. Elles demandent aujourd'hui, parce qu'elles sont en cours de regroupement, l'obtention d'un siège au sein du conseil d'administration de l'EPAG et à être consultées lors de l'élaboration des documents d'urbanisme. Leur rôle structurant doit être maintenu et renforcé. Il est peut-être concevable qu'elles n'apparaissent pas dans la mesure où ce sont des personnes morales et où elles n'ont pas un caractère communautaire, mais elles ne peuvent être ignorées. Il est nécessaire de les rassurer sur le fait que leur réalité sera prise en considération, qu'elles seront renforcées dans leur rôle de partenaire, d'organisateur et d'accompagnateur et surtout que leur revendication d'un siège au sein de l'établissement public foncier est une revendication raisonnable qui devrait pouvoir être satisfaite.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les questions que je voulais vous soumettre. Nous devons tous veiller à ne pas accorder une prime à l'incivisme. Les personnes qui auront raisonnablement attendu pour obtenir de la terre ne doivent pas être pénalisées. Il ne faudrait pas que la situation des gens qui ont occupé des terrains dans l'illégalité soit régularisée et que ceux qui se sont conformés à la loi soient aujourd'hui obligés de se soumettre à un marché qui ne sera pas si avantageux que cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd'hui de projets de loi de ratification des ordonnances actualisant le droit applicable outre-mer. Je prends acte du fait que le Gouvernement a préféré la solution d'une ratification par le Parlement à une ratification implicite. Cependant, et je ne suis pas le seul à le dire dans cet hémicycle, il faut reconnaître que notre marge d'intervention reste très limitée. Ces ordonnances s'appliquent déjà depuis plusieurs mois même si elles n'ont pour l'instant qu'un caractère réglementaire.

Je sais qu'il est nécessaire de procéder à une remise à niveau du droit applicable outre-mer et j'approuve le Gouvernement dans sa démarche. Je souligne néanmoins la volonté des instances polynésiennes de donner une véritable efficacité aux lois et règlements en les adaptant aux spécifités de chaque territoire.

En Polynésie, nous souhaitons également cette évolution du droit. Nous voulons plus d'égalité et de justice du citoyen devant la loi et c'est la raison pour laquelle l'assemblée de Polynésie a donné des avis très détaillés sur les projets d'ordonnances qui lui ont été soumis.

J'ai décidé de déposer un certain nombre d'amendements en commission, afin d'obtenir des précisions du Gouvernement sur certains points, et je les ai retirés dans la mesure où certaines de mes inquiétudes ont été apaisées lors d'entretiens avec vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, ou dans le cadre des travaux en commission.

Avec ces amendements, ainsi retirés, je souhaitais attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés d'exécution, de respect de certains règlements ou décisions de justice, faut de dispositif juridique approprié. Je suis d'accord pour que les agents de police municipale assermentés puissent constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du code de la route. Mais reste toujours posé le problème de l'exécution des règlements territoriaux en matière d'urbanisme et d'environnement, par exemple. Il en est de même de la fixation du montant des amendes forfaitaires et des modalités d'acquittement de certaines taxes, démarche qui entraînerait un désencombrement du rôle des juridictions de simple police.

C'est dans le même esprit également que j'ai attiré v otre attention sur les prérogatives judiciaires qu'il conviendrait de conférer à des personnes habilitées afin de donner suite aux décisions prises par l'administration territoriale.

Mes chers collègues, dans quelques instants nous allons réviser la Constitution pour la Polynésie. Nous irons dans le sens d'un élargissement des compétences dévolues à la


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Polynésie française. C'est pour cela que j'ai décidé de maintenir de manière symbolique certains de mes amendements. Bien entendu, il est hors de question pour moi d'anticiper le mouvement, mais je crois utile de représenter mon amendement relatif au droit du travail. Je considère, en effet, que les dispositions du titre Ier de l'ordonnance relative au droit du travail ne relèvent pas des principes généraux du droit du travail. Enfin, aucune approche n'a été réalisée à ce sujet dans le cadre de la concertation globale tripartite avec les partenaires sociaux.

Dans le même ordre d'idées, je maintiens mon amendement relatif à la composition des conseils de l'université française de Polynésie. Notre pays ne peut se dével opper sans des cadres formés pour nos besoins spécifiques. L'université ne peut être détachée de la réa lité économique polynésienne. Aussi souhaitons-nous que la composition des conseils réserve une plus grande place à la représentation du territoire, afin d'obtenir une meilleure adéquation entre les formations offertes par l'université et les besoins du territoire en la matière.

Je renouvelle également le souhait des instances de l'université et du territoire pour que soit conservé le sigle UFP, qui signifie Université française de Polynésie plutôt que Université de Polynésie française -, car ce sigle est maintenant connu et cela accréditerait l'idée d'un rayonnement plus large dans l'ensemble du Pacifique.

J'en viens aux amendements qui ont été acceptés.

Concernant l'ordonnance no 98-728 relative au droit pénal et à la procédure pénale, je maintiens mon amendement sur les droits fixes de procédure des juridictions répressives, sur lequel le rapporteur a donné son accord de principe.

Concernant le projet de loi de ratification no 1175 rectifié, je remercie la commission des finances d'avoir adopté trois de mes amendements. Dans les deux premiers, je rappelle que la réglementation économique douanière est de la compétence exclusive des instances polynésiennes. Par mon troisième amendement, je souhaiterais voir confirmer en séance l'extension de la garantie qui s'attache aux privilèges sur les meubles et les effets mobiliers au profit des communes et des établissements chargés d'une mission de service public.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais appelé votre attention, par une question écrite, sur la pérennisation de la contribution de l'Etat au Fonds intercommunal de péréquation des communes de Polynésie. Au nom de tous les maires de Polynésie, je vous remercie de la réponse affirmative qui nous est donnée dans le projet de loi d'habilitation.

Tel est, monsieur le secrétaire d'Etat, l'avis de la Polynésie sur ces ordonnances. Telles sont aussi ses interrogations. Nous attendons maintenant vos réponses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez indiqué tout à l'heure que les droits du Parlement avaient été scrupuleusement respectés. Je n'en doute pas un instant, mais vous connaissez notre réticence, je veux dire notre hostilité de principe à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances. Nous n'avons pas changé, nous y voyons toujours une réduction des prérogatives de l'Assemblée au profit de l'exécutif.

Dans l'ensemble, nous souscrivons aux objectifs de vos projets d'ordonnance. Je souhaiterais néanmoins, après Mme Bello et Mme Taubira-Delannon, vous dire un mot sur l'Institut d'émission des départements d'outre-mer.

A la suite d'une importante mobilisation des salariés et des syndicats de l'IEDOM, le Gouvernement a abandonné l'idée de transformer l'IEDOM en société anonyme. Mais l'actuel projet de réforme ne nous donne pas encore pleinement satisfaction. Des problèmes subsistent, à commencer par le statut des salariés. Ils sont actuellement employés directement par l'IEDOM, alors qu'ils exercent pourtant des missions parfaitement identiques à celles des salariés de la Banque de France. Pour mettre un terme à cette discrimination totalement injustifiée, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, de leur offrir la possibilité de bénéficier du même statut.

Un autre problème, essentiel également, concerne la suppression du réescompte à taux bonifié qu'impose l'intégration de l'IEDOM dans le Système européen des banques centrales. Il est indispensable de trouver un substitut à cette source de financement des entreprises d'outre-mer, qui jouait un rôle essentiel dans le développement de ces départements, particulièrement frappés par la récession. Nous avons proposé de mettre en place des prêts à taux d'intérêt bonifié en faveur des entreprises créatrices d'emplois. Ce dispositif pourrait constituer un instrument de lutte contre le chômage très efficace, tout en permettant de compenser la disparition du réescompte à taux privilégié. Mais d'autres réflexions peuvent être engagées sur ce point.

Les députés communistes voteront vos projets d'habitation, monsieur le secrétaire d'Etat. Ils seront néanmoins particulièrement attentifs à leur application.

M. le président.

La parole est à M. Victor Brial.

M. Victor Brial.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi d'habilitation qui nous est présenté par le Gouvernement, le second en deux ans, répond, comme le précédent, à l'urgente nécessité de moderniser le droit applicable outre-mer. En dépit de certaines réserves sur la procédure des ordonnances, je reconnais que ces nouvelles mesures permettront d'adapter et d'actualiser la législation en vigueur, dans des domaines aussi divers que le droit d'asile, la santé publique ou la contribution de l'Etat aux ressources des communes de la Polynésie française.

Cette nécessité se fait sans doute sentir dans beaucoup de collectivités ultra-marines, mais il me semble qu'elle est particulièrement forte dans les îles Wallis-et-Futuna, qui ne se sont dotées du statut de territoire d'outre-mer que depuis 1961. Des pans entiers du droit n'y sont pas applicables, ce qui ne va pas sans causer des difficultés administratives et financières au niveau local, dans le domaine de la santé publique et du droit du travail.

J'ai donc tout lieu de me féliciter, monsieur le secrétaire d'Etat, du projet de loi que vous soumettez au Parlement, et notamment de l'étendue du champ de l'habilitation. Dans un souci de transparence, et par égard pour le Parlement, vous avez bien voulu nous communiquer des informations assez précises sur vos intentions. Je tiens à vous en remercier.

En ce qui concerne l'ordonnance portant sur le service de santé du territoire, il me semble utile de rappeler dans quel contexte elle intervient. La décision de créer une agence de santé, établissement public autonome, a été prise il y a près de deux ans à la suite des graves difficultés financières rencontrées par l'actuel service de santé.

L'augmentation très sensible de la dotation de l'Etat, qui


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est passée en 1998 de 41 à 57 millions de francs, devait s'accompagner de la mise en place de règles budgétaires et comptables nécessaires à une gestion plus adaptée et plus cohérente. La nomination, en septembre 1997, d'un inspecteur des affaires sanitaires et sociales à la tête de l'hôpital avait d'ailleurs constitué le premier pas du processus en cours.

Bien qu'il soit urgent d'adapter le cadre juridique du service de santé, je souhaiterais qu'un audit financier et technique soit réalisé avant la mise en place de cette agence. Cet état des lieux permettrait d'éviter de retomber dans les errements passés.

Je crois que la vétusté des bâtiments et l'insuffisance du plateau technique de l'hôpital auraient justifié qu'au préalable une évaluation précise des besoins soit effectuée.

Le dépassement de 5 millions de francs par rapport au budget revalorisé de 1998 laisse en effet craindre, malgré les efforts de l'Etat, une nouvelle dérive des dépenses de santé aux îles Wallis-et-Futuna.

Il sera sans doute nécessaire, à moyen terme, de créer des unités de soins spécialisées, notamment en pédiatrie et en gynécologie. Ce renforcement des structures permettra de limiter les évacuations sanitaires hors du territoire. Il permettra également de donner à la future agence de santé les moyens de remplir chacune des missions curative et préventive qui lui seront dévolues.

La délicate question du statut du personnel hospitalier ne devra pas rester sans réponse. La signature d'une convention collective constituera une avancée importante pour les agents concernés. Elle ne saurait néanmoins exonérer le Gouvernement et le territoire d'une réflexion globale sur le sujet. Une amélioration des acquis sociaux de ces personnels en matière de retraite et la mise en place d'un régime d'indemnisation pour les accidentés du travail, aujourd'hui inexistant, me semblent indispensables.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai fait part au mois de janvier dernier de mon souhait de voir calculer un différentiel du coût de la vie par rapport à la métropole. Je suis persuadé que cet outil statistique serait un instrument très utile pour traiter ce dossier qui suscite, vous le savez, de vives passions sur le territoire.

Enfin, la mise en place d'une agence de santé ne devra pas dispenser le Gouvernement de la création à Wallis-etFutuna d'une direction des affaires sanitaires et sociales, comme ce fut le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon au début des années 80. Ce service aurait notamment pour mission de gérer la convention Etat-territoire relative aux personnes âgées et la subvention pour les handicapés.

La prochaine relavorisation de ces minima sociaux va rendre d'autant plus nécessaire, dans les années qui viennent, la création de ce service qui devrait permettre d'impulser une politique sociale ambitieuse, mais aussi de gérer de façon optimale les deniers publics.

Le souci d'appliquer progressivement le code de la santé publique à Wallis-et-Futuna est louable, comme l'est également celui de moderniser le code du travail.

L'ordonnance qui doit être prise permettra d'introduire des dispositions relatives à l'hygiène et à la sécurité des salariés, dispositions qui font aujourd'hui défaut, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Je suis naturellement favorable à ces mesures qui vont dans le sens d'une protection accrue des travailleurs, et en particulier de ceux qui sont les plus exposés aux risques d'accidents du travail. Je remercie donc le Gouvernement d'avoir accepté de reprendre certaines des propositions que je lui avais soumises au mois de janvier dernier.

Je n'aborderai pas, faute de temps, les autres domaines de cette habilitation, que je considère comme très utile pour moderniser le droit applicable outre-mer. D'autres aspects juridiques auraient toutefois pu être abordés par le présent projet de loi, et en particulier la diversification des aides au logement, en s'inspirant par exemple du prêt à taux zéro instauré dernièrement à Mayotte. Il conviendra donc, en accord avec le Gouvernement, de poursuivre la réflexion amorcée sur ce point, afin de répondre dans les meilleurs délais aux attentes légitimes des populations locales.

Je me contenterai aujourd'hui de présenter deux amendements : l'un sur la durée de la scolarité obligatoire à Wallis-et-Futuna, l'autre sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles. La discussion des articles permettra d'examiner plus au fond ces deux amendements qui, je l'espère, recueilleront l'assentiment de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais dès à présent répondre aux principales questions qui m'ont été posées, me réservant d'aborder les points plus précis à l'occasion de l'examen des amendements.

Je veux d'abord remercier les quatre rapporteurs qui se sont exprimés sur ces textes, souvent techniques et concernant des matières difficiles, mais qui nous permettent de procéder à l'actualisation indispensable du droit de l'outre-mer.

J'ai été interrogé sur le choix de la procédure des ordonnances. Il est vrai que les parlementaires, dont j'ai été, se dessaisissent avec beaucoup de réserve de leurs droits en matière législative. Cela étant, nous devons intervenir dans des domaines complexes où il nous faut actualiser des textes législatifs souvent anciens. Je prendrai deux exemples.

Le premier concerne la réglementation du droit d'asile.

Il y a un peu plus d'un an, des problèmes d'application se sont posés en Nouvelle-Calédonie, à la suite d'interprétations différentes des autorités concernées. Nous avons introduit dans la loi sur la Nouvelle-Calédonie des dispositions relatives au droit d'asile. Il nous paraît important, pour éviter tout conflit juridique, que des mesures similaires soient prises pour les autres territoires d'outre-mer.

Cela peut se faire par la voie des ordonnances.

Second exemple : les ordres professionnels, et en particulier les juridictions ordinales.

Nous avons déjà réglé, dans l'ordonnance soumise à votre ratification, la question des géomètres-experts.

Nous abordons aujourd'hui, à la demande des ordres nationaux, le problème des médecins, des pharmaciens et des chirurgiens-dentistes. Je recevais, ce matin encore, une délégation de l'Ordre national des pharmaciens, qui souhaite justement cette actualisation, parce qu'une certaine confusion s'est établie dans les rapports entre les délégués qui sont sur place et les instances qui exercent les fonctions juridictionnelles.

Et il nous reste encore à revoir le régime juridique d'autres ordres professionnels, notamment, parmi les professions libérales concernées, ceux des notaires, des auxiliaires de justice et des kinésithérapeutes. Je pense donc


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que nous aurons prochainement l'occasion de légiférer à nouveau par ordonnance dans ce domaine, car c'est une procédure bien adaptée au caractère très technique des mesures à prendre.

Nous agissons toujours avec mesure, concertation et transparence.

Concertation avec les élus locaux, soit dans le cadre de leurs assemblées, soit avec les parlementaires, auxquels nous donnons le maximum d'informations.

Transparence, puisque, à toutes les phases d'élaboration des ordonnances, nous avons ouvert les dossiers et corrigé éventuellement les décisions. Ainsi, c'est avec votre concours, madame Taubira-Delannon, que nous sommes intervenus à de multiples reprises auprès des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour faire avancer la question foncière en Guyane, pendante depuis de très nombreuses années.

Par conséquent, si la procédure des ordonnances peut légitimement provoquer des hésitations ou des réserves de la part du législateur, il faut surtout en retenir les progrès qu'elle permet de réaliser en matière d'évolution du droit.

Au demeurant, les projets de ratification sur lesquels vous êtes appelés aujourd'hui à délibérer permettent au législ ateur d'intervenir à la marge sur le contenu des ordonnances, en corrigeant d'éventuelles erreurs et en apportant d'utiles précisions.

Je tiens également à souligner que nous avons tenu compte des particularités locales. M. Rochebloine a bien voulu le reconnaître au nom de M. Grignon. Je me souviens que, lors du débat sur la loi d'habilitation, M. Grignon avait indiqué que l'on ne pouvait pas mettre en oeuvre à Saint-Pierre et Miquelon les mêmes règles qu'en métropole pour la construction et la sécurité des bâtiments, dans la mesure où les matériaux utilisés proviennent du marché nord-américain, où les normes sont évidemment différentes de celles appliquées en Europe.

Nous avons adapté les dispositions de l'ordonnance à cette situation particulière.

M. Rochebloine a suggéré de faire figurer les mentions d'applicabilité et des adaptations explicites dans les textes votés. Nous le faisons le plus souvent possible, mais nous avons pris du retard et il reste beaucoup de matière législative à actualiser.

J'en viens aux questions plus précises qui m'ont été posées, et d'abord à celles qui concernent l'emploi.

Nous envisageons de reprendre le dispositif d'exonération des charges sociales et d'abaissement du coût du travail institué par la loi de 1994, dite loi Perben, et de le faire évoluer dans le cadre de la loi d'orientation sur l'outre-mer que je présenterai à l'automne. Dans l'hypothèse, probable, où cette loi ne serait pas votée d'ici à mars 2000, nous prévoyons de prolonger l'application de ce dispositif dans la loi sur le financement de la sécurité sociale qui sera votée à la fin de l'année. Ainsi, il n'y aura pas de rupture dans la politique de réduction des charges sociales, qui est indispensable pour le développement é conomique de l'outre-mer. Et nous débattrons, le moment venu, de l'évolution des mécanismes actuels. A cet égard, M. Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI, doit nous soumettre prochainement des propositions qui nourriront la discussion sur le projet de loi d'orientation.

Mme Bello et Mme Taubira-Delannon ont évoqué les agences départementales d'insertion. Mme Bello a rappelé que tous les parlementaires d'outre-mer avaient la volonté commune que ces agences soient désormais présidées par le président du conseil général. Nous avons engagé un débat, parfois difficile, sur cette question avec Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous l'avons relancé à maintes reprises et il a finalement abouti dans la loi sur les exclusions.

Le cadre juridique des agences départementales d'insertion - Mme Christiane Taubira-Delannon l'a rappelé est maintenant celui de l'établissement public local. Mais pour définir le statut des personnels de la façon la plus raisonnable possible, nous avons dérogé aux principes qui régissent traditionnellement les établissements publics locaux puisque les personnels pourront bénéficier de contrats à durée indéterminée et d'un statut qui leur garantit des avantages quasiment identiques à ceux des fonctionnaires territoriaux.

Toutefois, nous ne pouvions pas prendre une mesure législative intégrant directement ces personnels dans la fonction publique territoriale, la règle qui s'impose en la matière étant le recrutement par voie de concours.

Les ADI emploiront donc effectivement deux catégories de personnels : ceux ayant un contrat à durée indéterminée de droit public et ceux bénéficiant du statut de fonctionnaire territorial. Cela étant, les bénéficiaires d'un contrat à durée indéterminée pourront évidemment passer les concours et être ensuite soit mis à disposition des ADI, soit détachés dans les ADI par les conseils généraux.

Je pense donc que nous avons fait évoluer de la façon la plus correcte qui soit le statut des personnels et pris en compte le rôle essentiel qu'ils jouent auprès de tous les exclus dans la mise en oeuvre des procédures d'insertion liées au RMI, procédures fondamentales compte tenu de l'importance du chômage outre-mer.

Mme Bello m'a interrogé sur les journaliers communaux. Sur cette question cruciale à la Réunion puisqu'elle concerne 11 000 personnes, des propositions devraient nous être remises dans le prochain rapport de MM. Lise et Tamaya. En outre, des discussions ont également lieu au niveau local avec l'association des maires. Je souhaite que l'on prenne mieux en compte les incertitudes qui pèsent sur ces personnels au statut souvent très précaire.

S'agissant de l'IEDOM, je rappelle que cet institut doit être modifié dans le cadre du traité sur l'Union européenne et que plusieurs hypothèses ont déjà été évoqué es. Si celle de la filialisation a été abandonnée, celle de l'intégration, qui était souhaitée par certains syndicats de personnels, pose deux types de problèmes.

Le premier c'est qu'elle ne permet pas de maintenir la spécificité des départements d'outre-mer. Or au moment où l'on veut développer les institutions spécifiques à l'outre-mer, il serait pour le moins paradoxal que l'IEDOM soit en quelque sorte avalé par la Banque de France. Le second problème tient aux difficultés importantes que rencontreraient les personnels des agences locales puisque le recrutement se ferait alors sur une base nationale. Or le maintien d'un statut spécifique à l'IEDOM permet justement de tenir compte de la spécificité des personnels locaux, de tant au niveau du recrutement que la gestion sociale. Voilà pourquoi cette mesure ne nous paraît pas pouvoir être retenue.

Nous allons donc continuer à discuter avec les personnels. Bien sûr, les parlementaires seront informés de ces discussions. Je crois qu'il faut aller vers la solution qui permettra de maintenir l'IEDOM au service de l'outremer.

J'en viens maintenant au réescompte. Celui-ci n'étant plus retenu comme un instrument de politique monétaire dans le cadre de la Banque centrale européenne, la question du remplacement de cet outil de financement des


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activités économiques outre-mer se pose donc. Sur ce point, on peut d'abord noter que la baisse des taux, qui est aussi observée outre-mer, favorise le refinancement de droit commun, même s'il y a toujours un différentiel de taux outre-mer et si le coût du crédit, compte tenu des risques, est de deux à trois points supérieur au niveau des entreprises privées.

Concernant les garanties, il existait un mécanisme qui était jusqu'à présent géré par la SOFODOM. Nous envisageons aujourd'hui de le faire gérer par un fonds départements d'outre-mer à l'intérieur de la SOFARIS, qui est l'opérateur de place nationale particulièrement performant dans ce domaine. Ce fonds sera donc géré à la fois par la SOFARIS et l'AFD. Ce nouveau dispositif de garanties, qui se substituera au mécanisme ancien du réescompte, devenu peu efficace, devrait être plus favorable à l'économie des départements d'outre-mer. Une mission AFDSOFARIS est en train d'en finaliser les modalités. Voilà ce que je souhaitais indiquer à Mme Bello, à Mme Taubira-Delannon et à M. Brunhes, qui m'avaient interrogé sur ce point.

Sur la question foncière en Guyane, je veux d'abord souligner que l'ordonnance foncière a permis de débloquer des situations très anciennes. Un décret rédigé par le service des domaines et qui a fait l'objet d'une concertation interministérielle, est actuellement soumis au conseil général de la Guyane. Il prévoira une date limite de dépôt des demandes par les agriculteurs et les personnes morales qui pourrait être fixée au 31 décembre 2003.

Une instruction sur les cessions onéreuses sera également rédigée. Ainsi, seront définis des principes pour les cessions en faveur des agriculteurs, notamment pour préciser la valeur vénale des terrains et les possibilités de financement.

Les associations foncières, qui jouent un rôle important, notamment pour la viabilisation des terrains en Guyane, seront consultées dans les enquêtes menées sur la mise en place de ces dispositifs. Lorsque les regroupements seront possibles, on peut même envisager leur représentation au sein du conseil d'administration de l'Etablissement public d'aménagement de la Guyane.

Quelques indications, à présent, sur le recensement des populations dépourvues d'état civil, le long du Maroni.

Le pré-recensement a été opéré du 15 juin au 24 septembre 1998 et a été mené avec l'aide des autorités locales et des autorités coutumières. La commission a étudié 2 032 demandes. Il est vraisemblable que nous n'avons pas touché toutes les personnes concernées, que l'on estime à 6 000.

Il y a eu, en tout cas, 856 avis favorables. Ces dossiers ont été transmis le 25 novembre 1998 au greffe du tribunal de grande instance de Cayenne pour leur traitement judiciaire. Et une audience collégiale par semaine a été fixée pour prendre en compte ces requêtes. En effet, le ministère de la justice souhaitait une procédure non pas a dministrative, mais juridictionnelle. Nous estimons, aujourd'hui, que 400 dossiers devraient être jugés d'ici à la fin du mois de juin 1999 et que toutes les requêtes devraient être examinées d'ici à la fin de l'année. Peutêtre saisirons-nous alors le ministère de la justice pour qu'il mène une nouvelle campagne.

Sur la détermination des amendes et le pouvoir des agents chargés de constater les infractions, je dirai à M. Buillard que ces questions seront examinée s lors de l'élaboration de la loi organique statutaire qui suivra la révision de la Constitution.

Enfin, j'ai bien noté que M. Brial se réjouissait de la nouvelle situation du service de santé de Wallis. Monsieur le député, nous sommes aussi à la disposition du territoire pour l'aider à mener les évaluations nécessaires en relation avec le ministère de la santé et ainsi éviter des dérives dans le domaine des dépenses de santé. Nous avons, en effet, été amenés à actualiser les financements de l'hôpital de Wallis grâce à des crédits du ministère de la santé, qui ont permis de remettre à flot cet établissement.

Je terminerai en revenant sur les propos de M. Bussereau. Peut-être cela incitera-t-il tous nos compatriotes d'outre-mer à faire leur devoir électoral le 13 juin ? Les formations politiques de toutes tendances ont mené campagne outre-mer, où, jusqu'à présent, la participation aux élections européennes était faible, en effet. Mais eu égard aux financements qui sont apportés aux départements d'outre-mer et à l'importance des questions qui sont traitées à l'échelon européen - la banane, bien sûr, mais aussi toutes celles relatives aux personnels et à l'installation des professions - il ne faut pas se désintéresser de l'Europe. Je souhaite donc que la participation pour ces élections de dimanche soit plus forte qu'en 1994.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PROJET DE LOI No 1173 RECTIFIÉ

M. le président.

J'appelle dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi no 1173 rectifié portant ratification des ordonnances no 98-773 du 24 juin 1998, no 98-731 du 20 août 1998, no 98-973 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, dans le texte du Gouvernement.

Discussion des articles Article 1er

M. le président.

« Art.

1er Sont ratifiées les ordonnances suivantes prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer :

« Ordonnance no 98-522 du 24 juin 1998 portant actualisation et adaptation du droit du travail dans les territoires, collectivités et départements d'outre-mer ;

« Ordonnance no 98-731 du 20 août 1998 portant adaptation aux départements d'outre-mer, à la NouvelleCalédonie et à la collectivité territoriale de Saint-Pierreet-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sanitaires et sociales ;

« Ordonnance no 98-773 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation en Nouvelle-Calédonie du titre III intitulé "Des organes, tissus, cellules et produits du corps humain" du livre VI du code de la santé publique. »

M. Marsin a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 1er , après le mot : "ratifiées", insérer les mots : ", telles que modifiées par la présente loi,". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin, rapporteur à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cet amendement de coordination tend à préciser que la ratification des ordonnances tient compte aussi des amendements qui seront examinés par notre assemblée. Il a été adopté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa de l'article 1er par les mots : "à l'exclusion de son titre Ier ". »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Je considère avoir défendu cet amendement dans mon intervention dans la discussion générale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Marsin, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement prématuré qui anticipe sur l'évolution contenue dans la loi statutaire qui confiera à la Polynésie française la compétence en matière de droit du travail sur son territoire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

6. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art.

2. Au quatrième alinéa de l'article 40 de la loi no 86-845 du 17 juillet 1986 modifiée relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail tel que modifié par l'article 7 de l'ordonnance du 24 juin 1998 précitée, les mots : "du Congrès" sont remplacés par les mots : "de l'assemblée de la Polynésie française". »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Au premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance no 85-1181 du 13 novembre 1985 modifiée relative aux principes directeurs du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et du tribunal du travail en NouvelleCalédonie tel que modifié par le II de l'article 18 de l'ordonnance du 24 juin 1998 précitée, les mots : "de l'assemblée de la Polynésie française" sont remplacés par les mots : "du congrès" ».

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Amendement de précision qui vise à mettre fin à la confusion faite entre les assemblées locales de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Marsin, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Au deuxième alinéa de l'article 31 ainsi qu'à l'article 32 de l'ordonnance no 85-1181 du 13 novembre 1985 modifiée relative aux principes directeurs du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et du tribunal du travail en Nouvelle-Calédonie tels que modifiés par l'article 21 de l'ordonnance du 24 juin 1998 précitée, les mots : "à l'article 24" sont remplacés par les mots : "à l'article 30".

« II. - A l'article 32 de l'ordonnance no 85-1181 du 13 novembre 1985 modifiée relative aux principes directeurs du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et du tribunal du travail en Nouvelle-Calédonie tel que modifié par l'article 21 de l'ordonnance du 24 juin 1998 précitée, les mots : "à l'article 25" sont remplacés par les mots : "à l'article 31". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Cet amendement a le même objet.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Marsin, rapporteur.

Même avis !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« A l'article L. 141-4 du code du travail applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, issu du 1o de l'article 30 de l'ordonnance du 24 juin 1998 précitée, le mot : "prévu" est remplacé par le mot : "prévus". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Il s'agit de corriger une faute d'orthographe.

(Sourires.)

M. le président.

Je suppose que la commission est d'accord.

(Sourires.)

M. Daniel Marsin, rapporteur.

Absolument, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

PROJET DE LOI No 1174

M. le président.

J'appelle dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi (no 1174) portant ratification des ordonnances no 98-580 du 8 juillet 1998, no 98-582 du 8 juillet 1998, no 98-728 du 20 août 1998, no 98-729 du 20 août 1998, no 98-730 du 20 août 1998, no 98-732 du 20 août 1998, no 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, dans le texte du Gouvernement.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer :

« Ordonnance no 98-580 du 8 juillet 1998 relative au délai de déclaration des naissances en Guyane ;

« Ordonnance no 98-582 du 8 juillet 1998 relative au régime de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique ;

« Ordonnance no 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

« Ordonnance no 98-729 du 20 août 1998 relative à l'organisation juridictionnelle dans les territoires d'outremer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

« Ordonnance no 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ;

« Ordonnance no 98-732 du 20 août 1998 relative à l'application de l'article 21-13 du code civil à Mayotte ;

« Ordonnance no 98-774 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation aux départements, collectivités territoriales et territoires d'outre-mer de dispositions concernant le droit civil, le droit commercial et certaines activités libérales. »

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a présenté un amendement, no 20, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article unique, après le mot : "ratifiées", insérer les mots : ", telles que modifiées par la présente loi,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Lambert, rapporteur à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Amendement de coordination avec l'adoption, certes encore éventuelle - en tout cas, ils ont été votés en commission -, des amendements modifiant les ordonnances.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique modifié par l'amendement no

20. (L'article unique, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 24, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Substituer à la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance no 98-582 du 8 juillet 1998 cinq alinéas ainsi rédigés :

« Il comprend au plus trente membres ainsi répartis :

« 40 % des représentants des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs ;

« 30 % de personnalités extérieures ;

« 20 % de représentants d'étudiants ;

« 10 % de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service. »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Cet amendement vise à renforcer la représentation du territoire au sein du conseil d'administration de l'université en la portant à 30 %.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

La commission n'a pas à proprement parler examiné cet amendement qui vient d'être déposé sous sa forme actuelle. Cependant, elle en avait repoussé un autre du même type. En effet, elle a considéré que l'objet de cette ordonnance était de rapprocher le plus possible le statut de l'université française de Polynésie du droit commun. Or cet amendement propose une disposition dérogatoire au droit commun.

A titre personnel, je serai donc plutôt réservé. Toutefois, j'avais précisé que si M. Buillard déposait un nouvel amendement - ce qui est le cas - nous attendrions l'avis du Gouvernement pour nous prononcer sur cette question.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Avis défavorable.

En effet, l'amendement présenté par M. Buillard conduirait à éloigner du droit commun la composition du conseil d'administration des universités de NouvelleCalédonie et de Polynésie française, alors que l'objet de l'ordonnance est plutôt de l'en rapprocher.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement n'est pas adopté).

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 12 deuxième rectification, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance no 98-582 du 8 juillet 1 998, substituer au mot : "deux", le mot : "quatre". »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Il s'agit de porter la représentation du territoire de deux à quatre dans les instances de décision de l'université.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

Là encore, la commission n'a pas examiné cet amendement dans sa forme actuelle. Mais à titre personnel, j'émettrai plutôt un avis favorable,...

M. Michel Buillard.

Ah !

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

... car il ne remet pas en cause les grands principes de l'ordonnance.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 12 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 8 de l'ordonnance no 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-etMiquelon est ainsi rédigé :

« Art. 8. - Dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, les décisions des juridictions répressives, à l'exception de celles qui ne statuent que sur les intérêts civils, sont soumises à u n droit fixe de procédure dû par chaque condamné.

« Ce droit est de :

« 1o 50 francs pour les ordonnances pénales ;

« 2o 150 francs pour les autres décisions des tribunaux de police et celles des juridictions qui ne statuent pas sur le fond ;

« 3o 600 francs pour les décisions des tribunaux correctionnels ;

« 4o 800 francs pour les décisions des cours d'appel statuant en matière correctionnelle et de police ;

« 5o 2 500 francs pour les décisions des cours d'assises.

« Il est de 1 000 francs pour les décisions de la Cour de cassation statuant en matière criminelle, correctionnelle ou de police.

« Les décisions rendues sur le fond s'entendent des jugements et arrêts des cours et tribunaux qui statuent sur l'action publique et qui ont pour effet, si aucune voie de recours n'est ouverte ou n'est exercée, de mettre fin à la procédure.

« Ce droit n'est pas dû lorsque le condamné est mineur.

« Ce droit est recouvré sur chaque condamné comme en matière d'amendes et de condamnations pécuniaires par les comptables du Trésor. Les personnes condamnées pour un même crime ou pour u n même délit sont tenues solidairement au paiement des droits fixes de procédure.

« Ce droit est aussi recouvré, comme en matière criminelle ou correctionnelle, en cas de décision de non-lieu ou de relaxe sur la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique.

« Le recouvrement du droit fixe de procédure et des amendes pénales est garanti, d'une part, par le privilège général sur les meubles, d'autre part, par l'hypothèque légale dans les conditions applicables dans chacune des collectivités. »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article 8 de l'ordonnance qui prévoit les droits fixes de procédure pour les condamnés.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

Cet amendement avait été repoussé par la commission, sous réserve de la vérification de la réécriture exacte de l'article 1018 du code général des impôts. Cette vérification ayant été faite, j'émets pour ma part un avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement émet également un avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Jean-Baptiste et M. Rochebloine ont présenté un amendement, no 23, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« I. L'article L.

334-8 du code électoral rédigé par l'article 18 de l'ordonnance no 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil général de Mayotte est renouvelé en même temps que les conseils généraux des départements.

« II. Il est inséré dans la même ordonnance, après l'article 21, un article ainsi rédigé :

« Art. 21 bis. I. Le mandat des conseillers généraux de Mayotte appartenant à la série renouvelée en mars 1994 viendra à expiration en mars 2001.

« Le mandat des conseillers généraux de Mayotte appartenant à la série renouvelée en mars 1997 viendra à expiration en mars 2004.

« II. Pour les élections mentionnées au premier alinéa du I, la durée de la période pendant laquelle les candidats peuvent avoir recueilli des fonds dans les conditions prévues par l'article L.

52-4 du code électoral est portée de douze à dix-huit mois.

« III. Le mandat du président du conseil général de Mayotte élu à la suite du renouvellement de mars 1997 viendra à expiration en mars 2001. »

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Il s'agit de modifier les dates des prochaines élections des conseillers généraux de Mayotte. Dans un souci d'unification avec le calendrier en vigueur en métropole et dans les DOM, nous proposons de prolonger d'un an le mandat des actuels conseillers généraux.

En commission, Henry Jean-Baptiste avait regretté qu'aucune disposition n'ait pu être prise dans le cadre des ordonnances pour harmoniser la date des élections du conseil général de Mayotte avec celle des élections cantonales en métropole. Il avait aussi rappelé que les élus mahorais du conseil général s'étaient unanimement prononcés pour une concordance de ces dates et avaient proposé, dans cette optique, la prolongation du mandat des conseillers généraux actuels d'un an. Enfin, il avait sou-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

haité que le rapporteur se fasse l'écho auprès du Gouvernement d'une telle préoccupation et obtienne de lui des engagements en la matière.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Henry JeanBaptiste, qui est aujourd'hui à Mayotte pour la fin de la c ampagne électorale pour les élections européennes, m'avait entretenu de ce projet. Le Gouvernement est favorable à son amendement, pour deux raisons : d'une part, parce qu'il est souhaité par toutes les formations politiques du conseil général de Mayotte et, d'autre part, parce qu'il permet, sur le plan électoral, d'aligner le statut du conseil général de Mayotte sur celui des conseils généraux de métropole. C'est déjà une première réponse à la préoccupation exprimée par M. Bussereau. Les Mahorais, qui sont fondamentalement attachés à l'appartenance à la République française, trouveront ainsi une évolution vers le droit commun français.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Lambert, rapporteur, a présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le dernier alinéa de l'article 21 de l'ordonnance no 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, les mots : "L. 334-12, L. 334-13e t L. 334-15" sont remplacés par les mots : "L. 334-13, L. 334-14 et L. 334-16". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

Il s'agit de corriger une erreur de référence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Lambert, rapporteur, a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa du II de l'article 10 de l'ordonnance no 98-774 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation aux départemetns, collectivités territoiriales et territoires d'outre-mer de d ispositions concernant le droit civil, le droit commercial et certaines activités libérales, les mots : "à compter des dates mentionnées au premier alinéa de l'article 46 du décret du 30 décembre 1953 précité, toutes les dispositions contraires à ce décret"s ont remplacés par les mots : "à compter du 15 mars 1999, toutes les dispositions contraires au décret du 30 septembre 1953 précité". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI No 1175 RECTIFIÉ

M. le président.

J'appelle dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi (no 1175 rectifié) portant ratification des ordonnances no 98-524 du 24 juin 1998, no 98-525 du 24 juin 1998, no 98-581 du 8 juillet 1998, no 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, dans le texte du Gouvernement.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer :

« Ordonnance no 98-524 du 24 juin 1998 portant dispositions relatives à la déclaration périodique entre les départements de la Guadeloupe et de la Martinique ;

« Ordonnance no 98-525 du 24 juin 1998 relative à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des transferts financiers avec l'étranger dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

« Ordonnance no 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;

« Ordonnance no 98-775 du 2 septembre 1998 relative au régime des activités financières dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. »

M. Le Guen a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article unique, après le mot : "ratifiées", insérer les mots : "telles que modifiées par les dispositions de la présente loi", ».

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Cet amendement anticipe sur l'adoption de plusieurs autres qui devrait intervenir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique, modifié par l'amendement no

8. (L'article unique, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le I de l'article 2 de l'ordonnance no 98525 du 24 juin 1998 relative à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des transferts financiers avec l'étranger dans les territoires d'outremer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, après les mots : "à l'exception des articles", est insérée la référence : "209". »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Cet amendement, qui concerne les douanes, a été approuvé en commission.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui propose de réintégrer la dispense de timbre pour les procès-verbaux des douanes.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Les quatrième, cinquième, sixième et dernier alinéas du E du II de l'article 2 de l'ordonnance no 98525 du 24 juin 1998 relative à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des transferts financiers avec l'étranger dans les territoires d'outremer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon sont supprimés. »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Il s'agit d'un rappel des compétences.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur.

Cet amendement vise à la modernisation du code des douanes applicable en Polynésie française. Il tend à empêcher l'application sur le territoire d'une série d'amendes définies par le code des douanes et libellées, en conséquence, en francs Pacifique par l'ordonnance. Ces amendes sanctionnent, par exemple, le refus de se soumettre aux examens médicaux prescrits par le juge judiciaire dans le cadre de la lutte contre le trafic des stupéfiants ou les contraventions douanières.

Je souligne que cet amendement a été élaboré par l'Assemblée de Polynésie.

Il s'appuie, notamment, sur les dispositions de la loi organique attribuant à la Polynésie française la compétence de la réglementation douanière et la compétence d'assortir les infractions qu'elle édicte de peines d'amende. Pourtant, dans ce cas précis, il s'agit de peines afférentes à des infractions édictées par l'Etat et non par le territoire. Il ne nous semble donc pas possible que le texte enfreigne les compétences propres de la Polynésie française. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

L'avis du Gouvernement est identique. En effet, les articles concernés édictent des infractions pénales - répression de la contrebande, fausses déclarations de valeur - qui sont de la compétence de l'Etat, en vertu de la loi statutaire du 12 avril 1996.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Buillard a présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le II de l'article 1er de l'ordonnance no 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française est ainsi rédigé :

« II. Les dispositions du I ci-dessus sont applicables aux centimes additionnels perçus au profit des communes ou de la chambre de commerce, de l'industrie, des services et des métiers, aux taxes communales assimilées aux contributions directes, aux redevances pour services rendus et aux taxes perçues pour le compte d'organismes tiers. Le privilège créé au profit de ces taxes prend rang immédiatement après celui du territoire de la Polynésie française. »

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Cet amendement propose d'étendre la garantie qui s'attache aux privilèges sur les meubles et les effets immobiliers à l'ensemble des droits, taxes et impositions liquidées par le service des contributions et perçues au profit des communes, des établissements publics et des organismes chargés d'une mission de service public.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI No 1176 RECTIFIÉ

M. le président.

J'appelle dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi (no 1176 rectifié) portant ratification des ordonnances no 98-520 du 24 juin 1998, no 98-521 du 24 juin 1998, no 98-523 du 24 juin 1998, no 98-526 du 24 juin 1998, no 98-776 du 2 septembre 1998, no 98-777


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

du 2 septembre 1998 prises en application de la loi no 98145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, dans le texte du Gouvernement.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer :

« Ordonnance no 98-520 du 24 juin 1998 relative à l'action foncière, aux offices d'intervention économique dans le secteur de l'agriculture et de la pêche et à l'aide au logement dans la collectivité territoriale de Mayotte ;

« Ordonnance no 98-521 du 24 juin 1998 portant extension et adaptation de règles acoustiques et thermiques en matière de construction dans les départements d'outre-mer, de règles de sécurité et d'accessibilité des bâtiments dans la collectivité territoriale de Saint-Pierreet-Miquelon et du régime de l'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et modifiant le code de la construction et de l'habitation ;

« Ordonnance no 98-523 du 24 juin 1998 relative au régime de la pêche maritime dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises ;

« Ordonnance no 98-526 du 24 juin 1998 réglementant l'urbanisme commercial dans la collectivité territoriale de Mayotte ;

« Ordonnance no 98-776 du 2 septembre 1998 relative à l'adhésion des chambres d'agriculture de NouvelleCalédonie et de Polynésie française à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture et modifiant le code rural ;

« Ordonnance no 97-777 du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l'Etat en Guyane et modifiant le code du domaine de l'Etat (partie législative). »

M. Maxime Bono, rapporteur de la commission de la production et des échanges, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'article unique, après les mots : "Sont ratifiées", insérer les mots : ", telles que modifiées par les dispositions de la présente loi,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Bono, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Il s'agit d'un amendement de coordination qui précède des amendements que l'Assemblée devrait accepter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique modifié par l'amendement no

1. (L'article unique, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

M. Bono, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 2 de l'ordonnance no 98-520 du 24 juin 1998 précitée est abrogé. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Bono, rapporteur.

Cet amendement vise à tirer les conséquences d'une situation juridique un peu confuse. En effet, les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance no 98-520 que nous vous proposons d'abroger ont été successivement abrogées puis rétablies et codifiées.

Cet article 2 est donc désormais sans objet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Bono, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Les troisième et dernier alinéas de l'article L.

161-2 du code de la construction et de l'habitation inséré dans ledit code par l'article 1er de l'ordonnance no 98-521 du 24 juin 1998 précitée sont ainsi rédigés :

« à l'article L.

111-8-2, les mots : "ladite autorisation" sont remplacés par les mots : "cette dernière autorisation" ;

« à l'article L.

125-2, la date : "31 décembre 1992" est remplacée par la date : "31 décembre 2001". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Maxime Bono, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui rectifie des erreurs matérielles.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI D'HABILITATION

M. le président.

J'appelle, dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outremer, dans le texte du Gouvernement.

Discussion des articles Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer dans les domaines suivants :

« 1o Statut des agences d'insertion dans les départements d'outre-mer ;


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« 2o Statut et missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer ;

« 3o Contribution de l'Etat aux ressources des communes de la Polynésie française ;

« 4o Dispositions relatives au droit d'asile et à l'entrée et au séjour des étrangers en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte ;

« 5o

Etat des personnes et régime de l'état civil à Mayotte ;

« 6o En matière de santé, conditions d'exercice des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sagefemme dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises ; organisation et fonctionnement d'une agence de santé aux îles Wallis et Futuna ; lutte contre les maladies mentales à Mayotte ; financement de l'établissement public de santé territorial de Mayotte ;

« 7o Juridictions ordinales des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;

« 8o Droit du travail. »

La parole est à M. Victor Brial, inscrit sur l'article.

M. Victor Brial.

Ainsi que je l'ai souligné dans la disc ussion générale commune, en vertu de l'ordonnance no 59-45 du 6 janvier 1959, la scolarité est obligat oire jusqu'à l'âge de seize ans pour les enfants métropolitains. Il est regrettable que cette disposition n'ait pas été étendue aux îles Wallis et Futuna après l'adoption en 1961 du statut de territoire d'outre-mer.

En effet, l'épanouissement personnel de l'adolescent et le marché du travail exigent de façon croissante qu'ils reçoivent une formation générale la plus achevée possible.

Il convient donc d'habiliter le Gouvernement, dans le cadre du présent projet de loi, à porter la durée de la scolarité à seize ans, comme cela est le cas en métropole depuis 1967.

M. le président.

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et M. Darsières ont présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa (8o ) de l'article 1er par les mots : ", notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à la médecine du travail". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Cet amendement, que la commission a adopté sur proposition de M. Darsières, tend à compléter l'alinéa relatif à l'habilitation dans le domaine de la santé par une disposition concernant la médecine du travail. En la matière, en effet, il y a un vide juridique dans les départements d'outre-mer dans la mesure où les dispositions du titre IV du livre II du code du travail, relatives aux services médicaux du travail, n'y sont pas applicables. Cette habilitation devrait permettre de le combler.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de cet amendement.

En effet, l'extension des règles applicables en métropole en matière de médecine du travail aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon demande, au préalable, une étude d'impact que le Gouvernement est prêt à entreprendre. Néanmoins, il nous paraît prématuré de faire, dans l'article 1er , une référence directe à la notion de médecine du travail.

J'ajoute que le droit du travail englobe la notion de médecine du travail.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Brial a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« 9o Dispositions relatives à la durée de la scolarité obligatoire aux îles Wallis et Futuna. »

La parole est à M. Victor Brial.

M. Victor Brial.

J'ai déjà défendu cet amendement en intervenant sur l'article.

En revanche, la commission des lois n'a pas examiné celui relatif à un problème sur lequel je voulais appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat.

En effet, le régime d'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles institué par la loi no 82-600 du 13 juillet 1982 a été étendu aux départements d'outremer ainsi qu'aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon par la loi no 90-509 du 25 juin 1990. Il est regrettable qu'une telle disposition n'ait pas été prévue pour les îles Wallis et Futuna, fréquemment touchées par des cyclones et tremblements de terre.

Si le taux d'assurance des Wallisiens et des Futuniens n'excède pas aujourd'hui 30 %, il faut savoir que ce chiffre est en rapide progression. Je suis d'ailleurs persuadé que l'extension de ce régime encouragerait la population à faire davantage appel à l'assurance qu'actuellement.

En outre, elle constituerait un geste significatif en direction des acteurs économiques du territoire qui sont les premières victimes de ces cataclysmes. Cette mesure permettrait en effet de pérenniser les entreprises privées et, par là même, de favoriser l'emploi local, qui, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, a particulièrement besoin d'être soutenu.

Il convient donc d'habiliter le Gouvernement, dans le cadre du présent projet de loi, à donner aux habitants du territoire des garanties similaires à celles dont bénéficient tous les ressortissants de la République dans ce domaine.

M. le président.

Je constate, monsieur Brial, que vous avez également défendu votre amendement no 5, qui est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Dispositions relatives à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles aux îles Wallis et Futuna. »

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 2 et 5 ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

La commission est favorable à l'amendement no 2 relatif à l'âge de la scolarité obligatoire.

En revanche, elle n'a pas examiné l'amendement no 5 auquel je suis défavorable, à titre personnel, non pas par principe, car je pourrais souscrire à votre exposé, monsieur Brial, mais pour une question de fait.


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En effet, pour que de telles dispositions puissent s'appliquer à Wallis-et-Futuna, il faudrait que les habitants de ces îles soient assurés. Or tel est loin d'être le cas aujourd'hui. Ces dispositions n'auraient donc pas d'impact réel.

M. Victor Brial.

Cela les inciterait à s'assurer !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 2, qui vise à rendre la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans révolus pour les jeunes Wallisiens et Futuniens, sujet qui fera donc l'objet d'une ordonnance. Certes, cela est déjà une réalité pour la majorité des jeunes à Wallis-et-Futuna, mais il me paraît très positif de rappeler ainsi l'obligation scolaire pour un territoire d'outre-mer.

A propos de l'amendement no 5, qui demande que nous prenions par des ordonnances des dispositions relatives à l'indemnisation des catastrophes naturelles pour Wallis-et-Futuna, je rappelle à M. Brial que la solidarité nationale s'est toujours exprimée en faveur de ces îles lorsqu'elles ont été frappées par des catastrophes naturelles. Ainsi, nous avons débloqué 14 millions de francs en 1990 pour réparer les dégâts causés par le cyclone Ofa, 8 millions de francs en 1993, après le tremblement de terre et 7,3 millions de francs en 1999, à la suite du passage du cyclone Ron.

Le régime d'assurance des catastrophes naturelles se présente comme une garantie complémentaire qui est obligatoirement annexée aux contrats d'assurances portant sur les dommages aux biens. Or, à Wallis-et-Futuna, le taux de souscription est relativement faible - 25 % alors qu'il est de pratiquement 100 % en métropole et de plus de 50 % dans les départements d'outre-mer.

C'est pourquoi, à mon avis, une telle disposition n'améliorerait pas sensiblement la situation à Wallis-etFutuna.

M. Victor Brial.

Il faut les encourager !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Cela étant, on peut penser que, petit à petit, une évolution interviendra dans ce domaine et que les gens s'assureront de plus en plus, même si, jusqu'à présent, la solidarité nationale a été privilégiée.

M. Victor Brial.

Il faut les inciter à s'assurer.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement n'est donc pas hostile à cet amendement et il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darsières et M. Marsin ont présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« 9o Adaptation pour les départements d'outremer de la législation relative aux transports intérieurs. »

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin.

Cet amendement vise à combler un vide et à corriger une situation extrêmement difficile et complexe en matière de transports intérieurs.

Aujourd'hui, le système a du mal à fonctionner parce que les petits artisans transporteurs sont systématiquement éliminés des marchés à cause de la loi Sapin au profit des cotransporteurs, ce qui crée une situation de crise larvée, devant laquelle les maires et, plus généralement, les exécutifs sont dans l'incapacité d'agir efficacement.

Les parlementaires locaux souhaitent depuis longtemps que l'Etat intervienne dans ce domaine. Nous pensons que, dans le cadre d'une ordonnance, le Gouvernement pourrait prendre des mesures afin que le système fonctionne de façon plus harmonieuse.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, tout en reconnaissant que le sujet était d'importance. Elle suggère au Gouvernement et à l'Assemblée de revoir ce sujet lors de l'examen de la loi d'orientation sur les départements d'outre-mer qui devrait nous être soumise cet automne.

Toutefois, depuis l'examen en commission, des arguments ont été échangés et il semblerait qu'il y ait urgence à légiférer en la matière. J'attends donc de connaître la position du Gouvernement avant de me prononcer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

La question de l'adaptation de la législation en matière de transports pour les départements d'outre-mer, en particulier celle de la loi d'organisation sur les transports intérieurs, et de la loi Sapin, pose de nombreux problèmes outre-mer où existent des organisations de taxis collectifs. Ainsi, de petites entreprises gèrent l'ensemble des réseaux de transports extérieurs aux villes et, depuis de nombreuses années, elles demandent à être prises en considération par une disposition particulière.

Sous la législature précédente, une mission d'information avait été confiée au député M. Jacob, qui avait présenté des propositions. Depuis, cette question a fait l'objet de multiples échanges, notamment avec le ministère de l'équipement et des transports et avec les élus locaux.

Pour essayer de sortir de cette situation et compte tenu des difficultés, le Gouvernement est favorable à la proposition de M. Marsin qui permettrait d'ajouter un point supplémentaire : la législation relative aux transports intérieurs dans le projet de loi d'habilitation. Il conviendra évidemment, dans le temps qui nous est imparti, de travailler en concertation avec les conseils généraux, qui sont chargés de l'organisation des transports intérieurs, et avec les organisations professionnelles. Même s'il faut déroger au droit commun dans des domaines essentiels comme l'appel à la concurrence, pour organiser les réseaux de transports, nous devons élaborer la législation la plus adaptée possible.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

Je vais voter cet amendement que la commission a repoussé, mais sans doute parce qu'elle avait alors manqué d'informations.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« 9o Droit électoral. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Cet amendement a pour objet d'habiliter le Gouvernement à procéder à la codification du droit électoral applicable en Nouvelle-


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Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Il s'agit de rendre plus lisible le droit électoral applicable dans ces territoires, jusqu'alors dispersé dans de nombreux textes parfois anciens, dont certains se révèlent inadaptés. Cet effort de clarification et de codification était notamment souhaité par le Conseil d'Etat.

Cette codification se fera évidemment à droit constant et dans le respect de la hiérarchie des normes. Elle ne pourra pas concerner les dispositions de nature organique.

Je précise enfin que les assemblées territoriales ont été consultées en 1996 sur un projet de codification du droit électoral d'outre-mer qui fut soumis au Conseil d'Etat. Le Gouvernement entend s'inspirer de ces travaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur.

La commission a accepté cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Articles 2, 3 et 4

M. le président.

« Art. 2. Les projets d'ordonnance prévus à l'article 1er intéressant respectivement les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ou les départements d'outre-mer sont, selon les cas, soumis pour avis :

« aux assemblées des territoires d'outre-mer dans les conditions prévues à l'article 74 de la Constitution ;

« au congrès de la Nouvelle-Calédonie dans les conditions prévues à l'article 90 de la loi organique no 99209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

« aux conseils généraux des collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, aux conseils généraux et régionaux de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion ; ces avis sont émis dans le délai d'un mois ; ce délai expiré, ils sont réputés avoir été donnés. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

« Art. 3. Les ordonnances prévues à l'article 1er devront être prises au plus tard le dernier jour du sixième mois commençant après la promulgation de la présente loi.

« Des projets de loi de ratification devront être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois commençant après la promulgation de la présente loi. » -

(Adopté.)

« Art. 4. A l'article 2 de la loi no 99-243 du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, les mots : "applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte" sont remplacés par les mots : "applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte". » -

(Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

2

POLYNÉSIE FRANÇAISE ET NOUVELLE-CALÉDONIE Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la Poynésie française et à la Nouvelle-Calédonie (nos 1624, 1665).

La parole est à M. secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

Son article 1er porte sur la définition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

La loi organique du 19 mars 1999 a traduit dans le droit positif les dispositions de l'accord de Nouméa, signé par les représentants des deux principaux partis, le FLNKS et le RPCR, et le Premier ministre le 5 mai 1998.

Elle définit en particulier les règles relatives à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie et au corps électoral pouvant participer aux élections au Congrès et aux assemblées de province.

Ces dispositions constituent un élément essentiel de cet accord et une des raisons de la révision opérée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, adoptée à une très large majorité par le Parlement, réuni en Congrès à Versailles le 6 juillet 1998.

C'est également à une très large majorité - 72 % - que l es électeurs calédoniens ont approuvé, le 8 novembre 1998, l'accord de Nouméa.

Le paragraphe 2.2.1 de l'accord a prévu trois catégories d'électeurs pour les élections au Congrès et aux assemb lées de province. La première est clairement circonscrite : il s'agit des électeurs inscrits pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. S'agissant des deux suivantes, le texte offre la possibilité de devenir ultérieurement électeur à certaines personnes, sous réserve de leur inscription ou de celle d'une de leurs parents sur un

« tableau annexe ». Il est vrai qu'en l'absence d'une définition explicite de ce document, il a pu être permis d'hésiter sur son contenu. Deux interprétations étaient possibles : ou bien étaient visées uniquement les personnes inscrites sur ce tableau à la date de la consultation référendaire du 8 novembre 1998, ou bien l'on y ajoutait celles qui pourraient y être inscrites postérieurement.

De ces deux thèses, seule la première correspond tant à l'intention des signataires de l'accord de Nouméa qu'à celle des deux assemblées réunies en Congrès le 6 juillet 1998. En effet, la référence aux accord de Matignon, qui figure en tête de l'article 2.2.1 de l'accord de Nouméa, renvoie au souhait exprimé par les signataires de l'accord de ne voir voter au Congrès et aux assemblées de province que les seules personnes installées en NouvelleCalédonie avant la consultation prévue pour 1998.

M. René Dosière.

Très juste !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Par ailleurs, à la date de la signature de l'accord de Nouméa, la référence au « tableau annexe » ne pouvait nécessairement porter


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que sur le document existant à cette date et non sur d'autres tableaux prévus par la loi organique à son article 189 pour être élaborés après la consultation du 8 novembre 1998, pendant la période d'application de l'accord.

L'article 188 de la loi organique s'est donc borné à reprendre fidèlement les termes de l'accord de Nouméa en définisssant le corps électoral aux élections du Congrès et des assemblées de province. Les deux rapporteurs,

M. Dosière devant votre assemblée et M. Hyest au Sénat, se sont exprimés sans ambiguïté sur ce point.

M. René Dosière.

Tout à fait !

M. secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Or le Conseil c onstitutionnel a formulé, dans sa décision du 15 mars 1999, une réserve d'interprétation sur cet article de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.

M. Jacques Brunhes.

Quelle faute !

M. secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Selon les termes de sa décision, doivent « participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès les personnes qui, à la date de l'élection, sont domiciliées depuis dix ans en NouvelleCalédonie, quelle que soit la date de leur établissement en N ouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 », date de la consultation sur l'accord de Nouméa.

Par l'article 1er du projet de loi constitutionnelle soumis à votre examen, le Gouvernement souhaite donc préciser, dans un alinéa complétant l'article 77 de la Constitution, que le tableau auquel se réfère l'accord de Nouméa, pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au Congrès, est bien le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prév ue à l'article 76, c'est-à-dire la consultation du 8 novembre 1998.

Le Gouvernement entend ainsi garantir de façon indiscutable le respect de l'accord de Nouméa. Il respecte aussi les engagements qu'il avait pris vis-à-vis des partenaires calédoniens avant les élections au Congrès et aux assemblées de province, qui se sont déroulées le 9 mai 1999 dans un climat serein et qui ont vu la confirmation, pour les deux formations signataires des accords de Nouméa, le RPCR et le FLNKS, du bien-fondé de la démarche entreprise. Les nouvelles institutions viennent de s'installer ; dès la semaine prochaine, je transférerai officiellement à Nouméa les fonctions exécutives au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

La présente révision contribue à assurer que les engagements pris, dans ce domaine comme dans d'autres, seront tenus.

Cette garantie permettra ainsi aux élus néo-calédoniens de se consacrer dans les meilleures conditions à l'exercice des compétences qui leur seront transférées et au développement économique et social. L'esprit de responsabilité et de partage qui a prévalu doit désormais se prolonger dans la gestion de la Nouvelle-Calédonie.

Le projet de loi constitutionnelle introduit également un titre XIV nouveau dans la Constitution, intitulé

« Dispositions relatives à la Polynésie française ».

La Polynésie française est dotée d'un statut d'autonomie qui n'a cessé de se renforcer au cours des vingt dernières années. Ces régimes successifs ont permis aux élus de faire l'apprentissage de l'exercice de très larges responsabilités. Je veux rappeler que la gauche a été à l'origine de deux textes qui ont fondé l'autonomie de la Polynésie.

La loi Defferre avait créé en 1956 les conditions d'une évolution de l'organisation administrative et politique du territoire. Cette avancée a cependant été de courte durée, puisque si la Constitution de 1958 a institué le cadre de l'article 74 pour les territoires d'outre-mer, le législateur est par la suite revenu sur nombre d'acquis. C'est à l'initiative de Georges Lemoine que l'autonomie interne de la Polynésie s'est concrétisée avec le statut de 1984. Enfin, un point d'aboutissement a été atteint avec le dernier statut institué par la loi organique du 12 avril 1996 et la loi ordinaire du même jour.

Après les modifications statutaires intervenues en Nouvelle-Calédonie, le moment est venu de franchir une nouvelle étape dans l'affirmation de la personnalité et de l'autonomie de la Polynésie française, pour répondre aux attentes de ses habitants qui aspirent majoritairement à trouver leur épanouissement au sein de la République.

En accord avec le Président de la République, le Premier ministre a décidé d'engager la procédure de révision constitutionnelle nécessaire pour faire bénéficier la Polynésie française d'une pleine autonomie institutionnelle, comparable à celle reconnue à la Nouvelle-Calédonie.

Après concertation avec les autorités locales, le Gouvernement a élaboré un projet de loi constitutionnelle.

Il a consulté, sans y être juridiquement tenu, l'assemblée de la Polynésie française. Celle-ci a donné un avis f avorable, tout en formulant certaines propositions.

D'autres opinions s'y sont exprimées ; elles sont légitimes et le Gouvernement veillera, comme je m'y suis engagé, à les associer à la préparation de l'évolution statutaire dans le cadre de la loi organique.

Le nouvel article 78 de la Constitution reconnaît la place singulière et l'autonomie renforcée de la Polynésie française dans la République.

« La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République. » Cette for-

mule marque une évolution notable par rapport au statut de 1996 dans lequel la Polynésie ne faisait qu'« exercer librement et démocratiquement » des compétences.

L'emploi du verbe « gouverner » souligne bien, à l'instar d'autres territoires du Pacifique, cette conception que l'on résume sous le vocable anglo-saxon de self-government - nous parlerions chez nous de responsabilité locale étendue -, qui permet de distinguer la Polynésie française des territoires d'outre-mer tels que définis par l'article 74 de la Constitution.

Cette autonomie poussée s'exerce, ainsi que le rappelle le texte, au sein de la République, ce qui implique évidemment le respect des principes fondamentaux de nos institutions.

De fait, comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française cessera d'être un territoire d'outre-mer. Elle deviendra un pays d'outre-mer, expression déjà consacrée sur le plan européen.

Les compétences de l'Etat qui seront transférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci seront fixés par la loi organique.

Ces transferts donneront lieu à une compensation financière.

L'article 78 de la Constitution énumère les compétences régaliennes qui ne pourront pas être transférées par la loi organique aux institutions locales. Il fixe donc les limites de l'autonomie. La loi organique pourra bien sûr réserver à l'Etat d'autres compétences : je pense en


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particulier à la fonction publique et aux marchés publics de l'Etat ou encore à la procédure administrative contentieuse.

Ces compétences régaliennes sont la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.

Dans ces matières, une réserve générale protège les compétences actuellement exercées par la Polynésie française. Cela concerne notamment le droit pénal, puisque le statut actuel permet aux institutions locales de fixer des peines d'amendes et des peines complémentaires.

La loi organique définira également les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions. Certaines catégories d'actes de l'assemblée de la Polynésie française, qualifiées de « lois du pays », auront valeur législative dont le contrôle avant publication relèvera de la compétence du Conseil constitutionnel et non plus de la juridiction administrative.

Elle précisera les compétences du délégué du Gouvernement qui continuera d'exercer le contrôle de légalité sur les actes de valeur réglementaire des autorités locales.

La citoyenneté polynésienne que prévoit la révision constitutionnelle n'a pas la même dimension que la citoyenneté calédonienne instituée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998. Elle ne concerne pas le corps électoral, qui demeure celui de droit commun.

Elle a exclusivement pour objet de permettre que le développement économique et social profite en priorité aux Polynésiens. Le projet précise les domaines exclusifs où elle leur accordera des avantages spécifiques : l'accès à l'emploi, le droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et l'accession à la propriété foncièr e. Il s'agira bien en ces matières de déroger au principe d'égalité pour permettre aux futurs citoyens polynésiens dans ces domaines de disposer de droits plus étendus.

La loi organique précisera les conditions de reconnaissance de cette citoyenneté. Ainsi, la durée maximale de domicile dans le territoire devra être raisonnable. A titre de référence, je souligne qu'un délai de cinq ans a été prévu à l'article 12 de la loi organique du 12 avril 1996 pour l'accession aux fonctions de membre du gouvernement.

Les relations extérieures demeureront une compétence d'Etat. Mais la Polynésie française pourra intervenir plus activement en matière internationale. Les autorités locales pourront de leur propre initiative engager avec les Etats du Pacifique des négociations d'accords internationaux portant sur les matières relevant de leurs attributions et signer de tels accords dans le respect des règles fixées par les articles 52 et 53 de la Constitution. La Polynésie française pourra être membre d'organisations internationales et disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique.

Ces compétences permettront à la Polynésie française de prendre des initiatives et de s'intégrer encore davantage dans son environnement régional, notamment en développant ses relations avec les Etats du Pacifique.

Comme il l'a fait dans la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement proposera également dans la loi organique des modalités de consultation des institutions de la Polynésie française sur les lois de la République relatives à son organisation et sur les conventions internationales traitant de matières relevant de sa compétence.

Ce projet de loi constitutionnelle constitue un nouveau cadre de l'évolution de la Polynésie française. Les relations entre l'Etat et la Polynésie française seront définies dans le cadre d'une loi organique statutaire, dont l'élaboration fera l'objet de discussions avec les autorités locales et les principales forces politiques du territoire et, d'une manière générale, de la plus large concertation. Je compte, à l'occasion d'un prochain déplacement, exposer à l'ensemble des forces vives les principes et les modalités de cette consultation qui sera ouverte à tous ceux qui souhaiteront s'y associer.

Une fois la procédure de révision achevée, notre Constitution accueillera, après le titre XIII relatif à la Nouvelle-Calédonie, un titre XIV relatif à la Polynésie française. Ces textes prennent la place des articles portant sur l'organisation de la Communauté imaginée en 1958.

On sait que celle-ci est mort-née avec l'indépendance des pays composant l'ancien empire français. La République française imagine aujourd'hui des évolutions pour deux de ses territoires en respectant leur personnalité et leur volonté. Notre Constitution apparaît ainsi comme un cadre juridique vivant, qui offre un avenir à ces populations du Pacifique riches de leurs civilisations et imprégnées de notre culture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je salue tout particulièrement mes collègues parlementaires d'outre-mer qui participent à cette séance.

Il y a un an, presque jour pour jour, nous étions réunis pour donner à la Nouvelle-Calédonie un nouveau statut constitutionnel. Le régime juridique qui était alors proposé à ce territoire était né de l'accord de Nouméa, signé quelques semaines plus tôt, par lequel les partenaires de Matignon acceptaient de mettre en oeuvre une nouvelle période de transition, dans un cadre institutionnel rénové. On a pu alors parler d'audace juridique, tant l es novations inscrites dans la Constitution étaient grandes.

La création de lois du pays soumises au Conseil constitutionnel, le transfert progressif de compétences, la définition d'une citoyenneté calédonienne, d'un corps électoral spécifique, l'instauration de conditions d'accès à l'emploi, la reconnaissance de la coutume : toutes ces nouveautés, voulues par les partenaires de Nouméa et votées par le Congrès du Parlement, permettent aujourd'hui d'envisager différemment les relations entre l'Etat et les territoires d'outre-mer. L'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle nous y invitait d'ailleurs sans ambages, et chacun pensait bien que le lointain voisin de la Calédonie, l'autre grand territoire français du Pacifique, la Polynésie, ne pouvait pas ne pas voir son statut évoluer vers une autonomie renforcée.

Lors de l'adoption en 1996 du dernier statut de la Polynésie française, on avait mesuré les limites de l'article 74 de la Constitution définissant la catégorie des territoires d'outre-mer. Pour aller vers plus d'autonomie de ce pays, il est aujourd'hui nécessaire de passer par une révision constitutionnelle.


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Pour autant, ce qui vaut pour la Nouvelle-Calédonie ne vaut pas nécessairement pour la Polynésie. Le projet de loi constitutionnelle qui vous est aujourd'hui soumis en est la démonstration. S'inspirant de certains apports essentiels du texte relatif à la Nouvelle-Calédonie, il tient compte également de l'histoire propre de la Polynésie, ainsi que de ses évolutions statutaires précédentes, et il se fonde sur l'attachement d'une majorité de sa population à demeurer au sein de la République.

Pour leur part, les Calédoniens, partenaires de Nouméa, ont décidé de se donner le temps, de quinze à vingt ans, de gouverner ensemble la Nouvelle-Calédonie en laissant ouverte jusqu'au terme de cette période la possibilité du choix de l'indépendance. Les Calédoniens, consultés par référendum en novembre dernier, ont très largement, à 72 %, adhéré à ce processus. Ce sont donc bien deux perspectives très nettement différentes.

Avant d'aborder le sujet principal de ce projet de loi, la Polynésie, nous devons traiter de l'article 1er , qui porte sur la Nouvelle-Calédonie. Chacun se rappelle que, le 15 mars dernier, le Conseil constitutionnel, examinant le statut de la Nouvelle-Calédonie, a donné, sur un point essentiel, une interprétation différente...

M. René Dosière.

Malheureusement !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

... de celle arrêtée par les signataires de l'accord de Nouméa en mai 1998, puis par le Constituant en juillet dernier, et par le Parlement lors du vote de la loi organique.

Dans la définition du corps électoral pour les élections aux assemblées de province et au Congrès de NouvelleCalédonie, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il suffisait d'une durée de résidence de dix ans en Calédonie pour pouvoir voter. A l'inverse, et conformément à l'accord de Nouméa - accord obtenu après d'âpres et longues négociations, il est vrai -, la loi organique considérait, sur ce point précis, que seules pourraient voter à ces élections les personnes ayant résidé dix ans en Nouvelle-Calédonie pour autant qu'elles étaient arrivées sur le territoire avant 1999.

La restriction ainsi apportée au corps électoral trouve son origine dans la signature des accords de Matignon en 1988, puis dans la négociation de l'accord de Nouméa en 1998, avec, en perspective, une consultation sur le maintien ou non dans la République, à l'issue de la période transitoire de quinze à vingt ans.

Lors de nos débats en commission des lois, certains ont mis en doute cette interprétation, estimant qu'il s'agissait là d'une manoeuvre de la part du Gouvernement afin de privilégier un partenaire, c'est-à-dire, pour être clair, de faire prévaloir le point de vue du FLNKS sur celui du RPCR. Pour ma part, j'ai été particulièrement déçue que certains se laissent aller à un tel procès d'intention, tant l'accord trouvé par les partenaires de Nouméa, puis le Gouvernement et le Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat, la majorité et l'opposition, pour difficile qu'il fût, me paraissait clair.

Il n'est d'ailleurs qu'à relire, vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, les débats de l'Assemblée et du Sénat sur la loi organique ainsi que les rapports de M. Dosière et de M. Hyest pour en être convaincu.

La polémique engagée sur un projet de loi constitutionnelle qui, je le rappelle, est présenté au nom du Président de la République me paraît infondée et hasardeuse.

Elle ne peut assurément contribuer à consolider le processus de Nouméa. Le projet de loi entend simplement rétablir une interprétation qui avait prévalu jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel en juge autrement. Rien de plus, rien de moins.

Mais venons-en au sujet principal de ce texte. En organisant un nouveau statut pour la Polynésie française, le projet de loi crée une catégorie juridique inédite, les pays d'outre-mer, à laquelle appartiendront la Polynésie ainsi que la Nouvelle-Calédonie, même si, pour cette dernière, la Constitution ne le prévoit pas expressément.

Les pays d'outre-mer se caractériseront par cinq critères : un statut constitutionnel complété par une loi organique ; une large autonomie avec des compétences transférées par l'Etat, de manière définitive ou non ; la possibilité de devenir membre d'organisations internationales et de négocier des accords internationaux dans son domaine de compétence ; la possibilité de prendre des actes de nature législative, les lois du pays, échappant au contrôle du juge administratif mais soumis, avant publication, au contrôle du Conseil constitutionnel ; une citoyenneté fondée sur une condition de résidence ou l'existence de liens particuliers avec le pays et entraînant des conséquences juridiques variables selon les pays d'outre-mer.

Aux termes du projet de loi qui rétablit en son article 4 l'article 78 de la Constitution, la Polynésie bénéficiera de transferts de compétences dont l'étendue, le calendrier et les modalités seront définis par une loi organique. Ces transferts ne pourront cependant porter sur les domaines régaliens ou touchant aux libertés publiques et à la garantie des droits. A la différence de ce qui est prévu en Nouvelle-Calédonie, ils ne seront pas définitifs parce que la Polynésie ne s'inscrit pas, pour l'heure, dans une logique ouverte à l'indépendance, même s'il existe bien un mouvement indépendantiste sur ce territoire. C'est pourquoi la révision constitutionnelle ne donne pas, en droit, de caractère irréversible aux transferts de compétence, mais les transferts opérés seront en fait acquis.

En vertu du nouvel article 78 de la Constitution, l'organisation institutionnelle de la Polynésie française sera fixée par la loi organique. Celle-ci déterminera les conditions dans lesquelles les lois du pays seront votées et déférées au Conseil constitutionnel. Elle précisera aussi le rôle du haut commissaire en charge du respect de la loi et des intérêts nationaux. Elle établira les règles relatives à la citoyenneté et ses effets possibles en matière d'accès à l'emploi et à l'activité économique, et en matière d'accession à la propriété foncière. Les règles posées en la matière par la loi organique devront bien évidemment être prolongées, traduites par des lois du pays.

On doit ici souligner que cette citoyenneté n'emporte pas de restriction du corps électoral, comme cela est le cas pour la Nouvelle-Calédonie. Je sais que certains, en Polynésie, s'interrogent, voire déplorent cette différence, mais j'ai rappelé plus haut sur quoi reposait la restriction instituée en Nouvelle-Calédonie. On ne peut sur ce point assimiler les deux situations, mais cela ne doit pas empêcher à l'avenir de réfléchir au système électoral en Polyné sie eu égard à son autonomie accrue.

Enfin, la Constitution permettra à la Polynésie française d'être membre d'une organisation internationale, d'être représentée auprès des Etats du Pacifique et de négocier des accords avec ces pays, dans son domaine de compétence. Ce dispositif permettra, et c'est heureux pour nous tous, à la Polynésie française de mieux faire entendre sa voix dans cette région du monde, longtemps périphérique, qui, aujourd'hui, concentre bien des attentions. En cette matière, les autorités de la République c onserveront cependant leurs prérogatives constitu-


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tionnelles pour la signature, la ratification et l'approbation des traités. On touche là, en effet, à l'exercice symbolique de la souveraineté, qui ne saurait être amputée, même au nom d'une autonomie accrue, aussi longtemps que l'on veut rester dans la République.

Comme vous l'aurez constaté, nous aurons à donner chair à ce nouveau statut lors de l'examen du projet de loi organique qui devra, monsieur le secrétaire d'Etat, faire l'objet d'un débat qui ne saurait être formel. Il nous appartiendra d'être à l'écoute de toutes les forces politiques de Polynésie, et ce sans exclusive, pour mettre en place des institutions qui permettent dans la durée à ce pays d'outre-mer d'assumer son développement et de préserver sa cohésion.

M. René Dosière.

Très bien !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Le travail à accomplir est vaste. Il ne pourra s'ouvrir que par l'adoption, au préalable, du présent projet de loi constitutionnelle, ce à quoi la commission des lois vous invite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais, au nom du groupe Démocratie libérale, indiquer quel sera notre vote sur ce projet de loi constitutionnelle.

Dans ce texte, monsieur le secrétaire d'Etat, nous distinguons le bon grain de l'ivraie.

Le groupe Démocratie libérale s'était réjoui des accords de Nouméa. J'étais moi-même présent au sein d'une mission de la commission des lois conduite par Mme Tasca, en votre présence, monsieur le secrétaire d'Etat, et en présence du Premier ministre, lors de la signature des accords de Nouméa, ainsi d'ailleurs que d'autres collègues présents dans cet hémicycle.

Cela étant, un fait nouveau est intervenu, qui est la décision du Conseil constitutionnel.

M. René Dosière.

Malheureuse !

M. Dominique Bussereau.

Chacun peut porter le jugement qu'il souhaite, elle s'impose à nous tous, et je trouve pour le moins surprenant que l'on vienne, par un ajout à la Constitution, ce qui n'est pas rien, convenez-en, s'opposer à une décision du Conseil constitutionnel concernant une loi organique.

Il faudra bientôt des microfilms aux étudiants pour apprendre la Constitution,...

M. Didier Quentin.

Très juste !

M. René Dosière.

Qui fait la loi ?

M. Dominique Bussereau.

... si nous allons à Versailles - nous y allons déjà fort souvent - chaque fois que le Conseil constitutionnel rend un avis qui ne plaît pas au gouvernement ou à la majorité du moment. Il y a donc un premier problème de principe.

M. Jacques Brunhes.

Pas de soumission au gouvernement des juges !

M. Dominique Bussereau.

Second problème de principe, il me paraît de mauvaise pratique de parler dans un projet de loi constitutionnelle de deux territoires aussi éloignés sur le plan politique, en dehors de la géographie, que le sont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.

M. Didier Quentin.

Très juste !

M. Dominique Bussereau.

Il eût été juridiquement plus loyal de présenter deux projets de loi, et je pense que le Président de la République, auquel vous avez fait allusion tout à l'heure dans votre propos, aurait tout à fait accepté que M. le Premier ministre lui présente deux projets distincts, l'un concernant la Nouvelle-Calédonie et l'autre la Polynésie.

M. Jacques Brunhes.

Il ne l'a pas fait !

M. Dominique Bussereau.

Même eu égard à un effet d'annonce éventuel, il eût été préférable pour nos amis de Polynésie, qui attendent ce texte, de présenter un texte qui ne concerne qu'eux.

M. Philippe Auberger.

Absolument ! Là, ils sont rabaissés !

M. Didier Quentin.

Très juste !

M. René Dosière.

C'est la responsabilité du Président de la République !

M. Dominique Bussereau.

J'ajoute - j'ai pour vous de la sympathie et mon propos ne se veut pas désagréable qu'il y a là tout de même un petit piège pour l'opposition. Vous savez bien que nous sommes plus que réservés - c'est en tout cas la position de mon groupe - sur l'article qui nous est présenté après la décision du Conseil constitutionnel. Or nous sommes évidemment favorables à la partie concernant la Polynésie. Vous nous présentez tout cela dans le même véhicule législatif, comme par hasard à quelques jours des élections européennes. Cela sent un petit peu ce que les étudiants contestataires eussent en d'autres temps appelé une petite « manip ». Je sais que vous n'êtes pas quelqu'un qui ment ou qui passe par le côté, mais ce n'est pas tout à fait convenable.

M. René Dosière.

Vous mettez en cause le Président de la République !

M. Dominique Bussereau.

Nous avons donc des réticences sur l'article 1er que nous exprimerons tout à l'heure. Je crois que le groupe RPR a demandé un scrutin public sur cet article et mon groupe s'associe à cette demande.

Notre vote sera négatif, mais nous restons favorables, je tiens à le préciser pour que les choses soient bien claires, au processus des accords de Nouméa. Je me réjouis du résultat du référendum et du fait qu'à la suite des élections provinciales, un gouvernement se soit mis en place sous la présidence de Jean Leques. Les institutions nouvelles de la Calédonie fonctionnent. Il ne s'agit pas d'une remise en cause de notre part des accords de Nouméa, mais nous sommes fâchés sur la forme que vous avez utilisée en la matière. C'est une mauvaise manière vis-à-vis de nos amis de Nouvelle-Calédonie, de nos amis de Polynésie, de la représentation nationale, sans parler, bien sûr, du Conseil constitutionnel.

M. René Dosière.

Le secrétaire d'Etat n'est pas en cause !

M. Dominique Bussereau.

Vous savez bien, monsieur Dosière, que ce sont des terrains glissants, ces pays-là !

M. Jacques Brunhes.

Comme le corps électoral !

M. Dominique Bussereau.

Bien évidemment, nous sommes favorables à l'article 4, qui permet à la Polynésie d'évoluer. Je crois qu'il est sain, dans une République qui souhaite conserver sa dimension ultra-marine et être présente sur tous les continents, d'offrir aux populations


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d'outre-mer la possibilité d'avoir des statuts adaptés à leur géographie, à leurs traditions, à leur histoire, à leur éloi gnement. A partir du moment où le gouvernement de la Polynésie le souhaitait depuis longtemps, où le débat avait été engagé avec le gouvernement précédent, avec vous-même, avec l'accord du Président de la République, il est excellent que vous proposiez une modification de la Constitution qui permette à la Polynésie d'évoluer vers plus d'autonomie. Nous voterons donc sans aucun état d'âme la disposition du projet de loi qui concerne la Polynésie.

Je ferais simplement deux remarques.

La première concerne le terme de pays d'outre-mer. Je sais bien que la mode est aux pays. nous en avons tous dans nos circonscriptions, nos départements, nos régions, mais vous savez bien que notre administration raffole des abréviations. Vous êtes actuellement chargé des DOM et des TOM, vous allez être chargé des POM. (Sourires.)

J'espère qu'il n'y aura pas de mauvais jeux de mots ! Je trouve que vos équipes auraient pu faire preuve d'un peu d'imagination pour trouver un terme plus approprié.

C'est une remarque linguistique, mais les mots ont leur importance, surtout dans un pays où l'on abuse un peu trop des sigles.

J'ai une inquiétude tout de même. Pour l'instant, il existe en Polynésie française un gouvernement et une majorité attachés à la République. Il est clair que, si l'on introduit dans la Constitution une possibilité d'en sortir, une majorité locale indépendantiste peut l'utiliser. C'est le risque qui existe en l'occurrence. J'observe sans esprit polémique - j'espère que M. Dosière ne m'en voudra pas, lui qui suit ces questions de près - que, lors d'une récente visite en Polynésie, M. Le Pensec, un homme de qualité, qui connaît bien l'outre-mer français, a pris des contacts avec les indépendantistes et qu'il aurait peut-être pu éviter de le faire.

M. René Dosière.

De quel droit jugez-vous ce que font les uns et les autres ?

M. Dominique Bussereau.

Le rapprochement politique local entre le parti socialiste et les indépendantistes, alors que le parti socialiste est un parti de gouvernement, qu'il est aux affaires de la République, m'a choqué, et, vu d'ici, ce n'est pas de bon augure,...

M. René Dosière.

Les socialistes n'ont pas peur de l'indépendance !

M. Dominique Bussereau.

... mais c'est peut-être une erreur de M. Le Pensec.

M. Jacques Brunhes.

C'est un propos inacceptable !

M. Dominique Bussereau.

Je n'ai pas mis en cause le parti communiste, monsieur Brunhes. J'ai posé le problème que posent les visites d'un ancien collègue,...

M. René Dosière.

Ancien ministre de l'outre-mer !

M. Dominique Bussereau.

... qui a exercé des responsabilités importantes au sein du gouvernement de la République dans le domaine de l'outre-mer, où il était d'ailleurs apprécié.

Au terme de tout cela, le groupe auquel j'appartiens doit répondre à une question importante : que voter ? Nous sommes opposés à l'article 1er et favorables à l'article 4. Je passe sur les articles 2 et 3, qui ne sont pas l'essence même du projet.

Au cours des délibérations de la commission des lois, la position que j'avais retenue était l'abstention. Ce n'est pas une position merveilleuse en matière politique, mais, quand on est contre un article essentiel et pour un autre article, c'est le plus petit dénominateur commun.

Dans la mesure où ce qui me paraît le plus fondamental dans ce projet de loi constitutionnelle est tout de même la partie concernant la Polynésie, et où je ne voudrais pas, par un vote négatif de mon groupe, faire entendre en Polynésie le message que nous sommes opposés à l'évolution de ce territoire, en dépit de toutes les réticences que j'ai exprimées, et que je maintiens sur l'article 1er , le groupe Démocratie libérale votera ce projet de loi constitutionnelle.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte constitutionnel qui nous est soumis comporte deux dispositions proches, bien que de nature différente.

L'article 1er constitutionnalise la position prise par le Parlement sur le corps électoral restreint en NouvelleCalédonie. Comme rapporteur de la loi organique, je ne peux que m'en réjouir. Car, comme vous, j'ai été surpris de l'interprétation du Conseil constitutionnel, alors même que le Parlement - c'est-à-dire l'Assemblée nationale et le Sénat - ainsi que le Gouvernement étaient complètement en accord sur ce point particulièrement sensible.

Cette mise au point est d'autant plus nécessaire que l'on a pu lire depuis, dans une revue juridique, un commentaire de la décision du Conseil constitutionnel, qui ne peut qu'inquiéter le législateur.

Quel est l'objet du débat ? Les accords de Nouméa ont prévu que, pour les élections provinciales - qui permettent en même temps d'élire les membres du congrès -, le droit de vote serait limité à certains Calédoniens. Cette restriction, tout à fait dérogatoire à notre tradition républicaine, résultait d'une demande insistante des Kanaks, soucieux que l'avenir de la Calédonie soit décidé par des Calédoniens et non par des immigrés de fraîche date : F rançais de métropole ou de Wallis-et-Futuna par exemple. Il ne s'agissait pas d'une nouveauté, puisque l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988, soumise au référendum, prévoyait la tenue en 1998 d'un scrutin d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie auquel participeraient « les électeurs inscrits sur les listes électorales à la date de cette consultation et qui y ont leur domicile depuis la date du référendum approuvant la présente loi », soit dix ans de résidence.

Le scrutin d'autodétermination n'a pas eu lieu, les accords de Nouméa l'ont repoussé d'une quinzaine d'années, période durant laquelle la Calédonie disposera d'une autonomie accrue, et y ont substitué une consultation sur les accords de Nouméa, qui s'est déroulée le 8 novembre dernier. Seuls ont participé à cette consultation les électrices et électeurs inscrits sur les listes électorales à cette date et résidant en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans, conformément aux modalités retenues dans les accords de Nouméa.

A cette occasion, on s'est aperçu que ces modalités écartaient du vote certains résidents arrivés ultérieurement en Nouvelle-Calédonie. A la lumière de ce contexte, et compte tenu de la discussion de la loi organique, le RPCR s'est efforcé de faire prévaloir une interprétation des accords de Nouméa selon laquelle la seule restriction du corps électoral reposait uniquement sur la condition de dix ans de séjour, d'où un corps électoral restreint mais « glissant ». Le FLNKS s'en est tenu, lui, au texte de la loi référendaire de 1988 et des accords de Nouméa figeant le corps électoral restreint à la date du 8 novembre 1998. Seuls viennent s'y ajouter, au fur et à mesure de


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leur accession à la majorité électorale, les enfants dont les parents remplissent les conditions indiquées précédemment.

Lors de l'élaboration, de la discussion et du vote de la loi organique, ces débats se sont poursuivis. Ils ne pouvaient d'ailleurs se conclure autrement que par une décision respectant les accords de Nouméa, c'est-à-dire un corps électoral restreint « figé » à la date du 8 novembre 1998. La lecture des pages 190 à 193 de mon rapport et celle des pages 220 à 223 du rapport sénatorial ne laissent subsister aucune ambiguïté sur ce point.

D'où vient alors l'interprétation divergente du Conseil constitutionnel ? C'est sur ce point que le commentaire formulé par l'auteur de l'article est de nature à inquiéter le législateur. En effet, selon l'auteur de cet article, le recours aux travaux parlementaires n'est pas nécessaire dès lors qu'un texte est clair, « c'est-à-dire lorsque, compte tenu des règles de la grammaire, de la sémantique et de la syntaxe, son sens ne peut prêter à aucune discussion ».

« Dans ces conditions », poursuit-il, « il convient d'interpréter le texte en fonction de ses termes et non selon l'exposé des motifs ou les déclarations du Gouvernement ».

Ignorer le contexte politique de l'élaboration de la loi et du vote de celle-ci au seul bénéfice d'une interprétation littérale - je dirai littéraire - procède d'une conception particulièrement réductrice du rôle du législateur.

Je note que cet état d'esprit est totalement étranger aux accords de Nouméa, puisque, pour les élaborer, l'objectif politique a primé sur les textes, au point que les dispositions imaginées par les auteurs de cet accord ont nécessité une réfome constitutionnelle.

Dans la circonstance qui nous occupe, cette conception un peu désincarnée et intemporelle du processus législatif conduit à occulter, voire à ignorer la volonté du législateur, pourtant affichée clairement et, je dois le souligner de nouveau, unanimement.

Si les débats en première lecture sur cet aspect des accords ont été rapides, c'est justement parce que chacun d'entre nous avait bien mesuré l'impact politique de cette novation constitutionnelle et que nous avions convenu de ne pas focaliser les déclarations publiques sur ce point, dès lors que les textes écrits étaient sans ambiguïté.

Notre volonté commune que la mise en application des accords s'effectue dans le calme et progressivement nous conduit, dans un souci de pédagogie politique, à insister sur les points d'accord plutôt que sur les points de désaccord entre les partenaires. C'est d'ailleurs la même démarche qu'accomplissent les signataires des accords.

L'interprétation du Conseil constitutionnel a mis au centre de la campagne électorale récente cet aspect des accords, au risque de déstabiliser la situation politique locale. Mais je dois dire que le sang-froid des responsables politiques locaux et l'engagement du Gouvernement de faire prévaloir la volonté du législateur ont évité le blocage des accords de Nouméa. Cette interprétation a cependant permis à quelques nostalgiques de l'empire colonial d'accuser le RPCR de vouloir « brader » les intérêts des Européens et de recueillir au passage quelques milliers de voix supplémentaires. Fort heureusement, une très forte majorité du corps électoral, en accordant massivement ses suffrages aux listes présentées par les forces politiques signataires des accords de Nouméa, a démontré une nouvelle fois son adhésion au nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie.

C'est pourquoi, mes chers collègues, en votant cet article 1er , nous réaffirmerons la primauté du pouvoir législatif dans l'élaboration des lois. C'est ici, à l'Assemblée nationale, c'est là, au Sénat, que s'exerce le pouvoir législatif, et non là-bas, au Palais-Royal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La deuxième partie de ce texte, l'essentiel en fait, étend à la Polynésie certaines des dispositions nouvelles applicables en Nouvelle-Calédonie : pouvoir législatif restreint accordé à l'assemblée locale, préférence « polynésienne » en matière d'emploi local, transferts de compétences nouvelles, y compris en matière internationale. Ainsi le statut de la Polynésie se rapprochera-t-il de celui de la Nouvelle-Calédonie, à une exception toutefois : le corps électoral ne sera pas restreint.

Y avait-il urgence à présenter ce texte ? Je continue à poser cette question, monsieur le secrétaire d'Etat. Le statut de la Polynésie date de 1996. N'aurait-il pas mieux valu dresser un bilan précis de la mise en application de ce statut avant de le modifier ?

M. Jacques Brunhes.

Très juste !

M. René Dosière.

En Polynésie, la priorité est au développement économique plus qu'aux changements institutionnels. C'était déjà la demande des responsables économiques locaux en 1996. De ce point de vue, les autorités politiques locales ont déjà les moyens, dans le cadre du statut de 1996, de promouvoir le développement économique.

Faut-il calquer les institutions de la Polynésie sur celles de la Calédonie ? Les différences sont importantes entre les deux pays. En Calédonie, les forces politiques locales - indépendantistes et anti-indépendantistes - se sont accordées sur la construction d'un destin commun. Le nouveau gouvernement du pays est d'ailleurs constitué à la proportionnelle et la population calédonienne a ratifié cette démarche à une très forte majorité. En Polynésie, la situation politique est différente - ô combien ! -, puisque l'opposition indépendantiste est écartée du pouvoir, en raison tant du mode de fonctionnement actuel que d'un découpage électoral particulièrement inégalitaire et qu'il faudra bien corriger.

Les socialistes voteront, bien entendu, ce texte, et ce pour trois motifs.

Premièrement, parce que, s'agissant d'un texte constitutionnel, nous voulons respecter l'équilibre résultant du nécessaire accord entre le Président de la République et le Premier ministre. Aucun amendement autre que rédactionnel ne sera donc proposé. Et si le Sénat devait adopter une autre attitude, il est clair que le groupe socialiste pourrait reconsidérer sa position en seconde lecture.

M. Philippe Auberger.

Des menaces ?

M. René Dosière.

En deuxième lieu, parce que la réforme constitutionnelle est un préalable aux modifications ultérieures du statut polynésien que la loi organique devrait organiser. Elle ouvre cependant les voies d'une autonomie accrue, voire d'une éventuelle indépendance, pour autant qu'une majorité des Polynésiens la souhaiteraient, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, comme vient de le rappeler Mme la présidente de la commission. Quoi qu'il en soit, la perspective de l'indépendance n'effraie pas les socialistes.

Troisièmement, enfin, parce que ce texte réaffirme le rôle que l'Etat doit continuer à remplir, en particulier dans le contrôle de l'utilisation de l'argent public. A autonomie accrue, exigences accrues. Le contribuable métropolitain n'accepte pas, n'accepterait pas les dérives qui


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peuvent exister ou qui pourraient exister, en particulier pour ce qui concerne le train de vie et le patrimoine des élus, auxquels la population est de plus en plus sensible.

M. Philippe Auberger.

Alors, il faut mettre en place la chambre territoriale des comptes ! Ce qui n'est pas encore fait !

M. René Dosière.

Le contrôle de la légalité et celui de la chambre territoriale des comptes doivent être, de ce point de vue, d'une extrême fermeté.

M. Philippe Auberger.

Il faut donc se dépêcher d'installer cette dernière !

M. René Dosière.

Toutefois, il est évident que cette modification constitutionnelle, pour nécessaire qu'elle soit, n'est pas suffisante, car aucune des dispositions de cette réforme constitutionnelle ne sera applicable aussi longtemps qu'une loi organique n'aura pas été votée.

Dans la mesure où l'urgence ne s'impose pas avec une aussi grande célérité que c'était le cas en NouvelleCalédonie, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre le temps de consulter largement les Polynésiens, tous les Polynésiens, ceux qui dirigent aujourd'hui et ceux qui ont vocation à diriger demain, pour élaborer le texte de cette loi organique.

Le groupe socialiste souhaite prendre toute sa part dans cette élaboration avant d'exercer toutes ses prérogatives à l'occasion de la discussion de cette future loi organique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cette nouvelle modification constitutionnelle concernant l'outre-mer témoigne de la volonté du Gouvernement de fournir à ces pays et à leurs populations les moyens d'assurer leur avenir. Dans cette tâche, vous pouvez compter sur le soutien vigilant du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, aujourd'hui est un grand jour dans l'histoire institutionnelle de la Polynésie française, et je suis heureux d'y participer.

Aujourd'hui, une nouvelle étape va être franchie dans l'affirmation, au sein de la République française, de la personnalité et de l'autonomie de la Polynésie.

Aujourd'hui, nous consolidons le régime d'autonomie dans la République que nous avons patiemment construit au fil des années, de notre statut d'autonomie interne de 1984 jusqu'à notre loi organique de 1996.

Pour cette nouvelle occasion qui nous est donnée de progresser dans cette voie de manière décisive, je tiens à remercier le Président de la République, le Gouvernement, Mme la garde des sceaux et en particulier M. le secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer. Tous ont interprété avec réalisme les aspirations politiques, économiques et sociales des Polynésiens.

Je remercie également le président de notre gouvernement, M. le sénateur Gaston Flosse, qui, inlassablement, a souligné l'aspiration profonde de notre peuple polynésien à voir son identité reconnue et à demeurer en même temps parfaitement intégré au sein de la République française.

C'est notre autonomie et son élargissement progressif qui nous ont permis de maintenir la paix dans notre territoire, ouvrant ainsi la voie du développement économique, social et culturel.

Notre démarche n'est pas nouvelle. Forts de notre antériorité en matière d'exercice des responsabilités décentralisées, nous demandons depuis longtemps un cadre institutionnel rénové qui dépasse les possibilités offertes aux collectivités territoriales par la Constitution. Déjà, en 1995, au moment où s'engageait notre réforme statutaire de 1996, le président Flosse avait souligné le « barrage constitutionnel pour faire aboutir les revendications de la Polynésie dans le domaine de la protection du marché de l'emploi et de la propriété foncière ».

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui introduit de nouveaux principes juridiques et politiques, mais ne bouleverse pas notre Constitution. Ce projet est dans la droite ligne de l'histoire politique de la France. Il prolonge la décentralisation et garantit l'expression de nos particularités sans remettre en cause pour autant les valeurs communes républicaines.

La Nouvelle-Calédonie a ouvert la voie. Mais la Nouvelle-Calédonie bénéficie de l'inscription des accords de Nouméa dans le bloc de constitutionnalité, ce qui constitue un accompagnement juridique important.

Nous, nous ne disposons pas d'un tel accord, et il est donc nécessaire que des dispositions constitutionnelles relatives à la Polynésie soient les plus détaillées et les plus complètes possibles.

Comme l'a rappelé notre rapporteur, Mme Tasca, c'est avec constance que nous, élus polynésiens, avons exprimé notre souhait d'obtenir pour notre territoire un statut constitutionnel qui, sans être identique à celui de la Nouvelle-Calédonie, s'inspire cependant des principes qui le fondent. Mme la rapporteur n'a cependant pas manqué de souligner que nos « deux territoires connaissent des situations fort différentes, le mouvement indépendantiste n'ayant jamais connu en Polynésie une ampleur comparable à celui de la Nouvelle-Calédonie, la revendication des élus de Polynésie portant plutôt sur l'autonomie du territoire ». J'ajoute que le peuple polynésien se prononce démocratiquement en faveur de cette voie en votant sans discontinuer pour ceux qui font de l'autonomie au sein de la République la seule voie de notre développement.

Nous sommes parfaitement intégrés dans la République française mais nous sommes également profondément attachés à notre identité polynésienne, laquelle se manifeste tout particulièrement par l'usage de notre langue, par une tradition et par un patrimoine culturel.

La langue tahitienne est enseignée de l'école à l'Université et utilisée par les médias et les institutions officielles.

Elle est, aux côtés des autres langues polynésiennes - paumotu, maareva, marquisien et langues des Australes - le fondement et le ciment de notre identité. Nous avions souhaité que la loi constitutionnelle en fasse mention. Le Gouvernement a choisi de ne pas nous suivre sur ce point, au motif que l'article 2 de la Constitution fait du français la langue de la République. Or, se prononçant sur la ratification par la France de la charte des langues régionales, un constitutionnaliste réputé a estimé que cette signature n'était pas contraire à la Constitution, étant entendu « que l'objet de la charte est de protéger des langues... et que ces langues appartiennent au patrimoine culturel indivis de la France ».

Je regrette les réticences du Gouvernement à cet égard - la loi organique permettra peut-ête de se rattraper - et je tiens à souligner l'engagement à nos côtés dans ce domaine de François Colcombet.

Mais ce n'est pas seulement la langue qui forge la forte i dentité culturelle polynésienne que tout visiteur remarque immédiatement. Une véritable culture est à la


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base de cette identité. Nous avons un patrimoine culturel riche en témoignages archéologiques, tout en étant en évolution permanente. Et ce patrimoine constitue un lien toujours vivant entre les différents éléments du peuple polynésien dispersé sur une très grande partie de l'océan Pacifique.

Ce sont donc toutes ces particularités qu'il faut p rendre en considération pour comprendre notre démarche actuelle. Ainsi, afin de permettre une expression pleine et entière des intérêts propres des Polynésiens, ce projet de loi constitutionnelle crée-t-il une nouvelle catégorie de collectivité : le pays d'outre-mer ou le POM.

Du reste, en Polynésie, nous aimons les mangues mais également les pommes !

M. Bernard Grasset.

Chirac aussi ! M. Michel Buillard. Ce texte confère également une valeur législative à certains actes de l'assemblée de la Polynésie française.

Nous demandons également le transfert définitif des compétences dévolues à la Polynésie française. Car la récente ratification des ordonnances pour l'outre-mer nous montre que nous ne sommes pas à l'abri des conflits de compétences.

Une citoyenneté polynésienne nous est également reconnue, qui prend en compte tous les habitants de nos archipels. Elle permettra de conférer à ceux qui en relèveront des droits particuliers mais elle ne sera jamais source d'exclusion. Notre tradition d'accueil et notre capacité d'assimilation de nouvelles cultures sont là pour le prouver.

Nous avons demandé à ce sujet que ce soient les lois du pays qui déterminent les conditions d'accès à l'emploi, d'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière. En effet, renvoyer à la future loi organique tous les effets de la citoyenneté polynésienne alourdirait un système qui doit rester souple et adaptable. J'ai proposé en commission des lois de confier cette mise en oeuvre aux lois du pays, elles-mêmes soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.

Je prends note des dispositions relatives à nos compétences en matière de relations internationales, tout en regrettant qu'elles n'aillent pas assez loin.

La Polynésie est une base idéale pour le développement de la présence française dans le Pacifique Sud. Il est important que nous puissions négocier d'égal à égal avec les autres Etats de la région, notamment au sein des organisations internationales de la zone Pacifique.

C'est pourquoi nous souhaitons signer des accords internationaux dans les domaines de notre compétence.

Les intérêts supérieurs de la République seront toutefois protégés puisque la procédure de ratification reste celle prévue aux articles 52 et 53 de la Constitution.

De même, nous aurions souhaité que soit prévue une clause d'application territoriale pour les accords internationaux conclus par la République dans les matières relevant de la compétence de la Polynésie française.

Mme la rapporteur a préconisé un dispositif de réserve pour organiser la consultation de l'Assemblée polynésienne avant que ces accords ne s'appliquent en Polynésie.

Sur ces quatre points très importants pour notre pays, n ous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses précises à nos interrogations ainsi que des assurances du Gouvernement quant à la protection de nos compétences en matière de relations internationales.

Me voici arrivé, mes chers collègues, au terme de mon propos. J'espère avoir réussi à vous faire partager la vision de l'avenir que nous souhaitons pour notre pays.

Vous savez notre attachement à la République.

N'oubliez pas notre contribution exceptionnelle à la défense de la souveraineté de la nation française, depuis le 18 juin 1940.

Vous connaissez maintenant notre identité polynésienne, nos langues, nos coutumes, notre patrimoine culturel. Vous connaissez notre tradition d'accueil. Le peuple polynésien est un peuple fier qui veut assumer ses responsabilités, réaliser le développement économique et le rayonnement international de son pays.

C'est cette autonomie renforcée qui nous permettra de vivre ensemble en Polynésie, ensemble au sein de la République française dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

A propos de la NouvelleCalédonie, je veux rapidement revenir sur le contexte.

Quatre années durant, des événements ont ensanglanté la Nouvelle-Calédonie. Comment ne pas avoir une pensée pour ceux qui luttèrent avec dignité pour la reconnaissance de leurs droits, la participation politique du peuple kanak aux affaires dans son propres pays, participation pouvant aller jusqu'à l'indépendance ? Comment ne pas se souvenir de la situation d'où nous venons, des prémices d'un état de guerre civile, l'assassinat de Pierre Declercq, d'Eloi Machoro, de Jean-Marie Tjibaou, de Yewéné Yewéné, des dix de Hienghène, du massacre d'Ouvéa, et je pense aussi aux gendarmes tués.

Dans cette situation terrible, les accords de Matignon de 1988 ont marqué un tournant décisif : ils ont représenté un « pari sur l'intelligence » qui, sans régler tous les problèmes des déséquilibres persistants venant de la longue période coloniale, ont ouvert une issue. Celle-ci a abouti, le 5 mai 1998, au fameux accord de Nouméa, signé entre le RPCR le FLNKS et l'Etat.

Il s'agit d'un accord politique qu'il fallait, naturellement, transcrire juridiquement. Cela a été fait à la fois par le Congrès du Parlement, le 6 juillet 1998, à la quasiunanimité, et par une loi organique, au terme d'un accord sans ambiguïté entre l'Assemblée et le Sénat.

Et voilà que, le 15 mars 1999, le Conseil constitutionnel « cette institution à la Napoléon III qui ne devrait pas avoir cours dans la vie démocratique d'aujourd'hui, il s'agit d'une institution dont il faudrait se défaire » (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) - vous avez reconnu la déclaration de François Mitterrand en 1978 (Sourires) - voilà que ce « gouvernement des juges » comme le disait encore François Mitterrand en 1982, censure le législateur et décide pardessus les élus de suffrage universel.

Cela ne peut que confirmer notre hostilité à cette institution qui s'est arrogée des pouvoirs exorbitants, qui s'est érigée en gouvernement des juges, juges irresponsables, nommés comme l'on sait arbitrairement, qui censurent l'assemblée élue au suffrage universel et se permettent de corriger à leur gré les copies des élus du peuple.

Certes, un contrôle de constitutionnalité est nécessaire, mais il devrait être assuré autrement.


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Nous avons fait - j'ai fait personnellement à cette tribune - plusieurs propositions en ce sens pour la nécessaire réforme des institutions, dont chacun parle à la veille des élections, mais dont personne ne prend jamais l'initiative. Mesurons bien qu'il ne s'agit pas d'un mouvement d'humeur de ma part contre ce « gouvernement des juges », mais d'un exemple, d'un constat qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Le juge constitutionnel a tout simplement failli faire capoter l'accord de Nouméa.

M. René Dosière.

Très juste !

M. Jacques Brunhes.

Accord fragile, difficile, négocié dans la finesse, accord politique, je le répète, dont on doit mesurer qu'il évite la guerre civile, qu'il permet, certes non sans heurts, non sans difficultés, dans l'application aux populations de Nouvelle-Calédonie de vivre en paix, en construisant ensemble l'avenir de leur pays.

Certes, et je l'ai dit au Congrès du Parlement, nous savions bien qu'un certain nombre de dispositions dérogeaient au droit français. C'est pour cela, d'ailleurs, que le Congrès a voté les trois articles du titre XIII de la Constitution.

J'ai ajouté aussi qu'un processus pacifique de décolonisation vaut bien une dispense des arguties juridiques. Or le juge constitutionnel a pris des risques énormes : les élections provinciales n'ont eu lieu en mai dernier que grâce à l'effort de persuasion du Gouvernement et de sa majorité plurielle. Bref, nous avons, je le pense, frôlé la catastrophe sur un des points essentiels : le corps électoral et le fameux « tableau annexe ».

M. René Dosière.

Tout a fait !

M. Jacques Brunhes.

L'idée d'un « corps électoral glissant » s'enrichissant au cours des années de nouveaux arrivants a été expressément et sans équivoque rejetée par l'accord de Nouméa. Avec votre projet, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement rétablit l'accord dans sa mouture initiale. L'article 1er permet de préciser, dans l'esprit des accords de Nouméa et en conformité avec la volonté du législateur et du constituant, la définition du corps électoral néo-calédonien pouvant voter aux élections locales futures et au référendum d'autodétermination à partir de 2013. Il sera ainsi de nouveau conforme à la volonté que les Calédoniens ont exprimée sans ambiguïté lors de la consultation du 8 novembre 1998, et nous nous en félicitons.

Mais le peuple kanak doit avoir toutes les assurances quant au respect scrupuleux des engagements pris pour l'avenir du territoire. Et d'autant plus que l'esprit de Nouméa a déjà subi un premier accroc lors de l'élection du « gouvernement de Nouvelle-Calédonie » issu du récent congrès du territoire. En effet, le RPCR, dont le candidat a été élu par consensus à la présidence du gouvernement, n'a pas voulu à son tour voter pour le candidat du FLNKS, pourtant deuxième parti au congrès, pour le poste de vice-président.

Rock Wamitan a commenté : « Nous ne sommes pas particulièrement attachés à des postes, à des fonctions, mais en commençant comme cela, le RPCR rend possibles des risques de blocage institutionnel du pays. »

M. Michel Buillard.

Hélas !

M. Jacques Brunhes.

Il a raison, soyons vigilants.

Sur la Polynésie, je ne reprendrai pas le dispositif point par point, je ferai simplement quelques remarques après m'être moi aussi interrogé sur l'urgence de ce texte.

Nous sommes d'accord quant au principe sur le renforcement de l'autonomie introduite progressivement en Polynésie à partir de 1984.

Nos inquiétudes concernent le respect des règles démocratiques en Polynésie. Ces inquiétudes ont été évoquées eu égard à la pratique « monarchique » de M. Gaston Flosse. M. René Dosière s'est interrogé sur l'urgence d'une réforme statutaire en l'absence d'une étude faisant le bilan du statut actuel et justifiant les réformes proposées. Il met en garde contre un affaiblissement du contrôle de l'Etat sur l'utilisation des fonds publics considérables destinés à ce territoire : 5,25 milliards de francs ;

M. Dosière a raison.

J'en arrive aux compétences des communes de Polynésie. Leur configuration géographique - éparpillement sur un archipel éclaté ayant les dimensions de l'Europe, 200 000 habitants, éloignement du siège du pouvoir territorial - nécessite une véritable décentralisation.

La nature de leur lien avec l'Etat et le pouvoir territorial appelle également la réflexion.

Dernière remarque concernant l'évolution socioéconomique de la Polynésie : l'évolution statutaire ne peut garantir en elle-même le développement de l'archipel.

D'où la nécessité de faire preuve de vigilance en ce qui concerne les résultats de la politique menée en matière sociale et internationale.

Ces remarques ne nous empêcheront pas de voter le projet qui nous est soumis, en particulier l'article 1er relatif à la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après la Nouvelle-Calédonie, dont le nouveau statut ouvre les portes de l'indépendance, c'est aujourd'hui au tour de la Polynésie de faire l'objet d'une nouvelle loi constitutionnelle qui organisera un nouveau statut d'autonomie, une autonomie plus large, de son territoire.

Je ferai quelques rappels historiques avant d'interroger l'avenir.

Découverte en 1767 par Samuel Wallis, la Polynésie fut revendiquée au nom du roi de France après sa redécouverte, un an après, par le navigateur français Bougainville.

Vers 1797, le chef Hapai affirma sa suprématie et créa la dynastie des Pomare, qui devait par la suite régner seule sur Tahiti. La reine Pomare IV signa le traité de protectorat avec la France en 1842. Son fils, Pomare V, abdiqua en 1880 et fit don de ses Etats à la France.

Tahiti et ses dépendances devinrent alors une colonie française, et les Tahitiens et les Marquisiens accédèrent ainsi à la nationalité française.

Les archipels furent dotés d'un statut par un décret du 28 décembre 1885 et placés sous l'administration d'un gouverneur.

Devenue territoire d'outre-mer par un décret du 25 octobre 1946, la Polynésie bénéficie d'une organisation particulière lui permettant de faire valoir ses intérêts propres au sein de la République.

Son statut, résultant depuis la réforme constitutionnelle de 1992 d'une loi organique, ne peut être modifié qu'après avis de son assemblée. A un statut de gestion accordé en 1977, a succédé un statut d'autonomie interne en 1984, complété notamment en 1990.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Aux termes de la loi du 6 septembre 1984, le territoire de la Polynésie française constitue un territoire d'outremer doté de l'autonomie interne dans le cadre de la République. Le territoire s'administre librement, la tutelle administrative du représentant de l'Etat disparaît.

Ce statut délègue au territoire de larges pouvoirs, dont certains relèvent en métropole du Parlement : fiscalité directe et indirecte, fonction publique territoriale, couverture sociale.

L es décisions sont prises par un gouvernement.

L'assemblée territoriale dispose de compétences générales.

L'Etat français est représenté par un haut-commissaire, qui a notamment la responsabilité des affaires étrangères, de la justice, de la défense nationale et de la monnaie.

Malgré les ajustements successifs du statut opérés depuis 1984 par les lois du 12 juillet 1990 et du 20 février 1995, dont l'objet premier était la consolidation de l'autonomie interne de la Polynésie, celle-ci a souhaité, à la veille de l'arrêt définitif des essais nucléa ires dans le Pacifique, disposer d'un statut lui permettant de forger les instruments de son développement économique, social et culturel.

La loi du 12 avril 1996 est donc venue renforcer l'autonomie de ce territoire, accroître ses compétences et améliorer le fonctionnement de ses institutions.

Mais, dans le cadre constitutionnel actuel, l'autonomie de la Polynésie ne pouvait aller plus loin. Si les Polynésiens sont satisfaits de la répartition des compétences, la question de la protection de la propriété foncière, de l'emploi local, de l'exercice d'une activité économique et le souhait des Polynésiens de renforcer l'identité propre de la Polynésie française au sein d'une région dominée par les Anglo-saxons et de disposer d'un véritable pouvoir législatif ne peuvent être satisfaits avec l'actuel article 74 de la Constitution.

L'objet du projet de loi constitutionnelle est donc d'aller au-delà de ce cadre pour répondre aux aspirations exprimées par les élus de Polynésie et les Polynésiens.

Consultée pour avis, l'assemblée de Polynésie a adopté le projet de loi constitutionnelle, le 6 avril, par 26 voix contre 2. Il y a eu 12 abstentions, provenant des indépendantistes.

Le texte est l'aboutissement de près d'un an de négociations.

Cette réforme constitutionnelle permettra, comme en Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française de voter ses propres lois, de conclure des accords internationaux et de protéger l'emploi local. A la différence de la NouvelleCalédonie, ce texte ne prévoit cependant pas l'accès à l'indépendance.

Les perspectives de ces deux territoires sont bien différentes, leur histoire aussi. Mais ces deux territoires ont un trait commun : ils sont les ambassadeurs de la France dans le Pacifique.

La France est aussi, quoi qu'on dise, un riverain du Pacifique.

Elle a la mission d'accompagner ces territoires, dont elle a la charge. « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires », affirme le préambule de la Constitution de 1946.

Cette mission est toujours d'actualité, quel que soit le nouveau statut de la Polynésie. Mais reste à savoir ce qu'elle va pouvoir faire de cette autonomie, car si son avenir institutionnel est précisé, il n'en est pas de même d e ses perpectives économiques. Comment pallier l'absence des ressources financières qui étaient liées aux expérimentations nucléaires ? Nous devons insister sur le maintien d'un partenariat économique fort, non seulement avec la Polynésie mais aussi avec l'ensemble des territoires d'outre-mer.

N'oublions pas que c'est grâce à ces territoires que la France a pu devenir la troisième grande puissance mondiale de pêche.

N'oublions pas non plus le rôle de la Polynésie dans le bon développement d'une force de frappe nucléaire indépendante.

La nouvelle autonomie de la Polynésie ne suscite pas un désintérêt de la France : l'engagement de la France reste au contraire très important dans ce pays d'oure-mer qui revendique d'autres droits.

Les Polynésiens sont liés à la France par le sentiment et la raison, comme la France leur est liée par l'histoire.

Rappelons que, lorsque l'indépendance nationale de la France a été menacée en 1914-1918, les Polynésiens ont été parmi les premiers à donner leur vie pour la défendre.

C'est une grande responsabilité pour les Polynésiens de prendre les rênes d'une autonomie renforcée. Ils relèveront ce défi institutionnel avec succès, je n'en doute pas.

Le devoir de la France est d'accompagner la Polynésie dans cette évolution vers davantage d'autonomie, et de favoriser son émergence sous la forme d'un nouveau

« pays d'outre-mer ».

Je dirai maintenant un mot sur la disposition relative à la Nouvelle-Calédonie.

Le projet de loi constitutionnelle règle une difficulté d'interprétation de l'accord de Nouméa sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie en donnant au corps électoral une définition conforme à l'intention des signataires de cet accord.

Le projet de loi ajoute à l'article 77 de la Constitution un alinéa précisant quels électeurs ne seront pas admis à voter pour les assemblées de province et au congrès, ainsi qu'au référendum d'autodétermination.

Il s'agit de remédier à une imprécision de la loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, qui avait amené le Conseil constitutionnel à en faire une interprétation que les indépendantistes kanaks et le Gouvernement avaient jugée contraire à l'équilibre recherché dans l'accord de Nouméa, signé en mai 1998.

Le FLNKS avait souhaité que le corps électoral ne soit pas progressivement élargi par l'arrivée sur le Caillou de nouveaux résidents vraisemblablement hostiles à l'indépendance. Ne seront donc autorisées à voter que les personnes déjà admises à prendre part au référendum du 8 novembre dernier et leurs enfants.

Cet ajustement était nécessaire, urgent et indispensable...

M. René Dosière.

C'est vrai !

M. François Rochebloine.

... si l'on ne voulait pas prendre le risque de remettre en cause le fragile équilibre dynamique initié en Nouvelle-Calédonie.

En conclusion, je dirai que, s'il est peut-être regrettable de mélanger dans le même texte des dispositions dont la finalité est différente, le nouveau statut de la NouvelleCalédonie et de la Polynésie française conforte l'ensemble de l'outre-mer dans sa volonté d'une évolution institutionnelle diversifiée.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Très juste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

M. François Rochebloine.

Il est nécessaire de définir un tronc commun, valable pour l'ensemble des territoires d'outre-mer et assorti d'adaptations particulières tenant compte des spécificités locales.

Rappelons que Mayotte attend un statut depuis vingttrois ans, et la mission préparatoire à la consultation prévue par la loi de 1976, en vue de sortir du statut provisoire, doit être réactivée rapidement.

Le groupe UDF votera le projet de loi constitutionnelle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Vernaudon.

M. Emile Vernaudon.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je déplore que le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie ait été pr ésenté en pleine campagne pour les élections européennes car le président du gouvernement du territoire polynésien, opposé, sur le plan politique, à votre Gouvernement, fait campagne en mettant en avant cette avancée statutaire afin de vous contrer.

Pour une véritable sérénité du débat institutionnel, il aurait mieux valu que ce projet de loi constitutionnelle soit examiné après les élections européennes.

Sur le fond, en tant qu'élu polynésien, je ne suis pas opposé aux transferts de compétences de l'Etat en faveur de mon pays. Mais le souci d'une plus juste représentation proportionnelle des Polynésiens devrait également amener le Gouvernement et le Parlement à revoir la composition actuelle par archipel de l'assemblée de la Polynésie française, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière.

La loi devra intégrer une telle réforme, qui est nécessaire à l'exercice de la démocratie en Polynésie.

L'opposition territoriale actuelle, dont je fais partie, représente plus de 50 % du corps électoral. Cette réalité signifie que le système électoral actuel doit être revu et corrigé.

M. René Dosière.

Tout à fait !

M. Emile Vernaudon.

Il y a une particularité concernant l'ouverture des bureaux de vote en Polynésie française pour l'élection du Président de la République, dont les conditions sont définies par la Constitution en son article 7.

Ainsi, quand on annonce les résultats du scrutin le dimanche soir, à vingt heures, en métropole, il n'est, en Polynésie, que huit heures, dimanche matin, soit l'heure d'ouverture des bureaux de vote. Il est donc possible en Polynésie française de connaître les résultats de la présidentielle grâce au téléphone, au fax et maintenant à Internet, avant d'aller voter.

Cette situation inadmissible ne doit pas perdurer.

Il faudrait avancer l'ouverture des bureaux de vote aux samedis qui précèdent le premier et le deuxième tour, au lieu de les maintenir les deux dimanches.

M. René Dosière.

Ce serait une bonne idée !

M. Emile Vernaudon.

C'est d'ailleurs déjà le cas pour les élections législatives.

Il faudrait tenir compte du décalage horaire afin de faire voter les Polynésiens dans les mêmes conditions que les autres électeurs français, en maintenant la confidentialité du résultat et donc l'égalité des candidats et des élec teurs devant le suffrage universel. (

« Très juste ! » sur plusiers bancs du groupe socialiste.) Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi qui nous est soumis hésite constamment, pour la Polynésie française, entre deux démarches : d'une part, la reprise des dispositions figurant dans la réforme de la Constitution adoptée en 1998 en ce qui concerne la NouvelleCalédonie, à la suite de l'accord de Nouméa ; d'autre part, la tentation de s'en démarquer.

Bien sûr, les situations de nos deux pays d'outre-mer sont différentes. Mais ce qui diffère surtout, c'est le processus politique qui a conduit à ces deux révisions constitutionnelles.

L'accord de Nouméa résulte d'un débat politique, contradictoire sans doute, mais réel et approfondi, entre les principales forces politiques du territoire et l'Etat. Au lieu de cela, nous n'avons eu droit, en Polynésie, au lieu du dialogue et de la négociation attendus, qu'à un débat tronqué à l'assemblée du territoire, débat marqué par les invectives et les polémiques du président du gouvernement territorial, qui ne pense qu'à assouvir son ambition personnelle.

Pour cette raison, et parce que l'Etat n'est pas allé jusqu'au bout de la logique qui aurait dû inspirer son action, une des principales dispositions de la réforme constitutionnelle, celle qui permet la création d'une citoyenneté polynésienne, demeure inachevée.

En Nouvelle-Calédonie, un droit fondamental s'attache à la citoyenneté néo-calédonienne : celui qui réserve aux seuls citoyens de Nouvelle-Calédonie le droit de voter pour les élections aux assemblées de province et au congrès. Ce droit est inséparable de la démarche d'émancipation que l'Etat a négociée avec le RPCR et le FLNKS.

Mais il n'y a rien de tel dans le projet que vous nous proposez : la citoyenneté polynésienne n'aura d'effet qu'en ce qui concerne l'accès à l'emploi et à la propriété foncière. C'est, certes, un premier pas, mais il reste tout à fait insuffisant.

Je vous demande solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, d'étendre la portée de la citoyenneté polynésienne au régime électoral en ce qui concerne les élections à l'assemblée de la Polynésie française. On pourrait imaginer, par exemple, de réserver le droit de vote pour les é lections territoriales aux personnes inscrites durant dix années successives sur les listes électorales de Polynésie, ainsi qu'à leurs enfants.

Puisque vous avez créé une nouvelle catégorie de collectivités - les pays d'outre-mer -, qui ne sont plus régis par l'article 74 de la Constitution, mais dont le statut s'inscrit à l'évidence dans une démarche d'émancipation et d'accession à la souveraineté, la disposition que je vous suggère serait parfaitement cohérente avec celle que vous avez retenue pour la Nouvelle-Calédonie. Elle aurait, soyez-en certain, une grande signification politique pour les Polynésiens, qui attendent beaucoup du Gouvernement et de la majorité plurielle.

Vous avez annoncé que vous allez engager une très large concertation avec toutes les forces politiques de Polynésie sur la loi organique, qui sera, en fait, le véritable statut à venir de la Polynésie française. Je vous demande avec insistance de profiter de cette concertation pour débattre avec nous de la proposition que je vous fais.

Puisque la révision constitutionnelle ne sera soumise au Sénat qu'à l'automne, vous aurez ainsi tout le temps de modifier votre texte après avoir, enfin, écouté les Polynésiens et leurs représentants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

La citoyenneté polynésienne ne peut pas être une citoyenneté au rabais par rapport à la citoyenneté de N ouvelle-Calédonie. Les « populations intéressées » à l'avenir de la Polynésie française, selon l'expression de la Constitution, sont celles qui sont installées durablement sur le territoire, et non les personnes qui sont simplement de passage. C'est donc aux citoyens de Polynésie qu'il convient de réserver le droit de choisir leurs représentants à l'assemblée de la Polynésie française et au gouvernement du pays.

Monsieur le secrétaire d'Etat, saurez-vous tenir compte de mes observations afin que ce projet de loi constitutionnelle réponde aux véritables aspirations des Polynésiens ? Iaora te nuna'a ai'a api to te ao maohi !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en adoptant la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le 11 février dernier, notre assemblée mettait un point, que nous pensions final, au long processus constitutionnel et juridique qui permettait de rendre applicable l'accord de Nouméa.

Pourtant, alors qu'à l'issue des élections du 9 mai dernier les nouvelles institutions se mettent en place, même si elles ne sont pas conformes aux souhaits de notre collègue Jacques Brunhes, voilà venir devant nous un projet de loi constitutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie intégré à un projet de loi constitutionnelle pour la Polynésie française. Ce choix voulu par le Gouvernement...

M. René Dosière.

Et par le Président !

M. Pierre Frogier.

... de traiter dans un seul texte des questions relatives à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française n'est pas de nature à faciliter la compréhension de nos débats.

M. Philippe Auberger.

C'est malheureux !

M. Pierre Frogier.

S'il est clair que la Polynésie française a souhaité une modification de son statut en s'engageant dans la voie ouverte par la Nouvelle-Calédonie, je reste perplexe devant l'affirmation maintes fois répétée, et dont je suis surpris que M. Rochebloine se fasse l'écho, que la situation polynésienne est très différente de celle de la Nouvelle-Calédonie puisqu'il s'agit simplement, pour le premier territoire, de renforcer son autonomie tout en demeurant au sein de la République française alors que la Nouvelle-Calédonie se trouve quant à elle sur le chemin de l'indépendance.

Signataire moi-même de l'accord de Nouméa, je ne peux adhérer à cette présentation des choses.

Si le nouveau statut de la Calédonie a intégré la restriction du corps électoral et l'irréversibilité du transfert des compétences de l'Etat, ce n'est certainement pas parce que nous avons accepté le caractère inéluctable de l'indépendance. Nous y sommes toujours farouchement opposés.

Mais, plutôt que d'ignorer les antagonismes locaux, c'est pour maintenir la Calédonie dans la paix et lui permettre de continuer à se développer sereinement que Jacques Lafleur a convaincu, non seulement ses adversaires indépendantistes, mais aussi ses partisans, qu'il valait mieux dialoguer et trouver un nouveau consensus pour l'avenir.

Ce consensus s'est concrétisé à travers l'accord de Nouméa et a été largement ratifié au mois de novembre 1998.

M. René Dosière.

Exact !

M. Pierre Frogier.

J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que, comme nous, vous considérez que cet accord ne doit pas être interprété comme un aveu de faiblesse, mais bien comme un acte de générosité.

J'espère aussi que vous êtes convaincu qu'en signant l'accord de Nouméa, nous n'avons pas abdiqué notre d étermination à maintenir la Calédonie dans la République française.

M. Victor Brial.

Très bien !

M. Pierre Frogier.

Les Calédoniens ont quant à eux clairement exprimé le sens qu'ils souhaitaient donner à l'accord de Nouméa : le 9 mai dernier, 55 000 électeurs ont réaffirmé leur volonté de rester dans la France, contre 25 000 qui ont soutenu le FLNKS.

La réalité est là : non, mes chers collègues, l'accord de Nouméa et les lois constitutionnelle et organique que vous avez votées n'ont pas scellé le destin de la Calédonie vers l'indépendance. Aussi ne voulons-nous pas tromper aujourd'hui ceux qui nous ont fait confiance hier...

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Pierre Frogier.

... et nous opposons-nous à la nouvelle réforme constitutionnelle proposée par le Gouvernement pour figer le corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

J'affirme avec force que le Rassemblement n'a jamais accepté une telle restriction en signant l'accord de Nouméa. Notre position a toujours été la même : la limitation du droit de vote est une atteinte au principe qui fonde notre démocratie : un homme, une voix.

Mais la nécessité de sceller un pacte d'avenir avec les indépendantistes, pour les raisons que je viens d'évoquer, a conduit le Rassemblement à accepter un compromis sur la composition du corps électoral. Ce compromis s'articulait en deux points : d'abord, une condition de vingt années de domicile en Nouvelle-Calédonie pour participer à la consultation de sortie de l'accord de Nouméa ; ensuite, une condition de dix ans de domicile pour participer aux scrutins provinciaux, quelle que soit la date d'arrivée en Nouvelle-Calédonie.

L'interprétation qui a été donnée par le Conseil constitutionnel du corps électoral « glissant » est pour nous conforme à l'accord de Nouméa et nous ne pouvons pas accepter une nouvelle réforme constitutionnelle qui changerait les bases d'un accord négocié, sur lesquelles les Calédoniens se sont déjà exprimés par référendum.

Pour conforter cette position, j'ajouterai que le service d'information du Gouvernement, dans un document officiel intitulé « L'accord de Nouméa : dix questions, dixr éponses » et diffusé lors du référendum du 8 novembre 1998, indiquait que « seuls les citoyens calédoniens auront le droit de vote aux élections concernant les institutions de Nouvelle-Calédonie », en rappelant que

« la citoyenneté calédonienne bénéficiera à toute personne de nationalité française ayant un lien fort avec la Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire résidant depuis dix ans sur le territoire ». A aucun moment il n'était question de geler ce corps électoral après le 8 novembre 1998.

Quoi qu'il en soit, si le projet de loi constitutionnelle est adopté, nous serons confrontés, me semble-t-il, à une situation inédite puisque la loi organique actuellement applicable ne sera pas conforme au texte fondamental.

Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous soumettre ultérieurement une modification de cette loi organique ? Revenant à la partie du projet de loi relative à la Polynésie française, je rappelle que l'évolution statutaire de la Nouvelle-Calédonie a fait l'objet de longues


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

négociations scellées par un accord, lui-même ratifié par référendum. C'est cette légitimité démocratique qui a pu justifier la réforme constitutionnelle. Or rien de tel en Polynésie française : aucun accord politique n'a associé la majorité et l'opposition, pas plus qu'il n'est prévu de soumettre à la consultation des populations polynésiennes cette modification constitutionnelle.

Il est donc à prévoir que la réforme constitutionnelle soumise à notre assemblée parviendra difficilement à mettre un terme à la querelle statutaire permanente qui sévit à Tahiti.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, il est à craindre que ce texte, au lieu de constituer un gage de renforcement de l'autonomie en Polynésie française, ne soit plutôt un tremplin pour l'indépendance, trompant tous les autonomistes sincères. (Applaudissements sur quelq ues bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Emile Vernaudon.

Tout à fait !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais apporter quelques réponses aux interrogations qui ont été formulées.

Pourquoi légiférer, sur le plan constitutionnel, sur de nouvelles dispositions relatives au corps électoral aux assemblées de province et au congrès de NouvelleCalédonie, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ? Ce n'est pas là une mauvaise manière que le Gouvernement entend faire à telle ou telle formation politique en Nouvelle-Calédonie. Il souhaite simplement revenir à ce qu'était l'esprit et, je crois, la lettre, des accords de Nouméa.

Tous les électeurs qui étaient présents sur le territoire au moment du référendum du 8 novembre 1998, et tous ceux qui habitaient alors sur le territoire sans être inscrits sur les listes électorales - parce qu'ils n'avaient pas encore le droit de vote, par exemple -, tous ces électeurs voteront pendant toute la période qui nous concerne.

Le problème se pose pour les nouveaux venus, c'est-àdire pour ceux qui sont arrivés sur le territoire après 1998.

Si, en adoptant le texte que nous proposons, vous confirmez les accords de Nouméa, ces personnes ne pourront participer à l'élection des assemblées de province et du congrès qu'après dix ans, c'est-à-dire à partir de 2009, et donc à l'échéance suivante, c'est-à-dire en 2014.

Cette disposition, qui permet de conserver un corps électoral identique à celui qui était prévu en 1998 pour accompagner le processus pendant les quinze ou vingt ans à venir, est un élément d'équilibre primordial. Si le FLNKS, comme d'ailleurs le RPCR, a accepté un certain nombre de concessions, celle-ci était un élément essentiel du compromis.

Autrement dit, cette mesure ne menace pas ceux qui é taient en Nouvelle-Calédonie à la date du 9 novembre 1998. Quant à ceux qui viendront s'y installer, ils sont pleinement informés qu'ils ne pourront pas participer aux élections provinciales, ni à l'élection du congrès, ni même, d'ailleurs, au référendum prévu dans quinze ou vingt ans.

Les règles qui ont été établies au départ seront donc ainsi confirmées.

Monsieur Frogier, la loi organique du 19 mars 1999 s'interprétera à la lumière de cette révision constitutionnelle puisqu'il s'agit de revenir sur la décision du Conseil constitutionnel concernant le tableau.

S'agissant de la Polynésie française, pourquoi légiférer ? La question a été posée par M. Dosière et M. Brunhes, notamment. Sur le plan juridique, je crois qu'il est préférable de précéder les évolutions plutôt que d'avoir à les subir, et parfois à les vivre douloureusement. Je suis de ceux qui pensent que si la loi-cadre Defferre de 1956 sur les territoires coloniaux était intervenue plus tôt, certaines évolutions douloureuses ne se seraient sans doute pas produites. En matière constitutionnelle, nous devons donc anticiper et prendre en compte l'évolution constante de la Polynésie française.

Le rapport de Mme Tasca retrace l'histoire tumultueuse des rapports entre la République et la Polynésie française, dont nous devons respecter la spécificité. Ce territoire, qui comprend une surface maritime grande c omme l'Europe avec 118 îles habitées, dont une cinquantaine seulement disposent d'une piste d'aviation, participe pleinement à l'ensemble français dans le Pacifique. L'autonomie est souhaitée depuis longtemps. L'on dit parfois que le père de l'autonomie polynésienne est Francis Sanford, avec lequel certains d'entre vous ont siégé ici au début des années 70. C'est un élément qui participe de cette conscience politique polynésienne et il est à l'honneur de la République de s'inscrire dans ce mouvement d'évolution en adaptant la Constitution.

Quant à la date de notre débat, permettez-moi de vous dire, monsieur Bussereau et monsieur Vernaudon, que nous sommes tributaires du calendrier parlementaire. Je n'ai pas choisi le 10 juin. Il a fallu tenir compte des prévisions de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement et de l'examen des autres textes.

Si l'Assemblée suit le Gouvernement, nous allons créer une nouvelle catégorie juridique, un pays d'outre-mer, dont Mme Tasca a rappelé les cinq éléments constitutifs.

Ce sera un élément important dans notre Constitution.

Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer aura ainsi une nouvelle forme juridique à gérer. Mais je rappelle que M. Perben était déjà ministre de l'outre-mer, et non plus ministre des DOM-TOM. L'appellation « outre-mer » s'est imposée, puisqu'elle recouvre non seulement des départements et des territoires, mais aussi des collectivités territoriales.

Le terme de pays d'outre-mer renvoie à plusieurs éléments. D'abord, il fait référence aux lois du pays. Puisque l'accord de Nouméa comme le texte relatif à la Polynésie française parlent de pays, il semblait logique que cette catégorie soit créée sur le plan législatif. Elle existe d'ailleurs dans le droit communautaire, puisqu'il y a des pays et territoires d'outre-mer - PTOM - dans les textes de l'Union européenne. Une réunion a d'ailleurs eu lieu fin avril, à Bruxelles, entre les représentants des vingt PTOM qui, du Groënland à la Polynésie française, sont de nature juridique très différente et illustrent bien les différences entre les droits en vigueur dans les divers pays membres de l'Union européenne.

Je voudrais maintenant revenir sur les interrogations de M. Buillard concernant les quatre points qu'il a évoqués.

La question de la langue, ou plutôt des langues - langue tahitienne, langue marquisienne, langues parlées dans les Australes ou les Gambier, etc. - sera abordée dans la loi organique. La charte sur les langues régionales est en cours de ratification par la France, le Président de la République ayant saisi le Conseil constitutionnel pour i nterprétation. Dans ce cadre-là, nous n'avons pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

souhaité introduire des dispositions particulières à la Polynésie, afin que soit bien respecté l'article 2 de notre constitution.

Ensuite, la loi organique définira le cadre dans lequel les lois de pays pourront préciser les avantages particuliers dont pourront bénéficier les titulaires de la citoyenneté polynésienne, notamment en matière d'emploi, d'établissement et d'accession à la propriété foncière. C'est donc la loi organique qui déterminera la capacité qu'aura ensuite l'Assemblée territoriale d'adopter des lois de pays dans ce domaine, comme cela a été fait pour la NouvelleCalédonie dans un article qui a été validé par le Conseil constitutionnel.

Le troisième point évoqué par M. Buillard concernait les responsabilités sur le plan international. La Constitution permettra aux autorités polynésiennes de négocier l ibrement des conventions internationales dans les domaines de leur compétence. Les accords seront signés par les autorités polynésiennes, mais après qu'une autorisation aura été donnée par les autorités nationales compétentes, autorisation qui ne se fondera que sur la vérification de la conformité de ces accords aux engagements internationaux de la France. Enfin, à la différence de la Nouvelle-Calédonie, il n'est pas fait mention de transfert définitif de compétences. Ce débat a occupé le Gouvernement, mais nous avons finalement décidé de ne pas y faire référence, parce que s'il fallait procéder ultérieurement à des adaptations dans la répartition des compétences, cela nous obligerait à procéder à une nouvelle révision constitutionnelle. Il y a eu un précédent en 1995 avec les établissements pénitentiaires qui ont été retransférés à l'Etat.

Vous m'avez posé trois questions, monsieur Vernaudon.

Concernant la répartition des sièges au sein de l'assemblée territoriale et les inégalités de représentation, je vous renvoie à la loi organique qui fixe la répartition des sièges.

Vous avez, je crois, déposé une proposition de loi en ce sens...

M. Emile Vernaudon.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

... soulignant les inégalités de représentation. Le Gouvernement puis le législateur devront se pencher sur la question afin de tenir compte à la fois des problèmes de population, de l'éloignement et de la spécificité de chacun des archipels concernés.

S'agissant de l'élection présidentielle, votre suggestion est pertinente, du moins en ce qui concerne le deuxième tour. Je rappelle que, pour les élections législatives, les Polynésiens votent une semaine avant. Pour l'élection présidentielle, il est vrai que les bureaux de vote ouvrent en Polynésie au moment où l'on connaît les résultats en métropole, ce qui n'incite pas particulièrement à aller voter, à moins qu'un jour l'écart entre les candidats soit très faible.

M. René Dosière.

Comme en 1974 !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Dosière nousr appelle qu'en 1974, c'était serré. Comme il y a 130 000 électeurs en Polynésie, cela peut être une incitation supplémentaire à aller voter. Cette question pertinente mérite d'être examinée, mais elle peut avoir des conséquences sur les autres départements et territoires d'outre-mer.

Le troisième point que vous avez évoqué, monsieur Vernaudon, porte sur le régime électoral de la Polynésie française. Faut-il limiter la citoyenneté en matière électorale, c'est-à-dire introduire une disposition de résidence pour la Polynésie française comme il en existe une pour la Nouvelle-Calédonie ? Le débat n'a pas été poussé à son terme sur cette question. Jusqu'à présent, en Polynésie française, le principe est que votent tous ceux qui sont inscrits sur les listes électorales. Le débat est ouvert. Peutêtre sera-t-il repris un jour. Je ne pense pas que l'on puisse légiférer sur ce plan de manière trop rapide, parce que c'est une question essentielle qui a fait l'objet, en Nouvelle-Calédonie, d'un accord politique entre RPCR et FLNKS.

La loi organique sera évidemment discutée avec tous ceux qui le voudront bien.

M. Emile Vernaudon.

On vous l'a toujours demandé, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Nous avions d'ailleurs déjà organisé une discussion sur la loi sur les communes. Toutes les forces politiques et sociales de la Polynésie française doivent participer à ce débat.

M. Emile Vernaudon.

Nous l'avons toujours voulu !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Avec cette étape que nous vous demandons de franchir, il s'agit de donner une autonomie renforcée à la Polynésie française. Le renforcement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ne fera qu'accroître le rayonnement de la France dans le Pacifique, région du monde essent iellement anglophone promise à un grand avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Conformément à l'article 50, alinéa 3, de notre règlement, je devrais lever la séance à l'instant, car il est dix-neuf heures trente. Toutefois, puisque le règlement m'en donne la possibilité, je veux bien que nous menions ce débat à son terme, compte tenu de son état d'avancement. Mais il faut que chacun y mette du sien et que tout le monde soit d'accord pour poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Absolument !

M. le président.

Alors, nous poursuivons.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi constitutionnelle dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art 1er . - Il est ajouté, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, l'alinéa suivant :

« Le tableau auquel se réfère, pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »

La parole est à M. Dominique Perben, inscrit sur l'article.

M. Dominique Perben.

Pierre Frogier s'est exprimé mais, comme chacun sait, il est député de NouvelleCalédonie et pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté je


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

souhaitais, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, faire deux observations qui recoupent d'ailleurs les positions exprimées par notre collègue.

D'abord, sur la procédure, je l'ai déjà dit en commission, mais je le répète, il n'est pas convenable d'avoir joint ces deux textes. D'ailleurs, ce qui s'est susurré dans les couloirs cet après-midi montre bien que vous avez voulu faire un paquet cadeau des deux sujets. Je n'en dirai pas davantage, mais nous ne sommes pas dupes ! Sur le fond, nous sommes très réservés sur cette procédure qui consiste à revenir au Parlement sur une interprétation du Conseil constitutionnel. D'abrd, parce que nous avions bien compris, lors du débat, que la question était complexe et que la lecture de l'accord de Nouméa était difficile.

Prétendre aujourd'hui que l'accord de Nouméa était limpide sur ce sujet de la composition du corps électoral, c'est oublier certaines choses qui sont de notoriété publique. L'interprétation donnée tout à l'heure par Pierre Frogier est donc tout autant défendable que celle de notre collègue Dosière, ou la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat.

A mon avis, vous faites erreur sur cette affaire de la composition du corps électoral. En effet, vous allez trop loin. Il aurait d'ailleurs été utile de réfléchir à la notio n même de citoyenneté. Nous n'avons pas eu le temps à l'époque et j'espère que nous pourrons le faire à l'occasion de la loi organique sur la Polynésie française. Vous faites une erreur en introduisant dans le texte ce concept de citoyenneté calédonienne et en verrouillant en même temps complètement sur le plan politique les conséquences de cette citoyenneté. Aucun Etat, aucun pays, aucun ensemble partageant une même citoyenneté n'a intérêt à se verrouiller de la sorte. C'est une erreur pour la Nouvelle-Calédonie, je le dis très clairement.

Comment voulez-vous qu'un pays, quel qu'il soit, considère comme normal que, pendant vingt ans, les femmes et les hommes qui feront ce pays, qui vont y investir, y travailler, y prendre des responsabilités, n'aient pas la possibilité de s'exprimer lors des élections territoriales ? Il y a là une erreur de conception, je vous le dis très franchement. Dans dix ans, dans quinze ans, on s'apercevra que cela aura été une erreur pour tout le monde, pas pour le FLNKS ou le RPCR, une erreur pour la Nouvelle-Calédonie. Nous avions bien compris la nécessité de fixer les choses pour le référendum, car c'était un point dur de la négociation. Mais étendre ce type de restriction à l'expression à l'intérieur des institutions du pays d'outre-mer en question, c'est une erreur fondamentale.

C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République votera contre l'article 1er

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Il ne me semble pas anormal, monsieur Perben, que le législateur revienne sur un problème posé par une j urisprudence du Conseil constitutionnel. Il est au contraire tout à fait normal que celui-ci, qui interprète en toute liberté nos textes, annule une disposition lorsqu'il estime que le constituant n'a pas été assez explicite et renvoie à celui-ci la responsabilité de la préciser : c'est ce que nous faisons. Cette disposition sera ainsi rédigée en des termes plus clairs qui guideront la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je rappelle d'ailleurs que ce n'est pas une première. En 1993, un texte concernant le droit d'asile avait également été annulé par le Conseil constitutionnel et le législateur avait alors reprécisé l'intention du constituant. Le même problème s'est posé tout récemment encore sur la parité. Cela dit, je ne pense pas que cette façon de procéder se développe.

M. le président.

Mme Tasca, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« I. - Au début du dernier alinéa de l'article 1er , insérer les mots : "Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie.

« II. - En conséquence, dans le même alinéa, après les mots : "se réfère", supprimer les mots : ", pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie," ».

Accepteriez-vous, madame le rapporteur, de défendre en même temps l'amendement no 6 ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Tout à fait, monsieur le président !

M. le président.

Mme Tasca, rapporteur, a également présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 1er , après les mots : "l'article 76 est" », substituer aux mots : "le tableau", le mot : "celui". »

Vous avez la parole, madame le rapporteur.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Ces amendements sont purement rédactionnels.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 5, mais défavorable à l'amendement no 6 dont l'adoption serait source d'ambiguïté. Or, nous venons d'en parler, nous devons être précis. Le Gouvernement préfère donc une rédaction peut-être un peu lourde sur le plan stylistique, mais dépourvue de toute ambiguïté.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Le souci de la commission des lois étant de parvenir à une rédaction la plus lisible possible, la moins susceptible d'interprétation, je me range à l'avis du Gouvernement et retire l'amendement no

6.

M. le président.

L'amendement no 6 est donc retiré.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

5. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Articles 2 et 3

M. le président.

« Art. 2. - Les titres XIV, XV et XVI d e la Constitution deviennent respectivement les titres XV, XVI et XVII. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

« Art. 3. - Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé : "Dispositions relatives à la Polynésie française". » - (Adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78 dans la rédaction suivante :

« Art. 78. La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut détermine les compétences de l'Etat qui sont tranférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnem ent et les modalités des transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci.

« Les transferts définis à l'alinéa précédent ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.

« La loi organique définit également :

« les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;

« les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ;

« les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière ;

« les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci, dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53. »

La parole est à M. Dominique Perben, inscrit sur l'article 4.

M. Dominique Perben.

Je souhaiterais m'exprimer au nom du groupe RPR sur l'article 4, dont les dispositions sont essentielles pour l'avenir de la Polynésie française. Je crois en effet utile de replacer la décision que nous allons prendre dans son contexte historique, économique et social. Car, au fond, nous avons jusqu'à présent assez peu parlé de ce qui fait la substance de la Polynésie française et de ce qui fait son histoire récente.

Avant les essais nucléaires, l'économie et la société polynésiennes, encore relativement traditionnelles, étaient en équilibre. C'est l'installation du centre d'essais du Pacifique qui a provoqué un changement très important dans ce territoire d'outre-mer. Et c'est un membre du parti gaulliste qui le dit avec netteté.

Au cours des années 60, l'implantation des équipements militaires et les dépenses massives engagées par la métropole ont entraîné des conséquences certes économiques - une croissance certaine -, mais aussi sociales, culturelles et politiques. Une société traditionnelle s'est a insi transformée en une société partiellement

« moderne ». On peut mettre, bien sûr, beaucoup de choses dans ce mot.

Deuxièmement, je veux saluer l'immense service que la Polynésie française a rendu à la République, puisque c'est grâce aux essais nucléaires réalisés sur son territoire que la France a pu construire son indépendance militaire. Au moment où nous débattons de l'avenir de la Polynésie française, il n'est pas inutile de souligner à quel point ce territoire d'outre-mer a contribué au développement des potentialités dont dispose aujourd'hui notre pays.

Troisième observation sur l'histoire récente : il est clair que la suspension des essais nucléaires puis leur suppression définitive ont provoqué un choc en retour dont l'ampleur aurait pu être équivalente à celle du bouleversement suscité par l'installation du centre d'expérimentation dans les années 60. C'est pourquoi, à partir des années 90, les gouvernements qui se sont succédé, de majorité différente, ont mis en place, avec le gouvernement territorial, des procédures de collaboration et de développement qui se sont appelées pacte de progrès ou loi d'orientation, peu importe les termes, mais dont l'idée commune était d'accompagner le gouvernement territorial dans l'effort de croissance et de diversification économique rendu encore plus nécessaire par la disparition du centre d'essais.

Au moment où nous parlons d'évolution institutionnelle et d'autonomie, il me paraît important de faire le point sur les équilibres, sur la capacité de croissance, de diversification, d'autonomie économique de ce territoire.

Or, l'Assemblée nationale doit le savoir, les indicateurs sont positifs.

Ces deux dernières années, 1997 et 1998, la croissance économique a été de 5 % par an et a permis la création de 7 000 emplois. De nombreuses entreprises se créent dans des domaines relativement diversifiés. Et cet essor s'accompagne d'une évolution sociale positive, caractérisée, par exemple, par la mise en place de la protection sociale généralisée, que nous appelons d'un autre nom en métropole, où, d'une certaine façon, elle est d'apparition plus récente. Enfin, nous en avons parlé ce matin, en commission des lois, à propos des ordonnances, d'importants efforts de modernisation de la fiscalité ont été réalisés par le territoire, qui a, dans le même temps, travaillé à l'assainissement financier.

Autant de preuves que les efforts du gouvernement territorial comme du gouvernement national portent leurs fruits. C'est un aspect qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on parle des institutions. Car à quoi servirait-il de modifier les institutions si on avait le sentiment que la société polynésienne est incapable de s'assumer sur le plan économique, social et culturel ? Tel n'est pas le cas.

Aujourd'hui, au moment où nous allons modifier la Constitution, les éléments territoriaux sont en place pour permettre cette évolution institutionnelle.

Sur l'article 4 lui-même, je ferai deux observations. Me souvenant, monsieur le secrétaire d'Etat, des responsabilités que j'ai assumées, comme vous les assumez aujourd'hui, j'évoquerai les deux éléments clefs de ce texte : les lois de pays et le rôle international.

On ne peut pas se contenter d'appliquer les lois de décentralisation dans des territoires comme la Polynésie.

Dès lors qu'une assemblée territoriale prend des délibérations dans le domaine législatif, il est clair qu'il en résulte une distorsion de l'esprit même de ces lois. Il faut donc, comme vous le proposez, reconnaître à l'assemblée délibérante, le pouvoir de voter des lois de pays. Il s'agit là d'une clarification extrêmement intéressante. Nous l'avons fait pour la Nouvelle-Calédonie. Nous le ferons pour la Polynésie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

Quant au rôle international, nous connaissons tous la qualité des grandes administrations françaises. Je dirai simplement qu'il faut savoir se faire confiance. Il est clair que, dans le champ de leurs compétences, les pays d'outre-mer doivent pouvoir discuter, contractualiser et signer des accords. Cela n'enlève rien au pouvoir de ratification du Parlement. Mais, dans ce domaine peutêtre plus que dans d'autres, nous devons apprendre, les uns et les autres, à construire une relation de confiance entre les futurs responsables de ces collectivités d'un nouveau type et les responsables de notre diplomatie nationale. Cette possibilité ouverte aux pays d'outre-mer m'apparaît essentielle. Comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est un élément de rayonnement supplémentaire pour la France. Alors, ne soyons pas frileux, nous pouvons aller de l'avant.

M. le président.

Monsieur Perben...

M. Dominique Perben.

Je conclus, monsieur le président.

Globalement, je pense, avec le groupe RPR, que ce texte est bon. Bien sûr, nous ne discutons aujourd'hui que d'un petit cadre constitutionnel. L'essentiel figurera dans la loi organique. Cette loi organique, il nous faudra la construire. Mais ce soir, le vote que nous exprimons est tout à fait positif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Sur l'article 4, Mme Tasca, rapporteur, a présenté deux amendements, nos 7 et 8.

Je vous suggère, madame le rapporteur, de les soutenir en même temps.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 7 est ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 78 de la Constitution, après le mot : "modalités", substituer au mot : "des", les mots : "de ces". »

L'amendement no 8 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 78 de la Constitution : "Ces transferts ne peuvent porter,". (Le reste sans changement.) »

Je vous en prie, madame le rapporteur.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

La commission a adopté ces deux amendements rédactionnels.

L'amendement no 7 a pour objet d'harmoniser le texte de l'article 78 de la Constitution avec celui de l'article 77 relatif à la Nouvelle-Calédonie. Dans la nouvelle structure du texte constitutionnel, ces deux articles se suivent.

Nous avons donc tout intérêt à en harmoniser la rédaction.

Quant à l'amendement no 8, il est également de nature purement rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Avis favorable du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

(L'ensemble du projet de loi constitutionnelle est adopté.)

3 DÉPO T DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUE TE

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 10 juin 1999, de M. Jacques Guyard, président de la commission d'enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, le rapport fait au nom de cette commission par M. Jean-Pierre Brard.

Ce rapport sera imprimé sous le no 1687 et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.

La demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du présent dépôt a u Journal officiel de demain, soit avant le jeudi 17 juin 1999.

4 SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi d'orientation agricole.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 10 juin 1999, de M. JeanMarie Bockel, un rapport d'information, no 1690, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur le bilan de la coopération transfrontalière dans le cadre de la convention de Schengen.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 10 JUIN 1999

6 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 10 juin 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, portant approbation d'un avenant à la conces-s ion concernant la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986.

Ce projet de loi, no 1688, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

7 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 10 juin 1999, de M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat en nouvelle lecture, relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

Ce projet de loi, no 1689, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 15 juin 1999, à dix heures trente, première séance publique : Questions orales sans débat ; Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, en nouvelle lecture ; Discussion, en lecture définitive, du projet de loi no 1640, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1648) ; Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1677, portant création d'une couverture maladie universelle : MM. Jean-Claude Boulard et Alfred Recours, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1684, tomes I et II).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 15 juin 1999, à 10 heures, au 4e bureau.