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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Débat d'orientation budgétaire (suite) (p. 6149).

MM. Georges Tron, Georges Sarre, Pierre Hériaud, Daniel Feurtet, Gilbert Gantier, Gérard Fuchs, Gilles Carrez, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jean-Jacques Jégou, Ernest Moutoussamy, Charles de Courson, Jacques Barrot, Mme Nicole Bricq,

MM. Julien Dray, Alain Barrau, Raymond Douyère, Michel Grégoire.

M. le secrétaire d'Etat.

Clôture du débat.

2. Règlement définitif du budget de 1997. - Discussion d'un projet de loi (p. 6172).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6176)

MM. Jean-Claude Lefort, Gilles Carrez, Jean-Louis Idiart, Gilbert Gantier, Charles de Courson.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 6181)

Article 1er . - Adoption (p. 6181)

Article 2 et tableau A annexé. - Adoption (p. 6182)

Article 3 et tableau B annexé. - Adoption (p. 6183)

Article 4 et tableau C annexé. - Adoption (p. 6183)

Article 5 et tableau D annexé. - Adoption (p. 6184)

Article 6 et tableau E annexé. - Adoption (p. 6184)

Article 7 et tableau F annexé. - Adoption (p. 6185)

Article 8 et tableau G annexé. - Adoption (p. 6185)

Article 9 et tableau I annexé. - Adoption (p. 6185)

Articles 10 et 11. - Adoption (p. 6186)

Après l'article 11 (p. 6187)

Amendement no 1 rectifié de M. de Courson : MM. Charles d e Courson, Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances ; Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Jean-Jacques Jégou. - Rejet.

Amendements nos 2, 4, 9, 3, 10, 5, 6, 11, 7 et 8 de M. de Courson : MM. Charles de Courson, le rapporteur général, le président de la commission, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Articles 12 et 13. - Adoption (p. 6191)

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 6192)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 6192)

3. Taux de TVA réduit. - Discussion d'une proposition de résolution (p. 6192).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Rappel au règlement (p. 6195)

M. Julien Dray.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6196)

MM. Jacques Barrot, Gilbert Gantier, Gérard Fuchs, Michel Bouvard, Jean-Claude Lefort, Philippe Douste-Blazy.

Clôture de la discussion générale.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Article unique (p. 6204)

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 6205)

MM. Gilbert Gantier, Jean-Jacques Weber, Michel Bouvard.

Adoption de l'article unique de la proposition de résolution.

4. D épôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 6207).

5. Dépôt de rapports (p. 6207).

6. Dépôt d'un rapport d'information (p. 6207).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6207).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1 DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE (suite)

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits.

Avant de donner la parole à M. Tron, qui est le prochain orateur, j'appelle chacun à respecter son temps de parole car, après le débat d'orientation budgétaire, nous avons encore deux autres textes à examiner. Des interventions trop longues risqueraient de nous emmener trop avant dans la nuit.

La parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron.

Monsieur le président, j'ai bien compris votre message : il faut être bref et tenir notre temps de parole.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Bref et pertinent !

M. Georges Tron.

Nous essayerons d'être à la fois bref et pertinent. A vous d'en jugez, monsieur le rapporteur général...

Nous essaierons également d'être dans le ton des dernières déclarations de M. Strauss-Kahn, qui n'est pas là ce soir mais qui, à la fin de la précédente séance, a remercié la majorité - ce qui est assez normal - mais aussi l'opposition. Dès lors, que dire ? Prendre le parti de ne pas être dans le ton du consensus qu'il a décrit tout à l'heure, c'est risquer d'être grossier. S'y conformer, c'est peut-être tomber dans le piège, car M. Strauss-Kahn présente les choses de telle façon qu'il devient difficile de se positionner.

Je vais tout de même tenter l'exercice et essayer de démontrer, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, qu'on peut adopter un ton modéré, sans chercher la provocation, mais, en même temps, se poser des questions.

Je ne serai pas affirmatif, car j'ai remarqué que dans ce genre de débat, compte tenu de la conjoncture et des résultats de notre économie, il n'était pas bon de se montrer péremptoire. Tout au moins, je me permettrai de m'interroger le plus précisément possible.

J'ai tendance à penser, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous n'avons pas la même façon d'appréhender la situation de notre économie ni de concevoir les principales orientations qu'il conviendrait de donner au budget de l'année prochaine.

Le diagnostic, tout d'abord. Incontestablement, on ne peut prétendre que l'Europe connaisse, malgré le lancement de l'euro, une phase d'euphorie. La monnaie unique a en effet perdu quelque 10 à 12 % depuis le début de cette année.

Si on compare notre situation à la situation américaine, référence utilisée par nombre d'orateurs aujourd'hui, dans le camp tant de la majorité que de l'opposition, on relève que l'économie américaine se caractérise par de forts taux de croissance - au grand étonnement, d'ailleurs, d'économistes distingués. Aux Etats-Unis, 200 000 emplois sont créés par mois, ce qui n'est pas négligeable. Et 130 000 emplois ont été créés dans les services depuis le début de l'année.

Ainsi, quelles que soient les critiques qu'on puisse émettre à l'égard de l'économie américaine, la souplesse qui la caractérise n'est pas totalement neutre. Quant à l'Europe, elle se trouve plutôt en retard par rapport aux

Etats-Unis. Si l'on cherche à caractériser la situation européenne, deux choses sautent aux yeux. D'une part, la croissance n'est pas percutante ; d'autre part, elle n'est pas très homogène. Ce sont deux problèmes différents, que

M. Strauss-Kahn évoquait tout à l'heure.

En termes de croissance, la France se situe dans un rang à peu près médian. M. Strauss-Kahn nous a parlé tout à l'heure de l'Irlande, dont les taux sont supérieurs à 7 % ; de l'Espagne, qui est devant nous ; du RoyaumeUni, de l'Italie ou de l'Allemagne qui sont derrière nous.

Mais ce qui est certain, c'est que nous sommes dans la moyenne européenne. Si on ne se réfère qu'aux pays industriellement comparables, on est plutôt devant. Si on se réfère à ceux qui sont un petit peu en retard par rapport à nous en matière de développement, on est plutôt un petit peu derrière. La France avance de façon honorable, ni plus, ni moins.

Le retard que nos principaux partenaires européens accusent par rapport à nous en raison, notamment, de la structure de nos exportations, a des effets sur l'économie française. La baisse des exportations de 1,1 %, au premier trimestre, a eu des répercussions tant sur notre croissance - l'apport à la croissance de nos exportations est maintenant quasiment nul - qu'en matière d'équilibre budgétaire.

Quel que soit le jugement que l'on porte sur la façon dont les économies sont menées, la situation des pays qui nous entoure aura des conséquences chez nous. Plusieurs orateurs ont d'ailleurs fait référence, pour s'en réjouir ou pour les déplorer, aux résultats des dernières élections européennes en Allemagne ou au Royaume-Uni.

Cela nous amène à nous poser cette question : la croissance chez nos partenaires est-elle assurée ? La réponse est plutôt non.

Par ailleurs, on constate que la France n'est pas à l'abri d'un fléchissement de sa croissance.

Celle-ci a effectivement redémarré au deuxième trimestre 1997, comme c'était inscrit en toutes lettres dans le rapport qui nous avait été présenté l'année dernière, à


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la même époque, et comme cela ressort nettement des documents que vous nous avez remis au nom du Gouvernement.

J'ai été frappé par le fameux graphique qui retrace le différentiel de croissance entre la France et l'Allemagne ; celui-ci fait apparaître très clairement que la différence s'est faite dès le premier trimestre 1997.

La croissance a donc redémarré, mais elle a redémarré plus tôt que prévu et plus tôt que ce que le Gouvernement veut bien le dire. Mais il ne faut pas se leurrer, les chiffres sont plutôt en repli. Le PIB n'a augmenté que de 0,3 % au premier trimestre de cette année contre 0,7 % au dernier trimestre 1998, et cela se répercute sur l'ensemble des facteurs qui font cette croissance. De même, on constate un fléchissement important de la consommation et des dépenses des ménages qui, de la même façon, avaient progressé de 0,7 % au quatrième trimestre 1998 mais n'ont progressé que de 0,3 % au premier trimestre de cette année.

Malgré le ton affirmatif des ministres comme des différents orateurs de la majorité, il y a donc matière à s'interroger.

Des incertitudes existent également en matière d'investissements. Chez nous, l'investissement productif a connu un repli entre 1990 et 1998, alors que, simultanément, il progressait de 12 % dans la zone euro et de plus de 60 % aux Etats-Unis. Si en 1998, l'investissement des entreprises est reparti et a gagné environ 6,5 %, le rythme de l'investissement industriel a baissé de moitié entre les deux semestres de 1998. Et les études qui ont paru sur le début de cette année tendent à démontrer que les chefs d'entreprise sont pour le moins prudents.

Après avoir décrit, avec modération je crois, la situation de nos partenaires européens, et constaté, toujours sans être excessif, une certaine forme de ralentissement de l'économie française, je crois qu'il faut maintenant nous interroger, comme l'ont d'ailleurs fait avant moi plusieurs orateurs, sur vos orientations.

Concernant le déficit, je ne vais pas dire grand-chose de plus que ce qu'a dit M. François d'Aubert tout à l'heure. Je suis néanmoins très frappé par l'argument qu'on nous jette régulièrement à la figure et qui frise la mauvaise foi. Car en matière de déficit, l'histoire de France ne commence pas le 16 mars 1993.

M onsieur le secrétaire d'Etat, souvenez-vous des chiffres, qui figurent dans le rapport que M. Bonnet et M. Nasse - cher à M. Dray - ont remis en 1993. En quatre ans, de 1993 à 1997, le déficit est passé de 6,4 % à 3,7 %. Cela correspond à une réduction de 2,7 %. Entre 1997 et 2000, cette réduction sera de 1,7 %. Objectivement, c'est bien. Comme M. Strauss-Kahn le disait d'ailleurs avant de quitter l'hémicycle, nous ne pouvons que nous en réjouir. De là à dire que c'est exceptionnel par rapport à ce qui a été fait pendant les quatre années précédentes, très franchement, je ne le pense pas ! Objectivement, puisque c'était le mot consensuel, nous devons tous nous réjouir des efforts qui ont été menés par les premiers et poursuivis par les seconds. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas rendre à César ce qui lui appartient ! Quoi qu'il en soit, et c'était ma première observation, l es déficits se réduisent plutôt plus lentement qu'auparavant.

Concernant la dépense publique, il faut bien constater que son ratio stagne dans notre pays, alors qu'il a baissé dans vingt et un des vingt-cinq pays de l'OCDE. La France maintient un écart de plus de cinq points par rapport à la moyenne européenne. Cinq points en plus, ce n'est pas négligeable.

La corrélation est tout à fait évidente entre le montant de la dépense publique dans le PIB et le taux de chômage. Tous les chiffres le démontrent. Aux USA, les pourcentages sont respectivement de 30,9 % et de 4,6 % ; en Allemagne, de 47,1 % et 11,2 % ; en France, de 54 % et 11,8 %. En France, et je réponds indirectement aux propos de M. Strauss-Kahn, le ratio « dépenses publiques sur PIB » démontre clairement qu'en réduisant la dépense publique, on obtient des résultats en matière de chômage.

La structure de la dépense publique évolue dans une mauvaise direction pour notre économie. Cela ne vient pas de nous. C'est écrit en toutes lettres dans le rapport de la Cour des comptes : la part des dépenses de personnel ne cesse de progresser. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais dit en quoi les collectivités territoriales sont indirectement concernées. Celles-ci doivent faire face à une augmentation des dépenses de personnel qui sont décidées au niveau de l'Etat ; toutes les communes à flux t endu, c'est le cas de la mienne, dans l'Essonne, connaissent cette situation.

On ne peut que s'inquiéter de la diminution des dépenses d'investissement par rapport à ces dépenses de fonctionnement. Au demeurant, selon le rapport de la C our des comptes, ce déplacement de l'ordre de 2,5 points entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses de capital correspond, grosso modo, à 42 milliards de francs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais souhaité développer un peu plus mon propos, mais...

M. le président.

Votre temps de parole étant écoulé, il vous faut maintenant conclure !

M. Georges Tron.

Oui, mais j'aurais aimé pouvoir donner quelques pistes, à partir de ce qu'on peut trouver chez nos partenaires étrangers, en particulier en GrandeBretagne, comme source d'économies. Je n'ai pas le temps de le faire. Je terminerai donc sur les prélèvements obligatoires.

Quelles que soient les affirmations que nous avons entendues jusqu'à présent de la part des différents ministres, il faut dire les choses clairement. C'est la troisième fois que vous nous dites que les prélèvements obligatoires vont baisser, et la troisième fois que l'on constate qu'il n'en est rien.

Les prélèvements obligatoires, c'est un dénominateur et un numérateur. Le numérateur augmente un petit peu, mais il augmente. Le dénominateur augmente un petit peu plus, mais il augmente également. Ainsi, les impôts augmentent un petit peu, la richesse augmente un petit peu plus, et on assiste à la stabilisation des prélèvements obligatoires.

On ne doit pas pour autant se contenter de cette situation. Et nous sommes tous très sceptiques sur la façon dont vous pourrez tenir l'année prochaine le pari que vous avez pris devant nous.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la réduction des charges sociales n'est pas qu'un anathème lancé par l'opposition, n'en déplaise à certains orateurs de la majorité. Cette réduction des charges sociales, sur les bas salaires en particulier, aurait dû être financée autrement que par de nouvelles formes d'imposition. Tous les rapports, en parti-


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culier le rapport Malinvaud publié l'été dernier, le démontrent. Je regrette que ce ne soit pas plus clairement indiqué dans votre projet d'orientation budgétaire.

La réduction des différents taux de TVA peut concerner des secteurs très sensibles, dont l'un d'entre eux me tient à coeur : celui de la restauration, de la restauration rapide en particulier. Cette réduction serait d'autant plus importante que la concurrence étrangère s'est aujourd'hui avivée. Elle se traduit en termes d'emplois, dans des régions aussi diverses que le Nord ou que la région Ilede-France, par des déficits majeurs.

M. le président.

Monsieur Tron, je vous incite à conclure. Si votre dérive continue, nous serons encore ici à cinq heures du matin !

M. Georges Tron.

Comme nous serons là de toute façon au moins jusqu'à trois heures...

Je terminerai donc en évoquant deux points.

Premièrement pour la dépense publique, on est obligé de constater qu'il y a, malgré tout ce qui nous est indiqué, une dérive.

Deuxièmement, en ce qui concerne les prélèvements obligatoires, on constate que pour la troisième fois consécutive, vous nous annoncez qu'ils vont diminuer et ils ne diminuent pas.

En conséquence de quoi, vous comprendrez que cette année, comme les années précédentes, sans agressivité mais simplement avec scepticisme, nous vous interrogions pour savoir de quelle façon vous comptez corriger ces dérives qui sont inquiétantes pour notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, notre débat n'a pas pour fonction d'inaugurer la procédure budgétaire, mais d'évoquer les priorités dans l'utilisation de la richesse nationale.

Notre économie, heureusement, a retrouvé des marges de manoeuvre : pour la première fois depuis longtemps, le budget présente un excédent primaire de l'ordre de 20 milliards de francs. Si ce dernier point relève de la réalité comptable, l'utilisation des fruits de la croissance est affaire de choix politique. Monsieur le secrétaire d'Etat, je le souhaite et je le crois, il faut prendre du recul avec le pacte de stabilité.

M. Julien Dray.

Exact !

M. Georges Sarre.

Je distinguerai deux points. D'une part, c'est grâce à une politique économique habile et plus sociale qu'il y a un mieux. D'autre part, nous commettrions une erreur en ne rompant pas avec l'orthodoxie monétariste et budgétaire qui a nourri la souffrance sociale.

M. Julien Dray.

Encore exact !

M. Georges Sarre.

Cela doit inspirer la prochaine loi de finances. La réorientation de la politique économique, qui a renoué depuis deux ans avec le volontarisme, rencontre des signes de redémarrage, qu'elle a su accompagner. Selon l'INSEE, le moral des ménages, moteur de la demande, a rompu avec le pessimisme. La relance liée aux exportations s'accompagne d'une relative baisse du chômage. Des mesures comme le dispositif emplois-jeunes, par exemple, sont venues conforter ce dynamisme. Hélas ! Ce constat ne suffit pas quand 11,5 % de notre population active demeurent sans emploi.

Si la croissance dépasse le taux de 2,2 %, la question centrale, monsieur le secrétaire d'Etat, sera de savoir à qui iront les recettes supplémentaires. Nous pensons qu'elles devraient aller en priorité à ceux qui en ont le plus besoin : les gens modestes, les retraités, les jeunes en difficulté, pour qu'ils puissent vivre et consommer.

La réduction du chômage demeure l'essentiel. Nos concitoyens exigent aussi la sécurité. Il faut également investir dans la recherche, les universités, la technologie.

Il ne faut pas oublier, enfin, le rayonnement de la France dans le monde.

C'est pourquoi la stabilisation des effectifs de la fonction publique - il n'y aura pas de recrutements de fonctionnaires cette année - ne peut être érigée en absolu. Il faudra recruter des fonctionnaires là où ce sera nécessaire, notamment en faveur de l'éducation nationale, de la police, des hôpitaux.

Il y a deux ans, les Français ont sanctionné une politique qui avait tout sacrifié au carcan des critères de Maastricht, aggravés par les dispositions du pacte de stabilité. Aujourd'hui, le soutien apporté au gouvernement de Lionel Jospin est une réalité. Le raisonnement qui doit prévaloir en matière budgétaire consiste à conditionner tout engagement dans ce domaine à un engagement sur la croissance.

C'est pourquoi l'initiative du Gouvernement d'inscrire des engagements chiffrés dans le pacte européen pour l'emploi, au récent sommet de Cologne, allait dans le bon sens. Malheureusement, nos propositions n'ont pas eu d'écho. L'orthodoxie libérale européenne ne doit pas faire oublier qu'aux Etats-Unis l'excédent budgétaire est actuellement le fruit de la croissance, à rebours de la constante qui fut celle des années 90 en Europe, à savoir la chasse à la dépense publique. Quant aux déficits, nul ne conteste qu'ils doivent être contenus, c'est-à-dire qu'ils ne doivent être ni réduits à n'importe quel prix, ni bien sûr aggravés.

La prochaine loi de finances sera l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner un souffle supplémentaire à votre politique économique. Il faut encourager la demande intérieure et rééquilibrer le partage de la richesse nationale dans un sens plus favorable aux ménages. Le Gouvernement auquel vous appartenez a été le premier depuis longtemps à prendre des mesures fiscales non défavorables aux ménages ; il est nécessaire d'accélérer et de renforcer concrètement cette tendance.

La poursuite de l'objectif de justice fiscale impose de demeurer vigilant quant au rapport entre la taxation de l'épargne et celle des revenus du travail. Il est particulièrement important que la fiscalité des produits destinés à la grosse épargne empêche les abus les plus flagrants.

Une décision doit être prise en faveur de la réduction de la TVA sur des activités à forte densité de maind'oeuvre et sur les biens de consommation. Plus généralement, une initiative s'impose pour remettre en cause le système de taxation à la valeur ajoutée pour les biens et services de proximité. Maintenir une réglementation de niveau européen sur des activités à forte densité de maind'oeuvre qui échappent totalement à la concurrence entre pays de l'Union européenne est une absurdité.

En ce qui concerne la fiscalité locale, avec mes collègues députés du Mouvement des citoyens, nous sommes favorables à la sortie totale du facteur travail de l'assiette de la taxe professionnelle. Cela ne signifie pas, d'ailleurs, que nous soyons favorables à une baisse en volume des recettes de la taxe professionnelle. L'assiette de la taxe professionnelle doit inclure la valeur ajoutée produite par


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l'entreprise. En ce qui concerne la taxe d'habitation, la réactualisation des bases locatives doit être menée à bien : je vous l'avais déjà dit l'an dernier.

Le Mouvement des citoyens sera vigilant en ce qui concerne les avantages fiscaux des régimes des dirigeants d'entreprise. Si l'encouragement à la prise de risques et à l'innovation est une bonne chose dans son principe, il faut prendre garde aux dérives possibles. En particulier, la conjonction des stock-options avec les effets de la loi portant DDOEF de juillet 1998, qui autorise le rachat par une entreprise de ses propres actions, aboutit, je le crois, à un dévoiement du système.

La prise en compte de l'environnement dans la fiscalité constitue le fondement d'une taxe sur les industries polluantes dont il faudra, bien sûr, définir les modalités.

Enfin, face à la mondialisation libérale, à la menace permanente de déstabilisation des économies due aux mouvements erratiques de capitaux à court terme en quête de profit maximum, il faut rechercher, dans le cadre de l'Union, une position commune pour créer une taxe sur les mouvements de capitaux, que certains appellent « taxe Tobin ». Si cela s'avérait impossible, je crois, je vous le dis comme je le pense, qu'il faudrait donner, dans notre pays, le coup d'envoi pour qu'une initiative soit prise de façon que nos partenaires de l'Union - c'est notre pré carré naturel en ce domaine fassent en sorte que la réflexion sur ce sujet se débloque.

Ces orientations, monsieur le secrétaire d'Etat, doivent nous permettre d'élaborer le prochain budget selon le double impératif de la croissance et de la justice sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Hériaud.

M. Pierre Hériaud.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous retrouvons, ce soir, pour un débat sans vote sur les orientations budgétaires de notre pays à l'aube de l'an 2000. Ce débat est nécessaire.

C'est l'occasion de mesurer le chemin parcouru par rapport aux prévisions et, en corrigeant éventuellement le tir en fonction des situations constatées, de procéder aux inflexions souhaitables.

C'est là, et c'est normal, que se situent les divergences d'appréciation.

Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, présenté avec Dominique Strauss-Kahn, au mois de mai dernier, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques et, tout récemment, le rapport pour le débat d'orientation budgétaire.

Au terme d'une année 1998 particulièrement favorable avec 3,2 % de croissance et 0,7 % d'inflation, l'évolution en francs courants en 1998 par rapport au PIB de 1997 a représenté une marge de manoeuvre nette pour l'Etat, dans la part qui lui revient, de 62 milliards de francs.

Malgré l'autosatisfaction du Gouvernement et sa tendance à s'approprier des résultats qui sont loin de ne dépendre que de lui, on doit souligner que la conjoncture favorable cache une certaine dégradation des finances publiques. C'est le rôle de ce débat d'orientation budgétaire que de débusquer les réalités cachées derrière une présentation trop triomphante.

Il faut, pour cela, distinguer les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissements civiles et militaires. Les dépenses de fonctionnement, qui avaient déjà progressé en 1997, ont augmenté de 4,54 % en 1998. A l'inverse, les dépenses d'investissement civiles et militaires ont diminué de 5,25 % en 1998 après une régression de 5,95 % en 1997.

En résumé, la chute de l'investissement, c'est-à-dire l'absence de préparation de l'avenir, est considérée comme indispensable pour masquer, dans le budget général, l'évolution d'une dépense publique mal maîtrisée.

Cela permet d'afficher des dépenses nettes de l'année qui n'évoluent que de 1,1 % en 1998, alors que les dépenses civiles de fonctionnement augmentent de 3,7 %, c'est-àdire 0,5 point de plus que la croissance du PIB en volume, avec notamment une progression de 3,8 % pour les charges sociales, de 4,1 % pour les pensions de la fonction publique et de 11,4 % pour les subventions de fonctionnement. Les dépenses civiles de fonctionnement, qui avaient évolué de 2,3 % en 1997, ont donc évolué de 3,7 % en 1998, sans qu'il soit possible d'évoquer une quelconque impéritie antérieure.

J'en viens au rôle majeur que jouent les collectivités locales dans l'économie nationale.

Au 1er janvier 1998, les conditions des critères de Maastricht n'ont été remplies que grâce à une capacité de financement des collectivités locales qui, avec 17 milliards, ont concouru pour 0,2 point du PIB à la réduction du déficit. En 1998, ce chiffre est passé à 28 milliards et le même concours de 0,3 point est prévu pour 1999.

Mais cela ne pourra être obtenu que par la maîtrise des charges, la modération de la pression fiscale et le désendettement qui constituent les axes majeurs de la politique des collectivités locales depuis plusieurs années. Cela ne les empêche pas, bien au contraire, d'investir quelque 160 milliards chaque année, soit près de 70 % de l'investissement total des administrations publiques, les seules communes investissant trois fois plus que l'Etat pour les investissements civils et l'aménagement du territoire.

Depuis vingt-cinq ans, l'endettement des collectivités locales est resté stable, autour de 10 % du PIB, tandis que celui de l'Etat s'est envolé, passant de 20 % à 60 %.

Les collectivités locales ont le contrôle local de leurs dépenses et de la pression fiscale, et l'obligation d'avoir un solde primaire excédentaire, ce qu'elles réalisent effectivement chaque année.

L'Etat, qui apparaît bien loin de ces préoccupations, ferait pourtant bien de s'en inspirer, en favorisant la décentralisation qu'attendent les citoyens et qui est souvent beaucoup plus efficace que la centralisation au strict plan de l'économie. L'activité forte du secteur du bâtiment et des travaux publics en 1998 en découle très directement et cela crée des emplois productifs, quand on sait que près de 80 % des investissements des collectivités locales sont réalisés par le BTP.

Nous voulons espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre Gouvernement entendra enfin les remarques que nous formulons et que l'axe prioritaire de la maîtrise de la dépense publique sera enfin retenu, en faisant le choix d'une dépense publique utile et en rejetant toute dépense inefficace et ruineuse à court et à moyen terme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, la sortie du pacte de stabilité financière en 1999 et le débat budgétaire pour


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cette même année ont été l'occasion, à travers le contrat de croissance et de solidarité, de réformes dont il nous faut aujourd'hui mesurer les effets.

Ce nouveau contrat permet aux collectivités locales, à l'origine des trois quarts des investissements civils, sans compter les emplois qu'elles génèrent et ceux qu'elles assument, de recueillir une part des fruits de la croissance.

L'enveloppe normée que vous avez annoncée à la hausse, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de la réunion de la commission des finances qui s'est tenue hier, devrait de nouveau subir l'impact d'une régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement en l'an 2000.

D'un montant estimé, selon nous, à un peu plus de un milliard de francs, cette baisse serait d'autant plus durement ressentie qu'elle s'appliquerait à un montant de dotation évoluant peu, du fait de la réduction de l'inflation et du ralentissement de la croissance. Si tel était le cas, la stagnation des concours de l'Etat aurait, à l'évidence, des répercussions sur l'équilibre des budgets et pourrait conduire à une hausse de la fiscalité, dont pâtiraient immanquablement, au final, les ménages, du fait notamment de la réforme de la taxe professionnelle.

Cette réforme modifie en effet en profondeur la fiscalité locale. Nous sommes loin, vous le savez, d'être hostiles à la disparition progressive de la part salaires dans les bases de calcul de la taxe professionnelle, tant il est vrai que l'on ne peut souhaiter la baisse du chômage et continuer de privilégier la taxation de l'emploi. Plus une entreprise embauche, plus son prélèvement augmente : il fallait mettre fin à cette absurdité.

Nous avions néanmoins fait part, lors de la discussion de la loi de finances pour 1999, de nos inquiétudes quant aux effets de la mesure sur l'emploi et sur la pérennité de la taxe professionnelle comme impôt local. Un rapport d'étape doit analyser, avant octobre 1999, les conséquences de la réforme, tant pour l'emploi que pour les entreprises, les collectivités locales et l'Etat. A ce titre, nous vous serions reconnaissants, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous confirmer l'élaboration de ce document et sa date de diffusion.

Aujourd'hui encore, cette réforme continue de susciter critiques et inquiétudes.

Dans de nombreuses communes, la taxe professionnelle sera uniquement assise sur l'investissement. De ce fait, la progression des bases sera sensiblement ralentie non seulement en taux, mais aussi en volume.

Indexée sur la dotation globale de fonctionnement, la compensation de la part salaires de la taxe professionnelle risque d'augmenter faiblement.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. Daniel Feurtet.

Il conviendrait pour le moins que le taux d'indexation retenu soit le taux d'indexation théorique-prix plus moitié de la croissance - et non le taux de progression réel après régularisation.

Le coût de cette compensation financière ne sera, par ailleurs, que partiellement supporté par l'Etat, puisque celui-ci perçoit le produit de la cotisation de la taxe professionnelle ainsi que celui de la cotisation valeur ajoutée.

Nous avions d'ailleurs demandé, l'an passé, que le produit de ces cotisations soit affecté au financement de la péréquation.

A nos yeux, beaucoup de chemin reste donc à parcourir pour faire bénéficier les collectivités locales d'un véritable pacte de croissance et de solidarité.

Il est plus que jamais nécessaire de réalimenter la taxe professionnelle. En ce sens, le groupe communiste et apparentés préconise la prise en compte des actifs financiers, c'est-à-dire le stock d'argent placé par les entreprises : titres du marché monétaire, obligations et actions.

Vous me permettrez de citer une nouvelle fois le président de l'Association des maires de France, Jean-Paul Delevoye, que nous connaissons tous.

M. Michel Bouvard.

Bonne référence !

M. Daniel Feurtet.

Voilà deux ans, il déclarait :

« L'asphyxie financière résulte aussi du fait que lorsque notre économie était rurale, la richesse était foncière, la fiscalité aussi. Quand notre économie est devenue industrielle, la richesse était fondée sur la production et la fiscalité, sur le travail et le capital. L'économie est devenue principalement une économie de services, et la richesse essentielle est aujourd'hui financière. Or elle se trouve sous-fiscalisée. »

M. Michel Bouvard.

Exactement !

M. Daniel Feurtet.

Selon le rapport sur les comptes de la nation, les actifs financiers représentaient 26 000 milliards de francs en 1997, alors qu'ils n'étaient que de 272 milliards en 1970. Au siège d'Alcatel, par exemple, les vingt-cinq salariés et les 2 millions de francs de machines n'échappent pas à la taxation, ce qui n'est pas le cas des 81 milliards de francs de placements financiers dont dispose l'entreprise.

En taxant les actifs, même à un taux faible de 0,3 %, le rendement annuel est estimé aujourd'hui à 78 milliards de francs.

Ainsi conçue, cette transformation permettrait la prise en compte des difficultés spécifiques des PMI et PME, ainsi que des inégalités de taxe professionnelle entre les différents secteurs économiques. On donnerait ainsi un signe fort aux entreprises qui font le choix de la croissance réelle, de la production et de l'emploi.

Ainsi conçue, cette taxation des actifs présenterait aussi l'avantage, non pas de prendre à l'un pour donner à l'autre, dans une logique exclusive de mise en compétition des hommes et des territoires, mais de dégager des recettes fiscales supplémentaires susceptibles, par exemple, d'alimenter un fonds national de péréquation au bénéfice des collectivités locales, redistribué selon des priorités sociales. C'est une dimension indispensable à un aménagement du territoire plus harmonieux.

Cette mesure, préconisée par de nombreux parlementaires de sensibilités différentes conforterait, en effet, la solidarité et la lutte contre les déséquilibres entre collectivités locales. Elle serait un élément de régulation des comportements spéculatifs et allégerait la contribution de l'Etat.

Ramener cet argent vers les budgets locaux, par des péréquations audacieuses, constitue à nos yeux un geste de justice sociale, et en définitive de solidarité.

Les autres taxes locales, comme par définition toute taxe votée par une assemblée locale, connaissent elles aussi des distorsions de taux. Je pense en particulier à la vignette automobile, qui n'est pas la même dans tous les départements, et à la taxe d'habitation également, différente d'une commune à l'autre.

La taxe d'habitation, justement, est assise pour l'essentiel sur les bases cadastrales de 1970, qui intègrent comme biens de luxe des équipements devenus désormais


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courants. Cette valeur ne repose plus sur aucune réalité économique : elle ne reflète ni la richesse, ni le revenu du contribuable.

M. Michel Bouvard.

C'est certain !

M. Daniel Feurtet.

Les bases cadastrales locatives ont certes été révisées il y a plus d'une dizaine d'années - et j'ai moi-même participé à cette révision -, mais, à ce jour, elle n'est toujours pas prise en compte dans l'assiette de la taxe d'habitation.

Cependant, pour une plus grande justice fiscale, il est aussi impératif de réformer cet impôt en l'asseyant sur les revenus : revenus du capital et du travail, revenus transférés.

Confrontés à une distorsion trop grande entre leurs moyens et leurs besoins, les élus locaux continuent à faire face à de nombreuses difficultés financières. Ils développent plus de rigueur dans leur gestion et recherchent dans la coopération la mise en commun de moyens pour plus d'efficacité.

Nous souhaitons que les collectivités locales disposent de moyens financiers supplémentaires correspondant à l'extension du champ de leurs compétences, aux nombreuses coopérations qu'elles souhaitent développer, au rôle qu'elles peuvent jouer pour contribuer à la relance de la consommation et de l'investissement en faveur de l'emploi.

De plus en plus de voix s'élèvent pour préconiser des baisses ciblées de TVA. Ne pourrait-on également explorer quelques pistes au sein des collectivités territoriales ? Il nous paraît aussi nécessaire que toute liberté puisse leur être laissée, ainsi qu'à leurs structures de coopération i ntercommunale, pour déterminer indépendamment chaque taux d'imposition appliqué aux quatres taxes locales. Une première étape, prouvant le bien-fondé de notre proposition, a d'ailleurs été franchie par l'article 52 du projet de loi relatif à l'intercommunalité, dont notre Assemblée a débattu il y a quelques semaines.

D onner aux collectivités locales la possibilité de contracter des prêts bonifiés leur permettrait d'opérer des investissements de longue durée, actuellement trop lourds à supporter.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Daniel Feurtet.

Je pense notamment aux travaux d'adduction d'eau et d'assainissement, ou à l'élimination des déchets, activités qu'il est nécessaire de mettre aux normes pour une meilleure protection de l'environnement, mais pour lesquelles les collectivités doivent disposer des crédits nécessaires.

Un des moyens est aussi le rétablissement de la dotation globale d'équipement pour les communes de plus de 20 000 habitants. Il faut y ajouter le versement de la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste, qui revient de droit aux collectivités locales et qui permettrait de faire respecter les règles de la concurrence avec tous les opérateurs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, le contrat de croissance et de solidarité doit instaurer des relations stables entre l'Etat et les collectivités locales, et entre les collectivités elles-mêmes. Il doit leur donner les moyens de faire face aux grands défis économiques, sociaux et institutionnels qu'elles ont à affronter à l'aube du nouveau millénaire, à l'heure de l'euro et de l'élargissement de l'Union.

Originalité du paysage constitutionnel français, les communes, départements et régions doivent trouver toute leur place dans ce nouvel édifice que l'on souhaite en faveur de l'emploi et de la justice sociale, et pour lequel la France a une voix singulière à faire entendre, notamment par le biais de sa présidence au Conseil européen à partir de juillet 2000.

C'est dans cet esprit que nous comptons nous impliquer dans ce débat d'orientation budgétaire afin que la loi de finances pour 2000 respecte le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales et réponde aux attentes, très fortes, des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux d'abord rendre hommage au Gouvernement. En effet, l'idée d'organiser à la fin du printemps un débat d'orientation budgétaire est excellente. Pendant plus de vingt ans, j'ai participé à des discussions budgétaires en commission qui venaient trop tard : à la fin du mois de septembre, on ne peut plus revenir sur des options prises depuis plusieurs semaines et déjà imprimées dans les documents budgétaires.

Toutefois, j'ajouterai un bémol à ce que je viens de dire : j'aurais souhaité qu'on organisât un débat de bonne foi, un débat fair play.

Tel n'est pas le cas, malheureusement.

Cet après-midi, en effet, M. le ministre de l'économie et des finances nous a présenté, certes avec beaucoup de talent, « son » débat d'orientation budgétaire. Je vais résumer son propos : le gouvernement socialiste a tenu les promesses qui avaient été faites, et il est même allé audelà, la croissance est au rendez-vous, les impôts baissent, le peuple des travailleurs est heureux. Bref, tout va bien !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Eh oui, cela va mieux avec nous qu'avec vous !

M. Gilbert Gantier.

On se demande bien quelle critique on pourrait lui adresser ! Or cette autoglorification ne me paraît pas justifiée. Monsieur le secrétaire d'Etat, il va me falloir faire quelques mises au point.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous êtes pessimiste !

M. Gilbert Gantier.

Au lieu de débattre positivement sur des options économiques et financières, il nous faut rétablir un certain nombre de vérités.

Il n'est malheureusement pas exact - et je le déplore que l'économie française se porte parfaitement bien.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle se porte mieux !

M. Gilbert Gantier.

Ainsi, selon le classement de l'IMD, la grande école de management de Lausanne, la France se situe au 21e rang pour la compétitivité, très loin derrière les Etats-Unis, la Finlande, les Pays-Bas ou l'Allemagne. Voilà qui n'est pas sans importance !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'était la même chose sous Juppé et Balladur !

M. Gilbert Gantier.

Certes, il y en a d'autres moins compétitifs que le nôtre, mais ils ne sont pas nombreux et ce ne sont pas de grands pays industriels.

Il n'est pas exact non plus de prétendre que la situation de l'emploi est bonne. Avec un taux de chômage de 11,5 %, la France figure même parmi les plus mauvais


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élèves de l'OCDE. Les Etats-Unis, bien sûr, connaissent une situation de plein-emploi depuis plusieurs années, mais aussi les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Danemark obtiennent des résultats bien meilleurs que les nôtres. En outre, tous ces pays n'ont pas acheté à crédit la baisse de leur taux de chômage en créant, comme vous l'avez fait, des emplois publics. Et je ne parle pas des 196 000 emplois-jeunes qui ont permis d'abaisser de manière artificielle les statistiques de l'ANPE.

M. Gérard Fuchs.

Allez demander aux jeunes ce qu'ils en pensent !

M. Gilbert Gantier.

A entendre le ministre cet aprèsmidi, la France socialiste constituerait un modèle économique et financier pour le monde entier. Or, selon une étude de l'OCDE, le niveau de vie par habitant est, dans notre pays, inférieur de 40 % à celui des Américains.

Selon les mêmes statistiques, la France se situe au 14e rang pour le pouvoir d'achat, loin derrière le Luxembourg, les

Etats-Unis, la Norvège, le Danemark ou l'Autriche. Les emplois-jeunes et la croissance créent un effet d'optique qui cessera dès que la conjoncture sera moins bonne et dès qu'il faudra payer les lourdes factures que la majorité signe à travers l'adoption de dispositions démagogiques comme les 35 heures.

En effet, la réduction du temps de travail est d'ores et déjà - tous les économistes sérieux le savent - un triple échec.

D'abord, un échec pour l'emploi. Moins de 57 000 emplois ont été créés ou sauvegardés en un an - on en attendait beaucoup plus.

Ensuite, un échec social. Les négociations pour l'application des 35 heures provoquent un nombre important de grèves. En effet, j'ai appris tout à l'heure à la radio que Air France serait en grève demain, à cause des discussions sur la réduction du temps de travail. Magnifique résultat ! Enfin, un échec pour les finances publiques. Le Gouvernement de Lionel Jospin s'était engagé à ce que les 35 heures soient une opération blanche pour le budget de l'Etat. Or, moins d'un an après l'adoption de la loi, il apparaît que la facture pourrait dépasser 100 milliards de francs. Pour faire accepter les 35 heures à EDF, le Gouvernement a dû, ainsi, accorder une subvention de 500 millions de francs à l'entreprise publique.

Pris au dépourvu par le coût des 35 heures, vous avez décidé la création de nouveaux impôts : écotaxe, contribution sur les bénéfices des entreprises.

Le Gouvernement est obligé d'inventer une véritable usine à gaz. D'ici à quelques mois, les entreprises devront ainsi faire face à une double durée légale du travail, à un double SMIC, à un double régime des charges et à un double système d'heures supplémentaires. Le code du travail était déjà largement illisible. Grâce à vous, il le ser a bien plus encore.

Le Gouvernement prétend avoir baissé les prélèvements obligatoires depuis 1997. Or c'est faux et vous le savez aussi bien que moi, monsieur le secrétaire d'Etat. En valeur relative, et cela malgré la croissance, ils sont restés stables. En valeur absolue, ils ont augmenté de plus de 60 milliards de francs ces dernières années.

En deux ans, le bilan est sans appel. Le Gouvernement a augmenté la CSG, la fiscalité de l'épargne, qui est l'une des plus lourdes en Europe, la TIPP, les impôts sur le patrimoine, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.

Du fait de ce matraquage fiscal, les jeunes diplômés et souvent les meilleurs d'entre eux émigrent aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Il est dit - mais je n'ai pas eu le moyen de le vérifier - que 350 milliards de francs auraient quitté la France, entraînant des destructions d'emplois et d'importantes moins-values fiscales.

M. Alain Barrau.

L'esprit de Coblence revient !

M. Gilbert Gantier.

Dans le rapport qui nous a été soumis, vous avez aussi une fâcheuse tendance à réécrire l'histoire économique et budgétaire à votre profit. Je ne vais pas reprendre ces différents thèmes car tel n'est pas mon propos. Je me bornerai simplement à appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la récente déclaration de Tony Blair et de Gerhard Schro der. Une fois de plus, le parti socialiste français rate le train de la modernité pour s'enfoncer dans le dogmatisme et dans l'archaïsme.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Je ne sais pas qui a raté le train ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Barrau.

C'est vous qui retardez, monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier.

Ce manifeste germano-britannique que vous ne voulez pas signer traduit l'isolement du gouvernement français sur la scène européenne. Par dogmatisme et archaïsme, vous êtes responsables de la constit ution d'un axe germano-britannique qui risque d'amoindrir la position économique de la France.

Pour l'établissement du budget 2000, puisque c'est l'objet de notre débat aujourd'hui, même si hélas ! il a avorté pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, vous devriez vous inspirer de ce manifeste au lieu de vous glorifier de succès qui n'en sont pas. Il est à craindre, malheureusement, que ce budget ne soit qu'une terne réplique du précédent.

Le budget 2000 ne comportera pas de réelles baisses d'impôts et encore moins de réforme fiscale. Contrairement aux engagements que vous avez pris en 1997, le taux normal de TVA ne sera pas réduit. L'impôt sur le revenu qui pénalise l'initiative ne sera pas réformé. Et il en ira de même des finances locales.

Par ailleurs, notre système de recouvrement des impôts demeurera - je l'ai dit dans un autre débat - un des plus chers de l'OCDE. Pour prélever la même somme, il faut dépenser trois fois plus d'argent en France qu'aux EtatsUnis, en Suède ou peut-être même en Espagne.

Contrairement aux idées reçues, les Français sont favorables aux fonds de pension et aux stock-options. Tous les sondages l'attestent. Néanmoins, le ministre n'a rien dit à ce sujet.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous comprendrez que dans ces conditions, je ne peux approuver les orientations, très vagues d'ailleurs, que vous nous avez présentées.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Fuchs.

M. Gérard Fuchs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne reviendrai que très rapidement sur les orientations budgétaires que vous nous avez présentées. Ces orientations, je les ai défendues lors de la campagne électorale du printemps 1997, vous les avez mises en oeuvre pendant deux ans et nous en récoltons aujourd'hui les fruits.

M. Michel Bouvard.

Tout va très bien, madame la marquise !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Gérard Fuchs.

Je voudrais simplement rappeler à l'opposition que nos choix reposent sur deux idées simples qui prennent à contre-pied leur pratique passée.

La première c'est qu'il n'y a pas d'investissement de la part des entreprises s'il n'y a pas de demande, d'où notre effort de soutien à la consommation. La seconde est que, tant qu'à relancer la demande, mieux vaut favoriser celle de ceux qui ont le moins. Sur la base de ces deux idées nous obtenons, d'une part, une politique de croissance et, d'autre part, une politique de gauche, ce que je trouve parfaitement satisfaisant.

Profitant de ce débat, je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, appeler votre attention sur trois questions, importantes à mes yeux pour la suite de la politique que nous conduisons ensemble depuis deux ans.

La première concerne l'Europe, dont il a été trop peu question à mon goût ce soir, même si le ministre de l'économie a rapidement abordé le point dans sa réponse tout à l'heure. Je reste convaincu que l'Union européenne pourrait jouer un rôle important en nous apportant davantage de croissance, si les politiques budgétaires de ses membres étaient, non pas simplement soumises à la surveillance mutuelle définie un peu frileusement par le traité de Maastricht, mais donnaient lieu véritablement à la coopération, également évoquée dans ce traité. Cette approche progresse-t-elle ? Que fait la France pour la favoriser ? S'agissant toujours du bon usage de l'Union européenne pour plus de croissance, je pense que le budget de l'Union pourrait être utilisé de façon plus dynamique qu'il ne l'est aujourd'hui, notamment dans le domaine des nouvelles technologies.

Mme Nicole Bricq.

Très juste !

M. Gérard Fuchs.

J'ai le sentiment qu'en matière de bio-technologie, d'informatique ou de politique de satellite, Agenda 2000 est passé un peu à côté du sujet. Nous nous sommes bornés à reconduire les politiques des décennies passées, sans lancer de politiques innovantes, l esquelles, pourtant, sont indispensables dans notre compétition avec les Etats-Unis. Cela peut signifier des transferts de lignes budgétaires des bugets nationaux vers le budget européen. Je suis prêt pour ma part à ce qu'une telle hypothèse soit envisagée.

Ma deuxième question concerne la CSG sur les petites retraites, et cela ne vous étonnera pas. Comme beaucoup de parlementaires, j'ai reçu dans ma permanence nombre de ces retraités qui touchent 3 000, 4 000, parfois 5 000 francs par mois au titre de leur retraite - ce sont souvent d'anciens agriculteurs, artisans ou commerçants -, de la location d'une maison ou d'un petit placement financier hors livret d'éparne. Or l'imposition à la CSG de ces retraités, souvent non imposables, a eu pour effet d'amputer de 10 % le pouvoir d'achat des compléments de leur retraite au sens habituel.

Je considère, quant à moi, qu'il y a là quelque chose qui n'est pas conforme aux orientations politiques, et surtout sociales, que nous entendons défendre. Comme vous le savez, la commission des finances a envisagé plusieurs solutions de plafonnement, de minima divers.

Comme l'Assemblée tout entière, je serais heureux que vous confirmiez que vous n'avez pas oublié de prendre en considération cette préoccupation dans la loi de finances.

Ma dernière question concerne la péréquation de la taxe professionnelle que vient d'évoquer Daniel Feurtet.

La disparition de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle, dont nous nous réjouissons tous, y compris aujourd'hui ceux qui ne l'ont pas votée, va faire diminuer sensiblement les ressources du Fonds national de péréquation. A l'évidence, cela va à l'encontre de nos objectifs de réduction des inégalités entre communes. Je considère, quant à moi, que le maintien en valeur réelle du produit des cotisations de péréquation doit être, à tout le moins, un objectif du Gouvernement. En tout cas, ce sera celui de notre assemblée.

Comment procéder ? Il y a différentes méthodes. La première consiste à modifier un peu la part qui va au Fonds de péréquation et celle qui va au budget général.

Mais d'autres solutions sont sans doute imaginables. J'aimerais au moins vous entendre dire que vous avez pleine conscience de ce problème. Peut-être même allez-vous nous indiquer que vous comptez, à tout le moins, maintenir à leur niveau actuel les recettes du Fonds de péréquation.

Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les trois questions précises que je voulais vous poser. Si vous nous apporter de bonnes réponses, ce dont je ne doute pas, nous aurons dans les années qui viennent à la fois encore plus de croissance et encore plus de justice sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vos orientations budgétaires sont claires et constantes : les impôts progressent, les dépenses ne sont pas maîtrisées et les déficits persistent.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Caricature !

M. Gilles Carrez.

La toile de fond, c'est « le dynamisme des recettes fiscales », pour reprendre votre expression.

Qu'en termes pudiques, ces choses-là sont dites ! C'est vrai, jamais les impôts n'ont autant rapporté.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Cette année la CSG va dépasser allègrement les 350 milliards de francs et devenir, ce faisant, un impôt impopulaire. On l'a déjà vu à l'automne dernier. L'impôt sur les sociétés rapportera plus de 200 milliards. La TVA se maintient malgré le trou d'air - soulagement du ministre ! - et l'impôt sur le revenu bat tous les records puisqu'on atteindra 320 milliards. On est bien loin de la baisse qu'avait votée, voilà maintenant trois ans, la précédente majorité.

Alors, bien sûr, face à une telle envolée des impôts, la part des prélèvements obligatoires par rapport au PIB augmente.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission Mais non ! Revoyez vos calculs !

M. Gilles Carrez.

On l'a constaté, cher président de la commission des finances, dans les statistiques Eurostat de 1997 et je prends avec vous le pari qu'on arrivera à la même conclusion à la fin de 1999.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous les perdez toujours vos paris !

M. Jean-Louis Idiart.

Le RPR devrait, en effet, se garder de parier !

M. Gilles Carrez.

C'est tout simplement parce que la totalité des recettes supplémentaires qui sont issues de la croissance ou des hausses d'impôts que vous avez décidées est consacrée, d'abord, aux dépenses, et, ensuite seulement, - comme je suis toujours objectif...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas toujours !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Gilles Carrez.

..., je le reconnais - à la réduction des déficits. Par contre, le surplus de recettes fiscales n'est en rien consacré à des baisses d'impôts.

En matière fiscale, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, je salue votre productivité ainsi que vos performances. Et d'abord, la performance des promesses non tenues, dont voici deux exemples.

L'impôt sur les sociétés, en premier lieu. A la fin de l'année 1997, vous avez fait voter par votre majorité une surtaxe provisoire.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. Gilles Carrez.

De 15 % en 1998, elle devait passer à 10 % en 1999, pour disparaître en 2000. Eh bien, cette surtaxe va être rétablie et de façon définitive.

M. Charles de Courson.

Comme d'habitude !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous n'avez rien compris !

M. Gilles Carrez.

Bien sûr, comme toujours, vous opérez un glissement sémantique. Ce n'est plus une surtaxe, cela devient une contribution sociale sur les bénéfices qui rapportera la bagatelle de 12 milliards.

M. Michel Bouvard.

C'est le recyclage !

M. Gilles Carrez.

Et vous avez l'audace de la présenter comme une contrepartie à la baisse du coût du travail par les cotisations patronales...

M. Jean-Louis Idiart.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

... qui, elle-même, doit compenser partiellement la hausse de 11 % liée aux 35 heures.

Mais je vous ferai remarquer, monsieur le secrétaire d'Etat, que, si toutes les entreprises vont payer, seules celles qui auront passé un accord sur les 35 heures bénéficieront des aides. Il s'agit donc, indiscutablement, d'un impôt supplémentaire,...

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Mais non !

M. Gilles Carrez.

... lequel va à rebours de ce que font nos partenaires européens.

Comme, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes maintenant un budgétaire avisé,...

Mme Nicole Bricq.

Maintenant !

M. Gilles Carrez.

... je trouve que vous jouez à l'apprenti sorcier en branchant, pour la première fois, si je puis me permettre cette image, un tuyau entre les bénéfices des entreprises et le gouffre sans fond de la sécurité sociale. Vous devriez méditer sur l'envolée de la CSG. J'en prends à témoin les entreprises. Ce sont elles qui ont véritablement, ce soir, de quoi s'inquiéter.

Le deuxième exemple est la TVA. Vous nous avez parlé de baisses ciblées. Nous les attendons toujours. Je ne parle pas de la baisse purement « cosmétiques » de 4 milliards de francs sur les abonnements EDF-GDF : elle n'est que de 10 francs par mois ! Je parle de choses sérieuses, c'est-à-dire de la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements.

M. Charles de Courson.

Elle a été décidée pour faire plaisir aux communistes !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est un bonbon pour M. Lefort !

M. Gilles Carrez.

Là, vous vous bornez à de la mise en scène. Après vous êtes livrés à des gesticulations à l'adresse du groupe socialiste et du groupe communiste...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Qui gesticule ici ?

M. Gilles Carrez.

... à la fin du mois dernier, au conseil ECOFIN, notre ministre a pris le profil bas. Je le soupçonne même de se laisser aller à écouter son collègue allemand qui ne veut pas entendre parler de cette directive.

M. Michel Bouvard en parlera tout à l'heure en termes certainement plus percutants.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Carrez, c'est un pur procès d'intention !

M. Gilles Carrez.

Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas un procès d'intention, c'est une réalité.

Nous n'avons pas abouti. L'examen de la directive a été repoussé. Vous nous aviez dit exactement le contraire.

Augustin Bonrepaux, Didier Migaud nous avaient dit le contraire en commission des finances, en début d'année.

Moi, je suis crédule, je crois à vos engagements. Or je constate que rien n'est fait.

Mes chers collègues des groupes de gauche, vous devriez vous remuer un peu !

M. Charles de Courson.

Bouge l'Europe !

M. Jean-Louis Idiart.

Nous vous attendions !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Carrez ?

M. Gilles Carrez.

Je vous en prie.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Carrez, je vous prie de m'excuser de vous interrompre mais je m'y vois contraint car vous portez des accusations qui sont totalement dépourvues de fondement. Nous aurons l'occasion d'en débattre lorsque nous discuterons de la TVA.

Nous nous sommes battus pour cette directive. Nous nous sommes battus au dernier ECOFIN pour qu'elle soit adoptée. Elle est repoussée.

M. Michel Bouvard.

Pourquoi ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous nous battons pour qu'elle soit examinée au prochain conseil économique et financier.

Vous êtes en train d'affabuler et c'est grave...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oui !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... car vous pourriez abuser des esprits qui ne connaîtraient pas votre habileté.

M. Raymond Douyère.

M. Carrez dit des contrevérités.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est indigne de lui !

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de faire remarquer que, le soir même de ce jour funeste, Lionel Jospin invitait Gerhard Schrder à une grande réunion à Paris. Alors, je ne comprends pas ! M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous vous déconsidérez par de tels propos !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous mélangez tout !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Jean-Louis Idiart.

Et M. Jacques Chirac qu'est-ce qu'il fait à part ramasser les débris ?

M. Gilles Carrez.

Après les promesses non tenues, monsieur le secétaire d'Etat, il y a l'absurdité fiscale. Elle est illustrée par ce nouvel impôt, que vous créez, encore un ! - l'écotaxe, qui fait que plus on va polluer, plus on a des chances de moins travailler.

Votre démarche est vraiment curieuse. Comme les 35 heures augmentent le coût du travail, il faut compenser cette hausse. Alors, vous inventez une aide spécifique pour réduire les coûts des salariés payés en dessous de 1,5 fois le SMIC. Mais le coût est élevé : 25 milliards de francs. Pour le financer, vous inventez, à côté de la contribution sur les bénéfices, l'écotaxe.

Mme Nicole Bricq.

Cela fait plus de dix ans qu'on en parle !

M. Gilles Carrez.

Comme vous savez que, dans nombre de cas, l'écotaxe ne va pas marcher, vous êtes en train de réfléchir à des exonérations.

Avec toutes ces taxes, ces aides spécifiques, ces allégements, ces exonérations, on a l'impression d'être en face du sapeur Camembert en train de creuser des trous pour en reboucher d'autres.

M. Jean-Louis Idiart.

Vous, vous savez en creuser, des trous, toujours plus profonds, mais vous ne les rebouchez jamais !

M. Gilles Carrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce florilège fiscal, je n'oublie pas le traquenard qui a consisté à faire payer deux fois le même impôt : je veux parler du droit au bail.

Mme Nicole Bricq.

Oh !

M. Charles de Courson.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Si vous faites flèche de tout bois fiscal, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est tout simplement parce que les dépenses augmentent rapidement.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous êtes vraiment à court d'arguments !

M. Gilles Carrez.

2,3 % avec une inflation à 0,5 %, cela nous fait 1,8 % en volume. C'est le record d'Europe.

M. Jean-Louis Idiart.

Il creuse les catacombres !

M. Jean-Claude Lefort.

D'habitude, M. Carrez est de bonne foi !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

M. Auberger, lui, a eu au moins l'obligeance de reconnaître que la situation s'améliorait !

M. Gilles Carrez.

Vous avez dit hier à la commission des finances que vous n'alliez pas opérer de gel de crédits.

Là aussi, mes chers collègues, nous assistons à un glissement sémantique. Il n'y aura pas de gel de crédits mais seulement des contrats de gestion avec les ministères dépensiers qui, parfaitement consentants, dans la plus parfaite harmonie, seront ravis de vous rendre des crédits.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous poser une question : comment allez-vous faire sur les crédits de dépenses de personnels, qui s'élèvent à 675 milliards de francs et représentent 42 % du budget et qui, eux, ont été calculés sur la base d'une inflation à 1,3 %, l'accord salarial Zuccarelli, ayant lui, été signé.

?

M. Charles de Courson.

Et il est non révisable !

M. Gilles Carrez.

Allez-vous demander aux fonctionnaires, en 2000, de rembourser le trop-perçu de votre générosité ou plutôt de votre imprévoyance ?

M. Michel Bouvard.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

Du point de vue des dépenses, monsieur le secrétaire d'Etat, l'année 2000 se présente très mal.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle se présente mal pour vous. Vous avez raison !

M. Gilles Carrez.

Vous allez avoir les effets en année pleine des accords salariaux, vous devrez faire avec le flou artistique des 35 heures et les promesses à Mme Voynet, les 350 000 emplois jeunes tourneront à plein régime et on ne sait pas très bien où vous allez.

M. Didier Migaud, rapporteur.

Vous disiez la même chose il y a deux ans !

M. Gilles Carrez.

Comme notre collègue Pierre Hériaud l'a excellemment dit tout à l'heure,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est vrai qu'il était meilleur !

M. Gilles Carrez.

... vous bénéficiez cette année des résultats de la croissance de 1998, qui a entraîné une forte progession des recettes fiscales.

Mme Nicole Bricq.

Vous l'avez contesté l'année dernière.

M. Gilles Carrez.

Pourtant, l'équilibre primaire n'est pas assuré. Je n'aurai pas l'arrogance de Dominique Strauss-Kahn de vous expliquer ce qu'est l'équilibre primaire.

M. Augustin Bonrepaux.

président de la commission.

Peut-être parce que vous ne l'avez pas bien compris !

M. Jean-Claude Lefort.

Il n'y a pas que l'équilibre primaire !

M. Gilles Carrez.

En 1998, déjà il n'était pas assuré.

En 1999, on va continuer d'emprunter, c'est-à-dire que la dette publique va continuer d'augmenter parce que le déficit est supérieur aux charges de la dette. Et je prends le pari que, en 2000, l'équilibre primaire ne sera toujours pas assuré.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ça, c'est une parole d'expert !

M. le président.

Il vous faut conclure, monsieur Carrez.

M. Michel Bouvard.

Ce qu'il dit est intéressant, monsieur le président.

M. Gilles Carrez.

Je vais conclure, monsieur le président.

Je me suis posé la question suivante : où le Gouvernement va-t-il pouvoir faire des économies ?

M. Charles de Courson.

Nulle part !

M. Gilles Carrez.

Je crois avoir trouvé. Mes chers collègues, c'est du côté des collectivités locales ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Michel Bouvard.

Eh oui, elles vont être plumées !

M. Jean-Louis Idiart.

Quel beau scénario !

M. Gilles Carrez.

Pour conclure, monsieur le président, j'évoquerai rapidement trois points.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

La dotation globale de fonctionnement, tout d'abord ! L'an prochain, avec la régularisation négative que vous nous préparez, - 1 milliard -...

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Auberger !

M. Gilles Carrez.

... elle n'augmentera que de 500 ou 600 millions, avec lesquels mes chers collègues, vous allez devoir payer 200 à 300 millions de francs sur l'intercommunalité et 1 milliard de francs sur les résultats du recensement...

M. Jean-Louis Idiart.

Oh !

M. Gilles Carrez.

... et vous allez devoir augmenter la DSU.

Je me trouvais ce matin au congrès des HLM avec Claude Bartolone.

M. Jean-Claude Lefort.

Il n'y a pas d'HLM dans votre ville !

M. Gilles Carrez.

Celui-ci a pris à témoin la salle et a assuré qu'il y aurait une forte augmentation de la DSU en 2000. Je lui ai conseillé de venir vous trouver, monsieur le secrétaire d'Etat. Il n'y aura pas d'augmentation de la DSU, ce n'est pas possible.

M. Jean-Jacques Jégou.

On nous aurait trompé ?

M. Gilles Carrez.

L'autre point, que je veux rapidement évoquer pour terminer, est la taxe professionnelle.

M. le ministre nous a dit hier - et je ne sais pas si ce soir il va maintenir ces propos - que la taxe professionnelle dans le budget 2000 de l'Etat ne va coûter que 2 milliards de francs. Cela veut dire que ce que vous donnez d'une main, vous le reprenez de l'autre aux collectivités locales.

Cher collègue Feurtet, vous aviez tout à fait raison de souligner le rapt, le vol caractérisé par l'Etat de la dotation de la cotisation de péréquation et de la cotisation nationale.

M. Jean-Louis Idiart.

Il n'a pas parlé de vol !

M. Michel Bouvard.

Il a tout compris, Feurtet !

M. Gilles Carrez.

C'est la même chose du côté des entreprises également.

Bref, à vous entendre, cela ne va coûter que 2 milliards à l'Etat. Bravo Bercy ! Bravo l'artiste !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Merci !

M. Gilles Carrez.

Le troisième et dernier point sur lequel je veux brièvement intervenir, madame Bricq, vous y êtes très attentive, c'est la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est horrible ! Je ne sais pas si l'on va pouvoir tenir !

M. Gilles Carrez.

Une taxe était affectée à l'ADEME.

L'Etat, profitant du changement de nom de la taxe - encore un glissement sémantique ! - se l'est approprié.

Résultat, l'ADEME est dépouillée et les élus locaux que nous sommes voyons du jour au lendemain les taux de subvention baisser de 38 %.

Mme Nicole Bricq.

Vous les aviez augmentés en 1997 ! Vous ne vous le rappelez pas ?

M. Gilles Carrez.

On ne peut plus financer, m adame Bricq, les équipements indispensables en matière, par exemple, d'élimination des ordures ménagères.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Voilà trois exemples très précis, monsieur le secrétaire d'Etat, de la manière dont l'Etat va traiter les collectivités locales dans le budget 2000.

M. le président.

Il vous faut maintenant conclure monsieur Carrez. Il n'y a pas de raison que vous soyez privilégié !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous attendons la conclusion !

M. Gilles Carrez.

Je conclus, monsieur le président.

Ces orientations budgétaires nous promettent plus d'impôts, plus de dépenses.

C'est un budget socialiste, mais un budget socialiste à la française,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ça, c'est vrai !

M. Jean-Louis Idiart.

Donc un budget qui gagne !

M. Gilles Carrez.

... qui tourne le dos à ce que font les Britanniques de Tony Blair ou les Allemands de Gerhard Schrder. Monsieur le secrétaire d'Etat, la vraie question, est celle-ci : est-ce que l'Europe, est-ce que le pacte de stabilité et de croissance fourniront en 2000 la corde de rappel à la raison pour les socialistes français ? En attendant la réponse à cette question, le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que désapprouver ces orientations budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Barrau.

Quelle surprise !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est un scoop !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Son intervention devrait être moins caricaturale !

M. Jean-Claude Lefort.

Il faut relever le Val-de-Marne, monsieur Jégou !

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire est normalement un moment privilégié...

M. Alain Barrau.

Il l'est, puisque vous parlez !

M. Charles de Courson.

Attendez la suite.

M. Jean-Jacques Jégou.

... pour exposer sa politique.

Je n'ai pas entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, pour le moment, que la vôtre soit marquée par de véritables orientations.

En revanche, j'ai remarqué avec intérêt et inquiétude non seulement la diversité des positions au sein de votre majorité, mais également les graves contradictions qui s'y révèlent.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oh !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Occupez-vous des vôtres !

M. Jean-Claude Lefort.

Il fait de la politique !

M. Jean-Jacques Jégou.

De Cochet à Cuvilliez, en passant par le président Bonrepaux, vous n'aurez pas trop de deux mois pour nous présenter votre projet de loi de finances pour l'an 2000.

M. Alain Barrau.

Voilà un argument osé !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Il vous faudra plus longtemps que cela pour reconstruire l'opposition !

M. Jean-Jacques Jégou.

Beaucoup de propositions contradictoires ont été faites cet après-midi.

Un point que personne ne contestera, c'est l'abondance des recettes qui dépasse même toutes vos espérances et qui vous permet, comme vous l'avez effectué tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État avec le ministre des finances, de faire vos gammes, non sans virtuosité d'ailleurs.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Merci !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne me prêterai donc pas, en moins de cinq minutes, à une querelle de chiffres ou de pourcentages sur le passé ou le présent, car la majorité, comme l'opposition, y compris vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sont à l'abri ni d'erreurs ni d'aigreurs, ce qui devrait nous rendre, les uns et les autres, un peu plus modestes.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Voilà un élan de sincérité. C'est très bien !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce qui intéresse les Français, c'est l'avenir et la capacité des politiques à leur indiquer la voie à suivre. Il s'agit de la nécessité de s'adapter aux exigences de la mondialisation, sans oublier que tous les Français ne marchent pas à la même cadence.

M. Jean-Louis Idiart.

Ça, c'est vrai.

M. Jean-Jacques Jégou.

Notre pays souffre de n'avoir pas accompli les réformes indispensables à sa modernisation et peine aujourd'hui face aux enjeux qui l'attendent : les dépenses de santé qui ne peuvent qu'augmenter avec l'allongement de la durée de vie ; le financement des retraites ; les régimes spéciaux ; les investissements civils ; la modernisation de nos administrations ; une véritable réforme fiscale ; toutes choses sans cesse différées au gré des calendriers électoraux si bien qu'elles sont remises au calendes grecques.

Sur ce plan, la majorité n'a pas à se vanter. Elle bénéficie surtout aujourd'hui de la reprise de la croissance, sans accomplir au fond ces réformes.

L es Français, monsieur le secrétaire d'Etat, sont capables d'accepter l'impôt de bonne grâce. Encore faut-il qu'ils soient persuadés que l'Etat et les collectivités locales dépensent utilement leur argent.

Dans les moments de vaches grasses,...

M. Michel Bouvard.

Les vaches aux hormones !

M. Jean-Jacques Jégou.

... les Français aimeraient cependant payer moins d'impôts de toute nature et les entreprises aimeraient être plus compétitives et dépenser leur énergie à autre chose qu'à chercher activement un lieu de délocalisation, même peu éloigné de la France, comme le Portugal ou l'Irlande.

Arrêtons-nous sur un phénomène qui n'est pas contestable : le manque d'entreprises dans notre pays, et particulièrement de PME suffisamment structurées. Travers culturel, me direz-vous ! Certes, mais pas seulement. A l'aube de l'an 2000, vous ne faites toujours pas ce qu'il faut pour changer l'environnement social et fiscal afin qu'il soit mieux adapté à la création et au développement d'entreprises. Elles nous font toujours défaut.

Après les errements de 1981-1982, vous aviez pourtant pris un virage à 180 degrés en réhabilitant l'entreprise.

Mme Nicole Bricq.

Vous le reconnaissez !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous devriez vous en souvenir.

Il a été beaucoup question de croissance dans ce débat.

Certes, je ne nie pas l'impact de la demande intérieure, mais, dans une économie ouverte, il faut garder nos capacités de production, d'innovation et de recherche.

Mme Nicole Bricq.

On est bien d'accord !

M. Jean-Jacques Jégou.

Pour favoriser cet environnement, il faut avoir des marges de manoeuvre et vous en avez. Cependant, vous n'en faites pas le meilleur usage.

Encombré de vos promesses électorales de 1997 et flanqué d'une majorité hétéroclite, vous laissez aller le lourd vaisseau de la fonction publique à la dérive, plombant le budget en le rigidifiant à l'extrême. Il est grand temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de réfléchir à une vraie redéfinition des missions d'un Etat moderne.

C'est de réformes structurelles dont l'économie française a besoin et rapidement.

Il est de la responsabilité du Gouvernement de changer cette politique. Il faut créer l'esprit d'entreprise, encourager les projets innovants et créatifs. C'est uniquement grâce à cela que nous retrouverons une croissance pérenne. Nous devons, pour cela, réorienter la dépense publique vers des dépenses actives et productives. En fait, tout reste à faire pour dynamiser notre pays et je regrette que ces orientations budgétaires ne nous y conduisent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du débat du 23 octobre dernier consacré aux départements et t erritoires d'outre-mer, le Gouvernement a annoncé qu'un projet de loi d'orientation sera présenté à l'Assemblée nationale à l'automne, qui fixera le cadre du dével oppement économique et social des départements d'outre-mer pour les prochaines années. Nous pourrions nous contenter d'attendre ce texte si la situation de la Guadeloupe l'autorisait.

Par ma participation à ce débat d'orientation budgétaire, sans préjuger les dispositions qui seront votées au cours du dernier trimestre par le Parlement, j'entends insister sur la nécessité d'envoyer à l'outre-mer des signaux budgétaires forts dès l'an 2000. Je le fais d'autant plus volontiers qu'il paraît, selon la presse, que c'est le temps des signaux.

S'il s'avère que le vote tardif de la future loi d'orientation empêche de prévoir une vraie traduction financière dans le budget pour 2000, personne ne comprendrait que ce budget ne soit doté des moyens d'attente indispensables.

Des signaux forts, tangibles en faveur de la cohésion sociale, de nos jeunes académies, du logement et de la santé sont attendus.

La dégradation de la situation de l'emploi avec un chômage trois à quatre fois plus important qu'en métropole, la crise des productions traditionnelles, les incertitudes sur l'avenir de la banane, la violence des rapports sociaux, la préoccupante instabilité, notamment de la Guadeloupe, imposent des mesures d'urgence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Bien entendu, il ne s'agit pas de polémiquer comme ont tenté de le faire trois anciens ministres RPR des D OM-TOM. Surtout que cela devient trop facile, notamment pour ce qui concerne la Guadeloupe où l'institution régionale, maîtrisée par un ancien ministre de la droite, refuse de s'investir sérieusement dans le champ de ses compétences et préfère se complaire dans des gesticulations de tribune et dans une gestion partisane, oiseuse et stérile.

Il s'agit au contraire d'afficher une ambition lisible pour l'outre-mer, qui n'est la chasse gardée de personne.

La France, c'est vrai, doit assurer pleinement la dimension planétaire que lui donne l'outre-mer, en s'impliquant davantage dans les politiques régionales.

Votre prochain budget, monsieur le ministre, devrait, par exemple, faire émerger quelques pôles d'activité autour des hautes technologies, de façon à attirer les investisseurs et à asseoir l'autorité des départements d'outre-mer dans ce domaine et dans leur environnement régional.

Il devrait aussi comporter quelques mesures fortes pour stimuler l'activité dans le secteur agro-alimentaire et dans l'entreprise artisanale. En particulier, la nécessaire diversification agricole orientée vers la satisfaction des besoins du marché local et des marchés spécifiques d'exportation ne peut attendre plus longtemps.

De même, le développement de l'activité professionnelle implique la mise en oeuvre rapide d'une action globale, transversale et volontaire favorisant la création d'activités par l'accueil, l'accompagnement, le soutien des créateurs d'entreprises, dans un environnement matériel, juridique, fiscal et financier plus sécurisant.

Il apparaît indispensable d'obtenir la création d'un outil de financement institutionnel propre à chacun ou à l'ensemble des départements d'outre-mer et répondant aux nécessités de l'économie locale.

En outre, l'instauration d'un régime de défiscalisation en adéquation absolue avec l'emploi, adapté et contrôlé, s'impose de toute urgence.

De tels dispositifs ne peuvent toutefois se concevoir sans l'augmentation du nombre d'emplois aidés dans le cadre du FEDOM.

A l'industrie touristique doit succéder un enracinement de l'activité touristique, ce qui suppose une réflexion stratégique sur le devenir et les priorités de développement du tourisme, sur les transports aériens, et évidemment la c réation d'un schéma régional de développement touristique.

Enfin, le Gouvernement doit proposer à l'outre-mer un dispositif approprié aux opérations de reconquête des centres villes, notamment par l'utilisation des prêts bonifiés.

Bref, dans l'attente d'un autre projet de loi d'orientation, l'outre-mer verrait avec réconfort l'empreinte d'une plus grande solidarité nationale dans le budget pour l'an 2000. Ce serait, en cette année fortement symbolique, un message d'espoir pour ceux qui luttent contre les injustices et contre toutes les formes d'exclusion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Que penser des orientations budgétaires telles qu'elles ont été exposées tout à l'heure par le Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget et M. Didier Migaud, rapporteur général.

Du bien ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Considérons les trois objectifs que poursuit ou plutôt, soyons plus précis, que prétend poursuivre le Gouvernement.

Premier objectif : stabiliser les dépenses de l'Etat en francs constants. M. Strauss-Kahn a fini par se rallier aux thèses de l'opposition : le poids de l'Etat est excessif, il faut le faire régresser. Pour cela, il faut que la dépense publique croisse moins vite que le PIB.

Qu'en est-il ? En 1997, les résultats ont été excellents, mais ce n'était pas votre budget. Le budget général de l'Etat a augmenté de 1 %, ce qui prouve, contrairement à ce que prétend la majorité, qu'il est parfaitement possible de maintenir un budget en croissance zéro, car cette augmentation de 1 % en 1997 correspond grosso modo aux 20 milliards et quelques de dépenses nouvelles que vous avez adoptées.

En 1998, comme en 1997, nos collègues socialistes ont utilisé les recettes de privatisations massives et non budgétées pour assurer le différentiel et financer des dépenses de fonctionnement. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport de la Cour des comptes. En voici quelques exemples flagrants : on a mis 15 milliards sur RFF en les finançant sur des recettes de privatisation... mais sait-on que le déficit de RFF en 1998 était de l'ordre de 14 milliards ? Il en est de même avec l'affaire du Crédit lyonnais. Croit-on payer le remboursement du capital par les recettes de privatisations en 1997 et 1998 ? Pas du tout : ce sont, pour l'essentiel, les intérêts impayés accumulés.

J'en sais quelque chose, puisque j'avais dénoncé cette situation en réclamant des dotations imputées sur le budget général de l'Etat, et demandé que l'on reprenne directement la dette de l'EPFR.

Beaucoup plus grave, les dépenses sociales. En effet, combien coûte la non-réforme ? C'est très simple, lisez le rapport Charpin, bien qu'il ne dise rien de nouveau par rapport au livre blanc de Rocard. La non-réforme équivaut grosso modo à 0,15 point du PIB supplémentaire.

Ajoutez-y l'interruption des réformes que nous avions engagées dans le domaine de l'assurance maladie, soit 0,05 à 0,10 point de PIB. Où étiez-vous, en 1995, lorsque nous avons voulu réformer les régimes spéciaux de retraite ?

M. Jean-Louis Idiart.

Nous étions peu nombreux !

M. Charles de Courson.

Ceux qui n'étaient pas ici étaient dans la rue ! M. Idiart était le seul survivant en Haute-Garonne. Lui était ici. Il s'en souvient. Il a protesté.

M. Jean-Louis Idiart.

Je fais partie de la majorité durable !

M. Charles de Courson.

Bref, vous ne tenez pas les dépenses publiques parce que votre sociologie électorale vous en empêche. C'est une première critique.

Deuxième fait, plus grave. Vous vous étiez engagés à réduire les prélèvement obligatoires. En 1997, vous ne les avez pas baissés. Dès votre arrivée, vous les avez immédiatement accrus de 21 milliards, c'est-à-dire d'à peu près 0,3 point, portant le taux à 46,1 %. Vous promettiez une baisse de 0,2 point en 1998. Résultat : pas de baisse. Et en 1999 ? Si vous êtes curieux, mes chers collègues, lisez le document qui vous a été remis : le Gouvernement y avoue, pour la première fois, que les prélèvements obligatoires ne baisseront pas davantage, contrairement à ce qu'il avait promis. Soit un nouvel écart de 0,2 par


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rapport aux prévisions, ce qui nous fait 0,4. Maintenant, on le jure : en l'an 2000, c'est sûr, ça va baisser. Mais allez-vous croire un Gouvernement qui, loin d'abaisser les prélèvements obligatoires comme il l'avait promis, a commencé par les augmenter puis, deux fois de suite, les a laissés inchangés ? Pire, les annonces d'impôts nouveaux s'accumulent : la taxe sur les entreprises polluantes pour financer les dépenses liées aux 35 heures - on croit rêver ! -...

Mme Nicole Bricq.

Mais non ! Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !

M. Charles de Courson.

... le maintien du taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises de plus de 50 millions de chiffre d'affaires, car si l'augmentation décidée en 1997 disparaît, elle est immédiatement suivie d'une autre ! La vérité est simple : tout cela est parfaitement conforme à une politique socialiste de non-maîtrise des prélèvements obligatoires.

Troisième objectif : la réduction graduelle des besoins de financement du secteur public. Sur ce point, tout le monde est d'accord, excepté les communistes qui n'ont pas voté pour Maastricht. Mais il paraît qu'ils font partie de votre majorité, même si l'on peut parfois se poser des questions !

M. Daniel Feurtet.

Vous avez du mal à nous mettre de côté !

M. Charles de Courson.

Mais, là encore, on peut vous reprocher de ne pas les avoir réduits aussi vite que vous pouviez le faire en profitant d'une conjoncture extrêmement favorable - même si vous n'y êtes pour rien. Rappelons que le retournement conjoncturel est général en Europe, qu'il est intervenu avant même le changement de majorité et qu'il n'a que fort peu à voir avec les quelques milliards supplémentaires que vous avez injectés fin 1997.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Quel talent !

M. Charles de Courson.

Ce que je vous reproche c'est de n'avoir pas profité de ces circonstances, pour faire de la bonne politique. Vous vous êtes bornés à refaire du Rocard modèle 1988-1989 ! Enfin, mes chers collègues, je voulais attirer votre attention sur l'endettement public. Je ne peux que sourire en entendant M. Strauss-Kahn ironiser sur l'augmentation des prélèvements obligatoires entre mars 1993 et mars 1997.

M. Jean-Louis Idiart.

Je me gausse !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ce n'est pas un sourire, c'est un rictus !

M. Charles de Courson.

A combien s'élevait le déficit des finances publiques en mars 1993 ? A 6,3 % du produit intérieur brut. Jamais, depuis la Libération, les finances publiques n'avaient été aussi dégradées. Nous vous l'avons rendu à 3,3 %, soit une amélioration de trois points. Vous pouvez évidemment nous reprocher de l'avoir fait, pour 1,8 %, en augmentant le taux de prélèvement obligatoire et, pour 1,2 %, en réduisant les dépenses. En d'autres termes, nous avons fait 30-40 alors que la sagesse eût commandé de faire deux tiers, un tiers.

Et si vous avez pu mener cette politique, c'est encore une fois parce que nous l'avons réformée, comme en 19881989. Reste que notre déficit se réduit beaucoup moins vite que dans les autres pays de l'euro et que notre taux reste le plus élevé.

M. le président.

Monsieur de Courson, je vous propose de conclure.

M. Charles de Courson.

La dette publique représente en théorie un peu plus de 58,5 % du PIB. En fait, nous avons largement dépassé les 60 % du traité de Maastricht.

Car vous avez dissimulé plus de 300 milliards dans ce qu'on a prétendu être des quasi-sociétés au sens de la comptabilité nationale : RFF, l'EPFR, Charbonnages de France dont la dette est assurée, on le voit dans le budget, par un prélèvement sur les recettes de privatisation.

En fait, nous sommes entre 61 % et 62 % : nous avons déjà « percuté ».

En conclusion, mes chers collègues, comment croire un gouvernement dont la pratique dans sa gestion quotidienne depuis 1997 est exactement contraire aux trois objectifs qu'il prétend poursuivre ? Il n'est pas crédible.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais faire brièvement état de deux inquiétudes et vous poser deux questions.

L'investissement est le seul vrai moyen d'engager une oeuvre collective qui permette de défier le temps et d'assurer aux jeunes générations une chance pour leur avenir.

Or, c'est ma première question, les investissements dans nos dépenses publiques diminuent.

M. Gilles Carrez.

Malgré les comptes spéciaux !

M. Jacques Barrot.

Cela ne date du reste pas seulement d'aujourd'hui. Ils finiront par ne plus représenter qu'un faible pourcentage de notre produit intérieur brut.

Cela n'a pas commencé ces derniers temps, ai-je dit, mais ce phénomène pouvait être excusable dans une période de croissance faible et de ressources limitées. Il devient de moins en moins acceptable dans la mesure où la France retrouve un rythme de croissance nettement plus avantageux, où les prévisions gouvernementales, que vous-mêmes avez annoncées hier, laissent entendre que la croissance française pourrait s'installer dans une perspective relativement durable.

Dans ces conditions, comment l'Etat peut-il jouer son rôle d'inspirateur de l'investissement privé si, dans son propre budget, la très large prépondérance des dépenses de fonctionnement tend à s'aggraver d'année en année ? D'un côté, 40 milliards supplémentaires pour la masse des rémunérations affectées au secteur public ; de l'autre, une diminution des dépenses d'équipement de l'Etat.

V ous nous avez vous-même dit en commission, monsieur Sautter, qu'il ne fallait pas oublier, pour le financement des infrastructures, les comptes spéciaux du Trésor. Mais, comme l'a bien remarqué Charles de Courson avec son habituelle véhémence, des dotations en capital de comptes spéciaux du Trésor gagent-elles vraiment des investissements d'avenir ? A l'image de ce qui se pratique dans Réseau ferré de France, ne servent-elles pas finalement à consolider des ensembles publics qui, faute de réformes structurelles profondes, resteront déficitaires ?

M. Gilles Carrez.

Exactement !

M. Jacques Barrot.

Là est mon premier motif d'inquiétude. Et lorsque je vous parle des dépenses civiles de l'Etat, j'ai évidemment tout de suite à l'esprit le budget des routes. La dotation globale dévolue aux routes baisse,


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à ma connaissance - il n'est pas facile de déchiffrer le budget -, d'au moins 5 %. Qu'entend faire le Gouvernement dans le budget pour l'an 2000 sur ce point ?

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jacques Barrot.

A côté des infrastructures routières, il y a également les infrastructures ferroviaires. Or, l'élu du Massif central que je suis le sait bien, nous devons nous attendre à perdre le bénéfice de certains fonds structurels. Si parallèlement les budgets pour nos routes nationales diminuent fortement, comment ferons-nous ?

M. Michel Bouvard.

Grave question !

M. Jacques Barrot.

C'est tout notre effort de désenclavement qui risque de tomber en panne. A cela s'ajoute le fait, dénoncé par la président de la commission des finances, que le prochain contrat de l'an se borne le plus souvent à reprendre en quelque sorte les annuités du contrat précédent, lui-même réétalé sur deux ans et exé cuté seulement à hauteur de 80 %. Cela pose un problème majeur en matière d'investissement public. Puis-je vous demander au passage si vous pouvez nous offrir quelques lumières sur la manière dont seront calculés, ou peut-être à nouveau modifiés, les critères d'attribution des crédits d'Etat dans le cadre des contrats de Plan Etatrégion ? Je le dit très franchement : je crois à l'investissement public, intelligemment ciblé. Mais il a aussi valeur d'entraînement. J'ai bien noté ce qu'a dit M. Strauss-Kahn et je le rejoins. Nous en avons parlé avec le rapporteur général et le président de la commission des finances : il nous faudra revoir l'ordonnance de 1959, car notre définition des investissements n'est pas à la mesure d'une bonne gestion de l'Etat. Cela vaut notamment dans le domaine de la formation professionnelle. Le ministre a cité l'éducation nationale : il s'agit, c'est vrai, d'investissement immatériel et il faut le considérer comme tel.

Cela étant, nous ne pouvons pas nous dissimuler que les d épenses civiles de l'Etat, particulièrement dans le domaine des infrastructures, sont un grave sujet d'inquiétude.

Ma deuxième question porte sur le financement du passage obligatoire aux 35 heures tout en maintenant le SMIC à son niveau actuel. Pour compenser le surcoût, un double système est envisagé : l'élargissement de la ristourne et les 4 000 francs par salaire.

Tout cela représente encore que l'on puisse discuter des évaluations - quelque 65 milliards de francs, couverts, grosso modo, à hauteur de 25 milliards de francs par l'écotaxe et la majoration de l'IS ; mais, pour le reste, le G ouvernement s'en remet aux régimes sociaux en escomptant un « recyclage ». Or cela repose un double pari. Le premier, c'est que 185 000 emplois devraient être ainsi créés dans deux ans. Soit. Mais ce calcul s'appuie sur des données très contestables. On prend en compte les accords signés actuellement, mais ceux-ci ont été négociés à la carte ; même s'ils permettront certainement la création d'emplois dans les entreprises, il faudra tenir compte des effets d'aubaine, comme l'a fort bien montré le président du centre des jeunes dirigeants dans son interview à Libération. Quoi qu'il en soit, une telle extrapolation me paraît pour le moins très hasardeuse.

Ensuite, la théorie du « recyclage » implique, si j'ai bien compris, que l'on aille chercher une moitié à l'UNEDIC, un tiers à la sécurité sociale et un sixième peut-être du côté du budget de l'Etat. Il est à prévoir que le Gouvernement, pour ce qui relève de l'UNEDIC, aura assez de mal à se faire comprendre par les partenaires sociaux.

Pour avoir géré la sécurité sociale, pour avoir essayé de la redresser et pour avoir conscience que c'est vraiment là un sujet d'intérêt national, je vous mets en garde, monsieur le secrétaire d'Etat : chercher à faire payer, en quelque sorte, une partie de l'accompagnement des trentecinq heures directement par le budget de la sécurité sociale...

M. Michel Bouvard.

Il a raison !

M. Jacques Barrot.

... ce n'est certainement pas le meilleur moyen de mobiliser les acteurs sociaux pour essayer de gérer cette institution avec rigueur.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Barrot.

M. Jacques Barrot.

Je n'ai pas le temps de vous interroger sur les trente-cinq heures dans le secteur public. Le ministre nous a dit hier qu'il était encore trop tôt. Je me permets tout de même de vous rappeler les recommandations de l'inspection des finances soulignant le danger d'une réduction du temps de travail général et uniforme de la fonction publique, en observant qu'une modération salariale est légitime compte tenu de l'augmentation du pouvoir d'achat de 4 % en 1998.

Telles sont mes quelques questions : que faites-vous pour l'investissement de ce pays ? Comment le voyezvous ? L'argent engagé dans ce passage obligatoire aux trente-cinq heures ne va-t-il pas déséquilibrer nos institutions sociales ? Une politique d'incitation moins tapageuse, moins coûteuse n'aurait-elle pas économisé des ressources précieuses, qui auraient pu servir à alléger des prélèvements sur le travail ? Nous parlerons tout à l'heure de TVA sur le travail. Il y aurait là matière à de bonnes démarches pour l'emploi.

Enfin, prenons garde aux disparités entre secteur public et secteur privé. Le moment viendra où certains salariés du secteur privé n'accepteront plus d'être traités de manière inéquitable par rapport au secteur public.

Pardonnez-moi, monsieur le président, d'avoir un peu débordé de mon temps de parole, mais il faut aussi nourrir ce débat de vraies questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le président, je vais essayer de ne pas gaspiller mon temps de parole.

Un débat d'orientation budgétaire doit servir, comme son nom l'indique, à débattre, à permettre à la majorité de donner son point de vue au gouvernement qu'elle soutient, mais aussi à échanger des arguments avec nos collègues de l'opposition. A cet égard, je voudrais faire trois réflexions qui peuvent également devenir des questions.

La première m'est venue en lisant l'excellent rapport d'information ; elle a trait à la croissance européenne et aux hypothèses que vous reteniez dans le cadre des politiques concertées de l'Union. Une hypothèse haute table sur un rythme de 3 % de 1999 à 2002, alimenté par une activité économique elle-même stimulée par la diffusion des nouvelles technologies et par un environnement international favorable.

Je me pose trois questions sur l'effet que peut avoir la diffusion des nouvelles technologies, le ministre y a fait allusion dans son exposé liminaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Quelle volonté politique se donne-t-on au niveau européen pour réaliser un grand programme de diffusion des technologies nouvelles ? En effet, l'Europe, si elle crée beaucoup plus de brevets que les Etats-Unis, est cependant encore en retard dans ce domaine. Or ce sont ces secteurs qui créent de la valeur ajoutée, de la richesse, et de l'emploi : un emploi créé dans ce secteur en crée six de manière indirecte, alors que le taux normal est de un pour un.

Deuxième question, de quelle marge de manoeuvre disposons-nous ? En deux ans, nous avons fait beaucoup sur le plan fiscal pour encourager l'innovation et la recherche, mais aussi la constitution d'un capital et de fonds propres pour ces entreprises innovantes. Mais nous avons encore à travailler. C'est l'objet de la réflexion que je mène auprès du rapporteur général sur ce sujet.

Enfin, il faut bien se demander à un moment donné comment répartir cette croissance ? Comment les salariés pourraient-ils en profiter ? C'est tout le débat que nous devrons avoir sur les bons de croissance.

Vous ne vous étonnerez pas que je veuille maintenant aborder le sujet de la fiscalité écologique. Nous avions qualifié l'année dernière d'an I. Il y aura donc un an II.

Pour l'an I, l'objectif essentiel, mais ce n'était pas le seul, était le rattrapage du différentiel moyen en Europe entre le gazole et l'essence. Mais il y a aussi la création de la TGAP - que tout le monde semble avoir oubliée.

M. Gilles Carrez.

Elle ne va plus à l'environnement !

Mme Nicole Bricq.

La TGAP constituait une rupture avec une fiscalité affectée et l'entrée dans une fiscalité moderne.

L'année dernière, cette enveloppe regroupait cinq taxes.

Aujourd'hui, il est question d'en élargir l'assiette. Faut-il s'en étonner dès lors qu'on se fixe des priorités dans le domaine de la dépollution ?

M. Michel Bouvard.

Et l'affectation ?

Mme Nicole Bricq.

Et faut-il s'étonner, dès lors qu'elle rejoint le budget général, qu'on se demande ce qui rentre dans la TGAP, et ce qui peut y rentrer encore cette année - j'ai fait des propositions à cet égard dans mon rapport, j'espère qu'elles seront en partie reprises - et comment utiliser ces crédits. Il faut savoir reconnaître quand un gouvernement, quel qu'il soit, même des politiques publiques conformes aux engagements qu'il avait pris !

M. Gilles Carrez.

Mais l'environnement est dépouillé !

Mme Nicole Bricq.

Depuis 1997, nous avons toujours donné la priorité à la croissance et à l'emploi.

Le problème est posé, et il le sera davantage encore en 2001, dans la négociation qui va s'ouvrir dès maintenant avec les entreprises pour l'institution d'une écotaxe.

J'ai relu ce que je disais sur l'écotaxe l'année dernière.

J'y consacrais deux pages de mon rapport ; aujourd'hui, je n'aurais pas une phrase à changer.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Excellent rapport !

Mme Nicole Bricq.

Ce débat est commencé en Europe depuis plus de dix ans. La France y est entrée à reculons.

Je me félicite qu'elle le fasse plus volontairement aujourd'hui, alors que trois autres pays, qui sont des moteurs dans l'Union économique européenne se sont dotés de cet outil et qu'une directive est en préparation. Il est préférable de poser d'ores et déjà les termes de la coordination des politiques dans ce domaine avec l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie, puisque ce sont les trois pays qui ont institué l'écotaxe ou qui vont le faire, avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire la négociation de la directive. Cela me paraît être une politique intelligente.

Il faut bien comprendre ce qu'on appelle le premier et le deuxième dividendes et bien s'entendre à ce sujet. C'est un message que je voudrais faire passer au Gouvernement. Le deuxième dividende - c'était déjà dans toutes les discussions européennes - c'est le fait, compte tenu du retard pris par l'Europe dans le domaine de l'emploi et de la croissance, de réinjecter le produit de ces taxes pour alléger les charges sur les salaires, le but étant de réduire la fiscalité sur les salaires en augmentant la fiscalité sur l'énergie, qui n'est pas à un niveau normal, tout le monde le reconnaît. Ce deuxième dividende ne doit pas être gommé par le premier. Reste à trouver, bien sûr, le bon niveau pour que ces taxes à la fois produisent leur effet dissuasif contre les pollutions et dégagent un surplus en faveur de la croissance et de l'emploi. Voilà l'exercice auquel le Gouvernement se livrera dans la négociation qu'il va entreprendre avec les entreprises.

M. Gilles Carrez.

C'est un exercice difficile, car c'est contradictoire !

Mme Nicole Bricq.

Certes, mais il ne faut pas être de mauvaise foi !

M. le président.

Je vous prie de conclure, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Je terminerai en évoquant la structure de notre système fiscal, notamment la place qu'y prend l'impôt sur le revenu.

Depuis deux ans, la droite ne cesse de réclamer une baisse des impôts. Elle en a fait le thème de sa campagne en 1997 ; elle a perdu les élections législatives. De même en 1998 au moment des élections régionales, qu'elle a perdues aussi, et encore aux européennes.

Ce qui prouve que la démagogie ne paie pas.

En revanche, il faut s'interroger sur la place qu'occupe l'impôt sur le revenu dans notre système fiscal. Pour ma part, je défends l'impôt sur le revenu parce que c'est le seul qui ait une vocation redistributive.

M. Julien Dray.

C'est exact !

Mme Nicole Bricq.

Malheureusement, il l'a perdue en chemin. On sait très bien, par exemple, que sa progressivité est beaucoup trop rapide dans le bas de l'échelle, beaucoup plus que dans le haut.

M. Gilles Carrez.

Supprimez la décote !

Mme Nicole Bricq.

En outre - et le Gouvernement devrait se montrer plus audacieux sur ce point - il est en concurrence avec la CSG qui est un outil de fiscalité moderne. Nous devons nous interroger sur la « cannibalisation » qu'effectue la CSG par le biais de sa déductibilité de l'impôt sur le revenu.

Il faut reprendre le chantier, parce que la CSG est un impôt qui est accepté...

M. Gilles Carrez.

Plus pour longtemps !

Mme Nicole Bricq.

... alors que l'impôt sur le revenu l'est de moins en moins, car il est payé par peu de gens en France et essentiellement, il faut le dire, par les couches moyennes. Il faut aussi remettre sur le tapis le prélèvement à la source. Si nous voulons rénover notre impôt sur le revenu, ce n'est pas en répétant à chaque


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

élection « baisse d'impôts, baisse d'impôt » que nous y parviendrons, mais en essayant de lui redonner un nouveau souffle et de lui rendre sa vocation redistributive.

C'est un vrai sujet de débat qui ne doit pas être abandonné sous prétexte qu'il en est fait une utilisation démagogique et je ne vois pas pourquoi la gauche ne s'en saisirait pas.

Telles sont les trois réflexions que je voulais soumettre à notre assemblée et au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, je voudrais adosser notre réflexion sur les perspectives budgétaires au message que nous ont adressé nos concitoyens ces derniers jours, message dont j'ai le sentiment qu'il constitue une première réponse à certains orateurs, notamment de l'opposition.

Une nouvelle fois, notre pays a exprimé son profond rejet d'un libéralisme économique débridé et de tout ce qui y avait fait référence dans cette campagne des européennes. Comme ils l'avaient déjà fait en 1995 à leur manière, puis en 1997, nos concitoyens ont confirmé leur attachement profond à un certain modèle social français.

Ils l'ont fait en sanctionnant l'opposition certes, mais aussi, à l'échelle de l'Europe, une certaine gauche qui avait voulu manifester une sorte d'option sociale libérale.

Notre pays a, quant à lui, confirmé l'exception française en montrant qu'elle était finalement beaucoup plus pertinente que d'autres.

Si on se tient au message que nous ont adressé les électrices et les électeurs, ils nous confortent d'une certaine manière dans ce que nous avions commencé à faire. Il faut, dans le cadre de cette discussion budgétaire, prolonger ce qui émane du pays. Or, de ce point de vue, les orientations que nous propose le Gouvernement ne vont pas encore assez loin, me semble-t-il, dans la rupture nécessaire avec un dogme établi.

Dès lors que la croissance est retrouvée, même si elle est encore à consolider, n'est-il pas nécessaire de remettre en cause, comme l'ont dit d'autres orateurs, certains grands équilibres qui étaient cadenassés dans le pacte de stabilité et qui limitent nos capacités d'offensive et de redistribution ou de faire des investissements lourds dans nombre de secteurs ? L'utilisation de l'arme budgétaire donne lieu à un débat récurrent. Ne doit-on pas remettre en cause la priorité donnée à la réduction drastique des déficits budgétaires, au vu du message que nous adresse le pays mais aussi de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons ? Les priorités vont aujourd'hui à des questions essentielles de société qui nécessitent des investissements lourds - j'y reviendrai - car, si elles étaient résolues, seraient créées les conditions d'une convivialité et d'une dynamique sociale nouvelles.

C'est pourquoi je crois qu'il est nécessaire, dans ce budget, d'opérer des ruptures.

Et d'abord, il faut décourager la spéculation financière.

La question de la taxe dite Tobin, que j'ai évoquée à plusieurs reprises dans les discussions budgétaires est à nouveau d'actualité. Une simple taxe de 0,05 % sur les mécanismes de change rapporterait, selon les services de l'Assemblée nationale, près de 50 milliards de francs. Ce ne serait que justice de taxer ceux qui spéculent sur les taux de change et cela nous donnerait des marges budgétaires.

Je reconnais l'éternel argument opposé - entre autres à une telle mesure : si nous sommes les seuls à le faire, nous allons en chercher une fuite de capitaux. Ce sont les mêmes arguments qui sont avancés contre les 35 heures.

Pourtant, nous les appliquons. Nous sommes les seuls à le faire en Europe, mais nous servons aujourd'hui de référence. Les arguments de l'opposition contre la taxe Tobin ne sont pas plus recevables que ceux contre les 35 heures.

Nous pourrions compléter la taxation des mouvements de change par la neutralisation des paradis fiscaux. Il s'agirait de taxer tous les capitaux en provenance des paradis fiscaux rapatriés sur les grandes places financières.

Ce double dispositif pénaliserait la spéculation financière et revaloriserait donc l'investissement rentable. Il apporterait en outre une manne financière supplémentaire à l'ensemble des Etats.

Pour revenir encore sur la baisse des impôts, je suis de ceux qui pensent que le bon impôt c'est celui que nous avons, l'impôt sur le revenu, et que s'il faut donner la priorité à une baisse d'impôt, c'est bien à celle de cet impôt indirect, de cet impôt injuste qu'est la TVA - ce qui aurait le mérite de relancer la consommation.

Faire bénéficier certains secteurs d'activités d'une baisse d e TVA entraînerait des dynamiques nouvelles de consommation et serait créateur d'emplois. Ces secteurs n'étant pas soumis à la concurrence internationale, ils pourraient être favorisés. Je pense évidemment à la restauration.

M. Michel Bouvard, M. Georges Tron et M. Gilles Carrez.

Très bien !

M. Julien Dray.

Je pense aussi aux produits culturels, notamment en direction des jeunes, et également aux activités sportives - droits d'entrées dans les clubs et dans les salles de sports. Selon moi, de telles baisses de TVA ciblées, intelligentes, je le répète, conforteraient la relance de la consommation, seraient créatrices d'emplois et iraient dans le sens de la justice sociale.

J'en viens au troisième élément de rupture. Elu de banlieue, je subis la crise urbaine, comme le ministre de l'économie et des finances qui connaît, lui aussi, des situations dramatiques dans la ville de Sarcelles. Tous ceux qui sont dans le même cas ont pu constater que ce dont ont besoin ces quartiers en difficulté, c'est de fonctionnaires qualifiés et compétents, des enseignants, des policiers, des assistantes sociales ou des conseillers familiaux, ce qui implique un lourd investissement public.

A ceux qui nous rétorquent que cela coûte cher, nous pourrions demander ce que cela nous coûterait de ne pas le faire...

M. Georges Tron.

Absolument !

M. Julien Dray.

... et de laisser la violence des gangs s'installer dans ces cités.

M. Georges Tron.

Elle y est déjà !

M. Julien Dray.

Il y a là une priorité budgétaire absolue. Il faut utiliser l'arme budgétaire pour relancer cet investissement public, cet investissement humain qui est essentiel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Si ces réflexions étaient prises en compte dans l'élaboration du budget, celui-ci subirait les réorientations nécessaires pour répondre au message qu'a émis le pays ces derniers jours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je commencerai par vous annoncer une bonne nouvelle : une dépêche m'informe à l'instant que la proposition de résolution que nous avons adoptée hier, à l'unanimité excepté le groupe Démocratie libérale et Indépendants - ce qui ne peut étonner après avoir entendu M. Gantier ce soir - contre la libéralisation des chemins de fer a permis à notre représentant au conseil des ministres des transports d'obtenir que cette proposition de la Commission soit retardée et remise en examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Bouvard.

C'est très bien ! Excellente nouvelle !

M. Alain Barrau.

Nous avions, en effet, jugé cette libéralisation des chemins de fer à l'échelle européenne très néfaste. Nous avons tous contribué à ce qu'elle soit remise en cause.

Nous voulons obtenir le même succès pour les réductions ciblées de TVA.

M. Gilles Carrez.

Je vous soutiendrai !

M. Alain Barrau.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement et sur sa majorité plurielle, pour que cette disposition, qui est importante...

M. Gilles Carrez.

Tout à fait !

M. Alain Barrau.

... pour notre économie, pour la lutte contre le chômage, pour la croissance et l'emploi, qui sont nos priorités, soit défendue avec détermination dans quelques heures ici, et dans les prochains jours par notre gouvernement à Bruxelles.

Voilà deux exemples qui montrent qu'on peut, et qu'on doit utiliser la dimension européenne pour contribuer à notre objectif central, qui est la lutte contre le chômage. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous devons trouver les moyens de renforcer notre position qui n'est pas seulement celle de la France mais qui, c'est vrai, n'est pas majoritaire au conseil des ministres. Il faut que le gros bateau européen s'oriente davantage vers une politique de croissance et d'emploi.

La préparation du budget de l'an 2000 offre plusieurs opportunités : d'abord, la réduction ciblée de TVA, dont on reparlera tout à l'heure ; ensuite, d'éventuels emprunts européens. Qu'en est-il ? Nous y sommes très attentifs car ils pourraient permettre de financer des grands travaux d'infrastructures. Mais, pour lors, ce mécanisme est en quelque sorte en jachère.

L'Europe a une grande capacité économique, commerciale et monétaire que, pour l'instant, elle n'utilise pas du tout. Notre Premier ministre, M. Lionel Jospin, a rappelé sa détermination à ce propos lors du sommet de Cologne. Nous devons convaincre nos partenaires que cette mesure pourrait être très positive dans la lutte contre le chômage.

J'en arrive à l'aménagement du territoire. Nous devons veiller à ce que la croissance, que nous voulons conforter et qui s'est déjà traduite par une baisse du chômage, p uisse bénéficier à l'ensemble des régions - zones urbaines comme zones rurales - et que l'aménagement du territoire ne délaisse pas les villes moyennes.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Alain Barrau.

Les entreprises, en particulier les entreprises publiques, si elles ont aujourd'hui un statut q ui garantit leur indépendance, doivent aussi être conscientes que l'aménagement du territoire est de la responsabilité collective.

Enfin, dans le cadre de la préparation budgétaire, comment le Gouvernement envisage-t-il l'une des négociations internationales dont je crains beaucoup le déroulement, à savoir la négociation de l'OMC. Bien sûr, notre croissance est due, pour une bonne part, à la consommation des ménages mais les exportations françaises ont aussi une grande importance.

Nous devons trouver des alliés pour cette négociation.

Ce n'est pas simple et il me semble que nous serons quelque peu démunis, dans quelques jours, au sommet de Rio, pour répondre aux demandes des pays de la zone d'Amérique du Sud et du Mercosur en particulier. Il est vrai qu'ils mettent tout simplement en cause notre agriculture.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. Alain Barrau.

Il nous est difficile d'accepter cela.

Nous n'en devons pas moins préparer, dès à présent, à partir de la négociation très difficile qui va se dérouler la fin de l'année et pendant deux ans, et qui sera fort importante pour notre économie.

Tels sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les cinq points sur lesquels je voulais insister.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite, à mon tour, évoquer trois sujets devant l'Assemblée nationale.

Le premier peut paraître mineur. L'année dernière, vous avez supprimé la taxe qui frappait la carte d'identité.

Une mesure semblable, allant également dans le sens d'une plus grande justice sociale, pourrait être prise en ce qui concerne les droits d'examen...

M. Julien Dray.

Très bien !

M. Raymond Douyère.

... qu'il s'agisse du BEPC, du baccalauréat ou d'autres. Ces droits, qui sont relativement élevés, n'offrent qu'une rentabilité très faible pour le budget de l'Etat. Leur suppression aurait un impact très fort.

M. Julien Dray.

Bonne idée !

M. Raymond Douyère.

M. le ministre de l'économie et des finances disait tout à l'heure à M. le président qu'il s'intéressait, entre autres, au budget de la culture. Je suis rapporteur du budget de la culture et souhaite que nous atteignions pour de bon, cette année, l'objectif de 1 % que nous avions fixés pour ce budget. Il faudrait surtout parvenir à augmenter sensiblement dans les années qui viennent la part de la culture dans le budget général de la nation. Nombreux, en effet, sont les problèmes qui se posent encore en termes d'emplois ou d'actions à mener.

Le chiffre qu'il faudrait atteindre d'ici à cinq ou six ans, serait même 1,5 %, plutôt que le 1 % qui a été espéré, en vain, ces dernières années.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Le troisième point que je voudrais aborder avec vous concerne la fiscalité de l'épargne. Où en est l'harmonisation européenne que devait définir une directive européenne ? A quel niveau se situerait le prélèvement ? On ne peut pas traiter ce problème sans revoir en même temps la fiscalité de l'IRPP qu'évoquait tout à l'heure Mme Bricq.

Mme Nicole Bricq.

C'est un argument de plus !

M. Raymond Douyère.

Non progressif, cet impôt frappe proportionnellement davantage les bas revenus que les hauts revenus. Il n'est donc pas redistributif. Nous ne pourrions remédier à cet état de fait que par un prélèvement à la source, Mme Bricq a raison.

Je sais bien que cette mesure ne figurait pas dans le programme électoral du parti socialiste.

Mme Nicole Bricq.

Il faut l'y introduire.

M. Raymond Douyère.

Mais nous devons, je crois, intervenir auprès du Gouvernement pour que, dans les deux ou trois prochaines années, il envisage d'instaurer ce prélèvement à la source, qui permettrait de parvenir à plus d'équité.

Enfin, le Conseil des impôts vient de publier une étude intéressante, où il démontre qu'un certain nombre de dispositions concernant la fiscalité de l'épargne sont pernicieuses, non pas prises isolément mais du fait de leur cumul.

J'aimerais savoir si, dans le cadre du budget que nous examinerons à l'automne, le Gouvernement prendra des mesures empêchant ces cumuls. Le Conseil des impôts faisait observer, à propos de l'épargne réglementée, qu'un contribuable pouvait obtenir, avec 3,4 millions de francs de placements, un rendement de 5 %, soit un revenu exonéré d'impôt de 160 000 francs.

Le Conseil des impôts s'interrogeait aussi sur la pertinence des SOFICA ou des SOFIPECHE. Nous avions nous-mêmes, lors du débat budgétaire pour 1999, émis des réserves à ce sujet.

Cet après-midi, M. Strauss-Kahn disait : « croissance, croissance, croissance », et il ajoutait, pour M. Cochet :

« durable, durable, durable ».

M. Alain Barrau.

Trois fois !

M. Raymond Douyère.

Pour qu'il y ait croissance durable, il faut qu'il y ait création de richesses, et cela ne peut se faire que par l'intermédiaire des entreprises. Je crois qu'il est nécessaire de leur apporter des fonds propres, pour leur permettre un développement certain : je pense notamment à celles qui innovent. Des dispositions ont déjà été prises, c'est vrai. Mais je trouve que les investissements en actions sont, en France, plus maltraités que les investissements en obligations.

Mme Nicole Bricq.

C'est vrai !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il faut le dire ! Comment voulez-vous que les Français s'y intéressent ?

M. Raymond Douyère.

Il convient, dans un délai relativement court, de rétablir l'équité entre les deux pour favoriser l'essor des investissements en actions, ce qui permettra ensuite aux entreprises de créer des richesses et des emplois.

M. Jean-Jacques Jégou.

Bravo, Douyère !

M. Raymond Douyère.

Pour ce faire, nous ne devons pas perdre de vue ce qui se passe sur les marchés boursiers. On le sait, 5 000 milliards de dollars, provenant des fonds de pension américains, sont investis dans les bourses européennes et asiatiques. Ainsi, nous payons les pensions des veuves américaines ou écossaises. Il conviendrait que nous puissions, à terme, faire en sorte que ce soient des Français qui détiennent les entreprises françaises.

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Raymond Douyère.

Pour y parvenir, je pense moins aux fonds de pension qu'à des instruments tels que le livret A, le PEL ou le PEA. Dans tous les cas, et même si cet argent doit être ensuite affecté aux retraites, il faut privilégier une neutralité de la fiscalité. Nous disposerions ainsi d'un instrument qui nous permettrait de mieux peser sur notre économie.

Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais livrer, monsieur le secrétaire d'Etat, à propos des orientations budgétaires pour l'an 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Michel Grégoire, dernier orateur inscrit.

M. Michel Grégoire.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais parler du monde rural, dont il n'a guère été question dans ce débat.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

Bonne idée !

M. Michel Grégoire.

Notre pays, depuis cinquante ans, a vu son paysage rural changer. Le tissu social, essentiellement fondé sur l'activité agricole, s'est fortement modifié au gré des flux et reflux de populations issues de milieux très différents, et d'origines également très diverses.

Cela a provoqué, dans certaines régions, d'importants phénomènes de désertification qui, hélas, se poursuivent encore de nos jours, comme le prouve le très récent recensement de la population. Au contraire, dans d'autres régions, nous constatons un développement diversifié en termes d'activités économiques, et une société rurale renouvelée et caractérisée par une grande diversité d'initiatives.

Les collectivités locales ont dû s'adapter. L'Etat aussi.

Les lois de décentralisation ont servi à cela.

Aujourd'hui, le monde rural se trouve face à de nouveaux enjeux fondamentaux dont on a perçu toute l'importance au travers des résultats significatifs de certaines formations politiques lors des élections européennes.

Il est temps de s'interroger sur l'avenir du monde rural à l'aube du troisième millénaire et, surtout, sur les moyens que l'on se donne pour le construire.

E n y manquant, nous laisserions s'installer une confrontation entre rural et urbain qui serait néfaste pour tous. L'urbain est largement majoritaire dans notre pays.

Il peut donc imposer, s'il le veut, une vision de l'espace rural incompatible avec les voeux de ceux qui vivent au quotidien dans cet espace.

Pour éviter cela, la concertation doit être la règle. Or, à ce jour, elle fait cruellement défaut. Plusieurs réflexions doivent nous aider à déterminer nos choix si, bien sûr, nous en avons la volonté politique. Mais je crois que, sur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

les bancs de notre assemblée, nous sommes nombreux à être mobilisés pour une ruralité mieux reconnue, garante de notre culture commune.

Ma première réflexion concerne la décentralisation.

Elle a permis, en quinze ans, la réalisation de nombreux projets, en développant des politiques territoriales accompagnées par l'ensemble des acteurs, conseils généraux, régionaux, Europe, Etat. Elle a permis le développement des services de proximité, le rapprochement des citoyens des lieux de décisions, une prise en main du destin de chaque territoire par les élus locaux. Les maires en sont conscients et globalement satisfaits. C'est un atout pour le futur. Ce débat d'orientation budgétaire doit permettre d'affirmer qu'il faut aller plus loin en matière de décentralisation.

Ma deuxième réflexion concerne l'organisation intercommunale. Avec la loi de février 1992, nous voyons se développer la coopération intercommunale fiscalisée. Les élus ont compris le message, ont consenti l'effort fiscal auprès de leurs administrés pour bâtir des projets et investir. Cet engagement des communes a nécessité un effort soutenu de l'Etat, au travers de diverses dotations.

Le rapport remis au Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire le montre : nous sommes passés de 234 milliards de francs en 1994 à 280 milliards de francs en 1999, en termes de concours de l'Etat aux collectivités locales. Cet effort doit se poursuivre. Là aussi, le Gouvernement semble avoir la volonté d'aller plus avant dans l'intercommunalité.

Enfin, nos engagements européens ont forcément une incidence sur les ressources des collectivités et des administrés. Prenons l'exemple de l'assainissement, où les investissements sont élevés. Les élus locaux comprennent et admettent leur nécessité, la population les souhaite.

C'est une question de santé publique, de qualité du cadre de vie, mais aussi de valorisation économique, par le tourisme, par exemple.

Les échéances approchant, les communes déposent leurs dossiers auprès des administrations compétentes et autres collectivtés territoriales qui financent ces programmes. On fait alors deux constatations : d'une part, ces administrations n'ont pas la capacité financière d'absorber toutes ces demandes dans les délais. D'autre part, nombre de petites communes ne peuvent financer la part restant à leur charge, même lorsqu'elles optimisent leur f inancement au plafond de 80 % de subventions publiques. En effet, le rapport entre les coûts des travaux et le nombre de payeurs-abonnés concernés est trop élevé pour qu'on puisse exiger cet effort des administrés.

Ce problème se retrouve dans les programmes de traitement et de valorisation des ordures ménagères ou dans le dossier complexe des investissements sur les cours d'eau.

Il faut donc renforcer les dotations, élargir la participation des agences, déplafonner en fonction de critères précis tels que le nombre d'habitants, le potentiel fiscal ou le montant global des travaux. Pourquoi ne pas lancer de grands programmes par emprunt public ? Enfin, je voudrais parler des pays, qui vont désormais s'inscrire dans le paysage rural. C'est une bonne chose.

Leur création permettra, nous l'espérons, de réaliser des projets de territoire qui avaient du mal à se financer.

Ces pays permettront d'accéder au contrat de plan.

Mais, dans ce cas, comment admettre que le montant affiché ou annoncé de 105 milliards de francs puisse suffire, alors qu'il s'agit de la reconduction pure et simple du montant du contrat précédent et que, de surcroît, il faudra puiser dans cette caisse pour financer le volet territorial des contrats de plan, et donc les pays ? On ne peut pas faire plus avec moins. On ne peut tenir un discours ambitieux sur l'aménagement du territoire, comme celui que nous avons entendu à l'occasion du débat sur la loi d'orientation sur l'aménagement durable du territoire, sans avoir l'ambition de se doter des moyens nécessaires. Sur cette question, ne décevons pas les maires qui, je l'ai dit, ont joué courageusement le jeu de la décentralisation, de l'intercommunalité, aux prix de l'effort fiscal qu'ils ont exigé de leurs contribuables.

Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, le malaise des élus locaux accablés par le poids de plus en plus lourd de leurs responsabilités. Nombreux sont ceux qui se sont désengagés. Il faudrait 15 à 20 milliards de francs supplémentaires pour financer le volet territorial des futurs contrats de plan.

J'ajoute quelques mots sur le FNADT. Je lisais hier dans la presse que M. Guigou pense que 1 million de francs serait un bon montant moyen pour abonder chaque pays. J'avoue que je n'ai pas compris ce que cela signifiait.

Mme Nicole Bricq.

Lui non plus !

M. Michel Grégoire.

Est-ce un bonus ou une substitution ? En tout cas, d'une façon générale, le FNADT mériterait d'être géré en liaison plus étroite avec les é lus locaux.

Enfin, on peut être inquiet à la perspective d'un repli significatif de fonds structurels européens qu'il faudra bien compenser, d'une façon ou d'une autre, si l'on ne veut pas freiner le développement local.

Si j'ai cru nécessaire de vous exposer succinctement ma vision des choses, c'est que, derrière tout cela, il y a aussi l'emploi. Or, de nombreux territoires ruraux ont retrouvé la voie du développement économique. Le monde rural, c'est un tissu de PME et de PMI, c'est du tourisme et donc du commerce, de l'artisanat, et ce sont bien sûr des terroirs. C'est aussi une agriculture qui va s'engager dans une voie nouvelle, nous l'avons vu à l'occasion du débat sur la loi d'orientation agricole. Toutes ces initiatives doivent favoriser l'emploi, l'emploi pour tous, et plus particulièrement pour les jeunes. Pensons-y.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget et M. Didier Migaud, rapporteur général.

Très bien !

M. le président.

Nous en avons terminé avec les orateurs inscrits.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Certaines de vos interventions, mesdames et messieurs les députés, ont adopté un ton modéré - je pense à celle de M. Tron -, d'autres un ton vindicatif qui m'a relativement surpris...

Un député du groupe socialiste.

Jégou !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est un récidiviste !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'essaierai, en vous répondant, de rester, dans tous les cas, d'une parfaite égalité d'humeur.

M. Tron nous a donc joué, avec modération...

Mme Nicole Bricq.

De la flûte !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... une sérénade américaine en nous recommandant en tous points le modèle d'outre-Atlantique.

M. Georges Tron.

Pas du tout !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous sommes prêts, monsieur Tron, à prendre le meilleur de ce modèle, c'està-dire le soutien à l'innovation, et nous savons que les services à haute valeur ajoutée expliquent peut-être un demi-point de la croissance que nous avons connue récemment. Pour le reste - l'accroissement des inégalités et de la précarité -, ce n'est pas de ce côté que se tournent les regards de la majorité.

Vous avez débattu de la situation économique. Il est de fait que, en 1998 et en 1999, la croissance française a été supérieure à celle de la moyenne de nos partenaires de l'Union, que la croissance a redémarré. Si elle a redémarré au début de 1997, il semble que certains ne s'en soient pas rendu compte à l'époque.

M. Georges Tron.

Ça, c'est un peu facile...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Cette croissance rapide a connu une sorte de trou d'air, pour reprendre une excellente expression de Dominique Strauss-Kahn, mais je crois que nous sortons de ces turbulences. L'investissement des entreprises a redémarré, même si nous ne savons pas encore exactement à quel rythme.

Vous avez parlé de déficit, de dette. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler le jugement du Premier ministre de 1995 sur la gestion de son prédécesseur.

M. Georges Tron.

Cela ne change rien, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je me tourne vers M. Georges Sarre qui a vanté les mérites du pacte européen pour l'emploi. La France est à l'origine de cette initiative, et le Gouvernement partage un peu sa déception.

Mais, si nous n'allons pas aussi loin que nous le souhaitons, du moins, nous avançons.

M. Sarre a souhaité faire abstraction de la contrainte de réduction des déficits imposée de l'extérieur. Il s'agit en fait d'un impératif intérieur, car il est important de réduire les dettes pour faire davantage de dépenses actives en faveur de l'emploi et de la croissance solidaire.

Il a parlé de la TVA sur les services de proximité. Je crois qu'un débat sur les allégements de TVA doit avoir lieu d'ici peu.

Enfin, les objectifs de croissance et de justice sociale qu'il a préconisés sont évidemment ceux du Gouvernement et de la majorité.

M. Pierre Hériaud a manié beaucoup de chiffres. Je corrigerai au moins un point inexact, relatif aux dépenses d'investissement, qui a d'ailleurs été repris par quelques intervenants. Les dépenses d'investissement ont baissé de 20 % entre 1995 et 1997, c'est un fait. Quant à nous - et je me tourne vers M. Barrot, dont les propos ont été riches et très argumentés -, nous avons fait redémarrer les investissements civils de 10 % entre 1997 et 1999. Je compte non seulement le budget général, comme l'a fait la Cour des comptes, mais aussi certains comptes spéciaux du Trésor - pas le compte d'affectation spéciale des p roduits de privatisations mais divers autres fonds, notamment ceux qui contribuent à financer les routes et les équipements de transport.

Ainsi, monsieur Hériaud, nous avons fait redémarrer l es investissements civils. A l'inverse, nous avons comprimé les dépenses de fonctionnement. Je crois que nous préparerons bien l'avenir si nous continuons sur la trajectoire des deux dernières années.

Monsieur Feurtet, vous avez prononcé un discours très dense sur les collectivités locales. Le rapport qui a été promis au Parlement sur la réforme de la taxe professionnelle et ses conséquences sur l'emploi comme sur les collectivités locales lui sera remis en temps utile pour la discussion de la prochaine loi de finances. Là aussi, le Gouvernement tiendra ses engagements.

Vous avez émis le souhait que l'on tienne compte davantage des actifs financiers pour le financement des collectivités locales. L'an dernier, vous vous en souvenez, nous avons fait plusieurs pas vers le rééquilibrage entre la taxation des actifs financiers des entreprises et celle de leurs actifs productifs. Votre message a donc été entendu dans le passé. Il le sera certainement tout autant à l'avenir.

Vous avez dit que la taxe d'habitation était un impôt lourd pour les ménages modestes. Il est vrai qu'elle tient très mal compte du revenu et qu'elle dépend surtout des caractéristiques du logement occupé. Nous avons rétabli un certain nombre d'abattements qui avaient été supprimés antérieurement, mais il n'en reste pas moins que nous devrons réexaminer le sujet.

Vous avez fait des suggestions concernant une baisse ciblée des impôts locaux, la déliaison des taux et les prêts bonifiés aux collectivités locales. Vous avez aussi rappelé le problème de la taxe professionnelle payée par France Télécom et par La Poste, versée à l'Etat et non aux collectivités locales. Autant de sujets sur lesquels nous pourrons travailler ensemble dans la perspective du prochain budget.

Monsieur Gantier, vous avez fêté votre jubilé de vingtcinq ans à la commission des finances en tenant des propos que j'ai trouvés quelque peu nostalgiques.

M. Alain Barrau.

Et erronés !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Contrairement à ce que vous avez confirmé, si la situation de l'emploi dans notre pays n'est certes pas encore bonne, elle est infiniment meilleure qu'elle ne l'était il y a exactement deux ans.

L'an dernier, 400 000 emplois ont été créés, dont 300 000 par les entreprises. L'espoir est revenu. Les jeunes ont retrouvé soit du travail, soit la perspective à court terme d'en retrouver. Les critiques que vous avez formulées à l'encontre des emplois-jeunes et de la réduction négociée du temps de travail traduisent une attitude quelque peu passive vis-à-vis de l'économie, d'ailleurs conforme au libéralisme que M. Julien Dray a dénoncé tout à l'heure.

Nous employons dans la bataille contre le chômage toutes les armes qui sont à notre disposition. L'expérience des deux dernières années montre que nous avons, en la matière, une certaine réussite, qu'il faut prolonger par de nouveaux efforts.

Qu'il s'agisse de la croissance, des emplois-jeunes, de la réduction négociée du temps de travail ou de la baisse des cotisations patronales, dont nous aurons l'occasion de débattre à nouveau, nous allons résolument dans la direction de la croissance et de l'emploi, que Dominique Strauss-Kahn a vantée à juste titre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Fuchs a bien montré que nous avons recueilli les premiers fruits, mais seulement les premiers, des efforts qui ont été engagés. Avec la connaissance qu'on lui connaît et qui n'a d'égale que celle de M. Barrau et de quelques autres en matière européenne, il a affirmé avec raison que nous aurions plus de croissance en Europe - non seulement chez nous, mais aussi chez nos voisins Allemands, Italiens et Britanniques - si les politiques budgétaires étaient plus coordonnées. M. le ministre Strauss-Kahn, ici présent, pourrait expliquer mieux que moi que les travaux de l'Euro-Onze, institution créée à l'initiative de la France, vont tout à fait dans cette direction.

M. Fuchs a parlé des nouvelles technologies. A lui et à Mme Bricq, je rappellerai que les crédits de la Banque européenne d'investissement en direction des industries d'information, des nouvelles technologies, ont été récemment doublés. Je pense que la France n'y est pas complètement étrangère.

Il a aussi parlé de la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine des retraités modestes. La situation mérite réflexion. Il faut tenir compte du fait que les salariés paient la contribution sociale généralisée au premier franc. C'est là un débat qui pourrait fort bien avoir lieu lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale : si la contribution sociale généralisée est prélevée par les services fiscaux, elle est destinée à la sécurité sociale, ainsi que nombre d'entre vous l'ont rappelé.

M. Fuchs a également évoqué la péréquation de la taxe professionnelle. Il est clair qu'à l'avenir comme par le passé nous tendrons à une meilleure péréquation entre les collectivités locales. Tel est notre objectif et nous y travaillerons ensemble.

Monsieur Carrez, je vous le dis courtoisement, vous m'avez surpris : vous avez adopté un ton vinaigré qui n'est pas du tout dans vos habitudes.

M. Georges Tron.

Un ton « vinaigré » ?

M. Gilles Carrez.

Il fallait bien vous réveiller, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez exposé tant de contrevérités en si peu de temps qu'il m'est impossible, à moins d'y passer la nuit, de les réfuter toutes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si la contribution sociale généralisée a augmenté, c'est parce que les cotisations sociales des salariés ont baissé.

M. Gilles Carrez.

Pas uniquement !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est une des raisons pour lesquelles les salariés ont eu des gains de pouvoir d'achat de plus de 3 % en 1998. Mais c'est aussi grâce au développement de l'emploi.

Par ces mesures, nous avons relancé la consommation, et donc la croissance.

La surtaxe de 10 % de l'impôt sur les sociétés va dispa-r aître en l'an 2000, comme nous l'avons promis.

M. Dominique Strauss-Kahn l'a d'ailleurs confirmé.

M. Georges Tron.

Remplacez-la tout de suite !

M. Gilles Carrez.

Nous, nous n'avons pas promis : nous avons voté !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La promesse avait été faite par le Premier ministre Alain Juppé de supprimer une surtaxe équivalente de 10 %. Or celle-là n'a pas disparu ! Vous avez évoqué, monsieur Carrez, la contribution sociale sur les bénéfices. Cette contribution va monter en régime, si je puis dire, au fur et à mesure des nécessités de l'aide à la baisse du coût du travail non qualifié. Les entreprises constateront donc en l'an 2000 une baisse des prélèvements sur les bénéfices qui sera manifeste.

Vous avez regretté l'accord salarial passé par le Gouvernement avec les fonctionnaires. Nous n'avons pas la même conception de la fonction publique, c'est clair.

Ce que vous ne pouvez contester,...

M. Gilles Carrez.

Je ne conteste pas, je constate !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... c'est que le coût de cet accord salarial soit ressenti pleinement en 1999, et non en 2000, comme vous l'avez suggéré.

M. Gilles Carrez.

Mais si !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'en viens aux collectivités locales. Alors que vous avez voté le pacte de stabilité du gouvernement Juppé, qui a gelé en francs constants les concours de l'Etat aux collectivités locales, vous me paraissez relativement mal placé pour critiquer un contrat de croissance et de solidarité qui a été passé avec ces mêmes collectivités.

M. Georges Tron.

M. Carrez a parlé de la DGF, pas du pacte ! Pourquoi répondez-vous à des questions qu'il n'a pas posées ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Tron, l'enveloppe normée, qui était stable, va croître comme l'inflation, plus une fraction correspond à la croissance. Il y a là quelque chose de tout à fait évident.

M. Georges Tron.

M. Carrez n'a pas évoqué le pacte !

Mme Nicole Bricq.

Cela suffit, monsieur Tron !

M. Georges Tron.

Pourquoi le secrétaire d'Etat répond-il à des questions qui n'ont pas été posées ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Carrez, vous avez critiqué l'ADEME. Mais qui a augmenté son budget de 500 millions de francs en 1999 ? C'est nous, pas vous ! Je mentionnerai également la baisse de la TVA sur le tri sélectif.

Bref, je crois que nous avons fait en direction des collectivités locales beaucoup plus d'efforts que l'on en a fait pendant la période 1995-1997.

M. Georges Tron.

Je vous assure que non ! Interrogez M. Strauss-Kahn, qui était alors maire de Sarcelles !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Carrez, vous avez évoqué la compensation de la suppression de la part

« salaires » de la taxe professionnelle. Elle sera intégralement indexée sur la DGF. Une fusion avec la DGF s'opérera en 2004.

Nous remettrons à l'Assemblée le rapport promis. Vos craintes, j'en suis persuadé, seront démenties par les faits.

Monsieur Jégou, les entreprises ont, me semble-t-il, bien compris la politique du Gouvernement puisque l'investissement, ainsi que vous l'avez reconnu vous-même avec beaucoup d'honnêteté, qui avait été stable en 1990 et 1997, a redémarré. Ce sont les entreprises qui ont créé


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

300 000 emplois l'an dernier. Le pari que fait le Gouvernement sur l'innovation, soutenu en cela, je l'espère, audelà de la majorité, va tout à fait dans le bon sens.

Vous avez dénoncé les risques de délocalisation dans deux pays, le Portugal et l'Irlande. Il est un fait que ces pays offrent aux seuls non-résidents un certain nombre de faveurs fiscales qui, à mon avis, sont condamnables. C'est pourquoi les Quinze travaillent ensemble à l'élaboration d'un code de conduite recensant les pratiques fiscales qui créent des distorsions de concurrence. Le récent Conseil européen a souhaité que ces travaux débouchent d'ici à la fin de l'année.

Monsieur Moutoussamy, vous avez introduit dans notre discussion l'outre-mer. L'outre-mer a évidemment une place à part entière dans un débat d'orientation budgétaire.

Vous avez insisté à juste titre sur les problèmes qui se posent pour l'emploi des jeunes et le logement social.

Vous avez rappelé que l'outre-mer devait avoir sa part dans le développement des nouvelles technologies et dans des secteurs divers tels que l'agroalimentaire ou le tourisme.

Le Gouvernement, par la voix du secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a annoncé à l'automne dernier un projet de loi d'orientation. Ce texte est activement préparé par deux missions. L'une est celle de M. Fragonard sur les instruments du développement des départements d'outremer. L'autre aboutira à un rapport, dont la rédaction a été confiée à deux parlementaires, M. Lise et M. Tamaya, sur l'évolution institutionnelle de l'outre-mer.

Vous voyez donc que l'outre-mer est pleinement présent dans les réflexions du Gouvernement.

J'en viens à M. de Courson, qui s'est livré, avec son talent habituel, à un numéro d'acrobatie comptable...

M. Charles de Courson.

Incontestable !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... qui commence à nous être familier, mais dont nous ne nous lassons nullement. (Sourires.)

Que puis-je vous dire, monsieur de Courson, face à vos dénégations ? Je ne prendrai qu'un exemple parce qu'il est tard : vous avez dit qu'en 1997 nous avions augmenté les impôts.

M. Charles de Courson.

Oui, de 21 milliards !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Les impôts effectivement rentrés en 1997 correspondaient exactement au montant des impôts qui avaient été inscrits en loi de finances. Pourquoi avons-nous introduit des impôts supplémentaires ?

M. Charles de Courson.

Vous êtes démenti par la loi de règlement !

M. Gilles Carrez.

Parce qu'il y avait eu une sousestimation délibérée des recettes de TVA dans le projet de loi de finances. Cela a été souligné en son temps par le rapport de M. Nasse et de M. Bonnet, que vous ne pouvez suspecter de partialité.

Nous reviendrons sur le sujet tout à l'heure. Un débat passionnant s'annonce.

M. Charles de Courson.

En effet !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

En 1998 et 1999, les prélèvements obligatoires ont été - c'est un fait - s tabilisés.

M. Charles de Courson.

Vous aviez promis une baisse sur deux années. Or vous ne l'avez pas faite !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pour ce qui concerne l'an 2000, je suis prêt, monsieur de Courson, à tenir le pari ! C omment peut-on croire le Gouvernement, vous demandez-vous ? Je suis très heureux que les Français croient le Gouvernement. D'ailleurs, ils l'ont encore montré récemment.

M. Charles de Courson.

Oui, à 20 % !

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur de Courson, à votre place, je n'insisterai pas trop !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Barrot, vous avez quant à vous insisté sur deux sujets principaux, sur lesquels je voudrais brièvement dialoguer avec vous.

Vous avez dit que les investissements diminuaient. J'ai déjà répondu à M. Hériaud que les chiffres montraient le contraire. Vous avez insisté sur la question des routes. Il est clair que les élus, toutes tendances confondues, insistent beaucoup sur les questions routières.

Permettez-moi de citer quelques chiffres.

En ce domaine, les autorisations de programme étaient en 1993 de 3,8 milliards de francs. En 1997, elles n'étaient plus que de 3,1 milliards de francs. Vous avez reconnu très honnêtement que le problème que vous évoquiez n'était pas récent, ce qui est exact. D'autant qu'en 1998 et en 1999 nous avons ajouté plus de 4 milliards de francs de crédits de paiement pour combler le retard qui avait été constaté. Nous avons donc rattrapé un peu de temps perdu.

Vous avez évoqué, après le président Bonrepaux et le rapporteur général, la question des contrats de plan Etatrégions. Comme l'a dit le ministre de l'économie, l'enveloppe a été fixée par le Gouvernement à 90 milliards de francs, soit une augmentation de 15 milliards de francs.

Au total, les demandes sont de l'ordre de 150 milliards de francs, avec une part routière très importante. Cet écart ne me semble pas anormal à sept mois de la conclusion des négociations.

Vous avez également parlé des 35 heures et du SMIC.

Vous aurez bientôt l'occasion de débattre de façon approfondie de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail.

La réduction négociée du temps de travail va créer des emplois, lesquels vont à leur tour susciter des impôts et des cotisations sociales. Je trouve normal que le produit de ces impôts et de ces cotisations sociales, induits par la réduction du temps de travail et la création d'emplois, soient recyclés vers les entreprises qui se lancent de plus en plus nombreuses dans ce type de négociations.

M. Charles de Courson.

Le calcul va être amusant à faire !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Madame Bricq, vous avez mis clairement en évidence le chemin que nous avons parcouru en ce qui concerne la promotion de l'innovation, et bien marqué l'effort qu'il restait à faire en la matière, dans notre pays comme dans le reste de l'Europe.

Vous avez évoqué - cela est naturel compte tenu de la qualité du rapport que vous avez rédigé l'an dernier et dont nous n'avons pas épuisé tous les enseignements l'an II de la fiscalité écologique. Vous avez rappelé que l'écotaxe n'est pas un impôt nouveau issu d'une idée nouvelle : c'est un projet européen qui fera prochainement l'objet d'une directive européenne. Le Gouvernement a, comme vous, le sentiment que nous devons, avec nos


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partenaires européens, anticiper cette directive en étendant un impôt qui existe, la taxe générale sur les activités polluantes, aux consommations d'énergie par les entreprises.

Vous avez aussi parlé du double dividende. Il me semble que c'est une bonne idée que de déplacer les prélèvements du travail peu qualifié vers les pollutions industrielles.

M. Dray a réfuté la libéralisation. M. Barrau lui a répondu que les ministres des transports avaient remis à plus tard la libéralisation incontrôlée du rail. Il a évoqué la taxe Tobin, sur laquelle M. Strauss-Kahn s'est exprimé avant le dîner. Il a aussi évoqué les paradis fiscaux. Il est clair que nous luttons contre les paradis fiscaux. Dans la loi de finances pour 1999, nous avons taxé les placements des personnes physiques dans les paradis fiscaux.

M. Dray a aussi cité un certain nombre de baisses ciblées de TVA : la restauration et les produits culturels pour les jeunes.

Ce sont des sujets qui sont importants, mais sur lesquels nous avons des difficultés à Bruxelles.

Je voudrais simplement dire à M. Dray qu'en ce qui concerne les clubs et les salles de sport, la situation actuelle est telle que tous ceux qui font du sport dans un cadre associatif le font dans des structures exonérées de la TVA.

Les clubs et les salles de sport sont des entreprises qui supportent une TVA au taux normal. Nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet ultérieurement. Cela dit, il n'est peut-être pas inutile de conserver une certaine différence entre la sphère des entreprises et la sphère associative.

Quant à placer plus de fonctionnaires dans les banlieues, c'est en cours, au moins pour les enseignants et les forces de l'ordre.

M. Barrau a, en cinq minutes, comme M. Douyère, développé des réflexions dont la densité est grande. Il est clair que M. Barrau apportera pour la construction européenne des informations précieuses. Il a évoqué la future négociation de l'Organisation mondiale du commerce.

J'ai retenu qu'il était prêt à aider le Gouvernement à préparer cette négociation importante. Il a par ailleurs mis l'accent sur les villes moyennes dans l'aménagement du territoire, et cela à juste titre.

M. Douyère a quant à lui développé un certain nombre d'idées sur la fiscalité de l'épargne. Ses réflexions sont précieuses, de même que celles contenues dans le rapport Cahuzac ou encore celles qui viennent d'être produites par le Conseil des impôts.

J'ai noté qu'il insistait pour que nous passions au prélèvement à la source de l'impôt. C'est une idée qui mérite considération. Quant au budget de la culture, je puis lui dire qu'il se rapprochera, l'an prochain, du fameux 1 % du budget total de l'Etat.

M. Grégoire a mis le monde rural au centre de notre débat. Le passé augure bien de l'avenir. Nous avons pris des mesures fiscales importantes pour développer l'emploi dans les communes bénéficiant de la dotation de solidarité rurale.

Enfin, je voudrais souligner l'accent que le Gouvernement a mis dans le passé, à l'instigation du président Bonrepaux, notamment sur les zones de revitalisation rurale. Rassurez-vous, le monde rural est au coeur des préoccupations du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Le débat est clos.

2 RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 1997 Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997 (nos 1277, 1603).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, nous allons ce soir, ou ce matin, clore la procédure budgétaire relative à l'exercice 1997. Cette année 1997 n'est pas insignifiante puisque c'est la première année dont le Gouvernement auquel j'appartiens a assuré l'exécution, au moins pour sa seconde moitié.

A l'origine, les conditions d'exécution de ce budget se présentaient assez mal, mais nous avons pris les mesures nécessaires pour remettre les finances publiques de notre pays sur les rails de la qualification pour l'euro. L'objectif à l'époque était de ramener le déficit des administrations publiques à 3 % du produit intérieur brut. L'audit que nous avions demandé dès notre arrivée à MM. Bonnet et N asse avait estimé les déficits spontanés de cette année 1997 dans une fourchette de 3,5 % à 3,7 % du PIB. Il soulignait aussi une dérive préoccupante de la dette.

Pour l'Etat, les moins-values de recettes fiscales - nous en avons débattu antérieurement - et les dépassements de dépenses constatés en juillet conduisaient à un déficit compris dans une fourchette de 312 à 322 milliards de francs, alors que la loi de finances initiale de 1997 prévoyait un déficit de 284,8 milliards de francs. L'audit évaluait les pertes de recettes fiscales de l'Etat entre 15 et 17 milliards de francs et les dérapages sur les dépenses entre 12 et 20 milliards de francs. Nous avons donc entrepris une remise en ordre des finances publiques.

Cette remise en ordre s'est traduite dans la loi de finances rectificative de 1997, qui a ramené le déficit à 270,7 milliards de francs, soit une réduction de 14 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale et de 40 à 50 milliards de francs par rapport aux estimations de juillet 1997.

Cet objectif a été tenu. Il a même été amélioré puisque le déficit d'exécution du budget de 1997 s'est élevé à 267,7 milliards de francs, en amélioration de 3 milliards sur le collectif et de 17 milliards sur la loi de finances, alors que, les années précédentes, le déficit réalisé dé passait toujours les prévisions initiales. Au total, par rapport à 1996, la baisse du déficit a été de 28 milliards de francs. Ce bon résultat tient à des mesures fiscales ciblées qui, contrairement au passé, n'ont pas cassé la demande de consommation, et à la maîtrise de la dépense publique que nous avons réalisée tout en finançant nos priorités.

Du côté des recettes, nous avons décidé, dès le mois de juillet, de compenser les moins-values de recettes fiscales constatées par un prélèvement exceptionnel et temporaire sur les profits des entreprises réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires. Je rappelle qu'en 1995, elles avaient été toutes frappées, même celles réalisant


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moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires. Nous avons aussi renforcé l'assujettissement des plus-values à l'impôt sur les sociétés.

M. Charles de Courson.

Et ça a produit combien ? 21 milliards !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ces mesures ont été mises en oeuvre dans la loi du 10 novembre 1997 portant mesures d'urgence financières et fiscales.

Les recettes fiscales nettes de l'Etat se sont ainsi établies à 1 416,6 milliards de francs contre 1 359,6 milliards de francs en 1996, soit une progression de 4,2 %.

Hors l'effet des mesures fiscales décidées cet été, cette progression aurait été de 2,6 % seulement. L'ensemble des recettes de l'Etat hors recettes d'ordre a progressé pour sa part de 3,2 %.

Du côté des dépenses, nous avons fait un effort de maîtrise tout en assurant le financement des nouvelles priorités. Toute dépense nouvelle a été financée par redé ploiement, qu'il s'agisse des priorités du Gouvernement ou des dépenses qui avaient été manifestement sousévaluées dans la loi de finances initiale. Ainsi, le décret d'avances de juillet 1997 a permis de dégager 10 milliards de francs au profit des premières mesures pour l'emploi des jeunes, pour quadrupler l'allocation de rentrée scolaire, pour développer le logement social. Au total, l'évolution des charges du budget général a été stabilisée et s'est élevée à 1 % seulement. Ces résultats ne doivent rien au hasard. Ils procèdent clairement des mesures d'assainissement des finances publiques décidées par le Gouvernement dès l'été 1997, et qui ont permis à la France de se qualifier pour l'euro. Comme nous l'avons vu cet après-midi lors du débat d'orientation budgétaire, ces mesures ont marqué le début d'une politique budgétaire sérieuse qui s'est prolongée en 1998 et en 1999 et que nous continuerons en 2000, 2001 et 2002 pour développer une croissance durable et un progrès solidaire.

J'en viens maintenant aux mesures spécifiques du projet de loi de règlement. Les modifications proposées concernent des régularisations traditionnelles sur des chapitres assortis de crédits évaluatifs. Aucun dépassement n'est constaté, ni sur les chapitres dotés de crédits limitatifs, ni sur ceux dotés de crédits provisionnels.

Le projet de loi de règlement soumet par ailleurs à votre approbation l'article 12 visant la reconnaissance d'utilité publique de dépenses comprises dans deux gestions de fait, pour un montant total un peu supérieur à 2,6 millions de francs.

La première concerne l'association Nord-Pas-de-Calais Développement. Cette association a utilisé une partie des subventions qui lui ont été attribuées pour financer des dépenses de personnel, dépenses qui auraient dû relever du ministère de la ville et de l'aménagement du territoire de l'époque.

La seconde gestion de fait est relative à l'Ecole nationale supérieure des techniques avancées. Son directeur a encaissé des recettes et payé des dépenses destinées à l'école alors que ces opérations auraient dû passer entre les mains d'un comptable public.

Dans les deux cas, si la procédure est contestable, la nature publique des crédits ne fait l'objet d'aucun doute, comme l'ont confirmé les enquêtes de la Cour des comptes.

Je voudrais maintenant vous exposer brièvement les efforts que le Gouvernement mène pour moderniser la procédure d'approbation de la loi de règlement. Une analyse plus riche des gestions passées, analyse non seulement juridique mais également économique, est un facteur déterminant pour éclairer les choix futurs. Le groupe de travail créé à l'initiative du président de l'Assemblée nationale et placé sous son autorité l'a bien montré. Il est important que l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997 soit groupé avec le débat d'orientation budgétaire. Ce n'est pas une coïncidence. C'est conforme aux orientations souhaitées par votre commission des finances. Le débat sur le projet de loi de règlement doit en effet contribuer à la réflexion sur la politique budgétaire à mener.

Pour que la discussion sur une loi de réglement ait quelque intérêt elle ne doit pas se rapporter à des gestions trop anciennes. C'est pourquoi il me paraît nécessaire, et la commission des finances partage le même souci, d'accélérer le calendrier d'adoption des lois de règlement. Je peux vous annoncer qu'un effort sera accompli dès cette année pour le budget de 1998, dont les comptes ont été arrêtés et remis à la Cour des comptes dès le 9 avril dernier, avec près de quinze jours d'avance par rapport au calendrier de l'an dernier. J'ai l'ambition de déposer le projet de loi de règlement pour l'année 1998 sur le bureau de votre assemblée dès le début de l'automne, alors qu'il était traditionnellement transmis au mois de décembre. Il y a là une avancée concrète dans le sens des réflexions de l'Assemblée.

Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement que j'ai l'honneur de soumettre maintenant à votre approbation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si parfois des remarques plus ou moins désobligeantes sont formulées à l'encontre des lois de règlement, je crois que toute personne qui connaît un tant soit peu la nature de nos travaux ne saurait douter de l'intérêt que nous y portons tous, y compris à cette heure avancée de la nuit.

M. Charles de Courson.

Comme le montre le nombre de députés présents !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet intérêt n'est certes pas exclusif d'interrogations quant à l'usage que nous faisons actuellement de cet instrument de contrôle.

Ainsi, c'est afin de lui rendre toute sa portée que le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par le président Laurent Fabius et dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, a proposé certaines réformes en la matière.

Ainsi, le projet de loi de règlement pourrait être déposé peu de temps après la communication, par la Cour des comptes, de son rapport sur l'exécution des lois de finances qui serait présenté au mois de mai-juin de l'année n + 1. Il est indispensable pour cela que l'intégralité des comptes définitifs des ministères, nécessaires à l'établissement de la déclaration générale de conformité


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qui accompagne le projet de loi de règlement, soit remise beaucoup plus tôt à la Cour des comptes, comme elle le réclame régulièrement, mais des progrès sont en cours. La période complémentaire d'exécution du budget, qui s'est achevée, pour l'exécution du budget de 1997, le 7 février 1998, devrait d'ailleurs être encore raccourcie. Des progrès sont déjà intervenus pour l'arrêté des comptes de 1998. Vous venez de nous le confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat.

Il convient que la rationalisation des procédures et la mobilisation des services qui ont permis ces progrès soient encore développées. Mesurer l'écart entre la loi de finances initiale et le budget finalement exécuté peut nourrir non seulement les débats relatifs à la loi de règlement, mais surtout ceux concernant le projet de loi de finances initiale de l'année à venir. Le vote du projet de loi de règlement de l'exercice n pourrait donc, à terme, intervenir avant celui du projet de loi de finances pour l'année n + 2.

Il s'agit là de directions vers lesquelles nous devons nous engager, même si bien des obstacles techniques subsistent encore. C'est en effet à ces conditions que l'examen des projets de loi de règlement pourra prendre une dimension nouvelle.

S'agissant du projet de loi de règlement pour 1997 qui nous intéresse aujourd'hui, les délais et les conditions d'examen sont des plus classiques. Je ne reviendrai pas sur les éléments techniques que vous pourrez trouver dans mon rapport écrit. Je soulignerai toutefois, la répétition étant, comme chacun sait, la base de la pédagogie, que certaines remarques réitérées par moi-même en tant que rapporteur général, mais aussi par nombre de mes prédécesseurs et de rapporteurs spéciaux ces dernières années, finissent par produire leur effet. J'en prends pour exemple le constant rappel au respect du « caractère accessoire », selon les termes mêmes de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, de la procédure des fonds de concours.

Ont finalement répondu à ces démarches l'engagement du Gouvernement, à la fin de 1997, de prendre les m esures corrigeant la pratique dite des « crédits d'articles » et sa correction effective dans la loi de finances de 1999. J'y vois une raison de plus pour mettre un terme définitif à l'ensemble des pratiques régulièrement critiquées.

Ainsi, dans son rapport en vue du règlement définitif du budget de 1997, la Cour des comptes souligne que le financement de rémunérations par voie de fonds de concours méconnaît les principes d'unité et d'universalité budgétaires. Il est certain qu'il porte atteinte aux droits du Parlement pour l'exercice de son autorisation budgétaire. Or, plusieurs fonds de concours correspondant à un tel objet persistent en 1997, alimentant notamment des chapitres de rémunérations du budget du ministère de l'intérieur et de l'industrie. Nous sommes bien conscients que la modicité relative de certains des chapitres concernés est sans commune mesure avec la pratique antérieure des crédits d'articles. Pourtant, il serait regrettable que le Gouvernement en tire argument pour rester inactif.

Pour revenir à l'exercice budgétaire 1997, il convient de remarquer qu'il n'est pas banal avec, au premier semestre, des dérives budgétaires reconnues par l'ancien Premier ministre - nous avons eu l'occasion de citer son courrier, à plusieurs reprises - à bon successeur une alternance politique et un changement de cap budgétaire. Je crois donc que ce qui doit être mis en avant, c'est l'effet des mesures de redressement légitimement prises par le gouvernement issu des élections législatives de maijuin 1997.

Il est vrai que l'exécution d'un budget est étroitement tributaire de l'évolution de la croissance. Or la croissance du PIB a été de 2,2 %, soit un montant légèrement inférieur aux 2,3 % initialement prévus. Cette moyenne ne rend cependant qu'imparfaitement compte des évolutions infra-annuelles particulièrement marquées. Ainsi, au premier semestre de 1997, le seul élément dynamique était constitué par les exportations, la consommation augmentant très peu et les investissements diminuant. A compter de l'automne, c'est la demande intérieure qui a stimulé la croissance alors même que la demande étrangère a nettement ralenti.

En favorisant la reprise de la consommation, en ne faisant porter les prélèvements nécessaires, dans le cadre des mesures d'urgence, que sur les grandes entreprises, à un moment où leur taux d'autofinancement était élevé et les taux d'intérêt bas, la politique du nouveau gouvernement a permis, d'une part, le redémarrage de la consommation et, d'autre part, la reprise de l'investissement engendrée par l'augmentation des débouchés des entreprises.

Les mesures de redressement budgétaires avaient été rendues nécessaires par les dérives mises en évidence au premier semestre. En effet, à la mi-1997, comme l'a établi le rapport sur l'état des finances publiques remis en juillet au Premier ministre par MM. Bonnet et Nasse, l'exécution n'était pas maîtrisée. Leur estimation du déficit, après mesures d'économies possibles mais restant à prendre, évaluées entre 10 et 15 milliards de francs, se situait entre 312 et 322 milliards de francs, pour une prévision initiale de 284,8 milliards de francs.

Le nouveau Gouvernement a tiré les conséquences de cette situation, sur laquelle d'ailleurs l'ancien Premier ministre avait une fois de plus appelé l'attention de son successeur, et s'est donné les moyens de rapprocher le déficit réel de celui affiché en loi de finances avec un décret d'avance permettant de financer, pour 10 milliards de francs, des dépenses prioritaires et des insuffisances de crédits, en contrepartie d'un montant identique d'économies ciblées. Par ailleurs, la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier était destinée à restaurer le niveau prévisionnel des recettes fiscales par des majorations d'impôt sur les sociétés.

Les résultats définitifs sont, dans l'ensemble, très proches des prévisions révisées associées au projet de loi de finances rectificative, lesquelles prenaient en compte les effets de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier. Les dépenses nettes du budget général ont en effet été maîtrisées, leur augmentation n'étant que de 0,8 % par rapport aux résultats enregistrés en 1996.

Ce résultat est d'autant plus à souligner que le Gouvernement a procédé au financement de ses priorités, avec la prise en charge du coût de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire - plus de 6 milliards de francs -, le préfinancement du programme en faveur de l'emploi des jeunes - 2 milliards de francs - et la revalorisation du barème des aides personnelles au logement - 600 millions de francs.

S'agissant du « volet » recettes du budget général, l'ensemble des ressources nettes constatées, y compris donc les fonds de concours, a connu une croissance de 3 % par rapport à 1996, progression moindre que celle constatée lors de ce dernier exercice, laquelle s'élevait à 4 %. Cette évolution est imputable aux recettes fiscales nettes, progressant de 21,3 milliards de francs par rapport


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aux prévisions initiales et traduisant, pour l'essentiel, l'effet des mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

On remarquera toutefois que les résultats définitifs sont supérieurs aux prévisions rectifiées.

Plusieurs facteurs expliquent ces plus-values en fin d'exercice. L'amélioration du taux de recouvrement en matière d'impôt sur le revenu a permis l'encaissement de 3,45 milliards de francs supplémentaires. S'agissant de la TVA, les recettes nettes supplémentaires résultent à la fois d'une meilleure surveillance de la périodicité des versements et d'une sévérité plus grande pour les remboursements.

Enfin, le solde général d'exécution a été au total de 267,7 milliards de francs, traduisant une amélioration de 27,7 milliards de francs par rapport à 1996. Cet effort de maîtrise a permis de ramener le besoin de financement de l'Etat de près de 3,8 % à 3,3 % du PIB, contribuant ainsi à l'amélioration du besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques. Ce dernier a, en effet, été réduit à 3 % contre 4,1 % en 1996, permettant ainsi à la France, ce qui paraissait tout à fait impossible au début de l'année 1997, de se « qualifier », dès le 1er janvier 1999, pour l'euro, en respectant les critères de convergence prévus par le traité de Maastricht.

L'objectif politique d'intégration à la zone euro, qu'on avait pu un temps croire compromis, a donc pu être atteint sans que le nouveau gouvernement - et c'est tout à son honneur - ne sacrifie ses priorités politiques.

La commission des finances a donc adopté sans modification le projet de loi de règlement du budget de 1997.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis six ans maintenant, la commission de la défense rend chaque année, de sa propre initiative, un avis sur le projet de loi de règlement relatif aux mouvements de crédits intervenus au budget de la défense. Sans doute s'agit-il d'une démarche tout à fait spécifique. Mais le budget militaire est lui-même marqué de fortes spécificités, comme le soulignent d'ailleurs les lois de finances, qui distinguent crédits civils et crédits militaires.

De plus, la crise du Kosovo a permis d'entrevoir qu'audelà du débat que nous aurons nécessairement sur le financement de cette opération extérieure exceptionnelle, il nous faudra réfléchir, lors de la loi de finances pour 2000, ensuite lors de la discussion sur la future loi de programmation, sur le volume des crédits de la défense et plus particulièrement sur les choix faits dans le passé ou à faire dans l'avenir, en matière d'équipements.

Dès lors, une étude régulière et approfondie de l'exécution du budget de la défense sur plusieurs années ne sera pas inutile.

L'importance des mouvements de crédits qui affectent le budget de la défense en cours de gestion n'est pas la moindre des particularités de ce budget. L'exercice 1997 ne fait pas exception à ce constat récurrent : ouvertures de crédits au titre III du budget de la défense, à hauteur de 2 milliards de francs, annulations de 5 milliards de francs de crédits de paiement sur le budget d'équipement militaire, augmentation des reports de crédits sur 1998 de 1,5 milliard de francs. Autant de mouvements qui ont permis au budget de la défense de tenir, une fois de plus, toute sa place dans la maîtrise des déficits publics et dans le redéploiement des dépenses publiques, en faveur de l'emploi notamment.

Au total, le budget de la défense, qui a atteint 182,25 milliards, a diminué de 1,7 % en 1997 - 1,11 % pour le titre III et 2,5 % pour les titres V et VI. Comme le montre la Cour des comptes, la baisse des dépenses ordinaires doit d'ailleurs être fortement nuancée, du fait de l'utilisation de la procédure des fonds d'avance. Au total donc, l'effort budgétaire en faveur de la défense a été globalement préservé en 1997.

Ce serait cependant avoir une vue partielle de l'exécution des crédits du budget 1997 que de s'en tenir à ces chiffres. Au-delà de la préservation de l'effort budgétaire en faveur de la défense, il faut en effet s'intéresser aux conditions dans lesquelles s'est déroulée la gestion 1997, eu égard au caractère que j'avais l'an dernier qualifié de

« chaotique » des exercices 1995 et 1996. A cet égard, force est de constater que le ministère de la défense a bénéficié d'un contexte beaucoup plus serein en 1997. Cela n'allait pas de soi.

Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, le Gouvernement s'est trouvé dans la nécessité de redéployer les crédits budgétaires, afin d'exécuter un budget que l'on disait pourtant « impossible », comme le rappelait tout à l'heure le rapporteur général, et de satisfaire à son double engagement en faveur de l'emploi et de l'Europe.

Au contraire des deux exercices précédents de 1995 et 1996, l'exercice 1997 s'est déroulé dans le cadre pluriannuel de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Enfin, il convient de souligner le poids des exercices 1995 et 1996 sur le budget de la défense en 1997, et notamment sur le budget d'équipement. Du fait du caractère pluriannuel de la dépense d'équipement militaire, qui lui confère une inertie importante, les errements des exercices 1995 et 1996 que j'avais relevés l'an passé chute des engagements, explosion des reports de charges et des frais financiers - se sont ressentis sur les résultats de l'exécution 1997. Notamment, le très bas niveau des engagements en 1996, 61 milliards de francs, explique en grande partie la diminution des dépenses nettes et l'augmentation des reports de crédits en 1997, exercice marqué par une régulation budgétaire beaucoup plus souple.

Les symptômes du retour à une gestion plus sereine en 1997 des crédits d'équipement militaire sont multiples : les annulations de crédits ont diminué de 3,5 milliards de francs par rapport à 1996 ; un niveau d'engagement normal de 80 milliards de francs a pu être retrouvé ; les reports de charges générateurs d'intérêts moratoires passent, sur les titres V et VI, de 5,8 milliards de francs à 1,1 milliard de francs ; les intérêts moratoires diminuent d'ailleurs logiquement de 55 %, à 361 millions de francs, contre 812 millions de francs en 1996, année record en la matière.

Au-delà de cette approche quantitative, j'insisterai également sur l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique d'investissement. Là encore, c'est en 1997 que sont posées les bases de la réforme de la gestion des crédits d'équipement. Les principes fixés dans l'instruction interministérielle signée entre les ministères de la défense et de l'économie et des finances le 24 avril 1997 ont ainsi été appliqués dès 1998, avec la mise en place d'une comptabilité spéciale des investissements.


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De même, la passation des premières commandes globales pluriannuelles en 1997, pour un montant de 11 milliards de francs, représente un progrès du fait de la lisibilité accrue qu'elles apportent aux industriels et à l'Etat.

Si l'exercice 1997 témoigne donc d'un retour à des conditions normales de gestion des crédits d'équipement, on observe en revanche des tensions importantes sur le titre III. J'en veux pour preuve l'accroissement des reports de charges sur le titre à l'issue de l'exercice 1997, qui s'élèvent à 3,2 milliards de francs, dont 1,9 milliard de francs au titre des dépenses de rémunérations et de charges sociales. Le fait mérite d'autant plus d'être noté qu'au cours de l'exécution 1997, 2,2 milliards de francs ont été ouverts sur le titre III pour financer les insuffisances de gestion constatées tant dans les dépenses de rémunération que dans celles de fonctionnement.

Ce constat me conduit à poser une nouvelle fois la q uestion du financement des opérations extérieures.

Notamment, l'exercice 1997 a mis en lumière l'indispensable réforme du système des fonds d'avance, qui doit être maintenu, mais mieux contrôlé. Selon la Cour des comptes, en effet, deux tiers des reports de charges sont imputables au recomplètement de ces fonds.

En conclusion, je soulignerai qu'une fois encore, l'analyse spécifique des dépenses militaires à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement, auquel la commission de la défense a donné un avis favorable, permet de mettre en lumière certaines questions de fond. Je prendrai pour seul exemple le financement des opérations extérieures, dont il est inutile de souligner l'actualité. Nul doute, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce sujet sera à nouveau abordé dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais souligner tout d'abord que, s'agissant de ce projet de loi, nous partageons le point de vue du rapporteur général lorsqu'il estime que l'examen d'une loi de règlement est t rop souvent considéré comme un exercice rituel, dépourvu de signification et qu'il convient de s'interroger sur l'utilisation que font les parlementaires de ce qui demeure un instrument privilégié de contrôle du bon usage des fonds publics.

Tout ce qui peut favoriser la qualité de ce contrôle se doit donc d'être encouragé, comme la réduction des délais entre la clôture de l'exercice budgétaire, la production du rapport de la Cour des comptes et l'adoption de la loi de règlement par le Parlement. Le fait que le prérapport de la Cour des comptes sur la loi de finances pour 1998 ait été mis à disposition des parlementaires quelques jours avant le débat d'orientation budgétaire est à saluer comme une avancée.

Dans le même esprit, la mise sur pied d'une mission d'évaluation de la dépense publique est tout à fait essentielle, justement pour mesurer les conséquences concrètes des décisions prises et l'efficacité des crédits engagés dans les différentes politiques publiques. C'est la loi de règlement qui permet de mesurer si les objectifs affichés dans le projet de loi de finances ont été ou non atteints.

Il est également important que le Parlement puisse valider les annulations, mais aussi les ouvertures et les transferts de crédit décidés par le Gouvernement.

Si des adaptations sont inévitables, nous attirons une nouvelle fois l'attention sur ces mesures dites de régulation budgétaire qui, utilisées de manière abusive, peuvent dénaturer sérieusement les orientations décidées par la représentation nationale. Comment ne pas considérer comme hautement contestables les gels de crédits décidés, comme c'est souvent le cas quelques jours seulement après l'adoption du budget ! La loi de finances pour 1997 n'a pas fait exception. La régulation budgétaire, comme le note le rapport, a même constitué la principale caractéristique de la gestion du gouvernement de M. Alain Juppé pendant les cinq premiers mois de 1997.

C'est dès le 17 janvier 1997 qu'a été demandé aux contrôleurs financiers de bloquer les crédits. Une circulaire viendra officialiser la mesure et sera adressée aux ministres le 17 mars.

Ce gel a porté sur 9,9 milliards de francs, dont 8,2 milliards de francs pour les budgets civils et 1,7 milliard de francs pour les services militaires. Ce sont des sommes considérables.

De telles mesures portent objectivement atteinte aux prérogatives budgétaires du Parlement, déjà si fortement encadré, notamment par le fameux article 40.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la proposition faite par le groupe de travail sur l'efficacité et le contrôle parlementaire, d'encadrer les pouvoirs de régulation du Gouvernement en demandant, d'une part, que le Gouvernement informe les commissions des finances des deux Assemblées, préalablement à toute mesure de régulation budgétaire, que celle-ci soit formelle ou informelle et, d'autre part, que le dépôt d'un projet de loi de finances rectificatif soit rendu obligatoire au-delà d'un montant de modifications « très significatif » qui pourrait être fixé, par exemple, à 10 milliards de francs.

Ce projet de loi de règlement donne une bonne image de la politique suivie de janvier à juin 1997, puis des inflexions apportées par la majorité nouvelle sortie des urnes, suite aux élections consécutives à l'heureuse décision du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale.

La bonne tenue du budget 1997 n'est pas étrangère à la reprise de la croissance en France et en Europe, mais elle le doit également à la politique conduite par le nouveau gouvernement à partir de juin.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Dès le 9 juillet 1997, un décret d'avance ouvrait un montant total de crédit de 9,966 milliards de francs afin de financer le quadruplement de la prime de rentrée scolaire, le programme en faveur des emplois-jeunes et une revalorisation du barème des aides personnelles au logement.

Si ces ouvertures ont été gagées par un certain nombre d'annulations de crédit, l'adoption de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a permis de dégager de nouvelles ressources, 24 milliards de francs, au travers notamment de la surtaxe d'impôt sur les sociétés, centrée sur les plus grosses entreprises.

Mais l'exercice budgétaire 1997 présente aussi des zones d'ombre significatives. Si des mesures positives ont été prises dès le second semestre de 1997, l'obligation de


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tenir dans la limite des 3 % de déficit pour la qualification de la France à l'euro a eu des conséquences qu'il faut enregistrer.

Une relance plus affirmée, notamment de la consommation populaire, aurait certainement permis d'accélérer la dynamique de la reprise. Le taux de croissance réalisé en 1997 s'établit à 2,2 %, soit en deçà des hypothèses de croissance retenues par le gouvernement précédent pour construire la loi de finances initiale.

Plus grave, l'équilibre budgétaire a été obtenu en poursuivant la réduction des dépenses d'investissement pourtant structurellement décisives pour l'avenir.

Ce projet de loi de règlement, en tant que tel, ne suggère aucune autre remarque de notre part. L'examen de l'exercice budgétaire 1997 est, en revanche, beaucoup plus stimulant ; il est très éclairant sur le bilan de la droite, mais confirme aussi la nécessité, si l'on veut gagner la bataille de la croissance et de l'emploi, d'approfondir le processus de changement engagé en 1997.

Notre groupe votera donc en faveur de cette loi portant règlement définitif du budget 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en abordant cette loi de règlement pour 1997, je reprendrai la même observation que le rapporteur général, Didier Migaud. Il faudrait pouvoir examiner la loi de règlement de l'année n avant de discuter du projet de loi de finances pour l'année n+2. C'est l'une des propositions que nous avons faites dans le cadre de la mission de réflexion sur l'efficacité de la dépense publique et sur le contrôle parlementaire. Et j'ai bien noté tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vos bonnes intentions. Ce que je souhaite, d'ailleurs avec tous nos collègues, c'est que ces bonnes intentions puissent être concrétisées le plus rapidement possible. Je sais bien que c'est difficile, mais nous avons tous bon espoir.

Cette année 1997 est doublement intéressante. Elle est intéressante, d'une part, parce qu'il faut mettre en perspective avec 1993. Il a fallu un long cheminement, de 1993 à 1997, pour redresser la situation de nos finances publiques qui s'étaient, comme vous le savez, profondément dégradées. Et puis, c'est une année particulière, puisque le projet de loi de finances a été préparé par l'ancien gouvernement, voté par l'ancienne majorité, puis modifié et exécuté par le nouveau gouvernement par la nouvelle majorité.

La première interrogation qu'on peut se poser porte sur le déficit qui avait été prévu en loi de finances initiales : 284 milliards de francs ! Il est certain que c'était un déficit élevé. Mais pour bien comprendre, mes chers collègues, le montant de ce déficit, il faut se souvenir d'où nous partions. Et s'il y a eu un déficit prévisionnel de 284 milliards de francs en 1997, c'est parce que le déficit que nous avions constaté en mars 1993 atteignait, lui, 340 milliards de francs, que les comptes sociaux étaient grevés d'un déficit de 100 milliards de francs et que l'UNEDIC avait également un passif de 50 milliards de francs.

Les étapes du redressement ont été douloureuses, d'autant plus que la gravité de la situation, au printemps 1993, a été très mal appréciée.

Examinons les chiffres ensemble. En 1993, le seul déficit de l'Etat représentait 4,8 % du PIB ; en 1994, on l'a ramené à 4,6 % ; en 1996, deux ans plus tard, il est passé à 3,65 % ; et, en 1997, il est encore un peu au-dessus de 3 %. Et si l'on considère l'ensemble des déficits publics, y compris les déficits sociaux, ce déficit est passé de 6 % du PIB en 1993 à 3,5 % du PIB en 1997 - parce que je tiens compte, par honnêté, par souci de rigueur intellectuelle, de la soulte de France Télécom.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est bien !

M. Gilles Carrez.

Je trouve que cette performance-là : passer de 6 % à 3,5 % en trois ans est tout aussi remarquable - voire plus remarquable - que celle dont se gargarisait tout à l'heure votre collègue le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quand il saluait sa propre action depuis 1997.

Vous avez donc trouvé, en 1997, une situation assainie.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas ce que disait M. Juppé !

M. Gilles Carrez.

C'est ce qui ressort, à l'évidence, du rapport Bonnet-Nasse. Selon ce dernier, au milieu de l'année 1997, il y a eu une certaine dérive...

M. Gérard Fuchs.

Une certaine rupture !

M. Gilles Carrez.

... par rapport à l'exécution budgétaire.

Mais cette dérive, précise-t-il, pouvait être corrigée par les mesures traditionnelles de gel puis d'annulation budgétaire en fin d'année, pour un montant de 10 à 20 milliards de francs, ce qui était à la portée d'un gouvernement responsable.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Qui avait sacrifié les investissements ?

M. Gilles Carrez.

Cette situation assainie, vous en avez très habilement profité, je le reconnais bien volontiers.

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Il ne fallait pas dissoudre !

M. Gilles Carrez.

Nous y reviendrons, monsieur Migaud : bien obligé ! Le gouvernement d'Alain Juppé avait gelé 10 milliards de francs, mais ne les avait pas annulés. Vous les avez aussitôt utilisés, en prenant un décret d'avance au mois de juillet, qui vous a permis de majorer l'allocation de rentrée scolaire, d'augmenter les barèmes de l'APL, de lancer les emplois-jeunes.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

De relancer l'économie !

M. Gilles Carrez.

Et puis vous avez vraiment eu de la chance :...

M. Gérard Fuchs.

Ce n'est pas interdit !

Mme Béatrice Marre.

La chance sourit aux audacieux !

M. Gilles Carrez.

... vous avez bénéficié de plus de 10 milliards de francs d'économie de constat, tout simplement parce que le précédent gouvernement avait surestimé la charge de la dette en sous-estimant les effets favorables de sa politique de réduction des taux d'intérêt.

M. Jean-Louis Idiart.

A vous les efforts, à nous la réussite !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Gilles Carrez.

En quelque sorte, et c'est ce qui ressort de cette loi de règlement, le précédent gouvernement vous avait parfaitement préparé le terrain pour la qualification du pays à la monnaie unique.

Dans ces conditions, à quoi ont pu servir les mesures d'urgence à caractère financier et fiscal ? Elles n'ont eu qu'un seul but : vous permettre d'augmenter les dépenses budgétaires par toute une série de mesures nouvelles.

M. Michel Bouvard.

Comme d'habitude !

M. Gilles Carrez.

J'affirme ici, au vu de cette loi de règlement, qu'avec un peu plus de rigueur sur les dépenses, comme l'aurait fait le précédent gouvernement,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

... on aurait pu passer l'année 1997 et peut-être même l'année 1998 sans nouvelle augmentation d'impôts.

Car vous n'y êtes pas allés de main morte, en matière d'impôts : 24 milliards de francs dans le cadre du MUCFF avec la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés et diverses bricoles.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est la faute à Chirac !

M. Gilles Carrez.

Grâce à vous, le taux des prélèvements obligatoires a ainsi franchi un nouveau palier et atteint un record.

Mais je vous reconnais, monsieur le secrétaire d'Etat, une grande habileté dans la gestion de cette mesure, car vous avez su épargner les petites entreprises, celles qui réalisent moins de 50 millions de chiffre d'affaires.

M. Jean-Louis Idiart.

Celles qui créent des emplois !

M. Gilles Carrez.

Quant aux autres, elles ont troqué, en quelque sorte, la qualification à l'euro...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Puisqu'elle était acquise...

M. Gilles Carrez.

... contre une hausse temporaire de l'impôt sur les sociétés. Temporaire, c'est du moins ce qu'elles croyaient jusqu'à ces derniers jours, parce que, maintenant, elles vont déchanter. Mais, à l'époque, les chefs d'entreprise n'ont pas tellement protesté.

Mme Béatrice Marre.

Cela prouve qu'ils n'avaient pas si mal !

M. Gilles Carrez.

Vous avez pu alors engager le budget pour 1998 dans de bonnes conditions socialistes : une dépense publique en hausse...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Cela recommence !

M. Gilles Carrez.

... des impôts en hausse encore plus forte et un déficit en légère baisse.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Cela ne marche pas si mal !

M. Gilles Carrez.

Il est vrai qu'au vu de cette loi de règlement j'éprouve un peu de regret...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pas nous !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

On vous comprend, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez.

... car le budget de 1997, je puis le dire, moi qui suis un rescapé, ne valait pas une dissolution ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

On n'y peut rien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est une atteinte au chef de l'Etat !

M. Gilles Carrez.

La croissance était déjà de retour grâce à la conjoncture internationale et aux efforts du précédent gouvernement. Et surtout, mes chers collègues, les déficits de l'héritage socialiste de 1993, au bout de quelques années, commençaient d'être apurés.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Où est l'erreur ?

M. Gilles Carrez.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat et mes chers collègues, si cette loi de règlement du budget de 1997 m'inspire un peu d'amertume, j'espère que, quant à vous, elle vous inspire de la reconnaissance.

Au nom du groupe RPR, je voterai cependant contre pour une simple raison :...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah !

M. Gilles Carrez.

... la hausse massive d'impôts décidée à l'automne 1997 était vraiment inutile. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous la trouvez sans doute trop faible par rapport à celle que vous aviez votée !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Idiart.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Enfin, la voix de la sagesse !

M. Jean-Louis Idiart.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la préparation du budget 1997 avait donné lieu, bien sûr, à une de ces magnifiques leçons d'experts en économie, rôle dans lequel la droite excelle en théorie...

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Surtout M. Gantier !

M. Jean-Louis Idiart.

... moins en pratique.

Le professeur Arthuis, sous le contrôle du recteur Juppé, nous faisait part de leur budget de rigueur, dû au laxisme des socialistes et à la situation calamiteuse laissée par le gouvernement Balladur et son ministre du budget Sarkozy.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il fallait le dire !

M. Jean-Louis Idiart.

Décidément, pour l'opposition d'aujourd'hui, rien n'a changé.

Entre 1993 et 1997, la politique économique des gouvernements successifs a conduit à étouffer la consommation. La droite avait choisi d'aider massivement les entreprises et les ménages les plus aisés sans contrepartie en termes d'emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilles Carrez.

Caricature !

M. Jean-Louis Idiart.

Ces choix économiques, malgré une reprise progressive sur le plan international, n'ont pas abouti, loin s'en faut, à la maîtrise des comptes publics et à la diminution du chômage.

L a crainte des mauvais résultats économiques, à l'approche des élections législatives prévues en 1998, a conduit le Président de la République à dissoudre l'Assemblée nationale. Le gouvernement Juppé, soit ne


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croyait pas en sa politique, soit ne faisait pas preuve d'un grand discernement en matière économique, ou peut-être les deux.

A moins que la crainte la plus forte n'ait encore été la perspective d'un débat national avant les élections sur l'euro et l'Europe. L'actualité d'aujourd'hui nous montrerait alors que les craintes de l'époque étaient fondées. La dissolution perdue n'a fait que les exacerber pour aboutir au désastre de dimanche.

L'élection d'une nouvelle majorité et la mise en place du gouvernement Jospin ont préservé notre pays de tels dysfonctionnements. Les premières mesures mises en oeuvre ont accompagné et accéléré la reprise de l'économie. La croissance est au rendez-vous.

En juillet 1997, un audit des finances publiques a été réalisé. Sans tenir compte de la soulte de France Télécom, la dérive des comptes était incontestable : de l'ordre de 35 à 50 milliards, dont une trentaine sur le seul budget de l'Etat. Au total, la loi de règlement fixe le déficit budgétaire à 267 milliards contre 284 en loi de finances initiale. En juillet 1997, l'audit indiquait que le niveau tendanciel du déficit était compris entre 312 et 322 milliards.

La droite explique que le gouvernement Jospin n'a fait que récupérer les bénéfices de la politique Balladur-Juppé.

Dans ce cas, pourquoi, étant si sûre d'elle-même, de sa compétence, de son efficacité, a-t-elle eu si peur de l'avenir qu'elle a dissous ? En réalité, c'est bien parce qu'une autre politique a été menée que la situation s'est améliorée. Le soutien au pouvoir d'achat des ménages aux revenus moyens et modestes a permis d'enclencher un cercle vertueux de croissance.

Le redressement des finances publiques a été possible par une action équilibrée sur les dépenses et les recettes. Il a été fait appel aux grandes entreprises qui réalisent des bénéfices et à toutes celles qui réalisent des plus-values financières. La majoration temporaire de l'impôt sur les sociétés n'a pas pénalisé les PME, mais a permis de corriger une situation de dérive qui interdisait toute qualification à l'euro.

Parallèlement, le Gouvernement a engagé les premières mesures significatives de sa politique. Ont pu être financés les premiers emplois-jeunes, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, un programme de réhabilitation de logements sociaux, la revalorisation des allocations logement.

On est à l'opposé des mesures du gouvernement Juppé de 1995. Les ménages ont alors subi de plein fouet la hausse de la TVA, les entreprises ont bénéficié d'allègements de charges sociales alors que les particuliers avaient besoin de pouvoir d'achat pour que les entreprises profitent de la demande et puissent investir et créer des emplois.

Le Gouvernement et sa majorité ont su combiner réduction des inégalités et relance économique. La loi de règlement 1997 le traduit. Les résultats économiques et la d iminution du chômage obtenus depuis lors le confirment.

Nous voterons cette loi de règlement, parce que le changement de gouvernement en 1997 marque une nouvelle chance pour la France dans l'Europe. Désormais, nous avons prouvé qu'efficacité économique et solidarité non seulement ne s'opposent pas, mais sont devenues complémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je rappellerai d'abord qu'en vertu de l'article 38 de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959, le Gouvernement est tenu de déposer le projet de loi de règlement « au plus tard à la fin de l'année qui suit l'année d'exécution du budget ». Je ne sais pas si le projet de loi de règlement pour 1997 a été déposé avant la fin de 1998, mais c'est un fait que nous l'examinons au mois de juin 1999, et ce délai est évidemment fort dommageable.

Nous avons reçu à la commission des finances le premier président de la Cour des comptes, qui a reconnu que l'examen de la loi de règlement plus de deux ans après le vote de la loi de finances faisait perdre beaucoup de son intérêt à l'autorisation que nous, parlementaires, sommes appelés à délivrer. Il a souhaité réduire ce délai d'une année. Avec l'aide du Gouvernement et de la Cour des comptes, nous pourrions peut-être, effectivement, gagner quelques mois.

J'ajouterai que, bien que n'étant pas un poète - mais après tout, je n'en suis pas sûr - le premier président nous a fait rêver, en évoquant le cas de Singapour. A Singapour, il y a un budget, comme partout, mais il paraît qu'il est exécuté en temps réel, c'est-à-dire que la loi de règlement est prête le 31 décembre à minuit. Voilà un rêve dont nous sommes, évidemment, assez éloignés.

Elaboré par la majorité précédente, qui ne l'a appliqué que pendant très peu de mois, le budget de 1997 a été exécuté à partir du mois de juin par le gouvernement de M. Jospin, donc après une alternance politique considérable. C'est aussi pour nous l'occasion de dresser un premier bilan tangible de la « méthode Jospin ».

Alors que le principal souci inhérent au budget pour 1997 avait été son bouclage, étant donné que l'ancien gouvernement avait programmé une baisse de l'impôt sur le revenu...

M. Alain Barrau.

Quel malheur que nous n'ayons pu assister aux aléas de la suite !

M. Gilbert Gantier.

... et qu'il fallait également songer à la qualification de la France pour l'euro, le gouvernement socialiste n'a rien eu de plus pressé que d'annuler la baisse de l'impôt sur le revenu et d'alourdir l'impôt sur les sociétés en créant la « surtaxe Jospin ». M. Lionel Jospin a ainsi fait adopter, dans le cadre d'un projet portant mesures urgentes à caractère financier et fiscal, un programme d'augmentation d'impôts de 20 milliards de francs.

Mais revenons un instant à la conjoncture économique qui avait donné lieu à l'élaboration du budget 1997.

En 1996, la croissance avait été limitée : 1,2 %. Finalement, la croissance constatée pour l'année 1997 s'est élevée à 2,2 %. L'enjeu du débat sur cette loi de règlement est donc de savoir qui peut s'approprier la croissance ainsi retrouvée.

S uite au nécessaire assainissement des finances publiques en 1994, 1995 et 1996, le budget 1997 posait les bases d'une croissance retrouvée. Le taux de croissance constaté de 2,2 % est quasi identique aux prévisions de la loi de finances initiale, qui misait sur 2,3 %. Force est donc de constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que le retour au pouvoir des socialistes n'a pas abouti à un retour miraculeux de la croissance.

L'assainissement financier réalisé par la majorité précédente s'est traduit par la réduction du besoin de financement des administrations. On est ainsi passé de plus de 4 % de déficit en 1996 à 3 % en 1997, progrès tout à


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fait notable. Alors que la majorité socialiste d'avant 1993 avait creusé un gouffre pour les finances publiques, la majorité précédente a donc su réduire le besoin de financement des administrations publiques de 6 % du PIB en 1993 à 3 % en 1997.

On doit dès lors se demander comment s'est traduite l'intervention du gouvernement actuel sur ce budget en cours d'exécution. Eh bien, il faut le dire, par des dépenses supplémentaires ! La loi de finances rectificative du 29 décembre 1997 a autorisé 47,7 milliards de francs de dépenses qui n'avaient pas été prévues en loi de finances initiale. Entre la loi de finances initiale et la loi de règlement, les dépenses de l'Etat auront ainsi progressé de 4,8 %. Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fort bien parlé du déficit, mais vous n'avez rien dit des dépenses. Or les dépenses de l'Etat, en 1997, sont passées de 1 831 milliards en loi de finances initiale à 1 921 milliards en loi de règlement.

En matière de recettes, la majorité socialiste a voté l'annulation de la réforme de l'impôt sur le revenu et a récupéré, par ce biais, plus de 3,5 milliards de francs par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Mais c'est surtout l'instauration de la surtaxe Jospin qui va provoquer une poussée mécanique des recettes fiscales. Le produit de l'impôt sur les sociétés augmentera ainsi de près de 20 % et la charge pour les entreprises atteindra plus de 20 milliards de francs.

En ce qui concerne la structure des dépenses, la ventilation des crédits révèle une évolution importante. Alors que les dépenses de fonctionnement augmentent inexorablement pendant l'année 1997 en raison de la croissance du poste « effectifs civils », qui progresse de plus de 2,5 %, et que le service de la dette progresse également de plus de 2 %, les dépenses en capital de l'Etat, et notamment les investissements exécutés par l'Etat, enregistrent une regrettable diminution de plus de 12,3%.

On peut donc parler de désépargne des administrations publiques. L'augmentation des dépenses publiques sert à financer le poids des effectifs de la fonction publique ou à payer les intérêts de la dette, non à favoriser l'offre publique d'infrastructures. L'examen des comptes de l'Etat illustre bien le caractère de plus en plus improductif de la dépense publique.

La loi portant règlement définitif du budget de 1997 est donc intéressante parce qu'elle met en évidence le gaspillage des efforts réalisés sous la majorité précédente pour assainir la situation. Ce premier bilan a posteriori de la gestion socialiste est la résultante d'une gestion que l'on pourrait dire au fil de l'eau, comptant plus sur la croissance et la baisse des taux d'intérêt que sur un effort de réduction véritable de la dépense publique. C'est pourquoi nous ne pourrons pas voter le projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Charles de Courson.

Monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant de ce projet de loi de règlement, je dirai très simplement qu'alors que vous aviez hérité d'un bon projet de budget, vous l'avez transformé en un mauvais budget. Je vais le montrer à partir de trois points.

Tout d'abord, vous avez inutilement accru les recettes fiscales d'environ 21 milliards lors du vote des mesures d'urgence, ce qui a entraîné une hausse des prélèvements obligatoires. A cet égard, vous avez dit tout à l'heure dans votre discours quelque chose de totalement inexact.

Contrairement, précisément, à la note qui vous avait été transmise à l'époque, les recettes fiscales auraient été exactement les mêmes en l'absence des deux mesures qui ont rapporté 21 milliards. Voici les chiffres : en loi de finances initiale, l'estimation des recettes fiscales nettes é tait de 1 395 milliards. Or, l'exécution a atteint 1 417 milliards. La différence est de 21 milliards. C'est précisément le montant des mesures d'urgence que vous avez prises. Vous ne pouvez donc pas justifier l'augmentation que vous avez fait voter par les moins-values fiscales que vous estimiez. Ou si tel est le cas, il faut reconnaître que vous vous êtes trompé car la réalisation était conforme aux prévisions.

Or, 21 milliards, c'était presque 0,3 point de PIB. Cela a donc entraîné une nouvelle augmentation des taux de prélèvements obligatoires. Sans les mesures que vous avez prises, il y aurait eu maintien du taux des prélèvements obligatoires en 1997 par rapport à 1996.

Le deuxième point porte sur la dépense. Je reconnais que, là, vous êtes passé maître dans l'art de la manipulation des documents budgétaires. Je vais le démontrer très simplement.

Prenez la loi de règlement. Le montant des dépenses dans le budget général était de 1 921 milliards, contre une exécution en 1996 de 1 902 milliards, soit une hausse de 1 %. Celle-ci était prévue à 0 % dans la loi de finances initiale.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Balladur et Juppé n'ont jamais tenu leurs prévisions !

M. Charles de Courson.

Ecoutez plutôt, monsieur le rapporteur général ! Voici les chiffres : 58 milliards en ouverture de crédits et 34 milliards d'annulations. Il est vrai que nous avions préparé le terrain puisque nous avions, d'ores et déjà, gelé plus de 15 milliards que vous avez d'ailleurs utilisé dans le premier décret d'avances.

Donc, vous avez apparemment augmenté la dépense publique de 24 milliards, soit de 1 %. Mais, et c'est ce point qu'il convient de dénoncer, car les dépenses ont en fait augmenté de 3,7 %. Cela apparaît clairement si l'on s'intéresse aux comptes d'affectation spéciale, dont vous évitez soigneusement de parler. Comment ces comptes ont-ils évolué ? Les sommes qui y étaient affectées sont passées de 34 milliards en 1996, à 87 milliards en 1997.

D'où vient cette hausse de 53 milliards ? Elle provient tout simplement des recettes de privatisation. Vous avez donc, et c'est très grave, vendu les bijoux de famille pour financer des dépenses de fonctionnement renouvelables.

Ce n'est pas moi qui le dis, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est dans le rapport de la Cour des comptes sur la loi de règlement de 1998.

Ainsi, et c'est un sujet que je connais bien, car j'ai été pendant trois ans au conseil d'administration de cet organisme, vous avez versé 13,5 milliards à l'EPFR pour payer des intérêts de retard. Fin 1997, en dépit de ces 13,5 milliards, il restait encore 8,5 milliards d'intérêt impayés qui ont fait l'objet, en 1998, d'une nouvelle dotation, toujours sur les recettes de privatisation.

Quelle est la nature de cette dépense ? S'agit-il d'une dotation en capital ? Absolument pas, mes chers collègues ! C'est une dépense de fonctionnement qui devrait figurer dans le titre Ier de la loi de finances.

Par ailleurs, Réseau ferré de France a bénéficié de 8 milliards de dotation en capital. Cela a-t-il servi à faire d es investissements ? Absolument pas ! Seulement à combler une partie du déficit qui, je vous le rappelle, d épassait déjà 10 milliards en 1997 et atteignait


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13 milliards en 1998. Voilà une nouvelle illustration de l'utilisation des recettes de pivatisation pour financer des dépenses de fonctionnement répétitives.

Je pourrais encore citer l'exemple - dénoncé d'ailleurs dans le rapport de la Cour des comptes - de Charbonnages de France. Ils ont fait, eux aussi, l'objet d'une dotation en capital alors que leur subvention dans le budget général a diminué de 3,5 milliards.

Je pourrais aussi évoquer la « recapitalisation » de GIAT. Mais là encore, il s'agit d'une dissimulation de la réalité.

Donc, si vous additionnez le budget général aux CAS, vous constatez que les dépenses sont passées de 1 936 milliards en 1996 à 2 008 milliards en 1997, soit une augmentation de 3, 7 %. De combien a augmenté le produit intérieur brut pendant la même période ? De 3,4 ou 3,5 % selon que vous prenez le PIB marchand ou le PIB total. Par conséquent, le poids de la dépense publique augmente.

M. Gilles Carrez.

C'est arithmétique !

M. Charles de Courson.

Dès lors, il ne faut pas s'étonner que vous ayez été obligé de procéder à des augmentations, ce qui aurait été totalement inutile si vous aviez respecté le cadre budgétaire de la loi de finances initiale.

C'est pour cela que le groupe UDF appelle à voter contre cette loi de règlement. Elle est, en effet, l'illustration de votre goût pour la dépense publique et l'augmentation des impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous n'avez pas trop de mémoire !

M. Charles de Courson.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi refusez-vous de répondre à certaines questions ? Je vais le faire pour vous. Est-il vrai que vous avez augmenté de 0,3 point les prélèvements obligatoires en 1997 ? Oui ! Est-il vrai que vous avez promis en 1998 une baisse de 0,2 point de PIB des prélèvements obligatoires ? Oui ! Si vous le niez, je sortirai des documents qui montrent que j'ai raison. Est-il vrai que, en 1999, vous avez à nouveau promis dans cette Assemblée une baisse de 0,2 point de PIB ?

M. Gilles Carrez, M. Jean-Jacques Jégou et

M. Georges Tron.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Vous n'osez pas répondre, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. Alain Barrau.

C'est ça ! Il est tétanisé !

M. Charles de Courson.

Pourtant, vous avouez aujourd'hui que vous ne pourrez pas tenir cet engagement.

Pourtant, je vous avais indiqué dès octobre 1998 que, même dans l'hypothèse totalement improbable où la croissance serait de 2,7 % en 1999 - vous êtes entre 2,2 % et 2,5 % - cela ne serait pas possible avec une prévision de hausse des prix de 1,3 %. Donc, mécaniquement, les prélèvements obligatoires ne baisseront pas en 1999. Vous l'avez d'ailleurs reconnu très discrètement dans votre rapport.

Tout cela fait beaucoup : 0,3 point de plus en 1997 ; aucune baisse en 1998 - premier mensonge - et rebelote en 1999.

M. Alain Barrau.

Perseverare diabolicum !

M. Charles de Courson.

Voilà pourquoi, s'agissant des prélèvements obligatoires, vous ne pouvez pas être crédible, monsieur le secrétaire d'Etat. Une augmentation de 0,3 point, succédant à deux fausses annonces de baisse de 0,2 point : quel triste bilan ! Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre ce projet de loi de règlement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est l'heure des comptes de fée !

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 1997 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après : C HARGES (en francs) R

ESSOURCES (en francs) A. - Opérations à caractère définitif Budget général et comptes d'affectation spéciale Ressources : Budget général (1)

...........................................................................

... 1 651 805 473 252,99 A déduire : Dégrèvements et remboursements d'impôts

............................. 265 594 888 806,17 Sous-total

...........................................................................

............

1 386 210 584 446,82 Comptes d'affectation spéciale

.......................................................

89 254 875 423,50 Total

...........................................................................

........................................................... »

1 475 465 459 870,32


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

(1) Voir ce tableau dans le projet no 1277 (annexes).

C HARGES (en francs) R

ESSOURCES (en francs) Charges Dépenses ordinaires civiles : Budget général

...........................................................................

..........

1 639 280 565 494,76 A déduire : Dégrèvements et remboursements d'impôts

............................. 265 594 888 806,17 Sous-total

...........................................................................

............

1 373 685 676 688,59 Comptes d'affectation spéciale

.......................................................

18 068 484 953,44 Total

...........................................................................

...........................................................

1 391 754 161 642,03 » Dépenses civiles en capital : Budget général

...........................................................................

..........

99 497 214 595,03 Comptes d'affectation spéciale

.......................................................

69 208 465 615,14 Total

...........................................................................

...........................................................

168 705 680 210,17 » Dépenses militaires : Budget général

...........................................................................

.......................................................

182 253 156 301,89 » Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale)

.......................

1 742 712 998 154,09 1 475 465 459 870,32 Budgets annexes Aviation civile

...........................................................................

.............................................................

7 857 006 749,42 7 857 006 749,42 Journaux officiels

...........................................................................

......................................................

1 017 898 968,96 1 017 898 968,96 Légion d'honneur

...........................................................................

.......................................................

122 325 754,29 122 325 754,29 Monnaies et médailles

...........................................................................

.............................................

805 507 256,49 805 507 256,49 Ordre de la Libération

...........................................................................

.............................................

4 249 451,00 4 249 451,00 Prestations sociales agricoles

...........................................................................

................................

91 488 560 484,24 91 488 560 484,24 Totaux budgets annexes

...........................................................................

.....................

101 295 548 664,40 101 295 548 664,40 Totaux (A)

...........................................................................

................................................

1 844 008 546 818,49 1 576 761 008 534,72 Solde des opérations à caractère définitif (A)

...........................................................................

267 247 538 283,77 » B. - Opérations à caractère temporaire Comptes spéciaux du Trésor Comptes d'affectation spéciale

...........................................................................

.............................

29 155 875,02 113 222 001,37 Comptes de prêts

...........................................................................

......................................................

6 058 927 212,31 4 863 580 373,55 Comptes d'avances

...........................................................................

...................................................

396 287 605 390,60 396 457 537 692,23 Comptes de commerce (résultat net)

...........................................................................

................. 410 057 479,47 » Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (résultat net)

........................

66 265 958,65 » Comptes d'opérations monétaires, hors FMI (résultat net)

................................................... 933 642 842,80 » Totaux (B)

...........................................................................

.................................................

401 098 254 114,31 401 434 340 067,15 Solde des opérations à caractère temporaire, hors FMI (B)

................................................. »

336 085 952,84 Solde d'exécution des lois de finances, hors FMI (A + B)

......................................................

266 911 452 330,93 » Solde d'exécution des lois de finances, hors FMI, hors FSC

...............................................

267 710 959 455,55 » (1) Après déduction des prélèvements sur recettes de l'Etat (252 765 750 754,90 F) au profit des collectivités locales et des Communautés européennes.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Article 2 et tableau A annexé

M. le président.

« Art. 2. - Le montant définitif des recettes du budget général d e l'année 1997 est arrêté à 1 651 805 473 252,99 francs. La répartition de cette somme fait l'objet du tableau A ( 1) annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article 2 et le tableau annexé.

(L'article 2 et le tableau A annexé sont adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

(1) Voir ce tableau dans le projet no 1277 (annexes).

Article 3 et le tableau B annexé

M. le président.

« Art. 3. - Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts so nt modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère, conformément au tableau B (1) annexé à la présente loi. »

D ÉSIGNATION

DES

TITRES D ÉPENSES (en francs) AJUSTEMENTS DE LA

LOI DE RÈGLEMENT Ouvertures de crédits complémentaires (en francs) Annulations de crédits non consommés (en francs) I. - Dette publique et dépenses en atténuation de recettes

....

515 484 575 780,36 9 076 387 156,81 4 815 801 376,45 II. - Pouvoirs publics

...........................................................................

.. 4 301 855 337,46 » 2 588 662,54 III. - Moyens des services

...................................................................

634 255 974 459,11 1 825 736 874,60 3 234 670 197,49 IV. - Interventions publiques

..............................................................

485 238 159 917,83 3 771 180 276,50 1 422 091 778,67 Totaux

...........................................................................

..................

1 639 280 565 494,76 14 673 304 307,91 9 475 152 015,15 Je mets aux voix l'article 3 et le tableau B annexé.

(L'article 3 et le tableau B annexé sont adoptés.)

Article 4 et tableau C annexé

M. le président.

« Art. 4. - Le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts so nt modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère, conformément au tableau C (1) annexé à la présente loi. »

D ÉSIGNATION

DES

TITRES D ÉPENSES (en francs) AJUSTEMENTS DE LA

LOI DE RÈGLEMENT Ouvertures de crédits complémentaires (en francs) Annulations de crédits non consommés (en francs) V. - Investissements exécutés par l'Etat

........................................

25 395 758 565,41 » 35,59 VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat

..........

74 100 619 223,17 » 2 185 591,83 VII. - Réparations des dommages de guerre

...............................

836 806,45 » 0,55 Totaux

...........................................................................

..................

99 497 214 595,03 » 2 185 627,97 Je mets aux voix l'article 4 et le tableau C annexé.

(L'article 4 et le tableau C annexé sont adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

(1) Voir ce tableau dans le projet no 1277 (annexes).

Article 5 et tableau D annexé

M. le président.

« Art. 5. - Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédi ts ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau D (1) annexé à la présente loi. »

D ÉSIGNATION

DES

TITRES D ÉPENSES (en francs) AJUSTEMENTS DE LA

LOI DE RÈGLEMENT Ouvertures de crédits complémentaires (en francs) Annulations de crédits non consommés (en francs) III. - Moyens des armes et services

................................................

106 259 876 299,66 8 064 040,46 1 046 051 987,80 Totaux

...........................................................................

..................

106 259 876 299,66 8 064 040,46 1 046 051 987,80 Je mets aux voix l'article 5 et le tableau D annexé.

(L'article 5 et le tableau D annexé sont adoptés.)

Article 6 et tableau E annexé

M. le président.

« Art. 6. - Le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget général de 1997 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédi ts ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis conformément au tableau E (1) annexé à la présente loi. »

D ÉSIGNATION

DES

TITRES D ÉPENSES (en francs) AJUSTEMENTS DE LA

LOI DE RÈGLEMENT Ouvertures de crédits complémentaires (en francs) Annulations de crédits non consommés (en francs) V. - Equipement

...........................................................................

...........

75 061 310 366,04 0,20 1,16 VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat

..........

931 969 636,19 0,19 » Totaux

...........................................................................

..................

75 993 280 002,23 0,39 1,16 Je mets aux voix l'article 6 et le tableau E annexé.

(L'article 6 et le tableau E annexé sont adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

(1) Voir ce tableau dans le projet no 1277 (annexes).

Article 7 et tableau F annexé

M. le président.

« Art. 7. - Le résultat du budget général de 1997 est définitivement fixé comme suit :

« Recettes .............................

1 651 805 473 252,99 F

« Dépenses ...........................

1 921 030 936 391,68 F

« Excédent des dépenses sur les recettes .......................

269 225 463 138,69 F

« La répartition des recettes et de dépenses fait l'objet du tableau F (1) annexé à la présente loi. »

Je mets aux voix l'article 7 et le tableau F annexé.

(L'article 7 et le tableau F annexé sont adoptés.)

Article 8 et tableau G annexé

M. le président.

« Art. 8. - Les résultats des budgets annexes sont arrêtés aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau. Ces crédits sont répartis par budget, conformément au tableau G (1) annexé à la présente loi. »

D ÉSIGNATION DES BUDGETS

TOTAUX ÉGAUX en recettes et en dépenses (en francs) AJUSTEMENTS DE LA

LOI DE RÈGLEMENT Ouvertures de crédits complémentaires (en francs) Annulations de crédits non consommés (en francs) Aviation civile

...........................................................................

................

7 857 006 749,42 198 804 078,03 67 947 140,61 Journaux officiels

...........................................................................

.........

1 017 898 968,96 35 141 934,19 8 472 480,23 Légion d'honneur

...........................................................................

.........

122 325 754,29 4 656 983,96 2 040 345,67 Monnaies et médailles

..........................................................................

805 507 256,49 22 033 779,21 48 435 723,72 Ordre de la Libération

...........................................................................

4 249 451,00 566 089,40 720 622,40 Prestations sociales agricoles

.............................................................

91 488 560 484,24 512 478 418,12 399 917 933,88 Totaux

...........................................................................

..................

101 295 548 664,40 773 681 282,91 527 534 246,51 Je mets aux voix l'article 8 et le tableau G annexé.

(L'article 8 et le tableau G annexé sont adoptés.)

Article 9 et tableau I annexé

M. le président.

« Art. 9. - I. Les résultats des comptes spéciaux du Trésor dont les opération s se poursuivent sont arrêtés, pour 1997, aux sommes mentionnées au tableau ci-aprè s. Les crédits et les autorisations de découverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par cat égorie de comptes et ministère gestionnaire, conformément au tableau I (1) annexé à la présente loi. »

DÉSIGNATION OPÉRATIONS DE L'ANNÉE 1997 AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT Dépenses (en francs) Recettes (en francs) Ouvertures de crédits complémentaires (en francs) Annulations de crédits non consommés (en francs) Autorisations de découverts complémentaires (en francs)

I. Opérations à caractère définitif Comptes d'affectation spéciale

..............

85 947 677 576,48 88 885 728 550,95 700 536 230,94 305 647 810,46 »

II. Opérations à caractère temporaire Comptes d'affectation spéciale

..............

29 155 875,02 113 222 001,37 » 28 148 637,98 » Comptes de commerce

............................

42 270 779 041,18 42 680 836 520,65 » » » Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers

........................... »

11 559 624,33 » » » Comptes d'opérations monétaires

.......

8 599 391 121,32 8 946 355 351,15 » » 41 904 878 100,49 Comptes de prêts

......................................

6 058 927 212,31 4 863 580 373,55 1,31 900 000,00 » Comptes d'avances

...................................

396 287 605 390,60 396 457 537 692,23 43 109 557 809,13 108 952 418,53 » Totaux

................................................

453 245 858 640,43 453 073 091 563,28 43 109 557 810,44 138 001 056,51 41 904 878 100,49 Totaux généraux

....................

539 193 536 216,91 541 958 820 114,23 43 810 094 041,38 443 648 866,97 41 904 878 100,49


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

« II. Les soldes, à la date du 31 décembre 1997, des comptes spéciaux du Trésor dont les opérations se poursuivent sont arrêtés aux sommes ci-après et répartis, par ministère, conformément au tableau I annexé à la présente loi. »

DÉSIGNATION DES CATÉGORIES DE COMPTES SPÉCIAUX SOLDES AU 31 DÉCEMBRE 1997 Débiteurs (en francs) Créditeurs (en francs) Comptes d'affectation spéciale : opérations à caractère définitif et à caractère temporaire

...........................................................................

............................................................ »

12 950 654 311,65 Comptes de commerce

...........................................................................

.......................................

96 693 451,29 2 726 440 196,58 Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers

..............................................

178 705 577,31 » Comptes d'opérations monétaires

...........................................................................

...................

41 904 878 100,49 16 135 613 831,17 Comptes de prêts

...........................................................................

..................................................

123 837 121 953,64 » Comptes d'avances

...........................................................................

...............................................

113 173 459 213,03 » Totaux

...........................................................................

...........................................................

279 190 858 295,76 31 812 708 339,40

« III. - Les soldes arrêtés au II sont reportés à la gestion 1 998, à l'exception d'un solde créditeur de 815 349 375,54 francs concernant les comptes d'opérations monétaires et d'un solde débiteur de 996 424 933,40 francs concernant les comptes de prêts qui font l'objet d'une affectation par l 'article de transport aux découverts du Trésor. »

Je mets aux voix l'article 9 et le tableau I annexé.

(L'article 9 et le tableau I annexé sont adoptés.)

Articles 10 et 11

M. le président.

« Art. 10. - Les résultats des comptes spéciaux du Trésor défi nitivement clos au 31 décembre 1997 sont arrêtés aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les cr édits sont modifiés comme il est dit au même tableau. »

D É S I G N A T I ON OPÉRATIONS DE L'ANNÉE SOLDES AU 31 DÉCEMBRE 1997 AJUSTEMENTS DE LA LOI de règlement Dépenses (en francs) Recettes (en francs) Débit (en francs) Crédit (en francs) Ouvertures (en francs) Annulations (en francs)

I. Opérations à caractère définitif Comptes d'affectation spéciale 902-18 Fonds pour la participation des pays en développement aux ressources des grands fonds marins

.............................................................. » » » » » »

902-28 Fonds pour l'accession à la propriété

....

967 000 343,50 » » 12 564 044,62 » 12 564 044,50 902-29 Fonds pour le logement des personnes en difficulté

................................................................

362 272 648,60 369 146 872,55 » 6 874 223,95 155 387,50 77 882 738,90 Total

......................................................................

1 329 272 992,10 369 146 872,55 » 19 438 268,57 155 387,50 90 446 783,40

II. Opérations à caractère temporaire Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers 905-11 Opérations de liquidation de l'ancien secteur français de Berlin

.....................................

115 184 046,98 37 358 464,00 » 3 127 205,74 » » Total général

..............................................

1 444 457 039,08 406 505 336,55 » 22 565 474,31 155 387,50 90 446 783,40 Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

« Art. 11. - Le solde débiteur des pertes et profits sur emprunts et en gagements de l'Etat est arrêté au 31 décembre 1997 à la somme de 2 527 087 456,80 francs, conformément au tableau ci-après : O PÉRATIONS D ÉPENSES (en francs) R

ECETTES (en francs) Annuités non supportées par le budget général ou un compte spé cial du Trésor

......

7 950 454 913,55 » Pertes sur remboursements anticipés de titres : pertes sur titres repris en paiement d'impôts

...................................................................

129 448,00 » Pertes de change

...........................................................................

.......................................................

1 678 462,51 » Dotations aux amortissements. - Charges financières : dotations aux amortissements des primes d'émission des obligations

....................

2 370 089 043,72 dotations aux amortissements des suppléments résultant des indexations

...........

18 289 878,81 Profits sur opérations réalisées par la Caisse d'amortissement de la dette publique : opérations sur BTAN

...........................................................................

........................................ 5 426 043 736,01 Pertes et profits divers sur emprunts et engagements : pertes sur emprunts à long terme

...........................................................................

..............

4 279 615 025,87 » profits divers sur emprunts à long terme

........................................................................... »

6 010 579 494,60 pertes sur BTAN

...........................................................................

................................................

1 470 199 462,70 » profits sur BTAN

...........................................................................

................................................ »

2 864 454 500,00 pertes diverses

...........................................................................

...................................................

740 000 000,00 » profits divers

...........................................................................

....................................................... »

2 291 047,75 Totaux

...........................................................................

................................................................

16 830 456 235,16 14 303 368 778,36 Solde

...........................................................................

..................................................................

2 527 087 456,80 » - ( Adopté.

)

Après l'article 11

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 1 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« I. Dans l'article 45 de la loi de finances rectif icative pour 1997 (no 97-1239) du 29 décembre 1997, après le mot "information", sont insérés les mots "tous les six mois, accompagnées des réponses de leurs destinataires". »

« II. A la fin du même article, sont supprimés les mots : ", dès lors qu'elles sont devenues définitives". »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, le principe selon lequel la loi de règlement devrait être l'occasion de contrôler l'exécution de la dépense fait, je crois, l'objet d'un consensus sur tous ces bancs. Surtout, nous sommes nombreux à considérer que nous devrions pouvoir nous appuyer davantage sur les travaux de la Cour des comptes pour permettre aux commissions, et en particulier aux rapporteurs spéciaux, d'exercer un contrôle effectif.

C'est pour cela qu'en décembre 1997, lors de l'examen de la loi de finances, j'avais proposé un amendement que l'Assemblée, à l'unanimité, avait adopté contre la volonté du Gouvernement. Je vous en rappelle les termes : « Les communications visées à l'article L.

135-1 du code des juridictions financières sont transmises, pour information, aux présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat dès lors qu'elles sont devenues définitives. »

Mes chers collègues, cette disposition a-t-elle été appliquée ?

M. Michel Bouvard.

Non !

M. Charles de Courson.

Le président Bonrepaux n'a pas réussi à obtenir ce que nous demandions.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Mais si !

M. Charles de Courson.

Nous ne disposons pas de l'ensemble des notes du parquet.

Le président Joxe, avec lequel je m'en suis entretenu, m'a fait observer que notre texte était mal rédigé. Il m'a expliqué qu'il était difficile d'interpréter les termes : « dès lors qu'elles sont devenues définitives ». Je lui ai donc rappelé que notre intention - le compte rendu de nos travaux en témoigne - était tout simplement de ne pas gêner la Cour des comptes dans son travail. En effet, certaines communications peuvent être réajustées à la suite des réponses fournies par les organismes concernés.

Cela étant, pour que les choses soient plus claires, je vous propose un amendement no 1 corrigé qui tend à préciser le texte que nous avions voté. Si vous l'adoptez, lesdites communications devront nous être transmises tous les six mois, accompagnées des réponses de leurs destinataires, ce que nous n'avions pas prévu dans la rédaction de l'article 45 de la loi de finances rectificative de 1997. Or, lorsqu'il y a un référé, par exemple, il m'a paru intéressant que les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale puissent avoir connaissance de la réponse du ministre ou du président de l'organisme concerné. Ces réponses constitueraient une véritable mine.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Si les rapporteurs spéciaux disposaient de la collection complète des notes du parquet, nous nous régalerions, mes chers collègues, et nous mettrions les gouvernements successifs devant leurs responsabilités. On saurait, en effet, depuis combien de temps la Cour des comptes a appelé l'attention de tel ou tel, et s'il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

s'est contenté de botter en touche dans sa réponse. Le Parlement aurait ainsi une véritable utilité. En effet, mes chers collègues, combien sommes-nous ce soir sur ces bancs ? Il ne faut plus s'étonner si la démocratie meurt à petit feu dans ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Il n'y a plus de véritable démocratie puisque notre fonction de contrôle démocratique du Gouvernement n'est pas réellement remplie. Et s'il y a eu de nombreuses commissions au cours des quinze dernières années, ce n'est pas pour rien.

Voilà donc l'esprit de mon amendement.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

J'apprécie peu les leçons que vient nous donner M. de Courson à deux heures du matin...

M. Charles de Courson.

Au moins, je vous ai réveillé ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... alors que tout à l'heure, lorsque nous examinions ses amendements en commission, il n'était pas là pour les défendre.

Commencez donc, monsieur de Courson ! par être présent avant de vous en prendre aux autres.

M. Charles de Courson.

Fait personnel !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Quant au travail en commission des rapporteurs spéciaux, je suis navré que vous le mettiez en cause. Y a-t-il un rapporteur spécial qui ait demandé par mon intermédiaire des documents à la Cour des comptes et auquel on les aurait refusé...

M. Charles de Courson.

Je vais vous répondre !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... dès lors, bien sûr, que la Cour des comptes a procédé à toutes les investigations et a obtenu les réponses des différents ministères interrogés ? Monsieur de Courson, vous faites un faux procès.

Commencez par être irréprochable avant de donner des leçons !

M. Charles de Courson.

Fait personnel !

M. le président.

Monsieur de Courson, Je ne vois pas où est le fait personnel et, en tout état de cause, vous ne pourriez intervenir qu'en fin de séance.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 1 rectifié ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Notre assemblée a parfaitement compris que la commission des finances avait exprimé un avis défavorable sur cet amendement.

M. Charles de Courson.

Je l'ai rectifié !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je ne vois pas comment vous pouvez commenter les travaux de la commission des finances alors que vous n'y étiez pas !

M. Charles de Courson.

Je vais vous répondre !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'ai bien noté que vous aviez rectifié votre amendement. Mais cela ne change pas grand-chose.

Si nous sommes tout à fait d'accord avec l'esprit de la disposition qui avait été présentée il y a deux ans - d'ailleurs, nous l'avions montré en adoptant l'amendement nous sommes engagés aujourd'hui dans une réflexion avec la Cour des comptes pour améliorer le contrôle du Parlement sur l'exécution des lois de finances, ainsi que dans des propositions de nature législative.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à repousser, ce soir, cet amendement. Dans un délai très rapproché, nous aurons des propositions à faire sur l'ensemble de ces sujets.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'amendement présenté par M. de Courson part de l'intention louable d'assurer une meilleure information du Parlement et d'accroître ses pouvoirs de contrôle en ayant accès à des documents de la Cour des comptes. Evidemment, le Gouvernement est favorable à une démarche, qui a été engagée par le président de l'Assemblée nationale et qui tend dans ce sens. Et il a un grand respect pour les travaux de la Cour des comptes.

Cela étant, il trouve cet amendement inopportun. Je rappelle, en effet, qu'il existe deux dispositions importantes qui permettent au premier président de la Cour des comptes de porter à la connaissance des commissions des finances du Parlement les constatations et observations de la Cour. En outre, cette transmission est de droit lorsqu'il n'a pas été répondu sur le fond dans un délai de six mois aux communications de la Cour au ministre.

Par ailleurs, la Cour des comptes doit procéder - et elle le fait volontiers - aux enquêtes qui sont demandées par les commissions des finances sur la gestion des services ou des organismes qu'elle contrôle.

Je ne veux pas prolonger ce débat mais je veux souligner, que, lorsque M. Pierre Joxe, premier président de la Cour des comptes, est intervenu devant le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique, il a fait valoir - et cela doit être pris en considération - que les magistrats ne disposeraient pas de la même liberté de critique si leurs conclusions devaient être systématiquement rendues publiques.

Donc, votre amendement découle d'un excès de zèle qui le rend inopportun. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer, sinon le Gouvernement demandera son rejet.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président Bonrepaux, vous ne m'aviez pas habitué à ce genre de propos à mon égard. N'avez-vous pas déclaré à la commission que j'étais l'un de ses membres plus assidus ? Je suis donc un peu étonné de cet argument de pure forme.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous n'étiez pas présent lors de la réunion de la commission cet après-midi.

M. Charles de Courson.

Si je n'étais pas à la réunion de la commission, c'est pour la raison très simple, monsieur le président Bonrepaux, que j'étais dans ma circonscription pour l'inauguration d'une usine que j'ai contribué à installer.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Cela n'enlève rien au fait que vous n'avez pas à donner de leçons !

M. Charles de Courson.

Je vous ferai une seconde observation, monsieur le président Bonrepaux : nous sommes ici quatre ou cinq députés de l'opposition a être membres de la commission des finances. S'il y a des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

personnes à qui vous pourriez faire la critique que vous m'avez faite, c'est aux 565 autres députés qui ne sont pas dans l'hémicycle, mais certainement pas à moi.

Venons-en maintenant au fond.

Vous nous dites, monsieur le président Bonrepaux, que la Cour des comptes n'a jamais refusé de répondre à une demande de communication de documents. Mais là n'est pas le problème. L'article 45, monsieur le président Bonrepaux, instaure l'automaticité de la transmission des documents et non leur délivrance sur demande. Comment pouvez-vous savoir, monsieur le président Bonrepaux, qu'il existe un référé, une note du parquet, un rapport sur tel ou tel sujet puisque vous n'avez pas accès directement à la base des données de la Cour des comptes ? Le problème n'est pas tel que vous le posiez tout à l'heure. Il est que les documents de la Cour des comptes devraient être systématiquement transmis. Or ce n'est pas le cas. L'article 45, qui a été voulu à l'unanimité par l'Assemblée nationale, n'est pas appliqué. Si vous trouvez cela normal, monsieur le président Bonrepaux, moi, cela me choque. Vous ne pouvez pas me démentir car, si cet article était appliqué, ce sont près de 1 000 documents que vous recevriez par an de la Cour des comptes : des notes du parquet, des référés, des lettres des présidents.

Or vous ne les avez pas.

J'ai été magistrat à la Cour des comptes et je peux vous dire que c'est une véritable mine de renseignements, grâce auxquels nous pourrions contrôler beaucoup mieux que nous ne le faisons actuellement.

Je n'ai pas critiqué les rapporteurs spéciaux. J'ai dit qu'ils ne pouvaient pas avoir accès à ces renseignements parce que la première condition pour y avoir accès, c'est de savoir qu'ils existent. J'ai moi-même été obligé en tant que rapporteur spécial du BAPSA de téléphoner directement au premier président parce que les documents dont nous avions besoin ne nous avaient pas été transmis, et ce en violation de l'article 45. Il se trouve que je reçois le petit fascicule de la Cour des comptes en tant qu'ancien membre de la Cour des comptes et j'ai même pu citer au premier président le numéro du référé que je voulais grâce à cela. Comment est-ce qu'un parlementaire de base pourrait l'avoir ? Il ne le connaît pas. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Parce que vous, vous n'êtes pas un député de base ?

M. Jean-Louis Idiart.

Il n'y a pas des députés de base et des députés du sommet ! C'est inadmissible. Nous sommes tous au même titre des élus de la République !

M. Jean-Claude Lefort.

Oui, quel mépris !

M. Jean-Louis Idiart.

On n'a pas fait la Révolution pour entendre ça !

M. Charles de Courson.

Voilà le problème posé, monsieur le président Bonrepaux.

Je reviendrai maintenant sur l'argument que vous avez utilisé.

Vous avez repris le vieil argument de tous les conservateurs qui consiste à dire qu'il ne faut pas transmettre au Parlement les référés et les notes du parquet de la Cour des comptes, sinon les rapporteurs de la Cour des comptes se censureront. De qui se moque-t-on ? Que stipule l'article 47 de la Constitution de notre pays ? Que la Cour des comptes associe le Parlement dans le contrôle de l'exécution de la loi de finances. Monsieur le président Bonrepaux, c'est la Constitution même de notre pays qui le prévoit. Or vous plaidez dans le sens de tous vos prédécesseurs, et faites vôtre leur argument selon lequel il ne faut pas que nous ayons connaissance de ce que fait la Cour des comptes ni de ses critiques, au cas où cela deviendrait utile. Voilà la vérité ! Je m'étonne beaucoup qu'un président de la commission des finances utilise les arguments les plus éculés de tous les premiers présidents qui se sont succédé à la Cour des comptes.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

L'heure est très tardive et nous avons encore un texte à examiner. La fatigue a peutêtre conduit le président Bonrepaux et le rapporteur général à dire des choses particulièrement désagréables.

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas désagréable, c'est la vérité !

M. Jean-Jacques Jégou.

J'étais présent à la réunion de la commission des finances à quatorze heures trente et j'ai personnellement défendu l'amendement de M. Charles de Courson. Il n'avait pas la possibilité d'y assister, comme d'autres collègues rapporteurs de la majorité ne l'ont pas pu précédemment et pour qui on a changé l'ordre du jour. Cela nous vaut peut-être aujourd'hui de parler à deux heures du matin de tout autre chose que ce qui était prévu initialement.

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je le dis de façon très amicale au président Bonrepaux et à M. Didier Migaud : je ne comprends pas l'attaque qu'ils ont portée contre notre collègue qui, comme il l'a dit lui-même, manquait seulement pour la deuxième fois une réunion de la commission. Nous sommes tous tenus dans nos circonscriptions par des impératifs. Une telle attaque était inutile.

M. Jean-Louis Idiart.

Il faudrait lui dire aussi d'être un peu moins suffisant vis-à-vis de ses collègues !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de dix amendements, présentés par M. de Courson, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 2 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la dotation globale de fonctionnement constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 4 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la dotation spéciale pour le logement des instituteurs constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 9 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la dotation élu local constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »


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L'amendement no 3 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, le versement du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation constitue une dépense permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 10 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la dotation au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 5 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 6 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la dotation de compensation de la taxe professionnelle constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 11 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 7 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, le fonds de compensation pour la TVA constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

L'amendement no 8 est ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« A compter de l'exercice 2000, la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale constitue une charge permanente imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur, et non plus un prélèvement sur recettes. »

La parole est à M. de Courson.

M. Charles de Courson.

Ces dix amendements posent tous le même problème.

Depuis plus de vingt ans, les rapports de la Cour des comptes sur la loi de règlement posent la question de savoir s'il est normal qu'il y ait une catégorie des « prélèvements sur recettes », c'est-à-dire que les prélèvements sur recettes soient présentés sous une forme contractée en violation du principe même de l'unité de la loi de finances. Et depuis six ans que je suis parlementaire je dépose des amendements pour soulever le problème.

L'amendement no 2 concerne la DGF. La Cour des comptes a encore rappelé dans son rapport de cette année sur la loi de règlement de 1997 qu'il s'agissait d'une dépense de l'Etat qui devrait être imputée sur le budget du ministère de l'intérieur, et non pas d'un prélèvement sur les recettes de TVA.

L'amendement no 4 porte sur la dotation spéciale pour le logement des instituteurs. Elle constitue également une dépense du budget de l'Etat et n'a rien à voir avec un prélèvement sur recettes qui ferait l'objet d'une amputation des recettes brutes.

L'amendement no 9 a trait à la dotation élu local. A quoi sert cette petite dotation que nous touchons dans nos modestes communes rurales ? A essayer de réduire le coût pour les conseils municipaux qui donnent des indemnités aux maires et aux adjoints. Cela n'a rien à avoir avec un prélèvement sur recettes.

Il est en de même du versement du produit des amendes forfaitaires de police de la circulation, dont il est question à l'amendement no 3. Mes chers collègues, de quoi s'agit-il ? L'Etat touche, d'une part, une recette qui s'appelle les amendes forfaitaires de police et confie, d'autre part, aux conseils généraux le soin de répartir cette recette entre les communes. Cela n'a absolument rien à voir avec un prélèvement sur recettes.

L'amendement no 10 concerne la dotation au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse. Là encore, il s'agit bien d'une dépense qui devrait être imputée sur le titre IV du budget du ministère de l'intérieur.

Je poursuis mon émunération.

Le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, que notre collègue Carrez, qui a dû nous quitter, connaît par coeur, qu'a-t-il à voir avec un prélèvement sur recettes ? L'amendement no 6 porte sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle et l'amendement no 11, sur la compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, qui sont bien des charges permanentes. Pourquoi, là encore, cette contraction ? Les deux derniers amendements, nos 7 et 8, ont trait à deux autres dépenses qui sont citées dans le rapport de la Cour des comptes : le fonds de compensation pour la TVA et la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale.

Tous ces exemples représentent des masses budgétaires considérables. Or, on a même vu des gouvernements transformer des dépenses du budget général en prélèvements pour donner l'illusion que les masses budgétaires croissaient moins vite. Cela relève de l'artifice comptable et nuit à la clarté des documents budgétaires et à leur lisibilité.

J'espère, mes chers collègues, que vous adopterez ces amendements dans un but de clarification des documents budgétaires et par respect des recommandations de la Cour des comptes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Il s'agit là d'amendements bien connus des membres de la commission et qui témoignent de la continuité des convictions et des efforts de notre collègue. Pour une fois - une fois n'est pas coutume ! -, je reprendrai les propos de mon prédécesseur, Philippe Auberger, qui a tenu à rendre hommage au travail de notre collègue, sans toutefois lui donner satisfaction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Cette argumentation, notre collègue la connaît bien, puisque, comme il l'a rappelé lui-même, c'est la septième année qu'il formule ce type de proposition.

Les amendements qu'il a déposés visent à tenir compte des observations que la Cour des comptes fait invariablement chaque année à propos du mécanisme des prélèvements sur recettes. En l'espèce, il est proposé de traiter à l'avenir les différents prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales comme des charges du budget général. Il est d'ailleurs sans doute à mettre sur le compte de la distraction le fait que notre collègue ait, cette fois-ci, oublié le prélèvement au profit des Communautés européennes.

M. Michel Bouvard.

C'est parce qu'il est très européen !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je rappellerai que ces prélèvements ne sont pas contraires à la Constitution ni même à l'ordonnance organique. De plus et surtout, le système actuel offre aux parlementaires - c'est ce que nous avons vu en commission des finances cet aprèsmidi - une marge de manoeuvre importante pour déposer des amendements dans les domaines concernés par ces prélèvements. Et, dans l'attente d'une modification de l'ordonnance organique, que nous-mêmes nous souhaitons, permettant d'autoriser les parlementaires à opérer des compensations entre dépenses publiques, il n'est pas certain que l'adoption de ces amendements soit opportune.

J'invite donc notre Assemblée à repousser cette série d'amendements.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Quelques mots simplement pour expliquer à mes collègues que si les propositions de M. de Courson, étaient adoptées, ils seraient privés de la possibilité de déposer le moindre amendement sur la DGF, par exemple, puisque c'est un prélèvement sur recettes, alors qu'aujourd'hui, ils ont la possibilité de le faire.

Si M. de Courson était suivi, je serais obligé d'appliquer l'article 40. En d'autres termes, M. de Courson essaie priver ses collègues du peu de liberté qu'il leur reste.

M. Georges Tron.

Ça alors !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Même avis que M. le rapporteur général. Défavorable.

M. Charles de Courson.

Puis-je répondre au rapporteur général, monsieur le président ?

M. le président.

Oui, monsieur de Courson, mais brièvement, car nous avons encore un autre texte à examiner.

M. Charles de Courson.

Je veux dire deux choses seulement.

Première chose : c'est volontairement que je n'ai pas déposé d'amendement sur le prélèvement au profit des Communautés européennes, et vous savez très bien pourquoi. C'est parce que c'est peut-être l'un des seuls cas pour lesquels on peut se demander s'il ne faut pas les laisser en l'état.

Mes chers collègues, vous le savez parfaitement, que vous votiez une modification à la hausse ou à la baisse du prélèvement européen, cela n'a aucune importance...

M. Jean-Claude Lefort.

Ce n'est pas possible d'entendre ça !

M. Charles de Courson.

..., puisqu'en application d'un traité européen, vous serez obligé de le payer.

Deuxième chose : l'argument que vous utilisez pour la DGF, monsieur le président Bonrepaux, ne vaut pas pour la totalité de mes amendements, puisqu'il ne concerne que l'un d'entre eux. Or j'en ai déposé dix.

Le problème est de savoir si, oui ou non, on veut avoir des documents budgétaires clairs, compréhensibles et lisibles.

M. le président.

Je crois qu'on vous a compris, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson.

Si la réponse est oui, vous voterez mes amendements.

Si vous pensez qu'il faut rester dans cette sorte de m aelstrm ou seuls quelques très rares spécialistes comprennent les documents budgétaires, eh bien, vous voterez contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

Articles 12 et 13

M. le président.

« Art. 12. - I. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 676 628,40 francs, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts du 6 décembre 1995 et du 21 mai 1997, au titre du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

« II. - Sont reconnues d'utilité publique, pour un montant de 1 925 929,09 francs, les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat, jugée par la Cour des comptes dans ses arrêts du 11 septembre 1996 et du 12 novembre 1997, au titre du ministère de la défense. »

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

« Art. 13. - I. - Les sommes énumérées ci-après, mentionnées aux articles 7, 9 (III) et 11, sont transportées en augmentation des découverts du Trésor :

« Excédent des dépenses sur lesr ecettes du budget général de 1997 ........................................

269 225 463 138,69 F

« Remises de dettes aux pays les moins avancés ..............................

996 424 933,40 F

« Pertes et profits sur emprunts et engagements .................................

2 527 087 456,80 F

« Total I - augmentation des découverts du Trésor ............

272 748 975 528,89 F

« II. Les sommes mentionnées ci-après et visées aux articles 9 (III) et 10 sont transportées en atténuation des découverts du Trésor :

« Résultat net du compte spécial du T résor « Pertes et bénéfices de change » soldé chaque année .........

815 349 375,54 F

« Résultat net des comptes spéciaux clos au 31 décembre 1997 ............

22 565 474,31 F

« Total II - atténuation des découverts du Trésor .....................

837 914 849,85 F

« Total net à transporter en augmentation des découverts du Trésor (I II) .................................

271 911 060 679,04 F. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.

M. le président.

J'allais le proposer, monsieur le secrétaire d'Etat.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le 18 juin 1999 à deux heures quinze, est reprise à deux heures vingt-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

3 TAUX DE TVA RÉDUIT Discussion d'une proposition de résolution

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Didier Migaud et plusieurs de ses collègues sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les exercices à forte intensité de main-d'oeuvre (COM [99] 62 final/n E 1236) (no 1526, 1585).

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, mes chers collègues, l'opposition, toujours intéressée par la TVA...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... au point de l'avoir augmentée de 60 milliards de francs quand elle était au pouvoir,...

M. Michel Bouvard.

Critères de convergence obligent !

M. Gilbert Gantier.

Quand donc changerez-vous de disque ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... a souhaité que nous parlions aujourd'hui de notre volonté, à nous, de la baisser.

M. Gilbert Gantier.

Faites-le donc !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Qu'il en soit ainsi ! A la demande du groupe RPR dont je veux saluer, en cette heure tardive, l'unique représentant...

M. Julien Dray.

Mais d'une extrême qualité !

M. Michel Bouvard.

Les autres arrivent !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... nous allons donc examiner une proposition de résolution que j'ai déposée, le 8 avril, avec l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés. Ce texte, que la commission des finances de notre assemblée a adopté le 11 mai, porte sur la proposition de directive de la Commission européenne du 17 février 1999 tendant à autoriser les

Etats membres à soumettre au taux réduit de la TVA certains services à forte intensité de main-d'oeuvre.

Cette proposition de directive était très attendue par la France, qui a d'ailleurs joué un rôle moteur dans le processus qui a conduit à son élaboration. En effet, nous avons la volonté, après être parvenus à stopper leur progression, de réduire le niveau, trop élevé dans notre pays, des prélèvements obligatoires que vous aviez porté à un niveau record. Et dans cette perspective, dans la fidélité aux engagements pris devant les Français au cours de la campagne des dernières élections législatives, c'est la baisse de la TVA qui nous apparaît prioritaire. Cette orientation témoigne de notre volonté de diminuer la fiscalité qui pèse sur les ménages pour soutenir la consommation et la croissance, et de porter nos efforts sur un impôt dégressif, donc injuste, dont l'allégement profite à tous les Français. C'est un choix d'efficacité et d'équité.

Il nous a néanmoins semblé que ces objectifs ne pourraient être atteints en revenant sur le relèvement du taux normal de 18,6 % à 20,6 % décidé à l'été 1995. Il faut, en effet, bien considérer le coût d'une baisse de deux points du taux normal et aussi le caractère incertain de sa répercussion sur les prix et sur le pouvoir d'achat des ménages. C'est pourquoi la mise en oeuvre de baisses ciblées nous est apparue préférable et, en dix-huit mois, ce sont déjà 13 milliards de francs que nous avons consacrés à cette politique.

Sa poursuite, voire son amplification, s'est néanmoins heurtée au droit communautaire qui, en matière de TVA, au nom de l'harmonisation fiscale et du passage à un hypothétique régime définitif de taxation des échanges


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

dans le pays d'origine, a singulièrement limité les marges de manoeuvre des Etats membres. Certes, des baisses de TVA restent possibles dans le respect du droit communautaire...

M. Michel Bouvard.

Exactement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je pense à certains produits alimentaires, au droit d'utilisation des installations sportives, aux protections pour incontinence adulte. Je pense aussi, comme notre collègue Jean-Louis Bianco, qu'il faudra revoir le régime de TVA défavorable qui est réservé au bois de chauffage et aux abonnemnets d'énergie calorifique. Mais il reste que notre pays a déjà largement exploité la liste de biens et services pouvant être soumis, dans l'Union européenne, au taux réduit de la TVA et qu'il nous était devenu difficile de promouvoir l'emploi par une réduction de la fiscalité indirecte sans oeuvrer pour un assouplissement des contraintes communautaires. C'est ce que le Gouvernement a fait, car il nous revient, comme nous l'avons dit au cours de la campagne qui vient de s'achever pour l'élection du Parlement européen, de façonner l'Europe dans un sens plus favorable à l'emploi et à la croissance. La proposition de directive qui constitue notre sujet du jour est le fruit, en matière fiscale, de cette volonté française portée par le Gouvernement.

Nous avons jugé opportun d'indiquer au Gouvernement, à travers cette proposition de résolution, les attentes de la représentation nationale.

En premier lieu, nous lui demandons d'oeuvrer pour l'adoption rapide de cette propositon de directive. Nous lui faisons confiance : il a plaidé dans ce sens lors du Conseil ECOFIN du 25 mai et à l'occasion du Conseil européen de Cologne.

En deuxième lieu, nous lui suggérons quelques ajustement techniques. Il s'agit, comme le Parlement européen l'a lui-même demandé, de faire en sorte que l'autorisation que le Conseil doit donner pour qu'un Etat puisse mettre en oeuvre une baisse de TVA sur un service à forte intensité de main-d'oeuvre soit décidée à la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité, et de préserver le droit pour un

Etat qui aurait été autorisé à procéder à une baisse de taux de revenir à tout moment sur cette mesure au nom de la liberté fiscale des Etats.

Enfin, nous indiquons au Gouvernement quel est, selon nous, le meilleur champ d'application pour une baisse de la TVA.

A cet égard, il faut préciser que nous ne sommes pas totalement lilbres de nos propositions. Les services éligibles doivent répondre à certaines conditions et les baisses de TVA ne doivent pas être de nature à créer des distorsions de concurrence. Elles doivent faire l'objet d'une proposition de la Commission approuvée par un vote unanime du Conseil.

Ensuite, il faut rappeler que l'objet de cette directive est de mesurer, sur trois ans, les effets sur l'emploi de baisses ciblées de TVA. Avant le 1er septembre prochain - c'est bientôt -, les gouvernements devront indiquer à la Commission européenne quelles mesures ils entendent mettre en oeuvre le 1er janvier 2000. Il ne s'agit pas, comme je l'ai entendu, de présenter une liste de services dans laquelle nous pourrions piocher, au fil du temps, durant les années à venir, car, dans cette hypothèse, il est exact qu'il faudrait formuler une demande la plus large possible, comprenant le bâtiment, la restauration, et même d'autres secteurs d'activité, afin de préserver notre liberté de choix. Il s'agit, de façon plus précise, de dire ce que nous voulons faire dans quelques mois. Ceux qui prétendent que nous pourrions baisser la TVA d'un seul coup de 40 ou 50 milliards de francs à cette échéance ne sont pas sérieux. Ils oublient d'ailleurs que, si tel était le cas, nous pourrions alors réfléchir à une baisse du taux normal. Je ne crois pas que le Parlement se grandirait en formulant des propositions irréalisables.

Parmi les propositions les plus fréquemment évoquées, il y a d'abord les services rendus aux personnes sous forme d'aides à domicile, qui sont liés au développement du travail féminin et au maintien à domicile des personnes âgées, dépendantes ou handicapées. Une baisse de la TVA sur ces activités favoriserait le développement des entreprises et de l'emploi dans un secteur souvent cité comme un gisement important.

Il me semble que l'on ne peut évoquer, année après année, les perspectives de développement du secteur des services aux personnes, et refuser toute initiative destinée à donner corps à ce projet. Nous sommes donc favorables, monsieur le secrétaire d'Etat, à cette mesure qui reçoit d'autant plus votre approbation que son coût serait pratiquement nul pour les finances publiques.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Néanmoins, nous avons souhaité que soit prise en compte l'inquiétude réelle de certaines associations, très présentes sur ce marché, qui redoutent des effets de substitution d'emplois, voire d'éviction. Il nous paraît raisonnable de demander au Gouvernement de mesurer les effets sur l'offre associative d'un assujettissement au taux réduit de ces services rendus. Il faut pouvoir encourager un nouveau secteur sans fragiliser celui qui existe.

Vient ensuite toute une série de propositions, dont la restauration. Je comprends cette demande : les effets sur l'emploi et la croissance d'une telle baisse de TVA pourraient être sensibles ; de surcroît, la restauration traditionnelle, assujettie au taux normal, souffre d'une distorsion de concurrence par rapport à la restauration rapide...

M. Julien Dray.

Comme McDonald's !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... spécialisée dans les ventes à emporter, qui bénéficie du taux réduit. Pourquoi, dans ces conditions, n'avons nous pas fait le choix prioritaire de la restauration ?

M. Jean-Jacques Weber.

On peut se le demander !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Des raisons juridiques, budgétaires et économiques s'y opposaient.

J'ai pu constater d'ailleurs qu'aucun amendement n'a été proposé sur le projet de directive qui vous est proposé.

M. Julien Dray.

Si, en commission !

M. Michel Bouvard.

Vous les avez repoussés ! Et la date limite de dépôt a été changée !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais vous ne les avez pas maintenus à l'occasion de cette séance.

M. Julien Dray.

Evidemment puisque vous les aviez repoussés en commission ! M. Didier Migaud, rapporteur général.

Des raisons juridiques : la restauration ne figure pas sur la liste des biens et services qui peuvent être soumis au taux réduit de la TVA. Les Etats membres qui appliquent un taux réduit à la restauration, soit sept sur quinze, sont ceux qui le faisaient déjà au 1er janvier 1991. La France, elle, ne peut


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

les imiter, ni même instituer au profit de la restauration un taux intermédiaire, de 14 % par exemple, du moins dans le cadre de la législation communautaire actuelle.

Bien sûr, on pourrait considérer que la baisse de la TVA sur la restauration pourrait s'inscrire dans le cadre de l'expérimentation proposée sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre.

M. Julien Dray.

Exact !

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En fait, ce n'est pas certain du tout. Dans une lettre adressée, le 17 juillet 1998, au ministre français de l'économie, des finances et de l'industrie, le commissaire européen Mario Monti écrivait d'ailleurs : « La Commission, dans sa communication du 12 novembre dernier sur la possibilité d'appliquer un taux réduit de TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre, a posé un certain nombre de critères permettant de déterminer les activités concernées... J'estime que le secteur de la restauration ne pourrait pas en faire partie compte tenu des orientations proposées. »

M. Julien Dray.

C'était en juillet, cela !

M. Michel Bouvard.

Il y a eu du nouveau depuis !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il est vrai qu'entre-temps, le texte proposé par la Commission européenne a évolué.

M. Michel Bouvard et M. Julien Dray.

Ah ! Tout de même !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il n'y a pas de liste limitative de services pouvant être soumis au taux réduit, mais, sur le fond, les conditions d'éligibilité sont les mêmes.

Il existe donc incontestablement un doute sur la faisabilité de cette baisse de TVA, ce qui ne plaidait pas en sa faveur. Mais d'autres raisons encore, au moins aussi importantes, nous ont conduits à ne pas faire le choix prioritaire de la restauration.

Il y a tout d'abord des raisons budgétaires. Le coût de cette mesure serait, dans l'hypothèse où une baisse de TVA de 20,6 % à 5,5 % serait possible, de 22 milliards de francs.

M. Jean-Jacques Weber.

Vous savez bien que ce n'est pas vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je sais bien que parmi ceux qui, hier, augmentaient massivement la TVA,...

M. Michel Bouvard.

Depuis, les recettes ont augmenté !

M. Julien Dray.

Et moi, je n'ai jamais augmenté la TVA !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... nombreux sont ceux qui proposent aujourd'hui de la diminuer tout aussi massivement. Ces propositions sont un peu faciles. En ce qui nous concerne, je l'ai dit, nous avons souhaité être réalistes et responsables. La restauration, plus les travaux dans le bâtiment - qui est notre priorité, j'y reviendrai dans un instant -, cela ne nous paraît pas possible.

Il y a ensuite des raisons économiques : il apparaît qu'à coût moindre, certaines baisses de TVA auraient un effet supérieur sur l'emploi et l'activité.

Bien sûr, le secteur de la restauration reste pour nous, monsieur le secrétaire d'Etat, une priorité à moyen terme, dans le cadre d'une politique d'atténuation du poids de la TVA. Mais il s'agit, je le répète, d'une orientation à moyen terme...

M. Julien Dray.

C'est ce qu'on appelle renvoyer aux calendes grecques !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Dans l'immédiat, nous devons travailler à d'autres pistes pour essayer d'alléger les charges qui peuvent peser sur le secteur de la restauration. Ainsi, la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle devrait avoir des effets positifs sur les entreprises de restauration, tout comme les m esures annoncées sur l'allégement des cotisations sociales patronales.

En fait, le choix des travaux de grosses réparations, d'amélioration et d'entretien dans l'habitat nous est apparu prioritaire.

M. Jean-Jacques Weber.

C'est un bon choix !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Tout d'abord, il est cohérent avec les orientations passées de la commission des finances et de l'Assemblée nationale qui, lors du dernier débat budgétaire, avaient désigné le secteur du bâtiment comme la cible privilégiée pour une baisse de la TVA.

A u-delà de cette remarque liminaire, des raisons majeures nous ont conduits à adopter cette position et l'on peut reprendre, à cet égard, le raisonnement que j'ai suivi précédemment à l'égard de la restauration.

Sur le plan juridique, il semble acquis que cette mesure pourra entrer dans le cadre des baisses de TVA qui seront autorisées : elle est citée à titre d'exemple dans l'exposé des motifs de la proposition de directive.

Sur le plan budgétaire, son coût net, bien que significatif, reste inférieur à celui d'une baisse d'un point du taux normal de la TVA ou d'un passage de la restauration au taux réduit. On peut évaluer le coût brut d'une telle mesure à 21 milliards de francs, mais nous savons que dès l'année n + 1, elle peut coûter moins cher, puisque nous pourrions supprimer corrélativement certains avantages existants en matière d'impôts sur le revenu et économiser ainsi 8 milliards de francs. De surcroît, on peut escompter un effet volume important. Il convient en effet de prendre en compte les rentrées fiscales supplémentaires qui pourraient résulter de ses effets économiques en termes d'emploi, d'activité, de baisse du travail clandestin, etc.

Sur le plan économique, un assujettissement au taux réduit des travaux dans l'habitat ancien serait sans doute la mesure susceptible de produire les effets les plus significatifs sur l'activité et l'emploi.

Monsieur le président, mes chers collègues, je vous invite, dans l'immédiat, à adopter cette proposition de résolution. Elle est apparue à la commission des finances comme significative de notre volonté de baisser de manière ciblée la TVA. Je réexprime devant M. le secrétaire d'Etat au budget notre souhait que, pour peu que les marges de manoeuvre budgétaires le permettent, la baisse de la TVA sur les travaux dans l'habitat soit une des mesures fiscales significatives du projet de loi de finances pour l'année 2000.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray.

Je vous ai connu meilleur !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Monsieur le président, je vous demande d'être notre interprète à la Conférence des présidents pour regretter que ce débat, qui est très important, intervienne si tard dans la nuit.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Ce débat est très important parce que nous avons une urgence. Si un accord se fait au sein de cette assemblée, il y a une chance que notre gouvernement obtienne du conseil des ministres qu'il mette en oeuvre la directive de réduction du taux de TVA pour certaines activités, en particulier c'est notre proposition -, celles de rénovation et d'entretien dans le bâtiment.

Pourquoi cette démarche, que nous avons engagée, il y a quelques années, en particulier lors du débat sur la loi de finances pour 1999 ? Nous avions alors mis en avant, avec d'autres groupes de l'Assemblée, la possibilité d'obtenir un taux réduit de TVA. Le Gouvernement s'en était fait l'écho. Le secrétaire d'Etat au budget nous avait donné acte de notre volonté. Puis le Gouvernement s'était engagé, d'abord, à obtenir une réponse de la Commission de Bruxelles, ensuite, à faire avancer auprès de nos partenaires européens cette revendication.

A quelques jours du conseil du 12 juillet, où la question vient en discussion pour la deuxième fois, il importe, pour que la France obtienne satisfaction, que le Gouvernement puisse faire état de l'accord que j'espère unanime de l'Assemblée nationale.

J'indique d'emblée que je ne vais pas essayer d'expliquer pourquoi il ne faut pas retenir d'autres secteurs, mais pourquoi il faut concentrer nos forces sur celui que nous avons retenu dans la proposition de résolution, à savoir la rénovation et l'entretien dans le bâtiment.

D'autres secteurs auraient pu tout aussi légitimement être retenus, mais, dans la discussion difficile qui va s'engager avec nos partenaires, il faut que, à partir de cette nouvelle dynamique européenne qui s'est mise en place au Conseil européen de Luxembourg et pour laquelle le gouvernement français s'est beaucoup engagé, n ous concentrions les pressions dans une direction unique.

Je vous propose donc, comme nous l'avons fait au sein de la délégation, à l'unanimité, de souligner ce mécanisme et de dire clairement pourquoi nous pensons que ce secteur ne doit pas forcément, à moyen terme, se substituer à d'autres, mais être le secteur prioritaire. C'est en effet, sans doute, sur l'ensemble du territoire, celui qui peut être le plus efficace pour la création d'emplois.

En outre, si nous pouvions inscrire dans la prochaine loi de finances une réduction du taux de TVA - et d'autres pays pourraient choisir d'en faire autant dans le cadre d'une politique de croissance - cela pourrait permettre la diminution du travail au noir, tout particulièrement important dans ce secteur.

Je comprendrai très bien que certains de mes collègues plaident en faveur de tel ou tel autre secteur d'activités.

Pourtant il faut absolument que l'Assemblée ait une position unanime sur la proposition de résolution, adoptée par la délégation et par la commission des finances, comme elle l'a fait, à une exception près, sur la question du chemin de fer, avec l'efficacité que l'on sait. On voit combien une action concertée du Gouvernement, du Président de la République et du Parlement est efficace pour défendre au niveau européen les intérêts français et nos choix pour une stratégie de lutte contre le chômage.

Didier Migaud a évoqué les étapes passées de ce dossier et les enjeux futurs. Si nous ratons le coche du conseil des ministres du 12 juillet, nous ne pourrons pas mettre en place cette mesure à la prochaine loi de finances.

Le Parlement européen a déjà pris position depuis très longtemps avec, à l'origine, une proposition du groupe socialiste du Parlement européen. Au sein du Conseil des ministres, il y a déjà eu, à deux reprises, des interventions entre autres du gouvernement français, à ce sujet. Mais d'autres gouvernements soutiennent cette idée. Il y a des réticences, il ne faut pas les nier. Il ne sera donc pas facile d'obtenir la décision. Mais je pense, qu'avec une prise de position forte et unanime du Parlement national pour soutenir cette résolution, au-delà de nos divergences quant à l'appréciation du secteur optimal, nous pouvions faire avancer cet élément important pour la réduction du chômage en obtenant le soutien européen à une politique de croissance.

Voilà pourquoi, après avoir marqué un pas au Conseil européen de Luxembourg, puis un second à Cologne, en obtenant un peu moins que nous espérions, mais en rappelant le pacte pour l'emploi qui est notre axe de conduite depuis deux ans, nous devons faire en sorte que le prochain conseil ECOFIN du 12 juillet adopte ce texte. Je suggère donc que nous votions tous ensemble ce soir en ce sens.

La présente proposition de résolution est une proposition de compromis entre tous les groupes au sein de la délégation. Elle insiste beaucoup sur ce secteur parce qu'il est prioritaire et parce que la mesure peut être mise en oeuvre dès maintenant, si le Parlement et le Gouvernement en ont la volonté politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Rappel au règlement

M. Julien Dray.

Rappel au règlement !

M. le président.

La parole est à M. Julien Dray, pour un rappel au règlement.

M. Julien Dray.

Le rapporteur général a souligné que certains qui, en leur temps, avaient augmenté la TVA demandaient aujourd'hui qu'on la baisse.

S'agissant de la restauration, je défends cette baisse depuis des années et je n'ai jamais voté d'augmentation de la TVA.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vrai !

M. Julien Dray.

Au contraire, je l'ai combattue, avec le rapporteur général.

Dans cet état d'esprit, j'ai proposé à la commission des finances, où je ne siège pas, qu'on intègre le secteur de la restauration dans la directive.

Par ailleurs, je voudrais connaître le coût de la mesure pour l'Etat. Un rapport commandé par le ministère l'évaluait pour le secteur de la restauration à 1,5 milliard.

M. le président.

Monsieur Dray, il ne s'agit nullement d'un rappel au règlement, mais d'une intervention sur le fond !

M. Julien Dray.

Cela permet d'éclairer la suite du débat ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Je rends hommage à M. Barrau car la baisse ciblée de TVA, je l'ai toujours souhaitée parce que c'est, incontestablement, un des chemins les plus sûrs vers l'emploi.

N ous sommes d'accord avec la délégation et la commission des finances qui ont voulu substituer à l'unanimité requise par la proposition de directive une majorité qualifiée, afin de mettre plus de souplesse dans le dispositif, et laisser la possibilité aux Etats de revenir à tout moment sur leur décision.

Didier Migaud et Alain Barrau ont tous deux insisté sur le fait qu'il y avait, d'abord, le secteur de l'aide à domicile. Certes, il faut examiner le problème du secteur associatif, mais je reste convaincu que le secteur des services à la personne est un moyen évident d'enrichir la croissance en emplois.

Et, dans le secteur du bâtiment, la baisse du taux de TVA permettrait d'éradiquer cet incivisme qu'est le travail clandestin, et donc de faire rentrer des cotisations et des impôts.

Cela étant, vous comprendrez que le groupe UDF souhaite qu'on n'écarte pas pour autant le secteur de la restauration qui répond incontestablement aux critères fixés par la commission : c'est un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre - j'ajoute qu'il facilite l'intégration dans le monde du travail de gens peu employables - qui fournit directement ses produits aux consommateurs finaux, n'est pas susceptible de créer des distorsions de concurrence et ne met pas en péril le bon fonctionnement du marché intérieur. Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, devant le Sénat, le 25 octobre 1998, aviez évoqué à ce titre les services à domicile, la restauration, activités de main-d'oeuvre qui comporte « de surcroît des aspects culturels auxquels le Gouvernement est attaché », disiezvous.

J'aime bien d'ailleurs le texte même de la communication de la Commission des Communautés : « Dans la mesure où les services du tourisme répondent à ces exigences, ils peuvent eux aussi bénéficier de cette disposition. Cette mesure devrait contribuer à l'exploitation du vaste potentiel d'emploi existant dans les entreprises de services locaux et pourrait également faciliter la réintégration dans le système fiscal de certaines entreprises ayant dérivé vers l'économie souterraine. »

Cela me rappelle qu'alors que j'étais ministre, en visite en Languedoc-Roussillon durant la période estivale, je demandais un jour au préfet de région où en était le contrôle du travail clandestin dans la restauration. « Heureusement que je ferme les yeux, m'avait-il répondu, sans quoi je fermerais nombre d'établissements, pour ne pas dire la plupart. »

C'est vrai, dans l'économie touristique, le travail clandestin s'est considérablement développé, ce qui a été très néfaste à ce secteur. Voilà un argument de poids.

J'ai insisté lourdement, tout à l'heure, sur les problèmes du Massif central, et j'y reviendrai avec ma ténacité d'Auvergnat. Moi qui en suis un représentant, je suis certain que le jour où vous libérerez un peu plus la restauration, nos zones de montagne trouveront là des possibilités de développement - M. Bouvard en parlera très bien en tant que président des élus de la montagne.

Mais nous avons là aussi l'opportunité de mettre fin à des distorsions. Si le caractère social d'une partie de la restauration collective n'appelle aucune objection, il est tout de même paradoxal que le salarié d'une grande entreprise ou d'une administration ait accès à une restauration collective à un tarif de faveur, et que celui d'une PME qui va tous les jours manger au petit restaurant du coin paye plein pot ! Il est temps de corriger de telles distorsions ! Et voilà encore une raison majeure d'introduire la restauration dans la directive.

Le rapport Picketty qui comparait la densité de maind'oeuvre dans des secteurs comme le commerce, la restauration et l'hôtellerie aux Etats-Unis et en France a établi qu'ils créaient plus d'emplois aux Etats-Unis.

J'ai toujours pensé qu'en combinant la baisse des charges et la baisse de la TVA, on parviendrait, dans ce domaine, à créer des emplois. Je sais bien que cela a un coût. Le taux de 14 % a été avancé car il mettrait fin aux distorsions de concurrence sans mobiliser des sommes trop considérables. Cela dit, il faudrait comparer les dépenses que l'on va consentir pour d'autres usages au coût d'une baisse des charges combinée à une baisse de TVA bien ciblée qui, dans le secteur de la restauration, peut avoir beaucoup d'efficacité.

La démarche est positive. Il n'est pas question de l'affaiblir mais, au nom de l'UDF, je me devais de dire qu'outre le secteur de l'aide aux personnes et le secteur du bâtiment, nous souhaiterions que celui de la restauration figure dans la directive même pour un palier intermédiaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Il y a une relation particulière entre la majorité plurielle et la TVA. Chaque fois qu'un membre de la première prend la parole sur la seconde - M. Didier Migaud et M. Dray, à l'instant -, il nous fait valoir que nous demandons la baisse de la TVA après l'avoir augmentée ! On nous ressort toujours le même argument. Qu'il soit noté, une fois pour toutes, qu'un Premier ministre français a baissé d'un point le taux normal de la TVA : c'était en 1979, il s'appelait Raymond Barre. Cette innovation était difficile, il ne faudrait pas qu'on l'oublie.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et qui a supprimé la TVA à 33 % ?

M. Gilbert Gantier.

En revanche, le Gouvernement qui a pris le pouvoir en 1981 a immédiatement augmenté la TVA : c'est celui de M. Mauroy.

Alors, changez de disque et cessez de répéter que le gouvernement précédent a augmenté la TVA ! D'autant que vous savez très bien que se posait alors le problème de l'euro.

Si la majorité a si mauvaise conscience, c'est parce que M. Jospin avait promis d'abaisser le taux de la TVA et qu'il ne l'a pas encore fait.

M. Jean-Louis Idiart.

Il va le faire !

M. Gilbert Gantier.

Hier, monsieur le rapporteur général, vous avez prononcé, à propos des promesses électorales, ces propos qui m'ont frappé : « Les marges de m anoeuvre budgétaires entretiennent une dialectique complexe avec les engagements politiques. »

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est bien dit !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Gilbert Gantier.

Eh bien ! nous y sommes ! Vous aviez promis des baisses des impôts et de la TVA, et vous ne le faites pas.

On nous parle maintenant de baisses ciblées. Celles-ci ont fait leur apparition lorsque l'idée en a été lancée par le premier secrétaire du PS, puis reprise par l'ensemble des députés socialistes. C'est donc le cheval de bataille de la majorité en matière de baisse d'impôt.

Mais pourquoi la présente proposition de résolution ? Parce que de plus en plus d'hypothèques pèsent sur les réductions d'impôts chères aux socialistes. En effet, dans de récentes déclarations, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes prononcé contre une baisse ciblée de TVA, en invoquant essentiellement des raisons budgétaires, cette fois encore. La baisse ciblée de TVA prévue pour les travaux réalisés dans les logements coûterait en effet, avez vous dit, plus de 21 milliards de francs. Le ministre de l'économie et des finances était plutôt favorable, à cette époque, à une baisse de l'impôt sur le revenu, mais la majorité y est très hostile, car c'est un impôt progressif et donc considéré comme socialement plus juste.

L'autre hypothèque, dont a parlé M. Alain Barrau, est le possible report le 12 juillet prochain du vote de la directive par le conseil ECOFIN. M. Barrau, qui est beaucoup plus averti que moi en ces matières, sait très bien que l'Allemagne est, jusqu'à présent, résolument hostile à la création de distorsions sectorielles de TVA, qu'elle en a refusé pour cette raison l'adoption lors du dernier Conseil européen. Nous allons voir ce qui va se passer le 12 juillet.

Cette proposition de directive tendait à réformer la sixième directive TVA, dont la fameuse annexe H ne visait qu'un nombre très restreint d'activités soumises au taux réduit. Dans une optique relevant moins de l'harmonisation que de la politique fiscale, la commission a élaboré ce projet d'un taux réduit de TVA pour les services à forte densité de main-d'oeuvre, pour une durée temporaire de trois ans et à titre expérimental. La création d'emplois dans les secteurs choisis serait déterminante dans la poursuite de l'expérience.

Il est à noter - même si c'est pour le regretter - que, dans ce domaine, le Gouvernement tient un double langage. A Paris, il parle le langage de la baisse ciblée de la TVA, quoique très prudemment. Mais, à Bruxelles, d'après les échos que j'en ai eus, il parle plutôt le langage de l'inertie.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Franchement, après Cologne, on ne peut pas dire cela !

M. Gilbert Gantier.

Le Gouvernement prend des accords au niveau européen pour ne pas avoir à réaliser d'harmonisation fiscale en la matière. En effet, ce serait une harmonisation fiscale à la baisse. Or il ne veut que d'une harmonisation fiscale à la hausse.

M. Jean-Louis Idiart.

Sornettes !

M. Gilbert Gantier.

Difficile d'accepter cela.

Notre collègue Jacques Barrot l'a dit tout à l'heure, la proposition de résolution est insuffisante. Le choix des travaux dans les logements n'était pas le seul qu'on puisse envisager.

M. Jean-Louis Idiart.

On a mis « notamment » exprès !

M. Gilbert Gantier.

Les professionnels de la restauration font valoir de nombreux arguments, que chacun connaît, et je tiens à rappeler que notre collègue Pierre Hellier a soulevé hier, dans le cadre des questions au Gouvernement, le problème de l'extension des baisses ciblées de TVA à d'autres activités tout aussi créatrices d'emplois et utilisatrices de main-d'oeuvre.

M. Jean-Jacques Weber.

Tout à fait !

M. Gilbert Gantier.

On ne peut pas nier, en effet, que les services de la restauration emploient de nombreuses personnes.

Le ministre a répondu à mon collègue Hellier que la directive européenne ne mentionnait que les services à domicile et non les services de restauration. Or cet argument a été contredit par la réponse faite par les services de la Commission aux syndicats de la restauration, qui n'excluait nullement une baisse expérimentale dans ce secteur.

Survient alors l'argument idéologique : la restauration sur place ne conviendrait pas à des clientèles modestes.

Rien n'est plus faux, Jacques Barrot l'a dit tout à l'heure.

L'ouvrier qui vient travailler chez vous et qui, n'ayant pas terminé son ouvrage à l'heure du repas, va au café du coin prendre un repas assis, composé d'un simple steackpommes frites, sera taxé à 20,6 %. Il est faux de dire que le taux réduit ne toucherait pas les clientèles modestes.

Par une autre insuffisance, la résolution ne se focalise que sur la proposition de directive de la Commission.

Pourquoi ne pas appliquer également le taux réduit de TVA aux prestataires de services sportifs et à l'utilisation d'infrastructures sportives, services déjà compris dans la fameuse annexe H ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je l'ai dit !

M. Gilbert Gantier.

Il aurait donc été plus sage de modifier la directive 77/388/CEE, qui concerne le taux normal. C'est l'option que nous avons défendue. Nous pensons en effet qu'il faut abaisser la TVA sur les activités fortement utilisatrices de main-d'oeuvre et nous ne cesserons de le demander. Mais, je vous en conjure, ne nous rappelez pas sans cesse que le gouvernement précédent a augmenté la TVA.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

On ne va pas s'en priver !

M. Gilbert Gantier.

C'est un mauvais argument qui ne conduit à rien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Cela vous fait mal qu'on rappelle que vous avez augmenté la TVA !

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Finalement, on ne sait pas si M. Gantier a voté la proposition de résolution !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Fuchs.

M. Gérard Fuchs.

A cette heure tardive, j'éprouve quelque scrupule à freiner l'orateur qui m'a précédé, mais vous comprendrez que je ne puisse me retenir. Je crois, en effet, cher collègue Gilbert Gantier, que, s'il est un domaine où les différences entre la droite et la gauche seront toujours irréductibles, c'est bien celui de la fiscalité. L'actualité de ces dernières années en a apporté l'illustration parfaite.

Avec le gouvernement Juppé, nous avons eu une augmentation de la TVA de 60 milliards.

M. Gilbert Gantier.

Voulez-vous que je vous rappelle toutes les augmentations fiscales auxquelles vous avez procédé ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Gérard Fuchs.

Ecoutez-moi, plutôt, car je ne suis pas sûr que vous ayez compris notre raisonnement.

Les 60 milliards de TVA supplémentaires ont été prélevés sur tous les citoyens, particulièrement sur les moins riches qui n'épargnent pas et consomment la totalité de leurs revenus. C'est véritablement, en effet, un impôt régressif en termes de justice sociale.

Avec le gouvernement Juppé toujours, nous avons eu une baisse de 75 milliards de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui touche un Français sur deux.

M. Gilbert Gantier.

On ne va pas reprendre ce débat ! C'est insupportable !

M. Gérard Fuchs.

Nous savons tous ici que le décile le plus concerné par l'impôt sur le revenu se trouvait particulièrement avantagé. Si vous ne tirez aucune conclusion de ce rappel, tant mieux pour nous. Cela signifie que les prochaines échéances politiques nous seront encore favorables.

M. Michel Bouvard.

Vous avez renoncé à la baisse de l'impôt sur le revenu, mais vous n'avez pas baissé la TVA !

M. Gérard Fuchs.

Depuis deux ans, avec le Gouvernement de Lionel Jospin, on assiste à un durcissement de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt de solidarité sur la fo rtune, et à une baisse de l'impôt sur la consommation des ménages, de tous les ménages. Nous en sommes déjà - M. le secrétaire d'Etat au budget ne me contredira pas à une baisse de 15 milliards...

M. Michel Bouvard.

Non, 13 milliards !

M. Gérard Fuchs.

Si l'on considère l'ensemble des impôts sur les ménages, pas seulement la TVA, on obtient 15 milliards de francs de baisse d'impôts.

M. Michel Bouvard.

Le rapporteur a dit 13 milliards !

M. Gérard Fuchs.

La question qui se pose à notre assemblée ce soir, et particulièrement à sa majorité, c'est de savoir comment aller plus loin dans cette baisse des impôts sur la consommation.

M. le rapporteur général nous a expliqué qu'une baisse générale de TVA coûtait cher, et qu'elle avait des effets aléatoires.

M. Gilbert Gantier.

Faites des économies, dépensez moins ! Cela vous changera !

M. Gérard Fuchs.

Nous ne considérons pas comme vous, monsieur Gantier, que toute dépense publique soit négative. Au contraire.

Les baisses ciblées sont plus intéressantes, mais se pose alors le problème des règles européennes qu'il faut contourner ou modifier. Et c'est là qu'intervient le président de la délégation, Alain Barrau. Ensuite, en supposant que ce projet de directive européenne soit adoptée, malgré les difficultés que vous rappeliez et que nous connaissons, il nous faut décider dans quel domaine nous voulons nous engager en priorité.

En matière de baisses ciblées de TVA, on peut faire de grandes ou de petites choses. Dans le premier cas, on peut agir - cela représente une baisse de l'ordre d'une vingtaine de milliards de francs - soit sur la baisse de TVA sur la réparation et l'entretien de l'habitat, soit sur la restauration.

Le groupe socialiste, que, sans trop de surprise, la commission des finances a suivi, a choisi la première de ces grandes choses, qui a des effets très positifs sur l'emploi. Du reste - et personne ne l'a encore dit ce soir, mais cela n'a sûrement pas échappé au secrétaire d'Etat au budget -, cela coûte moins cher pour deux raisons.

D'une part, cela permet la suppression d'un crédit d'impôt : par conséquent, si les 20 milliards sont en brut, la note sera probablement réduite en net. D'autre part, plusieurs orateurs l'ont déjà dit, la réduction du travail au noir et la perspective de nouvelles rentrées fiscales permettent d'envisager que, au bout de deux ou trois ans, cette diminution de TVA ne coûtera plus 22 ou 23 milliards de francs, mais seulement une dizaine. Compte tenu des marges de manoeuvre, budgétaires, je pense que, si nous mettons cette mesure en oeuvre, nous aurons déjà accompli un grand progrès.

En matière de petites choses, je voudrais évoquer les services aux personnes qui peuvent poser des problèmes à certaines associations. Je requiers l'attention du Gouvernement, parce qu'on m'a signalé récemment un détail dont j'aimerais que vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, l'étudient. Cela concerne une association que nous connaissons bien, la communauté Emmau s. Ses activités de ramassage à domicile et de recyclage de textiles usagés sont taxées à 20,6 %. Cela touche quelques milliers de personnes qui, par leur travail tentent de se réinsérer.

Je ne pense pas que le coût budgétaire d'une baisse de TVA dans ce créneau précis coûte cher à la collectivité, et nous pourrions, je pense, trouver deux ou trois exemples de propositions associatives de ce genre dont la situation se trouverait améliorée par une baisse de TVA. On n'aurait à craindre aucune concurrence avec le privé, car ces actions d'insertion ne sont exercées que par des associations. En outre, cela pourrait renforcer le caractère social des mesures que nous proposons.

Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous allez nous dire : vous êtes prêt à faire tout cela, si le budget permet d'avoir les marges de manoeuvre nécessaires.

M. Michel Bouvard.

Voilà !

M. Gérard Fuchs.

Je vous rassure, le groupe socialiste n'oublie ni les aléas économiques qui peuvent encore survenir dans cette année 1999...

M. Julien Dray.

Si, moi, je les oublie !

M. Gérard Fuchs.

... ni le coût du conflit du Kosovo, qu'il nous faudra bien solder d'une manière ou d'une autre.

Mais vous êtes certainement convaincu, comme nous - sinon vous ne seriez pas au banc du Gouvernement qu'une bonne politique, ce n'est pas simplement une bonne politique économique, mais également une bonne politique sociale. Et je suis sûr, par conséquent, que vous aurez à coeur d'écouter attentivement la majorité qui vous soutient et de lui répondre favorablement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à cette heure avancée de la nuit, nous devons nous prononcer sur la résolution déposée par le groupe socialiste sur la directive de T VA proposée par la Commission européenne le 17 février, puis rejetée, ou plutôt ajournée, par le conseil ECOFIN du 25 mai dernier.

Le rapporteur général a bien voulu rappeler que c'est sur l'insistance du groupe RPR que cette proposition de résolution est venue en discussion.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Insistance massive !

M. Michel Bouvard.

Je dois d'ailleurs dire ma perplexité en constatant qu'on peut déposer une résolution et ne pas souhaiter qu'elle soit discutée dans l'hémicycle.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Nous vous avons soutenus en conférence des présidents, tout de suite !

M. Michel Bouvard.

Oui, mais pas tout de suite, et vous le savez fort bien !

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Même jour, même séance !

M. Michel Bouvard.

Non, il y a eu un décalage d'une semaine.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il y a eu un débat en commission des finances !

M. Michel Bouvard.

Vous n'allez pas épiloguer...

M. Gérard Fuchs.

Nous craignions que le groupe RPR ne soit pas très nombreux en séance !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Nous étions plus nombreux en commission des finances que ce soir, surtout sur les bancs de votre groupe, monsieur Bouvard !

M. Michel Bouvard.

C'est exact, monsieur le président de la commission ! Pourtant, la TVA compte bien parmi les sujets fiscaux auxquels le parti socialiste est attaché. Je voudrais rappeler les promesses électorales du candidat Jospin, en 1997, les demandes maintes fois réitérées par le premier secrétaire du parti socialiste, le discours de politique générale du Premier ministre, que nous avons tous entendu, et les déclarations récentes du président de notre assemblée.

J'en veux pour preuve, enfin, les prises de position constantes des plus hautes autorités de la commission des finances, à savoir son président et son rapporteur général, que je salue amicalement.

Au fond de vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous devez donc être très heureux que notre groupe ait souhaité l'inscription de ce texte à l'ordre du jour, permettant à chacun de s'exprimer sur cette importante question. J'espère que vous profiterez de l'occasion pour nous apporter des réponses précises, concrètes, à toutes nos questions.

Mais je voudrais, en premier lieu, dresser un bref inventaire de ce qui a été fait depuis 1997 sur cette priorité fiscale. En deux ans, les baisses de TVA ont à peine dépassé 13 milliards de francs. Dès lors, comment expliquer la faiblesse de vos initiatives au regard de déclarations fortes ? Je me suis interrogé. La conjoncture en estelle la raison ? Manifestement, cela n'est pas le cas. La croissance a été de 3,2 %, l'année dernière, en France.

C'est le meilleur résultat depuis dix ans.

M. Gérard Fuchs.

Merci !

M. Michel Bouvard.

Certes, elle a un peu fléchi depuis, ce qui a contrarié vos hypothèses, mais elle reste bien orientée. L'an dernier, on a enregistré 70 milliards de francs de recettes supplémentaires par rapport à 1997 : autant de marges de manoeuvre qu'auraient pu vous permettre d'envisager des baisses de TVA.

La situation budgétaire est-elle responsable ? Là aussi, ce n'est pas le cas. La situation dont vous avez hérité en 1997 était déjà largement assainie.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas ce que disait M. Juppé !

M. Michel Bouvard.

Nous en avons beaucoup parlé à l'occasion du débat d'orientation.

Cet assainissement, vous l'avez d'ailleurs poursuivi, même si le rythme a été un peu moins rapide que lors de la précédente législature.

Les arbitrages fiscaux vous auraient-ils, alors, conduit à préférer d'autres baisses d'impôts ? Vous nous avez rappelé tout à l'heure que la TVA avait votre préférence et l'on sait ce qu'il est advenu à la baisse d'impôt sur le revenu qui avait été engagée. M. Fuchs vient d'en parler.

Inutile de s'attarder.

La dernière baisse ciblée, très symbolique, concernait les abonnements EDF-GDF : cela représente à peine dix francs par mois et par ménage, ce qui est assez limité.

M. Gérard Fuchs.

Cela fait tout de même 5 milliards !

M. Michel Bouvard.

Parallèlement, en dehors de mesures ponctuelles sur tel ou tel droit de timbre, on ne constate pas d'allègements fiscaux très significatifs pour les ménages.

Si l'on exclut les trois hypothèses que je viens d'énumérer, il reste l'obstacle de la sacro-sainte « eurocompatibilité » que l'on évoque si souvent dans cette assemblée. Il fut un temps où les ministres des finances nous disaient :

« Non, cela coûte trop cher ». Puis est arrivée l'époque de l'Europe. C'était beaucoup plus simple : on n'avait même plus d'explications ou de chiffres à donner. On se contentait de dire : « ce n'est pas eurocompatible ». Cette phrase, nous l'avons souvent entendue dans la bouche des ministres des finances successifs.

Pourtant, le droit européen permet bien des baisses de TVA - je pense, par exemple, à la TVA sur le droit d'utilisation des installations sportives -, et la Commission, au travers de la proposition de directive que nous évoquons, a élargi le champ des baisses de TVA possibles.

P our l'ensemble des acteurs économiques, celles-ci ouvraient un large champ permettant de conjuguer des baisses de fiscalité et de réelles créations d'emplois.

Après l'ouverture de la Commission, il est vrai que nous avons été étonnés de voir la porte refermée ou repoussée lors du conseil des ministres ECOFIN auquel vous avez participé en y adoptant une démarche d'autocensure. Je ne dis pas que le secrétaire d'Etat au budget et le ministre des finances français n'ont pas défendu ce dossier, mais, comme on nous a longuement expliqué qu'il y avait aujourd'hui, en Europe, une majorité homogène, que les ministres des finances étaient pour la plupart de même sensibilité et que cela ne pouvait que faire progresser les choses, je suis étonné de voir que cette affaire n'a pas abouti.

M. Julien Dray.

C'est à cause de M. Schrder !

M. Michel Bouvard.

Il reste les espoirs déçus de ceux qui pensaient que l'on aurait pu avancer.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Justement, nous tenons aujourd'hui une occasion de le faire !

M. Michel Bouvard.

Cette directive allait, va toujours dans le bon sens. Je ne vois pas l'intérêt d'en retarder les effets.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Il faut donc voter notre résolution !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

M. Michel Bouvard.

Nous avons le sentiment que, ce soir, c'est en quelque sorte la majorité qui rappelle le Gouvernement à l'ordre. Nous sommes, pour notre part, favorables à ce rappel à l'ordre, puisque nous avons indiqué, lors de la discussion du budget pour 1999, que, les autres hypothèses d'allégement de fiscalité ayant été éli minées, nous souscrivions volontiers à l'idée de baisses ciblées de TVA.

La baisse de la TVA sur les travaux de rénovation et d'entretien des logements est réclamée depuis plusieurs années par l'ensemble des élus, qui ont la conviction qu'elle répond au souci de créer des emplois dans le secteur du bâtiment, où la croissance de la commande entraîne quasi automatiquement une hausse des effectifs.

En outre, et cela a été rappelé, c'est un bon moyen de lutter contre le travail clandestin.

Conscients qu'il n'était pas possible de tout faire en même temps, nous avions proposé, lors de la discussion de la loi de finances pour 1998, par le biais d'amendements que vous avez repoussés, une première baisse ciblée sur les travaux des particuliers faisant l'objet de subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

La réflexion et, sans doute, les demandes des professionnels ont été utiles, puisque ce que nous avions préconisé alors a été repris dans la loi de finances pour 1999.

De même, les récupérations de TVA, qui sont maintenant possibles pour certains projets de réhabilitation d'immobilier de loisir - nous sommes sensibles à cette mesure -, ou les réductions d'impôts sur les travaux d'entretien vont dans le même sens. Dès lors, il est vrai que, comme l'a rappelé Didier Migaud, l'effort budgétaire que l'Etat aura à consentir pour une mesure de baisse de la TVA sur le bâtiment est raisonnable et le sera d'autant plus quand le régime sera monté en puissance.

Les services à domicile constituent aussi un gisement d'emplois et, là aussi, nous souscrivons à une demande qui compensera d'ailleurs les effets négatifs de suppression de certains allégements fiscaux au bénéfice de familles qui ont besoin de ces emplois à domicile, pour garder des ascendants, des enfants ou des personnes handicapées.

Mais, j'en suis certain, vous ne comprendriez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que je n'évoque pas une d emande qui, curieusement, s'est évaporée dans la proposition de résolution du groupe socialiste, celle qui concerne la réduction du taux de TVA sur la restauration traditionnelle.

Je ne vais pas revenir sur l'argumentation technique que j'ai eu l'occasion de développer ici le 16 octobre 1998, lors de la discussion budgétaire : elle n'a pas changé.

Le 3 mars dernier, alors même que la proposition de directive venait d'être rendue publique, je vous questionnais, lors de la séance de questions du mercredi, pour savoir si le Gouvernement français entendait enfin proposer une baisse de TVA dans ce secteur. Cette baisse créatrice d'emplois constituerait un allègement de fiscalité pour de très nombreux salariés qui, Jacques Barrot l'a rappelé tout à l'heure, déjeunent en dehors des structures de restauration collective. Rappeler que, aujourd'hui, les clients de la restauration traditionnelle, de la restauration collective sont, pour un tiers, des employés, des ouvriers, et pour 20 % des catégories intermédiaires. Ce ne sont donc pas les plus aisés de nos concitoyens.

Cette baisse est aussi indispensable - je me permets d'insister sur ce point - dans le secteur du tourisme.

L'Italie, l'Espagne, la Grèce, le Portugal, qui sont des concurrents directs de notre économie touristique, ont tous des taux plus bas que les nôtres.

Les trois derniers pays que je viens de citer ont baissé leur taux de TVA applicable à ce secteur après leur entrée dans l'Union européenne.

Il n'est donc plus possible, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner toujours sur ce sujet la même réponse caricaturale que celle qui nous est faite de temps à autre sur le cadeau qui serait fait au repas de l'homme d'affaires par le biais d'une baisse de TVA pour la restauration traditionnelle.

Nous avons, au nom du groupe RPR, déposé des amendements lors de l'examen de la proposition de résolution en commission. Ils ont été repoussés. D'autres amendements, déposés par Julien Dray, et donc émanant de la majorité, ont connu le même sort.

Je constate ce soir à grand regret que nos collègues Augustin Bonrepaux et Didier Migaud ont en quelque sorte mangé leur chapeau.

(Sourires.)

C'est là une certaine forme de restauration, mais ce n'est pas celle que nous espérions.

(Nouveaux rires.)

En tout état de cause, monsieur le secrétaire d'Etat, même si vous ne pouvez vous engager ce soir à appliquer ces baisses maintenant, puisque vous n'avez pas encore rendu les arbitrages pour le budget de l'an 2000 dans l'attente de disposer de meilleures estimations des recettes, il me semble intéressant d'utiliser le champ ouvert par la commission pour présenter la demande afin de pouvoir, le cas échéant, en disposer lors des arbitrages dont je viens de parler.

Je ne serai pas être beaucoup plus long car mon temps de parole va s'achever...

M. le président.

J'allais d'ailleurs vous inciter à conclure, mon cher collègue.

M. Michel Bouvard.

Je vais conclure, monsieur le président.

Ce débat nous donne un peu le sentiment - je le dis sans agressivité - d'un double langage. Nous entendons des déclarations qui nous sont faites régulièrement par nos collègues de la majorité en faveur de la baisse de TVA pour la restauration traditionnelle, mais les choses n'avancent pas plus vite pour autant.

Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, m'avez précisé le 3 mars - vos propos figurent au Journal officiel -, que « malheureusement, la restauration ne figure pas dans le projet que le commissaire a dévoilé. On y trouve les services d'aides à domicile [...] Le Gouvernement prendra ses décisions dans le domaine fiscal au mois de septembre. Comme d'habitude, ce sont les parlementaires qui en auront la primeur. »

J'ai suivi les actualités et, ainsi que l'ont rappelé d'autres orateurs avant moi, le directeur général de la DG XXI a, le 31 mai, confirmé que, contrairement à ce qui avait pu être dit, la restauration était bien susceptible d'entrer dans le cadre du projet de directive actuellement à l'étude et que ce secteur n'en était pas a priori exclu.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est vrai !

M. Michel Bouvard.

Surtout, la communication de la Commission no 205 du 28 avril a bien prévu que le secteur du tourisme était concerné. Or, jusqu'à preuve du contraire, la restauration traditionnelle fait bien partie du secteur du tourisme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

J'ajoute que si l'on ne veut pas choisir le taux réduit, on peut jouer sur le taux intermédiaire de 14 %, qui a été évoqué à plusieurs reprises. La France peut, conformé ment à la sixième directive, appliquer ce taux intermédiaire.

Aujourd'hui, le Gouvernement est au pied du mur.

Soit nous demandons qu'au prochain conseil ECOFIN la restauration traditionnelle figure sur la liste, qu'il y ait un débat de fond sur ce que la mesure coûte et qu'une évaluation réelle soit faite lors des arbitrages du budget de 2000, soit nous ne le demandons pas. Mais alors cela voudra dire que l'on aura enterré l'affaire, puisque la liste sera ensuite bouclée pour une durée de trois ans. Pendant trois ans, on se privera donc de la possibilité de créer une dizaine de milliers d'emplois - cela n'est pas négligeable - qui ne coûteraient pas forcément beaucoup plus cher que ceux que l'on crée avec les 35 heures. On se priverait aussi de la possibilité d'une avancée sociale et d'une politique touristique meilleure pour notre pays. Voilà ce que je souhaitais dire sur ce point.

J'ajoute...

M. le président.

N'ajoutez pas trop ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

J'ajoute une dernière chose.

Il y a des demandes qui n'ont pas fait l'objet d'amendements. Je voudrais attirer l'attention du secrétaire d'Etat sur un point : l'inscription sur la liste du matériel ARVA, qu'un certain nombre d'entre nous connaissent...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est le matériel utilisé pour les secours en cas d'avalanches. Vous voyez que je vous écoute ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Ce matériel est actuellement taxé à 20 %. Ce serait, pour la sécurité en montagne, un progrès si l'on pouvait lui appliquer le taux réduit.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en fonction de vos réponses, notre groupe soutiendra ou non la proposition de résolution. Si nous n'avons pas de réponse positive sur la restauration, nous ne voterons pas contre pour ne pas gêner le Gouvernement et affaiblir votre position à Bruxelles, mais nous serons malheureusement contraints de nous abstenir.

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Ce serait quand même dommage que le vote ne soit pas unanime pour ce qui concerne le bâtiment !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, la proposition de directive de la Commission européenne autorisant les Etats membres à appliquer, à titre expérimental, un taux de TVA réduit sur certains services, commence par ces mots : « La lutte contre le chômage ».

Nous ne pouvons que saluer cette inflexion, même si elle est limitée par l'objet de la directive et par le fait qu'elle ne modifie pas l'ensemble de la politique économique de l'Union européenne, qui reste ancrée dans l'ultralibéralisme.

L'application de taux réduits de TVA faisait partie des décisions du Conseil sur l'emploi de Luxembourg, en novembre 1997, et elle constitue une mesure positive parmi d'autres d'une politique de relance de l'économie.

Malgré cela, la Commission - c'est plus fort qu'elle - a cru bon d'exprimer des réserves dans l'exposé des motifs de la directive. Elle concède que la mesure pourrait entraîner une baisse des prix à la consommation, une stimulation de la demande favorable à l'emploi et qu'elle inciterait à la réduction de l'économie souterraine. Mais elle précise, immédiatement après, que ces effets « sont loin d'être acquis » et réaffirme son dogme en matière d'emploi qui reste « la continuation de la politique visant à réduire les charges pesant sur le facteur travail ».

Les mêmes réticences se retrouvent dans le fait que la Commission impose un suivi permanent de la mesure, appliquée à titre expérimental pour une durée de trois ans, avec un champ d'application strictement encadré.

Elle se réserve, en outre, le droit de proposer au Conseil d'interrompre l'expérience si celle-ci, à ses yeux, a des conséquences dommageables sur la concurrence. Cette décision ne nécessiterait d'ailleurs qu'un vote à la majorité qualifiée, qui contournerait l'opposition de tel ou tel

Etat concerné, alors que la demande de dérogation devrait, quant à elle, être prise à l'unanimité. Voilà une nouvelle illustration des incohérences de la construction européenne actuelle ! La fiscalité est l'un des derniers domaines où l'on décide à l'unanimité, et cela peut se comprendre s'agissant de mesures fiscales qui seraient imposées à tous les

Etats membres. Mais il ne s'agit pas en l'occurrence d'imposer une règle uniforme à tous les Etats membres de l'Union ni de se protéger contre une règle dont un Etat ne voudrait pas, mais de permettre à un Etat qui le souhaite de déroger à une règle commune qui existe déjà. Il s'agit seulement d'« expérimenter », par dérogation au système commun de TVA, un taux réduit sur certains services.

C'est donc à juste titre que la résolution demande que cette dérogation soit décidée à la majorité qualifiée.

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Très juste !

M. Jean-Claude Lefort.

Ce serait, et cela devrait faire réfléchir plus globalement, un juste retour en faveur de la liberté de manoeuvre budgétaire des Etats membres.

Au reste, quand donc le critère de l'emploi deviendrat-il un impératif au moins aussi important aux yeux de la Commission que celui de la concurrence ? Quand verrons-nous donc la Commission demander la suspension d'une décision économique qui compromettrait l'emploi ?

M. Alain Barrau, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Très bonne question !

M. Jean-Claude Lefort.

Nous estimons que les baisses de TVA sont justifiées parce qu'elles peuvent favoriser l'emploi et diminuer la part de cet impôt injuste dans lesr ecettes fiscales de l'Etat et de la Communauté européenne. D'autre part, nous estimons que l'application du taux réduit dans le secteur du bâtiment permettra de résorber le travail illégal et d'espérer, au final, de meilleures rentrées fiscales.

En permettant de négocier des dérogations au cas par cas, la directive marque bien un pas vers l'assouplissement des contraintes communautaires parfois insupportables.

Tout dépendra de la manière dont cette directive, si elle est adoptée, ainsi que nous le souhaitons, pourra être utilisée dans les prochaines lois de finances.

La résolution nous propose de l'appliquer, dès l'an prochain, aux travaux de grosses réparations, d'amélioration et d'entretien de l'habitat. Nous y sommes favorables.

Pour les services rendus aux personnes, elle rappelle à juste titre qu'il faut veiller à ne pas défavoriser un secteur associatif efficace dans ce domaine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Cependant, en disant notre accord sur cette démarche, nous voulons espérer que le débat budgétaire permettra de programmer des baisses de TVA dans d'autres secteurs répondant aux critères retenus.

Les services concernés par cette mesure, en dehors de l'annexe H à la directive sur la TVA de 1992, ne sont pas énumérés dans une nouvelle liste exhaustive. Ils doivent seulement répondre à deux critères : être à forte intensité de main-d'oeuvre et, secondement, être fournis directement aux consommateurs finaux.

Sont identifiés, à titre d'exemples, les services de proximité et d'aide à la personne, certains services écologiques, les prestations de réparations ou de rénovation d'immeubles anciens à usage d'habitation.

Mais ce ne sont bien que des exemples...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Jean-Claude Lefort.

... et l'on ne peut s'en servir pour exclure d'autres secteurs.

Pour être très précis, je rappellerai que, d'après le sixième alinéa de l'exposé des motifs de la proposition de directive, « les travaux menés suite à la communication de 1997 ont toutefois démontré qu'il était particulièrement difficile de dresser au préalable une liste limitative des services accessibles à ce taux réduit ».

A cet égard, mon ami François Liberti est intervenu récemment pour demander l'application du taux réduit au secteur de la restauration traditionnelle, taxée à 20,6 % par le gouvernement précédent alors que la restauration rapide - McDonald's, par exemple - bénéficie d'un taux de 5,5 %. Cette mesure serait, selon la profession, créatrice de milliers d'emplois et alimenterait donc en retour les caisses de l'Etat.

La baisse du taux de TVA, ce n'est pas qu'une dépense : c'est aussi une recette pour les comptes sociaux.

M. Michel Bouvard.

Exact !

M. Jean-Claude Lefort.

Dans sa réponse à mon collègue, M. le secrétaire d'Etat à l'industrie a répondu que la nouvelle directive ne pouvait pas s'appliquer à ce secteur, que cette mesure ne serait pas « redistributive » et que les entreprises bénéficieraient, de toute façon, de la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle.

Permettez-moi de contester cette réponse car toute baisse de TVA est forcément redistributive puisque cette taxe pénalise les revenus les plus bas, tandis que la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle ne l'est pas précisément.

Quant à la Commission, elle s'est prononcée en faveur de l'application de la directive dans le secteur du tourisme, dont fait partie la restauration, dans une communication, no 205, du 28 avril.

M. Michel Bouvard.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Lefort.

Et il me semble bien que la direction générale en charge de la TVA n'exclut pas a priori le secteur de la restauration.

Il s'agit donc d'une question de volonté. Je rappelle que, le 23 octobre 1998, M. le ministre de l'économie avait assuré à M. Augustin Bonrepaux qu'il s'engageait à faire avancer ce dossier.

Une fois la directive adoptée, nous souhaitons que la France demande une application élargie. Cela traduirait la volonté de développer l'emploi et d'améliorer la justice fiscale.

Vous aurez donc compris que, tout en manifestant son accord sur la proposition de résolution, le groupe communiste veut aussi saisir l'occasion qui est offerte de développer le champ d'application de la directive. Tel est le sens de notre vote positif d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite centrer mon propos sur la question de la baisse de la TVA dans la restauration.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Voilà qui est clair !

M. Philippe Douste-Blazy.

Le texte dont nous discutons est important pour deux raisons. D'abord, il préfigure, du moins je l'espère, une harmonisation fiscale au sein de l'Union, laquelle doit également passer, ne l'oublions pas, par une baisse significative des charges pesant sur le travail. Ensuite, la disparité entre les divers régimes de TVA dans la restauration - ventes à emporter, régime de pension ou de demi-pension, mesures de forfaitisation pour la restauration rapide - ainsi que la multiplicité des taux conduisent à des situations anormales, et même aberrantes, qui faussent la concurrence. En effet, les ventes à emporter et la restauration collective, dans le cas de prestations sous-traitées, sont taxées à 5,5 %, alors que la restauration traditionnelle et les ventes à consommer sur place sont taxées à 20,6 %. A quoi il faut ajouter des exonérations de TVA pour la restauration collective en gestion directe, qui concerne les établissements scolaires, les centres médico-sociaux et les maisons de retraite, notamment.

Je ne prendrai, monsieur le secrétaire d'Etat, que deux exemples de ces disparités fiscales.

La commande d'un repas dans un hôtel est soumise au taux de TVA de 20,6 %, alors qu'un sandwich livré dans le même hôtel taxé à 5,5 %. Un salarié paie 5,5 % de TVA au maximum s'il déjeune au restaurant de son entreprise, 5,5 % s'il achète un plat à emporter, mais 20,6 % s'il s'asseoit à la table d'un restaurant ou d'un fast-food.

Le ministre des finances, M. Dominique Strauss-Kahn, avait, lors de la discussion de la loi de finances 1999, constaté des distorsions dans le secteur de la restauration.

Nous pensons, à l'UDF, qu'un taux réduit permettrait d'harmoniser ces disparités, la restauration collective en gestion directe étant naturellement exclue du dispositif.

Je note qu'un taux réduit permettrait d'éviter les distorsions de concurrence au sein de l'Union pour ces activités. Beaucoup de pays européens ont d'ailleurs déjà appliqué un taux de TVA réduit. Ainsi, sur les quinze

Etats membres, huit appliquent un tel taux pour toute la restauration : 7 % en Espagne, 8 % en Grèce, 10 % en Italie, 12 % au Portugal. Quant à l'Allemagne - 15 % et au Royaume-Uni - 17,5 % -, ils appliquent un taux normal inférieur à celui de la France.

La proposition de résolution que nous examinons cette nuit ne se préoccupe pas de ce problème et je ne peux, monsieur le secrétaire d'Etat, que le regretter. Je n'ignore pas que les problèmes concernant la TVA applicable à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

restauration sont innombrables. Je sais que votre gouvernement a pris l'habitude d'expliquer qu'il était impossible d'appliquer un taux de TVA réduit au secteur de la restauration car ce secteur ne figure pas dans la liste des prestations de services visées à l'annexe H de la directive 77-388/CEE, modifiée en dernier lieu par la directive 9880/CE. C'est ce que vous nous dites chaque fois.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, la proposition de directive du Conseil visant à modifier la précédente considère que « le problème du chômage est tellement grave qu'il faut permettre aux Etats membres qui le souhaitent de tester le fonctionnement et les effets, en termes de création d'emplois, d'un allégement de la TVA ciblé sur des services à forte intensité de main-d'oeuvre, non repris actuellement à l'annexe H ».

A la lecture de ce texte, le Conseil propose une révision de la liste des produits éligibles au taux réduit de la TVA dans le cadre de cette expérimentation. Dans cette liste peuvent donc être inscrits les secteurs du bâtiment et de la restauration. Je rappelle que le Parlement européen a adopté dans ce sens, le 10 juin 1997, une recommandation proposant de taxer le tourisme à taux réduit, comme cela vient d'être excellemment dit.

La question est donc d'autant plus importante que huit

Etats sur quinze bénéficient à l'heure actuelle de dérogations ouvertes dans le cadre de l'article 28.2 de la sixième directive, afin d'appliquer un taux réduit et de bénéficier de mesures particulières dérogatoires pour « éviter certaines fraudes ou évasions fiscales ».

De plus, le Sénat a adopté une proposition de résolution de Denis Badré, sénateur UDF des Hauts-de-Seine, dans laquelle il considère notamment comme nécessaire une révision de la liste des produits éligibles au taux réduit de la TVA inscrits à l'annexe H. Pourquoi refuser cette révision ? Est-ce le coût de cette mesure qui vous arrête, alors qu'elle est créatrice d'emplois ? La restauration fait partie des secteurs à forte intensité de maind'oeuvre et concentre un nombre important d'établissements de petite taille. De plus, comme le souligne J acques Barrot, la restauration offre une diversité d'emplois qui lui permet de se placer dans les tout premiers rangs des secteurs à fort potentiel d'apprentissage et de réinsertion professionnelle. En conséquence, elle doit bénéficier du taux réduit dans le cadre de la proposition de directive présentée par le Conseil. Cela est d'ailleurs confirmé par une communication du 28 avril 1999 de la Commission des Communautés européennes. C'est pourq uoi je demande au Gouvernement d'informer la Commission européenne, avant le 1er septembre 1999, que la France envisage de soumettre la restauration à un taux réduit de TVA dans le cadre de sa prochaine loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Barrau.

Le bâtiment aussi ?

M. Philippe Douste-Blazy.

Oui !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je veux d'abord promettre à M. Gantier que je ne rappellerai plus que la TVA a augmenté de deux points en 1995 ! (Sourires.)

Je lui dirai simplement que Pierre Bérégovoy l'a baissée de 100 milliards de francs en faisant passer le taux majoré de 33,3 % au taux normal de 18,6 %...

M. Julien Dray.

Il était fort Bérégovoy !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et que le Gouvernement Jospin a diminué de 13 milliards de francs les impôts frappant les ménages en 1998 et en 1999.

Je commencerai par un rappel historique pour souligner l'énergie avec laquelle le Gouvernement a poussé à ces baisses de TVA sur les activités à forte intensité de main-d'oeuvre. Je le ferai en cinq temps.

Premier temps : c'est à l'occasion du sommet européen pour l'emploi de Luxembourg, en novembre 1997, provoqué à l'initiative de la France, que la Commission européenne a évoqué pour la première fois une diminution des taux de TVA sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre. Je répondrai à cet égard à M. Lefor t que si c'était en novembre 1997, et non en novembre 1996, c'est parce qu'il y a eu un changement dans l'intervalle. On comprend donc que la Commission ait évolué parce que le nouveau gouvernement français l'y a poussé.

Deuxième temps : le 19 octobre 1998, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons écrit au commissaire Mario Monti pour lui dire à quel point nous étions attachés à l'aboutissement de ce projet.

Troisième temps : au mois de novembre 1998, à l'occasion du sommet européen pour l'emploi de Vienne, le Premier ministre a personnellement rappelé toute l'importance que la France accordait à cette initiative.

Quatrième temps : c'est grâce à la France que la Commission européenne a décidé d'adopter la proposition de directive qui vous est soumise - M. Barrau l'a fort bien dit.

Enfin, cinquième temps : le 25 mai dernier, la France a demandé à l'Allemagne d'inscrire à l'ordre du jour de l'ECOFIN une discussion politique sur cette proposition.

La discussion a fait apparaître des divergences entre les

Etats membres sur le contenu de cette directive. Il est vrai que certains pays de l'Union envisagent plutôt des hausses de TVA. Or, en matière de fiscalité, les décisions se prennent à l'unanimité.

Cette discussion a cependant montré qu'un travail technique approfondi était nécessaire avant de soumettre à nouveau la proposition au Conseil ECOFIN et nous avons immédiatement demandé à la présidence allemande d'organiser une nouvelle réunion technique à Bruxelles sur ce sujet. Cette réunion technique aura lieu le 29 juin, c'est-à-dire tout à la fin de la présidence allemande, et nous espérons que ce travail nous permettra d'aboutir au prochain Conseil ECOFIN qui se tiendra à partir du 1er juillet sous présidence finlandaise. Vous voyez donc, monsieur Gantier, qu'il n'y a pas d'inertie en la matière.

Ce calendrier énergique témoigne de la volonté d'aboutir du Gouvernement.

J'en viens à la question de la restauration qui a étrangement été davantage débattue que celle de l'artisanat du bâtiment. MM. Dray, Barrot, Bouvard, Lefort, DousteBlazy en ont parlé et il est important que je précise la position du Gouvernement sur ce point.

Même si la directive - cadre de la Commission n'exclut pas d'emblée la restauration, il existe un risque juridique important puisqu'elle définit une procédure. C'est au Gouvernement de proposer des activités et c'est ensuite à la Commission et au Conseil d'accepter ou de refuser l'expérimentation souhaitée par le pays considéré.

Or je garde en mémoire une lettre que le commissaire Monti nous a adressée, le 17 juillet 1998. A l'époque, il considérait que la restauration ne faisait pas partie des secteurs concernés. Tant qu'il n'aura pas été apporté de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

démenti à cette lettre, elles restera pour moi une très forte présomption qu'il y a un risque juridique substantiel.

Cela dit, je n'ai rien contre le secteur de la restauration dont je reconnais l'importance en termes d'emplois, de qualité de vie, de contribution à l'activité touristique - M. Lefort l'a fort bien dit. Notre pays occupe la deuxième place en matière de tourisme. Il est donc important de soutenir ce secteur, qu'il s'agisse de la montagne, de la mer, de la campagne ou des villes.

Mais un tel allégement de TVA soit serait fort coûteux, soit risquerait d'être inéquitable. Si l'on se bornait, monsieur Bouvard, à faire baisser le taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % cela coûterait 22 milliards de francs. Si l'on descendait de 20,6 % à 14 %, nous serions encore à 9 milliards de francs. Personne n'a proposé de relever parallèlement le taux pour la restauration collective, mais si l'on augmentait celui des seules ventes à emporter M. Douste-Blazy a évoqué cette hypothèse - il en coûterait encore 8 milliards.

En outre, cette mesure ne serait pas équitable. Je vous donnerai à cet égard des chiffres objectifs, puisqu'ils résultent d'une enquête réalisée par l'INSEE en 1991, et qui montrent que l'on va d'autant plus au restaurant que l'on a un niveau de vie élevé. Les ouvriers chers à M. Gantier qui vont au restaurant à midi, bénéficient souvent de tickets restaurant et c'est l'entreprise qui en supporte le coût. Mais une famille dont le revenu est compris entre 40 000 et 50 000 francs par an dépense 1 370 francs au restaurant, contre 4 180 francs, soit trois fois plus, pour une famille dont le revenu est compris entre 100 000 et 125 000 francs par an, et 10 500 francs p our une famille dont le revenu annuel dépasse 150 000 francs, ce dont je suis très heureux pour elle. Je trouve tout à fait normal que tout le monde aille au restaurant, mais certains y vont plus souvent que d'autres.

M. Michel Bouvard.

Raison de plus pour permettre à ceux qui n'y vont pas souvent d'y aller !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

En outre, les jeunes de vingt ans bénéficient des ventes à emporter de la restauration rapide.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Malheureusement pour leur santé !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le secteur de la restauration comporte de nombreuses entreprises artisanales cela a été dit par M. Douste-Blazy, notamment qui vont bénéficier de l'allégement de la taxe professionnelle, puisque la part salariale est particulièrement importante pour elles...

M. Michel Bouvard.

Mais il y aura les 35 heures !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et de l'allégement à venir des charges patronales dont je suis sûr, après avoir entendu les orateurs, qu'il sera voté à l'unanimité par l'Assemblée.

Je vous ai parlé de la restauration parce que vous avez longuement évoqué cette question, mais je crois plus efficace, plus juste, de concentrer l'action de l'Assemblée, soutenue en cela par le Gouvernement, sur des services, dont on est sûr qu'ils sont créateurs d'emploi, à savoir ceux du bâtiment. Votre proposition en la matière est nettement plus ambitieuse que le crédit d'impôt entretien. Elle est à l'évidence plus coûteuse - je n'y reviens pas - puisque son coût pourrait être de l'ordre de 20 milliards de francs.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Sûrement moins !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous pourrons préciser ces évaluations d'ici au débat budgétaire. Cette proposition vise à étendre le bénéfice de la TVA à taux réduit à l'ensemble des résidences secondaires, alors que le crédit d'impôt entretien ne concerne que la résidence principale. En outre étant donné qu'il n'y a pas de plafonnement en matière de TVA, cette mesure couvrira tous les travaux et non pas seulement ceux réalisés par les familles modestes chères à M. Gantier. Le Gouvernement partage donc pleinement la volonté exprimée dans cette proposition de résolution qui a été présentée avec talent, comme d'habitude, par M. le rapporteur général et par

M. Barrau.

Cela dit, deux conditions doivent être remplies pour aboutir sur ce sujet. D'abord, comme l'a fort bien dit M. Fuchs, il faut que nous ayons les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires, mais nous le saurons d'ici au mois de septembre. Ensuite, il faut que les efforts que le Gouvernement français déploie au plan européen soient couronnés de succès et que la proposition de directive nous permette d'appliquer ces dispositions dès le projet de loi de finances pour 2000.

M. le président.

J'appelle maintenant dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président.

« Article unique. L'Assemblée nationale,

« Vu l'article 88-4 de la Constitution,

« Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre (COM [99] 62 final/no E 1236) ;

« Considérant que, dans la limite des marges de manoeuvre budgétaires que l'évolution de la conjoncture permettrait de dégager, la France doit s'orienter vers une réduction progressive du niveau de ses prélèvements obligatoires ;

« Considérant que, dans cette perspective, la baisse de la TVA doit être privilégiée, en raison du poids de la fiscalité indirecte dans notre pays et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures qui bénéficient à l'ensemble des ménages, à la croissance et à l'emploi ;

« Considérant que ces objectifs d'équité fiscale et de soutien de l'activité ne pourraient être atteints, dans l'immédiat, en revenant sur la hausse de deux points du taux normal décidée, en 1995, par le précédent gouvernement, en raison du coût budgétaire d'une telle mesure et du caractère aléatoire de la répercussion de cette baisse du taux de l'impôt sur les prix et, partant, sur le pouvoir d'achat des ménages ;

« Considérant que la mise en oeuvre de baisses ciblées de TVA apparaît, dans ces conditions, comme prioritaire ;

« Saluant, à cet égard, les efforts importants réalisés depuis dix-huit mois ;

« Saluant, également, les efforts accomplis par le Gouvernement pour réorienter la politique de l'Union européenne, afin que la définition des politiques communautaires prenne davantage en considération le critère de l'emploi ;


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« Considérant, dans ces conditions, que la présentation de la proposition de directive susvisée concrétise le succès de cette démarche et qu'elle offre des perspectives intéressantes dans le cadre de la lutte contre le chômage ;

« Considérant, en effet, que cette proposition de directive permet d'envisager l'adoption rapide de mesures fortes en matière de baisse de la TVA ;

« Considérant que le vote à la majorité qualifiée du Conseil pour autoriser les Etats à appliquer des taux réduits de TVA offrirait plus de souplesse et serait davantage en cohérence avec la règle de la majorité qualifiée retenue pour les décisions qu'il pourrait être amené à prendre si les mesures prises créaient des distorsions de concurrence ;

« Considérant qu'il pourrait être opportun de viser, dans ce cadre, certains services rendus aux personnes, qui répondent aux conditions posées par la Commission européenne, compte tenu de la sensibilité de ce marché aux prix et de ses importantes perspectives de développement ;

« Considérant, néanmoins, qu'une baisse de la TVA sur ces prestations ne peut être envisagée sans que soit préalablement mesuré le risque d'éviction qu'une progression de la présence des entreprises sur ce marché pourrait exercer sur l'offre associative ;

« Considérant que les travaux de réparation et de rénovation d'immeubles anciens à usage d'habitation constituent également des prestations de services à forte intensité de main-d'oeuvre, et que leur assujettissement au taux réduit de la TVA serait une mesure socialement juste et significative en termes de soutien à l'activité et pourrait favoriser une réduction du travail dissimulé ;

« Demande au Gouvernement :

«

1. D'oeuvrer pour que le Conseil de l'Union européenne adopte, dans les meilleurs délais, cette proposition de directive, afin que le taux réduit de la TVA puisse effectivement être appliqué à certains services à forte intensité de main-d'oeuvre à compter du 1er janvier 2000 ;

«

2. De faire en sorte que l'exigence d'une majorité qualifiée soit substituée à celle d'une décision unanime en ce qui concerne l'autorisation que le Conseil est appelé à donner pour qu'un Etat puisse appliquer le taux réduit de la TVA à un service à forte intensité de main-d'oeuvre ;

«

3. De préserver la liberté fiscale des Etats membres en leur accordant la possibilité de revenir, à tout moment, sur un éventuel assujettissement au taux réduit de la TVA de certains services à forte intensité de maind'oeuvre, y compris au cours de la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;

«

4. D'obtenir, en outre, que soit ajouté un dernier alinéa à l'article 1er , prévoyant que, sur le fondement des rapports établis par les Etats membres, la Commission présentera au Conseil un rapport d'évaluation d'ensemble du dispositif avant le 31 décembre 2002 ;

«

5. De mesurer avec soin les effets qu'un assujettissement au taux réduit de la TVA de certains services rendus aux personnes pourrait exercer sur l'offre associative, avant d'envisager de mettre en oeuvre une telle mesure dans le cadre de l'expérimentation proposée par la Commission européenne ;

«

6. D'informer la Commission européenne, avant le 1er septembre 1999, que la France envisage, dans la mesure où les marges de manoeuvre budgétaires le permettront, de soumettre, dans le cadre de la prochaine loi de finances, notamment les travaux de grosses réparations, d'amélioration et d'entretien dans l'habitat, au taux réduit de la TVA. »

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Gilbert Gantier, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Gilbert Gantier.

Je serai extrêmement bref, car j'ai dit l'essentiel dans mon intervention. Nous ne pouvons pas être hostiles à cette proposition, mais nous ne pouvons pas non plus l'approuver entièrement parce qu'elle ne contient pas tout ce que nous souhaiterions. Donc, nous nous abstiendrons.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Et le bâtiment, vous vous en lavez les mains !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Weber, pour le groupe UDF.

M. Jean-Jacques Weber.

A une heure si tardive, je ne referai pas le même discours que mes excellents collègues Philippe Douste-Blazy et Jacques Barrot, dont je n'ai pas le talent. Mais je tenais à dire que je partage leurs idées.

Cette discussion sur la diminution de la TVA n'est pas nouvelle. Autant j'approuve le principe d'une réduction des travaux de réparation et de rénovation d'immeubles anciens à usage d'habitation, d'ailleurs annoncée hier par M. Besson, autant je veux rappeler la nécessité de baisser à 14 % la TVA appliquée à la restauration. Nous n'avons cessé de vous en parler ici, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment à l'occasion de la discussion du dernier budget.

Le 16 octobre 1998, nous semblions d'ailleurs tous d'accord, de M. le président Bonrepaux à M. Dray, qui avait été fort éloquent ce soir-là, sans oublier notre rapporteur général, M. Migaud, qui donnait avec regret, disait-il, un avis défavorable à mon amendement no 245 déposé avec M. Decagny et M. Cousin. M. Migaud vous invitait même avec insistance, monsieur le secrétaire d'Etat - je cite le Journal officiel du 16 octobre 1998 - à

« mettre fin aux distorsions de concurrence existant dans la restauration » ajoutant que la prise en compte du secteur de la restauration traditionnelle « devrait avoir des effets bénéfiques sur l'emploi. »

Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et beaucoup de convictions ont été passées par-dessus bord par la majorité. Il y a quelques jours à peine, le 8 juin dernier, en réponse à notre collègue Liberti, M. Pierret, commentant l'annexe H de la sixième directive de l'Union européenne, concluait que l'inscription de la restauration sur la liste des services susceptibles de bénéficier, à titre expérimental, de l'application d'un taux réduit de TVA n'était pas une priorité pour le Gouvernement, ce que vous venez d'ailleurs de rappeler et de confirmer. Alors dites-moi ce qui est prioritaire pour vous, à part les 35 heures ou le PACS ! Monsieur le secrétaire d'Etat, vous indiquiez encore à l'instant que l'hypothèse d'une baisse du taux de la TVA sur la restauration de 26 % à 14 % se traduirait par une perte de recettes pour l'Etat de 9,3 milliards de francs.

Ce chiffre a été fortement contesté par un expert,

M. Lorenzi, professeur à l'université de Paris-Dauphine, q ui pense, lui, que l'effet induit de création de 10 000 emplois serait un facteur de rééquilibrage économique et que, en définitive, la mesure ne coûterait rien


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

en solde net. Vous aviez ensuite admis, monsieur le secrétaire d'Etat, que la perte pour l'Etat pourrait être de moins de 5 milliards de francs et aujourd'hui, tout à coup, on nous reparle de 22 milliards. Une fois de plus on peut donc tout faire dire aux chiffres.

Mais ce qui est en cause, mes chers collègues, est peutêtre plus important que les milliards du secrétaire d'Etat.

C'est une certaine idée de la qualité de vie en France, celle justement qui attire les touristes et fait - le symbole est d'ailleurs tout récent et fort -, que l'on découvre M. Chirac et M. Clinton assis dans un bon bistrot parisien dont, dit la presse, la peinture s'écaille légèrement et où le patron est lui-même au fourneau. (Sourires.) Voilà la France souriante ! ses lieux de vie, de convivialité, voire d'une certaine forme de fraternité, où les rapports humains sont souvent aussi importants que ce que l'on peut trouver dans l'assiette. Nous avons tous, dans nos régions, de ces restaurants, de ces cafés qui animent la ville ou le quartier et rythment la vie des Français. Les classes aisées fréquentent les restaurants, certes, mais les classes modestes y vont aussi...

M. Georges Tron.

Elles doivent pouvoir y aller plus souvent !

M. Jean-Jacques Weber.

... et ce sont elles qui seront les plus sensibles à une baisse du taux de la TVA à 14 %. La profession représentée par l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie estime d'ailleurs, et je me range facilement à son point de vue, qu'il s'agit précisément d'une mesure de justice sociale vis-à-vis des 18 millions de salariés n'ayant pas accès à des cantines et qui supportent une TVA de 20,6 % lorsqu'il vont au café ou au restaurant. Philippe Douste-Blazy le disait à l'instant.

M. Georges Tron.

Très bien !

M. Jean-Jacques Weber.

L'argument avancé, il y a un instant encore, par le Gouvernement à propos d'un prétendu refus de Bruxelles ne tient pas la route. Il est clair pour chacun que la restauration est susceptible d'entrer dans le cadre de la prochaine directive actuellement à l'étude, comme nous l'avons régulièrement soutenu.

Il faut donc arrêter d'agiter un épouvantail européen qui n'existe pas réellement. Mais il faut aussi savoir ce que veulent le Gouvernement et sa majorité. Ce n'est plus un problème européen, comme on veut nous le faire croire, mais bel et bien, monsieur le secrétaire d'Etat, un problème de politique intérieure. C'est aussi le moment de prendre position car la mesure ne pourra plus être prise avant trois ans si l'on n'agit pas maintenant.

Comme vient de le dire à l'instant notre collègue M. Lefort, c'est une question de volonté !

Alors, puisque vous allez m'invitez à conclure, monsieur le président (Rires) ...

M. le président.

En effet, votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Jacques Weber.

Je suis ici depuis quatre heures de l'après-midi, à écouter patiemmment. Vous pouvez encore faire l'effort de m'entendre encore quelques secondes ! L'UDF va s'abstenir : d'une part, parce que les amendements que nous avons déposés sur la restauration collective n'ont pas été pris en compte ; d'autre part, parce que le calendrier retenu a fait que nous n'avons pu redéposer d'amendements en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard pour le groupe RPR.

M. Michel Bouvard.

D'abord, je m'interroge sur notre capacité à évaluer les pertes de recettes de TVA, tant il est vrai que les chiffres qu'on nous fournit varient souvent de plusieurs milliards de francs, et nous en avons eu la démonstration encore ce soir.

Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, je sais bien que le tourisme - comme rapporteur spécial, j'en sais quelque chose - est un secteur où il est très difficile d'établir des é valuations statistiques. Mais au moins pourrait-on essayer, entre la commission, le ministère des finances, voire quelques experts, de se mettre d'accord sur ce que coûte un point de TVA dans le secteur du tourisme.

En attendant de disposer de ce chiffre, peut-être d'ici à la discussion budgétaire du mois d'octobre, rien ne s'opposerait, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que vous demandiez cette inscription. Si la France avait les marges de manoeuvre budgétaires suffisantes, nous déciderions de mettre en oeuvre cette mesure s'agissant de la restauration traditionnelle.

Nous avons bien compris que, sur le bâtiment, des économies allaient être faites dès la deuxième année avec ce que l'on récupérera en allégements d'impôts que nous n'aurons plus à accorder. On devrait effectivement pouvoir faire très rapidement cet effort.

Cela permettrait au Gouvernement d'agir en conformité avec ce qu'a dit M. Strauss-Kahn ici même, le 13 octobre, répondant à Augustin Bonrepaux : « Du côté communautaire, les choses sont difficiles. Je m'engage devant l'Assemblée à essayer de faire avancer les choses à ce niveau et, lorsqu'elles auront avancé, nous pourrons mettre en oeuvre, dans la légalité, une baisse de TVA sur un secteur particulièrement important. »

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est ce que nous nous efforçons de faire !

M. Michel Bouvard.

Donc, monsieur le secrétaire d'Etat, pour être dans la légalité, vous pourrez faire la demande au prochain conseil ECOFIN. Entre-temps, nous chiffrerons ce que coûterait réellement cette mesure, et, si nous disposons de marges de manoeuvre budgétaires, nous pourrons la mettre en application. Cela me semble être de bonne méthode.

Mais, ce soir, après avoir entendu votre réponse, je n'ai pas le sentiment que c'est ce qui va se passer. On nous a encore servi l'histoire du riche, qui va plus souvent au restaurant que le pauvre, ce dont tout le monde convient bien volontiers.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Certes, ce n'est pas un bon argument !

M. Michel Bouvard.

Or c'est justement celui qui a le moins de ressources qui devrait, selon nous, pouvoir y aller plus souvent. Et puis, il y a le problème important des créations d'emplois. Je veux bien qu'on procède à des allègements de taxe professionnelle, dont les restaurateurs bénéficieraient. Dans un secteur très marqué par les activités saisonnières, ces derniers vont devoir mettre en oeuvre les 35 heures, ce qui ne sera pas une affaire simple.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 17 JUIN 1999

Monsieur le secrétaire d'Etat, notre groupe ne veut pas, je l'ai dit tout à l'heure, affaiblir la position du Gouvernement s'agissant de la TVA sur le bâtiment, qui est une affaire très importante.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

Mais dans la mesure où la restauration n'est pas prise en considération dans cette proposition de résolution et où vous ne prenez pas d'engagement précis, nous sommes contraints de nous abstenir, à notre grand regret.

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

4 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 17 juin 1999, de M. André Gerin une proposition de loi constitutionnelle relative au référendum d'initiative populaire.

Cette proposition de loi constitutionnelle (no 1722) est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT DE RAPPORTS M. le président J'ai reçu, le 17 juin 1999, un rapport, no 1719, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en vue de la lecture définitive du projet relatif à l'épargne et à la sécurité financière (no 1689) de M. Raymond Douyère (tome I : De la réforme des caisses d'épargne) et de M. Dominique Baert (tome II : Du renforcement de la sécurité financière).

J'ai reçu, le 17 juin 1999, de M. Dominique Dupilet un rapport, no 1720, fait au nom de la commission de la production et des échanges sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant approbation d'un avenant à la concession concernant la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986 (no 1688).

6 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 juin 1999, de M. Alain Barrau un rapport d'information, no 1721, fait au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur les relations entre l'Union européenne et le MERCOSUR.

7

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES Vendredi 18 juin 1999

M. le président.

Aujourd'hui, à douze heures, première séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, de la proposition de loi, no 1612, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives : M. Jean-Claude Beauchaud, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1670).

Eventuellement, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à quatre heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 22 juin 1999, à 10 heures , au 4e bureau