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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

1. Questions au Gouvernement (p. 6528).

VIOLENCES URBAINES (p. 6528)

MM. Michel Terrot, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

HEURES SUPPLÉMENTAIRES DES ENSEIGNANTS (p. 6528)

MM. Henry Chabert, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

DYSFONCTIONNEMENTS DANS LE DÉROULEMENT

DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT (p. 6529)

MM. Jacques Myard, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 6531).

3. Questions au Gouvernement (suite) (p. 6531).

ABSENCE D'ENSEIGNANTS À DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT (p. 6531)

MM. Paul Patriarche, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

ORGANISATION DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT À LA RÉUNION (p. 6532)

Mme Huguette Bello, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

STATUT DES URGENTISTES (p. 6533)

M. Jean-Paul Bacquet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

AVENIR DU SECTEUR TEXTILE (p. 6533)

MM. Jean-Pierre Balduyck, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

PRIVATISATION DU CRÉDIT LYONNAIS (p. 6535)

Mme Nicole Bricq, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SITUATION AU MOYEN-ORIENT (p. 6535)

MM. Gérard Bapt, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

CUMUL DE MANDATS (p. 6536)

M

M. Pierre Méhaignerie, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

OUVERTURE DE CLASSES DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVÉS SOUS CONTRAT (p. 6537)

Mmes Bernadette Isaac-Sibille, Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

AUGMENTATION DU SMIC (p. 6538)

M. Patrick Leroy, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DEUXIÈME LOI SUR LES 35 HEURES (p. 6538)

M. Jean Vila, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

4. Action publique en matière pénale. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 6539).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. André Vallini, rapporteur de la commission des lois.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 6541)

MM. Jean-Luc Warsmann, Jacques Brunhes, Pierre Albertini, Alain Tourret, Pascal Clément, Jacques Floch.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 6545)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 6545)

5. Chèques-vacances. - Discussion, en lecture définitive, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi (p. 6546).

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6547)

MM. Patrick Malavieille, Pierre Cardo, Jean-Pierre Dufau, Jean-Michel Couve, Léonce Deprez.

Clôture de la discussion générale.

DERNIER TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 6550)

Amendement no 1 du Gouvernement : Mme la secrétaire d'Etat, MM. le rapporteur, Jean Le Garrec, président de l a commission des affaires culturelles ; Jean-Michel Couve, Jean-Pierre Dufau. - Adoption.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 6553)

Adoption de l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du dernier texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié.

Mme la secrétaire d'Etat.

6. Licenciements des salariés de plus de cinquante ans. Discussion, en lecture définitive, selon la procédure d'examen simplifiée, d'une proposition de loi (p. 6553).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6555)

MM. Bruno Bourg-Broc, Pierre Carassus, Gilbert Gantier, Gérard Terrier, Germain Gengenwin.

Clôture de la discussion générale.

DERNIER TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 6559)

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 6559)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi dans le dernier texte adopté par l'Assemblée nationale et rejeté par le Sénat en nouvelle lecture.

7. Délégations parlementaires aux droits des femmes. Discussion, en deuxième lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'une proposition de loi (p. 6559).

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6561)

M.

Claude Goasguen, Mmes Martine Lignières-Cassou, Marie-Jo Zimmermann, Muguette Jacquaint,

M.

André Aschieri, Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption (p. 6566)

8. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 6567).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que la séance ne sera pas suspendue à la fin des questions au Gouvernement.

Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe du Rassemblement pour la République.

VIOLENCES URBAINES

M. le président.

La parole est à M. Michel Terrot.

M. Michel Terrot.

Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, que je ne vois d'ailleurs pas sur les bancs du Gouvernement, mais Mme Voynet nous répondra peutêtre...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Le voilà ! (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

Reprenez, monsieur Terrot, pour M. le ministre de l'intérieur.

M. Michel Terrot.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez fait, lors de la cérémonie de sortie de la troisième promotion des lieutenants de police, une inquiét ante constatation sur le redémarrage des violences urbaines.

Vous semblez prendre conscience que ce sujet intéresse au plus haut point nos concitoyens concernés (Murmures sur divers bancs) qui, pour reprendre vos propres termes, ne sont pas en mesure d'assumer leurs libertés.

Dans le même temps, nous apprenons que, dans un quartier de Strasbourg, des sapeurs-pompiers sont à nouveau tombés dans une embuscade où ils ont essuyé des jets de cocktails Molotov.

M. Jacques Myard.

Scandaleux !

M. Michel Terrot.

A ce sujet, la presse fait savoir que la police n'a procédé pour l'instant à aucune interpellation.

Ma question portera donc sur l'abîme qu'il y a entre vos déclarations d'intention qui se veulent rassurantes et responsables et l'absence de solutions sur le terrain où, pour reprendre une litote que vous avez vous-mêmes employée, la situation est toujours préoccupante. Ditesnous ce que le Gouvernement compte faire pour redresser une situation qui ne cesse d'empirer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, mon observation avait surtout un caractère qualitatif. En effet, si je consulte les derniers chiffres sur les cinq premiers mois de 1999, de janvier à mai, la délinquance de voie publique est en baisse de 0,43 %. Pourtant, les violences urbaines ne sont pas réductibles à la délinquance de voie publique. Il s'agit de violences qui revêtent souvent un caractère anti-institutionnel. On voit effectivement des bandes s'en prendre non seulement aux policiers mais même aux pompiers, comme vous l'avez relevé, ou aux ambulanciers.

J'ai donné des directives très précises qui incitent à une meilleure coopération entre les services pour démanteler un certain nombre de bandes de délinquants, qui sont aussi des bandes de trafiquants et qui structurent la délinquance de certains quartiers, et plusieurs opérations ont été menées avec grand succès dans les derniers mois.

C'est une oeuvre de longue haleine. Le Gouvernement s'y attache. Près de 700 contrats locaux de sécurité auront été signés quand nous serons arrivés au terme de cetteo pération. Pour le moment, nous avons recruté 11 000 adjoints de sécurité. La police de proximité est expérimentée dans plus de soixante sites. Des assises nationales sont prévues en mars prochain. La généralisation se fera sur ces bases.

Bien évidemment, la sanction est nécessaire parce qu'elle est le moyen de rappeler à la loi, mais, en même temps, elle a une valeur pédagogique du point de vue de la prévention et de la dissuasion qui sont tout autant nécessaires, et je crois que la nouvelle doctrine d'emploi de la police nationale répond parfaitement au souci que vous venez d'exprimer.

Dans les prochains jours, M. le ministre de la défense et moi-même rendrons publique la liste d'un certain nombre d'unités fidélisées qui, dans de grandes agglomérations, auront pour tâche, pendant une durée d'au moins six mois, de veiller à contenir ces violences urbaines qui sont une source de préoccupation, mais qui doivent être replacées dans un contexte global. Comme je vous l'ai dit à l'instant, la délinquance de voie publique, elle, n'est pas en hausse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

HEURES SUPPLÉMENTAIRES DES ENSEIGNANTS

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Monsieur le ministre, le 25 mars dernier, notre collègue Philippe Briand vous interrogeait sur vos intentions de revenir sur le principe du décret du 30 juillet 1998 abaissant de 17 % le taux de rémunération des heures supplémentaires des enseignants.

Vous aviez alors répondu que votre proposition avait été mal comprise, et vous aviez ajouté : « Je ferai en sorte que, tout en respectant une rigueur comptable absolue, certaines dispositions soient prises. Pour les modalités techniques, vous me permettrez de réfléchir encore un peu avant de les annoncer. »

Depuis maintenant trois mois, aucune mesure technique n'a été prise. Les heures supplémentaires continuent. Pendant combien de temps va encore durer la réflexion du ministre de l'éducation nationale ? (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

(Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Il est collé !

M. le président.

S'il vous plaît.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, M. Allègre étant retenu en province par des obligations incontournables (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ainsi que pour Mme Ségolène Royal (Exclamations sur les mêmes bancs),...

M. Philippe Auberger.

C'est la saison des examens ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... il me revient de vous répondre.

E ffectivement, Claude Allègre avait annoncé des m oyens supplémentaires pour les enseignants du secondaire.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Il n'a rien fait ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Laissez-moi parler ! Si vous voulez des réponses, vous allez les avoir.

Au moment où la mise en place des réformes se prépare, le Gouvernement a décidé, en effet, d'affecter des m oyens supplémentaires pour les enseignants du secondaire. Un communiqué de presse du 14 avril donnait déjà la substance de ces mesures. Je vous les rappelle.

Premièrement, dans le cadre de l'aide aux élèves programmée dans la réforme du lycée pour la classe de seconde, dès la rentrée de 1999, un volant d'heures supplémentaires sera affecté aux établissements les plus difficiles, ce qui permettra d'y faire passer l'aide aux élèves en difficulté de deux à quatre heures par semaine. Cette dotation touchera 25 % des classes.

Deuxièmement, on passera de deux heures supplémentaires imposées dans l'intérêt du service à une heure.

Cette heure sera rémunérée à raison de 20 % de plus que l'heure normale...

M. Thierry Mariani.

Virgule ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... et dès la rentrée prochaine.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Troisièmement, les enseignants des classes préparatoires aux grandes écoles, dont les heures supplémentaires imposées de fait sont plus nombreuses, recevront une indemnité forfaitaire pour tenir compte de ces contraintes.

M. Thierry Mariani.

Cessez de lire votre copie ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je ne l'ai pas apprise par coeur ! Enfin, la proportion des enseignants promus à la hors classe sera augmentée à partir du 1er septembre 1999.

(Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Je vois que vous ne portez aucun intérêt à ces mesures.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. René André.

Elles sont mal expliquées ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je les rappelle tout de même parce que les enseignants nous entendent.

Cette proportion atteindra en deux ans 15 % des effectifs de chaque corps et, dès cette année, l'augmentation des promotions sera de 53 % pour les professeurs certifiés, de 60 % pour les professeurs des lycées professionnels et de 96 % pour les agrégés. Ces mesures sont très significatives, vous en conviendrez.

M. Christian Jacob.

Ce n'est pas dans le texte ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Elles représentent 900 millions de francs en années pleine. Voilà des éléments qui devraient tout de même répondre à votre attente.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

DYSFONCTIONNEMENTS DANS LE DÉROULEMENT

DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Monsieur le Premier ministre, je constate que, dans votre gouvernement, il n'y a plus d'éducation, pas plus qu'il n'y a de nation d'ailleurs, puisque les deux responsables ne sont pas ici présents.

J'eusse aimé que l'un d'entre eux au moins soit présent.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je voulais en effet m'adresser au ministre de l'éducation nationale.

Comme chaque année, c'est un rituel républicain, les lycées passent le bac. Et quelle n'a pas été la stupéfaction des Français d'apprendre il y a quelques jours que, dans certaines disciplines, notamment l'histoire et la géo-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

graphie, voire des matières technologiques, absolument aucun enseignant n'était présent pour faire passer les oraux.

Cette situation, scandaleuse selon le dire même de certains professeurs, a révolté nombre de nos concitoyens qui placent dans le baccalauréat des nombreux espoirs pour leurs enfants.

A l'évidence, cette situation ne traduit pas seulement l'incivisme de certains professeurs, elle est la marque patente du dysfonctionnement qui règne à l'éducation nationale et dont le ministre est, bien sûr, responsable, sinon coupable ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, puisque je suis forcé de m'adresser à vous, ma question est double. Allez-vous mettre un terme à ces dysfonctionnements de l'éducation nationale ? Dieu sait que vous en avez les moyens puisque c'est le premier budget de l'Etat ! Allez-vous prendre des sanctions contre ces professeurs inciviques qui se fichent de la jeunesse de France en refusant de faire leur devoir ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) S'il vous plaît ! Un peu de calme !

M. Jean-Louis Debré.

C'est de la provocation !

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, pour les raisons que je viens d'exposer, il me revient de répondre à cette question. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

J'ai pu recueillir quelques éléments de réponse, n'ayant pas eu connaissance au préalable de votre question que vous avez, comme un joueur de fond de court à Roland-Garros, dissimulée jusqu'à la dernière seconde.

M. Jean-Louis Debré.

De toute façon, vous êtes mauvais ! Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Debré ! Debré ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

S'agissant de la défection des correcteurs et examinateurs du baccalauréat (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Pierre Lellouche.

C'est bien une défection, en effet ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... dont on a relevé le caractère anormal et choquant si l'on considère le caractère primordial de l'intérêt des élèves, le ministère de l'éducation nationale, par son inspection générale, rassemble...

M. Jean-Louis Debré.

Rassemble !

M. Thierry Mariani.

Faites une table ronde ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... les éléments qui lui permettront d'apprécier les faits. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si vous arrêtiez de vociférer, on pourrait s'entendre ! Je veux simplement rappeler deux éléments pour éclairer la situation.

M. Jean-Louis Debré.

Répondez aux questions ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

D'abord l'obligation pour les personnels enseignants des établissements d'enseignement de participer au jury des examens et concours...

M. Jean-Louis Debré.

Vous ne répondez pas aux questions ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur Debré, je vous en prie, arrêtez de vociférer, calmez-vous ! (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de calme ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Cette obligation constitue une charge normale d'emploi en application du décret du 17 décembre 1933 toujours en vigueur. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de calme ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Sauf en cas de force majeure, le fait pour un membre de l'enseignement appelé à participer à un jury d'examen de ne pas accomplir normalement les tâches résultant de cette fonction doit donner lieu, au minimum, à une retenue sur traitement dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1961. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

C'est incroyable ! Nous ne sommes pas là pour écouter des circulaires ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

L'affaire est en cours d'instruction, nous en reparlerons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Qui est responsable des défections, monsieur le ministre ?


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2

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Abdul Razzak Tubaishat, président du groupe d'amitié Jordanie-France de la Chambre des représentants du Royaume hachémite de Jordanie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

3 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Nous reprenons les questions au Gouvernement.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

ABSENCE D'ENSEIGNANTS À DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Monsieur le président, je suis navré, mais ma question s'adresse également au ministre de l'éducation nationale.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Elle n'est pas très éloignée de celle qu'a posée mon collègue qui m'a précédé, mais, comme je n'ai pas bien entendu la réponse, je me permets de la poser à nouveau.

(Exclamations sur divers bancs.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est du harcèlement textuel !

M. Paul Patriarche.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, ce week-end, à Radio J, vous avez fait des déclarations sur tout une série de sujets, ce qui est votre droit. Vous avez joué au devin de la République en parlant des éventuels candidats à l'élection présidentielle. A propos de la charte des langues minoritaires, vous avez même jugé l'un de vos collègues du Gouvernement, qui, selon vous, n'a pas à s'exprimer sur le perron de l'Elysée.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Qui est-ce ?

M. Paul Patriarche.

En revanche, vous êtes beaucoup moins prolixe sur les sujets qui relèvent directement de votre compétence : l'éducation nationale. En effet, on vous a moins entendu sur les difficultés d'organisation du bac 1999, problèmes qui ont été cette année, comme l'ont dit mes collègues, particulièrement nombreux.

Mercredi dernier, un tiers des enseignants convoqués à Arcueil pour les oraux d'histoire et de géographie du bac technologique ne se sont pas présentés. Plus de mille élèves ont attendu toute la journée en vain un examinateur.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est scandaleux !

M. Paul Patriarche.

A Toulouse, des candidats à une épreuve du bac professionnel ont dû être reconvoqués à la suite de la distribution d'un mauvais sujet.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Scandaleux !

M. Paul Patriarche.

Ces dysfonctionnements démontrent une mauvaise organisation du ministère et témoignent d'une démotivation des professeurs, qui, à travers vos circulaires, voient la mise en oeuvre d'un bac au rabais, en particulier dans les filières professionnelles et technologiques, filières auxquelles vous seriez le plus attaché.

Quand allez-vous revaloriser le bac et donner aux élèves les moyens nécessaires pour passer dans de bonnes conditions un examen qui doit conserver toute sa valeur ? Comment, au-delà des sanctions, qui seront plus ou moins appliquées, allez-vous lutter contre l'absentéisme des professeurs et les motiver ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. (Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Donnez-nous Dondoux !

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, il me revient de vous répondre pour les raisons que j'ai déjà exposées.

Je rappelle à l'ensemble de vos collègues qui protestent avec force vociférations contre l'absence du ministre de l'éducation nationale que les noms des ministres absents, ce qui arrive car ils ont comme tout le monde des obligations, sont faxés la veille à l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale. Ce délai est nettement plus long que celui que vous nous donnez pour préparer une réponse à vos questions, surtout lorsqu'elles revêtent un aspect technique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Pierre Lellouche.

D'où sortez-vous cela ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

La question portait sur notre volonté réelle de revaloriser le bac professionnel et plus généralement l'enseignement technologique. Je crois que, s'il y a un problème aujourd'hui, c'est surtout en raison de ce que vous n'avez pas fait lorsque vous étiez au pouvoir. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

S'agissant de la qualité du bac et des conditions dans lesquelles se sont déroulées certaines épreuves marquées par la défection des professeurs, j'ai déjà répondu tout à l'heure à votre collègue, M. Myard.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'était nul !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

M. Didier Boulaud.

Vous feriez mieux de vous préoccuper de ce qui se passe à la mairie de Paris ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Le ministre estime que les conditions de déroulement du baccalauréat doivent être irréprochables. Les élèves doivent pouvoir passer le baccalauréat dans de bonnes conditions matérielles et psychologiques. Le déroulement des épreuves ne doit pas perturber le bon fonctionnement des lycées et collèges.

Tel est le sens des mesures que le ministre a annoncées le 25 juin.

Il a en particulier rappelé que faire passer des épreuves aux élèves était une obligation pour les enseignants (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et il a demandé aux inspections générales de réaliser une enquête pour établir les causes des absences relevées à Paris dans certains centres d'examen.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le président, une telle réponse est une injure à l'Assemblée nationale ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

S'il s'avère, après enquête, que des fautes ont été commises, elles seront sanctionnées (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Arnaud Lepercq.

Comment ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... dans le respect des procédures disciplinaires qui sont déconcentrées.

Je l'ai dit et je le répète, l'intérêt des élèves doit pr imer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

ORGANISATION DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT À LA RÉUNION

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, ma question s'adresse également à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence !

Mme Huguette Bello.

Pour la première fois cette année, les épreuves anticipées de français du baccalauréat se sont déroulées simultanément en France métropolitaine et à la Réunion. Du fait du décalage horaire, cet alignement des épreuves a contraint les lycéens réunionnais à composer entre dix et quatorze heures pour les uns et entre seize et vingt heures pour les autres.

S'il devait se généraliser à l'ensemble des épreuves du baccalauréat et des examens du second degré, cet alignement des épreuves obligerait les élèves à composer tantôt la nuit, tantôt pendant les heures de repas, bref, à des horaires inadéquats.

L'évolution vers cette formule « mêmes sujets, mêmes horaires », que l'on présente, certes, comme un facteur d'égalité des élèves face aux examens et qui a largement conditionné le nouveau calendrier scolaire que vient d'adopter l'académie de la Réunion, se traduirait en fait surtout par la pénalisation de ceux qui devront concourir dans des conditions défavorables.

Nous souhaitons donc que soit élaboré et adopté à la Réunion un calendrier scolaire qui ne contribuerait pas à accentuer les inégalités et l'échec scolaire mais qui, au contraire, prenant en compte l'environnement et le rythme des élèves, créerait les conditions de réussite pour le plus grand nombre.

Les milliers d'élèves de la Réunion et leurs parents p euvent-ils compter sur votre soutien, monsieur le ministre, pour aller dans cette voie ? Je sais que c'est M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer qui me répondra et qu'il me répondra bien. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et vous savez parfaitement, mes chers collègues, que le ministre de l'éducation nationale est en ce moment à Rio de Janeiro, où il accompagne M. Chirac.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Je vois que vous avez remarqué l'absence du ministre de l'éducation nationale. (Mêmes mouvements.)

M. le président.

Mes chers collègues, je n'accepterai pas que nos débats se résument à un échange d'onomatopées. C'est un spectacle déplorable. Alors, un peu de calme, je vous prie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Queyranne a la parole, et lui seul.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Cette année, les horaires des épreuves de français ont en effet été alignés, à la demande expresse du recteur de la Réunion, sur ceux de la métropole, de sorte que, en raison d'un décalage horaire de deux heures, elles ont eu lieu entre dix heures et quatorze heures pour les élèves des séries générales et entre seize heures et vingt heures pour ceux des séries technologiques. Cela a permis, dans le respect du principe d'égalité, aux candidats de la Réunion de composer dans les mêmes conditions et sur les mêmes sujets que les candidats métropolitains. Et le rectorat a veillé à ce que les candidats ne soient pas défavorisés. Par exemple, pour les élèves qui ont composé entre dix heures et quatorze heures, une collation avait été prévue. Pour ceux qui ont composé entre seize heures et vingt heures, un service de transport spécial leur a permis de regagner leur famille.

Il s'agissait, à la demande du recteur, d'appliquer une règle d'égalité entre les candidats. Ceci étant, le ministre de l'éducation nationale...

M. Thierry Mariani.

Quel ministre ?

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

... souhaite souligner qu'il est hors de question de faire composer les candidats de la Réunion dans des conditions défavorables, quitte, dans des circonstances exceptionnelles, à déroger au principe des sujets nationaux.

Vous savez que nous veillons, notamment dans les départements d'outre-mer, à ce que les conditions d'examen soient identiques pour tous, mais aussi à ce que le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

calendrier soit le plus possible adapté au rythme scolaire des élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Debré.

Lui au moins, il sait causer.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

STATUT DES URGENTISTES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, les services d'urgence, les SAMU, les SMUR des hôpitaux fonctionnent en France avec entre 80 % et 95 % de médecins sans statut ou dont le statut est précaire. Dans les centres hospitaliers généraux, il s'agit d'assistants généralistes. Dans les centres hospitaliers universitaires, il s'agit de médecins attachés vacataires. Cela n'est pas sans poser problème dans le service public hospitalier, car la multiplication des gardes de nuit, des gardes de week-end, des changements de site ne permet pas toujours à ces médecins d'assurer les soins dans les meilleures conditions de sécurité. En outre, lassés d'attendre un éventuel et hypothétique statut, ils désertent le service hospitalier public pour pratiquer une activité libérale. Cela a d'ailleurs été l'une des raisons de leur grève.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est simple : les médecins urgentistes peuvent-ils espérer bénéficier un jour du statut de praticien hospitalier ?

M. François Vannson.

Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet.

D'autre part, peut-on envisager, dans les années qui viennent, des créations de postes en nombre suffisant pour garantir le bon fonctionnement des SAMU, des SMUR et des services d'urgence, éléments essentiels d'une politique volontariste dans le domaine de l'urgence, dont nous mesurons tous la place indispensable dans la santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Bernard Accoyer.

Et Bernard Kouchner ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bernard Kouchner ou moi-même, c'est la même chose. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce que dit M. Kouchner.

M. Thierry Mariani.

Non, ce n'est pas la même chose :

M. Kouchner, lui, ne sait pas ce qu'il dit.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dès notre arrivée, Bernard Kouchner et moi-même avons considéré que les services d'urgence étaient une priorité, car ils constituent pour beaucoup de nos concitoyens leur premier contact avec l'hôpital. Dès l'année dernière, nous avons demandé aux directeurs des agences régionales d'hospitalisation de faire de l'organisation des urgences une des priorités des nouveaux schémas régionaux d'organisation de la santé, que nous allons examiner cet été.

Dès l'année dernière encore, nous avons créé 170 postes de praticiens hospitaliers, autorisé des postes à mi-temps et modifié les conditions d'accès au concours de praticien hospitalier.

Ces mesures se justifient par le fait que neuf millions d e nos concitoyens sont admis chaque année aux urgences, parfois gravement atteints à la suite d'un accident ou d'une maladie, et souvent angoissés, soit parce que leur enfant est concerné, soit parce qu'ils ont des problèmes psychiatriques, soit parce qu'ils sont en très g rande difficulté. Des hommes et des femmes les accueillent, font un premier diagnostic, donnent les premiers soins, et dirigent les patients vers les services les plus à même de régler les problèmes.

Or, force est de reconnaître que ni l'hôpital ni nousmêmes n'avons su jusqu'à présent traiter ces généralistes, qui sont pour l'essentiel des vacataires, à la hauteur du métier qu'ils font, et qu'ils font jour et nuit. Aujourd'hui, un vacataire est payé 52 francs de l'heure. Voilà la réalité.

M. Albert Facon.

C'est vrai !

M. Arnaud Lepercq.

C'est inacceptable !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La grève qu'ils ont faite, Bernard Kouchner et moi-même l'avons bien comprise.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Elle a été digne, car les malades n'en ont pas pâti.

L'accord que nous avons conclu avec eux va bien au-delà de l'amélioration des rémunérations. Des postes de contractuels de deux ans ont été mis en place, en attendant qu'ils puissent passer le concours. Dès le 1er juillet, trente postes de praticiens hospitaliers complémentaires seront créés, et cent autres en 2000 et 2001. En outre, l'Etat paiera dorénavant la formation des contractuels pour qu'ils puissent passer le concours et être des praticiens hospitaliers à part entière.

Mais au-delà de leur situation propre, les urgentistes ont mis le doigt sur le problème essentiel. J'étais hier au service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine, l'un des plus difficiles, qui reçoit 40 000 personnes par an, et notamment de nombreux jeunes atteints de problèmes psychiatriques lourds. Les urgentistes ont su montrer que c'est l'hôpital dans son ensemble qui devait évoluer pour assurer une plus grande écoute à ceux qui arrivent brutalement. Ceux qui travaillent dans des services parfois très spécialisés, dans des plateaux techniques de pointe, doivent pouvoir se mettre à la disposition des hommes et des femmes qui sont dans l'angoisse la plus grande.

On peut rendre hommage à ces urgentistes, dont dépend l'image de l'hôpital à l'extérieur, et qui jusqu'à présent, il faut bien le dire, n'ont pas été traités comme ils le méritent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Charroppin.

Et la réponse ? Vous n'avez rien dit !

M. René André.

C'est incroyable ! AVENIR DU SECTEUR TEXTILE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balduyck.

M. Jean-Pierre Balduyck.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Vous savez que le groupe d'études sur l'industrie textile de cette assemblée suit en permanence l'évolution de cette filière : 470 000 personnes y travaillent, directement ou indirectement, dans des bassins d'emplois souvent fragilisés.

La crise asiatique bouleverse nos échanges internationaux. Certaines entreprises sont freinées dans leurs exportations. D'autres, plus nombreuses, subissent de plein fouet la concurrence des pays à bas salaires.

Dans ce contexte difficile et depuis de longs mois, les entreprises et leurs salariés craignent, à juste titre, le remboursement des aides du plan Borotra. Ce dispositif, non conforme à nos accords européens, ne pouvait avoir d'autre issue que celle que nous connaissons.

M. Richard Cazenave.

Mais si, il y avait d'autres issues, vous le savez bien !

M. Jean-Pierre Balduyck.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous présenter les conclusions de vos négociations, courtoises mais ardues, avec la Commission européenne ? Comment le Gouvernement compte-t-il préserver l'avenir de l'industrie textile et de l'habillement : par l'allégement des charges, l'aide à la recherche, la création, l'exportation ? Et enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, que pensez-vous de l'élaboration d'un plan textile européen, dont vous savez que des représentants de tous les bassins d'emplois textiles de ce pays se sont réunis tout récemment à l'Assemblée nationale pour obtenir la mise en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Baroin.

C'est vrai.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, le secteur textile se trouve en effet confronté à une situation très difficile : baisse des commandes, baisse des prix, défaillance d'un certain nombre d'entreprises.

M. François Baroin.

A cause de vous ! Après deux ans, il n'y a plus d'entreprises, il n'y a plus rien !

M. Arnaud Lepercq.

On voit l'effet des 35 heures !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Et nous devons aujourd'hui négocier avec Bruxelles, pour faire en sorte d'atténuer pour le secteur du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux et de la chaussure, les effets de ce qu'il faut bien appeler, sans passion et sans esprit polémique, l'incroyable inconséquence...

M. François Baroin.

Du gouvernement Jospin !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... du précédent gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Franck Borotra.

C'est vous qui êtes incroyable !

M. François Baroin.

Et incompétent !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... qui avait engagé le secteur dans une situation difficile : dès le départ, dès avril 1997, le plan textile de l'époque avait été déclaré contraire aux règles européennes.

M. Philippe Auberger.

Incroyable !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mme Aubry et moi-même avons donc négocié très durement pour obtenir une sortie de cette situation dans les meilleures conditions :...

M. Michel Bouvard.

Vous vous êtes couchés !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... exonération totale des entreprises de moins de quatre-vingts salariés,...

M. Franck Borotra.

La vérité, c'est que vous vous êtes couchés !

M. François Baroin.

C'est l'enterrement du textile !

M. Franck Borotra.

Dont vous êtes les fossoyeurs !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... exonération des entreprises par la franchise dite « de minimis » jusqu'à 650 000 francs, délai de remboursement repoussé jusqu'au 1er avril 2000 de manière que les entreprises aient de 2000 à 2003 pour rembourser, révision à la baisse du taux d'intérêt de 8,22 % qui était à l'origine imposé par la Commission, et enfin, très récemment, puisque nous l'avons obtenue il y a de cela dix jours, possibilité de défalquer du montant du remboursement le montant de l'impôt sur les sociétés payé à l'époque.

M. Franck Borotra.

C'est incroyable !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Sur les quelque 5 500 entreprises qui ont été bénéficiaires de ce plan, seules 550 environ seront touchées par un remboursement effectif.

On peut donc dire que nous avons négocié durement et obtenu des résultats corrects pour le secteur textilehabillement.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant au plan textile européen, le Gouvernement en appuie naturellement la démarche, initiée par l'Union des villes textiles françaises.

Par ailleurs, quatre mesures me semblent susceptibles de soutenir le secteur textile : d'abord, et ma collègue Mme Marylise Lebranchu y travaille, l'amélioration des relations avec la grande distribution.

M. Franck Borotra.

Non, ce n'est pas vrai !

M. François Baroin.

C'est nouveau !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ensuite, des mesures de sauvegarde, lorsqu'elles sont demandées par la profession et lorsqu'elles permettent d'aller dans le sens d'une autre relation dans un couple pays-produit parfois très menacé dans notre commerce international.

M. François Baroin.

A cause de vous !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Troisièmement, un dispositif d'aménagement-réduction du temps de travail défensif, pour permettre aux industries de main-d'oeuvre de bénéficier pleinement des mesures d'encouragement dans ce domaine.

Enfin, un appui sans réserve à l'investissement et à la créativité, notamment par une mesure fiscale que nous avons prise dans la loi de finances pour 1999 : le crédit d'impôt permettant des réductions de l'impôt sur les sociétés quand il est fait appel au stylisme externe.

Monsieur le député, je tiens à réaffirmer ici que le Gouvernement, comme vous, comme le groupe textile de l'Assemblée nationale,...

M. Franck Borotra.

Il sert à quoi ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et comme le secteur textile lui-même, croit en l'avenir du textile.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Franck Borotra.

Ça sert à quoi ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

PRIVATISATION DU CRÉDIT LYONNAIS

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, vous avez présenté, hier, les résultats de la réservation des actions du Crédit lyonnais (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et fixé le prix de l'action destiné aux particuliers. Vous avez noté, comme nous tous ici, le très grand nombre des souscripteurs, sans doute plus important que lors de l'ouverture du capital de l'Aérospatiale, et peut-être même que lors de l'ouverture du capital de France Télécom. Cela montre, s'il en était besoin, la volonté de nos compatriotes de s'approprier une banque dont, il y a deux ans, on n'aurait pas donné très cher.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Et combien les Français ont-ils dû payer pour cela ?

Mme Nicole Bricq.

Aujourd'hui, nous satisfaisons à l'engagement que vous aviez pris devant la Commission de Bruxelles relativement à la privatisation du Crédit lyonnais.

Ma question est donc très simple : quel intérêt cette privatisation présentera-t-elle, au final, pour les contribuables français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comme vous l'avez noté, madame la députée, ce sont plus de deux millions de familles françaises qui se sont portées acquéreurs du Crédit lyonnais.

M. Michel Bouvard.

Pourtant, ils l'ont déjà payé une première fois ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela montre la formidable confiance que nos concitoyens ont dans cette banque, qui est liée à leur histoire puisque le Crédit lyonnais existe depuis plus d'un siècle dans la finance française.

M. Arnaud Lepercq.

Vous l'avez ruiné.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela m'a permis de fixer tout en haut de la fourchette prévue par la commission des participations et transferts le prix auquel ces actions seraient cédées, et par là même de permettre à l'Etat de récupérer quarante-huit milliards de francs à l'occasion de ce transfert.

M. Robert Lamy.

Les Français vont payer deux fois ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si nous atteignons - comme c'est possible, car ce n'est pas terminé - un chiffre non plus de deux millions mais de trois millions, cela montrera à quel point les Français sont attachés à cette banque et combien ils ont compris que, aujourd'hui, le Crédit lyonnais est sauvé.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Richard Cazenave.

Grâce à qui ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est une étape essentielle dans son redressement. Il y a quelques semaines, je vous avais fait connaître le groupe d'actionnaires partenaires qui, autour du Crédit agricole, allaient conduire l'avenir du Créd it lyonnais. Aujourd'hui, le soutien populaire est présent.

M. Pierre Lellouche.

Vive la participation ! Et saluons la belle conversion des socialistes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela me donne l'occasion de revenir en quelques mots sur une histoire qui a été longue et assez difficile. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir il y a deux ans, les actifs que le Crédit lyonnais devait vendre - c'està-dire ce qui a été à l'origine de ses pertes - étaient é valués à cent milliards de pertes. Aujourd'hui, une gestion rigoureuse, une gestion tempérée de ces actifs (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) a ramené ces pertes de cent milliards à quatrevingt-six milliards de francs.

A l'inverse, le Crédit lyonnais, dont vous rappeliez à l'instant, qu'il ne valait pas grand-chose il y a deux ans, était estimé il y a un an à 36 milliards, aujourd'hui à 48 milliards. Au total, les pertes ont donc été divisées par deux et la valeur du Crédit lyonnais multipliée par deux.

M. Richard Cazenave.

Plus c'est gros, mieux ça passe ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà comment les contribuables, au bout du compte, finissent par s'y retrouver. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je veux profiter de cette occasion pour saluer devant la représentation nationale les salariés et les dirigeants du Crédit lyonnais, qui sont à l'origine du redressement de cette banque. Je suis content de constater que sur la plupart des bancs de l'Assemblée nationale - à part quelques-uns d'entre vous - tout le monde est satisfait de voir que cette grande banque française est aujourd'hui en train de retrouver la santé, et que s'ouvre à elle un avenir important, au service de l'économie et de l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

SITUATION AU MOYEN-ORIENT

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, nous avons à nouveau à exprimer nos graves inquiétudes au sujet de la situation à la frontière israélo-libanaise et au Sud-Liban occupé.

Le cycle provocation-riposte a débouché sur une escalade occasionnant des pertes civiles, au Liban comme en Israël, ainsi que sur une riposte aérienne disproportionnée, déclenchée par le Premier ministre israélien sortant, agissant alors qu'il exerce l'intérim, et ayant pour objectif des cibles civiles au sud et autour de Beyrouth avec destruction de ponts, de centrales électriques et d'un central de téléphonie mobile.

Monsieur le ministre, quelle appréciation le Gouvernement porte-t-il sur ces récents et dramatiques événements et quels enseignements tire-t-il des entretiens que vient d'avoir dans la région l'émissaire spécial du quai d'Orsay ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, l'attaque de l'aviation israélienne contre des infrastructures civiles au Liban est intervenue en réponse aux tirs de roquettes Katioucha du Hezbollah sur le nord d'Israël, lesquels ont fait cinq blessés. La riposte israélienne a fait, elle, huit morts et soixante-quatre blessés, et endommagé cinq ponts et deux sous-stations électriques.

Cette attaque prive d'ailleurs depuis plusieurs jours Beyrouth d'une partie de l'électricité dont la ville a besoin.

En réponse à cette intervention, le Hezbollah a de nouveau tiré des roquettes sur le nord de la Galilée provoquant la mort de deux civils israéliens.

M. Arnaud Lepercq.

Nous avons lu tout cela dans les journaux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Dès le lendemain de l'opération, le ministère des affaires étrangères, par la voix de son porte-parole, a vivement déploré les victimes civiles des deux côtés, et le ministre des affaires étangères a qualifié publiquement la risposte isaélienne de « disproportionnée », tout en soulignant qu'existaient des responsabilités de l'autre côté.

Nous avons appelé les deux parties à respecter strictement l'arrangement de 1996 qui avait précisément pour but de protéger les populations civiles et nous les avons appelées à ne pas céder à la tentation des représailles.

Le groupe de surveillance qui a été créé par l'arrangement d'avril 1996, et qui est d'ailleurs actuellement présidé par la France, devrait se réunir à très brève éché ance.

Le directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient s'est rendu dès le 25 au soir dans la région, porteur de messages du Président de la République adressés au Président Lahoud du Liban, au Président Assad de Syrie, au Président Arafat de l'autorité palestinienne et au nouveau Premier ministre d'Israël, M. Barak.

Il est encore un peu tôt pour tirer des enseignements de cette tournée qui vient de s'achever, mais je peux vous confirmer que tous les interlocuteurs de notre émissaire, qui a pu « faire passer » son message partout, ont montré une volonté commune de progresser rapidement vers la paix.

La France s'emploiera dans les prochaines semaines et les prochains mois, notamment lorsque le nouveau gouvernement israélien aura été formé, à ce que les négociations sur le processus de paix reprennent et progressent.

Dans l'immédiat, le Gouvernement français a décidé d'examiner le plus rapidement possible ce qui peut être fait pour venir en aide à la population libanaise, notamment pour pallier les effets des dégâts causés aux deux sous-centrales électriques à Beyrouth.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CUMUL DE MANDATS

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et appelle une réponse qui, je l'espère, sera politique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Aucun espoir !

M. Pierre Méhaignerie.

Hier, nous avons voté massivement l'inscription dans la Constitution de la parité hommes-femmes.

Mme Frédérique Bredin.

Pas grâce à vous !

M. Pierre Méhaignerie.

Demain, ne faudra-t-il pas voter une loi relative à la parité entre les candidats venus du secteur privé et ceux issus du secteur public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Très juste !

M. Pierre Méhaignerie.

En effet, monsieur le Premier ministre, dans la nuit du 3 au 4 mars 1999, votre majorité parlementaire s'est appuyée sur une décision du Conseil constitutionnel déclarant incompatible - probablement à juste titre - le mandat de président de chambre de commerce et d'industrie et celui de parlementaire, pour déposer un amendement tendant à étendre cette incompatibilité à tous les membres des bureaux des chambres des métiers, des chambres d'agriculture et des chambres de commerce. (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De plus, cet amendement a étendu l'incompatibilité à tous les mandats locaux, y compris municipaux !

M. Philippe Auberger.

C'est de l'ostracisme !

M. Thierry Mariani.

La majorité fait vraiment n'importe quoi !

M. Pierre Méhaignerie.

Cet amendement éliminant ainsi des milliers de candidats potentiels venant tous les l'économie privée,...

M. Arnaud Lepercq.

C'est une curieuse conception de la démocratie !

M. Pierre Méhaignerie.

... on ne peut que s'interroger sur son inspiration.

M. Arnaud Montebourg.

C'est incroyable ! Il n'y a rien de frauduleux là-dedans, monsieur Méhaignerie !

M. Pierre Méhaignerie.

Le président de la commission des lois du Sénat a parlé, à propos de cet amendement, d'une « réglementation abusive, pour ne pas dire délirante ».

Est-il juste, monsieur le Premier ministre, de voir écartés de tous les mandats locaux, dans chaque département, y compris la Haute-Garonne, des artisans, des commerçants, des agriculteurs, des chefs d'entreprises, qui, en raison de leur expérience, sont particulièrement qualifiés, au seul motif qu'ils sont membres du bureau d'une chambre professionnelle ?

M. Arnaud Montebourg.

Vous faites preuve de malhonnêteté !

M. Pierre Lellouche.

Reste les fonctionnaires socialistes !

M. Pierre Méhaignerie.

Le Gouvernement va-t-il, lors de la troisième lecture à l'Assemblée du texte relatif au cumul des mandats, s'opposer à cette discrimination à sens unique et profondément sélective ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la R épublique et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, vous appelez notre attention sur un amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale,...

M. Arnaud Lepercq.

Le Gouvernement pouvait s'y opposer !

M. le ministre de l'intérieur.

... il est vrai dans une formation beaucoup moins nombreuse que ce n'est le cas à l'heure actuelle.

M. Arnaud Montebourg.

M. Méhaignerie n'était pas là !

M. le ministre de l'intérieur.

Je n'incrimine évidemment personne.

Si je me souviens bien, c'était lors d'une séance de nuit, en première lecture, qu'un amendement, non d'origine gouvernementale, je vous le fais observer, mais d'origine parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Arnaud Lepercq.

Le Gouvernement pouvait s'y opposer !

M. le ministre de l'intérieur.

... a étendu les incompatibilités avec les mandats de conseiller régional, général ou municipal, prévues pour les seuls présidents de chambres consulaires ou d'agriculture, à l'ensemble des membres du bureau.

Le Sénat sera saisi de ce texte demain en deuxième lecture et il pourra se prononcer sur ce sujet.

M. Patrick Ollier.

Quelle est la position du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Et si vous le souhaitez, le Gouvernement précisera sa position lors de la lecture définitive,...

M. Patrick Ollier et M. Richard Cazenave.

Non, maintenant !

M. le ministre de l'intérieur.

... qui n'aura pas lieu avant la session d'automne. Ainsi, nous aurons disposé de tout l'été pour y réfléchir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Robert Lamy.

Quel courage !

OUVERTURES DE CLASSES DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVÉS SOUS CONTRAT

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille, pour poser une question courte.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ma question s'adresse à

M. le ministre de l'éducation nationale.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe de Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ainsi va la vie...

La liberté suppose la possibilité du choix. Les parents, premiers éducateurs de leurs enfants, doivent pouvoir choisir l'école ou le collège auxquels ils souhaitent confier l'instruction de leurs enfants. Est-il normal que, contrairement à la législation, des consignes soient données par le ministère de l'éducation nationale aux recteurs d'académie pour qu'ils n'autorisent pas l'ouverture de nouvelles classes, même à moyens constants, dans des établissements d'enseignement privés sous contrat...

M. Didier Boulaud.

Nous y voilà !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

... tant que les écoles ou les collèges d'enseignement publics situés à proximité n'ont pas assez d'élèves dans leurs classes ? De nombreux parents et enseignants souhaitent être rassurés sur ce point.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mesdames, messieurs les députés, je vous prie, d'abord, de bien vouloir excuser mon absence en début de séance. En effet, je remettais les prix du concours général à la Sorbonne. Mais je suis venue le plus vite possible pour répondre aux questions des députés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous évoquez, madame la députée, le rôle des parents dans l'éducation de leurs enfants. Le Gouvernement partage ce point de vue comme en témoignent les nombreuses actions de co-éducation qui ont été mises en place : reconnaissance de la responsabilité parentale, appel aux parents pour qu'ils assument leurs responsabilités, création d'une semaine nationale des parents à l'école, association plus étroite des parents à l'orientation de leurs enfants. Par conséquent, nous prenons totalement en compte cette préoccupation de responsabilité et de liberté des parents.

M. François d'Aubert.

Hors sujet ! Répondez à la question ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

En ce qui concerne les instructions que vous évoquez, madame la députée, je vous répondrai tout simplement qu'elles n'existent pas (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), que la carte scolaire est respectée et appliquée conformément à la loi, que les contacts qui sont entretenus avec l'enseignement privé sous contrat sont parfaitement corrects et que je n'ai reçu aucune demande ni récrimination de la part des responsables de ce type d'enseignement au titre des préoccupations que vous évoquez.

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas vrai ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je vous demande donc de bien vérifier vos sources avant de vous livrer à des procès d'intention dénués de tout fondement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

AUGMENTATION DU SMIC

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, l'augmentation de 1,4 % du SMIC que vient d'annoncer le Gouvernement pour le 1er juillet correspond seulement à la revalorisation légale. Le salaire net mensuel passe donc de 5 369 francs à 5 440 francs, soit une hausse de 71 francs par mois pour un salarié à temps complet.

En France, 2,2 millions de salariés sont concernés directement par le SMIC, auxquels peuvent s'ajouter tous c eux dont le salaire s'aligne traditionnellement sur celui-ci.

Si, en 1997, l'augmentation de 4 % ne correspondait pas à la nécessaire revalorisation du SMIC, l'habituel

« coup de pouce » de tous les gouvernements de gauche avait au moins le mérite d'aller dans le bon sens.

Le pouvoir d'achat des salariés, en particulier pour les moins payés, mérite amplement de bénéficier des fruits de la croissance. C'est une question de justice sociale et d'efficacité économique. Les 35 heures visent, d'ailleurs, le même objectif.

Les résultats des élections européennes et le taux d'abstention record traduisent aussi une véritable urgence sociale à laquelle le Gouvernement se doit de répondre.

M adame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à cette attente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous m'interrogez sur l'augmentation du SMIC que le Gouvernement vient d'annoncer pour le 1er juillet et qui portera le nouveau taux horaire de salaire minimum à 40,72 francs, soit une augmentation de 1,24 %, ce qui correspond, effectivement, à l'obligation légale.

Je vous rappelle que, depuis le mois de juin 1997, le pouvoir d'achat du SMIC s'est accru de 6,4 % si l'on prend en compte le transfert des cotisations salariées vers la CSG. Il faut remonter au début des années 80 pour trouver une telle augmentation en si peu de temps. Cette progression est d'ailleurs supérieure à celle du pouvoir d'achat des salaires moyens qui a été de 5,9 % au cours de la période correspondante.

Je rappelle que, de manière générale, l'augmentation du pouvoir d'achat du SMIC a été de quelque 2 % au cours des deux dernières années, contre 0,9 % au cours des quatre années précédentes en raison d'une très faible progression des salaires et surtout d'une hausse des cotisations sur les bas salaires.

Cette revalorisation du SMIC doit être considérée dans le cadre des 35 heures. Je souligne que l'ensemble des accords signés jusqu'à présent ont prévu le maintien des salaires dus pour 39 heures lorsqu'il y a passage aux 35 heures.

Mais surtout, monsieur le député, il faut apprécier cette augmentation à l'aune de ce que sera la deuxième loi sur les 35 heures. Celle-ci permettra - et c'est bien normal - aux smicards dont la durée du travail baisse de 39 à 35 heures de garder leur salaire mensuel antérieur, avec une prise en compte de la hausse des prix. Il y aura même augmentation du pouvoir d'achat puisque, dans la loi, cette garantie mensuelle augmentera comme la moitié du taux de salaire mensuel dans notre pays.

Il s'agit là, comme vous l'avez dit, d'un choix de justice sociale, mais aussi d'une volonté de continuer à conforter la consommation et donc la croissance en permettant à ceux qui ont les salaires les plus modestes d'avoir la garantie d'une augmentation de leur pouvoir d'achat.

J'ajoute, monsieur le député, que la réduction des charges sociales, à laquelle le Gouvernement va lier la réduction du temps de travail, doit permettre - et je l'ai dit encore devant la commission nationale de la négociation collective vendredi matin - d'apporter du grain à moudre sur la table des négociations et de faire en sorte que nous arrivions à revaloriser l'ensemble des bas salaires dans les grilles de classification, car c'est bien un problème global de bas salaires qui se pose aujourd'hui dans notre pays. Cette baisse des charges sociales devrait permettre d'entraîner une revalorisation massive par la voie de la négociation collective.

C'est donc dans ce contexte général que je vous demande de bien vouloir apprécier la décision qui a été prise par le Gouvernement pour le 1er juillet.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

DEUXIÈME LOI SUR LES 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, l'avant-projet de loi sur la deuxième concernant les 35 heures vient d'être rendu public. A l'évidence, ce projet ne prend pas en compte les résultats des élections européennes et s'éloigne des objectifs de la première loi.

En effet, les 60 % d'abstentions, de votes blancs et nuls aux élections européennes sont révélateurs pour une part d'un fort mécontentement et de l'impatience à l'égard d'une politique sociale qui tarde à venir.

La première loi avait pour objectif affirmé de créer des emplois, de libérer du temps pour les salariés et de permettre une réorganisation du travail améliorant les conditions de travail et de compétitivité des entreprises. Au regard de ces objectifs, le bilan de la première loi peut être amélioré.

Or le MEDEF continue de s'opposer à la réduction du temps de travail et ne cesse de réclamer une baisse du coût du travail, notamment par la modération salariale, une flexibilité accrue, une faible majoration des heures supplémentaires et des exonérations de charges salariales.

L'avant-projet de loi montre que le Gouvernement n'est pas insensible à la pression du MEDEF. Malheureusement car les revendications de celui-ci vont à l'encontre des objectifs affichés dans la loi, particulièrement en ce qui concerne les créations d'emplois et l'amélioration des conditions de travail et de vie.

Le groupe communiste a remis au Gouvernement, jeudi dernier, un mémorandum sur des propositions élaborées avec des salariés, des syndicats et de nombreux autres acteurs du monde du travail. Celles-ci affirment, entre autres, la nécessité de dissuader sans tarder le recours aux heures supplémentaires, de limiter plus fortement la flexibilité, de mieux prendre en compte les spécificités des cadres, de revaloriser le SMIC de 11,4 %, de favoriser le temps plein, de donner plus de garanties pour le temps partiel, d'accorder des droits nouveaux aux salariés et de créer des emplois.

Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que la deuxième loi réponde à l'attente des salariés et du monde du travail dans son ensemble ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

M. Bernard Accoyer.

Quel enthousiasme !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, comme de nombreux commentateurs, j'ai d'abord vu dans les élections européennes un succès de la gauche plurielle, laquelle, derrière le Premier ministre, a fait de l'emploi sa priorité numéro un.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est un fiasco !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Au sein de cette priorité, les 35 heures constituent bien évidemment un élément majeur.

Comme vous, monsieur le député, je considère que le fort taux des abstentions traduit des impatiences de la part de ceux qui ne sont pas encore touchés par la réduction du chômage et qui doivent nous conduire à poursuivre et à renforcer la politique que nous menons contre l'emploi. (« Pour ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Contre le chômage, voulais-je dire ! En ce qui concerne les 35 heures, le choix fait par l'ensemble de la gauche, derrière le Gouvernement, est sans doute le bon choix, puisque la négociation montre que c'est bien la voie à suivre pour créer un maximum d'emplois sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises, tout en contribuant à améliorer les conditions de vie des salariés.

A cet égard, je rappelle que, cette année, le pouvoir d'achat des salariés a été le plus élevé depuis vingt ans.

A ce jour, 660 accords sur la réduction de la durée du travail ont été signés - pendant plusieurs semaines nous en sommes restés à 400 -, ce qui a permis de créer ou de préserver 76 000 emplois,...

M. Robert Lamy.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... c'est-à-dire près du double du chiffre que nous espérions pour le milieu de l'année.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mensonge !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il faut le dire, car c'est aussi le résultat des 35 heures.

Nous devons, dans la seconde loi, conforter les choix que nous avons faits, prévoir les garanties et les protections nécessaires, mais d'abord conforter la négociation.

Si nous n'avions pas prévu un délai d'un an à partir du 1er janvier 2000, date à laquelle la durée légale du travail passe à 35 heures pour les entreprises de plus de vingt salariés, nous aurions risqué, au lendemain du vote de la loi, des difficultés pour la production, mais surtout une réduction de la durée du travail avec diminution des salaires qui se serait retournée contre les salariés euxmêmes.

Nous préférons, et de loin, avoir devant nous les mois nécessaires à la négociation, afin de multiplier les accords permettant dans un équilibre très favorable à l'emploi, ce qui permettra de poursuivre le mouvement, qu'attendent les Français (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), de réduction du chômage, à une vitesse plus rapide qu'aujourd'hui.

Je suis convaincue que les discussions que nous avons commencées et le travail que nous allons mener avant le vote de cette seconde loi nous amèneront, tous ensemble, à poursuivre les choix de la première loi, à renforcer les garanties et les protections des salariés, à élaborer une réglementation modernisée dont l'objectif est l'amélioration des conditions de vie et de l'emploi notre priorité commune.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

(Mme Nicole Catala remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

4 ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (nos 957, 1702).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mesdames, messieurs les députés, au moment où vous allez voter ce texte majeur de la réforme de la justice, je veux d'abord remercier l'Assemblée pour la qualité des débats, qui ont permis d'aborder toutes les questions qui peuvent se poser à l'occasion d'une réforme comme celle-ci.

Je veux ensuite saluer le très remarquable travail qui a été effectué par votre commission des lois, par sa présidente, Catherine Tasca, et par votre rapporteur, André Vallini, qui, grâce à sa très grande connaissance du sujet, aux multiples auditions et au travail préparatoire auxquels il s'est livré, a considérablement contribué à améliorer et à enrichir ce texte, par le biais d'amendements.

Je remercie enfin les députés qui ont proposé des amendements et permis d'améliorer et de compléter utilement le projet du Gouvernement.

Le texte que vous allez voter permet, je crois, un réel progrès vers l'impartialité de la justice et vers l'égalité des citoyens devant la loi. Car c'est bien cela l'objectif principal non seulement de ce texte mais de l'ensemble de la réforme que j'ai l'honneur de vous présenter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

En votant ce texte, vous condamnerez l'ambiguïté des rôles et la confusion des responsabilités qui ont trop longtemps nourri et entretenu le soupçon, et durement porté atteinte au pacte démocratique.

La grande majorité de l'Assemblée, et je l'en remercie, a approuvé la pratique suivie par le Gouvernement depuis deux ans dans la conduite de la politique pénale. Cette pratique a permis de mener une politique judiciaire efficace et transparente dans des domaines aussi importants que la délinquance des mineurs, l'aide aux victimes, la lutte contre les phénomènes sectaires, les trafics de stupéfiants ou les violences urbaines, qui touchent, hélas ! beaucoup de nos concitoyens.

Cette politique nous a permis aussi de traverser des périodes de crise, avec une efficacité que, je crois, personne n'a remise en cause.

Mais une pratique, aussi louable soit-elle, est fragile tant qu'elle n'est pas gravée dans le marbre de la loi, comme le disait très justement l'un d'entre vous.

Vous allez donc, je l'espère, adopter un texte qui permet de garantir l'impartialité de la justice, d'abord en faisant disparaître les instructions individuelles, un amendement de la commission ayant même souhaité préciser qu'aucune instruction ne pourrait plus être donnée dans les affaires individuelles, précision en effet extrêmement utile et opportune ; ensuite, en introduisant pour la première fois dans nos textes la définition du rôle du garde des sceaux, ce qui n'était pas le cas auparavant ; en organisant, en troisième lieu, les relations hiérarchiques entre les magistrats du parquet et le garde des sceaux, dans une totale transparence ; en renforçant, enfin, le contrôle des autorités judiciaires sur la police judiciaire pour permettre une plus grande efficacité dans la recherche de la vérité et dans la lutte contre la criminalité.

Cette plus grande autonomie du parquet dans l'exercice quotidien de l'action publique, nécessaire pour assurer l'impartialité de la justice, s'accompagne d'une responsabilité accrue des magistrats.

C'est dans cette perspective que vous avez adopté toutes les dispositions du texte prévoyant le renforcement des garanties des justiciables, en instaurant notamment la motivation et les recours contre les classements sans suite, en prévoyant la publicité la plus large possible de l'activité pénale des magistrats du parquet, permettant ainsi à tous les citoyens de contrôler l'effectivité et l'efficacité des politiques pénales que les procureurs sont chargés de mettre en oeuvre.

Enfin, grâce aux contributions de Mme Neiertz et de M. Tourret, vous avez renforcé les droits des victimes d'une manière significative, en votant des dispositions qui permettent à certaines associations d'exercer des voies de recours supplémentaires en cas de relaxe.

Le débat sur ce texte nous a aussi permis d'ouvrir, notamment grâce aux interventions de Jacques Floch et de Frédérique Bredin, un débat approfondi sur la question plus générale, mais très importante, de la responsabilité des magistrats.

Cette discussion m'a permis de vous rappeler combien l a responsabilité des magistrats était présente dans l'ensemble de la réforme de la justice que nous avons entreprise, dans la réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature, dans les lois organiques sur le statut des magistrats et sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature, qui viendront après l'approbation par le Congrès de la révision constitutionnelle concernant le Conseil supérieur de la magistrature, mais aussi dans le texte sur la présomption d'innocence et sur les alternatives aux poursuites, que vous avez adopté, ainsi que dans le texte que vous vous apprêtez à voter ; enfin, et ce n'est pas le moins important, dans la formation des magistrats et dans les moyens accordés à l'inspection générale des services judiciaires.

Cette réflexion commune nous permet à tous d'avoir une meilleure appréciation de la portée des textes qui sont adoptés, et à moi, grâce à vos suggestions et à vos réflexions, de préciser davantage les textes que nous allons soumettre bientôt à votre approbation.

Cette réforme de la justice est la plus importante engag ée depuis très longtemps. Nous avons parcouru ensemble un chemin considérable dans la voie de cette réforme et je remercie l'Assemblée nationale pour son soutien à l'action du Gouvernement dans cette entreprise ambitieuse.

Je crois que nous faisons ainsi oeuvre très utile, pour que grâce à la réforme de la justice, nos concitoyens aient à nouveau confiance en la justice et que celle-ci retrouve le rôle, qu'elle n'aurait jamais dû perdre, de pilier essentiel de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. André Vallini, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. André Vallini, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la ministre, mes chers collègues, je veux d'abord rappeler que l'Assemblée a fait son travail, puisque notre débat en commission, puis en séance publique, aura permis d'améliorer le texte du Gouvernement sur plusieurs points.

Concernant le premier volet du projet, nous avons précisé que le garde des sceaux adressera des directives de politique pénale aux magistrats du parquet, directives que ces derniers devront appliquer dans leur ressort.

Nous avons ensuite étendu le droit d'action propre du garde des sceaux à l'appel et à la cassation dans les procédures où il aura déclenché lui-même l'action publique.

Enfin, à l'initiative d'Alain Tourret, nous avons ouvert aux associations reconnues d'utilité publique le droit de demander au procureur de faire appel d'une décision de relaxe sur l'action publique, et, à l'initiative de Véronique Neiertz, nous avons précisé les délais dans lesquels la Cour de cassation doit réagir face à un recours du ministre de la justice, dans l'intérêt de la loi, contre une décision de justice.

Concernant le deuxième volet du texte, c'est-à-dire les classements sans suite, nous avons, sur la suggestion de Frédérique Bredin, étendu leur motivation à toutes les décisions de classement, y compris à celles dues à la nonidentification de l'auteur présumé.

A l'initiative de Christine Lazerges et Arnaud Montebourg, nous avons également amélioré le texte en ce qui concerne la prescription.

Enfin, quant au troisième volet de ce projet de loi, le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire, nous avons légèrement « déplacé le curseur » au profit de l'autorité judiciaire, en raccourcissant les délais à l'issue desquels les OPJ doivent rendre compte au procureur de l'état d'avancement des enquêtes, et nous avons fixé plus précisément les conditions dans lesquelles doit se pratiquer la concertation entre le procureur et le chef du service de police ou de gendarmerie au cours des investigations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Par ailleurs, à l'initiative de votre collègue Jean-Luc Warsmann, nous avons adopté un amendement permettant aux parlementaires de visiter à tout moment une prison située dans leur département, marquant par là que les prisons ne doivent pas être exclues du débat public, et donc du contrôle du Parlement.

Ce projet de loi va donner des garanties accrues aux magistrats du parquet, tout en réservant au garde des sceaux le pouvoir de définir et de faire appliquer sa politique pénale. Cette émancipation doit bien sûr s'accompagner, comme vous l'avez dit, madame la ministre, d'une haute conscience de sa responsabilité, car aucune institution, aucun individu ne sauraient, aujourd'hui moins que jamais, être au-dessus de tout contrôle, et les magistrats doivent comprendre qu'ils doivent eux aussi rendre des comptes.

La contrepartie de l'autonomie nouvelle que nous allons leur donner est donc le renforcement de leur responsabilité et ce sera l'objet du projet de loi organique en préparation. Nous avons bien noté, madame la ministre, que vous répondriez le plus rapidement possible aux questions légitimes de notre collègue Jacques Floch.

Pour l'heure, il s'agit, avec ce projet, de fixer dans la loi ce qui n'est autre que votre pratique depuis deux ans, la pratique du gouvernement actuel, un gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation, y compris sa politique pénale, et qui, à cet effet, donne des directives aux procureurs.

Mais un gouvernement qui n'intervient plus dans les affaires individuelles, pour tuer le soupçon qui pesait sur la justice de servir des intérêts partisans.

Mener une politique publique en matière pénale, ne jamais intervenir dans des affaires individuelles : telle est la philosophie de ce projet de loi.

En conclusion de nos débats, je veux redire à mes collègues, à ceux qui s'interrogent peut-être encore, que cette loi ne désarme pas l'Etat, mais qu'elle va mieux protéger les citoyens contre l'arbitraire, toujours à craindre, du pouvoir ou des magistrats. Et à ceux qui s'interrogent encore sur le gouvernement des juges, je répète que j'ai la profonde conviction que cette loi ne menace pas la République, mais qu'elle va faire avancer la démocratie.

Lionel Jospin l'a dit dans cet hémicycle, le 19 juin 1997, il y a un peu plus de deux ans : « Faire vivre la République, c'est assurer un Etat qui inspire le respect, qui soit impartial et qui se conforme au droit. »

Le respect du droit est en effet fondamental pour la démocratie ; sans lui, le lien social se dissout et l'esprit public se délite.

Cette loi, en renforçant la légitimité, la transparence et l'impartialité de l'action publique en matière pénale, sera de nature, je le crois, à rétablir enfin la confiance des citoyens en la justice, et donc en la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste, ainsi que qur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Explications de vote

Mme la présidente.

Nous arrivons aux explications de vote.

Je rappelle que chaque orateur s'exprimant au nom d'un groupe dispose de cinq minutes.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quelle est la position des d éputés du groupe du Rassemblement pour la République sur le problème de l'action publique ? Nous estimons que la première priorité est d'avoir une politique pénale forte. Pourquoi ? Parce que seule une telle politique peut garantir une justice efficace. C'est d'ailleurs ce que demandent les Français à un moment où le ministre de l'intérieur vient de rappeler, il y a quelques jours, que les violences urbaines se développaient, Nous voulons une politique pénale forte, parce que c'est la condition du respect du principe d'égalité entre les citoyens. Nous ne pouvons pas admettre que des affaires, que des délinquants soient traités différemment selon le ressort de la cour d'appel dans lequel l'infraction a été commise.

D euxième priorité : nous souhaitons une justice moderne et indépendante. Vous avez, madame la garde des sceaux, proposé de supprimer les instructions individuelles. Je l'ai dit à plusieurs reprises dans le débat, je suis favorable à cette suppression.

M. Arnaud Montebourg.

Enfin !

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais ce que vous donnez d'une main, vous le reprenez deux fois de l'autre en ce qui concerne la liberté.

D'abord, vous remplacez cette intervention du pouvoir politique par un droit d'action propre. Désormais, le ministre de la justice pourra déclencher lui-même des affaires dans toute la France. Vous avez reconnu au cours du débat - le Journal officiel en fait foi - que, dans ces cas, le procureur de la République aurait le même comportement que s'il avait reçu une instruction. Vous avez reconnu en prononçant cette phrase qu'il s'agit bien dans votre esprit du rétablissement des instructions individuelles par une autre voie.

M. Arnaud Montebourg.

Ce que vous dites est scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann.

Le deuxième moyen que vous utilisez pour intervenir dans les affaires individuelles, c'est l'obligation d'information qui figurera dans la loi, et qu'aucun Parlement n'a jamais votée jusqu'à présent. Les p rocureurs généraux vont ainsi devoir informer le ministre des affaires qui leur « paraissent devoir être portées à sa connaissance ». Cette expression vague couvre tout ce qu'on veut. Elle fera obligation aux procureurs de la République de vous informer des affaires individuelles.

Il ne s'agit pas de rapports généraux, de préciser l'évolution du trafic de drogue dans tel ou tel département, mais d'indiquer des noms et de préciser où en est la procédure.

J'ai été profondément scandalisé d'apprendre que vous exigiez, dans un certain nombre d'affaires, d'être tenue au courant heure par heure des actes d'instruction. Non ! Pour moi, le rôle d'un garde des sceaux ne consiste pas à connaître dans l'heure qui suit la déclaration qu'a faite Roland Dumas sur le prix de ses chaussures.

M. Christian Bourquin.

Encore ! C'est minable !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est là une bien pauvre conception du rôle du garde des sceaux ! Quand on veut couper le lien avec les affaires individuelles, on ne donne plus d'instructions, mais on n'instaure pas dans le même temps une obligation d'informer en détail le garde des sceaux sur toutes les affaires individuelles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Enfin, notre troisième priorité, ce sont les moyens qui doivent être donnés à la justice. Les chiffres sont cruels.

Aujourd'hui, un Français attend en moyenne seize mois pour obtenir un jugement devant la cour d'appel. Aussi, pour nous, la priorité, c'est que tous les moyens supplémentaires nécessaires, financiers et humains, soient affectés aux juridictions de jugement, afin que la justice soit plus rapide, que la France ne soit plus condamnée par la Cour européenne pour déni de justice, parce que les affaires traînent trop.

Or, si certaines des dispositions de ce texte sont bonnes dans le principe, elles vont nécessiter des centaines de magistrats. Vous avez créé il y a quelques semaines un juge de la détention et vous consommez à nouveau des moyens supplémentaires. Nous estimons que c'est une mauvaise utilisation des moyens de la justice, car la priorité, c'est de rendre la justice plus rapidement.

En conclusion, nous ne trouvons pas dans ce texte la politique pénale forte que nous souhaitons. Vous avez reconnu que le seul moyen que vous définissiez, les directives, c'est-à-dire l'outil juridique le plus pauvre, était limité car il doit d'un côté respecter les lois et les règlements et ne pas être créateur de droit, et, de l'autre, laisser les procureurs juges de l'opportunité.

Nous sommes loin d'une politique pénale forte. Vous prétendez, la main sur le coeur, rendre une justice plus impartiale. Mais vous vous donnez les moyens d'être informée du détail des affaires individuelles et vous créez v otre propre droit de garde. Troisièmement ; nous n'avançons pas vers l'attribution de moyens supplémentaires permettant d'avoir une justice plus rapide.

Non, madame la garde des sceaux, pour nous, le compte n'y est pas : le groupe RPR votera donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe communiste.

M. Jacques Brunhes.

Madame la garde des sceaux, le groupe communiste a examiné votre projet de loi en fonction de deux principes essentiels, auxquels il est particulièrement attaché : mettre un terme définitif au « temps de l'opacité » et marquer une « rupture radicale » avec des pratiques devenues insupportables pour les Français.

Il résulte d'un sondage récent que 82 % de nos compatriotes se méfient d'un système qu'ils estiment soumis aux pouvoirs politiques, et que 73 % lui reprochent de traiter plus favorablement les hommes politiques et les fonctionnaires que les citoyens de base.

Trop d'affaires ont en effet conforté dans l'opinion publique la conviction d'une justice à plusieurs vitesses, et en particulier l'existence d'un droit à l'impunité au bénéfice d'un petit nombre, notamment des détenteurs de l'autorité publique.

Aussi, afin de supprimer tout risque de soupçon d'intervention du politique sur les « affaires », le projet de loi dispose que le garde des sceaux ne pourra donner d'instruction dans quelque affaire particulière que ce soit.

C'est un progrès décisif. Il s'agit de la « mise en loi », si j'ose dire, de votre pratique et des objectifs affichés par la gauche plurielle en 1997.

Certains y ont vu le risque de la mise en place d'un

« tiers pouvoir » ou d'un « gouvernement des juges ». Ce serait occulter le rôle essentiel que le projet assigne au garde des sceaux : concevoir, élaborer les orientations générales de la politique pénale, et mener une politique publique en matière pénale qui assure la cohérence de cette politique sur l'ensemble du territoire.

Le Gouvernement détermine et conduit donc bien la politique de la nation, y compris en matière de justice.

Nous sommes très attachés à ce principe essentiel, d'ailleurs conforté par les dispositions qui confèrent au garde des sceaux un droit d'action propre qui lui permettra de déclencher l'action publique dans le cas où le ministère public ne le ferait pas et qui a été renforcé par un amendement de la commission.

De la même manière, la disposition autorisant, en cas de jugement de relaxe, les associations reconnues d'utilité publique à demander au procureur de la République de faire appel de la décision, nous semble répondre au souci exprimé par notre groupe et de nombreux collègues.

Une autre innovation positive du texte résulte de l'obligation faite au procureur de motiver et de notifier sa décision au plaignant. D'autant plus que, si ce dernier estime cette décision injustifiée et s'il n'a pas qualité pour se constituer partie civile et agir directement, il bénéficiera néanmoins de possibilités de recours.

En toute transparence, le garde des sceaux devra rendre compte chaque année au Parlement à la fois des orientations générales de la politique pénale qu'il aura données et des affaires dans lesquelles il aura pris toutes ses responsabilités en exerçant son droit propre.

Enfin, et cela a déjà été dit, ce projet de loi, qui donne des responsabilités différentes aux magistrats, exige que le Parlement examine sans tarder le projet de loi organique relatif à leur statut et à leurs responsabilités. Nous déplorons vivement le blocage actuel par le Président de la République de la révision constitutionnelle. Ce blocage retarde cet examen par le Parlement.

Qu'il me soit permis de rappeler, avant de conclure, le lancinant problème des moyens sans lesquels l'ambitieuse réforme de la justice que vous engagez ne pourrait être réellement mise en oeuvre.

Les députés communistes considèrent que ce texte définit un point d'équilibre, forcément délicat, qui permettra d'éviter les abus et qui contribuera à assurer l'égalité devant la justice pénale. C'est pourquoi ils le voteront.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Pierre Albertini.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, le projet de loi relatif à l'action publique qui est soumis à notre vote en première lecture vise, selon son exposé des motifs, que M. Brunhes a cité, à « mettre un terme définitif au temps de l'opacité ».

Malgré le caractère un peu péremptoire de cette affirmation, nous ne souhaitons, madame la ministre, instruire aucun procès d'intention à votre égard. En effet, qui s'opposerait, par principe, à la transparence, à la cohérence et à l'efficacité de la politique pénale ? En revanche, nous émettons de très sérieux doutes sur la capacité de votre texte à atteindre l'objectif que vous lui assignez. D'ailleurs, la réaction des professions du droit - magistrats, avocats, universitaires - est plutôt empreinte d'un certain scepticisme. C'est en effet l'impression qui domine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Sur les bancs mêmes de cette assemblée, de très nombreuses voix se sont élevées pour évoquer le risque d'une mise en retrait, voire de l'abandon, par le pouvoir politique, de l'un de ses attributs essentiels : la définition des priorités et des formes de l'action pénale, et non pas, comme on a voulu le dire ou le faire croire, le choix des procureurs et, a fortiori, des juges.

Car ce qui est en cause, ce sont les moyens que conserveront et le Gouvernement et le Parlement pour restaurer le lien de légitimité et le lien de confiance entre la nation et la justice. Et c'est bien cela qui nourrit le doute qui nous saisit au moment de nous prononcer définitivement sur votre texte.

Vous supprimez les instructions individuelles de poursuivre, qui permettaient, dans des cas rares il est vrai, de surmonter l'inaction éventuelle des parquets. Mais dans le même temps, vous introduisez un droit d'action propre qui est totalement contraire à notre tradition judiciaire et républicaine et qui constitue une intrusion du ministre de la justice dans le cours de celle-ci et médiatise à l'excès son rôle, ce qui ne sied pas à la sérénité qui doit entourer le débat judiciaire.

Vous attribuez également à la Chancellerie, ce qui jusqu'à présent n'a jamais été écrit ni consacré, le pouvoir d'évoquer tous les dossiers dont les parquets seront saisis.

Est-ce ainsi qu'il sera mis fin à l'opacité ? Nous en doutons.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le texte n'est qu'un fauxsemblant !

M. Pierre Albertini.

Vous souhaitez également mieux définir la politique pénale et encadrer l'action des parquets. Pour cela, vous débaptisez les circulaires, qui seront désormais appelées « directives », ce qui représente en réalité une innovation bien modeste et ce qui ne leur procurera pas plus de force contraignante sur le plan juridique. Vous prévoyez aussi que trente-trois procureurs généraux pourront adapter ces directives au contexte local. Pour justifier cette adaptation, vous avez pris l'exemple de la lutte contre les drogues, reconnaissant vous-même que cette lutte ne pouvait pas s'exprimer de la même manière dans le ressort de la cour d'appel de Douai que dans le ressort de celle de Limoges.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quel aveu !

M. Pierre Albertini.

Mais c'est précisément cela qui préfigure le risque d'atomisation de la politique pénale que nous craignons, et c'est cela qui affaiblira, peut-être malgré vous, mais tout de même, la portée de règles qui doit rester absolument identique sur l'ensemble du territoire national.

Est-ce ainsi qu'il sera mis fin à l'opacité ? Nous en doutons.

La position du groupe de l'UDF sur cet aspect central, sur la relation entre le parquet et le ministre de la justice, peut se résumer en trois propositions simples : Oui à des garanties statutaires renforcées pour les membres du parquet, mais en même temps qu'une séparation fonctionnelle d'avec les magistrats du siège ! Oui à une procédure nettement plus accusatoire et nettement plus respectueuse des droits de la défense ! Oui à un pouvoir politique qui fixe le cap, qui définisse les priorités, qui garantisse la cohérence de l'action pénale car c'est une exigence élémentaire de la démocratie, que la responsabilité disciplinaire des magistrats, même réactivée, ce qui reste à démontrer, madame la ministre, ne saurait jamais remplacer.

Pour toutes ces raisons, nous rejetterons le texte que vous nous avez proposé. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Alain Tourret.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les textes relatifs à l'équilibre des pouvoirs revêtent une importance toute particulière. C'est tout spécialement le cas de ceux qui s'attachent à renforcer l'autorité judiciaire.

Notre réticence envers des dispositions qui visent à priver le pouvoir exécutif des prérogatives qu'il détient de l'article 20 de la Constitution, est donc extrême. Certes, nous comprenons bien l'attente de l'opinion publique en faveur de plus d'indépendance de la justice, alors même qu'elle est chauffée à blanc par les médias. Cette opinion est persuadée que la justice ne s'attaque qu'aux pauvres, aux paumés, aux voleurs de poules, et qu'elle garantit l'immunité absolue aux responsables économiques ou encore à ceux qui ont eu le bonheur relatif d'être élus. La réalité est tout autre, mais il est pratiquement impossible d'expliquer que plus de huit cents élus sont mis en examen, qu'il en est de même de dizaines de parlementaires de droite, de gauche et du centre, et que n'importe quel ministre peut être renvoyé devant la Cour de justice de la République. Car il est vrai qu'aujourd'hui détenir sa légitimité du suffrage universel est à l'évidence une cause aggravante de responsabilité.

M. Pierre Albertini.

C'est vrai !

M. Alain Tourret.

Encore faut-il rappeler le principe de la double peine, puisque à la condamnation, vient s'ajouter la privation des droits civiques et, par là même, celle du mandat confié par le peuple souverain.

Un député du groupe socialiste.

Exact !

M. Alain Tourret.

Et l'on voudrait nous faire croire qu'il faut en rajouter et qu'il ne saurait y avoir de justice impartiale sans que soit laissée aux seuls procureurs l'initiative de poursuites, qu'ils mèneront désormais à leur propre gré, sans contrôle aucun.

Certes, il est facile de répondre que, depuis 1993, les gardes des sceaux n'ont adressé que trois instructions écrites concernant des dossiers au demeurant peu importants, que parler de transparence relève dès lors de l'hypocrisie et qu'il est bien préférable d'interdire des instructions écrites qui n'existent pas pour les remplacer par des directives générales.

Le texte est donc parfaitement ambigu puisque, d'un côté, il ampute les pouvoirs du garde des sceaux et que, de l'autre, il vise à mieux définir la politique pénale du Gouvernement. Mais surtout, il transfère sur les magistrats le principe même de la responsabilité politique. Or quelqu'un doit répondre de cette responsabilité politique devant le Parlement.

(« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il ne peut être admis que, dans une grande démocratie comme la France, un pouvoir puisse s'exercer sans responsabilité...

M. Pierre Albertini.

Eh non !

M. Alain Tourret.

... et, dans la mesure où la politique pénale est l'un des aspects de la politique du Gouvernement, c'est au garde des sceaux d'en répondre et devant le Parlement et devant l'opinion publique. (« Très juste ! »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Prenons garde au fait que, petit à petit, les magistrats ne revendiquent cette responsabilité et que la pénalisation de l'action publique ne devienne un moyen du contrôle politique !

M. Jean-Pierre Delalande.

Très bonne remarque !

M. Alain Tourret.

Le juge n'a pas à se substituer à l'électeur pour apprécier l'exercice du pouvoir normatif.

Si donc le texte qui nous est soumis était resté dans son état initial, notre opposition aurait été frontale. Mais il a évolué, et dans le bons sens.

Le garde des sceaux voit ses pouvoirs renforcés et il peut désormais interjeter appel lorsqu'il a initié l'action publique. Ses orientations sont devenues des directives, ce qui n'est pas la même chose. Les associations d'utilité publique, et nous nous en réjouissons, voient aussi leurs droits renforcés de manière significative en cas de décision de relaxe leur créant un préjudice. Elles pourront amener le parquet à interjeter appel sur le plan pénal.

Le projet de loi a donc évolué et il évoluera en fonction de la loi organique sur la responsabilité des magistrats.

Encore faut-il souligner que près de 15 000 textes comportent des sanctions pénales et qu'il faudra dépénaliser nombre d'entre eux tombés en désuétude ! Car comment reprocher aux magistrats d'appliquer des textes que le législateur n'a pas abrogés ? La dépénalisation, et peut-être plus que la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats, restera l'objectif à atteindre pour que la loi sur l'action publique ne conduise petit à petit au gouvernement des juges.

M. Jean-Pierre Delalande.

Absolument !

M. Alain Tourret.

Les radicaux de gauche, compte tenu de l'évolution du texte et de la prise en compte de certaines de leurs revendications, ont décidé de s'abstenir.

Il en est de même des députés du Mouvement des citoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pascal Clément.

Je dois dire que je n'ai pas grandchose à ajouter à ce qu'a dit M. Tourret. Mais je n'aurai pas tout à fait la même conclusion que lui, ce qui ne surprendra pas l'Assemblée.

Madame la garde des sceaux, votre projet est fondé sur une logique curieuse.

Vous commencez par dire que le garde des sceaux a abusé de ses pouvoirs fondés sur l'article 36 du code de procédure pénale et que, puisque le garde a abusé de ses droits, au lieu de rectifier son comportement, on supprime ses droits. Telle est la logique du texte.

Mais le texte dit aussi une chose et son contraire.

Il dit d'abord aux médias, afin que cela soit entendu par tous les Français : c'est fini ! Le politique ne se mêlera plus de l'action publique ! Le politique ne se mêlera plus de la justice ! Mais il ajoute une disposition contradictoire : le garde des sceaux - le Gouvernement - demande aux procureurs de la République, heure par heure, comme a dit fort justement mon collègue du groupe du RPR, de rendre des comptes sur des affaires - excusez du peu - « générales ».

Or il est assez compliqué, vous l'admettrez sans doute, de rendre des comptes sur des affaires « générales ».

M. Arnaud Lepercq.

C'est aberrant !

M. Jacques Fleury.

C'est un peu trop subtil pour vous !

M. Pascal Clément.

Le texte comporte donc une énorme ambiguïté sur le plan juridique. Je le dis à vous, madame la garde des sceaux, et, à travers vous, à tout le Gouvernement. Dans le système français, le ministère public, dont les magistrats forment le parquet, est le représentant de la nation souveraine. Il est chargé d'assurer le respect de la loi, et le droit de porter l'accusation publique est précisément l'attribut essentiel de cette souveraineté.

Or que dit l'article III de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Permettez-moi de vous en rappeler les termes : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu » - pas même le procureur - « ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »

Votre texte sera frappé d'inconstitutionnalité, du fait même de cette seule disposition.

Une fois les directives nationales données par le garde des sceaux, c'est le procureur qui, lui, exécute la politique pénale du Gouvernement.

Votre texte fait une confusion entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire et il comporte une énorme ambiguïté, je le répète, puisque, après avoir amputé le garde des sceaux de son pouvoir d'injonction, il lui donne un droit d'action autonome, celui de déclencher l'action publique dans les cas où il ne serait pas obéi. Les bras nous en tombent ! Voter ce texte se contredit donc en fin de parcours.

L'article 36, qui avait été supprimé, réapparaît à la fin du texte, où il est précisé que cette action peut être déclenchée « si l'intérêt général l'impose ». Il est évident que « si l'intérêt général l'impose » l'action publique doit être déclenchée. Il faut dont rétablir l'article 36.

Votre texte, madame la garde des sceaux, n'est pas fondé juridiquement. C'est avant tout un texte politicien, qui laisse croire des choses qui ne sont pas exactes. C'est u n texte qui ne correspond pas à l'esprit de la République, car il mélange les pouvoirs de l'exécutif et du judiciaire. C'est un texte qui ne pourra pas être pérenne.

C'est un texte qui ne correspond pas à l'esprit traditionnel de la loi en France en matière judiciaire.

M. Gérard Gouzes.

Vous schématisez !

M. Pascal Clément.

Voilà pourquoi, madame la garde des sceaux, nous ne pourrons pas vous suivre. Toutes les hypocrisies seront levées quand, une fois par an, vous viendrez rendre des comptes sur la politique pénale et que nous, représentation nationale, nous apercevrons que nous ne pourrons pas mettre en cause votre responsabilité, puisqu'il ne s'agira plus de la vôtre, mais de celle des procureurs.

C'est dire que ce texte n'est pas bâti pour durer : il veut faire croire aux Français que la gauche apporte un progrès alors qu'il marque en fait une régression juridique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocra-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

tie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.

M. Jacques Floch.

Ce texte sur l'action publique en matière pénale que le Gouvernement a soumis à notre discussion est un des éléments les plus importants de l'ensemble de la réforme de l'institution judiciaire, dont chacun s'accorde à reconnaître l'impérieuse nécessité si l'on veut que nos concitoyens ne doutent plus de leur justice. Je dis « leur justice » car ce grand service public appartient à l'ensemble de la nation, qui y voit, dans son fonctionnement, l'essentiel du pacte républicain.

Cette lecture simple est cependant contredite en permanence par la mise en avant de dysfonctionnements dont la gravité fait douter de son accessibilité par tous, de l'égalité devant la loi, de la responsabilité de ceux qui disent le droit, de la résistance aux groupes de pression, de son indépendance à l'égard de tous les pouvoirs. Et, évidemment, comme toujours, ce sont les images les plus déformées, les plus caricaturales qui sont véhiculées, surtout dans le domaine pénal, celui qui nous intéresse aujourd'hui.

L'Etat, au nom du peuple français, édicte la loi décidée par nous, la loi nécessaire pour une organisation harmonieuse de la société alors que la justice est censée dire le droit. Comme vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, de souligner que la justice est confrontée à de multiples missions qui obligent le juge à trancher de tout ! Mais à qui la faute ? A nous seuls qui acceptons en permanence que les magistrats soient, en vertu de je ne sais quel principe, saisis de tout et de rien.

C'est ainsi que plus de 110 commissions locales, régionales, nationales sont présidées, arbitrées par un juge.

Cette forme de judiciarisation de la société crée un réel pouvoir et permet à certains de rêver, d'imaginer le rôle qui ne peut pas être le leur, car froissant l'image d'impartialité et d'efficacité.

Madame la garde des sceaux, vous avez voulu mettre un terme à cela. D'abord en proposant aux citoyens un meilleur, un possible accès aux droits, puis en permettant aux victimes d'être enfin considérées, en évitant le cliché de la justice liberticide.

Nous approuvons ces éléments de réforme. Mais, audelà des textes, il y a aussi et surtout des hommes et des femmes chargés d'en faire usage. Or les magistrats sollicités, aujourd'hui, de toutes parts doivents mieux connaître la nature de leur encadrement par la loi. Celle que vous proposez, si elle définit votre rôle - et c'est une première dans l'histoire de la République -, dit aussi les droits et devoirs de procureurs généraux, des procureurs de la République, afin que l'impartialité de la justice pénale soit définitivement reconnue.

On sait d'expérience sur tous ces bancs, à droite, comme à gauche, que l'indépendance de la magistrature est une impérieuse nécessité. Ni les uns ni les autres ne sommes sortis indemnes de diverses tentatives de manipulation de la justice, parfois sollicitées - il faut bien le dire - par les magistrats eux-mêmes.

Madame le garde des sceaux, si votre texte est équilibré, c'est aussi parce qu'il s'appuie sur ce qui n'existe pas encore. A l'indépendance que vous proposez vous ajouterez, demain, la responsabilité. Merci de l'avoir dit.

Nous étions, nous sommes très nombreux à nous inquiéter du devenir de ce volet important de la réforme de l'institution judiciaire. Le plus éminent d'entre nous, le président Fabius, a fait savoir ses interrogations, ses inquiétudes. Beaucoup les partagent.

Mais le groupe socialiste a pris acte de vos déclarations indiquant que vous compreniez et partagiez son souci de lier l'autonomie et la responsabilité. Vous avez ainsi réaffirmé les grands principes de la hiérarchie et précisé que vos services étudiaient l'adaptation du régime de responsabilité personnelle des magistrats. Vous avez également confirmé vos intentions de connaître les conséquences financières, morales et physiques des fautes lourdes et d'en prévoir les réparations. Vous avez même été plus loin dans vos engagements, en affirmant devant nous votre désir de soumettre au Parlement les principales dispositions de la réformes du statut des magistrats avant que n'intervienne le vote définitif de la présente loi.

Ces engagements pris devant l'Assemblée nationale sont de nature à nous permettre de travailler avec vous pour que, demain, notre pays dispose, enfin, d'une institution judiciaire rénovée au service de tous nos concitoyens.

Le groupe socialiste votera ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

Mme la présidente.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

513 Nombre de suffrages exprimés .................

488 Majorité absolue .......................................

245 Pour l'adoption .........................

263 Contre .......................................

225 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

5 CHÈQUES-VACANCES Discussion, en lecture définitive, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 22 juin 1999.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint le texte du projet de loi modifiant l'ordonnance no 82283 du 26 mars 1982 portant création des chèquesvacances, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 3 juin 1999 et modifié par le Sénat dans sa séance du 22 juin 1999.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive (nos 1730, 1746).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi portant extension du chèque-vacances aux salariés des PME-PMI vous est soumis en lecture définitive. Une nouvelle fois, ce projet vous revient du Sénat fortement modifié et détourné de son objectif initial.

Je crois donc nécessaire de rappeler l'ambition du Gouvernement en présentant ce projet : il s'agit, dans la ligne de l'ordonnance qui a créé le dispositif du chèquevacances, de faire en sorte que les salariés des PME-PMI de moins de cinquante salariés et leurs familles puissent y accéder.

C'est parce que les salariés de ces entreprises sont aujourd'hui plus de sept millions et demi, soit 50 % des actifs, qu'une telle mesure s'impose, car elle contribuera, dans l'esprit de la politique que je conduis depuis deux ans, à donner un contenu concret au droit aux vacances pour tous.

Malgré l'enjeu d'un tel projet, qui a donné lieu à un important travail de préparation, le Sénat a maintenu sa position, qui s'est traduite par des modifications importantes du texte adopté ici même lors des précédentes lectures.

J'évoquerai brièvement les principaux amendements qu'il a apportés au projet de loi : le relèvement du plafond du revenu fiscal de référence, bien que le projet de loi présenté par le Gouvernement concerne déjà 17 millions de salariés ; l'extension de l'exonération de cotisations sociales à toutes les entreprises quelle que soit leur taille ; la majoration des exonérations liées à la situation familiale des salariés ; la modification des conditions du dialogue social dans l'entreprise.

Ces changements dénaturent la portée sociale du projet. Je ne peux donc que me féliciter que l'Assemblée ait décidé de reprendre le texte qu'elle avait adopté lors de la précédente lecture.

A cet égard, je tiens à évoquer le travail effectué dans cette assemblée tout au long du débat, fruit d'un dialogue constant entre les parlementaires et le Gouvernement. Je pense notamment à la modification de l'article 6, qui ouvre largement aux salariés et aux non-salariés l'accès aux chèques-vacances ; je pense également à l'amendement adopté sur la possibilité de mettre en place le chèque-vacances par accord de branche ; je pense, enfin, à l'extension de l'utilisation du chèque-vacances au territoire des Etats membres de l'Union européenne, qui faits uite à l'interpellation des parlementaires. Celle-ci témoigne d'une volonté partagée de construire concrètement l'Europe sociale.

Cette question est d'autant plus d'actualité que, lors de rencontres récentes avec mes collègues d'Italie, du Portugal et d'Espagne, ceux-ci m'ont informé de leur volonté de mettre en oeuvre un chèque-vacances inspiré de l'expérience française. Je leur ai fait part, à cette occasion, de mon souhait que cette question soit mise à l'ordre du jour des débats de l'Union européenne lors des présidences portugaise et française.

Pour ces raisons, je vous propose, à une réserve près, d'adopter le projet tel qu'il a été voté par votre assemblée, le 3 juin 1999.

La réserve du Gouvernement porte sur la suppression de la tutelle du ministère de l'économie et des finances sur l'Agence nationale du chèque-vacances.

La cotutelle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et du secrétariat d'Etat au tourisme nous semble, en effet, un bon moyen d'assurer une action cohérente de l'Etat au double titre de la politique du tourisme et de celle des moyens de paiement. Aussi, dans un souci d'efficacité, qui permettra de rendre la loi immédiatement applicable, le Gouvernement propose-t-il un amendement qui rétablira la tutelle conjointe du secrétariat d'Etat au tourisme et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vous demande donc d'adopter ce texte en y intégrant l'amendement du Gouvernement à l'article 4 quater.

Ainsi, la loi que vous voterez dans quelques instants, traduira bien la triple volonté que j'y plaçais. D'abord, une volonté de justice sociale, en ouvrant à des dizaines de milliers de nouveaux salariés l'accès à ce nouveau dispositif. Ensuite, une volonté d'assurer un dialogue social équilibré, qui permettra de mettre en oeuvre le dispositif soit dans les branches, soit dans les entreprises. Enfin, une volonté d'efficacité économique, car le chèquevacances, qui, aujourd'hui, concerne un million de salariés, est un élément non négligeable du développement de notre industrie touristique.

Alors que débute la période des vacances d'été - pour vous aussi, bientôt -, l'adoption de ce projet de loi est un signe fort en direction de tous ceux pour qui ce moment de bonheur et d'épanouissement est encore inaccessible.

La loi adoptée permettra de donner un nouvel élan à ce qui fut une conquête sociale, il y a plus d'un demi-siècle : le droit aux vacances pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat a voté, en troisième et nouvelle lecture, le projet de loi en revenant au texte qu'il avait adopté lors des lectures précédentes. L'Assemblée nationale est donc saisie par le Gouvernement d'une demande tendant à ce qu'elle statue définitivement, conformément à l'article 45, alinéa 4, de la Constitution.

Lors de la commission mixte paritaire, nous n'avons pas pu aboutir à un accord sur un texte commun. Nous reprenons donc celui adopté par notre assemblée lors de la troisième lecture qui a eu lieu le 3 juin.

Je comprends que l'opposition défende une autre conception que la nôtre. En effet, comme dans le texte de la proposition de loi Pons, une orientation très libérale a été donnée par les amendements que le Sénat a adoptés sur ce projet de loi.

Les points les plus caractéristiques - vous les avez rappelés, madame la secrétaire d'Etat - sont : le relèvement conséquent du plafond de ressources donnant accès aux chèques-vacances et un développement des exonérations patronales en sollicitant, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, les mêmes dispositions que celles accordées par le projet aux petites et moyennes entreprises.

Le projet que nous défendons se veut plus social. Il comporte ainsi des dispositions favorables aux salariés dont les ressources sont faibles. En effet, chacun peut constater que ces catégories ne partent pas en vacances principalement pour des raisons financières. En revanche, celles visées par les dispositions soutenues par l'opposition parlementaire et par le Sénat partent déjà en vacances.

Les amendements votés par le Sénat leur permettraient de le faire à moindre coût. Tel n'est pas notre objectif. Cela est une volonté délibérée de notre majorité.

Il est légitime que l'opposition préfère cette orientation à la nôtre. C'est son droit et cela correspond à une conception sociétale différente de celle que nous défendons. D'ailleurs, s'il n'y avait pas de différence entre nos conceptions, pourquoi y aurait-il une opposition ? Puisque nous sommes en dernière lecture, les salariés à revenus modestes ne comprendraient pas que la minorité parlementaire s'oppose à des dispositions avantageuses pour eux et qu'ils attendent avec impatience.

M. Pierre Cardo.

C'est un peu simple comme présentation !

M. Gérard Terrier, rapporteur.

Ce projet est donc un texte équilibré, aussi bien par l'article 2 que par la modification de l'article 6 de l'ordonnance de 1982 qui permet de donner accès aux chèques-vacances à l'ensemble des salariés, des travailleurs indépendants et des retraités, dès lors que les organismes sociaux existants, ou à créer comme le permettra cette loi, définissent des critères acceptés par les différents partenaires. Nous vous avons donc écoutés. Nous élargissons ainsi l'accès aux chèquesvacances, tout en conservant l'esprit social de l'ordonnance de 1982.

Par ailleurs, la possibilité d'utiliser le chèque-vacances sur l'ensemble du territoire européen, possibilité rejetée par le Sénat, est une avancée qu'il nous faut souligner, car, malgré les difficultés techniques, le Gouvernement démontre bien sa conception sociale de l'Europe sans en rejeter les vertus économiques.

Comme vous le voyez, ce projet de loi veut donc répondre à un souci de justice sociale en favorisant l'accès aux vacances pour les salariés et leurs familles. La politique du Gouvernement en direction des familles, en particulier l'importance qu'il entend donner aux vacances dans la politique familiale et dans la politique qu'il conduit en matière sociale, est totalement exprimée à travers ce texte.

C'est donc un projet ambitieux car, au-delà du champ potentiel des nouveaux bénéficiaires et des premières indications données sur la montée en puissance du chèquev acances, l'enrichissement apporté, notamment par l'amendement qui ouvre la possibilité de mettre en place ce dispositif par accords de branche que je vous ai proposé lors des lectures précédentes et que vous avez accepté, accélérera son développement, auquel nous nous emploierons. L'intérêt porté par les organisations professionnelles et salariales en est d'ailleurs le garant.

Ainsi que je l'ai déjà souligné, le secteur du tourisme est, en France, le premier poste excédentaire. Ce texte contribuera à augmenter encore les bons résultats de ce secteur d'activité.

Mes chers collègues, alors que nous sommes à la veille des vacances parlementaires, comment pourrions-nous partir avec bonne conscience si nous privions les plus démunis d'entre nous de cette chance, de la possibilité de satisfaire un besoin qui doit être accordée à tous ? C'est pourquoi la commission des affaires culturelles familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter définitivement le projet de loi dans les mêmes termes que ceux retenus lors de notre dernier vote du 3 juin 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Malavieille, pour le groupe communiste.

M. Patrick Malavieille.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre assemblée devrait, en principe, adopter définitivement aujourd'hui le projet d'extension des chèques-vacances.

Tout au long du processus législatif, les députés communistes et apparentés n'ont pas manqué d'exprimer leur soutien à un texte qui, selon nous, devrait permettre un progrès considérable pour les salariés de notre pays. Le chèque-vacances constitue, en effet, un moyen particulièrement efficace de lutter contre une situation de fait que, pour ma part, je considère comme tout à fait intolérable, à savoir l'impossibilité pour près d'un Français sur deux d'accéder aux vacances.

Le chèque-vacances, dont l'attribution est réservée aux salariés disposant de revenus modestes, ouvre ainsi la porte des vacances à de nombreux salariés qui en étaient exclus à cause de l'insuffisance de leurs ressources. La diversité des formes d'utilisation du chèque-vacances, qui vont de l'hébergement jusqu'au paiement des transports en passant par la restauration, permet une souplesse qui, elle aussi, favorise l'accès aux vacances.

Ainsi, depuis sa création en 1982, cet outil au service de l'accès aux vacances des salariés a connu un succès considérable. Seulement, du fait de son mode d'attribution, qui repose sur un abondement de l'employeur venant bonifier une épargne constituée par le salarié, les employés de bon nombre de petites et moyennes entreprises n'ont pas pu en bénéficier.

C'est à ce problème que le projet de loi que vous nous présentez, madame la secrétaire d'Etat, a décidé de s'attaquer. Nous ne pouvons bien évidemment que nous en


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féliciter. L'exclusion de l'accès aux chèques-vacances des salariés travaillant dans les PMI et PME était, en effet, parfaitement intolérable.

Il sera ainsi mis un terme à une discrimination de fait frappant environ sept millions de salariés et face à laquelle il convenait de réagir.

L es députés communistes soutiendront donc sans réserve le texte que vous nous présentez, d'autant que vous avez su apporter des réponses aux quelques interrogations que celui-ci avait suscitées dans nos rangs. Je p ense notamment aux emplois-jeunes, aux contrats emploi-solidarité ou encore aux retraités et préretraités qui, grâce à la modification de l'article 6 du projet de loi, pourront bénéficier de l'attribution de chèques-vacances.

M. Jean-Michel Couve.

Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Malavieille.

Je me réjouis également du fait que le principe d'une utilisation du chèque-vacances étendue à l'ensemble du territoire de l'Union européenne et auquel nous étions très attachés ait également été consacré.

Vous l'aurez tous compris, le groupe communiste et apparentés votera en faveur de ce texte qui constitue une avancée considérable dans la conquête du droit au temps libre pour les salariés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Pierre Cardo.

Madame la secrétaire d'Etat, votre projet prévoit l'élargissement de la portée du circuit de distribution des organismes sociaux pour favoriser l'accès des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés aux chèques-vacances.

Tout organisme paritaire chargé de la gestion d'une activité sociale et créé par accord de branche ou territorial sera donc autorisé à distribuer des chèques-vacances. Le développement de cette voie exige une forte implication des partenaires sociaux, ce qui n'est pas obligatoirement un mal. Néanmoins, ce seront les employeurs qui financeront les organismes paritaires, ce qui entraînera un alourdissement des charges pesant sur les PME.

L'exonération de charges sociales de la contribution de l'employeur est aussi prévue pour les entreprises de moins de cinquante salariés ne relevant d'aucun organisme paritaire s'il y a accord d'entreprises ou accord de regroupement d'entreprises. Parallèlement, vous proposez la modification du critère d'appréciation des ressources du salarié pouvant bénéficier du chèque-vacances. Vous abandonnez celui fondé sur l'impôt sur le revenu au profit du critère du revenu fiscal de référence, ce qui exclut 4 à 5 % des bénéficiaires actuels.

Vous ouvrirez le bénéfice des chèques-vacances à des catégories comme les marins-pêcheurs, les ouvriers dockers occasionnels, mais vous ne réglerez pas pour autant le problème du personnel non statutaire des fonctions publiques et établissements publics administratifs. Aussi le Sénat a-t-il maintenu le critère actuel d'appréciation des ressources des salariés et relevé le plafond des ressources pour toucher les classes moyennes en le modulant en fonction du nombre d'enfants à charge, notamment. Il a aussi voulu ouvrir l'accès aux chèques-vacances aux non-s alariés, étendre l'exonération de charges sociales à l'ensemble des entreprises et l'élargir à la CSG, et relever le plafond des contributions ouvrant droit à exonération à hauteur de 40 % du SMIC.

Dans un souci de simplification, la Haute assemblée a prévu, au-delà des dispositions initiales, que la mise en oe uvre du chèque-vacances pourrait intervenir dans l'entreprise, soit en cas d'accord conclu avec les salariés mandatés, soit après consultation des délégués du personnel à titre expérimental. Pour finir, elle a prévu une diminution du montant minimal des versements mensuels du salarié de 4 % à 2 %, afin que les plus modestes d'entre eux puissent se constituer une épargne vacances.

Le Gouvernement, comme votre majorité, n'accepte pas ces améliorations.

Dans ces conditions, madame la secrétaire d'Etat, le groupe Démocratie libérale votera contre ce texte.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Dufau.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, nous voilà enfin arrivés au terme de l'examen du projet de loi sur l'extension du chèque-vacances. Chacun a pu s'exprimer au cours des lectures successives ; je crois donc inutile de relancer le débat. Ainsi que l'a indiqué notre rapporteur, l'échec de la commission mixte paritaire impose de reprendre le dernier texte voté par l'Assemblée. Il paraît plus constructif de se réjouir de voir enfin adoptée une loi à l'intérêt social indéniable, puisqu'elle concernera plus de 7,5 millions de salariés, d'autant que, grâce à l'action du Parlement et au dialogue avec le Gouvernement, le champ des bénéficiaires a été élargi au-delà des salariés des PME-PMI de moins de cinquante emplois, initialement retenus, et étendu à tous les emplois publics ou privés, aussi bien les titulaires que les contractuels, jusqu'aux retraités, selon des modalités appropriées.

C'est donc bien une loi sociale dont nous débattons, dont pourront bénéficier les revenus les plus modestes.

Espérons que ce texte aidera à partir en vacances ceux qui jusqu'alors ne pouvaient se le permettre. En cela, l'esprit de l'ordonnance de 1982 est totalement respecté. Faut-il ajouter que le capital de pouvoir d'achat et ainsi constitué par les salariés par les entreprises, aura des effets bénéfiques démultipliés sur l'économie du tourisme et des loisirs et donc sur l'emploi, faisant d'une pierre deux coups ? Deux autres points ont été souvent évoqués au cours des débats.

Le premier résulte de la volonté exprimée par notre assemblée de permettre l'utilisation du chèque-vacances dans les pays de l'Union européenne. C'est désormais chose acquise. Grâce à l'euro, je ne doute pas que les modalités de réciprocité de cette mesure seront relativement simples à organiser.

Le deuxième point concerne la tutelle derrière l'Agence nationale de chèques-vacances. L'Assemblée, son rapporteur Gérard Terrier, aura dû faire preuve de fermeté pour obtenir les explications que nous réclamions. Dans un débat démocratique, il est normal que les élus attendent des ministères, quels qu'ils soient, les éclaircissement nécessaires à leur prise de décision.

Dans cette affaire, madame la secrétaire d'Etat, votre volonté de dialogue avec l'Assemblée a été très apprécié e. Elle illustre une méthode de gouvernement qui nous agrée.

Ce texte marque une réelle avancée sociale et apparaît de nature à favoriser le dialogue au sein de toutes les entreprises ; aussi le voterons-nous tel qu'il a été adopté par la commission, sur proposition du rapporteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le hasard du calendrier parlementaire nous fait adopter un texte qui favorise l'accès de tous aux vacances et aux loisirs au moment même où s'achève la session parlementaire. Le temps des vacances s'annonce : souhaitons à tous les professionnels du tourisme comme à tous les touristes une bonne saison 1999, et par avance de bonnes vacances à tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Michel Couve, pour le groupe RPR.

M. Jean-Michel Couve.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au bout de notre démarche parlementaire sur un texte dont nous débattons depuis février dernier. Le sujet est d'une haute importance sur le plan tant humain que social et économique ; avec Bernard Pons, le groupe RPR entendait l'aborder dès septembre 1997, mais d'une façon bien différente.

Presque deux ans ont passé depuis. Je ne vous étonnerai pas en rappelant que nous ne portons pas le même regard que vous sur les solutions que vous nous proposez.

Bien sûr, nous sommes d'accord sur l'enjeu social de toute opération d'extension du chèque-vacances. Mais, à l'évidence, nous n'accordons pas au terme « extension » la même signification. De surcroît, nous divergeons sur les retombées humaines et sociales des mesures que vous préconisez.

Votre extension, je le répète, restera extrêmement réduite. Vous avez vous-même limité votre ambition à 150 000 salariés de PME-PMI supplémentaires par an, soit à peine 5 % des 7,5 millions de salariés que comptent ces entreprises. Dois-je vous rappeler que cette augmentation est inférieure à la progression annuelle du nombre des bénéficiaires du chèque-vacances ? Vraiment, il y a bien loin des annonces à la réalité ! En fait, votre projet de loi n'opère qu'un toilettage de l'ordonnance de 1982. Pourtant, rien ne vous empêchait de la réformer plus profondément, comme nous l'avions prévu.

Mais si votre extension est limitative, votre texte est également trop restrictif. En effet, pour des raisons au demeurant peu convaincantes de « justice sociale », à vous entendre, vous maintenez des plafonds de ressources trop bas, vous n'inscrivez aucune mesure réellement incitative en termes d'abaissement de charges pour les entreprises et vous excluez de fait des catégories socioprofessionnelles qui, bien que présentant un niveau de revenu et de pouvoir d'achat souvent très modestes, se trouvent rejetées du système : je veux parler notamment des non-salariés, commerçants, artisans, agriculteurs, professionnels libéraux.

S'agissant des retraités, vous ne trompez personne.

Votre extension, à l'article 6, du chèque-vacances à cette catégorie reste une mesure purement symbolique, car dépourvue de toute disposition normative. Il est clair que, sans contrepartie financière, les caisses de retraite ne pourront accéder aux éventuelles demandes de leurs adhérents.

Deuxième point de divergence : à notre sens, ce texte aggrave les discriminations, voire les inégalités sociales entre nos concitoyens. D'un côté, les fonctionnaires et les salariés des grandes entreprises pourront y accéder sans aucune contrainte législative : pas de conditions de ressources, abondement exonéré de charges sociales, CSG et CRDS, etc. De l'autre, les salariés des PME-PMI reste-r ont, tout comme leur entreprise, soumis à des contraintes excessives, voire à de véritables blocages : plafonds de ressources trop bas, nécessité de l'intercession d'organismes paritaires pour l'instant quasiment inexistants, réduction de charges fort peu incitatives. D'un côté, les salariés, de l'autre, bien que présentant le même niveau de pouvoir d'achat et de revenus, les non-salariés ; d'un côté, les actifs ou tout au moins une partie d'entre eux, de l'autre les retraités, les préretraités et les chômeurs. Votre ensemble de mesures dites « sociales », force est de le reconnaître, ne conduit qu'à aggraver les inégalités sociales.

Enfin, comment ne pas regretter que votre projet de loi ne soit pas plus ambitieux en termes de politique familiale ? Les couples avec enfants, on le sait, sont beaucoup moins nombreux à partir en vacances. En 1997, seules 55 % des familles avec enfants l'ont fait, contre 71 % pour les couples sans enfants. Et cette disproportion, on le sait, s'aggrave en fonction du nombre d'enfants. Sur ce point aussi, votre texte ne fera qu'accentuer les disparités et les inégalités au détriment des familles et plus particulièrement des familles nombreuses.

Au total, votre majorité n'ayant pas voulu retenir nos propositions et celles du Sénat, il s'agit bien là d'un texte de « limitation à l'extension du chèque-vacances ». C'est ce que je disais déjà en première lecture. Encore une fois, c'est une occasion perdue pour de très nombreux Français de ces classes « moyennes modestes ». Cette expression amuse beaucoup nos collègues de la majorité plurielle,...

M. Patrick Malavieille.

Surtout dans votre bouche !

M. Jean-Michel Couve.

... mais celles et ceux qui en font partie et qui vivent difficilement leur situation au quotidien la comprennent parfaitement. Il leur restera à espérer, tout comme nous, que vienne bientôt le temps où nous serons en mesure de proposer une vraie réforme de ce dispositif,...

Mme Muguette Jacquaint.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Jean-Michel Couve.

... puisque les réponses qui nous auront été apportées au fil de ce débat auront été bien insuffisantes.

C'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera contre votre texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Léonce Deprez, pour le groupe UDF.

M. Léonce Deprez.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'avais souligné il y a quelques semaines, au nom du groupe UDF, que l'économie touristique peut et doit devenir la première source d'emplois nouveaux pour les années 2000. Mais j'ai également rappelé que ces emplois doivent cesser d'être des emplois précaires. Et le fait de les appeler « saisonniers » ne leur enlève pas pour autant leur caractère instable et insatisfaisant.

Je me suis, à maintes reprises, attaché à démontrer que ces emplois pouvaient, dans les vingt prochaines années, s'insérer dans une politique de développement durable, c'est-à-dire dans une perspective de travail à l'année et de croissance progressive. Encore faudra-t-il, sous l'impulsion d'un ministère que je souhaite voir au plus tôt rattaché au Premier ministre, que l'économie touristique soit épaulée par une politique exprimant trois ouvertures : une ouverture sur tout le territoire français, du Nord Pas-


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de-Calais, cher à M. le président Le Garrec, au Sud, autour partir des 2 000 pôles territoriaux d'économie touristique qui rayonnent déjà dans toutes nos régions ; une ouverture sur l'ensemble des temps libres, et plus seulement les vacances, dont disposent dorénavant nos concitoyens tout au long des quatre saisons de l'année ; une ouverture à caractère social enfin, en permettant l'accès du plus grand nombre aux déplacements et aux séjours qui sont à la base de l'économie touristique.

En écoutant tous les représentants des groupes, je ne peux que constater l'existence d'une volonté commune d'ouverture et d'expression sociale d'une politique d'économie touristique.

Madame la secrétaire d'Etat, j'ai pris bonne note, car nous voulons être constructifs, de votre intention de réunir un groupe de travail dans l'objectif d'une mise en valeur, j'allais dire une mise en vie, des espaces à vocation touristique que, avec plusieurs de mes collègues, j'ai proposé d'actualiser et de labelliser dans une proposition de loi.

J'ai noté aussi votre volonté de proposer des mesures nationales nouvelles et surtout cohérentes, c'est-à-dire interministérielles, pour conforter les pôles d'économie touristique et leur permettre ainsi de vivre et de faire vivre leurs populations tout au long des les douze mois de l'année.

Nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape en termes d'ouverture sociale, que nous devons, en dépit des critiques, considérer comme appréciable.

Nous souhaitions le relèvement du plafond du revenu fiscal de référence. Depuis quelque temps, et les propositions de notre collègue M. Bernard Pons y faisaient référence, nous demandions l'extension du dispositif aux PME-PMI de moins de cinquante salariés. Cela est essentiel. Nous étions enfin partisans de le voir se mettre en place par le biais d'accords de branche.

Certains de mes collègues ont relevé le caractère par trop réducteur de certaines mesures d'ouverture sociale.

Nous aussi. Nous déplorons également l'absence d'accords de partenariat mis au point, par étapes successives, entre l'Agence nationale pour les chèques-vacances et les organisations professionnelles de tourisme. Nous regrettons enfin, cela a été dit, que la dimension familiale n'ait pas été suffisamment prise en considération.

Le monopole de l'Agence nationale ne pourra pas se perpétuer dans un monde qui doit s'ouvrir de plus en plus au développement de l'économie touristique. Par ailleurs, l'Europe sociale, à laquelle ambitionnent les élus de tous les groupes, doit également s'exprimer dans l'économie touristique. Le temps est venu pour le chèquevacances de trouver sa traduction européenne. Vous avez indiqué votre volonté d'agir dans ce sens, madame la secrétaire d'Etat. C'est pour nous essentiel. On ne peut plus songer à enfermer les clients touristes à l'intérieur de leurs frontières. Ce serait en totale contradiction avec l'ambition européenne que nous appelons de nos voeux et par nos votes.

J'ai bien entendu les observations de mes collègues Pierre Cardo et Jean-Michel Couve et je partage leur analyse. Mais notre majorité présidentielle...

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Mariot.

Votre majorité présidentielle ?

M. Léonce Deprez.

Certes, elle est opposition aujourd'hui. Mais permettez que je l'évoque...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est votre droit, monsieur Deprez !

M. Léonce Deprez.

... car elle a une réalité humaine et trouve sa traduction à l'Assemblée nationale, au moins sous forme d'opposition. Et cette opposition parlementaire peut, elle aussi, être plurielle dans son expression.

M. Jean-Paul Mariot.

Elle copie !

M. Léonce Deprez.

Je crois que nous devons aboutir au but par étapes successives, et c'est là où ma conclusion, dans laquelle je m'exprime au nom de mon groupe, se différencie quelque peu de celle de mes collègues.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je ne veux pas douter de votre volonté de franchir avec nous...

M. Pierre Cardo.

Le Rubicon !

M. Léonce Deprez.

... d'autres étapes, tant je suis persuadé que la défense de l'économie touristique exigera le soutien de toutes les catégories de citoyens...

M. Jean-Paul Mariot.

De tous !

M. Léonce Deprez.

... et la participation de toutes les volontés.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Jean-Paul Mariot.

De tous les élus, tous ensemble !

M. Léonce Deprez.

Nous devons nous rejoindre et tout faire pour ne pas nous diviser sur ce champ d'actions...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Léonce Deprez.

... car ce serait sinon du temps perdu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour développer cette source de vie et d'emplois, nous devons tendre à un accord général. Nous n'y sommes pas encore.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Mais nous voulons vous donner une chance d'aller plus loin demain ; c'est la raison pour laquelle le groupe UDF s'abstiendra sur ce texte.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Généreusement !

M. Patrick Malavieille.

Quelle déception !

M. Jean-Paul Mariot.

Vous avez baissé dans le final !

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Dernier texte voté par l'Assemblée nationale

Mme la présidente.

Je donne lecture de ce texte :

« Art. 1er I. Non modifié.

« II. Supprimé.

« III. Il est inséré, après le deuxième alinéa du même article, un alinéa ainsi rédigé :

« Les chèques-vacances peuvent également être remis en paiement des dépenses effectuées sur le territoire des Etats membres de la Communauté européenne aux prestataires qui ont signé, selon les conditions fixées par décret, des conventions avec l'établissement public visé à l'article 5 de la présente ordonnance. »

« Art. 2. L'article 2 de l'ordonnance no 82-283 du 26 mars 1982 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 2 I. Les salariés doivent justifier chaque année, auprès de leur employeur, que le montant des revenus de leur foyer fiscal de l'avant-dernière année, tels


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

qu'ils sont définis au V de l'article 1417 du code général des impôts, n'excède pas la somme de 87 680 F pour la première part de quotient familial, majorée de 19 990 F par demi-part supplémentaire. Ces chiffres sont actualisés chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

« II. L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances par les salariés est exonéré de l'impôt sur le revenu, dans la limite du salaire minimum de croissance apprécié sur une base mensuelle.

« Cette contribution de l'employeur est exonérée de la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts.

« Les chèques-vacances sont dispensés du timbre.

« III. L'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou de toute autre instance de concertation ayant compétence en matière d'oeuvres sociales, définit, sous réserve des dispositions du 2o du II de l'article 2-1 de la présente ordonn ance, les modalités de l'attribution éventuelle de chèques-vacances à ses salariés qui répondent aux conditions fixées au présent article. »

« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 2 de l'ordonnance no 82-283 du 26 mars 1982 précitée, un article 2-1 ainsi rédigé :

« Art. 2-1. - I. - Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, dépourvues de comité d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6 de la présente ordonnance, l'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances par les salariés satisfaisant à la condition de ressources fixée au I de l'article 2 est exonéré des cotisations et contributions prévues par la législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération, qui ne peut excéder les plafonds fixés au dernier alinéa de l'article 3, est limité, par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance apprécié sur une base mensuelle.

« II. - L'exonération prévue au I ci-dessus est accordée si :

« 1o La fraction de la valeur des chèques-vacances prise en charge par l'employeur est plus élevée pour les salariés dont les rémunérations sont les plus faibles ;

« 2o Le montant de la contribution de l'employeur et les modalités de son attribution, notamment la modulation définie conformément au 1o ci-dessus, font l'objet soit d'un accord collectif de branche au niveau national, régional ou local prévoyant des modalités de mise en oeuvre dans les entreprises de moins de cinquante salariés, soit d'un accord conclu dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l'article L.

132-30 du code du travail, soit d'un accord d'entreprise conclu avec un ou plusieurs délégués du personnel désignés comme délégués syndicaux ou, en l'absence d'une telle représentation syndicale, avec un ou plusieurs salariés mandatés dans les conditions prévues au III de l'article 3 de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ;

« 3o La contribution de l'employeur ne se substitue à aucun élément faisant partie de la rémunération versée dans l'entreprise, au sens de l'article L.

242-1 du code de la sécurité sociale, ou prévu pour l'avenir par des stipulations contractuelles individuelles ou collectives. »

« Art. 4. Le premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance no 82-283 du 26 mars 1982 précitée est supprimée.

....................................................................

« Art. 4 ter. Suppression maintenue. »

« Art. 4 quater. I. Dans le deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance no 82-283 du 26 mars 1982 précitée, les mots : « de l'économie et des finances et du ministre du temps libre », sont remplacés par les mots :

« chargé du tourisme ».

« II. Non modifié. »

« Art. 5. IA. Non modifié.

« IB. Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les aides aux vacances peuvent être accordées, par les organismes visés au présent article, dans les limites de leurs compétences, à toutes les personnes relevant de ces organismes, leur conjoint ainsi que les personnes à leur charge telles qu'elles sont définies aux articles 6 et 196 du code général des impôts, qu'elles exercent ou non une activité professionnelle, salariée ou non salariées, notamment à celles dont les ressources sont les plus faibles, conformément aux conditions et modalités d'attribution fixées par lesdits organismes. »

« I. Non modifié. »

....................................................................

« Art. 7. Suppression maintenue. »

....................................................................

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.

Cet amendement, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution et 114, alinéa 3, du règlement, reprend un amendement adopté par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

L'amendement, no 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le paragraphe I de l'article 4 quater :

« I. Dans le deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance no 82-283 du 26 mars 1982 précitée, les mots : « ministre du temps libre », sont remplacés par les mots : « ministre chargé du tourisme ».

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Il s'agit de maintenir la cotutelle entre le ministère de l'économie et des finances et le ministère chargé du tourisme. J'ai déjà eu l'occasion d'en expliquer les raisons devant votre assemblée lors des précédentes lectures.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

Vous pourrez ainsi, monsieur le rapporteur, vous exprimez comme vous le souhaitiez tout à l'heure. Je n'avais pu vous donner la parole, puisque nous étions dans le cadre d'une procédure simplifiée.

M. Gérard Terrier, rapporteur.

Je vous en remercie, madame la présidente, mais vous avez raison : il convient d e respecter l'esprit d'une procédure simplifiée. Je renonce par conséquent à répondre, comme j'en avais eu l'intention, à mes collègues qui, visiblement, n'ont pas bien lu le texte...

M. Jean-Michel Couve.

Vous ne pouvez dire pareille chose !

M. Gérard Terrier, rapporteur.

... et se sont laissés aller à des contresens, notamment sur l'accès pour tous, monsieur Couve. Nous nous étions mis d'accord sur ce point


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

lors d'une réunion que j'ai tenue à l'initiative du président et je vous le réaffirme solennellement aujourd'hui : dès l'instant où il existe une volonté de mettre en place les organismes sociaux nécessaires ou d'utiliser ceux qui existent, tous les salariés et les non-salariés, sans exception, peuvent avoir recours, à travers l'article 6, au dispositif du chèque-vacances.

M. Jean-Michel Couve.

Ce n'est pas vrai ! Je vous donne rendez-vous dans un an !

M. Gérard Terrier, rapporteur.

Je pourrais encore relever d'autres contradictions, si nous n'étions dans le cadre d'une procédure simplifiée. Elles montrent que, manifestement, vous avez fait preuve de myopie en lisant ce texte.

M. Jean-Michel Couve.

Ce n'est pas vrai !

M. Gérard Terrier, rapporteur.

Revenons à l'amendement du Gouvernement. Il est vrai que, au cours des lectures précédentes et pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, nous nous y étions opposés.

Les raisons invoquées ne sont pas avérées, en particulier l'anticonstitutionnalité ou la contradiction avec la réglementation. Mais, après contact avec les différents cabinets - Mme la secrétaire d'Etat l'a dit tout à l'heure il apparaît que la cotutelle du ministère du tourisme et de celui des finances accélérera la mise en application de ce projet de loi. Ayant toujours milité pour que nous allions le plus vite possible, c'est le seul motif que je retiendrai.

Je suis donc favorable, comme la commission, qui a émis cet avis ce matin, à l'amendement du Gouvernement.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Inutile de revenir sur les explications fournies par le rapporteur à propos de l'amendement du Gouvernement. Nous avons voulu avoir ce débat, nous l'avons eu. L'argumentation nous paraît convaincante, nous proposons donc que cet amendement soit voté.

Mais je voudrais présenter quelques remarques.

Il s'agit là, madame la secrétaire d'Etat, d'un très bon texte. Nous pouvons nous féliciter de l'excellent travail fait par le rapporteur, M. Gérard Terrier, en liaison étroite avec tous les membres de la commission des affaires sociales, avec vous-même et votre cabinet. Il y a eu un souci d'éclaircissement et de précision du texte, ainsi que d'élargissement de son champ qui m'apparaît de bon augure.

J'ai écouté avec intérêt M. Cardo et M. Couve et j'ai l'impression, effectivement, que nous n'avons pas lu le même texte.

M. Pierre Cardo.

C'est bien possible : moi, j'ai lu celui du Sénat !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

J'avais proposé qu'un petit groupe de travail se constitue autour de M. Terrier afin que nous puissions, si possible, nous mettre d'accord sur des points essentiels.

Il est trop tard pour vous convaincre, mes chers collègues, je le regrette, mais je ferai à la commission des affaires sociales une proposition qui, je pense, aura son agrément, celle d'éditer une brochure simple, comme nous le faisons sur toutes les lois que nous votons, qui puisse fournir à tous ceux qui sont concernés - il y en a beaucoup - des explications claires sur le texte et sur la volonté qu'il exprime. Je suis convaincu qu'à la lecture de cette brochure, vous comprendrez que la période d'observation que prône M. Deprez est bien prévue et que vos quelques questions trouvent satisfaction.

Je compte sur vous, madame la secrétaire d'Etat, pour que cette brochure soit diffusée le plus largement possible. Elle sera bien entendu à la disposition des parlementaires.

Par ailleurs, on sait très bien qu'il ne suffit pas de voter une loi pour qu'elle remplisse tous ses objectifs. Je proposerai donc à la commission des affaires sociales de confier à M. Terrier une mission de suivi de son application, en liaison avec vous, afin qu'il puisse nous dire dans quatre ou cinq mois que la loi correspond bien à tous les enjeux et balayer ainsi les critiques que lui ont portées cordialement M. Cardo et M. Couve, et qu'elle a bien le souci à la fois de développer le tourisme et d'élargir le champ social de ceux qui peuvent en bénéficier. Grâce à cette action d'information et de suivi, vos critiques ne tiendront plus.

Je vous félicite, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir posé le problème au niveau européen et d'avoir agi auprès de certains de vos collègues, du Portugal entre autres, ce qui permet d'élargir notre vision sociale sur un secteur qui sera créateur d'emplois dans les mois et les années qui viennent.

J'ai bien écouté ce que disait M. Deprez à propos des saisonniers, mais nous aurons l'occasion de reparler de ce problème qui est important, en effet.

Je le répète, il s'agit d'un bon travail. J'en remercie la commission et son rapporteur, l'Assemblée et vous-même, madame la secrétaire d'Etat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Michel Couve.

M. Jean-Michel Couve.

En première lecture, M. Le Garrec avait fait état de mon origine varoise et de maire de Saint-Tropez pour expliquer que je ne pouvais rien comprendre au texte. Cette fois, il met en cause mon état de santé en me soupçonnant de myopie ! Enfin, nous ne serions pas assez intelligents pour comprendre sans qu'une brochure simple, un document épuré nous y aide !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je le souhaite !

M. Jean-Michel Couve.

Eh bien ! je maintiens que ce texte est une limitation à l'extention du chèque-vacances, qu'il renforce les disparités et crée des inégalités sociales.

Je maintiens qu'il ne sert à rien d'introduire dans cette sorte d'article-balai qu'est l'article 6 toutes sortes de catégories sociales et professionnelles, exprimant ainsi la velléité de les faire bénéficier de cette loi, si on ne met en place aucune mesure pour le rendre efficient.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Après les explications du rapporteur, je note qu'il n'y avait pas d'objection réglementaire ou constitutionnelle à ce que le ministère du tourisme exerce la seule tutelle. Je me range donc à son seul argument, à savoir que c'est pour des questions d'efficacité et de rapidité que nous acceptons la cotutelle, parce que nous voulons que ce texte s'applique le plus rapidement possible. Nous voterons donc l'amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Je ne suis saisie d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du dernier texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par l'amendement qui vient d'être adopté.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat au tourisme.

Mesdames et messieurs les députés, je tiens, après l'adoption définitive du projet de loi qui vous a été soumis, à remercier l'Assemblée nationale pour la qualité des débats qui ont permis l'élaboration de ce texte.

Ces remerciements s'adressent en premier lieu à M. le président de la commission, Jean Le Garrec, dont la présence dans le débat a permis d'approfondir le dialogue entre le Gouvernement et l'Assemblée dans toutes ses composantes.

Je voudrais également souligner particulièrement la qualité du travail mais aussi la ténacité, la constance et l'efficacité dont a fait preuve le rapporteur de ce projet de loi, M. Gérard Terrier.

Je remercie également, l'ensemble des groupes parlementaires, qui ont contribué, chacun avec sa sensibilité, ses interrogations, voire ses divergences à la qualité de l'échange qui a entouré l'adoption de ce projet de loi.

Il nous faut maintenant faire en sorte que cette loi rentre rapidement en application. C'est ce à quoi je m'emploierai dans les semaines à venir en mobilisant l'ensemble des acteurs publics, privés et associatifs concernés par ce dispositif.

Ainsi, dans quelques mois, des dizaines de milliers de salariés pourront bénéficier de ce nouveau dispositif, avec l'espoir que dès l'an 2000, nombreux soient ceux qui, grâce à lui, puissent prendre des vacances et participer ainsi à cette grande fête de la solidarité et de l'amitié que représentera l'an 2000.

Nous en tirerons un premier bilan l'année prochaine, avec, bien entendu, le concours de M. le rapporteur.

Je vous remercie également d'avoir ouvert la porte sur le prochain chantier que je mettrai en oeuvre. Il concerne les saisonniers du tourisme. C'est aussi un nouveau chantier social, sur lequel, je l'espère, nous aurons l'occasion de beaucoup travailler ensemble.

Par ce texte, mesdames et messieurs les députés, j'en suis convaincue, nous aurons fait progresser la justice sociale, le droit aux vacances et au bonheur pour tous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

6

LICENCIEMENTS DES SALARIÉS DE PLUS DE CINQUANTE ANS Discussion, en lecture définitive, selon la procédure d'examen simplifiée, d'une proposition de loi

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre, ci-joint, le texte de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 27 mai 1999 et rejeté par le Sénat dans sa séance du 22 juin 1999.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de cette proposition de loi en lecture définitive (nos 1728, 1745).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis d'intervenir à nouveau aujourd'hui, au nom du Gouvernement, en l'absence de Martine Aubry, dans le cadre de la lecture définitive de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés que je n'arrive pas à qualifier d'« âgés » et que j'ai donc décidé d'appeler salariés de plus de cinquante ans.

Je me réjouis, car je sais les difficultés que rencontrent les hommes et les femmes de cette tranche d'âge qui sont brutalement frappés par le chômage et le sentiment d'abandon qu'ils peuvent ressentir. Il est du devoir de la collectivité nationale de tout mettre en oeuvre en leur faveur.

Il faut en particulier dissuader les entreprises de faire du licenciement des salariés de plus de cinquante ans un mode de gestion des ressources humaines. Elles doivent prendre conscience du coût pour la collectivité du licenciement des plus expérimentés, coût d'abord humain et social, mais aussi coût financier du fait de l'indemnisation du chômage et des pertes de recettes fiscales et sociales qui en découlent.

Ce sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement a accueilli très favorablement, dès la première lecture, cette proposition de loi du groupe communiste qui complète et renforce l'efficacité de la contribution dite Delalande.

Avec la suppression des deux principaux cas d'exonération, les conventions de conversion et les refus de préretraite, prévus par le texte qui vous est soumis, les entre-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

p rises ne pourront plus s'affranchir de payer la contribution. C'est dans ce même esprit de dissuasion que Martine Aubry avait resserré dès son arrivée, à l'été 1997, les conditions d'accès aux préretraites du FNE, notamment en faisant contribuer davantage les entreprises qui en ont les moyens financiers.

Le doublement, en décembre dernier, du barème de la contribution Delalande pour les entreprises de plus de cinquante salariés procède de la même logique, tout comme la contribution instaurée par les partenaires sociaux sur les préretraites contre embauche, le dispositif ARPE.

Le Gouvernement regrette que la majorité sénatoriale ait confirmé son rejet du texte en dernière lecture, le 22 juin dernier, alors même qu'elle a voté, en 1987, le texte issu de la majorité nationale d'alors instaurant la contribution Delalande.

Contrairement à ce que certains ont déclaré au cours des débats, le Gouvernement ne privilégie pas les mesures pénalisantes ou contraignantes ; il mobilise de façon pragmatique tous les instruments de nature à faire reculer le chômage des plus de cinquante ans. La priorité des priorités, nous sommes tous d'accord là-dessus, c'est d'intervenir le plus en amont possible afin d'éviter les licenciements.

« Il faut favoriser les reclassements internes », a déclaré Martine Aubry, qui a donné des instructions en ce sens dès l'été 1997. Il faut aider les entreprises à trouver des solutions alternatives. C'est ce que nous faisons en mobilisant, chaque fois que c'est possible, le volet défensif de la loi d'incitation à la réduction du temps de travail du 13 juin 1998. Les accords conclus dans ce cadre ont concerné 375 000 salariés et ont d'ores et déjà permis de préserver 15 000 emplois. Il faut enfin renforcer les actions de formation tout au long de la vie et encourager une meilleure gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications. J'y travaille activement dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle.

Cette politique d'ensemble en faveur des salariés de plus de cinquante ans a permis d'obtenir des résultats très significatifs.

Le nombre de plans sociaux a diminué de 43 % depuis juin 1997, et les licenciements économiques ont baissé de 20 %. Ces résultats nous encouragent à poursuivre dans cette direction.

C'est la raison pour laquelle, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement ne doute pas que le texte sera rétabli par votre assemblée, comme vous y invite votre commission, et se réjouit de la prochaine mise en oeuvre de cette proposition de loi, qui s'ajoute à nos politiques de lutte contre le chômage des femmes et des hommes de plus de cinquante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer de manière définitive, en quatrième lecture, sur la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans, déposée par le groupe des élus communistes et apparentés en décembre 1998. Il a fallu du temps pour la faire aboutir.

Votre rapporteur tient tout d'abord, une fois encore, à rappeler que cette proposition a été tronquée puisque le couperet de l'article 40 de la Constitution a empêché que soient même débattus les articles du texte initial concernant l'amélioration de la situation des salariés de plus de cinquante ans au regard de la retraite.

Ces propositions constituaient pourtant une alternative réaliste à une politique de retraites trop exclusivement centrée sur l'équilibre comptable des régimes. La situation des salariés de plus de cinquante ans ne peut pas être appréciée selon le seul critère financier. Le texte initial se fondait sur un autre critère : la justice sociale. Il proposait ainsi de créer un droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisations à l'assurance vieillesse. Il proposait également d'étendre et de proroger le dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi - ARPE - créé par les partenaires sociaux en 1995.

La proposition de loi ne comporte malheureusement plus que les dispositions relatives au second volet du texte initial, la lutte contre le licenciement des salariés de plus de cinquante ans, comme vous venez de le rappeler, madame la secrétaire d'Etat. L'adoption de ce texte, même déformé, n'en est pas moins éminemment nécessaire.

On ne peut, en effet, ignorer le fait que ces salariés sont particulièrement exposés au risque du licenciement.

Ils constituent une cible privilégiée pour une politique de profit à court terme, trop souvent menée par les entreprises - notamment par les grandes entreprises. Les salariés de plus de cinquante ans victimes des licenciements économiques représentent, je le rappelle, 25 % des insc riptions à l'ANPE, contre 10 % seulement pour l'ensemble des salariés.

Le chômage constitue en outre pour eux un engrenage particulièrement tragique : il est incontestablement plus difficile de retrouver un emploi après cinquante ans.

Alors qu'il y a un tiers de chômeurs de longue durée pour l'ensemble des chômeurs, cette proportion passe à deux tiers pour ceux de plus de cinquante ans.

Par crainte justifiée des effets pervers de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, le législateur a, dès 1987, assujetti les entreprises licenciant des salariés de plus de cinquante ans au versement d'une contribution dite Delalande, dont le Gouvernement vient d'ailleurs de relever le montant par voie réglementaire.

Nombre d'entreprises, ne le cachons pas, cherchent à contourner la contribution Delalande et utilisent pour ce faire d'autres mesures d'âge moins coûteuses. Elles ont ainsi détourné des dispositifs tels que la convention de conversion ou la préretraite FNE, ravalés ainsi, contre l'esprit qui avait présidé à leur création, au rang de licenciement déguisé, de rupture du contrat de travail au rabais.

Les deux premiers articles de la proposition visent donc à rééquilibrer le coût des mesures d'âge en étendant la contribution Delalande aux deux formes particulières de rupture du contrat de travail que sont la convention de conversion et la préretraite FNE. L'article 3 en rend l'application effective dès le 1er janvier 1999 afin d'éviter que la période intermédiaire entre le dépôt de la proposition et l'adoption de la loi ne soit mise à profit par des entreprises peu scrupuleuses - c'est le moins qu'on puisse dire.

L'Assemblée nationale a adopté ce texte en première lecture le 10 décembre 1998. Le Sénat l'a rejeté le 9 février 1999, puis, de nouveau, le 11 mars en deuxième


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

lecture. Vous voyez qu'il a de la suite dans les idées ! La commission mixte paritaire réunie le 12 mai a échoué, le Sénat s'opposant de manière irréductible au texte, comme il l'a encore montré en le rejetant pour la troisième fois le 22 juin dernier.

Jamais au cours de ces différentes lectures, le Sénat n'a manifesté la moindre volonté d'améliorer le texte adopté d e manière constante par l'Assemblée nationale, se contentant en commission mixte paritaire d'essayer d'obtenir un report de sa date d'application.

Jamais il ne s'est départi d'une attitude fondée sur la seule défense des entreprises. Nous ne chercherions qu'à alourdir leurs charges ! Faut-il rappeler à ce propos que les profits des entreprises s'élèvent à 2 135 milliards, que ceux des trente premières entreprises ont augmenté de 32,5 %, que les grandes fortunes ont progressé de façon formidable - 78 milliards pour Mme de Bettencourt, soit une hausse de 28 %, trente-deux SMIC à la minute ! -, que la capitalisation boursière s'élève à 6 200 milliards de francs, sur lesquels rien n'est prélevé ? Mais, pour le Sénat, nous mettons à terre les entreprises, qui ne réaliseraient pas assez de profits.

Le Sénat estime, au fond, que les abus constatés qui sont à l'origine de ce texte ne sont pas prouvés et qu'ils ne constitueraient en tout cas qu'un épiphénomène. On ne devrait pas, selon lui, mettre en place un dispositif s'appliquant à toutes les entreprises alors que seules quelques-unes détourneraient la loi.

C'est faire peu de cas de la situation des salariés victimes de tels procédés. Les faits sont là : le nombre des entrées des salariés âgés de plus de cinquante ans dans les dispositifs de conversion augmente de façon exponentielle, le reclassement en fin de convention reste problématique, la convention de conversion constituant trop souvent un sas vers le chômage ; certains employeurs concluent une convention d'allocation spéciale de préretraite et font ensuite pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de ce dispositif, échappant ainsi au versement de la contribution Delalande. Tout cela dans un pays démocratique ! S'il est certes difficile de quantifier ces détournements, il est incontestable, le rapporteur du Sénat en a lui-même convenu, qu'ils existent et qu'ils sont à l'origine de véritables drames humains. Or notre souci prioritaire, qui devrait être celui de tous, est la lutte contre le chômage et la protection de ceux qui y sont exposés, particulièrement les salariés âgés de plus de cinquante ans.

Il y a donc une opposition essentielle entre la logique financière défendue par le Sénat et le souci de justice sociale qui anime la majorité de l'Assemblée nationale. Il n'est, par conséquent, pas surprenant que les différentes navettes n'aient pas permis de rapprocher les positions.

Dès lors, il y a lieu pour l'Assemblée nationale, en vertu de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, de statuer définitivement sur cette proposition de loi. Votre rapporteur, suivi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dans sa majorité, et dans son immense sagesse, vous demande donc d'adopter définitivement le texte adopté par l'Assemblée nationale en troisième lecture le 27 mai dernier.

Cependant, comme je l'ai précisé à la commission des affaires sociales ce matin, cette adoption ne résoudra pas tous les problèmes, loin s'en faut, et ne doit pas nous détourner de la nécessité de lutter par tous les moyens contre la précarité de l'emploi et contre le chômage. Je souhaite donc, à cette occasion, rappeler au Gouvernement son engagement de légiférer sur le recours abusif aux contrats à durée déterminée.

J'avais interrogé à ce propos Mme Martine Aubry. Il avait été répondu à la représentation nationale qu'une discussion était en cours entre le MEDEF et les acteurs sociaux et que, s'il n'y avait pas d'accord, il y aurait lieu de légiférer. J'avais évoqué par exemple le cas de Valéo, à Abbeville, où il y a 34 % d'intérimaires permanents, ce qui bat de nombreux records. Il est temps que nous légiférions, je tenais à le rappeler ici comme je l'ai fait ce matin en commission.

Par ailleurs, il est urgent de mettre enfin en place un moratoire sur les licenciements. Est-il normal que les grands groupes qui réalisent des profits considérables, comme Elf, Renault ou Péchiney, multiplient les plans de licenciement ? Il est évident que notre lutte contre le chômage, avec des emplois-jeunes, la réduction du temps de t ravail pour la création d'emplois, c'est-à-dire les 35 heures, n'aura pas de grands résultats si, de l'autre côté, des milliers de gens sont jetés à la rue. Ce n'est pas possible, ce n'est pas pensable. Voilà pourquoi nous proposons un moratoire sur les licenciements effectués par les entreprises qui réalisent des profits et qui multiplient les plans de licenciement injustifiés.

Enfin, et ce sera ma conclusion, le groupe communiste a déposé une proposition de loi concernant en particulier l'encadrement des plans de licenciement. Le moratoire, en effet, c'est pour l'immédiat, mais ce n'est pas la solution d'avenir. Il faut une loi qui encadre les licenciements économiques, qui donne des droits et des pouvoirs nouveaux aux salariés dans les entreprises, au comité d'entreprise en particulier, et au comité d'hygiène et de sécurité.

Cette proposition de loi, que tout le monde a jugée très pointue, ne coûte pas un sou. C'est un avantage formidable ! Nous demandons donc, madame la secrétaire d'Etat, et je vous prie de bien vouloir transmettre cette demande au Gouvernement, qu'elle soit inscrite rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Si, en dépit de cette volonté exprimée dans le pays, le Gouvernement tardait à accéder à notre requête, le groupe communiste utiliserait sa fenêtre parlementaire pour que cette proposition vienne ici en discussion envers et contre tout. Comme elle ne coûte pas un sou, on ne pourra même pas nous appliquer l'article 40. Nous avons donc de grandes chances de faire adopter par la majorité plurielle cette proposition de loi absolument essentielle aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe RPR.

M. Bruno Bourg-Broc.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons donc en dernière lecture la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans, nos collègues du Sénat ayant eu la très grande sagesse de repousser une nouvelle fois ce texte, qui ne répond en rien à son objet.

Il s'agit, en effet, avant tout d'un texte politique destiné à faire plaisir à une partie de cet hémicycle. Au demeurant, il n'a pas l'air de faire plaisir aux partenaires sociaux, qui sont d'ailleurs unanimes - ce qui n'est pas toujours le cas, avouons-le.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

La présente proposition de loi a pour objet d'étendre la contribution Delalande aux conventions de conversion et aux refus de convention de préretraite. Je rappelle que le m ontant de cette contribution a été doublé par

Mme Aubry en 1992. Depuis, il a été encore augmenté.

Le nouveau montant, fixé par le décret du 28 décembre 1998, est progressif, passant de deux mois de salaire brut à cinquante ans à douze mois de salaire brut à cinquantesix et cinquante-sept ans. Il est ensuite dégressif à partir de cinquante-huit ans.

A l'origine, la contribution était fixée à trois mois de salaire brut. On en est loin, et c'est à se demander si l'augmentation a pour objet de limiter les licenciements ou, essentiellement, de remplir les caisses de l'Etat.

L'UNEDIC ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisque le patronat comme les syndicats ont déposé un recours pour excès de pouvoir contre l'Etat à propos de l'affectation des fonds dégagés par le doublement de la contribution Delalande. Cette unanimité, de la CGT au MEDEF, est sans précédent. Les partenaires sociaux entendent ainsi mettre en garde le Gouvernement, accusé de vouloir disposer à sa guise des fonds de l'organisme paritaire. Entre parenthèses, cela promet une belle bataille pour le projet de loi sur les 35 heures.

Pour en revenir au texte, je me limiterai à quelques remarques concernant les abus et le contournement du dispositif qui justifieraient l'extension de la contribution.

Le groupe communiste, suivi par le Gouvernement, justifie l'extension de la contribution aux conventions de conversion par l'augmentation du nombre de ces conventions conclues au bénéfice des salariés âgés de plus de cinquante ans, dans le but, nous dit-on, de contourner la loi.

Tout cela me paraît pour le moins contradictoire.

L'objet d'une convention de conversion est de faciliter le reclassement du salarié dont le licenciement n'a pu être évité. Celui de la contribution est-il de sanctionner le licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans ? Doit-on conclure que le Gouvernement et le groupe communiste entendent sanctionner les conventions de conversion conclues au bénéfice des salariés de plus de cinquante ans ? Qu'il y ait quelques abus, tout le monde en convient. Mais faut-il pour autant une sanction collective qui pénalise l'ensemble des entreprises et donc, indirectement, l'ensemble des salariés ? Concernant les préretraites FNE, on peut être tout autant surpris de voir justifier l'extension de la contribution sur la base d'abus ou de contournements. La mise en place d'une convention de préretraite se négocie, en effet, avec l'Etat. Peut-on imaginer qu'il soit négligent lorsqu'il négocie avec l'employeur ? J'ajouterai que, sur un total de 200 000 entrées en préretraite FNE chaque année, le n ombre de refus est extrêmement faible puisqu'il concerne seulement une soixantaine de salariés par an.

Dans ces conditions, est-il véritablement crédible de parler de contournement ? Madame la secrétaire d'Etat, les contournements et abus dont vous avez parlé, et dont a parlé le rapporteur sont loin d'être avérés. Il s'agit purement et simplement d'un procès d'intention fait aux entreprises pour justifier une opération destinée à faire plaisir à une partie de la majorité plurielle et à élargir l'assiette d'une contribution qui prend de plus en plus l'allure d'un prélèvement nouveau.

Ecoutez donc les partenaires sociaux qui s'élèvent contre cette nouvelle sanction infligée à l'UNEDIC.

Ecoutez-les, et retirez votre texte, mes chers collègues.

Dans ces conditions, vous comprendrez bien que, comme lors des trois premières lectures, le groupe RPR ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Puisqu'il n'y a pas de contournement, vous avez tort !

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Carassus, pour le groupe RCV.

M. Pierre Carassus.

Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de loi déposée à l'initiative des députés communistes tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans qui revient aujourd'hui devant l'Assemblée nationale est particulièrement opportune si l'on veut bien observer les logiques économiques et sociales en cours.

Même si, comme vous l'avez indiqué, madame la secrétaire d'Etat, le nombre de licenciements économiques diminue, l'actualité se fait trop souvent l'écho de nouvelles menaces qui pèsent sur l'emploi. Vous le savez, les restructurations, les délocalisations, les absorptions, les OPA jettent des milliers de familles dans la précarité. Les salariés les plus âgés sont souvent les premières victimes de ces montages, qui sont avant tout financiers.

Certaines grandes firmes se sont engagées dans une politique drastique de réduction des coûts que nous ne pouvons ignorer, d'autant plus qu'elles entendent la poursuivre aujourd'hui avec encore plus d'âpreté.

Leur stratégie se résume à licencier toujours plus pour maximaliser les profits.

Comme l'a indiqué M. le rapporteur, les bénéfices des trente premières entreprises françaises ont augmenté de plus de 32 % en 1998, pour atteindre environ 127 milliards de francs.

Au lieu de les réinvestir dans l'emploi, notamment en réduisant le temps de travail, un certain nombre de ces groupes continuent de dégraisser pour satisfaire leurs actionnaires en se lançant dans de grandes et hasardeuses opérations de fusions et d'acquisitions à n'importe quel coût social et avec toujours plus de flexibilité.

Certains d'entre eux bénéficient même pour ce faire d'aides publiques.

Il ne s'agit pas de culpabiliser les entreprises, comme n'ont cessé de nous le reprocher les parlementaires de l'opposition tout au long des discussions qui ont eu lieu sur cette proposition de loi, mais de responsabiliser leurs dirigeants.

Le licenciement ne peut être banalisé et considéré comme une simple variable d'ajustement de la politique économique des entreprises.

Dès lors, on ne peut que s'étonner du refus de la majorité sénatoriale d'approuver les mesures contenues dans cette proposition de loi qui visent à garantir le contrat de travail des salariés de plus de cinquante ans.

En effet, ces salariés méritent mieux que d'être utilisés comme des mouchoirs Kleenex qu'on jette après s'en être servi. Nous ne pouvons accepter cette ingratitude envers ceux qui ont contribué durant de nombreuses années au développement économique et industriel de notre pays et qui ont participé à la pérennisation de notre système der etraite, que certains, d'ailleurs, veulent aujourd'hui remettre en cause.

Les députés du Mouvement des citoyens ne partagent pas cette vision libérale de l'économie qui donne la primauté à la rentabilité du capital au détriment du travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Il ne s'agit pas, comme certains l'ont affirmé tout au long de nos discussions, de sanctionner collectivement les entreprises. En effet, les dispositions prévues dans la proposition de loi ne s'appliquent pas aux plus petites d'entre elles. Elles visent simplement à freiner les licenciements économiques, financièrement lourds pour la collectivité, qui doit prendre en charge les situations d'exclusion qu'ils provoquent.

L'objectif de la présente proposition de loi est avant tout d'améliorer le dispositif de la contribution Delalande due par les employeurs qui licencient des salariés de plus de cinquante ans, contribution qui avait été mise en place dès 1987 à la suite de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, suppression qu'il nous semblerait d'ailleurs souhaitable de reconsidérer.

Il est tout à fait logique que soient corrigés les effets pervers du système existant, dans lequel se sont engouffrés un certain nombre de chefs d'entreprise qui ont cherché à s'exonérer de cette contribution en détournant de son esprit la convention de conversion et la préretraite du Fonds national pour l'emploi.

Les salariés de plus de cinquante ans sont deux fois et demi plus nombreux à être soumis aux licenciements que les autres actifs et deux tiers d'entre eux sont touchés par le chômage de longue durée. C'est donc une population salariée très fragilisée.

Cette proposition de loi, en prévoyant une extension de la contribution Delalande, s'inscrit pleinement dans la recherche d'une plus grande justice sociale voulue par la majorité.

C'est pour toutes ces raisons que les députés du Mouvement des citoyens et du groupe RCV voteront pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Gilbert Gantier.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons donc à la lecture définitive de cette proposition de loi visant à limiter le licenciement des salariés de plus de cinquante ans. Jamais la navette entre les deux chambres n'aura été un exercice aussi vain, le Sénat supprimant, l'Assemblée rétablissant, la commission mixte paritaire finissant par échouer, comme il était prévu.

Depuis le début, nous avons dénoncé cette proposition et nous continuons de nous y opposer. En effet, en étendant la contribution Delalande aux conventions de conversion et aux refus de conventions de préretraite, vous dénaturez un peu plus encore la contribution Delalande, qui, depuis 1987, a déjà bien évolué. Créée au moment de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, elle n'a cessé d'être augmentée et élargie, sans pour autant remplir le rôle qui lui avait été assigné.

Elle était censée limiter le licenciement des salariés les plus âgés. Elle n'y a malheureusement jamais réussi.

La proposition de loi s'inscrit dans une logique de sanction et d'accroissement des charges des entreprises.

En effet, la part des salariés de plus de cinquante ans dans les conventions de conversion serait passée, dit-on, de 12 % en 1994 à 17 % en 1997. Vous en déduisez un détournement généralisé. De même, vous prétendez que les refus des préretraites du Fonds national pour l'emploi constituent un contournement de la loi. Vous décidez donc de mettre fin à ce que vous appelez des « failles » dans le dispositif Delalande.

Le doublement de la contribution Delalande aura pour conséquence d'augmenter les prélèvements obligatoires sur les entreprises, alors qu'il faudrait, au contraire, chacun en est convenu - au moins en théorie -, les alléger.

Les effets pervers du dispositif ont d'ailleurs déjà été dénoncés : plus qu'un frein aux licenciements des travailleurs de plus de cinquante ans, il entraîne une réticence supplémentaire à embaucher des personnes qui ont, par exemple, entre quarante-cinq et cinquante ans, voire un report des licenciements sur les salariés qui ont tout juste moins de cinquante ans.

La proposition ne contribuera en aucun cas à diminuer les licenciements des plus de cinquante ans. Elle constituera un véritable frein à l'emploi.

M. Jean-Marc Nudant.

Tout à fait !

M. Gilbert Gantier.

Avec le doublement et l'extension de la contribution Delalande, les entreprises hésiteront plus que jamais à embaucher des salariés ayant un peu moins de cinquante ans, craignant d'avoir bientôt à supporter le coût d'un éventuel licenciement ultérieur.

Il conviendrait, au contraire, de faciliter l'embauche en libéralisant le droit du travail pour permettre plus de souplesse et de flexibilité, en allégeant les charges sociales pesant sur les salaires et en facilitant la conversion professionnelle grâce à une modernisation de la formation continue. Ce n'est pas du tout la voie dans laquelle on s'engage avec ce texte.

L'adoption de cette proposition de loi prélude mal de la seconde loi sur les 35 heures, en faisant peu confiance aux entreprises.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale s'oppose à votre politique de l'emploi qui détruit plus d'emplois, qu'elle n'en crée, comme il s'oppose à cette proposition de loi. Il votera donc, bien entendu, contre ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Terrier.

Comme chacun le sait maintenant, cette proposition de loi vise à mieux protéger les fins de carrière, j'avais écrit « des plus âgés », mais par souci de vous suivre, madame la secrétaire d'Etat, je dirai « des salariés de plus de cinquante ans ». C'est pratiquement notre âge, nous avons donc tout intérêt à ne pas nous vieillir ! (Sourires.)

Parce que cette population est particulièrement touchée par le chômage, notamment de longue durée, il est du devoir de la collectivité de tout mettre en oeuvre en sa faveur. Il faut pour cela agir sur tous les leviers : éviter les licenciements par des solutions alternatives, reclasser les salariés si ces licenciements n'ont pu être évités, accompagner vers la retraite ceux qui ont commenté très tôt à travailler.

Mais il faut également que les entreprises prennent bien conscience du coût, pour la collectivité, des licenciements de salariés de plus de cinquante ans, afin, le cas échéant, de reconsidérer leur décision. C'est bien l'objet de la contribution Delalande, dont le Gouvernement a augmenté le barème - cela a déjà été dit - pour é viter le contournement des préretraites, qui étaient devenues plus coûteuses que les licenciements.

On ne peut ignorer le fait que ces salariés sont particulièrement exposés aux risques de licenciement. Ils sont une cible privilégiée pour une politique de profit à courte


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vue. Le chômage constitue en outre pour eux une véritable tragédie : il est reconnu par tous qu'il est difficile de retrouver un emploi passé cinquante ans.

Par crainte, justifiée, des effets pervers de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, le législateur a, dès 1987, assujetti les entreprises licenciant des salariés de plus de cinquante ans au versement d'une contribution dite Delalande.

N ombre d'entreprises ont cherché à contourner celle-ci. Dans ce dessein, elles ont détourné la convention de conversion ou la préretraite FNE, qu'ils ont utilisées à l'encontre de l'esprit qui avait présidé à leur création, comme des alternatives, financièrement moins coûteuses, au licenciement classique.

Je voudrais, mes chers collègues, vous rappeler deux points. D'abord, la part des chômeurs de longue durée est deux fois plus élevée chez les plus de cinquante ans.

Ensuite, l'entrée de ces personnes dans les conventions de conversion ou dans le dispositif de préretraite FNE augmente de façon exponentielle. Ce sont là des faits incontestables et le rapporteur de ce texte au Sénat en a, au moins en partie, lui-même convenu.

Il s'agit donc bien d'un contournement massif de la volonté du législateur et d'un abus généralisé des dispositions réglementaires. Dès lors, il est, non seulement souhaitable, mais également indispensable d'apporter, par voie législative, tous les correctifs permettant d'annihiler ces effets pervers, qui sont à l'origine de véritables drames humains.

Il ne peut être admis que certains employeurs, même s'ils sont minoritaires, utilisent le licenciement comme une variable d'ajustement économique.

J'avais espéré, peut-être naïvement, que cette proposition de loi recueillerait un large consensus. En effet, sa motivation est noble et le dispositif mis en oeuvre n'est qu'une extension d'un dispositif proposé et adopté par la minorité d'aujourd'hui alors qu'elle était en charge des affaires du pays.

Pourtant, le Sénat s'y oppose avec une détermination sans faille. Son argumentation est pour le moins spécieuse. Cette attitude émolliente est basée uniquement sur l'aspect quantitatif du phénomène. Bien entendu, nous ne partageons pas son analyse. Mais faisons preuve d'une grande ouverture d'esprit et supposons qu'il ait raison sur les chiffres. Il ne nie cependant pas l'existence de ces dérives. Comment alors accepter, lorsque l'on veut plus de justice sociale, que des salariés, quel qu'en soit le nombre, soient victimes de dispositions aussi injustes ? On pourrait, tout au plus, concevoir que le Sénat soit opposé à l'article 3, qui a pour objectif de mettre en application les dispositions des articles 1er et 2 dès le 1er janvier 1999 - sans, pour autant, partager cette position.

Mais rejeter les deux premiers articles sans même chercher à les améliorer, et ce de manière constante, relève d'une opposition stérile.

L'argumentation du Sénat est donc bien légère. Il est urgent de dissuader et d'empêcher certaines entreprises de licencier des salariés de plus de cinquante ans sans appliquer les dispositions prévues dans la « contribution Delalande ».

C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je suis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour le groupe UDF.

M. Germain Gengenwin.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en dernière lecture la proposition de loi, émanant du groupe communiste, relative à l'extension de la contribution Delalande pour les entreprises en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié qui adhère à une convention de conversion, et pour celui qui refuse le bénéfice d'une préretraite.

Lors des précédentes lectures à l'Assemblée nationale, mon groupe avait déjà manifesté son opposition à cette proposition. Visiblement, le texte n'a pas reçu un meilleur accueil au Sénat. Face, donc, à l'absence de modification, nous ne modifierons pas notre position initiale.

Je considère pourtant que l'intention manifestée par le texte est louable : il est nécessaire de prendre en compte la question des salariés de plus de cinquante ans dont la gestion des ressources humaines est déficiente. Cette prise en compte s'inscrit dans le droit fil du dispositif Delalande, institué par la loi du 10 juillet 1987, qui, il faut le rappeler, émanait de l'actuelle opposition.

Ce texte permettait, en instituant au bénéfice de l'UNEDIC une pénalité équivalant à trois mois de salaires, une certaine maîtrise des licenciements des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans. Vous avez durci ce dispositif en 1992 en l'étendant aux plus de cinquante ans et en transposant dans la loi un accord signé entre les partenaires sociaux, qui prévoyait le versement de un à six mois de salaires.

Outre cette louable intention, je suis d'accord avec vous pour reconnaître l'importance et la gravité du problème du chômage des salariés de plus de cinquante ans.

La part des chômeurs de longue durée est deux fois plus élevée dans cette catégorie de la population. Ce type de c hômage ne recule malheureusement pas. Bien au contraire, il tend à augmenter, et avec lui les conséquences dramatiques qui ont déjà été évoquées tout à l'heure : drames personnels, familiaux et parfois l'exclusion à la suite de l'épuisement des droits. Pour autant, les solutions préconisées dans ce texte sont contre-productives, pour ne pas dire dangereuses. En effet, ce n'est pas en culpabilisant les entreprises que l'on parviendra à résoudre ces problèmes. Une fois encore, après la loi sur les 35 heures, la majorité plurielle choisit d'accuser les entreprises, coupables de tous les maux. Arrêtons les procès d'intention ! Certes, des abus existent et c'est précisément pour lutter contre eux qu'a été mise en place la contribution Delalande. En étendant le paiement de celle-ci par les entreprises, cette proposition de loi dénature le dispositif initial. Les éventuels abus de certains employeurs ne sauraient justifier une sanction collective frappant la totalité des entreprises, et, qui plus est, rétroactive. Je m'interroge d'ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, sur cette rétroactivité, qui ne manquera sans doute pas de susciter des problèmes pratiques et des risques de contentieux. Il faut se garder, dans ce domaine, d'une vision manichéenne, voire caricaturale, de l'entreprise. La réalité du terrain est tout autre et les entreprises qui licencient le font souvent à contrecoeur. C'est surtout le cas dans les petites et moyennes entreprises, où l'on se connaît, où se séparer d'une personne qui a oeuvré dans l'entreprise pendant trente ou quarante ans est particulièrement dramatique.

Les mesures proposées dans ce texte risquent d'aboutir au contraire de l'effet recherché : le ralentissement des embauches des salariés de plus de quarante ans par les


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entreprises, de peur de ce que pourrait leur coûter un éventuel licenciement ultérieur. Il faudra alors prendre des nouvelles mesures, coercitives, pour répondre à ces nouveaux abus.

Il me semble qu'il serait préférable d'envisager d'autres pistes de réflexion moins répressives, moins pénalisantes et plus incitatives. Il conviendrait de mettre l'accent sur les possibilités de reconversion et de formation. Mon collègue Christian Kert avait, lors de la première lecture, proposé de subordonner le paiement de la contribution Delalande à une convention directe avec une autre entreprise pour le reclassement via des réseaux d'entreprises, et à une formation, quand il y a un plan de formation et de renconversion, dans les deux années qui ont précédé le licenciement. Je pense qu'il y a là matière à réflexion.

C'est en offrant une seconde chance au plus grand nombre que nous garantirons les salariés contre les aléas économiques et technologiques. Je reprendrai cette phrase de Jacques Barrot : « Il faut réussir le passage de l'obligation de former à l'obligation de qualifier. » Une telle évo-

lution constituerait un moyen de promotion et d'épan ouissement social répondant aux aspirations des travailleurs. Je ne peux que relever l'absence de cohérence de ce texte : d'un côté, le Gouvernement veut pénaliser le licenciement des salariés de plus de cinquante ans et, de l'autre, il encourage le rajeunissement de la pyramide des âges.

La situation de l'emploi nous oblige à adopter des mesures imaginatives favorisant le dynamisme et non des mesures au coup par coup, contraignantes et lourdes, sans vision d'ensemble.

Pour ces raisons, le groupe UDF votera contre ce texte, comme il l'a fait lors des précédentes lectures, tout en appelant de ses voeux une véritable réflexion sur ce dispositif qui constitue une vraie chance pour l'emploi et est de nature à éviter, surtout à cette catégorie des salariés âgés de cinquante à cinquante-cinq ans, une situation souvent humiliante.

M. Bruno Bourg-Broc.

Très bien !

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

Le texte dont nous sommes saisis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le dernier texte adopté par l'Assemblée nationale et rejeté par le Sénat en nouvelle lecture.

Dernier texte voté par l'Assemblée nationale

Mme la présidente.

Je donne lecture de ce texte :

« Art. 1er . - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail, un alinéa ainsi rédigé :

« La cotisation est due également pour chaque rupture du contrat de travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à une convention de conversion prévue par l'article L.

322-3. Le montant de cette cotisation tient compte de la participation de l'entreprise au financement de la convention de conversion."

« Art. 2. - L'avant-dernier alinéa de l'article L.

321-13 du code du travail est ainsi rédigé :

« Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales prévues par le 2o de l'article L.

322-4."

« Art. 3. - Les dispositions des articles 1er et 2 sont applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er janvier 1999. »

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Y a-t-il des demandes d'explication de vote ?...

M. Maxime Gremetz, rapporteur.

Non. Il y a la droite, et il y a la gauche ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

7 DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES AUX DROITS DES FEMMES Discussion, en deuxième lecture, selon la procédure d'examen simplifiée, d'une proposition de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (nos 1617, 1696).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mesdames, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, c'est avec plaisir que j'interviens devant votre assemblée en seconde lecture, pour soutenir la proposition de loi au lendemain d'une journée importante, qui a abouti à l'inscription dans la Constitution de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions.

Certains, dit-on, se sont ennuyés hier. Puis-je rappeler que nous étions un certain nombre à manifester un réel plaisir ? Les historiens analyseront la portée de cet acte en fonction de notre capacité ou non de mettre en mouvement cet objectif de parité et de lui donner une application législative.

Permettez-moi d'aborder le sujet inscrit à l'ordre du jour en soulignant à nouveau la ténacité et la détermination du groupe des députées et des sénatrices qui ont permis à cette proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de voir le jour.

Je tiens aussi à remercier M. le rapporteur, Jacques Floch, pour la qualité, la précision et la pertinence de son analyse.

La volonté de se doter d'instances qui apportent aux travaux parlementaires l'éclairage spécifique d'une analyse centrée sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est partagée par la plupart de nos partenaires européens, selon des modalités de fonctionnement diversifiés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Cette proposition de loi permettra enfin de combler le retard de la France par rapport à ses partenaires. J'ai pu encore le vérifier récemment, les 14 et 15 juin derniers à Berlin, lors d'un Conseil des ministres consacré à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous sommes aujourd'hui convaincus que l'approche intégrée constitue une réponse aux questions que l'on se pose sur la place et le rôle des femmes dans notre société.

La question de l'égalité concerne l'ensemble des textes législatifs que vous élaborez et que vous votez. Elle traverse l'ensemble de nos politiques.

C'est aussi le coeur de mon approche du sujet. Ainsi, Martine Aubry et moi-même avons proposé au Premier ministre, le 8 mars dernier, une démarche innovante, prenant appui sur un partenariat gouvernemental, afin de construire une plate-forme de propositions concrètes. J'ai présenté ce programme en conseil des ministres, mercredi dernier 23 juin.

Trois priorités ont été retenues et font l'objet d'une application concrète : l'égalité dans la vie professionnelle, l'accès aux responsabilités et le renforcement des droits propres.

S'agissant d'abord de l'égalité professionnelle, je rappellerai que le taux de chômage est de 13,5 % pour les femmes contre 9,8 % pour les hommes. C'est pourquoi, dans le plan national d'action pour l'emploi que j'ai présenté au nom de Martine Aubry, le 2 juin dernier, en conseil des ministres, je n'ai pas hésité à inscrire un certain nombre de dispositifs concrets. Je citerai, à titre d'exemple, les objectifs consistant à réserver aux femmes 55 % des dispositifs de la politique de l'emploi et 35 % des contrats d'apprentissage passés d'ici à la fin de l'an 2000, contrats établis en coopération avec les régions.

Il est également fondamental d'améliorer l'orientation scolaire des filles. Une convention sera conclue à cette fin avec le ministère de l'éducation nationale à la rentrée.

Elle portera sur l'orientation scolaire mais aussi, au-delà, sur la lutte contre les comportements sexistes et les stéréotypes dans les manuels scolaires, car nous savons qu'une politique de prévention commence très tôt.

Je citerai également le rapport de Catherine Génisson sur l'égalité professionnelle, qui sera rendu public dans les prochains jours. Un certain nombre de ses propositions sont fort intéressantes et enrichiront la plate-forme gouvernementale.

J'en viens au deuxième axe : l'accès des femmes aux postes de responsabilité.

Dans le domaine politique, Dominique Gillot, rapporteuse de l'observatoire de la parité, remettra au mois de septembre des propositions concernant les différents modes de scrutin et le financement des partis politiques.

Dans le domaine social, je souhaiterais inciter les associations à améliorer la place des femmes aux postes de responsabilité. A cet égard, nous avons parlé du financement des partis politiques. Pour ma part, j'ai pensé que nous pourrions peut-être inciter à davantage de mixité en intégrant des contrats d'objectifs signés avec l'Etat dans les conventions triennales de financement que nous passons avec les associations.

Une démarche semblable tendant à favoriser la mixité sera étudiée dans le cadre du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle pour renforcer la place des femmes aux postes de responsabilité dans les organisations syndicales et professionnelles. Le renouvellement de ce conseil a eu lieu le 23 juin et sa première réunion se tiendra le 6 juillet prochain. Chaque fois que je rencontre les partenaires sociaux dans le cadre de la réforme sur la formation professionnelle, j'appelle leur attention sur la nécessité de manifester dans le monde associatif, dans le monde syndical et dans le monde professionnel le même souci de mixité et de renforcer la place des femmes aux postes de responsabilité.

S'agissant de la fonction publique, nous avons discuté des conclusions proposées dans le rapport d'Anne-Marie Colmou. Je vous rappelle que nous avons pris des engagements en ce qui concerne la féminisation des jurys de concours et celle des représentants des administrations au sein des instances paritaires. Nous avons également souhaité que chaque ministère définisse des plans d'objectifs - certains sur trois ans, d'autres sur cinq ans - afin de rééquilibrer la part des femmes dans les emplois d'encadrement supérieur. Enfin, une circulaire du Premier ministre sur la féminisation des titres et des fonctions sera publiée dans les tout prochains jours.

J'en viens au troisième axe : les droits propres des femmes.

Je souhaiterais d'abord évoquer un sujet qui me préoccupe beaucoup : celui des violences conjugales. Selon un chiffre, deux millions de femmes seraient battues chaque année dans notre pays. Pour vérifier l'ampleur et la nature de ces violences, je suis décidée à mener une enquête nationale de grande envergure. Elle se déroulera de janvier à avril 2000 en métropole et dans les départements d'outre-mer, portera sur 7 000 femmes et concernera non seulement les violences conjugales, mais aussi les violences dans les lieux publics ou sur les lieux de travail.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur une autre action des droits propres, je veux parler de la campagne sur la contraception. J'ai transmis aux parlementaires qui me l'ont demandé le calendrier des étapes nécessaires afin de la « mettre en musique ». Nous avons franchi ce mois-ci l'étape la plus difficile, qui consistait à obtenir le feu vert de la commission spécialisée des marchés publics.

Cette grande campagne sur la contraception se déroulera de septembre à décembre. Le 9 juillet prochain, Martine Aubry et moi-même ferons une conférence de presse pour rendre publique cette campagne, présenter ses objectifs, ses messages et les outils médiatiques auxquels elle aura recours, et pour préciser les publics qu'elle visera.

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Cette campagne se justifie pleinement, car nous notons, entre autres difficultés, une recrudescence des grossesses précoces, qui nous incite à conduire une politique de prévention mais aussi à améliorer l'exercice de ce droit reconnu depuis janvier 1975.

Chacun a pu analyser le phénomène. Pour ma part, je pense que les campagnes que nous avons menées en matière de lutte et de prévention contre le sida, notamment la campagne sur les préservatifs, ont brouillé quelque peu le message en matière de contraception.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mais enfin, de quoi parle-t-on ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

La dernière campagne consacrée exclusivement à la contraception date des années 81 et 82 et a été menée par Yvette Roudy.

Depuis, il n'y a pas eu de campagne massive sur ce sujet.

Il est donc temps de reparler de responsabilité et de liberté à nos jeunes filles.

Mme Yvette Roudy.

Il est grand temps !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

Le rapport Nisand comporte des conclusions extrêmement intéressantes. Audelà de la campagne de contraception, nous serons donc amenés, lors des prochaines semaines, à faire des propositions pour améliorer, d'une part, l'accès aux structures et aux nouvelles techniques, y compris celle de l'IVG médicamenteuse, et, d'autre part, la formation des personnels.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Blablabla ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

La plate-forme que j'ai présentée aujourd'hui concerne vingt-cinq actions,...

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Claude Goasguen.

Hors sujet ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... mais, à l'évidence, au fur et à mesure que le partenariat gouvernemental va se développer dans les mois prochains, elle va s'enrichir, notamment à partir des conclusions des rapports de Catherine Génisson et de Dominique Gillot. Nous serons donc à même, en octobre, de convoquer un comité interministériel à ce sujet et de procéder à une évaluation sur l'ensemble de la plate-forme gouvernementale.

M. Claude Goasguen.

Vous vous êtes trompée de discours ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Nous allons poursuivre ce travail comme vous allez poursuivre votre travail parlementaire, au travers notamment de ces délégations. J'aurai à coeur, en respectant bien sûr les rôles institutionnels de chacun, d'établir la coopération la plus efficace possible entre ces délégations parlementaires et mon ministère.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, réunis hier en Congrès à Versailles, nous avons accepté à une très large majorité de réviser la Constitution de la Ve République pour y introduire - enfin - le principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Ce progrès, que je ne qualifierai pas d'extraordinaire, est, par son contenu même, révolutionnaire au sens strict du terme, car il permet de modifier nos comportements et de prendre en compte la nature même de notre société, une société où femmes et hommes disposent de droits égaux et ont des devoirs équitables. C'est simple, c'est compréhensible. Ce devrait être le constat de la réalité.

Sur la base de cette réflexion, certaines de nos collègues, à l'Assemblée, avec l'appui du président Laurent Fabius, et au Sénat ont souhaité que soient créées au sein de nos assemblées des délégations permanentes aux droits des femmes afin de suivre les projets ou propositions de loi qui, par leur titre ou leur contenu, seraient susceptibles d'apporter un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes, mais aussi d'examiner tous les textes et toutes les études qui permettraient d'avancer en cette matière. Il s'agit de nous fournir toutes les informations et analyses susceptibles de faire progresser nos réflexions et d'améliorer la qualité de nos propositions.

Le texte que j'avais eu l'honneur de présenter à l'Assemblée au nom de la commission des lois avait été enrichi en première lecture par plusieurs amendements.

La Haute Assemblée, quant à elle, après avoir constaté que l'égalité entre les hommes et les femmes ne s'était pas traduite en pratique par l'égalité de chances a réécrit la proposition de loi, mais sans en changer fondamentalement l'esprit.

Ainsi, les compétences et la composition des commissions n'ont pas été modifiées. Par contre, les sénatrices et les sénateurs ont réaffirmé la prééminence des commissions spéciales et permanentes dans l'examen des projets et des propositions de lois et modifié le mode de saisine des délégations en simplifiant le dispositif proposé.

Le Sénat a également proposé des modifications sur les modalités d'accès à l'information des délégations en les alignant sur celles des délégations pour l'Union européenne.

En tout état de cause, les modifications et les réécritures opérées par le Sénat ne bouleversent pas l'équilibre du texte. Elles permettent d'encadrer de manière plus précise les missions et les modes de saisine et elles réaffirment le rôle de nos commissions permanentes. Aussi votre commission des lois a-t-elle accepté ma proposition d'adopter sans modification l'article unique tel qu'il résulte des travaux du Sénat.

Mes chers collègues, je souhaite que vous suiviez l'avis de la commission des lois en adoptant ce texte qui permet la création, au sein de nos assemblées, de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Claude Goasguen.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la deuxième lecture de ce texte ne devrait susciter ni fougue, ni contradiction, ni provoquer de débats passionnés. Après ce qui s'est passé hier, cette démarche, qui dépasse très largement les clivages politiques de droite et de gauche, permet non seulement de reconnaître les droits de la femme - ce qui, en soi-même, serait déjà important -, mais aussi d'instaurer une nouvelle forme de démocratie moderne. C'est plus pour la démocratie que pour les femmes que nous travaillons ensemble aujourd'hui.

La proposition de loi relève d'un débat dont l'importance a été démontrée par le rapporteur. Je n'insiste pas.

Il était grand temps d'agir, car si les mots et les idées sont sans cesse réitérés avec force et de manière souvent solennelle, les faits, eux, attestent que la réalité est beaucoup moins idyllique. Il suffit pour cela de comparer la place qu'occupent les femmes au sein de notre société et celle qui est la leur chez nos voisins européens ou dans les autres grandes démocraties ! Tous les chiffres qui circulent sont significatifs : 30 % de femmes travaillent à temps partiel contre seulement 5 % d'hommes ; à compétences et qualifications égales, les hommes gagnent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

entre 20 et 30 % de plus que les femmes. Au-delà des statistiques, qui ne sont qu'une photographie sommaire de la réalité et qui peuvent s'expliquer par l'addition de volontés individuelles, ce qui nous chagrine, c'est le fait que, à l'intérieur de notre pays, toute femme doit effectuer un parcours beaucoup plus difficile qu'un homme pour parvenir au même résultat. Voilà ce qui nous paraît contestable.

La proposition de loi qui est examinée aujourd'hui et qui tend à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes apparaît donc comme la manifestation de la prise de conscience qu'il est absolument nécessaire de reconsidérer les droits des femmes et d'affirmer une égalité des chances effectives - il y a quelques décennies, on aurait parlé de "chances réelles" par opposition aux "chances formelles" - entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, et pas seulement dans le domaine politique, particulièrement sous les feux de la rampe depuis quelque temps.

En la matière, seul un esprit consensuel et constructif, délivré des clivages, peut présider au débat. Comment imaginer, ne serait-ce qu'un instant, qu'un sujet aussi essentiel touchant aux fondements même de la société civile et de la démocratie puisse laisser place à des considérations politiciennes ? A l'évidence, l'enjeu est tout autre ! C'est d'ailleurs ce même enjeu qui impose une rupture quant à la manière dont est abordé le droit des femmes et l'égalité des chances. Rompons, je l'ai dit tout à l'heure, a vec la logique actuelle, mais rompons aussi avec l'approche théorique sinon contemplative - terme que j 'avais utilisé en première lecture - du problème.

Essayons d'instaurer de véritables mesures qui permettent une évolution pratique, concrète, tangible, limitée peutêtre mais solide, de l'égalité des chances.

Les délégations parlementaires s'inscrivent dans cette logique, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Je note à cet effet, comme l'a souligné le Sénat, qu'il apparaît plus pertinent que la mission principale de ces délégations réside dans l'information des assemblées sur les conséquences en matière de droits des femmes et d'égalité des chances de la politique suivie par le Gouvernement et qu'elle s'attache en particulier à suivre - en France, ce n'est pas un vain mot - l'application des lois.

La création de telles délégations constitue un premier pas qui nous permettra peut-être de rattraper notre retard...

Mme Yvette Roudy.

Grand retard !

M. Claude Goasguen.

... par rapport à nos voisins européens dans l'organisation même de ces délégations parlementaires.

Jusqu'à présent, la France - une fois n'est pas coutume - n'a pas fait preuve en ce domaine d'une imagination législative débordante.

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

M. Claude Goasguen.

Il était donc temps que le Parlement français puisse bénéficier de ses propres moyens d'études et d'information.

Cependant, madame la secrétaire d'Etat, j'appelle votre attention sur le fait que, malgré la volonté affichée - et que j'espère sincère - de promouvoir les droits de la femme, le risque de retomber dans une logique contemplative demeure bien présent, et vous en êtes d'ailleurs tout à fait consciente.

En effet, vous savez que la souplesse des délégations ne fait généralement que masquer leur manque de moyens et qu'elle entretient l'illusion d'une évolution significative du sujet étudié, alors qu'objectivement leur rôle se limite le plus souvent à celui d'une chambre d'étude.

La seule façon de rompre véritablement avec la logique attentiste qui nous guette tous succesivement, aussi bien à droite qu'à gauche, et qui prévalait jusqu'alors, est de donner à ces délégations des moyens à la hauteur des enjeux qu'elles défendent, afin qu'elles puissent véritablement faire preuve d'initiative et qu'elles constituent de véritables forces de proposition.

Afin que ces nouvelles délégations représentent une avancée qui puisse se traduire dans les faits, il nous paraît donc indispensable d'obtenir - j'espère que nous les aurons lors de la discussion budgétaire - des garanties quant aux moyens dont elles disposeront.

Sous ces réserves financières et matérielles importantes, qui ne doivent pas cacher que nous sommes tout à fait faborables à la création de telles délégations, le groupe Démocratie libérale votera sans ambiguïté ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, ainsi que sur plusisuers bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour le groupe socialiste.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues comme vient de le rappeler le rapporteur, les hasards du calendrier parlementaire sont parfois heureux. Nous nous retrouvons, au lendemain du Congrès qui vient d'ancrer le principe de parité dans notre Constitution, pour voter en deuxième lecture la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Cette propositon, votée ici même à l'unanimité le 11 février dernier, est le fruit d'une démarche collective.

Porté d'abord par les députées et les sénatrices socialistes, épaulées par le Président de l'Assemblée nationale, ce texte a été adopté récemment par le Sénat, avec des modifications sur lesquelles je reviendrai.

Cette proposition de loi n'est pas mineure. Elle traduit la reconnaissance par le législateur des inégalités qui frappent les femmes au quotidien, alors que nos lois se doivent de garantir l'égalité entre les citoyens.

Elle traduit donc notre volonté de passer d'une égalité de droit à une égalité réelle et concrète. Elle reconnaît que cette question est transverse et qu'il est nécessaire pour nos assemblées de se doter d'un outil d'analyse et de veille permanent.

En votant ce texte, nous rejoignons les Parlements de nos partenaires de l'Union européenne qui se sont inscrits, certains depuis longtemps, dans une démarche volontariste de lutte contre les inégalités liées au sexe. Le Parlement européen s'est lui-même doté d'une commission des droits des femmes.

Ces délégations auront donc la charge de trois missions, dont le Sénat a modifié l'ordre de présentation.

D'abord, informer le Parlement de la politique suivie par le Gouvernement ; deuxièmement, examiner en amont les textes législatifs et en assurer le suivi ; troisièmement, dresser un bilan annuel de leur activité comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Mme Martine Lignières-Cassou.

A l'énoncé de ces missions, nous appréhendons les qualités qu'il nous faudra développer : une capacité d'anticipation, pour se saisir très en amont des textes législatifs, une volonté de coopération avec les commissions permanentes et la délégation européenne, d'autant que le Sénat a supprimé la possibilité d'autosaisine des délégations.

Mme Yvette Roudy.

C'est dommage !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Le soutien du Bureau de l'Assemblée nationale, et en premier lieu de son président, sera nécessaire pour exercer le travail avec efficacité, mais aussi pour disposer de moyens de fonctionnement suffisants. Je pense notamment à la possibilité d'obtenir des données chiffrées sexuées, suite à l'accord passé entre l'Assemblée et l'INSEE.

Cette délégation, qui porte en elle une double dimension - droits des femmes, égalité des chances - a devant elle des chantiers immenses, à la hauteur des inégalités qui frappent les femmes.

Un des premiers chantiers dont devra se saisir la délégation est celui des inégalités professionnelles. Notre collègue Catherine Génisson vient de remettre au Premier ministre un rapport qui sera rendu public dans les prochains jours.

En effet, la loi Roudy de 1983 n'est pas appliquée comme elle devrait l'être ; on pourrait subordonner les aides aux entreprises à l'application des contrats d'égalité.

Sachons aussi nous servir de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail pour négocier une plus grande égalité des conditions de travail. Je rappelle simplement que le travail à temps partiel concerne à 80 % les femmes, et que ces dernières ne doivent pas être taillables et corvéables à merci.

Autre chantier à entreprendre : celui des droits propres.

On ne peut que se féliciter de l'action du Gouvernement, et plus particulièrement de la vôtre, madame la secrétaire d'Etat. Je pense à l'annonce récente d'une campagne en faveur de la contraception et à l'ouverture du chantier sur les violences conjugales.

Mais il faudra aussi regarder plus attentivement les conclusions du rapport Nisand sur l'IVG. Nous examinerons, à la fin de l'année 1999 et au début de l'an 2000, deux textes législatifs d'une extrême importance : celui sur les droits de la famille, de même que la révision de la loi bioéthique, au cours de laquelle risque de se poser à nouveau la question du statut de l'embryon.

Nous aurions ainsi aimé nous inscrire dans la conférence sur la famille et travailler sur l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

L'excellent rapport de Mme Majnoni a souligné les contradictions de notre politique familiale, certaines mesures favorisant le travail des femmes, d'autres au contraire tendant à les retirer du marché du travail. Nous souhaiterions que la prochaine conférence de la famille, le 7 juillet, soit un moment de clarification de notre politique et qu'elle encourage le travail des femmes. C'est la raison pour laquelle il nous semble qu'il faut remettre en cause l'APE de deuxième rang.

De même, nous souhaitons que soit affirmé le principe de « l'égalité parentale » et que toute modification de congé parental s'inspire du principe de la répartition du temps de congé entre le père et la mère.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Enfin, et M. le Premier ministre le rappelait hier, l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle suppose un développement des services de garde des enfants.

Au lendemain du vote sur la parité, la délégation doit aussi travailler sur des propositions comme l'application immédiate de ce principe pour le scrutin de liste et l'incitation financière des partis politiques pour les autres scrutins.

Mme Yvette Roudy.

La sanction financière !

Mme Martine Lignières-Cassou.

La sanction financière des partis politiques, comme le rappelle très justement Mme Roudy, qui a d'ailleurs été à l'initiative de cette proposition.

Pour ce travail, nous pourrons nous rapprocher de l'Observatoire de la parité.

La marche pour l'égalité est impérative.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, au nom du groupe socialiste, à voter conforme le texte adopté par le Sénat, qui l'a certes modifié, mais, comme l'a souligné le rapporteur, sans en bouleverser l'équilibre.

Notre vote est l'illustration de la volonté de notre société de progresser vers plus d'égalité. Comme le disait si justement Lionel Jospin, le 8 mars, « l'égalité entre les sexes n'est pas seulement un objectif pour les femmes, mais aussi un défi à relever par les hommes et les femmes ».

C'est un enjeu capital pour notre société. C'est aussi un enjeu pour notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat sur l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives est ouvert depuis de nombreuses années et, hier, le Parlement réuni en Congrès a inscrit ce principe dans notre loi fondamentale. Aussi bien à droite qu'à gauche de l'échiquier politique, nous sommes tous d'accord pour souhaiter non pas une égalité arithmétique mais bien une égalité des chances. Notre véritable objectif, c'est en effet de permettre à tous ceux qui en sont capables et dignes, hommes ou femmes, un meilleur accès aux fonctions de responsabilité dans notre société.

Il ne s'agit pas véritablement de légiférer mais plutôt de créer une structure d'analyse et de réflexion, en l'espèce une délégation parlementaire « aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ». Plusieurs Parlements de pays européens se sont déjà donné des instances internes chargées de prendre en compte les problèmes de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes lors de l'élaboration des lois. La création de la délégation qui nous est proposée s'inscrit dans la même logique.

En tout état de cause, cette délégation n'apportera pas un bouleversement fondamental. En effet, l'Observatoire de la parité, qui a été créé il y a quelques années, a des missions très proches.

Mme Yvette Roudy.

Ce n'est pas du tout la même chose !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Puis-je m'exprimer ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Il aurait certainement pu élargir ou moduler son champ d'action pour devenir une véritable structure de proposition, sur laquelle l'Assemblée nationale et le Sénat auraient été en mesure de s'appuyer en permanence.

De plus, cette future délégation va oeuvrer dans un domaine où beaucoup d'efforts ont déjà été engagés mais où, malgré tout, je le reconnais, les progrès restent lents.

Ainsi, vingt-six ans après l'adoption du principe « à travail égal, salaire égal », de nombreuses distorsions subsistent. Il faut donc souhaiter qu'une fois mise en place, la délégation ne se cantonnera pas à des prises de position de principe.

Il faut au contraire qu'elle inscrive son action dans le long terme, en essayant de faire évoluer les aspects législatifs qui conditionnent la vie au quotidien des femmes.

Elle devrait tout particulièrement recenser et contribuer à faire disparaître les derniers éléments fossiles de notre législation, qui maintiennent encore sur certains points, très rares il est vrai, une discrimination juridique au détriment des femmes.

Mme Yvette Roudy.

Tout à fait !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Nous voterons donc ce texte qui nous est soumis, même s'il ne mérite pas, à notre avis, un excès d'enthousiasme. Comme je l'ai indiqué en première lecture, le groupe socialiste a certainement voulu se livrer à un effet d'annonce lorsqu'il a présenté cette proposition

Mme Yvette Roudy.

Mais non !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Ce n'est qu'après quelques années de fonctionnement que l'on pourra dresser un bilan de l'efficacité concrète de cette délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le groupe RPR sera très attentif à ses travaux, pour qu'elle ne soit pas une délégation de plus mais un vrai lieu de réflexion et de proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Yvette Roudy.

C'est une mise en conformité avec la directive européenne !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il peut sembler banal de dire ma satisfaction d'aujourd'hui - après celle d'hier, d'ailleurs - de constater que l'ensemble des parlementaires, sénateurs et députés, ont admis unanimement le principe de la création d'un outil parlementaire permanent chargé de veiller à ce que notre législation garantisse l'égalité des chances entre les femmes et les hommes et respecte les droits des femmes. Je crois sincèrement qu'il ne s'agit pas là d'un événement mineur.

D'abord parce que, comme l'a rappelé Mme Dinah Derycke dans son excellent rapport présenté devant le Sénat le 20 mai dernier, si des moyens existent pour évaluer ou corriger des situations inégalitaires, tels le secrétariat d'Etat chargé des droits des femmes, le service des droits des femmes, l'Observatoire de la parité, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, tous ces moyens relèvent de l'autorité du Gouvernement.

Même si nous devons rendre hommage au travail accompli par ces structures, je considère qu'il y va de l'indépendance du Parlement de s'en remettre à ses propres instances pour que soit assuré un meilleur contrôle sur l'action du Gouvernement.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Muguette Jacquaint.

En effet, alors que nos lois constitutionnelles et notre législation garantissent une égalité formelle des citoyens, qu'en est-il aujourd'hui de la réalité de l'égalité entre les hommes et les femmes ? Les préjugés, les complexes, les discriminations et la misogynie ont la peau dure ! Le bilan des inégalités est probant.

Alors qu'elles constituent plus de 50 % du corps électoral, la représentation des femmes au sein des assemblées élues, qu'elles soient européennes, nationales, régionales, départementales ou locales, est encore bien affligeante.

Nous nous félicitons à cet égard de l'adoption par le Congrès du Parlement du projet de loi constitutionnelle sur la parité, qui devrait constituer un formidable point d'appui pour la reconnaissance de la place et du rôle des femmes dans notre société, dans tous les domaines.

Alors que leur présence est de plus en plus forte sur le marché de l'emploi, cela n'empêche pas, hélas ! la persistance d'une ségrégation à l'intérieur des secteurs économiques et des groupes d'activité. Leur confinement dans des emplois précaires ou des activités à domicile expose encore plus les femmes au chômage que leurs collègues masculins.

Alors que la législation communautaire et nationale sur l'égalité de traitement pour un travail de valeur égale est en vigueur, la différence entre la rémunération des femmes par rapport à celle des hommes persiste à accuser un écart de 30 % en moyenne.

N'y a-t-il pas là une inégalité lorsqu'on sait qu'elles représentent 83 % de l'effectif des travailleurs à temps partiel, et que le travail à temps partiel imposé a été, pour un grand nombre d'entre elles, à l'origine de discriminations indirectes ? A-t-on répondu à leur aspiration à concilier vie professionnelle, vie familiale et vie publique ? Je ne pense pas que ce soit dans la sommation faite à la France par Bruxelles de légaliser le travail de nuit des femmes que l'on trouve une réponse.

Dans ces conditions, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur la manière dont les femmes « regardent » la politique et les politiques, elles qui ont pour une large part boudé les urnes le dimanche 13 juin ? Pour la femme, il est incontestable que vivre sa citoyenneté en toute plénitude devient un rêve que nous devons aider à réaliser, eu égard aux responsabilités que nous avons.

S'il est vrai que la reconnaissance des droits des femmes et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sont des idées tellement belles que personne ne songe à les contester, nous nous félicitons aujourd'hui que, par l'adoption de cette proposition de loi, nous dépassions le consensus de principe et les déclarations d'intention.

L es députés communistes s'inscrivent dans cette démarche volontariste qui tend à créer une instance parlementaire permanente chargée de veiller à l'intégration d'un objectif d'égalité dans chacun des textes, qu'il s'agisse de projets de loi, de propositions de loi ou de textes communautaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Nous y voyons la volonté de mettre en exergue les discriminations dont les femmes sont victimes, d'informer et surtout d'agir pour enrichir les lois, en veillant à la reconnaissance des droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Les informations qui nous parviendront devraient permettre à la représentation nationale de dégager des lignes d'action pour les années à venir et de mesurer tous les progrès accomplis pour promouvoir la place des femmes dans notre société.

Il y va de la démocratie dans notre pays.

Non seulement les députés communistes voteront pour cette proposition de loi, mais ils s'engagent à assumer toutes leurs responsabilités au sein de ces délégations, comme ils le font au sein du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. André Aschieri, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. André Aschieri.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous venons de faire un premier pas dans la construction d'une égalité réelle entre les hommes et les femmes en modifiant, hier, la Constitution. En inscrivant la parité dans notre loi fondamentale, nous verrons, je l'espère, accéder aux assemblées d'élus la moitié des citoyens de ce pays, qui ont été trop longtemps tenus écartés des responsabilités politiques.

Un demi-siècle après le principe posé par le préambule de la Constitution de 1946 - « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme » -, la réalité a encore beaucoup de mal à suivre dans la vie politique.

Dans le milieu de travail, les femmes sont trop souvent écartées des postes de responsabilité. Seulement 14 % des entreprises sont dirigées par des femmes. Ce constat n'est guère plus favorable dans le secteur public, comme l'a mis en évidence le rapport Colmou. Si les femmes occupent plus de la moitié des postes de la fonction publique, très peu d'entre elles occupent un poste d'encadrement. Les exemples sont multiples. Ainsi, on ne compte que 5 femmes parmi les 109 sous-préfets, et 40 membres du Conseil d'Etat sur 201.

L'Etat ne doit pas seulement distiller de beaux discours sur l'égalité des chances et la parité, il se doit d'être un exemple pour un nouveau modèle de société véritablement moderne.

L'égalité est un combat permanent. C'est un combat culturel. Les mentalités de demain se formeront à l'aune des exemples que nous leur proposerons.

Un débat public comme celui qui a eu lieu sur la parité permet de faire évoluer les mentalités de façon durable. La création d'une délégation aux droits des femmes permettra de souligner les inégalités, et sans doute de les corriger.

Faire évoluer les mentalités, c'est combattre peut-être l'une des premières inégalités, celle du foyer. Il est difficile pour les femmes de s'investir dans une carrière professionnelle ou politique quand 80 % de l'essentiel des tâches ménagères et de l'éducation des enfants repose sur elles.

Autrefois la politique était réservée à ceux qui possédaient des biens, ou qui avaient une fortune personnelle, ce qui leur permettait de trouver le temps de s'investir dans la vie publique.

Les femmes sont confrontées, aujourd'hui, au même problème : faire garder ses enfants tard le soir ou faire accomplir ses tâches ménagères par une tierce personne est un luxe que beaucoup d'entre elles ne peuvent s'offrir.

L'Etat peut accompagner de façon concrète cette évolution des mentalités. Pour permettre l'articulation entre la vie professionnelle et familiale, l'Etat doit mettre en oeuvre une meilleure prise en charge des enfants, des crèches aux maternelles, en passant par les entreprises.

Facilitons la prise du congé parental et faisons en sorte que celui-ci ne soit pas synonyme de « mise au placard » au retour dans l'entreprise.

Faire évoluer les mentalités, c'est convaincre nos filles de demander le respect du principe à diplôme égal, salaire égal, mais aussi responsabilités égales. Sur ce point, notre pays est en retard par rapport à la plupart des démocraties européennes. Si, globalement, les femmes sont plus instruites que les hommes, si elles ont conquis quelques bastions masculins, elles restent encore en retrait.

Les femmes sont les plus touchées par le chômage.

Elles sont plus nombreuses que les hommes à subir le temps partiel non choisi. Aujourd'hui, 3,8 millions d'actifs travaillent moins de 30 heures par semaine et, parmi eux, on compte seulement 15 % d'hommes. Comment ne pas rappeler les difficultés de ces femmes soumises au bon vouloir de leur employeur en ce qui concerne leur horaire de travail, et pour un salaire souvent insuffisant ? Dans ce contexte, les aides renvoient bien souvent les femmes au foyer après la naissance de leur deuxième enfant au lieu de faciliter leur intégration professionnelle.

L'aide pour l'éducation, étendue, en 1994, aux mères de deux enfants et aux salariés à temps partiel, a été souvent détournée de son objet. Elle a ainsi favorisé, pour les femmes qui la choisissaient, un parcours professionnel chaotique.

Bas salaire, sous-emploi et précarité sont des réalités féminisées, concrètes. En termes économiques, l'inégalité entre les sexes s'accroît.

En adoptant une politique neutre, les pouvoirs publics ont contribué à accentuer les inégalités devant le travail.

La crise de l'emploi n'est pas seulement un phénomène structurel et massif : elle est aussi inégale et sélective.

La parité, que nous voulons imposer à la vie politique, ne suffira pas, à elle seule, à transformer la société.

L'exemple des pays étrangers nous le rappelle. Ainsi, le modèle suédois, si souvent cité en exemple, n'est pas la panacée en matière d'égalité au travail : le parlement suédois compte 40 % de femmes, mais 80 % des Suédoises sont salariées et seulement 3 % occupent un poste de responsabilité.

C'est pourquoi il ne faut pas compter simplement sur une évolution lente de la société pour changer les choses.

En créant une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous mettons à la disposition du Parlement un outil indispensable à notre travail de député. Un lieu où l'on pourra enfin considérer les problèmes de façon globale, du travail à temps partiel à l'interruption volontaire de grossesse.

Cette initiative parlementaire rejoint les préoccupations qui ont toujours été celles des Verts. C'est pourquoi les députés Verts, comme tout le groupe RCV, voteront sans hésitation la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour le groupe UDF.


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Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis heureuse que notre assemblée examine aujourd'hui, en deuxième lecture et sans doute pour la dernière fois, la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Je le suis d'autant plus que nous sommes au lendemain de la réunion du Congrès de Versailles, où ont été introduits dans la Constitution les fondements juridiques de l'égalité des chances en politique entre les hommes et les femmes.

Je rappelle que la proposition de loi tend à doter chaque assemblée d'un organe permanent chargé de suivre les projets et propositions de loi ainsi que les textes communautaires soumis au Parlement en application de l'article 88-4 de la Constitution, au regard de leurs conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Les délégations auront également la mission d'informer les assemblées de la politique menée par le Gouvernement dans ces différents domaines.

C'est à l'unanimité, tout comme au Sénat, que nous avions adopté ce texte le 11 février dernier. Toutefois, nos collègues sénateurs ont souhaité reformuler un certain nombre de ses dispositions. Ils ont assez sensiblement modifié celles concernant les compétences et le mode de saisine des délégations, en réaffirmant la prééminence des commissions permanentes et spéciales dans l'examen des projets et propositions de loi. Ils ont ainsi souhaité éviter la multiplication des saisines préalables par les délégations.

La commission des lois a jugé, au total, que ces modifications étaient essentiellement d'ordre rédactionnel et qu'elles ne changeaient pas l'esprit du texte. Elle a adopté sans modification l'article unique de la proposition.

Mais derrière cette ambiance bien consensuelle rencontrée dans nos assemblées, sur un sujet lui-même devenu consensuel après bien des débats, la création des délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ne doit pas nous faire croire que, du jour au lendemain, ces nouveaux organes vont permettre la disparition instantanée des inégalités dont les femmes sont victimes dans notre société.

Mme Yvette Roudy.

Personne ne croit cela !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Dans nos assemblées, ces délégations vont devoir se créer, se constituer, se mettre en place, trouver leur mode de fonctionnement et, surtout, inventer leur façon de travailler. Elles s'imposeront par la qualité de leur réflexion et leur capacité à anticiper l'application des textes.

C'est très en amont de la procédure législative qu'elles devront intervenir afin de prévenir les effets négatifs pour les femmes des projets et propositions de loi examinés par le Parlement.

Leur très large saisine, bien que le Sénat ait souhaité, comme je vous l'ai dit, qu'elles ne puissent s'autosaisir qu'à travers le filtre des commissions permanentes, leur pouvoir d'auditionner les ministres et l'obligation qu'a le Gouvernement de communiquer à ces délégations parlementaires les informations et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission donnent à celles-ci beaucoup de moyens pour assumer au mieux cette mission.

Mais les recommandations et les propositions des délégations auront la force que l'on voudra bien leur donner.

Chacun sait que les rapports ne sont pas toujours suivis d'effet. Ce sera à la mesure de la prise en compte de ces recommandations et propositions que l'on verra la véritable bonne volonté politique.

La création des délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes répond à la nécessité de traiter les problèmes de façon transversale. Vous ne vous y êtes pas trompée, madame la secrétaire d'Etat, puisque, dans vos dernières propositions, vous entendez développer un « partenariat gouvernemental » très large qui engagera l'ensemble des ministres dans leur politique respective.

L'enjeu est bien là : l'égalité des chances entre les femmes et les hommes concerne l'ensemble de la politique, et donc tous les ministères.

Mais la route est encore longue pour les femmes. Les nouvelles délégations sont une pièce de plus à l'édifice de l'égalité des chances, mais elles ne sont qu'une pièce de plus. C'est la prise en compte de leurs propositions, l'application de leurs recommandations, la suite donnée à leurs réflexions qui les feront véritablement vivre et qui leur permettront de jouer pleinement leur rôle.

Les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes nous apparaissent aujourd'hui comme un outil de travail, de réflexion et de propositions qui complétera utilement le travail des commissions permanentes afin que l'égalité des chances entre les hommes et les femmes devienne une réalité dans notre pays à l'aube du XXIe siècle.

C'est pour toutes ces raisons que le groupe UDF votera la proposition de loi, comme il l'a déjà fait à l'issue de la première lecture.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

Le texte dont nous sommes saisis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article unique

Mme la présidente.

« Article unique. Il est inséré, après l'article 6 quinquies de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article 6 sexies ainsi rédigé :

« Art. 6 sexies. I. Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.

« II. Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.

« La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci.

« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.

« III. Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des délégations pour l'Union européenne, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmee ont pour mission d'informer les


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assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.

« En outre, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

« le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;

« une commission permanente ou spéciale, à son intiative ou sur demande de la délégation.

« Enfin, les délégations peuvent être saisies par la délégation pour l'Union européenne sur les textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.

« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

« IV. Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu'aux délégations pour l'Union européenne. Ces rapports sont rendus publics.

« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.

« V. Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

« La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.

« VI. Les délégations établissent leur règlement intérieur. »

Je ne suis saisie d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

Mme la présidente.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.)

8

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion de la proposition de résolution, no 1584, de M. Laurent Fabius tendant à modifier les articles 50, 91 et 108 du règlement de l'Assemblée nationale ; Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale : M. Gérard Gouzes, rapporteur (rapport no 1724) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1688, portant approbation d'un avenant à la conces-s ion concernant la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986 : M. Dominique Dupilet, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1720).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 1729, portant création de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires :

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1739)

(Procédure d'examen simplifiée.)

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 29 juin 1999 SCRUTIN (no 173) sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

Nombre de votants .....................................

513 Nombre de suffrages exprimés ....................

488 Majorité absolue ..........................................

245 Pour l'adoption ...................

263 Contre ..................................

225 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 231. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux , MM. Léo Andy , J ean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Dominique B aert , Jean-Pierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , J ean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , J ean-Claude Beauchaud , Mme Yvette BenayounNakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , JeanLouis Bianco , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude B ois , Daniel Boisserie , Maxime Bono , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , JeanClaude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , M. JeanPierre Braine , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul B ret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , J érôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe C ambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Jean-Yves Caullet , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , G uy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme MarieFrançoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , F rançois Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky D arne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique D enise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François D osé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , P ierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence D umont , MM. Jean-Louis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Jean Espilondo , Claude Evin , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , J ean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert G aïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , A lain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël Goyheneix , Bernard Grasset , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice J anetti , Serge Janquin , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André L abarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges L emoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern ,

M ichel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou ,

M M. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , François Patriat , Christian Paul , Germinal Peiro , J ean-Claude Perez , Mmes Marie-Françoise PérolDumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette PeulvastBergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Yves Rome , Mme Yvette Roudy , MM. René Rouquet ,

M ichel Sainte-Marie , Patrick Sève , Henri Sicre , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (137) : C ontre : 119. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Christian Bergelin , André B erthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Michel Bouvard , Victor Brial , P hilippe Briand , Christian Cabal , Gilles Carrez ,

M me Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , J ean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 JUIN 1999

Gentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , A rthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Pierre Dupont , Nicolas Dupont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel F errand , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Jean-Jacques Guillet , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques L afleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud L epercq , Thierry Mariani , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Patrice Martin-Lalande , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Mme Françoise de Panafieu ,

M M. Dominique Perben , Etienne Pinte , Serge P oignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Q uentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , JeanClaude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , R oland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (70) : Contre : 62. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , P ierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Jean-François Chossy , R ené Couanau , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , R enaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille ,

M M. Henry Jean-Baptiste , Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , J ean-Antoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie

M orisset , Dominique Paillé , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin et Pierre-André Wiltzer.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : C ontre : 40. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , B ernard Deflesselles , Francis Delattre , Dominique D ord , Charles Ehrmann , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier et Gérard Voisin.

Groupe communiste (35) : Pour : 24. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , Claude B illard , Alain Bocquet , Jacques Brunhes , Patrice C arvalho , Alain Clary , Christian Cuvilliez , Daniel F eurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. Maxime Gremetz , Georges Hage , Robert Hue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu , MM. André Lajoinie , Patrick L eroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Bernard Outin , Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (34) : Pour : 8. - M. André Aschieri , Mme Marie-Hélène A ubert , MM. Yves Cochet , Guy Hascoët , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Jean-Paul Nunzi et Aloyse Warhouver.

Abstentions : 25. - Mme Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland Carraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Claude Hoarau , Elie Hoarau , Robert Honde , François Huwart , Guy Lengagne , Alfred MarieJeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. JeanPierre Michel , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod et Alain Tourret

Non inscrits (6).

Contre : 4. - MM. Marc Dumoulin , Lionnel Luca , Charles Millon et Philippe de Villiers .