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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PIERRE-ANDRÉ

WILTZER

1. Adoption d'une résolution en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 7071).

2. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 7071).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 7071)

Article 1er (suite) (p. 7071)

Amendement no 164 rectifié de la commission des affaires culturelles : M. Jean Le Garrec, président de la commis-s ion des affaires culturelles ; Mmes Odile Saugues, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Hervé Morin, Georges Sarre, Mme Roselyne B achelot-Narquin, MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Goulard, Bernard Accoyer.

Sous-amendement no 1046 de M. Gremetz : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. François Goulard. - Rejet, pars crutin, du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement no 773 de M. Delnatte : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no 681 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

MM. le président, Thierry Mariani.

Amendement no 676 de M. Warsmann : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 155 de M. Masdeu-Arus : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 888 de M. Bur : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la ministre. - Retrait.

MM. le président, Thierry Mariani.

Amendements nos 653 et 652 de M. Luca : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 7082)

Amendement no 983 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Hervé Morin. - Rejet.

Amendement no 984 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Maxime Gremetz. Adoption.

Rappel au règlement (p. 7085)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 7085)

Amendement no 985 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no 986 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. Retrait.

Amendement no 987 de M. Cochet : M. Yves Cochet. Retrait.

Amendement no 105 de M. Sarre et amendements identiques nos 165 de la commission et 1020 de M. Cochet : M. Georges Sarre. - Retrait de l'amendement no 105.

MM. Yves Cochet, le président de la commission, Maxime Gremetz, Hervé Morin.

Sous-amendement no 1049 de M. Gremetz à l'amendement no 1020 : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. - Rejet du sous-amendement ; adoption des amendements identiques.

Amendement no 166 de la commission, avec le sousamendement no 896 de M. Barrot, et amendement identique no 1021 de M. Cochet : MM. le rapporteur, Yves Cochet, Maxime Gremetz, Jacques Barrot, Mme la ministre, M. Alfred Recours. - Rejet du sous-amendement ; adoption des amendements identiques.

Amendements nos 800 de M. Gremetz, 1027 de la commission et 988 de M. Cochet : M. Maxime Gremetz. Retrait de l'amendement no 800.

MM. le rapporteur, Yves Cochet, Hervé Morin, Mmes Rosel yne Bachelot-Narquin, la ministre. - Adoption de l'amendement no 1027 ; l'amendement no 988 n'a plus d'objet.

Amendement no 991 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Germain Gengenwin, Alfred Recours, Hervé Morin, Thierry Mariani. - Rejet.

Amendement no 203 de M. Gremetz, avec le sousamendement no 786 de M. Mariani, et amendement no 989 de M. Cochet : MM. Maxime Gremetz, Yves C ochet, Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

A mendement no 895 de M. Accoyer : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 828 de M. Gengenwin : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Article 2 (p. 7099)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Hervé Morin, Georges Sarre, Gérard Bapt, Thierry Mariani, Maxime Gremetz, Yves Cochet.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

3. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 7104).

4. Dépôt d'un rapport d'information (p. 7104).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7104).


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(1) Le texte de cet article figure dans le compte rendu intégral de la deuxième séance du jeudi 7 octobre 1999.

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président.

J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (COM [1998] 295 final/no E 1105), adoptée par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, est considérée comme définitive.

2 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1786 rectifié, 1826).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 164 rectifié de la commission à l'article 1er (1).

M. Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Mme Saugues, MM. Bacquet, Rome, Terrier, les commissaires membres du groupe socialiste et M. Gremetz ont présenté un amendement, no 164 rectifié, ainsi libellé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« IV. Après le premier alinéa de l'article L.

3214-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur, préalablement à l'établissement du plan social et à sa communication en application de l'article L.

321-4 aux représentants du personnel, doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail portant la durée collective du travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal ou inférieur à trente-cinq heures hebdomadaires ou à 1 600 heures sur l'année, ou à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord. »

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir cet amendement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, je pense que Mme Saugues est tout à fait habilitée à défendre cet amendement pour lequel elle a joué un rôle important.

M. Gérard Bapt.

Et même décisif.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout à fait !

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues.

L'amendement no 164 rectifié trouve son origine dans l'annonce scandaleuse faite récemment par une grande entreprise, annonce qui n'a pas seulement ému les habitants des sites concernés. Il prévoit qu'avant l'établissement d'un plan social et sa communication - et le terme « avant » est important l'employeur doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail ou, à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord. Il s'inscrit par là-même dans la ligne ferme de ce que le Premier ministre avait déclaré : un plan social doit être l'ultime recours, quand toutes les autres pistes ont été explorées.

Qu'apporte l'amendement ? Il a tout d'abord pour but de faire en sorte que la réduction du temps de travail soit véritablement négociée.

C'est un point très positif. Il n'est pas question d'encourager une application unilatérale des trente-cinq heures qui permettrait à un employeur de revenir sur des acquis sociaux essentiels.

Il précise par ailleurs que, si la réduction du temps de travail doit être le fruit d'une négociation, la seule ouverture de celle-ci ne saurait suffire. Il ne faudrait pas qu'elle donne le feu vert à un plan social le jeudi pour se clore le lundi suivant.

Les négociations doivent être loyales et sincères - ces termes sont définis par la jurisprudence -, afin d'éviter que des employeurs n'engagent de façon factice et de mauvaise foi des négociations qui contourneraient cette disposition.

La loyauté, c'est le respect des organisations syndicales et la volonté de trouver réellement un accord avec elles.

La loyauté, c'est de ne pas considérer les salariés comme une simple variable d'ajustement, c'est accepter de s'asseoir à une table de négociation pour essayer par tous les moyens de sauver des emplois avant de présenter la note à l'Etat.


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La loyauté, c'est engager des négociations sans faire planer au-dessus des salariés le spectre de suppressions massives d'emplois, comme l'a fait récemment la grande entreprise en question.

Sur un plan pratique, si les négociations sur la réduction du temps de travail n'ont pas été engagées, si elles l'ont été dans un contexte déloyal, dans un climat de pression ou de menaces, si elles ne s'inscrivent pas dans u ne volonté sérieuse de préserver des emplois, l'employeur ne pourra pas présenter de plan social.

Les conséquences, nous les devinons : aucun fonds public ne sera versé pour accompagner un plan social lorsque l'entreprise n'aura rien entrepris de solide pour préserver des emplois.

Cet amendement répond, mes chers collègues, à une très forte demande de nos concitoyens. Il prône tout simplement l'utilisation vertueuse des fonds publics. Il ne permet pas que des fonds publics soient attribués à une entreprise pour détruire des emplois, alors que la même entreprise refuse l'utilisation de ces fonds publics pour en créer ou en préserver.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur le président, chacun mesure l'importance de cet amendement et Mme Saugues l'a présenté en parfaite connaissance de cause, puisqu'elle est au fait aussi bien de la situation de Michelin, pour avoir joué un rôle important dans cette entreprise, que des conséquences sur l'espace géographique concerné pour en être l'élue.

Il s'agit d'un amendement extrêmement important. Il a donné lieu à un débat de fond en commission et a le soutien du groupe communiste par la voix de M. Gremetz et du groupe RCV, en particulier, des membres proches de M. Sarre et de M. Cochet. Il serait donc utile, monsieur le président, si vous en êtes d'accord, que M. Gremetz et éventuellement M. Sarre puissent en dire quelques mots.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

L'opposition aussi, si vous n'y voyez pas d'inconvénient !

M. Thierry Mariani.

Pourrons-nous, nous aussi, prendre la parole ?

M. le président.

Mais oui, rassurez-vous, mes chers collègues.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Saugues a bien présenté la situation. Les licenciements sont toujours un drame pour les personnes qui les subissent et nous devons tout faire pour les éviter, par une gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications, lorsque c'est nécessaire - beaucoup d'entreprises pourraient aujourd'hui éviter des licenciements si elles avaient préparé leurs salariés aux nouvelles technologies ou aux nouveaux emplois - ou, s'il n'est pas possible de les éviter, au moins d'en limiter le nombre lorsqu'une restructuration et donc un plan social sont envisagés. La réduction de la durée du travail est un élément de la lutte contre les licenciements comme l'ont montré la loi Robien et la première loi sur les trente-cinq heures adoptée l'année dernière. Nous avons d'ailleurs réussi - et quand je dis « nous », je veux parler des entreprises et des syndicalistes qui ont signé un accord - à préserver 17 000 emplois, c'est-à-dire à éviter environ 42 % des licenciements prévus, grâce à la réduction de la durée du travail.

L'amendement présenté par Mme Saugues répond, bien évidemment, à une situation particulière mais, comme elle l'a très bien expliqué, c'est une situation qui se renouvelle très souvent, au-delà de l'entreprise à laquelle nous pensons tous. Nous devons tout faire, je le répète, pour éviter les licenciements et le fait d'imposer la conclusion d'un accord de réduction de la durée du travail ou, à défaut - car on ne peut rendre la signature d'un accord obligatoire - l'organisation d'une négociation sérieuse et loyale, selon les termes de la jurisprudence, tendant à la conclusion d'un tel accord avant l'établissement d'un plan social, pour réduire ou annuler ce dernier, me paraît être une avancée tout à fait essentielle.

Cela répond aux attentes de nos concitoyens et fera de la réduction de la durée du travail, un élément de lutte contre les licenciements, si douloureux pour ceux qui les subissent.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l'amendement présenté par Mme Saugues et repris par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin, contre l'amendement.

M. Hervé Morin.

Une fois de plus, notre pays va légiférer sous le coup de l'émotion et à la suite d'un cas particulier. C'est une pratique assez courante dans notre pays, et que l'on retrouve sous toutes les majorités. Régulièrement, un membre du gouvernement, à la suite de tel ou tel écho médiatique important, décide de légiférer et propose une nouvelle disposition.

Il ne s'agit pas d'approuver ce qui s'est fait chez Michelin. C'était pour le moins... maladroit.

M. François Lamy.

Pour le moins, oui !

M. Maxime Gremetz.

C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Hervé Morin.

Mais j'attire l'attention de l'Assemblée sur les conséquences qu'aurait l'adoption de cet amendement.

Actuellement, lorsqu'une entreprise décide de licencier plus de neuf salariés, elle est obligée de présenter un plan social. Elle doit notamment soumettre au juge toutes les solutions possibles dans son entreprise ou dans son groupe pour le reclassement, la formation, l'adaptation du personnel qu'elle souhaite licencier. Le juge, de son côté, est tenu, de par les différentes lois sur la réduction du temps de travail, d'examiner les conditions dans lesquelles la réduction du temps de travail pourrait permettre de limiter le nombre des licenciements. Tel est l'état du droit.

L'adoption de l'amendement proposé par la commission et Mme Saugues créerait une situation difficile pour les entreprises. Pourquoi ? Parce que la négociation sur la réduction du temps de travail deviendrait un préalable à tout plan social, et ce qui, pour Michelin, est possible, c'est-à-dire prendre le temps de la négociation avant d'engager un plan social, ne le sera pas forcément pour des petites et moyennes entreprises. La négociation peut durer des mois, ce qui représente un temps considérable dont l'existence même de l'entreprise peut dépendre. Si la trésorerie de celle-ci n'est pas suffisante, elle n'aura plus d'autre solution que d'aller purement et simplement devant le tribunal du commerce pour liquidation.


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M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas vrai !

M. Hervé Morin.

Si, monsieur Le Garrec, je peux vous citer des exemples précis.

Dès lors que vous mettez la négociation de la réduction du temps de travail comme préalable à tout plan social alors que, jusqu'à maintenant, c'était un élément qui accompagnait celui-ci, vous risquez d'engager un processus irréversible pour les PME.

L'Assemblée doit être bien consciente qu'à partir du cas... inadmissible de Michelin...

M. Maxime Gremetz.

Ah ! Il y a du progrès !

M. Hervé Morin.

... vous êtes en train de tirer des conclusions qui peuvent être très graves pour une partie du tissu économique français.

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Mes chers collègues, comme vous tous, sur tous les bancs, j'ai été surpris et choqué par la d écision annoncée par Michelin de supprimer 3 500 postes en trois ans.

M. Bernard Accoyer.

Beaucoup d'entreprises étrangères et de groupe internationaux font la même chose, il faut bien le dire. Ce n'est pas une spécificité française, hélas !

M. Yves Rome.

Ce n'est pas une gloire !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Sarre.

M. Georges Sarre.

Pourquoi surpris et choqué ? Parce que le bilan de l'entreprise est largement positif. Michelin fait des bénéfices...

M. Bernard Accoyer.

C'est pareil pour Firestone et Bridgestone.

M. Georges Sarre.

De surcroît, la Bourse saluait dès le lendemain cette décision et l'action Michelin grimpait spectaculairement. L'émotion en devenait d'autant plus légitime.

J'ai alors appris que notre collègue Saugues, qui travaillait chez Michelin il n'y a pas très longtemps encore, avait pris l'initiative d'un amendement. J'ai eu connaissance de son texte par la radio, puis par la presse. Je vous annonce d'ores et déjà que je le voterai, mais je veux également vous faire part de mon raisonnement.

Vous dites, cher collègue Morin, que les entreprises vont particulièrement souffrir. Je cherche à savoir pourquoi.

M. Hervé Morin.

C'est parce que vous n'avez pas compris !

M. Georges Sarre.

Sans doute, mais essayez de comprendre mon raisonnement. Aujourd'hui, si une entreprise licencie, quelle que soit sa situation, c'est tout simplement parce que nous sommes dans une logique de mondialisation libérale...

M. Hervé Morin.

Et les PME ? Avec vous il n'y a que Michelin et Renault !

M. Georges Sarre.

... relayée, voire renforcée par une Europe qui se construit sur les mêmes bases. Rien d'étonnant donc à ce que Michelin comme des entreprises autrefois publiques et désormais privatisées épousent le mouvement.

Par conséquent, tant que la mondialisation libérale ne sera pas maîtrisée et tant qu'on ne se donnera pas les moyens de la combattre à tous les niveaux, national, européen et mondial, on verra, en France et ailleurs, de nouveaux Michelin, des délocalisations, des fermetures d'entreprises, des disparitions d'emplois, du chômage. On aura beau se voiler la face, ce sera la réalité. Que vous défendiez cette logique, c'est votre droit, mais vous comprendrez que, de notre côté, nous la combattions.

M. François Goulard.

C'est émouvant !

M. Georges Sarre.

Il n'y a rien d'émouvant là-dedans ; ce n'est qu'un diagnostic lucide et froid.

M. Bernard Accoyer.

Une erreur de diagnostic !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quelle condamnation de Jospin qui disait : « L'Etat ne peut pas tout » !

M. Georges Sarre.

L'amendement de notre collègue Saugues tend tout simplement à demander à Michelin ou à d'autres...

M. Bernard Accoyer.

Parlons des autres ! Vilvorde, par exemple, quelle différence ?

M. Georges Sarre.

... de limiter la casse au lieu de considérer le chômage comme une simple variable d'ajustement. Limiter : voilà l'objectif de l'amendement.

Mais rien ne nous autorise à en espérer des résultats spectaculaires. Et c'est un peu comme les allumettes : cela ne sert qu'une fois. Une fois que les 35 heures, voire les 32 heures seront appliquées - parce que nous arriverons aussi aux 32 heures -, cette logique-là ne jouera plus. Je vous le dis en conscience : essayer de coller des rustines, d'atténuer toutes ces disparitions de postes et d'emplois pour limiter le nombre de chômeurs, de tous ceux qui seront obligés d'aller travailler ailleurs ou qui resteront sur le bord du chemin, c'est bien, mais la vérité reste là : tant que nous resterons dans cette logique purement financière aux niveaux international et européen, nous serons à l'évidence condamnés à rester sur la défensive. Cet amendement est certes mieux que rien, mais ne donnons pas le sentiment qu'en l'adoptant, nous résoudrons le fond du problème car, hélas ! celui-ci demeurera tant que nous ne serons pas sur des bases radicalement nouvelles.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, madame la ministre, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer : nous mourrons, tous autant que nous sommes. Et toutes les entreprises, parce qu'elles sont des constructions humaines, mourront un jour. Dans une société moderne qui veut que l'homme trouve sa dignité dans l'emploi, seul compte le mouvement, c'est-à-dire les créations d'emplois. Dans les quinze dernières années, 42 millions d'emplois ont été détruits aux Etats-Unis.

C'est terrible. Mais dans le même temps, 67 millions d'emplois ont été créés. Le solde net s'établit donc à 25 millions et c'est cela qui compte. C'est cela qui a permis aux Etats-Unis de ramener leur taux de chômage à 4,5 % alors que le nôtre atteint près de 12 %.

L'amendement que vous nous proposez, comme l'a relevé Hervé Morin, a certainement été rédigé dans un moment d'émotion bien compréhensible. Il tend à soumettre le versement des aides de l'Etat dans le cadre d'un plan social à une réduction préalable du temps de travail.

Je veux dire avec force que cet amendement est totalement inopérant, à l'évidence inapproprié aux réalités de l'entreprise et de surcroît non conforme à la jurisprudence. Je reprendrai d'ailleurs en partie l'argumentation d'Hervé Morin.

Premièrement, les inspecteurs du travail tiennent déjà compte des mesures de réduction du temps de travail. La circulaire du 7 juin 1994 relative aux plans sociaux invite


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à recourir à des mesures relatives au temps de travail : modulation et/ou réduction du temps de travail - loi de Robien -, annualisation du temps partiel, préretraite progressive - mais sera-t-elle encore possible ? -, conventions FNE de passage à temps partiel, capital temps.

Deuxièmement, cet amendement est en contradiction avec la jurisprudence. En effet, celle-ci prévoit que la pertinence du plan social doit être appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 1997, et que l'employeur est tenu à une obligation de moyens proportionnelle aux capacités de l'entreprise. Ainsi, dans un arrêt du 10 juin 1999, la Cour de cassation a validé un plan social dans lequel des mesures de réduction du temps de travail avaient été envisagées mais n'avaient pu être retenues.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la loi qui fait la jurisprudence, et non l'inverse.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Troisièmement, pour les entreprises de plus de vingt salariés, l'horaire légal va passer à 35 heures dès le 1er janvier 2000. Votre amendement n'aura donc plus aucun objet.

Mme Odile Saugues.

Vous vous trompez, madame !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quatrièmement, il semble qu'il y ait confusion entre horaire individuel et horaire collectif. Si un tel amendement était adopté, les salariés ne pourraient plus faire d'heures supplémentaires.

La durée légale du temps de travail n'est qu'une durée de référence ; avec cet amendement, elle deviendrait un horaire obligatoire.

On voit bien que cet amendement est inspiré de bonnes intentions. A ce propos, madame la ministre, il est une chose que j'apprécie chez vous : vous connaissez bien le code du travail et vous vous refusez généralement à tomber dans le piège de la démagogie, y compris vis-àvis de vos propres troupes. Or cette fois-ci, vous savez parfaitement que cet amendement est inopérant, mais vous voulez mener une opération de stricte communication. Si celle-ci était destinée à aider Mme Saugues dans son action sur sa circonscription, peut-être pourrionsnous, ma foi, manifester quelque indulgence...

M. Bernard Accoyer.

Il faut bien qu'elle soit connue ! Jean-Pierre Pernot.

C'est mesquin !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... ne serait-ce qu'au titre de la solidarité féminine ! (Sourires.) Mais j'ai plutôt l'impression que cet amendement inopérant est avant tout destiné à réparer la gaffe de M. Jospin,...

M. Bernard Accoyer.

En effet !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... en l'occurrence sa phrase malencontreuse prononcée lors d'une émission de télévision : « L'Etat ne peut pas tout », qui a suscité plus que de l'émotion.

Vous comprendrez, madame la ministre, que nous n'ayons rien à faire des opérations de communication de M. Jospin et que nous n'y prêtions pas la main. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Limpide !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

J'ai bien écouté Mme Bachelot.

Son plaidoyer est remarquable...

M. Jean-Louis Debré.

Ah, merci !

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

... mais c'est un plaidoyer pour une mauvaise cause.

M. Jean-Louis Debré, C'est vous, la mauvaise cause !

M. Bernard Accoyer.

Il avait pourtant bien commencé !

M. Maxime Gremetz.

Pour commencer, on ne parle que de Michelin. Mais vous oubliez le nombre de licenciements collectifs dans ce pays. Voyez du côté de chez moi : Michelin dans l'Aisne, à Soissons, c'est Wolber.

Wolber a été la première application du plan général de Michelin de 7 500 suppressions d'emplois : fermeture immédiate à Soissons d'une usine de 432 salariés...

Mme Odile Saugues.

451 !

M. Maxime Gremetz.

En effet, 451 ! Je n'en rajoute jamais, je suis un minimaliste, moi.

(Sourires.)

M. François Goulard.

Question de prénom !

M. Maxime Gremetz.

Je prends un autre cas directement chez moi : la Vermandoise. Fermeture de la sucrerie de Beauchamps, des centaines de salariés à la rue. Heureusement, le tribunal vient de débouter la direction.

Mais en attendant, celle-ci a arrêté la production et interdit, en toute illégalité, aux salariés d'entrer dans l'entreprise. Auparavant, rien n'avait été fait. Le tribunal a finalement contraint l'entreprise à reprendre les salariés et à p oursuivre l'activité. Mais la campagne sucrière commence...

M. Germain Gengenwin.

En effet.

M. Maxime Gremetz.

... et il n'y a plus rien. Autrement dit, on est mis devant le fait accompli.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quel rapport ?

M. Maxime Gremetz.

A Sainte-Emilie, toujours dans la Somme, que fait la direction de la même Vermandoise ? Elle disparaît parce qu'elle ne veut pas négocier avec les salariés. Le préfet la convoque, elle ne vient même pas.

Va-t-on continuer longtemps ainsi ? Et j'ai encore bien d'autres exemples...

Mais revenons à cet amendement. On nous présente ce texte comme si c'était celui d'origine. Ce n'est pas exact.

Le groupe communiste a déposé deux sous-amendements.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous allez donc muscler ce texte inopérant !

M. Maxime Gremetz.

L'amendement originel se bornait à dire : avant toute annonce de plan social, il faudra négocier sur les 35 heures. J'ai fait remarquer en commission que cette rédaction ne mangeait vraiment pas de pain...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il mange du pneu ! (Rires.)

M. Bernard Accoyer.

Mais où sont vos sous-amendements ?

M. Thierry Mariani.

Nous ne les avons pas !

M. Maxime Gremetz.

Je me mets à la place de Michelin : je négocie sur les 35 heures, mais en plaçant la barre très haut, et comme je n'aboutirai jamais à un accord, je pourrai quand même annoncer mon plan social. Voilà ce qu'était le texte d'origine, qui n'est pas celui dont nous débattons aujourd'hui. M. le président de la commission l'a du reste rappelé, mais je tenais à remettre moi-même


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les pendules à l'heure. Entre-temps, la commission a repris nos deux sous-amendements en précisant qu'il fallait conclure un accord. Parce qu'on peut toujours engager une négociation en faisant tout pour qu'elle n'aboutisse pas, puis présenter un plan social en disant qu'on a fait ce qu'on pouvait...

Le problème, c'est qu'on a rajouté une phrase, inspirée à mon avis par quelque technocrate.

M. Hervé Morin.

M. Gorce ? (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Certes, on dit bien, comme je le souhaitais, qu'il doit y avoir accord afin de ramener la durée du travail à 35 heures hebdomadaires ou moins.

C'est une question de justice : pourquoi irait-on licencier des gens en demandant aux autres de faire des heures supplémentaires ? Mieux vaut garder des salariés et ne pas faire d'heures supplémentaires. Mais ce qui me gêne beaucoup, c'est ce « ou à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord ». Qui va juger du sérieux et de la loyauté de l'engagement des négociations ? Autrement dit, on a bien pris les deux amendements que j'avais proposés, mais on me les retire par derrière ! Sur quelle jurisprudence va-t-on se baser pour déterminer si la négociation engagée a été sérieuse et loyale ? En ce sens, Mme Bachelot a raison de dire que l'amendement, tel qu'il est rédigé, est inopérant.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ah çà !

M. Hervé Morin.

Mais dangereux !

M. Maxime Gremetz.

C'est pourquoi je vous propose de le rendre opérant en enlevant ce « ou à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement - je me demande d'ailleurs ce que cela veut dire - des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord ».

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

J'espère que vous n'allez pas céder, monsieur Gremetz !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Il faut bien comprendre la portée de cet amendement. Plusieurs d'entre nous sont intervenus pour la souligner. M. Gremetz a fait quelques remarques complémentaires sur lesquelles je voudrais apporter mon sentiment.

Sans doute doit-on effectivement voir dans ce débat une réaction par rapport à un événement précis, mais aussi la volonté de faire progresser les droits des salariés mis en cause d'une manière inacceptable dans une série de situations où l'on voit des entreprises bénéficiaires décider des plans sociaux et les annoncer par voie de presse sans aucune concertation ni consultation. Je peux ainsi mentionner le cas d'Epéda, survenu en même temps que l'affaire Michelin, où le nouveau directeur a décidé de fermer un établissement sans même l'avoir visité ni engagé la moindre concertation. Ce sont là des comportements inadmissibles, intolérables. Il faut donc faire progresser les droits des salariés en la matière ; nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau.

L'amendement de la commission inspiré par notre collègue Odile Saugues va dans cette direction en visant à ce que l'on ne puisse présenter de plan social sans avoir préalablement conclu un accord de 35 heures ou, à défaut, engagé une négociation. Il faut évidemment souhaiter que celle-ci aboutisse à un accord, mais on ne peut jamais préjuger de la conclusion d'une négociation.

Aussi avons-nous souhaité faire appel à la jurisprudence en précisant que cette négociation doit avoir été « loyale et sérieuse ». Le juge dispose de critères jurisprudentiels précis pour vérifier que les parties ont bien été placées dans une situation qui leur permette de conclure, que chacun a pu faire le pas nécessaire, ou, à défaut, pour s'assurer que la discussion a bien été conduite dans des conditions réelles, sérieuses et loyales.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est déjà le cas !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Voilà pourquoi je crois cette précision nécessaire.

Quoi qu'il en soit, la rédaction telle qu'elle vous est proposée marque un progrès important par rapport à la proposition initiale, qui en ressort plus claire et plus rigoureuse, tout en respectant totalement l'esprit qui l'a inspirée.

Nous devrions pouvoir nous retrouver sur ce texte, qui traduit très concrètement la préoccupation qui a motivé l'amendement original sans perdre de vue le souci de le rendre totalement applicable.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Lorsque nous abordons le sujet qui nous occupe actuellement, sujet douloureux, infiniment sérieux, puisqu'il touche au sort des hommes, deux choses devraient nous être interdites : la démagogie et les faux-semblants.

M. Alfred Recours.

Pas les licenciements ?

M. François Goulard.

La démagogie consiste à dire qu'on peut empêcher les entreprises de licencier. Nous savons que c'est impossible. Nous savons aussi que, dans certains cas, empêcher un licenciement, c'est condamner l'entreprise pour le malheur de tous ses salariés.

M. Maxime Gremetz.

Pas Michelin ! Deux milliards de profits en six mois !

M. Hervé Morin.

Mais Michelin n'est pas la seule entreprise de France !

M. François Goulard.

Quant aux faux-semblants, Mme Roselyne Bachelot-Narquin l'a rappelé, le Premier ministre nous a donné deux versions de sa position sur ce grave sujet des licenciements. La première, exprimée à la télévision, était celle de la franchise : « L'Etat ne peut pas tout. »

M. Alfred Recours.

Il ne peut pas rien !

M. François Goulard.

Mais le tir a été corrigé quelques jours plus tard, à Strasbourg.

Mme Odile Saugues.

C'est bien ce qui vous gêne !

M. François Goulard.

Le Premier ministre, ayant senti que son discours avait été mal accueilli, tout en sachant qu'il avait exprimé une réalité, a recherché des solutions cosmétiques. Je ne mets pas en cause la sincérité de l'auteur de l'amendement et je ne doute pas que certains d'entre vous y voient la possibilité d'éviter des licenciements dans certains cas. Mais je suis également sûr que, au plus haut niveau, les responsables du Gouvernement savent fort bien que tout cela est parfaitement inopérant et qu'il s'agit en réalité d'amuser la galerie. Mais ce n'est pas un divertissement innocent, car c'est avec le sort des hommes qu'on joue ici. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

On doit la vérité aux Français. On doit oser leur dire que, dans certains cas, la réduction du temps de travail peut être une solution pour sauver une entreprise et éviter des licenciements.

M. Yves Rome.

Eh oui !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. François Goulard.

Mais on doit aussi à la vérité de leur dire que, dans d'autres cas, parce qu'elle va alourdir les coûts unitaires, la réduction du temps de travail sera le meilleur moyen d'enfoncer l'entreprise, d'aggraver ses difficultés, voire de la condamner. La vérité, c'est encore d'oser dire qu'on ne peut soumettre des plans sociaux à l'appréciation d'un juge plus ou moins informé de la réalité économique, qu'on ne peut le laisser décréter que les efforts de négociation accomplis deux, trois ou quatre ans plus tôt n'étaient pas suffisants ou pas loyaux, critères vagues s'il en est, qu'on ne peut lui permettre d'imposer des réintégrations et, éventuellement, de condamner une entreprise sans avoir l'exercice de la responsabilité des décisions qu'il est amené à prendre. Cela relève du fauxsemblant, de l'habillage, de la cosmétique. Sur des sujets aussi graves, la seule attitude qui soit à la hauteur des circonstances, c'est de dire la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Alfred Recours.

La vérité, c'est qu'il faut licencier chez Michelin ?

M. François Goulard.

Je n'ai pas dit cela ! Il n'y a pas que Michelin !

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Rien ne m'est plus insupportable que d'entendre parler de démagogie, de faux-semblants, alors que nous essayons de faire face à une réalité difficile et d'y apporter des réponses.

Mme Bachelot-Narquin, avec ce talent que j'apprécie, dit : « Nous sommes tous mortels ».

M. Yves Rome.

Ça reste vrai, hélas !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oui, madame, les entreprises aussi sont mortelles. Mais la médecine existe.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Elle n'empêche pas de mourir !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Certes, mais elle peut essayer de guérir.

M. Sarre a posé une question plus vaste, à laquelle il n'est pas facile de répondre. Je lisais récemment une intervention de M. Francis Mer, P.-D.G. d'Usinor : « Le taux de création de valeur actuellement demandé aux entreprises est un mensonge majeur, déclarait-il. Le système économique mondial est incapable de générer un taux de profit de 15 %. »

M. Maxime Gremetz.

Et pourtant !

M. François Goulard.

Que voulez-vous démontrer ? Il faut en dire plus !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est exactement la situation de Michelin. Cette pression permanente sur le taux de profit n'obéit à aucun motif économique.

M. François Goulard.

Et comment comptez-vous empêcher cela ?

M. Bernard Accoyer.

Tout cela est très hypocrite ! C'est de la gesticulation !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous l'empêcherons en créant les obligations qui conduiront l'entreprise à faire face à ces réalités.

Vous dites que nous allons alourdir les coûts unitaires.

Mais où avez-vous vu cela ? Sur quoi votre raisonnement se fonde-t-il ? En quoi le fait de ne pas embaucher de jeunes, d'avoir une pyramide des âges complètement déformée, de pousser dehors des femmes et des hommes de cinquante-cinq ans, en faisant appel aux fonds de l'Etat, en ne versant pas à l'Etat la quote-part qu'on devrait lui payer, en quoi tout cela obéit-il à des impératifs économiques ? Cela trahit au contraire une recherche de la rentabilité qui n'a à voir ni avec la capacité de développement ni avec la capacité d'investissement. Tel est le problème que nous posons.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il n'y a pas besoin d'amendement pour cela !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

L'entreprise doit désormais se trouver dans l'obligation de rechercher toutes les solutions possibles pour éviter un licenciement, dont je vous rappelle, mes chers collègues, qu'il est supporté par la collectivité nationale.

M. Bernard Accoyer.

Et autorisé par le Gouvernement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

On confie en effet à la collectivité nationale le soin de veiller à ce que la fracture sociale - thème cher au Président de la République - ne s'aggrave pas. Votre raisonnement est partiel, à courte vue et totalement insuffisant.

Quand Mme Bachelot-Narquin met en balance les suppressions et les créations d'emplois aux Etats-Unis, elle oublie que, sur les 62 millions d'emplois créés...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Les 65 millions !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... 20 millions sont des emplois pauvres pour des pauvres.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Non !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est la réalité, madame Bachelot-Narquin.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ne protestez pas : toutes ces données sont connues.

M. Bernard Accoyer.

C'est comme pour les retraites, vous dites des mensonges !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous êtes terribles, car quand on vous donne des informations qui figurent dans la presse économique, qui sont fondées, vérifiées, mais qui vont à l'encontre de votre raisonnement à courte vue, vous ne le supportez pas. Je supporte, moi, vos discours pendant des heures, même si, parfois, ils me semblent bien faux.

Nous ne pensons pas qu'il existe de solution toute faite. Nous faisons en sorte que les données du problème soient clairement posées, que la discussion s'engage, y compris avec M. Gremetz, afin d'éviter aux villes et à la collectivité nationale les conséquences des licenciements.

Mais j'ai bien conscience en disant cela, monsieur Sarre, que nous ne nous posons pas le problème de l'ensemble du cycle économique mondial. Et je sais que cette bataille sera beaucoup plus difficile à mener, qu'elle devra l'être au niveau européen. C'est en cela que la phrase de M. Jospin doit être entendue : l'Etat ne peut pas tout, car il y a aussi la dimension européenne.

Mais en posant le problème simplement, comme nous l'avons fait avec Mme Saugues, quand bien même nous devons encore - je le dis à M. Gremetz - vaincre certaines difficultés, ajuster des compréhensions, et même si certains considèrent qu'il faut aller plus loin, nous aurons déjà fait un petit bout de chemin pour éviter au maximum les conséquences des licenciements. Ce n'est pas un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

miracle, mais un effort loyal et sincère pour prendre en compte les dimensions économiques et sociales du problème. Je le dis sans démagogie et avec beaucoup de sérieux.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je comprends mal l'attitude de l'opposition. D'un côté, M. Morin nous dit que cet amendement va mettre les entreprises par terre, qu'elles perdront beaucoup de temps...

M. Hervé Morin.

Ce n'est pas tout à fait cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous l'avez dit, monsieur Morin, j'ai pris des notes ! D'un autre côté, Mme Bachelot nous explique que cette mesure sera inopérante, qu'elle n'a aucun sens. Il faut vous mettre d'accord.

Il y aurait de la démagogie dans ce projet de loi ou dans les déclarations du Premier ministre ? Je crois au contraire qu'il a dit la stricte vérité. On lui a d'ailleurs reproché tout à l'heure d'avoir respecté une promesse électorale en présentant le texte instaurant les 35 heures.

En règle générale, en effet, ce n'est pas la démagogie qu'on lui reproche, mais plutôt le sérieux, la sincérité et le courage dont il fait preuve.

Il a dit, c'est vrai, que « l'Etat ne peut pas tout dans une économie mondialisée ». Mais, quand des entreprises prennent certaines décisions, l'Etat se doit de leur dire : prenez les responsabilités de vos décisions.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il le fait déjà !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai, mais c'est encore insuffisant.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cela existe depuis longtemps !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, tout n'existait pas, madame Bachelot. Quand je vous entends dire que la loi est contraire à la jurisprudence, je pourrais vous rappeler que la jurisprudence ne fait qu'appliquer la loi. Et c'est bien parce qu'une loi rendant obligatoire la négociation ou l'accord sur les 35 heures avant tout plan social n'existait pas...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est absurde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que la jurisprudence ne pouvait les rendre obligatoires. Et c'est précisément ce que nous sommes en train de faire.

Le Premier ministre a simplement dit que les entreprises ont, dans notre pays, la liberté d'embaucher, de licencier ou même de proposer du travail précaire. Mais elles doivent payer le prix des décisions qu'elles prennent et qui ont un coût social et financier pour l'ensemble de la collectivité. Ainsi taxerons-nous le travail précaire permanent, pas le travail précaire occasionnel auquel une entreprise recourt pour des raisons objectives. Ainsi souhaitons-nous également que les entreprises qui font des profits et qui licencient ne se retournent pas vers l'Etat pour lui demander de l'argent. C'est la raison pour laquelle j'ai réduit les préretraites.

Nous voulons que les entreprises fassent tout, et que l'Etat, par le biais du Parlement et de la loi, leur impose de tout faire pour réduire les licenciements. Tel est l'objet de l'amendement dont nous discutons. Cette mesure n'existe pas encore, sinon, avant de déposer un plan social, l'entreprise Michelin aurait dû apporter la preuve que la durée du travail avait été réduite ou qu'une négociation avait été engagée. Ce contrôle aurait été effectu é par un juge, comme c'est toujours le cas pour une loi et je suis surprise que des parlementaires s'inquiètent que, dans notre démocratie, le juge soit chargé de contrôler le respect de la loi.

Peut-être les licenciements sont-ils inévitables, mais il faut tout faire pour les limiter, et les accords sur la réduction de la durée du travail ont déjà limité de 42 % les licenciements qui étaient prévus.

Vous ne m'avez jamais entendu dire qu'une entreprise n'avait pas le droit de licencier à partir du moment où elle réalisait des profits. Elle peut être amenée à le faire, s i elle rencontre des difficultés dans un secteur déterminé.

Pardonnez-moi de vous le dire, mais la démagogie, je ne connais pas. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En revanche, une entreprise qui obtient des résultats n'a pas à tendre la sébile à l'Etat, comme l'a fait Michelin qui a touché 4 à 5 milliards depuis des années, ou le secteur de l'automobile qui a touché un milliard par an pendant dix-sept ans.

M. François Goulard et M. Hervé Morin.

Nous sommes d'accord !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est moi qui ai arrêté ces plans sociaux.

M. Bernard Accoyer.

C'est autre chose !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout ce que nous faisons, c'est d'empêcher l'argent public d'aller à des entreprises qui réalisent des bénéfices et qui restructurent. Si, comme nous, l'opposition pense qu'il faut tout tenter pour éviter les licenciements, elle nous rejoindra dans cette démarche. Avant de déposer un plan social, les entreprises doivent avoir pris toutes les mesures de nature à limiter le nombre de licenciements : c'est ce que nous leur demandons par la loi.

Mme Bachelot dit que c'est inopérant, M. Morin que c'est dangereux.

M. Hervé Morin.

Oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout cela est parfaitement contradictoire. Mettez-vous donc d'accord.

En tout cas, dans une économie mondialisée, la responsabilité des pouvoirs publics est de veiller à ce que les entreprises paient le prix du coût social et financier qu'elles entraînent pour la collectivité. Peut-être, après cela, réfléchiront-elles davantage à leurs pratiques, qu'il s'agisse du recours au travail précaire ou à des plans sociaux sans anticipation des évolutions technologiques, ou sans qu'aient été recherchées toutes les solutions pour limiter les licenciements, telles que la réduction de la durée du travail.

Le Premier ministre l'a dit à la télévision : « L'Etat ne peut pas tout », mais l'Etat peut. Grâce à cette loi, il pourra encore plus demain.

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Mme Odile Saugues.

J'ai l'impression que nous allons mourir noyés sous un flot de compassion. La compassion, ça va bien un moment. Les salariés, et plus généralement les personnes qui sont dans la difficulté, peuvent l'accepter. Mais l'émotion s'oublie vite.

On a dit qu'il s'agissait d'un amendement de circ onstance, voire opportuniste. Dans certaines circonstances, il faut dégainer rapidement.

Avec l'examen de cette loi sur la réduction du temps de travail, nous avons l'occasion de faire tout de suite un exercice pratique. Tant pis si une entreprise comme Michelin a eu la maladresse de faire une déclaration au mauvais moment. Comme l'a dit notre ancienne collègue Denise Cacheux, la loi, c'est nous qui la faisons.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

Mme Odile Saugues.

Je voudrais aussi répondre à Maxime Gremetz à propos de ma première rédaction. On parlait de l'horaire réel. L'horaire réel doit être 35 heures.

Il n'était question ni de discussion ni de signature d'un accord. Cela signifiait que l'horaire était fixé à 35 heures, mais à la hache. Ainsi, les « Michelin » sont à 35 heures 09 pour ce qui est du personnel posté. Pour y parvenir, on leur a retiré les temps de pause, de casse-croûte, d'habillage et un jour férié. Quant aux « collaborateurs », je n'ai pas inventé l'expression, j'ai été « collaborateur » pendant trente-cinq ans, et Dieu sait si ça m'a pesé - ils doivent renoncer à plusieurs jours fériés, car il est difficile de les faire travailler 35 heures.

La seconde mouture est bien meilleure, car elle précise qu'il faut que des discussions aient lieu. Et cela implique les organisations syndicales et les salariés. Cela signifie que les salariés ne sont sans doute pas prêts à se laisser tondre la laine sur le dos.

M. Maxime Gremetz.

Les syndicats disent qu'ils n'ont pas pu négocier avec la direction de Michelin depuis trente ans !

Mme Odile Saugues.

C'est vrai, cher collègue, mais, pour avoir suivi plusieurs grèves dans cette entreprise, je sais que les « collaborateurs » ne descendent pas dans la rue. Or, cette fois, il y en avait une centaine, ce qui représente une avancée considérable. Je voudrais dire d'autre part à Mme Bachelot que je ne règle pas des comptes sous le coup de l'émotion, mais que, sans faire de l'électoralisme, je rends des comptes à mes électeurs.

M. Bernard Accoyer.

Nous aussi !

Mme Odile Saugues.

Peut-être, mais vous ne les rendez pas dans ma circonscription, qui, pour le moment, a un député et n'a pas besoin de tutrice. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Vous êtes le représentant de la nation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Voyez l'article 27 de la Constitution !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer Nous rappelons à Mme Saugues que nous sommes les députés de la nation et que, même si nous comprenons qu'elle veuille faire un petit peu de clientélisme dans sa circonscription...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et vous, avec le décolletage en Haute-Savoie !

M. Bernard Accoyer.

...il convient tout de même de défendre l'intérêt général, comme je le fais en m'opposant au sous-amendement no 1046 de notre collègue Gremetz, que nous examinerons tout à l'heure. Il est, certes, parfaitement logique et a le mérite...

M. le président.

Cher collègue, pardonnez-moi de vous interrompre, ce sous-amendement n'est pas encore en discussion. Vous anticipez.

M. Bernard Accoyer.

Je ne reprendrai pas la parole quand nous en viendrons au sous-amendement.

M. le président.

J'en prends acte.

M. Bernard Accoyer. Mais j'entendais accélérer les débats.

M. Yves Cochet.

Ce serait bien la première fois !

M. Bernard Accoyer.

Le sous-amendement de Maxime Gremetz, qui vise en réalité à ce que, préalablement à tout plan social, un accord sur la réduction du temps de travail soit conclu, a le mérite d'être sincère et logique.

M. Alfred Recours.

Alors votez-le !

M. Bernard Accoyer.

Et ce n'est pas de la gesticulation, alors que, comme l'a excellemment dit Roselyne Bachelot, l'amendement de la commission, soutenu par le Gouvernement, n'est que la poudre aux yeux.

Certes, il fallait bien que le Premier ministre, après l'annonce maladroite faite par la direction de cette grande entreprise, essaie de gommer ce qui était mal reçu dans sa propre majorité. Mais il convient de rappeler ici le contexte. C'est d'ailleurs le même que celui qui avait conduit ce même Premier ministre, alors en campagne électorale, à s'inquiéter de ce qui se passait dans une usine belge d'un groupe automobile national où l'Etat est encore fort présent et à déclarer que, lui au pouvoir, il n'y aurait pas de fermeture d'usine. On sait ce qu'il est advenu. Mais c'était, hélas ! la concrétisation d'un réalisme face à l'ouverture et à la mondialisation.

Dans le secteur du pneumatique, l'annonce a été maladroite mais, en plus, elle a été imprécise. J'ai cru comprendre qu'il était prévu une réduction sur trois ans de 10 % des effectifs de toutes les usines européennes, et ce dans un contexte où la concurrence mondiale est terrible, où l'union Goodyear-Sumitomo occupe désormais le premier rang à la place du fabricant français, lequel est même en train d'être doublé par Bridgestone et par Firestone. Voilà la vérité.

A cela s'ajoutent des gesticulations politiques dont nous assistons aujourd'hui à l'épisode parlementaire.

En vérité, madame la ministre, vous connaissez bien la nécessité pour ces grands groupes internationaux d'ajuster leurs effectifs puisque vous-même, en tant que ministreo u membre des cabinets d'un certain nombre de ministres, vous avez donné, directement ou indirectement, votre autorisation à quatre plans sociaux successifs d ans cette même entreprise, lesquels ont concerné 5 000 emplois.

Comme vous nous l'avez dit, vous êtes revenue sur les préretraites et les FNE, et nous vous avons fait savoir qu'il s'agissait d'une initiative assez opportune. Néanmoins vouloir introduire, comme le propose M. Gremetz par son sous-amendement, un dispositif qui, en réalité, constitue une sorte de frein administratif aux licenciements, alors que le parti socialiste a indiqué qu'il ne réintroduirait pas l'autorisation administrative de licenciement, cela revient à créer un mécanisme supplémentaire de nature à dissuader les grands groupes de développer


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

l'emploi en France. C'est oublier que le Gouvernement doit donner son autorisation à un certain nombre de décisions contenues dans les plans sociaux,...

M. Alfred Recours.

Ce n'est pas administratif, c'est judiciaire !

M. Bernard Accoyer.

... et que, de surcroît, les tribunaux peuvent être saisis, si le besoin s'en fait sentir - et ils le sont, et c'est heureux dans un pays de droit comme le nôtre.

Voilà pourquoi nous estimons que ce sous-amendement est dangereux, même si nous convenons avec vous qu'il faut être extrêmement attentif aux décisions prises, à leur forme, pour que l'homme reste au coeur des préoccupations dans notre législation du travail.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin et M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. le président.

Sur l'amendement no 164 rectifié, M. Gremetz a présenté un sous-amendement, no 1046, ainsi rédigé : Après les mots : « sur l'année », supprimer la fin du dernier alinéa de l'amendement no 164 rectifié.

Ce sous-amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

J'ai eu l'occasion d'indiquer à M. Gremetz qu'il nous paraissait difficile de ne pas autoriser une entreprise à élaborer un plan social si elle ne parvenait pas à conclure un accord de réduction du temps de travail. Bien entendu, tout doit être mis en oeuvre pour que la négociation aboutisse et pour que la réduction du temps de travail se fasse. Mais bloquer totalement le système dans l'hypothèse d'un échec de la négociation pourrait créer une situation juridique difficile.

Je pense qu'il faut maintenir la phrase que M. Gremetz propose de supprimer. Par conséquence, avis défavorable.

M. le président.

Sur le sous-amendement no 1046, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement de M. Gremetz ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles exposées par M. le rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je profiterai des quelques minutes qui nous restent avant l'ouverture du scrutin pour compléter mon propos, si vous m'y autorisez, monsieur le présent.

M. François Goulard.

Je formule le voeu que le sousamendement de M. Gremetz ne soit pas adopté, car le risque serait assez grand qu'il y ait un glissement de sens entre le terme licenciement et l'expression « suppression d'emploi ». Et si ce glissement se produisait, je crains que, dans un deuxième temps, l'on ne cherche à appliquer l'amendement sous-amendé par Maxime Gremetz à M. Strauss-Kahn. En effet, M. Strauss-Kahn, qui dirige le ministère des finances, et donc la direction générale des impôts, va procéder à quelques milliers de suppressions d'emplois dans cette direction - et je crois qu'il a raison.

M. Bernard Accoyer.

En effet, il a raison. C'est une bonne décision !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le code du travail ne s'applique pas à la fonction publique !

M. François Goulard.

Mais, à ma connaissance, la négociation sur la réduction du temps de travail au ministère des finances n'a pas été engagée. Si votre sousamendement était adopté, monsieur Gremetz, je crains donc que vous ne mettiez en difficulté grave quelqu'un que vous soutenez tous les jours par vos votes dans cet hémicycle. C'est une incohérence à laquelle vous ne nous avez pas habitués !

M. Maxime Gremetz.

Vous n'avez rien compris ! Je veux que M. Strauss-Kahn montre l'exemple !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, vous imaginez bien que je ne peux pas laisser attaquer ainsi un de mes collègues, en l'occurrence

M. Dominique Strauss-Kahn.

M. Bernard Accoyer.

Surtout lui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais tout de même rappeler deux règles de base à

M. Goulard qui semble les avoir oubliées.

Premièrement, le code du travail ne s'applique pas à la fonction publique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin et M. Hervé Morin.

C'est bien dommage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Deuxièmement, les suppressions d'emplois dans la fonction publique ne sont pas des licenciements. Il s'agit d'emplois en moins, mais personne ne perd son emploi.

Pour les « Michelins », convenez que les choses sont un peu différentes ! Mais vous entendiez sans doute faire preuve d'humour.

M. le président.

Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement no 1046.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

54 Nombre de suffrages exprimés .................

54 Majorité absolue .......................................

28 Pour l'adoption .........................

6 Contre .......................................

48 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il y a des traîtres parmi vous, monsieur Gremetz.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 164 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Delnatte, présente un amendement no 773 ainsi libellé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« IV. - Il est inséré au chapitre III, titre VII, livre septième du code du travail, un article L.

773-18 ainsi rédigé :

« Art. L.

773-18.

- L'article L.

212-1 du code du travail ne s'applique pas aux assistantes maternelles. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir cet amendement.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement vise à appeler l'attention de notre assemblée sur les difficultés créées par la réduction du temps de travail dans un certain nombre de secteurs, notamment celui du service aux personnes, que ce soit pour les associations intervenant dans le domaine de la petite enfance ou pour les aides à domicile en milieu rural - les ADMR nous ont d'ailleurs fait part de leur inquiétude.

Je voudrais donc savoir si, pour ces professions à caractère social de service aux personnes, le Gouvernement est disposé à octroyer un délai ou à procéder à des aménag ements.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cet amendement est sans objet. L'aticle L.

212-1 du code du travail n'est pas applicable aux assistantes maternelles.

C'est l'article L.

773-1 qui régit ces professions et il répond déjà largement à vos préoccupations, monsieur Accoyer. Bref, vous redécouvrez ce qui existe déjà dans le code du travail.

M. le président.

L'amendement est-il maintenu, monsieur Accoyer ?

M. Bernard Accoyer.

Il est possible que j'aie commis une erreur. Par conséquent, je le retire.

M. le président.

L'amendement no 773 est retiré.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 681, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« IV. - Les dispositions du présent article s'appliquent en l'absence de stipulations d'une convention collective ou d'un accord d'entreprise fixant une durée du travail différente de la durée légale. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il s'agit, avec une formulation différente, d'un amendement que nous avons déjà examiné et qui avait été cosigné par les trois groupes de l'opposition.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

L'amendement est-il maintenu, monsieur Goulard ?

M. François Goulard.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 681.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 676 de M. Warsmann n'est pas soutenu.

M. Thierry Mariani.

Je le soutiens !

M. le président.

L'amendement no 676 est présenté par

M. Warsmann, qui est absent.

M. Thierry Mariani.

Mais je peux le défendre !

M. le président.

Sans doute, mais d'après le règlement, un amendement qui n'est pas défendu par son auteur n'a pas à être mis en discussion. Je ne vous apprends rien.

M. Thierry Mariani.

En effet, vous ne m'apprenez rien, mais jusqu'à présent, l'usage constant dans les discussions parlementaires...

M. Bernard Accoyer.

Jusqu'à une réforme bizarre du règlement !

M. Thierry Mariani.

... était que l'on pouvait défendre les amendements déposés par un député de son groupe si ce collègue était absent.

M. le président.

Soit.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 676, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« V. Toute entreprise pourra invoquer une clause de sauvegarde et obtenir deux années supplémentaires, au cas où la diminution du temps de travail serait susceptible d'entraîner une perte substantielle de compétitivité, notamment lorsque la masse salariale représente au moins 20 % de la production de l'entreprise ou lorsque plus de 50 % de la production de l'entreprise sont exportés. »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour défendre cet amendement.

M. Thierry Mariani.

L'amendement no 676 de notre collègue Warsmann est particulièrement pertinent, puisqu'il prévoit une clause de sauvegarde en faveur des entreprises particulièrement soumises à la concurrence. Si cet amendement était adopté, elles obtiendraient un délai de deux ans supplémentaire, afin que l'application de la loi sur les 35 heures n'aboutisse pas à des pertes d'emplois.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 676.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Masdeu-Arus, Dupont, Lasbordes, Estrosi, Mme Mathieu-Obadia et M. Doligé ont présenté un amendement, no 155, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« IV. Un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement est tenu de présenter au Parlement un rapport sur les effets de cette loi en termes d'emplois et de compétitivité des entreprises.

« Si l'efficacité de cette loi n'est pas reconnue, le Gouvernement devra déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi autorisant les entreprises, par la voie conventionnelle et la négociation de branche, d'entreprise ou d'établissement à se soustraire au dispositif de la réduction du temps de travail. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour défendre cet amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement, que je vais défendre très rapidement, propose d'organiser une observation objective des effets de la réduction du temps de travail, grâce à la mise en place d'un observatoire chargé de dénombrer les emplois créés.

Pour éviter les déclarations péremptoires dans un sens ou dans l'autre nous, nous estimons que la réduction du temps de travail entraînera une baisse importante ou une stagnation de l'emploi ; le Gouvernement affirme au contraire qu'elle favorisera une croissance de celui-ci , il n'y a qu'un moyen : organiser une observation objective et incontestable.

Ce serait d'ailleurs un moyen particulièrement heureux qui permettrait soit de renforcer le texte s'il est bon, et ce en réduisant davantage le temps de travail ce que souhaitent les Verts, mais je crois qu'ils n'ont pas encore convaincu le Gouvernement , soit de le rectifier si l'on constate qu'il conduit à des délocalisations, à une baisse des investissements en France, à un ralentissement de la croissance ou à un moindre développement de nos entreprises.

Il est donc proposé, par cet amendement, la création d'un observatoire et le dépôt d'un rapport au Parlement sur les effets de la loi sur la réduction du temps de travail.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rappoteur.

La commission a repoussé cet amendement en se fondant sur les mêmes arguments que ceux que vient d'utiliser M. Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Ca veut dire quoi ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'amendement no 155 ne prévoit pas la création d'un observatoire. Il tend simplement à obliger le Gouvernement à présenter au Parlement un rapport sur les effets de la loi dont nous discutons. C'est ce que j'ai fait, comme je m'y étais engagée, pour la loi précédente. Et je suis prête à m'engager à nouveau à présenter chaque année un bilan au Parlement.

Cela dit, vous contestez les chiffres fournis par les fonctionnaires, ce qui est une drôle de façon de faire confiance à la fonction publique. Il faut tout de même que l'on arrive, dans notre pays, à reconnaître que les fonctionnaires sont indépendants,...

M. Georges Sarre.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... sinon on n'est plus dans une démocratie. Il faut cesser de dire que les chiffres des études réalisées par des organismes publics sont bidons.

J'ai été fonctionnaire alors que l'opposition actuelle était au pouvoir. J'ai toujours fait mon travail, et je suis convaincue que les fonctionnaires de mon ministère, quelles que soient leurs convictions, font de même.

Chaque année, un bilan sera présenté au Parlement.

Pour cela, il n'est pas nécessaire de créer un observatoire, il suffit de faire confiance à nos fonctionnaires, qui respectent parfaitement leur devoir de réserve et la déontologie de leurs fonctions.

M. Alfred Recours et M. Yann Galut.

très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y aura un rapport chaque année, je m'y engage.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Les chiffres sont une chose. Leur interprétation en est une autre !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 155.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Bur, Blessig, Mme Boisseau, MM. Gengenwin et Morin ont présenté un amendement, no 888, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« IV. Avant le 1er janvier 2000, le Parlement sera informé des conditions d'application de la loi no du pour l'ensemble du secteur sanitaire des établissements privés et médico-social. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je voudrais plaider une nouvelle fois pour le secteur sanitaire et médico-social dont les caractéristiques sont très particulières. C'est un secteur où le poids des charges salariales est important : 72 % des budgets en moyenne nationale. Le coût salarial y est élevé, alors que les gains de productivité y sont faibles, puisqu'il s'agit d'établissements qui fonctionnent en continu. De plus, ces établissements dépendent fortement des financeurs publics que sont essentiellement l'Etat, le conseil général et l'assurance maladie.

Pour bénéficier des aides à la réduction du temps de travail prévues par la loi du 13 juin 1998, ce secteur a conclu, début 1999, un accord relatif à la convention collective nationale du 31 octobre 1951. Les salariés ont consenti de gros efforts, en acceptant une diminution globale de plus de 2,5 % de leurs salaires et une réorganisation en profondeur de leur travail.

Or l'avenant no 99-01, qui a été revu à plusieurs reprises, n'a toujours pas été validé par votre ministère, madame la ministre, ce qui entraîne un blocage juridique pour 750 établissements. Pourtant, il s'agit d'un préalable nécessaire à la signature des accords d'entreprise ou d'établissement.

L'amendement que nous présentons a donc pour objet de faire en sorte que le Gouvernement fournisse sur ce sujet une réponse claire avant la fin de l'année.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'attendrai pas la fin de l'année, puisque j'ai déjà apporté cette réponse hier, mais, malheureusement, madame Boisseau, vous n'étiez pas là. L'accord dont vous parlez a été agréé hier et a été rendu public. Votre question est donc sans objet. Je regrette que nous n'ayez pas été présente hier, car vous auriez pu dormir tranquille une nuit de plus !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'ai été là la plupart du temps, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En tout cas, c'est la vérité !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il y a la manière, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'important, madame, c'est que l'agrément ait été donné.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Vous m'en voyez ravie !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh bien, je suis contente que vous soyez contente.

M. le président.

Ayant pris acte de la réponse de

M me la ministre, retirez-vous votre amendement, madame Boisseau ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je le retire, bien sûr, monsieur le président, puisque son objet concernait l'agrément de ces établissements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

L'amendement no 888 est retiré.

L'auteur de l'amendement no 653, M. Luca, étant absent,...

M. Thierry Mariani Monsieur le président, j'aimerais défendre les amendements nos 653 et 652 de M. Luca, si vous le permettez.

M. le président.

Cher collègue, vous pouvez le faire...

M. Thierry Mariani.

Je vous remercie.

M. le président.

... mais vous devrez le demander à chaque fois. J'ajoute que cela n'est pas absolument conforme au règlement et que vous risquez ainsi de nous imposer des horaires peu raisonnables. C'est à vous de choisir ce qui est important et ce qui l'est moins.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, depuis le début de la législature, nous avons toujours pu défendre les amendements de nos collègues absents.

M. le président.

Si vous contestez la façon dont j'interprète le règlement, j'en ferai part au bureau de l'Assemblée, qui tranchera.

Les deux amendements nos 653 et 652, présentés par

M. Luca, peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 653 est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« Par ailleurs, le Gouvernement s'engage dès 2002 à réduire le taux de la TVA sur tous les biens de consommation afin de ne pas pénaliser le pouvoir d'achat des ménages ; cette mesure sera accompagnée d'une compensation pour le budget de l'Etat. »

L'amendement no 652 est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :

« IV. Par ailleurs, le Gouvernement s'engage dès 2002 à réduire le taux de la TVA concernant tous les biens de consommation relatifs aux loisirs, en priorité la culture et le sport, afin de ne pas pénaliser le pouvoir d'achat des ménages ; cette réduction de la TVA concernant tous les biens de consommat ion relatifs aux loisirs s'accompagnera d'une compensation pour le budget de l'Etat. »

La parole est à M. Thierry Mariani pour défendre ces amendements.

M. Thierry Mariani.

Ces deux amendements mettent l'accent sur les restrictions qui sont à craindre en ce qui concerne le pouvoir d'achat des salariés.

Madame la ministre, vous dites que les études ne sont pas « bidon ». Mais vous me permettrez de citer deux paragraphes d'un article paru tout récemment, intitulé

« Les augmentations restent victimes des trente-cinq heures » : « Le cran reste serré sur toutes les ceintures : celles des ouvriers, des cadres et des cadres supérieurs.

Voici à quoi pourraient se résumer les prévisions d'augmentations salariales 2000 délivrées par HayGroup, qui interroge chaque année un panel de 400 grandes entreprises. Ainsi, pour 2000, les ouvriers devront se contenter de 1,9 % d'augmentation contre 2,1 % en 1999, les cadres de 2,2 % contre 2,5 % et les cadres supérieurs de 2,4 % contre 2,9 %. C'est dire que, malgré les prévisions de croissance du ministère de l'économie... »

M. Jean Delobel.

Mme Soleil !

M. Yves Rome.

Paco Rabanne !

M. Thierry Mariani.

...

« 2,8 % en 2000, les salaires restent sévèrement encadrés, d'autant plus que la prévision d'inflation pour l'année prochaine est de 0,9 %. La principale raison de cette modération reste la même que celle l'année dernière : les 35 heures. »

L'amendement de M. Luca vise à atténuer la baisse de pouvoir d'achat que risquent de subir les salariés en proposant une réduction de la TVA. Je sais très bien que vous allez me répondre que la TVA a été augmentée par le précédent gouvernement en 1993...

M. Gérard Bapt.

En 1995 ! Et c'est ce même gouvernement qui, par ailleurs, a affaibli le pouvoir d'achat.

M. Thierry Mariani.

Vous êtes au gouvernement depuis bientôt trois ans. En 2002, vous en serez à votre cinquième et, je l'espère, dernière année. Vous pouvez donc tout à fait prendre cet engagement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 653.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 652.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no 164 rectifié.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 983, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article L. 212-1-1 du code du travail est complété par un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« Pour le cas où l'employeur n'aurait pas tenu de comptabilisation de la durée du travail par un moyen connu du salarié et dont celui-ci ait été tenu informé des résultats, le doute sur l'existence ou le nombre d'heures de travail effectuées bénéficie au salarié. Les éléments fournis par le salarié sont réputés suffisants en l'absence de preuve contraire apportée par l'employeur. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Il se trouve que dans de nombreuses professions un grand nombre d'heures supplémentaires sont mal, pas ou peu comptabilisées. Dans la restauration, l'hôtellerie ou les cafés, il n'est pas du tout rare que la durée hebdomadaire de travail aille jusqu'à cinquante ou soixante heures. Il en va de même dans le commerce.

Et dans le nettoyage, la durée mensuelle peut atteindre 250 à 280 heures. Ces chiffres sont tirés du livre de Dominique Taddéi et Gilbert Cette, économistes bien connus, sur la réduction du travail. D'autres exemples sont cités, comme les grands chantiers publics où les durées moyennes hebdomadaires de travail sont comprises entre soixante et soixante-quatre heures. Il y a donc beaucoup d'abus, et certaines heures sont effectuées au-delà même de ce que tolèrent la santé publique et la santé des travailleurs eux-mêmes.

Certes, la jurisprudence évolue depuis plusieurs mois, notamment à l'initiative de la chambre sociale de la Cour de cassation, mais les conseils de prud'hommes et cer-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

taines cours d'appel ne prennent pas suffisamment en compte les prémisses de ce qu'on peut appeler le renversement de la charge de la preuve en matière d'heures supplémentaires. C'est pourquoi notre amendement propose de l'inclure dans la loi pour éviter le recours illicite à des dépassements abusifs de la durée du travail. En effet, il est bien évident qu'un salarié qui va devant les prud'hommes éprouve beaucoup de difficultés à fournir les preuves de l'existence des heures de travail effectuées puisqu'il a déjà été licencié. Or, si le code du travail impose à l'employeur de tenir une comptabilité précise de toutes les heures travaillées, cette obligation est rarement respectée. Heureusement, la chambre sociale de la Cour de cassation donne la plupart du temps raison au salarié qui, lui, a tenu une comptabilité des heures qu'il a faites.

Cet amendement propose donc que les éléments fournis par le salarié au juge pour prouver l'existence d'heures supplémentaires suffisent à lui donner raison.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Nous avons déjà eu ce débat en commission. La loi oblige le chef d'entreprise à tenir un décompte individuel pour tous les salariés qui ne relèvent pas de l'horaire collectif et l'oblige, par ailleurs, à fournir les éléments de décompte lorsqu'il y a un contentieux devant le juge. Si les éléments de décompte ne sont pas apportés, c'est le témoignage du salarié qui l'emporte.

Il me semble donc que le code du travail répond déjà à la préoccupation tout à fait légitime exprimée par notre collègue Cochet.

M. Yves Cochet.

Pas le code, la jurisprudence !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Mais je suis persuadé que Mme la ministre pourra préciser ce point encore mieux que le rapporteur.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mieux, ce n'est pas possible !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je comprends très bien le souci de M. Cochet, mais je crois que la jurisprudence y répond et qu'il n'est pas besoin d'aller jusqu'à la rédaction qu'il nous propose.

Que fait le juge lors d'un litige relatif au paiement d'heures supplémentaires ? Il se détermine en fonction de l'ensemble des éléments dont il dispose, ceux apportés par l'employeur comme ceux apportés par le salarié. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation et vous l'avez d'ailleurs très bien dit, monsieur Cochet indique très clairement que pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, le juge ne peut se fonder sur l'insuffisance de preuves apportées par le salarié - voir les arrêts Errera en 1998 et Lamiri en 1999. Car l'employeur a l'obligation de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires réalisés. Mais le salarié peut en tout état de cause - et l'arrêt Eurotherm Automation du 19 janvier 1999 vient de le préciser - se prévaloir des fiches de temps établies à la demande de l'employeur pour faire reconnaître les heures supplémentaires.

Je crois que nous devons en rester à cette jurisprudence qui permet à l'employeur, dans les cas les plus généraux, m ais aussi au salarié, lorsqu'il a délégation de l'employeur, de faire la preuve que des heures supplémentaires restent dues. Je remarque que la jurisprudence est déjà très protectrice pour le salarié, qu'elle est large sur les méthodes de preuve. Nous avons intérêt à garder cette vision des choses.

Je partage l'objectif de votre amendement, monsieur Cochet, mais celui-ci me semble aujourd'hui satisfait par la jurisprudence. Avis défavorable, donc.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

On assiste actuellement à un développement considérable des litiges liés au temps de travail devant les prud'hommes. C'est probablement l'une des conséquences du passage aux 35 heures. La réduction du temps de travail engendre, en effet, de nombreuses demandes de la part des salariés sur le calcul des heures supplémentaires.

J'ajouterai, pour rassurer M. Cochet, que les inspecteurs du travail sont aussi là pour faire respecter le décompte effectif du temps de travail.

M. Maxime Gremetz.

Il faudra créer beaucoup de postes !

M. Hervé Morin.

Mme Aubry en a prévu 350 dans son budget, me semble-t-il.

M. Maxime Gremetz.

C'est largement insuffisant !

M. Hervé Morin.

J'ai connaissance d'une lettre circulaire envoyée par l'inspection du travail à toutes les entreprises des Yvelines, leur demandant, en vertu du code du travail, d'établir des fiches pour tous les horaires individuels et d'être en mesure de prouver par tous moyens que le décompte des horaires a été effectué.

Il ne semble donc pas que le contrôle de l'inspection du travail et la jurisprudence de la Cour de cassation suffisent largement pour faire respecter les droits des salariés.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Au tribunal de Montmorency, dans le Val-d'Oise, le délai de jugement est souvent de un an et demi à deux ans. Un salarié qui réclame des heures supplémentaires a donc le temps d'être paupérisé.

Si la mesure que je propose, qui s'inspire de la jurisprudence au plus haut niveau, était inscrite dans le code du travail, les prud'hommes auraient une moins lourde charge de travail, ce qui accélérerait les procédures.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais, il me semble que vous-même, vous renvoyez au juge, monsieur le député.

M. Yves Cochet.

Non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous dites bien que c'est devant le juge que les éléments de la preuve doivent être apportés par l'employeur. Je partage entièrement votre point de vue quant à la lenteur des prud'hommes. Mais je voudrais tout de même rappeler qu'à ma connaissance - et le directeur de la direction du travail peut en attester - il n'y a pas eu de conflits sur les heures et sur la durée du travail depuis les 35 heures. Si vous avez des informations différentes, monsieur Morin, je serais ravie de les avoir car elles n'ont pas été portées à ma connaissance ni à celle de mon administration.

M. Hervé Morin.

Je vous les transmettrai.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Volontiers ! Je comprends bien le souci de M. Cochet, mais sa rédaction ne permet pas d'y répondre plus facilement car elle implique aussi, et c'est bien normal d'ailleurs, de passer devant les prud'hommes. Encore une fois, mon-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

sieur Cochet, je partage votre objectif. Mais la jurisprudence actuelle, en confiant la preuve à l'employeur, tout d'abord, et s'il n'est pas capable de l'apporter, au salarié, qui a délégation de l'employeur, est tout à fait protectrice pour le salarié.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 983.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 984, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Il est créé, dans la section I du chapitre II du t itre Ier du livre II du code du travail, un article L. 212-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-1-2. - Tout salarié soumis à un aménagement de son temps de travail bénéficie de contreparties pertinentes et proportionnelles aux sujétions professionnelles et personnelles imposées. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Les amendements nos 984 et 985 sont des amendements qu'on pourrait qualifier de principiels.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Yves Cochet.

De principe ! A chaque fois qu'il sera question dans le texte de modulation, de perturbation de la vie familiale, de cycles, de travail de nuit, d'heures supplémentaires, de variations d'horaires préjudiciables, de forfait de travail, de temps partiel, des contreparties seront nécessaires pour protéger les salariés.

Je propose donc d'introduire un principe général en vertu duquel tout salarié soumis à un aménagement du temps de travail, bénéficie de contreparties. Cela fait dix ans que les partenaires sociaux - je sais que vous les aimez beaucoup, mesdames, messieurs de l'opposition -s ont favorables au principe des contreparties puisqu'en 1989, le CNPF et les organisations syndicales ont signé un accord national interprofessionnel pour étendre son champ d'application à tout aménagement du temps de travail.

Le projet de loi doit établir ce principe au lieu d'y revenir à chaque fois de manière générale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Nous avons eu aussi un débat à ce sujet en commission. Nous sommes d'accord, comme souvent, avec M. Cochet sur les modalités et sur le principe, (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

Le rapporteur est toujours d'accord, mais ils ne retient aucun amendement !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Simplement nous sommes en désaccord sur l'endroit où il faut l'insérer dans le code du travail. Il me semble préférable de l'introduire précisément là où la question se pose.

La commission a repoussé cet amendement tout en espérant que vous vous associerez, monsieur Cochet, aux amendements présentés plus loin dans le texte et qui reprennent les mêmes principes.

M. Bernard Accoyer.

L'entreprise de séduction va-t-elle réussir ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le rapporteur a été très clair : nous sommes d'accord sur le fond. Nous souhaitons seulement placer ces principes chaque fois que cela est nécessaire dans le texte. J'espère que M. Cochet partagera cette position.

M. Bernard Accoyer.

Il va craquer !

M. le président.

Monsieur Cochet, maintenez-vous votre amendement ?

M. Yves Cochet.

Oui, car il permet une économie.

Enonçons le principe des contreparties une bonne fois pour toutes, pour gagner du temps. Il suffira, à chaque fois, de s'y référer. Je rappellerai en outre qu'il fait l'objet d'un consensus entre les partenaires sociaux depuis dix ans.

M. le président.

La parole est à M. Gremetz. Parlezvous contre l'amendement ?

M. Maxime Gremetz.

Pour ! Je suis toujours pour !

M. le président.

Normalement, vous ne pourriez prendre la parole que contre. Mais par exception au règlement, je vous donne la parole.

M. Maxime Gremetz.

Je ne suis pas comme le rapporteur. Il est toujours pour au départ, et il finit toujours par dire « mais non ». Rappelez-vous, on a surnommé un président de la République « M. Oui, mais » et il n'a pas duré longtemps.

M. Thierry Mariani.

En effet, il a mal fini !

M. Maxime Gremetz.

Pour ma part, je n'ai pas de restrictions. Plusieurs de nos amendements vont dans ce sens. Je soulignerai aussi que le CNPF, qui n'était pas encore le MEDEF mais qui était bien le représentant des patrons, a négocié avec toutes les organisations syndicales et est parvenu à un accord sur le principe des contreparties.

Nous ne sommes pas toujours d'accord, monsieur Cochet, mais je pense comme vous, et nous le dirons ensemble, haut et fort, ce soir et plus tard, que c'est un bon principe qui nous éviterait de revenir constamment sur la question des contreparties.

J'ai compris ce que voulait dire M. Cochet. Je suis donc favorable à cet amendement qui, à mon avis, est important et, de plus, ne coûtera rien à l'Etat. Les employeurs profitent de l'augmentation de productivité, de la flexibilité, il est bien légitime qu'il y ait des contreparties. Je suis donc résolument pour l'amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne nous attardons pas trop longtemps sur ce point. Nous sommes tous d'accord sur le fond. Ou bien nous trouvons un endroit où préciser qu'une souplesse dans un accord doit toujours avoir des justifications économiques et sociales, ou bien nous l'indiquons à chaque fois.

Encore une fois, je suis d'accord avec le principe mais je pense que l'endroit proposé par M. Cochet pour insérer une telle disposition n'est peut-être pas le meilleur. Je propose que nous nous mettions d'accord pour trouver le bon endroit d'ici à la seconde lecture. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 984.

(L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Rappel au règlement

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour un rappel au règlement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

S'agissant de la discussion des amendements, je souhaiterais quelques précisions, monsieur le président. En effet, l'alinéa 3 de l'article 100 de notre règlement dispose que « l'Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance », mais il n'est nulle part indiqué dans le règlement que l'amendement doit être soutenu par son auteur. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point, monsieur le

président

? Je souhaiterais ensuite une suspension de séance de dix minutes, pour que nous puissions en tirer toutes les conclusions pour la suite du débat ; nous n'aurons pas trop de ce temps pour y réfléchirs.

M. Bernard Accoyer.

Et pour méditer votre réponse, monsieur le président !

M. le président.

Chère collègue, je peux déjà vous donner une indication. Notre règlement comporte non seulement la disposition que vous avez citée, mais également une autre - c'est l'alinéa 7 du même article 100 - selon l aquelle « hormis le cas des amendements visés à l'article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire. »

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le président.

J'ajoute qu'ayant participé, comme d'autres ici sans doute, à la réforme de notre règlement, à l'époque sous la direction du président Philippe Séguin, et ayant vu comment lui-même appliquait ce règlement, je suis son exemple.

Cela dit, vous m'avez demandé une suspension de séance que je vais vous accorder.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 985, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Il est créé, dans la section I du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, un article L. 212-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-1-3. - Tout accord doit préciser les données économiques et sociales qui justifient le recours à chaque aménagement du temps de travail. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Comme l'amendement précédent, il s'agit d'un amendement de principe, que je crois bien placé. La justification de la mise en oeuvre d'un dispositif dérogatoire d'aménagement du temps de travail a été prévue par le législateur de 1982 et par celui de 1987 en matière de modulation. Il s'agit là d'un principe du droit figurant dans le code civil qui prévoit que tout accord doit avoir une cause. Dans le code du travail on parle plutôt de justification. Plutôt que rappeler cette règle pour chaque aménagement, la loi peut le prévoir de manière générale. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a adopté un amendement à l'article 3 selon lequel les conventions ou accords de modulation doivent préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à cette modulation et je crois qu'il faut s'en tenir strictement à une telle référence. Je propose donc à M. Cochet de retirer son amendement et de nous retrouver sur celui que nous avons d'ailleurs voté ensemble à l'article 3.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je partage tout à fait l'avis de M. le rapporteur et j'espère que M. Cochet rejoindra la commission sur son amendement auquel le Gouvernement donnera ultérieurement un avis favorable.

M. le président.

Monsieur Cochet, cédez-vous à ces sirènes ? (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La question est mal posée, monsieur le président !

M. Yves Cochet.

Je ne dirai pas cela ainsi, monsieur le p résident. Nous en avons effectivement discuté en commission et dans la mesure où il s'agit surtout de modulation, il sera peut-être en effet plus intéressant de placer une telle disposition à l'article 3. Je retire donc mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 985 est retiré.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 986, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article L. 212-2 du code du travail, est inséré l'alinéa suivant :

« Toutefois, le recours à l'astreinte ne pourra pas faire obstacle aux repos et congés ni être imposé plus de huit jours par mois à un même salarié. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

En 1982, voici donc dix-sept ans, il avait été prévu par ordonnance que des décrets devaient fixer les conditions de recours aux astreintes. Un seul décret est paru, qui concernait le secteur agricole dont nous parlerons d'ailleurs à l'article 17.

Pour éviter les abus et suivre la jurisprudence, il faut limiter, ou du moins encadrer le recours aux astreintes. Je remarque que deux autres amendements relatifs aux astreintes no 1027 de M. le rapporteur et no 800 de M. Gremetz vont venir en discussion dans quelques instants ; leur énoncé est d'ailleurs beaucoup plus long que le mien. J'attends donc l'avis du rapporteur et du Gouvernement, en précisant que mon amendement no 986 ajoute un peu à ces amendements.

Les amendements nos 1 027 et 800 sont aussi des amendements de principe qui définissent les astreintes, et j'en suis d'accord.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Pour ma part, je considère qu'il faut fixer quelques limites. Mais il ne suffit pas de définir qualitativement une astreinte. Voilà pourquoi je propose d'indiquer que le recours aux astreintes ne doit pas faire obstacle aux repos et aux congés et qu'un salarié ne peut être sous astreinte plus de huit jours par mois.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

M. Gremetz n'étant pas là, j'allais presque m'autoriser un « oui, mais » par rapport à l'amendement de M. Cochet.

(Sourires.)

Nous aurons un débat complet sur les astreintes lorsque nous aborderons l'amendement qui vous est présenté par la commission, amendement que M. Cochet a d'ailleurs voté, et qui tend à définir le régime des astreintes de manière plus précise.

Il est donc prématuré de retenir une disposition qui pose en outre un vrai problème de fond.

Je propose donc à M. Cochet de retirer son amendement no 986. Sinon je demanderai à l'Assemblée de confirmer le vote de la commission, qui était défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que M. le rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, contre l'amendement.

M. Bernard Accoyer.

Notre collègue Cochet méconnaît c ertainement ce qui se passe dans l'hospitalisation publique, où l'astreinte atteint souvent une fréquence d'un jour sur deux. Ne serait-ce que pour cette raison, son amendement est déplacé.

D'autres établissements, innombrables,...

M. Yves Cochet.

On ne parle pas du secteur privé !

M. Bernard Accoyer...

dont ceux de l'hospitalisation privée, d'ailleurs, y ont fréquemment recours. Le problème est donc trop complexe, l'astreinte a trop de conséquences sur la vie des entreprises, en particulier des établissements de soins, pour qu'on puisse légiférer à la va-vite.

M. le président.

Monsieur Cochet, maintenez-vous votre amendement ?

M. Yves Cochet.

Non. Je vais retirer cet amendement, en me réservant la possibilité de proposer des compléments utiles aux amendements nos 800 et 1027.

M. le président.

L'amendement no 986 est retiré.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 987, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le début du troisième alinéa de l'article L.

212-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Sauf en matière d'équivalences, il peut être dérogé... » (le reste sans changement).

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Il s'agit ici d'équivalences, et il se trouve là encore qu'un autre amendement, que j'ai moimême proposé, traitera du même sujet.

Je retire donc cet amendement no 987, pour discuter d'un autre amendement, plus général, qui viendra ultérieurement.

M. le président.

L'amendement no 987 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements nos 105, 165 et 1020, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 105, présenté par M. Sarre,

Mme Marin-Moskovitz, MM. Desallangre, Roland Carraz, Jean-Pierre Michel, Carassus, Suchod et Saumade, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article L.

212-4 du code du travail est supprimé. »

Les amendements nos 165 et 1020 sont identiques.

L'amendement no 165 est présenté par M. Gorce, rapporteur, MM. Cochet, Gremetz et les commissaires membres du groupe communiste, Mme Marin-Moskovitz, M. Rome et les commissaires membres du groupe socialiste ; L'amendement no 1020 est présenté par MM. Cochet, Gremetz, Mme Marin-Moskovitz, MM. Rome, Gorce, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère, Marchand, les membres du groupe communiste et apparentés, MM. Carassus, Carraz, Desallangre, Jean-Pierre Michel, S arre, Suchod, les membres du groupe socialiste, MM. Charasse, Charles, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Pontier, Rebillard, Rigal, Mme Robin-Rodrigo, MM. Schwartzenberg, Tourret, Vernaudon.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article L.

212-4 du code du travail est ainsi rédigé :

« Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis au premier alinéa sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail, ils peuvent faire l'objet d'une rémunération par voie conventionnelle ou contractuelle. Le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires ou par le règlement intérieur ou par le contrat de travail, est considéré comme du temps de travail effectif. »

La parole est à M. Georges Sarre, pour soutenir l'amendement no 105.

M. Georges Sarre.

Madame la ministre, mon intervention sera imprégnée du ton et de l'esprit d'ouverture que vous attendez. (Sourires.)

M. François Goulard.

Quelle ironie !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il y a de l'acidité, d'aucuns diraient du sarcasme...

M. Georges Sarre.

Vous allez y voir beaucoup d'affection, beaucoup de compréhension, pour ne pas dire de tendresse... (Sourires.)

Nous avions déposé un amendement ayant trait à la définition du travail effectif. Il visait à supprimer le deuxième alinéa de l'article L.

212-4 du code du travail, qui rendait flous les contours de cette notion de travail effectif.

Nous entendions garder les entreprises de certaines tentations : grignotage, chasse aux temps morts systématique.

Ce type de pratiques appartient au passé taylorien et n'a certainement pas sa place dans une organisation moderne.

La nouvelle définition légale introduite par la loi du 13 juin 1998 a marqué un progrès en appréhendant le travail en tant que temps subordonné, en incluant les temps de pause dans la mesure où les salariés doivent rester sous les directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à leurs occupations personnelles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Il ne restait plus qu'à supprimer le deuxième alinéa, cette ancienne définition du travail effectif héritée de l'avant-guerre, définition qui exclut casse-croûte, temps d'habillage et d'inaction.

Nous retirerons notre amendement pour nous rallier à la solution arrêtée en commission que nous considérons comme suffisamment protectrice des intérêts des salariés.

Cette définition permettra de prendre en compte l'essentiel des temps de pause et de restauration dont le régime peut varier selon la nature de l'entreprise.

Avec cette définition, nous contribuerons à ce que les 35 heures ne se fassent pas par une manipulation du décompte du temps de travail et une intensification de ce dernier. Les pauses de courte durée font partie du temps de travail, elles sont nécessaires aux salariés pour pouvoir continuer à produire et constituent une véritable respiration pour l'entreprise.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire en retirant notre amendement et en nous ralliant à l'autre.

M. le président.

L'amendement no 105 est retiré.

La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l'amendement no 165.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, je propose de p résenter en même temps l'amendement no 165 et l'amendement no 1020 puisqu'ils sont identiques, tant typographiquement que sémantiquement.

M. le président.

Volontiers.

M. Yves Cochet.

Jadis, la relation de travail était une sorte de lien personnel entre employeur et salarié. C'était il y a bien longtemps. On ne comptait pas son temps.

C'était l'époque du paternalisme, avec toutes ses dérives.

A l'époque contemporaine, comme dit un auteur que certainement beaucoup d'entre nous ont lu, le chronomètre est entré dans l'atelier. Car la relation de travail est passée du lien personnel à un échange de prestations : salaire contre travail. Le salaire se mesure en francs, bientôt en euros, et le travail se mesure en temps et plus précisément en heures.

Aujourd'hui, il faut trouver une définition à la fois qualitative, positive, substantielle et précise du temps de travail. L'an dernier, en introduisant un nouvel alinéa en tête de l'article L.

212-4 nous avions indiqué que le travail était marqué par un lien de subordination du salarié à l'employeur. C'était le principe. Il convenait d'aller plus loin.

C'est cette définition du travail effectif que ces deux amendements proposent.

Je pourrais citer beaucoup d'entreprises où il est évident que le fait de revêtir un habit professionnel fait partie du temps de travail. C'est le cas des travailleurs du bâtiment, sur les chantiers. C'est le cas lorsqu'on s'habille en « Shadok » pour aller visiter les installations nucléaires.

C'est le cas d'autres travailleurs.

A Disneyland Paris, curieusement, il y a un accord de 35 heures. Mais celui-ci n'intègre pas le temps d'habillage et de déshabillage. C'est tout de même curieux, car les gens qui se déguisent en Belle au bois dormant ne le font pas pour leur plaisir personnel ! (Sourires.)

Le temps d'habillage et de déshabillage fait bien évidemment partie du temps de travail effectif.

C es amendements identiques présentent l'avantage d'avoir été signés par l'ensemble des députés de la majorité, qui ont ainsi manifesté leur accord. Il nous reste à obtenir l'accord du Gouvernement. Mais j'espère que, grâce à vous, madame la ministre, nous pourrons adopter ces amendements qui constitueront une grande avancée dans le code du travail et qui permettront de signer de bons accords de 35 heures.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je tiens à souligner, monsieur le président, que cet amendement a demandé beaucoup de travail. Et de la même manière qu'il y a eu tout à l'heure une présentation à trois voix d'un amendement de l'opposition, je souhaiterais que ces amendements identiques soient présentés par les composantes de la majorité qui ont participé à leur élaboration.

M. Cochet vient de le faire, il serait tout à fait important que M. Gremetz puisse s'exprimer.

M. le président.

Vous allez au-devant de mon intention, monsieur le président, puisque je m'apprêtais à l'y inviter.

La parole est donc à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Il s'agit bien d'un amendement commun. Lors de la discussion de la première loi, un débat conséquent, pour ne pas dire plus, avait eu lieu sur la définition de la durée effective du temps de travail.

Nous avions fait un progrès mais l'expérience aidant, nous avons observé qu'une partie d'un article du code du travail se trouvait en contradiction avec cette disposition de la loi. Certaines directions s'appuyèrent alors sur le code du travail pour exclure du temps de travail effectif pauses, déshabillage, habillage, douche, etc.

La question est importante et je crois que nous avons progressé de façon évidente.

Pour ce qui est des pauses, nous avons vu que, en l'absence d'aides publiques, les dispositions de la première loi ne trouvent pas lieu de s'appliquer. Dès lors, à défaut d'être utilement étendues, ces dispositions apparaissent plus restrictives que protectrices, comme l'illustre de manière tout à fait significative l'accord négocié au sein du groupe Intermarché. En effet, sont déduites d'office du travail effectif, sans que les salariés puissent fermements'y opposer, les quelque deux heures de pause hebdomadaires.

Pour ce qui est des voyages professionnels, il s'agit, là encore, de prendre en compte l'évolution de l'organisation du travail dans les entreprises tout en la conciliant avec la nécessaire amélioration des conditions de travail de nos concitoyens. De plus en plus nombreux sont les salariés qui accomplissent quotidiennement leur prestation de travail à plusieurs centaines de kilomètres du lieu de leur établissement habituel, empruntant pour ce faire, sur ordre de mission, la voiture, le train ou même l'avion.

De cette manière, ils sont souvent amenés à allonger sensiblement leur journée de travail, qui passe de huit à douze, voire quatorze heures, et ce au détriment de leur vie personnelle et familiale, sans parler du respect du repos quotidien de onze heures.

Aussi nous semble-t-il essentiel de définir clairement par la loi le temps de travail effectif. Cela apparaît crucial si l'on veut assurer l'effectivité de la réussite de la réduction du temps de travail et l'amélioration des conditions de travail de tous les salariés.

L'amendement no 165 me convient parfaitement, je ne renie pas ma signature. Cependant, de nombreuses organisations syndicales de salariés ont appelé mon attention sur le fait que, pendant les pauses de courte durée, les salariés ne peuvent vaquer librement à leurs occupations personnelles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Il s'agit donc d'éviter les manoeuvres telles que celles développées, par exemple chez Auchan, où on attribue à une caissière qui commence à neuf heures une pause de vingt minutes à neuf heures trente. On lui précise qu'elle peut circuler dans la galerie marchande. On conviendra que cette employée ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles. Le temps qu'elle quitte son poste de travail et qu'elle y revienne, la moitié de la pause est déjà absorbée. Les mêmes remarques valent pour la pause réglementaire des chauffeurs routiers.

Voilà pourquoi je désire proposer un sous-amendement qui consisterait à compléter l'amendement no 165 par la phrase suivante : « Les pauses rendues obligatoires par une d isposition légale ou réglementaire sont considérées comme du temps de travail effectif. » Je dois avouer que

je n'y avais pas pensé auparavant.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

J'ai une question précise à poser concernant le temps de restauration. Si j'ai bien compris, vous considérez qu'il doit être inclus dans le temps de travail ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non !

M. Yves Cochet.

Le temps de restauration sur place !

M. Hervé Morin.

Soyons précis ! M. Waquet, tous les quinze jours, nous explique que c'est lui qui fait le droit social dans ce pays. Il serait bon que le législateur puisse lui indiquer ce qu'on entend par « temps de restauration ». Ce temps est-il consacré au casse-croûte ? L'affaire est assez importante, madame la ministre. Donnez-nous des précisions ! Ce temps de restauration couvre-t-il le déjeuner du midi ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non !

M. Maxime Gremetz.

Vous ne savez pas qu'on mange le casse-croûte à l'usine ? Au pied de la machine ?

M. le président.

Mes chers collègues, nous voici en train de faire un travail de commission !

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, les travaux de l'Assemblée doivent pouvoir éclairer la jurisprudence.

C'est le sens même du travail législatif. Il est donc important de savoir que le temps de restauration considéré comme temps de travail effectif ne couvre pas le temps du déjeuner du midi.

M. Alfred Recours.

... lorsque les critères définis au 1er alinéa sont réunis.

M. le président.

Si j'ai bien compris, M. Gremetz va me faire parvenir un amendement no 1020 rectifié.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non ! Un sous-amendement.

M. le président.

Formellement, comme c'est un amendement qu'il a proposé lui-même, cela s'appelle un amendement rectifié. Mais cela n'a aucune importance ; le résultat est le même.

M. Maxime Gremetz.

Il faut admettre qu'on puisse se tromper et se rectifier soi-même ! C'est le choix de l'intelligence.

M. le président.

Absolument. Vous n'êtes pas d'accord, monsieur Cochet ?

M. Yves Cochet.

Votre suggestion se heurte à un petit problème formel, monsieur le président. En effet, l'amend ement no 1020 a été rédigé collectivement par l'ensemble des groupes de la majorité. Tout le monde l'a signé. Que M. Gremetz veuille le sous-amender, je le comprendrais, mais il ne peut pas le rectifier.

M. le président.

Nous allons effectivement considérer qu'il s'agit d'un sous-amendement.

Je suis donc saisi par M. Gremetz d'un sous-amendement, auquel est attribué le numéro 1049, ainsi rédigé :

« Après la première phrase de l'amendement no 1020, insérer la phrase suivante :

« Les pauses rendues obligatoires par une disposition légale ou réglementaire sont considérées comme du temps de travail effectif. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Le débat s'est à nouveau engagé sur le temps de travail effectif, et c'est bien normal puisque la nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article L.

212-4 vise à préciser le statut de certaines périodes ou certains laps de temps qui ne sont pas directement du temps de travail et pour lesquels le législateur doit donner une indication claire.

Mais les deux alinéas de l'article s'apprécient naturellement l'un par rapport à l'autre : le premier pose des critères - être à la disposition de l'employeur, se conformer à ses directives, ne pas pouvoir vaquer à des opérations personnelles - et c'est au regard de ces critères que doit se lire le deuxième. Il précise que certains de ces temps - temps de pause, temps de restauration, temps d'habillage et de déshabillage - sont des temps de travail effectifs, mais sous réserve, bien entendu, qu'ils répondent aux critères fixés.

Si l'on ajoute une phrase concernant spécifiquement les temps de pause légaux ou réglementaires - je pense à la disposition que nous avons votée en 1998 pour transposer la directive européenne et qui prévoit une pause de vingt minutes toutes les six heures - cela signifie que ce temps deviendrait automatiquement du temps de travail effectif, quelles que soient les conditions dans lesquelles il est effectué, c'est-à-dire sans considération des critères énoncés au premier alinéa. D'une certaine façon, nous serions ainsi amenés à nous déjuger au regard des critères que nous avons fixés après un débat extrêmement dense et extrêmement riche en 1998. Par conséquent, l'avis du rapporteur ne peut être que défavorable.

On voit bien l'intention qui inspire ce sous-amendem ent. Mais il faut rester cohérent par rapport à l'ensemble du dispositif. L'équilibre juridique auquel nous sommes parvenus et qui a recueilli l'accord de tous les groupes de majorité me semble devoir être préservé. Cette rédaction donne une indication claire aux négociateurs et permet de se référer à des critères simples, ceux qui ont été codifiés voilà plus d'un an.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Entre la loi de l'année dernière et celle-ci, si elle est votée, nous aurons précisé et modernisé le droit du temps de travail sur un des points qui pose le plus de problèmes, en prenant en compte la jurisprudence la plus avancée. Nous aurons aussi prévenu bien des conflits dans les entreprises sur la définition du travail effectif.

Cette nouvelle rédaction doit beaucoup à M. Cochet et, pour cette fois, à M. Gremetz, qui s'est associé à lui, ainsi d'ailleurs que l'ensemble de la commission.

A M. Morin, qui n'était pas parmi nous l'année dernière,...

M. Jacques Barrot.

Nous n'avions pas cette chance !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... malheureusement pour nous, en effet, je répondrai que nous avions déjà intégré le principe de la jurisprudence selon lequel « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». C'est au regard de ce premier alinéa que l'on doit lire le second, que nous avons modernisé. Nous avions maintenu l'année dernière le « casse-croûte » qui, il faut bien le reconnaître, était un peu obsolète, voire ringard.

M. Yves Cochet.

C'est un mot qu'emploie volontiers M. Seillière !

M. Alfred Recours.

Parce qu'il est lui-même ringard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est donc à la lumière du premier alinéa qu'il faut examiner l'amendement qui rédige le second. La restauration comme les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut pas vaquer à ses occupations. M. Gremetz en a donné tout à l'heure un exemple, celui du salarié qui est obligé - c'est souvent le cas pour le travail en continu de déjeuner d'un casse-croûte, pour le coup, au pied de la machine, tout en continuant à la surveiller : je pense aux hauts-fourneaux dans la sidérurgie. L'employeur peut à tout moment l'appeler. Il s'agit bien d'un temps de travail effectif lorsque le salarié doit déjeuner sur place.

M. Hervé Morin.

Mais pas s'il déjeune à la cantine !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non ! A la cantine, ce n'est pas du travail effectif.

En ce qui concerne l'habillage et le déshabillage effectués dans l'entreprise, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives, réglementaires ou par le règlement intérieur, ces temps sont considérés comme du temps de travail effectif.

Avec ces deux lois, nous aurons à la fois modernisé le code du travail et évité un certain nombre de conflits ou de retours en arrière qui ne manquaient pas de se produire dès que l'on évoquait la durée du travail. Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements identiques.

Il est, en revanche, défavorable pour les mêmes raisons que M. le rapporteur au sous-amendement de M. Gremetz. Si, comme il le propose, toutes les pauses légales ou réglementaires devaient être du temps de travail, le repos journalier de onze heures que nous avons voté le serait aussi. Je n'imagine pas, monsieur Gremetz, que vous vouliez aller aussi loin !

M. Maxime Gremetz.

Non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous allez donc voter avec nous l'amendement que vous avez signé. Nous sommes parvenus, entre l'année dernière et cette année, à une rédaction tout à fait intéressante qui apporte une sécurité juridique et qui ne permet pas les retours en arrière sur le travail effectif. C'était loin d'être évident et c'est une belle avancée sur laquelle l'ensemble des groupes de la majorité se sont retrouvés. Le Gouvernement s'en félicite.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Résistez au chant des sirènes, monsieur Gremetz !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Quelques mots, monsieur le président, pour expliquer pourquoi je ne voterai pas l'amendement no 1020.

Il me semble d'abord, à la lecture de l'exposé des motifs : « la mise en place de la RTT doit se traduire par une baisse effective du temps de travail », que l'on confond les problèmes. Et puis cet amendement met sur le même plan des situations fort différentes, en particulier pour ce qui concerne les tenues de travail. Certaines sont difficiles à revêtir et l'habillage doit bien sûr être intég ré dans le temps de travail. Mais il n'en va pas de même pour les uniformes, qui sont souvent mis à la maison.

Cet amendement est extrêmement imprécis. Une nouvelle fois, comme l'année dernière, on improvise quelque peu le rédactionnel.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1049.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements no 165 et 1020.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 166 et 1021.

L'amendement no 166 est présenté par M. Gorce, rapporteur, et M. Cochet ; l'amendement no 1021 est présenté par MM. Cochet, Gremetz, Mme Marin-Moskovitz, MM. Rome, Gorce, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hasc oët, Mamère, Marchand, les membres du groupe communiste et apparentés, MM. Carassus, Carraz, Desallangre, Jean-Pierre Michel, Sarre, Suchod, les membres du groupe socialiste, MM. Charasse, Charles, Defontaine, F ranzoni, Honde, Nunzi, Pontier, Rebillard, Rigal,

Mme Robin-Rodrigo, MM. Schwartzenberg, Tourret, Vernaudon.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article L.

212-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes ne constituent pas du temps de travail effectif mais peuvent être rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs. »

Sur l'amendement no 166, MM. Barrot, Morin et Mme Boisseau ont présenté un sous-amendement, no 896, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du dernier alinéa de l'amendement no 166, insérer la phrase suivante : "Il peut être dérogé aux dispositions des décrets visés au 1er alinéa relatives aux temps et inactions visés au deuxième alinéa de l'article L.

212-4 ou être organisé de tels temps en l'absence d'un tel décret." » La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 166.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Puisque nous avons deux amendements identiques, je souhaite que les deux inspirateurs de cette rédaction puissent la défendre, M. Gremetz et M. Cochet.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Quel tandem !

M. le président.

Ce sera donc M. Cochet pour le premier amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. Yves Cochet.

L'ancienne rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 mentionnait également les temps d'inaction. Ce terme, que M. Accoyer jugerait peut-être trop imprécis, a donné lieu depuis très longtemps à un débat sur le régime des équivalences.

Les équivalences, cela peut porter sur des durées considérables puisque, comme je le rappelais en citant les bons passages d'un excellent livre, dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, par exemple, on travaille actuellement 43 heures payées 39. Voilà ce que signifie l'équivalence : on travaille plus pour être payé comme les autres.

M. Hervé Morin.

Et les routiers ?

M. Yves Cochet.

Pour les routiers, le recours aux équivalences est vraiment très exagéré. Vous avez raison, monsieur Morin, il faut diminuer leur temps de travail. Ils ont d'ailleurs manifesté récemment pour l'obtenir.

Ce régime d'équivalence peut parfois se comprendre dans certaines professions, dans la mesure où les salariés ont des contreparties. Par exemple, dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, ils peuvent se restaurer sur place. Néanmoins, il faut limiter, bien entendu, les équivalences, les encadrer, les border, et c'est ce que nous proposons de faire en comblant le vide juridique résultant de la disparition, dans le nouveau libellé, de la référence aux temps d'inaction.

Un petit incident s'est produit à la fin juin. La chambre sociale de la Cour de cassation a cru bon, dans le commentaire d'un arrêt portant sur un autre point, de préciser qu'un régime d'équivalence pouvait éventuellement être créé par un simple accord d'entreprise. Quel danger ! C'était prendre le risque de très larges débordements, d'équivalences léonines qui ne seraient pas contrôlées collectivement : 55 ou 60 heures payées 39 ! Il nous a donc semblé de notre responsabilité politique d'indiquer qu'un régime d'équivalence pouvait dans certains cas se justifier, mais qu'il devait être défini soit par décret simple après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en conseil d'Etat à défaut d'un accord entre les partenaires sociaux. Ainsi, la loi indiquera clairement que les accords d'entreprise ne peuvent pas, à eux seuls, mettre en place un régime d'équivalence.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre l'amendement no 1021.

M. Maxime Gremetz.

J'en suis cosignataire, mais il pose un vrai problème.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Il n'est plus d'accord !

M. Maxime Gremetz.

Ça arrive !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Avec des alliés pareils, plus besoin d'adversaires !

M. Maxime Gremetz.

Il ne faut pas être trop sûr de soi, il faut rester modeste et toujours faire vérifier ce que l'on signe par les spécialistes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Place du ColonelFabien !

M. Maxime Gremetz.

On voit bien quelle est notre intention. Or les juristes et inspecteurs du travail que j'ai consultés m'ont dit que cet amendement réduirait à néant l'avancée réalisée avec le précédent amendement sur le travail effectif.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Eh oui !

M. Maxime Gremetz.

Ecoutez, je ne suis pas un spécialiste du droit social. Je ne suis pas allé à l'université.

J'étais délégué du personnel, pas plus.

Cette nouvelle proposition atténue pour le moins la portée de l'amendement cosigné sur la définition du deuxième alinéa de l'article L.

212-4, en introduisant une notion qui permettrait de contourner le temps réel par des heures dites d'équivalence. Or je sais, monsieur Cochet, que nous avons le même souci : les équivalences, on ne peut pas les voir en peinture !

M. Yves Cochet.

C'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

Face à une telle démonstration, je me dis qu'il y a quelque chose à revoir. Je n'ai pas de jugement définitif sur la question. Mais je soumets ces remarques à la sagesse de l'Assemblée. Il ne faut pas croire que l'on a la vérité révélée. Il y a des gens comme ça, détestables, sûrs d'eux, dominateurs. Moi, je pense qu'il faut écouter les gens compétents à qui l'on demande conseil.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Barrot, pour soutenir le sous-amendement no 896.

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, ce sous-amendement s'efforce de resituer le texte dans l'esprit de la loi du 13 juin 1998. Son objet est de permettre aux dispositions conventionnelles de répondre à la grande diversité des situations, diversité que vous avez reconnue à l'instant, monsieur Cochet, en admettant que la notion d'équivalence n'était pas à prohiber dès lors qu'elle reposait sur des contreparties. Mais je ne comprends pas que vous suspectiez l'accord d'entreprise au point de ne pas admettre qu'il puisse définir une équivalence s'il n'est pas frappé d'opposition. Cela ne me semble pas conforme à l'intitulé de cette loi qui se réfère à la réduction négociée du temps de travail. S'il n'est même pas possible de recourir à la notion d'équivalence dans un accord d'entreprise non frappé d'opposition, que va-t-on faire ? Vous avez fait état de commentaires de la Cour de cassation mais l'arrêt du 29 juin 1999 consacre que l'équivalence conventionnelle est une dérogation et qu'elle peut naître, de ce fait, soit d'une convention, soit d'un accord de branche étendu, soit d'un accord d'entreprise non frappé d'opposition.

Derrière ce problème d'équivalence, c'est la possibilité de négocier certaines situations concrètes qui est en cause et cette défiance à l'égard des acteurs sociaux me paraît révélatrice d'un état d'esprit...

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

M. Jacques Barrot.

... que je ne peux pour ma part accepter.

Voilà pourquoi nous attachons une grande importance à ce sous-amendement no 896.

L'amendement de la commission n'est certes pas sans reproche et sans faiblesse, mais l'adoption de ce sousamendement permettrait, au moins, de laisser les portes ouvertes à une vraie négociation sur le terrain à partir de la réalité vécue de l'entreprise.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 166 et 1021 et le sous-amendement no 896 ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Nous avons évoqué cette question précédemment. La commission a eu le souci, sur la proposition de M. Cochet à laquelle se sont associés les groupes de la majorité, de préciser les conditions dans


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lesquelles pouvait être mis en place un régime d'équivalence. Ce régime est défini par l'article L. 212-4 du code du travail.

En juin 1999, la Cour de cassation, par une innovation juridique qu'on avait déjà un peu pressentie, a estimé qu'on pouvait faire référence à une autre disposition du code du travail, qui prévoit des dérogations au droit relatif au temps de travail pour mettre en place des mécanismes d'aménagement permettant de justifier l'idée que des régimes d'équivalence puissent être décidés par accord d'entreprise. Nous prendrions le risque de voir n'importe quelle entreprise ou établissement décider de déroger à la durée légale de 35 heures en mettant en place des temps d'équivalence, 39 heures pour 35, ou 43 pour 39 aujourd'hui. On pourrait ainsi contourner la loi simplement par la négociation d'entreprise.

C'est tout le contraire de ce que nous voulons faire.

Les amendements présentés par M. Cochet et par M. Gremetz visent à ramener dans les règles initiales la mise en place d'un régime d'équivalence. Dans notre esprit, ces régimes d'équivalence doivent progressivement tomber en extinction. Il ne s'agit en aucune façon de permettre leur extension. La rédaction proposée, monsieur Gremetz, vise bien à limiter au maximum la possibilité de mettre en place de tels régimes à l'avenir en la soumettant à un décret pris après une convention ou un accord de branche étendu ou à un décret en Conseil d'Etat.

Bien sûr, les régimes d'équivalence déjà en place ne seront pas remis en cause immédiatement - un temps d'adaptation est absolument nécessaire - mais l'objectif est bien d'encadrer strictement les équivalences.

En conclusison, si la commission souhaite que les amendements soient adoptés, elle émet un avis très défavorable sur le sous-amendement de M. Barrot.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le régime d'équivalence est, par définition, un régime dérogatoire à la durée du travail, et au travail effectif, M. Gremetz a eu raison de le rappeler. Depuis dix ans, il est en voie d'extinction, alors qu'il existait dans de nombreux secteurs.

Pour certains secteurs, peu nombreux, les équivalences sont encore utiles, je pense au secteur des transports routiers ou dans les hôtels, cafés, restaurants. Pour les amener vers la réglementation commune, sans prévoir une réglementation particulière, il faut, même si nous faisons confiance aux partenaires sociaux, introduire cette clause t rès importante du décret, après conclusion d'une convention collective ou d'un accord.

Nous apportons, par rapport à la législation actuelle, deux précisions : d'une part, une convention collective de branche et un décret, donc une intervention des pouvoirs publics, sont nécessaires, d'autre part, nous revenons sur la jurisprudence que M. Barrot veut justement intégrer, selon laquelle un simple accord d'entreprise pourrait établir des équivalences.

L'équivalence est une dérogation à une clause d'ordre public social. Nous devons rester dans l'exception. C'est l'objet de l'intervention réglementaire que constitue le décret. Tel est mon point de vue, monsieur Gremetz.

Nous avons intérêt à ce que ces régimes rejoignent peu à peu le régime général. Il y a encore quelques années, il y avait des équivalences dans le nettoyage, la propreté et dans presque tout le secteur du commerce. Peu à peu, nous avons réussi à les supprimer. Espérons que nous y arriverons dans les quelques secteurs qui restent. Je crois que l'intervention des pouvoirs publics, l'interdiction de mettre en place des équivalences par un accord d'entreprise sont deux avancées importantes qui conduisent le Gouvernement à donner un avis positif aux amendements nos 166 et 1021 déposés par M. Cochet et M. Gremetz.

M. le président.

La parole est à M. Cochet.

M. Yves Cochet.

Je voudrais juste préciser, dans le sens des interventions de M. le rapporteur ou de Mme la ministre, et pour bien me faire comprendre de M. Barrot, que je suis favorable à la disparition progressive du régime des équivalences qui concerne surtout les personnels de gardiennage et de surveillance dans les banques, certains magasins de vente au détail de denrées alimentaires, les cliniques et maisons de santé, les hôtels, cafés et restaurants. Je tiens à votre disposition les critiques très vives émises par tous les syndicats de salariés, y compris Force ouvrière, à l'encontre du régime des équivalences.

La jurisprudence depuis plusieurs années consiste à restreindre à la fois le champ professionnel autorisé pour les équivalences et la portée de ces équivalences, par voie légale ou réglementaire.

Notre démarche va tout à fait dans ce sens. En effet, notre amendement - et là je me tourne vers mon collègue M. Maxime Gremetz - vise non pas à étendre le champ des équivalences mais au contraire à le réduire.

Contrairement à la possibilité qu'ouvrait l'arrêt de la Cour de cassation - cela n'avait jamais été fait avant - ce n'est certainement pas un accord d'entreprise qui pourra créer un régime d'équivalence. Il faudra passer par un décret.

C'est le pouvoir réglementaire qui fixera des équivalences et qui n'aura de cesse - en tout cas, tant que nous serons là - d'essayer de les réduire.

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours.

Le sous-amendement de notre collègue Barrot est très intéressant parce qu'il répond aux interrogations de Maxime Gremetz.

M. Yves Rome.

Un écho !

M. Alfred Recours.

En effet, ce sous-amendement vise à permettre que des accords d'entreprise créent des équivalences, justifiant ainsi la crainte exprimée par les juristes qu'a consultés notre collègue Gremetz.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Alfred Recours.

Les débats du Parlement ont aussi pour objet d'éclairer, pour la jurisprudence ultérieure, la volonté du Parlement. En l'occurrence, nous sommes opposés aux équivalences telles qu'elles sont pratiquées aujourd'hui, cela a été rappelé par Mme la ministre, par le rapporteur et par notre collègue Cochet. Nous souhaitons que les équivalences soient strictement limitées par la nécessité d'un décret après accord de branche ou, à défaut, d'un décret en Conseil d'Etat. Nous sommes logiques.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Parfait !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Sans polémiquer, je voudrais répondre à Mme la ministre que toutes les équivalences ne concernent pas l'ordre public social. Enfermer toute


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

possibilité d'équivalence dans la sphère purement réglementaire me paraît à la fois trop rigoureux et une manifestation de défiance à l'égard des partenaires sociaux.

Vraiment là, cela a déjà été fort bien dit par mes collègues, je trouve que vous allez trop loin.

M. Alfred Recours.

Pas du tout !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On ne va pas trop loin parce que jusqu'à l'arrêt de janvier 1999, il n'avait jamais été possible d'étendre les équivalences par accord d'entreprise.

M. Alfred Recours.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et pourtant, les entreprises ont pu fonctionner depuis 1945.

Ce n'est pas parce que la jurisprudence a décidé aujourd'hui que, par simple accord d'entreprise, on pouvait déroger à une clause d'ordre public social que le législateur doit le suivre.

C'est la jurisprudence de juin 1999 qui va trop loin et c'est bien elle que nous n'acceptons pas.

M. Alfred Recours.

Très bien !

M. Hervé Morin.

Il n'y avait pas de décret avant.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 896.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 166 et 1021.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements nos 800, 1027 et 988, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 800, présenté par MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malavieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article L.

212-4 du code du travail est complété par sept alinéas ainsi rédigés :

« Les astreintes sont les périodes hors travail effectif tel que défini au présent article et durant lesquelles un salarié accepte des restrictions à sa liberté d'aller et venir, hors des locaux de l'entreprise, afin d'intervenir, à tout moment, sur appel de son employeur, pour accomplir un travail urgent.

« Les astreintes ne sont possibles que dans les branches professionnelles où une convention ou un accord collectif étendu l'a prévu.

« Les astreintes ne sont autorisées que dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Celui-ci, ou un avenant qui lui est annexé, prévoit les modalités pratiques des astreintes.

« La convention ou l'accord prévoit notamment les compensations minimales en termes de repos, le volume maximal annuel et mensuel des astreintes et le salaire minimal dû pour chaque heure d'astreinte, qui ne pourra être inférieur au tiers du salaire du salarié concerné.

« Le temps passé à effectuer un travail pendant les p ériodes d'astreinte est considéré et rémunéré comme du travail effectif avec une majoration minimale de 50 %. Il est comptabilisé dans la durée du travail hebdomadaire. Chaque intervention est valorisée pour au moins deux heures.

« Les modalités d'appréciation de recours aux astreintes sont fixées par décret en conseil des ministres.

« Une période d'astreinte n'étant pas une période de repos, il ne peut être imposé d'astreinte à un salarié ayant travaillé six jours dans la semaine civile ou n'ayant pas bénéficié de son repos quotidien minimum de onze heures. »

L'amendement no 1027, présenté par M. Gorce, rapporteur, et M. Gremetz, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 212-4 du code du travail, il est inséré un article L.

212-4 bis ainsi rédigé :

« Art. L.

212-4 bis. - Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.

« Ces astreintes sont mises en place par des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement, qui en fixent le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d'une convention ou accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu, sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail.

« La programmation individuelle des périodes d'astreintes doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins un jour franc à l'avance. En fin de mois, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d'heures d'astreintes effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante. Ce document, qui est tenu à la disposition des agents de contrôle de l'inspection du travail, est conservé pendant une durée d'un an. »

L'amendement no 988, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article L.

212-4 du code du travail est complété par l'alinéa suivant :

« Le temps d'astreinte est pris en compte comme temps de travail effectif pour au moins un tiers de la durée de l'astreinte. »

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement no 800.

M. Maxime Gremetz.

L'amendement no 800 vise à éviter le recours abusif aux astreintes. Celles-ci sont en effet de plus en plus utilisées sans véritable justification et de manière anarchique. Il convient de mieux définir les astreintes, d'une part, pour les différencier du temps de travail effectif ; d'autre part, pour leur donner un cadre légal assurant de vraies garanties aux salariés. Cette question n'a encore jamais été traitée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

En 1993, il a été prévu, dans l'article L. 212-2 du code du travail, que la voie réglementaire serait utilisée pour fixer les modalités de recours aux astreintes. C'est au législateur de donner la définition des astreintes et au décret d'édicter lesdites modalités.

L'amendement no 800 limite la possibilité de recours aux astreintes aux accords de branches professionnelles où une convention ou un accord collectif étendu l'a prévu.

De plus, les astreintes ne seraient autorisées que dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Nous suggérons enfin un système de paiement des heures d'astreinte qui tienne compte des différentes situations : intervention ou non du salarié, paiement d'un minimum de deux heures dès qu'il y a intervention. Les astreintes devraient permettre le repos journalier de onze heures consécutives prévu dans la loi.

Etant parvenu à une rédaction commune avec M. le rapporteur, je retire l'amendement au profit de l'amendement no 1027.

M. le président.

L'amendement no 800 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 1027.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'ensemble des groupes de la majorité, M. Cochet, M. Gremetz et tous ceux qui ont participé aux travaux de la commission, ont fait un gros effort pour tenter de clarifier des notions de notre code du travail qui restaient ambiguës ou qui étaient de nature à générer des contentieux ou à jouer contre les salariés : temps de travail effectif, régime des équivalences, maintenant régime des astreintes.

La rédaction qui vous est soumise vise à définir l'astreinte, à préciser qu'on doit la mettre en place d'abord dans un cadre conventionnel, sauf évidemment en cas d'impossiblité d'y parvenir, et à énumérer les protections qui sont accordées aux salariés en termes d'information, dispositions qui reprennent pour l'essentiel les garanties souhaitées par l'ensemble des collègues qui ont travaillé sur ce sujet.

Je prends acte du retrait de l'amendement de M. Gremetz. Je souhaiterais que M. Cochet puisse en faire autant pour l'amendement no 988, qui porte sur le même sujet.

M. Bernard Accoyer.

M. Cochet a l'habitude !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je crois en effet qu'il est satisfait par la rédaction commune à laquelle nous sommes, une fois de plus, parvenus.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 988.

M. Yves Cochet.

Oserai-je présenter mon amendement comme un sous-amendement à l'amendement présenté par M. le rapporteur ? Je me fonde là aussi sur plusieurs jurisprudences, tout à fait justifiées, de la Cour de cassation. J'ai sous les yeux un arrêt en date du 3 juin 1998, l'arrêt Lulbin contre Giraudet. M. et Mme Lulbin étaient gardiens de nuit dans une usine de la société Giraudet.

Après avoir signé un nouveau contrat, ces gardiens ont été licenciés. Ils ont alors saisi le conseil des prud'hommes pour réclamer une rémunération pour leurs heures d'astreinte.

Bien entendu, quand on est gardien de nuit, on peut regarder la télévision, boire un petit chocolat ou un café, etc. Il n'est pas question de dire que les heures d'astreinte sont du temps de travail effectif à 100 %. Mais les arrêts sont nombreux qui consistent à reconnaître une sorte de proportion entre le temps sous astreinte et ce que l'on peut considérer comme du temps de travail effectif. Je ne parle pas, bien entendu, de l'intervention réelle pendant l'astreinte, qui est du temps de travail effectif.

Que dit la chambre sociale de la Cour de cassation ?

Que l'astreinte correspond à peu près à un tiers du temps de travail.

Je me demandais, et je suis prêt à écouter vos arguments, si on ne pourrait pas transformer mon amendement en sous-amendement à l'excellent amendement de M. le rapporteur et de M. Gremetz pour bien préciser que le temps d'astreinte est pris en compte comme temps de travail effectif pour au moins un tiers de la durée de l'astreinte. Beaucoup de gens attendent une telle disposition.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ce point ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La règle en la matière consiste à considérer que le temps passé en astreinte et qui donne lieu à une intervention est du temps de travail effectif. La solution que vous préconisez reviendrait à transposer des dispositions appliquées par la jurisprudence à des cas particuliers à l'ensemble des situations l'avis de la commission ne peut être que négatif.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin, contre l'amendement.

M. Hervé Morin.

L'amendement du rapporteur est totalement inutile. Il entre tout à fait dans le cadre de l'inflation législative qui caractérise ce texte, puisqu'on ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation.

La Cour de cassation a en effet fixé des règles claires, connues de tous. Aujourd'hui, nous trouvons le moyen de les figer dans le code du travail. C'est franchement inutile.

Au contraire, puisque cet amendement prévoit la négociation et la convention collective, laissons aux partenaires sociaux le soin de fixer les règles afin que la Cour de cassation puisse ensuite éventuellement se prononcer en fonction de la jurisprudence qu'elle a pu établir.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, madame la ministre, la conjonction de ces trois amendements est intéressante et nous montre comment la majorité plurielle parvient à une voie moyenne.

D'un côté, il y a un amendement de M. Gremetz qui paraît non pas inopérant, mais dangereux.

M. Maxime Gremetz.

Oh !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il est écrit dans votre amendement, monsieur Gremetz, que les astreintes ne sont autorisées que dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Est-ce à dire que si un salarié soumis à des astreintes est malade ou en congé de maternité, par exemple, il ne pourra pas être remplacé par un salarié soumis aux mêmes astreintes ?

M. Maxime Gremetz.

Oh ! madame Bachelot, vous êtes de mauvaise humeur ce soir !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

De toute façon, vous ne tenez pas compte, pas plus que M. Cochet d'ailleurs, de l'extraordinaire variété de formes que peuvent revêtir les astreintes. Il y a des astreintes de nuit, des astreintes de jour. Certaines consistent en de simples per-


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manences téléphoniques, d'autres obligent à des interventions à l'extérieur. Il n'y a aucune comparaison entre prendre dans la journée un simple coup de téléphone et avoir de nuit à quitter son domicile pendant une heure ou deux.

Face à ces amendements maximalistes.

(Exclamations sur les bancs du goupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous attaquez la Cour de cassation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'était un jeu de mots douteux, je le reconnais. Je reprends donc le débat de ma phrase : face à l'amendement de M. Gremetz et à celui de M. Cochet, tendant à ce que le temps d'astreinte soit pris en compte pour au moins un tiers de la durée de l'astreinte - ce qui ne tient aucun compte de l'extraordinaire variété des astreintes - M. Gorce a, pour se sortir de la difficulté, présenté au nom de la commission des affaires culturelles un amendement qui, comme vient de le dire excellemment mon collègue Hervé Morin, ne sert à rien, si ce n'est à accroître encore un peu plus la paperasserie et les formalités auprès de l'administration : en fin de mois, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d'heures d'astreintes effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé, tenir ce document à la disposition des agents de contrôle de l'inspection du travail...

M. Yves Rome.

C'est bien le moins !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... et le conserver pendant une durée d'un an.

Pensez à ce que sera déjà dans une petite entreprise le calcul des heures supplémentaires, celui du SMIC et l'établissement des nouveaux bulletins de salaires ! Vous voulez encore leur ajouter une formalité de plus ? Ne voyez-vous pas que les chefs d'entreprise sont en train de crouler sous la paperasse et que cela ne sert à rien d'autre qu'à décourager un peu plus l'esprit d'entreprise dans notre pays ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Au contraire, cela clarifie les choses !

M. Yves Cochet.

Et réduit le nombre des contentieux, madame ! Les chefs d'entreprise seront moins traînés devant les tribunaux.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Contrairement à Mme Bachelot, je considère que nous avons intérêt à écrire dans le code du travail des règles claires supprimant toute insécurité juridique pour les uns et pour les autres afin d'éviter tout contentieux en la matière.

L'amendement sur les astreintes présenté par la commission est un bon texte et le Gouvernement y donne un avis favorable. Par contre, je suis défavorable à l'amendement no 988 présenté par M. Cochet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1027.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 988 n'a plus d'objet.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 991, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Il est créé après le chapitre III du titre I du livre II du code du travail un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Harmonisation des temps sociaux

« Art. L.

214-1. Le maire, en liaison le cas échéant avec les maires des communes limitrophes, favorise l'harmonisation des horaires des services publics avec les besoins découlant, notamment du point de vue de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, de l'évolution de l'organisation du travail dans les activités implantées sur le territoire de la commune ou à proximité.

« A cet effet, il réunit, en tant que de besoin, les représentants des organismes ou collectivités gestionnaires des services concernés et les met, le cas échéant, en relation avec les partenaires sociaux des entreprises et des collectivités afin de promouvoir la connaissance des besoins et de faciliter la recherche d'adaptation locale propre à les satisfaire. »

La parole à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Je pense, madame Bachelot, que Mme Boisseau et vous-même serez sensibles à ma proposition d'harmonisation des temps sociaux. Il est beaucoup question de réorganisation du travail dans les entreprises dans un secteur, ou une zone géographique donnée, et notamment dans les bassins d'emploi. Les élus locaux savent que des problèmes pourront se poser pour la synchronisation des temps sociaux, entre les nouveaux horaires des salariés, les heures d'ouverture et de fermeture des entreprises et, par exemple, les horaires des entreprises de transport ou des services publics. Il me semble donc très important que, corrélativement au passage aux 35 heures, dans les entreprises, les élus locaux que nous sommes pour beaucoup d'entre nous - personnellement, je n'ai pas de mandat local parce que je suis favorable au non-cumul des fonctions - se soucient de ce qui va se passer dans les entreprises de leur commune afin qu'il y ait une articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle. C'est une priorité majeure de la politique de réduction du temps de travail.

Un salarié est aussi un citoyen et un être humain à part entière. Aussi, demander aux maires de trouver, par le biais de réunions et de travaux de recherche au niveau local, une conciliation entre les horaires des services publics, les contraintes familiales et les nouveaux horaires des entreprises me semble être la moindre des choses. Le maire peut jouer à cet effet un rôle de « facilitation », comme en témoigne l'exemple italien.

Telles sont les raisons pour lequelles je vous propose cet amendement que j'ai intitulé « harmonisation des temps sociaux ».

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'amendement a été retiré par M. Cochet, après un long débat, en commission.

M. Yves Cochet.

Je le propose à nouveau en séance publique.

M. Gaetan Gorce, rapporteur.

Comme toujours, M. Cochet pose un vrai problème mais il n'apporte pas vraiment la meilleure solution possible ! Cela dit, je laisse le soin au Gouvernement de nous apporter les éclaircissements nécessaires. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si je puis me permettre l'expression, c'est à la manière d'une patate chaude que vous me refilez cet amendement, monsieur le rapporteur ! (Rires.)

Je dois dire que j'y suis très sensible. Nous avons tous insisté sur le fait que la réduction de la durée du travail était un projet de société et que nous devions arriver à mieux concilier les temps : les temps des services publics, les temps du travail, les temps familiaux...

Alors que les services publics vont passer aux trentecinq heures, inviter les maires, sans qu'ils y voient une obligation, à s'interroger sur une harmonisation des horaires des services publics avec les besoins des familles et des salariés, me semble constituer un bon début de réflexion sur l'harmonisation des temps sociaux.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

M. Thierry Mariani.

C'est purement intentionnel !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a des maires qui l'ont déjà fait !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, contre l'amendement.

M. Germain Gengenwin.

Tous les maires de France, par ma voix, disent merci à M. Cochet ! (Sourires.)

M. Yves Cochet.

J'ai été conseiller municipal !

M. Germain Gengenwin.

Madame la ministre, pouvezvous réellement concevoir d'impliquer les maires dans la discussion sociale d'une commune ou d'un canton ? Pouvez-vous réellement imaginer que, dans la pratique, il soit fait appel à eux au moindre conflit ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr !

M. Germain Gengenwin.

Ce serait un très mauvais cadeau à leur faire que de les instituer en médiateurs dans de telles discussions. Je suis résolument contre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils favoriseraient l'harmonisation des discussions. Cela procède d'une conception intelligente du métier de maire !

M. le président.

La parole est à M. Alfred Recours.

M. Alfred Recours.

Contrairement à mon collègue Yves Cochet, je suis également maire, du moins aussi longtemps que le Sénat n'aura pas adopté l'excellente loi de l'Assemblée nationale sur la limitation du cumul des mandats. Au fil des législations qui ne cessent de s'accumuler sur le sujet, les maires ont à s'occuper d'une multitude de contraintes de la vie quotidienne et à régler les problèmes s'y rattachant. Prenons garde à ne pas ajout er une obligation supplémentaire à celles qui les assaillent déjà, même si elle n'est qu'une incitation.

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Alfred Recours.

Car ce qui n'est aujourd'hui qu'incitation pourrait bien, un jour, devenir décret ou circulaire d'application !

M. Germain Gengenwin.

Voilà !

M. Alfred Recours.

Je saisis l'occasion pour, très gentiment et très calmement, exprimer mon « ras-le-bol » de voir s'allonger la liste des domaines dans lesquels il est demandé aux maires d'intervenir sans qu'ils en aient toujours les moyens : problèmes de bruit et de sécurité, problèmes causés par les chiens, application des normes européennes pour les marchés du mercredi, du jeudi ou du dimanche, et j'en passe.

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. Alfred Recours.

Je dis clairement, sans avoir l'impression de saisir une patate chaude, que je suis contre l'amendement de notre collègue Cochet.

M. Germain Gengenwin.

Merci, monsieur Recours, de venir au secours des maires !

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Je suis personnellement favorable à la limitation du cumul des mandats, mais j'en vois déjà les inconvénients. L'amendement dont nous discutons maintenant est proposé par un élu qui, n'étant pas maire d'une commune, ne se rend pas compte de ce que peut être la vie d'un élu local et n'a aucune idée des nombreuses sollicitations auxquelles il est chaque jour soumis.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Moi qui aspire à un mandat local, je suis favorable à cet amendement !

M. Hervé Morin.

Je me demande même si un tel amendement ne va pas me faire changer d'avis et me rendre favorable au cumul des mandats. Il n'y a plus qu'à proposer un sous-amendement pour suggérer que le maire tienne également compte pour l'harmonisation des temps sociaux des horaires de l'ensemble des cultes célébrés dans la commune et il sera complet ! (Sourires.)

Franchement, ce n'est pas sérieux.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Etant moi-même maire, je considère que cet amendement, fort sympathique au demeurant, madame la ministre, est totalement inapplicable.

C'est une déclaration de principe. Il n'y a aucune sanction.

Première question : pourquoi alourdir un texte par une déclaration de principe ? J'y vois également, comme l'a signalé notre collègue, le risque que, dans quelques mois ou dans quelques années, un décret ne soit pris qui rende la mesure obligatoire.

Seconde question : pourquoi limiter ces obligations, aussi sympathiques soient-elles, aux maires ? Pourquoi ne pas imposer les mêmes aux préfets ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non ! Le maire est un élu.

M. Thierry Mariani.

Pourquoi les limiter aux seuls services publics des mairies ? J'étais ce matin même dans ma mairie où j'ai pris connaissance d'un nouveau décret sur les problèmes d'assainissement. Pitié pour les maires ! Je crois qu'ils ont assez de travail. S'il leur faut encore s'occuper des horaires de travail dans les entreprises de leur commune, c'est trop. L'amendement est totalement inapplicable.

Oui, le texte est sympathique. Oui, la mesure est généreuse. Mais c'est une intention gratuite qui n'a pas à figurer dans la loi.

M. Hervé Morin.

Redonnons à la loi ses vertus !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 991.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements nos 203 et 989, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 203, présenté par MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malavieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi libellé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article L.

611-9 du code du travail est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« La durée et les horaires de travail accomplis par chaque salarié font l'objet d'un enregistrement par tout moyen et chaque fois que possible par un système informatisé et sécurisé.

« Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la durée et les horaires de travail peuvent êtree nregistrés par un moyen mécanographique ou manuel.

« Ces systèmes enregistrent l'heure de début et de fin de chaque journée de travail et des pauses non rémunérées totalisent la durée de chaque journée et de chaque semaine de travail, établissent le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées et le nombre d'heures de travail accomplies depuis le début de l'année en cours.

« Une copie des enregistrements est remise au salarié sous la forme d'un document annexé au bulletin de salaire.

« Les renseignements fournis par les systèmes d'enregistrement sont conservés pendant cinq ans et sont tenus à la disposition des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise, des délégués syndicaux et de l'inspecteur du travail auquel, sur sa demande, est fournie une copie des enregistrement. »

Sur cet amendement, M. Accoyer et M. Mariani ont présenté un sous-amendement, no 786, ainsi rédigé :'

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement, no 203 supprimer les mots : "par tout moyen et". »

L'amendement présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article L.

611-9 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si le décompte des heures de travail effectuées par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique celui-ci doit être objectif et inaltérable, et mis à disposition par le chef d'établissement ou d'entreprise. »

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement no 203.

M. Maxime Gremetz.

Mon amendement vise à unifier le contrôle du temps de travail pour que sa réduction soit effective et favorise les embauches.

Sachant que seule la mise en oeuvre d'une réduction du temps de travail effective sera à même de favoriser la création massive d'emplois, il est indispensable de mettre à la disposition des salariés des moyens permettant un contrôle unifié et efficace du temps de travail.

Quand il a vu cet amendement, M. Mariani a sorti sa mitraillette. Mais, le connaissant, cela ne m'étonne pas et ne m'impressionne pas ! Contrairement à ce que l'on a pu entendre, notre préoccupation principale ne tend pas de manière simpliste à rétablir la pointeuse, encore qu'il y ait beaucoup de travailleurs qui la demandent. Vous ne devez pas savoir ce que c'est que la pointeuse ! Moi, je sais. Ce n'était pas si mal, d'ailleurs, car, grâce à elle, les patrons ne pouvaient pas nous voler du temps de travail !

M. Yves Cochet.

Exactement !

M. Maxime Gremetz.

L'obligation de contrôle des horaires est de toute manière prévue, monsieur Mariani, par les articles L.

611-9 et D.

212-18 et D.212-21 du code du travail.

Lorsque les employeurs souhaitent faire pointer leur personnel, ils s'en donnent les moyens et ne manquent pas de le faire. En revanche, et c'est là où réside le problème - lorsqu'il s'agit de dépasser les durées maximales autorisées ou de ne pas payer les heures supplémentaires, les textes actuels présentent des défauts tels qu'il est possible aux employeurs de ne pas enregistrer convenablement les heures réellement travaillées. Aussi, face aux patrons des plus grandes entreprises, telle Matra, qui sont, eux, tentés de refuser ce qui pourrait être un témoin gênant, ce sont des millions de salariés qui sont en droit de réclamer un moyen efficace et uniforme de contrôler la durée de leur temps de travail. La question est loin de ne concerner que les seuls cadres, mais j'attire tout de même votre attention, monsieur Mariani, sur le fait que 65 % d'entre eux y sont favorables afin de se protéger justement des horaires excessifs.

Mme Hélène Mignon.

Tout à fait !

M. Maxime Gremetz.

Par conséquent, des systèmes fiables d'enregistrement et de contrôle des heures de travail sont ressentis comme utiles et indispensables à la mise en place d'une réduction du temps de travail qui soit réellement effective et créatrice d'emplois.

Je vais répondre tout de suite, monsieur le président, si vous le permettez, à la kyrielle de sous-amendements quio nt été déposés sur cet amendement. Venant de M. Mariani, on peut s'attendre au pire mais, là, je dois avouer qu'il est tombé vraiment très bas.

M. le président.

Monsieur Gremetz, hormis le sousamendement no 786 de M. Accoyer et de M. Mariani, tous les sous-amendements ont été retirés.

Mme Hélène Mignon.

Tant mieux !

M. Maxime Gremetz.

Ils étaient tellement grossiers qu'il s'est senti obligé de les retirer. Il remonte un peu dans mon estime !

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l'amendement no 989.

M. Yves Cochet.

Mon amendement vient en complément de celui de M. Gremetz, que j'approuve et que je voterai. Mais je crois qu'il faut aller un peu plus loin...

M. Thierry Mariani.

Oh !

M. Yves Cochet.

J'ai en effet constaté dans plusieurse ntreprises, monsieur Mariani, que certains salariés demandent l'installation de systèmes automatiques d'enregistrement. On appelait cela les pointeuses autrefois. Elles étaient tombées en désuétude depuis un certain temps mais elles reviennent sur le devant de la scène. J'ai lu dans le dernier bulletin Liaison sociale que les cadres euxmêmes - qui en ont marre d'être stressés - préféreraie nt que le temps qu'ils passent au travail soit calculé.

Mais j'ai observé que, dans certaines entreprises, dont une dans ma circonscription, les pointeuses sont sous surveillance logicielle du patron et ne sont donc pas totalement objectives, le patron ayant la possibilité d'écrêter, de lisser, voire d'effacer des heures effectuées par les salariés.

Je ferai un parallèle avec les chauffeurs routiers, qui ont manifesté cette semaine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Au début, seul était compté le temps de conduite. Puis - M. Sarre, qui était alors ministre des transports, s'en souvient bien - on a installé ce qu'on a appelé des mouchards.

Mais les premiers mouchards n'étaient pas plombés !

M. Thierry Mariani.

Tout à fait !

M. Hervé Morin.

Ils étaient « traficables ».

M. Yves Cochet.

Exactement. On a heureusement, par la suite, installé des mouchards qui mesuraient exactement le temps pendant lequel le camion roulait.

C'est la même chose pour les pointeuses. Elles sont actuellement traficables. Un patron peut, par voie logicielle, supprimer des heures supplémentaires qu'il ne veut pas payer au salarié.

Je propose par mon amendement, que les systèmes d'enregistrement automatique, que l'on peut appeler pointeuses, soient, s'ils existent - je ne veux pas les rendre obligatoires - inaltérables.

M. Maxime Gremetz.

Très bien ! Je suis d'accord avec cet amendement !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour défendre le sous-amendement no 786.

M. Thierry Mariani.

M. Gremetz a prétendu que j'avais sorti ma mitraillette, mais je l'avais rangée avant même qu'il ne parle...

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas une mitraillette, c'est un bazooka !

M. Thierry Mariani.

M. Sarre ayant parlé de tendresse et M. Cochet évoqué la Belle au bois dormant (Sourires), j'ai décidé moi aussi de rester très calme : votre amendement, monsieur Gremetz, est dangereux.

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que certains salariés souhaitent voir leurs horaires clairement établis et même, dans certains cas, revenir à une forme de pointeuse - qui n'a effectivement rien de forcément péjoratif. En revanche, la manière dont votre amendement est rédigé est inquiétante à plusieurs titres.

Pour commencer, il ne fait référence qu'aux seuls salariés physiquement présents dans l'entreprise. Vous-même avez parlé du cas des travailleurs sur la route, dans le train, etc. Vous savez fort bien que le nombre d'entreprises où le salarié reste du début jusqu'à la fin de la journée dans les locaux devient de plus en plus limité d'où certains sous-amendements humoristiques imposant une balise Argos que j'avais déposés... Quid pour ceux qui ne sont pas physiquement présents dans l'entreprise ? Comment voulez-vous par exemple appliquer votre amendement dans le cas de travaux agricoles ? Ensuite, vous iriez jusqu'à enregistrer même les pauses non rémunérées. Je ne suis pas persuadé que les salariés y soient tous favorables. Vous voudriez de surcroît que tous ces documents soient tenus à la disposition des délégués du personnel. Là encore, je trouve que c'est aller un peu loin.

Enfin, comme l'a dit Mme Bachelot, que de paperasses supplémentaires pour les entreprises ! Si effectivement votre amendement peut se justifier dans une minorité de cas, sa rédaction très générale risque d'entraîner bon nombre de contraintes, y compris pour les salariés euxmêmes, qui n'ont pas forcément envie que leurs pauses non rémunérées ou autres soient connues de l'ensemble du personnel. D'où mon sous-amendement no 786.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendementno 203, l'amendement no 989 et le sousamendement no 786 ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé toutes ces propositions, estimant que les dispositions du code du travail apportent d'ores et déjà des réponses satisfaisantes en termes de contrôle et de décompte des horaires. Nous comprenons parfaitement les préoccupations exprimées par les auteurs des deux amendements, mais il ne nous a pas paru souhaitable d'aller aussi loin dans les modes de décompte, même s'ils se justifient par le souci légitime de faire appliquer réellement et concrètement les règles en matière de durée du travail.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis sur les deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question. Je suis, quant à moi, intéressé par la réalité vécue. Prenons l'exemple de La Défense. Sait-on d'abord que 65 % des cadres y pointent ? En fait, à La Défense, pratiquement tous les salariés pointent. Je suis allé moi-même le vérifier sur place avec Mme Nadine Garcia, membre du comité économique et social, qui est justement cadre à La Défense.

Je lui ai demandé comment cela se passait concrètement quand elle travaillait à l'extérieur. Dans ce cas, effectivement, il n'est pas possible de pointer. Elle m'a répondu que l'on procédait par le biais d'un ordre de mission que le cadre fait signer à son employeur : ainsi, la durée effective du travail accompli à l'extérieur de l'entreprise est décomptée. Par conséquent, monsieur Mariani, la difficulté que vous soulevez n'a rien d'insurmontable, y compris à La Défense où il ne s'agit pourtant pas d'ouvriers : ce sont des ingénieurs, des cadres, des techniciens, des employés. Tous souhaitent pointer, réclament même un contrôle car ils en ont assez de faire des journées à rallonge sans jamais toucher d'heures supplémentaires. Il faut tenir compte de la réalité des situations et des souhaits exprimés par les organisations syndicales et les salariés eux-mêmes. Je ne vois donc rien dans mon amendement qui soit choquant : il ne fait que répondre à un problème réel qui se pose de plus en plus souvent pour les cadres comme pour l'ensemble des salariés.

Quant à la proposition de mon collègue Cochet, j'y suis tout à fait favorable : c'est un amendement inoxydable.

(Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

J'ai regardé, hier, un reportage sur la chaîne publique France 2, où l'on voyait des cadres qui pointaient.

M. Maxime Gremetz.

Moi, je me suis carrément rendu sur place !

M. Yves Cochet.

Je ne sais si c'était à La Défense, monsieur Gremetz, mais c'était bel et bien pour eux un moyen de défense, si vous me pardonnez le jeu de mots.

Permettez-moi cet aphorisme : le temps, c'est de la vie et voler du temps, c'est voler de la vie. Je ne défends pas systématiquement la pointeuse, mais s'il y en a une, il faut qu'elle soit « inoxydable » ou plutôt inaltérable.

Mme Odile Saugues.

Inviolable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 786.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 203.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. Maxime Gremetz.

Par qui a-t-il été rejeté ?

M. le président.

Par le décompte des voix que j'ai pu effectuer.

M. Thierry Mariani.

Même la majorité est contre !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 989.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Accoyer, Marlin et Mariani ont présenté un amendement, no 895, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Les salariés exerçant des tâches de surveillance en m atière de sécurité peuvent déroger aux articles L.

212-1 et D.

212-16 du code du travail. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement m'a été inspiré par des salariés de ma circonscription qui compte plusieurs centrales nucléaires. En effet, la rédaction que vous nous proposez pour l'article 1er est totalement inapplicable dans le domaine de la sûreté. Il apparaît nécessaire d'y prévoir certaines dérogations, comme vous en avez accepté dans le domaine du transport.

Mon amendement concerne en particulier les surveillants de centrales nucléaires. Il vise à leur permettre, dans le cadre d'un service de vingt-quatre heures avec prise de service à huit heures, d'exercer leurs fonctions dans des conditions compatibles avec les exigences inhérentes à leurs missions. Il s'agit très souvent de services dits « 2448 » dont les salariés sont entièrement satisfaits. Une dérogation me paraît s'imposer dans ce cas précis.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 895.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Gengenwin, Weber, Blessig,

Mme Boisseau et M. Bur ont présenté un amendement, no 828, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Avant le 1er mars 2000, le Gouvernement présentera des mesures visant à adapter les contrats de formation en alternance avec la durée annuelle de 1 600 heures. »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Cet amendement n'a rien de trop exigeant : il tend simplement à demander au Gouvernement de présenter avant le mois de mars prochain un rapport sur l'application de la réduction du temps de travail aux apprentis et aux jeunes en contrat de qualification.

En effet, je ne voudrais pas que les jeunes en formation soient les oubliés de ce texte et les seuls à se retrouv er obligés de travailler encore trente-neuf heures - quoique je ne trouve pas scandaleux de consacrer quarante heures par semaine à sa formation lorsqu'on a dixhuit ou vingt ans. Mais votre texte prévoit de réduire la durée de travail à trente-cinq heures. Or le projet de loi fait totalement l'impasse sur les contrats de formation en alternance. Aucune disposition spécifique n'est prévue.

Deux problèmes peuvent se poser. Ces formations s'effectuent en principe sur deux ans, une partie en centre de formation d'apprentis, l'autre chez l'artisan ou dans l'atelier. Les horaires varient suivant le niveau de qualification : au niveau d'un bac pro ou d'un BTS, il faut 1 200 heures en CFA et 400 heures dans l'entreprise. On peut difficilement imaginer de réduire le temps de formation de ces jeunes : ils doivent impérativement acquérir un certain bagage.

Reste évidemment la possibilité de prolonger la durée de ces formations, mais il en résulterait un coût financier important pour les entreprises qui payent les salaires des apprentis, comme pour les conseils régionaux qui ont en charge le fonctionnement des CFA.

Madame la ministre, je n'ai pas la solution à ce problème, qui est complexe. C'est pourquoi je demande par cet amendement que, d'ici à trois mois, vous nous fassiez des propositions à ce sujet.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement qui vise moins à modifier le texte qu'à engager le débat sur la question, effectivement importante, de l'effet des 35 heures sur les formations en alternance.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est en effet une vraie question, monsieur Gengenwin, mais qui se pose au-delà même des 35 heures, puisque les apprentis ou les stagiaires en contrat de qualification se voient appliquer la durée du travail en vigueur dans les entreprises, c'est-à-dire les 35 heures. La question est plutôt de savoir ce qui se passera pour les périodes de formation. Rappelons que celles-ci ne sont pas forcément égales aux périodes de travail ; le code du travail prévoit que les formations en apprentissage doivent être supérieures à 400 heures par an.

Par conséquent, la durée actuelle de formation en CFA, telle qu'elle est affichée, est théoriquement calée sur 39 heures. Mais chacun sait aujourd'hui que, dans les faits, les formations sont de nature et de durée très diverses. Ce problème va sans doute nous conduire à revoir, avec les conseils régionaux, les entreprises et les organismes de formation, la réalité des durées de formation nécessaires pour chaque diplôme préparé. Cela ne devrait pas poser de problème en soi.

Nous avons en revanche à nous interroger, du fait notamment des nouvelles méthodes pédagogiques, sur la durée effective nécessaire en centre de formation, et peutêtre à nous efforcer de rapprocher la durée affichée de la d urée réellement appliquée. Les conseils régionaux auraient intérêt, me semble-t-il, à se pencher sur cette question. En d'autres termes, il y a sans doute de l'ordre à mettre dans le secteur, mais je ne pense pas que la réduction du temps de travail dans l'entreprise aura des incidences financières, dès lors que l'on regardera réellement ce qui se passe.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Madame la ministre, je vous laisse la responsabilité de votre distinction entre durée de formation affichée et durée réelle. Il m'étonnerait que le conseil régional, collectivité au sein de laquelle j'ai exercé des responsabilités, paie des heures en CFA non utilisées


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

sans contrôle. Je vous invite à soumettre ce problème au comité national de coordination où je ne siège malheureusement plus...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est bien regrettable.

M. Germain Gengenwin.

Ce comité rassemble des experts et personnels qualifiés qui pourraient utilement débattre de cette question. Je tenais seulement à provoquer ce débat ; je retire donc mon amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez la voix de la sagesse, monsieur Gengenwin. Je m'engage à saisir le comité national de coordination de ce problème. Cela permettra de faire un peu de tri dans ce qui existe et de voir quelle est la réalité des formations dispensées.

M. le président.

L'amendement no 828 est retiré.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - I. - Les trois derniers alinéas de l'article L. 212-5 du code du travail deviennent les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-7-1 inséré après l'article L. 212-7.

« Au premier alinéa de l'article L. 212-7-1, les mots : "Toutefois, la" sont remplacés par le mot : "La".

« Au 2o du deuxième alinéa de l'article L. 212-7-1, après les mots : "accord collectif étendu" sont ajoutés les mots : "ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement".

« Au troisième alinéa de l'article L. 212-7-1, les mots : "du présent article et des articles" sont remplacés par les mots : "des articles L. 212-5", et les mots : "trente-neuf" par les mots : "trente-cinq".

« II. L'article L. 212-5 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 212-5 . - Dans les établissements et professions assujettis à la réglementation de la durée du travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée considérée comme équivalente sont régies par les dispositions suivantes :

« I. - Chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées dans les entreprises où la durée collective de travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'article L. 212-1, ou à la durée considérée comme équivalente, donne lieu à une bonification de 25 %.

« Dans les autres entreprises, chacune de ces quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une bonification de 15 % et à une contribution de 10 %.

« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les modalités de la bonification qui peut donner lieu soit à l'attribution d'un repos, pris selon les modalités définies à l'article L. 212-5-1, soit au versement d'une majoration de salaire équivalente. A défaut de convention ou d'accord, la bonification est attribuée sous forme de repos.

« La contribution due par l'employeur est assise sur le salaire et l'ensemble des éléments complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni.

« La contribution est recouvrée selon les règles et garanties définies à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la contribution sociale sur les revenus d'activité.

« La contribution n'est pas due lorsque le paiement des h eures supplémentaires est remplacé par une repos compensateur équivalent et que la bonification est attribuée sous forme de repos.

« II. Chacune des huit heures supplémentaires effectuées au-delà de la quatrième donne lieu à une majoration de salaire de 25 %, et les heures suivantes, à une majoration de 50 %.

« III. Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'étab lissement peut, sans préjudice des dispositions de l'article L. 212-5-1, prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues au II ci-dessus, par un repos compensateur équivalent.

« Dans les entreprises non assujetties à l'obligation visée par l'article L. 132-27, ce remplacement est subordonné, en l'absence de convention ou d'accord collectif étendu, à l'absence d'opposition, lorsqu'ils existent, du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

« La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel mentionné aux deux alinéas précédents peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur à l'entreprise.

« Ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6, les heures supplémentaires donnant lieu à un repos équivalent à leur paiement et aux bonifications ou majorations y afférentes.

« Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile qui débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures. »

« III. Le produit de la contribution prévue au I de l'article L. 212-5 du code du travail et au I de l'article 992-2 du code rural est versé au fonds créé par la loi no 99-... de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 assurant la compensation de l'allégement des cotisations sociales défini par l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale aux régimes concernés par cet allégement.

« IV. Les heures supplémentaires effectuées au-delà de trente-neuf heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente dans les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente cinq heures à compter du 1er janvier 2002 donnent lieu, jusqu'à cette date, à une majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes et sont soumises aux dispositions du III de l'article L. 212-5 du code du travail.

« V. - Pendant l'année 2000 pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du ler janvier 2000 et pendant l'année 2002 pour les autres entreprises, chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées donne lieu :

« - dans les entreprises où la durée collective de travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'art icle L. 212-1 du code du travail ou à la durée considérée comme équivalente, à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 au taux de 10 % ;

« - dans les autres entreprises, à la contribution mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 212-5 au taux de 10 %.


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« VI. L'article L. 212-5-1 du même code est ainsi modifié :

« 1o La première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée :

« Le repos peut être pris par journée entière ou demijournée à la convenance du salarié, en dehors d'une période définie par voie réglementaire.

« 2o La deuxième phrase du quatrième alinéa est supprimée ;

« 3o Au cinquième alinéa, après la première phrase sont ajoutées les phrases suivantes :

« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut fixer un délai supérieur, dans la limite de six mois.

Ce délai est porté à douze mois lorsque la durée hebdomadaire du travail varie en application d'une convention ou d'un accord prévu à l'article L. 2128. »

« VII. L'article L. 212-6 du même code est ainsi modifié :

« 1o Le premier alinéa est complété par les phrases suivantes :

« Ce contingent est réduit lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans les conditions prévues par une convention ou un accord collectif définis à l'article L. 212-8. Toutefois, cette réduction n'est pas applicable lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit une variation de la durée hebdomadaire de travail dans les limites de trente-et-une et trente-neuf heures ou un nombre d'heures au-delà de la durée légale hebdomadaire inférieur ou égal à soixante-dix heures par an.

« 2o Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'article L. 21251, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au pre mier alinéa.

« 3o Après le deuxième alinéa, il est inséré un troisième alinéa ainsi rédigé :

« Pour le calcul du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa et du contingent mentionné au deuxième alinéa, sont prises en compte les heures effectuées au-delà de trente-cinq heures par semaine. »

« VIII. Le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé à trente-sept heures pour l'année 2000 et à trente-six heures pour l'année 2001. Lorsque l'entreprise fait application d'une convention ou d'un accord mentionné à l'article L. 212-8 du même code, ce seuil est fixé respectivement pour les années 2000 et 2001 à 1690 et 1645 heures. Pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002, ces seuils sont applicables respectivement en 2002 et en 2003.

« IX. A la première phrase de l'article L. 212-2 du même code, le mot : "précédent" est remplacé par le mot : "L. 212-1".

« Au deuxième alinéa de l'article L. 620-2 du même code, la mention de l'article L. 212-5 est remplacée par celle de l'article L. 212-7-1 et les mots : "le programme indicatif de la modulation mentionnée au 4o de l'article L. 212-8-4" sont remplacés par les mots : "le programme de la modulation mentionné au septième alinéa de l'article L. 212-8". »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'article 2 secrète tout à la fois de la complexité et de l'inéquité.

La complexité est évidente. Il ne vous faut pas moins de trois termes pour désigner le produit des heures supplémentaires : la majoration, la contribution, la bonification. Ne pouvait-on vraiment faire plus simple ? Imaginez le casse-tête que deviendra la rédaction des fiches de paie ! Si les grandes entreprises disposent d'un staff administratif suffisamment développé, pour les petites entreprises, la rédaction d'un bulletin de paie c'est déjà l'horreur. Voilà que vous en rajoutez une couche, et très épaisse : selon le salarié considéré, il y aurait plusieurs lignes pour désigner une variété d'heures supplémentaires.

L e dispositif en lui-même est également d'une complexité ahurissante. Après maintes compilations, j'ai fini par trouver deux schémas, l'un avant l'an 2001, l'autre après la mise en place définitive. Si l'année 2000, qui verra la majoration des heures supplémentaires entre la trente-cinquième et la trente-neuvième heure fixée à 10 % - pour les autres, le dispositif sera identique, mais avec une année de décalage -, ne pose pas de difficultés, dès 2001, la situation se corse. Il faudra alors distinguer les entreprises dont l'horaire collectif est inférieur ou égal à trentre-cinq heures, et celles qui n'ont pas d'horaire collectif. Les premières verseront à leurs salariés une bonification de 25 % en repos compensateur, sauf si un accord prévoit le paiement des heures sous forme de majoration de salaire. Les secondes devront amputer de 10 % leur bonification qui ne sera plus au final que de 15 %, lesquels 10 % seraient versés à ce que vous annoncez comme un fonds pour l'emploi.

Cette complexité est extraordinaire. Vous passez votre temps à répéter que l'on va simplifier et l'on trouve effectivement dans cette loi des efforts de simplification évidents au niveau de la modulation à l'article 3. Fort bien ! Mais vous montez à côté une série d'usines à gaz dont la première et non des moins réussies est celle des heures supplémentaires. Tout cela sera impossible à appliquer sur le terrain. La complexité législative, la complexité réglementaire et la complexité administrative sont autant d'obstacles sur le chemin de l'emploi. Osons le dire : elles tuent l'emploi.

D'autre part, ce projet est injuste pour trois raisons.

La première injustice touche les salariés. Je ne vois pas pourquoi ceux qui effectuent des heures supplémentaires percevraient des compléments de salaires différents selon qu'il y a eu ou pas accord d'entreprise. Il n'est pas normal que certains d'entre eux doivent donner 10 % à un fonds pour l'emploi.

Ensuite, certains accords ont été signés au niveau des branches, et on a statué sur des nombres extrêmement variables d'heures supplémentaires : 300 heures pour les exploitations agricoles, 190 pour les entreprises de propreté et 175 pour l'industrie textile. On annonce aujourd'hui que le contingent théorique d'heures supplémentaires sera de 130 heures. Il va donc falloir que chaque branche revoie sa copie, en matière d'heures supplémentaires, dès le 1er janvier 2000. Où est le respect du dialogue social et des accords conclus entre les partenaires sociaux que vous aviez pourtant encouragés ? Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité


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telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

Enfin, il n'est pas correct de fixer l'échéance au 1er janvier 2000, même s'il est prévu une année de transition où les heures supplémentaires ne seraient payées que 10 % de plus. Dans le meilleur des cas, ce projet de loi sera voté à Noël. Vous ne laissez aucun répit aux chefs d'entreprise pour se retourner, se réorganiser, modifier l eurs programmes informatiques. Les entreprises ne peuvent pas changer de cap du jour au lendemain. Ce sont des navires assez lourds et, s'ils changent trop vite de cap, ils risquent de couler.

En outre, dans certains secteurs, notamment dans lese ntreprises de propreté, tout est déjà bouclé pour l'année 2000. Or, vous changez les règles du jeu en cours d e route. Toutes ces modifications, ajoutées à la complexité du texte, ne vont pas favoriser l'emploi.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Cet article restera probablement, dans les annales de l'administration française, comme un des plus complexes qui aient été écrits. Nous y sommes opposés pour deux raisons fondamentales. Il institue d'abord un fonds de compensation, ce qui revient, une fois de plus, à taxer le travail, puisque certains salariés verront une partie de la majoration qu'ils perçoivent normalement pour les heures supplémentaires partir vers ce fonds qui servira à l'allégement des cotisations sociales et au financement de la réduction du temps de travail.

Toute peine mérite salaire, et tout salarié effectuant des heures supplémentaires mérite une bonification de 25 %.

Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Cet article marque d'autre part le recul du Gouvernement. Lors du débat sur la première loi, celle de 1998, le Gouvernement avait annoncé que les 35 heures seraient applicables le 1er janvier 2000. Face à la difficulté de mise en oeuvre des 35 heures, le Gouvernement, avec cette nouvelle loi, réaffirme, dans son article 1er , la nécessité du passage aux 35 heures, mais retarde dans son article 2 la réalité concrète du passage aux 35 heures de 2000 à 2001.

C'est bien la preuve que tout n'est pas aussi facile qu'on veut nous le faire croire.

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

L'article 2 qui définit le régime des heures supplémentaires est, je le crains, un bon exemple de l'ambiguïté qu'on trouve, ici et là, dans le projet de loi qui nous est présenté.

La réforme des 35 heures a été accueillie et portée par les partis de la majorité plurielle et le Gouvernement comme devant favoriser la création d'emplois et lutter contre le chômage.

De ce point de vue, la question des heure supplémentaires est centrale, déterminante. Ces heures - en tout cas celles qui sont déclarées - représentent en effet l'équivalent de plusieurs centaines de milliers d'emplois à temps plein. Vont-elles être redistribuées ? L'effet partage du travail jouera-t-il à plein ? On peut le penser, si l'on s'en tient au mécanisme pour le moins complexe qui tend à favoriser le repos compensateur plutôt que le paiement d'heures supplémentaires, cette substitution étant, en principe, favorable à l'emploi.

Mais cette affirmation est aussitôt infirmée. Je pense, bien sûr, à la période de transition. Il est clair qu'en proposant une période d'adaptation fondée sur une majoration faible et un contingent très important des heures supplémentaires, nous savons qu'il n'y aura guère de redistribution de ces heures supplémentaires sous la forme de création d'emplois.

Pendant un an, les entreprises de plus de vingt salariés, sans parler des autres, ne seront pas mises en situation d'embaucher. Elles vont recourir à des heures supplémentaires extraordinairement bon marché et continueront de faire travailler leurs salariés 39 heures sans pénalité ou presque. Nous aurons une réduction virtuelle de la durée du travail.

Outre le régime transitoire, cet article organise, de manière assez subreptice, l'extension du système de cycles.

Ce mode d'organisation du travail contribue à affaiblir la référence à la semaine et se surajoute au mécanisme de modulation prévue à l'article 3. Disons pour simplifier que ce système permet de faire effectuer à des salariés des heures supplémentaires sans qu'elles soient considérées comme telles.

En clair, on s'apprête à lâcher sur la flexibilité, à libé raliser un mécanisme qui, jusqu'ici, était réservé à certaines professions très spécifiques et qui est non seulement très astreignant pour les salariés mais contre-productif en termes d'emplois.

La commission a adopté l'amendement supprimant cette extension que nous avions déposé. Nous demandons également la suppression de la période d'adaptation.

D'une manière générale, nous nous associerons à tout amendement susceptible de faire de ce régime des heures supplémentaires un outil pour ramener les chômeurs dans l'entreprise.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Mme Boisseau parlait tout à l'heure, à propos de cet article, de complexité. Certes, il est relativement complexe, mais le droit des sociétés et la comptabilité des sociétés le sont aussi, et les comptables, les centres de gestion savent bien gérer cette complexité.

Une seconde critique a été formulée, dans la discussion générale, quant au caractère prétendument malthusien de la vision qu'offrirait cette seconde loi.

En vérité, après l'article 1er qui a réduit la durée légale à 35 heures, l'article 2 définit le régime des heures supplémentaires en mettant en place un triple mécanisme favorable à l'emploi, et un double mécanisme de souplesse et d'adaptation. A cet égard, je dois dire mon désaccord avec la volonté exprimée par M. Sarre de condenser cette phase d'adaptation, qui deviendrait virtuelle.

Le projet de loi adapte le régime des heures supplémentaires au niveau de la durée légale, ce qui est bien naturel, en déclenchant la bonification due au titre des heures supplémentaires à partir de la trente-sixième heure, mais en distinguant les entreprises selon qu'y existe ou non un accord collectif sur les 35 heures. Cela paraît très simple. S'il y a accord d'entreprise, la bonificaion de 25 % va aux salariés. S'il n'y a pas d'accord d'entreprise, 15 % vont aux salariés et 10 % au fonds pour l'emploi utilisé pour l'allégement des charges sociales.

Il s'agit bien d'un triple mécanisme d'incitation : premièrement, le salarié a un intérêt matériel à l'accord ; deuxièmement, les majorations ne sont pas dues lorsque les heures supplémentaires donnent lieu à repos compensateur équivalent, cette substitution étant favorable à l'emploi ; troisièmement, le contingent d'heures supplémentaires est réduit de 130 à 90 heures en cas d'accord de modulation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Ce triple mécanisme d'incitation introduit par l'article 2 s'ajoute, bien entendu, à une autre incitation, financière, qui consiste en des allégements de charges conditionnés par un accord sur la réduction du temps de travail. Cest une incitation puissante pour le chef d'entreprise.

Mais l'article 2 prévoit aussi deux mécanismes de souplesse et d'adaptation qui paraissent nécessaires.

Ce n'est pas au 1er janvier 2000 que, par un coup de baguette magique, la durée du travail peut être ramenée à 35 heures, avec tout ce que cela comporte de réorganisation et d'embauches pour cette majorité d'entreprises qui ne se sont pas inscrites dans la phase incitative et pour lesquelles cette date va marquer le début du processus.

Le premier mécanisme de souplesse et d'adaptation prévoit que le seuil de déclenchement pour l'imputation sur le contingent annuel s'abaissera progressivement. C'est simple : on passera de 36 heures à 37 heures la première année, puis à 36 heures la deuxième année.

Avec le second mécanisme d'adaptation, la bonification passe de la même façon de 10 % la première année, à 25 % la seconde année, pour les entreprises qui ont opté pour les 35 heures, ce qui tient compte des délais d'embauche nécessaires.

Ainsi donc, en combinant, par un dosage équilibré, les mesures favorables à l'emploi et les mesures laissant aux entreprises des marges d'adaptation, la loi tient compte, dans cet article 2, des objections longuement développées p ar l'opposition à l'occasion de la discussion de l'article 1er , qu'il s'agisse des délais nécessaires à l'aménagement du temps de travail dans l'entreprise ou des éventuels goulots d'étranglement à l'embauche dans certains secteurs.

L'article 2 marque donc bien l'esprit de la loi, toute tournée vers l'emploi et l'embauche. Les améliorations qu'apportent les amendements votés par la commission des affaires sociales respectent l'équilibre, de manière à préserver à la fois la compétitivité de nos entreprises et les perspectives d'emploi.

M. Maxime Gremetz.

Puis-je prendre la parole, monsieur le président ?

M. le président.

Vous n'étiez pas inscrit, monsieur Gremetz. D'autres orateurs parleront avant vous.

M. Yves Rome.

Je cède ma place à M. Gremetz !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

M. Gremetz me permettra de parler. Je suis persuadé que le président lui donnera ensuite la parole.

Avec la discussion de l'article 2, nous abordons un des points les plus contestables, en tout cas l'un des plus complexes du projet de loi. Lors du débat sur la prémière loi, vous nous aviez indiqué, madame la ministre, que vous régleriez le problème des heures supplémentaires à l'occasion d'une seconde loi. Pour ce faire, vous deviez vous inspirer très largement des accords conclus sous l'impulsion du texte de 1998.

Or, voilà, madame, que vous nous présentez cet article 2 qui comprend quatre pages, qui prévoit plusieurs périodes de transitions, toutes différentes, plusieurs modes de rémunération des heures supplémentaires en fonction des entreprises ; bref, il constitue, à lui seul, une formidable usine à gaz, il est à peu près incompréhensible, inapplicable, en tout cas totalement déconnecté des réalités.

Pour reprendre une question de Marc Blondel dans son éditorial de

« FO-Hebdo », paru hier, « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ». Votre dispositif est si compliqué qu'il ne pourra qu'entraîner de grandes difficultés, notamment pour les petites et moyennes entreprises, car tout le monde n'a pas un cabinet de comptables ou d'experts à sa disposition.

Là encore, nous voyons bien transparaître l'idéologie qui sous-tend le texte. Il est conçu pour les grandes entreprises, celles qui ont les moyens de pratiquer des gains de productivité, de payer un service juridique suffisamment solide pour mettre en oeuvre ce dispositif. Comment voulez-vous que le chef d'entreprise d'une PME de dix à vingt salariés puisse comprendre et mettre en oeuvre dans des conditions satisfaisantes le régime des heures supplémentaires qui nous est proposé ? Ce n'est pas en ajoutant toujours plus de contraintes, toujours plus de complications, qu'on libérera les initiatives.

Ce dispositif montre surtout, madame la ministre, que vous n'avez aucune intention de récompenser l'effort, d'accompagner celles et ceux qui innovent et se donnent du mal.

De ce point de vue, l'article 2 est tout simplement confiscatoire. En effet, le salarié qui effectuera des heures supplémentaires dans une entreprise qui n'aura pas pu mettre en place un horaire collectif de 35 heures verra le fruit de son travail alimenter un fonds destiné à atténuer le coût induit par la baisse du temps de travail des autres salariés plus chanceux. C'est tout de même une bien curieuse pratique !

Cet article 2 est un comble. Avec lui, lorsque vous travaillez plus que la moyenne, non seulement vous n'êtes pas rétribué pour votre effort supplémentaire, mais, au contraire, on vous demande de financer le surcoût de la diminution du temps de travail des autres ! Mais, au-delà de nos concitoyens qui se verront confisquer une partie du revenu qui aurait dû leur être attribué en compensation des heures supplémentaires qu'ils effectuent, avez-vous pensé aux familles moyennes qui se sont endettées pour acheter une maison, une voiture, pour équiper leur logement, et vont se voir retirer les 700 à 800 francs par mois d'heures supplémentaires qu'elles recevaient jusqu'à présent ? C'est la raison pour laquelle nous considérons que cet article porte atteinte aux libertés individuelles, à la liberté de travailler plus pour gagner plus, pour s'élever socialement.

En limitant, comme vous le faites, le recours aux heures supplémentaires et en réduisant donc d'autant le revenu d'une grande partie de nos concitoyens, ce n'est pas, comme vous l'avez dit hier, le jardinage ou le bricolage que vous allez favoriser, c'est, je le crains, le travail au noir.

Enfin, la création du fonds chargé de financer pour partie le coût du passage aux 35 heures ne représente rien que la création d'un nouvel impôt, dont l'assiette sera les heures supplémentaires, c'est-à-dire un nouvel impôt sur le travail.

Cet article 2 nous semble donc particulièrement inadapté et inopportun. Nous vous demandons de bien vouloir y renoncer.

M. le président.

Monsieur Yves Rome, j'ai entendu tout à l'heure que vous cédiez votre place à M. Maxime Gremetz.

M. Yves Rome.

En effet.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Merci, monsieur Rome.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

En définissant le régime des heures supplémentaires, l'article 2 du projet de loi déterminera les orientations choisies pour réduire réellement le temps de travail effectif.

Lors de la discussion de la première loi, j'avais insisté sur le fait que deux mesures devaient être particulièrement créatrices d'emplois : d'une part, la disposition essentielle qui précisait qu'il fallait réduire de 10 % le temps de travail et créer 6 % d'emplois en contrepartie des exonérations de charges et des aides financières ; d'autre part, l'augmentation du tarif des heures supplémentaires, pour dissuader les patrons de recourir à cet expédient au lieu de créer des emplois.

Les chiffres sont contestés, mais ils sont officiels : plus d'un milliard d'heures supplémentaires sont effectuées chaque année en France, soit l'équivalent, évidemment théorique, ou mathématique, de 680 000 emplois. Dans le même ordre d'idée, une heure de travail en moins, c'est 312 000 emplois, quatre heures en moins, c'est 1 240 000 emplois. Si tous les salariés travaillaient vraiment 35 heures, ce seraient 2 millions d'emplois potentiels.

M. Thierry Mariani.

C'est mathématique ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Limiter le recours aux heures supplémentaires est donc un impératif, non seulement pour créer des emplois, mais pour que la réduction du temps de travail soit effective.

Avec nos collègues des Verts et du MDC, nous avons déposé un amendement visant à supprimer la période d 'adaptation au régime des heures supplémentaires.

D'autres amendements déposés par notre groupe poursuivent l'objectif de limitation du recours aux heures supplémentaires en proposant de majorer leur coût de 25 % dès la trente-sixième heure de travail par semaine, et de 50 % à partir de la huitième heure supplémentaire. Cette dernière proposition a été adoptée en commission. Nous nous en félicitons et espérons que les deux premières subiront le même sort en séance publique.

Dans le même temps, il nous semble impératif de limiter le contingent d'heures supplémentaires à cent heures et de le supprimer en cas de modulation ou d'annualisation.

Dans le même esprit, nous suggérons une plus forte majoration quand le recours aux heures supplémentaires n'est pas lié à une difficulté de recrutement.

C'est pourquoi le calendrier pour la prise du repos compensateur doit être plus limité dans le temps afin d'éviter les effets pervers qui le transforment en un moyen de flexibilité. Rappelons que c'est sur les heures supplémentaires que les infractions les plus fréquentes et les plus graves sont constatées. En Ile-de-France, une entreprise sur quatre dépasse les durées maximales.

Freiner le recours aux heures supplémentaires permettra d'appliquer une réelle réduction du temps de travail, libérant ainsi du temps pour les salariés afin qu'ils puissent vaquer, comme on dit, à d'autres occupations.

Il convient, comme plusieurs de nos amendemments le proposent, de comptabiliser les heures supplémentaires et le repos compensateur dans le temps de travail effectif et de mettre en place des moyens de contrôle fiables des heures réellement effectuées. Les heures supplémentaires devraient également toutes figurer sur la feuille de paie du salarié.

Autre point essentiel concernant les heures supplémentaires : il est absolument inconcevable que les majorations ne soient pas payées aux salariés. Cela ne s'est jamais vu dans notre pays. Selon le contenu de l'article 2, une partie des heures supplémentaires effectuées par le salarié servira à financer la loi. Nous ne pouvons absolument pas souscrire à cette démarche, nous y sommes tout à fait opposés. D'autres ressources existent dans notre pays pour financer le dispositif et il nous incombe de dissuader les responsables de recourir aux heures supplémentaires, lesquelles constituent réellement un frein à la création d'emplois et ne sont pas sans conséquence sur la santé des salariés.

Le dispositif prévu dans le projet de loi à propos des quatre premières heures majorées, non seulement spolierait les salariés, mais serait aussi un encouragement à multiplier le recours aux heures supplémentaires. Je suis persuadé que le Gouvernement et nos alliés de la majorité plurielle n'iront pas dans ce sens, nous écouterons et prendrons en compte les amendements que nous avons déposés.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, dernier orateur inscrit.

M. Yves Cochet.

Avec l'article 2, on aborde non le coeur de la loi - d'ailleurs, cela pourrait être dit à peu près à tous les articles - mais des dispositions qui, selon la manière dont elles seront amendées, feront que la loi sera efficace ou non au regard de son objectif principal, qui est l'emploi.

En effet, comme vient de le rappeler avec justesse Maxime Gremetz, c'est avec cette flexibilité des heures supplémentaires qu'on peut tuer la loi ou, au contraire, si on cadre bien la possibilité de recours aux heures supplémentaires, la rendre encore plus efficace pour atteindre l'objectif précité.

L'article 2 comporte deux points principaux : le premier concerne le cadrage des heures supplémentaires pour le régime établi ; le second a trait à la période d'adaptation.

S'agissant du premier point, je crois que ce qui est proposé pour le régime établi est plutôt bon : le cadrage prévu empêchera que l'on puisse tricher avec l'objectif de la loi qui est l'emploi.

Contrairement à Maxime Gremetz, je ne suis pas contre le fait qu'on puisse distinguer dans le régime établi entre les entreprises qui ont passé un accord sur les 35 heures et pour lesquelles il est prévu que les heures supplémentaires donnent lieu à une bonification de 25 % qui va entièrement aux salariés et celles qui n'ont fait aucun effort pour passer aux 35 heures et pour lesquelles il est envisagé que les heures supplémentaires donnent lieu à une contribution de 10 % versée à un fonds destiné à alléger les charges des entreprises qui seront passées aux 35 heures. Toutefois, je proposerai un amendement pour que la contribution de 10 % soit appliquée aussi aux chefs d'entreprise et pas seulement aux salariés.

Il y a là un système de vases communicants : on récompense la vertu sociale de ceux qui ont consenti un effort pour passer aux 35 heures en imposant une contribution à ceux qui ne sont pas encore passés aux 35 heures. Ce système me convient.

M. Maxime Gremetz.

Les salariés n'ont pas à subir les conséquences d'une absence d'accord dont ils ne sont pas responsables !

M. Yves Cochet.

J'ajoute que des amendements ont été déposés pour faire en sorte que non seulement ces heures supplémentaires ne soient pas multipliées, mais même que leur contingent soit réduit car, actuellement, il est peut-être trop important.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Le deuxième grand problème concerne la période d'adaptation. C'est là que je rejoins totalement l'argumentaire de Maxime Gremetz car, comme lui, je suis opposé à cette période d'adaptation, et je vais expliquer pourquoi.

Cela fait maintenant plus d'un an et demi que nous avons commencé de discuter de la première loi sur la réduction du temps de travail, qui a été définitivement promulguée le 13 juin 1998. Or dans l'exposé des motifs de ce premier texte, il n'était pas écrit qu'il y aurait une période d'adaptation. Il était simplement indiqué la même chose que ce qui figure à l'article 1er du présent texte, c'est-à-dire que la réduction du temps de travail s'appliquerait au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1er janvier 2002 pour celles de moins de vingt salariés. Tout le monde est prévenu depuis un an et demi.

D'ailleurs, 15 000 accords d'entreprise ont été passés.

J'entends encore le président de la commission des affaires sociales, Jean Le Garrec, rappeler que plus de 5 0 000 personnes mandatées - syndicalistes, chefs d'entreprise - n'ont cessé de négocier depuis un an et demi et ont fini, globalement, par aboutir à de bons accords d'entreprise. C'est même mieux que ce qui était prévu.

Or ces gens-là ont négocié en fonction de l'exposé des motifs du premier texte, des discussions parlementaires et des déclarations gouvernementales de l'an dernier. Pour eux, les heures supplémentaires doivent être taxées à 25 % au 1er janvier 2000. C'est en fonction de cela qu'ils onts igné des accords d'entreprise prévoyant des plans d'embauche et établissant des calculs très précis des heures supplémentaires.

Bref, les entreprises « vertueuses » qui ont joué le jeu ont prévu que les heures supplémentaires seraient taxées à 25 % à partir du 1er janvier et n'ont pas envisagé de période d'adaptation.

Or les autres entreprises, celles qui n'ont pas appliqué la première loi Aubry et qui ont attendu qu'il y en ait une deuxième pour voir à quelle sauce elles seraient mangées, c'est-à-dire les entreprises les plus immobilistes qui n'ont rien fait pendant un an et demi, découvrent aujourd'hui qu'elles bénéficient de la possibilité d'une période d'adaptation d'un an, voire de deux ans, avec des heures supplémentaires taxées à 10 %. Ce n'est pas très juste par rapport aux entreprises qui ont fait un effort, qui ont déjà passé des accords d'entreprise. Cette faible taxation, ne va pas inciter les entreprises qui ont attendu à passer des accords d'entreprise. Durant l'année 2000, année où les heures supplémentaires ne seront taxées qu'à 10 %, elles feront un peu plus d'heures supplémentaires, et leurs salariés seront éventuellement d'accord.

Le passage aux 35 heures au 1er janvier 2000 fera que les heures supplémentaires commenceront à partir de la trente-sixième heure. Mais, finalement, comme elles ne coûteront pas très cher, cela contribuera à donner un peu plus d'argent aux salariés qui sont déjà embauchés. Or moi, je songe aux chômeurs.

Je ne vois pas en quoi les entreprises seront incitées à passer des accords pendant l'année 2000. C'est une question que je me pose. M. le rapporteur ou Mme la ministre me répondront peut-être que cette période d'adaptation est absolument indispensable, mais, pour l'heure, je n'en suis pas encore convaincu. C'est pourquoi je suis opposé à cette période d'adaptation.

M. le président.

La discussion sur l'article 2 est close.

Mes chers collègues, la discussion des articles de ce texte a été entamée il y a maintenant huit heures et demie, et nous avons dépassé une heure du matin, horaire prévu pour la levée de la séance. La sagesse conduit donc à interrompre maintenant nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION M. le président J'ai reçu, le 7 octobre 1999, de M. Alain Barrau, rapporteur de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, une proposition de résolution sur la proposition du règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs (E 1270) déposée en application de l'article 151-1 du règlement.

Cette proposition de résolution, no 1839, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 7 octobre 1999, de M. Alain Barrau, un rapport d'information, no 1838, déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice.

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 12 octobre 1999, à dix heures trente, première séance publique : Questions orales sans débat ; Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi, no 1773, relative au pacte civil de solidarité : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1828) ; Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1786 rectifié, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, (rapport no 1826).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 8 octobre 1999, à une heure dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 12 octobre 1999, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 7 octobre 1999 No E 1309. - Proposition de règlement du Conseil concernant une interdiction de la fourniture à l'Indonésie de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne ou de terrorisme.

No E 1310. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 3605/93 relative à l'application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne (COM [99] 444 final).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 3e séance du jeudi 7 octobre 1999 SCRUTIN (no 179) sur le sous-amendement no 1046 de M. Gremetz à l'amendement no 164 rectifié de la commission des affaires culturelles à l'article Ier du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nécessité pour l'employeur, avant tout plan social, de conclure un accord sur la réduction du temps de travail).

Nombre de votants .....................................

54 Nombre de suffrages exprimés ....................

54 Majorité absolue ..........................................

28 Pour l'adoption ...................

6 Contre ..................................

48 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (252) : Contre : 29 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (136) : Contre : 9 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Pierre-André Wiltzer (président de séance).

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, citoyen et vert (33) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 2. - MM. Gérard Charasse et Bernard Charles

Non-inscrits (7).

Prix du numéro : 4,20 F (0,64 )

Imprimerie, 26, rue Desaix, Paris (15e ). - Le préfet, Directeur des Journaux officiels : Jean-Paul BOLUFER 103990680-001099