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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 7137).

CROISSANCE ET FISCALITÉ (p. 7137)

MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

TVA DANS LA RESTAURATION (p. 7137)

MM. Arthur Paecht, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

EXCEPTION CULTURELLE (p. 7138)

M. Yves Cochet, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

ACCORD SUR LES 35 HEURES À EDF-GDF (p. 7139)

MM. Jacques Desallangre, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

FINANCEMENT DES 35 HEURES (p. 7139)

M. Philippe Auberger, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

ENSEIGNEMENT PUBLIC (p. 7140)

MM. François Guillaume, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

INSÉCURITÉ EN ILE-DE-FRANCE (p. 7141)

Mme Françoise de Panafieu, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

NÉGOCIATIONS DE L'OMC (p. 7142)

MM. Alain Bocquet, Lionel Jospin, Premier ministre.

NÉGOCIATIONS DE L'OMC (p. 7144)

Mme Béatrice Marre, M. François Huwart, sécretaire d'Etat au commerce extérieur.

ATTENTAT CONTRE LE DC 10 D'UTA (p. 7145)

MM. Alain Veyret, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE EN GUADELOUPE (p. 7145)

M. Daniel Marsin, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

TVA DANS LA RESTAURATION (p. 7146)

MM. Yves Nicolin, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

TRANSPORT AÉRIEN (p. 7147)

MM. Jean-Pierre Blazy, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Suspension et reprise de la séance (p. 7148)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

2. Pacte civil de solidarité.

Discussion, en lecture définitive, d'une proposition de loi (p. 7148).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 7152)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : MM. Claude Goasguen, Bernard Roman, Patrick Devedjian, Dominique Dord, Bernard Birsinger, Pierre-Christophe Baguet, Guy Hascoët. - Rejet par scrutin.

QUESTION PRÉALABLE (p. 7157)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : M. Thierry Mariani, Mme Laurence Dumont, MM. Alain Tourret, François Sauvadet, Bernard Accoyer, Dominique Dord, le président, Bernard Birsinger. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 7162)

MM. Jean Pontier, Pierre-Christophe Baguet, Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Suspension et reprise de la séance (p. 7165)

MM. Dominique Dord, Bernard Birsinger, Patrick Devedjian, Michel Suchod, Mme Christine Boutin,

MM. Yann Galut, Guy Hascoët, Philippe de Villiers.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 7175)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteB lazy : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, René Dosière, Dominique Dord, Maurice Leroy, Patrick Delnatte. - Rejet.

DERNIER TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 7178)

Renvoi des explications de vote et du vote à une prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7181).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CROISSANCE ET FISCALITÉ

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse au ministre de l'économie et des finances.

La croissance internationale profite à la France. Elle doit profiter aux Français, à l'emploi, à la rémunération du travail, ce qui n'est pas le cas, contrairement à ce que vous claironnez prématurément.

La croissance entraîne des recettes fiscales supplémentaires que vous sous-estimez volontairement, comme vous oubliez de financer des dépenses qui incombent à l'Etat et non aux systèmes sociaux, par exemple celles qui découleront du passage aux 35 heures.

Le taux des prélèvements obligatoires continue d'augmenter alors qu'il baisse ailleurs, non pas à cause de la mondialisation, mais à cause de votre politique.

Quand allez-vous utiliser vraiment les recettes supplémentaires de la croissance à la baisse des cotisations sociales ? En effet, chacun sait que les charges pénalisent l'emploi français, principalement l'emploi des jeunes.

Quand allez-vous utiliser vraiment les recettes supplémentaires à la baisse de l'impôt sur le revenu dont l'excès pénalise une juste rémunération du travail ? Quand allez-vous vraiment y affecter les recettes supplémentaires de la croissance à la réduction du déficit pour que la France ne soit pas le mouton noir de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, les recettes fiscales devraient effectivement enregistrer en 1999 une plus-value de 11,2 milliards de francs. Elle tiendra essentiellement à la progression des impôts directs due à la bonne conjoncture que nous avons connue en 1998.

Ainsi le produit de l'impôt sur les sociétés sera en hausse de 18 milliards de francs, grâce à la bonne tenue des comptes des entreprises et à la croissance, et l'impôt sur le revenu enregistrera les conséquences de la croissance du revenu des ménages et du développement de l'emploi : son produit connaîtra une hausse d'un peu plus de 4 milliards de francs.

En revanche, les impôts indirects, corrélés par définition à l'année précédente, enregistrent l'impact du « trou d'air » du début d'année. Le produit net de la TVA devrait être légèrement révisé à la baisse et les produits des droits d'enregistrement diminueraient d'un peu plus de 4 milliards de francs.

Les plus-values enregistrées en 1999 profiteront très largement aux contribuables français.

(Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ainsi, par anticipation, des mesures fiscales prévues pour l'an 2000 ont été mises en oeuvre dès le 15 septembre 1999 : la baisse de TVA sur les travaux dans les logements se traduira par un allégement de l'ordre de 5 milliards de francs dès l'année 1999 ; la baisse des droits de mutation sur les fonds de commerce diminuera également le rendement de cet impôt dès cette année. A ces deux baisses très significatives s'en ajoutera une troisième : la compensation aux collectivités locales par voie budgétaire de la baisse des frais de notaire sur les locaux d'habitation.

Vous voyez, monsieur le député, que le Gouvernement continue dans la voie qui est la sienne : profiter de la croissance économique pour alléger, lorsque cela est nécessaire, le poids de l'impôt.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Tu parles ! TVA DANS LA RESTAURATION

M. le président.

La parole est à M. Arthur Paecht.

M. Arthur Paecht.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et de l'industrie ou à tout autre ministre que M. le Premier ministre voudra bien désigner pour me répondre.

La restauration joue un rôle majeur dans l'économie française, en particulier dans le secteur touristique.

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. Arthur Paecht.

Je tiens d'ailleurs à vous rappeler qu'elle est, dans son ensemble, l'un des tout premiers employeurs de notre pays. Elle constitue même un gisement d'emplois extrêmement important.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie fran-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

ç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. le ministre des finances avait pris des engagements auprès de la profession. Or, à ce jour, le Gouvernement n'a toujours pas répondu aux attentes des professionnels.

Ils l'ont rappelé hier.

Il subsiste aujourd'hui une inégalité choquante entre la restauration traditionnelle taxée à 20,6 % et la vente à emporter, taxée à 5,5 %. Or vous savez bien que la baisse de la TVA et, plus particulièrement, la réduction des charges est l'un des éléments majeurs pour renforcer l'activité d'un secteur et créer des emplois.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Arthur Paecht.

Maintenant, nous attendons du Gouvernement qu'il indique très clairement ce qu'il va faire pour mettre un terme à ces inégalités.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ainsi que vous le savez, monsieur le député, le Gouvernement poursuit sa politique de baisse des charges en faveur de l'emploi.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour ce qui concerne les industries de main-d'oeuvre, il tient à lier la baisse des charges à l'aménagementréduction du temps de travail. En ce cas, elle pourra atteindre 21 000 francs par emploi et par an, ce qui montre que nous menons une politique vraiment dynamique en faveur de l'emploi.

Quant à la baisse de la TVA, la priorité du Gouvernement est d'en faire bénéficier le secteur du logement.

Grâce à l'action de la France, cette orientation est celle du récent projet de directive européenne sur ce sujet.

Cependant la réticence de certains Etats membres n'a pas permis d'aller au-delà, notamment de s'orienter dans la direction que vous préconisez.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En l'état actuel du droit communautaire, il est impossible de procéder à cette baisse. Vous pourriez m'objecter que, dans certains Etats, comme l'Espagne, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, ce secteur bénéficie du taux réduit. Mais cela tient au fait qu'ils l'appliquaient déjà en 1991, au moment de l'élaboration de la sixième directive.

Ils ont donc le droit de maintenir ce régime antérieur.

En France, il existe toutefois, vous le savez peut-être, un dispositif administratif particulier, qui permet d'appliquer un taux réduit sur les ventes à emporter de hamburg ers, lié à certaines conditions de surface et d'exploitation.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Pour l'instant, il n'est pas envisagé d'aller au-delà des priorités affichées en faveur de l'emploi et en faveur du logement, c'est-à-dire une baisse très significative au profit des ménages pour les travaux effectués dans leurs logements.

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

EXCEPTION CULTURELLE

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la ministre de la culture et de la communication, hier soir, à Luxembourg, les Quinze n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur ce que l'on peut appeler la défense de la diversité culturelle.

Or nous savons tous, depuis les accords de Marrakech, que, si ne figure pas dans l'OMC une clause d'exception culturelle, la puissance industrielle américaine risque de déferler sur l'Europe. Nous le constatons déjà avec la prolifération des salles de cinéma multiplexes, ou avec le déchaînement commercial autour du film de la série des Star Wars.

Ma question pourrait d'ailleurs être, madame la ministre : « La force est-elle avec vous ? » (« Non ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) P lus généralement, on sait que, dans d'autres domaines, comme le livre, ou l'art en général, ce que l'on appelle le copyright à l'américaine risque de remplacer le système des droits d'auteur et des droits voisins, ce qui constitue une autre menace sur notre exception culturelle.

Quelle a donc été la position de la France hier soir ? Sur quel point particulier les négociations ont-elles buté ? C omment, dans les prochains jours, comptez-vous convaincre nos partenaires européens avant les négociations au sein de l'OMC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Madame la ministre de la culture et de la communication, la force et le droit sont-ils avec vous ?

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, la position de la France sur ce sujet est claire et elle a été exprimée très fermement par le Premier ministre, par moi-même et par les autres ministres particulièrement concernés, Pierre Moscovici et François Huwart, qui ont siégé hier à Luxembourg au conseil des affaires générales de l'Union européenne.

Pour nous, les biens culturels - secteur de l'audiovisuel compris - ne sont pas des biens comme les autres. Ils ne constituent pas de simples marchandises. La discipline de l'OMC ne peut leur être appliquée sans porter atteinte à la diversité culturelle à laquelle de nombreux pays dans le monde sont attachés.

Au moment où va s'engager un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales et où doit être arrêté le cadre dans lequel la Commission européenne négociera au nom de l'Union, au sein de l'OMC, le Gouvernement veillera avec la plus grande détermination à ce que l'Europe fasse admettre : premièrement, l'intérêt essentiel qui s'attache à la protection et au développement de la diversité culturelle dans le monde ; deuxièmement, la nécessité de préserver les acquis des précédents accords conclus à Marrakech en 1994 et qui ont laissé en dehors du périmètre des négociations commerciales les secteurs de la culture et de l'audiovisuel ; troisièmement, la nécessité de préserver et de développer la capacité de l'Union européenne et des Etats membres à définir et à mettre en oeuvre souverainement les instruments de leurs politiques culturelles et audiovisuelles.

A cet égard, je rappelle que nous allons mettre en oeuvre le programme Culture 2000-An 2000 et que le programme Médias va entrer dans sa troisième phrase.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

La France s'en tiendra donc à ces trois principes et elle continuera d'oeuvrer pour que cette position devienne celle de l'Europe. Depuis plusieurs mois, je multiplie les c ontacts avec mes collègues européens et d'autres ministres de la culture pour les convaincre du bien-fondé de la position française et leur exposer les résultats que la politique française en matière culturelle et audiovisuelle a permis d'obtenir dans le cinéma.

Nous rencontrons un écho de plus en plus favorable au plan national. Avec mon collègue François Huwarth, nous réunirons les principaux professionnels de la culture et de l'audiovisuel jeudi prochain afin de les mobiliser à nos côtés pour expliquer notre position au niveau international.

La prochaine conférence de l'UNESCO, qui rassemblera les ministres de la culture, le 2 novembre, sous la coprésidence de ma collègue canadienne et de moi-même, sera une nouvelle occasion de réaffirmer notre volonté de défendre la diversité culturelle et de nous opposer à la culture unique.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) ACCORD SUR LES 35 HEURES A EDF-GDF

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Je souhaite que M. le secrétaire d'Etat à l'industrie nous présente un premier bilan de l'accord sur les 35 heures chez EDF-GDF et les perspectives tracées.

Cet accord, voulu exemplaire par le Gouvernement et les partenaires sociaux - il a d'ailleurs été ratifié par toutes les centrales syndicales -, devait générer entre 18 000 et 20 000 embauches. Auparavant, les établissements publics EDF et GDF supprimaient plus de 2 000 emplois par an. Le passage à 35 ou 32 heures a permis d'inverser la tendance et de créer de 3 000 à 5 000 emplois nets. Cela justifia la signature des organisations syndicales malgré les sacrifices consentis par les salariés en matière de pouvoir d'achat et de flexibilité.

Cependant, il semble que la mise en oeuvre de l'accord-cadre au sein de chaque établissement pose des problèmes. La décentralisation de la négociation engendrerait de fortes disparités, aboutissant parfois à une flexibilité accrue et au non-paiement des heures supplémentaires, comme cela semble être le cas dans mon département, l'Aisne.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous présenter un bilan coûts-avantages du passage aux 35 heures, intégrant aussi bien le coût global pour l'Etat et pour les salariés en raison de la flexibilité et de l'évolution de leur pouvoir d'achat que les avantages en termes de créations nettes d'emplois ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, pour une réponse courte.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, l'accord signé le 25 janvier dernier par Electricité de France et Gaz de France avec les cinq organisations syndicales de la branche a pour ambition à la fois de réduire le temps de travail et de moderniser l'organisation de ces deux entreprises afin de mieux prendre en compte les attentes de la clientèle. Cet accord participe naturellement à la lutte contre le chômage et contre l'exclusion.

Ainsi, il prévoit 18 000 à 20 000 embauches durant les trois années couvertes par l'accord avec un solde positif, à la fin de la période considérée, de 3 000 à 5 000 emplois, solde qui tiendra compte des départs en retraite et d'une diminution de 3 % en volume des heures travaillées. Il a été convenu que la mise en oeuvre de cet accord passerait par la signature d'accords locaux au sein des 201 unités d'EDF et GDF.

Le bilan d'étape est plus que satisfaisant.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au 30 septembre, 184 accords avaient déjà été signés et les négociations se poursuivent dans cinq unités.

Depuis le 1er octobre 1999, dans les 201 unités d'EDFGDF, qu'il y ait eu accord local ou non, l'ensemble des personnels est effectivement à 35 heures par semaine.

Il convient également de souligner que, dans leur quasi-totalité, les accords locaux déjà signés prévoient l'application d'horaires collectifs à 32 heures par semaine.

(Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Myard.

Pourquoi pas 28 ?

M. Lucien Degauchy.

Et les 20 heures, c'est pour quand ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Un premier bilan sera dressé à la fin du mois d'octobre sur l'importance du recours effectif à ces horaires à temps partiel et sur leurs effets en termes d'embauche. Un groupe de suivi a été créé avec les organisations syndicales. Je vous donnerai régulièrement le point de l'évolution de cet important dossier.

D'ores et déjà, on peut dire que l'accord EDF-GDF est un accord exemplaire (Exclamations sur les mêmes bancs) en matière d'aménagement-réduction du temps de travail. Il a donné lieu à une véritable dynamique sociale dans les deux entreprises dont il s'agit.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

FINANCEMENT DES 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, concerne le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000.

L'article 2 de ce projet de loi prévoit la création d'un fonds pour financer les allégements de charges sociales dans le cadre des 35 heures. Si certaines recettes fiscales ou budgétaires ont bien été prévues pour l'alimenter, il reste une masse de l'ordre de 25 milliards de francs aujourd'hui, peut-être de 40 milliards de francs à terme, dont l'origine n'est pas déterminée : organismes de sécurité sociale, UNEDIC ou autres ?

M onsieur le Premier ministre, est-il normal que l'Assemblée nationale ait à se prononcer sur la création d'un fonds dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale sans que l'on sache au préalable comment il sera alimenté et pour quel montant exact ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Il est question de nous donner ces précisions par voie d'amendements au cours du débat. Mais cela relève-t-il vraiment du domaine de l'amendement ? Monsieur le Premier ministre, s'il s'agit de prendre, contre leur gré, certaines ressources à des organismes dont la gestion est assurée paritairement, le Parlement ne doit-il pas se prononcer au préalable et explicitement sur de tels prélèvements ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez bien posé le débat.

Nous discutons actuellement d'un projet de loi sur la réduction de la durée du travail auquel nous avons associé une réforme importante concernant la baisse des charges sociales. Nous avons souhaité lier les deux, bien que la diminution des charges sociales ne compense la réduction de la durée du travail qu'à hauteur de 40 milliards et que les 25 milliards complémentaires correspondent à des baisses de charges consenties au-delà du coût de la réduction de la durée du travail.

En effet, nous souhaitons qu'il y ait une contrepartie à la réduction des charges, ce qui n'avait pas été le cas précédemment. Un accord signé en matière de 35 heures, créant ou préservant des emplois, nous paraît être cette contrepartie.

Si 40 milliards proviendront des ristournes dégressives qui existent déjà, les 25 milliards restant seront financés par deux taxes : l'une sur les bénéfices des entreprises réalisant plus de 50 millions de chiffre d'affaires (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Lucien Degauchy.

Assez de charges, les entreprises n'en peuvent plus !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... l'autre sur les activités polluantes.

Pour ce qui est des 40 autres milliards dont nous aurons besoin à terme lorsque toutes les entreprises seront passées aux 35 heures, nous avons pensé qu'il serait souhaitable que l'ensemble de ceux qui bénéficieront des créations d'emplois grâce aux 35 heures - c'est-à-dire l'Etat par des rentrées d'impôts, la sécurité sociale par des entrées de cotisations, l'UNEDIC par des rentrées de cotisations et une diminution de ses versements pour l'indemnisation du chômage - contribuent à ce financement.

Ainsi que je l'ai expliqué devant vos commissions, nous avons d'ailleurs prévu, dans les comptes de la sécurité sociale, dès l'an 2000, 5,6 milliards pour ce financement.

De la même manière, nous avons prévu, dans le budget du ministère des affaires sociales, 4,3 milliards pour la part de l'Etat.

Reste la part de l'UNEDIC qui pourrait se situer autour de 7 milliards mais qui est contestée par les partenaires sociaux avec lesquels nous discutons, dans la ligne de ce que désire d'ailleurs le Président de la République qui nous a rappelé l'autre jour combien il fallait être attaché à la gestion paritaire et à la discussion avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vois que nous sommes d'accord ! Je pense que votre attachement à la gestion paritaire est aussi grande que le nôtre.

C'est bien parce que cette discussion est en cours que nous n'avons pas encore apporté toutes les précisions nécessaires. Nous n'avons d'ailleurs pas entamé la discussion du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale.

Je vous rappelle aussi, monsieur le député, que le Conseil d'Etat a validé les principes que nous mettons en place. Il est cependant nécessaire d'en fixer les modalités dans la loi. Le Gouvernement interviendra donc avant le débat sur ce projet de loi, pour qu'elles soient précisées.

Nous souhaitons toujours un accord avec les partenaires de l'UNEDIC et je pense que nous pourrons aboutir à une grande réforme impliquant une baisse des charges et une réduction de la durée du travail dans le cadre d'un accord avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ENSEIGNEMENT PUBLIC

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, votre troisième rentrée scolaire ne diffère pas tellement des deux précédentes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : les lycéens sont à nouveau dans la rue et réclament des professeurs, des classes moins chargées ; en milieu rural, nombre d'élus, de gauche comme de droite, déplorent que chaque rentrée voie son lot de nouvelles suppressions d'écoles depuis que vous avez malencontreusement mis fin au moratoire décidé en 1993 par le gouvernement Balladur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Pourtant, grâce à un budget de l'éducation nationale en constante progression, qui atteint désormais 300 milliards de francs, vous avez recruté des enseignants supplémentaires, quadruplé en trois ans le nombre des professeurs contractuels, engagé en emplois-jeunes quelque 40 000 aides éducateurs depuis 1998. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Comment peut-on imaginer qu'avec des moyens supplémentaires aussi importants, et alors que, dans le même temps, nous enregistrons une baisse sensible des effectifs scolaires, l'insatisfaction soit aussi générale ? La dégradation de l'enseignement est une réalité dramatique. Vous cherchez à la dissimuler en interdisant les redoublements...

M. Christian Bourquin.

La question !

M. François Guillaume.

... et en distribuant le baccalauréat au plus grand nombre, ce qui conduit à transférer sur l'université la responsabilité de la sélection, dans les conditions les plus pénalisantes pour les étudiants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. le président.

Je vous en prie !

M. François Guillaume.

... et en pratiquant un consumérisme scolaire fondé sur des gadgets informatiques alors que le lire-écrire-compter n'est pas maîtrisé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

En dépit de la qualité et du courage - y compris physique - des enseignants confrontés à l'insécurité et à la violence à l'école, l'illettrisme progresse et l'école publique est au plus mal.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. François Guillaume.

C'est si vrai que certains ministres de gauche n'ont pas hésité à confier leurs enfants à des établissements privés plutôt qu'à l'école publique. (Exclamations sur divers bancs.)

Monsieur le ministre, si votre intention est bien de remédier à ces insuffisances et à ces dérives, avez-vous un plan, une volonté pour rendre à l'école toute son efficacité ? De tous les dysfonctionnements de votre ministère, l'un des plus pénalisants est cette incapacité chronique de votre administration à répartir les personnels en fonction des besoins.

M. Georges Frêche.

Vive la Confédération paysanne !

M. François Guillaume.

Aussi, pour y remédier, ne pensez-vous pas qu'il serait utile de déconcentrer les décisions ? En clair, ne pensez-vous pas que le temps soit venu de confier aux départements la gestion des effectifs enseignants des collèges et du primaire, et aux régions celle du corps professoral des lycées ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je vous le dis d'entrée de jeu : je ne laisserai pas dépouiller l'école de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. Rires et exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Lorsque vous énumérez des critiques, dont beaucoup sont infondées, pour finalement proposer une semiprivatisation, je ne puis être d'accord. Ce qui n'avait pas été fait en revanche et que nous faisons, poursuivant le travail amorcé par l'un de mes prédécesseurs, Lionel Jospin (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), c'est la déconcentration.

M. Lucien Degauchy.

C'est la déconfiture !

M. Thierry Mariani.

Quel succès !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Cette année, nous avons réalisé la déconcentration du mouvement.

Il peut évidemment se poser, ici ou là, des problèmes de remplacement. Même si tous les postes étaient pourvus à cette rentrée, ils ne pourraient se résoudre instantanément. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Où sont-ils, vos postes ?

M. le président.

Je vous en prie !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Enfin, monsieur le député, vous avez parlé de l'école rurale : croyez que ma collègue Ségolène Royal, qui travaille sur ce sujet, et moimême sommes très sensibles aux problèmes liés à la ruralité et au maintien de l'activité dans ces zones. Nous les gérons avec le maximum d'humanité, mais aussi, il faut le dire, avec une rigueur que j'aurais aimé voir dans le passé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

INSÉCURITÉ EN ÎLE-DE-FRANCE

M. le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour une question courte.

Mme Françoise de Panafieu.

Ma question s'adresse à

M. le ministre de l'intérieur.

Ce week-end, des habitants du XVIIIe arrondissement de Paris ont crié leur colère face au trafic de drogue.

M. Lucien Degauchy.

Parfaitement ! C'est un scandale !

Mme Françoise de Panafieu.

Ce week-end également, un maire de Seine-et-Marne est allé jusqu'à proposer à ses administrés de financer un système de vidéosurveillance.

(Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Ces deux événements, monsieur le ministre, ne prouvent qu'une seule et même chose : les Français en ont assez que leur droit à la sécurité soit constamment bafoué.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils ont le droit d'emmener leurs enfants à l'école sans crainte, le droit de rentrer le soir chez eux sans prendre le risque de s'exposer en permanence à la violence.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que répondez-vous à ces demandes légitimes ? Vous faites état de la « faible » augmentation de la délinquance au niveau national. Si vous êtes si sûr de vos résultats, pourquoi ne publiez-vous pas les évolutions de mois en mois ? Tout simplement, et ce n'est un mystère pour personne, parce que la tendance s'est inversée depuis 1998 ! Ainsi, en Ile-de-France, les vols avec violence ont augmenté de plus de 30 % pour les huit premiers mois de 1 999. L'Ile-de-France où nos agents des transports subissent outrages et brutalités, l'Ile-de-France où les bandes de jeunes mineurs délinquants ne cessent de multiplier les forfaits dans une quasi-impunité.

Vous me répondrez, bien sûr, que vous avez un grand programme de police de proximité ; mais nous, nous jugeons aux résultats. Au moment où des villes étrangères pratiquent la « tolérance zéro », nous demandons moins de discours, moins de colloques et plus d'action. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin engager une politique pour apporter réellement plus de sécurité dans nos villes et nos campagnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse brève.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Madame de Panafieu, les statistiques au mois le mois sont intéressantes, mais les statistiques sur la longue durée le sont encore davantage.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. François d'Aubert.

Faites-les sur le siècle !

M. le ministre de l'intérieur.

Prenons l'évolution du nombre de personnes mises en cause à Paris depuis 1980.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Partant d'une base 100 en 1980, nous sommes passés à 121 en 1990 ; nous sommes descendus à 93 en 1998. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Un peu de silence !

M. le ministre de l'intérieur.

Je comprends la réaction de populations exaspérées par le comportement de certains délinquants et notamment de toxicomanes,...

M. Jean-Paul Charié.

De qui parlez-vous ? Des victimes ?

M. le ministre de l'intérieur.

... mais, vous le savez mieux que personne, il faut dans ce domaine savoir combiner le souci de la norme et, partant, de la répression, avec celui de la santé et de l'injonction thérapeutique ; ce n'est pas aussi facile que vous avez l'air de le considérer.

Vous avez évoqué le référendum organisé dans une commune de Seine-et-Marne sur l'utilisation de caméras de vidéosurveillance. Je tiens à vous rappeler que le résultat a donné 94 % de non...

M. Jean-Louis Debré.

A cause du coût.

M. le ministre de l'intérieur.

C'est dire que tous ces problèmes doivent être abordés dans un autre esprit que celui que vous venez de manifester : sans angélisme, mais sans catastrophisme non plus.

Effectivement, le nombre de délits enregistrés à Paris a légèrement augmenté d'une année sur l'autre. Cela tient essentiellement à deux phénomènes. Premièrement, les vols de portables expliquent l'essentiel de l'accroissement des vols avec violence.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est une réalité ! Il y a 15 millions de portables en France.

M. Thierry Mariani.

C'est vraiment grotesque !

M. le ministre de l'intérieur.

Le bond de 40 % des vols avec violence est essentiellement lié à ce phénomène.

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas sérieux !

M. le ministre de l'intérieur.

Deuxièmement, l'ouverture de trente-six commissariats de jour et de nuit au lieu d'une vingtaine auparavant a permis d'enregistrer des plaintes, souvent pour des faits mineurs, qui, jusqu'alors, ne l'étaient pas.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vais vous donner une dernière statistique...

M. le président.

Voulez-vous conclure, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

... sur l'évolution de la délinquance durant les neuf premiers mois de l'année. Je n'ai ces chiffres que depuis hier soir. Si, pour les zones des écurité publique, on relève une augmentation de 1,42 %,...

M. Serge Poignant.

C'est beaucoup plus !

M. le ministre de l'intérieur.

... pour les délits de voie publique, en revanche, la diminution est de 2,33 %. Sur de tels sujets, il faut donc savoir garder la mesure, madame la députée. Ils sont trop sérieux pour que l'on se permette de chercher à en tirer un parti politicien.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

NÉGOCIATIONS DE L'OMC

M. le président.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur les prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce qui vont s'engager dans quelques semaines à Seattle.

Les relations commerciales dans le monde sont à revoir en profondeur, dans l'intérêt évident des peuples, alors que les écarts de développement ne cessent de s'aggraver entre le Nord et le Sud et que le Fonds monétaire international dicte sa loi financière aux pays en difficulté pour mieux les livrer aux multinationales. Les derniers accords du GATT ont conforté la position dominante des EtatsUnis dans la disposition de l'arme alimentaire. Demain, la vente des organismes génétiquement modifiés va-t-elle primer sur le droit à la santé ? Dans ces négociations, l'agriculture, la propriété intellectuelle, l'investissement et les services sont particulièrement visés. Ainsi le danger est immense de voir, par le biais de brevets, les pays en voie de développement spoliés de leurs ressources naturelles. Sait-on, par exemple, qu'aux Etats-Unis, champions incontestés des subventions à la production et des droits de douane, une entreprise a déposé un brevet pour le riz basmati ? Les plus pauvres pourraient ainsi se retrouver à devoir payer des royalties sur des produits qu'ils cultivent traditionnellement depuis des siècles ! La spécificité des identités nationales ne peut être écrasée en vertu de l'axiome selon lequel tout, sans exception, serait marchandise. Pour les députés communistes, des questions telles que l'éducation, l'énergie, les transports doivent être mises hors négociation et l'exception culturelles reconnue dans son acception la plus large.

Nous sommes pour un développement des échanges où les pays du tiers monde seraient des partenaires actifs, ce qui favoriserait l'activité et l'emploi tout à la fois chez eux, en France et en Europe.

La récente réunion des Quinze à Luxembourg pour préparer les négociations de l'OMC vient d'échouer, tant sur la question de la culture et de l'audiovisuel que sur celles des normes sociales. C'est dire notre profonde inquiétude. La France doit, nous semble-t-il, affirmer sa détermination en refusant l'instauration d'un monde unipolaire et uniforme. Elle doit dire sa volonté de transformer une logique ultralibérale de guerre économique eno util de coopération. Toutes les entreprises privées doivent notamment respecter les clauses sociales dans les échanges. A cet égard, nous nous félicitons de l'organisation d'un débat au Parlement, comme nous l'avions demandé. Il devrait permettre de préciser les enjeux et de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

renforcer la position des négociateurs français. Pouvezvous, monsieur le Premier ministre, nous indiquer quelle sera l'attitude du Gouvernement en abordant ces négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, nous allons effectivement engager à Seattle, à partir du début de décembre, une nouvelle phase de négociations commerciales multilatérales. Pour nous, ce cycle de négociations doit être l'occasion de mieux maîtriser ce que l'on appelle la mondialisation. Nous sommes favorables à la libéralisation des échanges, mais nous voulons que cette libéralisation s'accompagne d'un renforcement des règles du commerce international.

A cette fin, et pour éviter la tentation de l'unilatéralisme, c'est-à-dire la loi du plus fort, pour prendre en compte les préoccupations et les difficultés particulières des pays en développement, nous souhaitons que le rôle de l'Organisation mondiale du commerce, en tant que cadre international où toutes les nations se retrouvent à égalité, soit renforcé. (M. Alain Madelin applaudit.)

L'accord signé le 15 avril 1994, à l'issue du précédent cycle de négociations commerciales à Marrakech, prévoyait la poursuite des discussions sur l'agriculture et sur les services. Avec nos partenaires européens, nous avons souhaité élargir ce périmètre à d'autres préoccupations : d'abord, la mise en oeuvre, par le système commercial international, des normes sociales définies par l'Organisation internationale du travail ; ensuite, une meilleure prise en compte du principe de précaution pour la sécurité sanitaire et alimentaire ; enfin, la protection de l'environnement.

Nous souhaitons également une plus forte régulation, notamment dans le domaine de la concurrence, de l'investissement et des marchés publics.

Cette nouvelle négociation qui va s'ouvrir, et qui durera peut-être plusieurs années, nous la voulons transparente et respectueuse des préoccupations de nos concitoyens. (Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Depuis plus de six mois, le Gouvernement a engagé des concertations avec les organisations syndicales, les associations et les organisations non gouvernementales.

M. Pierre Lellouche.

Mais pas avec le Parlement !

M. le Premier ministre.

Nous veillons à tenir le Parlement étroitement informé de la préparation de ces négociations.

M. Jean Ueberschlag.

Première nouvelle !

M. le Premier ministre.

C'est donc que vous étiez absent de votre banc le 23 juin dernier, monsieur le député, lorsqu'un premier débat, à notre initiative, a eu lieu ici même.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Ueberschlag.

C'est trop facile !

M. le Premier ministre.

Je me suis engagé à ce qu'une nouvelle discussion ait lieu ici même le 26 octobre, avant l'ouverture de la conférence ministérielle de Seattle.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Pierre Lellouche.

Ça, c'est bien !

M. Jean Ueberschlag.

Nous allons voir ! M le Premier ministre.

A cet égard, je vous indique que la résolution adoptée par votre commission de la production et des échanges sur le rapport de Mme Béatrice Marre constituera un utile point d'appui pour l'action du Gouvernement.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

Hier soir, à Luxembourg, M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur,...

M. François Goulard.

Et Dondoux ?

M. Thierry Mariani.

On veut Dondoux !

M. le Premier ministre.

... et M. Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, qui participaient à la délégation française, ont plaidé lors du Conseil

« affaires générales » de l'Union européenne pour que l'approche dont je viens de rappeler les grands traits soit mieux prise en compte par nos partenaires européens.

Nous avons su trouver un large accord parmi eux sur l'essentiel de nos préoccupations, notamment dans le domaine de l'agriculture. La position européenne à cet égard s'appuiera strictement sur la préservation de notre politique agricole commune. Sa réforme, telle qu'elle a été décidée à Berlin dans le cadre d'Agenda 2000, traduit notre volonté de préserver le caractère multifonctionnel de notre agriculture et accorde un rôle déterminant à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît !

M. le Premier ministre.

Je veux ajouter, mesdames, messieurs les députés, que nous proposons à l'Union européenne d'adopter pour ce secteur une attitude offensive afin d'élargir l'application des règles de l'Organisation mondiale du commerce aux pratiques commerciales critiquables d'autres pays producteurs.

M. Jean Ueberschlag.

C'est du boniment !

M. le Premier ministre.

Le direz-vous encore, monsieur le député, quand vous saurez que cette position a été approuvée par le Président de la République lui-même lorsque je l'en ai informé ? (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Alors, mesdames, messieurs les députés, deux problèmes majeurs subsistent encore à nos yeux. Le premier concerne l'exception culturelle. Ici, nous voulons faire partager à nos partenaires européens cette idée simple et fondamentale que la culture ne peut être traitée comme une marchandise. (Applaudissements sur les bancs du groupes ocialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est pourquoi nous voulons que l'Union européenne se donne un mandat qui reconnaisse à nouveau la spécificité du secteur culturel, comme cela a été admis à Marrakech. Et nous veillerons très fermement à ce que l'Union européenne et la France puissent continuer à définir et à mettre en oeuvre des politiques culturelle et audiovisuelle, librement.

La France restera inflexible sur la protection de la diversité culturelle. Je vous en donne l'assurance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Le second enjeu a trait aux normes sociales. Le gouvernement français souhaite que le nouveau cycle permette une coopération renforcée entre l'Organisation mondiale


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

du commerce et l'Organisation internationale du travail.

Il souhaite aussi que soient trouvés les cadres institutionnels permettant que soient partout respectées les normes sociales fondamentales telles qu'elles ont été définies par l'Organisation internationale du commerce.

Je crois pouvoir vous dire que, grâce au travail accompli par les ministres en charge de ces dossiers, nos partenaires européens comprennent mieux aujourd'hui nos préoccupations. Soyez assurés de la détermination du Gouvernement à les faire partager par nos partenaires dans les discussions qui s'ouvrent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi, enfin, monsieur le président (« C'est trop long ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), de saisir l'occasion de la réponse à cette question pour vous dire que je ne pourrai être demain aux questions d'actualité, votre collègue sénateur, Jean Puech, président de l'Association des départements de France, m'ayant convié, avant le ministre de l'intérieur, à son congrès. Acceptez mes excuses par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe socialiste.

NÉGOCIATIONS DE L'OMC

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Ma question, qui s'adresse au Premier ministre, porte sur le même sujet que la précédente, mais sous un angle un peu différent, à savoir le rôle de l'Union européenne et sa capacité d'union.

Le conseil « affaires générales », élargi aux ministres du commerce extérieur de l'Union européenne qui, chacun le sait maintenant, s'est réuni hier à Luxembourg, n'est pas parvenu à finaliser un texte ayant valeur de mandat de négociation pour la conférence de Seattle.

L a réorientation de l'Organisation mondiale du commerce et de son activité dans le sens d'une régulation des échanges prenant en compte toutes leurs dimensions - commerciale et financière mais aussi et surtout sociale, culturelle et environnementale - suppose que l'Union européenne soit capable de rassembler autour d'elle le plus grand nombre de partenaires. Il est bien clair que son rôle sera d'autant plus déterminant qu'elle sera ellemême unie autour d'un mandat de négociation clair et précis. De ce point de vue, une position commune des Quinze, dès ce 11 octobre, aurait donc été une bonne chose.

Je pense toutefois, et je remercie le Premier ministre de la réponse qu'il vient de faire, que nous devons nous féliciter de la fermeté avec laquelle la délégation française a défendu deux positions que nous avions adoptées par le biais de la commission de la production et des échanges, le 6 octobre, c'est-à-dire, d'une part, la priorité à donner au principe de la diversité culturelle, car si les supports de la culture sont des marchandises, la culture, elle, n'en n'est pas une, et, d'autre part, l'introduction dans le cycle de négociations de Seattle d'un travail conjoint et permanent entre l'OIT et l'OMC.

Les débats du conseil d'hier ont exprimé à la fois une volonté forte de parvenir à une position commune et, il faut le souligner, un accord des Quinze sur tout le reste du mandat, qui est très vaste, en particulier sur l'agriculture. Par ailleurs, la France a reçu des soutiens importants, notamment celui de l'Allemagne.

Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, de quelle manière envisagez-vous, sans renoncement pour la France, que l'Union européenne puisse trouver, avant la conférence de Seattle, l'unité nécessaire pour y jouer le rôle que nous attendons,...

M. Pierre Lellouche.

Il vient de répondre !

Mme Béatrice Marre.

... celui de promoteur du développement durable, dans le respect des droits de l'homme et de leur diversité culturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur. (« Dondoux ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Madame la députée, comme je l'avais annoncé la semaine dernière, je me suis rendu hier, avec Pierre Moscovici, à Luxembourg, pour défendre la position française sur l'orientation qu'il convient de donner à la commission pour la négociation de Seattle. Vous l'avez rappelé, madame la députée, nous ne sommes pas parvenus à un accord, malgré un consensus réel sur de très nombreux points.

Je rappelle que la France et ses partenaires sont d'accord sur une approche globale et large du prochain cycle de négociations, avec un engagement unique.

Une approche globale, c'est-à-dire une approche qui inclut les sujets de régulation auxquels la France est particulièrement attachée. Les ministres de l'agriculture se sont certes mis d'accord, à l'unanimité, sur des objectifs qui reprennent les préoccupations françaises en termes de m ultifonctionnalité et de sécurité alimentaire. Nous n'avons pas pour autant abouti hier parce que, sur deux questions très importantes, comme vient de le dire M. le Premier ministre, celle de la diversité culturelle et celle des normes sociales, nous n'avons pas pu arriver à un accord.

Nous avons, sur la question culturelle et audiovisuelle, une exigence essentielle que vous avez d'ailleurs, madame la députée, si bien soulignée dans votre rapport. Nous voulons préserver la capacité, pour l'Union européenne et les Etats qui la composent, de définir et mettre en oeuvre librement les instruments de leur politique culturelle et audiovisuelle dans la continuité de l'acquis du précédent cycle de négociations.

M. François d'Aubert.

Jospin l'a déjà dit !

M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Il s'agit pour nous d'un objectif prioritaire, sur lequel nous avons reçu le soutien de certains de nos partenaires, notamment des Allemands. Mais nous continuons, en effet, à rencontrer des réticences chez certains autres de nos partenaires qui ont une conception différente de la culture.

Nous allons poursuivre notre travail de persuasion.

S'agissant des normes sociales, nous avons aussi une conception plus ambitieuse que certains de nos partenaires sur la façon d'aborder à l'OMC la question du lien entre le commerce et les normes sociales de base. Cette conception est partagée par l'Allemagne et d'autres Etats membres.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Cela dit, rien n'a été fermé par nos partenaires. Nous souhaitons donc poursuivre le plus rapidement possible la négociation avec eux ainsi qu'avec la Commission, pour que des orientations claires soient arrêtées en vue de préparer Seattle.

Madame la députée, je conclurai par une considération plus générale sur l'équilibre des futures négociations.

Nous avons des intérêts offensifs dans beaucoup de secteurs l'agriculture, l'industrie, les services, les nouvelles formes de régulation mais, et j'y insiste, ce ne peut être en sacrifiant d'autres intérêts, car l'opinion publique ne le comprendrait pas, et cela, d'ailleurs, ne correspondrait pas à l'équilibre qui doit être trouvé entre les besoins du commerce et les exigences de valeurs humaines supérieures auxquelles nous sommes très attachés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

ATTENTAT CONTRE LE DC 10 D'UTA

M. le président.

La parole est à M. Alain Veyret.

M. Alain Veyret.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, le 19 septembre dernier, a eu lieu à l'hôtel des Invalides une cérémonie à la mémoire des 170 victimes de l'attentat contre le DC 10 d'UTA de septembre 1989. La justice française a conduit une instruction longue de dix ans. Un procès par contumace a débouché, en mars dernier, sur la condamnation des six accusés à la réclusion criminelle à perpétuité.

Si la Libye a procédé au versement de 208 millions de francs en guise d'indemnités, rien ne permet de penser que les auteurs de l'attentat exécuteront leur peine. Les

Etats-Unis comme la France ne sont liés par aucune convention d'extradition avec la Libye mais le procès de l'attentat de Lockerbie se déroulera en janvier prochain aux Pays-Bas en présence des deux suspects déjà livrés par la Libye.

Nulle somme d'argent ne pourrait dédommager des centaines de vies brisées, de la souffrance des enfants orphelins et de la détresse des familles qui, depuis dix ans, souffrent d'autant plus que les assassins vivent libres et sans remords.

Lors de l'inauguration du mémorial dédié aux victimes du terrorisme, le Premier ministre évoquait la révulsion de chacun d'entre nous face au terrorisme et l'insulte à la conscience humaine que constituent ces actes aveugles et barbares. Il rappelait aussi la responsabilité de l'Etat de rechercher, juger et châtier les criminels terroristes.

Monsieur le ministre, c'est au nom de la conscience humaine, au nom de cette responsabilité qui incombe à l'Etat et au nom des victimes qui réclament justice que je vous demande quelles actions vous envisagez de mener pour que, au-delà d'une indemnisation financière, la justice soit effectivement rendue dans cette affaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, la France est déterminée à ce que les engagements pris par le colonel Kadhafi au nom de son pays en mars 1996 auprès du Président de la République française soient entièrement appliqués.

C'est parce que la procédure par contumace n'existe pas dans le droit anglo-saxon que les Anglais et les Américains se sont orientés vers une procédure différente, comme ils l'expliquent eux-mêmes, c'est-à-dire un jugement dans un pays tiers, les Pays-Bas en l'espèce.

En France, la procédure de jugement par contumace - vous y avez fait allusion - a conduit à une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité des six coupables.

Depuis lors, une action est menée sur deux plans.

S'agissant des indemnisations, elle ont été versées. Au regard de la souffrance des familles et des proches, vous avez tout à fait raison, c'est peu de chose, même si c'était indispensable et qu'il fallait faire appliquer cet engagement.

Il s'agit maintenant de faire respecter les condamnations pénales et nous emploierons tous les moyens de droit international à notre disposition pour y parvenir.

C'est ainsi que nous avons transmis des mandats d'arrêt par Interpol à l'ensemble des 143 pays qui y participent.

Je rappelle, pour remettre cette affaire dans son cadre, que suite aux procédures aussi bien sur Lockerbie que sur UTA, c'est le Conseil de sécurité qui a décidé à l'unanimité de suspendre les sanctions contre la Libye. Il ne s'agit pas d'une décision relevant de la seule politique française.

En conclusion, sachez que nous sommes particulièrement vigilants sur ces questions. C'est d'ailleurs la France qui est à l'initiative de l'élaboration à l'ONU d'une convention pour la répression du financement du terrorisme et nous avons franchi, lors de la dernière assemblée générale, un pas important puisque nous avons établi par consensus un texte qui va maintenant pouvoir être adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE HOSPITALIÈRE EN GUADELOUPE

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, depuis environ deux ans, le Gouvernement a choisi de mener une action volontariste pour améliorer le dispositif de santé à la Guadeloupe. Mais les retards dans ce domaine sont considérables ainsi qu'en atteste d'ailleurs un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales.

D'ici à quelques jours, l'Assemblée nationale examinera le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000. Je me félicite dès à présent de l'évolution positive de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie et je souhaite vivement que la dotation hospitalière affectée aux Antilles, et singulièrement à la Guadeloupe, connaisse, comme les années précédentes, eu égard aux retards accumulés, une progression significative c'est-àdire supérieure à la moyenne nationale. C'est essentiel pour améliorer l'offre de soins en Guadeloupe et renforcer les mises en réseaux.

La situation du secteur privé reste préoccupante ; la recomposition de l'offre de soins doit s'articuler principalement autour du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre Les Abymes. Or cet établissement, vous le savez, a connu en 1998 une forte agitation qui a perturbé sérieusement le service public dans le département.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Depuis, les conclusions administratives, financières et techniques des différentes missions ainsi que les engagements du Gouvernement ont suscité une grande espérance chez les acteurs du CHU et au sein de la population guadeloupéenne.

Ma question est double, madame la ministre. Pouvezvous, dès à présent, me confirmer que l'effort sur la dotation hospitalière pour les Antilles sera poursuivi l'an prochain ? Envisagez-vous de prendre des mesures financières importantes et urgentes pour permettre au CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes de garantir à la population guadeloupéenne les soins de qualité auxquels elle a droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez, à juste raison, rappelé l'effort qui a été réalisé depuis trois ans pour les Antilles, et principalement pour la Guadeloupe. La dotation hospitalière y a progressé de 12 % au cours de ces trois dernières années contre 5 % en métropole.

Les moyens qui ont été mis à disposition des hôpitaux publics ont été de trois ordres : renforcement et modernisation du secteur de la psychiatrie, qui a déjà donné lieu à une enveloppe de vingt-six millions pour les CHU de Pointe-à-Pitre et le centre hospitalier de Monteran, dans le cadre d'un plan doté au total de 68 millions de francs, plan que nous allons poursuivre ; renforcement des effectifs non médicaux de la plupart des centres hospitaliers et aides importantes à l'investissement pour certains hôpitaux - ces investissements qui atteignent d'ores et déjà 160 millions de francs permettront la reconstruction des centres hospitaliers de Saint-Martin, dont la première pierre sera posée avant la fin de l'année, et de MarieGalante, la modernisation du plateau de rééducation fonctionnelle du centre hospitalier Maurice-Selbonne et la mise aux normes de sécurité de la plupart des CHU.

Enfin, en dehors de cette enveloppe, des crédits nationaux considérables ont été consacrés à des problèmes particuliers comme la lutte contre les infections nosocomiales et la prise en charge du sida ou des soins palliatifs.

Dans le même esprit, monsieur le député, les Antilles feront l'objet pour l'an 2000 d'une attention toute particulière et bénéficieront d'une enveloppe dont l'augmentation sera nettement supérieure à celle de la métropole.

Quant au CHU de Pointe-à-Pitre, j'ai été amené à y envoyer une mission ministérielle d'appui pour prendre des mesures d'urgence tant la gestion, la qualité des soins mais aussi le climat social y étaient détériorés depuis de nombreuses années. L'inspection générale des affaires sociale en a fait un rapport très inquiétant : bâtiments dégradés, absence de gestion du personnel, méconnaissance des textes et des procédures. Nous allons par conséquent mettre en place un programme de redressement pluriannuel. Autorisation sera donnée pour un emprunt de 160 millions de francs couvert par des dotations exceptionnelles et non reconductibles pour les cinq ans à venir. Nous allons refonder le budget de l'hôpital de 30 millions de francs, l'abonder de 20 millions et accroître de 10 millions le redéploiement interne du budget actuel. Enfin, il convient de reconstituer le fonds de roulement. (Exclamations sur les bancs du groupe de Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si vous considérez que doter de 200 millions un CHU, ce n'est pas grand-chose, pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ? Cela fait dix ans que cela dure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Cova.

Mais il y a dix ans, c'était vous qui étiez au pouvoir !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il s'agit là d'un effort exceptionnel - chacun le comprendra, en Guadeloupe, comme en métropole. Si nous le faisons, c'est parce que nous avons la conviction que l'ensemble de la communauté hospitalière de la Guadeloupe souhaite, comme le Gouvernement, comme vous-même, monsieur le député, en finir avec des pratiques qui ne respectent pas les exigences de qualité des soins et de sécurité pour les malades.

Cet effort majeur va exiger de la communauté hospitalière qu'elle s'organise et qu'elle s'engage totalement pour sortir des errements anciens. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais le Gouvernement lui fait confiance, comme vous monsieur le député.

Et je suis convaincue qu'ainsi, et grâce à toutes ces mesures, la population de la Guadeloupe bénéficiera de la qualité des soins qu'elle mérite et qui lui est due en raison de son état sanitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

TVA DANS LA RESTAURATION

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Monsieur le Premier ministre, la restauration française est en colère et vous n'apportez qu'une réponse policière musclée aux angoisses de ce secteur.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Reprenons les faits. Le 13 octobre 1998, il y a à peine un an, le ministre de l'économie et des finances prenait la parole dans cette assemblée. Il déclarait devant la représentation nationale, à propos de la revendication des restaurateurs français, qui demandaient une baisse de la TVA : je m'engage devant l'Assemblée à essayer de faire avancer les choses et lorsqu'elles auront avancé, nous pourrons mettre en oeuvre, dans la légalité, une baisse de la TVA dans un secteur particulièrement important. Que croyez-vous qu'il se passât ?

M. Thierry Mariani.

Rien !

M. Yves Nicolin.

En juillet 1999, la présidence finlandaise du Conseil européen a proposé que la baisse de TVA puisse s'étendre à la restauration. Cette proposition a été fortement soutenue par plusieurs Etats comme le Portugal et l'Espagne. Nous espérions que votre gouvernement mettrait, au moins une fois, ses actes en conformité avec ses engagements solennels.

M. Christian Bourquin.

Vous avez augmenté la TVA en 1996 !

M. Yves Nicolin.

Or contre toute attente, la France s'est opposée à l'extension à ce secteur de la baisse de TVA, comme elle l'avait déjà fait en 1990 1991, déjà sous un gouvernement socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. le président.

Un peu de silence !

M. Yves Nicolin.

Dès lors trouvez-vous normal, monsieur le Premier ministre, que votre ministre des finances trahisse les engagements qu'il a pris devant la représentation nationale ? Trouvez-vous normal qu'un ministre de la République puisse mentir publiquement en toute impunité ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Veuillez conclure, s'il vous plaît !

M. Yves Nicolin.

Le 25 octobre 1998, votre secrétaire d'Etat au budget indiquait au Sénat : « Le Gouvernement va continuer à faire pression pour que le droit européen change, car il s'agit d'activités de main-d'oeuvre qui pourraient développer beaucoup d'emplois dans notre pays. »

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. le président.

Concluez, monsieur Nicolin.

M. Yves Nicolin.

J'arrive à la conclusion, monsieur le président.

Or, quelques semaines plus tard, dans une réponse publiée au Journal officiel de la République française, ce même ministre répondait à une question orale d'un député de votre majorité : « Une baisse de la TVA dans la restauration bénéficierait en priorité à des catégories de population plutôt aisées. » Lorsque l'on sait que près de

50 % des repas servis en restaurant ont un prix inférieur à 50 francs et que près de 80 % ont un prix inférieur à 1 000 francs, on ne peut que se demander si les membres de votre gouvernement fréquentent les mêmes restaurants que la majorité des Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applausissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous faites les questions et les réponses !

M. Yves Nicolin.

Sur plus de 20 millions de salariés, seuls 2,5 millions ont accès à une cantine d'entreprise et bénéficient, eux, d'une TVA réduite.

Huit Etats membres sur quinze appliquent un taux réduit au secteur de la restauration. Or vos ministres ont menti à la représentation nationale et à tous les restaurateurs français en faisant le contraire de ce qu'ils avaient promis.

Allez-vous, monsieur le chef du Gouvernement, respecter la parole que vos ministres ont bafouée ou allez-vous faire répondre un de ceux qui se sont déconsidérés dans le non-respect de leurs engagements solennels ? (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, le Gouvernement baisse la TVA sur les travaux des particuliers dans les logements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie françaie-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est une priorité qui bénéficie à l'emploi et qui caractérise une politique économique dynamique.

Mais si les restaurateurs doivent manifester leur colère, c'est bien, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, contre les décisions du gouvernement que vous souteniez, lequel a porté le taux de TVA de 18,6 à 20,6 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) C'est le gouvernement actuel qui, par une instruction, a pris la décision d'imposer la TVA à taux réduit sur les ventes à emporter de hamburgers.

Comme vous le savez, la liste des produits et services qui peuvent bénéficier du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est fixée par une réglementation européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les orientations des directives s'imposent à tous les Etats membres. Il a été décidé d'élargir cette liste pour certains services à forte intensité de maind'oeuvre : c'est une politique en faveur de l'emploi ! La liste des opérations sur lesquelles la TVA peut être appliquée à taux réduit a été arrêtée par le dernier c onseil Ecofin du 8 octobre. La restauration n'en fait pas partie.

Il serait contraire au droit communautaire d'appliquer ce taux réduit.

M. Jean Ueberschlag.

Pourquoi pas ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Toutefois, je tiens à préciser que contrairement à ce qui a été indiqué par certains, la restauration rapide est également soumise au taux de 20,6 %. Seules les ventes à emporter sont soumises au taux réduit. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Enfin, les entreprises de restauration vont bénéficier d'une suppression progressive, sur une période de cinq ans, de la part salariale de la taxe professionnelle et, en cas d'accord sur l'aménagement réduction du temps de travail, les charges baisseront de 21 000 francs par emploi et par an pour un emploi rémunéré au SMIC. Au total, la baisse des charges pour ce type d'emploi sera de 5 %. V oilà encore une véritable politique en faveur de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) TRANSPORT AÉRIEN

M. le président.

Nous revenons à une question du groupe socialiste.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, une polémique a secoué le ciel français ces derniers mois à propos des retards répétitifs et en nombre croissant qui affectent le transport aérien dans notre pays.

Selon l'association des compagnies aériennes régionales européennes, 10 millions de passagers ont subi ou vont subir des retards d'ici à la fin de l'année dans l'Union européenne. Résultat : les passagers sont pénalisés, les compagnies perdent de l'argent, les riverains subissent des nuisances supplémentaires, en particulier à Roissy, où ils emblerait que de nombreuses infractions soient commises pendant la nuit s'agissant des avions les plus bruyants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Chacun tente de renvoyer sur l'autre la responsabilité de cette situation. C'est le cas des compagnies aériennes, telle Air France, qui accusent les contrôleurs aériens, s'exonérant ainsi de leur propre responsabilité. De son côté, la navigation aérienne subit avec difficulté la libéra lisation du ciel européen.

Cette situation met également en cause la gestion d'Eurocontrol, qui n'a pas aujourd'hui les moyens d'assurer sa mission de coordination et de contrôle de l'espace aérien européen. Elle pose en outre la question de la capacité de la navigation aérienne française à faire face à l'augmentation du trafic liée à l'extension de Roissy.

De plus, cette réalité ne prend pas en compte les phénomènes afférents au bogue de l'an 2000, au sujet duquel des inquiétudes sévères émanent de l'OACI. Par ailleurs, le rapport d'information sur l'aviation civile internationale et le bogue de l'an 2000, publié par le ministère américain des transports, est sévère à l'égard de la France, et invite les passagers transitant par notre pays à se préparer à des retards et à des problèmes.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous p rendre pour faire face à cette situation difficile ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, pour une réponse rapide.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, en ce qui concerne d'abord les retards, il est vrai que ceux-ci se sont aggravés. Une telle situation est due, d'une part, aux opérations militaires et humanitaires effectuées dans les Balkans durant le premier semestre, lesquelles ont eu des conséquences sur la navigation aérienne en France et en Europe, et, d'autre part, à une progression particulièrement sensible du trafic aérien, qui, avec un taux d'augmentation de 8 %, dépasse tout ce qui avait été prévu l'an dernier. Heureusement que nous avons décidé de construire les deux pistes de Roissy, sinon la situation serait encore plus grave ! Tout le monde se plaint de ces retards. Aussi, nous voulons agir au plan national et au plan européen avec l'organisation Eurocontrol.

Au plan national, nous procédons à des recrutements complémentaires de contrôleurs aériens, puisque l'augmentation du trafic le rend nécessaire. Des investissements sont faits dans le domaine du contrôle aérien.

Toujours au plan national, la discussion sur le partage de l'espace aérien entre les autorités militaires et les autorités civiles doit être approfondie, de telle sorte que l'aviation civile puisse assurer son développement dans les meilleures conditions.

Au plan européen, la France coopère activement avec ses voisins, notamment au sein de l'organisation Eurocontrol. Cette coopération est fondamentale pour obtenir les indispensables améliorations. Elle porte sur la standardisation des équipements et des communications ; les nouveaux réseaux de routes mis en place au printemps 1999, lesquels ont été quelque peu perturbés par la situation dans les Balkans ; la densification des fréquences radio, qui a été mise en place le 7 octobre dernier ; la réduction des espaces verticaux en espaces supérieurs - je n'entre pas dans le détail des décisions techniques relatives à la fameuse « boîte à chaussures virtuelle ». (Sourires.)

Il reste beaucoup à faire au plan national et au plan européen, mais la nouvelle convention d'Eurocontrol donne à cette organisation des pouvoirs d'initiative renforcés. Il faut que l'adhésion de la Communauté européenne à Eurocontrol, laquelle est en cours de négociation, permette d'accélérer le processus de décision.

Cela étant, je suis convaincu d'une chose : ce n'est pas en mettant en cause le service public chargé de la gestion de la navigation aérienne que nous pourrons parvenir à des résultats intéressants. Au contraire, il faut défendre et développer le service public dans ce domaine aussi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour ce qui est du bogue de l'an 2000, les informations dont vous avez fait état remontent au mois de juillet. Or vous le savez, tous les Etats et tous les membres de l'OACI travaillent sur ce sujet au jour le jour, semaine après semaine. Je puis vous rassurer, monsieur le député : les éléments qui sont actuellement en notre possession et qui vont être diffusés dans les prochains jours montrent que tous les équipements du contrôle aérien ont d'ores et déjà été vérifiés en France. Aucun avion survolant le ter ritoire français le 31 décembre 1999 ou le 1er janvier de l'an 2000 n'aura de problème lié à la navigation aérienne.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue. Elle reprendra à seize heures quinze.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Raymond Forni.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Discussion, en lecture définitive, d'une proposition de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 1er juillet 1999.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que le texte de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité a été adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, dans sa séance du 15 juin 1999 et rejeté par le Sénat dans sa séance du 30 juin 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de cette proposition de loi en lecture définitive (nos 1773, 1828).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voilà un an, nous nous trouvions dans cette même enceinte pour commencer l'examen de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Aujourd'hui, nous sommes là pour conclure une réforme importante. Importante parce qu'elle touche aux modes de vie, importante parce qu'elle va dans le sens de la liberté, de la stabilité et de la responsabilité des couples.

Je veux rendre une nouvelle fois hommage pour leur tenacité et leur ouverture d'esprit à Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche, les rapporteurs de la proposition de loi, a insi qu'à Catherine Tasca, la présidente de votre commission des lois.

M. Louis Mexandeau.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Ils ont expliqué quel était l'objectif poursuivi. Ils ont analysé, comme je l'ai fait moi-même, le dispositif proposé, en soulignant son caractère novateur et en réfutant les amalgames fallacieux.

Je ne regrette pas le temps passé à discuter la proposition de loi.

Mme Christine Boutin.

Tant mieux !

Mme la garde des sceaux.

Oui, beaucoup d'heures, nuit et jour, ont été passées à échanger des arguments. Et même s'il y a eu des moments d'obstruction - trop nombreux à mes yeux -, il y a eu aussi de nombreuses remarques judicieuses. Et le texte a évolué. C'était normal puisqu'on cherchait à innover pour permettre à nos concitoyens de trouver des solutions à des problèmes posés par des formes de vie nouvelles.

Le débat a permis de définir la nature des droit ouverts par la conclusion d'un PACS et de préciser comment celui-ci serait mis en oeuvre. Il a aussi, et cela me paraît essentiel, fait reculer l'homophobie. Personne ici, au Parlement, aujourd'hui, n'ose se déclarer ouvertement homophobe. C'est un symbole et un progrès.

Mais à côté du symbole, il y a la réalité des cinq millions de personnes vivant en couple sans être mariées qui vont pouvoir résoudre un certain nombre de difficultés pratiques qu'ils rencontraient jusque-là dans leur vie commune.

Je rappellerai très brièvement les droits qu'ouvre le PACS.

Grâce au PACS, celui qui vit en couple sans être marié pourra compter légalement sur l'aide ou la solidarité de son compagnon pour les dettes de la vie courante.

Grâce au PACS, cette même personne pourra se prévaloir d'un devoir d'assistance et d'une obligation envers les dettes, celles liées au logement, par exemple.

Grâce au PACS, un couple non marié pourra faire une déclaration commune de revenus.

Grâce au PACS, le survivant d'un couple homosexuel pourra rester dans le logement qu'il occupait avant le décès de son compagnon. Le bail pourra lui être transféré. Ce sera, bien entendu, la même chose pour les couples hétérosexuels.

Grâce au PACS, les donations et legs que pourront se consentir les membres d'un couple non marié bénéficieront d'un abattement de 300 000 francs et même, au 1er janvier 2000, de 375 000 francs. Le tarif des droits de mutation diminuera de 10 ou 20 %. Ces donations et legs seront donc soumis à des droits de mutation normaux.

Grâce au PACS enfin, celui des partenaires qui voudra rompre sera tenu de signifier à l'autre sa décision préalablement pour que celui - ou celle - qui se retrouvera seul puisse disposer d'un délai pour organiser l'aprèsséparation. C'est un progrès par rapport au concubinage.

Pour être mis en oeuvre, ce régime ne nécessitera que des démarches simples et de proximité : un enregistrement auprès du greffier en chef du tribunal d'instance de la résidence commune.

Voilà ce qu'est concrètement le pacte civil de solidarité.

C'est un texte réaliste sur le plan social, mais essentiel sur le plan symbolique.

Je voudrais, au terme de ce long débat, tirer quelques enseignements.

D'abord, je me réjouis que le législateur ait entendu inscrire de façon explicite, dans ce texte hautement symbolique qu'est le code civil, la diversité des modes de vie en couple. Et principalement le mariage. Les débats parlementaires ont à nouveau démontré que le mariage est l'institution de référence, dont la valeur est reconnue par tous. Plébiscité par 23 millions de nos concitoyens, il génère des droits et comporte des garanties qu'aucun autre mécanisme juridique ne pourra remplacer.

Mme Christine Boutin, M. Pierre-Christophe Baguet et

M. Yves Bur.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Parce qu'il est le mode de vie qui assure la plus grande stabilité au lien entre un homme et une femme, et aux enfants issus de ce couple, le mariage est la forme d'union que la société prend le plus en considération, en lui reconnaissant les droits les plus étendus.

Le pacte civil de solidarité, en revanche, n'est pas une institution, je l'ai dit à plusieurs reprises ; c'est un contrat par lequel un couple qui ne veut ni ne peut se marier s'engage dans la durée.

Parce que la société souhaite encourager ce mode de vie à deux, il entre désormais dans le champ des droits fiscaux et successoraux. Il entre également dans la sphère symbolique, parce qu'une France moderne ne peut rester à l'écart d'une telle évolution. Nous avons, je crois, tout intérêt à encourager ceux qui s'efforcent de résister à la dissolution, hélas, trop fréquente dans nos sociétés, des liens sociaux.

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

Mme la garde des sceaux.

Enfin, à côté du mariage, mais non pas contre lui, et à côté du PACS, il y a aussi une autre réalité de la société contemporaine, le concubinage, qui a longtemps été purement et simplement ignoré par notre droit. Le Sénat a montré la voie et votre assemblée a repris sa proposition en la précisant.

En introduisant dans le code civil, c'est-à-dire dans le recueil des dispositions qui régissent la vie quotidienne de nos concitoyens, une définition sans ambiguïté du concu-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

binage, qui inclut à la fois les couples hétérosexuels et homosexuels, le Parlement a accompli un geste symbolique très important contre les discriminations dont ces derniers sont victimes. Les couples homosexuels doivent pouvoir vivre leur choix sans être cantonnés dans un ghetto social. Le législateur doit s'abstenir de tout préjugé à leur égard.

Ainsi, au risque de me répéter, je dirai que le PACS ne menace ni la famille ni le mariage, puisqu'il est simplement une nouvelle forme de vie à deux. Il peut se substituer au concubinage, qui est une union de fait, mais jamais il ne pourra remplacer le mariage.

M. René Dosière.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Je vous ai d'ailleurs fait part à plusieurs reprises de ma conviction que le PACS pourrait même servir de pédagogie au mariage ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Cela dit, je suis aussi convaincue qu'il conviendra d'apporter des modifications au régime du mariage, de façon, par exemple, à ce que les procédures de divorce n'aggravent pas les dissensions au sein du couple qui souhaite se séparer, et n'aggravent pas non plus la souffrance des enfants.

Je crois aussi qu'il faudra étudier et résoudre enfin les problèmes du conjoint survivant et de la prestation compensatoire. Mais c'est là un autre débat, que j'avais annoncé il y a un an et qui relève d'une réforme du droit de la famille. Vous savez aussi que cette réforme est d'ores et déjà entamée, puisque le rapport annuel que j'avais commandé à l'été 1998, et qui doit servir de base au débat public, m'a été remis le 14 septembre dernier.

Je souligne que la réforme du droit de la famille sera l'occasion pour le Gouvernement de montrer toute l'importance qu'il attache à cette institution fondamentale de notre société. Je souhaite qu'elle donne lieu à une large consultation, que je mènerai personnellement, des forces politiques, syndicales et associatives, ainsi que des familles de pensée de notre pays.

Au terme de ce long débat parlementaire au cours duquel les arguments spécieux ont été démontés les uns après les autres,...

Mme Christine Boutin.

Lesquels ?

Mme la garde des sceaux.

... le PACS va enfin entrer dans la réalité.

Les textes d'application seront pris très rapidement par le Gouverment,...

M. René Dosière.

Bravo !

Mme la garde des sceaux.

... et ce travail a d'ores et déjà commencé...

Mme Christine Boutin.

Vous avez déjà dit cela une fois et ça ne vous a pas porté chance !

Mme la garde des sceaux.

... dans chacun des ministères compétents ; ces textes concerneront les formalités à accomplir lors de l'enregistrement du PACS devant les tribunaux d'instance.

Le projet de loi de finances pour l'an 2000 a prévu les mesures qui permettront de renforcer les personnels des greffes de ces juridictions. Je vous soumettrai, dans le projet de budget que je vous demanderai d'approuver bien tôt, des propositions très concrètes sur les crédits et les effectifs affectés à ces nouvelles tâches imparties aux juridictions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Un autre texte concernera les informations nominatives et devra faire l'objet d'un examen approfondi par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Par ailleurs, les autres ministères sont déjà mobilisés pour que soient pris dans les meilleurs délais les textes relatifs aux mesures fiscales et sociales.

J'ajoute enfin que nous mettrons en oeuvre, comme nous l'avons fait pour la nouvelle loi sur la nationalité, une campagne d'information afin d'expliquer de manière simple le mode d'emploi de cette nouvelle forme de vie en commun.

Nous aurons, ainsi, tous ensemble, répondu à un besoin social qui exigeait, depuis longtemps, d'être satisfait.

Le débat a été long. Il a quelquefois été difficile. J'ai dit que je ne le regrettais pas. Surtout, je ne regrette pas que ce débat ait aidé les esprits à évoluer. J'ai le sentiment que nous achevons cette discussion dans un climat plus apaisé que nous ne l'avons commencée. Je m'en réjouis, même si je sais que nos différences demeurent.

Il reste maintenant à votre assemblée, au terme de cette ultime lecture, à voter la proposition de loi pour faire exister le pacte civil de solidarité. C'est à quoi je vous invite maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour dix minutes.

J'indique d'ores et déjà que j'entends faire respecter le temps de parole imparti à chacun.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de le République.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 30 juin dernier, le Sénat a pris son temps pour adopter la question préalable, qu'il ne vote, en application de son règlement, q u'après avoir épuisé la discussion générale. Nous n'avons, par conséquent, pas pu examiner ce texte en dernière lecture avant les vacances, et celle-ci a été renvoyée à la rentrée parlementaire.

C'est plutôt une bonne chose puisque, entre-temps, les esprits ont eu le temps de mûrir et que, ici ou là, on a entendu des voix disant que l'attitude de l'opposition n'était pas forcément la meilleure.

Aujourd'hui, le Sénat ayant adopté, en troisième lecture, la question préalable, en vertu de l'article 45 de la Constitution, je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des lois de reprendre le dernier texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale...

M. Thierry Mariani Le septième !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... dans sa version du 7 avril dernier.

Depuis cette date, et je suis heureux d'avoir entendu ce que vient de dire à ce sujet Mme la ministre, les différentes administrations centrales chargées d'élaborer les décrets d'application et les circulaires de ce texte ont pu travailler, des réunions interministérielles ont eu lieu.

Dans un passé pas si lointain, j'ai participé quelques années à de telles structures et je sais que l'inertie des services n'est pas seulement juridique et technique ; mais qu'elle est quelquefois politique. Le Gouvernement étant


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

chargé de l'exécution des lois, il doit affirmer sa volonté politique pour faire en sorte que tous les obstacles soient levés et que le texte puisse être appliqué avant la fin de cette année, c'est-à-dire avant l'année 2000. Dans le cas contraire, je crois que ce serait vraiment une faute.

Nous avons eu un an de débats...

Mme Christine Boutin Au lieu de huit heures !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... mais, au fond, c'est à peu près le temps qu'il faut si l'on veut que la procédure parlementaire se déroule normalement, sans urgence. Il y aura eu trois lectures devant chaque assemblée, et une quatrième devant l'Assemblée nationale,...

M. René Couanau.

Pourquoi s'énerver, alors ?

Mme Christine Boutin.

Tout va bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... pour une réforme importante qui a empli la société car la presse s'en est fait l'écho. Nous avons à cette occasion constaté deux choses.

D'abord, nos citoyens pensent de plus en plus majoritairement qu'un couple, ce n'est pas forcément un couple marié, ce n'est pas forcément un homme et une femme.

Ce peut-être aussi un couple non marié de deux hommes ou de deux femmes. Ce couple-là est reconnu par la loi, qui lui donne des devoirs et des droits.

En second lieu, ce débat est à l'honneur du Parlement tout entier. On parle toujours de revaloriser son rôle.

Cela reste souvent très abstrait, mais, en l'occurrence, nous avons eu une illustration concrète.

En effet, la loi que nous voterons demain est d'origine parlementaire. Elle a été conçue par des parlementaires, voulue par eux et inscrite à l'ordre du jour grâce au groupe socialiste et à son président, Jean-Marc Ayrault, que je remercie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Thierry Mariani.

Il y a un an, vous ne disiez pas cela !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il s'agit donc, je le répète, d'une initiative parlementaire, qui honore le Parlement.

Je crois au surplus que le PACS fera partie des grandes lois républicaines, comme le droit de vote des femmes, l'interruption volontaire de grossesse et l'abolition de la peine de mort.

Mme Christine Boutin Attention !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est un texte qui donne à tous les couples, quel que soit leur mode de vie, plus d'égalité, plus de liberté, plus de fraternité. C'est donc une loi républicaine, et nous la voterons demain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour cinq minutes.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme d'une procédure parlementaire qui aura permis à notre assemblée de battre quelques records. L'ultime rapport de Jean-Pierre Michel livre à cet égard quelques statistiques éloquentes. Le jeune parlementaire que je suis ne pouvait rêver pareille épreuve intiatique...

A l'issue de cette année de débats, il n'est que temps, pour les législateurs que nous sommes, de restituer le PACS à toutes celles et à tous ceux qui, au coeur de la société, donc de la vie, l'ont espéré, l'ont conçu et l'ont porté.

Qu'il me soit aussi permis de saluer la détermination et la volonté des femmes et des hommes rassemblés au sein du collectif pour le contrat d'union social et le pacte civil de solidarité. Je revois également, en cet instant, les visages de ceux qui, nous ayant quittés prématurément, ne pourront partager notre joie, celle du vote d'une belle loi républicaine.

Le PACS aurait pu être la revendication tranquille d'une plus grande égalité des droits. Il a finalement provoqué un de ces débats majeurs que la société française sait sécréter lorsque les libertés individuelles sont en question : liberté pour les femmes de disposer de leur corps hier, liberté pour les couples homoxexuels d'être reconnus comme tels aujourd'hui, et plus largement pour les couples non mariés de disposer de droits.

Un militant de la première heure, Jean Le Bitoux, situe ainsi toute la force du PACS entre subversion et normalisation. Intervenant récemment dans la revue Ex quo, il précisait : « D'un côté, le PACS conteste fondamentalement l'ordre symbolique hétérosexuel, on ne se prive pas de nous le rappeler. Et cette radicalité est d'autant plus forte qu'elle ne concerne pas les seuls gays mais aussi les hétérosexuels : on se modernise ensemble. Mais, d'un autre côté, on renforce ainsi un archétype social classique, le couple, bien loin de la circulation des désirs que nous prônions autrefois à la suite de Deleuze. » Dominique

Fernandez, à sa manière, livre le même constat lorsqu'il termine son livre Le Loup et le Chien, un nouveau contrat social, par ces phrases : « En dénonçant le PACS comme une atteinte à la famille, à la société, aux « valeurs », à l'Occident (car la peur du loup fait tout de suite monter le ton), ses adversaires n'ont même pas vu que leurs prétentions étaient contraires à leurs intérêts. Car réclamer le PACS, c'est, de loup, demander à se faire un peu chien. C'est proposer un pacte de paix à la société. »

Si le PACS apparaît aujourd'hui comme une évidence pour la grande majorité de nos concitoyens,...

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas démontré !

M. Patrick Bloche.

rapporteur pour avis.

... si sa mise en oeuvre est même parfois anticipée par les juges ou les notaires, je ne saurais oublier qu'il a déclenché la première grande manifestation homophobe dans notre pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

C'est faux, monsieur Bloche ! Vous le savez !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Comment n'avoir pas été choqué par l'intolérance, la haine et les violences qui se sont exprimées à cette occasion ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Vous n'étiez pas à cette manifestation !

M. le président.

Poursuivez, monsieur le rapporteur pour avis. Ne vous laissez pas interrompre !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il reviendra, je l'espère, prochainement au législateur de créer ou d'adapter le cadre juridique permettant de lutter efficacement contre toutes les manifestations d'homophobie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Mme Christine Boutin.

C'est honteux de dire cela ! C'est indigne de vous !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Dans le même esprit, je souhaite que la suite du débat sur le projet de loi relatif à l'audiovisuel permette de maintenir la mission nouvelle donnée au CSA de sanctionner les contenus à caractère homophobe diffusés par les chaînes de télévision.

La gauche plurielle a voulu le PACS afin d'inscrire dans le code civil les évolutions de notre société. Elle l'a fait comme Lionel Jospin s'y était engagé lors de la campagne des élections législatives de 1997.

La droite s'y est opposée avec une rare constance, et les craquements en son sein, perceptibles à la fin de l'été,...

Mme Christine Boutin.

Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... n'ont pas franchi les portes du Parlement, puisque nous aurons à repousser, à nouveau, trois motions de procédure, alors que nous sommes au stade de la lecture définitive.

Il s'agit maintenant d'aller vite...

Mme Christine Boutin.

Vous allez vite depuis un an !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... dans la mise en application de ce texte. Le Premier ministre en a exprimé le souhait il y a une quinzaine de jours à Strasbourg, et vous venez, madame la garde des sceaux, de nous donner une nouvelle fois la preuve de votre remarquable détermination ; nous vous en remercions.

Arrivés au terme de cette procédure, nous sommes évidemment toujours sollicités pour modifier tel article, corriger telle disposition ou intégrer au texte des préoccupations souvent légitimes mais extérieures à la démarche qui a été la nôtre lorsque nous avons rédigé cette proposition de loi. Redisons-le une dernière fois à cette tribune : le PACS vise le couple et seulement le couple. Il ne concerne ni la famille ni les enfants.

Dès la deuxième lecture dans cette enceinte, nous sommes arrivés à un équilibre qui a été confirmé en troisième lecture et qui le sera définitivement par notre vote de demain. L'essentiel réside dans la fixation d'un cadre juridique qui, comme d'autres, à l'usage, sera vraisemblement amené à évoluer.

C'est sur cet usage que Jean-Pierre Michel et moimême serons conduits désormais à porter nos efforts, puisque Catherine Tasca a souhaité un suivi de l'application de cette loi. La commission des lois et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui ont déjà tant apporté au texte, notamment grâce à la compétence de leurs administrateurs, poursuivront donc leur travail.

L'initiative parlementaire, qui est à l'origine du PACS et qui a su s'incarner tant dans la force de conviction de Catherine Tasca que dans la salutaire obstination dont a fait preuve Jean-Pierre Michel depuis sept ans, ne trouve donc pas son terme aujourd'hui.

Mais, avant toute chose, il faut que vive le PACS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour une durée qui ne saurait excéder quinze minutes, en vertu des nouvelles dispositions réglementaires.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 9 octobre 1998, il y a un peu plus d'un an, l'Assemblée nationale déclarait irrecevable la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. L'absence de députés de la majorité traduisait le trouble qui avait saisi l'opinion sur un texte dont elle ne comprenait, sauf une minorité bien organisée, ni la nécessité ni l'intérêt, mais dont elle devinait l es imperfections et les dangers.

Les réserves des professionnels du droit et les alarmes des autorités représentatives de tous les cultes de ce pays, sans exception, expliquaient le vote négatif des représentants de la nation et le peu d'enthousiasme que beaucoup de députés de la majorité rencontraient dans leurs circonscriptions.

M. René Dosière.

C'est faux !

M. Claude Goasguen.

Ces avertissements n'ont sans doute pas suffi puisqu'en dépit de nos règles parlementaires bien établies - le Conseil constitutionnel en jugera - vous avez redéposé un texte identique, ou quasiment, à l'ancien, dont nous sommes saisis aujourd'hui et qui s'est traîné de lecture en lecture, malgré l'opposition du Sénat, jusqu'à cette ultime réunion.

Pour la première fois, sur un sujet de société qui se doit de dépasser les clivages politiciens, puisqu'il s'agit plus de conscience que d'intérêts partisans, tout fut mis en oeuvre pour réduire le débat aux affrontements politiques classiques. Le débat de société n'a pas eu lieu entre une majorité sommée de soutenir le texte pour se remettre de l'épisode du 9 octobre dernier et qui se contente de participer en nombre, et en silence, au soutien d'une loi devenue gouvernementale de fait, et la droite de l'hémicycle, qui, malgré son acharnement,...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Le mot est juste !

M. Claude Goasguen.

... n'obtient aucune concession et se contente de gommer, non sans difficulté, quelques énormités juridiques dans une loi qui en compte beaucoup encore.

Nous sommes nombreux sur tous les bancs à partager le sentiment que, malgré le temps passé, l'Assemblée a ignoré délibérément le débat essentiel. C'est aussi l'avis récent du Conseil national des barreaux, qui ne s'y est pas trompé lorsqu'il a déclaré, le 21 juin dernier : « La discussion parlementaire a révélé un refus catégorique de débattre ; le PACS est donc une manière de ne pas répondre à des questions qui sont pourtant omniprésentes. »

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comme si le PACS était déjà dépassé dans l'opinion avant même d'avoir été voté, un grand hebdomadaire titre : « Homos : le droit d'être parents ». Le débat sur l'homoparentalité qui commence laisse déjà derrière lui les prémices obscures et confuses qu'ont constitué nos débats. Ce débat de société retentira désormais sur les propositions que vous envisagez de faire sur la famille, au sein de laquelle la pluriparentalité devient un fait, sinon un droit.

La majorité n'a pas voulu discuter de ces questions, se réfugiant dans un soutien convenu - « Le PACS ! Le PACS ! Rien que le PACS, et on verra plus tard ! » -


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

excepté le rapporteur de la loi, que je salue ici et qui a eu au moins le courage, en ce qui le concerne, de ses opinions. Difficile, devant le mutisme d'une moitié de l'hémicycle, d'ouvrir un débat sur le fond ! Le Gouvernement se drapait lui-même dans la dignité outragée lorsque nous prétendions que le PACS mettait en cause directement le statut de l'enfant et le droit de la famille.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. René Dosière.

Cela n'a rien à voir !

M. Claude Goasguen.

Deux questions essentielles et préalables ont pu être ainsi commodément évacuées : fallait-il, à partir des problèmes réels que rencontrent certains homosexuels, créer une institution nouvelle dans le droit des personnes ? Fallait-il amalgamer dans cette institution les couples homos et hétérosexuels ? La liberté des homosexuels n'était pas en cause et personne ici ne l'a remise en cause.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Chacun a le droit de choisir son mode de vie pour autant qu'il n'attente pas à la liberté d'autrui. Nous savons, comme vous, que l'union libre hétéro ou homo-s exuelle concerne des millions de nos concitoyens.

L'union libre et le concubinage répondent à leur souhait dans un esprit différent de l'institution matrimoniale.

L'union libre est un choix, et il n'était pas nécessaire de modifier l'idée de liberté qui la sous-tend et qui correspond à un choix de vie. Il était, en revanche, indispensable de répondre aux conséquences juridiques de situat ions dramatiques que connaissent les homosexuels, situations rendues plus dramatiques encore avec le développement de l'épidémie du sida, en matière de logement, de transmission de patrimoine ou de solidarité.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 décembre 1997, avait interpellé le législateur à ce sujet à l'occasion d'une douloureuse affaire. Nous devions répondre à ces questions qui venaient vers nous.

Il fallait des lois. Certaines avaient déjà été votées.

Nous étions prêts à en voter d'autres avec une majorité large à l'issue de débats qui auraient honoré l'Assemblée.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Elles pouvaient concilier justice et solidarité.

Nous pouvions même envisager, comme le suggérait le rapport Hauser, de créer un nouveau type de contrat de droit privé, inscrit au titre des contrats dans le code civil.

Mais de cette construction, qui conservait la liberté et l'ordre privé des choses, vous avez refusé de discuter. Elle répondait aux mêmes attentes que votre PACS, mais vous vouliez, au-delà de la liberté non contestée, au-delà de la non-discrimination non contestable, donner à l'homosexualité une légitimité sociale, sans doute pour honorer vos promesses électorales, et sans doute parce que les représentants de la majorité étaient sous la pression d'un lobby efficace.

La majorité des homosexuels de ce pays, dans un premier temps assez indifférents à une structure juridique qu'ils ne souhaitaient pas, voyaient alors naturellement dans l'acharnement mis dans les débats comme une remise en cause de leur liberté, la force des débats à l'extérieur contrastant de toute évidence avec l'absence de débat réellement politique dans notre assemblée.

D'une situation matérielle qui nécessitait l'intervention législative, vous avez tiré l'opportunité de créer de toute pièce une institution qui n'apporte rien de plus à la liberté incontestée, mais qui créée pour l'avenir des problèmes graves,...

Mme Christine Boutin.

C'est vrai !

M. Claude Goasguen.

... techniques, juridiques - nous y reviendrons -, mais aussi philosophiques et moraux.

Jusqu'où irons-nous dans la socialisation du droit, dans cette caricature du droit de l'homme qui consiste à produire, en lieu et place de la liberté de l'homme et de son libre arbitre, des droits collectifs et sociaux ?

Mme Christine Boutin.

Très bonne question !

M. Claude Goasguen.

La liberté de l'homme gênet-elle à ce point que tout est prétexte à la socialisation de l'individu et à l'énumération législative de ses droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Cette logique de socialisation aurait pu vous conduire à créer un statut de l'homosexualité, puisque statut vous vouliez. Mais vous n'avez pas voulu le faire, puisque vos promesses électorales allaient plus loin et tournaient, en réalité, autour du mariage homosexuel et du rapprochement des situations qu'exigeaient les groupes de pression.

Voilà les raisons de votre choix en faveur d'une institution mixte, hétéro et homosexuelle. En voulant fuir le débat sur l'homosexualité, vous n'avez pas hésité à aggraver le texte, hypothéquant pour le coup l'avenir de notre droit familial par ce PACS qui est un acte juridique bien plus nocif que la simple transformation de l'homosexualité en statut social.

Votre PACS, quoi que vous puissiez dire, est de toute évidence un sous-mariage. Il s'insère dans le code civil entre les dispositions relatives au mariage et celles concernant le divorce. Tous les concepts juridiques employés sont directement issus du droit matrimonial, déformés, rabotés pour éviter les amalgames, sans convaincre personne, surtout pas les juristes qui vont devoir appliquer un texte de mauvaise qualité et qui dénoncent à la fois vos approximations et votre absence de pensée novatrice.

Votre marge de manoeuvre était certes étroite pour satisfaire les homosexuels dans leurs revendications de mariage bis, et l'opinion était pour le moins réservée à ce sujet. Cela explique une loi en trompe-l'oeil, dont l'application est sans doute incertaine.

Quelle sera en effet l'application du PACS ? Je crains et je l'espère en même temps - qu'elle ne soit que transitoire. L'opinion va très vite dépasser ce stade en posant très clairement la question de l'égalité de situation entre homo et hétérosexualité dans le droit familial, de cette égalité que vous initiez dans le statut du PACS et que nous combattons. Vous n'avez jamais accepté que l'on parle de l'enfant. Il est pourtant au centre du débat,...

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Claude Goasguen.

... et il va vous rattraper.

Quoi que vous puissiez en dire, votre loi aura des conséquences sur l'évolution du droit familial, et d'abord au regard de l'adoption, qui pose déjà de sérieux problèmes au juge depuis plusieurs années, lorsqu'il aborde de façon connexe la question de l'homosexualité de l'adoptant.

M. Philippe de Villiers.

Très juste !

M. Claude Goasguen.

Les décisions de justice sont contradictoires et dépendent des circonstances. Selon la loi française, l'examen de l'homosexualité éventuelle n'est pas un élément déterminant de refus. La reconnaissance de l'égalité des liens personnels dans le PACS entre homosexuels et hétérosexuels conduira forcément à lever les doutes légitimes des magistrats vers une évolution


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

jurisprudentielle conduisant à la reconnaissance de l'adoption homosexuelle. D'autant que les résolutions européennes de 1994 vont, sans équivoque, dans le même sens et que nous sommes à la merci de sanctions juridiques des cours européennes.

Le refus que vous avez opposé ici même aux éclaircissements qui nous paraissaient nécessaires de la loi sur l'adoption traduit le consentement anticipé de votre majorité à cette évolution. Nous la refusons sans ambiguïté ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Roman.

C'est un procès d'intention !

M. Claude Goasguen.

J'ai parlé de l'Europe car vous ne pourrez pas non plus ignorer l'évolution de nos voisins. En Hollande, en Suède, la parentalité des couples homosexuels est une réalité. Le PACS ne sera qu'une étape. Aux Etats-Unis, on compte plusieurs millions de familles homosexuelles,...

De nombreux députés du groupe socialiste.

Et alors ?

M. Bernard Roman.

C'est une maladie ?

M. Claude Goasguen.

... renforcées par la libéralisation des PMA dans certains Etats américains.

La jurisprudence américaine n'opère plus de différence selon la nature de la famille, qu'elle soit homo ou hétérosexuelle.

Mme Yvette Roudy.

Et alors ? Un député du groupe socialiste.

Vous êtes rétrograde !

M. Claude Goasguen.

Ainsi, aux Etats-Unis, la situation se normalise dans un sens que nos traditions et l'opinion de nos concitoyens refusent.

M. Yann Galut.

C'est vous qui le dites !

M. Claude Goasguen.

Cette identité de situation entre homos et hétérosexuels correspond-elle, en effet, à notre culture, à cette exception française qui trouve ses sources dans notre histoire et notre conception française de la famille ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La réponse est évidemment négative.

M. Yann Galut.

Ah bon ?

M. Claude Goasguen.

Croyez-vous que le PACS, qui assimile couples homos et hétérosexuels, nous prépare dans de bonnes conditions à refuser l'évolution qui domine dans les pays anglo-saxons ?

Mme Yvette Roudy.

C'est du racisme !

M. Claude Goasguen.

Vous ne pourrez ignorer non plus le contexte scientifique dans lequel va se jouer l'avenir de la famille et de la parenté. Nous vous accusons non pas d'avoir créé le débat sur la pluriparentalité : il aurait eu lieu de toute façon car il est au coeur de l'évolution de nos sociétés. Ce qui ne nous paraît pas acceptable c'est que vous ayez donné une première réponse à ce débat-là en acceptant l'égalité de statut homo et hétérosexuel dans le PACS.

Le PACS n'est qu'une étape, et vous le savez. Je ne vois pas quels seront les arguments du Gouvernement - sinon dilatoires, et pour combien de temps d'ailleurs ? pour s'opposer demain à ce qu'il a accordé hier. Vous avez initié un renversement de logique...

M. Jean Ueberschlag.

De logique, ils n'en ont jamais eu !

M. Claude Goasguen.

... et certains d'entre vous ont déjà dépassé la simple logique du PACS pour aller logiquement vers ce qu'ils présument pour notre avenir.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On voit loin !

M. Claude Goasguen.

Dans ce débat de société, sur l'évolution de la famille, sur la place de l'enfant, sur le respect des règles qu'implique l'article 7 de la convention sur les droits de l'enfant - le droit à un père et à une mère -, vous avez présumé l'issue dans un sens qui n'est pas celui des Français. Vous avez voulu, en quelque sorte, nous forcer la main.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Très juste !

M. Philippe de Villiers.

M. Goasguen a raison !

M. Claude Goasguen.

Enfin, je ne soulignerai que pour mémoire les imperfections techniques maintenues, malgré nos efforts, dans le texte dont j'attends avec intérêt la publication des décrets d'application : incertitudes sur le droit des tiers, statut des biens en indivision, prob lème des libéralités, contours incertains de l'aide mutuelle et matérielle, publicité de la rupture. Du point de vue de la stricte technique juridique, le PACS est une formidable régression dans le droit des personnes...

Mme Véronique Neiertz.

N'importe quoi !

M. Claude Goasguen.

... puisqu'il ne garantit pas les droits des plus faibles.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du group communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Guy Teissier.

Absolument !

M. Claude Goasguen.

Votre texte est « inutile et dangereux », ainsi que cela a été répété à maintes reprises par les plus hautes autorités morales et religieuses de notre pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il compliquera un droit des personnes et de la famille déjà fortement entamé par l'insécurité, par la précarité et par l'absence de références dont souffre notre société.

M. Jean-Pierre Blazy.

On préfère Boutin !

M. Claude Goasguen.

Il postule une attitude favorable de la France dans le débat de société qui va s'ouvrir sur la pluriparentalité et la parentalité homosexuelle.

Ce texte est irrecevable. Il attente à l'égalité fiscale, à l'égalité civile, à la famille et à nos traditions parlementaires les plus éprouvées.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous le refusons sans équivoque.

Mme Véronique Neiertz.

Vous l'avez déjà dit !

M. Claude Goasguen.

C'est la raison pour laquelle, avant de saisir le Conseil constitutionnel dans le cas du vote prévisible de votre majorité, le groupe Démocratie libérale invite l'Assemblée à voter cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La commission et le Gouvernement sont opposés à l'exception d'irrecevabilité.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste.

M. Bernard Roman.

Monsieur le président, nous n'allons pas reprendre le débat des précédentes lectures. Je serai donc bref.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Monsieur Goasguen, à entendre les réactions de certains de vos collègues de l'opposition, on aurait pu croire que la droite, sous la pression peut-être de ses plus jeunes militants,...

M. Yann Galut.

Oui, parlez-en aux jeunes !

Mme Christine Boutin.

Ne vous inquiétez pas pour eux !

M. Bernard Roman.

... en tout cas de l'opinion publique, avait durant l'été remis en cause sa stratégie anti-PACS. Elle semblait, à en croire les déclarations de certains de nos collègues - dois-je citer M. Douste-Blazy, M. Bayrou, M. Sarkozy ou M. Madelin ? -,...

M. Guy Teissier.

Ils votent contre !

M. Bernard Roman.

... avoir compris qu'elle ne pouvait désormais pas s'écarter du mouvement de la société.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Eh bien, monsieur Goasguen, vous avez le mérite de replacer l'opposition dans son camp : celui de la droite,...

Mme Françoise de Panafieu et M. Jean Ueberschlag.

Oui !

M. Bernard Roman.

... celui du conservatisme, celui de l'intolérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En ce qui nous concerne, nous pensons que la politique, que le politique doit avancer avec la société et que c'est le rôle, et même l'honneur du Parlement que de faire évoluer le droit. Or c'est précisément ce que nous faisons aujourd'hui.

Le PACS est un grand progrès juridique (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants), et nous nous en félicitons.

Le PACS est un grand texte qui honore la laïcité de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qui consacre la liberté individuelle, qui ouvre de nouveaux espaces de solidarité.

Nous le voterons avec fierté, en nous opposant auparavant à l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Patrick Devedjian.

Madame la garde des sceaux, le 9 octobre 1998, la majorité de cette assemblée adoptait une exception d'irrecevabilité et rejetait donc la proposition de PACS pour son inconstitutionnalité.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Alain Néri.

Par défaut !

M. Patrick Devedjian.

La majorité de cette assemblée s'était prononcée, et je pense que personne ne le conteste.

Depuis lors, nous avons passé un an à travailler sur le texte. Aucune des raisons d'inconstitutionnalité qui avait été évoquée à l'époque n'a disparu : elles ont été maintenues, enkystées, développées, aggravées. Certaines ont été même ajoutées : dorénavant s'ajoute aux motifs d'inconstitutionnalité évoqués le 9 octobre 1998 la violation du règlement de notre Assemblée nationale. Il y a donc là une raison de plus pour persister dans notre opposition déterminée au PACS.

Je voudrais dire à M. Roman qu'ici, les modernes, c'est nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, monsieur Roman, les Modernes, c'est nous ! Car votre passion de tout réglementer, de la pause cassecroûte dans les entreprises à la vie sexuelle de nos concitoyens, constitue une formidable régression sur le plan de la liberté.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Voyez-vous, monsieur Roman, le grand vent de la liberté qui s'est levé et qui a emporté le socialisme soviétique vous emportera avec lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de conserver de la dignité à ce débat en écoutant en silence les propos de ceux qui interviennent.

La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Dominique Dord.

Monsieur Roman, je suis au regret de vous confirmer que notre position n'a pas varié.

M. Jean-Pierre Blazy.

Quelle surprise !

M. Dominique Dord.

Il faudrait plus, en effet, qu'une brise légère ou même qu'une tempête pour que nous varions sur ces sujets-là, qui touchent au plus profond de nos convictions.

Pour ma part, j'ai trouvé que votre explication de vote était indigne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Comment avez-vous pu, au nom de la tolérance, proférer de tels propos à l'encontre de M. Goasguen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

La tolérance, monsieur Roman, commence par la tolérance envers vos propres collègues, fussent-ils dans l'opposition, et que cela vous plaise ou vous déplaise ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Non, nous n'avons pas changé d'avis, et en ce qui vous concerne vous n'avez pas changé d'attitude : vous nous ramenez sans cesse à ce que sont vos fantasmes en nous caricaturant.

Vous avez dit que la droite, c'était le conservatisme, c'était l'intolérance. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Et vous avez qui plus est l'impression de faire oeuvre de liberté ! Mais, comme Patrick Devedjian vient de vous l'expliquer parfaitement, c'est tout le contraire de la liberté que vous illustrez puisque, au lieu de respecter la liberté de choix de nos concitoyens quant au type de vie qui leur convient, vous essayez de la réglementer toujours un peu plus.

Mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale votera évidemment l'exception d'irrecevabilité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. Jean-Pierre Blazy.

Et Madelin, que fera-t-il ?

M. Dominique Dord.

Claude Goasguen a bien fait de rappeler la genèse difficile, chaotique, dont vous n'avez pas à être fiers, de ce texte qui vient aujourd'hui devant nous pour la quatrième fois.

Il a également bien fait, ne vous en déplaise, de rappeler que nous sommes nous aussi, ainsi que je l'ai rappelé lors de la première lecture à cette tribune, favorables à l'évolution du droit. Sinon, à quoi bon être législateur ? Mais il faut, monsieur Roman, que vous souffriez qu'on puisse faire évoluer le droit et l'adapter à l'évolution des moeurs différemment de ce que vous faites. J'aurai l'occasion de développer ce point dans la discussion générale.

Enfin, Claude Goasguen a bien fait de poser la question, qui reste ouverte et que vous avez ouverte, de l'homoparentalité et de la pluriparentalité.

A force de brouiller les repères déjà bien fragiles de notre société, on s'expose à des retours de bâton dont on ne maîtrise pas toujours les effets.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour le groupe communiste.

M. Bernard Birsinger.

Mes chers collègues, parlez de nouveaux droits sociaux pour des millions de gens, et la droite rentre en transe ! N'est-il pas significatif que M. Devedjian ait fait le parallèle entre les 35 heures et le PACS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

D'ailleurs, il a raison, il y a une filiation entre ces deux lois car elles permettent toutes les deux de faire avancer le progrès dans notre pays.

Mais depuis un an, plus la droite plaide l'irrecevabilité, plus l'opinion publique - particulièrement les jeunes trouvent le PACS recevable.

(« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

Arrêtez avec les jeunes !

M. Bernard Birsinger.

C'est tellement vrai que selon le Centre d'études et de connaissance de l'opinion publique, 59 % des jeunes sympathisants de droite de moins de trente ans jugent le PACS positif.

M. Jean-Claude Lefort.

Ils vont être exclus !

M. Bernard Birsinger.

Le groupe communiste se situera une nouvelle fois résolument du côté du progrès, du côté du PACS qui est à la fois une réponse à un besoin social et une reconnaissance des couples qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se marier. C'est pourquoi, il votera contre l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe Démocratie libérale et Indépendants d'une demande de scrutin public. Le scrutin va être annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe UDF.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Claude Goasguen nous a donné plusieurs excellentes raisons d'approuver l'exception d'irrecevabilité. J'en retiendrai cinq.

La première, c'est que ce texte porte atteinte à l'égalité fiscale et civile et au droit de la famille. Le PACS est un contrat déséquilibré, qui privilégie les droits de certains citoyens au détriment de ceux d'autres citoyens, accentuant ainsi les inégalités sociales.

La deuxième raison est relative à la famille. J'ai noté avec beaucoup de surprise que, pour la première fois depuis le début de ces débats, Mme la garde des sceaux a longuement parlé du mariage, elle en a même fait l'apologie en mettant en avant son rôle stabilisateur dans notre société. Elle a également évoqué le droit de la famille, alors qu'on n'a cessé de nous répéter qu'il n'y avait aucun lien entre le PACS et ce droit. Il faudra aujourd'hui m'expliquer ce revirement.

La troisième raison tient à l'article 40. Nous n'avons toujours pas d'estimation du coût du PACS et aucune recette n'est encore prévue.

Là aussi, pour la première fois depuis le début de nos débats, il y a un an, Mme la garde des sceaux a parlé des moyens. Est-ce à dire qu'il y aurait une inquiétude croissante du Gouvernement sur la possibilité de faire approuver ce texte par le Conseil constitutionnel ? La quatrième raison porte sur l'application incertaine de ce texte et sur l'égalité des situations entre homo et pluri-parentalité, comme vient de le rappeler fort justement Dominique Dord.

Enfin, la dernière, monsieur le président, c'est que nous nous exposons à des sanctions de la Cour européenne.

En outre, j'aimerais dire combien je m'associe à l'intervention de Patrick Devedjian, qui a exprimé avec fougue la position ferme et constante de l'opposition face à ce texte.

Pour toutes ces raisons et toutes celles que je n'ai pas rappelées, le groupe UDF-Alliance approuvera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance du groupe du Rassemblement et pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur Goasguen, je vous écoute t oujours avec beaucoup d'attention, et j'essaie de comprendre comment vous arrivez à trouver de vraies raisons de vous opposer au PACS, qui, pour nous, est un véritable progrès de civilisation. Vous avez l'habitude en commission des lois de nous faire à tout va l'apologie du droit anglo-saxon, cette fois-ci vous êtes farouchement contre. Vous dites que la dynamique de progrès est difficile, mais force est de constater que, dans l'histoire des débats de cette assemblée, c'est plus souvent du côté gauche de l'hémicycle, en tout cas toujours avec le soutien de ce côté-ci, que les grands textes de progrès sont passés. (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Muguette Jacquaint.

Très bien !

M. Guy Hascoët.

Et ça vous dérange. L'exercice est toujours plus difficile pour celui qui propose l'avancée que pour celui qui met les deux pieds sur le frein.

En fait, vous ne trouvez pas de véritables raisons de v ous opposer. Vous êtes même allé jusqu'à laisser entendre que le droit lui-même ferait augmenter le nombre d'homosexuels aux Etats-Unis.

M. Claude Goasguen.

Mais non !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. Guy Hascoët.

On a déjà eu l'occasion de débattre de la question identitaire, soyons très clairs : on se constate une orientation sexuelle, on ne l'invente pas.

Est-ce que la société, au nom d'une morale, et non pas au nom du droit, a le droit de maintenir des individus dans le non-droit et la souffrance ? Notre réponse est claire, c'est non. C'est la raison pour laquelle, une fois de plus, le groupe Radical, Citoyen et Vert votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

333 Nombre de suffrages exprimés .................

333 Majorité absolue .......................................

167 Pour l'adoption .........................

113 Contre .......................................

220 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour une durée qui ne saurait excéder quinze minutes.

M. Thierry Mariani.

Mes chers collègues, un an après le début de ce débat, nous n'avons pas changé dans nos convictions.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ça non !

M. Thierry Mariani.

Un an après, même si la plupart d'entre vous quittent cet hémicycle, nous demeurons convaincus que votre texte contient de nombreuses imperfections et qu'il sera source de contentieux multiples. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, il ne constitue pas une avancée sociale pour les couples homosexuels mais un indéniable danger pour la famille. Bref, votre texte, dans sa septième version, demeure inapplicable et dangereux à plus d'un titre. Et bien avant même qu'il ne soit voté, nous voyons déjà les premières conséquences d'une rédaction improvisée qui laisse place à tous les abus.

Un guide intitulé PACS, mode d'emploi : si vous saviez tout ce que le PACS peut faire pour vous, paru récemment, énumère les différentes déclinaisons du pacte : « PACS d'amour », « PACS d'amitié », ou bien encore « PACS d'intérêt ». Votre texte, madame la ministre, permettra en effet à chacun de bénéficier d'avantages divers et variés qui n'auraient pas lieu d'être dans de nombreux cas.

Alors que votre volonté première - ou en tout cas, celle de notre rapporteur - était de régler certaines situations difficiles vécues par les couples homosexuels, votre manque de courage politique et le refus d'une partie de votre majorité de voter un texte spécialement adapté aux homosexuels ont fait de la proposition de loi un véritable monstre juridique, totalement inapplicable.

Avant d'en venir aux avantages indus liés à la conclusion d'un PACS, permettez-moi de revenir sur les conditions de conclusion et de résiliation de ce nouveau contrat. Tout est contenu dans l'article 1er de votre texte, pour le moins ambitieux, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de créer sept articles dans notre code civil. Qui peut conclure un PACS et pour quoi faire ? Aux termes de la proposition de loi, le PACS est conclu par deux personnes qui doivent être majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. Déjà, à ce stade, mes chers collègues, de multiples questions se posent.

« Deux personnes ». Pourquoi seulement deux dans la mesure où le PACS n'impose pas de relations intimes ? D'ailleurs, dans votre première version, vous aviez vousmême inclus les fratries pour rapidement faire machine arrière en deuxième lecture.

« Majeures ». Est-ce que les mineurs émancipés, considérés comme majeurs, pourront contracter un PACS ? A priori rien ne l'interdit. Le rapporteur a même expressément admis cette possibilité.

« De sexe différent ou de même sexe ». Là il s'agit d'un problème important : on ne peut pas traiter dans le même texte le problème des couples homosexuels et le problème des couples hétérosexuels. Pour les premiers ne se pose pas la question des enfants, alors que celle-ci revêt une importance capitale pour les seconds.

« Pour organiser leur vie commune ». Cette expression, vous le savez, manque singulièrement de précision. Y aurat-il une obligation de résidence comme dans le mariage ? Y aura-t-il un caractère de stabilité, de continuité comme dans le concubinage ? Cela ne semble pas être le cas. Certaines entreprises ont recours à des boîtes aux lettres postales pour établir leur domiciliation. Une simple boîte postale suffira-t-elle à justifier de la vie commune pour signer un PACS ? On peut bien craindre que oui.

Enfin, le texte précise que le PACS est un contrat et place ce contrat dans le livre Ier du code civil relatif aux personnes. C'est là une bien étrange conception du droit.

Je note ici que le rapporteur nous a clairement dit en troisième lecture que le PACS pouvait être un contrat à durée déterminée. Rien n'interdit aux partenaires de prévoir une période au terme de laquelle le PACS sera rompu de plein droit, automatiquement, sans compensation, sans dommages et intérêts. Avec l'aveu du rapporteur, c'est la répudiation a priori que vous instituez dans un texte ! Puis, comme en matière de mariage, votre texte prévoit des empêchements à la signature d'un PACS. S'agissant d'une institution destinée à concurrencer le mariage et concernant uniquement la vie de couple, l'instauration de tels empêchements est tout à fait justifiée. Or, le rapporteur comme le ministre n'ont cessé de répéter au cours des débats que le PACS n'était pas le mariage, qu'il n'avait aucun lien avec ce dernier, et qu'il pouvait tout à fait concerner deux personnes vivant ensemble, pas forcément comme un couple, mais souhaitant développer une nouvelle forme de solidarité l'une envers l'autre. Si telle est la réalité, il n'y avait aucune raison d'instaurer des empêchements.


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Ici encore, cette disposition démontre bien que l'on ne peut pas légiférer de façon universelle sur des questions aussi différentes que la vie d'un couple hétérosexuel, la vie d'un couple homosexuel ou la vie commune de deux personnes âgées. Ces situations différentes auraient dû être traitées dans des textes distincts. Avec le PACS, vous avez mélangé les genres, ce qui fait de votre texte une sorte d'auberge espagnole, où chacun peut y trouver son compte sans pour autant obtenir un cadre réellement adapté à sa situation.

J'en viens aux conditions formelles d'enregistrement et de dépôt des pactes civils de solidarité. La proposition de loi, après avoir longtemps hésité sur le lieu d'enregistrement des pactes - mairie, préfecture, tribunal de grande instance -, prévoit dans cette septième et ultime version que les PACS seront enregistrés dans les tribunaux d'instance. Cela pose deux problèmes. Le premier concerne l'instauration d'un état civil bis auprès des greffes des tribunaux d'instance dont la mission n'est pas de procéder à de tels enregistrements. Le second tient en l'absence de greffes à temps plein dans certains tribunaux d'instance ainsi qu'en l'insuffisance des moyens matériels dans de nombreux tribunaux situés dans des petites communes.

A l'heure où nos tribunaux sont engorgés et où l'on tente de développer les solutions alternatives aux poursuites, n'est-il pas totalement incohérent et illusoire de confier une nouvelle mission à des services déjà surchargés de travail et en sous-effectifs ? De plus, se pose avec cet article toute une série de questions.

Le greffier pourra-t-il refuser d'enregistrer un PACS qu'il jugerait contraire à certaines dispositions législatives ? Si oui, quelles seront les voies de recours des parties ? Une fois de plus, votre proposition est muette sur cette question.

Les registres sur lesquels seront notées les déclarations seront-ils publics ? Qui pourra les consulter ? Dans quelles conditions ? Cette question est importante dans la mesure où le pacte civil de solidarité produit des effets à l'égard des tiers et qu'il faut donc assurer à la conclusion de ces contrats un minimum de publicité. Mais, dans ce cas, vous allez créer un véritable fichier des personnes homosexuelles dans notre pays. Patrick Devedjian reviendra sur ce problème crucial dans son intervention. Je pense que vous n'avez pas mesuré toutes les conséquences de votre dispositif puisque vous allez contribuer à ficher ceux-là même que vous voulez protéger.

Ces questions de fond sont toujours sans réponses.

Le PACS comprend deux types d'obligations : d'une part, une aide mutuelle et matérielle dont on ne connaît pas la définition juridique précise, contrairement à l'obligation de secours et d'assistance entre époux ; d'autre part, une obligation de solidarité à l'égard des dettes contractées par l'un des pacsés pour les besoins de la vie courante et des dépenses relatives au logement commun.

Là encore, cette disposition nécessitera l'élaboration de règles jurisprudentielles afin que soit définie plus précisément la notion de besoins de la vie courante et de dépenses relatives au logement commun.

Votre texte dispose que les modalités de l'aide mutuelle et matérielle sont fixées par le pacte. C'est dire que la rédaction actuelle laisse une totale liberté contractuelle aux parties. Or il est à noter que tout le monde n'est pas juriste et que de tels contrats ne peuvent être rédigés par des non-professionnels car ils risquent alors de contenir des clauses dépourvues d'effet juridique. M. le rapporteur l'a reconnu lui même en conseillant l'intervention d'un professionnel du droit pour la rédaction des PACS.

C'est ainsi que vous créerez un PACS à deux vitesses.

Les personnes aisées ou instruites auront les moyens de contracter des contrats dignes de ce nom qui protégeront leurs intérêts, tandis que les faibles ou les personnes qui n'auront pas les moyens de s'adjoindre l'aide d'un professionnel du droit risqueront de se touver floués et lésés.

Si c'est là votre conception de la justice, de l'équité, permettez-moi de vous dire que nous ne la partageons pas ! Oui, le PACS est rédigé pour le fort, contre le faible ! Le texte prévoit plusieurs cas dans lesquels il peut être mis fin à un PACS : la décision des deux parties de mettre fin à leur contrat ; la possibilité pour l'un des partenaires de signifier à l'autre sa décision de rompre le pacte ; la rupture automatique en cas de mariage d'un des partenaires ; enfin, la rupture en cas de décès.

L'aspect le plus critiquable de ce dispositif est, à n'en pas douter, la possibilité offerte à l'un des partenaires de rompre brutalement le pacte, et cela malgré le délai de grâce de trois mois que vous avez introduit. Il s'agit ni plus ni moins de l'introduction dans notre droit de la répudiation.

Si l'on accorde certains avantages aux époux - attribution préférentielle, droits de mutation à titre gratuit ou réduits, imposition commune - c'est que le mariage apporte une réelle stabilité qui bénéficie à la société dans son ensemble. Le devoir de secours entre époux continue de jouer même après le divorce par le biais de la pension alimentaire. Le mariage instaure une présomption de paternité qui oblige le père à assumer ses obligations envers ses enfants, y compris après la dissolution du mariage. Or, de tout cela, il n'est pas question dans le PACS. Celui-ci peut être dissous du jour au lendemain, sans que les partenaires aient désormais des obligations l'un envers l'autre.

Dans tous les cas, ce sera le partenaire le plus faible, le partenaire le moins cultivé, le partenaire le plus vulnérable qui se verra abusé par l'autre. L'institution du mariage a mis des siècles à se constituer afin de protéger le plus faible des époux et de garantir l'avenir des enfants, ce n'est pas une proposition de loi de quelques articles qui pourra assurer le minimum de sécurité juridique que sont en droit d'attendre nos concitoyens.

Enfin, la proposition de loi ne prévoit pas l'intervention de plein droit du juge aux affaires familiales pour statuer sur la situation des enfants lors de la rupture du PACS. Elle se contente d'un renvoi au droit de la responsabilité en prévoyant l'octroi éventuel de dommages et intérêts. Mais il est vrai que, dans ce texte, la question des enfants ne vous intéresse pas ! J'en ai fini avec les dispositions relatives au PACS luimême, qui, nous l'avons vu, n'est qu'une succession d'incohérences.

Votre texte, dans son volet « avantages », sera source de fraudes et de détournements en tous genres. Je n'en traiterai que deux : l'obtention de la qualité d'ayant droit au titre de la sécurité sociale ; la prise en considération du PACS dans les critères permettant l'obtention d'une carte de séjour.

L'article 4 bis confère la qualité d'ayant droit au titre de l'assurance maladie au partenaire d'un assuré social lié par un PACS lorsqu'il ne peut bénéficier de la qualité d'assuré social à un autre titre. Cette mesure est l'une des


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plus critiquables de votre proposition de loi, soit parce qu'elle est purement symbolique, et cela prouve alors que vous ne suivez pas nos débats, soit parce qu'elle ouvre la porte à tous les abus.

Vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues de la majorité, que la couverture maladie universelle a été votée le 30 juin dernier en lecture définitive par notre assemblée. Or cette couverture concerne « toute personne vivant en France de façon stable et régulière » et qui ne dispose pas d'une assurance maladie. C'est ainsi que l'article 4 bis est en théorie totalement inutile, dans la mesure où la personne liée à un assuré social par un PACS pourra bénéficier de la CMU si elle n'est pas déjà couverte à titre personnel. Elle n'a donc pas besoin de conclure un PACS à cette fin, sauf, bien entendu, si elle ne réside pas en France de façon stable et régulière, seule condition à remplir pour bénéficier de la CMU.

Mais alors, il faut le dire : l'article 4 bis ne pourra concerner dans les faits que des personnes ne résidant pas en France de façon stable et régulière. Cela change radicalement la portée de votre disposition. Il suffira d'entrer en France et de contracter un PACS de complaisance pour pouvoir bénéficier immédiatement de notre protection sociale.

L'article 4 bis est donc non seulement inutile, mais constitue en fait un réel danger, nous le répétons, pour nos comptes sociaux. Dois-je rappeler les efforts consentis par les familles françaises pour tenter d'assurer la pérennité de notre système de protection sociale ? Autre avantage indu : les effets du PACS en matière de droit au séjour en France. Vous écrivez que la conclusion d'un PACS constituera « l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France ». Or, à partir du moment où la loi prévoit cette possibilité de façon expresse, qui peut sérieusement penser que ce motif ne sera pas, dans tous les cas, considéré comme suffisant ? Cela nous semble d'autant plus choquant qu'aucune condition de délai ou d'entrée régulière n'est désormais nécessaire.

C'est ainsi que le texte qui nous est présenté pourra servir de base à la régularisation de tous les sans-papiers qui ne remplissent pas actuellement les critères de régularisation, que vous avez pourtant très largement assouplis ces derniers temps. Il leur suffira de se lier à un Français par un PACS pour pouvoir prétendre sans délai au bénéfice d'un titre de séjour. Nous allons donc voir se développer dans les prochains mois, à l'instar des « parrainages républicains », la conclusion de « PACS républicains » à seule fin de permettre la régularisation des sans-papiers.

On me dira peut-être, comme lors des précédents débats, que c'est là un fantasme. Je constate simplement que, dans le guide publié la semaine dernière,...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

PACS, mode d'emploi : c'est un très bon livre !

M. Thierry Mariani.

... on peut lire à la page 4, sous l'intitulé : « Quelques avantages liés à la signature d'un PACS », une phrase qui dit tout simplement : « L'administration pourra, sur production du PACS, accorder une carte de séjour temporaire. »

C'est un très bon livre, en effet, monsieur le rapporteur,...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Et favorable au texte, bien qu'il ait été écrit par un de vos amis politiques !

M. Thierry Mariani.

... parce qu'il révèle vos intentions.

Le PACS, en matière d'immigration, constitue, à n'en pas douter, la voiture balai des régularisations.

Le Sénat, dans sa sagesse, avait adopté une solution alternative au PACS en introduisant le concubinage dans le code civil. Mais vous, en y introduisant le concubinage en plus du PACS, vous bouleversez notre droit de la famille.

Vous définissez le concubinage comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Force est de constater que cette définition est beaucoup plus exigeante que les conditions posées pour conclure un PACS. Le concubinage impose la stabilité et la continuité, alors que le PACS ne prévoit aucune disposition à cet égard.

C'est ainsi qu'on en arrive à la juxtaposition de pas moins de six situations différentes. Cela vous fait sourire, monsieur le rapporteur, mais cela vaut la peine de le répéter, car je crois que la majorité de nos collègues de la majorité plurielle n'ont pas vraiment compris ce point.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean Vila.

C'est vous qui n'avez rien compris !

M. Thierry Mariani.

On pourra désormais être une personne mariée, un célibataire vivant seul, un célibataire vivant en concubinage, un célibataire ayant conclu un pacte civil de solidarité, un célibataire vivant en concubinage avec une personne et ayant conclu un pacte civil de solidarité avec une autre ou, enfin, une personne mariée vivant en concubinage avec une autre. C'est totalement inadmissible !

M. le président.

Voulez-vous conclure, monsieur Mariani ? Cela vaut certainement la peine d'être rappelé, mais dans le temps qui vous est imparti, et nous en sommes déjà à seize minutes.

M. Thierry Mariani.

En cumulant PACS et concubinage, c'est la polygamie que vous inscrivez en fait dans le code civil.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Claude Lefort.

Vive la polygamie !

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas notre conception du couple ! Ce n'est pas notre conception de la famille ! Ce n'est pas notre conception de la justice sociale ! Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous considérons que nous n'avons pas à légiférer sur le PACS. Des solutions plus simples, plus justes, plus respectueuses de notre droit de la famille existent.

C'est pourquoi, je vous demande, au nom du groupe RPR, d'adopter cette question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

J'imagine que le Gouvernement et la commission, constants dans leur position, sont opposés à la question préalable. Nous en venons donc aux explications de vote.

La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste.

Mme Laurence Dumont.

M. Mariani a beaucoup parlé, mais il n'a pas vraiment défendu la question préalable...

M. Bernard Accoyer.

Vous ne l'avez pas écouté !

M. Maurice Leroy.

Il faut qu'il recommence !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

Mme Laurence Dumont.

... puisqu'il n'a même pas tenté de nous convaincre qu'il n'y a pas lieu de débattre.

Alors, je vais faire comme si, et répondre à la question préalable qu'il n'a pas défendue.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mes chers collègues, certains aspects de la société française ont beaucoup évolué ces dernières années et ces mutations ont, en général, été prises en compte par le législateur. Je pense, par exemple, au divorce par consentement mutuel ou au droit à la contraception. Objecteriez-vous, monsieur Mariani, qu'à l'époque il n'y avait pas lieu de débattre et de légiférer sur ces sujets ? Aujourd'hui, l'objectif du PACS est justement de prendre en compte l'une de ces réalités : celle de cinq millions de Français qui vivent en couple hors mariage.

Et cela concerne aussi, bien évidemment, les couples homosexuels, qu'il serait hypocrite et injuste de vouloir ignorer. Oseriez-vous également soutenir qu'il n'y a pas lieu de débattre lorsque la situation quotidienne de cinq millions de personnes nous interpelle ? A quoi servirionsnous alors, retranchés dans cet hémicycle, sourds à tous les bruits et revendications du dehors, insensibles à la vie réelle de nos compatriotes ?

M. Guy Teissier.

Et les sans-papiers ?

M. Robert Lamy.

Vous donnez la réponse avant d'avoir posé la question !

Mme Laurence Dumont.

Non, mesdames et messieurs de l'opposition, vous êtes contre, fondamentalement contre cette proposition de loi parce que c'est d'abord un texte de progrès social, ce qui vous est par trop étranger.

Votre déchaînement caricatural (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - les derniers mots de M. Mariani sur la polygamie sont à cet égard éloquents - votre déchaînement caricatural contre ce texte depuis un an n'a pas porté. Et vous-même, monsieur Mariani, le reconnaissez dans Le Parisien de ce matin, puisque vous déclarez : « Une grande partie de notre électorat n'a pas compris notre opposition. (...) Cela prouve que la droite est nulle. »

(Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Les Français, mesdames et messieurs de l'opposition, ne vous ont ni compris ni suivis. A contrario, le message qu'ils nous adressent massivement, c'est qu'il ne revient ni à l'Etat ni à la représentation nationale de dire comment les gens doivent vivre et s'aimer (« Exactement ! Bravo ! D'accord ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), mais plutôt de les aider à bien vivre et à bien s'aimer, quels que soient leurs choix.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

Mme Laurence Dumont.

C'est tout ce qu'ils nous demandent dans ce domaine. Ce sera chose faite avec le PACS, si nous passons outre à ce dernier artifice de procédure qui tend à prouver qu'il n'y a pas lieu de débattre.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe RCV, la parole est à

M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Mes chers collègues, oui ou non allons-nous ouvrir de nouveaux espaces de liberté ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - « Non ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Oui ou non, allons-nous mettre en adéquation le droit et la société (Mêmes mouvements) sur ce sujet essentiel : un choix de vie, un choix de couple, un choix de liberté ? Ce texte, nous le souhaitions depuis longtemps. Il répond à l'attente, à la volonté de millions de personnes.

Il est désormais un symbole : celui d'une majorité unie autour d'un nouveau pacte républicain, face à une opposition toujours plus ringarde malgré les efforts désespérés de quelques conservateurs éclairés (Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste), bien rares sur ces bancs et qui ont d'ailleurs déserté l'hémicycle.

Alors oui, nous sommes fiers de ce texte ! Alors oui, nous sommes fiers qu'il soit applicable dès l'aube de l'an 2000 ! Nous rejetons tous, messieurs de l'opposition, votre dernière tentative désespérée pour imposer l'immobilisme, le conservatisme, le retour à l'ordre social et moral ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le président, je suis très étonné de la tonalité des propos de mon prédécesseur. (Exclamations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Si nous pensons, à l'UDF, que cette question préalable se justifie, c'est précisément parce que la majorité n'a pas répondu à la vraie question préalable : fallait-il légiférer ? fallait-il produire un PACS là où des mesures concrètes, ayant trait à la fiscalité, au logement, aux droits de succession, suffisaient ? Oui, nous voulons la liberté, mais la vraie liberté. Vous avez préféré aborder ce vrai sujet dans un esprit partisan pour en faire une véritable polémique nationale. Vous avez instauré la division en tentant d'opposer une sorte de modèle qui serait selon vous archaïque : la famille, et une vision beaucoup plus moderne qui serait celle du PACS. Or - on le voit déjà à la lecture d'un certain nombre d'articles - le PACS ne réglera pas le problème au fond et, notamment, ne protégera pas le plus faible.

Je pense aussi à une question essentielle qui ne devrait laisser personne indifférent, celle de l'avenir de l'enfant.

Là aussi on voit bien ce qui se profile. Alors les mauvaises querelles autour de ce sujet ne sont pas de mise.

Certains disent déjà que le PACS sera inapplicable. Et si le débat s'est enlisé, c'est que vous l'avez abordé, je le répète, de manière polémique, pour en faire une sorte d'enjeu politique. En agissant ainsi, vous n'avez pas rendu service à ceux que vous prétendez servir et vous avez


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

manqué à la conception que nous nous faisons de la société et de son avenir. Certes, il faut respecter ceux qui veulent vivre leur différence et répondre à leurs aspirations, mais nous pensons que créer un PACS est une mauvaise réponse à ce vrai problème.

Pour ces raisons, le groupe UDF votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

Pour le groupe RPR, la parole est à

M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Mes chers collègues, 368 jours ont passé et, pour le groupe RPR, il n'y a toujours pas lieu de délibérer. D'autant moins qu'après l'adoption de l'exception d'irrecevabilité, le 9 octobre 1998, on a violé notre règlement en présentant à nouveau le même texte ou presque, bien avant l'expiration du délai d'un an ouvert par le rejet de la première proposition de loi.

Tous les arguments ont été développés, de façon particulièrement pertinente, par Thierry Mariani. Mais il convient de revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à la série de manipulations qui ont fait de la proposition sur le PACS un texte réellement dangereux pour l'essentiel de ce que nous devrions défendre ensemble : le plus faible, l'enfant, la famille, en un mot l'avenir de la nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces manipulations ont été nombreuses. Afin que la majorité ne traîne pas les pieds et ne soit pas absente au moment des votes importants, il a fallu élargir le texte au-delà de la cible initiale. Désignée depuis fort longtemps par les promoteurs du texte, cette cible initiale était ouvertement une forme de mariage pour les couples homosexuels.

Ce débat, il convenait de l'avoir dans la clarté, dans l'honnêteté. Mais ce n'est pas celui-là que vous avez offert aux Français. Vous leur avez présenté un amalgame, en tentant de leur faire croire que le PACS apporterait aux couples hétérosexuels non mariés des avantages nouveaux et de nouvelles libertés. Il n'en est rien. Tout au contraire, le PACS, pour tous ceux qui concluront ce nouveau type de contrat, n'a d'intérêt que pour le plus fort, le plus instruit, le plus riche, celui qui pourra s'attacher les services du meilleur conseiller juridique, celui qui saura rompre le contrat au bon moment, par simple lettre recommandée, au mépris des enfants, au mépris de la femme : il n'existe même pas de présomption de paternité dans ce contrat ! L'avenir de la famille, de l'institution du mariage, bref de ce qui fait l'essentiel des valeurs sur lesquelles la nation s'est fondée et développée, est menacé par ce texte.

C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République votera la question préalable. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Dominique Dord.

Nous débattons depuis une heure en quatrième lecture, et je voudrais prendre le public à témoin de deux choses qui me paraissent absolument incroyables.

Et d'abord d'une bonne chose : je ne vous ai encore jamais vus, mes chers collègues, vous draper avec autant de délices dans les attraits de la liberté ! Le groupe libéral, que nous représentons, ne peut naturellement que s'en réjouir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le problème est que, loin de faire ce que vous dites, vous réglementez encore un peu plus - et là nous vous reconnaissons bien - les relations entre les personnes.

Je voudrais aussi prendre le public à témoin de la tournure qu'a prise notre discussion. Depuis une heure, nous avons entendu trois intervenants de la majorité plurielle nous insulter. C'est d'abord M. Roman, qui nous a traités d'

« intolérants ». (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est ensuite Mme Dumont, qui, moins talentueusement, a traité M. Mariani de « déchaîné caricatural ». (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Et c'est enfin M. Tourret, qui, égal à lui-même, nous a traités de

« ringards » et d'

« immobilistes ». (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Je vous prends à témoin, chers amis du public.

Comme cela, vous saurez de quel côté sont l'insulte et l'invective et de quel côté est la volonté de débattre sérieusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Thierry Mariani ne m'a semblé ni caricatural ni déchaîné. Il a simplement décortiqué, un par un, un certain nombre de points du dispositif que vous mettez en place, et sur lesquels - je croyais que c'était notre droit nous ne sommes pas d'accord, que cela vous plaise ou vous déplaise. Il a insisté sur les motivations, sur les modalités d'inscription, sur les modalités de publicité, sur les conditions de dissolution du PACS, sur les avantages auxquels il donnera droit. Où est le « déchaînement caricatural » ? C'était simplement un énoncé précis des différentes dispositions que nous contestons et que donc nous combattons, avec les armes qui sont celles de la démocratie, en essayant d'éviter, pour ce qui nous concerne, l'insulte et l'invective.

Thierry Mariani a démontré que, contrairement à ce que vous dites, vous modifiez profondément le droit de la famille, dont vous renversez les bases. En effet, avant le PACS, que se passait-il ? Il y avait l'ensemble des citoyens, auxquels étaient reconnus un certain nombre de droits, et la société, parce qu'elle le jugeait de son intérêt, avait institué en quelque sorte une discrimination positive en faveur des familles, des couples mariés ayant des enfants, en leur accordant des droits supplémentaires.

Mais aujourd'hui, avec le PACS, dans quelle situation nous trouvons-nous ? Dans une situation rigoureusement inverse. Grosso modo, tous les couples ont des droits supplémentaires du seul fait qu'ils vivent ensemble, et on en a rrive à une espèce de discrimination négative à l'encontre des célibataires. Trouvez-vous cela acceptable ? Pour nous, ça ne l'est pas.

C'est pourquoi nous considérons que Thierry Mariani a bien fait de défendre la question préalable. Le groupe Démocratie libérale la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur Dominique Dord, permettez-moi, en ma qualité de président, de vous faire remarquer qu'il n'est jamais bon, dans cette enceinte, de prendre le public à témoin.

(Exclamations sur les bancs du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le seul verdict qui vaille ici, pour vous comme pour tout le monde, c'est celui du suffrage universel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour le groupe communiste.

M. Bernard Birsinger.

Plus j'écoute nos collègues de droite et plus je pense que M. Mariani a raison : la droite est vraiment nulle sur la question du PACS.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Dominique Dord.

Argumentez au lieu d'invectiver !

M. Bernard Birsinger.

Alors, j'ai envie de dire à ce stade du débat : assez de préalables, passons aux actes, votons le PACS et permettons, enfin, à des millions d'individus d'avoir accès à des libertés nouvelles. Et la liberté ne va pas sans la fraternité et l'égalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, quand j'ai dû, pour cette intervention, feuilleter à nouveau les cinq kilos de littérature...

M. Maurice Leroy.

Cinq kilos seulement !

M. Jean Pontier.

... fort diverse, que j'ai reçus à l'occasion du débat sur le PACS, c'est avec une certaine distanciation et aussi un peu d'amusement que j'ai pu relire des formules du type de celles-ci : « Il s'agit de la plus grave et pressante menace légale de perversion des moeurs...

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Jean Pontier.

... par la destruction de la famille naturelle, qui pèse sur notre pays. A la corruption politicienne galopante, des députés marxistes comme francsm açons veulent adjoindre la corruption légale des moeurs. »

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Jean Pontier.

Parlementaire, aucunement concerné par l'un ou l'autre de ces qualificatifs, je persiste à considérer que le PACS, même s'il est jugé imparfait aux yeux de certains, est une avancée de notre droit civil. Je serais même enclin à penser, notamment après avoir lu dans la presse que d'éminents parlementaires de l'opposition avaient déclaré,...

M. Maurice Leroy.

Des noms !

M. Jean Pontier.

... lors des universités d'été de leurs formations politiques, que leurs positions dans le débat sur le PACS n'étaient pas tout à fait adaptées, que d'aucuns regrettent aujourd'hui certaines outrances. Ils se rendent compte qu'ils auraient dû considérer autrement les minorités qu'ils avaient jusqu'alors stigmatisées.

M. Maurice Leroy.

Et vous, qu'en pensez-vous ?

M. Jean Pontier.

Nous verrons bien demain, au moment du vote solennel, si ces prises de position, plus modérées, se traduiront par un acte positif, transcendant des propos estivaux, ou révéleront de petites manoeuvres tactiques électoralistes à l'égard notamment des associations familiales, du type : « On ne revient pas sur notre opposition au PACS, mais il ne faut pas taper trop fort ».

J'ai dit que certains considéraient ce texte comme imparfait.

M. François Sauvadet.

Ah oui !

M. Jean Pontier.

S'il ouvre, en effet, de nouveaux droits pour tous les couples - et il implique par là même la reconnaissance des couples homosexuels - en concrétisant l'idée d'un contrat universaliste et en s'inscrivant comme une alternative au mariage et au concubinage, il ne prévoit pas un égal accès à tous les droits, tels que les revendiquent les couples homosexuels, notamment en matière familiale, même s'il octroie des droits patrimoniaux.

Si, comme on le sait, un arrêt de la Cour de cassation limite la définition du concubinage - a fortiori, du mariage - aux partenaires hétérosexuels, au motif que des situations différentes n'appellent pas les mêmes réponses, le Parlement européen, quant à lui, a adopté, en 1994, une résolution incitant les pays membres de l'Union à

« ouvrir le mariage aux homosexuels ou à les faire bénéficier de droits équivalents ».

On sait aussi ce qu'il en est dans certains pays du Nord de l'Europe, souvent qualifiés de plus avancés.

Chez nous, grâce à un sous-amendement de gauche, il a été créé avec le PACS, et malgré l'opération de diversion au Sénat concernant le concubinage, une catégorie intermédiaire entre mariage et concubinage sans distinction de sexe, dont pourront bénéficier des célibataires.

La frontière entre PACS et mariage est désormais tracée avec les implications pratiques qu'elle comporte en ce qui concerne, par exemple, l'adoption, dont on aurait pu penser qu'elle aurait pu être évoquée dans le projet de loi.

Mme Christine Boutin.

Vous savez très bien ce qu'il en est !

M. Jean Pontier.

Le PACS cependant ne concerne pas que les couples homosexuels, puisque tous les couples, non mariés par volonté ou impossibilité, peuvent en bénéficier. Il en sera ainsi des 4,5 millions d'hétérosexuels, dont les partenaires ne sont pas suffisamment protégés en matière de succession et de logement en cas de décès. Avec le PACS, il sera possible d'attribuer préférentiellement l'appartement, de transférer le bail au survivant et de faire bénéficier le survivant du régime des m utations à titre gratuit à hauteur d'environ 250 000 francs.

Au moment où s'achève le débat sur le PACS, on peut constater qu'il aura provoqué, comme la discussion sur l'interruption volontaire de grossesse ou l'abolition de la peine de mort, un formidable questionnement de la société française. Ce débat aura permis de mesurer les idées que nous avions sur notre société, toujours écartelée entre la tradition et l'acceptation de la réalité.

Voilà les raisons pour lesquelles je voterai sans aucune réticence cette proposition de loi. Plus qu'en me référant à la liberté et à l'égalité, c'est au nom de la fraternité que j'apporterai, demain, mon suffrage. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il y a un an, presque jour pour jour, que les débats sur le pacte civil de solidarité ont commencé à l'Assemblée nationale.

Nous en sommes aujourd'hui à la septième lecture parlementaire, la quatrième pour notre seule assemblée ! Aujourd'hui, et malgré toutes ces heures de débat, les ambiguïtés n'ont toujours pas été levées. Pourtant, il aurait été simple de poser clairement les données du problème.

Ainsi, nous, représentants du peuple et de la nation, aurions pu chercher à pallier les difficultés que pouvaient rencontrer les couples, homosexuels ou non, qui ne voulaient pas ou ne pouvaient pas se marier, et à lutter contre les discriminations dont ils sont victimes. Dans ce cas, il aurait fallu sans doute non pas interférer dans les relations amoureuses, mais plutôt introduire le concubinage dans le code civil, modifier le code général des impôts et le code de la sécurité sociale, agir sur le droit successoral et sur celui du logement, afin de donner à ces couples un certain nombre de droits légitimes et attendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Etait-il dans ce cas nécessaire de légiférer ? Mais nous aurions pu aussi, c'était l'autre hypothèse, souhaiter donner un statut aux seuls couples homosexuels, et ainsi, assumer un nouveau comportement social.

M. Maurice Leroy.

Ils n'en ont pas eu le courage !

M. François Sauvadet.

C'était la vraie question !

M. Pierre-Christophe Baguet.

A cet énoncé si clair, on se rend bien compte que les objectifs n'ont jamais été précisément définis, ni par la majorité plurielle, ni par le Gouvernement, ni par l'opposition, et je le regrette.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet.

A cause de cette absence d'objectif clair, nous nous sommes laissés enfermer, tous autant que nous sommes, dans des positions radicalisées alimentant de nos passions exacerbées le débat dans les médias et l'opinion publique.

M. Maurice Leroy.

Très juste !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cela a développé une confusion générale, inadaptée à un tel enjeu.

M. François Sauvadet.

Exactement !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Disons-le : nous n'avons pas su dialoguer. Qu'on en juge : deux amendements de l'opposition seulement sur plus de mille présentés ont été retenus.

M. François Sauvadet.

Lamentable !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Lors de ces longs débats, nous tous, avons-nous seulement écouté l'autre ? Nous nous sommes contentés de le caricaturer. Nous avons bien conscience qu'il n'y a pas eu de débat de fond, de débat de société, et nous le regrettons probablement tous.

En tout cas, je l'espère.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet.

L'opposition a été accusée de ringardisme, de manque de modernisme. Cette m ême opposition qui a été à l'origine des textes modernes qui prenaient en compte l'évolution de la société n'a pas de leçon de modernisme à recevoir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le vote des femmes en 1944, c'est nous !

M. Bernard Outin.

Pas seulement !

M. Alain Clary.

C'est le programme du Conseil national de la Résistance ! Un peu de modestie et de respect historique !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Vous falsifiez l'histoire, monsieur Baguet !

M. Pierre-Christophe Baguet.

La création de la sécurité sociale en 1945, c'est nous ! La loi sur le divorce en 1975, c'est nous ! Le droit à la contraception, à l'IVG en 1975, c'est également nous ! Le vote à dix-huit ans en 1978, c'est toujours nous ! Et plus près de nous, les lois sur la bioéthique, il y a cinq ans, c'est encore et toujours nous qui les avons proposés - la gauche les a d'ailleurs également votés.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Aujourd'hui, nous jugeons seulement que le pacte civil de solidarité est un mauvais texte. Non pas que tout y soit mauvais - loin de là ! -, certaines améliorations techniques - je dis bien techniques - ont été apportées, mais elles n'ont pas suffi à en faire un bon texte. Chacun le sait bien, celui-ci ne protégera pas les plus faibles comme il prétend le faire. Il ne fera qu'embrouiller les esprits et donner l'illusion de répondre à des questions qui restent de vrais problèmes.

Sur le plan fiscal, les couples aisés s'en tireront plutôt bien,...

M. Maurice Leroy.

Ça, c'est clair !

M. Pierre-Christophe Baguet.

... mais les plus démunis paieront davantage encore qu'aujourd'hui.

Sur le plan de la succession, ce texte assure-t-il défense et protection à la compagne ou au compagnon qui reste ? Certes, pas ! Sur le plan du logement, enfin, assure-t-il des droits égaux aux partenaires du couple quel qu'il soit ? Toujours pas ! Vous savez bien que ce texte sera difficilement applicable. Le Conseil national des barreaux, avec son groupe de travail sur le droit de la famille, a relevé pas moins de cinq graves insuffisances techniques.

Premièrement, le texte ne prévoit aucun régime de nullité.

Deuxièmement, le régime patrimonial que vous avez retenu, plus par opposition dogmatique à celui du mariage d'ailleurs, est inadapté.

Troisièmement, le juge manquera d'éléments légaux pour statuer sur le partage des biens.

Quatrièmement, sur quels fondements juridiques le juge statuera-t-il ? Quelles mesures pourra-t-il prendre pour gérer les conflits sur les conséquences de la rupture ? Cinquièmement, la procédure de fin du PACS par le mariage de l'un des partenaires, faute de précision, va déboucher sur de nombreux contentieux.

Pourtant, une concertation plus approfondie en amont aurait pu éviter ces nombreuses et légitimes inquiétudes.

Vous auriez pu probablement y répondre mais vous ne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

l'avez pas souhaité. Tout comme vous n'avez pas souhaitér épondre aux nombreux aspects financiers soulevés notamment par notre collègue, Charles de Courson.

Seule la présidente de la commission, Mme Tasca, s'est risquée un jour à avancer le chiffre de 6 à 7 milliards. En fait, cela varierait entre 3, 6 ou 9 milliards selon le nombre de nos concitoyens qui signeraient un PACS.

Mais ce coût sera multiplié par plus de trois, du fait de l'inéluctable extension à terme du bénéfice des pensions de réversion à tous les « copacsés ». Le coût de 15 à 18 milliards de francs pour les régimes de base auxquels il faut ajouter le coût pour les régimes complémentaires se produira au moment même où le rapport démographique se dégrade dans quasiment tous les régimes.

Vous n'avez pas souhaité en parler, tout comme le ministre des finances n'a pas voulu accepter l'amendement de notre collègue lors de l'examen de la loi de finances de 1999 visant à réévaluer le montant de la tontine pour le porter de 400 000 à 1 million de francs.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

C'est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cette décision était pourtant attendue impatiemment par nombre de nos concitoyens.

En fait, ce mille-feuille juridique et social, dénoncé par Henri Plagnol, en première lecture, manque de courage.

Un véritable courage politique aurait exigé un véritable débat pour faire de ce texte un texte différent, symbole d'une société nouvelle.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il ne m'a pas semblé, tout au long de ces longues heures de séance, que le sujet ait été réellement abordé une seule fois.

Comment penser que ce texte peut représenter cette nouvelle approche de notre société, quand il ne s'insère aucunement dans le cadre global d'une politique familiale ? Plutôt que d'opposer au mariage d'autres formes juridiques de vie à deux, nous aurions pu réfléchir ensemble je dis bien ensemble - sur cette politique familiale que nous devrions proposer aux générations futures de la République.

C'est la famille, mes chers collègues, qui protège les plus faibles. C'est au sein de la famille que les jeunes d'aujourd'hui trouvent bien-être, réconfort moral et sérénité. Que l'on ne s'y trompe pas, c'est bien pour cause de famille ou de manque de famille, que nos jeunes, en mal de repères et d'identité, s'en vont vers les sectes, la délinquance ou, pire que tout, le suicide.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Que l'on n'interprète pas mes propos comme une condamnation des divorcés, des remariés ou des familles recomposées. Loin s'en faut ! Mais l'un des caractères remarquables et persistants de notre rôle de parents n'est-il pas précisément celui de protéger nos enfants ?

M. Yann Galut.

Le petit Johnny a-t-il été protégé par sa famille ?

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le récent rapport sur le droit de la famille du groupe de travail DekeuwerDesfossez fait certaines propositions sur lesquelles il faudra bien que nous travaillions.

Comment ne pas juger que le texte sur le PACS est indigne quand il est totalement muet sur les enfants ?

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Vous nous dites que c'est volontaire, que ce statut est fait pour les couples.

Mais peut-on seulement dissocier le couple de l'enfant ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Exactement !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Qui d'entre nous, mes chers collègues, peut répondre à cette question par des certitudes péremptoires ? Chacun d'entre nous un jour où l'autre devra rendre des comptes à ses enfants.

Ne voit-on pas assez de nos enfants à la recherche du père et de la mère ? Du père ou de la mère ? Est-ce par cynisme, par insensibilité ou par bêtise que nous ne voyons plus les souffrances et cicatrices indélébiles que nous infligeons à nos enfants ?

M. Edouard Landrain.

Très juste !

M. Pierre-Christophe Baguet.

La communauté homosexuelle revendique le droit d'adopter des enfants. Notre collègue Jean-Pierre Michel ne s'en est jamais caché.

Qui d'entre nous, mes chers collègues, peut prétendre détenir la vérité sur ce sujet ? Une telle démarche pose problème. Une telle démarche mérite réflexion et débat.

M. François Sauvadet.

Absolument !

M. Pierre-Christophe Baguet.

En notre âme et conscience nous ne pouvons pas nous résoudre à voter ce texte indigne.

Conscients de nos responsabilités, et de notre volonté commune d'élaborer une véritable politique familiale digne de nos enfants et de nos petits-enfants et qui réponde et aux attentes et aux besoins des Français, le groupe UDF-Alliance votera contre ce texte. Puis il en appellera aux Conseil constitutionnel avec l'ensemble de ses partenaires de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Voila qui est moderne !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Et généreux !

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, aujourd'hui, 12 octobre 1999, on nous annonce avec beaucoup d'effet que nous sommes six milliards de terriens, approximativement du moins. Par contre, et là c'est une certitude, cinq millions de ces terriens attendent, en France, le PACS.

Alors CUC, CUS, CUCS, PIC, PACS 1, PACS 2, PACS 3, le PACS nouveau est enfin arrivé, comme aime à le dire mon ami le sénateur Jean-Luc Mélenchon. Beaucoup de sigles et de mots ont été déversés sur ce texte qui nous a fait vivre des instants passionnés et passionnants entre pro-PACS et anti-PACS et nous a permis, depuis le mauvais épisode de la première lecture, un véritable échange, un vrai dialogue dans nos circonscriptions respectives.

Certains ont même anticipé la mise en oeuvre du texte, tel un avocat toulousain qui a déjà publié avec d'autres collègues un ouvrage sur son mode d'emploi.

Je me réjouis que le débat sur le PACS ait franchi l'enceinte de l'Assemblée et que nombre de concitoyens, et parmi eux certains que l'on n'attendait pas forcément


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

- je pense aux personnes âgées ou à des associations d'anciens combattants - se le soient approprié, alors que notre hémicycle devenait l'arène où venait s'exprimer une verve acide, incarnée par Christine Boutin (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , que ses propres compagnons de groupe ont su ériger en bouc émissaire d'un conservatisme caricatural, n'ayant pas eu le courage d'assumer eux-mêmes leurs idées et préférant la laisser se ridiculiser. (Mêmes mouvements.)

M. Dominique Dord.

Soyons sérieux !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

On se rend compte à quel point il est difficile d'introduire des idées nouvelles qui dérangent les schémas classiques, bien ancrés dans la mentalité de certaines couches de notre société.

En ce qui concerne le PACS, on aura tout entendu. Il nous aura donné l'occasion d'assister à la résurgence des défenseurs d'un ordre moral constitué autour du seul noyau familial traditionnel, et qui font de l'homosexualité un danger, une menace face à ce qui est communément admis comme étant normal.

M. Maurice Leroy.

C'est faux ! Vous falsifiez nos propos en permanence !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Tant mieux si vous pensez différemment ! C'est que vous avez avancé dans votre réflexion ! On a donc pointé d'un doigt accusateur les homosexuels. On leur a même reproché de se constituer en lobby sur un texte qui ne s'adresse pas qu'à eux - Mme la garde des sceaux y a fait référence tout à l'heure. Ils auraient exercé des pressions visant à défaire l'ordre social, entraînant nos concitoyens dans un laisser-aller malsain, comme je l'ai lu dans un certain nombre de courriers que j'ai reçus à ce sujet.

Comme d'autres, j'ai été confrontée à ce phénomène qui, dans une famille, fait que l'on montre du doigt la personne qui bouscule les conventions parce qu'elle a fait un autre choix de vie. Elle nous rappelle en fait aux principes démocratiques auxquels on se dit attachés et qui sont précisément fondés sur la possibilité du choix et sur le droit à faire valoir ces différences.

Le mariage n'étant plus une norme mais un choix, le PACS consacre une alternative de ce choix ; ouvrant des droits qui découlent de la reconnaissance sociale de l'union. En ce sens, il est un engagement contractuel global formalisé par une signature que le concubinage, même avec des droits étendus, ne saurait remplacer.

Il est compréhensible que les personnes et les groupes de personnes ayant érigé les formes traditionnels de liens en modèle unique de société s'insurgent face à des projets qui les bousculent sans pour autant les remettre complètement en question. Mais ce sont bien eux qui, aujourd'hui, font figure de lobby, exerçant sur nous de fortes pressions et nous submergeant de discours acides, se laissant même parfois aller à des considérations qui font froid dans le dos. Ils ne nous ont donné, à nous et à tous ceux qui se sont mobilisés pour le PACS, que plus de force pour défendre nos idéaux d'ouverture et de tolérance.

J'espère pour ma part que la prise de position de Roselyne Bachelot - encore une femme, mais ce texte a beaucoup été porté par les femmes - aura eu l'effet bénéfique d'ouvrir l'esprit des autres parlementaires. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être auront-ils comme elle le courage de brav er la discipline de leur parti pour faire preuve d'intelligence en votant un texte qui montre leur engagement pour le progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Et à gauche, comment les choses se passent-elles ?

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Au travers de ce texte, en effet, nous affirmons notre volonté de faire évoluer le lien social vers plus de tolérance, de connaissance de l'autre et de partage. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Tel est aussi l'objectif de l'un des textes majeurs de cette législature, celui relatif aux 35 heures, qui propose, entre autres, la solidarité dans le travail, et tel a été le cas pour les autres textes de société que nous avons soutenus et votés qu'il se soit agi de lutte contre le dopage, de parité, de non-cumul des mandats ou d'accueil des gens du voyages. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Maurice Leroy.

Quelle arrogance !

Mme Christine Boutin.

Ils ne sont pas sûrs d'eux !

M. le président.

Il faut conclure, madame !

M. Dominique Dord.

Cela vaudrait mieux !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Je conclus, monsieur le président.

Le PACS conviendra à des millions de personnes qui souhaitent une forme d'union qui ne soit pas le traditionnel mariage. Elles attendent donc cette loi avec impatience. J'espère que les décrets d'application - mais nous avons eu des assurances à cet égard - ne les feront pas attendre davantage.

M. Maurice Leroy.

Il y aura du boulot !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Je suis heureuse d'appartenir au groupe de celles et de ceux qui, appuyant ce projet, défendent non pas des formes de déviance sociale, mais bien des idées qui contribuent au progrès et à l'affirmation des valeurs humanistes que tout le monde aime s'accaparer, mais sans crainte de leur faire défaut au moment où il faut les traduire dans des projets de société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous propose de suspendre la séance pendant quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dixhuit heures dix).

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues - peu nombreux -, il nous aura donc fallu une année pour arriver au terme


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

de l'examen de cette proposition de loi par notre assemblée, avec cette « quatrième lecture ». Le chemin a été si chaotique que nous avons souvent eu l'impression que l'on donnait dans l'improvisation, Je tiens donc à rappeler quelques étapes de ce parcours mouvementé avant d'argumenter sur le fond.

Dans un premier temps, le Gouvernement refusant d'endosser la paternité de ce qui correspond pourtant à l'une de ses promesses électorales, préfère se défausser sur le Parlement. Nous sommes donc saisis d'une proposition de loi avec tous les défauts qu'implique cette procédure, c'est-à-dire que nous devons travailler sur un texte qui n'a pas été examiné en Conseil d'Etat et qui est un maquis inextricable de dispositions juridiques. Dans sa première version, il était même probablement inapplicable.

Heureusement pour vous, d'une certaine manière, ce texte inapplicable a été rejeté, parce que, à l'image du Gouvernement qui n'a pas voulu assurer sa paternité, de nombreux parlementaires de la majorité n'ont pas cru devoir assumer leurs responsabilités.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est faux !

M. Dominique Dord.

Ainsi, il y a un an, contre toute attente, une majorité de cette assemblée a adopté l'exception d'irrecevabilité qu'avait défendue Jean-François Mattei, ajoutant encore au chaos.

Cela a même provoqué chez nous des scènes d'allégresse colorées, qui nous ont d'ailleurs été reprochées plus tard. Mais les raisons de se réjouir sont tellement rares quand on est dans l'opposition, qu'il faut nous pardonner. (Sourires.) D'ailleurs, vous ne nous avez laissé le loisir de nous réjouir que très provisoirement.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Si c'est vous qui le dites !

M. Dominique Dord.

En effet, pratiquement le même jour, faisant fi à la fois des délibérations de notre assemblée et des règles de fonctionnement de nos institutions, vous avez déposé pratiquement le même texte sur le bureau de notre assemblée, dans une troisième étape toujours aussi improvisée et chaotique.

Depuis, nous avons examiné une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept versions même selon mon collègue Thierry Mariani. Ce texte était en effet transformé au gré des retours du Sénat, d'où il revenait complètement détruit, et des amendements que vous concédiez à telle ou telle partie de votre majorité, mais jamais à nous, je vous rassure. Le texte initial a donc été modifié assez profondément, ce qui a encore accru l'impression de chaos et d'impréparation.

Dans le même temps, vous avez réussi à mettre dans la rue cent mille Français. Vous me direz qu'il s'agissait de la droite réactionnaire la plus conservatrice. Quelle horreur ! M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis. Et homophobe !

M. Dominique Dord.

Homophobe, bien entendu ! Néanmoins, il s'est agi de la plus forte manifestation de l'année, voire de ces dernières années. Pourtant, vous avez refusé de la prendre en compte. Pis, à la suite de cette manifestation, une association d'homosexuels a menacé de dénoncer l'homosexualité présumée de l'un de nos collègues. Et là, chers collègues de la majorité et membres du Gouvernement, vous qui êtes toujours si prompts à nous donner des leçons de morale, je ne vous ai pas entendus et j'en ai été profondément choqué ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois. Vous êtes sourd ! Nous nous sommes exprimés à ce sujet.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est absolument faux ! Vous dites n'importe quoi !

M. Dominique Dord.

Non, nous ne vous avons pas entendus du tout ! Vous pouvez essayer de ramer maintenant, mais nos collègues s'en souviennent, en particulier celui qui était visé par cette accusation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est faux ! On voit que vous avez l'habitude de mentir ! C'est indécent !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mensonge !

M. Dominique Dord.

Vos vociférations n'y changeront rien, mes chers collègues, mais nous vous écouterons avec attention quand vous aurez l'occasion de répondre.

Nous en sommes donc à une véritable quatrième lecture. Comme j'ai le sentiment que nous n'avons pas été très bien entendus, sans savoir si cela a été involontaire ou s'il y a eu désir et de dénigrer ou de nous caricaturer, je vais répéter ce que j'ai dit il y a à peu près un an lors du premier en examen de ce texte.

Je traiterai d'abord des modalités du PACS sur lesquelles existent des points d'accord. A ce propos, je rejette l'accusation de conservatisme et d'immobilisme, et je vais essayer de prouver le contraire. Puis j'en terminerai en m'exprimant sur le principe du PACS au sujet duquel nous sommes en opposition frontale avec vous, ce qui est tout à fait notre droit.

En ce qui concerne d'abord les modalités, je tiens à répéter, comme je l'ai affirmé il y a presque un an à cette tribune, que nous sommes favorables à certains aménagements de notre législation prenant en compte la réalité et l'évolution intervenue dans les relations sociales, en particulier pour les situations de vie commune.

Cela est vrai pour le droit au logement : nous sommes d'accord pour modifier la loi de 1989 et pour donner un droit de suite au conjoint survivant ou abandonné dans le logement.

Cela est également vrai pour la loi de 1995 : la qualité d'ayant droit de la sécurité sociale doit être accordée à tout conjoint.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ?

M. Dominique Dord.

Cela est encore vrai pour toutes les questions liées à la modification du code du travail - la possibilité de prendre des vacances en commun par exemple -, sur lesquelles nous n'avons formulé aucune objection ; j'espère que vous l'avez remarqué.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous avez voté contre !

M. Dominique Dord.

Vous savez très bien pourquoi, monsieur Michel !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il n'y a que le vote qui compte en démocratie ! Tout le reste n'est que littérature, mauvaise littérature ! (et même.)

M. Dominique Dord.

Nous avons voté contre parce que ces droits ne sont ouverts pour votre texte qu'à condition qu'un PACS ait été signé. Or nous sommes contre le principe même du PACS. Je vais y venir mais je vous le rappelle d'emblée car il me semble que vous êtes impatient de savoir où je veux en venir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Oh non !

M. Dominique Dord.

Cela ne nous permettait donc pas de voter en faveur du texte.

M. Serge Poignant.

Absolument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On sait jusqu'où vous pouvez déraper ! (Sourires.)

M. Dominique Dord.

Je vais continuer mon énumération pour montrer qu'il est trop facile de nous caricaturer et j'aimerais bien que vous m'écoutiez, monsieur Michel, comme nous avons eu la patience de vous écouter quand vous avez pris la parole. (Murmures.)

M. Alain Clary.

C'est très désobligeant !

M. Dominique Dord.

Ainsi que nous l'avons dit à cette tribune, nous sommes également ouverts à la discussion en ce qui concerne les droits de succession car, comme vous, nous ne souhaitons pas nier cette réalité sociale.

Même sur les problèmes liés à la déclaration commune pour l'impôt sur le revenu, nous aurions pu trouver un terrain d'entente. Ainsi que peut en témoigner le Journal officiel, j'ai proposé à Mme la garde des sceaux des dispositions en ce sens. Cela aurait pu permettre de réconcilier les Français sur ce sujet, au lieu de les diviser en deux camps comme vous l'avez fait.

Certes, il est d'autres modalités que nous n'approuvons pas.

Tel est notamment le cas de toutes celles qui tendent à faciliter l'acquisition de la nationalité française. Plusieurs de mes collègues ont fort bien expliqué nos raisons.

Cela est vrai également pour les modalités de dissolution du pacte civil de solidarité, car nous avons considéré que vous procédiez à la réintroduction dans notre droit français de la répudiation sous une forme déguisée. Vous nous avez reproché de caricaturer et le mot est peut-être trop fort. Je veux donc bien le retirer s'il vous choque.

Néanmoins, vous auriez souhaité réintroduire la répudiation, que vous ne vous y seriez pas pris autrement ! (Sourires.) Nous ne sommes pas d'accord non plus sur le lieu de conclusion du PACS. Le choix premier des préfectures, du siège de la police était une abomination. Celui du tribunal d'instance ne nous semble pas mieux adapté.

Enfin, je l'ai déjà indiqué au nom de mon groupe, nous aurions préféré que vous régliez d'autres situations tout aussi urgentes. Par exemple, celle du droit à la réversion pour une femme ou un homme qui a passé toute sa vie avec un concubin, mais hors des liens du mariage, et n'a plus droit à rien à la mort de ce dernier. Le texte n'apporte aucune modification en la matière et nous en resterons au schéma actuel qui est complètement rétrograde. Il y a là une véritable priorité.

J'avais d'ailleurs proposé, soutenu par le groupe communiste qui avait déposé un amendement dans le même sens, une solution pour régler ce problème. Elle a été rejetée, en fait, parce qu'elle aurait coûté 20 milliards de francs. Cela me permet de souligner que vous avez une indignation et une générosité sélectives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Telles sont les remarques que je tenais à formuler sur les modalités afin de démontrer - mais serai-je entendu au-delà de cette assemblée ? - bien que je sache qu'il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre, que nous ne sommes pas des rétrogrades immobilistes et conservateurs, mais que nous sommes, nous aussi, favorables à l'évolution.

A cet égard je ne reprendrai pas les propos tenus par Pierre-Christophe Baguet sur les différents textes que l'on doit à l'initiative parlementaire de la droite, mais je tiens à réaffirmer, mes chers collègues, que nous ne sommes pas plus que vous, autistes, aveugles ou fermés au progrès social et à l'évolution. J'aimerais qu'au moins une fois dans ce débat, cela puisse être dit et entendu.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. Dominique Dord.

J'en viens à ma troisième partie : c'est au principe même du PACS, c'est-à-dire la consécration d'une nouvelle forme d'union sociale entre deux per-s onnes, que nous sommes résolument, frontalement opposés. Et c'est évidemment cela qui vous gêne. Je n'entends pas entonner de grands slogans ou vous insulter ; je veux simplement essayer, quitte à rabâcher,...

M. Bernard Outin.

C'est vrai !

M. Dominique Dord.

... de vous expliquer pour la quatrième fois pourquoi nous sommes opposés au principe d'un nouveau contrat dans notre droit civil.

Nous avons toujours dit que la société doit attester, constater et non consacrer. C'est pourquoi nous sommes favorables à une attestation de vie commune devant notaire donnant accès à la série de droits que je viens d'énumérer, et non à cet acte civil, en plein au coeur du droit de la famille, que constitue le pacte civil de solidarité. Pourquoi ? Pour deux raisons. L'une a trait aux concubins hétérosexuels, l'autre aux concubins homosexuels.

Commençons par les concubins hétérosexuels. Tout comme vous, nous considérons que la société a intérêt à préserver la stabilité sociale, la stabilité des unions de personnes. Nous devons donc essayer d'imaginer un dispositif qui permette de stabiliser ces unions et nous attacher ensemble à trouver le statut le plus protecteur possible, pour les enfants en particulier, mais également pour le conjoint le plus faible brutalement délaissé.

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. Dominique Dord.

Or cela nous ramène immédiatement aux modalités du divorce. Mais il ne peut être question à nos yeux d'une sorte de sous-mariage dont les effets, au moment de sa dissolution, seraient ceux d'un sous-divorce et joueraient au détriment du conjoint le plus exposé et des enfants. Pierre-Christophe Baguet a eu raison d'y insister : comment avoir pu ne jamais citer une seule fois les enfants dans votre texte ? Vous consacrez un nouveau type d'union de deux personnes ; comment pouvez-vous imaginer qu'il ne posera pas de problème à cet égard ? Où sont les dispositions qui concernent les enfants ? Cette seule raison motive notre opposition au principe du PACS pour les couples hétérosexuels.

Venons-en maintenant au cas des couples homosexuels.

Claude Goasguen l'a fort bien dit, redit et réexpliqué : pourquoi sommes-nous défavorables au principe du pacte civil de solidarité pour les concubins homosexuels ? Pour une raison simple, exposée à plusieurs reprises par JeanPierre Michel lui-même, avec la bonne foi dont il a du reste fait preuve tout au long des débats. Il a dit presque textuellement - et il me pardonnera si je transforme involontairement quelques-uns de ses propos : « Le pacte civil de solidarité ouvrira la voie au droit à l'adoption et à la procréation médicalement assistée pour les couples


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

homosexuels. » Voilà ce que vous avez dit, cher collègue

Michel, et à très juste titre - Claude Goasguen y est revenu tout à l'heure : c'est d'ailleurs devenu la question du moment. En ce sens, nous pouvons que le PACS est déjà derrière nous.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Yann Galut.

C'est bien vrai, il est déjà derrière vous !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous aimez décidement les combats d'arrière-garde !

M. Dominique Dord.

Le PACS sera probablement adopté demain et vous vous en réjouirez ; je me doute que vous n'aurez pas le triomphe modeste ! Mais ce n'est finalement pas le plus grave : la question n'est malheureusement plus là. Elle est devenue celle de ce que notre collègue a appelé l'« homoparentalité » ou la « pluriparentalité » ; Jean-Pierre Michel a eu l'honnêteté de le dire, l'ensemble des associations homosexuelles le revendiquent déjà. Et la Cour européenne des droits de l'homme nous obligera probablement à nous y pencher.

Au nom de la non-discrimination, vous avez introduit dans notre droit positif un seul et même contrat, un seul et même statut, le pacte civil de solidarité, applicable aux couples hétérosexuels comme aux couples homosexuels.

Comment pouvez-vous justifier ensuite une nouvelle discrimination ? Les hétérosexuels souscrivant un PACS auront le droit d'adopter un enfant. Comment croyezvous pouvoir l'interdire aux homosexuels, tout en leur donnant accès au même outil ? Vous rêvez, mes chers collègues ! Voilà la deuxième raison qui, sur le fond, légitime notre opposition de principe au pacte civil de solidarité.

M. Nicolas Forissier.

Très bien !

M. Dominique Dord.

Je conclus, monsieur le président.

Que va-t-il maintenant se passer ? Sera-ce l'apocalypse que M. Sarre nous reprochait de décrire ? Non, soyons sérieux ! Ce ne sera pas l'apocalypse. Mais cela sera pire parce que plus insidieux.

M. Yann Galut.

Pire que l'apocalypse ?

M. Guy Hascoët.

Cela existe ?

M. Dominique Dord.

Monsieur Galut, attendez d'avoir l'occasion de vous exprimer ; je vous écouterai avec intérêt. Ce sera pire que l'apocalypse, disais-je, parce que très insidieux. Vous introduisez dans notre droit de la famille un contrat, un statut qui petit à petit le déstabilisera.

Vous pouvez me trouver totalement ringard ou rétro mais, que voulez-vous, je suis attaché au statut de la famille : comme Pierre-Christophe Baguet, je pense qu'on n'a encore jamais trouvé mieux en termes de protection des individus, en particulier des plus faibles. En déstabilisant le droit de la famille, c'est à un des repères, traditionnel certes, mais fondamental de notre société que vous allez toucher, et donc un peu à l'oeuvre de civilisation entreprise depuis des siècles.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Dominique Dord.

Ce faisant, mes chers collègues, vous ne faites pas oeuvre de progrès social. Tout au contraire, je le crois sincèrement, avec ce texte, nous régressons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous parvenons enfin au terme d'une année de débats parlementaires. Une année qui aura permis d'enrichir le texte initialement proposé, de l'améliorer, de compléter certains droits. Les députés communistes sont fiers d'avoir contribué à un travail aussi précieux pour notre société.

En un an, beaucoup de choses auront été dites dans cet hémicycle comme ailleurs. Beaucoup d'inepties aussi, les plus fantaisistes comme les plus odieuses. Certains se sont dépensés sans compter pour brouiller le débat. Qu'il soit encore temps ici de les rassurer : non, le PACS ne s'attaque nullement au mariage, il n'enlève rien à ceux qui font le choix de passer devant M. le maire. Il n'a pas été question d'ouvrir le mariage aux homosexuels, de leur donner le droit d'adopter des enfants ou encore de leur ouvrir l'accès à la procréation médicalement assistée. Ces débats n'étaient pas ceux du PACS ; ils restent à mener et gageons que l'avenir nous en donnera l'occasion.

Au demeurant, je ne suis pas loin de penser que cette année de débat n'aura pas été inutile pour bien faire percevoir les vrais enjeux du pacte civil de solidarité. J'en veux pour preuve la soudaine prise de conscience, cet été, de plusieurs députés de l'opposition et de leurs jeunes militants en découvrant le fossé qui séparait leurs conceptions de celles portées par la société. C'est peut-être là le seul bénéfice à retirer d'une année d'obstruction de la droite qui, au final, aura retardé l'ouverture de droits nouveaux pour des millions de nos concitoyens.

Mme Christine Boutin.

Il faut savoir de quoi l'on parle ! Vous commencez par vous réjouir qu'il y ait eu débat pour dire aussitôt après le contraire !

M. Patrick Malavieille.

Laissez-le parler !

M. Bernard Birsinger.

Mais revenons justement au contenu même du pacte civil de solidarité, en rappelant rapidement les droits nouveaux énoncés : droit à l'imposition commune, abattement sur les successions, droit à la reprise de bail, etc. Je veux aussi souligner que l'attitude des députés communistes n'a pas varié depuis le début et combien elle a contribué à étoffer nettement le texte initial. Je pense notamment à la couverture sociale pour la personne « pacsée » qui ne peut y prétendre à un autre titre, à la suppression des délais pour la reprise de bail, aux possibilités accrues de mutation dans la fonction publique pour la personne liée par un PACS, à la précision enfin apportée en écrivant que le pacte civil de solidarité est ouvert à deux personnes « de sexe différent ou de même sexe » : elle permettra de couper court à toute interprétation rétrograde de la Cour de cassation sur la nature du couple. Non, vraiment, mis bout à bout, ces nouveaux droits, qu'ils aient été inscrits dans le texte initial ou adoptés au cours des débats, ne conduisent en rien à un délitement de la famille et de la société ; tout au contraire, ils contribueront à renforcer les liens de solidarité et participeront à la protection des individus.

Je n'aurai garde d'oublier les homosexuels et leurs associations dont la patiente détermination à faire adopter ce texte aura permis de faire profiter l'ensemble de la société de droits nouveaux. Je tiens à saluer le travail en commun entre ces associations et les députés communistes, qui nous aura permis de nous faire le relais de leurs exigences dans cet hémicycle.

Je veux aussi souligner la bonne entente au sein de la gauche plurielle. L'écoute mutuelle y a souvent prévalu, permettant d'améliorer et de donner une plus grand efficacité à la loi. Espérons que cette démarche pluraliste


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continuera d'inspirer le Gouvernement pour tous les a utres sujets, particulièrement sur les questions de l'emploi.

Bien entendu, tout en marquant leur approbation pour un texte dont ils sont coauteurs, les députés communistes ne peuvent s'empêcher de regretter que le PACS n'aille pas plus loin. Je pense notamment à toutes les propositions que nous n'avons cessé de défendre depuis le commencement des débats, qu'il s'agisse du lieu de signature du PACS - nous aurions préféré la mairie où se prennent déjà la majeure partie des actes d'état civil et où existe un personnel formé -, de la suppression des délais pour avoir accès à l'imposition commune - pourquoi ce délai de deux ans qui, d'une certaine façon, laisse encore planer la suspicion sur cette forme de couple ? - ou encore du droit au séjour ou à la nationalité pour les étrangers liés par un PACS.

J'espère que ces trois points pourront ultérieurement faire l'objet d'améliorations. Je ne doute pas non plus que, une fois le PACS adopté par des centaines de milliers de couples, il apparaîtra opportun et naturel de prendre de nouvelles dispositions. De même, la question des fratries, que nous ne souhaitions pas voir réglée par le PACS, afin de ne pas mélanger les débats, devra faire rapidement l'objet de dispositions législatives, à l'occasion - pourquoi pas ? - de la loi sur la famille. Enfin, nous avons pris note de l'engagement de Mme la garde des sceaux de prendre les mesures réglementaires qui s'imposent afin que la signature d'un PACS soit prise en compte dans le cadre d'une demande de naturalisation.

Le pacte civil de solidarité ne met pas seulement le droit des couples en accord avec l'évolution de la société et de la famille. Il préfigure aussi ce que peut devenir notre législation : génératrice de droits nouveaux pour les citoyens en fonction des choix de vie propres à chacun.

Après une session parlementaire de débats, le temps va venir de l'application réelle et concrète du pacte civil de solidarité. Nous ne pouvons croire que le Conseil constitutionnel se permettra de censurer une loi attendue par une grande majorité de nos concitoyens. Le 15 décembre au plus tard, le PACS devrait être promulgué. Viendra alors la période des décrets d'application. Pour les citoyens comme pour les associations, il conviendra de rester vigilants. Les députés communistes seront de toutes les initiatives visant à accélérer la mise en oeuvre du PACS et la prise des décrets d'application. Il faudra aussi attribuer très rapidement des moyens nouveaux aux tribunaux afin que ceux-ci puissent faire face à leurs nouvelles missions.

Sur ces deux questions, madame la garde des sceaux, j'ai bien entendu votre engagement à donner les moyens d'une mise en oeuvre rapide de ce PACS, y compris sur le plan de l'information.

De la même manière, nous serons présents pour prendre des dispositions nécessaires afin de lutter contre l'homophobie. Dans les toutes prochaines semaines, nous déposerons une proposition de loi en ce sens. Le pacte civil de solidarité permet un bond en avant vers le droit à la différence. Pour faire vivre ce droit, il convient désormais d'engager de nouveaux chantiers législatifs.

Mes chers collègues, c'est avec détermination que les députés communistes voteront demain le pacte civil de solidarité. Notre nouveau communisme est un mouvement qui participe de toutes les offensives pour les libertés individuelles et l'égalité des droits,...

M. René Couanau et M. Pierre Albertini.

Et l'ancien ?

M. Bernard Birsinger...

contre toutes les formes de discriminations, qu'elles soient sociales, ethniques, professionnelles ou fondées sur le mode de vie, les comportements sexuels ou tout autre dimension de l'activité humaine.

M. Patrick Malavieille.

Très bien !

M. Bernard Birsinger.

En votant le pacte civil de solidarité, c'est à ce processus émancipateur que nous avons la satisfaction de participer activement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, la longueur du débat sur le PACS aura eu au moins le mérite d'apaiser les passions, des deux côtés de cet hémicycle. Elle nous aura donné l'occasion d'avoir de vraies discussions, d'approfondir notre démocratie, de permettre, à une époque où la loi est trop souvent bâclée au Parlement, à nos concitoyens de suivre notre débat, de s'y associer et de se faire une opinion.

Mme Muguette Jacquaint.

Un an de débats, c'est tout de même long !

M. Patrick Devedjian.

Mais le temps n'aura permis ni de convaincre du bienfait du projet, ni de le rendre raisonnable.

Je le redis ici : nous n'avons pas changé d'avis et vous constaterez par nos votes que l'opposition conserve toute sa détermination dans l'hostilité.

Le RPR a d'autant plus de raisons de maintenir fermement son opposition qu'il a toujours pris un soin scrupuleux à définir une position éloignée de tout relent détestable...

M. Alain Clary.

C'est le nouveau président ?

M. Patrick Devedjian.

..., considérant qu'il doit être mis fin à une absurde discrimination. C'est en vain que la gauche utilise les minorités pour se donner un air de modernité...

M. Alain Clary.

Nous sommes majoritaires ici ! Il n'y a pas un seul député RPR pour vous écouter ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arthur Dehaine.

Si, il y en a !

M. Patrick Devedjian.

Il y a encore un peu plus de députés RPR que de députés communistes !

M. Alain Clary.

Malheureusement !

M. Patrick Devedjian.

Et cela ne fera probablement que s'aggraver pour vous !

M. Alain Clary.

Rassurez-vous, cela va changer !

M. Patrick Devedjian.

On ne l'a pas vu beaucoup jusqu'à maintenant.

M. Alain Clary.

Tiberi ! Tiberi !

M. Patrick Devedjian.

Je vous répondrai : Robert Hue ! Robert Hue !

M. Jacques Limouzy.

Il n'est pas là ! Nous ne sommes pas à la manifestation !

M. le président.

Mes chers collègues, revenons au débat, s'il vous plaît !


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M. Patrick Devedjian.

Ces mêmes minorités découvriront tôt ou tard le mauvais service qu'on leur rend en les installant dans un statut.

La mode, c'est ce qui se démode, et souvent très vite.

Passées les paillettes des strass et éteintes les lumières des projecteurs, il ne reste que la tristesse de l'échec et le désespoir de solutions qui s'éloignent encore davantage.

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Beaucoup de reproches techniques, juridiques et philosophiques ont été faits, et à juste titre, à ce texte instable, incertain, mais obstiné jusqu'à violer le règlement de l'Assemblée nationale. Mais je veux aller désormais à l'essentiel.

Puisqu'il faut répéter sans cesse la même chose pour être entendu, je veux répéter que notre désaccord est d'abord un désaccord de principe.

M. Dominique Dord.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Il ne porte pas sur le constat mais bien sur le remède proposé, qui nous paraît pire que le mal.

Oui, les homosexuels font l'objet d'une discrimination juridique et sociale à laquelle il convient de mettre fin.

Oui, toute attitude homophobe est détestable. Les homosexuels n'ont besoin ni de charité ni de compassion, mais seulement d'égalité et de dignité.

Oui, chacun a le droit de choisir et de vivre librement sa sexualité, tant qu'elle ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui.

Ce constat peut être partagé, me semble-t-il, sur tous les bancs. Mais la République, c'est non seulement l'égalité de droit, mais aussi le refus de toute discrimination, a fortiori statutaire. Or, en créant un statut des homosexuels au motif de leur donner des droits, vous en faites l'objet d'une désignation sociale.

Certes, me direz-vous, ce n'est pas un statut pour les homosexuels, puisque les hétérosexuels pourront en bénéficier.

M. Yann Galut.

Vous apportez vous-même la réponse !

M. Patrick Devedjian.

Mais parmi les bénéficiaires de ce statut, on pourra facilement distinguer les homosexuels des autres. De surcroît, on l'a encore répété tout à l'heure, au sein même de ce statut, les homosexuels n'auront pas les mêmes droits que les autres.

Et ce sont les homosexuels qui, en réalité, font l'objet principal de la proposition de loi, tout le monde l'a compris ; il est dérisoire, voire misérable, d'avoir honte de le proclamer.

M. Yann Galut.

Nous n'avons pas honte !

M. Patrick Devedjian.

Légiférer loyalement aurait consisté à revoir l'absurde fiscalité des successions, que la gauche n'a cessé de surcharger, au lieu d'y découper des fenêtres incohérentes, parce que de circonstance.

Légiférer de manière républicaine aurait consisté à dire que les concubins hétérosexuels et homosexuels avaient les mêmes droits, sans qu'on puisse les distinguer.

Par cette loi, vous sortez de la philosophie républicaine, pour entrer dans celle du communautarisme.

M. Yann Galut.

C'est le contraire !

M. Patrick Devedjian.

Là est notre opposition fondamentale.

Le pire, dans cette loi, est que les homosexuels n'ont d'autre choix que de continuer à subir la discrimination dont ils font l'objet pour assurer la discrétion de leur situation ou de choisir le statut du PACS pour y mettre fin, mais alors en voyant établi, révélé au public et aux autorités leur choix sexuel.

Votre loi est donc très cruelle : aucun changement dans la discrimination pour ceux qui ne veulent pas assumer publiquement leur choix. C'est cela, votre loi : si vous n'acceptez pas de voir révélé votre choix sexuel, vous continuez à subir la discrimination ! L'injustice de leur situation actuelle ne vous a donc pas touchés suffisamment pour vous donner l'envie, en tout état de cause, de permettre à tous - je dis bien à tous de sortir de la discrimination. Vous faites le tri entre ceux qui veulent assumer publiquement leur choix sexuel et ceux qui refusent, et ceux-là, vous les condamnez.

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Pourtant, le respect de la vie privée est un droit de l'homme fondamental. Pourtant, la pratique sexuelle appartient à la vie privée, et chacun a droit au secret de sa vie privée.

M. Alain Clary.

Bien sûr !

M. Patrick Devedjian.

Pour mettre fin à une discrimination réelle, vous bafouez le secret de la vie privée. Tel est le vice fondamental de votre proposition de loi, et seule la passion politique vous empêche de le comprendre ou de l'admettre. En établissant un fichier des « pacsés » largement accessible,...

M. Maurice Leroy.

Il fallait oser !

M. Patrick Devedjian.

... vous permettez que soit connue et prouvée l'option sexuelle de ceux qui n'auront pas vu les dangers de votre loi.

M. Alain Clary.

Ce que vous dites est-il raisonnable, monsieur Devedjian ?

M. Patrick Devedjian.

Vous pensez que ce n'est pas grave, car nous vivons des temps heureux et il n'y a pas de réel danger, j'en conviens, dans un pays aussi démocratique que le nôtre. Mais vous violez un droit de l'homme fondamental, en pensant que cela n'aura pas de conséquence et que cela importe peu parce que votre intention est pure.

Je vous rappelle que personne n'est sûr du lendemain, notre histoire nous le rappelle constamment, que l'enfer est pavé de bonnes intentions et que la légèreté législative peut avoir des effets indésirables, voire dramatiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Oui, nous pensons que cette loi est injuste aussi pour les familles, pour les concubins, pour les enfants, pour les célibataires. Nous nous y opposons pour ces raisons.

Mais nous nous y opposons en premier lieu parce qu'elle est injuste et dangereuse pour ceux qu'elle prétend défendre et qui, en fait, seront ses premières victimes.

Je me contenterai aujourd'hui de prendre date. Le temps démontrera rapidement, hélas, la perversité de votre proposition de loi et, je vous le dis, nous n'avons pas fini d'en parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Malavieille.

Nul ! C'était nul !

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod, pour cinq minutes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. Michel Suchod.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes en présence d'une grande loi républicaine qui vient après la loi sur le vote des femmes, sur la parité, sur l'abolition de la peine de mort, sur l'interruption volontaire de grossesse.

M. Maurice Leroy.

Vous oubliez celle sur les trentecinq heures ! Vous êtes trop modeste.

M. Michel Suchod.

Et comme chaque fois, nous avons des difficultés avec un des côtés de cette assemblée.

Cette loi, des parlementaires tels que M. Michel, M. Bloche et Mme Tasca, ici présents, en sont les initiateurs ; le Gouvernement l'a soutenue, et je l'en remercie.

Les parlementaires l'ont voulue parce qu'ils ont voulu un texte qui soit hors des communautés et hors du communautarisme.

M. Yann Galut.

C'est vrai !

M. Michel Suchod.

Les jeunes de l'UDF, dont j'ai lu avec attention les comptes rendus des travaux, auraient voulu créer un statut. Sans aller jusqu'à évoquer les statuts décidés en octobre 1940, je leur objecterai aimablement que la notion même de statut est une mauvaise idée parce qu'elle sous-entend l'opprobre, ce que nous ne souh aitons pas, pas plus que M. Devedjian puisqu'il reproche à notre texte de ne pas être suffisamment clair de ce point de vue.

Cette loi, non seulement nous l'avons voulue hors des communautés, mais nous l'avons voulue pour tous ceux et pour toutes celles qui ont établi un cadre de vie de couple et qui voudraient stabiliser ce cadre par un contrat portant établissement durable.

Certes, il y aura des couples homosexuels « pacsés ». Et nous en sommes, je le reconnais, satisfaits car il s'agit là d'un grand mouvement historique qui consacre l'évolution des moeurs et qui tend de plus en plus vers l'égalité des droits pour les homosexuels. Mais il y aura aussi des couples hétérosexuels, en grand nombre si l'on en croit les quelques expériences qui existent notamment aux Pays-Bas, parce que ce contrat remplacera souvent le concubinage déjà établi. Surtout, il interviendra en lieu et place du mariage pour tous ces couples que nous entendons, dans nos départements, dire selon l'expression populaire, qu'ils sont en train de « refaire leur vie » - j'adore cette expression, surtout chez des gens de soixante ans ! -...

M. Pierre Albertini.

C'est une preuve d'optimisme, en effet !

M. Maurice Leroy.

Ont-ils besoin du PACS pour cela ?

M. Michel Suchod.

... souvent, bien entendu, hors du cadre du mariage, dont certains ont déjà goûté aux nombreux charmes, et au plus exprès d'entre eux, à savoir la très grande difficulté d'en sortir. Ces couples pourraient légitimement venir au PACS.

Je rassure ceux qui considèrent le mariage comme un sacrement, les chiffres sont là pour le montrer : non seulement l'institution n'est pas en cause, mais elle est en progression. On voit même réapparaître ce que l'on ne voyait plus depuis mai 68, à savoir cet acte hautement préparatoire : les fiançailles avec échange de bagues, qui sont en très grande progression.

M. Maurice Leroy et Mme Christine Boutin.

Quelle ringardise !

M. Michel Suchod.

J'y viens ! Le ringardisme, c'est la touche d'ironie de ce débat.

Nous avons vu ici surgir une sorte de Jeanne Hachette, peut-être même la dernière Jeanne d'Arc. Elle nous a tenus cinq heures vingt-cinq d'horloge.

Mme Christine Boutin.

Vingt-sept !

M. Michel Suchod.

Je vous annonce qu'elle s'apprête à parler - cette fois, malheureusement, cinq minutes ! juste après moi. Elle a brandi ici même la Loi et les prophètes. Etait-ce une Jeanne de la Résistance, une Jeanne de la lutte contre l'ennemi ? Je ne le crois pas. C'était une Jeanne de la résistance au changement, une Jeanne de la réaction dont nous avions oublié qu'il pouvait y en avoir encore quelques exemplaires cachés au plus profond de notre République.

Heureusement, son discours a été recouvert par les plus intelligents d'entre vous qui ont compris la menace de ringardisation sociale.

Il y a eu d'abord le petit mea culpa, mezza voce, de M. Douste-Blazy, que nous avons trouvé intéressant, mais surtout la déclaration de M. Sarkozy, le 28 août, à Lyon :

« Le monde a changé, la France a bougé. Il est largement venu le temps de nous adapter, de nous moderniser ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Maurice Leroy.

Ça ne veut pas dire qu'il faille voter le PACS !

M. Michel Suchod.

Et nous nous prenons à rêver devant ces propos extrêmement encourageants. Mais, tel est le drame de la vie politique, ces propos ne se traduiront en aucune façon dans le vote de demain. Je le regrette, mais ainsi le veut la vie politique, ou tout au moins la vie politicienne.

Quoi qu'il en soit, ces propos nous font rêver : peutêtre verrons-nous surgir demain une opposition moins idéologique, moins politicienne, moins démagogue...

M. Maurice Leroy.

Moins opposante !

M. Michel Suchod.

... avec laquelle, enfin ! un débat serein, un débat vivant, riche et utile pourrait être mené devant notre peuple et devant notre jeunesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin pour - je ne sais si c'est malheureux ou heureux, mais c'est le règlement - cinq minutes, et pas plus ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Ne vous laissez pas impressionner, madame Boutin, par cette assemblée mâle ! (Sourires.)

M me Christine Boutin.

Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le PACS serait désormais une chose entendue, au point qu'il ne serait même plus utile de discuter de son bien-fondé.

M. Yann Galut.

Mais si !

Mme Christine Boutin.

Mais nous voici arrivés aux conséquences qui en découlent naturellement. Au premier rang d'entre elles se trouve l'adoption des enfants par des partenaires homosexuels.

La couverture de L'Express de cette semaine n'aura échappé à personne. Eric Fassin, sociologue favorable au PACS, y explique clairement la logique dans laquelle nous sommes entrés : « Le PACS a suscité une bataille, parce qu'il ne s'agit pas d'un petit pas, mais bien d'un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

basculement de logique. On est passé de la tolérance à la reconnaissance. Maintenant, restons dans une logique de cohérence : peut-on dire oui au couple et non à la filiation ? »

M. Dominique Dord.

Et voilà !

M. Arthur Dehaine.

On en est là !

Mme Christine Boutin.

« Les opposants au PACS - poursuit-il - n'avaient pas tort de penser qu'il aurait des conséquences au-delà du simple statut du couple. Il faut arriver à une égalité totale des droits entre hétérosexuels, même en matière d'adoption et de PMA. Il devient difficile de trouver des arguments pour s'arrêter à mi-chemin. »

M. Dominique Dord.

Exact !

Mme Christine Boutin.

Ce ne sont donc pas vos dénégations, madame la garde des sceaux, sur le sort des enfants, qui feront illusion. Le PACS apparaît ainsi aujourd'hui, en pleine lumière comme le préalable à l'adoption d'enfants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

Mme Christine Boutin.

C'est la principale raison, mais pas la seule, pour laquelle l'opposition a dénoncé et dénonce toujours ce projet.

A gauche d'ailleurs, on n'a pas hésité à s'engager dans ce « basculement de logique ». Tout le monde se souviendra qu'un jour d'octobre 1998, les députés socialistes ont été contraints de signer un engagement écrit de soutien à ce texte, ce qui pose tout de même un certain nombre de questions et en dit long sur l'assurance du Gouvernement en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yann Galut.

C'est mensonger !

Mme Christine Boutin.

De nombreuses associations ont anticipé la situation actuelle et viennent de lancer une consultation d'initiative populaire pour demander au Président de la République, garant de la cohésion sociale et des institutions, d'user de ses pouvoirs constitutionnels.

Je tiens à soutenir fermement et vivement cet appel car il ne nous reste plus que cette possibilité de recourir au chef de l'Etat pour nous faire entendre.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Laissez-le là où il est s'il veut être réélu !

Mme Christine Boutin.

L'intervention du Président de la République...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Quel mauvais service vous lui rendez !

Mme Christine Boutin.

... s'inscrirait parfaitement dans la continuité de son engagement à lutter pour la résorption de la fracture sociale.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous pouvez le faire vous-même ! Ce n'est pas la peine d'aller chercher plus haut !

Mme Christine Boutin.

Le Président dispose de deux p ossibilités majeures prévues par la Constitution : l'article 61 lui donne la possibilité de déférer lui-même la loi au Conseil constitutionnel, mais il peut également, à l'issue du vote en dernière lecture, demander au Parlement, comme M. Mitterrand l'avait fait en son temps, une nouvelle délibération de la loi, conformément à l'article 10 qui précise, que cette délibération « ne peut lui être refusée ».

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cela doit être contresigné par le Premier ministre !

Mme Christine Boutin.

Le Président de la République est aujourd'hui le seul recours du peuple pour le protéger d'une loi qui, l'opposition en est convaincue, constitue un effondrement des repères sociaux essentiels dans un corps social déjà fort malade.

Il est certain qu'une décision du Président de la République aura la portée symbolique nécessaire pour un texte lui-même hautement symbolique.

Il est évident que le PACS aura des conséquences pour les enfants. Or le texte les ignore. C'est une des raisons pour lesquelles le Président de la République est fondé à demander une nouvelle délibération.

C'est pourquoi, comme de très nombreux Français, je demande au chef de l'Etat de prendre une initiative à l'encontre de ce texte...

M. René Dosière.

C'est le Parlement qui vote !

Mme Christine Boutin.

... qui aggravera plus sûrement la précarité qu'il ne la combattra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par une mise au point.

Je ne sais pas où Mme Boutin a entendu dire que les députés socialistes avaient été forcés de signer un engagement sur ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

Certains se sont trahis !

M. Yann Galut.

C'est un mensonge, madame Boutin ! Vous en avez proféré plusieurs à cette tribune. Nous n'avons jamais été obligés, si ce n'est dans vos fantasmes, de signer un papier disant que nous soutenions ce texte.

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Vous dites le contraire dans vos circonscriptions !

M. le président.

Je vous en prie, laissez M. Galut s'exprimer !

M. Robert Lamy.

Qu'il ne dise pas n'importe quoi !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Galut, ne vous laissez pas impressionner.

M. Yann Galut.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous allons voter demain le texte définitif du pacte civil de solidarité.

Le groupe socialiste, dans son ensemble, avec ses partenaires de la majorité plurielle, est heureux de voir aboutir ce texte qui est attendu et approuvé par une immense majorité de nos concitoyens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

M. Michel Lefait.

Très bien !

M. Yann Galut.

Que de chemin parcouru depuis 1991, quand le sénateur Jean-Luc Mélenchon deposa la première proposition de loi, jusqu'à ce jour où nous voterons, et c'est une fierté pour le Parlement,...

M. Jean-Jacques Weber.

Pas pour nous !

M. Yann Galut.

... la proposition de loi défendue par nos rapporteurs, Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche.

Chacun sait qu'elle naurait pu voir le jour sans la mobilisation des associations homosexuelles, à qui je veux rendre hommage ; elles nous ont permis de prendre pleinement conscience du drame que vivaient les personnes touchées par le sida.

Mais, même si le PACS ne saurait se résumer à la suppression des discriminations que subissent aujourd'hui les couples homosexuels, il doit être remarqué que l'homosexualité, sujet largement tabou jusqu'à peu, est désormais présente dans le débat public.

Ce changement essentiel montre la capacité de notre société à s'affranchir de certains de ses conservatismes et à progresser sur le chemin de l'égalité des droits, en rompant des silences souvent coupables et toujours discriminatoires.

C'est à partir de ce constat, et dans un principe républicain, que nous avons voulu répondre à l'attente de ces couples mais aussi des couples hétérosexuels qui ne souhaitaient pas se marier.

La France fait-elle exception en adoptant une législation spécifique ? Non, notre Parlement n'est pas le seul à avoir voté un pacte civil de solidarité. Il y a quelques mois, le Parlement de Catalogne adoptait une loi similaire qu'il plaçait lui aussi en dehors du code de la famille et qui permettait au couple homosexuel ou hétérosexuel d'organiser un contrat de vie commune.

Il en est de même pour le Québec qui légiférait, il y a quelques semaines, sur ce même sujet avec les mêmes conséquences et les mêmes restrictions quant aux droits de l'enfant.

En France, depuis octobre 1998, le législateur, saisi de ce texte, a pu améliorer le PACS, en clarifier la nature contractuelle et définir les droits, obligations et responsabilités de cocontractants et les conséquences juridiques de cet acte, qui - doit-on le préciser ? -, peut être soumis à l'appréciation du juge civil.

Ainsi, le PACS s'est fait une place à côté du mariage en dissipant les ambiguïtés que la mauvaise foi voulait entretenir.

Mais il s'est aussi fait une place à côté de l'union libre à laquelle un certain nombre de nos concitoyens ne sont pas prêts à renoncer. Grâce au Sénat et à l'extension faite par l'Assemblée nationale, le concubinage tant hétérosexuel qu'homosexuel est reconnu.

Le mariage républicain, quant à lui, reste une institution de référence, conservant toute sa valeur de modèle social, même s'il n'est plus le seul mode de fondation d'une famille et si son intangibilité est relativisée.

Le PACS offre donc un statut juridique global pour les couples, de plus en plus nombreux, et en particulier dans les jeunes générations, à ne pas vouloir ou pouvoir se marier, mais qui souhaitent sortir de la pure union de fait, voir reconnu leur engagement et organiser une solidarité de droit.

Par conséquent, il ne menace pas le mariage. Les motivations qui poussent aujourd'hui les couples hétérosexuels à se marier subsisteront une fois le PACS créé, qu'il s'agisse de la force symbolique de l'engagement célébré par un officier d'état civil ou des droits qui en résultent, notamment concernant l'enfant.

Concrètement, le PACS va permettre de résoudre de nombreuses difficultés pratiques auxquelles se heurtent aujourd'hui les couples non mariés. Le pacte civil va simplifier la vie des couples, qu'il s'agisse de la preuve de vie commune, du maintien dans le logement ou encore de la transmission de leurs biens.

Le mérite en revient à la majorité et au Gouvernement, en particulier à vous, madame la ministre, qui avez fermement défendu le droit, pour des parlementaires, de proposer une construction juridique nouvelle.

Par sa portée générale, il s'oppose aux tentations de repli communautaire ; il contribue ainsi à renforcer la conception républicaine qui anime le Parlement.

Ce dernier débat relatif au PACS s'est déroulé dans un climat que je qualifierai d'« apaisé ».

Tout un chacun a reconnu que ce texte était voulu et attendu par nos concitoyens et que, au contraire de ce que certains affirmaient, il allait renforcer la famille.

Les gesticulations de dernière minute de quelques parlementaires de l'opposition cachent mal leur peur de perdre sur tous les tableaux.

M. René Couanau et M. Maurice Leroy.

Ça, c'est apaisant !

M. Yann Galut.

La droite reste tétanisée par les déclarations estivales de quelques-uns de ses ténors et par l'offensive de ses jeunes militants (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, ceux-ci ont compris que le PACS était déjà entré dans les moeurs et qu'il répondait à une aspiration non seulement, de notre jeunesse, mais aussi de l'ensemble de la société.

Le PACS comble donc un vide en répondant aux attentes des Français, à savoir la liberté pour l'individu d'assurer et d'assumer ses choix de vie, notamment amoureuse. Notre société y aspire, et c'est pour cela que les députés socialistes voteront, avec grande fierté, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, nous arrivons donc au terme de ce qu'on pourra considérer comme une étape dans la conquête des droits.

Pour avoir été, avec d'autres, à l'écoute de tous ceux qui se sont trouvés confrontés à la non-reconnaissance de la réalité de leur vie quotidienne, témoin et de tout ce qui s'est passé dans les années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, j'ai le sentiment que nous avons franchi aujourd'hui une étape : dès demain, toute une série de nos concitoyens pourront sortir de l'anonymat ou de l'état de non-droit dans lequel certains voulaient les confiner.

J'ai eu l'occasion d'indiquer que le PACS constituait pour nous un vrai progrès de civilisation. Au cours des débats que nous avons eus, parfois longs, parfois fastidieux, certains ont cherché à donner à ce texte des interprétations qui n'existaient pas, à lui prêter des champs d'application qu'il ne prétendait pas couvrir, ou, au contraire, à regretter que certains droits n'y soient pas reconnus. Pour ma part, je crois que ce texte a atteint


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

son équilibre. Quant à ceux qui l'utiliseront - les couples h omosexuels, les couples hétérosexuels, les couples recomposés - ils feront, j'en suis convaincu, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire non sans humour, un cocktail qui pourra peut-être nous surprendre.

Ce qui est essentiel, c'est que, en cherchant à couvrir un certain nombre de situations, nous ayons respecté l'esprit et la laïcité de la République et que nous ne soyons pas tombés dans le piège du communautarisme.

Egalité et dignité, avez-vous dit. Je crois qu'en matière d'égalité, un pas est franchi. Un certain nombre de droits sont ouverts ; il faudra regarder l'application qui sera en faite à l'avenir.

J'en viens à la dignité. Finalement, ce qui a gêné l'opposition tout au long de ce débat, ce n'est pas tant la nature technique du texte, ni de reconnaître des droits à certaines personnes, que le fait qu'elle aurait préféré un texte qui aurait ouvert des droits en catimini plutôt qu'un texte qui organise la reconnaissance symbolique qu'attendait toute la communauté homosexuelle. C'est cela qui dérange fondamentalement l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République).

Nous nous félicitons de l'adoption prochaine de ce texte. Nous observons avec beaucoup de vigilance sur la manière dont il sera appliqué.

Cela dit, nous regrettons que, sous la pression d'une pétition, d'une mobilisation supposée d'élus locaux, il ait fallu renoncer à la mairie, lieu de proximité, lieu de citoyenneté, comme lieu d'enregistrement des PACS.

Pourtant, cela aurait été le plus simple. Nous restons également sur notre soif, s'agissant de clarification du statut des étrangers qui auront contracté un PACS.

Enfin, nous continuons de penser que les délais relatifs à l'ouverture des droits sont excessives, voire inutiles. Si l'on se trouvait en situation de récession, on pourrait comprendre que le nombre des « pacsés » de l'année prochaine puisse préoccuper le ministère des finances. Or nous sommes dans une configuration telle que la signature de 100 000, 200 000 ou 300 000 PACS l'an prochain ne semble pas de nature à effrayer ceux qui tiennent les cordons de la bourse dans ce pays.

Après bien des péripéties dans cette enceinte, après bien des heures de débat, certains voudraient, par habitude sans doute, en appeler au plus haut, estimant que le Président de la République pourrait être un recours contre la décision du Parlement. Je vous dirai simplement, madame Boutin, que si vous aimez bien le Président, évitez-lui cela.

Quant à nous, nous voterons le texte des deux mains.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous parvenons au terme de ce que tout le monde appelle un marathon parlementaire, et je reste pour ma part convaincu qu'une large majorité de Français, silencieusement et sourdement, reste hostile à cette réforme absurde.

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est faux !

M. Jean-Pierre Blazy.

Les sondages montrent le contraire, monsieur de Villiers !

M. Alain Fabre-Pujol.

Si elle est silencieuse, comment savez-vous ce que pense cette majorité, monsieur de Villiers ?

M. Philippe de Villiers.

Je rappellerai les grandes manifestations populaires du début de l'année, la déclaration signée par 20 000 maires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

M. Jean-Pierre Blazy.

On voudrait bien voir les signatures des 20 000 maires !

M. Philippe de Villiers.

... et, pour vous faire bondir, l'unanimité exceptionnelle de toutes les familles spirituelles de France pour défendre une forme de civilisation que votre projet met en cause.

Je pense, comme beaucoup parmi nous ici et ailleurs, qu'il y a une majorité silencieuse qui attendait tout simplement un sursaut. Ce sursaut n'est pas venu.

M. Yann Galut.

Beau constat !

M. Philippe de Villiers.

De plus, ce débat s'est caractérisé par une étrange absence, un grand silence. Il faut y voir le début d'un reniement de la part de quelques-uns d'entre nous qui sont victimes du terrorisme intellectuel et moral qui pèse sur notre pays et sur tous les débats qui s'y déroulent.

M. Alain Fabre-Pujol.

C'est l'Inquisition !

M. Christian Bataille.

Torquemada !

M. Philippe de Villiers.

Demain, au moment du vote final, et pour l'histoire, chacun assumera sa responsabilité.

Il s'agit de savoir si nous décidons d'instaurer, et donc de favoriser, un contre-modèle familial qui portera une atteinte décisive à la cohésion sociale de la nation.

Comme l'ont dit un certain nombre d'orateurs de l'opposition avant moi, la question qui se pose est maintenant de savoir comment le PACS va évoluer, c'est-à-dire comment les couples homosexuels vont pouvoir adopter des enfants.

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce n'est pas l'objet du débat !

M. Philippe de Villiers.

C'est la logique du PACS.

Cette logique avait été mise en exergue au tout début du débat. Elle apparaît aujourd'hui très clairement. Il suffit d'ailleurs de lire les journaux ou de voir les décisions qui sont prises : la plus importante mutuelle enseignante de France, qui regroupe 90 % de la profession, vient de décider l'extension de toutes ses prestations aux couples homosexuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yann Galut.

C'est une bonne chose !

M. Philippe de Villiers.

Et tout à l'heure, à cette tribune, Christine Boutin citait un grand hebdomadaire national qui titrait : « Homos : le droit d'être parents ».

M. Jean-Paul Bret.

Depuis quand les hebdomadaires font-ils la loi ?

M. Jean-Pierre Blazy.

La loi, c'est le Parlement qui la fait, pas la presse !

M. Philippe de Villiers.

La machine est donc en route : les militants de ce que l'on appelle maintenant « l'homoparentalité » veulent le droit d'être parents. Ils réclament, revendiquent cette possibilité, qui existe d'ailleurs dans certaines sphères européennes, et dont le Parlement européen s'est fait l'avocat bienveillant à maintes reprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

On passe donc de la tolérance à la reconnaissance, et il va devenir très difficile de trouver des arguments pours'arrêter à mi-chemin. Nous sommes en train de commettre l'irréparable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Certains d'entre vous ont osé parlé d'intolérance. Je leur répondrai par un mot, celui de violence. Nous ne pouvons pas tout accepter ; or vous préparez une société de violence, une société dans laquelle le fort écrase le faible.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous le savez bien. Cela a d'ailleurs été souligné tout à l'heure.

Vous préparez ce que dans d'autres pays et dans d'autres civilisations - je pense notamment aux talibans -, on appelle le droit de répudiation unilatéral. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est scandaleux ! Caricature !

M. Bernard Outin.

On le pratiquait aussi chez les rois de France !

M. Philippe de Villiers.

Ce que vous présentez comme un progrès social est une formidable régression. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je mesure, en écoutant vos vociférations, combien vous êtes en réalité gênés par ce texte.

Je voudrais pour terminer, après avoir protesté solennellement contre cette démolition de la famille et des bases de la société, et comme Christine Boutin l'a fait avant moi, en appeler à celui qui est le garant de nos institutions et le responsable de la cohésion nationale, car c'est le dernier recours. Et je voudrais lui dire ceci : comment avez-vous pu, jusqu'à présent, rester silencieux ? Comment avez-vous pu vous taire face à un débat crucial qui engage l'avenir de la société française ?

M. le président.

Vous devez conclure, monsieur de Villiers, s'il vous plaît !

M. Philippe de Villiers.

La Constitution vous donne les moyens de vous exprimer. Le jour venu, les Français se souviendront de votre parole ou de votre silence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est une menace ?

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en clôturant ce débat, je mesure l'honneur involontaire qui m'est fait et, en même temps, l'immensité de la tâche.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Pierre Albertini.

Vous me permettrez tout de même de vous expliquer pourquoi le renvoi en commission contribuerait à améliorer substantiellement la proposition de loi que nous examinons.

Le PACS est une occasion manquée de regrouper les Français, de les fédérer autour d'un projet qui puisse les rassembler sur des valeurs, sur des repères, sur des règles.

C'est un outil juridiquement inadapté. C'est une mauvaise réponse parce que c'est une réponse uniforme et en même temps hybride à une très grande diversité de situations.

En octobre 1998, au moment où nous avons entamé cette discussion, nous étions nombreux à constater que nous avions à concilier deux impératifs, éminement respectables l'un et l'autre.

Le premier, c'est celui qui, fondement de toute vie en société, impose à celle-ci de s'organiser autour de règles, autour de repères, qui cherche à stimuler le sens des responsabilités de ses membres - et Dieu sait qu'aujourd'hui nous avons besoin d'en appeler au sens des responsabilités de nos concitoyens ! Le second impératif, qui n'est pas moins noble que le premier, c'est l'aspiration à la liberté et à la tolérance.

C'est aussi, peut-être un peu plus discutable, une aspiration, souvent légitime, à la protection, qu'elle soit juridique, sociale ou fiscale.

Mais face à ces deux impératifs qu'il s'agissait d'équilibrer, les auteurs de la proposition de loi nous ont proposé d'apporter une réponse identique à des situations profondément différentes. Donnant dans la confusion des genres, ils ont mêlé indistinctement la situation des couples hétérosexuels et celle des couples homosexuels. Ils ont même ajouté, chemin faisant, les fratries, qui ont été ensuite retirées du texte. Tout cela démontre à l'évidence qu'un même outil ne pouvait pas procurer des réponses satisfaisantes à des situations profondément différentes les unes des autres.

En réalité, deux voies étaient possibles. La première, qui avait notre préférence et se montrait respectueuse de la liberté de choix des individus, consistait, en partant d'une situation de fait, à améliorer leur situation financière, fiscale ou sociale lorsqu'elle le méritait. Nous aurions pu d'ailleurs, par le biais de mesures législatives introduites dans le code général des impôts, dans le droit du travail ou dans les dispositions relatives au logement, améliorer substantiellement la situation de ceux qui choisissent de vivre selon la conception qui est la leur. Et ce choix est après tout respectable. Nous avions d'ailleurs d éposé une proposition de loi en ce sens durant l'été 1998.

Ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Vous n'avez pas choisi celle d'un véritable contrat reposant sur un engagement interpersonnel fort, reposant sur un équilibre des droits et des devoirs, reposant sur l'existence de compensation, notamment en cas de rupture du PACS.

Vous avez choisi une autre voie. Vous avez, hésitant perpétuellement entre chacune de ces pistes, élaboré un instrument dont le coefficient d'incertitude est extrêmement élevé, que ce soit dans sa conception ou que ce soit, hélas ! surtout dans l'application qui en sera faite.

Le PACS est une réponse lacunaire et imprécise au problème qui se pose.

L'article 34 de la Constitution confie au Parlement le soin de fixer les règles et les principes fondamentaux concernant l'état des personnes, les successions et libéralités, les impositions de toute nature, les obligations civiles et commerciales.

Cela suppose naturellement que la réponse du législateur soit une réponse précise et qu'il aille au bout de sa compétence, et non qu'il reste en deçà de celle-ci. Or en renvoyant non seulement au pouvoir réglementaire, mais surtout au pouvoir judiciaire le soin de préciser des incer-


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titudes, de combler des lacunes, le législateur n'a pas rempli son office qui est de proposer au peuple des solutions juridiquement précises et rigoureuses.

D'abord, l'objet du PACS n'est pas défini avec précision. Vous avez dit qu'il avait pour but d'organiser la vie commune entre deux personnes de même sexe ou de sexe différent. Mais cette notion de vie commune, vous ne lui avez même pas donné un contenu minimal,...

M. Patrick Leroy.

Très juste !

M. Pierre Albertini.

... ce qui est totalement paradoxal, au moment même où vous avez introduit dans la loi sur le PACS une définition du concubinage, qui, elle, impose, ce qui n'était jamais le cas jusqu'à présent, une relation de stabilité et de continuité...

M. Maurice Leroy et Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Pierre Albertini.

... qu'on ne retrouvera pas chez les personnes qui signent ensemble un PACS, quel que soit le degré de sincérité qui puisse les unir à un moment où à un autre de leur vie. Par rapport au mariage, qui i mpose une communauté de vie, une résidence commune, nous aurons donc, sur ce terrain, une notion de vie commune déclinée selon la fantaisie des signataires, selon la fantaisie des partenaires.

Dans le même ordre d'idées, l'aide mutuelle et matérielle que doivent s'apporter les signataires du PACS n'est naturellement, elle aussi, nullement définie. On peut parier dès maintenant qu'il y aura des PACS à géométrie et à intensité très variables : certains pourront contenir des obligations très proches du mariage ; d'autres pourront ne contenir que des engagements extrêmement symboliques. Or les mêmes avantages fiscaux s'attacheront à l'ensemble des signataires de ces PACS. Où est l'égalité devant l'impôt, alors que les unions interpersonnelles que les PACS concrétiseront seront d'intensité extrêmement élastique ? En second lieu, le PACS comporte de très graves insuffisances. J'ai noté les quatre qui me paraissent les plus importantes.

L a rédaction actuelle prévoit un certain nombre d'empêchements dont la violation pourrait donner lieu à nullité. Quel sera le régime de cette nullité ? S'agira-t-il d'une nullité absolue ? D'une nullité relative ? Si je pose cette question, c'est que la réponse a un intérêt non seulement pour les signataires du PACS, mais plus encore pour la protection des droits des tiers. Qui pourra intenter une action pour sauvegarder ces droits et ces intérêts, et dans quel délai ? Tout cela est vraisemblablement laissé à l'appréciation du juge qui, péniblement saisi au fil de situations dramatiques, constituera une jurisprudence qui demandera sans doute des années et des années avant d'être cohérente.

Le deuxième exemple concerne le régime des biens.

Vous avez prévu une présomption d'indivision. Nous vous avons mis en garde en vous disant que l'indivision était sans doute la plus mauvaise des réponses en matière de propriété. Vous nous avez répondu qu'il n'existait aucun contentieux. Peut-être, mais c'est parce que les situations sont tellement bloquées dès le départ que personne ne va devant le juge ! C'est la raison fondamentale de l'absence de contentieux en matière d'indivision.

S'agira-t-il d'une indivision conventionnelle, au sens des articles du code civil, ou plutôt d'une indivision d'un type nouveau, dont la durée de vie sera limitée à celle du PACS ? Ce sont des intérêts patrimoniaux importants qui sont en jeu, et je pense que les Français ont besoin de repères plus que d'incertitudes.

Enfin, que dire de l'absence totale de compensation dans le PACS ? J'ai évoqué tout à l'heure l'équilibre des droits et des devoirs, qui me paraît élémentaire. Je regrette que rien ne soit prévu dans ce domaine, malgré les avertissements que nous ont prodigués depuis des mois les notaires, les avocats et une grande partie des spécialistes de la doctrine, selon lesquels le PACS donnera lieu à un contentieux très abondant et néfaste pour les intérêts de ceux qui en concluront un. On ne peut pas imaginer que la saisine du juge soit, dans une société malade, l'ultime recours. N'ajoutons pas le mal que représente un contentieux inutile au mal de l'abus sur lequel peut reposer le PACS ; nous aurons sinon un cumul d'inconvénients.

Je suggère d'ailleurs, puisque c'est après tout la mission de l'office parlementaire d'évaluation de la législation, de prendre date pour qu'un jour nous puissions faire à tête reposée, et à froid, le bilan de ce contentieux et de ce coût social.

Enfin, le PACS ne respecte pas les principes fondamentaux du droit des contrats. Il est qualifié par le législateur de contrat, mais il n'a que l'apparence, pas la réalité du contrat. D'ailleurs, vous l'avez inséré dans le livre I, consacré aux personnes, et pas dans le livre III du code civil.

M. Dominique Dord.

Tout à fait !

M. Pierre Albertini.

C'est un instrument qui, en réalité, ne satisfait aucun des principes sur lesquels s'est bâti le régime des contrats en droit français : la sécurité, l'égalité juridique des contractants et, ce qui est pour moi fondamental, la protection, grâce à l'équilibre des contrats, du plus vulnérable, du plus faible.

Je ne prendrai qu'un exemple pour illustrer mon propos : la rupture unilatérale sans motif, sans cause particulière, que vous avez prévue. Les formalités sont bien légères : un préavis de trois mois, la signification au partenaire et la copie de l'acte au greffe du tribunal d'instance. Mais, au-delà de ces formalités bien maigres, quel sera le sort du partenaire délaissé ? Comment sera assurée la compensation du préjudice qu'il aura subi ? Sur quel fondement juridique le juge se prononcera-t-il ? Vous avez limité sa compétence aux seules conséquences patrimoniales de la rupture du PACS, ce qui veut dire que vous avez ficelé le juge et que son rôle sera impossible à tenir.

Je rappelle que la Cour de cassation a, depuis une dizaine d'années, condamné à plusieurs reprises, que ce soit en droit international privé ou en droit interne, ce qu'elle appelle elle-même - je me réfugie derrière l'autorité de la plus haute juridiction privé de notre pays - la répudiation,...

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Maurice Leroy.

Absolument ! M. Pierre Albertini ... si la protection du plus vulnérable, du plus faible, n'est pas assurée.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Pierre Albertini.

En l'état actuel des choses, le PACS est donc une contre-production législative. Ce n'est pas un travail législatif qui fait honneur au Parlement. Cédant à l'idéologie, vous avez préféré passer en force, campant sur votre position et réduisant le pouvoir d'amendement de l'opposition à la portion congrue.

Le PACS emprunte au mariage, aux empêchements au mariage.


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Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Pierre Albertini.

Il emprunte ensuite au contrat, mais sur la forme, pas sur le fond - j'ai insisté sur ce point à propos de la rupture unilatérale -, ce qui fait qu'il est en définitive un instrument à mi-chemin entre deux situations, et dont le degré d'indétermination est très élevé.

M. Pierre Lequiller.

Tout à fait !

M. Pierre Albertini.

C'est probablement là que se manifeste la différence entre une société qui a besoin de vivre autour de règles, de se rassembler autour de valeurs et autour de repères, et une simple collection, une simple juxtaposition d'individus déboussolés. Mes chers collègues, voulons-nous simplement faire cohabiter des individus qui seront en définitive régis entre eux par la loi du plus fort ?

M. le président.

Monsieur Albertini, voulez-vous parvenir à votre conclusion ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Albertini.

Je termine, monsieur le président, mais vous voyez bien que nous touchons là...

M. Maurice Leroy.

Vous avez raison !

M. le président.

Ce n'est pas parce que M. Albertini a raison, si tant est qu'il ait raison, que cela accroît son temps de parole.

M. Pierre Albertini.

Le renvoi en commission permettrait d'améliorer subtsantiellement ce dispositif, qui est aujourd'hui totalement défectueux. Si cette motion n'est pas adoptée, l'opposition parlementaire unie saisira immédiatement le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Que de monde saisi dans cette affaire ! La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cette motion de renvoi en commission nous a permis d'entendre encore une fois le discours modéré et intéressant de M. Albertini mais, malheureusement, le renvoi, s'il était décidé, ne permettrait aucune modification. La défense de cette motion de procédure est donc une preuve manifeste d'obstruction parlementaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Car, monsieur Albertini, vous savez aussi bien que moi que l'article 45 de la Constitution nous oblige à voter le texte dans la dernière version que l'Assemblée a adoptée et que, même si nous décidions le renvoi en commission, la commission se réunirait immédiatement mais ne pourrait rien faire, elle ne pourrait pas adopter un seul amendement, elle ne pourrait pas changer un iota à ce texte ! Cette motion de renvoi représente donc un quart d'heure d'obstruction parlementaire supplémentaire dans un débat qui a déjà duré 110 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je confirme que, aux termes du règlement, il en serait bien ainsi.

J'espère que les explications de vote seront réduites au minimum, compte tenu des propos particulièrement pertinents que vient de tenir M. le rapporteur.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Le groupe socialiste s'opposera bien entendu à ce détournement de procédure, dont je regrette qu'il soit le fait d'un membre de la commission des lois.

Au demeurant, il m'a semblé que, pour certains, il s'agissait moins d'un renvoi en commission que d'un renvoi à l'Elysée ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Notre groupe a jugé l'intervention de Pierre Albertini absolument magistrale et, loin d'y voir une volonté d'obstruction, nous y avons vu la volonté d'expliquer et de démontrer. Son argumentation juridique m'a paru parfaitement convaincante.

Comme vous l'avez constaté, sans doute à regret, l'opposition s'est exprimée tout au long de ce débat de manière symphonique, sans fausses notes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yann Galut.

Qu'en pense M. Madelin ?

M. Dominique Dord.

Il y a eu plusieurs temps forts dans l'intervention de M. Pierre Albertini. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yann Galut.

Vous êtes seul de votre groupe !

M. Dominique Dord.

Vous venez vous-même d'arriver ! Notre collègue a remarquablement expliqué que le Gouvernement ou le rapporteur auraient pu faire un autre choix pour arriver au même résultat dans la vie quotidienne et régler les problèmes concrets des concubins hétérosexuels et homosexuels, que le PACS n'est pas l'outil unique, incontournable, indispensable qu'on prétend, et qu'on ne doit pas être immédiatement taxé de conservateur, d'immobiliste ou pire encore si on s'élève contre cette innovation juridique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pierre Albertini est également revenu sur les conditions de dissolution du pacte civil de solidarité, qui nous paraissent inacceptables. D'ailleurs, dans la réforme du droit du mariage qui est actuellement envisagée, vous avez soigneusement écarté la possibilité d'un divorce sans juge. Car vous savez bien qu'un tel divorce, fondé sur le consentement mutuel des parties, ferait le jeu du plus fort.

Mais ce que vous avez évité de mettre dans le mariage, vous l'introduisez dans le PACS. Et, au moment de la dissolution d'un PACS, le dispositif que vous avez mis en place fera le jeu du plus fort. Pour nous, il ne s'agit donc pas d'un progrès social, mais d'une régression, et je remercie notre collègue de l'avoir répété.

Le groupe DL votera bien entendu cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Quand on est dans la fosse d'orchestre, on n'entend pas forcément les fausses notes mais, quand on est au poulailler, on voit les visages, et j'en ai perçu quelques-unes. (Sourires.)

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Ce débat aura au moins eu le mérite d'améliorer le fonctionnement du groupe socialiste. Il faut rendre hommage au secrétariat général du


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groupe et à l'organisation du transport scolaire de nos collègues, qui, depuis le 9 octobre, a effectivement été remarquable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je regrette, mes chers collègues, que vous n'ayez pas bien écouté notre excellent collègue Pierre Albertini. Vous avez politiquement raison, car vous êtes majoritaires, mais je vous invite à relire attentivement, dans le Journal officiel , l'intervention de notre collègue. Car nous allons saisir le Conseil constitutionnel. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Nous avons, je le répète, trouvé l'argumentation de Pierre Albertini très solide juridiquement, et je ne doute pas que le Conseil constitutionnel l'entendra.

J'indique enfin à notre collègue Yann Galut que nous n'avons pas attendu les journées des jeunes de l'UDF pour proposer un texte novateur permettant d'avoir un débat réel sur les vrais enjeux de société. Mais vous avez refusé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour par pure idéologie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

La procédure parlementaire, je le rappelle à M. le rapporteur, a pour but de protéger la liberté d'expression de l'opposition. Il n'y a donc rien dans cette motion qui soit une obstruction au déroulement du processus législatif.

On a beaucoup entendu parler de progrès dans ce débat, mais on peut se demander où est le progrès, lorsque la caricature, l'anathème et l'invective prennent le pas sur le débat d'idées et de conscience.

Où est le progrès lorsque la modernité s'enferme dans l'impasse du reniement de l'anthropologie sociale, culturelle et politique ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Où est le progrès, enfin, dans une société qui s'installe dans l'égocentrisme et l'éphémère ? Nous savons combien il est difficile, pour nos concitoyens, de forger leur vie dans un monde qui bouge et laisse sur le bord du chemin trop de désorientés, de marginalisés, d'exclus. Oui, il nous faut prendre en compte l'évolution des réalités humaines et introduire plus de justice. Mais la méthode choisie par la majorité, en institutionnalisant le contrat du PACS, crée plus d'incertitude que de sécurité, plus de confusion dans les repères, et même plus d'injustice.

Notre réponse est différente : elle respecte les choix individuels ; elle tient compte de la protection nécessaire des personnes ; elle fait de l'amour conjugal et parental le levain d'une société plus ouverte aux autres et plus enthousiaste.

Mme Raymonde Le Texier.

Hypocrite !

M. Patrick Delnatte.

C'est d'un vrai choix de société qu'il s'agit. Le vote ne met pas fin au débat. Au contraire, il permettra à chacun d'aller au bout de sa logique.

Ce soir, nous prendrons date en votant cette motion de renvoi en commission.

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Dernier texte voté par l'Assemblée nationale

M. le président.

Je donne lecture de ce texte :

« Art. 1er A, 1er B et 1er

C. Suppression maintenue. »

« Art. 1er Le livre Ier du code civil est complété par un titre XII ainsi rédigé :

«

TITRE

XII

« Du pacte civil de solidarité et du concubinage

« C HAPITRE Ier

« Du pacte civil de solidarité

« Art. 515-1. Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.

« Art. 515-2. A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

« 1o Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;

« 2o Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

« 3o Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité.

« Art. 515-3. Deux personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune.

« A peine d'irrecevabilité, elles produisent au greffier la convention passée entre elles en double original et joignent les pièces d'état civil permettant d'établir la validité de l'acte au regard de l'article 515-2 ainsi qu'un certificat du greffe du tribunal d'instance de leur lieu de naissance ou, en cas de naissance à l'étranger, du greffe du tribunal de grande instance de Paris, attestant qu'elles ne sont pas déjà liées par un pacte civil de solidarité.

« Après production de l'ensemble des pièces, le greffier inscrit cette déclaration sur un registre.

« Le greffier vise et date les deux exemplaires originaux de la convention et les restitue à chaque partenaire.

« Il fait porter mention de la déclaration sur un registre tenu au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

« L'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au pacte civil de solidarité et le rend opposable aux tiers.

« Toute modification du pacte fait l'objet d'une déclaration conjointe inscrite au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial, à laquelle est joint, à peine d'irre-


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cevabilité et en double original, l'acte portant modification de la convention. Les formalités prévues au quatrième alinéa sont applicables.

« A l'étranger, l'inscription de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux deuxième et quatrième alinéas sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte.

« Art. 515-4. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle.

Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte.

« Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun.

« Art. 515-5. Les partenaires d'un pacte civil de solidarité indiquent, dans la convention visée au deuxième alinéa de l'article 515-3, s'ils entendent soumettre au régime de l'indivision les meubles meublants dont ils feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte. A défaut, ces meubles sont présumés indivis par moitié. Il en est de même lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie.

« Les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose autrement.

« Art.

515-6. Les dispositions de l'article 832 sont applicables entre partenaires d'un pacte civil de solidarité en cas de dissolution de celui-ci, à l'exception de celles relatives à tout ou partie d'une exploitation agricole, ainsi qu'à une quote-part indivise ou aux parts sociales de cette exploitation.

« Art.

515-7. Lorsque les partenaires décident d'un commun accord de mettre fin au pacte civil de solidarité, ils remettent une déclaration conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Le greffier inscrit cette déclaration sur un registre et en assure la conservation.

« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l'autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Lorsque l'un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se mariant, il en informe l'autre par voie de signification et adresse copies de celle-ci et de son acte de naissance, sur lequel est portée mention du mariage, au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un au moins des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Le greffier, qui reçoit la déclaration ou les actes prévus aux alinéas précédents, porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l'acte initial. Il fait également procéder à l'inscription de cette mention en marge du registre prévu au cinquième alinéa de l'article 515-3.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation de la déclaration ou des actes prévus aux quatre premiers alinéas sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français, qui procèdent ou font procéder également aux mentions prévues à l'alinéa précédent.

« Le pacte civil de solidarité prend fin, selon le cas :

« 1o Dès la mention en marge de l'acte initial de la déclaration conjointe prévue au premier alinéa ;

« 2o Trois mois après la signification délivrée en application du deuxième alinéa, sous réserve qu'une copie en ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal désigné à cet alinéa ;

« 3o A la date du mariage ou du décès de l'un des partenaires.

« Les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. A défaut d'accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi. »

« Art. 1er bis . - Après l'article 506 du code civil, il est inséré un article 506-1 ainsi rédigé :

« Art. 506-1 . - Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent conclure un pacte civil de solidarité.

« Lorsque au cours d'un pacte civil de solidarité l'un des partenaires est placé sous tutelle, le tuteur autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles peut mettre fin au pacte selon les modalités prévues au premier ou au deuxième alinéa de l'article 515-7.

« Lorsque l'initiative de rompre le pacte est prise par l'autre partenaire, la signification mentionnée au deuxième et troisième alinéas du même article est adressée au tuteur. »

« Art. 1er ter . - Le titre XII du livre Ier du code civil est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« C HAPITRE II

« Du concubinage

« Art. 515-8 . - Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »

« Art. 2. - I. - Le 1 de l'article 6 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour lesr evenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte. L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot : "ou". »

« II. - Après le 6 de l'article 6 du code général des impôts, il est inséré un 7 ainsi rédigé :

« 7. Chacun des partenaires liés par un pacte civil de solidarité est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé l'année au cours de laquelle le pacte a pris fin dans les conditions prévues à l'article 515-7 du code civil.

« Lorsque les deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune contractent mariage, les dispositions du 5 ne s'appliquent pas.

« En cas de décès de l'un des partenaires liés par un p acte civil de solidarité et soumis à l'imposition commune, le survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. »

III. - Les règles d'imposition et d'assiette, autres que celles mentionnées au dernier alinéa du 1 et au 7 de l'article 6 du code général des impôts, les règles de liquidation et de paiement de l'impôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au


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deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux partenaires liés par un pacte civil d e solidarité qui font l'objet d'une imposition commune. »

« Art. 2 bis et 2 ter . - Suppression maintenue. »

« Art. 3. - I. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 777 bis ainsi rédigé :

« Art. 777 bis. - La part nette taxable revenant au partenaire lié au donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil est soumise à un taux de 40 % pour la fraction n'excédant pas 100 000 francs et à un taux de 50 % pour le surplus.

« Ces taux ne s'appliquent aux donations que si, à la date du fait générateur des droits, les partenaires sont liés depuis au moins deux ans par un pacte civil de solidarité. »

« II. - A l'article 780 du code général des impôts, les mots : « articles 777 » sont remplacés par les mots :

« articles 777, 777 bis ».

« III. - L'article 779 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Pour la perception des droits de mutation à t itre gratuit, il est effectué un abattement de 300 000 francs sur la part du partenaire lié au donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil. Pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes passés à compter du 1er janvier 2000 et pour les successions ouvertes à compter de cette date, le montant de l'abattement est de 375 000 francs.

« Cet abattement ne s'applique aux donations que si, à la date du fait générateur des droits, les partenaires sont liés depuis au moins deux ans par un pacte civil de solidarité. »

« Art. 3 bis. - Suppression maintenue. »

« Art. 4. - I. - Après le quatrième alinéa de l'article 885 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil font l'objet d'une imposition commune. »

« II. - Au II de l'article 885 W du code général des impôts, après les mots : « Les époux », sont insérés les mots : « et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil ».

« III. - A l'article 1723 ter -00B du code général des impôts, après les mots : « Les époux », sont insérés les mots : « et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil ».

« Art. 4 bis A et 4 bis B. - Suppression maintenue. »

« Art. 4 bis . - Le premier alinéa de l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même de la personne liée à un assuré social par un pacte civil de solidarité lorsqu'elle ne peut bénéficier de la qualité d'assuré social à un autre titre. »

« Art. 5. - Les dispositions des articles L. 223-7, L. 226-1, quatrième alinéa, et L. 784-1 du code du travail sont applicables aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité. »

« Art. 5 bis A. - Le dernier alinéa de l'article L. 361-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Si aucune priorité n'est invoquée dans un délai déterminé, le capital est attribué au conjoint survivant non séparé de droit ou de fait, au partenaire auquel le défunt était lié par un pacte civil de solidarité ou à défaut aux descendants et, dans le cas où le de cujus ne laisse ni conjoint survivant, ni partenaire d'un pacte civil de solidarité, ni descendants, aux ascendants. »

« Art. 5 bis . - Le deuxième alinéa de l'article L. 523-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l'allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage, cette prestation cesse d'être due. »

« Art. 5 ter. Le deuxième alinéa (1o ) de l'article L. 356-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« 1o Se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ; ».

« Art. 6. - La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7o de l'article 12 bis de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour. »

....................................................................

« Art. 8. - I. - Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 60 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, après les mots : « raisons professionnelles », sont insérés les mots : « aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ».

« II. - Dans l'article 62 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, après les mots : « raisons professionnelles », sont insérés les mots : « Les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ».

« III. - Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 54 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après les mots : « raisons professionnelles », sont insérés les mots : « , les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité. »

« IV. - Dans l'article 38 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, après les mots : « raisons professionnelles », sont insérés les mots : « les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité. »

« Art. 9. - I. - Après le troisième alinéa de l'article 14 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; ».

« II. - Après le septième alinéa du même article 14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; ».

III. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I de l'article 15 de la même loi, après les mots : « bailleur, son conjoint », sont insérés les mots : « le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé ; ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

« IV. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I du même article 15, après les mots : « ceux de son conjoint », le mot : « ou » est remplacé par les mots : « , de son partenaire ou de son ».

....................................................................

« Art. 11. - Les conditions d'application de la présente loi sont fixées par décrets en Conseil d'Etat.

« Le décret relatif aux conditions dans lesquelles sont traitées et conservées les informations relatives à la formation, la modification et la dissolution du pacte civil de solidarité est pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

....................................................................

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur cette proposition de loi auront lieu demain, mercredi 1 3 octobre, après les questions au Gouvernement.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (no 1786 rect.), relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1826).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 12 OCTOBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 12 octobre 1999 SCRUTIN (no 180) sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Rossi à la proposi tion de loi relative au pacte civil de solidarité (lecture définitive)

Nombre de votants .....................................

333 Nombre de suffrages exprimés ....................

333 Majorité absolue ..........................................

167 Pour l'adoption ...................

113 Contre ..................................

220 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (252) : Pour : 2. - MM. André Capet et Jean Espilondo

Contre : 189 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (136) : Pour : 58 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 1. - Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 30 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 21 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).

Pour : 2. - MM. Marc Dumoulin et Philippe de Villiers

Mise au point au sujet du présent scrutin (sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) MM. André Capet et Jean Espilondo, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».