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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. Démission d'une députée (p. 7687).

2. Suspension et reprise de la séance (p. 7687).

3. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7687).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 7687)

MM. Jean Vila, Yves Deniaud, Alain Barrau, Jean de Gaulle, Jean-Pierre Brard, Jacques Barrot, Gérard Bapt, François Baroin, Ernest Moutoussamy, Christian Estrosi, Raymond Douyère, François Guillaume, Mme Nicole Bricq,

MM. Didier Quentin, Jean-Marie Le Guen, Julien Dray, Eric Besson, Alain Rodet.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 7707)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteB lazy : MM. Jean-Jacques Jégou, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Germain Gengenwin. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Dépôt d'un rapport (p. 7717).

5. Dépôt d'un rapport d'information (p. 7718).

6. Dépôt d'un projet de loi organique modifié par le Sénat (p. 7718).

7. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 7718).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7718).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1 DÉMISSION D'UNE DÉPUTÉE

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de Mme Véronique Carrion-Bastok, députée de la 21e circonscription de Paris, une lettre l'informant qu'elle se démettait de son mandat de députée.

Acte est donné de cette démission qui sera notifiée à

M. le Premier ministre.

2

SUSPENSION ET REPRISE DE LA SÉANCE

M. le président.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, la commission des finances n'ayant pas encore achevé ses travaux, je vais suspendre la séance quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à vingt et une heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

3 LOI DE FINANCES POUR 2000 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Dans la suite de cette discussion, la parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, mesdames, messieurs les députés communistes souhaitent que le budget soit pleinement mobilisé pour soutenir l'activité et l'emploi.

Nous avons déjà exprimé notre sentiment sur le pacte de stabilité et insisté sur la nécessité qu'il y avait, si l'on veut répondre effectivement aux besoins tels qu'ils s'expriment aujourd'hui dans la société et préparer l'avenir, de pouvoir doter les budgets prioritaires de moyens supplémentaires.

Les députés communistes avancent des propositions concrètes pour renforcer la justice sociale et l'efficacité des mesures pour l'emploi, améliorer la fiscalité et accroître les ressources disponibles pour l'action publique. Réévaluer la dépense publique, c'est réaffirmer le rôle du politique, lequel ne saurait se limiter à gérer les conséquences sociales de la domination des marchés financiers sur l'économie et la société.

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Jean Vila.

Refuser l'avènement d'une société de marché implique de promouvoir une nouvelle régulation économique et sociale. S'il faut pénaliser la spéculation et la course à la rentabilité, il faut aussi inventer de vraies réponses alternatives permettant de diminuer le poids des marchés financiers dans le financement de l'économie.

C'est dans cette même perspective qu'il faut améliorer sensiblement l'efficacité de la dépense publique. Cela vaut en particulier pour les sommes considérables que la puissance publique mobilise aujourd'hui au nom des politiques de l'emploi.

Ce ne sont pas moins de 170 milliards de francs qui sont versés, chaque année, directement aux entreprises, sans parler des 110 milliards que leur rapporteront les trente-cinq heures, soit - comme le rappelait cet aprèsmidi mon ami Christian Cuvilliez - un pactole de 12 000 francs par an et par salarié du secteur privé - et cela sans obligation de résultats et même, le plus souvent, sans contrôle de l'usage des fonds qui accompagnent aujourd'hui les suppressions d'emplois et un recours de plus en plus massif au travail précaire.

Ces fonds doivent enfin impérativement concourir au grand objectif national de maintien et de création d'emplois, d'essor des qualifications et de développement d'investissements utiles à la création de richesses réelles.

C'est pourquoi nous proposons la création de commissions de contrôle sur l'utilisation des fonds publics pour l'emploi et la formation tant au niveau national que régional. Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.

Ces organismes associant partenaires sociaux, administrations, banques, institutions publiques et élus locaux auraient vocation à assurer le suivi des aides. Ils auraient compétence pour faire des investigations sur l'utilisation et l'efficacité des aides directes et indirectes à l'emploi, les exonérations de charge et les bonifications de taux d'intérêt pour le crédit.

Ils auraient pour mission non seulement d'assurer la lisibilité du système d'aide aux entreprises et d'assurer un suivi détaillé concret et régulier de ces aides mais aussi de


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proposer des suppressions, des remboursements et même des réorientations en fonction de leur impact réel sur l'emploi. Il est aujourd'hui indispensable d'engager une réforme profonde des aides à l'emploi.

Il faut inventer des solutions neuves, efficaces, allant dans le sens d'un approfondissement de la démocratie économique et sociale. Il faut renforcer les droits des salariés en matière d'information et de contrôle ; mais ces derniers devraient pouvoir également prendre appui sur la loi pour avancer des contre-propositions sur les choix de gestion des entreprises.

Nous proposons la constitution de fonds régionaux pour l'emploi, la formation et la recherche, qui seraient alimentés notamment par la reconversion des aides à l'emploi et par des aides régionales déjà existantes. Ces fonds pourraient permettre d'amorcer le développement de prêts bonifiés aux entreprises qui s'engagent sur des objectifs concrets en matière d'emploi ou de formation.

Cela implique de mettre en place de nouvelles formes de mutualisation des risques et donc de responsabiliser et de mobiliser, en ce sens, les institutions bancaires et financières. C'est dire l'enjeu de donner enfin existence au pôle financier public chargé justement d'impulser le service public de l'épargne et du crédit.

Aller dans cette voie permettrait de lever le blocage qui existe au plan européen pour la relance nécessaire mais sélective du crédit pour l'emploi. La décision de l'Union européenne, en 1995, de consacrer un milliard d'écus à des prêts bonifiés avait laissé entrevoir des perspectives prometteuses et l'efficacité d'une telle mesure.

Si nous demandons un moratoire sur les plans sociaux, c'est justement pour que toutes les solutions alternatives aux licenciements prenant également en compte les difficultés des entreprises puissent être recherchées, et cela en associant tous les acteurs concernés. Nous considérons à cet égard qu'une baisse sélective des charges financières, notamment des PME et PMI, laquelle n'a pas les effets pervers de la baisse du coût du travail, est une voie à explorer.

Nous souhaitons que l'examen du présent projet de loi de finances soit l'occasion d'un vrai débat permettant d'examiner des mesures prenant appui sur les autres leviers de l'action publique pour que nous marquions des points significatifs contre le chômage et la précarité et pour que le plein emploi soit plus que jamais et très concrètement l'objectif du Gouvernement et de sa majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je demande à chaque orateur de respecter son temps de parole afin que nous ne terminions pas trop tard cette séance.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la situation économique de la France est bonne... pour le moment.

Vous profitez, mesdames et messieurs de la majorité, de la conjoncture internationale très forte, à laquelle se joint le génie du ministre de l'économie et des finances.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas le génie des Carpates, mais le génie de Bercy !

M. Yves Deniaud.

Il a développé sa politique de façon hyperbolique tout à l'heure et nous ne saurions mettre en doute son effet sur la réalité de la situation ! Vous profitez aussi, permettez-moi quand même de le signaler, très modestement, de la baisse des taux d'intérêt qui a été permise par l'énergique réduction des déficits publics entre 1993 et 1997.

Nous ne pouvons que nous exclamer : pourvu que ça dure ! Pour rendre cette croissance durable, au sens réel du terme et non à celui de Mme Voynet, trois éléments sont nécessaires, qui ont déjà été développés excellemment par mes collègues Philippe Auberger et Gilles Carrez, entre autres.

Il faut, premièrement, réduire vigoureusement les déficits publics pour se rapprocher le plus vite possible de l'équilibre, en commençant - c'est la première étape par entrer, aussitôt qu'il sera possible, dans le cercle vertueux où l'on rembourse plus que l'on emprunte, faisant ainsi diminuer mécaniquement l'annuité et apparaître des marges de manoeuvre solides.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

C'est pour l'an prochain !

M. Yves Deniaud.

Il faut, deuxièmement, baisser les prélèvements obligatoires pour dégager plus de moyens encore afin de soutenir la consommation, l'épargne et l'investissement des particuliers comme des entreprises.

Il faut, enfin, relancer l'investissement public pour équiper le pays, ce qui aura pour double résultat de soutenir l'activité et de réaliser des équipements qui améliorent la fonctionnalité, et donc la compétitivité du pays.

Ce n'est pas cette politique que vous nous proposez dans vos lois de finances : celle de l'Etat et celle de la sécurité sociale sont, cette année plus que jamais, indissociables et il faut les examiner conjointement pour se rendre compte des manipulations que vous opérez...

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Oh !

M. Yves Deniaud.

... par transfert de dépenses de l'une sur l'autre pour tenter de dissimuler la réalité, c'est-à-dire la hausse des prélèvements obligatoires.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est grotesque !

M. Yves Deniaud.

Il y a Dominique Jekyll, d'un côté, qui annonce un budget sympathique, avec une hausse limitée des dépenses et quelques petits cadeaux fiscaux, et Martine Hyde, de l'autre, qui est chargée du mauvais travail, à savoir annoncer des hausses considérables des dépenses et des prélèvements.

M. Alain Barrau.

Vous êtes vraiment très mauvais !

M. Yves Deniaud.

Cette hausse des prélèvements obligatoires sera de l'ordre de 4 %, chiffre que vous allez sûrement contester.

M. Didier Migaud, rapporteur général. Nous l'avons contesté, preuves à l'appui !

M. Yves Deniaud.

Mais nous, nous avons le droit...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le droit à l'erreur ! M. Yves Deniaud. ... de maintenir notre position. On pourra finalement constater une hausse de 4 %, supérieure à la croissance économique en valeur, c'est-à-dire à la croissance réelle plus l'inflation, si bien que la France, de nouveau, comme en 1998, et comme cette année, battra son triste record de pourcentage des prélèvements obligatoires par rapport au PIB. Ce pourcentage sera-t-il de 45,5 ou 45,8 ? Les paris sont ouverts, malheureusement !


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La mauvaise utilisation des fruits de la croissance se traduit aussi dans le déficit. Dans le budget 1999, contrairement à ce qui nous avait été annoncé, nous n'atteignons pas l'excédent primaire hors charge des intérêts de la dette, ce que recommande pourtant vivement la Cour des comptes. Comme l'an dernier, vous nous promettez qu'on y parviendra en l'an 2000. Je crois plutôt que la dette publique continuera de croître...

M. Gérard Saumade.

Heureusement !

M. Yves Deniaud.

... en valeur absolue comme en pourcentage du PIB. Vous affirmez le contraire, mais vous le faisiez déjà l'an dernier et les chiffres sont venus vous démentir. La France ne respecte pas - et je doute qu'elle y parvienne l'année prochaine -, le critère des 60 % du PIB fixé par le traité de Maastricht.

Quant à l'investissement, sur lequel je voudrais insister plus particulièrement, il descend encore pour atteindre un niveau misérable : 161,5 milliards de francs en 2000 contre 164,8 milliards en 1999.

Pourtant, si on n'investit pas en période de croissance, quand le fera-t-on ?

M. Gérard Saumade.

Avec quelles recettes ?

M. le président.

Monsieur Saumade, je vous en prie !

M. Gérard Saumade.

Si on diminue les recettes, on ne peut pas augmenter les dépenses !

M. Yves Deniaud.

Mais si ! Nous ne sommes pas ennemis de la dépense publique. Nous sommes pour la maîtrise des dépenses de fonctionnement. Mais il est dans notre tradition de penser que l'Etat a un rôle à jouer dans l'investissement public et dans l'équipement du pays. C'est ce point que je voudrais développer.

Les chiffres désespérants de l'investissement entament, en outre, fortement - et la conjonction est malheureuse la crédibilité de l'Etat au moment où il négocie les contrats de plan, dont l'année 2000 sera en effet la première année d'application. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça commence mal ! Au-delà de l'enveloppe de 105 milliards de francs déjà indiquée, on nous annonce une rallonge de 10, voire de 16 milliards. Mais quelle crédibilité peut avoir cette enveloppe ? Faut-il rappeler que, en 1993, nous avions soldé les contrats de plan, malgré les retards pris par les gouvernements précédents - vos gouvernements ! - et ce, dans une simple loi de finances rectificative ? Vous, vous n'avez pas été capables, en deux lois de finances initiales, et en période de croissance, de parvernir pour les contrats de plan 1994-1999 à plus de 80 % d'exécution de crédits en ce qui concerne les routes et de 55 % en ce qui concerne les investissements portuaires. Les deux dernières années d'un contrat de plan sont pourtant toujours les plus chargées, car c'est à ce moment qu'arrivent à leur terme les projets élaborés en début de plan. Vous n'avez pas su, encore une fois, malgré la bonne tenue de la croissance, honorer la signature de l'Etat.

Il est réservé un sort particulièrement mauvais aux routes puisque les crédits de paiement baissent de 14 %, tous financements confondus, en regroupant les crédits de la loi de finances et ceux du FITTVN. Et vous majorez la taxe sur les autoroutes - une majoration de plus ! - de 12,5 %, soit 300 millions de francs supplémentaires, alors que vous expliquiez pourtant qu'il fallait geler certains programmes parce que les sociétés autoroutières étaient fragiles financièrement. Les sociétés autoroutières ne seraient donc pas assez riches pour financer la construction de nouvelles liaisons, mais elles le seraient assez pour payer des taxes supplémentaires ! Au passage, je souligne - ce qui a déjà été fait - que cette mesure piétine avec mépris les travaux de notre mission d'évaluation et de contrôle, les remarques de la Cour des comptes et, ce qui est plus grave, les observations de la Commission de Bruxelles pour qui l'Etat français prélève trop d'argent sur les autoroutes.

M. le président.

Monsieur Deniaud, il faut conclure !

M. Yves Deniaud.

Est-il bien astucieux, monsieur le secrétaire d'Etat, de provoquer la Commission, en augmentant la taxe contre son avis alors que vous lui demandez de prolonger la durée des concessions pour asseoir la santé financière des sociétés d'autoroute ? Est-ce la mettre dans les meilleures dispositions pour qu'elle nous accorde ce dont nous avons besoin ? Demande que d'ailleurs je soutiens fermement avec mes collègues de l'opposition parce qu'elle est nécessaire pour l'équilibre de nos sociétés d'autoroute et pour le développement de notre réseau autoroutier.

Voilà un signe, parmi d'autres, de l'improvisation et du bricolage qui ont présidé à la préparation de ce budget, plein de faux-semblants, et qui, sur ce terrain majeur de l'investissement, ne servira pas le développement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'efforcerai, dans les dix minutes qui me sont imparties, de commenter en cinq points le projet de budget.

M. Michel Bouvard.

C'est une performance !

M. Alain Barrau.

Premier point, et c'est l'axe central du document budgétaire, le gouvernement de la gauche plurielle a pour objectif de concentrer tous les moyens, y compris budgétaires, sur la lutte contre le chômage.

M. André Angot.

Ce n'est pas vrai !

M. Alain Barrau.

Ce projet de budget le démontre à l'évidence, comme l'a déjà largement établi mon ami Jean-Louis Idiart dans son intervention, et je me bornerai à insister, pour ma part, sur quelques points qui me paraissent le mériter particulièrement.

Pour la première fois, le budget emploi-solidarité devient le deuxième budget de l'Etat après, il est intéressant de le noter, celui de l'éducation nationale auquel nous sommes extrêmement attachés. Voilà qui montre bien que l'Etat ne se désintéresse pas des secteurs prioritaires qu'il a déterminés. Aussi a-t-il sélectionné des budgets prioritaires, qui connaissent une augmentation de 3,6 % tandis que l'augmentation moyenne est comparable au taux d'inflation, c'est-à-dire 0,9 %. On assiste donc bien à une concentration des moyens sur la lutte contre le chômage et le développement de la politique de l'emploi.

Deuxième point : une baisse des impôts, oui, mais pas n'importe comment. Vous comprendrez que nous soyons très fiers tant à la commission des finances qu'à la délégation à l'Union européenne, d'avoir contribué, par une résolution adoptée sur de nombreux bancs de cet hémicycle, à stimuler notre gouvernement, deux ans de suite, pour qu'il négocie avec la Commission de Bruxelles une baisse ciblée de TVA. Tout à l'heure, certains orateurs de droite faisaient la fine bouche, tout en reconnaissant que c'était une bonne chose. M. Carrez a même déclaré qu'il voterait pour une telle mesure, ce dont j'ai pris acte avec intérêt et plaisir.


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M. Gilles Carrez.

Je maintiens, monsieur Barrau !

M. André Angot.

Et pour la restauration et les activités sportives ?

M. Alain Barrau.

On peut toujours prétendre que c'était simple après que c'est fait ; il était néanmoins plutôt compliqué à la fois de rouvrir la liste et de choisir un secteur créateur d'emplois, où la mesure permettrait de réduire le travail au noir et toucherait un très grand nombre de ménages, dix millions.

Quant à l'argument selon lequel elle profiterait surtout aux ménages âgés, il me paraît bien loin du sujet, et de l'objectif ! Et nous n'avons pas l'intention d'en rester là. Cette stratégie de baisse ciblée de la TVA, pourquoi ne pas l'appliquer à d'autres secteurs ? Parlons-en, certes, mais reconnaissons tous - et d'autant plus que, à quelques exceptions près, nous avons adopté ladite résolution à une forte majorité - que cette méthode où le Parlement a joué pleinement son rôle a été efficace.

Je souhaitais qu'il en soit donné acte à la majorité parlementaire et au Gouvernement.

Troisième point, cette action en faveur d'une baisse ciblée de TVA - laquelle a d'heureux effets sur le problème du logement en général - est complétée par un

« paquet logement » remarquable : à la baisse ciblée de TVA sur les travaux dans les logements de plus de deux ans, il faut ajouter une nouvelle diminution des droits de mutation et une disposition extrêmement importante qui touchera, dès l'année prochaine, 80 % des locataires, tous l'année suivante, la suppression du droit de bail. C'est une mesure populaire, économiquement importante, qui va concerner cette partie de la population à laquelle il est légitime que nous portions une attention particulière quand nous préparons le budget.

Quatrième point, le projet de loi de finances prend en compte des dimensions touchant à la qualité de la vie.

Ainsi, le Gouvernement s'est engagé - il y a eu du courage et du mérite - dans le maquis de la fiscalité des associations. Après les travaux réalisés à ce sujet et une circulaire du Premier ministre, et dans la suite du débat budgétaire de l'an dernier, nous débouchons sur un certain nombre de mesures précises.

Elles ne vont certes pas satisfaire d'emblée toutes les revendications des associations, mais elles ont le mérite de commencer à répondre concrètement à des questions qui étaient en suspens depuis des années.

De la même manière, tous ceux d'entre nous qui assument une responsabilité locale savent à quels débats interminables donne lieu dans les conseils principaux la fiscalité pesant sur l'organisation des manifestations sportives.

Une disposition, précise et concrète là encore, et qui doit être saluée par tous, fait en sorte que l'Etat en prenne sa part, grâce à une exonération.

Tout cela, me semble-t-il, va dans le bon sens.

Je terminerai par un cinquième point portant sur la régulation internationale des mouvements de capitaux.

Je crois que le Gouvernement devrait suivre la proposition de M. Bonrepaux et M. Migaud, que je soutiens totalement, d'appliquer la méthode que nous avons utilisée les deux années précédentes pour déterminer à quel secteur étendre le taux réduit de TVA, pour trouver des mesures propres à rendre transparents ces mouvements de capitaux et à les mesurer de manière précise et efficace.

Notre stratégie est très simple et peut être partagée sur l'ensemble de nos bancs. Elle consiste à aller au-delà d'une simple déclaration générale sur l'opportunité d'une taxe Tobin et à demander au Gouvernement, pour en débattre au Parlement, des mesures susceptibles d'être présentées par la France quand elle assumera - c'est un grand événement - la présidence de l'Union, à partir du 1er juillet 2000, afin de donner à notre action en ce domaine une dimension européenne.

Il s'agit d'une mesure précise, évitant les échanges d'arguments généraux pour aller vers une plus grande efficacité, d'autant qu'il s'agirait de traiter les problèmes de mouvements de capitaux à un niveau dont dépendra de plus en plus notre économie, le niveau européen. Nous en reparlerons, si vous le voulez bien, demain après-midi.

Pour toutes ces raisons, comme d'autres orateurs du groupe socialiste, je veux, monsieur le secrétaire d'Etat, apporter mon soutien à la direction d'ensemble que prend ce projet de budget, et vous inciter, chaque fois que vous le pourrez, dans l'un ou l'autre des secteurs budgétaires - je pense à la politique de la ville - à faire en sorte que l'effort de lutte contre le chômage et pour l'emploi soit accentué. Faites-le, nous vous y aiderons.

Enfin, faisons en sorte que la dimension européenne, si importante pour l'économie, et de plus en plus aussi pour la société française, soit largement prise en compte au moment où la France va assurer la présidence de l'Union.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean de Gaulle.

M. Jean de Gaulle.

Bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, je pourrais critiquer, ici, les mesures fiscales en trompe-l'oeil qui nous sont proposées. En effet, vous nous parlez de baisses d'impôts mais, à y regarder d'un peu plus près, l'on constate finalement que les Français devront, une fois encore, payer davantage. Malgré vos tours de passe-passe et votre habileté de langage, qu'il faut bien reconnaître, ce seront bien 36 milliards de f rancs d'impôts supplémentaires, hors prélèvements sociaux, qui leur seront réclamés l'an prochain.

Je pourrais également dénoncer votre insouciance dans la préparation de ce budget. En effet, les recettes fiscales supplémentaires, en réalité plus de 80 milliards de francs, auraient dû vous inciter à réduire plus substantiellement notre déficit budgétaire. Mais entre satisfaire les tentations dépensières de votre majorité et préserver l'avenir de la France, vous semblez ne pas avoir hésité.

Je déplore ce choix d'autant plus qu'il ne peut y avoir de véritable diminution des prélèvements obligatoires sans, corrélativement, une maîtrise résolue des dépenses publiques.

Tel est votre choix politique, il serait vain de le commenter plus longuement.

Je préfère m'attarder sur les mesures que vous auriez pu, que vous auriez dû, et que vous pourriez sans doute encore prendre, notamment en faveur de la croissance et donc de l'emploi.

Au premier rang d'entre elles figure une baisse plus ambitieuse de la TVA. A cet égard, vos engagements électoraux semblent aujourd'hui bien loin.

Souvenez-vous, il y a un an, devant cette assemblée, évoquant la situation des cafetiers, hôteliers, restaurateurs, au regard de la TVA, vous nous promettiez « d'essayer de faire avancer les choses ». Depuis lors, qu'avez-vous fait ? Rien, si ce n'est tenir un double langage à Paris et à Bruxelles.

Je n'arrive d'ailleurs pas à m'expliquer votre manque d'empressement dans ce domaine, ni les raisons pour le moins incertaines, si ce n'est surprenantes, derrière lesquelles vous vous retranchez !


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Croyez-vous sincèrement à votre argument selon lequel la baisse de la TVA sur les prestations de restauration ne bénéficierait qu'aux personnes les plus favorisées ? Sur ce point, permettez-moi de vous signaler que 33 % des salariés qui déjeunent à l'extérieur sont des ouvriers et des employés, et que 80 % des repas pris dans un restaurant ont un prix inférieur à 100 francs.

M. Michel Bouvard.

C'est exact !

M. Jean de Gaulle.

Par ailleurs, jugez-vous vraiment nécessaire de taxer lourdement les touristes qui ont choisi de séjourner en France ? Nos voisins, qui appliquent en matière de restauration des taux bien inférieurs aux nôtres 12 % au Portugal, 10 % en Italie, 7 % en Espagne - tirent pourtant du tourisme des recettes largement aussi importantes que nous.

J'espère donc que, après mûre réflexion, vous finirez par répondre négativement à ces questions, et que vous tirerez ainsi la conséquence qui s'impose : l'application du taux réduit de TVA à toutes les prestations de restauration qui sont aujourd'hui taxées à un taux supérieur.

Le groupe du Rassemblement pour la République a déposé un amendement en ce sens, qui devrait rencontrer, me semble-t-il, un écho favorable chez certains membres de votre propre majorité.

Vous allez sans doute nous répliquer que cette mesure coûte cher, bien qu'aucune étude sérieuse n'en ait établi un chiffrage incontesté. Admettons.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager une mise en oeuvre progressive de cette juste réforme ? En juin dernier, j'ai déposé une proposition de loi suggérant un taux spécifique de 12 % pendant une période transitoire de deux ans. Je ne vois aucun inconvénient à ce que vous repreniez, aujourd'hui, cette idée, si elle nous permet d'atteindre, demain, le taux de 5,5 %.

Quant à nos finances publiques, auxquelles je vous sais, pour une fois et sur ce seul point, attentif, je suis convaincu qu'elles s'y retrouveraient rapidement. Les prix à la consommation baissant, la demande de prestations de restauration ne pourrait que croître et générer, à la fois, de nouvelles recettes fiscales et de nouveaux emplois. Différentes études estiment au bas mot à 10 000 le nombre des créations d'emploi dès la première année. Si la lutte contre le chômage demeure pour vous une véritable priorité, vous ne pouvez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, négliger une telle mesure de soutien à l'emploi.

V ous seriez également bien avisé d'étendre cette réforme aux métiers d'art. L'artisanat d'art occupe dans notre pays, chacun le sait, une place importante mais trop souvent méconnue. L'excellence française en ce domaine procède d'une tradition qui a façonné le premier patrimoine artistique du monde.

Les artisans sont aujourd'hui 200 000, ne l'oublions pas, à réaliser au sein de 30 000 entreprises un chiffre d'affaires de 90 milliards de francs, dont 54 milliards à l'exportation. Leur talent et leur dynamisme ne suffiront pas, cependant, à maintenir la première place qu'occupe la France dans ce domaine au plan européen.

A ussi des mesures d'accompagnement nouvelles seraient nécessaires, tant pour favoriser la transmission des savoirs que pour diminuer la pression fiscale qui empêche trop souvent les intéressés d'innover et de laisser s'exprimer leur créativité.

Un allégement à 5,5 % du taux de TVA auquel ils sont soumis donnerait donc un souffle nouveau à l'artisanat d'art, comme d'ailleurs, je viens de le rappeler, à la restauration. Il consoliderait la croissance, tout en satisfaisant les légitimes attentes des professionnels de ces secteurs, qui contribuent à la compétitivité de notre économie et constituent de véritables gisements d'emplois.

Plus encore, il vous permettrait, monsieur le ministre, de mettre vos actes en conformité avec vos paroles, en engageant véritablement cette baisse des impôts que nos concitoyens attendent toujours. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

« Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Nos éminents prédécesseurs de 1789 ne

pouvaient prévoir qu'un des exercices fort prisés dans certains milieux à la fin du XXe siècle serait précisément d'échapper au paiement de cette contribution. Publication de guides, sites Internet, cabinets de conseils se sont, ces dernières années, multipliés pour aider nos concitoyens, ou plutôt certains d'entre eux, à aboutir dans leur projet.

En effet, si la fraude et l'évasion fiscales ne sont pas les sports que d'aucuns ont voulu qualifier de nationaux, elles sont pratiquées intensément par certaines catégories de la population, celles auxquelles la nature ou le niveau de leurs revenus permettent une dissimulation aisée, ou fournissent une motivation pour imaginer des montages extrêmement sophistiqués.

Si la mesure précise de la fraude et de l'évasion fiscales est difficile à réaliser, j'ai pu constater, à l'occasion des auditions menées lors de la préparation du rapport sur ces sujets, l'ampleur du phénomène et la ténacité, la persévé rance, l'imagination dont font preuve les fraudeurs, apprentis ou professionnels.

Après une première série de mesures anti-fraude adoptées l'an dernier à l'occasion de la discussion du budget pour 1999, il est apparu nécessaire de renforcer encore l'arsenal législatif français. Soixante-cinq propositions vont dans ce sens, dont je vous ferai grâce, mais parmi lesquelles je mentionnerai : premièrement, la suppression de la possibilité de créer, lors du rachat d'une société financé par un emprunt, une holding dont le seul but est d'absorber les bénéfices - et ainsi les dividendes de la société rachetée - par les intérêts de l'emprunt et de su pprimer l'imposition ; deuxièmement, la limitation du recours aux sociétés transparentes, par la suppression de la remontée des déficits des sociétés correspondant à des investissements passifs ou à des activités de location ; troisièmement, la suppression de la déductibilité des pénalités de recouvrement pour retard de paiement ; quatrièmement, en matière de taxe professionnelle, l'instauration du principe de la procédure contradictoire et de pénalités en cas de redressement à la suite d'une insuffisance de déclaration ; cinquièmement, en matière de fiscalité internationale, la création d'une obligation de déclarer, lors de la déclaration d'impôt sur le revenu, les cartes de paiement dont le contribuable a l'usage, qu'elles soient à son nom ou pas, et qui sont imputées sur un compte étranger, la possibilité de ce cas de figure ayant d'ailleurs été illustrée par les pratiques de la famille Eltsine (Sourires) ; sixièmement, en matière de TVA intracommunautaire, le renforcement des peines en cas d'escroquerie en bande organisée à la TVA ; septièmement, en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, le nécessaire élargissement de l'assiette.


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De telles mesures permettraient d'accroître encore les rentrées fiscales et d'imaginer des mécanismes redistributifs forts. En effet, au-delà des mesures anti-fraude, dont nos concitoyens comprennent parfaitement la nécessité, la loi de finances doit être un outil de redistribution des fruits de la croissance, qui sont dus à la politique menée depuis deux ans, quoi qu'en disent nos collègues.

De ce point de vue, j'aurais souhaité que le projet de loi de finances fût encore plus audacieux, monsieur le secrétaire d'Etat, par exemple en instituant une forme d'impôt négatif à la française.

Cela pourrait se traduire, par exemple, par le remboursement, en deux fois, d'une somme équivalente à la CSG sur les revenus du travail et de remplacement, payée par les contribuables non imposables ou faiblement imposables à l'impôt sur le revenu, et ce dans une limite qui pourrait être de 3 000 francs par personne. Parallèlement, les bénéficiaires de minima sociaux verraient, en deux f ois, la prestation dont ils bénéficient accrue de 3 000 francs. En bénéficieraient également, et sans condition de revenu imposable, les chômeurs de longue durée ayant retrouvé un emploi.

Loin des mécanismes imaginés naguère par les doctrinaires ultralibéraux, cette idée d'un remboursement d'impôt se fonde sur la conviction qu'une partie des recettes fiscales supplémentaires doit être équitablement et visiblement redistribuée. Depuis deux ans, la consommation est le moteur de la croissance. Elle a été fortement créatrice d'emplois et ce mouvement doit être amplifié. Simplement, mes chers collègues, la discussion de cette proposition dépend du Gouvernement, l'article 40 de la Constitution nous interdisant de déposer de tels amendements.

C'est donc à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que je m'adresse, en vous demandant d'ouvrir la discussion sur ce point. Cette proposition pourrait se traduire sous des formes diverses. Et l'expérience a montré que, depuis deux ans que ce gouvernement est en place, la coopération entre le Parlement et le Gouvernement fonctionne bien.

M. Jean de Gaulle.

Pas avec l'Assemblée tout entière !

M. Jean-Pierre Brard.

Si, si, la MEC en est l'illustration. Et elle associe toutes les sensibilités de l'Assemblée.

Nous pourrions imaginer, monsieur le secrétaire d'Etat, avec l'aide de la commission des finances, un nouveau type de redistribution, qui constituerait à la fois un levier pour l'emploi et un facteur de justice fiscale et sociale. Ce serait, comme on dit dans votre ministère, un beau sujet, un vrai sujet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Monsieur le secrétaire d'Etat, deux questions brèves, mais que je crois très importantes : l'articulation entre le budget et la loi de financement de la sécurité sociale ; la part des investissements dans le budget de l'Etat.

Pour l'an 2000, 60 % des prélèvements obligatoires sont prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et 40 % seulement par le budget de l'Etat. Peut-on vraiment piloter une politique des prélèvements obligatoires sans une approche globale et consolidée de ces deux projets de loi ?

M. Jean de Gaulle.

Très bonne question !

M. Jacques Barrot.

L'ensemble des prélèvements obligatoires atteint, en 1999, un record, avec 45,3 % du PIB.

Le Gouvernement entend programmer leur diminution en 2000 à 44,8 %, ce qui, au demeurant, laisserait encore la France en tête des pays du G 7. Mais ce qui est plus grave, c'est que cette stratégie risque de se heurter à la dérive des dépenses sociales comme à celle des coûts induits par la loi sur les 35 heures, laquelle a été alourdie par un certain nombre d'amendements qui ont sollicité plus largement le concours de l'Etat. La question est donc simple : comment le Gouvernement entend-il parvenir à ce pilotage de l'ensemble des prélèvements ? La loi de financement de la sécurité sociale prévue par les ordonnances a marqué un progrès incontestable, mais il n'en reste pas moins qu'une approche globale demeure nécessaire. Celle-ci est indispensable, d'abord, pour prévenir la tentation, à laquelle sont exposés tous les gouvernements, de recourir à des subterfuges pour affecter à la loi de financement de la sécurité sociale des dépenses qui tiennent à sa politique et non pas à l'évolution des dépenses sociales. Elle l'est également pour garantir la tenue d'un véritable débat parlementaire, qui mette à plat toutes les ressources appelées mais aussi toutes les dépenses prévisibles. C'est le prix à payer pour un contrôle réel par le Parlement des engagements financiers d e l'Etat. J'ajouterai que l'inscription de certaines dépenses dans des fonds spéciaux aggrave encore le manque de lisibilité. Je pense au fonds chargé de compenser l'allégement des cotisations sociales, au fonds prévu pour la CMU, au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Comment tous ces fonds vont-ils évoluer ? Obéiront-ils aux règles d'évolution prévisionnelle des dépenses de sécurité sociale ? Il y a là, monsieur le secrétaire d'Etat, une double facilité pour le Gouvernement : car ces dépenses échappent aussi bien à la comptabilité budgétaire proporement dite, qu'à la comptabilité prévisionnelle des lois de financement de la sécurité sociale. La loi de financement de la sécurité sociale n'a pas été conçue, je tiens à la dire ici, pour être une sorte d'annexe du budget de l'Etat et offrir au Gouvernement le choix entre différentes manières d'affecter ressources et dépenses, comme un moyen, disons-le, de brouiller les pistes. La loi de financement de la sécurité sociale est une loi de régulation des dépenses liées à la sécurité sociale.

Lorsque les réformes n'étaient pas encore mises en place, il était certes admissible de recourir à des recettes exceptionnelles pour parvenir, dans la période transitoire, à l'équilibre voulu par la réforme. Mais cela n'autorise pas, me semble-t-il, à imaginer une loi de financement de la sécurité sociale qui, à l'avenir, servirait, dans les périodes de forte croissance des ressources, à masquer des dépenses comme celles liées à l'instauration des 35 heures et, à l'inverse, en période de basses eaux, faciliterait la création de nouveaux prélèvements publics sans que le Parlement puisse en mesurer l'impact précis. Cela exige vraiment une clarification. Car le contrôle du Parlement doit garder son sens.

Ma deuxième question porte sur les dépenses d'investissement de l'Etat. Personnellement, je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'existence de la mission d'évaluation et de contrôle. Elle a notamment fait apparaître la nécessité de revoir l'ordonnance de 1959. Il est clair que le Gouvernement devra bien envisager de doter l'Etat de règles de calcul actualisées, qui permettent de comptabiliser les investissements dans toutes leurs dimensions, et surtout de bien distinguer investissement et fonctionnement. Yves Deniaud a fort bien souligné, tout à l'heure, le paradoxe qu'il y avait à constater dans un budget pourtant servi par l'abondance des recettes, que les dépenses d'investissement étaient en baisse. Il a


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notamment parlé des infrastructures. Vous ne vous étonnerez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que je vous interpelle moi aussi sur ce point.

Il y a eu une longue discussion, au sein de notre commission, sur l'article 33. C'est que la démarche est très contradictoire : d'un côté l'Etat semble demander à la Commission de Bruxelles d'allonger la durée de concession pour consolider les sociétés d'autoroute, et de l'autre il opère des prélèvements. Si encore il prélevait en vue des dépenses qu'exige un budget infrastructures convenable ! Mais ce n'est pas le cas.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Jacques Barrot.

Je vous accorde cependant que ce gouvernement n'est pas le premier à commettre ce qui m'apparaît comme une infraction à l'esprit qui a présidé à la création du FITTVN. Cela dit, les errements d'hier ne légitiment pas ceux d'aujourd'hui, d'autant que les ressources sont là.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est un repenti qui parle ! (Sourires.)

M. Jacques Barrot.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous interpelle sur un problème majeur : cette régression des crédits d'infrastructures va condamner les régions montagneuses pour lesquelles le désenclavement demeure une nécessité absolue.

Yves Deniaud l'a dit, nous sommes engagés dans des négociations très difficiles en vue des prochains contrats de plan Etat-régions. Est-ce bien le moment de faire reculer les investissements en matière d'infrastructures ? Comment conduire une politique d'aménagement du territoire si l'on en vient à considérer aujourd'hui que les régions françaises encore enclavées sont condamnées à le rester ? Cette fois-ci, ce n'est plus de démocratie qu'il s'agit mais de justice.

Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir posé deux questions qui méritent, de la part du Gouvernement, de vraies réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

A l'inverse de nos collègues de l'opposition, je me réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat, du cercle vertueux dans lequel est entrée notre économie depuis le second semestre 1997, grâce notamment au retour de la croissance, essentiellement tirée par la consommation en 1998, laquelle a été rejointe par l'investissement en 1999, le tout étant marqué d'un sceau, celui de la confiance. Celle-ci apparaît lorsqu'on interroge aussi bien les ménages que les chefs de petites ou moyennes entreprises, comme la presse économique en a fait état la semaine dernière.

La politique que vous menez s'accompagne d'une maîtrise du budget de l'Etat. Pour l'an 2000, la croissance des dépenses de l'Etat sera stabilisée, en volume, à 0,9 %. Ce qui n'empêche pas la recherche de la plus grande efficacité possible de la dépense publique. Je prendrai l'exemple de l'un des quatre budgets prioritaires, celui du travail et de l'emploi, dont je suis le rapporteur pour la commission des finances. En trois ans, ce budget a bénéficié de 30 milliards de francs de dépenses nouvelles, et ce alors même que le budget stricto sensu n'augmentait que de 12 milliards de francs. Ce décalage marque une volonté d'activation, de redéploiement et de chasse à l'effet d'aubaine, qui s'est manifestée par des actions nouvelles aussi importantes que le programme emploisjeunes, la réduction du temps de travail, des moyens nouveaux donnés au service public de l'emploi - notamment à l'ANPE -, les mesures en faveur de l'insertion économique ou encore celles prises en application de la loi de lutte contre les exclusions, comme les contrats de qualification pour adultes ou les nouveaux contrats emploi consolidé.

Par rapport à cela, quelle a été l'action de la commission des finances, et notamment de la MEC, qui m'a paru singulièrement décriée dans les premières interventions de ce débat budgétaire ?

M. Yves Deniaud.

Non, ce n'est pas elle qui est décriée.

M. Gérard Bapt.

Concernant les aides à l'emploi, la MEC a centré sa réflexion sur deux chapitres : les préretraites et le crédit d'impôt sur les sociétés pour création d'emplois.

Pour ce qui est des préretraites, la MEC avait conclu qu'il conviendrait de cesser toute participation systématique du fonds national pour l'emploi pour de nouvelles préretraites organisant des cessations totales d'activité non suivies d'embauches de remplacement. Lors de son audition, la ministre de l'emploi avait indiqué sa volonté d'infléchir le dispositif des préretraites en fonction de deux facteurs : les publics concernés et le financement par l'Etat. A cet égard, les crédits relatifs aux préretraites inscrits pour 2000 au chapitre 44-79 témoignent de la poursuite du resserrement de la dépense publique, puisqu'une économie de 694 millions est prévue, qui correspond à un ajustement aux besoins, mais aussi à un resserrement du dispositif.

Le total des préretraites s'élèverait à 4,15 milliards en 2000, contre 4,84 milliards en 1999, et 8,3 milliards en 1998. Il s'agit donc d'une diminution de moitié en trois ans. La statégie définie par Mme la ministre de l'emploi et traduite dans le budget est donc bien de nature à améliorer l'efficacité de la dépense publique. Sa traduction budgétaire n'en est toutefois, effectivement, qu'à ses débuts dans le présent projet de loi. Il n'empêche qu'elle correspond à l'état d'esprit de notre mission d'évaluation et de contrôle, qui n'a donc pas été trahie en la matière.

De même, concernant le crédit d'impôt sur les sociétés pour création d'emplois, la MEC avait conclu à la nécessité de restreindre les effets d'aubaine en le supprimant.

Une telle suppression s'impose, s'agissant d'un dispositif insuffisamment rigoureux quant à sa cohérence avec la statégie arrêtée en matière d'aides à l'emploi. Cette insuffisance résulte d'un double décalage : d'abord, par rapport à la statégie d'abaissement des charges sur les bas salaires, qui est conduite par ailleurs, et répond aux voeux de la majorité de cette assemblée ; ensuite, au regard du ciblage des aides en direction des publics les plus éloignés du marché du travail.

Votre commission des finances a donc adopté, au cours de l'examen de la première partie, et conformément au voeu formulé par la MEC, un amendement visant à ne pas laisser ce dispositif aller jusqu'à son échéance, initialement fixée au 31 décembre 2000, mais à y mettre un terme dès 1999, ce qui, monsieur le secrétaire d'Etat, aboutirait à une économie de plus de 1 milliard de francs. C'est donc une contribution importante. Je me permets, à titre personnel, de souligner combien j'apprécierais que vous examiniez avec attention cet apport, lorsque, par ailleurs, viendront en discussion un certain nombre d'amendements proposant des baisses ciblées de TVA.

M. Jean-Pierre Brard.

Sur la margarine, par exemple !


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M. Gérard Bapt.

Et vous savez que je suis en effet très attaché à la baisse de la TVA sur la margarine, parce que, monsieur Brard, je suis médecin, et que, comme tous les médecins qui siègent dans cette assemblée, je connais les effets positifs que pourrait avoir cette mesure.

En ce qui concerne la formation professionnelle, la MEC a déploré des faiblesses dans la collecte des fonds destinés à son financement. A cet égard, l'article 70 du projet de loi de finances qui nous est soumis ainsi que deux décrets actuellement en préparation, l'un qui prévoit de resserrer les conditions d'appréciation des disponibilités excédentaires des organismes de collecte au titre de l'alternance et du congé individuel de formation, l'autre qui prévoit d'apporter des changements importants en ce qui concerne le financement de l'apprentissage afin de le rendre plus transparent, devraient répondre aux voeux de nos collègues.

En vérité, je n'ai pas compris que M. Méhaignerie ait pris une position si violente contre la MEC et qu'il menace de la quitter. Cela ne correspond pas à sa personnalité habituelle.

Je pense que l'initiative de la commission des finances en la matière a été positive, qu'elle est porteuse de résultats et qu'elle permettra de conforter la volonté du Gouvernement et du secrétaire d'Etat au budget de rendre plus efficace la dépense publique, au service notamment de l'emploi et de la lutte contre les inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Baroin.

M. François Baroin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a un an déjà, M. Strauss-Kahn prétendait adopter en matière fiscale une méthode progressive pour « ne céder ni à la tentation de l'immobilisme ni au mythe du grand soir fiscal ». Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dont je souligne l'absence (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ajoutait, avec beaucoup de bonheur là encore : « Je veux que les impôts qui doivent être réformés le soient. » Vaste programme

! En réalité, à l'heure où la mondialisation et la nécessaire réaffirmation du rôle de l'Etat obligent à des choix stratégiques, nous sommes confrontés, avec votre politique et ce budget, à trois orientations préoccupantes.

Alors que la croissance internationale permettrait de réduire les prélèvements fiscaux, on assiste au contraire depuis 1997 à une poursuite de la hausse.

J'écoutais, je subissais hier l'intervention de M. StraussKahn.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Toutefois, quel que soit son talent oratoire et sa capacité, que personne ne saurait nier, à faire prendre des vessies pour des lanternes, je ne vois pas comment il peut expliquer qu'une hausse d'impôt se traduit par une baisse.

Mme Raymonde Le Texier.

Vous feriez bien, jeune homme, de prendre des leçons et d'écouter !

M. François Baroin.

D'autres ont parlé de « tours de passe-passe ». D'aucuns ont même qualifié M. StraussKahn de magicien. En effet, c'est probablement le David Copperfield de l'économie et des finances. Mais j'ai envie de demander : où est Claudia Schiffer ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce qui est d'ailleurs une vraie question.

Maintenant le Gouvernement attend le budget de 2001 pour s'attaquer à la réforme de l'impôt sur le revenu. Mais qu'attend-on ? Le plan de communication de M. Jospin dans la perspective des prochaines présidentielles ? Attend-on une impatience générale pour mieux préparer les municipales ? En fait, la véritable question que les Français se posent est de savoir pourquoi la réforme engagée par le précédent gouvernement n'a pas été poursuivie et pourquoi elle n'a pas été amplifiée ?

M. Gérard Saumade.

Et pourquoi a-t-on dissous ?

M. François Baroin.

Pourquoi ne pas agir tout de suite alors que la conjoncture est favorable ? Qu'est-ce qui empêche d'amorcer la baisse de l'impôt sur le revenu, si ce n'est des raisons politiques ? Du reste, les Français ne s'y tromperont pas ! En matière fiscale, il en va comme dans la fable : rien ne sert de courir, il faut partir à point. Croyez bien que t outes les classes moyennes, qui sont aujourd'hui déconcertées par les feuilles d'impôt de la rentrée 1999, croyez bien que ceux qui reçoivent le coup de matraque asséné par la CSG ne se feront pas abuser par une éventuelle baisse de l'impôt sur le revenu à l'approche des élections présidentielles ! Comme l'a fait remarquer Philippe Auberger,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

A tort !

M. François Baroin.

... si on lisse les prélèvements sur les trois dernières années, la hausse des prélèvements et l'absence de politique de baisse significative ne manquent pas d'inquiéter. Gilles Carrez a également évoqué ce point dans la motion qu'il a défendue hier soir.

Pour les entreprises, vous prévoyez de supprimer la taxe exceptionnelle. Mais parallèlement, vous multipliez les nouveaux impôts : impôt sur les bénéfices, écotaxe, taxe spéciale, dispositions relatives aux sociétés mères et à leurs filiales, entre autres. Descartes n'y retrouverait pas ses petits ! Nous avons un autre sujet majeur de désaccord : le traitement du déficit budgétaire. Vous avez choisi de réduire le déficit de 20 milliards pour le ramener à 215 milliards, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences sur la dette publique. J'indique à mes collègues d e l'actuelle majorité que si leurs électeurs leur demandent quel est le montant exact de la dette publique, ils pourront leur répondre que celui-ci est de 5 200 milliards, soit 236 000 francs par foyer fiscal, ce qui est beaucoup d'argent.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est Balladur qui a creusé la dette publique !

M. François Baroin.

S'y ajoutent les intérêts de la dette, qui absorbent plus de 2 francs sur 3 de l'impôt sur le revenu.

M. Christian Cuvilliez.

Cela contribue à grossir le magot des banques !

M. François Baroin.

Vous me répondrez que vous faites un peu mieux que les gouvernements de gauche précédents, puisque vous alignez l'évolution du taux de croissance des dépenses publiques sur celui du coût de la vie, soit 0,9 %. Précédemment, c'était plus du double du coût de la vie. Vous avez donc assimilé quelques leçons positives de bonne gestion. Toutefois, c'est totalement insuffisant, et cela revient à retomber dans le cycle


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infernal que nous avons subi avec Rocard et en particulier avec son ministre Durafour qui avaient grevé la croissance d'après 1988. Bref, vous ne profitez pas de la croissance.

M. Christian Cuvilliez.

Durafour, c'était un des vôtres !

M. François Baroin.

Par ailleurs, tous les budgets sous contrôle de l'Etat sont caractérisés par une sorte d'opacité. J'ose espérer que l'honnêteté vous conduira à constater lors du débat que le déplacement d'un certain nombre de crédits ne permet pas de lire convenablement les propositions qui nous sont faites.

Comme l'a noté le rapporteur général, la dépense publique globale, les prélèvements obligatoires, les charges nettes qui pèsent sur les ménages et sur les entreprises supposent une clarification et un toilettage complet.

Pour conclure, je citerai un autre éminent représentant de la rue de Solférino : le président de l'Assemblée nationale. Il a déclaré cet été : « La gauche ne court pas beaucoup de risques d'être battue par la droite...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il n'a pas tort !

M. François Baroin.

... constat qui peut peut-être vous satisfaire intellectuellement -, mais elle peut l'être par les impôts et par les charges. »

J'ai la faiblesse de penser que le destin de Laurent Fabius en la matière ne sera pas le même que celui de Paco Rabanne à propos de l'éclipse, c'est-à-dire celui d'un devin qui ne voit rien. J'ai peur pour vous qu'il n'ait une bonne vision. Entendez son message.

Enfin, ce projet de budget et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont tout de même très révé lateurs de ce qui se passe actuellement au sein du Gouvernement entre Mme Aubry et M. Strauss-Kahn. A lui l'apparence, à elle les dépenses !

M. Didier Migaud, rapporteur.

C'est caricatural !

M. François Baroin.

A lui l'apparence de la baisse d'impôt, à elle l'augmentation des dépenses publiques ! Je ne sais pas comment M. Jospin traite ce problème.

Mais ce que je sais, c'est que quand il tire l'oreille de son ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, c'est Mme Aubry qui livre l'information à la presse. Je ne sais pas comment il réglera politiquement ce qui était au départ un différend, avant de devenir un litige et de se transformer maintenant en fait politique.

M. Jean-Pierre Brard.

Pour les scènes de ménage, vous êtes bien placés au RPR !

M. François Baroin.

Ce que je sais, en tout cas, c'est que ce sont les Français qui payent. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2000 s'engage à un moment où l'outre-mer et particulièrement la Guadeloupe traversent une crise profonde. C'est dire combien est forte l'attente de nos populations si durement frappées par le chômage, l'exclusion, la précarité, la pauvreté et tous les fléaux qu'engendra le sous-développement.

Le changement de 1997, qui en France métropolitaine se traduit par des avancées appréciables, respectant les engagements pris, n'a pas vraiment touché nos rives. Il est donc temps d'être à la hauteur des défis et de s'attaquer avec détermination aux causes du mal coriace qui ronge notre société. C'est tout l'espoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous mettons dans ce budget et dans les futurs textes législatifs qui seront consacrés à l'outre-mer.

A mon département, qui compte plus de 50 000 chômeurs, dont une forte majorité de jeunes, ce budget doit donner les moyens notamment de s'attaquer aux freins du développement, de relancer l'investissement productif et de poursuivre la politique de la ville.

Aux collectivités locales exsangues, il doit apporter une bouffée d'oxygène pour leur permettre de faire face à l'aggravation de la fracture sociale et au mal de vivre.

Certes, la discussion du budget de l'outre-mer sera l'occasion de préciser notre analyse, mais ce budget représente à peine 10 % des interventions de l'Etat en outremer. Nous saisissons donc l'occasion du débat d'aujourd'hui, pour dire au Gouvernement que, dans l'attente de la loi d'orientation prévue pour 2000, les crédits alloués aux ministères techniques en faveur de la santé, l'éducation, la justice, la sécurité, la ville ou l'agriculture, entre autres, doivent permettre de dégager des moyens pour répondre aux besoins urgents.

En effet, s'agissant de la Guadeloupe, la crise grave qui la secoue actuellement, due à son retard de développement que traduit la faiblesse de son PIB, plaide pour des dotations plus importantes et plus justes. D'autant que l'analyse des crédits d'Etat sur une longue période démontre que la Guadeloupe n'a pas bénéficié, à l'instar de la Réunion et de la Martinique, des montants qu'elle aurait dû recevoir au titre de la DGF et de la DGD notamment.

Par ailleurs, il ne faut pas interrompre la politique de la ville, qui a été un élément fort de notre politique contre l'exclusion sociale et économique, et qui a permis de prendre en charge la requalification urbaine, des opérations de gestion de proximité, de sécurisation et d'éducation. Aussi approuvons-nous la dotation supplémentaire de 500 millions de francs consentie pour la DSU.

De même, peut-on espérer un geste fort de solidarité apportant une part de la croissance des recettes aux communes d'outre-mer, qui, dans l'ensemble, ont vu leur p opulation augmenter sensiblement. Celle de ma commune, par exemple, a progressé de 33 %. Sans cet effort supplémentaire, elle ne pourra pas faire face aux besoins massifs en matière d'urbanisme, d'assainissement, d'extension de réseaux, de traitement des ordures ménagères ou d'environnement.

La baisse de la TVA sur les travaux dans les logements facilitera sans aucun doute l'amélioration et la consolidation de l'habitat. Mais il est urgent de prendre l'arrêté spécifique tant attendu fixant les nouveaux taux applicables à compter de la baisse du livret A et qui seront répercutés sur le coût des emprunts réalisés auprès de la CDC.

Ces dispositions, conjuguées à la proposition de proroger jusqu'au 31 décembre 2000 le régime d'exonération des charges patronales prévu dans la loi de juillet 1994, constitueront, nous l'espérons, un formidable soutien à la redynamisation économique.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a en outre-mer des urgences qui méritent des réponses immédiates. Je pense aux jeunes victimes du chômage, aux retraités de l'agriculture, dont les pensions doivent être portées à un niveau décent, aux effectifs de la police, de la gendarmerie, de l'éducation, de l'administration fiscale, de la poste, de la santé qui sont insuffisants. Avec la mortalité élevée des entreprises et l'importance du chômage de longue


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durée, je pense aussi à ce texte sur l'annulation des dettes fiscales restant dues par les ménages affectés par la perte d'emploi. Il y va de la crédibilité de notre majorité, qui doit faire preuve d'audace et de courage dans la lutte pour le progrès de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je vous remercie, monsieur Moutoussamy, pour votre concision.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une nouvelle fois, la loi de finances constituera un rendez-vous manqué.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pour qui ?

M. Christian Estrosi.

Ce sera un rendez-vous manqué pour les Français, qui attendaient que le poids de la pression fiscale qui pèse sur eux chaque jour un peu plus se trouve enfin allégé, et un rendez-vous manqué pour le Gouvernement, qui aurait pu profiter des rentrées budgétaires supplémentaires pour desserrer l'étau fiscal.

Les Français attendaient une véritable révolution fiscale. Au lieu de cela, ils verront les prélèvements croître de nouveau, et ne bénéficieront que de quelques mesurettes, certes bienvenues.

M. Jean-Pierre Brard.

Estrosi révolutionnaire ! On aura tout vu !

M. Christian Estrosi.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre discours relève davantage de la prestidigitation que de l'économie.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est un expert qui parle !

M. Christian Estrosi.

Vous soulignez en effet les baisses fiscales que contient ce budget, mais passez les hausses sous silence. A 45,3 % de la richesse nationale, les prélèvements obligatoires atteindront pourtant un record absolu, et la loi de finances ne contient aucune disposition de nature à inverser cette tendance.

La révolution fiscale dont notre pays a besoin n'est pas en route. Pourtant, plus que jamais, elle s'impose, et le Gouvernement ne pourra pas continuer longtemps à faire porter la charge de la quasi-totalité des prélèvements sur à peine 10 % des Français.

L'impôt sur le revenu est devenu aujourd'hui une caricature : la moitié des ménages n'y est pas soumise.

Certes, c'est le cas des plus pauvres, mais parfois aussi celui des plus riches par le biais d'artifices fiscaux multiples.

M. Jean-Pierre Brard.

Parlez-nous du moratoire Sarkozy !

M. Christian Estrosi.

En fait, ce sont les classes moyennes qui supportent quasiment l'intégralité de cet impôt devenu inadapté.

Ce budget est une nouvelle fois le budget du « trop d'impôt » et des mauvais impôts.

Vous vous vantez d'avoir apporté, avec la baisse de la TVA sur les travaux d'intérieur,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pas seulement !

M. Christian Estrosi.

... la réponse à toutes les attentes des Français en matière de baisse des impôts. Certes, c'est une bonne mesure et nous la réclamions. Mais pourquoi ne pas l'avoir étendue en abaissant le taux de la TVA sur les travaux de réparation des appareils électroménagers ou des automobiles ?

M. Jean-Pierre Brard.

Et sur les motos ! (Sourires.)

M. Christian Estrosi.

Bien sûr, sur les motos, monsieur Brard, et sur le motonautisme aussi.

Dans le secteur du tourisme pourquoi ne pas accorder une baisse de la TVA sur la restauration ? Comment peut-on concevoir que dans un département comme celui des Alpes-Maritimes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), où l'économie touristique joue un rôle fort dans le développement local, le taux de TVA sur la restauration soit de 20,6 % alors que de l'autre côté de la frontière, à Vintimille, il n'est que de 5,5 % ?

M. Jean-Pierre Brard.

Et à 0 % sur les bateaux !

M. Christian Estrosi.

Ne croyez-vous pas que l'harmonisation des taux de TVA pourrait contribuer à donner un formidable coup de pouce à la restauration et à l'économie touristique dans notre pays ?

M. Jean-Pierre Brard.

Parlez-nous de la fraude !

M. Christian Estrosi.

Vos annonces sont tout simplement de la poudre aux yeux. Cette baisse de 28 milliards pour les ménages et de 10 milliards pour les entreprises serait « la plus forte baisse des impôts depuis dix ans ».

Cette formule aurait plus sa place dans le dialogue d'une pièce relevant du théâtre comique !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous, vous seriez figurant : porteur de hallebarde ! (Rires.)

M. Philippe Auberger.

Et vous Guignol !

M. Christian Estrosi.

Je rappellerai seulement la liste des hausses d'impôts décidées par le gouvernement Jospin depuis 1997 : 9,5 milliards de taxes sur l'essence et le gazole ; 10 milliards de taxes sur les tabacs ; 22 milliards d'impôt sur les sociétés ; 7,5 milliards pour l'écotaxe ; 6,5 milliards sur les familles après avoir rogné sur l'allocation de garde d'enfant à domicile et baissé le quotient familial ; 2,5 milliards d'augmentation de l'ISF ; 3 milliards de suppression de crédits d'impôt pour les travaux sur les logements.

Tout cela a été aggravé par des mesures plus insidieuses qu'ont découvert les ménages à l'occasion du paiement de leur troisième tiers provisionnel.

Les Français ne peuvent plus accepter aujourd'hui que la moitié de leur temps de travail soit consacré à l'Etat et à la sécurité sociale.

Mme Nicole Bricq.

C'est pour cela qu'on réduit le temps de travail !

M. Christian Estrosi.

Plus que jamais, compte tenu de l'amélioration de la conjoncture économique internationale, ce budget aurait été l'occasion d'engager enfin la décrue fiscale. J'ai le sentiment que nous revivons les années du gouvernement Rocard, durant lesquelles les socialistes avaient gaspillé les fruits de la croissance...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vos arguments commencent à être un peu éculés !

M. Christian Estrosi.

... et coupé le blé en herbe.

M. Dominique Strauss-Kahn était alors président de la commission des finances et M. Lionel Jospin, ministre.

Vous disposez aujourd'hui de marges de manoeuvre fiscales importantes. Mais elles sont, hélas ! consacrées au financement de mesures inadaptées : les 35 heures, dont le coût dépassera 110 milliards de francs par an, sans parler des emplois-jeunes. Parallèlement, l'effort d'assainissement budgétaire qui s'impose semble se ralentir. Les


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chiffres sont têtus : en 1996, le gouvernement Juppé avait réduit le déficit budgétaire de 27 milliards alors que la croissance n'était que de 1,3 %.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous oubliez l'augmentation de la TVA !

M. Christian Estrosi.

Pour votre part, malgré une croissance de l'ordre de 3 %, vous ne le réduirez que de 20 milliards en 2000.

Pas de baisse d'impôt ambitieuse, pas de réduction conséquente du déficit budgétaire, pas de diminution de l'endettement. Il est clair que vous vivez aujourd'hui dans l'illusion d'une conjoncture favorable ; le réveil risque d'être douloureux. Cette politique sans souffle, sans ambition, sans dessein est le résultat du choix que vous avez effectué : favoriser la dépense publique par rapport à l'initiative individuelle. Il faut au contraire libérer les énergies, inciter à la créativité et à l'initiative, plutôt que de renforcer les interventions publiques, qui, partout dans le monde, ont montré leur inefficacité. De surcroît, le Gouvernement se concentre uniquement sur les dépenses de fonctionnement, non créatrices de richesses, au détriment des dépenses d'investissement, qui vont baisser de 2 %.

Ce budget-là aussi sera donc celui de l'impôt et de la dépense publique ; il ne prépare en aucun cas la France de demain. Que prévoit-il pour relever les grands défis auxquels notre pays sera confronté dans le futur, notamment celui du financement des systèmes de retraite, au bord de l'explosion ? Rien ou presque.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oh !

M. Christian Estrosi.

La croissance est de retour. Vous n'y êtes pour rien...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous non plus !

M. Jean-Louis Idiart.

On pourrait peut-être supprimer le Gouvernement, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi.

... et vous en profitez. Tant mieux pour vous, tant mieux pour la France. Mais les fruits de la croissance, hélas ! seront dilués dans un nouveau magma fiscal et interventionniste. C'est une erreur et une faute. Les Français sauront s'en souvenir, comme l'a fort pertinemment prédit M. le président de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Pierre Brard.

C'est Nostradamus !

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'Assemblée vient de voter la loi sur les 35 heures. C'est une grande loi de conquête sociale, une loi de civilisation.

C'est aussi un projet qui sait concilier notre souci de justice sociale et notre volonté d'améliorer l'efficacité économique du pays. Cette double préoccupation, qui est au coeur du projet gouvernemental, doit aussi présider à l'élaboration du budget.

Nous devons tout mettre en oeuvre pour améliorer et consolider la croissance ; cela reste la condition nécessaire pour créer des emplois et faire reculer le chômage. Mais nous devons également tout faire pour parvenir à une meilleure redistribution des richesses. Celle-ci reste en effet largement insuffisante. Les récents rapports en témoignent, dans les sociétés occidentales, depuis des années, les inégalités n'ont cessé de progresser ; c'est la conséquence tragique de l'offensive libérale, au niveau mondial, sur le marché du travail.

Notre objectif est donc double : soutenir la croissance, mieux redistribuer. Le projet de loi de finances va dans ce sens, et les parlementaires - ceux de la majorité en toutcas - auront à coeur de l'améliorer encore.

Je ne reviendrai pas sur l'évolution de l'environnement économique général, notamment sur les prévisions de croissance et donc de recettes fiscales pour l'année 1999, dont nous pouvons constater qu'elles seront largement en progression. Nous l'avons bien compris, il n'y aura pas de cagnotte cachée, et ces recettes nous permettront certainement de dégager une marge de manoeuvre, que nous pourrons vraisemblablement exploiter dans le collectif budgétaire de fin d'année ou pour préparer certaines réformes du budget 2001.

Si le Gouvernement se situe dans cette perspective, il doit affecter les recettes à des mesures fiscales adaptées. Je pense qu'il a commencé à le faire, notamment au travers de la baisse de la TVA sur les travaux de rénovation des logements, ou encore en supprimant diverses taxes parasitaires. Il poursuit ainsi sa politique de soutien à la croissance.

Toutefois, la vraie réforme, c'est celle de la fiscalité. La gauche doit tout mettre en oeuvre pour imposer une autre conception des équilibres sociaux. S'opposant aux idéologies qui prétendent favoriser les plus faibles en défiscalisant les revenus des plus forts, la gauche a pour mission de rétablir la justice sociale, dans une économie libérale qui provoque spontanément la montée des inégalités.

M. Julien Dray.

Très bien !

M. Raymond Douyère.

Cela passe par une fiscalité plus redistributive. Le Gouvernement s'est engagé à mettre en chantier une grande réforme de la fiscalité directe pour l'année prochaine. Nous souscrivons à cet objectif, mais compte tenu du contexte budgétaire que je viens d'évoquer, nous pensons qu'il est possible d'initier dès cette année des mesures susceptibles d'améliorer la justice fiscale.

Nous disons donc oui à la réforme de la fiscalité directe. Nous ne sommes cependant pas favorables à une réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, en tout cas dans l'immédiat - d'ailleurs, le Gouvernement ne l'a pas proposée. En revanche, nous pouvons dès à présent trouver un certain nombre de modifications susceptibles de rendre plus justes certains autres impôts directs payés par les Français, et notamment par les plus pauvres : la taxe d'habitation et la CSG.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Très bien !

M. Raymond Douyère.

A ce titre, les amendements qui ont été proposés par la commission des finances doivent retenir toute votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, et le Gouvernement ne doit pas faire obstacle à leur adoption.

Mais plus encore, il faut procéder à la nécessaire réforme de la fiscalité du capital. Nous devons veiller à améliorer la redistribution en accentuant la progressivité de l'impôt.

Qu'on ne s'y trompe pas, le débat autour de l'amendement du président Bonrepaux relatif à la fiscalité des stock-options n'a rien de conjoncturel. Il est en effet proprement inacceptable que certains dirigeants s'accordent des rémunérations supplémentaires de plusieurs dizaines de millions de francs, sous forme de stock-options, titres dont les plus-values sont faiblement taxées.

M. Louis Mexandeau.

Bien !

M. Raymond Douyère.

Sur le principe, je suis donc d'accord avec le président Bonrepaux, tout en étant favorable à un autre type de taxation. Si les stock-options


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n'étaient pas distribuées par l'entreprise, elles seraient t axées comme des profits, et bénéficieraient par conséquent du taux de l'impôt sur les sociétés. Je considère par conséquent qu'il faut retenir comme référence l'impôt sur les sociétés, et de ce fait appliquer le taux de 33 1/3 %. Pourquoi d'ailleurs ne pas fixer un montant plafond de cessions, au-delà duquel le vendeur, en plus du taux de prélèvement de 33 1/3 %, serait soumis à la fiscalité directe des ménages ? Plus généralement, notre réflexion doit porter sur le partage des bénéfices non distribués par les sociétés.

Depuis plusieurs années, chaque fois que j'interviens dans le cadre de la discussion sur un projet de loi de finances, je m'attache à parler de ces profits, qui restent à la disposition des entreprises, alors que les travailleurs en ont la propriété inaliénable.

Rappelons qu'une fois soustraite la consommation de capital fixe, c'est-à-dire l'amortissement, un tiers du bénéfice environ est distribué aux actionnaires comme rémunération de leur épargne. Les deux autres tiers constituent les revenus primaires des sociétés, qui s'en servent pour autofinancer leurs investissements. Mises en réserve au passif du bilan, les sommes correspondantes « montent » finalement dans le capital social et sont distribuées aux seuls actionnaires initiaux, sous forme de distribution gratuite d'actions.

Or, les actionnaires étant rémunérés par les dividendes comme les salariés le sont par leur salaire, rien ne justifie que les seuls actionnaires initiaux s'approprient le solde, résultat de l'effort conjoint du travail et du capital.

Il est temps alors que la plupart des investissements sont autofinancés à plus de 100 %, de rendre obligatoire, après une juste rémunération de l'actionnaire-épargnant, le partage du bénéfice non distribué des sociétés, moitié moitié entre salariés et apporteurs de capitaux. Cela aurait une incidence très forte sur la formation des revenus primaires. Les inégalités de patrimoine, qui contribuent aux inégalités de revenus, pourraient être réduites.

Je terminerai mon intervention en parlant de la taxe Tobin. Nombreux sont ceux qui s'accordent à penser qu'elle mérite sinon une application immédiate, tout au moins une réflexion approfondie dans notre assemblée.

En effet, l'ampleur prise par les transactions internationales reflète un mouvement de libéralisation croissante des échanges et des investissements et pose des questions cruciales sur les dangers de la spéculation internationale.

D'un côté, les investissements à long terme sont porteurs de croissance, notamment dans le secteur des nouvelles technologies et la France est au troisième rang des pays d'Europe pour l'accueil des investissements internationaux par les entreprises de ce secteur. Par contre, l'accélération effrénée du rythme des investissements à court terme, c'est-à-dire spéculatifs, pose des problèmes structurels majeurs pour notre économie.

Or on sait d'où provient la majorité des investissements spéculatifs : des Etats-Unis, qui les financent par l'endettement. La quasi-faillite du fonds LTCM, au moment de la crise asiatique, le montre bien. Les tensions actuelles sur les taux d'intérêt à long terme font craindre un fort décrochage des placements américains sur les places européennes, surtout quand on sait, comme le rappelait Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale, que les actions américaines sont surévaluées de 37 % environ, soit un niveau comparable à celui qui fut à l'origine du krach de 1987. En d'autres termes, il n'est pas improbable qu'une chute brutale des cours à Wall Street provoque un rapatriement massif aux Etats-Unis des fonds investis en Europe, pour financer les pertes.

Il est par conséquent impératif que l'Europe se prémunisse contre les dangers engendrés par la facilité d'effectuer des mouvements erratiques de capitaux en n'importe quel point du globe. A cet égard, la proposition des membres du comité ATTAC mérite de faire l'objet d'un débat serein.

Je conclurai en faisant une suggestion qui n'a rien à voir avec les considérations générales que j'ai jusqu'à présent énoncées. Elle porte sur le budget de la justice.

Dans le cadre de la nouvelle procédure retenue par l'Assemblée pour l'examen des crédits, ce matin, la ministre de la justice, Mme Guigou, nous a présenté un certain nombre de propositions concernant les établissements pénitentiaires. Ainsi, pour les cinq prochaines années, a été engagé un programme de 1 milliard de francs au titre de l'entretien des établissements pénitentiaires, 200 millions seulement étant ouverts en PLF pour 2000.

Or pour les seuls grands établissements, en dehors du programme précédent, les besoins de remise en état et de mise aux normes sont évalués au moins à 2 milliards de francs ; et, là encore, 50 millions seulement sont ouverts au PLF pour 2000. Pour les remises aux normes des autres établissements, deux milliards de francs supplémentaires seraient nécessaires, alors que 70 millions seulement sont ouverts au PLF pour 2000. Reste le programme de reconstruction, qui concerne trois ou quatre établissements - Mme la garde des sceaux n'a pas donné le nombre exact -, annoncé pour un coût total compris entre 1 milliard et 1,4 milliard de francs, 70 millions de francs seulement étant ouverts en 2000.

Cela doit signifier - et je n'en doute pas, compte tenu de l'augmentation du budget de la justice constatée ces dernières années - que des dotations spécifiques de crédits de paiement seront inscrites dans les lois de finances des années à venir, permettant au moins de pallier une partie de ces besoins.

M. le président.

Veuillez conclure monsieur Douyère.

M. Raymond Douyère.

Mais cet effort me semble insuffisant. Je fais donc une suggestion au Gouvernement. Dans un souci humanitaire, dès lors que nous considérons que les détenus ont droit comme quiconque à un toit décent, il me semble que les crédits du prêt locatif aidé actuellement non utilisés pourraient être affectés à la construction et à la rénovation des prisons. Par ce biais, on pourrait très bien engager immédiatement un programme massif.

Certains diront qu'il s'agirait là l'une débudgétisation.

Toutefois, si cela peut permettre de hisser les établissements pénitentiaires français au niveau de ceux des autres pays, le jeu en vaut la chandelle. Certes, on sait que les crédits PLA sont recyclés par la Caisse des dépôts, mais une partie de ces crédits pourrait très bien être défalquée de la contribution financière payée par celle-ci.

Je vous demande de réfléchir à cette suggestion, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez beaucoup de chance.

Mme Nicole Bricq.

Ils ne savent plus quoi inventer !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

M. François Guillaume.

Depuis deux ans, la conjoncture est favorable.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Jaloux !

M. François Guillaume.

Tiré par une économie américaine qui reste florissante, par une demande intérieure forte, avantagé par le haut niveau du dollar, le taux de croissance de notre pays a permis la création nette de 560 000 emplois, et cela ne doit rien à votre politique.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Cette croissance et ses effets bénéfiques vont se prolonger, et peut-être même s'amplifier, si j'en crois vos prévisions pour l'an 2000. Tant mieux pour la France !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ah ! quand même !

M. François Guillaume.

De telles phases d'expansion ont été rares depuis les crises pétrolières. Celle d'aujourd'hui s'apparente à la période faste de 1988-1991 dont avait bénéficié le gouvernement Rocard,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Encore ça !

M. François Guillaume.

... lequel n'avait pas su en profiter.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le disque est rayé !

M. François Guillaume.

Au lieu de faire baisser les impôts frappant la création de richesses, il avait relancé la dépense publique, privilégiant le traitement social du chômage, plutôt que de stimuler l'activité économique en allégeant les charges des entreprises.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est le texte d'Estrosi ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. François Guillaume.

Vous reprenez aujourd'hui le même scénario. Dans votre projet de budget, le supplément de 90 milliards de recettes que vous escomptez pour 2000 est consacré à hauteur de 15 milliards à l'augmentation de la dépense, alors que le rapport entre celle-ci et le PIB est déjà supérieur de 5 points à celui de l'Italie, de 7 points à celui de l'Allemagne et de 13 points à celui de la Grande-Bretagne.

Ces 15 milliards n'auraient-ils pas été mieux employés à réduire le déficit budgétaire, qui, à 215 milliards, atteindra encore 2,4 % du PIB, soit le niveau limite pour respecter les engagements pris par la France lors de l'adhésion à l'euro ? Mais le plus grave reproche qu'on puisse faire à votre budget est qu'il est plus marqué de dogmatisme et d'électoralisme que du souci d'une gestion conforme aux intérêts de la France.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Toujours aussi nuancé !

M. François Guillaume.

En voici quelques illustrations.

C'est un budget qui va à l'encontre de la décentralisation,...

M. Jean-Louis Idiart.

La décentralisation ? Vous avez voté contre !

M. François Guillaume.

... car il rend les collectivités locales davantage tributaires de l'Etat pour leurs ressources que par le passé.

La suppression des droits de mutation et celle, partielle, de la taxe professionnelle,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous y tenons !

M. Dominique Baert.

Vous y êtes opposé, monsieur Guillaume ?

M. François Guillaume.

... mesures dont nous ne contestons pas l'intérêt général,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah !

M. François Guillaume.

... ont néanmoins réduit l'autonomie fiscale des collectivités, sans pour autant que des compensations budgétaires suffisantes viennent couvrir la perte de recettes enregistrée.

M. Jean-Louis Idiart.

Le plus dur, c'est de choisir.

Vous le savez au RPR !

M. François Guillaume.

Ces observations ont d'ailleurs été formulées par la gauche plurielle à cette tribune.

A titre d'exemple, en Lorraine, la fiscalité régionale ne constitue plus que 45 % des ressources dont dispose le conseil régional, contre 57 % en 1998.

En clair, les collectivités locales deviennent de plus en plus dépendantes de l'Etat. Il ne leur reste plus, pour maintenir leur capacité d'intervention, qu'à augmenter les impôts dont elles ont encore la maîtrise, ce qui, naturellement, leur serait reproché.

Votre budget prévoit certes des baisses d'impôt pour les contribuables.

Vous nous proposez notamment de réformer le droit de bail en annulant la double imposition pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1998. Nous soutenons qu'il serait de bonne justice de la restituer sur le champ, et non pas à terme, sous forme de crédit d'impôt au propriétaire, qui sera bien entendu moralement redevable à son locataire.

Pour l'an 2000, vous envisagez la suppression du droit de bail pour les locataires modestes tout en maintenant la taxe additionnelle acquittée par le propriétaire, que vous assimilez à un possédant, au sens polémique du terme.

Quel aveuglement dogmatique vous pousse à considérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que, par définition, les propriétaires sont plus riches que les locataires, sous prétexte qu'ils détiennent un bien immobilier ? Quelle raison vous pousse à supprimer le droit de bail uniquement pour les locations inférieures à 30 000 francs l'an, sans tenir compte de la composition des familles logées ? Ces dispositions doivent être revues, monsieur le secrétaire d'Etat. Leurs intentions électoralistes sont trop évidentes.

La marge de manoeuvre que procurent les recettes fiscales supplémentaires prévues en 2000 - indépendamment de la réduction du train de vie de l'Etat, que vous n'avez malheureusement pas programmée - vous autorise à baisser le taux de TVA sur les travaux de réfection des logements. C'est une bonne mesure. Nous la réclamions.

M. Alain Rodet.

Vous avez pourtant augmenté la TVA de deux points en 1995 !

M. François Guillaume.

Elle a l'avantage de ne rien coûter au fisc, car au-delà de son effet incitatif sur la rénovation et la réhabilitation de l'habitat, elle réduit l'intérêt de la fraude et du travail au noir. Raison de plus pour étendre la baisse de la TVA à d'autres activités artisanales, comme la restauration, secteur dans lequel la fiscalité indirecte est injustement complexe et crée d'insoutenables distorsions de concurrence interne.

M. Jean-Louis Idiart.

Cela ne vous coûte pas cher.

Vous pouvez aussi proposer que l'on rase gratis !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

M. François Guillaume.

Vous avez aussi fait valoir, monsieur le secrétaire d'Etat, en jouant sur l'effet d'annonce, une baisse d'impôts de 10 milliards au profit des entreprises. C'est un leurre, puisqu'il s'agit de la suppression de la taxe provisoire que vous aviez créée en 1997 et qui avait été reconduite depuis. Mais c'est aussi une duperie, puisque l'intention du Gouvernement de taxer à nouveau les entreprises apparaît dans le projet de financement de la sécurité sociale, avec l'institution d'une écotaxe et d'un impôt sur le bénéfice des sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions.

J'en viens maintenant à vous interroger sur l'intérêt de l'ISF.

M. Jean-Pierre Brard.

Les hobereaux s'expriment !

M. François Guillaume.

C'est un sujet tabou.

M. Jean-Pierre Brard.

Les junkers !

M. François Guillaume.

Faites un peu attention à ce que vous dites, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Le doigt est accusateur...

M. François Guillaume.

Sinon, je vous demanderai des excuses publiques.

M. Yves Deniaud.

C'est un souvenir du pacte germano-soviétique !

M. le président.

Monsieur Brard, si vous continuez à interrompre sans cesse, je vais être obligé de rallonger le temps de parole aux intervenants. Et je vous invite à respecter l'orateur, fût-il de l'opposition.

Monsieur Guillaume, veuillez poursuivre.

M. François Guillaume.

J'avais bien raison de dire que l'ISF est un sujet tabou ! Monsieur le secrétaire d'Etat, une étude de votre administration, dont on n'a pas beaucoup parlé parce qu'elle vous gêne un peu, démontre que pour 12 milliards de francs perçus annuellement, le fisc enregistre un manque à gagner de 22 milliards d'impôts divers, soit une perte de 10 milliards pour l'Etat. Tout simplement parce que les titulaires des plus grosses fortunes transfèrent sans hésitation et en toute facilité leurs capitaux à l'étranger pour échapper à l'ISF, impôt qui n'appartient plus à la panoplie fiscale des autres pays d'Europe. De ce fait, le Trésor public perd le bénéfice de la cascade des prélèvements qui sont appliqués à ces gros contribuables impôts sur le revenu, plus-values foncières, CSG, etc. - et notre pays est privé du potentiel d'investissement de ces capitaux.

M. Pierre Méhaignerie.

Très juste !

M. François Guillaume.

Monsieur le secrétaire d'Etat, 10 milliards, est-ce le prix à payer pour maintenir l'ISF, symbole de la gauche française ? Votre administration estelle à ce point à court d'idées qu'elle ne puisse, dans la progressivité de l'impôt sur le revenu, retrouver le produit de ce prélèvement dont l'assiette est injuste et le rendement désastreux ? Au total, ce budget est celui d'une occasion manquée, celle de profiter des fruits de la croissance pour cibler les interventions de l'Etat vers des dépenses susceptibles d'avoir un effet de levier sur l'économie.

C'est donc un budget d'opportunité politicienne, aux orientations duquel nous ne pouvons souscrire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

1900 : l'automobile fait son apparition. Objet de luxe, 1 125 véhicules sont distribués.

1999 : les ordinateurs puissants tiennent dans nos poches et se sont glissés dans de nombreux objets de la vie courante.

Entre les deux, un siècle qui a vu la création de richesses se déplacer de la production matérielle vers l'immatériel et les services.

Un siècle où la société s'est globalement enrichie, mais où des inégalités fortes subsistent, quand elles ne s'aggravent pas entre les déciles supérieurs et inférieurs.

Un siècle qui se termine sur une relativisation de la part des salaires dans la répartition de la valeur ajoutée par rapport à celle du capital, ce qui doit au demeurant nous faire réfléchir à l'appropriation du capital par les salariés. Si j'ai bien compris, c'est un travail qui nous attend collectivement, au travers de la mission parlementaire et au travers du débat que nous aurons bientôt.

Un siècle où l'intervention de l'Etat a profondément évolué. Où les deux tiers de la progression des prélèvements obligatoires dans les cinquante dernières années sont liés à la redistribution et au social, et non au rôle accru de ce que certains appellent la machinerie publique, celle-ci étant par ailleurs déterminante dans la compétitivité du pays et l'agrément de la vie sociale.

Un siècle, enfin, qui se termine pour nous, Français, sur une fenêtre ouverte par la croissance et où, aujourd'hui, investir dans l'économie réelle plutôt que dans la finance commence à redevenir intéressant. Nous, socialistes, pensons qu'une politique budgétaire moderne doit prendre en compte ces évolutions et servir de soutien à un choix de politique économique. Celui que nous propose le Gouvernement repose sur le pari d'une nouvelle croissance que nous voulons plus forte, plus durable et plus solidaire.

Traditionnellement, la gauche est soucieuse de ce troisième aspect, afin que la répartition de la croissance soit plus juste. Mais je voudrais rappeler qu'aujourd'hui, la mondialisation des économies et la formidable mutation technologique nous placent devant un choix qui consiste à fonder notre avenir sur le secteur productif.

La croissance est en effet la condition nécessaire au développement de l'emploi et du pouvoir d'achat. C'est elle qui crée le contexte le plus favorable à la mise en oeuvre des réformes structurelles. Et toute la différence se situe entre une politique volontariste et une politique du laisser-faire par rapport à des données objectives que nous nous contenterions de subir.

Seuls des libéraux bornés refusent de croire au rôle de la politique économique que nous soutenons. L'orateur précédent a invoqué la chance. Il me fait penser à un historien, au demeurant célèbre, qui expliquait la grande Révolution française par le mauvais temps et la mauvaise récolte.

M. Jean-Pierre Brard.

Il faut dire que cela a joué un rôle !

Mme Nicole Bricq.

Restent deux sujets de fond : le chômage de masse qui persiste dans notre société et l'investissement, encore trop faible, notamment dans toutes les technologies qui apportent la croissance, la valeur ajoutée et l'emploi dans des pays ayant fait le choix de le soutenir massivement.

Toutefois, je voudrais retenir deux indicateurs positifs.

Le rythme de réduction du taux de chômage en France est le plus rapide en Europe depuis 1997. Et, s'agissant de l'innovation, le tableau de bord que publie le ministère de l'économie et des finances montre que les mesures


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successives prises depuis deux ans ont abouti à une réelle mobilisation des capitaux et des hommes. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont encore insuffisants.

Mais ils ouvrent le chemin de l'espoir, qu'il s'agisse de la place que la France peut occuper dans la création des richesses productives ou de sa marche vers le plein emploi. Et nous sommes sur ce chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année encore, le Gouvernement nous présente un budget à courte vue alors que la croissance et le contexte européen auraient dû l'inciter à engager de vraies réformes et à préparer la France aux défis du

XXIe siècle.

Notre pays n'est pas aussi bien classé en matière de gestion budgétaire qu'a bien voulu le dire mardi aprèsmidi M. le ministre des finances et nos résultats ne sont pas si brillants quand on les compare à la moyenne européenne. Les déficits publics devraient se situer aux alentours de 2,2 % du PIB en 1999 alors que la moyenne des pays de la zone euro est de 1,9 %. Le poids de notre dépense publique dans la richesse nationale demeure plus élevé que dans le reste de l'Europe et du monde occidental. Les dépenses des administrations publiques représentent en effet 53,2 % de notre PIB, alors que la moyenne des participants à la zone euro est de 48 %. Le maintien de cet écart risque d'hypothéquer gravement l'avenir.

Depuis 1997, monsieur le secrétaire d'Etat, votre gouvernement fonde toute sa politique financière sur la seule conjoncture économique favorable en n'osant pas entreprendre un véritable assainissement structurel et en aggravant le niveau déjà bien trop élevé des prélèvements obli gatoires.

La maîtrise affichée des dépenses de l'Etat est principalement due à la réduction de la charge de la dette, liée à la baisse des taux d'intérêt et non à une politique v olontariste de redéfinition des missions d'un Etat moderne.

Dans le même temps, le Gouvernement crée de nouveaux postes de dépenses publiques qui risquent de croître considérablement dans les années à venir.

La réduction du temps de travail à 35 heures, qui représente déjà dans le budget de l'Etat 7 milliards de francs, et les emplois-jeunes, dont les crédits s'élèvent à 21,3 milliards de francs, sont autant de bombes à retardement ; surtout que l'on entend certaines voix dans les défilés de la gauche, ô combien plurielle, réclamer la titularisation de ces emplois...

Aucune démarche de rationalisation de la dépense n'est sérieusement engagée. Pis, pour minorer l'impact réel de la dépense publique, certains chapitres ont été volontairement sous-estimés. Ainsi, les crédits du RMI qui ont été portés, par un récent décret d'avance, à 30 milliards, ne seraient plus que de 28,7 milliards de francs en 2000. De même, une partie des dépenses liées aux 35 heures - 65 milliards - a été reportée sur le budget de la sécur ité sociale et 20 milliards, destinés à financer la couverture maladie universelle, sont affectés dans un fonds spécial hors loi de finances ! Votre projet de loi de finances pour 2000 ne constitue donc pas, tant s'en faut, un exercice de sincérité budgétaire.

Dans vos rangs, certains, dont le président Fabius, ont mis l'accent sur le niveau préoccupant des prélèvements obligatoires. Ils ont fait valoir avant le débat d'orientation budgétaire que « les prélèvements obligatoires atteignent maintenant un niveau record : près de 46 % du PIB, soit quatre points au-dessus de la moyenne de l'Union européenne ».

Certes, M. Strauss-Kahn n'hésite pas à parler, comme h ier après-midi, de « baisse d'impôts massive » et annonce, à grand renfort de publicité, diverses mesures fiscales. Mais, subrepticement, on instaure parallèlement de nouvelles taxes et de nouvelles contributions, notamment la contribution sociale sur les bénéfices qui constituera en moyenne une surtaxe de 5 %, à ajouter à l'impôt sur les sociétés, ou encore la taxe sur les heures supplémentaires, estimée entre 7 et 8 milliards de francs.

Ainsi, de très nombreux Français ont subi et vont subir des hausses sensibles d'impôts. La pression fiscale a atteint un niveau record cette année, comme l'écrivait Le Monde en date du mercredi 20 octobre. L'impôt sur le revenu représentera 320 milliards de francs, contre 304 en 1998 et la conjoncture favorable ne suffit pas à expliquer cette hausse bien supérieure à celle des prix ! M. Strauss-Kahn a beau plastronner dans l'hémicycle et dans les médias, on rencontre de plus en plus de gens qui se disent accablés de taxes et d'impôts toujours plus lourds et incompréhensibles. Même certaines baisses bienvenues, comme celle de la TVA sur les travaux à domicile, ne sont pas faciles à appliquer et recèlent parfois des effets pervers. De plus, cet abaissement de la TVA n'a pas eu toute sa portée, car en modifiant l'assiette du quotient familial et en annulant l'abattement fiscal, précisément pour les travaux d'entretien, vous pénalisez une fois encore les familles ! Vous pénalisez aussi les entrepreneurs en révisant l'avoir fiscal et en supprimant le crédit d'impôt pour création d'emplois. Une politique de réduction des prélèvements obligatoires ne peut consister à remplacer un impôt par un autre ! Il conviendrait plutôt de se rapprocher rapidement de la moyenne européenne : 43 % du PIB. Le gouvernement Juppé avait engagé une vigoureuse baisse de l'imposition sur le revenu, que vous avez malheureusement arrêtée en 1997...

Il serait également grand temps, pour la France, de s'engager plus avant dans la voie de la réduction de la TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre. Je pense, en particulier, au secteur de l'hôtellerie et de la restauration, qui devrait être prioritaire pour le taux réduit, car cette activité risque d'être fortement pénalisée par rapport à nos principaux voisins européens. Cette dist orsion de concurrence pourrait très vite fragiliser l'emploi dans ce secteur.

Par ailleurs, vous annoncez la suppression progressive du droit de bail pour les locataires, alors que les effets pervers de la double imposition des exercices précédents pour les propriétaires-bailleurs ne sont toujours pas résolus ! La restitution sous forme d'un crédit d'impôt, que vous envisagez pour une partie d'entre eux, n'est pas pertinente, car la grande majorité des bailleurs sont de petits propriétaires aux revenus modestes. Il conviendrait donc que le Gouvernement, reconnaissant enfin cette double imposition, rembourse véritablement ces personnes spoliées depuis deux ans et ne les abuse pas par un tour de passe-passe comptable ! En conclusion, ce projet de loi de finances ne rétablit pas le « cercle vertueux » que M. Straus-Kahn décrivait, avec une certaine autosatisfaction, hier après-midi. Si vous supprimez une cinquantaine d'impôts souvent anecdotiques, comme sur les jeux de boules et de quilles, vous


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n'engagez toujours pas une vraie réforme fiscale, allant de pair avec une vraie réforme de l'Etat, concentré sur ses missions essentielles. Vous n'entreprenez aucun examen sur l'efficacité de l'utilisation de l'argent public. Vous persévérez dans la voie funeste de dépenses publiques toujours incompressibles et de prélèvements obligatoires toujours extensibles.

Au lieu de mettre à profit la croissance, un peu inespérée, de cette année pour réduire les déficits et engager la vraie baisse et la vraie simplification des impôts tellement attendues par tous ceux qui veulent continuer de créer et de produire dans notre pays, ce budget apparaît finalement comme une nouvelle occasion perdue. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chaque automne voit revenir ce vote du projet de loi de finances, vote primordial qui signe une des missions essentielles de la représentation nationale, vote périodique qui permet d'année en année de tirer un bilan économique en cours de législature.

Je ne dissimulerai pas mon plaisir à l'exposé de ce bilan. Les données économiques concernant notre pays, qui déterminent les marges de manoeuvre dont nous disposons pour le budget, ont en effet tout pour nous rendre optimistes : une situation de croissance désormais bien installée, un recul constant et régulier du chômage, une consommation des ménages et des entreprises qui ne montre aucun signe d'essouflement, une balance commerciale saine et largement excédentaire. Si chaque automne pouvait amener un bilan aussi rassurant ! Mais cette réussite n'est pas l'effet du hasard ; elle naît de la conjonction d'un environnement économique plus clément mais aussi d'une politique d'accompagnement intelligente, audacieuse et efficace.

Pour bien comprendre quel a été le rôle de cette politique dans le retour de la croissance et répondre à ceux qui n'y voient que le fruit de la conjoncture internationale, il faut s'arrêter sur les mécanismes qui ont abouti à la situation actuelle. Ces mécanismes sont au nombre de trois : la confiance, qui dynamise, met en mouvement la reprise ; la consommation des ménages, qui fournit l'énergie nécessaire au redémarrage ; la réussite de l'euro, qui assure la pérennité de ce mouvement par la crédibilité renforcée de l'économie française et de sa monnaie.

Le tout premier de ces mécanismes, celui qui a rendu possible le retour de la croissance, c'est la confiance.

Le retour de la confiance des Français s'appuie luimême sur trois facteurs qui scandent trois étapes. En effet, la confiance est née d'un discours politique de vérité, en phase avec les attentes des citoyens, axant la politique du Gouvernement sur l'emploi, la justice sociale et le développement économique ; elle a été maintenue par toute une palette d'actions, notamment la mise en place des emplois-jeunes, conformes aux valeurs qu'énonçait ce discours ; elle a été confortée enfin par la gestion d'un gouvernement d'hommes et de femmes compétents, volontaires, sachant se ménager des marges de manoeuvre.

Le second de ces mécanismes, la consommation des ménages, est très lié au retour de la confiance. Mais il résulte aussi d'une frustration, d'un désir de rattraper le temps perdu, corollaires de l'ambiance économique mortifère instaurée les années précédentes. Les Français, br imés par la hausse des prélèvements, découragés par une politique qui ne leur proposait aucun espoir en échange de leurs sacrifices, sont à présent libérés et prouvent, par leur comportement, à quel point la politique du gouvernement précédent était erronée. En consommant plus et mieux, ils montrent à l'inverse que le Gouvernement actuel agit dans le bon sens en accompagnant leur légitime désir de consommation. La consommation est ainsi encouragée, depuis plus de deux ans, par le transfert vers l'entreprise d'une partie du poids des prélèvements et l'allégement du joug fiscal qui pesait sur les ménages - quoi que vous en disiez, messieurs de l'opposition ! Enfin le troisième mécanisme, la mise en place réussie de l'euro, apporte à la France l'espace nécessaire à son épanouissement en la libérant de la menace qui pesait constamment sur sa monnaie et en lui offrant les taux d'intérêt les plus bas qu'elle ait jamais connus.

M. Michel Bouvard.

Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Marie Le Guen.

Cette réussite, nous la devons à un cadrage budgétaire mis en place dès juin 1997, efficace sans être asphyxiant, qui nous a permis de piloter le lancement de l'euro et de lui garantir un atterrissage en douceur, en temps, en heure et en l'état.

Rappelons tout de même que cette étape était loin d'être jouée d'avance : vous qui étiez aux commandes au début de l'année 1997 avez été amenés, à cette époque, à en tirer des conséquences quelque peu hâtives et hasardeuses. Quant à ceux qui voyaient dans la monnaie unique la fin de la France ou sa ruine certaine, ils en sont également pour leurs frais.

Toutefois, mes chers collègues, l'heure n'est pas au triomphalisme. La situation préoccupante de certains de nos voisins, par exemple l'Allemagne, doit nous inciter à la prudence. Nous savons trop qu'un retournement de conjoncture n'est jamais exclu dans le monde féroce de l'économie mondialisée. Nous savons aussi que la bonne santé de notre économie, au sein d'une Europe de plus en plus intégrée, dépend à moyen terme de la reprise chez nos partenaires, avec qui nous réalisons la majeure partie de nos transactions commerciales. Leur activité, comme la nôtre, est d'ailleurs liée à l'évolution de l'économie américaine.

C'est notre demande intérieure soutenue ainsi qu'une moins grande sensibilité de notre commerce extérieur qui expliquent que l'effet sur notre croissance de la crise que nous avons connue ces dernières années se soit limité à un demi-point de croissance en 1999. Mais il est clair que le refus du gouvernement français de céder à la panique a également contribué à adoucir le passage de l'économie française dans un « trou d'air » de l'économie mondiale qui semble à présent derrière nous.

Enfin, pour en finir avec ce tour d'horizon, je voudrais m'interroger sur ce que la crise asiatique, puis la crise russe et la crise brésilienne révèlent du système financier international et laissent présager de l'avenir de l'économie mondiale.

L'action qu'il nous faut entreprendre au plan international doit être marquée par une volonté de régulation d'autant plus forte que les seuls mécanismes du marché se sont avérés bien incapables de corriger les déséquilibres srtructurels de l'économie française. Notons que la cause première de ces déséquilibres reste la situation spécifique de l'économie des Etats-Unis, caractérisée par le déficit chronique du budget et les incertitudes qui en découlent.


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Il est ainsi nécessaire d'instaurer plus de régulation afin de lutter contre les mouvements erratiques, brutaux et moutonniers des capitaux de la spéculation internationale, qui ont pour conséquence d'aggraver les difficultés existantes.

Cette thématique est au coeur des discussions qui sont menées aujourd'hui dans la plupart des instances économiques et financières internationales. C'est le cas au G7, à l'Assemblée générale du FMI ou de la Banque mondiale à Washington, ou encore dans certains organismes ad hoc, comme la Banque des règlements internationaux, et au sein des groupes de travail mis en place autour du G22.

Ainsi, le gouvernement français veut plus de régulation. Mais pour quel type de régulation devons-nous plaider dans ces instances ? Quelles propositions devons-nous porter ? J'en vois cinq principales.

Tout d'abord, il faut promouvoir une limitation des risques au niveau international. Cela passe par un renforcement du rôle, de l'indépendance et des moyens des banques centrales ; par la validation de nouvelles normes de fonctionnement des systèmes bancaires ; par un accès plus large à l'information sur les risques encourus et une diffusion accrue de cette information.

Il faut ensuite lutter contre la spéculation internationale. Pour cela, la suppression des centres off-shore, ou au moins le renforcement des contrôles et des normes encadrant les mouvements de capitaux, s'impose. Il ne s'agit pas seulement de lutter contre l'argent sale, mais aussi d'empêcher le contournement des règles prudentielles et de lever l'anonymat sur les intervenants.

En ce qui concerne les hedge funds et tout autant les banques qui les financent, il faut également parvenir à un renforcement des critères d'information et des règles prudentielles, notamment par l'introduction des risques pris dans les critères habituels de jugement sur les engagements des différents acteurs financiers.

Il faut par ailleurs veiller à ce que le secteur privé soit associé largement à la résolution des crises. Les exemples de cette association sont encore trop peu nombreux et t rop timides. Les résultats très positifs d'une telle démarche, par exemple en Corée, démarche soutenue par les Européens et notamment les Français, nous encouragent dans cette voie. Il ne faut certes pas négliger le problème de l'aléa moral : un soutien trop constant des

Etats produit des distorsions de l'information sur la santé réelle de l'économie qui peuvent parfois conduire à la catastrophe. Il faut néanmoins introduire plus de souplesse, surtout quand on sait qu'aujourd'hui l'aspect technique des créances de nature obligataire, par leur dissémination, rend parfois impossible la négociation d'un rééchelonnement des dettes.

Le FMI doit être profondément réformé, aussi bien dans ses méthodes que dans son organisation et ses moyens. Dans ses méthodes : il faut se féliciter du rapprochement de son action de celle de la Banque mondiale et de sa coordination renforcée avec elle, et prolonger ce mouvement, notamment dans le cadre des discussions au niveau de l'OMC. Dans son organisation : un comité permanent plus politique et plus volontaire doit être mis en place. Dans ses moyens : l'ampleur des sommes mobilisées aujourd'hui par la spéculation financière internationale justifie pleinement un accroissement des capacités d'intervention du FMI.

Enfin, last but not least, le système monétaire international doit connaître de profonds changements. La présence de l'euro, capable de faire pièce à la toute puissance du dollar comme monnaie de référence imposant sa loi, est déjà un facteur de stabilité. Il faut cependant aller encore plus loin, vers une plus grande coopération régionale des monnaies, notamment en Asie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le message que je désire faire passer ce soir est clair. Nous avons des raisons de nous réjouir et de féliciter le Gouvernement, car nous sommes en partie responsables de la bonne situation de l'économie française.

M. Germain Gengenwin.

Vous l'avez déjà dit trois fois !

M. Jean-Marie Le Guen.

Mais il est de notre devoir d'être toujours plus ambitieux et de rester attentifs aux menaces qui pèsent sur la collectivité nationale. Si nous faisons nôtre le combat pour plus de régulation dans la sphère économique et financière au niveau international, nous serons cohérents avec nous-mêmes, fidèles aux valeurs de la gauche, honnêtes vis-à-vis de nos électeurs, mais aussi à même d'écarter les nuages qui pèsent encore sur l'économie mondiale, donc aussi sur l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Messieurs les ministres, vous avez passé avec succès un premier examen : la France est engagée sur un trend de croissance forte depuis 1997. Ce n'était pas chose facile. D'autres avant vous avaient fait perdre deux ans au pays en étouffant la reprise naissante en 1995.

Vous avez ainsi fait la démonstration que l'intervention politique n'est pas vaine, qu'elle peut avoir un sens et être utile au développement économique. Preuve, s'il en était besoin, qu'il est toujours possible d'agir si l'on fait acte de volontarisme. Ce qui n'est pas rien, à une époque où les experts de tout poil n'ont qu'une phrase à la bouche :

« Laissez l'économie tranquille, messieurs les politiques, le marché se suffit à lui-même, il n'a surtout pas besoin de vous. »

Mais, messieurs les ministres, vous savez aussi bien que moi qu'en économie comme dans la vie, une difficulté en appelle toujours une autre. Et à peine venez-vous de réussir votre premier examen, celui de la croissance, qu'un deuxième se présente à vous, si bien que vous n'aurez pas le temps de vous reposer sur vos lauriers. Ainsi va la vie difficile des ministres de l'économie et des finances...

Le deuxième examen est simple : il consiste à être capable de répondre à une seule question. « Facile ! », me direz-vous. Mais permettez-moi plutôt de vous conseiller d'attendre la question avant de vous réjouir car, malheureusement, plusieurs de vos prédécesseurs, ministres de l'économie et des finances de gouvernements de gauche, en France comme en Europe, n'ont pas su, à leur époque ou actuellement, y répondre.

Cette question, la voici : que faire de ces richesses nouvelles, et surtout comment et à qui les redistribuer ? Ecartons d'emblée tout faux débat entre nous : je ne vous propose pas de jouer le rôle de la cigale qui dépense sans compter et se retrouve fort dépourvue quand les mauvais temps reviennent. Je comprends très bien que le trend de croissance a besoin d'être consolidé et que de brusques coups de volant peuvent nous faire quitter cette route vertueuse.

Cette prudence acceptée, il n'en demeure pas moins qu'au regard de la situation d'urgence sociale que le pays connaît, cette question se trouve au centre de notre discussion budgétaire. Car nous sommes au coeur du récurrent débat sur la répartition des fruits de la croissance et sur ce que doit être une politique économique de gauche dans une phase d'expansion, même modérée.


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Disons-le tout net : la croissance seule ne suffit pas à gommer les inégalités sociales qu'engendre la logique d'un système qui a pour principale caractéristique, dans sa nouvelle phase d'expansion, de concentrer toujours plus de richesses entre les mains d'une infinie minorité.

Il est bon de rappeler à tous nos collègues, notamment sur les bancs de la droite, quelle est la réalité de cette

« mondialisation heureuse » qu'évoquait en son temps Alain Minc.

Il n'aura fallu que quatre ans, de 1994 à 1998, pour que le patrimoine net des 200 personnes les plus riches du monde passe de 440 à 1 042 milliards de dollars. En France aussi, rappelons-nous qu'à peine 10 % des Français détiennent déjà 65 % du patrimoine global du pays.

En 1998, le rendement de ce patrimoine a été de 13 % ! Dans le même temps, plus de 6 millions de Français ne savent plus comment boucler leurs fins de mois et vivent avec l'angoisse de l'arrivée des huissiers.

Derrière ces chiffres, nul besoin d'avoir fait les grandes écoles pour entrevoir que c'est bien un effet de système qui est à l'oeuvre. Ce que l'on appelle par pudeur « mondialisation » ou « globalisation », et que moi je nomme

« nouvel âge du capitalisme », produit partout les mêmes effets : une progression vertigineuse des inégalités avec un invariant d'échelle que l'on observe aussi bien entre les pays du Nord et les pays du Sud qu'au sein même des pays riches.

Pour qui en doute encore, il n'est que de voir la situation des Etats-Unis, que l'on nous présente comme un modèle avec sa croissance exceptionnelle depuis dix ans et son retour au plein emploi. Aux Etats-Unis, entre 1977 et 1999, les revenus nets d'impôt ont augmenté de 115 % pour les 5 % les plus riches, tandis que les revenus moyens des 20 % les plus pauvres ont baissé de 9 %. Dans cette société inégalitaire, sortir du chômage ne veut pas dire sortir de la pauvreté. La notion de plein emploi est ici frappée du sceau des inégalités. Car beaucoup de ceux qui retrouvent un emploi le font dans des conditions particulières de précarité : ainsi les appelle-t-on les

« pauvres travailleurs ».

Là réside la spécificité de la situation que nous connaissons dans cette croissance retrouvée. Car, à l'inverse de ce que furent les Trente Glorieuses, période où chacun a fini par y trouver un peu son compte, la croissance que nous connaissons aujourd'hui est diaboliquement inégalitaire. Un ressuscité de la fin du

XIXe siècle retrouverait mieux ses marques aujourd'hui qu'au début des années 60.

Cette accumulation nouvelle de richesses prend un tour aussi inégalitaire parce qu'une nouvelle strate s'est constituée au point de dominer l'ensemble du système.

Le capitalisme financier a réussi à briser tous les éléments de contrainte qui pouvaient peser sur son développement.

Chantage à la délocalisation, pression sur les Etats par le biais de la spéculation sur les devises : il peut sans cesse réduire ses coûts sans aucune contrepartie et maximiser ainsi ses profits. Plus besoin de compromis ! A ceux qui voudraient résister on fait valoir la longue liste de ceux qu n'attendent que de prendre leur place, et ce message vaut autant pour les gouvernements que pour les individus.

S'est installée ainsi une nouvelle forme de pouvoir : la corporate governance ou le despotisme des actionnaires, que certains voudraient pérenniser une fois pour toutes, au travers de la mise en place des fonds de pension, qui n'est en fait que la version actuelle de la vieille association capital-travail.

P our ceux qui auraient besoin d'une illustration concrète pour accepter ce constat, point besoin de détour : il suffit de lire le dernier rapport de l'INSEE.

L'explosion de la spéculation boursière et financière est telle que ce sont les inégalités de patrimoine qui ont explosé ces dix dernières années. Ainsi, l'année dernière, la « performance » pour les actions françaises a approché les 30 %. Du coup, les 10 % des ménages les plus pauvres ont un patrimoine moyen de 5 000 francs et les 20 % les plus riches, de 2 millions de francs, soit 400 fois plus ! Alors, oui, la confiance semble revenue et la France porte haut ses couleurs. Les affaires reprennent, on retrouve le goût de la consommation. Mais ce sentiment est, hélas ! bien plus perceptible dans les centres-villes que dans les cages d'escalier de la cité de la Grande-Borne à Grigny.

Il y a ainsi, à la périphérie du système, des zones où les variations de la croissance ne signifient rien, n'ont aucune traduction concrète. On peut choisir d'ignorer ces zones, et cacher la misère comme on dissimule la poussière sous les meubles. Mais la poussière n'a pas disparu. Pis, le risque existe qu'on finisse par oublier où on l'avait cachée. Et si, par malheur, elle avait l'outrecuidance de vous rappeler son existence, alors on la disperserait d'un pied rageur.

Voilà pourquoi - je le dis clairement, et ce peut être un sujet de débat entre nous - je ne crois pas que l'on puisse corriger les désastreux effets antisociaux que le système génère en s'exonérant de s'affronter à lui.

A sa manière, le président de la commission des finances éclaire cette question : pour réduire les inégalités qu'engendre le système des stock-options, on ne peut se contenter d'exiger simplement de la transparence.

Si le constat des inégalités induit une insurrection morale, entendons-nous bien sur le contenu de la morale.

Ce qui nous indigne, ce n'est pas de ne pas pouvoir contrôler. Ce qui nous indigne, c'est l'écart terrible qui existe entre celui qui s'enrichit en dormant ou en tapant un ordre de vente ou d'achat sur un clavier d'ordinateur, et cette mère de famille qui se lève aux aurores pour gagner son SMIC, sans savoir si le lendemain ne sera pas pire que la veille.

La morale, ce n'est donc pas l'exigence d'une régulation. La morale, c'est ce qui donne un sens à la régulation. Pour moi, ce sens est clair et porte un nom : redistribution.

Vous avez ici la première partie de la réponse à la question que je vous ai posée au début de mon intervention. Redistribuer, c'est bien l'objectif que nous devons avoir lorsque nous discutons du projet de loi de finances. L'arme budgétaire, pour l'action politique d'un gouvernement de gauche, se doit d'être au service de la redistribution.

Voilà pourquoi je ne participerai pas au choeur des pleureuses qui nous rappelle en permanence le poids prétendument excessif des prélèvements obligatoires. Car l'honnêteté consiste à dire que le problème n'est pas le trop d'impôt mais le mal-impôt.

N'avoir comme seul étendard, comme seul mot d'ordre, que la baisse des impôts, c'est sombrer dans la confusion. Je le dis tout net : je suis pour que l'on augmente les impôts sur certaines richesses. C'est le sens de tous les amendements que j'ai présentés depuis plusieurs années, notamment sur la taxation des marchés financiers, sur ce qu'on appelle désormais la taxe Tobin. De telles mesures permettraient de mieux répartir l'impôt, de faire


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en sorte qu'il ne repose pas toujours sur la même catégorie de la population, celle qui ne dispose que de revenus salariaux, qui finit par croire qu'elle supporte l'ensemble de la solidarité et qui s'apprête parfois à rompre le pacte de solidarité, tant le poids lui en paraît excessif.

Je sais bien, monsieur le ministre, que vous voyez en moi un professeur Nimbus, comme vous me l'aviez dit si amicalement l'année dernière. Mais, cette année, il y a plus de 120 professeurs Nimbus dans cet hémicycle, qui sont comme moi convaincus qu'une taxe Tobin de 0,05 % ne va pas tuer la bourse parisienne.

Je suis persuadé qu'il faut mieux répartir les impôts directs, mais je le suis tout autant qu'il nous faut aller de l'avant dans la baisse des impôts indirects, socialement injustes.

Je sais aussi, monsieur le ministre, que vous pensez que toutes les baisses de TVA ne sont pas bonnes à prendre.

Mais cette année, malgré tout, l'idée a fait son chemin, comme vos oreilles ont pu l'entendre à de nombreuses reprises au cours de la discussion.

De ce point de vue, si l'on peut se féliciter de la baisse de la TVA sur les travaux dans le bâtiment, rappelons qu'elle ne touche qu'un segment de la population. Je suis convaincu qu'il est possible et souhaitable de faire mieux, sur la restauration traditionnelle, sur la consommation d'eau, d'électricité, de gaz et de téléphone, ainsi que sur certains produits culturels.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Julien Dray.

J'ajouterai, au risque de décevoir encore la société bien-pensante, que la redistribution, c'est aussi la dépense publique. Ce n'est pas forcément un titre de gloire que de revendiquer comme un fait d'armes la stabilité des dépenses de l'Etat. Si l'on veut casser les ghettos, garantir à chacun une santé et une éducation publiques de qualité ou encore des transports sûrs et agréables, on ne peut pas toujours demander aux fonctionnaires de faire plus et mieux avec moins. L'exigence de qualité impose que l'on créé des emplois et que l'on investisse dans la rénovation des services et des infrastructures. A l'heure d'Internet, est-il normal que, dans l'administration publique de la quatrième puissance mondiale, on fasse encore tourner la machine à alcool ? Faire la chasse au gaspillage, mieux utiliser l'argent public, le rendre performant, est un vrai devoir, mais il ne peut se réduire à la compression budgétaire. Ici, M. Claude Allègre aurait sans doute du mal à me démentir.

M. le président.

C'est votre conclusion, monsieur Dray ?

M. Julien Dray.

J'y viens.

M onsieur le ministre, vous l'avez compris, les remarques que je viens de vous faire ne sont pas l'expression d'une sorte de supplément d'âme ou de la recherche d'une marginalité esthétique.

En parlant des excédents de recettes fiscales, il m'est revenu en mémoire une période que nous avons connue ensemble comme parlementaires : celle des années 1988 à 1991. A l'époque, nous avions longuement disserté sur la répartition des fruits de la croissance, mais force est de constater que cette répartition n'avait pas été à la hauteur de ce que nous espérions. Et nous avions été nombreux à regretter, dans la France de l'année 1993, l'absence de prise de risque et l'occasion manquée qui nous avait conduits, certes, à bien gérer les « grands équilibres », mais à ne pas assez réduire les inégalités.

Nous n'en sommes pas là, loin s'en faut. Et, nous le savons, l'histoire ne se répète pas. Mais pour éviter qu'elle ne bégaye, mieux vaut prendre toutes les dispositions nécessaires. Si cette discusion budgétaire a une utilité, c'est bien d'évoquer devant vous l'impérieuse nécessité d'aller de l'avant dans la redistribution. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Ernest Moutoussamy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est difficile de parler juste après Julien Dray et sa fougue d'autant que je commencerai sur un ton plus léger, pour signaler que depuis trois ans, chaque année à pareille époque, la droite est atteinte du syndrome Paco Rabanne : ne pas avoir grand-chose à dire et prévoir l'Apocalypse pour se faire remarquer.

M. Germain Gengenwin.

Vous êtes bien placés pour dire ça !

M. Eric Besson.

Mais Paco Rabanne a un avantage sur nos collègues : ses éclipses de lucidité sont provisoires.

Lorsqu'il a annonçé la chute de Mir sur Paris, il s'est terré et il nous a dit qu'il ne recommencerait pas. Nos c ollègues Auberger er d'Aubert quant à eux recommencent chaque année.

L'année dernière ils promettaient l'écroulement de la croissance qui allait entraîner l'enchaînement maléfique décrit par M. Auberger. Cette année, nous l'avons compris, les couleurs de l'automne sont l'absence de sincérité du budget, la hausse des dépenses publiques et l'étranglement par l'impôt. Tout cela n'est pas très important et l'automne prochain personne ne s'en souviendra plus, Peut-être pas même eux ! Le seul à souffrir en silence sera le Journal officiel , mais on dit qu'il y est habitué...

Il faut vous féliciter, messieurs les ministres de renouer avec un cercle vertueux que nous a décrit hier Dominique Strauss-Kahn. Oui, la consommation, la croissance, la création d'emplois et la confiance évoqués à juste titre, à l'instant par Julien Dray sont revenues.

Permettez-moi d'évoquer un sujet dont vous savez qu'il me tient à coeur : celui de la création d'entreprises. Vous connaissez mieux que quiconque le diagnostic : lentement mais sûrement, la création d'entreprises baisse en France depuis dix ans.

M. Michel Bouvard.

Oui. Pourquoi ?

M. Eric Besson.

Vous connaissez les enjeux d'ordre politique. La liberté d'entreprendre est en France une liberté formelle, or nous souhaiterions qu'elle devienne une liberté réelle. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)

Vous connaissez les enjeux économiques - il s'agit de développer la création d'emplois -, les enjeux d'aménagement du territoire - la création de toute petite entreprise doit être un outil de développement local pour les zones urbaines sensibles, comme pour les zones rurales menacées de désertification.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Eric Besson.

Vous connaissez enfin les enjeux sociaux : trop souvent les créateurs sont - mais il ne faut pas s'en plaindre parce que c'est un outil d'insertion comme un autre - des chômeurs, donc plus fragiles que les autres.

Votre gouvernement, celui que nous soutenons, en deux ans, a beaucoup fait en matière de création d'entreprises, notamment en direction des entreprises inno-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

vantes. Je ne rappellerai pas toutes les mesures qui ont été prises. Cette année encore, vous nous proposez un certain nombre de mesures. L'une symbolique mais importante, la suppression de la taxe de 1 500 francs sur les créations de sociétés.

Nous sommes probablement nombreux et peut-être sur tous les bancs de cet hémicycle à penser qu'il faut aller plus loin. Nous connaissons tous les blocages rencontrés par les créateurs d'entreprises, et de petites entreprises notamment. Notre réseau national d'accueil et d'accompagnement public et privé des créateurs est faible. Ce qui m'amène à vous poser, messieurs les ministres, la question de la réforme des chambres de commerce. Pensez-vous qu'elle sera mise en oeuvre et, si oui, dans quels délais ? Parce que si elles en sont pas les seules en cause, il est clair que les chambres de commerce ont maintenant donné la preuve de leur faiblesse structurelle en matière d'accueil et d'accompagnement des créateurs.

Quant à la couverture sociale, elle est largement inadaptée au statut du créateur ; paradoxalement, celui qui prend des risques est plus puni que celui qui n'en prend pas. Il ne s'agit pas seulement et d'abord du niveau des charges sociales, mais de leur progressivité.

Enfin et vous le savez, l'accès au financement ne permet pas à celui qui a un bon projet mais ne dispose pas de ressources personnelles d'accéder à la création d'entreprises.

Pour conclure, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai que le destin de la gauche est de faire, sur le plan économique, ce que la droite promet mais n'est pas en état de faire. L'année dernière vous l'avez fait, pour la part salariale de la taxe professionnelle, dont on nous avait dit pendant longtemps que c'était un impôt injuste, voire imbécile. Vous le faites cette année pour la TVA en adoptant un certain nombre de mesures ciblées.

M. Alain Barrau.

Ce n'est pas un projet de la droite.

M. Eric Besson.

Certains de nos collègues voudraient que vous alliez plus loin. Vous nous laissez entendre que cela pourrait être le cas à l'avenir. Nous sommes nombreux à espérer, qu'en matière de création d'entreprises, la gauche pourra très bientôt présenter un bilan aussi flatteur que celui que vous proposez actuellement sur le plan économique en général et sur le point particulier des entreprises innovantes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, j'insisterai dans mon propos sur une disposition centrale du projet de loi de finances, en l'occurrence l'article 3 relatif à l'application du taux de TVA réduit à 5,5 % sur les travaux d'entretien et de réparation des locaux d'habitation de plus de deux ans.

Cette disposition centrale a une forte signification et se situe manifestement bien au-delà des symboles. Elle marque une rupture franche et massive avec une situation qui dans la branche concernée, le bâtiment, était très pénalisante sur le plan économique, social et même du point de vue du cadre de vie, avec le problème de l'habitat. Il s'agit aussi d'une rupture avec ce que nous avons connu en 1995, une année très noire au plan fiscal puisque le Gouvernement de l'époque a proposé et fait voter une augmentation de deux points du taux normal de la TVA, qui est passée ainsi à 20,6 %.

Cette mesure a représenté un prélèvement massif de plus de 65 milliards de francs en année pleine sur l'économie nationale, ce qui n'était pas rien. On pouvait ensuite faire quelques ronds dans l'eau avec la diminution de l'impôt direct, avec une telle charge sur l'impôt indirect, l'effet était quasiment nul. La mesure, qui fait passer le taux de TVA de 20,6 % à 5,5 % pour les travaux susindiqués est donc un véritable allégement fiscal.

L'inventeur de la TVA, Maurice Lauté, autrefois directeur général des impôts, puis président de la Société gé nérale, disait lui-même de l'impôt qu'il avait créé que ce n'était ni plus ni moins qu'un impôt progressif sur le revenu, retenu à la source dès le premier franc.

M. Christian Cuvilliez.

C'est une drôle de définition !

M. Alain Rodet.

Manifestement, on assiste là à un véritable allégement fiscal massif. Il s'agit aussi d'une action en faveur de l'emploi dans un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre, le bâtiment, et à faible flux d'importation, même si aujourd'hui, heureusement, la contrainte extérieure s'est fortement desserrée.

Il s'agit également d'une mesure puissante contre le travail noir, d'une lutte frontale contre une forme très pernicieuse d'évasion fiscale, qui a été souvent dénoncée mais jamais véritablement combattue, ainsi que d'une action de forte ampleur en faveur de l'habitat. En France, le logement est manifestement le secteur où il nous faut faire encore beaucoup d'efforts pour améliorer la situation.

Et puis, il s'agit d'une mesure de justice fiscale. Et à ceux qui prétendent qu'elle n'est qu'une mesure susceptible de bénéficier aux classes moyennes ou aux classes aisées, je réponds que c'est inexact.

La modulation du système de crédit d'impôt préexistant témoigne de votre volonté de faire pleinement bénéficier de cette mesure ceux qui ont précisément le plus besoin d'améliorer leur habitat. Et puis, ce n'est pas la moindre des choses, cette proposition contenue dans l'article 3 du projet de loi de finances a une dimension contractuelle, partenariale, pourrait-on dire, avec une grande confédération professionnelle, je veux parler de la confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB. Cette confédération représente 265 000 entreprises et plus de 1 200 000 emplois. C'est le tiers du secteur des emplois du bâtiment, c'est une organisation responsable...

M. Michel Bouvard.

La Fédération de l'hôtellerie aussi.

M. Alain Rodet.

... qui, sur le problème des 35 heures, s'est montrée infiniment plus intelligente que le MEDEF.

C'est une organisation qui dès 1946, par la voix de son président fondateur, M. Lecoeur, conseillait aux travaill eurs indépendants d'adhérer à la sécurité sociale.

Combien de drame aurait-on évité si elle avait été écoutée à l'époque.

C'est donc en effet une confédération pleinement représentative qui participe à la mise en place de ce nouveau dispositif.

Il arrive que de grands esprits...

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous n'en sommes pas !

M. Alain Rodet.

... manquent à certains moments de pertinence. Le grand Alfred Sauvy lui-même, a écrit : Vive le travail noir, un de ses derniers ouvrages, et a critiqué la loi sur les quarante heures en 1936. Comme quoi, on peu être un grand démographe et se tromper complètement sur les grandes intuitions économiques.

M. Jean-Marc Nudant.

Il était socialiste !

M. Alain Rodet.

En vérité, avec l'article 3 de la loi de finances, on est manifestement devant une puissante incitation à la justice fiscale et à l'efficacité économique. Et


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puisque nos collègues de l'opposition sont sensibles à quelques-uns de mes arguments, je leur dirai qu'il est encore grand temps de s'associer au vote de cette mesure.

M. Michel Bouvard.

Nous le demandons depuis trois ans !

M. Jean-Marc Nudant.

C'est une provocation !

M. Alain Rodet.

A vous qui, dans la législature précédente, avez voté en 1994 les contrats Madelin en faveur des travailleurs indépendants, véritables pièges fiscaux...

M. le président.

C'est votre conclusion, monsieur Rodet ?

M. Alain Rodet.

... je dirai qu'il est grand temps de venir nous rejoindre pour voter cette diminution de quinze points de la TVA. Vous qui avez augmenté la TVA en 1995 de 18,60 % à 20,60 % en faisant un prélèvement de 70 milliards de francs sur l'économie, rejoignez-nous.

M. Michel Bouvard.

C'était la conséquence du traité de Maastricht !

M. Alain Rodet.

Finalement, il y a une conclusion à tout cela : messieurs de l'opposition, mieux vaut être plusieurs sur une bonne affaire que seul sur une mauvaise.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après les longues i nterventions que vous avez subies, messieurs les ministres, je suis désolé, à une heure aussi tardive, de vous retenir encore un peu. Mais je vais m'appliquer à vous démontrer les raisons objectives de notre demande de renvoi en commission.

M. Christian Cuvilliez.

Vite fait, bien fait !

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous avons la semaine dernière examiné le projet de loi de finances pour 2000 en commission des finances. J'aurais aimé vous dire que nous y avons passé beaucoup de temps. Mais la machine est bien huilée et les consignes sont précises. A chaque amendement présenté par l'opposition, quelle qu'en soit l'origine, la réponse est : « Non, votre proposition n'est pas intéressante. »

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas vrai ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Tout est ficelé. La réponse tombe comme un couperet : « Le Gouvernement a tranché », ou « Un rapport est en cours », ou encore « Nous avons décidé cette année de ne pas parler de ce sujet ».

M. Jean-Pierre Brard.

Pas de votre sujet !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est une façon de faire très contestable, voire difficilement supportable.

En bref, la commission ne fait pas le travail pour lequel elle est mandatée. Cependant, cela permet quelquefois d'éviter des explications dilatoires de notre excellent président ou du rapporteur général.

Je suis d'ailleurs frappé que leurs prestations d'hier confirment mes propos. Le rapporteur général a abordé quelques amendements seulement, préparés par la majorité plurielle, tout particulièrement le coûteux amendement communiste qui compose le menu en forme de plat de lentilles, je veux parler du 1,5 milliard que paieront en plus les sociétés sur l'avoir fiscal.

Dans la prestation du président Bonrepaux, à laquelle j'ai été très attentif, je n'ai pas entendu un mot sur le travail de la commission des finances qu'il préside. Même pas les mots : « commission des finances ». C'est dire dans quel état de frustration se trouve, messieurs les ministres, la représentation nationale.

Une démocratie moderne ne peut pas admetre qu'une majorité escamote le débat. Pour reprendre ce que disait Laurent Fabius, lors de la présentation de la MEC qu'il a voulu créer avec l'ensemble de la représentation nationale : « On passe à côté du débat démocratique et on se limite à un constat porté après coup. » D'accord, nous

sommes dans l'opposition, mais, messieurs les ministres, mes chers collègues, certains parlementaires n'auraient-ils pas droit de cité parce qu'ils sont dans l'opposition ? Faites au moins semblant d'organiser le débat, s'il vous plaît !

M. Alain Rodet.

Nous n'existions pas entre 1993 et 1996 !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je vous l'assure, l'opposition peut aussi avoir des idées et serait prête à en discuter. Ne désespérez pas la représentation nationale, ni les Français qui ont voté pour elle.

Attention, vous arriverez sinon à remettre à la mode la fameuse expression : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. »

(Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. Yann Galut.

C'est éculé !

M. Jean-Jacques Jégou.

Un retour à de tels propos pourrait nuire à la démocratie en éradiquant le débat d'idées. Il en est de même des agressions caricaturales que l'on pensait bannies depuis 1982.

Il faudrait veiller à garder un fonctionnement de la démocratie plus conforme à ce que souhaitent nos concitoyens.

Bien sûr, malgré notre courte vue, nous connaissons vos contraintes, face aux revendications exprimées par vos alliés, remuants, les Verts, ou encombrants, les communistes. Ils ont d'ailleurs eu raison d'un article qui pouvait montrer votre intérêt pour le développement des entreprises. Je veux parler de l'article 10. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

Craignez que Robert Hue, à qui vous faites les yeux de Chimène, et qui pense s'être refait une santé en défilant dans les rues samedi dernier, ne vous entraîne dans des endroits où vous n'oseriez vous aventurer seuls. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Brard.

Lesquels ? Ça devient intéressant ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais attention, les contingences politiques ne sont pas les seules auxquelles vous devez obéir. Pendant ce temps, 60 millions de Français attendent des réformes de fond qui assureraient leur avenir, et l'Europe ne nous attendra pas pour avancer.

En fait, la majorité colle au Gouvernement et sa pluralité empêche le Gouvernement de traiter des véritables réformes à mettre en oeuvre.


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M. Alain Rodet.

Politique politicienne !

M. Jean-Jacques Jégou.

De temps en temps, on l'a bien vu la semaine dernière en commission des finances, la majorité lève une paupière sur des amendements de l'opposition qui vont dans le même sens que les conclusions des très nombreux rapports parlementaires, de Nicole Bricq, Yves Tavernier ou Eric Besson. Mais la paupière se rabat rapidement sur une proposition de l'opposition, car c'est la majorité qui doit la concrétiser.

Cependant, elle ne le fait pas toujours. N'est-ce pas, monsieur Besson ? Parce que la commission des finances n'a pas bien travaillé, parce que le débat n'a pas eu lieu, il faut renvoyer ce budget en commission.

En effet ce budget, quoi que vous en disiez, messieurs les ministres, manque totalement de sincérité et de transparence. Le démantèlement qu'il organise et son absence de rigueur sont également autant de raisons pour le renvoyer en commission.

Nous allons maintenant voir dans le menu tous ces arguments qui justifient ce renvoi.

Revenons tout d'abord, mes chers collègues, à la MEC.

Cette mission d'évaluation et de contrôle a été mise en place il y quelques mois par le président Fabius, qui disait alors : « contrôler la dépense publique, c'est revenir aux sources de la démocratie parlementaire ». La Déclaration de 1789 n'en fait-elle pas un droit ? L'article XV dit : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Le président de

notre assemblée, il est vrai, n'est pas le dernier à demander au Gouvernement de faire bouger les choses en matière de dépenses et de bonne gestion de l'Etat. L'opposition a été conviée à participer à cette mission et même d'ailleurs à la coprésider. Elle s'est prêtée au jeu avec le plus grand sérieux. L'excès de la dépense publique est en effet l'une des principales préoccupations de l'UDF.

La MEC est donc censée faire des propositions concrètes au Gouvernement pour l'aider à mieux maîtriser les dépenses publiques. Elle s'est attachée à le faire durant plus de six mois, en dehors de toute considération politique, je tiens à noter ce fait remarquable !

M. Yves Deniaud.

Tout à fait.

M. Jean-Jacques Jégou.

Elle a étudié quatre domaines d'intervention de l'Etat : la politique autoroutière, les aides à l'emploi, la police, et l'utilisation des fonds de la formation professionnelle.

C ette mission, de notre point de vue, a eu deux défauts : le premier est le principe des auditions publiques, qui a quelquefois conduit à des silences qui en disaient long, ou d'ailleurs à des contrevérités, voire de sérieux ennuis pour ceux qui s'aventuraient à dire la vérité. Cependant, le public, en particulier les syndicats, a conduit certains responsables à dissimuler des réalités et à ne les avouer qu'entre deux portes, à l'issue d'une audition. Je ne citerai qu'un exemple : celui de la police, où la commission a noté d'après les déclarations publiques, que les horaires travaillés étaient de quarante-quatre heures par semaine, ce qui, reconnaissons-le, est une bonne performance. Malheureusement, à la fin de l'audition, le chiffre de vingt-neuf nous a été avoué sur le ton de la confidence. Et ce n'est pas le seul exemple, mes chers collègues, vous le savez, que je pourrai citer... J'ai comme d'autres reçu sûrement des courriers pour rectifier un certain nombre de déclarations qui s'avéraient soit compromettantes, soit insuffisantes.

Le deuxième défaut, bien plus grave, n'apparaît qu'aujourd'hui, à la lumière du projet de loi de finances. On s'aperçoit en effet qu'aucune des recommandations de la MEC n'a été mise en oeuvre. Pratiquement aucune, à part celle de notre rapporteur général, dont je parlerai : S'agissant de la police, la conclusion de la MEC insistait surtout sur la très mauvaise gestion des effectifs. Le rapporteur lui-même parlait de sous-administration de la police - pour le contrôle des horaires, par exemple, où les fonctionnaires notent leur arrivée et leur départ dans un joli cahier à spirale... jamais vérifié - et proposait, entre autres, une externalisation de certains services - les fameux garages qui ont fait couler beaucoup d'encre. La proposition était donc de redéployer les effectifs, en exerçant un meilleur contrôle. Résultat dans la loi de finances ? Une augmentation de 5 % des moyens de la police, tant en termes d'effectifs que de moyens de fonctionnement. Une expression populaire retrace assez bien ce genre d'attitude, messieurs les ministres : « Cause toujours, tu m'intéresses ». En gros, vous n'avez que faire du travail de la MEC. J'imagine d'ici votre oeil goguenard lorsque nous travaillions. « Occupez-vous, mes petits, pendant ce temps, nous faisons ce que nous avons à faire ».

C'est pire encore en matière de politique autoroutière, où l'on assiste à une véritable provocation : nous avons conclu à une ponction trop importante de l'Etat sur les sociétés d'autoroutes - à la suite de la loi d'aménagement du territoire de 1994, et nous l'avons reconnu avec beaucoup d'honnêteté -...

M. Yves Deniaud.

Exactement !

M. Jean-Jacques Jégou.

... qui ne leur permet pas de rembourser les dettes énormes qu'elles ont contractées pour développer le réseau français, qui est l'un des meilleurs, soit dit en passant. Résultat dans la loi de finances : vous augmentez la ponction sur ces sociétés de 12,5 % !

M. Yves Deniaud.

Tout à fait.

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est presque un pied de nez à la représentation nationale. Message reçu cinq sur cinq.

La seule chose concrète que l'on a vu a pris la forme d'un amendement en commission, pour reprendre un peu plus d'un milliard sur les aides à l'emploi, qui en comptent près de 400. Bel effort, monsieur le rapporteur général...

J'approuve, puisque nous étions d'accord mais c'est insuffisant.

Quant à la formation professionnelle, vous augmentez entre autres, les crédits de l'AFPA de 320 millions de francs, après plusieurs auditions qui ont unanimement scandalisé la MEC sur l'inadéquation entre la dépense et les résultats obtenus, qu'il s'agisse d'ailleurs des organismes de formation professionnelle ou de l'AFPA, qui est le bras armé de l'Etat en matière de formation.

Je me souviens, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, vous avoir entendu, dans un débat hors de nos murs, vous féliciter du travail de la mission d'évaluation et de contrôle. Je constate que vous en avez tenu grand compte, en ne touchant pas à un cheveu de la dépense publique ! Vous vous êtes en effet attaché, et vous ne pourrez pas dire le contraire, à faire exactement l'inverse de ce que proposait la mission, laquelle avait pourtant de belles promesses à tenir.

Peut-être notre rapporteur général, Didier Migaud, avait-il compris cela dès le départ, puisqu'il écrit page 63 du rapport de la MEC : « Le budget de l'Etat reste un budget de moyens, hermétique à toute logique en termes de résultats. » C'était faire preuve de beaucoup de clair-


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voyance ! Nous attendrons donc ses propositions sur la réforme de l'ordonnance de 1959, pour décider de la poursuite de notre participation à la MEC.

Malgré le temps consacré depuis le 15 septembre, en commission, aux auditions et à l'examen des articles, il n'y a pas eu de débat au fond. Ce sont presque deux mois de travail quasi inutiles qui vont se conclure cette semaine. Ce n'est pas très encourageant et peu glorieux p our la majorité, et cela justifie amplement notre demande de renvoi en commission.

Venons-en au budget lui-même.

M. Jean-Pierre Brard.

Oui, au fait !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est beaucoup question de conjoncture, ce qui est normal dans le cadre de la préparation d'un budget.

Monsieur Brard, vous étiez membre de la MEC, mais nous ne vous y avons pas vu beaucoup.

M. Jean-Pierre Brard.

Je travaillais sur les sectes et sur la fraude dont vous n'avez pas parlé !

M. Jean-Jacques Jégou.

Peut-être. En tout cas, ne vous exprimez pas sur la MEC, car vous n'y connaissez rien.

M. Jean-Pierre Brard.

Nous allons parler du moratoire Sarkozy dont vous ne dites rien !

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous avez fait, hier, monsieur le ministre, dans une envolée proche d'un cours magist ral, un développement sur la responsabilité de la conjoncture. Vous avez d'abord posé la question de savoir si l'on pouvait prétendre que le Gouvernement n'était pour rien dans la reprise de la croissance. Vous avez même été jusqu'à dire qu'affirmer que l'économie ne pouvait être influencée par l'action d'un gouvernement relevait d'un présupposé idéologique. Vaste débat que je n'entamerai pas à cette heure tardive ! Reconnaissez simplement - vous l'avez fait cet aprèsmidi, à la suite de l'intervention de M. Méhaignerie que la tâche des gouvernements Juppé et Balladur était beaucoup moins aisée que la vôtre et, surtout, qu'elle intervenait après une énorme bévue dans la loi de finances pour 1993, préparée par votre majorité, qui nous fit passer de 180 milliards de déficit à 320 milliards pour cette seule année. L'exercice, reconnaissez-le, n'était pas facile dans un contexte de récession totale, que vous n'avez d'ailleurs pas contesté.

Aujourd'hui, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître la nette amélioration de l'environnement économique mondial, ce que vous ne faites d'ailleurs pas, messieurs les ministres. La croissance est là, et tout le monde s'en réjouit. Elle est créatrice d'emploi. L'environnement européen est satisfaisant. Les recettes rentrent à flots dans les caisses de l'Etat. Tout va bien ! Cependant, dans un monde ouvert, nous ne pouvons pas ignorer le contexte international, vous en avez convenu, vous-même hier à cette tribune, monsieur le ministre, en particulier en ce qui concerne l'économie américaine. Dans ce pays la croissance est forte, on parle même de surchauffe. De nombreux spécialistes évoquent une bulle spéculative aux Etats-Unis. Or nous savons que notre économie est encore trop dépendante de l'économie américaine même si nous pouvons le déplorer. Tel est le cas de l'Européen convaincu que je suis. Si d'aventure, le Dow Jones perdait d'un coup 20 à 25 %, il nous entraînerait dans sa chute.

C'est ce type de risque, que vous devez prévoir.

Nous souffrons toujours de cette dépendance. Il est donc urgent d'organiser une meilleure déconnexion avec les Etats-Unis. En attendant, c'est le jeu de yo-yo entre l'euro et le dollar. En ce moment, nous le savons, nos entreprises ont plus de mal à exporter avec un euro valant 1,08 dollar qu'avec un euro à 1,03 dollar, comme cela était le cas il y a encore trois semaines. Or l'un des éléments de notre croissance, vous le savez, messieurs les ministres, mes chers collègues, est la bonne tenue de notre balance commerciale et les performances exceptionnelles des exportations.

Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir : 2000 s'annonce mieux que 1999, avec des estimations de croissance comprises entre 2,6 % et 3 % du PIB. Pourtant vous ne vous en servez toujours pas pour assainir en profondeur les finances de l'Etat. Je souhaite, comme vous, que cette croissance perdure, mais les risques n'ont pas disparu, vous l'avez reconnu vous-même, monsieur le ministre.

Mais comment feriez-vous si la croissance perdait de sa vigueur ? Nous reviendrions alors à la situation des années 80, avec le cercle infernal du besoin de financement de l'Etat, de la progression de la dépense publique, du refroidissement de l'économie. Les Français ne le supporteraient pas. Je sais que vous ne le cherchez pas ; c'est cependant ce que nous risquons en poursuivant une politique des petits pas, en ne réduisant le déficit de l'Etat que de 21 milliards, alors que vous aviez les moyens de faire bien plus grâce aux recettes supplémentaires. Il est cependant vrai que, avec toutes les dépenses nouvelles, le bouclage de ce budget a dû être difficile.

Cette croissance est fragile, vous le savez bien. L'intérêt du pays est que vous gardiez toujours cela à l'esprit, en ne créant pas de sources de dépenses nouvelles et récurrentes, voire en diminuant sérieusement celles existant déjà et qui sont superflues ou inutiles, et elles sont nombreuses. Le groupe UDF a d'ailleurs préparé des propositions qu'il vous présentera dans le cadre de son article d'équilibre et au cours de l'examen de la deuxième partie.

La croissance et l'emploi sont les combats communs de tous les acteurs économiques et politiques de notre pays, dans le seul intérêt des Français. Chaque franc dépensé doit servir à cette seule finalité. La croissance est le meilleur allié du combat pour l'emploi et non l'interventionnisme d'Etat. Malheureusement, notre crainte est que la nature timide, voire statique et peu ambitieuse de la politique du Gouvernement ne dope pas suffisamment la croissance. En fait, l'heureuse période que nous traversons devrait pousser à mettre en oeuvre les grandes réformes de fond dont le pays a besoin. Tel n'est pas le cas et les Français ne tarderont pas à s'en rendre compte.

En analysant la présentation de votre budget, on peut légitimement se poser la question de sa sincérité. En effet, tant les recettes que les dépenses sont sous-évaluées.

En fait, pour la dernière loi de finances, vos évaluations de croissance étaient trop fortes. Nous parlions de 2,3 % de progression au lieu des 2,7 % que vous aviez prévus dans votre projet et nous avions raison. Pour cette année, il y a une variante : vous ne surévaluez pas, vous sous-évaluez. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat sur le collectif. Pour l'instant, cela vous permet d'éviter le débat sur une utilisation active de la croissance.

En ce qui concerne d'abord les recettes, le rapporteur général du budget, Didier Migaud, a lui-même débusqué le fait qu'elles seront, l'an prochain, supérieures à celles annoncées par le Gouvernement. D'après lui, cela irait bien au-delà de 12 milliards de francs. Il est vrai qu'au


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cours des seuls huit premiers mois de l'année en cours, sont entrés plus de 75 milliards de recettes supplémentaires par rapport à la même période de l'année précédente.

Cela prouve à quel point la croissance a été bonne en 1998 ; merci au passage aux entreprises et à leurs salariés ! Cela confirme que les prélèvements obligatoires sont en hausse ; vous l'avez dit. Mais cela démontre également que les recettes prévues pour 2000 sont vraisemblablement sous-évaluées, même si l'on doit compter sur une croissance moins soutenue pour l'année 1999.

Les impôts supplémentaires que les Français ont payé en plus cette année sont dus, vous le savez, à vos mesures d'abaissement du plafond du quotient familial. Vous en constatez aujourd'hui les dégâts. Perseverarae diabolicum, puisque nos amendements proposant un retour à la situation de 1997 ont été balayés en commission.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est débrouillé pour trouver de l'argent un peu partout, à commencer par les fonds provenant du FARIF. Ce fonds d'aménagement de la région Ile-de-France est alimenté par une taxe directe sur les bureaux, sur les locaux commerciaux et sur les locaux de stockage des seules entreprises franciliennes, ainsi que - je le souligne car cela est incroyable ! - sur les bureaux de nos mairies, et même de notre assemblée qui est taxée parce qu'elle est située en Ile-de-France !

M. Michel Bouvard.

Délocalisons ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

De plus, cette taxe a été très fortement augmentée l'an dernier.

Avec votre projet de loi de finances, les entreprises franciliennes vont désormais alimenter directement le budget général de l'Etat, au lieu de contribuer à aménager la région Ile-de-France. Sur cette recette particulière, vous consentez seulement à reverser une petite partie à la région. Merci de votre générosité, mais cela n'est pas convenable.

Dans le même esprit, le pompage de 250 millions de francs supplémentaires opéré sur les agences de bassin surtout, soit dit en passant, sur celle de Seine-Normandie, vont venir à votre secours pour assurer, à la place de l'Etat, le financement d'investissements qui relèvent pourtant de sa responsabilité. De telles pratiques permettent de trouver facilement de l'argent. Même en période de croissance et malgré les recettes supplémentaires, les réflexes prédateurs de Bercy sont toujours présents et vous continuez à pomper l'argent là où vous le pouvez.

M. Michel Bouvard.

Les Shadoks de Bercy ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Il faut en outre mettre en évidence le sérieux problème du démantèlement du budget de l'Etat. Les tours de passe-passe sont nombreux et assez peu ordinaires. Il suffirait, pour s'en persuader, de voir l'embarras de deux ministres auditionnés le même jour p ar la commission des finances : M. Sautter et

Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils auraient mieux fait de déjeuner ensemble pour se mettre d'accord car ils se sont renvoyés constamment la balle sans le savoir : ce n'était pas leur affaire ; il fallait demander à son collègue du Gouvernement car cela relevait de son budget. L'exercice a été assez édifiant. En vérité, nous avons passé une triste journée et la commission des finances est restée sur sa faim.

Vous avez à peine évoqué le sujet hier, monsieur le ministre, et vous allez balayer l'objection d'un revers de manche, en expliquant que cela ne vous concerne plus.

C'est une façon de faire un peu légère, me semble-il. En effet, avec le transfert tant de recettes - droits sur les tabacs pour 43 milliards et TGAP pour 2 milliards - que des dépenses - ristourne Juppé-Barrot et 35 heures - du budget de l'Etat vers la sécurité sociale, le premier se vide peu à peu.

Les passerelles se multipliant entre les deux budgets, l'examen de comptes consolidés entre ces deux entités devient nécessaire, car on ne sait plus si c'est l'Etat qui abandonne ses prérogatives à la sécurité sociale ou si c'est la sécurité sociale qui s'étatise.

En 2000, 60 %, des prélèvements obligatoires iront à la sécurité sociale, contre 40 % seulement au budget de l'Etat. Il faudra donc bien une approche consolidée des deux pour estimer valablement ne serait-ce que le taux des prélèvements obligatoires.

M. Yves Deniaud.

Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je comprends mieux pourquoi vous avez inauguré une pédagogie de la relativité des prélèvements obligatoires. En fait, le transfert des allégements de charges que l'Etat s'était engagé à financer depuis 1994, ainsi que ceux afférents aux 35 heures, fait de la loi de financement de la sécurité sociale un instrument pratique de gestion des finances publiques, à la discrétion de l'Etat, et beaucoup plus souple que le budget.

Ce démantèlement vous permet d'afficher la stabilisation des dépenses et nous avons ainsi un tableau en trompe-l'oeil, dont la réalisation est rendue possible grâce à la création de trois fonds : le fonds de compensation des allégements de cotisations sociales, le fonds pour la CMU et le fonds amiante.

En 2000, ces fonds permettront de sortir du budget au moins 66 milliards pour les 35 heures, 5,3 milliards pour la CMU, et 200 millions pour l'amiante. Un total de 71,5 milliards de dépenses n'apparaîtra donc pas dans le budget de l'Etat. Ces trois fonds seront alimentés par les nouveaux impôts, par les entreprises et par les régimes sociaux.

Pour ce qui est de l'UNEDIC, la journée a été mémorable. Nous sommes en plein psychodrame. Ce qui s'est passé justifie pleinement la motion de renvoi en commission, que je suis en train de défendre. En effet, même si Mme Aubry ne nous a toujours pas dit lors des questions au gouvernement de cet après-midi comment elle financerait sa politique, les menaces de la coalition patronatsyndicats ont eu raison d'elle. J'en suis désolé pour mon ami Charles de Courson, privé de son « don gratuit » dont il a brillamment parlé hier soir.

M. Jean-Pierre Brard.

Ah, il y a eu au moins un qui a compris M. de Courson ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales pourrait avoir, m'a-t-on dit de sources bien informées, des précisions la semaine prochaine.

On comprend mieux aujourd'hui l'inquiétude manifestée lundi soir par notre excellent collègue, M. Cahuzac, qui a fait adopter un amendement demandant que soit présenté, dans tous les cas, un budget équilibré sans pour autant prévoir l'origine des recettes. Cela a permis au président Bonrepaux de s'engouffrer dans la brèche avec un sous-amendement remettant sur le tapis la taxation des entreprises sur la valeur ajoutée, ce qui avait pourtant été écarté par le Gouvernement.

Pouvez-vous m'assurer, monsieur le ministre, que ce ne seront pas une nouvelle fois les entreprises et les ménages qui paieront ? Est-ce bien vous d'ailleurs qui pouvez répondre à cette question ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

Au fait, connaissez-vous la devinette : « Qu'est-ce qui coûtera 105 milliards de francs et qui ne figure pas dans le budget de l'Etat ? » Les trois fonds et le budget de la sécurité sociale nous apportent la réponse.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est dans le budget de la sécurité sociale.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je sais, monsieur le ministre, que votre objection sera qu'on ne peut raisonner ainsi, car les allègements de charges ne sont pas des dépenses supplémentaires. Mais ce n'est pas parce que vous retirez la ristourne Juppé-Barrot, appelée compensation de l'exonération de diverses cotisations sociales, du titre IV du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité qu'elle ne constitue plus une dépense. Il s'agit certes d'une dépense active et vertueuse, mais d'une dépense tout de même.

La création de ces trois fonds masque l'augmentation de la dépense publique. Nous nous retournons donc vers Mme Aubry pour lui poser la même question qu'à vous : pourquoi ne pas financer ces aides structurelles par une baisse des dépenses publiques ? Entre nous, monsieur le ministre, ne serait-il pas de bonne politique, plutôt que de développer la ristourne, d'instituer une franchise à due concurrence de la ristourne existante ? Depuis deux ans et demi que vous êtes au pouvoir et compte tenu de l'amplification que vous avez souhaité donner à cette politique, vous auriez pu mettre en place un système plus simple.

Quant aux dépenses, elles n'augmentent évidemment pas de 0,9 %, seulement. Nous estimons qu'elles progresseront de plus de 3 %. Là se situe, messieurs les ministres, la pierre angulaire de notre désaccord.

Examinons donc la progression de certaines dépenses prévues pour 2000 en commençant par les 20 milliards de francs du titre III, qui ne servent qu'aux seules rémunérations, pensions et charges des fonctionnaires de l'Etat.

Je précise d'abord, une fois de plus, qu'il ne s'agit pas de

« taper » sur les fonctionnaires, comme ne manquera pas de me le reprocher M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Jean Vila.

Vous n'aimez pas les fonctionnaires !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il faut simplement se poser la question du niveau raisonnable de la dépense. Vous savez, en effet que l'on ne pourra pas continuer ainsi, puisque les dépenses de personnel de l'Etat constituent 40,6 % des dépenses, mais aussi, et cette comparaison est plus parlante, 46,7 % des recettes du budget de l'Etat. Les Français doivent savoir que près de la moitié de leurs impôts servent à payer les fonctionnaires et leurs pensions de retraite.

Il ne s'agit pas, non plus, de demander une diminution des impôts pour réduire les services publics. Il convient surtout d'optimiser et de rendre plus efficaces les actions de l'Etat et de ses services. Une fois de plus, le principe des services votés nous en empêche.

Toujours dans le titre III, les dépenses de fonctionnement des administrations augmentent de 1,62 %, soit 3,2 milliards de francs. Qu'est-ce qui vous empêche, messieurs les ministres, de prévoir un budget à 0 % d'augmentation en la matière ? Rien ! Nous y parvenons dans nos collectivités, sans diminuer la qualité des services, bien au contraire. Rien sauf à ne pas vouloir s'opposer aux habitudes de vos administrations, en ne leur demandant aucun effort.

Vous, monsieur le ministre, qui êtes élu de Sarcelles, devez bien savoir qu'il est possible d'élaborer un budget équilibré à condition d'être vraiment rigoureux sur des dépenses qui peuvent être contrôlées. Ce n'est malheureusement pas ce que vous faites pour l'Etat. Il est vrai qu'en la matière, les déficits étant autorisés, les efforts sont moins impératifs. Chef d'entreprise et maire, je fais partie de ceux qui militent pour la présentation d'un budget en équilibre.

Ces économies seraient d'autant plus faciles à réaliser que l'inflation a disparu, disons plutôt qu'on la fait survivre, parce que cela est bien pratique. Elle est, en effet, passée de 1,1 % en 1997, à 0,5 % en 1999 et l'on prévoit 0,9 % pour 2000. Cette augmentation des dépenses de fonctionnement n'est donc pas justifiée.

Un autre exemple en matière de dépenses concerne la CNRACL, qui doit être traitée à part. En effet, ce régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, comme les autres régimes spéciaux, part à la dérive, parce que compensé et surcompensé, sous tous les gouvernements d'ailleurs. Ainsi, 2 milliards de francs seront nécessaires l'an prochain pour équilibrer ce régime, et il faudra 6 milliards en 2001. Ce sont les cotisations patronales qui vont augmenter, donc les contribuables locaux qui paieront.

Comme l'Etat y sera également de sa poche, le contribuable national paiera aussi, et à double titre. Il ne s'agit plus d'un double dividende, comme avec la TGAP - je regrette que plus aucun Vert ne soit présent ce soir -, mais d'un double hold-up, du seul fait du manque de volonté de mettre à plat l'ensemble des régimes spéciaux.

De cela non plus, nous ne discutons pas. Pourtant, monsieur le ministre, le membre du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts qui vous parle et qui gère les fonds de ce régime, pourrait vous en entretenir. Avec le président Balligand, comme avec son prédécesseur Jean-Pierre Delalande, nous n'avons pas manqué d'en informer la commission des finances depuis près de cinq ans.

Il y a plus grave encore, car je n'en ai pas entendu parler, et les Français ne le savent pas pour le moment. Il faudra plus de 300 milliards de francs pour combler certains déficits, et plus rapidement qu'on ne le pense : 120 milliards pour Réseau ferré de France, 80 milliards pour Charbonnages de France, 120 milliards pour le Crédit lyonnais, et j'en oublie au passage.

Ces gros dossiers ne sont pas comptabilisés dans les dettes de l'Etat, mais cela ne saurait tarder. Les dettes emmagasinées depuis des années vont devenir « maastrichables ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

C'est digne de l'Académie française !

M. Michel Bouvard.

Quelle horreur !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je comprends, monsieur Brard, que cela vous chante à l'oreille !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Jégou !

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce trou béant de 300 milliards apparaîtra alors au grand jour.

Il ne s'agit pas bien sûr, ici, de trouver un responsable.

Nous le sommes tous, car nous sommes tous comptables devant les Français de la gestion du pays. Il y en a quand même qui sont plus responsables que d'autres : le candidat Mitterrand en 1981 avait eu la main lourde, surtout avec l'embauche de 8 000 mineurs aux Charbonnages de France.

M. Xavier Deniau.

Ils ne savent plus qui c'est ! (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

Mme Béatrice Marre.

C'est faible comme attaque !

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est vrai qu'il y a des problèmes plus urgents au regard du calendrier électoral ! La question est lancinante, mais réelle. Avec 4 600 milliards de dettes, 300 milliards de dettes « remaastrichables », 215 milliards de déficits, il devient indécent, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, de discuter du magot fiscal.

A votre place, je saurais quoi faire...

M. Jean-Pierre Brard.

Il est ministrable !

M. Jean-Jacques Jégou.

Car le point noir de votre budget, c'est bien le déficit. Certes, il continue à baisser, timidement. Mais une baisse de 21 milliards est insuffisante par rapport au niveau de recettes attendues cette année. Elle ne correspond même pas à celle qui était réalisée lorsque l'ancienne majorité était au pouvoir et que l'économie stagnait désespérérément. En 1996 - nous en avons parlé cet après-midi - elle avait été de 27,9 milliards de francs et, en 1997, de 27,7 milliards de francs. Pour 1999, elle aura été seulement de 10,9 milliards, alors que la croissance avait été de 3 % l'année d'avant.

Le président Fabius vous a également reproché de

« sous-dimensionner » les prévisions de recettes fiscales, et c'est grâce à cela que vous évitez le débat, comme je le disais tout à l'heure. La majorité n'a pas de politique en la matière, parce que les pistes sont brouillées et diverses : taxe d'habitation, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés. La majorité plurielle est en plein débat. Il serait pourtant souhaitable de trancher sur le nécessaire plutôt que sur l'idéologique.

Mais voilà... Robert veille ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Quelle familiarité !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est fort dommage, et c'est autant de temps perdu pour les Français.

Finalement, vous vous contentez tout juste de prendre une petite part du supplément de rentrées fiscales pour baisser le déficit, sans engager d'effort en profondeur, surtout en matière de dépenses.

C'est donc une baisse du déficit par des moyens conjoncturels. Le problème des déficits est que, lorsqu'ilss ont structurels et que la croissance s'atténue, ils recommencent à remonter, et la spirale infernale reprend.

En baissant véritablement les dépenses de fonctionnement et en faisant de vraies réformes, non seulement vous arriveriez à un équilibre, mais, en cas de rechute de la croissance, vous vous prémuniriez contre les déficits.

Mais je n'ai pas besoin de vous expliquer les choses plus avant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous connaissez parfaitement la règle. Ne tournez donc pas le dos à ces paroles de bon sens.

La conséquence de mon propos concerne au premier chef les Français. Je veux parler des fameux prélèvements obligatoires. Il faut déjà constater que les prévisions du programme de stabilité n'ont pas été respectées : le pourcentage des prélèvements obligatoires par rapport au PIB n'arrive décidément pas à diminuer ; en 1998, il représentait 46,1 % du PIB, contre 45,9 % prévus initialement ; en 1999, il est de 46,4 % contre 45,7 %. Vous l'avez reconnu, vous-même, monsieur le ministre, dans un grand élan d'honnêteté hier soir et aujourd'hui encore.

Certes, vous supprimez des tas de petits impôts - et c'est très bien - mais seulement en termes de simplification administrative, certainement pas en termes d'allégement de la fiscalité. Notez que c'est déjà cela de gagné pour les Français. Mais tout le monde ne joue pas aux boules ou aux quilles, et c'est très loin d'être suffisant.

Combien de nouveaux impôts ont été créés en contrepartie ? Beaucoup trop.

Vous arrivez même, sur ce sujet, à berner une partie de votre majorité - qui n'est d'ailleurs pas là ce soir.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ah bon !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Qui manque ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Ils sont si peu nombreux qu'on ne s'aperçoit pas quand ils sont absents. On pourra leur dire ! Regardez la TGAP. Elle a été créée pour lutter contre la pollution. Elle a été chiffrée à 2 milliards de francs en 1999, c'était l'an I de la fiscalité écologique. Et je me souviens, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, vous avoir entendu plastronner en 1999 sur cette nouvelle taxe qui luttait contre la pollution.

M. Yves Deniaud.

Il est trop modeste pour cela.

M. Jean-Jacques Jégou.

Elle prend aujourd'hui des proportions extraordinaires, puisqu'elle devrait atteindre, je vous le rappelle, 12,5 milliards de francs en 2001, tout cela pour financer les 35 heures, et plus du tout pour financer l'environnement. Elle devient insolite. Vous osez encore parler d'améliorer la qualité de l'environnement, monsieur le secrétaire d'Etat au budget. Je vous ai entendu le faire aujourd'hui.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Absolument !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je me demande vraiment où sont passés les Verts ! On ne sait plus.

Mme Nicole Bricq.

Ils sont au lit !

M. Jean-Jacques Jégou.

En fait, l'an II de la fiscalité écologique est un véritable champ de ruines pour l'environnement. On taxe les entreprises pour les subventionner un peu plus avec les 35 heures. Et certains osent encore dire que vous avez changé depuis le début des années 80... C'est trop triste pour en rire.

Il faut ajouter à cela la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices des sociétés qui, elle aussi, sera amenée à monter en puissance. Certes, la surtaxe de l'impôt sur les sociétés a disparu, mais elle avait été faite pour être ponc tuelle, pour abaisser les déficits.

M. Alain Barrau.

Ça, ça vous surprend !

M. Jean-Jacques Jégou.

Cette CSBS ne peut que perdurer et augmenter puisqu'il s'agit de financer un projet à peine mis en place, qui est appelé à se développer, donc à coûter plus cher. D'ailleurs, comme je l'ai déjà dit, la séance de commission de lundi nous a bien éclairé sur ce fait : le président Bonrepaux a été d'une clarté biblique.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'Evangile selon saint JeanJacques !

M. Jean-Jacques Jégou.

On ponctionnera sur les entreprises tout l'argent possible, a-t-il déclaré. Beau programme, vraiment ! Et de plus, il n'y aura pas de don gratuit de l'UNEDIC ! Cela fait tout de même un problème supplémentaire à régler.

Les familles, elles aussi, ont bien profité de votre politique : depuis l'an dernier, elles ont subi près de 4 milliards de francs de ponction supplémentaire.

Mais je parle, je parle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah oui !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ça, c'est vrai !

M. Christian Cuvilliez.

Beaucoup trop.

M. Jean-Pierre Brard.

Le silence est d'or pourtant !

M. le président.

Le règlement permet à M. Jégou de parler une heure trente. Ne le forcez pas à aller jusqu'au bout ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Je vais d'ailleurs vous faire une bonne surprise.

Il semble que, depuis peu, l'indice « prélèvements obligatoires » ait pris un coup de vieux. C'est du moins ce qu'essaie de nous vendre le Gouvernement depuis la rentrée. Je ne suis pas sûr qu'il arrive à convaincre quiconque.

Comme l'a dit mon excellent collègue Philippe Auberger, vous avez cassé le thermomètre. C'est plus facile que de trouver le remède !

M. Alain Barrau.

Lui s'est enrhumé : il est parti.

M. Jean-Jacques Jégou.

Soyons honnête : il y avait une disposition intéressante dans le projet de loi de finances, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat - l'article 10 -...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah !

M. Jean-Jacques Jégou.

... mais une partie a disparu en commission. Je veux parler des BSPCE.

En effet, de quoi a besoin la France ? De croissance et d'emplois.

Qui crée la croissance et l'emploi ? Ce sont les entreprises.

Or, même si la mesure proposée par le Gouvernement était limitée, elle allait véritablement dans le bon sens, notamment parce qu'elle élargissait les BSPCE à de nouvelles activités, tout en les pérennisant. A la place, la commission a adopté un amendement du président Bourepaux taxant les bénéfices réalisés sur les stock-options.

Nous ne proposons pas, contrairement à ce que disent certains, d'élargir les stock-options, tout en les exonérant, bref, en faisant ce qu'une partie de votre majorité pourrait appeler une « vraie mesure de riches », n'est-ce pas, mon cher Brard ? Ce que nous voulons, c'est faciliter la création d'entreprises, pour faciliter la création d'emplois, et ce dans tous les domaines possibles d'activités.

Si, en plus, les Français peuvent se constituer une épargne active, le résultat sera atteint, et il sera triple : de nouvelles entreprises verront le jour, grâce à de nouveaux capitaux, des emplois seront créés, et la croissance sera soutenue de façon saine, et non grâce à des subventions d'Etat. C'est à cela qu'il faut arriver, et non à de nouveaux impôts censés soutenir l'emploi existant.

Mais je comprends bien que de telles mesures soient difficiles à prendre avec une majorité quelque peu hétéroclite.

En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget a un air de rendez-vous manqué. Il est marqué par l'opacité, le manque de sincérité, l'absence de réforme tant en ce qui concerne la moderni-s ation du fonctionnement de l'Etat, qu'en ce qui concerne l'avenir des Français. Ceux-ci attendent des propositions fortes de la part de la classe politique que ce soit pour les emplois non qualifiés, pour la prise en compte du vieillissement de la population, lequel pose le problème de la pérennité de nos retraites ou pour l'ensemble des problèmes lancinants qu'ils vivent dans leur ensemble.

Pour toutes ces raisons, et également parce que la commission des finances n'a pas suffisamment travaillé et n'a apporté aucune amélioration à ce projet et parce qu'aucun problème de fond n'a été abordé dans cette loi de finances pour 2000, le groupe UDF vous demande, mes chers collègues, de voter pour le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Jégou, vous vous êtes d'abord attaqué, non pas au Gouvernement, mais au fonctionnement de la commission des finances. Personnellement, je n'ai pas vu, dans la description sectaire que vous avez faite du président, du rapporteur général et des membres de cette commission, l'exacte vérité, du moins telle que je la perçois.

Vous avez aussi abordé la question de la mission d'évaluation et de contrôle. Je répéterai ce que j'ai déjà affirmé : cette mission a bien travaillé et elle est écoutée par le Gouvernement.

Je vais reprendre les différents points que vous avez soulevés.

Les moyens de la police augmentent, c'est vrai. Les crédits de fonctionnement progressent de 5 % et les crédits d'investissement sont majorés. Il faut en effet construire des commissariats dans les zones sensibles et moderniser les véhicules et les moyens de transmission de la police.

Je pense que tout le monde en est d'accord. Mais il y a également, vous vous en apercevrez en examinant le budget de la police en détail, un effort important de redéploiement des effectifs et des crédits. Et je suis sûr que vous trouverez, en analysant ce budget, la trace des réflexions importantes de la mission d'évaluation et de contrôle.

En ce qui concerne les autoroutes, la MEC a bien travaillé. Comme celle-ci l'a souligné, il y a besoin, dans ce domaine, d'évaluation, de concurrence et de transparence.

Vous avez critiqué l'Association pour la formation professionnelle des adultes. De même que l'Agence nationale pour l'emploi a passé avec l'Etat un contrat pluriannuel qui lui donne des moyens supplémentaires, notamment pour effectuer un million d'entretiens avec des chômeurs de longue durée,...

M. Yves Bur. Vous ne l'avez pas bien lu ! M. le secrétaire d'Etat au budget. ... de même une négociation est en cours avec l'AFPA pour lui donner des objectifs et des moyens qui soient vérifiables.

S'agissant de l'emploi, vous avez déploré l'amendement qui a été adopté par la commission des finances. Le Gouvernement sera, cela est clair, attentif à la critique que la mission d'évaluation et de contrôle a faite concernant le crédit d'impôt sur l'emploi.

Vous êtes ensuite passé à l'examen de la croissance et avez insisté sur les aléas de la croissance américaine.

Comme Dominique Strauss-Kahn l'a expliqué très clairement, le fait que nous ayons envisagé la croissance dans une fourchette comprise entre 2,6 et 3 % pour l'an prochain, soit une prévision moyenne de 2,8 %, alors que les économistes privés dits « du consensus » et même le Fonds monétaire international la prévoient nettement supérieure, est bien la preuve que nous avons une démarche prudente et donc, sur ce point, mais peut-être sur ce point seulement, cela rejoint vos propres réflexions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

Il me sera difficile, je le crains, de vous convaincre que ce budget - au demeurant lisible, comme le rapporteur général l'a mentionné dans son rapport ainsi que dans son intervention orale - stabilise la dépense publique en francs constants.

Vous ne croyez pas aux annonces, c'est votre droit.

Mais regardez le passé. Nous nous sommes déjà fixé cet objectif et nous l'avons respecté. Nous l'avions dit pour 1997, nous l'avons fait. Nous l'avions dit pour 1998, nous l'avons fait. Nous avons annoncé pour 1999 une hausse de 1 % en volume de la dépense publique de l'Etat. Vous verrez que nous atteindrons ce chiffre.

Quand nous nous retrouverons, je l'espère, dans un an...

M. Yves Deniaud.

Je l'espère pour vous !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... vous constaterez que l'engagement qui a été pris en la matière a été tenu.

J'en viens à un point que vous avez particulièrement d éveloppé : celui des relations, qui vous paraissent complexes, entre l'Etat et la sécurité sociale. Vous avez évoqué de façon un peu risible les deux séances qui ont eu lieu successivement à la commission des finances le 30 septembre. Vous vous souvenez qu'à l'époque le budget de l'Etat était connu mais que le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'avait pas encore été adopté par le conseil des ministres.

M. Yves Deniaud.

C'est bien le problème. Les choses n'ont pas beaucoup changé depuis !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le principe du transfert de la taxe générale sur les activités polluantes était acquis, mais le détail de cette taxe n'avait pas été arrêté en conseil des ministres. Ce n'était pas là la marque d'une quelconque divergence avec ma collègue Martine Aubry.

M. Yves Deniaud.

Oh non !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je m'étais longuement entretenu avec elle entre les deux réunions de la commission des finances.

M. Yves Deniaud.

Qu'est-ce que cela aurait été sinon !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Tout simplement, je ne pouvais pas parler d'une taxe qui n'avait pas encore été définie.

M. Jean-Jacques Jégou.

Elle n'est toujours pas définie.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Elle est parfaitement définie. Elle est même définie de façon très minutieuse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La taxe sur les activités polluantes va passer de 2 milliards de francs à 3,2 milliards.

Je suis tout à fait prêt, maintenant que cette taxe est connue, à participer au débat. Je suis, bien évidemment, à la disposition de l'Assemblée.

Vous avez parlé du fonds de compensation des baisses des cotisations patronales et de deux autres fonds de moindre importance en insinuant que les sommes prélevées sur les entreprises n'étaient pas redistribuées. Or, vous l'aurez compris - je l'espère, en tout cas - ce fonds a été créé dans un souci de transparence - en tant qu'admirateur de la comptabilité analytique, vous devriez apprécier cette démarche - pour bien isoler toutes les opérations d'allégement des charges patronales. Donc, ce qui sera prélevé sur les entreprises au titre de la taxe générale sur les activités polluantes ou de la contribution sociale sur les bénéfices sera intégralement, et même au-delà, redistribué aux entreprises. Je crois qu'en la matière les choses sont tout à fait claires, sauf à ne pas vouloir les regarder telles qu'elles sont.

Vous dites manquer d'informations pour rapprocher les comptes de l'Etat et ceux de la sécurité sociale. Le rapport économique et financier porte sur l'ensemble des finances publiques : celles de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales. Il y a, dans ce rapport, dont le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a dit, à juste titre, qu'il était bien fait, énormément d'informations qui peuvent vous aider à préciser les contours respectifs du budget de l'Etat et du budget de la sécurité sociale et leurs relations.

Dans son excellent rapport, le rapporteur général a entendu lui aussi clarifier ces relations.

Enfin, le débat d'orientation budgétaire que nous avons eu au printemps dernier portait en principe sur les finances de l'Etat, sur celles de la sécurité sociale et sur celles des collectivités locales, c'est-à-dire sur l'ensemble des finances publiques, et peut-être avons-nous, avezvous, raté l'occasion de poser le problème dans son ensemble.

J'espère que le débat budgétaire, le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le prochain débat d'orientation budgétaire et, enfin, les propositions que Didier Migaud, votre rapporteur général, s'est engagé à faire apporteront encore plus de transparence sur les rapports entre ces deux budgets tout à fait importants.

Vous avez évoqué la maîtrise de la dépense avec, à mon avis, plus d'ironie que de profondeur. Je ne veux pas, compte tenu de l'heure tardive, vous rappeler les efforts qui sont faits en la matière. Je vous dirai simplement deux choses.

Premièrement, un tiers des budgets que l'Assemblée nationale va examiner sont désormais dotés d'indicateurs de performance. Cela correspond tout à fait aux voeux de la mission d'évaluation et de contrôle et permettra à la représentation nationale de comparer les moyens qui sont consacrés aux différentes politiques aux résultats attendus de ces politiques. Vous pourrez faire une évaluation a priori, au moment du débat budgétaire, et une autre a posteriori, une fois l'année écoulée.

Peut-être n'est-ce pas spectaculaire. Peut-être cela ne retient-il pas suffisamment l'attention, mais il y a là un effort important de clarification budgétaire.

Deuxièmement, vous dites que nous n'avons fait aucun effort pour redéployer les dépenses. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Jégou, que sur les 30 milliards de francs - et je ne compte pas dans les 30 milliards de francs les 4 milliards de francs d'économie du fait de la diminution du service de la dette en l'an 2000 -, 7 milliards de francs sont repris par un examen des crédits de fonctionnement, 19 milliards de francs par un examen au franc le franc des interventions économiques et 4 milliards de francs par un examen au franc le franc des interventions sociales.

Peut-être peut-on faire mieux, mais, dans le passé, il est arrivé qu'on fasse plus mal Vous nous avez reproché de ne faire aucun effort de contraction du solde structurel, c'est-à-dire de nous laisser porter par la conjoncture. Je vous renvoie encore une fois à l'excellent rapport économique et financier. Le solde structurel des administrations publiques était de 2,3 % en 1997. Dans les prévisions que nous faisons pour 2000, il est descendu à 1,3 %. Par comparaison, le solde conjoncturel, qui en est le complément, a diminué de 1,2 % à 0,5 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

Donc, contrairement à vos affirmations, nous faisons un effort en profondeur pour améliorer la structure de la dépense publique, avec la volonté, non pas de dépenser moins à toute force comme certains le souhaitent, mais de dépenser mieux.

Je terminerai en évoquant la fiscalité et l'environnement. Même si la taxe générale sur les activités polluantes, à laquelle Mme Bricq a beaucoup contribué, est transférée au budget de l'Etat vers la sécurité sociale, c'est un impôt qui progresse. Comme je vous l'ai déjà dit, elle passera de 2 milliards de francs en 1999 à 3,2 milliards en l'an 2000, et continuera de progresser.

Le budget de l'environnement progresse de 8 %, celui de l'ADEME du même pourcentage, ce qui prouve bien, monsieur Jégou, que le transfert de la taxe générale sur les activités polluantes ne s'est pas fait au détriment du budget de l'environnement et que nous avons trouvé d'autres ressources pour financer un effort considérable dans ce domaine.

M. Jean-Jacques Jégou.

Nous en reparlerons !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez terminé votre intervention, comme il est normal, par un feu d'artifice coloré, mais vous n'avez pas été convaincant. Votre demande de renvoi en commission n'est nullement justifiée ; je propose son rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, certes, la défense d'une motion de procédure pousse toujours à grossir le trait, mais je regrette que notre collègue ait cédé quelque peu à la facilité, lui qui n'a pas coutume d'être aussi caricatural.

Je vais donc me répéter : la commission des finances a bien travaillé. Elle a tenu plusieurs réunions de travail sur le projet de loi de finances, auditionnant à plusieurs reprises les ministres concernés et examinant près de 500 amendements dont elle a adopté près de 60. C'est dire tout le travail qu'elle a réalisé en quelques semaines.

On a beaucoup évoqué, depuis le début de cette discussion, la mission d'évaluation et de contrôle. C'est tout à fait légitime et j'en suis très heureux. Son bilan est meilleur que vous ne l'avez dit, monsieur Jégou. C'est d'ailleurs en partie le vôtre puisque chacun a participé à ses travaux. Vous devriez davantage en être fier, même si nous avons encore une marge de progression certaine puisque nous ne faisons que commencer notre travail.

Vous mettez le doigt sur un ou deux points sur lesquels la mission d'évaluation et de contrôle n'a pas encore obtenu satisfaction. Je suis persuadé qu'en poursuivant le dialogue avec le Gouvernement, l'Assemblée ou, tout au moins, la mission d'évaluation et de contrôle obtiendra satisfaction.

Vous avez posé beaucoup de questions mais il en est très peu auxquelles nous n'ayons pas répondu. L'addition de la discussion générale et de trois motions amène à de nombreuses redites. Je ne redonnerai donc pas mes arguments qui se trouvent dans mon rapport général au nom de la commission des finances. Les ministres ont également répondu longuement.

En conséquence, ne voyant pas l'intérêt d'une nouvelle réunion de la commission des finances, j'invite notre assemblée à rejeter la motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe RPR.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, messieurs les ministres, compte tenu de l'heure tardive je serai bref.

Les observations de notre collègue, Jean-Jacques Jégou, appuyant sa demande de renvoi en commission me paraissent justifiées au moins sur deux points.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas beaucoup !

M. Yves Deniaud.

Il y en a d'autres !

M. Michel Bouvard.

Si vous voulez, je peux énumérer les autres !

M. le président.

Non, monsieur Bouvard, ce ne sera pas nécessaire !

M. Michel Bouvard.

Le premier point, qui a été évoqué dès le début de la discussion générale, a trait à la coordination entre le budget et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chacun a conscience que nous ne disposons pas de suffisamment d'éléments pour avoir une vision sincère et consolidée tant du budget principal de l'Etat que du budget de financement de la sécurité sociale. Nous ne disposons pas non plus d'évaluation suffisante des conséquences de certaines mesures qui figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale sur l'économie générale, ce qui relève des compétences de notre commission - je pense par exemple, j'en ai parlé à la tribune, à l'incidence de l'écotaxe sur le fonctionnement et la vie de certaines entreprises de notre pays, et même de très grandes.

Cet après-midi même, dans cet hémicycle, le Gouvernement nous a annoncé qu'il renonçait au prélèvement sur l'UNEDIC pour financer les 35 heures, sans nous dire comment ce manque de recettes serait compensé.

M. Yves Deniaud.

Cinq milliards !

M. Michel Bouvard.

C'est dire combien nous manquons encore, à l'évidence, des informations nécessaires quant à ces deux budgets, et contrairement, d'ailleurs, à l'esprit qui a présidé à l'institution de la loi de financement de la sécurité sociale.

Le deuxième point sur lequel je me joins aux observations de Jean-Jacques Jégou porte sur la MEC. « Elle a bien travaillé, » avez-vous dit, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous en sommes très heureux, et c'est le sentiment qu'ont les membres de la commission des finances, et pas seulement ceux qui ont participé aux travaux de la MEC.

A l'évidence, monsieur le rapporteur général, il reste des marges de progression !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Heureusement !

M. Michel Bouvard.

Mais nous restons sur notre faim car certaines dispositions de ce projet de budget vont à l'encontre des recommandations de la MEC. Jean-Jacques Jégou a eu raison d'évoquer à cet égard la taxe autoroutière. Il y en a d'autres. Elles auraient mérité pour le moins une explication franche, allant au fond des choses, a vec le Gouvernement. Pourquoi passer outre aux recommandations de la MEC ? « Il en sera davantage tenu compte dans les années qui viennent », nous a-t-il été répondu. Nous nous en réjouissons car cela prouvera


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

que nous ne travaillons pas pour rien ! Mais pourquoi attendre l'année prochaine puisque tout le monde considère que ces observations sont fondées ? Il ne serait donc pas inutile, effectivement, que la commission se réunisse à nouveau. En aurions-nous voulu une preuve supplémentaire, nous l'aurions eue tout à l'heure lorsque nous avons dû examiner, au titre de l'article 88, et même 91, in extremis , des amendements du Gouvernement visant à remédier, à la suite des observations présentées par M. Gilles Carrez en défendant l'exception d'irrecevabilité, à des faiblesses du budget qui pouvaient laisser craindre la censure du Conseil constitutionnel.

On voit bien qu'il y avait encore matière à travailler ! Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la République votera la motion de renvoi en commission de Jean-Jacques Jégou. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole alloué pour les explications de vote est de cinq minutes par groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe communiste.

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne sais si Robert veille, en tout cas, Jean-Jacques ne réveille pas ! (Sourires.)

Je suis très étonné du comportement de notre collègue, qui ne lui est pas habituel : il m'a mis personnellement en cause, ce qui était fort désagréable. Il est exact que je n'ai pas beaucoup participé aux travaux de la MEC. Mais je travaillais sur la fraude pour corriger les turpitudes des gouvernements qu'il a soutenus, qu'il s'agisse du moratoire Sarkozy ou de la fraude favorisée par l'interdiction de coopération transfrontalière des magistrats et des policiers, décidée grâce à un amendement du FN qu'il a voté à l'époque. Il aurait mieux fait de s'abstenir de toute remarque à mon égard ! L'exercice de rhétorique auquel notre collègue s'est livré a été un peu laborieux. A la confrontation des idées, il a substitué l'observation des mouvements de paupières.

Encore n'ai-je pas bien compris si c'était celles du rapporteur général ou du président de la commission des finances ! En l'écoutant, je pensais à Pierre et le Loup, de Prokofiev, imaginant Jean-Jacques Jégou gambadant, sous les traits de Pierre, d'un sujet à un autre (Rires.)

M. Michel Bouvard.

Pourtant, le spécialiste des loups, c'est moi !

M. le président.

Comme c'est moi qui tiens la baguette, mes chers collègues, je vous prie de laisser parler l'orateur ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Merci, monsieur le président, je reconnais bien là votre esprit de justice.

M. Jégou nous a emmenés de l'amiante à la CNRACL, en passant par la CMU et l'UNEDIC, nous proposant même pour nous divertir une devinette sur le budget de la sécurité sociale, pour finir sur les rails de Réseau ferré de France ! Vous voyez combien nous étions loin de notre sujet et que tout cela n'avait que peu de rapport avec le projet de loi de finances.

Sur le plan politique, on peut d'ailleurs noter le désappointement, voire l'aigreur, que provoque la reconnaissance de la coopération et du travail de coélaboration qui est à l'oeuvre au sein de la majorité plurielle. Sans doute cela réveille-t-il des souvenirs moins positifs d'un passé où nos collègues étaient tenus d'avoir le petit doigt sur la couture du pantalon ! Notre collègue a des obsessions. La bête noire de JeanJacques Jégou, c'est l'AFPA (Sourires) que je connais bien puisque son siège national se trouve dans ma bonne ville de Montreuil. Pour être tout à fait équitable, il faut bien reconnaître que la bête noire des salariés de l'AFPA, c'est Jean-Jacques Jégou ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.) Il faut savoir que ses salariés ont pour mission de corriger les effets d'une politique qu'il a soutenue en jetant sur le pavé des milliers de salariés auxquels il fallait donner une nouvelle formation. Il est vrai que ne pas consacrer les crédits nécessaires à la formation des salariés, c'était faire disparaître, en quelque sorte, les preuves du crime ! Chaussant les sabots de ses collègues de l'opposition, M. Jégou nous a resservi cette antienne : il faut réduire les dépenses publiques. Mais, dans son inconséquence, il ne nous dit pas lesquelles !

M. Jean-Jacques Jégou.

Mais si !

M. Jean-Pierre Brard.

Faut-il réduire le nombre des instituteurs,...

M. Jean-Jacques Jégou.

L'effet est trop facile !

M. Jean-Pierre Brard.

... des magistrats, des gardiens de prison, des gardiens de musée, des policiers, des médecins scolaires...

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous oubliez les infirmières !

M. Jean-Pierre Brard.

... ou des infirmières ? Je vois que je le convaincs puisqu'il me fait écho. (Sourires.)

On sent bien chez lui une pointe de dépit : il saurait quoi faire du magot et il rêve du jour improbable où sa formation reviendra au pouvoir, idée dont les Français ne semblent pas s'accommoder pour le court et le moyen terme.

M. Jean-Jacques Jégou et M. Yves Deniaud.

Ne jurez de rien !

M. Jean-Pierre Brard.

Il a tenté de ridiculiser la suppression d'une cinquantaine d'impôts en la réduisant à celle de l'impôt sur les boules et les quilles, en en oubliant de très significatives pour les Français, comme la suppression des droits d'examen.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

Mais on entre là dans le domaine de l'égalité républicaine, et il se tait là-dessus parce que cela lui est désagréable.

Il a essayé d'agacer la majorité en la qualifiant d'hétéroclite pour faire oublier l'état de délabrement dans lequel l'opposition se trouve aujourd'hui. Je vois d'ailleurs M. Bouvard m'approuver d'un mouvement de paupières (Sourires.)

M. Yves Deniaud.

Nous n'avons jamais manifesté, nous, les uns contre les autres !

M. Germain Gengenwin.

Quel cinéma !

M. le président.

Monsieur Brard, votre temps de parole est dépassé.

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur Jégou, que vous ne soyez pas d'accord avec ce que nous faisons, c'est votre droit. De là à considérer que nous n'avons pas travaillé, ce n'est pas acceptable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

Comme d'autres collègues, vous avez beaucoup critiqué la MEC. A vous qui citiez la Bible, je dirai qu'on ne jette pas de pierre à l'arbre qui ne porte pas de fruits : vos critiques sont une manière de rendre hommage au travail réalisé dans le cadre de la MEC.

Votre propos est chaotique, incohérent, vous cherchez la diversion.

M. le président.

Concluez, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous meublez pour dissimuler la vacuité de la pensée - non pas la vôtre qui est fertile, mais celle de l'opposition - et l'absence de propositions.

Le seul d'entre vous qui ait eu un propos clair aujourd'hui, c'est François Guillaume, qui a défendu les riches en critiquant l'ISF. Il s'est d'ailleurs mis en colère quand je le lui ai fait remarquer.

Les propos de notre collègue ne saurait donc nous convaincre de renvoyer le projet de loi de finances en commission. En ce qui nous concerne, nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengewin pour le groupe de l'Union par la démocratie françaiseAlliance.

M. Germain Gengenwin.

Pour votre information, monsieur Brard, ce qui est dit dans la Bible est que l'arbre qui ne produit pas de fruits est coupé et jeté au feu.

M. Jean-Pierre Brard.

Nous nous retrouverons en séminaire ! (Sourires.)

M. Germain Gengenwin.

Jean-Jacques Jégou a longuement argumenté sur la nécessité de renvoyer ce texte en commission. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui est débudgétisé dans ce projet, et notamment sur ce qui est renvoyé au fonds institué dans le budget de la sécurité sociale. Vous avez d'ailleurs, messieurs les ministres, essayé de nous répondre à ce sujet.

Je préfère apporter quelques arguments supplémentaires. Hier, interrogé au cours des questions au Gouvernement sur la loi relative à la recherche et à l'innovation - que nous avons votée - M. Allègre lui-même en a fourni un et il est de poids : il a dit que huit cents projets d'innovation étaient sélectionnés qui étaient susceptibles d'entraîner la création d'entreprises innovantes. Ces entreprises devront bien être financées. Or il semblerait qu'au sein de la majorité il y ait des velléités de supprimer l'article 10. Ce serait commettre une erreur grave pour sanctionner un cas exceptionnel, un cas unique.

L'article 10, en effet, fournirait des éléments de financement à ces nouvelles sociétés innovantes dont nous avons tant besoin.

Mais je voudrais également vous poser quelques questions précises.

Ainsi, à l'article 25 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous sommes dans les explications de vote, pas dans une séance de questions !

M. Germain Gengenwin.

... vous supprimez la rémunération dite « mission d'ingénierie » des agents de l'équipement et de la DDA pour les intégrer dans le budget de l'Etat.

Mme Béatrice Marre.

C'est de la transparence !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous êtes hors sujet, monsieur Gengenwin !

M. Germain Gengenwin.

Je n'en ai pas entendu parler du tout et je serais étonné qu'on évoque ce sujet plus tard ! A l'article 26, messieurs les ministres...

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je veux simplement démontrer combien il est nécessaire de débattre à nouveau de ce texte en commission ! A l'article 26, vous réduisez le 1 % logement, qui n'était déjà plus que de 0,45 % à 0,325 %, économisant ainsi 5,180 milliards sur le logement. Je n'en ai pas non plus entendu parler.

A l'article 31, vous créez plusieurs fonds pour l'eau. Il s'agit d'une véritable restructuration des taxes sur l'eau et de leur reversement aux collectivités locales. J'imagine les réponses que les agences de bassin feront aux collectivités locales quand elles demanderont des financements ! A l'article 70,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il n'y a que 36 articles dans la première partie !

M. le président.

Monsieur Migaud, laissez M. Gengenwin expliquer les raisons de son vote.

Veuillez poursuivre, monsieur Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

A l'article 70, vous ponctionnez 500 millions sur les fonds de la formation. Vous aurais-je donné des idées, au printemps, quand j'ai dit que les fonds pour le capital de temps de formation étant thésaurisés, il y avait un milliard d'excédent ? Par ailleurs, vous transférez au budget 8 milliards de la branche accidents du travail qui, effectivement, est excédentaire. Il aurait été facile de diminer les charges des entreprises plutôt que d'effectuer une telle ponction.

Après ceux de Jean-Jacques Jégou, voilà donc quelques arguments supplémentaires qui suffisent amplement à justifier que ce texte soit renvoyé en commission.

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 20 octobre 1999, un rapport, no 1876, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 1835) : Tome I : recettes et équilibre général (M. Alfred Recours) ; Tome II : assurance maladie et accidents du travail (M. Claude Evin) ; Tome

III : assurance vieillesse (M. Denis Jacquat) ; Tome IV : famille (Mme Marie-Françoise Clergeau) ; Tome V : examen du rapport annexé à l'article 1er ; tableau comparatif et amendements non adoptés par la commission (MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 20 OCTOBRE 1999

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 20 octobre 1999, de M. Daniel Chevallier un rapport d'information, no 1875, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission de la production et des échanges, sur la présence du loup en France.

6 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 20 octobre 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, modifié par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux.

Ce projet de loi, no 1877, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

7 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 20 octobre 1999, transmis par le M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives.

Ce projet de loi, no 1878, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (no 1805) : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

A quinze heures, deuxième séance publique : Discussion de l'article 35 du projet de loi de finances pour 2000 (Evaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes) : M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 2 au rapport no 1861) ; Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 1863, tome I) ; Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 21 octobre 1999, à une heure dix.

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le jeudi 21 octobre 1999, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

DÉMISSION D'UNE DÉPUTÉE Dans sa deuxième séance du 20 octobre 1999, l'Assemblée nationale a pris acte de la démission de Mme Véronique Carrion-Bastok, députée de la 21e circonscription de Paris.

MODIFICATION À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et décrets, du 21 octobre 1999)

GROUPE SOCIALISTE (242 membres au lieu de 243) Supprimer le nom de Mme Véronique Carrion-Bastok.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : COMMUNICATION DU 20 OCTOBRE 1999 No E 1316. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel par les institutions et organes de la Communauté et à la libre circulation de ces données (COM [99] 337 final).