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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Rappel au règlement (p. 7757).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, le président, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

2. Loi de finances pour 2000 (première partie) . - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7758).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 7758)

Article 35 (p. 7758)

Prélèvement au titre du budget des Communautés européennes M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances.

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Mme Anne-Marie Idrac, MM. Roger-Gérard Schwartzenb erg, MM. Henry Chabert, Jean-Claude Lefort,

Mmes Nicole Ameline, Béatrice Marre.

M. le ministre.

Adoption de l'article 35 (p. 7778)

Suspension et reprise de la séance (p. 7778)

Après l'article 2 (suite) (p. 7778)

Amendement no 73 de M. Carrez : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Rejet.

Amendement no 142 de M. d'Aubert : MM. François d'Aubert, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

A mendement no 529 de Mme Guinchard-Kunstler : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no 529 repris par M. d'Aubert : MM. François d'Aubert, Pierre Méhaignerie, Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, le secrétaire d'Etat, Gilbert Gantier.

- Rejet.

Amendements nos 473 de M. Rochebloine et 26 de M. Gérard Voisin : MM. Germain Gengenwin, François d'Aubert, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Pierre Méhaignerie. - Rejets.

Amendement no 475 de M. Weber : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 77 de M. Carrez et 104 de M. Auberger : M. Philippe Auberger. - Retrait de l'amendement no

77. MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, François d'Aubert. - Rejet de l'amendement no 104.

Amendements nos 28 de la commission des finances et 478 de M. d'Aubert : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, François d'Aubert. - Retrait de l'amendement no 478 ; adoption de l'amendement no 28 modifié.

Amendement no 267 de M. Jégou et amendements identiques nos 161 de M. Gantier et 235 de M. Barrot : MM. Germain Gengenwin, François Goulard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Raymond Douyère.

- Rejets.

Amendements identiques nos 71 de M. Carrez et 500 de M. Debré : M. Philippe Auberger. - Retrait de l'amendement no

71. MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Pierre Brard. - Rejet de l'amendement no 500.

Article 3 (p. 7789)

MM. Maurice Adevah-Poeuf, Michel Bouvard, François d'Aubert, Mme Nicole Ameline, MM. Pierre Méhaignerie, Jean-Jacques Jégou, le secrétaire d'Etat, le rapporteur général.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Désignation d'un candidat à un organisme extraparlementaire (p. 7794).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7794).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour un rappel au règlement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Monsieur le président, l'opinion publique est indignée par l'attitude de Maurice Papon, fuyant probablement à l'étranger pour échapper à l'exécution de l'arrêt de la cour d'assises de la Gironde, qui l'a condamné en avril 1998, il y a déjà dixhuit mois, à dix ans de réclusion criminelle, pour complicité de crimes contre l'humanité. Bref, cet ancien haut f onctionnaire, qui fut de surcroît ministre de la République, décide de se mettre hors la loi et choisit l'exil pour échapper à la justice française.

L'opinion publique est indignée, notamment parce qu'elle peut avoir le sentiment qu'il y a deux poids, deux mesures. L'usage veut en effet que les accusés qui comparaissent devant une cour d'assises soient toujours détenus.

M. Papon a bénéficié d'un statut d'exception, qui est la conséquence directe de la décision très légitimement controversée prise le 10 octobre 1997, au troisième jour de son procès : les trois magistrats qui composaient la cour d'assises avaient alors décidé de remettre l'accusé en liberté, sans même lui imposer le contrôle judiciaire. Ce fut là une exception sans précédent en matière criminelle.

Oui, on peut avoir le sentiment qu'il y a deux poids, deux mesures : un petit délinquant auteur d'un larçin est souvent placé en détention provisoire jusqu'à son procès ; en revanche, l'ancien préfet et ancien ministre, mis en examen puis condamné pour complicité de crimes contre l'humanité, a été libéré jusqu'à la veille de l'examen de son pourvoi en cassation et n'était plus soumis à aucune mesure coercitive, ne serait-ce qu'un simple contrôle judiciaire, depuis le 10 octobre 1997.

Cette décision exceptionnelle, insolite et inopportune des trois magistrats de Bordeaux a conduit à la situation inacceptable que nous connaissons aujourd'hui : M. Papon est en fuite et risque de ne jamais purger sa peine.

Il serait souhaitable que les instances chargées de veiller au bon fonctionnement de l'autorité judiciaire soient appelées à s'interroger, voire à statuer sur cette mauvaise administration de la justice, dont on mesure aujourd'hui toutes les conséquences. De même, il est nécessaire que toute la lumière soit faite sur l'existence et l'action d'éventuels réseaux qui auraient favorisé la fuite de Maurice Papon.

Quoi qu'il en soit, il est désormais indispensable, comme le Premier ministre en a hier donné l'assurance, que « par tous les moyens de droit, y compris par des demandes d'extradition, Maurice Papon soit recherché, appréhendé et qu'il exécute sa peine ».

Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, je vous demande de nous donner à votre tour cette même assurance, dans l'enceinte où siège la repré-s entation parlementaire. Le mépris que manifeste M. Papon pour les lois et pour la justice de son pays constitue une offense aux règles de la République. Rien ne serait pire que l'impunité pour des auteurs ou des complices de crimes contre l'humanité.

Un historien allemand a écrit un jour cette phrase :

« Ceux qui oublient le passé se condamnent à le revivre. »

N'oublions pas ce que fut et ce que fit Maurice Papon.

Son impunité serait une insulte à ses victimes, à leur mémoire et à la confiance de leurs familles dans la justice du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Mon cher collègue, notre intervention tient davantage d'une déclaration que d'un rappel au règlement. Au demeurant, les rappels au règlement ne s'adressent pas au gouvernement mais à la présidence, laquelle vous donne acte de cette déclaration.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Sans méconnaître ce que vous venez de dire, monsieur le président, je souhaite répondre d'un mot au président Schwartzenberg, si vous le permettez.

M. le président.

Je vous en prie, monsieur le ministre délégué.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

La fuite de Maurice Papon suscite effectivement réprobation, indignation et une certaine forme d'écoeurement. Je me garderai de tout commentaire sur une décision de justice, mais je note qu'elle n'offrait aucune possibilité de mesure coercitive face à cette situation tout à fait particulière.

Le Premier ministre, qui s'est en effet exprimé hier à ce sujet, dans la cour de Matignon, a souligné que M. Papon fuit la justice de son pays, qu'il fuit une fois de plus ses responsabilités, comme il tente de le faire depuis plusieurs années, et que ses références à l'honneur et à l'exil sont totalement déplacées. Comme vous, le Premier ministre estime qu'il s'agit d'une ultime marque de lâcheté, d'indifférence, de mépris, d'une provocation à l'égard de toutes les victimes de l'Holocauste. Il a donné l'assurance que le Gouvernement et l'administration, quand ils auront reçu mandat de l'autorité judiciaire, feront en sorte, par tous les moyens de droit - j'insiste sur ce point -, que M. Papon soit recherché, appréhendé et qu'il exécute la peine de prison à laquelle la justice de notre pays l'a condamné. Il a précisé que cela implique bien sûr d'éventuelles demandes d'extradition.


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Je vous confirme donc, monsieur Schwartzenberg, comme vous le souhaitez, que le chef du Gouvernement réprouve fermement, sans aucune concession, l'attitude de M. Papon, et qu'il partage votre refus de l'impunité, d'autant plus que s'impose en l'occurrence un devoir de mémoire particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe du Rassemblement pour la République.)

2 LOI DE FINANCES POUR 2000

PREMIÈRE PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée après l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 2.

Prélèvement au titre du budget des Communautés européennes

M. le président.

En accord avec le Gouvernement, nous en venons à l'article 35 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes, que nous allons examiner dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents.

Article 35

M. le président.

« Art. 35. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2000 à 98,5 milliards de francs. »

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, le débat relatif au prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est désormais traditionnel, et je crois profondément qu'il est tout sauf inutile.

Tout d'abord, l'article 35 du projet de loi de finances n'est pas anodin, puisqu'il est prévu de verser 98,5 milliards de francs à l'Union européenne, ce qui représente, en quelque sorte, le sixième budget en importance, juste après celui de l'équipement, des transports et du logement.

Ensuite, l'évaluation du prélèvement est directement liée au projet de budget adopté par le Conseil de l'Union européenne le 16 juillet dernier. D'aucuns estimeront donc qu'il s'agit seulement d'une évaluation effectuée à partir d'un document ne constituant qu'une étape de la procédure budgétaire communautaire. Pour ma part, je considère que c'est précisément parce que l'Assemblée peut une nouvelle fois se prononcer bien avant que les ultimes arbitrages soient rendus que notre débat a un sens. Et ce, d'autant plus que nous avons déjà adopté une résolution, devenue définitive le 11 juillet dernier, sur l'avant-projet de budget présenté par la Commission européenne. Nous pouvons donc d'ores et déjà voir dans quelle mesure nos observations et souhaits ont été relayés par le Gouvernement auprès du Conseil.

Je ne reviendrai pas en détail sur cette résolution, mais je crois qu'elle reflète bien les trois objectifs que la commission des finances poursuit depuis longtemps en matière de finances communautaires grâce notamment à Gérard Fuchs et à Alain Barrau, qui orientent bien nos travaux : dépenser moins, dépenser mieux et surtout dépenser dans les domaines de compétence proprement communautaires.

La volonté d'une maîtrise raisonnée de la progression des dépenses du budget communautaire ne résulte pas d'un a priori idéologique, mais bien d'une constatation pragmatique et largement partagée : le budget communautaire doit progresser au même rythme que les budgets nationaux et non à un rythme supérieur.

Tel n'était pas le cas de l'avant-projet de budget présenté par la Commission européenne. Les crédits pour engagement diminuaient certes de 4,3 %, mais pour des raisons largement mécaniques, liées à la budgétisation, pour un montant très important, des crédits d'action structurelle non consommés dans le budget de 1999. En revanche, les crédits pour paiement, à partir desquels est calculé le montant du prélèvement, progressaient de 4,8 %. U ne telle croissance avait légitimement alerté la commission des finances et avait été dénoncée dans la résolution sur l'avant-projet. Je reconnais que cette dénonciation est devenue rituelle, la Commission européenne, fort prodigue de recommandations, voire d'adm onestations sur l'évolution des finances des Etats membres, ayant, semble-t-il, bien du mal à s'appliquer à elle-même la rigueur qu'elle réclame pour les autres. Mais la pédagogie étant, comme chacun sait, l'art de la répétition, peut-être verrons-nous finalement venir le jour où la Commission européenne présentera un avant-projet de budget plus raisonnable.

Quoi qu'il en soit, une fois encore, le Conseil a procédé à des économies substantielles. Cet effort d'économie est cependant d'une moindre ampleur que lors des exercices passés, en raison du poids des engagements contractés lors des précédentes perspectives financières, ainsi que de la nécessité d'assurer le financement de la reconstruction du Kosovo et de l'aide aux Balkans. Je reviendrai plus en détail dans un instant sur ce second et très important point.

S'agissant des engagements contractés dans le cadre des perspectives financières définies à Edimbourg, on peut constater que la décision, dès le budget pour 1999, de procéder à la budgétisation de l'ensemble des crédits pour engagement relatifs aux actions structurelles non consommés a aussi des conséquences très sensibles sur l'évolution des crédits pour 2000.

Selon les estimations de la Commission européenne, les restes à liquider - écarts entre les engagements contractés auparavant et les paiements liquidés en conséquence s'élèveraient au 31 décembre 1999 à environ 70 milliards


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d'euros. Pour l'essentiel, ils concernent les actions structurelles et les actions extérieures, à hauteur respectivement de 45,4 et 15,9 milliards d'euros. Une large partie des marges de manoeuvre budgétaires pour 2000 est donc mécaniquement absorbée, même si le problème des restes à liquider se pose avec une acuité inégale selon les rubriques.

Sous l'effet de cette double contrainte, le Conseil a procédé à des réductions sélectives de crédits pour paiem ent. Les coupes budgétaires représentent au total 1,72 milliard d'euros et ramènent la croissance des crédits pour paiement à 2,8 %, contre 4,8 % dans l'avant-projet.

Au total, ce projet de budget plus raisonnable explique la croissance relativement modérée du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes, qui s'élève à 5,3 % par rapport à l'évaluation révisée pour 1999.

Les abattements réalisés en matière de dépenses ont été sans doute plus ciblés que les années précédentes. Ils portent surtout sur les actions structurelles et les politiques internes. Les dépenses agricoles ont elles aussi été mises à contribution, mais il a été convenu par le Conseil et la Commission du principe du recours à un budget rectificatif et supplémentaire si les crédits prévus dans le budget 2000 s'avéraient insuffisants pour couvrir les besoins.

P ar conséquent, d'une certaine manière, les circonstances particulières affectant le budget pour 2000 ont conduit à davantage rechercher l'efficacité de la dépense et à mieux identifier les actions prioritaires. Il convient que cet effort en vue de dépenser mieux et de privilégier l es dépenses d'avenir soit prolongé ultérieurement - Gérard Fuchs et Alain Barrau avec raison, avaient beaucoup insisté sur ce point.

Ainsi, en matière de politiques internes, qui sont traditionnellement et malheureusement le plus souvent affectées par le syndrome de la dispersion des crédits, les économies réalisées ont épargné la recherche et les résea ux transeuropéens. Ces derniers progressent significativement par rapport à 1999. C'est un premier pas, louable, vers une plus grande concentration des crédits, gage de leur efficacité.

Des efforts doivent également et surtout être poursuivis en matière de dépenses administratives. Le Conseil a ramené leur croissance de 4,7 % à 3,6 %. Toutefois, elles demeurent caractérisées par une grande rigidité, notamment en raison de la forte croissance des dépenses de pensions. On ne peut dès lors que souscrire au souhait exprimé par le Conseil de voir entreprendre un réexamen du système des rémunérations et du régime des pensions actuellement en vigueur dans les institutions communautaires.

Je souligne toutefois, monsieur le ministre délégué, que la nécessité de dépenser mieux doit aussi être prise en compte au niveau national, tout particulièrement s'agissant de l'utilisation des fonds communautaires. A cet égard, dans la résolution sur l'avant-projet de budget, l'Assemblée nationale avait souhaité que le Gouvernement mette en oeuvre toutes dispositions susceptibles d'améliorer la gestion de ces fonds.

Je crois que je ne serai démenti par aucun de mes collègues, étant donné le véritable problème que nous rencontrons en la matière dans les régions pour engager et consommer les crédits octroyés par Bruxelles. La questione st d'autant plus grave que la sous-consommation concerne surtout des crédits de la précédente programmation financière. Je souhaite vivement que vous nous apportiez toutes les précisions nécessaires sur l'état de la programmation et de la dépense de ces crédits, mais aussi sur les mesures techniques envisagées pour accélérer le rythme de leur mise en oeuvre.

E nfin, il n'est pas possible d'évoquer le budget communautaire pour 2000 sans aborder la question du financement de la reconstruction et du développement des Balkans. C'est un domaine d'action spécifiquement communautaire, qui nécessite un effort financier particulièrement soutenu. En conséquence, le Conseil a accru les crédits des actions extérieures, tandis qu'un important redéploiement a été effectué au sein de la rubrique.

Ainsi, pour 2000, le Conseil a décidé de créer une réserve pour la reconstruction du Kosovo, dotée de 500 millions d'euros de crédits pour engagement et de 280,7 millions d'euros de crédits pour paiement. Cette réserve est destinée à alimenter la nouvelle ligne spécifiquement dédiée à l'aide à la reconstruction du Kosovo.

Il faut ajouter à ces moyens les 65 millions d'euros de crédits pour paiement en faveur d'actions de reconstruction des républiques issues de l'ancienne Yougoslavie et les 50 millions d'euros de crédits de paiement prévus au titre de la coopération avec les pays des Balkans occidentaux.

Au total, 395 millions d'euros de crédits pour paiement, soit 2,6 milliards de francs, sont affectés à cette région pour 2000, s'ajoutant aux crédits déjà dégagés en 1999 au titre notamment de l'aide humanitaire et de l'aide à la reconstruction.

L'effort est donc significatif. L'Union européenne n'est toutefois pas le seul intervenant dans la reconstruction du Kosovo, même si elle joue un rôle majeur.

Ainsi, l'évaluation du coût de la reconstruction au Kosovo est menée sous l'autorité de la Banque mondiale et de la Commission européenne. L'Union exerce un rôle de coordination des aides à la reconstruction, afin que l'agence européenne créée à cette fin soit opérationnelle avant la fin de l'année.

D'autres institutions, comme la Banque européenne d'investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement pourraient aussi intervenir, notamment en vue d'aider les PME et de revitaliser, si ce n'est recréer le tissu économique.

S'agissant des évaluations du coût de la reconstruction, à la lumière des premiers rapports d'évaluation qui lui ont été communiqués, la communauté internationale s'est engagée, le 28 juillet dernier, pour un montant total de 2,1 milliards de dollars, dont la moitié sera financée par l'Union.

La procédure d'évaluation sera poursuivie, à l'automne 1999, dans le cadre d'une réunion devant traiter de la reconstruction et étudier les premiers résultats des évaluations exhaustives des dommages causés aux infrastructures. En janvier et février 2000, une réunion sur l'ensemble de l'aide au Kosovo aura lieu, sur la base du programme de redressement économique que la Banque mondiale rédigera avant la fin de l'année 1999.

Au regard de ces premières évaluations, l'effort consenti par l'Union est donc réel. Il n'est cependant pas certain, à ce stade, qu'une révision des perspectives financières doive être nécessairement envisagée.

En tout état de cause, personne ne contestera le caractère indispensable de ces dépenses : il n'y a pas de meilleur investissement que ceux en faveur de la paix. Et la paix, c'est bien le but premier et ultime de la construction européenne. C'est pourquoi la commission des


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finances appelle à voter en faveur de l'article 35.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, comme d'habitude, le vote auquel nous allons procéder cet après-midi aura une valeur plus politique que juridique. En effet, d'une part, la contribution française est une obligation découlant des traités, d'autre part, son montant dépend plus d'une évaluation au terme d'une procédure qui n'est pas terminée que de chiffres précisément arrêtés. Cela étant, comme l'a d it le rapporteur général, 98,5 milliards de francs méritent bien que l'on y consacre quelques heures de réflexion.

Le projet de budget communautaire pour l'an 2000 qui nous est présenté s'inscrit dans le cadre des nouvelles perspectives financières 2000-2006 qui ont été adoptées au conseil européen de Berlin et dont je vous rappellerai quelques caractéristiques.

Tout d'abord, hors crédits d'élargissement, mais avec les aides de pré-adhésion, les crédits d'engagement passeront en sept ans de 92 milliards d'euros en début de période - an 2000 - à 90,6 milliards d'euros en fin de période - 2006 -, c'est-à-dire qu'ils connaîtront une petite baisse en valeur réelle. Si l'on prend en compte l'élargissement, la physionomie est bien sûr un peu différente puisque les crédits de paiement passeront de 89,6 milliards d'euros en début de période à 103,8 milliards d'euros en fin de période. Cela dit, je vous indique que ce dernier chiffre ne correspondant, sur les bases de croissance et d'inflation retenues par la Commission, qu'à 1,13 % du PIB de l'Union européenne, nous disposons de sommes considérables comme marge de manoeuvre.

Ces perspectives, cela n'aura pas échappé à cet auditoire averti, sont sensiblement plus rigoureuses que ne l'étaient les propositions de la Commission pour une bonne raison et une raison qui me paraît plus discutable.

La bonne raison, c'est que l'on ne voit pas pourquoi le budget de l'Union européenne échapperait à une gestion rigoureuse à laquelle les Etats membres acceptent de se soumettre et sont parfois même invités à le faire par la Commission de Bruxelles, ce qui peut paraître un peu pardoxal. Mais l'effort de stabilisation des dépenses agricoles, de resserrement des actions structurelles au bénéfice des Etats membres actuels a sa justification si on a à l'esprit le niveau de vie moyen des nouveaux pays adhérents. Certaines mesures envisagées, comme la vérification annuelle que le niveau de PNB par tête des quatre pays actuellement bénéficiaires du fonds de cohésion ne dépasse pas le seuil de 90 %, relèvent d'une gestion rigoureuse, non pas au sens exagéré du terme, mais au sens bonne gestion.

La mauvaise raison - personnellement, je n'hésite pas à employer ce qualificatif - est que si ces perspectives f inancières apparaissent modérées, c'est qu'elles se contentent de prolonger les politiques existantes au niveau de l'Union européenne. Il n'y a pas de nouvelle politique en dehors des actions extérieures qui découlent explicitement d'une mise en oeuvre progressive du traité de Maastricht, puis du traité d'Amsterdam. On pourrait me faire remarquer que le budget des politiques internes augmente de 1,6 % par an, mais je me permets, en tant que rapporteur, de répondre que l'hypothèse de croissance annuelle moyenne étant de 2,5 %, le poids de ces actions internes va en réalité diminuer par rapport au PNB communautaire.

Je le répète, il n'y a dans ces perspectives financières, et par conséquence logique dans le projet de budget qui nous est présenté, aucune grande ambition nouvelle de l'Union européenne pour le

XXIe siècle. Il existe pourtant à mes yeux des domaines essentiels pour ce siècle à venir, des domaines nombreux où des actions communautaires pourraient se révéler plus efficaces que la somme des actions nationales et auraient des effets très bénéfiques pour l'emploi, qui est par ailleurs l'une de nos priorités.

Le temps me manque pour évoquer plus précisément le coup de pouce public qu'il serait utile de donner à la création de réseaux de satellites d'observation, de télécommunications ou autres, ou au développement des biotechnologies. L'Europe devrait à l'avenir pouvoir progresser dans ces domaines plus qu'elle ne l'a fait dans le passé.

Dernière remarque introductive : ce projet de budget se situe dans une nouvelle étape de la construction européenne. A cet égard, si l'euro est aujourd'hui une réalité - j'y reviendrai -, nos nouvelles priorités sont les suivantes : d'abord, l'emploi - j'allais dire : encore l'emploi ; mais je ne me prendrai pas pour Clemenceau (Sourires) ; ensuite, la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice ; le développement d'une politique étrangère et, aussi rapidement que possible, de défense commune ; l'élargissement, bien sûr, et, pour coiffer le tout, la réforme institutionnelle dont une large majorité de cette assemblée a déjà eu l'occasion de souligner qu'elle était un préalable indispensable à l'entrée de nouveaux pays membres dans l'Union.

S'agissant du budget lui-même, intervenant après le rapporteur général, je serai bref : 92,36 milliards d'euros en crédits d'engagement, 87,94 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 2,6 %, ce qui est sensiblement moins - cela a été dit - que les 4,7 % prévus par la Commission. Le Conseil a fait un effort et, dans les limites que j'ai indiquées précédemment, cet effort me paraît justifié. Ce budget de l'an 2000 représentera 1,08 % de notre PIB communautaire et nous aurons encore l'occasion de débattre du dépassement du plafond mythique de 1,27 %.

A noter, car cela n'est pas toujours apparu, que les dépenses non obligatoires représentent aujourd'hui environ 58 % de ce budget, ce qui signifie en termes plus politiques, que la part du budget sur laquelle le Parlement européen a le dernier mot, y compris par rapport au Conseil, est aujourd'hui assez largement majoritaire.

Cela résulte notamment de certains glissements de classification opérés à l'occasion de la définition des nouvelles perspectives financières à Berlin.

S'agissant des dépenses, je serai très bref. Les dépenses agricoles représentent encore 46 % du budget. Il reste une marge de 400 millions d'euros qui permettra de faire face à certains imprévus toujours possibles qu'il s'agisse de l'ESB ou des variations des taux de change.

Actions structurelles : 35 % du budget. Cette baisse sensible par rapport à l'année dernière a deux explications : d'une part, le tranfert à la rubrique 1 - Politique agricole commune - de tout ce qui était développement rural et, d'autre part, l'achèvement de la consommation de certains restes à liquider de la précédente programmation.


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Politiques internes : 6,2 % du budget. Si j'ai émis tout à l'heure quelques critiques sur l'insuffisant poids de cette rubrique, il faut néanmoins saluer certains aspects positifs : une ligne emploi qui apparaît dotée, même si ses bases juridiques ne sont pas encore totalement assurées ; une petite augmentation des dépenses pour les grands réseaux même si l'on sait que cette budgétisation reste très faible par rapport aux investissements à réaliser ; enfin, la poursuite d'un programme communautaire de recherche et de développement qui, avec une hausse de 5,2 % des crédits d'engagement, suit le rythme qui a été prévu par la perspective quinquennale. Mais, encore une fois, tout cela ne me paraît pas suffisant eu égard aux ambitions que j'aimerais voir être demain celles de l'Union européenne pour une grande politique technologique et une grande politique de l'emploi.

Les actions extérieures représentent 4 % du budget communautaire. M. le rapporteur a notamment détaillé l'effort important réalisé au bénéfice de la reconstruction du Kosovo : 500 millions d'euros de crédits pour engagements et 280 millions d'euros de crédits pour paiements, d'ailleurs pleinement comptabilisés dans l'évaluation faite par la France pour le versement de sa contribution. Cela montre bien que nous sommes logiques et qu'après avoir engagé une intervention militaire pour éviter une épuration éthnique, nous sommes décidés à faire l'effort financier qui en résulte logiquement pour favoriser le retour de tous - je dis bien : tous - les réfugiés qui ont fui le Kosovo à un moment ou à un autre.

Enfin, même si c'est aujourd'hui une rubrique à part, j'en viens à la préadhésion : 3,16 milliards d'euros de crédits pour engagements et un peu plus de 2 milliards d'euros de crédits pour paiements. Les négociations d'élargissement se portent bien aujourd'hui, même si le plus dur est encore à faire, comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre des affaires européennes en petit comité sans doute le répétera-t-il devant cette assemblée - et même si les discussions autour d'une date qu'il faudrait absolument respecter sont probablement prématurées.

Un mot rapide sur les recettes. La ressource PNB va couvrir cette année environ 48 % des recettes communautaires. C'est à mon sens une bonne chose parce que la ressource PNB est un critère plus équitable par rapport à la richesse des pays. Par ailleurs, son accroissement facilitera le règlement de certains problèmes de solde budgétaire par rapport à l'Union européenne soulevés par des pays membres à l'occasion du Conseil européen de Berlin. Nous aurons donc à la fois plus d'équité et moins de problèmes politiques. En tant que rapporteur, je ne peux donc que me féliciter de cette évolution.

La contribution française - 98,5 milliards d'euros croît de 5,3 % par rapport au versement effectué en 1999. Cela peut paraître beaucoup et quelque peu incohérent par rapport à ce que j'ai dit précédemment, mais une bonne partie de cette augmentation s'explique par des restes à liquider des actions structurelles de la programmation financière précédente. Il est évidemment de l'intérêt de notre pays que les crédits prévus pour nos régions défavorisées ou nos communes en reconversion soient utilisés au maximum.

Je ferai maintenant deux remarques qui sortent un peu du cadre du budget.

S'agissant de la mise en oeuvre de l'euro, je considère pour ma part qu'elle a été un succès. Sur cette monnaie, les taux à court terme sont bas : 2,5 %. Cela justifie l'engagement de ceux qui se sont battus pendant des années pour la réalisation de l'euro. En termes d'émissions obligataires, au cours des douze derniers mois, 43 % des émissions mondiales ont été libellées en euros contre 46 % en dollars, alors que la somme des monnaies des onze pays de l'euro en termes d'obligations émises en 1997 ne représentait que 30 % du total mondial. Cela marque bien la capacité de l'euro à devenir une monnaie mondiale équilibrant progressivement le rôle du dollar.

C'était aussi l'une des raisons de l'engagement de la majorité de cette assemblée.

Enfin, en matière d'emploi, certaines décisions prises dans le domaine social portent aujourd'hui leurs fruits.

Nous avons comptabilisé 511 accords de création de comités de groupe, équivalents européens de nos comités d'entreprise, suite à la directive votée il y a maintenant à peine deux ans, cette directive ayant elle-même pu être votée grâce à l'introduction de la décision à la majorité dans le protocole social du traité de Maastricht. Je ne répéterai jamais assez ce qui est non pas une lubie, mais une conviction profonde : l'Europe, pour avancer, a besoin d'une capacité de décision et celle-ci suppose la décision à la majorité. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat en réfléchissant à la réforme institutionnelle qui est devant nous.

Je conclurai en m'adressant respectueusement à la future présidence française du deuxième semestre 2000, c'est-à-dire à vous, monsieur le ministre. Je souhaite, pour ma part, et je crois exprimer le point de vue de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des finances, que soient créés le plus rapidement possible deux groupes de travail, d'abord français, éventuellement européens si tout va bien.

Le premier groupe de travail pourrait proposer à l'Union européenne des programmes technologiques à horizon 2010, comme les Japonais ou les Américains ont su le faire il y a dix ou vingt ans avec les programmes spatiaux ou les programmes informatiques. L'Union européenne doit se lancer avec de l'argent public, car cela ne peut démarrer tout seul, dans de grandes perspectives destinées à rattraper notre retard technologique dans certains domaines où il devient dangereux, y compris politiquement, et dans des domaines dont nous savons qu'ils sont créateurs d'emplois pour demain.

Le second groupe de travail - je ne suis pas un maniaque des groupes de travail, mais je crois que cette forme de réflexion collective permet d'avancer - pourrait émettre des propositions en direction de l'Union européenne en faveur d'une meilleure coordination des politiques macro-économiques des Quinze, pour un rôle plus dynamique et un effet de levier plus affirmé du budget de l'Union européenne en faveur de l'emploi. J'ai pour ma part quelques idées, que je suis prêt à mettre noir sur blanc, sur ces sujets, mais je vous rassure, ce n'est pas une candidature au groupe de travail.

(Sourires.)

Il serait à l'honneur de notre pays monsieur le ministre, de progresser dans ces deux directions et l'Union européenne y trouverait aussi son compte. La présidence française va s'exercer dans quelques mois. Si, au-delà de l'agenda déjà défini, nos pouvions apparaître porteurs de quelques idées dans ce domaine, je crois que nous aurions bien servi à la fois la France et l'Europe. Je conclurai en vous appelant, mes chers collègues, à voter la contribution qui vous est proposée aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous épargnerai la redite des chiffres qu'ont brillamment explicités les orateurs précédents pour approfondir quelques points qui nous tiennent à coeur.

En effet, l'élaboration du projet de budget communautaire pour l'exercice 2000 s'inscrit dans une période qui aurait dû être celle de la refondation de l'Union européenne. Nous sommes nombreux à regretter que les années se suivent et se ressemblent et d'être toujours confrontés à la même configuration alors que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux une véritable relance de l'Union européenne sur le plan qualitatif et quantitatif.

L'année 1999 a été celle de la renégociation de

« l'Agenda 2000 », document multiple qui réorganise le fonctionnement et l'action de l'Union pour les prochaines années en engageant les réformes de la politique agricole commune et de la politique régionale, la préparation de l'élargissement à de nouveaux Etats membres et, enfin, la définition d'un nouveau cadre financier pour la période allant de 2000 à 2006.

Aux difficultés inhérentes à chacune de ces négociations s'est ajoutée la menace d'une crise soulevée par quatre Etats membres figurant parmi les plus importants contributeurs nets au budget communautaire qui jugent leur contribution excessive.

En même temps, l'Union a ouvert des négociations en vue de l'adhésion avec six pays d'Europe centrale et orientale et le prochain sommet d'Helsinki va sans doute ouvrir encore de « nouveaux chantiers » avec six autres pays. Cela entraîne l'inscription au budget communautaire de dépenses de pré-adhésion et cette aide à la transition économique et juridique des pays candidats nous apparaît à la fois comme un devoir à caractère historique et comme une chance à saisir pour la stabilité et la prospérité du continent européen. Or l'hypothèse d'une progression du budget communautaire a été repoussée par la majorité des Etats membres au nom d'une rigueur érigée en fin plus qu'en moyen.

Par ailleurs, le dénouement de la crise au Kosovo a légué à l'Union européenne un rôle majeur dans la reconstruction de la province, avec un engagement financier important.

Dans ce contexte, le projet de budget communautaire pour 2000 relève de la gageure. Il couvre tout d'abord les dépenses de la PAC et les dépenses de développement régional, deux politiques préservées, en principe, pour les sept prochaines années si l'OMC ne met pas à mal certaines de ces aides.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis.

Il s'efforce ensuite de ménager les politiques internes et renf orce deux actions essentielles pour l'avenir de la Communauté : les réseaux transeuropéens et la recherche.

Il consacre aussi quelques moyens supplémentaires aux programmes regroupés par la Commission européenne sous le beau titre d'« Europe de la connaissance ». Il amorce les nouvelles politiques prévues par le traité d'Amsterdam. Enfin, il dégage des crédits pour la reconstruction du Kosovo et ménage, nous dit-on, les autres actions extérieures de l'Union, ce qui reste à démontrer. Tout cela doit être accompli avec des moyens quasiment inchangés.

L'analyse que nous en faisons montre à quel point il s'agit d'un budget tendu : l'équilibre est obtenu uniquement par le redéploiement de crédits, ce que conteste le Parlement européen, d'une part, en prélevant sur des chapitres connaissant une sous-exécution et, d'autre part, par la réduction linéaire de 10 % des crédits consacrés aux actions extérieures, au mépris, toujours selon le Parlement européen, d'actions au long cours entreprises depuis plusieurs années. Le projet de budget ne permettrait absolument pas une intervention impromptue et urgente de l'Union si elle apparaissait nécessaire, comme elle l'a été en Turquie cette année. Une révision des perspectives s'imposerait s'il fallait faire face à un nouveau problème d'actualité et même vraisemblablement dès l'an prochain si les négociations s'élargissent à six nouveaux pays, ce que nous souhaitons.

Dans ce contexte, je voudrais souligner quelques points. Tout d'abord, renforcer l'efficacité de la dépense communautaire doit être un objectif essentiel, d'autant plus si nous pensons qu'elle doit monter en puissance. La Commission doit renforcer ses contrôles a posteriori et s'imposer une réflexion systématique sur l'efficacité et les aspects qualitatifs des dépenses qu'elle engage. Or sur ce point nous sommes très loin du compte. Le président Prodi a d'ailleurs annoncé une réforme des services de la Commission. On s'en félicitera, mais il faudrait s'assurer que celle-ci sera assez approfondie. Les redéploiements ne concerneraient pour l'instant que 2 % du personnel.

Est-ce vraiment suffisant pour remédier aux dysfonctionnements dûment constatés par le comité des sages ? Je soulignerai ensuite que notre pays a bénéficié jusqu'à présent de versements importants au titre de la PAC et de la politique régionale. Contrairement à ce qui est dit parfois, il continuera à bénéficier à l'avenir des dépenses communautaires, particulièrement au titre du développement rural et de la reconversion économique des régions en déclin industriel. Cela est très positif et la France a plutôt un sort enviable dans le cadre des contributions et des retours du budget européen.

Mais l'Union européenne doit aussi construire son avenir, et, pour cela, développer des politiques nouvelles.

C'est là que réside la principale inquiétude. Elle se trouve, selon nous, dans l'étroitesse des perspectives financières pluriannuelles comme du projet de budget 2000.

La situation en Europe et dans le monde exige à juste titre beaucoup de l'Union européenne : elle doit préserver la continuité de ses actions dans certaines régions du monde, elle doit aussi mobiliser de nouveaux moyens pour faire face aux défis nouveaux. Or la part des dépenses extérieures dans la dépense totale reste faible : elle s'élève à 4 % seulement. Cela devra absolument évoluer à l'avenir.

Par ailleurs, l'année 2000 verra l'achèvement de la négociation de la convention de Lomé. Or cette renégociation s'avère particulièrement difficile, car l'Union doit maintenir sa solidarité envers les pays ACP. Mais elle souhaite aussi promouvoir leur intégration progressive dans l'économie mondiale et faire évoluer ce partenariat en l'enrichissant de nouveaux principes tels que l'association de la société civile à la définition des priorités et à la mise en oeuvre de la coopération. L'Union souhaite aussi élever la notion de bonne gouvernance au rang d'élément essentiel de la future convention.

Enfin, l'Union doit relancer en 2000 sa coopération avec les nouveaux Etats indépendants dans le cadre des programmes TACIS et renouveler son partenariat avec les pays méditerranéens dans le cadre du programme MEDA,


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programmes qui ont d'ailleurs fait l'objet de commentaires assez sévères de la Cour des comptes européenne.

Le traité d'Amsterdam, même si nous n'en sommes qu'aux prémices, a renforcé la politique étrangère et de sécurité commune, et le Conseil européen de Cologne a indiqué sa volonté de mettre en place un véritable dispositif de gestion des crises. Or, les moyens consacrés à ces nouveaux domaines, dans le budget 2000 comme dans les perspectives pluriannuelles, sont si modestes que l'on doute de la possibilité de voir émerger une véritable identité extérieure pour l'Union européenne.

Enfin, les nouveaux développements dans le domaine des affaires intérieures et de la justice, notamment lors du sommet de Tempere, sont à nos yeux positifs. Ainsi, dans le cadre de la politique d'asile et d'immigration, est évoquée l'instauration d'un partenariat approfondi avec les pays d'émigration, et même le démarrage d'actions de codéveloppement avec une première série de pays. Mais ces initiatives ne trouvent pas de traduction dans l'actuel budget, ce qui suscite beaucoup d'inquiétude.

Bref, il s'agit là d'un budget inscrit dans un paquet de transition - une transition qui dure un peu trop longtemps à nos yeux. Il ne traduit donc, hélas ! aucune vision d'avenir de la construction européenne.

M. Yves Cochet.

Eh oui !

M. Jean-Claude Lefort.

Il ne faut pas le voter !

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis.

C'est ce défaut d'une nouvelle impulsion que nous déplorons une fois de plus, alors que le traité d'Amsterdam, d'une part, et la situation internationale, d'autre part, appelaient l'Union à s'affirmer selon des principes plus clairs et plus ambitieux.

Malgré tous ces regrets et ces motifs de préoccupation, la commission des affaires étrangères propose d'adopter l'article 35 même si, comme l'a rappelé Gérard Fuchs, juridiquement, ce vote est beaucoup plus formel qu'opérationnel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellents rapports de Gérard Fuchs et de Didier Migaud, je suivrai plutôt, quant à moi, les chemins ouverts par Marie-Hélène Aubert. J'évoquerai donc quelques sujets de préoccupation à propos de ce projet de budget que je vous recommande néanmoins d'adopter.

La situation est paradoxale. En effet, un accord sur la période qui s'ouvre a été obtenu à Berlin, non sans difficulté, toutefois. En tout cas, sous la présidence allemande, les questions concernant le financement d'une PAC modifiée et d'une politique régionale - j'ose à peine l'appeler ainsi - avec des moyens pour les fonds structurels ont pu être réglées.

Cela étant, on a constaté, tout au long de cette négociation, que les réactions nationales de plusieurs pays, dont certains membres très importants de l'Union, ne cédaient pas. C'est ainsi que, après la revendication britannique, les Allemands ont adopté une position nouvelle sur la question du budget communautaire. Ils ont déclaré que, eux aussi, payaient trop. Et effectivement, la contribution allemande est de très loin la plus importante.

Est-ce une bonne chose ? Certes, je comprends que chaque gouvernement défende ses intérêts nationaux.

Mais, si nous voulons confirmer qu'il ne s'agit pas de bâtir entre les Quinze - voire plus, plus tard - une zone de libre-échange, nous devons conforter tout ce qui caractérise les politiques communes spécifiques. Gérard Fuchs a démontré, et je partage complètement son sentiment, que nous avions sauvegardé la politique agricole, avec un certain nombre de modifications sans doute intéressantes et que nous allions pouvoir poursuivre les politiques communes existantes. Mais il a aussi fait observer qu'il n'y avait pas beaucoup d'éléments nouveaux en matière de recherche, de politique de l'emploi, de politique d'aide à la croissance, alors que, politiquement, plusieurs gouvernements européens, dont le nôtre - et je le soutiens beaucoup dans cette démarche -, cherchent à faire avancer l'Union européenne dans ce domaine.

Alors que l'euro a créé des conditions économiques, monétaires et politiques tout à fait différentes et qu'un certain nombre de pays européens souhaitent participer à l'Union, allons-nous considérer que la question centrale est de faire baisser le pourcentage maximal des contributions européennes globales par rapport au PNB ? Ce point est fondamental, tant il est vrai qu'en la matière rien ne doit être définitif. Bien sûr, le taux de 1,27 % est un cadre. Et l'actuelle rigueur de la gestion des fonds européens est tout à fait nécessaire, il reste même encore des progrès à faire. Mais si nous voulons que l'Union européenne soit autre chose que le simple regroupement de pays souhaitant commercer plus facilement entre eux, si nous voulons crédibiliser la phase dans laquelle nous sommes sur le plan monétaire, et mettre en oeuvre demain l'espace judiciaire, et une politique étrangère commune, voire de défense commune, il faut poser le problème des moyens financiers pour atteindre ces objectifs. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins - et bien sûr ce n'est pas à l'occasion de la discussion de ce budget que l'on peut traiter cette question.

Pour illustrer mon propos, je prendrai pour exemple un dossier sur lequel nous avons beaucoup travaillé au sein de la délégation, et qui me tient particulièrement à coeur. Depuis Amsterdam, et surtout le Conseil européen de Luxembourg, des réorientations très importantes ont été décidées en matière de politique européenne pour l'emploi. Je les ai saluées et je continue à les défendre. Je sais à quel point notre Gouvernement, et la délégation française en général, a agi sur ce terrain. Aujourd'hui, nous devons créer les conditions de la préparation du prochain sommet de Lisbonne, pour que ce thème, qui est juste et qui permet de toucher l'ensemble de nos concitoyens sur un terrain très sensible, celui de l'emploi, puisse trouver une concrétisation. Il faut des moyens pour financer des grands travaux, des programmes de recherche communs et pour aller plus loin vers une harmonisation de la politique sociale. Or, ce budget, s'il n'empêche pas de telles actions, ne les favorise pas véritablement non plus.

De la même façon, nous sommes plusieurs sur ces bancs à considérer que le drame du Kosovo a posé de manière tout à fait claire la question de la politique étrangère de l'Union, et au-delà, la question centrale, sur laquelle il faut consulter nos concitoyens, d'une défense européenne spécifique, qui ne s'inscrirait pas nécessairement dans les cadres de l'Alliance et de l'OTAN. Cela implique qu'on réunisse les conditions permettant, non pas d'arriver à cela demain, mais d'avoir un vrai débat démocratique sur tout ce que recouvre ce point fondamental et qui mobiliserait beaucoup de moyens.

Mardi prochain, nous aurons l'occasion d'aborder les problèmes de la négociation multilatérale sur le plan commercial. Là non plus, il n'y aura pas de conséquences


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budgétaires directes pour le budget 2000. Mais, si nous voulons affirmer la dimension spécifique de l'Union européenne afin de lever toute ambiguïté - les pays candidats doivent savoir à quoi ils vont adhérer et ce que nous voulons bâtir ensemble -, il importe de rappeler les fondements de l'Union : objectif de paix, de vie en commun au sein de l'Union, modèle social et économique.

M. Jean-Claude Lefort.

Et démocratique !

M. Alain Barrau, président de la délégation.

Effectivement, monsieur Lefort.

Voilà pourquoi, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, je voudrais reprendre en séance publique la proposition que j'ai faite en commission des finances. Ne pourrait-on pas, pour les prochaines années, prévoir une organisation différente ? Certes, ce débat donne lieu à un après-midi très agréable, mais on est amené à aborder deux points très différents. Je propose donc de discuter précisément du prélèvement français au titre de la participation française au budget européen. Et, par ailleurs, de prévoir un débat d'orientation budgétaire pour l'année suivante, en tenant compte de la place de la Commission et du Parlement européens, de l'expression nécessaire des parlements nationaux et du dialogue avec le Gouvernement.

M. Jean-Claude Lefort.

Très bien !

M. Alain Barrau.

En effet, la question n'est pas de dire oui ou non au prélèvement proposé. La réponse sera n écessairement oui, et, en plus, notre marge de manoeuvre est quasiment nulle. Il s'agit de savoir quelles orientations la représentation nationale veut donner à l'Europe pour l'année suivante.

Si vous en étiez d'accord, une telle démarche rendrait notre discussion plus efficace.

Dernier point qui peut paraître secondaire mais qui ne l'est pas. Le SGCI, dont beaucoup de pays nous envie l'efficacité, est un instrument remarquable au service du Gouvernement dans les affaires européennes. Mais le SGCI, qui travaille en liaison et sous la houlette du ministère des affaires européennes, relève du budget des services du Premier ministre. Ne vaudrait-il pas mieux regrouper l'ensemble des moyens d'action du Gouvernement en matière de politique européenne, monsieur le ministre ? Cela ajouterait à la clarté de ce débat. J'espère que, tous ensemble, nous pourrons obtenir ces nécessaires réformes démocratiques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les députés, comme chaque année, le Gouvernement, par la voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte à la représentation nationale du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir et de ses conséquences sur le budget de l'Etat, à travers le prélèvement européen. En ce qui me concerne, c'est la troisième fois que je me livre devant vous à cet exercice.

Le projet de budget communautaire pour 2000 inaugure la mise en oeuvre des nouvelles perspectives financières - l'Agenda 2000 - décidées en mars dernier au Conseil européen de Berlin.

Ma première réflexion sera de dire que ce projet de budget confirme pleinement ce que j'exprimais à cette même tribune le 16 mars 1999, lors du débat parlementaire sur l'Agenda 2000. Le paquet financier de Berlin est plutôt bon pour la France. J'aurai l'occasion d'y revenir, mais les grands traits de ce projet de budget montrent que la fermeté de nos positions durant cette négociation a finalement permis de ménager au mieux nos intérêts.

Le budget de la PAC est stabilisé, avec néanmoins une montée en régime du « deuxième pilier » de la PAC, entièrement consacré au développement rural et à la déclinaison territoriale du concept assez français de « multifonctionnalité ».

Les fonds structurels, pour leur part, sont globalement en augmentation de 6,5% pour les Quinze et les retours de la France sont stabilisés à 100 milliards de francs environ, soit exactement le volume des crédits dont nous disposions au titre de la programmation d'Edimbourg.

Enfin, globalement, le budget communautaire reste maîtrisé, avec une croissance limitée à 2,8 % en valeur en 2000. A cet égard, je veux, comme M. Fuchs, reconnaître les efforts faits pour introduire plus d'équité dans le système de financement de l'Union européenne.

La contribution française augmentera à un rythme légèrement plus soutenu de 3,7 %, mais sans réelle discontinuité par rapport aux évolutions antérieures. L'augmentation de notre effort, qui est significative tout en restant raisonnable, résulte notamment de la montée en régime de la ressource assise sur le PNB, en lieu et place de la ressource TVA, ce qui permettra de rendre un peu plus équitable le système de ressources propres de l'Union européenne, conformément à l'esprit des décisions de Berlin sur le volet ressources propres.

A Berlin, nous avons donc remis de l'ordre dans les finances de l'Union européenne. A cet égard, je veux, comme Mme Aubert, souligner l'utilité du deuxième rapport du comité des sages qui a fait 90 recommandations précises pour améliorer la gestion des crédits, des contrats et des emplois de la Communauté. Vous le savez, le Président Prodi a dit au Parlement européen qu'il avait l'intention de mettre sérieusement en oeuvre ce rapport. Un vice-président de la Commission, M. Neil Kinnock, est, justement, chargé de cette tâche.

C'était un préalable indispensable pour remettre l'Europe en ordre de marche, et il faut féliciter le chancelier Gerard Schro der de l'avoir compris dès le tout début de l'année, c'est-à-dire, soyons honnêtes, un peu avant tout le monde.

Au cours des six derniers mois, une nouvelle Commission a été nommée et un nouveau Parlement européen s'est installé dans un nouvel hémicycle à Strasbourg.

L'Union européenne a réussi à se donner les moyens d'assumer les responsabilités internationales nouvelles qui sont les siennes dans les Balkans à la suite de la tragédie du Kosovo.

Enfin, l'Union européenne a décidé de faire face aux défis qui l'attendent. Je les rappelle : la réussite du processus d'élargissement ; l'indispensable réforme des institutions ; les progrès vers l'Europe de la défense, avec notamment la fusion Aérospatiale-Matra-Dasa ; la poursuite des efforts pour bâtir l'Europe de l'emploi et de la croissance avec le Sommet spécial prévu à Lisbonne en mars prochain, afin de donner de la chair au Pacte européen pour l'emploi adopté à Cologne ; enfin, la préparation du prochain cycle de négociations commerciales


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multilatérales, qui s'ouvrira à Seattle le 30 novembre, et qui fera l'objet d'un débat spécifique, ici même, mardi 26 octobre.

L'avenir de l'Union dépend de ces grands chantiers.

Vous ne serez donc pas surpris qu'ils constituent le coeur des priorités de la prochaine présidence française, au second semestre de l'an 2000, priorités fixées - cela va de soi - en totale harmonie entre le Président de la République, le Premier ministre et, bien sûr, le Gouvernement.

Avant d'entrer plus avant dans le vif du sujet, je voudrais remercier M. Didier Migaud, rapporteur général du budget de l'Etat, Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial de la commission des finances, ainsi que M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne, qui exerce en permanence, en particulier en application de l'article 88-4 de la Constitution, la vigilance de votre assemblée sur les actes de la Communauté et leur traduction en droit interne. Je lui indique dès à présent que je partage les priorités qu'il a exprimées à cette tribune.

Mesdames, messieurs, mes collaborateurs et moi-même avons travaillé avec vous tous de manière étroite et extrêmement positive, et je veux saluer ici la qualité de cette réflexion et de notre coopération.

Je tiens, en premier lieu, à vous donner quelques éléments d'information sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui.

La Commission a présenté son avant-projet de budget pour 2000 en mai dernier, en progression de 4,7 % en crédits de paiement par rapport au budget pour 1999. En engagements, l'avant-projet de budget marquait une baisse de 4,4 % en raison du niveau exceptionnellement élevé des crédits d'engagement des fonds structurels en 1999, dernière année de la programmation d'Edimbourg.

Lors du Conseil budget du 16 juillet dernier, les Quinze ont ramené la progression des paiements à un taux plus raisonnable de 2,8 %, soit une augmentation en volume de 0,8 % compte tenu d'une inflation communautaire évaluée à 2 %. M. Fuchs a donc eu raison de souligner l'effort de rigueur du Conseil.

Cet ajustement a été obtenu essentiellement à travers un abattement forfaitaire de 375 millions d'euros sur les dépenses de marché de la PAC d'une part ; une économie d'un milliard d'euros sur les fonds structurels d'autre part, à la suite de l'adoption du nouveau règlement les concernant qui ramène l'avance sur projet de 4 % à 3,5 %, étant entendu que les crédits d'engagement proposés par la Commission, eux, n'ont pas été modifiés, puisqu'il s'agit d'une dépense à statut privilégié.

Avec un taux de progression en volume de 0,8 %, le projet de budget de l'Union pour 2000 évolue à un rythme compatible avec l'objectif général de stabilisation en francs constants des dépenses de l'Etat pour 2000.

Compte tenu du système de ressources de l'Union, l'évaluation de notre contribution à son budget s'établit à 98,5 milliards de francs. Elle représentera, comme l'a dit le rapporteur général, 6,2 % du produit attendu des recettes fiscales nettes de l'Etat en 2000, contre une estimation, à ce jour, de 6 % pour 1999.

J'en viens au fond du projet de budget pour l'an 2000 adopté par le Conseil en première lecture.

Les crédits de la politique agricole commune s'établissent à 40,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 0,2 % par rapport à 1999.

Au sein de cette importante masse financière, les crédits de développement rural s'élèvent à 3,6 milliards d'euros. Conformément aux décisions de Berlin, ils regroupent, de façon plus cohérente, l'ensemble des actions de développement rural, y compris celles qui étaient traditionnellement financées jusqu'à présent dans le cadre de la politique structurelle.

Les politiques de développement rural, qui constituent maintenant un véritable deuxième pilier de la PAC, visent à prendre pleinement en compte la ruralité dans toutes ses dimensions : agricole, mais aussi sociale et environnementale. Ce deuxième pilier de la PAC était au coeur de la réforme décidée à Berlin, centrée sur la multi fonctionnalité et son renforcement. Il est tout à fait normal qu'il trouve une pleine traduction budgétaire dès 2000.

Les dépenses de marché de la PAC sont en réduction de 2,3 %, essentiellement du fait de la suppression de l'avance consentie au titre de l'aide aux oléagineux, qui entraîne une économie de 1,2 milliard d'euros dans le projet de budget pour 2000. Cette mesure technique de trésorerie résulte de l'alignement du régime des oléagineux sur celui des céréales décidé à Berlin. Pour le reste, les baisses des prix garantis sur les céréales et la viande bovine n'auront pas d'impact sur le volume des aides compensatoires en 2000.

La rubrique 2 du budget communautaire consacrée à la politique structurelle a fait l'objet d'un accord politique à Berlin même, l'enveloppe globale des crédits pour la période 2000-2006 étant arrêtée à 213 milliards d'euros.

C'était à peu près l'objectif que nous poursuivions.

Cette enveloppe bénéficie d'une augmentation de 6,5 % par rapport à la programmation précédente qui, comme vous le savez, sera close dans quelques semaines.

Elle correspond à un effort financier important de l'Union européenne, indispensable pour maintenir la cohésion économique et sociale d'un ensemble démographique vivant désormais avec la même monnaie.

Pour reprendre une expression chère à Jacques Delors, les Quinze ont fait preuve d'

« esprit de famille » à Berlin.

Chaque pays de l'Union - en particulier ceux du Sud peut donc continuer à être directement intéressé au développement des actions communautaires, à travers notamment les programmes d'objectif 1 et les financements du fonds de cohésion. La France, qui est la deuxième puissance économique de l'Union, a pris sa part de cet effort de solidarité communautaire, puisqu'elle verra malheureusement la population métropolitaine couverte par les zonages d'objectif 2 diminuer d'un quart.

Néanmoins, la France est aussi un pays qui, à bien des égards, a besoin que la solidarité communautaire s'exerce à son bénéfice. Ainsi, ses retours au titre des départements d'outre-mer augmenteront, pour s'établir à plus de 21 milliards de francs sur la prochaine période. Par ailleurs, nous serons le principal bénéficiaire, avec l'Allemagne, du nouvel objectif 3, consacré entièrement à l'emploi et à la cohésion sociale, et qui doit être pleinement mobilisé dans la période qui vient.

Au total, la France verra ses retours globalement reconduits de période sur période autour de 100 milliards de francs.

Le projet de budget pour 2000 fixe, au total, le montant des crédits structurels à 32,7 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 31 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,8 %. Ces crédits de paiement serviront à la fois : à apurer la moitié environ des restes à liquider au titre du paquet Delors II, soit


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22,2 milliards d'euros ; à mettre en place l'avance immédiate de 3,5 % sur les futurs programmes ; et à prévoir les premiers paiements nécessaires pour couvrir les crédits d'engagement ouverts en 2000, soit 1,3 milliard d'euros.

A cet égard je veux répondre à M. Migaud sur l'état de la dernière programmation. Un effort particulier a été fourni par les secrétariats généraux pour l'action régionale depuis l'été afin de solder les engagements, au mieux avant le 31 décembre. Par ailleurs, un montant élevé de crédits de paiement - 22 milliards d'euros - est prévu dans le budget communautaire pour 2000. Pour la programmation suivante, 2000-2006, nous devons tout faire pour être en situation d'engager les programmes sans délai et de les exécuter mieux. Comme vous le savez, le Gouvernement a fixé les règles de la concertation régionale et les préfets de région vont lui remettre leurs propositions très prochainement.

Les autres politiques internes, regroupées traditionnellement dans la rubrique 3 du budget communautaire, ont fait l'objet d'une attention particulière dans le cadre de la programmation de Berlin, même si cela a été un peu occulté par les réformes dont je vais parler.

En effet, le plafond de ces dépenses pour les Quinze progressera de 11,3 % en euros constants entre 2000 et 2006, notamment pour tenir compte de la communautarisation, prévue par le traité d'Amsterdam, d'une partie du troisième pilier relatif à la justice et aux affaires intérieures.

Pour l'an 2000, les crédits de la rubrique 3 seront stables, avec 5,8 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit précisement le même niveau qu'en 1999. Pour autant, certaines priorités ont été affirmées au sein de cette rubrique 3 : la recherche et les réseaux transeuropéens. Ainsi les crédits de recherche augmenteront de 5,2 % en engagements pour s'établir à 3,6 milliards d'euros et les réseaux transeuropéens verront leurs crédits progresser de 12 % en engagements, pour s'établir à 656 millions d'euros.

J'en viens aux actions extérieures de l'Union européenne, financées au sein de la rubrique 4, dotée de 4,6 milliards d'euros en engagements et de 3,4 milliards d'euros en crédits de paiement dans le projet de budget pour 2000.

Cette enveloppe permettra de financer l'ensemble des programmes d'action extérieure de l'Union européenne, notamment la politique méditerranéenne, la coopération avec les nouvelles Républiques indépendantes issues de l'éclatement de l'Union soviétique, et la coopération avec l'Amérique latine. Toutefois, la rubrique 4 autorise aussi, au-delà de la continuité des actions traditionnelles de l'Union, le financement, auquel plusieurs d'entre vous se sont montrés sensibles, d'un plan d'aide à la région des Balkans.

A l'initiative de la France, le Conseil a en effet décidé à l'unanimité la création d'une réserve de 500 millions d'euros destinée à financer la reconstruction du Kosovo proprement dit, ainsi qu'une enveloppe de 420 millions d'euros pour les autres types d'interventions - notamment l'aide alimentaire et l'aide humanitaire - indispensables pour favoriser la stabilisation des Balkans dans leur ensemble.

Cet effort de près d'un milliard d'euros, soit 1 % du budget communautaire - cela n'est déjà pas si mal - était absolument indispensable pour que l'Union européenne assume ses responsabilités nouvelles dans les Balkans, à la suite de la tragédie du Kosovo, qui a succédé à tant d'autres drames dans cette région. Cet effort - même s'il est encore limité - est méritoire compte tenu des contraintes qui pesaient sur l'élaboration d'un budget 2000 caractérisé par une progression d'ensemble très encadrée des dépenses, comme vous le souhaitiez.

Ainsi que je l'ai indiqué dans mon propos introductif, la présentation du budget communautaire doit être resituée dans la perspective des échéances qui nous attendent.

J'ai donc évoqué, dans ce propos introductif, les princ ipaux chantiers européens du futur : élargissement, réforme des institutions, stratégie européenne pour la croissance et l'emploi. Ils seront au coeur de la préparation de la présidence française. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais les évoquer brièvement devant vous.

En ce qui concerne d'abord la stratégie européenne pour la croissance et l'emploi, à Cologne, à l'initiative de la présidence allemande et avec notre soutien, les Quinze ont lancé un pacte européen pour l'emploi. Cette réflexion a succédé à d'autres procédures mises en place successivement à Luxembourg, à Cardiff et à Vienne.

Les conclusions de Cologne permettent de réaliser une première synthèse des engagements antérieurs de l'Union européenne. C'est leur principal mérite mais cela montre aussi leurs limites, il faut bien le reconnaître, car à l'évidence, en effet, avec plus de 17 millions de chômeurs dans l'Union, nous devons faire des pas supplémentaires et avoir davantage d'ambition quant au rééquilibrage de la construction européenne en faveur de l'emploi et de la croissance.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite travailler en étroite concertation avec le Portugal, qui assumera la présidence de l'Union à partir de janvier prochain et qui a pris l'engagement de réunir un sommet spécial à Lisbonne les 23 et 24 mars.

Nous avons eu de premiers échanges avec le gouvernement portugais lundi dernier, à l'occasion de la venue en France de son Premier ministre, Antonio Gutteres. Pour notre part, nous considérons qu'un dépassement qualitatif de la démarche de Luxembourg sur l'emploi passe par trois initiatives, certes ambitieuses, mais indispensables.

D'abord, il faut réfléchir à l'enrichissement des lignes directrices pour l'emploi adoptées à Luxembourg et qui font l'objet d'une révision annuelle en fonction des évolutions du marché du travail en Europe. Il faut faire vivre cette démarche, l'enrichir de nouveaux objectifs quantifiés, tout en faisant preuve de la souplesse indispensable pour tenir compte de situations de départ assez contrastées dans les quinze pays de l'Union.

Il convient aussi de remettre cette démarche coordonnée sur l'emploi au coeur de la coordination des politiques économiques. Celle-ci ne doit pas se limiter à la surveillance étroite d'un certain nombre d'agrégats économiques et monétaires. Elle doit aussi intégrer des préoccupations relatives au partage des fruits de la croissance, à la politique salariale et au financement du modèle social européen.

Enfin, nous devons créer un espace de dialogue social européen, à travers la création d'un forum économique et social associant les gouvernements des Quinze, les organisations syndicales et patronales, la Commission et la Banque centrale européenne, autour d'une réflexion collective sur les mutations économiques et sociales qui travaillent en profondeur l'espace européen et qui doivent, de plus en plus, trouver une réponse appropriée à ce niveau aussi, qu'il s'agisse, du financement de l'investisse-


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ment, de restructurations industrielles, d'impact des évolutions démographiques, de nouvelles technologies de l'information.

Dans ce cadre, je m'empare de la suggestion formulée par Gérard Fuchs qui a demandé que deux groupes de travail soient mis en place : l'un sur les nouvelles technologies, l'autre sur l'emploi et la coordination des politiques économiques. Il s'agit de priorités de la présidence française.

Les deux sujets ne sont d'ailleurs pas sans lien puisque, dans les deux cas, il faut trouver des réserves de croissance supplémentaires en utilisant toutes les potentialités d'un espace monétaire et économique intégré. Nous ne pouvons donc qu'être favorables au travail parlementaire accompli sur ces sujets au sein de la délégation et des commissions compétentes. Le Gouvernement y apportera tout son concours.

Le deuxième chantier essentiel est celui de l'élargissement de l'Union.

Comme vous le savez, nous sommes à la croisée des chemins. Six négociations ont été engagées au mois de mars 1998 avec la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, l'Estonie, la Slovénie et Chypre. Elles se poursuivent à leur rythme, sans difficultés insurmontables, m ais nous allons maintenant aborder de nouveaux domaines et les vraies difficultés sont devant nous. Or, dans le même temps, la Commission européenne a publié, le 13 octobre dernier, des rapports concernant les progrès effectués par les pays candidats, mais aussi l'ouverture possible de nouvelles négociations avec les six pays q ui étaient considérés comme appartenant au deuxième groupe, ainsi que la reconnaissance du statut plein et entier de candidat à la Turquie.

(Protestations sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. François Loncle.

Hélas !

M. Jean-Claude Lefort.

C'est scandaleux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Ces orientations, dont nous avions débattu avant la commission, recueillent notre accord. En effet, et malgré les propos de son nouveau président, M. Prodi, la Commission ne propose pas une accélération du calendrier. Elle suit, au contraire, une démarche très réaliste dans laquelle l'Union fixe ses propres objectifs en termes d'élargissement. De plus, elle tient parfaitement compte du souci exprimé par certains Etats membres, au premier rang desquels la France, de faire en sorte que le prochain Conseil européen ne marginalise pas les six candidats du deuxième groupe, notamment la Roumanie et la Bulgarie, étant entendu que l'ouverture des négociations avec ces pays devra être accompagnée par des calendriers de négociation diffenciés et adaptés.

Le troisième chantier fondamental, enfin, est celui de la réforme des institutions européennes.

A ce propos, je viens de dire que nous ne serions pas favorables, à Helsinki, à une accélération du calendrier.

D'abord parce que nous récusons toute fuite en avant dans le processus d'élargissement, mais aussi parce que nous souhaitons que la réforme des institutions de l'Union, que vous avez consacrée dans l'article 2 de la loi de ratification du traité d'Amsterdam, en préalable aux futurs élargissements de l'Union, soit conduite à son terme sans y ajouter la pression du calendrier.

Je n'insisterai pas sur le contenu détaillé de la réforme institutionnelle que nous souhaitons, car nous aurons l'occasion d'en reparler. Je me borne à préciser que les travaux préparatoires qui ont commencé se concentrent sur les trois grandes questions qui n'ont pu trouver une solution lors de la négociation du traité d'Amsterdam : l'extension du champ du vote à la majorité qualifiée, la composition du collège des commissaires et la repondération des voix au Conseil, sans lesquelles une extension de l'Union à plus de quinze Etats membres serait impossible.

Reste à confirmer cette approche - ce sera l'un des enjeux du Conseil européen d'Helsinki - et, naturellement, à commencer la négociation proprement dite, vers la fin du mois de mars prochain, juste après le sommet social qui sera organisé par la présidence portugaise de l'Union.

En tout état de cause, nous le savons tous, ces travaux seront complexes. Il est clair que certains Etats membres et la Commission souhaiteraient ce qu'ils appellent une conférence intergouvernementale plus large ou plus ambitieuse, c'est-à-dire allant au-delà des trois sujets laissés en friche à Amsterdam. Contrairement au rapport des sages commandé par la Commission, qui vient d'être rendu public, nous plaidons pour un travail réellement intergouvernemental à l'occasion de la prochaine CIG, et nous pensons qu'une approche constitutionnelle, en quelque sorte, de la question institutionnelle, telle que l'a proposée ce rapport, serait tout à fait prématurée.

Parce que nous savons qu'à trop vouloir charger la barque on risque de la faire échouer, nous plaidons pour plus de réalisme.

Parce que nous voulons réaliser l'élargissement le plus tôt possible, nous souhaitons que cette réforme aboutisse avant la fin de l'année 2000. Pour cela il faut que l'agenda soit raisonnable.

En conclusion, je me contenterai d'indiquer que tous les chantiers que je viens d'évoquer seront évidemment au coeur des priorités de la présidence française qui débutera le 1er juillet 2000.

Il nous reviendra de les faire progresser de manière significative, voire, pour certains d'entre eux, de les faire aboutir. La responsabilité particulière de notre pays dans la construction européenne, depuis cinquante ans, devra nous conduire à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour consolider les bases d'une nouvelle phase de l'intégration européenne.

N'ignorons pas, en même temps, qu'une présidence de l'Union est un moment fort dans une continuité, celle de la construction européenne. Nous sommes attendus et nous voulons être à la hauteur de cette attente, mais nous devons nous garder de toute forme « d'arrogance française » laquelle serait mal perçue et totalement inefficace.

Tout en étant modestes, réalistes, ouverts au travail avec tous nos partenaires européens, nous voulons réussir ce grand rendez-vous de l'an 2000. Nous devons être capables de concevoir tout à la fois une Union qui enrichisse les politiques communes menées à quinze, une Union qui se montre accueillante aux demandes d'adhésion de pays très proches de nous, une Union capable d'exister sur la scène internationale - y compris sur le plan de la défense et pour la paix -, une Union, enfin qui puisse fonctionner comme une puissance politique, même à vingt ou trente Etats membres.

I l s'agit de défis considérables pour notre pays.

Gageons qu'il saura les relever avec les énergies de tous ceux qui voudront bien y concourir, afin de répondre aux attentes de tous ceux qui, en France, dans les autres pays de l'Union, dans les pays d'Europe centrale et orientale,


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n'envisagent pas leur avenir sans une Union européenne forte à laquelle notre débat d'aujourd'hui contribue.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

Mme Anne-Marie Idrac.

Mme Anne-Marie Idrac.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, m'inspirant de la suggestion de méthode faite par la président de la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée je me contenterai de quelques propos rapides sur le sujet formel traité aujourd'hui, à savoir le vote sur la contribution de la France au budget des Communautés européennes, et je m'autoriserai des développements un peu plus longs sur le budget de l'Union européenne lui-même et sur les propos que vient de tenir M. le ministre, car ils sont intéressants à discuter et commenter.

Pour ce qui est d'abord de la contribution de la France, autant aller au fait et dire les choses rapidement : le groupe UDF votera l'article 35. Nous ne sommes pas choqués, loin de là, de ce que la France consacre 6,2 % de ses recettes fiscales au budget communautaire. Cherchant à établir quelques comparaisons avec d'autres postes du budget de l'Etat, je me suis arrêtée sur un budget que notre collègue M. Idiart connaît bien, celui des transports que, dans une vie précédente, j'ai également suivi de près.

Grosso modo, en effet, l'ordre de grandeur de la contribution du budget de la France au budget de l'Union européenne est à peu près le même que celui du budget des transports. Franchement, il ne paraît pas exagéré d'avoir une contribution de cette importance.

J'ai beaucoup apprécié que M. Fuchs, notamment, se soit attaché à relativiser les propos fréquemment tenus sur le taux de retour, le taux de contribution, le caractère déficitaire ou non de la contribution française. Je regrette seulement qu'il n'en soit pas tout à fait de même dans le rapport écrit. Quoi qu'il en soit, un effort de pédagogie vis-à-vis de nos concitoyens sur ce sujet s'impose, en particulier sur ce qui touche à la comparaison entre la contribution de la France et celle de l'Allemagne ; que ce soit en termes de taux ou de solde budgétaire, l'Allemagne reste, et de loin, le premier contributeur de l'Union. Je n'insisterai pas davantage sur ce point : nous voterons ces crédits.

Cela dit, il ne reste pas moins que quelques éclairages et quelques questions s'imposent à propos du budget européen.

Pour ce qui concerne l'éclairage, il convient de mettre le budget européen en perspective avec le budget national français, celui-là même dont nous sommes en train de discuter.

Remarquons pour commencer la modestie du budget européen : avec moins de 1,1 % du PNB français - 1,08 %, a-t-il été rappelé par les rapporteurs -, il est évidemment intéressant de le mettre en rapport avec la part que représente le budget de l'Etat dans ce même PNB, sans même parler de l'ensemble des prélèvements obligatoires dont on nous promet la baisse chaque année.

Après la modestie, l'équilibre du budget européen. Il n'y a pas de recours à l'emprunt. La comparaison avec notre propre budget est intéressante sur le plan des bonnes pratiques ; même si le déficit français commence certes à se réduire quelque peu, le rythme de cette réduction reste à nos yeux bien insuffisant.

La part enfin des dépenses de fonctionnement dans le budget européen, très modeste elle aussi, même s'il faut évidemment continuer à les maîtriser et à en assurer la transparence : seulement 5 % du budget de l'Union sont consacrés aux dépenses de fonctionnement.

Bien sûr, ces éléments positifs ne doivent pas nous détourner de l'effort de clarification et d'assainissement, absolument indispensable, en rapport avec l'ampleur de la crise qu'a connue l'année dernière la Commission européenne. Le rôle de l'office de lutte anti-fraude notamment doit être développé et intensifié. Nous nous réjouissons également du rôle accru du Parlement européen, également souligné par M. Fuchs, qui résulte tout à la fois de l'évolution des textes et de la pertinence et de l'efficacité des nouveaux élus - je pense plus particulièrement au nouveau président du Parlement européen, Mme Nicole Fontaine, et au rapporteur général du budget, M. Jean-Louis Bourlanges, l'un et l'autre membres du Parti populaire européen.

Toutefois, plusieurs interrogations demeurent.

Je mettrai de côté, pour m'en satisfaire avec vous, les évolutions budgétaires sur les réseaux de transport au sens large, la recherche ou encore l'Europe de la connaissance - même si l'on peut se demander ce qu'il y a derrière ce dernier terme, très chanté par M. Jack Lang : quoi qu'il en soit, l'idée est bonne. Mes interrogations portent sur les autres chapitres.

Le financement de la PAC tout d'abord laisse une i mpression d'incertitude. Si la politique agricole commune a été sauvegardée, grâce aux efforts notamment du Président de la République, la réduction des crédits du FEOGA, évoquée en termes fort techniques, peut conduire à ôter toute signification à l'appellation traditionnelle de ce fonds dit de garantie. Nous devons collectivement rester vigilants sur ce point.

Ma deuxième interrogation porte sur les autres fonds structurels. Le Gouvernement n'a manifestement pas très bien défendu les intérêts de la France en la matière...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Anne-Marie Idrac.

La démobilisation des administrations financières a notamment été attestée...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous exagérez un peu ! Et si le Président de la République s'était davantage mobilisé sur ce sujet, nous n'en serions peut-être pas là !

Mme Anne-Marie Idrac.

... et nous ne pouvons que nous en attrister. La réduction de la part de la France, alors que celle de la Grande-Bretagne, pour ne citer qu'elle, est appelée à s'accroître, a de quoi surprendre.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il n'était plus là, le Président de la République !

Mme Anne-Marie Idrac.

Nous avons pu constater comme vous, monsieur le rapporteur général, et nous en sommes bien d'accord, que la gestion de plusieurs dossiers et crédits posait quelques difficultés et, tout comme vous, nous souhaitons en améliorer l'efficacité.

Nous ne sommes pas persuadés que le maintien ad vitam aeternam d'une gestion centralisée par la DATAR ou les SGAR soit le meilleur moyen. L'UDF a émis l'idée que ces crédits puissent être délégués aux vrais porteurs de projets d'aménagement, en l'occurrence les élus locaux, qui les géreraient directement. Il pourrait être intéressant d'engager une approche expérimentale dans ce sens - et cela vaut dans ce domaine comme dans bien d'autres.


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Notre troisième interrogation porte sur les dépenses relatives à l'action extérieure. Notre projet politique est celui d'une Europe puissante qui s'affirme dans le monde, et cela nous paraît d'autant plus important que l'actualité la plus récente tend à montrer que certaines formes d'isolationnisme se développent ou s'expriment de plus en plus fortement aux Etats-Unis. A nos yeux, l'Europe doit jouer dans le monde un rôle particulier et éminent dans l'harmonisation et l'humanisation de la globalisation. Or les crédits consacrés à l'action extérieure nous semblent à cet égard rester un peu en deçà des ambitions, M. Barrau et Mme Aubert eux-mêmes l'ont souligné tout à l'heure.

L a prochaine conférence intergouvernementale qui débouchera sur le traité de Paris devra également porter son regard, monsieur le ministre, quoi que vous en ayez pensé tout à l'heure, sur l'efficacité de nos mécanismes de décision dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que le préconise notamment le récent rapport des Sages. Malheureusement, la traduction budgétaire d'un renforcement de cette politique demeure encore bien faible. Sur ce point, je suis en parfait accord avec ce que Mme Aubert indique à la page 26 de son rapport.

Permettez-moi de m'attarder sur le cas des crédits destinés à la reconstruction du Kosovo. Ceux-ci ont déjà fait l'objet de débats approfondis entre le Parlement européen, le Conseil des ministres et la Commission. Il ne vous étonnera pas que l'UDF maintiendra une particulière vigilance sur le niveau des crédits. Nous approuvons totalement la priorité accordée par le Parlement européen à cette action essentielle du point de vue humain, du point de vue stratégique comme du point de vue politique. Toutefois, aider le Kosovo à la hauteur de ce que mérite cette région, comme les Balkans en général, ne doit pas aboutir à pénaliser les autre actions de coopération au profit d'autres pays ; de la même façon, il ne faudrait pas que certaines régions du monde viennent à pâtir, dans une moindre mesure certes, des décisioins prise au titre du financement de l'accord sur la pêche avec le Maroc.

Nous accordons une importance particulière, et je me réjouis que le ministre en ait fait de même, aux crédits MEDA. La coopération avec cette partie du monde nous paraît essentielle ; la France doit également y jouer un rôle majeur.

Ma dernière interrogation ne porte pas directement sur le budget européen à proprement parler, mais sur l'élargissement de l'Union. Nous sortons là du strict cadre budgétaire, même si j'ai cru comprendre que ces crédits avaient été les seuls à échapper aux mouvements de rigueur durant diverses phases de préparation. Mon interrogation reste d'ordre plutôt politique. Je tiens à affirmer très fortement, au nom de l'UDF et de mon groupe, une position identique à celle de M. Fuchs : pas d'élargissement sans réforme. Or vos propos à cet égard, monsieur le ministre, me semblent plutôt relever du grand écart, quoi que vous en disiez, entre le souhait d'une avancée rapide de la question de l'élargissement et la prudence avec laquelle le Gouvernement aborde celle de la réforme des institutions. Je ne vous cacherai pas la déception que je viens d'éprouver sincèrement en vous écoutant très attentivement commenter le rapport des Sages et celui que M. Dehaine vous a récemment remis. Non seulement vous avez récusé toute approche constitutionnelle, mais vous avez limité le champ de la réflexion du futur traité de Paris aux trois éléments que vous avez rappelés et qui ne me paraissent pas faire le tour de la question.

Pour conclure sur les questions budgétaires proprement dites, je crains qu'il ne faille nous attendre, non dès l'an 2000 certes, mais d'ici quelques temps, aux conséquences de l'effet de ciseau entre l'extension des missions des services de la commission - je ne parle pas de celles qu'ils se sont autoconfiées, mais bien de celles qui leur ont été conférées par les nouveaux traités - et le resserrement des contraintes budgétaires. « Aucune ambition nouvelle pour le

XXIe siècle », a dit M. Fuchs, « Aucune vision d'avenir », a dit Mme Aubert ; je leur laisse la responsabilité de ces propos mais, à titre personnel, je ne suis pas loin de les partager.

La question du long terme reste posée. Elle est bel et bien stratégique. La France aura à cet égard une responsabilité particulière lorsqu'elle exercera sa présidence l'année prochaine. La structure même du financement de l'Union mérite d'être réexaminée dans le cadre d'une réflexion sérieuse tant sur la part du budget de l'Union dans l'ensemble des budgets nationaux que sur l'éventualité de reessources propres, à prélèvement constant évidemment pour l'ensemble des contribuables européens.

En conclusion, monsieur le ministre, si j'ai pu vous faire part d'une intention de vote favorable sur le budget communautaire lui-même, celle-ci est assortie de plusieurs interrogations qui rejoignent du reste celle de certains de mes collègues. Elles nous amèneront à rester extrêmement attentifs, compte tenu notamment des propos que vous avez tenus, sur la façon dont la France préparera sa présidence ainsi que sur la mise en place et le développement des négociations de la prochaine conférence intergouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, au nom du groupe Radical, Citoyen et Vert, pour dix minutes

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la contribution française au budget communautaire progresse de 3,68 % par rapport à 1999 et est évaluée à 98,5 milliards de francs. Ce n'est pas rien, même si la France bénéficie de retours importants dans le cadre des deux politiques communautaires les plus importantes : la politique agricole et la politique régionale.

La France bénéficie en effet de la construction européenne par les versements agricoles et par les versements des fonds structurels effectuées à son profit. En 1997, notre pays se situait seulement au sixième rang des pays contributeurs nets au budget communautaire, avec un solde budgétaire négatif assez peu important de 985 millions d'euros, alors que celui de l'Allemagne atteignait 11 milliards d'euros. De l'autre côté, la France reste le premier bénéficiaire puisqu'elle reçoit 16 % des dépenses du budget communautaire, devant l'Espagne et l'Allemagne notamment, en raison de l'importance de nos retours sur la dépense agricole.

Toutefois cette situation, globalement profitable, ne peut empêcher de se demander si les contributions apportées par la France et les autres pays de l'Union au budget communautaire donnent lieu à des dépenses qui se caractérisent par une efficacité et une transparence suffisantes.

Bref, l'argent public est-il toujours dépensé à bon escient ? Peut-on améliorer l'efficacité de la dépense communautaire ?


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Le premier rapport du comité des experts indépendants a abouti, on le sait, sous la pression du Parlement européen, à la démission de la commission Santer en mars dernier.

Le second rapport de ce comité, remis en septembre, n'est guère plus rassurant : mauvaise gestion des deniers publics communautaires, contrôle financier inefficace, politique du personnel quasiment inexistante, normes comptables archaïques ou inopérantes, lutte anti-fraude lacunaire, etc.

Ces dysfonctionnements administratifs de la Commission, cette culture du laxisme, voire de l'irresponsabilité, ne peuvent durer. Romano Prodi en a bien conscience, qui a promis en juillet dernier de « transformer la Commission en une administration de niveau mondial qui dirige par l'exemple ».

C'est dire l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir, même si certains progrès commencent à se dessiner dans l'indispensable évaluation des politiques européennes et avec la création cette année de l'office de lutte antifraude.

A cet égard, je voudrais faire deux observations.

En premier lieu, les contribuables français, dont nous sommes ici les représentants, ne peuvent accepter une gestion « dysfonctionnelle », voire laxiste ou opaque, des contributions versées par notre pays au budget communautaire.

En 2000, la contribution française approchera les 100 milliards de francs. Dès 1999, Mme Idrac le rappelait à l'instant, notre pays a consacré 6,2 % de ses recettes fiscales nettes au budget communautaire. Les contribuables français sont donc en droit d'attendre des institutions européennes une gestion efficace et économe...

M. Jean de Gaulle.

Transparente !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

...des deniers publics communautaires.

L'Europe ne peut rester une lourde machinerie bureaucratique coiffée par un appareil technocratique situé à l'écart, loin des peuples, de leurs besoins et de leurs attentes, un appareil lointain et hautain qui prétendrait tout régir sans être vraiment contrôlé par personne. Il est grand temps de rapprocher l'Europe des citoyens qui attendent plus de démocratie, plus de clarté, plus de transparence.

Ma seconde observation porte sur l'élargissement de l'Union européenne. Faut-il craindre que trop d'Europe tue l'Europe ? L'Union fonctionne déjà mal à quinze, elle fonctionnera encore plus mal demain ou après-demain à vingt et un ou vingt-sept Etats si l'élargissement ne s'accompagne pas d'un approfondissement, s'il n'est pas lié à l'indispensable réforme des institutions européennes, comme l'a expressément demandé le Parlement français lorsqu'il a autorisé la ratification du décevant traité d'Amsterdam.

L'Union européenne a besoin d'institutions démocratiques et efficaces pour mettre en oeuvre ses politiques communes et faire fonctionner l'Europe élargie du siècle prochain. Le sommet d'Helsinki de décembre prochain lancera les travaux de la conférence intergouvernementale.

Il faut mettre le Conseil en mesure de décider efficacement, grâce à l'extension du vote à la majorité qualifiée et une repondération des voix équitable. De même, il convient de réformer la composition, l'organisation et le fonctionnement de la Commission, pour remettre en marche ce moteur de l'Europe.

Enfin, il est temps d'élaborer une Constitution de l'Union européenne. La construction européenne a superposé les traités - Rome, Maastricht, Amsterdam - d'une manière qui rend l'Europe peu compréhensible et peu lisible. A force d'accumuler ces montages, l'Europe est devenue un super-Meccano, un jeu de construction très complexe, compris seulement par une caste d'initiés, d'experts, d'eurospécialistes.

Le premier devoir de la démocratie est d'être lisible. Il est grand temps de clarifier et de simplifier les textes de divers traités conclus depuis quarante ans, pour en dégager une Constitution européenne intelligible par tous, pour passer enfin de la technocratie à la démocratie. Il serait très souhaitable que cette Constitution de l'Union européenne débute par une charte fondamentale des droits civiques et sociaux qui s'adresse à l'ensemble des habitants de l'Union, afin que l'Europe soit porteuse de nouvelles libertés, de nouveaux droits.

Je voudrais exprimer une dernière préoccupation. Alors que l'an 2000 devrait être synonyme de nouvelle ère, de nouvel élan vers l'avenir, le budget communautaire 2000 apparaît souvent, on l'a dit, notamment dans l'excellent rapport de Marie-Hélène Aubert - les autres l'étaient également, mais qu'il me soit permis de penser tout particulièrement à celui-ci, présenté au nom de la commission des affaires étrangère - comme un budget de routine, comme un budget sans ambition, qui reconduit le passé sans préparer le futur.

L'Agenda 2000, négocié en 1999 sous la présidence allemande, document censé réorganiser le fonctionnement et l'action de l'Union pour les prochaines années, ne repose pas sur un véritable examen prospectif de l'évolution de l'Union européenne. Il ne traduit aucune véritable vision d'avenir de la construction européenne, à la différence des précédents paquets Delors I et II. Manifestement, à Berlin comme à Bruxelles, l'imagination n'est pas au pouvoir.

Certes, on trouve ici et là quelques avancées. Ainsi, le budget communautaire renforce, comme le précisait M. le ministre, deux actions importantes pour l'avenir de l'Europe : la recherche et les réseaux transeuropéens. De même, on note des progrès significatifs pour les programmes regroupés par la commission sous le titre

« d'Europe de la connaissance » : SOCRATES pour l'éducation, qui comprend notamment l'action ERASMUS pour l'échange d'étudiants, LEONARDO pour la formation professionnelle et le programme Jeunesse. Mais malgré ces avancées réelles, on restera encore loin du compte.

Et il faut bien constater l'insuffisance par rapport aux besoins des crédits consacrés à l'éducation, aux échanges de jeunes, à la culture et à l'audiovisuel, pourtant essentiels à l'affirmation de l'identité européenne sur la scène du monde.

La volonté française, très légitime, de défendre la diversité culturelle, donc « l'exception culturelle », dans les négociations multilatérales de l'OMC ne trouve pas de traduction suffisante dans ce budget communautaire pour qui, semble-t-il, la culture, c'est ce qui reste quand on a déjà tout financé.

(Sourires.)

Au total, ce budget de transition, élaboré de manière bureaucratique se caractérise par le manque d'ambition et par le défaut d'une nouvelle impulsion, d'un nouvel élan, dont l'Europe a pourtant le plus grand besoin.

Cependant, malgré cette déception relative, il convient de noter comme je le faisais au début, que la France bénéficie largement de la politique agricole commune et de la politique régionale. C'est notamment pour cela que


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le groupe Radical, Citoyen et Vert votera tout de même pour l'adoption de l'article 35 du projet de loi de finances pour 2000.

Mais, redisons-le, l'Europe mérite mieux. Elle doit trouver rapidement un nouveau souffle si elle veut tracer un nouvel horizon, si elle veut unir des peuples et non plus seulement coaliser des Etats, bref, si elle veut incarner une communauté de destin pour toutes celles et tous ceux qui vivent ici, en Europe. Pour les 370 millions d'hommes et de femmes qui attendent d'elle une nouvelle volonté pour un nouvel avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Henry Chabert.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l'année dernière - le mois de mars très exactement - nous nous plaçons, monsieur le ministre, dans des perspectives et un cadre financiers nouveaux. La politique budgétaire des sept prochaines années a été en effet définie et nous y voyons plus clair.

Pour la période allant de 2000 à 2006, l'Union européenne, consciente de la nécessité de préserver une certaine discipline budgétaire afin de ne pas mettre en difficulté les Etats membres, et contrainte de respecter les critères de l'Union économique et monétaire, a choisi de maintenir le plafond des ressources propres à 1,27 % du PNB de l'Union. Son souci de prévoir des marges de manoeuvre l'a conduite à un effort de réduction du plafond des engagements de dépenses à un niveau égal à 1,13 %. Avant d'entrer dans le détail, je souhaiterais émettre un regret, relayant d'ailleurs en cela un certain nombre de propos précédents. Aujourd'hui, dans cet hémicycle, nous débattons du prélèvement européen. Ce n'est pas une

« abstraction communautaire » mais 98 milliards de francs à la charge de la France. Or ce n'est malheureusement qu'à cette occasion que nous pouvons débattre et du prélèvement européen et du budget de l'Union européenne.

Certes, nous voterons ces crédits, mais nous n'avons aucune maîtrise sur leur utilisation, sur la manière dont l'Europe les gère, avec toutes les carences que l'on connaît, et même sur la manière dont l'Etat français les redistribue. Je pense, par exemple, aux nombreux retards dans l'attribution des sommes allouées au titre du fonds social européen. Je pense à la sous-consommation de certains crédits concernant des secteurs pourtant prioritaires, les fonds structurels en particulier. Sans compter qu'aucun jugement n'est porté, a posteriori, sur l'opportunité de certains choix puisque notre assemblée n'est pas appelée à se prononcer sur l'évaluation des dépenses engagées qui relèvent pourtant largement de la responsabilité du Gouvernement. C'est donc une sorte de chèque en blanc qu'il nous est demandé de voter.

M. Jean de Gaulle.

Hélas !

M. Henry Chabert.

Cette remarque faite, revenons-en au fond. Notons tout d'abord, objectivement, que l'analyse globale des orientations générales du budget de l'Union européenne révèlent des acquis qui vont dans le bon sens.

Les négociations de Berlin ont été, grâce notamment à la fermeté du Président de la République, moins décevantes que nous le redoutions. Le Président de la République a clairement marqué, par exemple à l'occasion de ces négociations, sa volonté de préserver les intérêts français en matière agricole. Les conclusions de ce Conseil ont donc été moins négatives qu'on aurait pu le craindre.

La part de la France dans le financement européen, qui est de 17,1 % pour l'an 2000, même si elle augmente au cours de la période, est, somme toute, assez proche de son poids relatif au sein de l'Union.

Cependant, nous ne pouvons, tout en votant les crédits de l'article 35, nous dispenser d'émettre des réserves.

Ainsi, le Royaume-Uni a réussi à maintenir sa ristourne jusqu'en 2006. Au contraire, la France et l'Italie, mais aussi la Belgique et le Danemark, seront appelés à contribuer davantage du fait de la réduction progressive de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'augmentation corrélative de la recette assise sur le produit national brut.

Deuxième critique, largement partagée sur tous les bancs de notre assemblée : le manque de souffle et d'innovation de ce budget communautaire.

La rigueur budgétaire est certes nécessaire. Le Conseil européen de Berlin l'a confirmé en appliquant « la même rigueur budgétaire au niveau de l'Union qu'au niveau national ». Mais cela conduit à un budget de reconduction, qui se limite à reprendre les politiques communes traditionnelles.

A la veille du

XXIe siècle, l'Europe ne se donne donc pas les moyens de financer de nouvelles politiques c ommunes, des politiques innovatrices et créatrices d'emplois, je pense à l'industrie spatiale, la recherche et le développement technologiques, par exemple. La création de telles synergies devrait être pourtant une priorité européenne.

La mise en place d'ailleurs de ces nouvelles politiques n'engendrerait pas nécessairement une augmentation des dépenses, dans la mesure où les Etats membres, qui agissent aujourd'hui en ordre dispersé, pourraient affecter une part de leurs ressources aux financements d'actions communes. Il suffirait d'une meilleure coordination des moyens existants.

Il est également regrettable, alors que l'émergence de l'identité extérieure de l'Union devrait être une priorité, que ce budget ne prévoit aucune avancée pour la défense commune. Le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune, voulue par le traité d'Amsterdam, n'a quasiment aucune traduction budgétaire. Pourtant, mardi dernier encore, à Strasbourg, le Président de la République, chef des armées, a rappelé à juste titre, et je le cite, que « le moment était venu pour l'Union européenne de se doter de moyens institutionnels et des capacités militaires lui permettant d'agir, chaque fois que nécessaire ».

Quelques sujets précis méritent, me semble-t-il, une attention particulière.

Ainsi, le groupe RPR restera extrêmement attentif à l'accueil de nouveaux Etats membres et aux moyens qui leur seront accordés.

On peut se satisfaire, pour l'instant, du premier pas fait lors du Conseil européen de Berlin, qui a fixé les perspectives financières de la rubrique 7 en distinguant une enveloppe pour chacun des trois instruments de préadhésion : le traditionnel programme PHARE, naturellement, mais aussi deux nouveaux programmes, mis en oeuvre à cette occasion dès l'an 2000 : le programme spécial d'aide à l'agriculture et au développement rural, et l'« instrument structurel de pré-adhésion ».

En revanche, on peut déplorer le flou de ces dépenses liées à l'élargissement. En effet, le budget 2000 se traduit par des crédits d'engagement fixés à un peu plus de


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3 milliards d'euros ; seule une marge de 7,3 millions d'euros sous les perspectives financières actualisées en prix 2000 a été conservée. N'est-ce pas insuffisant ? Autre sujet auquel notre groupe est très attaché : le financement de la reconstruction dans les Balkans. Le projet de budget adopté par le Conseil permet de dégager près d'un milliard d'euros en 2000 sur le budget communautaire pour mener à bien cette reconstruction, sans remise en cause des perspectives financières de Berlin.

Cela est bien.

L'Union doit prévoir et financer un véritable « capital de solidarité ». Et seules des actions de ce type sont à même de créer une solidarité externe de l'Union.

Le groupe RPR veillera également à une bonne utilisation des crédits relatifs aux autres engagements extérieurs de l'Union. La coopération au développement demeure la part essentielle de ce budget, avec un montant de 3,2 milliards d'euros.

La renégociation, lors de l'année 2000, de la Convention de Lomé est au centre de nos préoccupations. Nous soutiendrons, bien sûr, l'intégration régionale prévoyant l'instauration progressive de zones de libre-échange entre l'Union et les sous-ensembles Afrique, Caraïbes, Pacifique. Mais en la matière, pour avancer positivement et aider de façon la plus juste les pays ACP, l'augmentation des crédits et des moyens n'est pas la seule réponse idoine. L'Union doit reconsidérer ses priorités à l'égard de ces pays et tout d'abord observer un strict respect des politiques menées en leur faveur. Je pense en particulier au respect des prix des matières premières, qu'elles soient liées aux ressources naturelles ou agricoles.

Je souhaiterais enfin, monsieur le ministre, chers collègues, conclure sur des actions assez modestes en crédits, mais riches de sens, hautement symboliques et qui, à ce t itre, devraient figurer aussi parmi les priorités de l'Union. Il s'agit de la coopération décentralisée, grâce à laquelle des villes européennes travaillent avec des villes du monde entier.

Il faut, monsieur le ministre, agir en faveur de la relance de la coopération décentralisée du pourtour de la Méditerranée, avec le programme MEDA, malgré les vicissitudes qu'il a pu connaître.

Il faut agir pour que soit accélérée et intensifiée la coopération avec les établissements humains d'Asie du SudEst grâce à « ASIA-URBS ». Enfin, il faut agir pour que soient simplifiées les procédures du programme URBAL, qui sert de référence à la coopération avec l'Amérique latine.

La coopération décentralisée fait naître des projets communs au-delà des océans, elle rapproche les hommes et leur apprend à travailler ensemble. N'est-ce pas aussi l'un des objectifs essentiels de l'Europe ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe communiste.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour nous livrer à un exercice qui confine au surréalisme. Alors que notre assemblée n'a pas encore adopté la partie recettes du budget 2000, nous devons parler aujourd'hui d'une dépense imputée sur un budget qui, formellement, n'existe pas ! Cette dépense, de surcroît, nous n'avons ni les moyens d'en modifier la masse - que ce soit en hausse ou en baisse - ni la possibilité d'en modifier les lignes d'affectation.

On me dira que c'est ainsi, parce qu'il s'agit d'un prélèvement obligatoire auquel la France ne peut se soustraire du fait des engagements européens. Certes, mais il n'est écrit nulle part qu'il est obligatoire que les choses se passent de la sorte.

Monsieur le ministre, vous êtes attaché, je le sais, à ce que notre assemblée se mêle des questions européennes.

Ne serait-il pas temps que l'on songe à modifier cette façon de faire qui n'a plus grand sens ? Ne pourrait-on, comme c'est le cas pour les grandes orientations budgétaires de la France, débattre en amont des décisions communautaires, sur le prélèvement en faveur de l'Europe ? Cela serait autrement utile. C'est dire si je soutiens la proposition formulée par le président Barrau.

Car il y a bien des choses à dire et elles méritent d'être prises en considération.

Tout d'abord, il doit être clair que nous ne sommes pas contre le principe d'un prélèvement en faveur de l'Europe. Nous sommes pour l'Europe, même s'il convient, selon nous, de la réorienter.

Comment peut-on néanmoins accepter ce paradoxe que le prélèvement pour l'Europe augmente, cette année, de 3,8 % alors que, dans le même temps, les dépenses budgétaires de la France ne doivent pas augmenter de plus de 0,9 % ? Tout cela montre que le montant et le mode de calcul de cette contribution sont tout à fait discutables. Un calcul et un montant plus justes, mais aussi mieux adaptés, s'imposent. C'est notre souhait. Je le réaffirme aujourd'hui.

Il n'est pas juste, par exemple, que le correctif budgétaire en faveur de l'Angleterre soit maintenu et pris en charge par notre pays pour un tiers, alors qu'il a été mis en place sous Mme Thatcher, à une époque où ce pays était peu concerné par la PAC. Au reste, nous ne sommes guère payés de retour, à voir les réactions provoquées outre-Manche par l'embargo sur la viande de boeuf.

Il y a beaucoup à dire également sur l'affectation de ces sommes qui contribuent au budget européen.

Puisque je viens de parler de la PAC, je veux redire avec quelle attention toute particulière nous suivrons les négociations de l'OMC sur l'agriculture...

M. Jean-Pierre Delalande.

Nous aussi !

M. Jean-Claude Lefort.

... et nous veillerons à empêcher toute velléité de mettre en cause le compromis de Berlin qui est déjà un minimum incompressible.

De même, nous nous opposerons à toute remise en question du principe de précaution en général, et à propos des OGM en particulier, quand bien même Mme la secrétaire américaine au commerce extérieur continuerait à traiter les Européens « d'hystériques » à ce sujet. Elle devrait bien plutôt soigner le choix de ses mots.

On pourrait aussi évoquer le fait que les fonds structurels sont sous-utilisés par notre pays. Pourquoi donc ces fonds, qui peuvent être utiles à l'emploi, sont-ils inaccessibles pour beaucoup ? Et que compte faire le Gouvernement pour encourager leur utilisation ?

M. Jean-Pierre Delalande.

Voilà une bonne question !

M. Jean-Claude Lefort.

Il en va de même du choix stratégique que constitue les crédits recherche-développement, qui sont singulièrement insuffisants.


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D'une façon générale, quand donc la politique de l'emploi cessera-t-elle d'être la grande absente de la politique budgétaire européenne ? Autre question encore : le flou qui entoure les sommes consacrées à l'élargisssement et le flou, plus grand encore, qui entoure le nombre de pays concernés. A ce propos, je veux redire notre indignation devant l'initiative prise par la Commission d'annoncer, sans aucun mandat politique, l'entrée prochaine de la Turquie dans l'Union. La méthode mise au point par Sir Brittan se perpétue : la Commission, ou un commissaire, prend des engagements sans mandat. Et quand bien même le Conseil les remettrait-il en cause qu'il en resterait toujours quelque chose.

Je voudrais, pour terminer, évoquer deux questions qui nous tiennent à coeur : la coopération et la lutte contre la fraude.

De l'avis général, les interventions extérieures de l'Union, consacrées aux pays en voie de développement, sont menacées alors qu'elles ne représentent déjà que 4 % du budget. Certains évoquent, une fois de plus, une réforme des accords de Lomé qui irait dans le sens de l'instauration de zones de libre-échange. On sait pourtant que ces pays ont besoin du maintien de tarifs préférentiels et de la stabilité des prix des matières premières. On sait également toute l'importance, pour l'Europe, d'avoir des relations avec ces pays pour instaurer un monde multipolaire.

Dans le domaine du développement, il faut innover.

Le groupe communiste soutiendra, pour sa part, l'institution d'une taxe, dite taxe Tobin, sur les changes monétaires en euro - l'existence de l'euro la rend plus aisée qu'auparavant - qui servirait à abonder un fonds européen à destination des pays en voie de développement.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

La Finlande qui préside aujourd'hui l'Union s'est prononcée en faveur de l'application de la taxe Tobin. C'est donc le bon moment pour que la France travaille à l'inscription, sans attendre, de cette question à l'ordre du jour de l'Union. Il est inutile de perdre encore un an sous prétexte que la France ne présidera l'Union qu'au second semestre de l'an 2000.

Je veux montrer qu'il existe des moyens d'améliorer les interventions budgétaires de l'Europe sans nécessairement alourdir le prélèvement sur chaque Etat, en créant, au contraire, de nouvelles ressources propres, prélevées sur les flux financiers.

C'est également vrai pour ce problème dont je parle depuis dix ans : la lutte contre les fraudes. Tous les ans, les ministres des affaires européennes répètent -, vous aussi, monsieur le ministre, je vous le dis avec amitié que des mesures seront prises pour juguler les fraudes au niveau européen. Mais elles continuent.

Dois-je rappeler que la mauvaise gestion des crédits communautaires a conduit à la démission collective de la Commission, suite au rapport d'experts demandé par le Parlement européen ? La nouvelle Commission aura à faire ses preuves.

Je voudrais d'ailleurs attirer votre attention sur le rapport de mon collègue Jean-Pierre Brard consacré à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, qui rappelle qu'au début des années 90, la fraude sur la TVA intracommunautaire s'élevait à 70 milliards d'écus - et cela ne concernait que neuf pays ! - soit 21 % des recettes et 1 % du PNB.

La Cour des comptes européenne constate que cette fraude est loin de diminuer. Il y a donc encore lieu de redoubler non pas de discours mais d'actes qui soient vraiment fermes.

En résumé, le groupe communiste n'est pas opposé, je l'ai dit, à l'existence d'un prélèvement en faveur de l'Europe mais, en l'absence d'une réorientation significative de la politique européenne, d'une part, et parce que, d'autre part, nous n'avons aucun moyen de discuter réellement de ce prélèvement ni de son affectation, vous c omprendrez que, logiquement, il s'abstienne sur l'article 35.

Mais c'est une abstention « stimulante », invitant à l'innovation, qui manque tant sur notre vieux continent.

A écouter les critiques, parfois très vives, portées sur ce dont nous discutons aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi nous sommes les seuls à voter ainsi, ce qui me fait penser - et c'est tant mieux - que notre vote soulagera bien des esprits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial, et Mme MarieHélène Aubert, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce texte se situe dans une évolution européene récente qui a été marquée par des événe ments importants : la démission, le 16 mars dernier, d'une Commission européenne sanctionnée pour sa gestion technocratique et opaque, symbole d'un système que les nations européennes ont désavoué, et l'arrivée d'une nouvelle majorité au Parlement européen à l'issue des élections de juin dernier.

Pourquoi ces rappels ? Parce que les Etats et les institutions européennes, le Parlement en tête, ont, au cours des derniers six mois, pris conscience et réaffirmé avec force la nécessité impérieuse de réduire la dépense publique européenne et de rompre ainsi avec une tendance, de plus en plus contestée, privilégiant la dépense tous azimuts.

Certes, je ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice qui consiste à préserver l'acquis tout en intégrant la multiplicité des défis politiques et économiques auxquels l'Europe est aujourd'hui confrontée.

Mais, avant d'envisager une réévaluation des financements, il convient de retrouver de l'exigence dans la gestion et la rigueur budgétaire qui permette une évaluation plus stricte de la dépense européenne.

Les grandes interrogations sur le niveau de la participation française et le rôle du budget européen n'ont pas trouvé une réponse aussi satisfaisante que vous ne le disiez, monsieur le ministre, lors du compromis de Berlin le 26 mars dernier.

Si la France a limité les effets négatifs sur le volet agricole, elle voit néanmoins le prélèvement sur recettes augmenter inexorablement d'année en année. Celui-ci est passé de 87 milliards en 1997 à 95 milliards en 1999, et passera à 98,5 milliards en l'an 2000, soit une augmentation de 13 % en trois ans. Ce prélèvement équivaut à 6 % du budget de l'Etat mais, curieusement, il n'est pas comptabilisé comme une dépense dans le budget de l'Etat.

Si je partage le sentiment qu'il ne faut pas juger l'action européenne en termes de retour, je voudrais simplement m'interroger un instant sur le sens de l'accroisse-


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ment de notre participation financière au moment où, nous l'avons vu dans le cadre de la PAC notamment, la diminution des prix d'intervention a été insuffisamment compensée par les aides directes. Quant aux fonds structurels, la révision des zonages, avec les difficultés que nous connaissons dans nos régions, démontre que la France n'est pas sortie totalement indemne du compromis de Berlin.

Sur le plan communautaire, les avancées ont été d'ailleurs assez modestes. Ce compromis, sans cesse reporté, ce qui mettait même en péril le vote d'un budget dans les temps, laisse de côté les problèmes cruciaux.

Tout d'abord, la philosophie même de la dépense européenne n'est pas abordée. L'accord des Quinze n'a répondu qu'à une stricte logique financière sur le plafond des dépenses, stabilisé à 1,27 du PIB des Etats membres, sans répondre à la question de l'opportunité et de l'efficacité de la dépense. Cette question est pourtant d'importance pour le budget européen à l'heure où la convergence européenne nous impose des critères budgétaires très stricts, et les finances publiques communautaires ne sauraient se soustraire à l'exigence de la maîtrise des dépenses que connaissent les budgets nationaux.

Certes, les propositions de la Commission, notamment en matière de fonds structurels, ont été repoussées, mais le système de financement et la réforme des modes de contribution n'ont pas du tout été remis à plat. La Grande-Bretagne conservera son avantage financier de 20 milliards de francs. Les principaux bénéficiaires nets que sont l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et la Grèce n'ont d'ailleurs pas été touchés. Le fonds de cohésion spécialement conçu pour assurer la convergence économique et monétaire n'a pas été remis en cause, même si trois de ces pays ont réussi le pari de la monnaie unique.

Le débat sur la contribution des Etats n'a donc abouti à aucune proposition concrète. L'opacité dans l'utilisation des crédits n'a pas davantage été remise en cause. Nous prenons simplement acte des déclarations de M. Prodi sur le problème de la fraude. Vu les montants en jeu et, surtout, ses effets destructeurs pour l'image de l'Union dans l'opinion publique, il ne faut plus de discours mais des actes, comme l'a dit M. Lefort à juste titre.

La complexité de la réglementation et des processus de gestion nous interpelle à tous les niveaux. Je ne citerai que l'exemple des fonds structurels. En ce domaine comme dans d'autres, il est essentiel d'aboutir à une gestion beaucoup plus proche et beaucoup plus ouverte à la proximité. Les gérer au niveau des régions, et pas seulement de l'Etat, serait une avancée intéressante.

Par ailleurs, la structure du budget en dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires n'a plus beaucoup de sens, et elle ajoute un surcroît de complexité à l'ensemble.

Le coût de l'élargissement européen doit absolument être identifié. C'est, on le sait, le défi majeur qui s'impose aujourd'hui à l'Europe. Il faut donc réformer, pour une meilleure lisibilité et un meilleur contrôle, la procédure budgétaire communautaire.

Sur le devenir de l'Europe et des structures européennes, il convient, et c'est une chose à laquelle le groupe Démocratie libérale est particulièrement attaché, de rejeter nettement la logique de l'hypertrophie de la dépense et la création d'un prélèvement fiscal supplémentaire à ce niveau. Il ne suffit pas, en effet, de dépenser toujours plus, il faut dépenser mieux et développer des politiques intégrées qui créent de réelles économies d'échelle, c'est-à-dire faire mieux à quinze ce qu'on ferait seul avec moins d'efficacité.

Il ne suffit pas non plus de dépenser toujours plus pour faire croire qu'il y a plus d'Europe. La tendance actuelle, qui consiste quelquefois à donner le sentiment d'une dérive vers un super-Etat bureaucratique, très éloigné de chacun et plus opaque, est probablement l'inverse de la logique qu'appelle aujourd'hui une démocratie européenne adulte.

Il serait bon, naturellement, d'avoir plus de subsidiarité et de repenser la logique d'évaluation des politiques européennes.

Avec la réalisation de la monnaie unique et la constitution d'un espace monétaire unifié, se pose la question du rôle du budget européen dans la politique économique des Quinze. Pour votre majorité, ce budget doit assurer un rôle de régulation budgétaire inspiré des relances keynésiennes. Vous avez d'ailleurs placé cette idée en tête de la proposition de résolution sur les perspectives financières pour l'Union 2000-2006, votée en mars dernier.

Or le budget européen est aujourd'hui plafonné à 1,27 % du PIB. Les partisans d'un tel fédéralisme budgétaire militent pour une augmentation très sensible de ce plafond de dépenses, qui pourrait atteindre entre 3 et 5 % du PIB des Etats membres, ce qui supposerait une augmentation sans précédent de la contribution européenne des Etats les plus contributeurs, dont la France, et l'introduction d'un véritable fédéralisme fiscal.

De cet impôt européen, nous ne voulons pas, alibi qu'il serait de l'augmentation des prélèvements pour les contribuables.

Nous ne voulons pas pour l'Europe, vous l'aurez compris, de la transposition d'un modèle étatique axé sur la dépense publique et la fiscalité.

Que regrettons-nous finalement à l'issue de ce débat ? Essentiellement le fait que le budget européen ne fasse l'objet d'aucune réforme du côté des recettes. Les ressources propres traditionnelles sont en constante diminution, la ressource TVA n'est pas satisfaisante puisqu'elle occasionne, on l'a vu, une fraude assez considérable, et, pour maintenir un niveau de recettes satisfaisant, il est à craindre que ce ne soit la quatrième ressource, forfaitaire, dont nous discutons aujourd'hui, qui soit appelée à augmenter.

Une telle évolution de la structure des recettes communautaires nous paraît mériter un véritable débat de fond : maintien du plafond de dépenses, absence de réforme de la TVA intra-communautaire, augmentation structurelle du prélèvement sur les budgets nationaux.

Les politiques communautaires avancent plus vite en Europe que les réformes. Peut-être est-il temps de sortir de cette logique, face notamment aux grands chantiers qui nous attendent et, à cet égard, je rejoins parfaitement ce qui a été dit à cette tribune : derrière la logique des chiffres, derrière leur sécheresse, derrière l'Europe des marchands, il y a l'Europe politique et celle des grands chantiers qui nous attendent, qu'il s'agisse de l'élargissement, défi majeur, qui est davantage pour nous une réunification politique du continent européen, ou de la réforme institutionnelle.

Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, et, si je partage votre pragmatisme, l'exigence que nous avons en termes de délai de faire avancer ce chantier de la réforme institutionnelle avant le premier élargissement, nous aurons beaucoup de difficulté, me semble-t-il, et ce serait probablement pervers de le faire, à nous affranchir d'une vision politique de ce que sera la nouvelle et grande Europe car, au-delà des mécanismes décisionnels essentiels que sont l'extension de la majorité qualifiée et la pondé-


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ration nouvelle des voix, il y a cette formidable aventure, cette formidable espérance, qui doit naître d'une architecture institutionnelle et politique nouvelle, d'un rééquilibrage des institutions et d'un message nouveau.

L'Europe réunifiée change de nature sans doute, de dimension en tout cas, et appelle un nouveau souffle, une nouvelle vision de la politique.

Quelle Europe voulons-nous ? Ce sera la question qui sera posée particulièrement à la France à cette échéance.

Nous serons tous très attentifs au fait que ce formidable débat permette une amélioration concrète de l'organisation de l'Europe mais ce doit être aussi l'occasion d'adreser un grand message aux pays candidats qui nous rejoindront à l'aube de l'an 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.).

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre, pour le groupe socialiste.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite ici, au nom du groupe socialiste, et cela ne vous étonnera pas, appeler notre assemblée à adopter l'article 35 de la loi de finances pour l'année 2000, dans le respect obligé du caractère formel de cette procédure.

Pour autant, car je ne reviendrai pas ici sur les excell entes analyses chiffrées de nos rapporteurs, Didier Migaud et Gérard Fuchs, il me paraît nécessaire de sortir un peu du formel pour livrer ici quelques réflexions qui rejoignent d'ailleurs celles de Marie-Hélène Aubert et d'Alain Barrau et de quelques autres orateurs précédents, n'est-ce pas cher Jean-Claude Lefort ? A l'actif de ce projet de budget figurent incontestablement des éléments importants qui sont, me semble-t-il, le gage de la volonté des Quinze de consolider l'état actuel d'intégration de l'Union.

En premier lieu, le respect du cadre budgétaire défini à Berlin dans le cadre d'Agenda 2000 en termes de stabilisation des dépenses et notamment de consolidation de la politique agricole commune. C'est un élément tout à fait nécessaire à la promotion de notre modèle agricole européen et c'est un signal important en direction de nos partenaires internationaux dans le cadre de l'ouverture du prochain cycle de négociation de l'OMC.

En deuxième lieu, le développement des autres politiques internes : d'abord la politique régionale, avec toutes les critiques qu'on pourrait lui faire, mais aussi la polit ique de recherche, certes pas assez étoffée mais augmentée néanmoins dans ce budget, avec les réseaux transeuropéens, etc.

En troisième lieu, la prise en compte financière de la reconstruction des Balkans et en particulier la réserve de 500 millions d'euros pour le Kosovo. C'est un élément important de la traduction concrète de la volonté de cohésion de l'Union européenne et un corollaire de sa vocation à intervenir sur le territoire européen. Enfin, d'autres l'ont déjà souligné, on ne peut qu'être satisfait de la remise en ordre budgétaire ainsi effectuée.

Le passif de ce budget est inscrit en contrepoint de son actif.

La stabilisation des dépenses n'est une vertu que si elle s'inscrit dans une perspective politique ambitieuse par ailleurs. Si le plafond de 1,27 % du PIB communautaire permettait simultanément de tenir les engagements pris sur les politiques communautaires existantes, de financer l'élargissement, de disposer d'un marge ouvrant des possibilités d'intervention d'urgence - j'espère qu'il n'y en aura pas d'autres, mais il y a eu le Kosovo - et de développer des politiques communes de plus en plus nécessaires, comme l'emploi, la culture et l'environnement, ce serait très bien ! Je ne crois pas que ce soit possible, même si, Gérard Fuchs l'a souligné à juste titre, nous ne sommes qu'à 1,08 % du PIB communautaire en crédits de paiements, donc encore loin du plafond. Je pense au contraire que, si nous en restons là, nous n'aurons au cours des six années prochaines aucune possibilité d'ouvrir des champs nouveaux pour nos politiques communautaires, si tant est que nous puissions financer les actuelles.

M. Alain Barrau.

président de la délégation.

Très bonne argumentation !

Mme Béatrice Marre.

Faut-il alors augmenter le budget communautaire ? Ma réponse est oui,...

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme Béatrice Marre.

... sous réserve qu'il s'agisse d'un transfert budgétaire des budgets nationaux vers celui de l'Union, donc à budget global consolidé constant. C'est bien d'ailleurs ce qui a été fait depuis le début de la construction européenne. La contribution française au budget de la Communauté était de 1,25 milliard de francs en 1971, de 16,8 milliards en 1980 et elle est aujourd'hui, en 1999, de 98,5 milliards, soit 6,2 % des recettes de notre budget. Mais comparons avec les parties de notre budget national correspondant aux politiques communautaires que nous avons développées. Le budget du ministère de l'agriculture pour 2000 est de 38 milliards de francs, le retour communautaire attendu correspond à plus du double de cette somme. Il s'agit bien d'un transfert budgétaire. On devra donc accroître le budget communautaire par la voie de transferts et non par l'augmentation des prélèvements fiscaux, voire, comme certains l'agitent pour faire peur - c'est ce que vient de faire Mme Ameline -, par la création d'un impôt direct européen.

De ce point de vue d'ailleurs, la progression dans les ressources de l'Union européenne de la part calculée sur le PNB des Etats me paraît une bonne chose. Outre que cela accroît l'équité - sous réserve d'arriver au bout et j'évoquerai ici le chèque britannique -, chacun contribuant en fonction de ses possibilités, cela facilitera d'autant les futurs transferts budgétaires.

Pour accroître le développement de l'Union, de chacun de ses Etats membres, de chacun de ses 370 millions d'habitants actuels, il faudra bien pouvoir engager de véritables politiques de l'emploi, de la formation, de la santé, de la culture pour ne prendre que quelques exemples auxquels il faut ajouter l'approfondissement du troisième pilier, en particulier la lutte contre la grande criminalité, gage de la sécurité de nos concitoyens.

Par ailleurs - et l'ouverture du nouveau cycle de négociations de l'OMC rend cette question particulièrement cruciale - pour que l'Union européenne puisse jouer le rôle que nous voulons lui voir jouer, c'est-à-dire celui d'une puissance d'équilibre des relations internationales, en particulier économiques, elle doit se donner les moyens de consolider son niveau d'intégration actuelle, de l'approfondir et de réussir l'élargissement, mais aussi de financer une véritable politique extérieure, notamment une politique d'aide aux pays en voie de développement.

On a entendu quelques inquiétudes de la part des pays signataires des accords de Lomé. Tout cela ne pourra se


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faire sans accroissement des transferts en provenance des budgets nationaux pour élever ce ratio de 1,27 % du PIB communautaire.

En conclusion, j'exprimerai notre satisfaction pour les efforts de rigueur et, surtout, de remise en ordre, la tenue des engagements, sur la politique agricole commune n otamment, et le financement de l'implication de l'Union européenne dans le reconstruction des Balkans.

Nous voterons donc l'article 35. Nous avons néanmoins des regrets, en raison de l'absence de perspective, de l'abscence de souffle de ce budget, pour reprendre un terme qui a été employé.

Cette dernière réflexion en rejoint une autre, fort bien développée par le président Alain Barrau, et je souscris, bien évidemment, à ses propositions. Une plus grande association des parlements nationaux nous permettrait, en prenant le temps nécessaire, suffisamment tôt, d'exprimer nos souhaits quant à l'avenir de l'Union européenne, c'est-à-dire, finalement, celui de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Mesdames, messieurs, je me réjouis de la teneur de ce débat, dont je note d'ailleurs le caractère très paritaire puisque trois hommes et trois femmes sont intervenus au nom des groupes.

M. Jacques Myard.

Sexiste ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

J'en profite pour dire que la parité et l'égalité hommes-femmes constitueront l'une des priorités de notre présidence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), et je sais que vous y souscrirez, monsieur Myard.

M. Jacques Myard.

Laissez venir à moi les Suédoises ! (Sourires.)

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

J'ai entendu dans chaque groupe des formules assez identiques, avec des gradations, bien sûr : manque de souffle, surréalisme de la procédure. Nous sommes, en effet, dans un cadre que nous connaissons, qui est assez formel, avec une procédure rigide. J'ai donné tout à l'heure différentes explications chiffrées et, pour ne pas me répéter ou revenir sur les commentaires faits par les rapporteurs, je vais plutôt évoquer les sujets politiques que, les uns et les autres, vous avez soulevés.

Dans le cadre de l'Agenda 2000, madame Idrac, l'Allemagne reste effectivement un contributeur net important et la France un pays à solde créditeur légèrement positif, d'un milliard d'euros tout de même, mais, en tendance, et hors élargissement, il y aura une amélioration sur les sept prochaines années pour l'Allemagne. C'est difficile à chiffrer mais ce diagnostic est certain. Il est clair, par ailleurs, que l'élargissement sera payé par tout le monde.

Sur la politique agricole commune, je veux réaffirmer ici que nous avons procédé à Berlin à une bonne réforme. De plus, et c'est fondamental, notamment dans les négociations de l'OMC, nous avons réussi à établir un consensus à quinze sur la défense du modèle agricole européen.

J'étais aux côtés du Président de la République à ce moment-là au Conseil européen. Lorsque la délégation f rançaise a fait introduire des considérations selon lesquelles le modèle social agricole européen et les décisions prises à Berlin devaient être la référence pour l'OMC, cela a été pris par le commissaire Fischler et par de nombreux Etats membres comme une référence purement formelle. Or il n'en a rien été. On observe au contraire, à mesure que se déroule la discussion, que le modèle social agricole européen tel que nous le concevons est de plus en plus la base de référence de l'Union. C'est ainsi que les conclusions du dernier conseil agriculture ont été extrêmement positives et permettent, sur ce point, d'avoir un mandat excellent pour l'OMC.

Sur les fonds structurels, rien ne doit être caricaturé.

Nos retours sont stabilisés à hauteur de 100 milliards de francs, ce qui est une performance compte tenu de notre équation difficile au Conseil européen de Berlin.

En vous écoutant, je me permets de noter une petite contradiction. Il n'est pas possible d'attribuer le succès sur la PAC au Président de la République et de se désoler de ce qui se produit pour les fonds structurels, les deux n'étant pas totalement sans lien. Une négociation européenne est une négociation. On ne peut pas gagner sur tous les plans. Et les positions de la délégation française ont été, à tous les stades, discutées et adoptées ensemble.

Les mérites comme les défauts doivent donc être assumés ensemble. A moins qu'on fasse le choix d'une analyse plus fine, auquel cas il faudra faire le partage entre ce qui appartient aux uns et ce qui doit être imputé aux autres.

J'en viens à la question, plus politique encore, du rapp ort entre l'élargissement et les institutions. Votre réflexion sur ce point a été très intéressante, madame Idrac, et je voudrais vous répondre de manière assez précise. Selon vous, entre ma volonté de progresser rapidement sur la question de l'élargissement et ma trop grande modestie sur celle des institutions, il y aurait une sorte de g rand écart. Il me semble au contraire que cette démarche est très cohérente, et que c'est la position inverse qui serait un grand écart. Je m'explique. Si l'on veut aller vite dans le dossier de l'élargissement - mais raisonnablement vite, c'est-à-dire en prenant en compte la situation réelle des pays concernés -, il faut achever la réforme des institutions en l'an 2000, comme tout le monde nous y appelle. Or cette réforme se présente dans un contexte qui n'est pas vraiment simple. Cetains pays, ceux qu'on appelle les petits pays, mais aussi d'autres, qui sont moins petits et avec lesquels nous avons des liens d'amitié extrêmement forts, comme l'Espagne, considèrent que les trois questions laissées en suspens à Amsterdam ne sont en fait que deux. Ils disent en substance : la majorité qualifiée, on en parlera peut-être, mais c'est déjà trop. Dans ces conditions, si la Commission, le Parlement européen ou certains partis politiques se mettent à tenir un discours contraire - il faut avoir plus d'ambition, ne pas jouer petit bras, adopter dès maintenant une Constitution européenne -, il est clair que la CIG n'aboutira pas sous la présidence française et que l'élargissement sera retardé d'autant. Le grand écart, il est donc plutôt dans la position de ceux qui disent vouloir à la fois un élargissement rapide et l'adoption immédiate d'une Constitution. A propos de celle-ci, je veux vous dire que, pas plus que M. Schwartzenberg, je ne suis opposé par principe à l'idée d'une Constitution européenne. Mais cette Constitution ne sera sans doute pas un grand texte, qui se substituerait à tous les autres. Il ne sera pas écrit dans le marbre, mais sera sans doute le rassemblement de textes déjà existants ou en cours d'élaboration. Et en tout état de cause, cette démarche constitutionnaliste ne peut pas, ne doit pas, être celle de la CIG.


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Quant au rapport de la commission des sages, dont vous semblez faire grand cas, il ne faudrait pas non plus exagérer l'apport qu'il représente. Ce rapport a été fait à la demande de la Commission, pour la Commission,...

M. Jacques Myard.

Payé par la Commission ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... et ne traite pas l'ensemble des questions. Il parle et reparle encore de Constitution, en souhaitant que la Commission soit au coeur de son élaboration. Nous, nous souhaitons au contraire un processus intergouvernemental réaliste et ambitieux. Et je crois, comme le Président de la République, avec qui j'ai déjeuné aujourd'hui en compagnie du Président de la République italienne, que si nous réussissons, sous la présidence française, à faire en sorte que les trois questions laissées en suspens à Amsterdam soient réglées, ce sera un succès.

Car nous aurons alors permis que l'Europe fonctionne m ieux et que l'élargissement se fasse. C'est cette d émarche réaliste que je recommande, et que je recommande à tous, parce qu'il ne faudrait pas qu'à trop jouer les apprentis sorciers on compromette le succès de la présidence française, présidence que, encore une fois, le Président de la République et le Gouvernement assumeront ensemble. Je préfère, en matière constitutionnelle, l'approche sage suggérée par M. Schwartzenberg.

Ce dernier, justement, s'est fait l'écho d'une préoccupation chère à Jean-Claude Lefort qui, je dois le reconnaître, fait preuve d'une très grande constance, voire d'une certaine prescience puisque, à chaque fois qu'il soulève cette question avec force, elle ne manque pas de se poser - on a bien vu ce qui s'est passé avec la Commission précédente, avec le rapport demandé par le Parlement et le comité d'experts. Il me semble, monsieur Schwartzenberg et monsieur Lefort, qu'en la matière nous commençons à sortir des grands discours et à entrer dans le concret, même si les mesures envisagées ne sont pas exactement à la hauteur de vos espoirs. Je rappelle que la Cour des comptes européenne estime qu'environ 5 % des paiements sur les budgets communautaire - ce qui représente plus de 4 milliards d'euros - sont critiquables et correspondent soit à des fraudes, soit à des irrégularités budgétaires. Mais il me semble, et j'espère que vous en conviendrez avec moi, que la création de l'OLAF à la fin de l'année 1998 a constitué à cet égard un incontestable progrès, dans la mesure où l'indépendance fonctionnelle de cet office chargé de la lutte antifraude a été confortée et où ses pouvoirs en matière d'enquêtes internes ont été renforcés par l'élargissement de son champ de compétence. Mais, comme le souhaite Mme Aubert, nous ne comptons pas nous arrêter là. Le comite des sages a formulé dans son second rapport, en date du 10 septembre 1999, quatre-vingt-dix recommand ations pour améliorer les procédures d'octroi des contrats et des emplois externes à la Commission ou encore pour accroître la coordination entre les services de la Commission chargés de la lutte contre la fraude et de la protection des intérêts financiers de l'Union. Je salue d'ailleurs les engagements précis, en termes de calendrier, qu'a pris M. Prodi devant le Parlement européen le 14 septembre dernier. Malgré les délais et imperfections inévitables, votre préoccupation commence donc à être entendu en Europe.

M. Chabert a soulevé le problème de l'insuffisance du débat européen dans cette enceinte. Ce n'est pas le ministre chargé des affaires européennes qui le niera. Et je veux redire à l'Assemblée, qui le sait d'ailleurs, que je suis toujours ouvert au débat devant elle. Reconnaissons toutefois que cette année nous avons eu en fait deux débats sur le budget européen, et non pas un seul, puisque le débat d'aujourd'hui a quand même été largement entamé lors de notre discussion du 16 mars 1999 sur l'Agenda 2000.

Quant au contrôle des dépenses communautaires, vous conviendrez avec moi que ce n'est pas le rôle direct du Parlement, puisqu'il existe des institutions qui en sont chargées, comme la Cour des comptes européenne ou l'OLAF, dont je viens de parler.

Sur le sommet de Berlin, vous avez choisi, monsieur Chabert, un autre angle d'attaque que celui des fonds structurels, celui des ressources propres. Je vous répondrai, là encore, et cela témoigne du caractère équilibré de cette négociation, qu'on ne peut pas regretter à la fois un développement insuffisant des nouvelles politiques communes et la modification du partage de la charge qui a été décidée en faveur de l'Allemagne - avec maintien du rebate, du rabais consenti au Royaume-Uni. La France souhaitait que l'on mette fin à ce rabais britannique, dont nous continuons à penser qu'il ne relève pas d'une logique communautaire. Mais il a fallu trouver un équilibre entre nos préoccupations relatives à la PAC et notre volonté de conserver nos retours sur les fonds structurels.

Cela impliquait de faire des concessions - qui sont, encore une fois, assumées par la délégation française tout entière -, à la Grande-Bretagne comme à d'autres, même si le rabais a été diminué. On peut le regretter, mais le Président de la République et le Gouvernement partageaient la même approche, ce qui devrait peut-être vous amener à atténuer quelque peu vos critiques.

Jean-Claude Lefort a repris, au fond, la proposition faite par Alain Barrau d'un grand débat d'orientation sur le budget communautaire. Il va de soi que cette question est d'abord posée à M. le président de la commission des finances. Mais je répète que, d'une certaine façon, ce débat a eu lieu le 16 mars dernier, losque nous avons discuté de l'Agenda 2000. Cela dit, faut-il passer au rythme d'un débat annuel ? Peut-être pourrait-on renforcer le volet Europe du débat d'orientation budgétaire du printemps. La question reste ouverte, et elle est posée aux instances de l'Assemblée.

Au sujet de la Turquie, il me semble, mais cela ne vous aura pas échappé, qu'on ne peut pas vraiment faire à la Commission le grief que vous lui faites. D'abord, parce qu'elle ne prend pas de décisions, c'est le Conseil qui les prendra à Helsinki. Ensuite, parce que son rapport sur l'état d'avancement des négociations et sur les pays candidats a été demandé par le Conseil. Elle a pris ses responsabilités, mais soyons clairs : le jour où la Turquie sera candidate à l'entrée dans l'Union européenne, ce ne sera pas du fait de la Commission, qui y était jusqu'à présent extrêmement réticente, mais bien du fait de décisions prises par le Conseil, décisions auxquelles, je le précise, la France prendra sa part. Notre pays est plutôt favorable, avec toutes les précautions nécessaires, à ce qu'on reconnaisse le statut de candidat à ce grand pays. A ce grand pays européen ? Nous verrons à l'avenir comment nous prononcer.

S'agissant de l'OMC, il me semble que nous progressons, dans le domaine agricole mais aussi dans le domaine culturel. Et nous sommes sur le point d'obtenir, dans le cadre du Comité des représentants permanents, le COREPER, un texte qui nous donne satisfaction sur la diversité culturelle, ce qui était à l'origine inespéré. La Commission devrait donc avoir un mandat clair, politiquement lisible, pour aller négocier à Seattle, ce qui est un élément de clarification entre nous, Européens, mais ce qui n'est pas en soi la clé du débat que nous avons


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avec d'autres, notamment avec les Américains. Comme vous, j'ai pris connaissance des propos tenus par la représentante spéciale, Mme Barshefsky, mais aussi par le Président Clinton, à propos de l'agriculture européenne. Il est clair qu'une très grande confrontation nous attend.

Nous aurons l'occasion d'en reparler mardi prochain, et nous en reparlerons très souvent au cours des années qui viennent, car ce débat sera long et difficile.

Pour ce qui est de la taxe Tobin, je pense que la discussion du projet de loi de finances permettra ultérieurement d'éclairer vos suggestions. Je ne m'y attarderai donc pas davantage.

Mme Ameline s'est préoccupée de l'accroissement du prélèvement européen en moyenne période. D'après les chiffres qui sont les miens, en pourcentage des recettes fiscales nettes de l'Etat, ce n'est pas exactement ce que j'observe. En 1993, nous étions à 6,4 %, en 1994 à 6,6 %, en 1995 à 6 %, toujours à 6 % en 1996, à 6,3 % en 1997, à 6,3 % en 1998, à 6 % en 1999, et à 6,2 % en 2000. On observe donc, au contraire, une très grande stabilité. Il faudrait peut-être, d'ailleurs, que Mme Amel ine et Mme Idrac se mettent d'accord, puisque

Mme Idrac, me semble-t-il, disait tout à l'heure que 6 %, somme toute, ce n'était pas considérable. Mais à écouter la suite de votre intervention, madame Ameline, j'ai fini par comprendre que vous, vous étiez opposée au fédéralisme budgétaire, au fédéralisme fiscal et peut-être, du coup, par transition, à tout fédéralisme. Ce qui veut dire en clair, et c'est une information intéressante, que le libéralisme et le fédéralisme, ce n'est pas exactement la même chose.

En ce qui concerne les institutions de la grande Europe, je répète que la présidence française devra adopter une démarche pragmatique et réaliste. Cela ne signifie pas que nous n'avons pas conscience de la nécessité d'aller plus loin dans l'avenir. Il importe de réfléchir dès maintenant à ce que pourront être les institutions de cette Europe à trente. Mais cette réflexion ne doit pas se faire dans le cadre de la CIG qui se tiendra en 2000, sinon, cela ne marchera pas.

Mme Nicole Ameline.

Absolument ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Encore une fois, il faut être très prudent. Et il est très important que tout le monde, sur tous les bancs, en soit conscient, afin de ne pas compromettre les chances de réussite de la présidence française sur ce dossier, qui est sans doute l'un de ceux sur lesquels elle est le plus attendue.

Enfin, je suis très largement d'accord avec ce qu'a dit Mme Marre, et elle ne s'en étonnera pas. Je partage en particulier son avis sur l'Agenda 2000. Je suis moi aussi favorable à l'augmentation du budget communautaire, mais à condition qu'elle s'accompagne d'une réduction des budgets nationaux portant sur les mêmes domaines.

Soyons cohérents dans notre approche de l'Europe. Le principe de subsidiarité peut aussi trouver à s'appliquer sur le plan budgétaire, et c'est d'ailleurs ce qui nous a amenés, notamment sur votre suggestion, madame Marre, à refuser le cofinancement de la PAC, ce sur quoi nous avons fini par obtenir gain de cause.

Ces belles paroles étant dites, je me réjouis que l'Assemblée s'apprête à voter ce prélèvement. Malgré les critiques ou les réserves que vous avez pu formuler, il traduit, me semble-t-il, une certaine maîtrise du budget de l'Union européenne et aussi, je le pense, la réussite de la négociation de l'Agenda 2000, à laquelle les uns et les autres ont contribué. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 35.

M. Jean-Pierre Soisson.

Je vote contre.

M. Jean-Claude Lefort.

Le groupe communiste s'abstient.

(L'article 35 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, nous en revenons maintenant à l'amendement no 73 de M. Carrez, portant article additionnel après l'article 2.

Après l'article 2 (suite)

M. le président.

M. Carrez a présenté un amendement, no 73, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 199 quater C du code général des impôts, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "50 %".

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat son compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir cet amendement.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, mes chers collègues, à l'initiative de la commission des finances, l'Assemblée a adopté un amendement tendant à simplifier les règles applicables en matière de réductions d'impôt accordées au titre des cotisations versées au profit d'associations d'intérêt public, d'associations simples ou d'associations de financement des partis politiques.

Gilles Carrez propose d'adopter le même système pour les cotisations à caractère syndical. En effet, on ne voit pas pourquoi celles-ci seraient écartées de cette opération de simplification et d'unification du dispositif fiscal applicable aux sommes versées aux associations.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Cette proposition qui vise à favoriser les salariés qui participent à la vie syndicale est naturellement sympathique. Toutefois, c omme il n'était pas évident d'adopter celle-ci, la commission a repoussé l'amendement.

En effet, les cotisations syndicales constituent des frais professionnels qui sont déduits de l'assiette de l'impôt soit au titre des frais réels, soit dans le cadre de la déduction forfaitaire de 10 %. La réduction d'impôt de 30 %, qui concerne les seules personnes ayant opté pour la déduction forfaitaire de 10 %, constitue ainsi un régime fiscal favorable puisqu'elle s'ajoute à une déduction de l'assiette de l'impôt.


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Par ailleurs, le taux de 50 % est exceptionnel en matière de réduction d'impôt. Il ne s'applique aux dons aux oeuvres et associations que parce ces derniers résultent d'une intention libérale et qu'il s'agit ainsi de versements sans contrepartie.

Les cotisations syndicales font, quant à elles, l'objet d'une contrepartie puisque le salarié attend du syndicat la défense des intérêts matériels et moraux de l'ensemble des salariés et, plus spécifiquement, de sa profession.

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement, étant entendu que le chantier de l'impôt sur le revenu sera à nouveau ouvert l'année prochaine.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

73.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Cet avis est exactement identique à celui qui a été émis par le rapporteur général. Un élan de sympathie me pousse vers M. Carrez, qui souhaite encourager le syndicalisme dans notre pays, mais je récuse la modalité qu'il propose pour y parvenir. Je comprends bien l'intention de M. Carrez mais je demande à M. Auberger de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j'en réclamerai le rejet pour les raisons exposées par M. Migaud.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Aucun des deux arguments qui m'ont été opposés par M. le rapporteur général ne tient.

De toute évidence, on ne peut pas assimiler les cotisations syndicales à des frais professionnels.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pourtant, elles sont déduites !

M. Philippe Auberger.

Les frais professionnels sont des dépenses effectuées dans le cadre de l'exercice d'une profession. Or le syndicalisme, même s'il s'exerce dans un cadre professionnel, le plus souvent salarial, est extérieur à l'exercice même de la profession.

Par ailleurs, il est inexact de prétendre que le versement de cotisations syndicales a une contrepartie. Il n'y a pas de différence consubstantielle entre l'adhésion à un syndicat et l'adhésion à un parti politique : ni de l'un ni de l'autre, on n'attend une contrepartie immédiate. Il en va de même pour l'adhésion à une association : on adhère à un courant culturel, philosophique ou intellectuel d'une façon générale, sans pour autant rechercher un intérêt matériel immédiat.

Les deux arguments qui m'ont été opposés ne sont pas valables, et j'invite le secrétaire d'Etat et le rapporteur général à en trouver de meilleurs pour l'année prochaine.

(Sourire.)

M. le président.

J'en déduis que l'amendement no 73 n'est pas retiré.

Je le mets donc aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. d'Aubert, Delattre, Dominati, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 142, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Il est inséré, après l'article 199 terdecies 0 A du code général des impôts, un article 199 terdecies - 0 B ainsi rédigé :

« Art. 199 terdecies - 0 B. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France qui effectuent des souscriptions en numéraire au capital de PME, créées depuis moins de 5 ans à la date de l'investissement, peuvent déduire les versements correspondants de leur revenu imposable. La déduction fiscale correspondante s'applique à l'investissement réalisé au cours d'une année civile. La déduction fiscale est acquise aussi bien pour les souscriptions effectuées au profit de sociétés soumises à l'impôt sur le revenu qu'au profit des sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu. La déduction fiscale ne peut excéder 25 % du revenu net global, et s'opère dans la limite annuelle de 120 000 F.

« La déduction est autorisée quand les conditions suivantes sont remplies :

« 1o Les souscriptions en numéraire doivent avoir été effectuées directement au profit des sociétés concernées.

« 2o Les personnes physiques prennent l'engagement de conserver les titres, pendant cinq ans à compter de leur souscription.

« En cas de cession de tout ou partie des titres souscrits dans les cinq ans de leur acquisition, le montant des sommes déduites est ajouté au revenu global de l'année de la cession. Les mêmes dispositions s'appliquent en cas de remboursement des apports en numéraire aux souscripteurs. Les parts dont la souscription a ouvert droit à la déduction fiscale mentionnée au présent article ne peuvent pas figurer dans un plan d'épargne en actions (PEA) défini à l'article 16 quinquies

D.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives.

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Cet amendement important vise à favoriser l'épargne de proximité des personnes physiques qui investissent dans les PME-PMI innovantes. Il s'agit, en quelque sorte, d'instaurer en France un dispositif analogue au dispositif américain des business angels.

Si l'on veut contribuer à la création d'entreprises et d'emplois, il est indispensable de favoriser l'épargne de proximité, notamment par des incitations fiscales fortes, sur le modèle de certains fonds mutualisés, comme les fonds communs de placement-innovation, dont les titulaires bénéficient d'un dispositif fiscal relativement favorable, quoique limité.

L'idée sous-jacente dans mon amendement est simple : les personnes physiques investissant dans une entreprise de moins de cinq ans, et par conséquent supposée être plutôt innovante, prêtes à maintenir leur participation pendant cinq ans - il s'agit donc d'une épargne stable, pas d'une épargne spéculative - pourraient, dans la limite de 25 % de leur revenu, et surtout dans la limite de 120 000 francs l'an, investir directement en numéraires dans le capital de l'entreprise. La limite de 120 000 francs me semble bien modeste, mais il faut bien commencer. En outre, nous aurions pu proposer non pas une déduction sur le revenu imposable, mais une réduction d'impôt, qui aurait été plus avantageuse.

En ce qui concerne le coût de l'opération, je ne pense pas qu'il soit très élevé. Il n'a certes pas été évalué au centime près, mais lorsque les fonds communs de place-


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ment-innovation ont été créés, je crois me souvenir que le coût pour les finances publiques avait été évalué à quelques dizaines de millions. Le coût effectif actuel est d'environ 100 millions, alors que l'effet de levier sur le financement des entreprises innovantes, et par conséquent sur l'emploi dans la haute technologie, est tout à fait important : les FCPI ont récolté quelque 1,4 milliard de francs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'amendement no 142 a été rejeté par la commission. Il existe déjà un dispositif, instauré par la loi Madelin, qui a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2001.

De plus, contrairement à ce que vous avez prétendu, monsieur d'Aubert, pour les ménages les plus aisés, une déduction de l'assiette du revenu imposable est plus avantageuse qu'une réduction d'impôt. Votre proposition ne va donc pas dans le sens de notre action, ni d'ailleurs dans celui des mesures prises par les gouvernements successifs depuis plusieurs années, puisque la loi fiscale a eu tendance à remplacer les déductions du revenu imposable par des réductions d'impôt, ces dernières offrant un avantage égal à chaque contribuable, quel que soit le niveau de ses revenus.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il n'y a rien à ajouter !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le ministre a annoncé la tenue d'assises nationales, des réflexions sont en cours, des chantiers sont ouverts et des mesures ont déjà été prises pour favoriser l'innovation. Dans le courant de l'année prochaine, il faudra éventuellement amplifier telle ou telle mesure, mais sûrement pas à partir de votre proposition.

L'avis de la commission est défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Cet amendement part d'une intention angélique, M. d'Aubert a employé le terme, puisqu'il s'agit d'aider les entreprises innovantes récentes à acquérir des capitaux.

Mais la raison principale qui pousse le Gouvernement à demander le rejet de cet amendement, c'est que la différence entre l'allégement d'impôt - dispositif actuellement en vigueur - et la réduction d'impôt n'est pas d'ordre technique : l'allégement d'impôt est identique quel que soit le revenu imposable, alors que la réduction d'impôt est évidemment beaucoup plus intéressante pour le contribuable.

M. François d'Aubert.

Je propose un plafonnement !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est pourquoi je demande, comme le rapporteur général, le rejet de cet amendement même s'il part d'une bonne intention.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour une réponse rapide.

M. François d'Aubert.

Ces deux arguments sont tout de même assez curieux.

Dans son rapport, M. Eric Besson, qui est d'ailleurs présent dans l'hémicycle, propose des mesures qui ressemblent beaucoup à celle-là. Et pourtant, vous estimez qu'elle n'est pas bonne et ne le sera jamais.

Ne parlez pas trop vite ! Il y a quatre ans, vous étiez opposés à la réduction des droits sur l'héritage et maintenant, c'est vous qui la proposez.

L'argument que vous avancez, monsieur le secrétaire d'Etat, ne vaut franchement pas grand-chose. En effet, il ne peut pas y avoir d'abus, puisque je propose que la déduction fiscale s'opère dans la limite annuelle de 120 000 francs. Par conséquent, qu'on soit riche ou moins riche, cela n'a pas d'incidence.

Les propos de M. Migaud sont un peu dans le même registre. Il faut tout de même être un peu réaliste, de temps en temps - mais je sais bien que dans cet hémicycle, le réalisme ne souffle guère plus de dix minutes par jour !

M. Michel Bouvard.

Oh !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il souffle toute la nuit !

M. François d'Aubert.

Le reste du temps, l'approche est plutôt idéologique.

Vous nous expliquez que cette mesure n'est pas bonne, parce qu'elle favorisera les riches.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous caricaturez !

M. François d'Aubert.

Il faut regarder les choses en face : pour ma part, je préfère que les riches investissent dans l'entreprise, à côté de chez eux, dans leur commune - là, au moins, on sait où cela va -, plutôt que dans l'immobilier, je ne sais où, ou dans des fonds spéculatifs.

Effectivement, ceux qui ont des revenus modestes n'ont sûrement pas les moyens d'investir. Il n'en reste pas moins que les entreprises ont aussi besoin d'argent. Mais sans doute préférez-vous la Bourse, les marchés financiers, à l'épargne directe.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais nous n'avons jamais dit cela !

M. François d'Aubert.

L'alimentation directe des PMI par l'épargne de proximité, personne ne peut souhaiter mieux.

M. Michel Bouvard.

En Italie, cela fonctionne très bien !

M. François d'Aubert.

Mon amendement va justement dans ce sens. Si vous le refusez, c'est par une espèce de parti pris un peu idéologique. Ce n'est même pas une question de coût pour les finances publiques.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. François d'Aubert.

Je note que M. Eric Besson s'est abstenu !

M. le président.

Mme Guinchard-Kunstler a présenté un amendement, no 529, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. A la fin du premier alinéa de l'article 1 99 quindecies du code général des impôts, la somme de : "15 000 francs", est remplacée par la somme de : "30 000 F". »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Louis Idiard, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Louis Idiart.

Je présenterai l'amendement de notre collègue Guinchard-Kunstler, qui ne peut être présente. Elle a rédigé un excellent rapport sur la dépendance et cet amendement se situe dans ce cadre.

Les personnes âgées les plus dépendantes, qui entrent dans un établissement de long séjour ou dans la section de cure médicale d'une maison de retraite, ne l'ont pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

choisi. Or, actuellement, il existe encore une grande disparité fiscale entre les aides au maintien à domicile - avec notamment la réduction d'impôts à hauteur de 50 % des sommes consacrées à l'emploi d'une personne, dans la l imite d'un plafond de 45 000 francs, voire de 90 000 dans certains cas - et les aides accordées en cas de placement en établissement, alors que le coût de celui-ci est souvent très élevé.

Certes, la loi de finances pour 1998 a commencé à relever le montant de la réduction d'impôts en cas d'hébergement, mais ce relèvement s'avère encore très insuffisant. C'est pourquoi le présent amendement a pour objet, en vue de rapprocher les avantages qui s'appliquent aux deux modes d'hébergement, d'accroître le montant servant de base à la réduction d'impôts en cas de placement en établissement. Il serait porté à 30 000 francs, ce qui reviendrait à une réduction d'impôts de 7 500 francs, contre 3 750 francs actuellement.

Ce serait un progrès significatif, quoique encore insuffisant, compte tenu du coût de l'accueil en établissement, en particulier pour les personnes atteintes de démence sénile, dont la dégradation de l'état de santé conduit souvent au placement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le sujet est extrêmement sensible et nous ne pouvons qu'être attentifs aux observations et aux propositions de notre collègues Paulette Guinchard-Kunstler, qui y travaille énormément.

D'ailleurs, la commission des finances a retenu une de ses suggestions, qui fait l'objet d'un autre amendement.

Néanmoins, compte tenu de la revalorisation intervenue en 1998, la commission des finances n'a pas retenu l'amendement no 529. La question reste ouverte, et cette proposition pourra contribuer à la réflexion sur l'impôt sur le revenu que nous ouvrirons l'année prochaine. Mais dans un premier temps, j'invite notre assemblée à ne pas adopter cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mme GuinchardKunstler a effectivement remis un rapport remarquable sur les situations douloureuses et souvent dramatiques vécues par les personnes âgées en situation de grande dépendance. Dans la logique de ce rapport, elle propose de relever de 15 000 à 30 000 francs le montant servant de base à la réduction d'impôt dont bénéficient actuellement les contribuables âgés de plus de soixante-dix ans hébergés dans un établissement de long séjour ou dans une section de cure médicale.

Je comprends tout à fait l'intention exprimée par cet amendement. Dans le même esprit, le rapporteur général vient de le dire, la commission des finances a d'ailleurs suggéré de supprimer la condition d'âge, puisque ces situations dramatiques peuvent malheureusement apparaître avant soixante-dix ans.

Je propose donc de procéder en deux temps. Dans cette loi de finances, nous pourrions accepter la juste simplification proposée par la commission des finances, puis, l'année prochaine, nous reprendrions l'examen de la proposition de Mme Ginchard-Kunstler, dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur les impôts directs, et en particulier sur l'impôt sur le revenu, comme l'a suggéré le rapporteur général.

M. Michel Bouvard.

C'est mieux que pour la fiscalité agricole !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je demande par conséquent à M. Idiart de bien vouloir retirer cet amendement. L'appel a bien été entendu par le Gouvernement, et, afin de montrer qu'il ne remet pas à demain ce qu'il peut faire le jour même, il accepte de supprimer la condition d'âge.

M. le président.

Maintenez-vous l'amendement no 529, monsieur Idiart ?

M. Jean-Louis Idiart.

Je prends note de vos observations, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous serons attentifs à l'adoption de l'amendement de la commission et la proposition de Mme Guichard-Kunstler sera discutée dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu. Pour plus de cohérence, nous acceptons de retirer l'amendement no 529.

M. François d'Aubert.

Je le reprends, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 529 est repris par

M. François d'Aubert qui a la parole.

M. François d'Aubert.

Cet amendement est particulièrement bienvenu, car il prend en compte la réalité vécue dans certains établissements spécialisés pour personnes âgées ou maisons de retraite.

Avec l'application de divers textes réglementaires signés par Mme Aubry, avec le nouveau classement en GIR - qui prévoit six catégories de dépendance, l'allocation dépendance étant associée aux trois premières, mais pas aux trois dernières -, toutes les simulations effectuées par les établissements hospitaliers et les maisons de retraite font apparaître des mécanismes tout à fait aberrants.

Ainsi, le prix de journée, qui est à la charge de la famille, dans les deux tiers des cas, ou du département, subira des augmentations considérables. A Laval, par exemple, le prix de journée, dans certains établissements gravitant dans l'orbite de l'hôpital, va augmenter de façon importante : 300 francs supplémentaires par mois. Mais dans d'autres établissements, en particulier ceux qui dépendent d'une municipalité et ne peuvent pas s'adosser à un hôpital, l'augmentation sera de 2 000 à 3 000 francs par mois ! L'aide sociale du département supportera-t-elle cette charge ? Certainement pas dans tous les cas.

Il est donc indispensable de trouver des mécanismes correcteurs, sans quoi nous serons confrontés à la situation la plus injuste qui soit et le système tout entier déraillera. Les personnes âgées dépendantes en difficulté, pour lesquelles les familles font déjà un effort, seront les plus pénalisées par le nouveau système, qui, je le rappelle, introduit trois éléments dans le calcul du prix de journée : les soins, l'hébergement et le niveau de dépendance.

Personnellement, je suis très favorable à l'amendement no 529, qui va dans le sens d'un allégement de la charge des familles.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Cet amendement est un remarquable complément au dispositif de la prestation dépendance, qui est soumise à conditions de revenus.

Mme Guinchard-Kunstler a beaucoup travaillé.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie.

De nombreuses confrontations ont eu lieu. Il y a un an, à Belfort, à l'issue d'un colloque qui a rassemblé 500 personnes, il a été proposé au Gouvernement un système de tarification beaucoup plus simple que celui qui a été retenu. Malheureusement, nous n'avons pas été écoutés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Et puis, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'advient-il du remarquable rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, conduit par Mme Véronique Hespel et M. Michel Thierry ? Ce rapport avait pour ambition de sortir du maquis inextricable et inexplicable, y compris par les parlementaires, constitué par la multiplicité des systèmes de déduction fiscale ou d'exonération de cotisations sociales, s'agissant des services de proximité et d'aide à la personne. Ce rapport avait une ambition d'équité et de simplification.

M ais nous n'en entendons plus parler. Pourquoi ? Qu'est-il devenu ? Une première étape vers la prise en compte du rapport serait franchie si vous acceptiez cet amendement juste et équitable, favorable aux personnes qui perdent leur indépendance.

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

L'amendement no 529 pose au plan fiscal la question de la prise en charge de la dépendance et soulève un premier problème, qui est d'ailleurs d'ordre général : la mauvaise coordination entre les dispositions de la loi de finances et les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale rend difficilement lisible la fiscalité.

En second lieu, cet amendement met en évidence le problème né de la circulaire du ministère des affaires sociales relative à la prise en charge de la dépendance : le nouveau système de tarification, qui vient d'être résumé, est une des plus belles usines à gaz, peut-être la plus belle à avoir jamais été produite par la République, qui pourtant en est friande.

M. Pierre Méhaignerie.

Absolument !

M. François d'Aubert.

Tout à fait !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je vous rappelle que le

GIR 1 correspond à la dépendance quasi totale et le

GIR 6 à la dépendance légère, avec une gradation entre ces deux niveaux, la classification étant établie, de manière tripartite, par des médecins, sur des critères non médicaux.

Cela soulève deux problèmes.

Le premier est un problème de fond. Jusqu'à présent, le risque dépendance, comme tout risque, a été socialisé.

Or si la nouvelle disposition s'applique, chacun paiera en fonction de son état de dépendance ; il me semble que ce ne serait pas un progrès, et cet avis doit être partagé sur tous les bancs, et particulièrement du côté gauche - mais je ne prétends pas à l'exclusivité.

Second problème : le système sera ingérable. A partir du 1er janvier 2000, lorsqu'un patient arrivera dans un établissement de plus de 85 lits, au service des entrées, personne ne sera en mesure de calculer la part résiduelle qui restera à la charge de sa famille, car cela dépendra du forfait de soins-caisse, du prix de l'hébergement, du prix de la dépendance et des compensations éventuelles au titre de l'aide sociale ou au titre de la prestation spécifique dépendance qui pourra être sollicitée auprès du département, sachant que tous les départements ont adopté des systèmes différents.

Je le dis aujourd'hui en saisissant l'opportunité de cet amendement et en profitant de la présence du rapporteur pour avis de la commission des finances pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaite ardemment qu'il soit sursis à la mise en oeuvre de ce dispositif, que tout cela soit remis dans un ordre lisible, compréhensible, que l'on sache ce que l'on fait en étant capable de gérer le système et d'en apprécier les incidences.

M. François d'Aubert.

Tout à fait !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Voilà ce que je voulais dire, car si ce problème n'est pas réglé rapidement, il sera à nouveau posé sous une forme peut-être moins courtoise.

M. Pierre Méhaignerie et M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Mon groupe soutient cet amendement. Contrairement à mon collègue Adevah-Poeuf, je ne ferai pas un grand discours sur le problème de la dépendance, car ce n'est pas vraiment ici le lieu d'en débattre.

M. Jean-Louis Idiart.

Encore que ! Mais je peux d'ores et déjà dire que, dans le système actuel, certaines personnes dont le conjoint doit entrer dans un établissement de long séjour ou de cure médicale connaissent de graves difficultés financières.

M. Gilbert Gantier.

Absolument !

M. Philippe Auberger.

En effet, ces personnes doivent payer l'intégralité des frais de séjour qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale et qui peuvent être de l'ordre de 300 francs par jour, soit 9 000 francs par mois ! De ce fait, leur revenu disponible résiduel diminue fortement et elles ont de graves difficultés lorsqu'elles doivent acquitter l'impôt sur le revenu. Ces personnes sont dans une situation inextricable. L'amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, qui vise précisément à alléger leurs charges fiscales, est absolument justifié. La suppression de la limite d'âge ne résoudrait absolument rien. Je voterai donc l'amendement no 529.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Méhaignerie a interrogé le Gouvernement et il serait discourtois de ma part de ne pas lui répondre. Il a eu raison de rendre hommage au rapport de deux inspecteurs généraux. Il est vrai M. Adevah-Poeuf l'a confirmé - que les dispositifs d'aide publique à la dépendance sont complexes, nombreux et pas forcément efficaces. Certaines des mesures préconisées dans ce rapport, des exonérations de charges sociales par exemple, ont déjà été prises l'an dernier et d'autres ont été retenues en matière de TVA.

Pour en revenir au budget de l'Etat, comme M. Auberger nous y invite, la bonne démarche consiste à adopter l'amendement de simplification de la commission et de revoir cette question, dont vous avez parlé avec conviction et persuasion, à l'occasion de l'examen de la réforme de l'impôt sur le revenu. Nous sommes évidemment tout à fait prêts à travailler avec les parlementaires sur ce point. Le rapport de Mme Guinchard-Kunstler, à laquelle je rends à nouveau hommage, est une excellente base de travail. Je demande donc le rejet de l'amendement no 529, qui a été repris par M. d'Aubert.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je suis d'accord avec le Gouvernement pour remettre l'ensemble du sujet sur le métier, mais cela ne doit pas nous empêcher d'adopter l'amendement maintenant et de l'intégrer par la suite dans la refonte du système.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 529.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 473 et 26, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 473, présenté par M. Rochebloine, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La réduction d'impôt est égale à 50 % du montant des sommes versées, retenues dans la limite de 90 000 F pour les dépenses nécessitées par l'hébergement de malades atteints de démence sénile telle que la maladie d'Alzheimer.

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 26, présenté par M. Gérard Voisin, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts, après les mots : " soixante-dix ans", sont insérés les mots : "ou atteints de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés et remplissant les conditions de degré de dépendance prévue à l'article 2 de la loi no 97-60 du 24 janvier 1997."

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement no 473.

M. Germain Gengenwin.

Cet amendement est proche du précédent. M. Rochebloine propose que la réduction d'impôt pour les personnes qui hébergent chez elle des malades atteints de démence sénile telle que la maladie d'Alzheimer soit portée à 50 % du montant des sommes versées, retenues dans la limite de 90 000 francs. Nous venons d'avoir un débat sur ce sujet. L'ennui, c'est que le guichet du percepteur n'est pas celui de la sécurité sociale. L'économie que réaliserait la sécurité sociale si l'on favorisait le maintien à domicile ou si l'on encourageait davantage les gens qui consacrent une partie de leur vie à soigner les personnes atteintes de ces maladies serait telle que le gain pour la collectivité en général serait très important.

M. le président.

L'amendement no 26 est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Deux dispositions nous sont proposées. La première concerne le plafond de réduction d'impôt. Nous venons d'en débattre. Sans esprit polémique, je voudrais dire à François d'Aubert que l'opposition, c'est vrai, a du bon. Elle donne des idées.

M. Jean-Pierre Brard.

Et de l'endurance !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elle donne aussi de l'endurance en effet, mais j'ai l'impression qu'elle pratique la culture du regret.

M. Gilbert Gantier.

Vous aussi, de temps en temps !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oui, mais dans un autre sens ! Lorsque nous étions nous-mêmes dans l'opposition, nous avions interpellé à ce sujet le gouvernement Juppé, auquel M. d'Aubert appartenait en qualité de secrétaire d'Etat au budget, me semble-t-il, et l'on nous avait systématiquement répondu par la négative. Une avancée en la matière a été réalisée dans la loi de finances de 1998.

Nous avons dit à l'époque que le dossier n'était pas clos et qu'il fallait bien évidemment y travailler dans le cadre de la réflexion qui allait s'engager dans le courant de l'année à venir. Le Gouvernement et la majorité se montrent très ouverts en la matière. Nous sommes donc défavorables à l'amendement no 473.

Quant à l'amendement no 26, je vous propose également de le repousser, la solution proposée par la commission me paraissant préférable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Même avis que la commission sur l'amendement no 473.

L'amendement no 26 de M. Voisin vise à lever la condition d'âge, ce que fait la commission dans l'amendement que nous examinerons après, mais il isole une maladie certes grave, toutefois particulière. L'amendement de la commission me semble préférable dans la mesure où il est plus large. Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Je voudrais dire à M. le rapporteur qu'il y a un fait nouveau il a été rappelé par M. Adevah-Poeuf - c'est la nouvelle tarification. La nouvelle tarification dans les maisons de retraite de plus de 80 lits va entraîner, au 1er janvier, des hausses de 30 % pour les personnes dépendantes. Cela ne manquera pas de provoquer de très vives réactions, monsieur le secrétaire d'Etat. Je comprends que vous n'ayez pas aujourd'hui tous les éléments à votre disposition, mais je vous demande de travailler à cette question pour nous faire des propositions après la lecture au Sénat. Sinon, nous aurons de nombreuses questions d'actualité à ce sujet, au cours des premiers mois de l'année 2000, lorsque les familles subiront les conséquences de la nouvelle tarification critiquée par pratiquement tous les élus de France, qui n'ont pas été écoutés et l'on se demande pourquoi !

M. Raymond Douyère.

C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie.

Je tiens à rappeler ici que les rapports de Mme Hespel et de M. Thierry ne proposent aucun accroissement de la dépense publique. Ils proposent une simplification de l'ensemble et plus d'équité.

Je ne suis pas un propagandiste de l'accroissement de la dépense publique. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de réfléchir à la question si vous ne voulez pas être confronté à de très vives réactions au cours du premier semestre de l'année prochaine.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 473.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le président.

M. Weber a présenté un amendement, no 475, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Après le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliqueront également aux personnes hébergées dans une maison de retraite sanitaire ou sociale dont l'état de santé rend nécessaire l'hébergement dans ce type d'établissement, à partir du 1er janvier 2000.

« II. Les modalités d'application du présent article seront fixées par décret.

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir cet amendement.

M. Germain Gengenwin.

Par cet amendement JeanJacques Weber propose d'étendre la réduction d'impôt accordée aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans par l'article 199 quindecies du code général des impôts à celles qui résident en maison de retraite.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Même sujet que précédemment, donc même avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 475.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 25 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, nos 77 et 104, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 77, présenté par M. Carrez, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. A la fin du troisième alinéa du 1o de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la somme : " 45 000 francs " est remplacée par la somme : " 90 000 francs ".

« II Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 104, présenté par M. Auberger et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans le troisième alinéa du 1o de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, las omme " 45 000 francs", est remplacée par la somme : " 90 000 francs ".

« II La perte des recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Pour simplifier la discussion, jes ignale que l'amendement no 77 est retiré puisque M. Gilles Carrez, qui appartient au groupe RPR, comme chacun le sait, a cosigné l'amendement no 104.

M. le président.

L'amendement no 77 est donc retiré.

Poursuivez, monsieur Auberger.

M. Philippe Auberger.

L'amendement no 104 prévoit le rétablissement d'une véritable réduction d'impôt pour un emploi salarié à domicile, celle de 45 000 francs étant manifestement insuffisante, notamment pour les foyers qui sont amenés à employer une personne à temps plein.

Nous demandons donc le rétablissement de la réduction d'impôt à hauteur de 90 000 francs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Totalement défavorable. Si cet amendement était adopté, nous reviendrions à la situation antérieure à la loi de finances de 1998. Une telle disposition coûterait environ 700 millions de francs et ne profiterait qu'à 9 000 foyers fiscaux, si les données sont restées similaires à celles de 1998, communiquées justement lors de la baisse du plafond de 90 000 à 45 000 francs. Cet amendement a donc été rejeté par la commission.

Comme je l'ai dit hier à M. Gantier, il y a une différence, selon nous, entre une incitation, que je crois tout à fait positive, et un privilège. Or ce que M. Auberger nous propose n'est rien d'autre que le rétablissement d'un privilège.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avis très défavorable.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est un débat qui dure depuis deux ans, époque à laquelle vous avez abaissé le montant de la déduction possible pour les emplois à domicile. Vous ne nous opposez que des arguments fiscaux. Or il en est un d'importance, c'est celui de l'emploi.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est Martine Aubry qu a créé cette disposition ! M. François d'Aubert Grâce au dispositif antérieur, des personnes avaient trouvé un emploi.

M. Raymond Douyère.

Elles ne l'ont pas perdu !

M. François d'Aubert.

Avec le nouveau dispositif, il y en a de moins en moins.

M. Raymond Douyère.

Ce n'est pas vrai !

M. François d'Aubert.

Cette mesure est destinée non pas à privilégier tel ou tel, mais tout simplement à favoriser l'emploi et à permettre aux familles d'offrir plus facilement un emploi à domicile. Votre acharnement contre ce dispositif nous surprend toujours. Si vous aviez au moins l'honnêteté intellectuelle de nous communiquer le bilan en matière d'emploi. Quel a été le résultat, en termes d'emploi, de la diminution de cet avantage il y a deux ans ? Nous aimerions bien le savoir !

M. Jean-Louis Idiart.

Lisez la presse !

M. François d'Aubert.

Nous aimerions bien savoir également combien cela rapporte exactement sur le plan de l'impôt sur le revenu. A ma connaissance, cela n'apparaît pas dans « Voies et moyens ». Nous aimerions avoir ces informations.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce dispositif, qui a été proposé par Martine Aubry avant 1993, avait pour objet de favoriser l'emploi et de lutter contre le travail clandestin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Jean-Louis Idiart.

Absolument !

M. Pierre Bourguignon.

Voilà !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Au niveau prévu alors, c'était de l'incitation. Mais aller au-delà reviendrait à faire financer par l'Etat la quasi-totalité d'un emploi à domicile pour 9 000 foyers fiscaux.

M. Jean-Louis Idiart.

Bien sûr !

M. François d'Aubert.

Il y a des pertes d'emplois !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Très franchement, cela deviendrait un privilège ! Pourquoi l'Etat paierait-il la quasi-totalité d'une femme de ménage ou d'un majordome à des personnes qui peuvent tout à fait en supporter le coût ?

M. François d'Aubert.

Cela coûterait moins cher qu'un

CES ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il y a une différence entre une incitation et un privilège. Nous souhaitons, quant à nous, que le dispositif conserve un caractère incitatif et que l'on n'aille pas au-delà.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Malgré le ton très vif de M. d'Aubert, je voudrais lui répondre courtoisement que le nombre de bénéficiaires de cette réduction d'impôt a augmenté depuis deux ans et que, corrélativement, le montant de la dépense fiscale est en augmentation depuis 1998. Son catastrophisme est donc m alvenu. Je rappelle en outre qu'il faudrait avoir 60 000 francs de revenus mensuels pour bénéficier de la mesure proposée. Chacun défend ceux qu'il préfère !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 28 et 478, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 28, présenté par M. Migaud, rapporteur général, est ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'article 200 du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Le 1 est supprimé.

« 2o Le 2 devient le 1 et est ainsi modifié :

« a) Les mots : "la réduction d'impôt visée au 1" sont remplacés par les mots : "une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur montant" ;

« b) Le taux : "1,75 %" est remplacé par le taux : "6 %" ;

« c) Après les mots : "versements effectués" sont insérés les mots : "par les contribuables domicilés en France au sens de l'article 4 B" ;

« d) Après les mots : "au profit" sont insérés les mots : "de fondations ou associations reconnues d'utilité publique," ;

« e) Après les mots : "et à des dons" sont insérés les mots : "aux associations cultuelles et de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des dons et legs, a ux établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle et".

« 3o Le 2 bis devient le 3 et son dernier alinéa est supprimé.

« 4o Le 3 devient le 2 et est ainsi modifié :

« a) Le premier alinéa est supprimé ;

« b) Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :

« Les fondations et associations reconnues d'utilité publique peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat, recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au 1.

« 5o Dans la dernière phrase du premier alinéa du 4, les mots : "des limites mentionnées aux 2 et 3" sont remplacés par les mots : "de la limite mentionnée au 1".

« 6o Au premier alinéa du 5, la référence : ", 2 bis" est supprimée.

« 7o Au deuxième alinéa du 5, la référence : "2 bis" est remplacée par la référence :"3".

« 8o Le 6 et le 7 sont supprimés.

« II. Au I de l'article L. 84 A du livre des procédures fiscales, la référence : "2 bis" est remplacée par la référence : "3".

« III. La perte de recettes est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 478, présenté par MM. d'Aubert, Delattre, Dominati, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'article 200 du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Le 1 est supprimé ;

« 2o Dans le 2 :

« a) Les mots : "la réduction d'impôt visée au 1" sont remplacés par les mots : "une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur montant" ;

« b) Le taux "1,75 %" est remplacé par le taux "6 %" ;

« c) Après les mots "versements effectués" sont insérés les mots "par les contribuables fiscalement domiciliés en France".

« d) Après les mots "au profit" sont insérés les mots " de fondations ou associations reconnues d'utilité publique,".

« 3o Dans le 3 :

« a) Le premier alinéa est supprimé ;

« b) Le 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les fondations et associations reconnues d'utilité publique peuvent recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au 1.

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no

28.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Actuellement, le régime fiscal des associations est complexe, car il résulte de la coexistence de quatre régimes distincts : Une réduction d'impôt égale à 50 % des versements effectués à des organismes d'intérêt général, dans la lim ite de 1,75 % du revenu imposable ; Une réduction d'impôt égale à 50 % des dons consentis aux organismes reconnus d'utilité publique, aux associations cultuelles ou de bienfaisance autorisées à recevoir


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des dons et des legs ou aux associations régies par la loi locale en Alsace et Moselle dont la mission est reconnue d'utilité publique, dans la limite de 6 % du revenu imposable ; Une réduction d'impôt égale à 40 % des dons et cotisations versés aux associations de financement ou aux mandataires sociaux des campagnes électorales ou des partis politiques, pris dans la limite de 5 % du revenu imposable - ce plafond ne se cumule pas avec les plafonds de 6 % et de 1,75 % ; Une réduction d'impôt égale à 60 % des dons effectués au profit d'organismes qui fournissent des aliments aux personnes en difficulté, favorisent leur logement ou procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins. Ces versements sont retenus dans la limite de 2 050 francs. La fraction des dons excédant ce montant bénéficie de la réduction d'impôt de 50 %, dans la limite de 1,75 % ou de 6 % du revenu imposable des donateurs, selon la nature de l'association.

Ces deux amendements visent à unifier ces régimes avec un plafond de 6 % du revenu imposable et une réduction d'impôt à un taux de 50 %, mais ils divergent sur le champ de l'unification.

L'amendement de la commission vise à unifier le régime applicable aux dons et versements en faveur des oeuvres d'intérêt général, des organismes d'utilité publiq ue ainsi que des partis politiques et des candidats aux campagnes électorales. Cette unification large permet de simplifier les opérations de déclaration et de contrôle fiscal.

L'amendement de la commission laisse ainsi uniquement à part, car il s'agit d'un régime spécifique, avec un taux de réduction d'impôt exceptionnellement élevé égal à 60 % des sommes versées, dans la limite d'un peu plus de 2 000 francs, les dons versés aux organismes oeuvrant en faveur des personnes en difficulté notamment par la délivrance de repas. C'est le dispositif dit Coluche.

L'amendement de la commission propose de procéder à une unification par le haut, s'agissant du taux de la réduction d'impôt, fixée à 50 % et du plafond du revenu imposable pris en compte : 6 %. C'est favorable, mais l'objectif est de ne léser aucun intérêt. En outre, les plafonds actuels sont rarement saturés. Naturellement, cette unification est avantageuse mais elle a le mérite de la simplification.

La mention des campagnes électorales et des partis politiques constitue la seule divergence avec le dispositif de M. d'Aubert. Elle appelle donc une précision.

Nous pensons que le régime du financement des partis politiques et des campagnes électorales est maintenant suffisamment établi et transparent pour que les versements des particuliers entrent dans le droit commun. On rappellera qu'il y a une grande transparence avec le principe des associations de financement et les mandataires.

L'amendement no 478 de M. d'Aubert vise à unifier le régime des dons aux organismes d'intérêt général et aux associations d'utilité publique, à l'exclusion des partis politiques et des campagnes électorales. Il a été repoussé par la commission qui a souhaité que la simplification puisse s'appliquer à tous dans le cadre des limites reconnues par loi.

Je propose donc à l'Assemblée d'adopter l'amendement de la commission des finances et de rejeter celui de M. d'Aubert.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je donne très chaleureusement l'accord du Gouvernement à l'amendement de la commission et je lève le gage. Désormais, il n'y aura plus que deux types de dons ; ceux versés aux associations « Coluche », et les autres.

Dans ces conditions, M. d'Aubert pourrait peut-être retirer l'amendement no 478.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, qui n'a toujours pas présenté son amendement.

M. François d'Aubert.

Dans la mesure où nous souhaitons également simplifier le dispositif et faire en sorte que les dons puissent être plus élevés, je me rallie à l'amendement de la commission, qui va dans le même sens que le nôtre en ce qui concerne les associations.

M. le président.

L'amendement no 478 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 28, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 267, 161 et 235, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 267, présenté par M. Jegou, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Après l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un article 200 quater ainsi rédigé :

« Art. 200 quater. - Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, les dépenses engagées par les contribuables en vue d'améliorer leur formation professionnelle au sens du livre IX du code du travail ouvrent droit à une réduction d'impôts égale à 20 % du montant des sommes versées, retenues dans la limite de 5 000 francs par foyer fiscal. »

II. - La perte de recettes est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Les amendement nos 161 et 235 sont identiques.

L'amendement no 161 est présenté par M. Gantier et M. Goulard ; l'amendement no 235 est présenté par

M. Jacques Barrot.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Après l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un article 200 quater ainsi rédigé :

« Art. 200 quater. - Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, les dépenses engagées par les contribuables en vue d'améliorer leur formation professionnelle au sens du livre IX du code du travail ouvrent droit à une réduction d'impôts égale à 20 % du montant des sommes versées, retenues dans la limite de 5 000 francs par foyer fiscal. »

II. - La perte de recettes est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement no 267.

M. Germain Gengenwin.

J'inclurai dans cette présentation l'amendement no 235 de M. Jacques Barrot.


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Il s'agit de prévoir une réducion d'impôt pour encourager la formation prise en charge par les particuliers, dans la limite de 20 % du montant de la formation et de 5 000 francs.

En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, la loi sur les 35 heures a ouvert des possibilités de formation en dehors du temps de travail, mais elle n'a pas précisé qui devrait en assurer le financement. Les formations qui ont lieu pendant le travail sont prises en charge soit par les OPCA - organismes paritaires collecteurs agréés - de branche, soit par l'entreprise et c'est tout à fait normal.

Que va-t-il se passer pour les autres ? Vous le savez, la formation, à un certain niveau, peut être très coûteuse.

Nous proposons donc de permettre au salarié de déduire une partie de cet investissement. Cette mesure d'incitation à la formation personnelle, même en dehors du temps de travail, responsabilisera, en outre, davantage le salarié.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard pour soutenir l'amendement no 161.

M. François Goulard.

Naturellement, Germain Gengenwin, grand spécialiste de la formation professionnelle devant l'Eternel (Sourires), a excellemment présenté le sujet.

J'ajouterai simplement que, en raison de la loi sur la réduction du temps de travail, un certain flou va exister en matière de formation. S'il est vrai que le législateur a essayé, à mon avis avec une certaine vanité dans la démarche, de définir la part de la formation professionnelle qui devait être considérée comme temps de travail et celle qui, a contrario, ne l'était pas, il n'a, en tout cas, pris aucune disposition - mais il ne pouvait pas le faire - en matière de financement.

Or ce point est important car les salariés sont de plus en plus appelés, compte tenu des mutations et de la nécessité de s'adapter, à consentir des efforts de formation qu'ils prennent sur leur temps libre et qui, quelquefois, peuvent les conduire à engager des dépenses personnelles.

Voilà pourquoi il nous paraît particulièrement opportun d'ouvrir la possibilité d'une déduction fiscale à ceux qui, pour des raisons professionnelles, sont conduits à faire de telles dépenses. Celles-ci revêtant un caractère d'investissement, il est assez logique qu'une déduction fiscale y soit associée.

J'ajoute que la société dans son ensemble trouve un intérêt à ce que nos compatriotes fassent des efforts de formation à leurs frais, puisque leurs possibilités d'adaptation aux emplois, leurs possibilités de mobilité professionnelle s'en trouveront ainsi accrues pour le bien commun. Dans les circonstances actuelles, cette démarche visant à favoriser les efforts de formation individuelle des salariés ne peut donc qu'être extrêmement intéressante.

M. Jean-Pierre Brard.

Il en a des trémolos dans la voix !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a rejeté ces trois amendements. En effet, ces dépenses sont en partie déjà prises en compte dans le calcul du revenu imposable, soit dans le cadre des déductions opérées au titre des frais professionnels pour les salariés qui ont opté pour le réel, soit dans le cadre de l'abattement forfaitaire de 10 %. J'ajoute que les aides publiques à la formation sont importantes. Certains d'entre vous, d'ailleurs, considèrent qu'elles le sont trop et pas suffisamment contrôlées.

Enfin, on peut se demander si le dispositif prévu, qui donnerait lieu à une réduction d'impôt de 1 000 francs, ne se traduirait pas par un saupoudrage des moyens publics. En plus, l'outil de la réduction d'impôt n'est pertinent que s'il est utilisé de façon sélective. Là vous avez tendance à multiplier toutes les propositions de réduction d'impôt. Moi, je crois qu'il faut savoir se limiter.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Rejet des trois amendements.

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

J'ajouterai un argument qui n'a été avancé ni par le rapporteur général ni par le secréta ire d'Etat. Lors des négociations sur les 35 heures, on s'est aperçu qu'un grand nombre de patrons demandaient d'inclure la formation professionnelle hors convention. Si l'on prévoyait cette réduction fiscale, on pourrait donc craindre que de tels accords s'étendent partout sous la pression du patronat. Et ainsi, seules les personnes ayant de gros revenus pourraient continuer à bénéficier d'une formation.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est frappé au coin du bon sens !

M. François Goulard.

On ne peut pas dire ça !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Il existe effectivement une autre façon de financer la formation en dehors du temps de travail, c'est le capital temps-formation. Il y a deux ou trois ans, en effet, on a décidé d'affecter seulement 0,1 % des cotisations au FONGECIF - le fonds de gestion du congé individuel de formation - et de prévoir 0,1 % pour un capital temps-formation. Cette nuit, dans le cadre des explications de vote sur la motion de renvoi en commission, je vous ai déjà demandé si ce capital tempsf ormation pouvait être mis à la disposition des FONGECIF. Je vous avais d'ailleurs déjà interrogé à ce sujet à l'occasion d'une question orale.

Au lieu de cela, à l'article 70, vous entendez ponctionner de 500 millions de francs les fonds du capital tempsformation, qui sont à la disposition individuelle des salariés. Malheureusement, cela ne se sait pas assez, par manque de promotion sans doute. C'est géré par les OPCA de branches, qui appliquent peut-être un peu trop la maxime « Pour vivre heureux, vivons cachés » !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 267.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 161 et 235.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 71 et 500.

L'amendement no 71 est présenté par M. Carrez et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République ; l'amendement no 500 est présenté par MM. Debré, Douste-Blazy, Rossi et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie francaise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu bénéficient d'un abattement de 5 % sur le montant de l'impôt à payer.

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no

71.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le président, nous retirons l'amendement no 71 pour ne retenir que l'amendement no 500 qui est plus largement signé. Nos excellents collègues des groupes UDF et DLI ont en effet accepté de le cosigner avec le groupe du RPR.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'alliance qui ressuscite !

M. Philippe Auberger.

C'est un amendement de synthèse. En l'état actuel de nos informations, M. le secrétaire d'Etat n'ayant pas voulu nous communiquer ses chiffres,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oh !

M. Philippe Auberger.

... nous sommes certains que le produit de l'impôt sur le revenu aura augmenté d'environ 40 milliards depuis 1997.

M. François Goulard.

Eh oui !

M. Philippe Auberger.

Cela représente nettement plus de 10 %. Nous en sommes à 13 ou 14 %, ce qui est tout à fait considérable.

Alors on nous explique - chacun sait toutefois que c'est un argument de circonstance - qu'il n'était pas possible cette année, faute de moyen, de réformer l'impôt sur le revenu. Mais, nous dit-on : vous ne perdez rien pour attendre, ce sera pour l'année prochaine ! Sauf qu'on nous a également promis une réforme de la taxe d'habitation et une baisse de la TVA sur la restauration !

M. François Goulard.

Et ce sera encore mieux en 2002 !

M. Philippe Auberger.

Bref, on ne sait plus quoi faire des promesses. Il est vrai que celles-ci n'engagent que ceux qui les écoutent...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Ce n'est pas une citation de chez nous !

M. Philippe Auberger.

Comme nous savons que un tiens vaut mieux que deux tu l'auras (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous proposons par cet amendement au Gouvernement de montrer sa bonne volonté et d'accepter une diminution de 5 % du produit de l'impôt sur le revenu dès l'an 2000. Cela laissera encore quelques espoirs pour les années ultérieures.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

L'amendement no 71 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 500 ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

A la lecture de cet amendement et surtout des noms des trois signataires, la commission a ressenti une certaine émotion. Nous n'étions plus habitués à les voir figurer les uns à côté des autres. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Ces commentaires sont bien inutiles d'autant qu'il y aurait beaucoup à dire sur les relations entre les socialistes, les communistes et les Verts !

M. Jérôme Cahuzac.

Monsieur Debré, vos problèmes sont-ils réglés à Paris ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais il est curieux qu'il faille être aussi nombreux pour accoucher d'un amendement...

M. Jean-Louis Debré.

Vous, vous faites des fausses couches !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... qui, très franchement, ne vaut pas tripette ! En effet, il se traduira par un saupoudrage et ne réglera en rien les problèmes qui peuvent se poser au niveau de l'impôt sur le revenu. En outre, la mesure est très coûteuse puisqu'elle représente 17 à 18 milliards de francs.

La démarche du Gouvernement et de la majorité plurielle est...

M. Jean-Louis Debré.

D'augmenter les impôts !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... bien différente.

Pour l'instant, nous ouvrons le chantier. Nous apporterons des réponses dans le courant de l'année prochaine.

J'espère qu'elles seront un plus pertinentes et plus intelligentes que celles que propose cet amendement.

La commission a donc rejeté l'amendement no 500.

M. Jean-Louis Idiart.

Très bien ! Cet amendement est une vraie provocation !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je partage évidemment le sentiment du rapporteur général. Mais je ne dirai pas que cet amendement ne vaut pas tripette, car la somme en question est plutôt rondelette. (Sourires.) Ce n'est pas rien 17 milliards de francs ! Nous avons une conception bien différente des choses.

A la demande de l'Assemblée nationale, nous avons en effet décidé d'affecter 19 milliards de francs - soit une somme équivalente - à la réduction de la TVA sur les t ravaux d'entretien des logements. Sans argumenter davantage, je demande donc le rejet de cet amendement, malgré le prestige des signatures qui l'ornent.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Pour les mauvaises causes, l'opposition reconstitue l'Alliance. (Sourires.)

M. Jean-Louis Debré.

La Sainte-Alliance !

M. Jean-Pierre Brard.

Le ton patelin et doucereux de l'ancien rapporteur général du budget ne doit pas faire illusion. Il s'agit non pas de proposer une mesure de justice mais d'avantager une fois encore les privilégiés en octroyant 5 % à tout le monde ou, plus exactement, aux personnes assujetties à l'IRPP.

Pourtant, ce matin, le ministre a accepté qu'une réflexion commune s'engage sur l'impôt négatif à la française. Mais on comprend bien qu'une telle démarche vous soit complètement étrangère. Il s'agirait de partager les fruits de la richesse avec des conditions de plafonnement qui permettraient par exemple, une redistribution vers tous ceux qui sont assujettis à la CSG. Il est vrai que les personnes qui ne sont pas assujetties à l'IRPP ne vous intéressent pas. Or ce sont les plus modestes. Elles paient la TVA comme la taxe sur le foncier bâti « plein pot » et n'ont pas les moyens de s'offrir des conseillers pour échapper à la fiscalité. Messieurs, votre amendement est tout à fait indécent et il ne peut évidemment pas recevoir notre appui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. Jean-Louis Debré.

On ne le demandait pas !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. I. Il est inséré dans le code général des impôts un article 279-0 bis ainsi rédigé :

« Art. 279-0 bis. 1. Jusqu'au 31 décembre 2002, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture des équipements définis à l'article 200 quater ou à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers.

«

2. Cette disposition n'est pas applicable :

« a) Aux travaux qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles au sens du 7o de l'article 257 ;

« b) Aux travaux visés au 7o bis de l'article 257 portant sur des logements sociaux à usage locatif ;

« c) Aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts.

«

3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité.

« II. Au 7o bis de l'article 257 du code général des impôts, les a, b et c sont ainsi rédigés :

« a) De travaux d'amélioration mentionnés à l'article R. 323-3 du code de la construction et de l'habitation qui bénéficient de la subvention prévue aux articles R. 323-1 à R. 323-12 dudit code, et qui sont réalisés à compter du 1er janvier 1998 ;

« b) De travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement, notamment lorsqu'ils bénéficient d'un prêt mentionné à l'article R. 331-1 du code de la construction et de l'habitation, et qui sont réalisés à compter du 1er janvier 1998 ;

« c) De travaux d'entretien, autres que l'aménagement et l'entretien des espaces verts et les travaux de nettoyage, pour lesquels le fait générateur est intervenu à compter du 15 septembre 1999 et qui sont réalisés avant le 31 décembre 2002.

« III. Le d du 1 de l'article 269 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, par dérogation au premier alinéa, le fait générateur de la taxe intervient au dernier jour de chaque trimestre civil pour les livraisons à soi-même de travaux d'entretien mentionnés au c du 7o bis de l'article 257 effectués au cours de ce trimestre.

« IV. A l'article 279 ter du code général des impôts, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne s'appliquent plus aux travaux pour lesquels la facture est émise à compter du 15 septembre 1999.

« V. - Les dispositions du I s'appliquent aux opérations pour lesquelles une facture a été émise à compter du 15 septembre 1999.

« VI. - 1. L'article 199 sexies D du code général des impôts est ainsi modifié :

« a) A la première phrase du 1 du I, la date "31 décembre 2001" est remplacée par la date : "14 septembre 1999" ;

« b) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. - Les dispositions des I, II et III demeurent applicables aux dépenses correspondant à des factures, autres que des factures d'acompte, émises jusqu'au 14 sept embre 1999 et payées entre cette date et le 31 décembre 1999.

« 2. L'article 200 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

« a) Au I, il est inséré un cinquième alinéa ainsi rédigé :

« Pour les dépenses payées à compter du 15 septembre 1999, le pourcentage mentionné au quatrième alinéa est ramené à 5 %. Toutefois, le taux de 20 % reste applicable aux dépenses correspondant à des factures, autres que des factures d'acompte, émises jusqu'au 14 sept embre 1999 et payées entre cette date et le 31 décembre 1999 ;

« b) Il est inséré un III ainsi rédigé :

« III. - Les équipements qui ont bénéficié du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater sont exclus du bénéfice des dispositions des I et II.

« 3. Il est inséré dans le code général des impôts un article 200 quater ainsi rédigé :

« Art.

200 quater. - 1. Les dépenses payées entre le 15 septembre 1999 et le 31 décembre 2002 pour l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire ouvrent droit à un crédit d'impôt sur le revenu lorsque ces travaux sont afférents à la résidence principale du contribuable située en France et sont éligibles au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 279-0 bis.

« Un arrêté du ministre chargé du budget fixe la liste des équipements ouvrant droit au crédit d'impôt.

«

2. Pour une même résidence, le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder au cours de la période définie au premier alinéa du 1 la somme de 20 000 F pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 40 000 F pour un couple marié soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 2 000 F par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. Cette majoration est fixée à 2 500 F pour le second enfant et à 3 000 F par enfant à partir du troisième.

« Le crédit d'impôt est égal à 15 % du montant des équipements figurant sur la facture de l'entreprise ayant réalisé les travaux.

« Il est accordé sur présentation des factures, autres que les factures d'acompte, des entreprises ayant réalisé les travaux et comportant, outre les mentions prévues à l'article 289, l'adresse de réalisation des travaux, leur nature ainsi que la désignation et le montant des équipements.

« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées, après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

«

3. Lorsque le bénéficiaire du crédit d'impôt est remboursé dans un délai de cinq ans de tout ou partie du montant des dépenses qui ont ouvert droit à cet avantage, il fait l'objet, au titre de l'année de remboursement, d'une reprise égale à 15 % de la somme remboursée, dans la limite du crédit d'impôt obtenu.

« Toutefois, la reprise d'impôt n'est pas pratiquée lorsque le remboursement fait suite à un sinistre survenu après que les dépenses ont été payées.

« VII. - 1. Au h du II de l'article 1733 du code général des impôts, les mots : "au crédit d'impôt prévu à l'article 200 ter " sont remplacés par les mots : "aux crédits d'impôt prévus aux articles 200 ter et 200 quater " ;

«

2. A l'article 1740 quater du code général des impôts, les mots : "et 200 ter " sont remplacés par les mots : ", 200 ter et 200 quater ". »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je voudrais d'abord faire remarquer à nos collègues qui siègent à la droite de cet hémicycle qu'apparemment il y avait confusion sur l'amendement que nous venons de rejeter.

M. Philippe Auberger.

Hors sujet ! Le débat est clos !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Par cet amendement, en effet, il s'agissait de prendre une mesure non pas fiscale mais de santé publique, puisque les dix-sept milliards qu'aurait coûtés la disposition proposée étaient gagés par une augmentation du droit sur les tabacs. Je vous laisse imaginer le prix du paquet de Gauloises gagé sur une augmentation de cette importance ! (Rires.)

M. Philippe Auberger.

C'est n'importe quoi !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Cher collègue Auberger, vous confondez promesses et engagements. Les promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent, ce n'est pas le genre de cette majorité !

M. Jean-Louis Idiart.

Seul Pasqua dit ça !

M. Philippe Auberger.

Les prélèvements obligatoires devaient baisser !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

J'ai vraiment du mal à comprendre comment quelques esprits chagrins peuvent aujourd'hui nous reprocher de prendre une mesure de baisse ciblée de TVA sur l'ensemble des travaux d'entretien dans les logements, au motif qu'elle ne serait pas juste fiscalement. L'année dernière, ne nous sommes-nous pas engagés à aller dans ce sens ? L'engagement était conditionné à la modification de l'annexe H de la sixième directive « Dérogation pour baisse ciblée de TVA ». Et elle a été prise à partir d'un amendement de la commission des finances avec l'accord de M. Sautter. Tout le monde était d'accord.

Cet amendement a été retiré en commission des finances et l'engagement est tenu par le Gouvernement dans l'article 3. Ne confondons donc pas promesses et engagements, car il ne s'agit pas de pratiques politiques de même nature.

M'étant exprimé sur cet article je pourrai étant être plus bref dans la présentation de trois amendements relatifs à l'harmonisation de la TVA sur la restauration, qui seront appelés à la fin de sa discussion.

Dans la mesure où l'engagement a été unanime, l'année dernière, il ne serait pas de bonne pratique que nous nous battions sur une multitude d'amendements demandant d'autres baisses ciblées de TVA, parce que, financièrement, cela représentera déjà presque 20 milliards de francs et parce que le choix fait doit être assumé pour l'année prochaine.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Hier soir, nous avons eu nuitamment droit à un éloge de la CAPEB, qui ne nous a nullement choqués. En effet, les dispositions contenues dans l'article 3 du projet de loi de finances ont reçu depuis bien longtemps notre accord, puisque nous avons milité en leur faveur, comme nos collègues parlementaires de la majorité.

Afin qu'il ne subsiste aucune équivoque, je tiens à rappeler que, lors de l'examen du projet de budget pour 1998, notre groupe avait déposé des amendements en ce sens, persuadé que la baisse de la TVA dans le secteur du bâtiment pouvait susciter de l'activité. Conscients de l'étroitesse des marges de manoeuvre, nous n'avions demandé l'application du taux réduit de TVA à 5,5 %, déjà accordé au logement social, qu'aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat et aux travaux financés par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

A l'époque, cette proposition n'avait pas été retenue par la majorité, puis cette disposition avait été intégrée dans le projet de loi de finances pour 1999.

Au cours de cette année - Maurice Adevah-Poeuf l'a reconnu avec beaucoup d'honnêteté - nous avons tous souhaité la baisse de la TVA sur les travaux du bâtiment.

Nous avons même eu l'occasion de vous dire, monsieur les ecrétaire d'Etat, que nous souscrivions aux baisses ciblées, dès lors que vous renonciez à votre engagement électoral de mettre un terme au relèvement de 2 % de la TVA décidé par le précédent gouvernement pour permettre, dans une conjoncture économique moins favorable, de satisfaire aux critères de Maastricht.

Nous voyons donc arriver la mesure proposée avec satisfaction. Je rappelle d'ailleurs qu'il a fallu, au mois de juin, l'insistance du groupe politique auquel j'appartiens pour qu'une proposition de résolution déposée par votre groupe à ce sujet, monsieur Adevah-Poeuf, soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Je tenais à formuler ces observations parce que j'ai le sentiment, après plus d'une journée de débats, que certains essaient de faire croire que nous ne sommes pas favorables à cette disposition.

M. Alain Barrau.

Mais non !

M. Michel Bouvard.

Il faut que les choses soient claires : nous considérons que, compte tenu des marges de manoeuvre existant dans ce budget, il était possible de consentir un petit effort en matière d'impôt sur le revenu. Nous avons présenté des amendements en ce sens, mais sans pour autant remettre en cause la baisse de la TVA sur les travaux de bâtiment prévue par le projet de loi de finances. Je voulais apporter cette précision afin d'éviter toute interprétation malencontreuse de notre position, non pas de la part des parlementaires de la majorité, mais à l'extérieur de cet hémicycle.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais que vous me donniez quelques précisions.

Chacun sait que certains travaux d'amélioration réalisés dans les appartements ou dans les maisons sont difficilement indentifiables. A cet égard je veux vous faire part des préoccupations, quant au régime auquel seront soumis les travaux qu'ils effectueront, des artisans de deux secteurs particuliers de l'ameublement et de la décoration : les ébénistes et les décorateurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Yves Cochet.

C'est vrai !

M. Michel Bouvard.

En effet, la situation est complexe.

Ainsi, quand on refait une cuisine, on réalise des parties en bois fixées et d'autres qui sont plus indépendantes.

Sur les murs on peut mettre du papier peint ou une tenture en tissu. La limite entre ce qui relève de l'amélioration du bâtiment lui-même et ce qui est décoration pure est parfois difficile à fixer.

Le Gouvernement a-t-il tranché le point de savoir si tous les travaux d'amélioration de l'habitat seraient pris en compte, y compris ceux effectués par ces corps de métier ? En effet, quand les travaux commandés relèvent des deux catégories, cela complexifie fatalement le travail de l'artisan qui ne dispose pas toujours d'un expert pour l'aider dans cette démarche.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Nous abordons l'examen de l'article sans doute le plus intéressant de cette loi de finances. Il comporte une mesure positive mais cela ne nous empêchera pas d'évoquer quelques questions et de formuler diverses remarques.

Il est d'abord manifeste que cette disposition pose une question d'ordre juridique. Cela explique sans doute que M. le ministre des finances ait fait preuve de quelque énervement lorsqu'il a dû répondre hier à une question à ce sujet. Certes, vous avez obtenu le feu vert de Bruxelles après un Conseil économique et financier, mais cela n'a pas été traduit dans la sixième directive dont l'annexe H n'a pas été modifiée. Le support juridique européen qui vous donnerait formellement le droit d'inscrire cet article dans le droit français n'existe pas. Il constitue donc une anticipation qui a d'ailleurs été critiquée par le Conseil d'Etat.

Cette lacune donne un peu d'insécurité juridique à votre texte qui, en tout état de cause, ne pourrait être applicable, même après modification de la directive et en conformité avec elle, qu'à partir du 1er janvier 2000. Il risque donc d'y avoir problème pour tous les travaux qui seront facturés entre le 15 septembre 1999 et le 1er janvier 2000. Cela ne sera pas forcément le cas, mais il subsiste un risque, même faible, de contentieux.

A cet égard il convient de formuler une remarque quant à la méthode utilisée par le Gouvernement qui, bien que cette idée existe depuis longtemps, a agi dans la plus totale précipitation.

Par ailleurs, on comprend mal que, quasiment avec les mêmes arguments que ceux utilisés pour les travaux d'entretien, vous refusiez de baisser la TVA sur la restauration.

M. Alain Barrau.

Ce n'est pas le même sujet !

M. François d'Aubert.

En effet, la situation pour la restauration est à peu près la même à Bruxelles, au regard de la sixième directive. Apparemment il aurait été possible de prendre une mesure analogue dans ce domaine.

Nous avons donc l'impression qu'il y a deux poids, deux mesures. Cela tient peut-être au fait que la baisse de la TVA sur la restauration est proposée par l'oppostion.

Nous le demandions également pour les travaux d'entretien. Vous ne voulez pas accéder à cette demande pour des raisons qui sont bassement ou médiocrement politiques.

Ma deuxième observation porte sur la complexité du système proposé.

La baisse du taux de TVA paraissait une mesure simple à prendre, mais, à Bercy, la direction des impôts s'en est mêlée. Cela a déjà débouché sur une réglementation abondante pour faire le départ entre ce qui pourra supporter le taux réduit de 5,5 % et ce qui continuera à être taxé à 20,6 %. Cela provoque évidemment des difficultés d'application tant pour les clients que pour les artisans.

Hier, j'ai cité le cas un peu cocasse du balcon-terrasse, mais il ne s'agit que d'un exemple parmi d'autres. En effet, alors que les travaux sur un balcon seront taxés à 5,5 %, ceux concernant une terrasse continueront de supporter une TVA à 20,6 %. Or, dans de nombreux immeubles existent des balcons-terrasses, selon l'appellation même des règlements de copropriété.

Un autre problème est posé par les fameux travaux attenant à l'habitation. Ainsi, ceux effectués sur des espaces verts resteront en principe taxés à 20,6 %. Ils concernent pourtant bien l'habitation. Il est donc logique de revendiquer pour eux le taux de 5,5 %.

Je peux également citer la difficulté liée à la différence établie selon l'affectation du bâtiment ou du logement.

Prenons le cas d'une infirmière libérale prévu par le ministère des finances - qui utilise une partie de son logement pour son activité professionnelle. Que se passera-t-il si elle fait réaliser des travaux dans le couloir qui sépare cette partie de son logement personnel ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je ne suis pas artisan !

M. François d'Aubert.

Si vous l'étiez, cela se saurait. Je ne le suis pas davantage, mais au moins je les écoute. J'ai donc entendu ceux qui, effectuant de tels travaux, éprouvent ce genre de difficultés depuis le 15 septembre.

Je pourrais donc citer bien d'autres exemples.

Vous prétendez que cette mesure va profiter à tout le monde en vous appuyant sur des raisonnements pour le moins curieux. Ainsi vous avez indiqué que 10 millions de foyers seraient concernés tous les ans, ce qui ferait 30 millions au bout de trois ans. Cela est absurde ! En effet, il n'y a pas 30 millions de propriétaires en France et ils ne vont pas s'additionner les uns aux autres.

M. Philippe Auberger.

Certains ont les moyens, d'autres ne les ont pas !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Les locataires y ont droit aussi !

M. François d'Aubert.

Cette question n'a pas été vraiment réglée et il y aura bien des problèmes d'application.

Par ailleurs, vous estimez que cela va coûter plus de 19 milliards de francs à l'Etat. Je le souhaite, mais je n'en suis pas du tout sûr. Il est en effet très possible que ce chiffre ne soit pas atteint à cause de l'hyper réglementation qui accompagne cette mesure. Cela n'a rien d'étonnant puisque Bercy était contre !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Nous sommes naturellement en plein accord avec cette réduction du taux de TVA pour le secteur artisanal, sous les réserves que vient d'indiquer François d'Aubert, qu'il s'agisse du problème juridique ou de la complexité d'application.

En revanche, je voudrais monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous rappeliez pourquoi vous refusez une diminution similaire pour la restauration et l'hôtellerie.

Lorsque je vous avais moi-même interrogé il y a deux ans, dans cet hémicycle, sur cette mesure qui nous paraissait à la fois opportune, légitime et urgente, vous m'aviez répondu que vous étiez d'accord sur le principe et que


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seul le coût pouvait être un obstacle. Dois-je rappeler, sans entrer dans le débat, que nous aurons plus tard, que, grâce à la croissance retrouvée, nous disposons désormais d'une marge de manoeuvre fiscale suffisante ?

M. Philippe Auberger.

Le Gouvernement la cache !

Mme Nicole Ameline.

Or une baisse des prélèvements, surtout dans ce secteur, serait de nature à favoriser une relance de l'emploi, de l'activité et de l'investissement. Je souhaite donc que vous n'écartiez pas d'emblée la possibilité d'accorder à ce secteur une baisse de TVA dans des proportions d'ailleurs tout à fait modérées. Vous savez en effet que l'une des propositions vise à établir un taux intermédiaire qui permettrait de répondre à l'attente d'un secteur parmi les plus actifs de France. Puisque, dans le cadre de la compétition européenne il doit aujourd'hui regrouper ses forces, il faut lui donner de meilleures marges de manoeuvre.

Je tenais donc à préciser un point d'histoire et à vous donner une occasion de tenir, dans un domaine précis, l'engagement de baisser les prélèvements obligatoires que vous répétez sans cesse.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous soutiendrons cet article, mais je veux profiter de cette occasion pour aborder un problème plus général touchant à la politique du logement.

La situation de ce secteur est bonne, compte tenu de la baisse des taux d'intérêts et de divers autres éléments, mais nous sentons bien un retournement de tendance car les crédits consacrés au logement locatif social n'auront pas été consommés cette année, et tel sera sans doute encore le cas l'année prochaine.

En revanche, se fait jour une forte demande d'accession très sociale à la propriété. Il s'agit d'une véritable évolution de société. Il convient d'ailleurs de souligner que parmi ces demandeurs figurent beaucoup de couples qui souhaitent acquérir un patrimoine pour leur retraite.

Je souhaite donc vivement que l'on se penche très sérieusement sur cette question de l'accession très sociale à la propriété ou que l'on ouvre des possibilités d'expérimentation en la matière en permettant un redéploiement des crédits alloués au logement locatif. Cela est d'autant plus justifié que le prêt à taux zéro n'a pas été réé valué depuis un certain temps que sa durée a été réduite l'année dernière.

Il est indispensable d'étudier rapidement ce dossier afin d'éviter une forte chute du neuf, non pas dans les six mois, mais dans les dix-huit mois à venir.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je vais revenir sur une intervention que j'ai faite en commission des finances, afin d'obtenir un complément d'information de M. le secrétaire d'Etat.

Ainsi que Pierre Méhaignerie l'a annoncé, le groupe UDF votera cet article, qui va dans le sens de ce que nous avons souhaité. Néanmoins, je rappelle que, à la fin du mois d'août, dès que la nouvelle a été annoncée par les journaux et les radios, les actions des chaînes de magasins de bricolage ont fortement monté. Les médias ont indiqué que cela tenait au fait que les produits vendus dans les magasins de bricolage ne seraient plus taxés qu'à 5,5 %. Or tel n'est pas le cas, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat.

Pourtant, j'ai constaté, en me rendant sur place, que les grandes surfaces de bricolage accréditaient cette idée.

Je n'ose pas dire qu'elles agissent en pleine connaissance de cause. Peut-être pensent-elles qu'elles sont dans leur droit parce que, techniquement, le sujet est difficile et que, puisque les artisans vont facturer avec une TVA à 5,5 %, elles, qui vendent à des artisans, peuvent vendre leurs produits en leur appliquant ce même taux.

Certains vont même plus loin et affichent aux caisses des listes d'artisans qui travaillent en réseau avec leurs magasins.

Ainsi, il y a d'abord fraude, puis détournement de clientèle au détriment de certains professionnels du bâtiment ; je pense aux grossistes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous me confirmer que vos services ont été saisis de cette question ? Que peuvent faire les services de la concurrence pour clarifier la situation et faire en sorte que les mesures que nous votons aillent dans le sens que nous souhaitons tous ici, c'est-à-dire faire bénéficier d'une réduction des factures de 15 % tous les Français qui décident de réaliser des travaux d'entretien ? Il convient d'ailleurs de veiller à ce que les artisans et les professionnels des corps d'Etat n'augmentent pas leurs prix de 15 % comme certains syndicats professionnels un peu turbulents le leur auraient conseillé.

Monsieur le secrétaire d'Etat, comment comptez-vous agir pour éviter de telles pratiques ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je me réjouis, au nom du Gouvernement, de constater que, à l'exception de M. d'Aubert qui a montré un tempérament chagrin...

M. François d'Aubert.

J'ai dit que j'étais pour !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... l'ensemble des orateurs, M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Michel Bouvard, Mme Nicole Ameline, M. Pierre Méhaignerrie, M. JeanJacques Jégou, ont manifesté de l'intérêt pour cette mesure importante. Je remercie donc l'ensemble des parlementaires qui se sont exprimés de cette convergence en f aveur d'une disposition qui, comme l'a souligné M. d'Aubert, est l'un des points phares de ce projet de loi de finances.

Je me bornerai à répondre très rapidement aux questions, puisque nous aurons l'occasion de les reprendre en détail en examinant les amendements.

Je veux d'abord rassurer M. Bouvard, qui s'inquiète pour les menuisiers et les ébénistes, notamment quand ils réaliseront des meubles de cuisine. Nous avons rencontré les représentants de ces professions cette semaine et, lorsque nous en viendrons aux amendements qui les concernent, je vous donnerai une réponse qui me semble apaisante.

A M. d'Aubert qui a manifesté des craintes sur le plan juridique, je dois rappeler car il en garde certainement le souvenir - que la TVA sur les fleurs coupées a été abaissée par un vote lors de l'examen de la loi de finances pour 1995. Elle a donc été datée du 31 décembre 1994, alors que la directive correspondante n'a été adoptée qu'en février 1995.

M. Philippe Auberger.

Il s'agissait de réparer les erreurs de M. Charrasse et du gouvernement socialiste !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

S'agissant des travaux d'entretien sur le logement et plus généralement des services à forte densité de main-d'oeuvre, je puis rassurer M. d'Aubert : la directive sera adoptée demain. Un peu de patience !


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M. d'Aubert s'est également élevé contre la prétendue complexité du dispositif. Comme il a repris un argument déjà invoqué hier, je lui ferai la même réponse que Dominique Strauss-Kakn : si M. d'Aubert a vu des artisans dans sa circonscription, j'ai pour ma part entendu M. Buguet, le patron de la CAPEB auquel M. Bouvard a fait référence. M. Buguet lui-même dit que cette mesure, contrairement à ce qu'on raconte, n'a rien de compliqué.

Gérer deux taux de TVA ? Les artisans l'ont fait il n'y a pas si longtemps, lorsque celle-ci est passée de 18,6 % à 20,6 %...

M. Daniel Marcovitch.

Eh oui !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et ce faisant, ils ont perdu des clients. Cette fois-ci, ils ont de nouveau deux taux de TVA à gérer, mais ils gagnent des clients en masse. Chacun voit les artisans qu'il souhaite...

Mme Ameline a évoqué le cas de la restauration. Si nous avons des difficultés pour faire baisser la TVA sur ce secteur, c'est parce que nous avons du mal à convaincre d'autres Etats, notamment l'Allemagne. Dominique Strauss-Kahn lui-même, lors du dernier Conseil économique et financier du 8 octobre, a repris ce dossier avec l'acharnement que vous lui connaissez. Malheureusement, malgré sa force de conviction et son talent que beaucoup d'entre vous estiment, il n'a pu l'emporter.

M. Méhaignerie a abordé la question du logement. Ce débat sera évidemment repris au moment où nous examinerons ce budget. Je lui rappellerai d'ores et déjà que nous avons baissé les taux des prêts et fusionné tous les dispositifs de type PLA en un seul, tout à la fois plus avantageux et plus simple. Je suis certain que, ce faisant, nous parviendrons à améliorer la consommation des crédits.

Monsieur Jégou, vous avez raison de rappeler que la baisse de TVA ne s'applique pas aux achats de fournitures dans les magasins de bricolage. Cela dit, l'élan d'ensemble que le secteur du logement connaîtra du fait de la relance générale devrait indirectement bénéficier, c'est certain, aux magasins de bricolage. Ce qui explique peut-être la phénomène que vous avez relevé. Au demeurant, rien n'interdit à ces magasins de réaliser des opérations commerciales pour baisser les prix et fixer, voire accroître, leur clientèle.

Voilà, brièvement exposées, les quelques remarques que je voulais faire. Je me réjouis à l'avance à l'idée que, après discussion des amendements, cet article essentiel sera adopté par une large majorité de l'Assemblée nationale.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je salue moi aussi cette mesure ; je suis très impressionné par les interventions qu'elle a suscitées. Si nous entreprenions une recherche en paternité, la réponse serait rapide et évidente, tant cette disposition avait été très fortement souhaitée par la commission des finances, et notamment par sa majorité. Nous avions nous-mêmes déposé l'année dernière un amendement d'appel pour inciter davantage encore le Gouvernement à défendre ce projet devant les instances européennes. Alors même que le chantier de renégociation des mesures de réduction ciblée de TVA était bloqué depuis quelques années, il faut savoir gré à l'actuel gouvernement d'avoir obtenu sa réouverture et fait en sorte d'être aujourd'hui en mesure de proposer une réduction ciblée de TVA non négligeable, puisqu'elle est de l'ordre de 20 milliards de francs.

La commission des finances se félicite particulièrement de ce résultat, fruit d'un excellent travail parlementaire, mais également d'un bon travail d'équipe entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale qui se sont mutuellement relayés.

On a beaucoup insisté sur les multiples vertus de cette mesure, tant sur le plan de l'impôt, qu'elle aboutit à faire baisser, que sur celui de l'emploi, puisqu'elle permet de relancer un secteur d'activité tout en intensifiant la lutte contre le travail au noir.

Mais j'y vois une autre vertu encore. L'année dernière, la modification du régime de la micro-entreprise avait suscité quelques craintes. La baisse de la TVA de 20,6 à 5,5 % supprime en fait pratiquement tout effet pervers lié à la modification du régime des micro-entreprises. Ce point également est très positif.

Autant dire que M. d'Aubert se noie non dans un verre d'eau, mais bien dans un dé à coudre. Comment un ancien membre du Gouvernement, qui a participé à plusieurs négociations européennes,...

M. Jean-Louis Idiart.

Si peu !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... peut-il à ce point ignorer la pratique du droit européen ? Il va de soi que cette mesure peut parfaitement être anticipée et que le problème de droit qu'il a soulevé est purement théorique : en effet, cette réduction de TVA doit être inscrite en point A au prochain conseil des ministres européens.

Tout membre d'un gouvernement de la Communauté européenne sait pertinemment qu'une mesure inscrite en point A de l'ordre du jour d'un conseil des ministres est automatiquement adoptée, sans même qu'il y ait besoin d'en discuter. La question de M. d'Aubert n'a vraiment pas lieu d'être.

Je suis enfin très favorablement impressionné par la qualité de la rédaction de l'instruction. Il m'arrive souvent de regretter que les instructions viennent compliquer les choses. Or, cette fois-ci, le ministère de l'économie et des finances me paraît être allé jusqu'à l'interpréta tion la plus favorable que l'on pouvait espérer.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il ne faut pas oublier le rôle des professionnels.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je tiens à saluer cet excellent travail d'équipe avec l'Assemblée nationale, mais également avec les professionnels. Ce qui explique peut-être l'exceptionnelle qualité de la rédaction de cette instruction. Grâce à la souplesse du dispositif, nombre d'amendements que nous aurions prévu de déposer dans le cadre de la discussion budgétaire se trouveront satisfaits. Ainsi, notre collègue Yves Cochet s'était souvent préoccupé du cas des micro-centrales photovoltaïques, des éoliennes ou des capteurs solaires. Désormais, il aura satisfaction : toutes ces situations entreront dans le champ d'application du taux de 5,5 %. L'instruction est parfaitement claire sur ce point. Encore une fois, je salue le travail du ministère de l'économie et des finances.

Je réponds à mon tour à la question que notre collègue Jégou avait déjà soulevée en commission des finances : ou bien il s'agit d'une opération commerciale, auquel cas il va de soi que la TVA acquittée par les commerces doit bien être au taux de 20,6 %, ou bien c'est tout simplement de la fraude, auquel cas celle-ci doit être sanctionnée.

Les choses sont donc parfaitement claires. L'Assemblée nationale ne peut qu'accueillir l'article 3 avec une très grande satisfaction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée nationale au sein du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission de la production et des échanges.

La candidature devra être remise à la présidence avant le jeudi 4 novembre 1999, à dix-huit heures.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT