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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8151).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 8151)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Yves Bur, François Goulard, Gérard Terrier, JeanLuc Préel, Jean Bardet, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet par scrutin.

QUESTION PRÉALABLE (p. 8162)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Bernard Accoyer, Jean-Pierre Foucher, Patrick Delnatte, Pascal Terrasse, Bernard Perrut, Mme Muguette Jacquaint.

- Rejet par scrutin.

DISCUSSION GE NE RALE (p. 8173)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Charles, François Goulard, Gérard Terrier, Jean Bardet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de rapports en application de lois (p. 8186).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8187).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nos 1835, 1876).

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, mes chers collègues, conformément à l'obligation instituée par les ordonnances Juppé du 24 avril 1996, le Parlement entame aujourd'hui pour la quatrième fois la discussion d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est donc un moment particulièrement important pour débattre de la situation de notre protection sociale, à laquelle les Français restent toujours très attachés même s'ils sont conscients que des évolutions sont nécessaires pour l'adapter aux exigences nouvelles. Plus de 71 % d'entre eux savent que leur assurance maladie est en déficit et ils se demandent combien de temps cette situation pourra encore durer. Ils sont aussi de plus en plus conscients que l'avenir de leurs régimes de retraite est en danger et que le vieillissement de la population française, s'il incarne la partie la plus visible du progrès de la médecine, constitue une hypothèque lourde de menaces pour les retraites de demain.

Ils attendent donc de leurs gouvernants qu'ils engagent les actions et les réformes pour garantir durablement l'avenir des institutions qui assurent leur protection sociale.

Or, face à ces attentes pleines de bon sens, nous ne pouvons pas leur dire aujourd'hui que la politique menée par ce gouvernement est en mesure de relever ces défis majeurs pour la société française. En effet, aussi bien pour l'assurance maladie que pour le régime vieillesse, les réformes de fond capables de restaurer la confiance en assurant un équilibre durable des finances sociales se font toujours attendre, cédant la place à des effets d'annonce, à des déclarations d'intention toujours sans suite et à la facilité offerte par le retour de la croissance. La croissance économique permet certes le redressement des comptes de la sécurité sociale, mais en dépit de cette embellie, que nous souhaitons durable, chacun sait bien que ces bons résultats, qu'il faut cependant relativiser pour l'assurance maladie dont le déficit s'est à nouveau creusé en 1999, resteront fragiles tant que vous n'aurez pas démontré votre capacité à assurer durablement la maîtrise des dépenses de santé et le financement des retraites. Ils sont à la merci d'un retournement de conjoncture toujours possible dans une économie mondialisée.

Le projet de loi de financement que vous nous proposez pour l'an 2000 porte les recettes à un niveau jamais atteint de 1 873 milliards de francs. Si l'on compare ce chiffre au niveau des recettes de 1998, à savoir 1 720 milliards, on constate une augmentation des recettes espérées par le Gouvernement de 153 milliards, soit près de 9 % obtenus par la croissance certes, mais aussi par l'augmentation des prélèvements sociaux et plus particulièrement ceux touchant l'épargne d'une grande partie des Français.

Cette forte augmentation des prélèvements pour la sécurité sociale, ajoutée - il ne faut pas l'oublier - aux restrictions apportées à la politique familiale, explique la réduction des déficits, alors même que les dépenses d'assurance maladie ont explosé. En effet, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie est passé de 600 milliards en 1997 à 658 milliards prévus dans le projet de loi pour 2000. L'augmentation annuelle en volume est donc trois fois plus élevée depuis 1998 qu'entre 1996 et 1998. Ces données démontrent que la réduction des déficits, que vous avez menée à un rythme voisin de celui engagé sans le renfort de la croissance en 1996 et 1997, n'est pas le fruit d'un quelconque volontarisme. Elle s'est bien accomplie grâce au renfort de la croissance, à l'abri de laquelle le Gouvernement mène une politique de la facilité sur fond d'attentisme et d'indécision. En cas d'accident de la conjoncture, le risque est bien réel de se retrouver dans la situation des années 1992-1993, qui a v u un gouvernement, auquel vous participiez déjà, confronté à l'explosion des déficits, conséquence d'une chute des recettes et de l'augmentation des dépenses.

Les dépenses d'aujourd'hui préparent les déficits de demain. Faute de courage politique pour conduire les vraies réformes dont a besoin notre société, notre protection sociale risque d'être confrontée à une crise majeure qui pourrait mettre en jeu sa spécificité, voire son existence même. Malgré les remarques de la Cour des comptes et quelques progrès engagés, nous ne pouvons que déplorer le fait que la présentation de la loi de financement de la sécurité sociale reste très opaque en raison de circuits de financement particulièrement complexes, ce qui rend le contrôle du Parlement particulièrement difficile. En outre, la réception trop tardive de l'essentiel des documents ne contribue pas à faciliter le travail parlementaire.


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La logique des lois de financement était d'identifier, pour chaque branche et pour chaque régime concerné, les recettes et les dépenses afin d'accroître la visibilité indispensable pour une bonne gestion. Cet objectif de clarification est loin d'être atteint, comme le souligne d'ailleurs, dans son précieux rapport, la Cour des comptes qui considère que les progrès sont encore trop peu nombreux et les éléments de diagnostic et de connaissance encore largement insuffisants. Il en est ainsi de la répartition de la CSG et des droits sur les alcools dont la mise en oeuvre est jugée particulièrement lourde et complexe. Il en est ainsi de la présentation même des comptes de la sécurité sociale.

Si de réels progrès ont été réalisés dans l'élaboratio n des comptes des organismes de base, qui sont établis en droits constatés, les magistrats de la Cour des comptes estiment que la qualité de beaucoup de données reste inégale, que l'appréciation quantitative des conséquences des dispositions de la loi de financement est imparfaite et, chose beaucoup plus grave, que les comptes eux-mêmes sont parfois encore trop imparfaits. Aussi la Cour estimet-elle qu'il est urgent d'achever « la réforme des droits constatés ». En effet, si les comptes des organismes de base sont présentés en droits constatés, ce qui a l'avantage de permettre une gestion plus responsable, les comptes agrégés, tout comme les agrégats de la loi de financement, restent présentés en comptabilité de caisse. Dans un souci de transparence, il est donc urgent, madame la ministre, que ces clarifications interviennent le plus vite possible.

De même, il serait hautement souhaitable que la présentation des comptes de la sécurité sociale et leur évolution se calent sur les mêmes données chaque année, car, même dans ce domaine, vous ne reculez pas devant une présentation cosmétique pour mieux masquer la dérive des comptes.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas vrai !

M. Yves Bur.

Ainsi, alors que l'évolution de l'objectif de dépenses pour 1999 était calée sur les chiffres inscrits dans la loi de financement de 1998 à plus 2,6 %, ce qui pouvait traduire une véritable volonté de maîtrise de l'évolution des dépenses, le projet de loi de financement pour l'an 2000 prend curieusement comme référence les prévisions d'exécution envisagées pour 1999.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vous qui l'avez demandé l'année dernière !

M. Yves Bur.

Ainsi, par un petit tour de passe-passe, l'évolution des dépenses prévues pour l'assurance maladie passe de plus 4,1 % à 2,5 %. L'apparence est sauve alors que la réalité est qu'il y a bien eu dérapage des dépenses de santé en 1999, comme en 1998, et ce malgré des sanctions comptables très brutales concernant différents acteurs de la santé. J'aurai l'occasion d'y revenir plus loin.

Malgré ces réserves de forme sur la présentation des comptes, on pouvait espérer trouver trace dans ce projet de loi de financement d'une véritable volonté politique pour prendre enfin à bras-le-corps les vrais défis qui se posent à notre protection sociale : réunir les conditions d'une maîtrise durable et médicalisée des dépenses de soins ; mettre en oeuvre une politique de soutien à la famille ; engager les réformes de fond pour assurer la pérennité du système de retraite français.

Or, nous ne trouvons dans votre projet que très peu d'éléments qui permettraient aux Français d'être rassurés.

E n fait, les difficultés de la tâche, que nous ne méconnaissons pas, vous inclinent, encore une fois, à différer les vrais choix auxquels notre pays ne pourra se soustraire par le seul miracle de la croissance retrouvée, tous les experts sont unanimes là-dessus et vous le savez bien, madame la ministre.

Vous menez une politique de santé sans perspectives, même si nous nous réjouissons des annonces que vous avez faites en ouvrant le débat et de la discussion que nous aurons l'an prochain sur ces sujets importants.

Depuis trois ans, en effet, nous avons du mal à trouver une ligne directrice cohérente dans la conduite d'une politique de santé publique globale, au sein de laquelle seraient pris en compte les besoins de santé de notre population, la mise en oeuvre d'un programme de prévention actif, sans oublier les outils qui doivent assurer durablement les besoins en soins de notre population. Au lieu de cela, les Français doivent se contenter d'une approche conjoncturelle, voire idéologique, sans que vous soyez parvenue à établir un climat de confiance avec l'ensemble des interlocuteurs, qu'il s'agisse des responsables de la Caisse nationale d'assurance maladie ou de l'ensemble des professionnels de santé.

Ainsi, dans une première phase, vous avez laissé le système de soins français évoluer par lui-même et réagir par rapport aux mesures engagées par le plan Juppé, alors qu'il eût fallu poursuivre et approfondir les pistes ouvertes par ce plan particulièrement courageux et même apprécié par nombre de membres de l'actuelle majorité.

Comprenant que vous aviez l'intention de revenir sur les orientations de vos prédécesseurs, le système a réagi, comme on pouvait s'y attendre, par l'emballement des dépenses de soins. Dans l'urgence, les mesures drastiques que vous avez prises ont été ressenties pour ce qu'elles étaient : des sanctions comptables. Leur brutalité a laissé des traces en tuant un peu plus la confiance du corps médical, qui est pourtant indispensable, au-delà des malentendus qui existent toujours dans une phase de mutation.

Depuis, vous avez fait le choix d'engager des discussions segmentées en jouant sur les spécificités de chaque spécialité et en tentant d'opposer les professions les unes aux autres sans pour autant abandonner un pouce sur le terrain de la maîtrise purement comptable, qui reste la règle s'appliquant à tous les acteurs en charge de la santé des Français. La volonté d'inscrire dans la loi le principe de lettres-clés flottantes concernant toutes les professions de la santé nous éloigne encore un peu plus du consensus souhaitable et paraît terriblement bureaucratique, pour ne pas dire « ubuesque », comme l'a fait le président de la CNAM cet après-midi.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Non, pas de citations !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne le dites pas, monsieur Bur ! Evitez de vous ridiculiser !

M. Bernard Accoyer.

Pourtant, d'habitude, le président de la CNAM a une forte influence sur Mme la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Spaeth ? Certainement pas, vous êtes très mal informé !

M. Yves Bur.

Avec ce projet de loi de financement, vous engagez une nouvelle étape en confiant à l'assurance maladie la responsabilité des soins de ville. Ce choix, s'il semble s'inscrire dans le sens du plan stratégique de la CNAM, traduit d'abord un constat d'échec que l'évolut ion des dépenses par rapport aux prévisions de


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l'ONDAM pour 1999 souligne tout particulièrement. Il est évident que ce sera un cadeau empoisonné pour les dirigeants de la CNAM, car ce transfert n'est pas accompagné des moyens qu'ils jugeaient indispensables pour parvenir aux objectifs ambitieux de leur plan stratégique.

C'est, en quelque sorte, la punition que vous leur administrez pour avoir mis en évidence l'absence d'ambition et de vision en matière de santé publique et de maîtrise des dépenses de soins.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça c'est indigne !

M. Yves Bur.

Le conseil d'administration de la CNAMTS, tout en saluant la possibilité d'une véritable clarification des rôles pour une gestion plus efficace, ne s'y est d'ailleurs pas trompé en affirmant qu'il ne pourra assumer pleinement cette nouvelle responsabilité sans disposer en même temps ni des moyens nécessaires pour arriver à une maîtrise des dépenses ni de véritables leviers pour revitaliser le dialogue conventionnel.

La mise en place de la couverture maladie universelle illustre également les limites de votre méthode de gestion des dossiers touchant à la santé. Plutôt qu'un dialogue constructif avec les partenaires appelés à donner corps à cette loi, que nous avons tous saluée dans son intention,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais que vous n'avez pas votée !

M. Yves Bur.

Vous devinez pourquoi.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non !

M. Yves Bur.

... vous avez préféré imposer vos choix sans tenir compte des craintes que nous avons tenté de relayer ici lors du débat. Ainsi, nous voyons aujourd'hui les caisses, les mutuelles et les assureurs tirer la sonnette d'alarme en affirmant que l'accès illimité et gratuit aux soins sera incompatible avec les moyens prévus : le coût d u panier de soins sera largement supérieur aux 1 500 francs retenus par la loi.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah bon ?

M. Yves Bur.

De plus, sa mise en oeuvre nécessitera l'embauche, par les caisses, de plus de 2 000 agents pour prendre en charge l'instruction des dossiers.

M. Bernard Accoyer.

Sans compter l'effet de l'application des 35 heures dans les caisses !

M. Yves Bur.

Nous avons ainsi la certitude que le niveau des finances du Fonds pour la couverture maladie universelle sera très nettement insuffisant, ce qui vous conduit, semble-t-il, à restreindre encore par décret les conditions d'accès, alors que vous avez déjà, par l'effet de seuil, exclu du dispositif les personnes relevant du Fonds de solidarité vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés.

Au vu de ces éléments, on est fondé à se demander quel peut être le poids des acteurs de la santé face à l'absence d'écoute et à la volonté de tout régenter à partir de votre ministère.

Nous avons le sentiment que la CNAMTS sera placée, comme l'ensemble des professionnels de santé, en liberté surveillée.

En fait, chacun se rend bien compte que la grande ambition de refondre l'ensemble de notre système de santé qui inspirait la réforme Juppé, n'aurait jamais dû, malgré les difficultés et les résistances rencontrées, être abandonnée pour une approche partielle, dont on a du mal à apprécier la finalité et la cohérence. La multiplication des initiatives, aussi intéressantes soient-elles, ne constitue pas en soi un projet cohérent et global.

Une mise en perspective semble s'imposer car les problèmes abordés concernent des questions aussi fondamentales que la qualité des soins, les droits du malade, la formation des professionnels de santé, formation initiale mais aussi continue, le droit et l'accès aux soins, la prise en charge de la dépendance, qui sera un autre défi, ainsi que l'accompagnement à la mort, et la liste n'est pas close. Ce sont là des chantiers d'importance dont dépendra demain le niveau de santé de notre pays : la bonne santé doit être un bien accessible à tous nos concitoyens.

C'est pourquoi, madame la ministre, je me demande si nous ne devrions pas engager au Parlement un grand débat sur la santé publique. Ce serait l'occasion de mettre en perspective l'ensemble des problématiques que je viens d'évoquer dans une loi d'orientation pour la santé. Les états généraux ont permis de débattre dans le pays des questions concernant la santé des Français. Il serait presque logique que ce grand débat se conclue au Parlement par une loi d'orientation qui fixe les grands objectifs à atteindre et les moyens à mettre en oeuvre. Je ne vois pas pourquoi ce type de débat ne serait le privilège que de la défense nationale ou de l'agriculture.

Certes, on pourrait nous rétorquer que la discussion que nous menons chaque année à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est suffisante. Personne n'ignore cependant que la loi constitutionnelle et la loi organique ont limité le contenu des lois de financement et de leur procédure d'élaboration.

Elles ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement. Il peut dès lors être souhaitable d'envisager une modification de la loi organique du 22 juillet 1996 pour donner au Gouvernement comme au Parlement les possibilités d'améliorer la politique de santé et de soins. Notre excellent collègue Claude Evin l'a suffisamment rappelé lors de l'examen de divers amendements en commission, et le présent projet de loi ne nous semble pas exempt de cavaliers législatifs, comme j'aurai l'occasion de le souligner.

Malgré cela, je pense comme lui qu'il faudra modifier l'encadrement législatif pour permettre régulièrement la mise en oeuvre de mesures de santé publique lors de la discussion de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Vous nous avez dit qu'un tel débat pourrait peut-être avoir lieu au mois de juin ; nous verrons bien. Cela irait dans le sens de la modernisation du fonctionnement de nos institutions en évitant de donner trop de volume aux trop rares lois portant diverses dispositions d'ordre social.

Il reviendrait à une véritable politique de santé publique, à partir des données sur l'état de santé de nos concitoyens et des besoins en matière de soins, de concrétiser enfin une politique de prévention sanitaire globale prenant en compte les grandes causes de morbidité et de mortalité au niveau national comme au niveau régional.

Q uand comprendrons-nous dans notre pays qu'une bonne politique de prévention menée avec l'ensemble des acteurs de la santé constitue à moyen et à long terme le meilleur outil de maîtrise des dépenses ? De même, à côté des grands enjeux en matière de politique sanitaire, il ne nous semble pas superflu de réfléchir encore sur la capacité du système actuel, prisonnier de sa propre histoire, de relever les défis que constitue l'aspiration à l'état de santé le meilleur possible grâce aux


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progrès des sciences médicales, sans oublier l'impact du vieillissement de la population. Au vu des errements de notre système de santé, nous pressentons bien qu'il est à bout de souffle dans sa forme actuelle. Pour avancer, il faut cesser de considérer la santé comme un poste de dépense parmi d'autres et de vouloir lui imposer des règles comptables dont l'efficacité est de plus en plus restreinte face à l'évolution de la demande en matière de santé de l'ensemble de nos concitoyens.

A notre sens, la solution ne réside pas dans une privatisation, que les Français rejettent d'ailleurs. Une fois passés les gains de productivité que l'on peut imaginer dans un premier temps, un système privatisé serait tout aussi incapable de freiner durablement les dépenses de santé : l'exemple des Etats-Unis est là pour nous ôter ces illusions.

Notre système de santé, compte tenu des spécificités propres à chaque pays, n'est ni pire ni meilleur qu'un autre. Reconnaissons simplement qu'il est moins efficace au regard des sommes que la nation lui consacre. Pour sortir de cette impasse, il convient que chaque acteur soit appelé à tenir et puisse jouer le rôle qui doit être le sien dans l'organisation de la santé en France.

Le reproche que nous pourrions vous adresser, madame la ministre, c'est de vous entêter à faire croire à vos concitoyens que la meilleure manière de régler les problèmes auxquels se trouve confronté notre pays, c'est de décider au sommet de l'Etat ce qui est bon pour les Français et d'organiser de manière centralisée et jacobine les réponses qui vous semblent les plus conformes non pas à leur intérêt bien compris, mais à la vision que vous vous faites de ce que doit être la société française.

Ce qui nous différencie, c'est que nous croyons que l'Etat n'a pas à se mêler de tout, mais doit être le protecteur des principes de base qui garantissent à chaque Français d'être assuré de la solidarité face aux risques de l'existence, par exemple la maladie. S'il ne lui appartient pas de s'immiscer dans tous les détails de l'organisation, il lui revient de définir les objectifs et les contours d'une vraie politique de santé publique homogène sur l'ensemble du territoire national. Il lui appartient aussi d'assurer l'efficacité du système de soins et de vérifier le meilleur usage des deniers publics au service de l'objectif de santé défini.

Pour sortir de l'impasse dans laquelle le système de soins s'est enfermé, il est indispensable de rechercher systématiquement la responsabilisation de tous les acteurs concernés par la santé. Ce principe, qui était à la base de la réforme Juppé, a été à notre sens insuffisamment approfondi : la responsabilité ne peut s'exercer vraiment que par une adhésion de tous les acteurs à des objectifs largement débattus.

C'est vrai pour les professionnels de santé, qu'on ne pourra pas traiter encore longtemps comme des irresponsables qui ne marcheraient qu'à la baguette. Le dispositif conventionnel doit repartir sur des bases nouvelles, qui sont le respect mutuel, la transparence et la promotion de la qualité, inséparable des bonnes pratiques. L'affrontement tout comme la résignation des professionnels de santé ne peuvent constituer un socle durable pour une politique de santé performante ; ils doivent enfin céder la place au dialogue et à un vrai partenariat.

C'est vrai aussi pour l'ensemble des Français, qui ne peuvent continuer à se comporter comme de simples consommateurs de soins s'offusquant tout à la fois du coût des soins et des cotisations sociales, sans apprécier leur responsabilité propre dans le système de santé. Il appartient aux pouvoirs publics de favoriser cette prise de conscience qui va de pair avec le concept de démocratie sanitaire.

Pour le groupe UDF, relever ces défis passe inévitablement par une approche régionale des problèmes de santé et d'offre de soins. Comme je l'ai évoqué plus haut, le modèle jacobin d'administration de la santé joue à présent contre son efficacité. Le niveau régional nous paraît être l'échelon territorial pertinent pour créer les c onditions d'une véritable démocratie sanitaire, où l'ensemble des questions liées à la santé soient abordées avec une capacité de mobilisation et d'adhésion indispensable à un meilleur fonctionnement des structures de soins.

La décentralisation avait permis une meilleure prise en charge des problèmes sociaux. De même, il nous semble que la régionalisation de la santé favoriserait une meilleure organisation des réponses sanitaires et sociales, en prise avec les besoins locaux. C'est aussi l'échelon qui faciliterait la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la santé au service d'objectifs qui les concerneraient plus directement. L'implantation des agences régionales de l'hospitalisation semble plutôt une réussite et nous renforce dans l'idée qu'une approche englobant au niveau régional l'ensemble des secteurs de la santé : les soins de ville et l'hôpital, sans oublier la prévention, pourrait constituer une alternative à une gestion jacobine profondément décrédibilisée auprès des acteurs de la santé.

Tout cela, madame la ministre, nous ne le percevons pas dans les intentions du Gouvernement. Nous le regrettons profondément, car l'attentisme de mise aujourd'hui pour des raisons électorales porte en lui les germes d'une crise et d'un blocage prévisibles.

La politique familiale, comme d'ailleurs le traitement du grave problème des retraites, est confrontée au même attentisme. La loi de financement de la sécurité sociale se caractérise par une absence totale de prise en compte de l'ambition familiale.

Le Gouvernement a promis d'assurer à la branche famille la reconduction de la garantie de ressources créée en 1994 par le gouvernement de M. Balladur, et dont l'effet est de faire évoluer ses ressources comme le produit intérieur brut. Au lieu de tenir loyalement cet engagement en lui donnant consistance dès l'an prochain pour les cinq prochaines années, vous proposez de l'appliquer à la période 1998-2002 en ne prévoyant aucun versement de l'Etat à ce titre avant l'expiration de cette période raccourcie. De plus, l'essentiel de la garantie de ressources sera aobsorbé par le transfert à la CNAF de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, jusqu'alors à la charge de l'Etat, ce qui représentera, à terme, un transfert de 7 milliards à la charge de la branche famille.

De fait, ce projet de loi ne crée aucune nouvelle marge de financement pour effacer les reculs de la politique familiale enregistrés au cours des deux dernières années...

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Avant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai trouvé 14 milliards de déficit !

M. Yves Bur.

... avec les restrictions apportées aux aides à la garde des jeunes enfants, l'abandon de la réforme de l'impôt votée en 1996, l'aggravation du quotient familial et, plus récemment, la suppression des aides au temps partiel prévue dans la loi sur les 35 heures, alors que le temps partiel est intéressant pour les mères de famille.


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Où la CNAF trouvera-t-elle les moyens pour développer des politiques d'amélioration de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, comme l'accroissement des capacités d'accueil en crèche et en halte-garderie ou le développement de la garde à domicile ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Elle a refusé de le faire !

M. Yves Bur.

Il ne suffit pas d'affirmer de grands principes généreux ; les familles ont le droit, elles aussi, de bénéficier des fruits de la croissance pour pouvoir assumer au mieux leurs responsabilités parentales.

Cette prudence concerne également la vieillesse et le financement futur des retraites. A l'évidence, c'est un dossier qui fait peur au Gouvernement actuel, instruit, je peux le comprendre, par les déboires qu'a connus le précédent.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Par ses erreurs !

M. Yves Bur.

Pourtant, le problème n'est pas une chimère que l'on pourrait éviter d'affronter parce qu'il ne serait que virtuel. Il est inscrit dans les données démographiques, et les échéances se rapprochent. Ainsi, dès 2006, les besoins de financement supplémentaires sont estimés à 66 milliards de francs par an. Les sommes symboliques et dérisoires que vous prévoyez d'affecter au Fonds de réserve pour les retraites ne sont pas à la mesure d'un problème dont le rapport Charpin a posé clairement les données, tout en ouvrant des pistes pour y faire face. Les Français se demandent si ce rapport ne connaîtra pas le même sort que le Livre blanc sur les retraites commandé il y a plus de dix ans par Michel Rocard et qui s'est retrouvé dans l'oubli d'un tiroir.

Il est établi aujourd'hui que la réponse à ce défi démographique et financier se trouvera dans la mise en place d'un système de retraite mixte, grâce auquel, sans remettre en cause le régime basé sur la répartition, qui doit rester l'expression de la solidarité, pourront se développer des possibilités de constituer un complément basé sur la capitalisation à travers des fonds d'épargne retraite.

Un consensus semble se dessiner dans le pays pour engager cette réforme, qu'il est indispensable de concrétiser au plus tôt pour permettre à ces fonds d'assurer leur fonction de retraite complémentaire. Le temps presse et vous ne pouvez vous contenter de proposer symboliquement l'abrogation de la loi Thomas,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai ! M. Yves Bur ... loi du 25 mars 1997 qui a créé les plans d'épargne retraite, sans, dans le même temps, engager cette grande réforme.

Les salariés du privé ne comprendraient pas qu'ils restent les seuls à avoir accepté des efforts depuis 1994 p our assurer la pérennité des régimes ARRCO et AGIRC, que vous envisagiez en plus de taxer pour financer les 35 heures, ce qui était proprement scandaleux.

En fait, nous avons appris hier qu'en raison de la reculade à laquelle vous ont contrainte les partenaires sociaux sur le financement des 35 heures, vous allez priver le Fonds de solidarité vieillesse d'une fraction des droits sur les alcools. Or l'excédent du FSV devait servir à alimenter le Fonds de réserve pour les retraites...

M. Bernard Accoyer.

Il n'était même pas créé jusqu'à ce matin !

M. Yves Bur.

... qui, décidément, a du mal à trouver des sources de financement pérennes à la hauteur des enjeux.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'étiez pas là, monsieur Bur, quand j'ai annoncé sa création !

M. Yves Bur.

Finalement, c'est donc bien la sécurité sociale qui va devoir contribuer au financement des 35 heures après un tour de passe-passe qui ne trompe personne et n'assure pas un équilibre durable.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit en fait le manque d'ambition de votre gouvernement, plus préoccupé de ne pas fâcher des partenaires communistes figés dans une conception passéiste de notre société, et peut-être aussi de ne pas troubler l'image consensuelle que construit le Premier ministre candidat.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est bien de reconnaître que son image est consensuelle.

M. Yves Bur.

Nous le regrettons d'autant plus que vous avez détourné ce projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'esprit qu'ont souhaité lui donner ses auteurs. En effet, comme l'ont souligné dans une déclaration commune les trois groupes de l'opposition, ce projet de loi est détourné de son objet initial, qui était de donner au Parlement le contrôle du financement de la sécurité sociale et d'assurer la transparence de la gestion des différents régimes. Il est d'ailleurs symptomatique de relever que les premiers articles sont consacrés au financement de la loi sur les 35 heures, qui devrait incomber au budget de l'Etat.

Ce texte devient de fait un instrument de gestion des finances publiques puisqu'il inclut désormais des dépenses qui relevaient du budget de l'Etat et qu'il lève de nouveaux impôts pour financer les 35 heures, dont il camoufle le coût au sein d'un fonds social dans le seul but de faire échapper ces dépenses à la comptabilité budgétaire. Pour nous, la loi de financement de la sécurité sociale est une loi de régulation des dépenses sociales et n'a pas vocation à devenir une annexe du budget de l'Etat.

En outre, je veux souligner que l'évaluation des recettes de la taxe sur les heures supplémentaires instituée par le projet de loi sur les 35 heures n'est mentionnée ni dans le budget de l'Etat ni, pour le moment, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous entamons la discussion. Cette taxe représente un hold-up sur le travail des Français. C'est grave et c'est inadmissible.

En effet, les salariés qui acceptent d'effectuer des heures supplémentaires le font à la fois pour répondre aux besoins de leur entreprise confrontée à la flexibilité des commandes et parfois à l'impossibilité de trouver de nouveaux collaborateurs qualifiés, et pour arrondir leurs fins de mois. Vouloir taxer cet effort est scandaleux et prive directement les salariés d'une partie du fruit de leur travail.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Démagogie !

M. Yves Bur.

En la matière, le Gouvernement ne respecte pas les principes et règles de valeur constitutionnelle précisées par la décision du Conseil du 10 juin 1998.

Il méconnaît l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi.

De plus, en procédant au rapprochement avec votre budget, on peut dire qu'il ne retrace pas comme il le devrait, en application de l'article 18 de l'ordonnance organique no 59-2 du 2 janvier 1959, l'ensemble des recettes et dépenses.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

J'en veux pour preuve la comptabilisation des recettes provenant de la TGAP dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il aurait fallu qu'une disposition d'affectation figure également dans le projet de loi de finances. Lorsque ce dernier a été déposé par le Gouvernement, cette disposition n'y était pas intégrée.

C'est l'amendement gouvernemental no 346 qui a rectifié cette erreur incompréhensible, afin d'organiser « la coordination et une meilleure lisibilité entre les deux textes ».

Il en est de même pour les droits de consommation sur les tabacs qui est une recette commune au budget général de l'Etat et à la sécurité sociale en vertu de l'article 575 du code général des impôts.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est fou ce qu'on est obligé de faire quand on est dans l'opposition ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur.

Là aussi, le Gouvernement a déposé les amendement nos 521, 522 et 523 visant à « supprimer les plafonds d'affectation du droit de consommation sur les tabacs manufacturés au financement de diverses dépenses sociales ». Vous fixez ainsi la quote-part de cette taxe affectée à la sécurité sociale pour participer au financement des 35 heures.

De plus, l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution précise : « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de la prévision de recettes, fixe ses objectifs de dépenses... ». Ces dispositions

ne figurent pas dans le projet de loi que vous avez déposé à l'Assemblée et dont nous avons discuté en commission : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc entaché d'inconstitutionnalité car les équilibres entre les deux budgets ne sont pas avérés.

Vous portez atteinte au principe de clarté des budgets.

Ces affectations trompeuses sont donc contraires aux principes d'unité et d'universalité de l'Etat et de la sécurité sociale. Elles contribuent, avec les débudgétisations des dépenses et des affectations à la sécurité sociale, au démantèlement des finances nationales.

Vous me permettrez, madame la ministre, de vous faire part de notre étonnement devant la légèreté avec laquelle le Gouvernement...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Surveillez vos propos !

M. Yves Bur.

... ose présenter au Parlement des projets de loi de cette importance, sans avoir assuré au préalable les équilibres requis.

M. Bernard Accoyer.

C'est de l'improvisation totale !

M. Yves Bur.

Ecartant l'hypothèse d'une négligence...

M. Bernard Accoyer.

Et celle de la perversité, l'écartezvous également ? (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, parce qu'il est honnête, lui !

M. Yves Bur.

... je pense que ces errements traduisent en fait tout à la fois des désaccords sur le mode de financement accompagnant les 35 heures et le refus par votre collègue Dominique Strauss-Kahn d'assumer dans le budget de l'Etat ces dépenses supplémentaires. Ce dernier doit en effet faire face aux critiques et aux pressions des instances européennes qui considèrent que les efforts français dans la maîtrise de la dépense publique restent insuffisants. Le Gouvernement se livre donc à des tours de passe-passe, en sous-évaluant les recettes de la croissance et en camouflant des dépenses pourtant bien réelles et coûteuses comme celles induites par les 35 heures.

M. Zalm, ministre néerlandais des finances, a ainsi demandé à la France, le 8 octobre dernier, lors d'une réunion Ecofin réunissant les ministres des finances de la zone euro, de faire des efforts supplémentaires en matière de réduction des déficits publics. Il s'est notamment interrogé sur les conséquences négatives de la loi, sur les trente-cinq heures sur les finances françaises et a dénoncé pudiquement les acrobaties budgétaires françaises. Remarquons au passage que les tractations pour assurer le financement des trente-cinq heures soulignent la pertinence de son jugement.

Les dispositifs gouvernementaux ne sont pas totalement financés. En effet, l'article 11 du deuxième projet de loi sur les trente-cinq heures institue un allégement de cotisations sociales au profit des entreprises mettant en oeuvre la réduction du temps de travail et passant aux trentecinq heures. Même si nous nous réjouissons que vous repreniez à votre compte le dispositif d'allégement des charges patronales mis en oeuvre dès 1997 par le précédent gouvernement...

M. Bernard Accoyer.

Cela n'a pas toujours été comme ça !

M. Yves Bur.

... et que vous n'aviez de cesse de critiquer depuis lors,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas moi !

M. Yves Bur.

... nous ne pouvons souscrire à la méthode de financement. Or le projet de loi de finances pour l'an 2000 ne comporte aucune disposition pour le financement de ces aides, bien que la loi de 1994 impose à l'Etat de compenser intégralement les exonérations de charges sociales qu'il décide dans le cadre de la politique en faveur de l'emploi.

Au vu des difficultés que le Gouvernement a rencontrées pour boucler le financement des trente-cinq heures, nous comprenons mieux pourquoi votre collègue ministre de l'économie et des finances n'a pas souhaité voir figurer ce poste de dépenses à l'évolution incertaine dans le budget cosmétique qu'il a présenté la semaine dernière à notre assemblée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

N'insultez pas mon collègue et ami !

M. Yves Bur.

En effet, si la dépense liée à ces allégements est assurée de croître pour passer de 67 milliards en l'an 2000 à plus de 105 milliards à terme, les recettes sur lesquelles table le Gouvernement sont nettement plus aléatoires.

Elles reposaient en première intention, outre le maintien des 39,5 milliards provenant de la taxe sur les tabacs, sur des impôts nouveaux et sur une « contribution volontaire » des organismes sociaux - l'UNEDIC, la sécurité sociale et même les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC - dont nous savons depuis hier qu'elle est abandonnée pour tous les organismes.

Concernant les impôts nouveaux, constitués par la TGAP élargie et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés portée à 3,3 %, ces ressources sont incertaines et cela a conduit notre collègue, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, à relever dans un amendement qu'il avait déposé : « Certaines des ressources retenues pour le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales sont entachées d'incertitudes : c'est ainsi qu'une taxe pénalisant les pollutions comme la TGAP devrait voir en principe son rendement s'effriter. Quant à la contribution sociale sur les bénéfices,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

son assiette apparaît irrégulière et imprévisible, comme le montre l'évolution du produit de l'impôt sur les sociétés. » Malgré cet avertissement dont nous partageons le

bon sens, le Gouvernement persiste dans ses choix qui alourdiront une fois de plus la fiscalité des entreprises, lesquelles, pourtant, sont déjà confrontées aux incertitudes du passage aux 35 heures.

La création de ce fonds est contraire à l'article 34 de la Constitution qui précise que « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ».

M. Bernard Accoyer.

C'est du grand Bur ! Ça carbure ! (Sourires.)

M. Yves Bur.

Les prélèvements imposés par le Gouvernement, notamment la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, constituent bien une nouvelle imposition. Dans le cas présent, la détermination de cette contribution par le Gouvernement ne répond à aucune des exigences constitutionnelles. En instituant un prélèvement permanent sans limitation de durée, le Gouvernement méconnaît le principe constitutionnel selon lequel les impositions de toute nature doivent être autorisées chaque année. En outre, le Gouvernement fait totalement abstraction des modalités de mise en oeuvre de l'impôt puisqu'il ne précise pas les pénalités de retard notamment.

L e Gouvernement méconnaît aussi certaines des composantes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

M. Jean-Luc Préel.

Absolument !

M. Yves Bur.

En effet, selon l'article 14 de cette déclaration, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

M. Jean-Luc Préel et M. Bernard Accoyer.

C'est très intéressant !

M. Yves Bur.

Or, le législateur ne peut se fonder sur des critères objectifs et rationnels puisque ce projet de loi,e t notamment la création du fonds mentionné à l'article 2, n'est pas équilibré.

M. Jean-Luc Préel.

Charles de Courson reviendra sur ce point ! M. Yves Bur Nous relevons là un second motif d'irrecevabilité.

Vos intentions ont entraîné en plus la confusion avec les organismes sociaux. Concernant la contribution forcée et que vous espériez volontaire des organismes sociaux afin d'alléger la charge pour l'Etat du coût des 35 heures, il faut, en effet, parler de confusion pour évoquer le différend qui a tourné à l'affrontement. Celui-ci vous a opposés ces derniers jours aux partenaires sociaux, patronat et syndicats réunis dans un même refus catégorique de subir le prélèvement, que vous avez tenté de leur arracher, pour terminer dans une reculade sans gloire pour le Gouvernement.

M. Jean-Luc Préel.

C'est Waterloo !

M. Yves Bur.

Décider unilatéralement, et sans discussion préalable avec les organismes de gestion des différents régimes sociaux, du principe et du montant du prélèvement pour financer à la place de l'Etat la réduction du temps de travail illustre le mépris que le Gouvernement porte aux partenaires sociaux et au paritarisme. Le dialogue social, déjà si difficile à promouvoir dans notre pays, ne méritait pas ce traitement pour le moins cavalier.

Vouloir taxer directement ou indirectement l'UNEDIC, c'était mettre à bas une gestion paritaire qui a su s'adapter aux évolutions de la situation de l'emploi.

Prendre comme prétexte l'aide qu'a apportée l'Etat à l'UNEDIC, en 1993, en complément des efforts consentis par les employeurs et par les chômeurs n'est pas acceptable venant de votre part.

M. Marcel Rogemont.

Ce n'est plus à l'ordre du jour !

M. Yves Bur.

C'est bien parce que, avec le gouvernement dont vous étiez déjà un membre éminent, vous aviez conduit le pays dans l'impasse et la récession la plus grave de l'après-guerre que l'UNEDIC s'est trouvée dans cette situation de quasi-cessation de paiement et que l'Etat a dû intervenir.

Si aujourd'hui les comptes de l'UNEDIC sont positifs,...

M. Marcel Rogemont.

Grâce à qui ?

M. Yves Bur.

... il appartient aux seuls partenaires sociaux de décider ensemble si cela doit permettre de diminuer les prélèvements sur les salaires ou, au contraire, améliorer le niveau d'indemnisation des chômeurs et principalement les plus faiblement indemnisés.

Le même refus vous était opposé par les gestionnaires de la sécurité sociale. M. Spaeth, qui préside la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, avait jugé cette contribution « inacceptable » ; il l'avait qualifiée de « détournement de finalité de cotisations sociales ». Faut-il considérer que les comptes des régimes sociaux sont déjà tellement brillants que vous puissiez vous permettre d'en limiter d'avance les excédents potentiels ? La résistance des syndicats et des organisations patronales a eu raison de votre acharnement et c'est un succès pour la démocratie sociale.

Cependant, rien n'est clarifié à ce jour et nous ne savons toujours pas avec certitude et dans le détail comment vous comptez boucler l'équilibre de votre projet de loi de financement. Or comme l'a souligné à juste titre le Président de la République, « on demande au Parlement d'opérer des prélèvements sur la sécurité sociale pour financer les 35 heures, mais ni le montant ni les modalités de ces prélèvements ne figurent dans le projet de loi, ce qui ne paraît pas conforme aux compétences que la Constitution reconnaît au Parlement ». Il s'agit en l'occurence, de l'article L. 131-8-4 du code de la sécurité sociale mentionné à l'article 2 du présent texte.

Le manque de rigueur qui a présidé à la préparation de ce projet de loi de financement vous a conduits à créer un climat de crise avec les partenaires sociaux plus soucieux que vous de préserver un espace de négociations.

Vous en êtes réduits à taxer une fois de plus les Français pour assurer un équilibre précaire qui vous obligera malgré cela à trouver de nouvelles pistes de recettes pour les années à venir.

M. Marcel Rogemont.

Et la croissance ?

M. Yves Bur.

Enfin, ce projet de loi est égalemente ntaché d'irrecevabilité de par les dispositions de l'article 9. Pour que les ressources de la branche familiale évoluent comme le PIB, le Gouvernement avait annoncé qu'il poursuivrait l'application de la garantie de ressources créée en 1994.

En fait, le Gouvernement applique officiellement cette disposition pour la période 1998-2002 mais le versement de l'Etat n'interviendra pas avant 2002.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

La loi organique no 96-646 du 22 juillet 1996 précise dans un premier paragraphe que la loi de financement de la sécurité sociale est votée chaque année et prévoit par l à-même les orientations politiques, les recettes et dépenses pour l'ensemble des régimes de base.

N éanmoins, le troisième paragraphe de l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale prévoit qu'outre ces dispositions, mentionnées au premier paragraphe, « les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».

Cet article 9, dont le financement ne porte pas exclusivement sur l'année 2000 mais couvre bien quatre années, définit un prélèvement qui méconnaît le principe constitutionnel selon lequel les impositions de toute nature doivent être autorisées chaque année.

En outre, cette disposition qui n'a d'effet que sur l'année concernée par le présent projet est un cavalier social, contraire aux dispositions du troisième paragraphe de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Il doit donc être déclaré irrecevable eu égard aux règles de recevabilité financières posées par les règlements des assemblées.

En conséquence, le Parlement ne saurait se prononcer sur un dispositif législatif pluriannuel, qui est en fait un cavalier social.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Yves Bur.

D'une manière plus générale, et en conclusion, madame la ministre, nous regrettons vivement qu'un tel projet de loi puisse être soumis à la représentation nationale avec autant de légèreté quant à son équilibre financier,...

M. Bernard Accoyer.

C'est un projet bâclé !

M. Yves Bur.

... et qu'il faille attendre les dernières heures précédant le débat pour découvrir dans la presse les éléments essentiels sur lesquels la commission n'a pu débattre sérieusement. En tout cas, les incertitudes qui pèsent sur la conformité de ce texte aux dispositions constitutionnelles n'ont pas été levées. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose de voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

Le Gouvernement souhaite-t-il intervenir ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Monsieur le président de la commission, souhaitez-vous prendre la parole ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j'ai été totalement convaincu par les nombreux arguments développés par Yves Bur. Son excellent exposé a permis de lancer véritablement le débat sur cet important projet de loi.

Je relèverai simplement quelques uns des éléments qui m'ont convaincu plus que d'autres de l'inconstitutionnalité de ce texte et donc de la nécessité pour nous de voter l'exception d'irrecevabilité. Il est certain que, dans sa version précédente, dans laquelle Mme la ministre avait prévu l'imposition d'un certain nombre d'organismes sociaux, imposition dont ni les modalités ni l'assiette, ni le taux n'étaient définis pas la loi, le texte nous donnait une occasion en or de plaider l'inconstitutionnalité. Nous avions là, en effet, une infraction caractérisée à l'article 34 de notre Constitution que nous n'aurions pas manqué de relever.

D'ailleurs, avant que nous ne procédions nous-mêmes à cet examen, le Conseil d'Etat, dans un avis qui aurait dû rester secret mais qui avait été assez largement diffusé, avait fait le constat de cette inconstitutionnalité potentielle.

A la suite d'événements sur lesquels nous reviendrons au cours de la discussion, le Gouvernement a brusquement changé un certain nombre de dispositions et revient devant nous avec un texte qui va être modifié par voie d'amendement.

Néanmoins, ce qui me paraît le plus choquant au regard de notre loi fondamentale, c'est le financement, par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de la politique de l'emploi. Il y a là un mélange complet des genres qui fait que, si nous suivions les propositions du Gouvernement en la matière, les finances publiques seraient réparties en deux budgets distincts. Or une telle innovation est parfaitement inacceptable.

Imaginons un seul instant que, par une fantaisie, le Gouvernement ait choisi de financer la politique autoroutière ou celle des tribunaux de commerce dont nous parlions tantôt par un prélèvement sur la sécurité sociale, eh bien, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité aurait procédé comme elle le fait actuellement : elle aurait prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un prélèvement sur les organismes de sécurité sociale, et nous aurions donc eu ce soir un texte qui aurait fait office de budget des transports ou de la justice.

C'est évidemment une méthode totalement inqualifiable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

C'est Goulard au pays des merveilles !

M. François Goulard.

C'est une méthode totalement inqualifiable, je le répète, un mélange des genres inacceptable. Si nous l'acceptions, ce serait une dérive extrêmement grave dans la gestion de nos finances publiques.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est de la sciencefiction !

M. François Goulard.

Nous devons garder une cloison étanche entre les comptes de la sécurité sociale et ceux de l'Etat.

Dès lors, et pour ce motif principal, le groupe Démocratie libérale, naturellement, votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour le République et du groupe de l'Union pour la démocratie Française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Terrier.

Monsieur Bur, votre motion d'irrecevabilité nous a démontré une chose : que vous n'êtes pas d'accord avec ce projet de loi ! (Sourires.) Mais à aucun moment vous ne nous avez convaincus de son irrecevabilité. D'ailleurs, vous y avez à peine consacré le cinquième du temps qui vous était imparti...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

M. Lucien Degauchy.

Vous n'avez pas écouté !

M. Jean-Yves Besselat.

Arrêtez votre disque !

M. Gérard Terrier.

... et vous avez situé toute votre intervention sur le terrain politique. Alors, puisque c'est l'aspect politique qui vous intéresse et que vous avez développé, je vous répondrai sur le même terrain, en soulignant par courtoisie, pour ne faire référence à aucune profession, les inexactitudes de vos propos.

M. Marcel Rogemont.

Vlan dans les dents ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Foucher.

Facile !

M. Gérard Terrier.

Vous nous dites que les Français attendent les évolutions nécessaires. Mais depuis plus de deux ans, monsieur Bur, et à chaque projet de loi de finances nous faisons évoluer les choses. Ce qui vous gêne, c'est que cette évolution ne correspond pas à votre projet - mais en avez-vous seulement un ? (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'aime bien quand vous réagissez, mes chers collègues de la droite, c'est que ça doit vous faire mal, et ça me fait plaisir quand ça vous fait mal. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

C'est du sadisme !

M. Gérard Terrier.

Le redressement des comptes, vous en convenez : n'est-ce pas là une réserve dans vos critiques grossières ?

M. Jean-Yves Besselat.

Matamore !

M. Gérard Terrier.

Vous reprochez à Mme la ministre de changer le mode de prévision, s'appuyant désormais sur des dépenses constatées. Mais, monsieur Bur, c'est exactement ce que vous avez demandé l'an dernier. On vous donne satisfaction et vous nous en faites tout des uite le reproche. Soyez cohérent, monsieur Bur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous demandez que la santé soit un bien accessible à tous. Mais quand nous vous le proposons dans le cadre de la CMU, vous votez contre. Alors là aussi, un peu de cohérence !

M. Jean Ueberschlag.

Vous êtes à court d'arguments !

M. Gérard Terrier.

Vous criez au centralisme et au jacobinisme. Voulez-vous que je vous parle de la PSD et de ses dérives ? N'est-il pas nécessaire que l'Etat joue son rôle ? Nous pensons que les Français doivent être traités en fonction de leurs affections, non pas de leur lieu de résidence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. Gérard Terrier.

Pour la branche vieillesse, monsieur Bur, vous nous dites qu'il faudra 66 milliards par an et vous nous reprochez de ne pas avoir de réserves : c'est tout à fait inexact. Mais, au fait, qu'avez-vous laissé pour financer les retraites ? Voulez-vous que je vous parle des 50 milliards ?

Mme Nicole Bricq.

Ils n'aiment pas ça !

M. Gérard Terrier.

Nous prévoyons, quoi que vous disiez, un abondement de ce fonds de réserve, puisque l'excédent du FSV sera conservé et pourra financer et alimenter le fonds de réserve pour les retraites. Je pourrais poursuivre mon énumération, mais je ne dispose que de cinq minutes, malheureusement. Cela dit, l'ensemble de vos incohérences me conduit à dire que nous voterons contre cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, le parole est à M. Jean-Luc Préel.

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Préel n'a plus rien à dire !

M. Jean-Luc Préel.

Vous me connaissez mal ! (Sourires.) Quelques mots pour dire tout le bien que je pense de cette exception d'irrecevabilité, excellement défendue par mon collègue Yves Bur et brillamment complétée par François Goulard. Nous avons entendu des arguments très forts sur l'inconstitutionnalité de ce projet de loi.

M. Jean-Jacques Weber.

M. Bur est un alsacien de choc !

M. Jean-Luc Préel.

Nous sommes aujourd'hui invités à discuter de la loi de financement de la sécurité sociale.

Cette loi engage toute la protection sociale, la santé, la famille et la retraite. Or les recettes sont aujourd'hui loin d'être claires. Vous avez improvisé le financement des 35 heures. Il est logique, à notre sens, que l'Etat compense la totalité des exonérations de charges qu'il décide. C'est d'ailleurs un progrès apporté par la loi de 1994 ; avant cette date, l'Etat décidait des exonérations qu'il ne compensait pas.

M. Jean Ueberschlag.

C'est vrai.

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez présenté une loi de financement improvisée - dis-je - puisque, pour financer les 35 heures, l'Etat transfère les taxes sur le tabac et crée un nouvel impôt sur les bénéfices des entreprises, ainsi que la taxe sur les activités polluantes qui avait, à notre sens, une autre vocation, ne serait-ce que d'améliorer l'environnement, la qualité de l'eau et de l'air.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il n'à rien compris au double dividende !

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur Alfred Recours, voulezvous une explication de texte ?

M. le président.

Mes chers collègues, M. Préel ne dispose que de cinq minutes. Même si vous n'avez rien compris, ce n'est pas très grave.

M. Jean-Luc Préel.

Comment dois-je l'entendre ?

M. le président.

Je voulais dire, monsieur Préel, qu'il n'était pas nécessaire que votre propos soit compris par tout le monde.

M. Jean-Luc Préel.

Vous pensez que je ne peux pas les convaincre ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Notre opinion est faite !

M. Jean Ueberschlag.

Vous êtes un président partial ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Ueberschlag, nous représentons des régions proches, et je tablais sur votre sens de l'humour.

Il n'y a avait rien d'insultant dans mon propos et

M. Préel ne l'a pas pris comme ça.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

M. Jean-Luc Préel.

Non !

M. le président.

Je l'imagine !

M. Jean Ueberschlag.

Vous semblez insinuer que ce que dit M. Préel est sans importance !

M. Jean-Luc Préel.

Il faut faire preuve d'un peu d'humour, bien que le sujet soit sérieux.

Je vous dis donc à tous que nous sommes prêts à siéger jusqu'à samedi soir sans aucun problème.

M. Marcel Rogemont.

Même jusqu'à dimanche matin ! Rien que pour vous empêcher d'aller à la messe ! (Sourires.)

M. le président.

Mes chers collègues, si on revenait à une discussion sereine et si possible sérieuse, cela permettrait à M. Préel de respecter son temps de parole.

Car lorsqu'il vous dit qu'il est prêt à siéger jusqu'à samedi, c'est évidemment une boutade puisqu'il ne dispose que de cinq minutes pour l'instant. (Rires.)

Monsieur Préel, vous avez la parole.

M. Jean-Luc Préel.

Je vous remercie, monsieur le président, mais je ne sais pas de combien de temps je dispose parce que j'ai été interrompu depuis le début de mon intervention !

Mme Odette Grzegrzulka.

Il y a les arrêts de jeu !

M. Jean Ueberschlag.

Ça recommence !

M. Jean-Luc Préel.

Finalement, madame la ministre, vous aviez un grand projet, celui de mettre à mal la gestion paritaire et de ponctionner les différents organismes.

Mme Odette Grzegrzulka.

Aucun rapport avec le texte ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Luc Préel.

Mais si ! Je vous expliquerai, madame Grzegrzulka.

M. Marcel Rogemont.

Vous n'étiez pas en commission !

M. le président.

Madame Grzegrzulka, ne m'obligez pas à permettre à M. Préel de reprendre son intervention.

(« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Préel, vous avez la parole et vous seul !

M. Yves Bur.

Qu'il recommence !

M. le président.

Cela étant, si vous estimez nécessaire de recommencer pour convaincre Mme Grzegrzulka, je suis prêt à vous donner le temps de parole qu'il faudra.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, nous sommes en train de discuter de la version d'un projet de loi tel qu'il a été distribué, imprimé et amendé par la commission.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel.

Or on a appris, par la presse, qu'il avait été transformé, mais pour l'instant nous ne sommes pas saisis de la nouvelle version.

M. Yves Bur.

C'est scandaleux d'ailleurs !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il fallait être en commission ce matin.

M. Jean-Luc Préel.

Donc, on discute pour l'instant de la ponction sur les organismes sociaux.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous en avons débattu en commission !

M. Jean-Luc Préel.

Pas en séance plénière ! (Exclamations et protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Madame la ministre, si vous voulez vous exprimer, je suis à votre disposition. (Rires.)

Puisque vous n'avez pas voulu vous exprimer plus tôt, je vous écoute, madame la ministre.

M. Jean-Yves Besselat.

C'est le désordre socialiste !

M. le président.

Monsieur Préel, il n'est pas dans la tradition de donner la parole au Gouvernement pendant les explications de vote.

Mes chers collègues, si vous vouliez retrouver votre calme, le débat gagnerait en clarté et en solennité. Poursuivez, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Pour financer les 35 heures, vous envisagiez de ponctionner les organismes sociaux, malgré le vote négatif de tous les conseils d'administration, ce qui est absolument étonnant. Comme vous avez buté sur la volonté de ces organismes, vous avez improvisé une modification. Après l'improvisition, la reculade, constatée par tous, mais le financement n'est pas encore bouclé. Si j'ai bien compris, vous avez officiellement renoncé à ponctionner l'UNEDIC...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Quelle brillante analyse !

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

... et l'ARRCO !

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

Mais pour la protection sociale, il semble bien que les 5,6 milliards dont on parle iront bien au FSV. Finalement, vous les ponctionnez quand même ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Exactement ! Il a raison !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Oui, mais pas pour le fonds d'allégement ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

J'aimerais avoir une explication sur le financement réel.

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est du blanchiment.

M. Jean-Luc Préel.

Vous ne préparez pas l'avenir de la famille, et on en reparlera tout à l'heure ; vous n'engagez pas la réforme très attendue des retraites, et les retraités ont raison de se faire du souci. Pour la santé, vous augmentez l'ONDAM de plus de 4 %. Certes, il est logique de tenir compte du réalisé, et je vous félicite, madame la ministre,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah, merci !

M. Jean-Luc Préel.

... mais pourquoi changer les bases de données ? Prenez l'objectif de l'année dernière, tenez compte du réalisé, appliquez le taux d'augmentation, et nous serons d'accord !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Et voilà !

M. Jean-Luc Préel.

Nous pourrons comparer ainsi l'augmentation réelle de 2000 par rapport à l'objectif 1999. L'augmentation réelle de l'ONDAM n'est donc pas de 2,5 %, mais de 4,1 ou de 4,2 %.

M. Marcel Rogemont.

Les hôpitaux ne vont pas s'en plaindre !

M. Jean-Luc Préel.

Excellente remarque. Parce qu'on peut se demander en effet comment l'enveloppe sera répartie.

M. Bernard Accoyer.

Les copains d'abord !

Mme Nicole Bricq.

Ça, c'est vous !

M. Jean-Luc Préel.

Sera-t-elle répartie part par part ou prendra-t-on l'ensemble de l'enveloppe ?

M. le président.

Mon cher collègue, concluez.

M. Jean-Luc Préel.

La réforme Juppé, madame la ministre, que vous aviez tant critiquée, était fondée sur le vote de l'ONDAM par le Parlement et sur le respect de l'autonomie des branches, ce que vous n'avez pas fait pendant deux ans et demi.

Il n'est que de lire l'article de M. le président de la CNAM, aujourd'hui,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oh, non !

M. Jean-Luc Préel.

... qui est quand même un président tout à fait raisonnable et responsable.

On est bien obligé de se référer au président de l'organisme qui s'occupe de la santé ! Vous instituez demain les lettres clés flottantes, qui sont en fait une sanction collective par excellence. Vous ne résoudrez pas, madame la ministre, les problèmes contre les professionnels. Ce discours, vous le teniez, il y a deux ans : « Jamais, disiez-vous, nous ne réformerons la protection sociale contre les professionnels. » Mais ceux-ci

ne sont pas d'accord avec votre réforme. Il est vrai qu'ilso nt prochainement des élections. Mais on peut comprendre leur désaccord.

Bref, vous n'avez pas de réelle politique de santé publique prenant en compte la prévention et l'éducation.

A notre grand regret, ce projet ne nous convient pas.

C'est pourquoi l'UDF souhaite le vote de cette exception d'irrecevabilité et, si elle n'est pas adopté, nous dépose-r ons un recours devant le Conseil constitutionnel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, avant de donner la parole aux derniers orateurs inscrits, je vous annonce que sur le vote de l'exception d'irrecevabilité il y aura un scrutin public à la demande des groupes UDF et Démocratie libérale. Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean Bardet.

Notre collègue Yves Bur vient de développer les arguments qui amèneront le groupe RPR à voter cette exception d'irrecevabilité. En effet, aucun des défis qui se posent à nos concitoyens en matière de protection sociale à la veille du troisième millénaire n'ont été abordés. Ce projet de loi a une vision purement comptable de la santé et de la protection sociale. Aucune politique familiale d'envergure n'est envisagée. L'augmentation de 0,2 % des prestations familiales, auxquelles le Gouvernement ajoute une prime à titre exceptionnel de 0,3 %, apparaît une aumône, alors que les familles, et surtout les plus démunies, devraient être les premières à bénéficier de la répartition des fruits de la croissance.

Aucune politique des retraites n'est prévue, malgré le Livre blanc de Michel Rocard il y a maintenant dix ans, malgré le rapport Charpin qui montre que, dès 2005, suite à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations d'après-guerre, notre système de retraite par répartition sera en rupture de paiement. Les décisions qui s'imposent sont reportées à l'année prochaine, voire à plus tard. Une étude de système de Préfon qui existe déjà chez les fonctionnaires est rejetée pour les salariés du privé. C'est la seule solution qui d'ailleurs s'imposera. Au contraire, il est proposé d'annuler la loi Thomas.

Aucune politique non plus sur le plan de la santé.

Tout cela est repoussé à une loi sur la santé ou à un DMOS au printemps ; bref ce projet n'est qu'un inventaire de bonnes intentions, à la Prévert, dépourvu de données chiffrées. Que coûtera le dépistage du cancer du sein ? Du cancer du côlon, dont d'ailleurs les modalités et l'efficacité sont discutées ? Du cancer de l'utérus, qui appelle les mêmes réserves ? Où est la prévention ? La vaccination contre la grippe n'est toujours pas remboursée. Une étude a-t-elle été faite pour savoir si ce remboursement coûterait plus cher à la sécurité sociale que le traitement des grippes, y compris les arrêts de travail ? Pour les accidents de travail, le Gouvernement propose un certain nombre de mesures, mais qui ne sont pas financées.

Ce projet n'a aucune vision d'avenir ; il est opaque, il mélange les genres, puisqu'il est essentiellement orienté vers le financement des 35 heures, mais je n'y reviens pas.

Comme l'a montré Yves Bur, ce projet de loi est contraire à la Constitution, contraire à la Déclaration des droits de l'homme. C'est pourquoi le groupe du RPR votera cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Le groupe communiste votera contre l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

185 Nombre de suffrages exprimés .................

185 Majorité absolue .......................................

93 Pour l'adoption .........................

50 Contre .......................................

135 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce quatrième projet de loi de financement de la sécurité sociale, au lieu de définir les priorités sanitaires et sociales et d'en prévoir les financements, est avant tout le support législatif du financement, au demeurant très partiel, de la réduction autoritaire du temps de travail. Pour ce faire, il organise un détournement des fonds sociaux.

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout de suite les grands mots !

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement l'a clairement annoncé dès la présentation du second projet de loi sur la réduction autoritaire du temps de travail, puisque son article 11 renvoyait pour son financement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Dès lors la messe était dite...

Mme Nicole Bricq.

Et pour ceux qui n'y vont pas...

M. Bernard Accoyer.

... et toutes les délégations et manoeuvres ne pourront rien changer, surtout après que les recettes du budget de l'Etat ont été votées.

Comment pouvait-il en être autrement ? L e Gouvernement part d'un postulat erroné qui consiste à affirmer que l'on pourrait travailler moins en gardant les mêmes salaires et le même niveau de protection sociale. Or, la protection sociale constitue, faut-il le rappeler, une sorte de salaire, de ressource différée garantis par la mutualisation solidaire face aux aléas de la vie, de la santé, de la vieillesse. Ce projet de loi tourne donc le dos à ces objectifs pourtant définis dans la loi fondamentale et dans la loi organique de 1996.

En ce sens, le Gouvernement fait, il est vrai, preuve de continuité.

Continuité quant à la dérive de la politique sociale qui conduit à la remise en cause de la sécurité sociale ellemême et de son principe de solidarité auquel, pourtant, le Gouvernement se dit tant attaché.

Continuité quant au détournement de l'attention des Français des perspectives d'avenir, et au détournement des prélèvements affectés spécifiquement à la politique sociale.

Continuité quant au creusement des déficits en dépit des recettes créées par des prélèvements qui atteignent de nouveaux records.

C ontinuité quant au démantèlement du système médico-social, délibérément étatisé, encadré, contrain t sans pour autant être réformé alors qu'il devrait l'être pour continuer à répondre, d'une part, aux besoins sans cesse croissants et, d'autre part, à la légitime exigence de qualité des soins.

Continuité dans la mystification et le camouflage des réalités des comptes de l'assurance maladie, de l'avenir des retraites et de la politique familiale.

Continuité avec la création et l'abondement virtuel de fonds multiples, voire le siphonnage de fonds existants.

Citons les plus importants : fonds d'aide à la modernisation des hôpitaux ; fonds d'aide à la qualité des soins de ville ; fonds de réserve de la retraite par répartition - vide, désespérément vide ; il est vrai qu'il a été créé ce matin dans le Journal officiel, quelle heureuse coïncidence ! ; fonds de financement de la couverture maladie universelle ; fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - même le terme est une mystification puisqu'il s'agit, on le sait bien, du dispositif pour financer les 35 heures.

Reste le fonds de solidarité vieillesse, détourné de son but social au profit de la politique gouvernementale de l'emploi.

C'est la politique des fonds multiples... ou, plutôt, la politique des détournements de fonds !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est fin, c'est élégant !

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que je vais vous démontrer, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'en doute pas, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Ce projet de loi est fondé, je le répète, sur une politique de détournement de fonds sociaux au profit de la politique de l'emploi.

Telle est la vérité du contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cela nous conduit, certes, à féliciter le Gouvernement pour sa parfaite maîtrise de la sémantique, mais aussi à dénoncer son hypocrisie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

C omment oser parler de réforme des cotisations sociales patronales quand il s'agit, en fait, de détournement de fonds sociaux pour financer, très partiellement, le surcoût du travail, conséquence des 35 heures obligatoires ? Il s'agit, d'une part, évidemment, d'une dépense d'Etat, d'une dépense de politique de l'emploi, et, d'autre part, d'une manipulation de la ristourne Juppé, c'est-àdire des baisses de charges jusqu'à hauteur de 1,3 SMIC, soit 39,5 milliards de baisse de charges existant déjà.

Vous ne diminuez donc les charges sociales pour 2000 que de 25 milliards de francs ! Cacher ce renoncement face aux responsabilités qui sont les vôtres pour garantir l'avenir des retraites dès 2005 en créant, en 1998, le fonds de réserve de la retraite par répartition, annoncer qu'il sera doté d'un montant, d'ailleurs dérisoire, de 2 milliards de francs alors que ce fonds ne résoudra rigoureusement rien s'il n'apporte pas pour couvrir le déficit inéluctable de la branche vieillesse plusieurs centaines de milliards chaque année, et ce dès les prochaines années, c'est-à-dire dès les années 20052010 - ainsi que cela a été démontré dans toutes les études, y compris dans celles que vous avez commandées, et en particulier le rapport Charpin : tout cela constitue, bien évidemment, des manoeuvres ! De qui se moque-t-on ? Des Français, des retraités, des futurs retraités ! Ce projet de loi de financement caractérise la politique du Gouvernement : le gaspillage des occasions manquées créées par la croissance...


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M. Jean-Pierre Pernot.

Les occasions manquées, c'est vous !

M. Bernard Accoyer.

... ainsi que le renoncement aux réformes qui, seules, pourraient sauver la protection sociale. Cette attitude est particulièrement dangereuse compte tenu de la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui notre protection sociale.

Je voudrais rappeler à cet instant où vous avez conduit la sécurité sociale en renonçant aux réformes structurelles indispensables qu'il eût fallu poursuivre. Mais vous n'en avez pas eu et vous n'en avez toujours pas le courage.

D'abord les comptes.

La loi de financement pour l'an 2000 porte les recettes de la sécurité sociale à un niveau record jamais atteint de 1 873 milliards, davantage que les recettes du budget de l'Etat ! Si l'on compare ce chiffre au niveau de recettes prévu pour 1998, on voit qu'en deux ans, les recettes espérées par le Gouvernement auront augmenté de 153 milliards, c'est-à-dire de près de 9 %, essentiellement grâce à la croissance mais aussi grâce à des prélèvements nouveaux, principalement sur l'épargne.

Depuis 1997, on compte pas moins de douze créations ou extensions de prélèvements obligatoires en matière sociale avec, dans la loi de financement de 1998, la substitution de la CSG aux cotisations sociales maladie qui s'est traduite par une hausse des prélèvements sur les revenus du patrimoine et une ponction de 4,5 milliards de francs ; le passage de 6 à 8 % du taux de la taxe sur les contrats de prévoyance supplémentaires ; le déplafonnement des cotisations d'allocations familiales des non-salariés ; l'augmentation de la taxe sur la publicité pharmaceutique ; la création de la taxe sur les ventes directes de médicaments ; la création de la taxe de santé publique sur les tabacs - quelle imagination ! ; l'extension de l'assiette des prélèvements sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ; dans la loi de financement de 1999, le reversement-sanction sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques n'ayant pas signé d'accord de limitation ; dans la loi relative à la CMU en mai dernier, la contribution assise sur le chiffre d'affaires santé des organismes de protection sociale complémentaire ; dans le second projet de loi sur la réduction autoritaire du temps de travail, la taxe de 10 % sur les heures supplémentaires ; et, enfin, dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, le projet de création d'une contribution sociale sur les bénéfices des entreprises et, dans le même esprit, le projet d'élargissement de la taxe générale sur les activités polluantes.

Cette forte augmentation des prélèvements pour la sécurité sociale, ajoutée aux restrictions apportées à la politique familiale, explique la réduction des déficits alors même que les dépenses d'assurance maladie ont explosé.

L'objectif national des dépenses d'assurance maladie est passé de 600 milliards en 1997 à 658 milliards dans le projet pour l'an 2000. L'augmentation annuelle en volume est trois fois plus élevée pour 1998 et 1999 que sur la période 1996-1997 et, cette année, les prélèvements sociaux obligatoires atteindront le taux record de 24,5 %.

On se retrouve, en fait, dans le même scénario que nous avons connu sous la gestion Bérégovoy et Rocard, qui avait conduit à 160 milliards de francs de dette sociale...

M. Jean-Luc Préel.

Pouvez-vous répéter ?

M. Bernard Accoyer.

... et à 330 milliards de déficit de l'Etat.

M. Jean-Luc Préel.

Combien ? Tout le monde a oublié.

Pouvez-vous nous citer à nouveau ces chiffres ?

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, nous entendons souvent, lors des questions orales au Gouvernement, votre refrain sur les comptes que vous auriez prétendument trouvés en 1997. Aussi, à la demande de notre collègue Préel, et comme vous n'y avez pas porté toute l'attention qu'ils méritaient, madame la ministre, je rappelle les chiffres que je viens de citer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous ai écouté !

M. Bernard Accoyer.

La situation en 1993 était caractérisée par 160 milliards de dette sociale et 330 milliards de déficit des comptes de l'Etat.

M. Jean-Luc Préel.

Excusez du peu !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est totalement faux !

M. Bernard Accoyer.

Ainsi les dépenses d'aujourd'hui préparent-elles - hélas et encore ! - les déficits de demain.

Mais ces données doivent être évaluées en tenant compte des dettes sociales déjà connues et des déficits à venir de la branche vieillesse.

La caisse d'amortissement de la dette sociale, dite CADES, est chargée de 370 milliards de francs.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Là, ce sont vos déficits !

M. Bernard Accoyer.

Non, madame la ministre, contrairement à ce que vous dites, ce sont les déficits de 1993 cumulés qui constituent l'essentiel du contenu de la CADES.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a 266 milliards qui vous sont dus !

M. Bernard Accoyer.

La CADES est donc chargée de 3 70 milliards de francs financés par le RDS jusqu'en 2014.

Madame la ministre, je vous rappelle que, l'année dernière, vous avez encore chargé la CADES de 70 milliards et allongé sa vie de cinq ans. Il faut rendre à César ce qui est à César, ce que je fais volontiers.

S'agissant des perspectives de la branche vieillesse, le rapport commandé par le Gouvernement à M. Charpin prévoit que le niveau de réserves nécessaires pour assurer les retraites devra être de l'ordre de 300 milliards annuels d'ici à 2020 et de l'ordre de 600 milliards de francs annuels vers les années 2030 et 2040.

Comment ne pas s'inquiéter de votre refus d'assumer vos responsabilités ? Nous y reviendrons plus loin.

Outre ces dettes, il y a aussi des perspectives de dépenses non financées, non compensées. Tel est le cas de la couverture maladie universelle.

En créant la CMU, le Gouvernement a, certes, voulu améliorer l'accès aux soins des plus démunis, but partagé par tous, mais il l'a fait en démantelant le dispositif de l'aide médicale gratuite, cette action sociale de proximité dispensée dans les mairies et dans les départements.

La CMU effacera ce travail micro-social irremplaçable et n'améliorera pas pour autant la dimension personnelle, si importante, de la solidarité.

En dirigeant vers les caisses primaires les populations qui sont, par définition, en difficulté, ce dispositif charge encore davantage les caisses qui ne sont pas préparées à ces tâches. Ces dernières devront, d'ailleurs, embaucher


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des milliers de salariés supplémentaires, vous l'avez rappelé ici même, il y a quelques jours. Les frais de gestion de l'assurance maladie en seront durablement affectés.

Mais les deux plus graves conséquences de la CMU sont humaines et financières.

Sur le plan humain, la CMU instaure la sécurité sociale à deux vitesses, la sécurité sociale des pauvres, une sorte de Medicaid français, et celle des autres. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Il vaut peut-être mieux qu'ils ne se soignent pas du tout !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est honteux !

M. Bernard Accoyer.

Les plus pauvres sont ainsi montrés du doigt. Ils sortent du droit commun. C'est pour cela que l'opposition proposait, quant à elle, l'accès à une couverture complémentaire pour tous par la prise en charge de la cotisation de l'assurance complémentaire par les collectivités.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Sur le plan financier, les 9 milliards de francs annoncés pour le financement de la CMU sont tout à fait irréalistes, même pour la première année et encore plus pour les années suivantes. Le besoin de financement pourrait s'élever, vous le savez bien, jusqu'à 50 milliards de francs en quelques années. Ces évaluations sont faites par des spécialistes, ceux de la Fédération française des assurances.

A noter que la subvention d'équilibre de l'Etat prévue dans le texte de la CMU ne figure pas dans la loi de finances pour 2000. Nous ne l'avons découverte nulle part. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous aurez à coeur à nous expliquer où se trouve cette ligne budgétaire.

Les mutualistes s'inquiètent à juste titre de ces perspectives...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce ne sont pas eux qui paient !

M. Bernard Accoyer.

... et les bénéficiaires quant à eux pourraient être moins nombreux que prévu si l'on en croit le projet de décret dont la presse s'est fait l'écho. Il est vrai que l'Etat, malgré la loi de 1994, s'exonère facilement de ses engagements et de ses dettes à l'égard des régimes sociaux.

Faut-il rappeler que, pour les contrats emplois-solidarité, les collectivités ne cotisent pas à l'UNEDIC alors que celle-ci prend en charge les titulaires des CES lorsqu'ils se retrouvent à nouveau au chômage ? Cette défaillance coûte 1 milliard de francs par an à l'UNEDIC, ce qui représente, depuis 1996, 3 milliards de francs.

Le plus grave manquement dans ce domaine des impayés de l'Etat réside dans la retraite des préretraités du FNE. Depuis 1984, l'Etat n'a jamais payé aux régimes complémentaires de retraite ARRCO et AGIRC les sommes dues à ce titre. Ce sont ainsi 50 milliards de francs que ces régimes ont avancés à l'Etat en versant les pensions correspondantes. Et figure encore dans le texte que nous examinons à cette heure un prélèvement de 700 millions sur l'AGIRC et l'ARRCO pour financer les 35 heures.

Au total, avant d'examiner point par point le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, notons, madame la ministre, que jamais les prélèvements sociaux n'auront été aussi élevés alors que l'endettement social atteint un record - près de 400 milliards de francs et que les mesures non financées n'ont, elles aussi, jamais été aussi nombreuses et aussi lourdes.

Madame la ministre, conduire une politique sociale, c'est avant tout veiller à pouvoir la financer aujourd'hui et demain. C'est cela la solidarité entre les générations.

Sur cette dernière exigence, rien n'est acquis et la politique de gesticulation emblématique qui guide l'action du gouvernement Jospin pour la sécurité sociale, au sens littéral du terme, de nos concitoyens restera comme une grande mystification.

Quelques chiffres méritent d'être rappelés : 35 milliards de francs pour les emplois publics et leur sortie ; 50 milliards de francs pour la couverture maladie universelle, sans parler des charges de gestion nouvelles pour les caisses d'assurance maladie ; 110 milliards de francs pour les 35 heures obligatoires ; 370 milliards de francs pour les dettes de la CADES ; 50 milliards de francs dus à l'AGIRC et l'ARRCO pour les préretraités du FNE ; 15 milliards de francs non financés pour le déficit de la branche maladie en 1997 et 1998, auquel il convient d'ajouter le non-financement des retraites à hauteur de plusieurs centaines de milliards de francs chaque année dès le bogue de 2005 de la retraite, bogue connu puisqu'il succède tout simplement au baby-boom de 1945.

Si le Gouvernement prétend affecter pour 2000, 65 milliards de francs à la baisse des charges dont il dit qu'ils financeront les 35 heures, observons d'abord qu'il ne s'agit en fait que de 25,5 milliards de francs nouveaux.

En effet, les 39,5 milliards de francs provenant des taxes sur les tabacs de la ristourne Juppé, c'est-à-dire de la baisse des charges jusqu'à 1,3 SMIC, existent déjà, même s'ils se trouvaient au budget de l'Etat, ce qui était normal et transparent. Curieusement, à la suite de cette manipulation, de ce siphonnage du budget de l'Etat vers les comptes sociaux, ils font désormais défaut.

Evidemment 25,5 milliards de francs ne couvriront nullement le surcoût de travail lié au 35 heures en 2000, pas plus que 70,5 milliards en 2001.

Les entreprises, les salariés supporteront le coût des 35 heures, confirmant l'erreur basique du Gouvernement.

On ne peut travailler moins et garder les mêmes revenus et la même protection sociale ! Cela, hélas ! nous devons le répéter puisque le Gouvernement s'obstine à le cacher aux Français.

Cette analyse démontre que ce sont bien les acteurs sociaux qui payeront les 35 heures.

Voyons comment les mesures que vous proposez au Parlement équivalent à un détournement des fonds au profit d'une hypothétique politique de l'emploi.

Une première partie de ces mesures comporte la création de trois impôts : la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises, la taxe générale sur les activités polluantes et la taxe sur les heures supplémentaires.

Cette première partie est surprenante car elle fait fi de l'objectif légal de financement social qui, par essence, doit être celui d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. En réalité, il s'agit d'impôts nouveaux pour financer une mesure gouvernementale, une promesse électorale hâtive, présentée comme efficace contre le chômage.

C'est une opération de siphonnage multiple.

C'est un siphonnage de la taxe sur les tabacs dont la logique voudrait, non pas qu'elle soit destinée définitivement à financer les 35 heures, mais que son produit soit consacré davantage puis entièrement à l'éducation sanitaire, à la prévention et à l'assurance maladie. On dirait


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que vous encouragez à fumer pour que l'on puisse travailler moins. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

On sait depuis hier soir que l'on pourrait dire la même chose à propos de l'alcool. Vous nous annoncez une loi sur la santé publique. On peut s'interroger sur les moyens financiers qui seront mis à disposition de l'éducation sanitaire et de la santé publique dès lors que vous aurez soigneusement asséché les sources financières les plus légitimes en un tel domaine.

C'est aussi un siphonnage des finances sociales avec des prélèvements prévus sur le régime général de la sécuri té sociale, l'UNEDIC, l'AGIRC et l'ARRCO à hauteur de 27,5 milliards de francs en 2000 et de 38 milliards chaque année ensuite. Même si vous avez annoncé sous la contrainte que vous reculiez, on voit quel est votre état d'esprit.

Comme l'ont dénoncé unanimement les partenaires sociaux, ce détournement des fonds sociaux, cet assèchement de la démocratie sociale stigmatisé par le Président de la République lui-même, est de la plus haute gravité.

Cela fait en effet cinquante-cinq ans que le partenariat prévaut en France pour développer la protection sociale.

Or le coup de force du Gouvernement, même après sa dérobade de dernière minute, pourrait bien conduire les partenaires sociaux à renoncer à leurs responsabilités au moment où se profilent pourtant les défis immenses que sont la survie et l'évolution de la réforme de l'assurance maladie, l'avenir de la branche vieillesse menacée désormais à court terme.

Qu'adviendrait-il de la protection sociale si le départ des partenaires sociaux en consacrait l'étatisation ? Que deviendrait la protection sociale face au rejet que ce statut déclencherait tôt ou tard ? Alors que les partenaires sociaux demeurent des gestionnaires reconnus comme légitimes par nos concitoyens, ce dont on doit se féliciter, et ce en dépit du transfert des cotisations maladie sur la CSG, mesurez-vous, madame la ministre, les conséquences d'un tel désengagement ? L'opposition dans son ensemble et le RPR en particulier sont très attachés au partenariat social et au paritarisme gestionnaire social.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

L'UDF aussi !

M. Bernard Accoyer.

C'est le seul lieu qui pourra permettre de relever les grands défis de la protection sociale du

XXIe siècle.

L'article 2 du projet de loi de financement crée donc un nouveau fonds dit « de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ». Cette appellation est fallacieuse, car la création de ce fonds répond à une seule et unique nécessité : le financement partiel de la hausse du coût du travail due à la réduction du temps de travail.

Arrêtons-nous quelques instants sur la nécessité de ce fonds, sur son efficacité, sur son sens et sur ses conséquences.

Sa création est justifiée de façon mécanique par la baisse du temps de travail de 11,4 %, donc par la hausse tout aussi mécanique du coût du travail de 11,4 %. Admettons que la flexibilité, la modulation réduisent ce coût dans certaines activités et que l'on puisse estimer finalement la hausse du coût du travail à seulement 10 %. C'est cette hausse du coût du travail que le Gouvernement cherche à compenser partiellement.

Madame la ministre, votre discours a toujours été que la réduction du temps de travail devait créer des emplois.

A l'appui de vos propos, vous avez produit, en temps opportun, des études complaisantes. Plus récemment, vous vous êtes livrée avec un aplomb remarquable à des manipulations aboutissant à multiplier par trois ou quatre les emplois créés en 1998 par la loi Robien et par la première loi sur la réduction du temps travail, qui n'était, rappelons-le, pas contraignante, puisque c'est la seconde qui instaure le caractère obligatoire de la réduction du temps de travail.

Evidemment, certaines entreprises qui présentaient la double particularité d'avoir besoin de flexibilité et de se situer dans un contexte de développement ont utilisé la flexibilité et les aides qui accompagnaient ce texte. A titre d'exemple, cela a concerné 2 % des entreprises qui ont répondu au questionnaire que j'ai fait parvenir à toutes les entreprises de la circonscription dont je suis l'élu.

Mais, aujourd'hui, au moment où nous arrivons à l'obligation de réduction du temps de travail, dans quelques semaines, pour ne pas dire dans quelques jours, ce sont des entreprises qui, pour la plupart, sont hors de ce contexte, hors de l'effet d'aubaine, qui seront appelées à mettre en oeuvre cette obligation de réduire le temps de travail de 11,4 %, obligation qui constitue une nouvelle spécificité française.

Après un record de brièveté de la durée de travail au cours de la vie, nous allons cumuler un second record, celui de la plus courte durée de travail annuelle. Il n'est pas besoin d'être un grand analyste économique pour comprendre que cela relève de la gageure. Les Français nes ont d'ailleurs pas dupes. Nos partenaires ne s'en gaussent-ils pas ? Encore n'ont-ils pas tous fait le petit calcul suivant qui en dit long sur le coût réel des 35 heures, sans compter les pertes d'emplois liées aux délocalisations et au manque d'investissement en France.

Si les deux lois sur la réduction du temps de travail créaient 100 000 emplois, le coût serait, selon vos propres chiffres, de 110 milliards de francs, soit 1,1 million par emploi créé.

M. Christian Cabal.

Quel gâchis !

M. Bernard Accoyer.

Si 500 000 emplois étaient créés, selon l'hypothèse la plus optimiste, cela mettrait l'emploi créé à 500 000 francs.

Passons, si vous le voulez bien, sur ces chiffres et abordons l'article 3 qui créé la contribution sociale sur les bénéfices.

Alors que M. Strauss-Khan fait miroiter la suppression de la surtaxe de 1997 à l'impôt sur les sociétés, vousmême instaurez une nouvelle taxe sur les sociétés...

M. Jean-Louis Debré.

Ils adorent cela !

M. Bernard Accoyer.

... dont le chiffre d'affaires dépasse les 50 millions de francs. On se demande s'il y a un Premier ministre pour orchestrer l'action gouvernementale ! Cette taxe dont l'assiette est comparable à celle de l'impôt sur les sociétés sera affectée au fonds créé à l'article 2. Son rendement est évalué pour 2000 à 4,3 milliards.

Mais, là encore, il est clair que le taux de cette taxe est destiné à croître. D'ailleurs la commission des finances a adopté un amendement visant à pérenniser les recettes fiscales de la contribution sociale sur les bénéfices, au motif que, assise sur l'impôt sur les sociétés, elle pourrait


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voir son rendement fluctuer. En d'autres termes, on invente l'impôt à périmètre constant et les taux flottants au risque de faire couler les entreprises.

Le Gouvernement continue sur sa lancée avec l'extension du champ de la TGAP, qu'il avait créée par la loi de finances de 1999, aux produits phytosanitaires, aux lessives et aux granulats. Son rendement pour 2000 est estimé à 4 milliards de francs. En 2001, elle devrait se transformer en écotaxe en touchant la consommation d'énergie des entreprises et atteindre quelque 12 milliards de francs. Là encore, c'est de l'improvisation. L'extension de la TGAP aux phytosanitaires, sans concertation, provoque la colère des agriculteurs et de leurs représentants, au premier rang desquels la FNSEA, le CNJA, et même l'assemblée permanente des chambres d'agriculture.

Cette taxe ponctionnera 300 millions de francs sur l'industrie phytosanitaire dès 2000, soit 3 % de son chiffre d'affaires. Elle risque donc d'être répercutée sur le prix des produits avec des conséquences pour les agriculteurs qui, eux, ne pourront se retourner sur le consommateur, vu la formation des prix agricoles.

Il n'est, par ailleurs, guère opportun d'instituer une pareille taxe pour un secteur qui fait face à des concurrents internationaux non touchés par ce type de fiscalité : les pays tiers ignorent ces pratiques, à part la Suède, la Belgique et le Danemark. De nouveaux circuits d'approvisionnement seront donc encouragés.

Il est clair également que l'environnement n'est pas la préoccupation du Gouvernement, dans la mesure où ce prélèvement fiscal n'est pas affecté à des opérations d'environnement.

Le Gouvernement ignore ostensiblement les proposit ions concrètes du monde agricole qui, depuis décembre 1998, souhaite, en concertation avec les industries des phytosanitaires, des engrais, et le négoce agricole, un plan d'action pour la reconquête de la qualité de l'eau en partenariat avec les agences de l'eau et financé par l'ensemble de la filière agricole.

L'hypocrisie continue avec l'extension de la TGAP aux lessives, qui provoque également la colère des industriels français du secteur, qui regrettent l'absence totale de concertation préalable.

Là encore, la préoccupation du Gouvernement n'est pas l'environnement puisque, quelles que soient les démarches des lessiviers en faveur de la réduction des phosphates, ils seront taxés, le niveau inférieur de taxation étant de 440 francs la tonne pour les lessives sans phosphates ! Notons de surcroît que 60 % des lessives ne contiennent plus de phosphates.

Là encore, il est probable que cette taxe se traduira par une hausse des prix, donc qu'elle pèse sur le consommateur, alors que le paquet de lessive est un produit de première nécessité.

Même la mère Denis, qui n'était pas une spécialiste en ce domaine mais ne manquait pas de bon sens (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , aurait vu ce qu'il y a de choquant à affecter la TGAP au financement de la sécurité sociale, dépense pérenne par essence, alors que cette taxe devrait avoir vocation à s'éteindre progressivement du fait de la diminution des activités polluantes.

Nous voilà donc avec la fiscalité écologique au coeur d'un nouveau domaine, l'art sémantique, pour lequel le Gouvernement excelle.

Il ne s'agit ni plus ni moins pour lui que de masquer le matraquage fiscal qu'il inflige aux Français, sous couvert de causes pertinentes. On se souvient qu'il avait déjà utilisé cette ficelle en augmentant la taxe sur le gazole sans pour autant diminuer celle sur l'essence sans plomb.

Mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale restera dans les annales de la vie parlementaire puisque tous les commissaires des affaires sociales ont reçu du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie un projet d'amendement de suppression de l'article 2. Faut-il que la situation soit inquiétante !

M. Jean-Louis Debré.

Et ils ne se rendent compte de rien !

M. Bernard Accoyer.

C'est probablement pour atténuer la colère des partenaires sociaux que le rapporteur de cette même commission propose un amendement pour trouver des financements supplémentaires en augmentant de 15 % - excusez du peu - le montant de la cotisation des employeurs à la caisse des maladies professionnelles et accidents du travail. Sans sourciller, Alfred Recours estime à précisément 7,8 milliards le coût des retards ou absences de déclarations de maladies ou accidents professionnels.

M. Christian Cabal.

C'est à prouver !

M. Bernard Accoyer.

Ce stratagème n'enlève rien à la logique de détournement des fonds sociaux. Cette hausse est envisagée alors que la branche accidents du travail est bénéficiaire et que, pour répondre à la logique de prévention qui en régit le fonctionnement, les cotisations auraient, au contraire, dû baisser, récompensant en quelque sorte la baisse du nombre et des conséquences des accidents et des maladies professionnelles.

M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Cette hausse va conduire la branche à un excédent financier, au mépris des principes particuliers qui la régissent et de la loi de 1998. Près de 8 milliards seront versés ainsi à la trésorerie de la CNAM, c'est-à-dire au régime général, en plus du milliard déjà versé l'année dernière dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons.

Ce nouveau coup de couteau dans le partenariat social n'est-il pas en fait un coup d'arnaque ? Le Gouvernement réutilise le vieil adage « divisons pour mieux régner », en l'occurrence : divisons les partenaires sociaux.

En réalité, cela permettra d'abonder la trésorerie du régime général pour essayer d'équilibrer les comptes, comme cela a été promis, et même d'abonder enfin le fonds de réserve de la retraite par répartition, le nouveau-né de cette journée.

En dépit des articles 2, 3 et 4, à finalité fiscale, qui masquent quelque peu les autres dispositions de ce texte, il reste que ce projet de loi devrait essentiellement traiter du financement des trois branches du régime général.

Pour la branche maladie, le projet de loi 2000 établit la partition entre, d'une part, l'hospitalisation publique et privée et le médicament qui se trouvent sous la responsabilité directe du gouvernement mais sont toujours financés par l'assurance maladie dont ils constituent, et de très loin, la plus importante enveloppe, et, d'autre part, les soins ambulatoires, qui doivent répondre à des transferts d'activités et de prescription depuis l'hôpital et à une forte augmentation de la demande et des besoins.


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La gestion par la CNAM des soins ambulatoires va cantonner celle-ci dans le rationnement et la réprimande puisque, avec le principe des enveloppes globales par secteur d'activités, les professionnels seront obligés de travailler toujours plus pour gagner toujours moins.

L'instauration du principe des tarifs flottants, des lettres clés flottantes met en place la sanction permanente et généralisée. Le président de la CNAM, M. Spaeth, a d'ailleurs un jugement à l'emporte-pièce sur cette mesure de l'article 17 puisqu'il la qualifie de projet ubuesque.

M. Jean-Louis Debré.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, existe-il un autre secteur traité de la sorte ? Evidemment, l'opposition et le RPR ne manqueront pas de saisir le Conseil constitutionnel sur ce point.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Le mécontentement unanine des professions indépendantes de santé, qui cèdent au découragement, traduit une grande inquiétude quant à l'avenir du système de soins ambulatoires et à leur propre avenir.

Comment en serait-il autrement, enfermés que sont ces professionnels dans un système qui s'étatise chaque jour davantage, subissant du jour au lendemain des oukases qui diminuent les tarifs sans prévenir, prescrivent de nouveaux contrôles et autres dispositifs répressifs alors qu'ils ne font qu'exercer leur métier et accomplir leur devoir ? Pourtant, partout où les tarifs flottants ont été instaurés, ils ont échoué. Un nouvel échec s'annonce donc, qui hâtera hélas ! la fin de notre système de soins. C'est la santé des Français et l'accès aux soins qui sont en cause.

M. Jean-Louis Debré.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

Chaque jour qui s'écoule nous éloigne de la maîtrise médicalisée et confirme que votre seule logique est la logique budgétaire.

Le projet de loi prévoit, dans son article 18, de nouvelles contraintes qui portent sur les motifs des arrêts de travail et les prescriptions de transport.

Elles sont parfaitement incompatibles avec le mode de fonctionnement des caisses et les obligations de respect du secret médical. Les services du contrôle médical seront évidemment saturés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'y a que 90 000 personnes !

M. Bernard Accoyer.

Ils sont en effet les seuls à pouvoir traiter des données nominatives puisque vous avez réduit l'informatisation à un simple transfert de données administratives et financières, et qu'il faut donc en tirer toutes les conséquences en dépit de son coût cumulé de 4 à 5 milliards de francs.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'avez pas honte ?

M. Bernard Accoyer.

Le taux de professionnels de santé qui télétransmettent reste extrêmement faible, en particulier chez les médecins.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

C'est une politique de gribouille, la même que celle qui consiste à faire coexister le MICA, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, au prix de sommes considérables pour diminuer le nombre de médecins, avec la généralisation des conditions d'autorisation d'exercice en France de la médecine par des titulaires de diplômes hors Union européenne.

S'agissant des soins ambulatoires, les dispositions de l'article 16 relatives aux centres de santé, chers à l'ancien ministre communiste de la santé en 1981, M. Ralite, à M. Evin et, je m'en aperçois, à Mme Gillot sont d'un autre âge. Ces établissements, emblématiques de la période la plus dogmatique du gouvernement Mauroy, retrouvent soudainement toute la sollicitude du gouvernement Jospin.

Vous passez délibérément sous silence le fait que ces centres sont très dépensiers et, en dépit de ce constat irréfutable, votre texte ne les soumet pas, contrairement aux professionnels indépendants, à un quelconque mécanisme de régulation, ce qui soit-dit en passant a horrifié le conseil d'administration de la CNAM.

M. Christian Cabal.

Clientélisme !

M. Bernard Accoyer.

Dans le même esprit, les articles 14 et 15 transfèrent sans vergogne de l'Etat vers l'assurance maladie la charge du fonctionnement des centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH, des centres de planning familial et des dépenses de désintoxication de toxicomanes hébergés ou en établissement.

Ces nouveaux transferts financiers illustrent bien le désintérêt de votre gouvernement en matière de prévention et de santé publique. Cette attitude est affligeante,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On se demande ce qui est affligeant !

M. Bernard Accoyer.

... même si, selon sa méthode habituelle, le Gouvernement nous annonce un projet de loi de santé publique au moment où il charge l'assurance maladie de cette façon et détourne les revenus des droits sur les tabacs au bénéfice du financement de sa promesse électorale des 35 heures.

Ce transfert de responsabilité financière de l'Etat vers l'assurance maladie, s'agissant des soins aux toxicomanes hébergés, soulève d'ailleurs une difficulté majeure au regard des dispositions légales sur l'injonction thérapeutique, qui pourrait, si ce transfert se faisait, se heurter aux contraintes financières de l'assurance maladie elle-même.

L'article 17, portant sur la régulation des soins de ville, occupe à lui seul plus de treize pages de ce projet de loi ! Autant dire que plutôt que d'être centré sur l'objectif majeur des lois de financement de la sécurité sociale, sur ses priorités sanitaires et financières, ce projet de loi vise à mettre en place la partition, que nous avons déjà dénoncée, de l'hospitalisation, d'une part, et des soins ambulatoires, d'autre part.

Cet article vide de son esprit même la politique conventionnelle entre les caisses et les médecins. Il organise l'étatisation des soins ambulatoires par les caisses interposées.

L'assèchement de la démocratie sociale que nous dénonçons dans ce projet de loi se poursuit par l'assèchement de la politique conventionnelle, vieille pourtant de près de quarante ans.

Madame la ministre, vous voudriez hâter la fin de notre système médico-social que vous ne vous y prendriez pas autrement.

Parmi les mesures contenues dans cet article 17, la réduction et la suppression de la participation des caisses aux cotisations sociales des professionnels conventionnés est l'une de celles qui illustrent le mieux vos intentions, avec le système des lettres-clés flottantes et les règlements conventionnels minimaux multipliés à l'envi par notre collègue Evin.


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Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça ne s'arrange pas !

M. Bernard Accoyer.

Il en est de même des primes octroyées pour ce que vous désignez comme des contrats de bonne pratique, incompatibles à l'évidence avec le principe même du serment d'Hippocrate.

Quant à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM - 658,3 milliards de francs -, après vos dénégations des années passées, vous prenez enfin en compte cette fois-ci, le montant des dépenses d'assurance maladie réalisées, que vous ne connaissez évidemment pas. Ce qui vous conduit à proposer un taux artificiel. Il serait plus précis, plus honnête et plus transparent de partir, comme cela nous a été dit tout à l'heure par M. JeanLuc Préel, de données comparables à celles des années précédentes, c'est-à-dire de l'objectif de l'année précédente.

Mais surtout, l'ONDAM est fixé sans aucune analyse des besoins sanitaires. C'est une nouvelle fois, une fixation au hasard, de convenance. Pourquoi 4,1 % ? Pourquoi pas 2 % ? Pourquoi pas 6 % ? Et surtout, pourquoi des taux différents : 2 % pour les soins ambulatoires, 2,2 % pour l'hospitalisation privée et 2,4 % ou 2,5 % pour l'hôpital public ? Madame la ministre, nous connaissons par coeur votre réplique préférée affirmant que l'hôpital « est dans les clous ». En réalité, l'hôpital va mal. Ses personnels de santé sont eux aussi inquiets et les conditions de fonctionnement se dégradent, tandis que les hôpitaux continuent de transférer autant que faire se peut leurs activités vers le secteur ambulatoire.

Pour la réforme de l'hospitalisation comme pour les retraites, vous repoussez à plus tard les mesures. C'est bien ce qu'a voulu dire le conseil d'administration de la CNAM sur ce point.

L'hôpital, hélas, ne répond plus aux besoins et la qualité des soins s'y dégrade. Votre responsabilité était déjà engagée, elle le sera encore plus avec l'étatisation que vous lui imposez.

Permettez-moi une observation, madame la ministre, concernant les hôpitaux et l'impact des 35 heures dont vous parlez désormais librement dans ce secteur. Si les salaires pèsent pour plus de 75 % de leurs budgets, la hausse de ceux-ci sera donc d'environ 8 %, soit plus de 20 milliards de francs ! Quant au médicament, contrairement aux allégations gouvernementales sur la transparence du nouveau dispositif, c'est le retour au pouvoir discrétionnaire du ministère, avec tout ce que cela peut comporter d'arbitraire avec, in fine, des déremboursements sans logique sanitaire, sur le dos des familles. La CNAM proposait tout autre chose.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est honteux !

M. Bernard Accoyer.

S'agissant des cliniques privées sur lesquelles vous avez opérées des baisses tout à fait injustes de tarifs, malgré les contraintes techniques et sanitaires, malgré les contraintes des 35 heures, vous les placez sous de multiples autres contraintes qui conduiront, et vous le savez, à la faillite de nombreux établissements. Que deviendront leurs malades, que deviendront leurs personnels soignants, que deviendront les professionnels de santé qui y exercent ? S'agissant de la branche famille, le projet de loi de financement de la sécurité sociale vient hélas confirmer le désintérêt que lui porte le Gouvernement. Dès 1997, les familles ont été la cible privilégiée du Gouvernement.

Ce fut d'abord la mise sous conditions de ressources des allocations familiales puis l'abaissement du quotient familial, qui a coûté 4 milliards aux familles, la baisse de l'allocation de garde d'enfant à domicile, la réduction de la déduction fiscale pour l'emploi d'une personne à domicile, le plafonnement de la demi-part accordée aux personnes veuves ayant élevé seules un ou plusieurs enfants.

Et pour ne rien oublier, signalons aussi la diminution du montant déductible de la pension alimentaire versée aux enfants majeurs, ou encore la baisse du montant de l'abattement accordé par enfant marié rattaché.

Cette année, les familles ont donc droit, avec l'article 7, à la diminution de la revalorisation qu'elles pouvaient attendre des bases mensuelles d'allocations familiales, revalorisation limitée à 0,3 %.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

N'importe quoi ! Vous dépassez les bornes !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

C'est vraiment n'importe quoi, ce soir !

M. Bernard Accoyer.

Avec l'article 8, les familles doivent aussi renoncer, contrairement à ce que prévoyait l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994, au relèvement de 20 à 21 ans de l'âge ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement, à l'allocation d'éducation spéciale et à l'allocation de parent isolé.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Incroyable !

M. Jean-Louis Debré.

La vérité vous énerve !

M. Bernard Accoyer.

Ça vous fait mal, mais c'est la vérité ! Quant à la garantie de ressources pour la branche famille dont il est question à l'article 9, il s'agit d'une modification des dispositions de cette même loi de 1994 qui prévoyaient de garantir que l'augmentation des recettes de la branche s'effectue au même rythme que le produit intérieur brut en francs courants. Or, la garantie proposée est « temporaire », elle se limite à la période 1998-2002.

Comment ne pas non plus observer que l'essentiel de cette garantie de ressources sera absorbé par le transfert à la Caisse nationale d'allocations familiales de la traditionnelle majoration de l'allocation de rentrée scolaire jusqu'alors à la charge de l'Etat ? Sept milliards de francs seront ainsi transférés du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale, nouveau détournement.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Rappelezvous donc ce que vous avez fait, vous !

M. Jean Ueberschlag.

La majorité commence à s'énerver !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Parce que trop, c'est trop !

M. Bernard Accoyer.

Une politique ambitieuse de la famille devrait commencer par s'attacher à une réforme libérant la branche famille des charges indues que représentent, comme l'a récemment dénoncé la Cour des comptes, la gestion du RMI, de l'allocation adultes handicapés, du FASTIF - fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leur famille -, de l'allocation logement destinée aux adultes, etc., soit presque 34 milliards de francs.

Madame le rapporteur pour la famille, voilà donc du travail pour vous. Si vous souhaitez vraiment défendre la famille, évitez que ces 34 milliards de francs soient mis


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

sur le dos des familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Mais ils ne veulent pas défendre la famille !

M. Jean-Yves Besselat.

Bien sûr que non ! La famille, c'est ringard, tout le monde le sait !

M. Bernard Accoyer.

C'est une constante du Gouvernement depuis trois ans : la femme et l'enfant, c'est-à-dire les plus faibles...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il en est d'autres qui sont faibles ! Macho !

M. Bernard Accoyer.

... ceux pour qui la cellule familiale est primordiale, sont laissés pour compte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Ueberschlag.

Ce gouvernement n'aime pas la famille !

M. Bernard Accoyer.

Cette politique est constamment réaffirmée par les décisions gouvernementales, dont l'arbitrage a consisté à mettre les marges de manoeuvre disponibles, en l'occurrence 6 à 8 milliards de francs, à la disposition des... « pacsés ». Dans le même temps, le Gouvernement refuse de servir les allocations familiales dès le premier enfant et la déductibilité des indemnités de maternité. Oui, vous avez, mes chers collègues, beaucoup de travail.

Enfin, s'il est une branche dont les enjeux sont majeurs et où il est prioritaire de traiter ces difficultés, c'est bien la branche vieillesse. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est gros de quatre-vingts pages, ne lui consacre qu'un seul article, d'environ vingt lignes.

Quel symbole ! Cela en dit long sur votre courage politique et sur vos priorités.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous pouvez parler !

M. Bernard Accoyer.

Et encore, quatre de ces vingt lignes servent à exonérer de toute solidarité envers les autres un régime spécial, le régime de retraite des agents des chemins de fer secondaires, institué par une loi du 22 juillet 1922, qui compte 10 962 retraités titulaires de droits propres et 9 500 de droits dérivés.

M. Jean Ueberschlag.

Voilà un rappel utile !

M. Bernard Accoyer.

Cette année encore, le Gouvernement frappe à nouveau la branche vieillesse par son irresponsabilité. Et il ose évoquer le fonds de financement de la retraite par répartition, dans lequel il n'a toujours rien mis. Et pour cause, puisqu'il est né... ce matin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez bien raison de souligner que ce n'est pas vous qui l'auriez créé !

M. Bernard Accoyer.

Félicitations, madame la ministre, pour cette naissance, dont nous croyions pourtant qu'elle devait être bien antérieure à ce jour heureux.

Le financement de ce fonds désormais créé repose sur d es excédents à venir. Vous conviendrez donc, madame la ministre, qu'il est purement hypothétique. En outre, puisque le financement sera en partie assuré par le fonds de solidarité vieillesse, je voudrais vous rappeler que j'ai cru comprendre, madame la ministre, que dans votre tactique de repli précipité, sous la pression des partenaires sociaux, le FSV devrait fournir 5,6 milliards de francs pour financer les trente-cinq heures. En conséquence, on ne voit pas comment votre fonds de retraite, nouveau-né à qui nous souhaitons la bienvenue, pourra être abondé.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il a urait fallu être là pendant mon discours, monsieur Accoyer. Mais cela ne vous intéressait pas, visiblement !

M. Bernard Accoyer.

La contribution sociale de solidarité des sociétés, la fameuse C3S, destinée à sauver les caisses des artisans et commerçants mis à mal par la grande distribution chère à votre coeur, messieurs de la gauche, et le fonds de solidarité vieillesse, destiné à financer les cotisations vieillesse des chômeurs, ont été créés par des gouvernements de droite pour consolider les régimes de retraite.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quelle réussite !

M. Bernard Accoyer.

Depuis le retour de la gauche, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, leurs fonds sont détournés de leurs objectifs. Cela fait maintenant onze ans que M. Rocard s'inquiétait de l'avenir des retraites. Onze ans après, les seules décisions qui se profilent font plutôt dans la destruction que dans la construction, avec l'abrogation de la loi sur les fonds de pension proposée par un amendement de la commission des finances.

M. Jean-Yves Besselat.

Rendez-nous Rocard ! Lui au moins avait quelques lueurs !

M. Daniel Marcovitch.

Qu'est-ce que vous avez fait pendant quatre ans, monsieur Accoyer ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Rien !

M. Jean-Luc Préel.

Et la réforme du régime général, par Edouard Balladur ?

M. Bernard Accoyer.

Eh bien, puisque vous m'interrogez sur les retraites, vous allez me donner l'occasion de vous répondre.

En 1989, M. Rocard a reçu le Livre blanc qu'il avait lui-même commandé. Et il savait tout. Par exemple, que les retraites n'étaient pas financées. Il savait que s'il ne prenait pas les décisions qui s'imposaient, il condamnait les retraités, présents et à venir.

M. Daniel Marcovitch.

Et vous, en 1993, qu'avez-vous fait ?

M. Bernard Accoyer.

En 1993, cher collègue, le gouvernement d'Edouard Balladur a décidé la réforme de la retraite des salariés du secteur privé.

M. Daniel Marcovitch.

Il a été très efficace !

M. Bernard Accoyer.

Cette réforme, je vais vous la détailler, chers collègues, parce que j'ai l'impression que vous ne la connaissez pas. Et c'est bien dommage, parce que vous prendriez ainsi conscience de l'une des plus grandes injustices sociales qui persistent dans ce pays par votre faute.

M. Daniel Marcovitch.

Vous avez bien raison : cette réforme était très injuste !

M. Bernard Accoyer.

Il s'est agi d'allonger la durée de cotisation des salariés du secteur privé en la portant de 37,5 années à 40 années, et ce de façon progressive,...

M. Daniel Marcovitch.

C'est ça, la justice sociale ?

M. Bernard Accoyer.

... et, dans le même temps, de réduire la pension de retraite, qui était auparavant calculée sur la dernière année de salaire, en la calculant à partir de la moyenne des vingt-cinq dernières années de salaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

M. Félix Leyzour et M. Pascal Terrasse.

Les dix dernières années.

M. Gérard Terrier.

Il est bien approximatif, votre exposé !

M. Bernard Accoyer.

Alors, chers collègues, pourquoi la persistance de la situation actuelle est-elle injuste ? En 1995, puisque vous nous demandez ce qui a été fait, le gouvernement d'Alain Juppé a décidé d'évaluer - oh, sacrilège ! - le coût des régimes de retraite de la fonction publique et des régimes spéciaux. Il a voulu confier cette étude à la commission Le Vert.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

A cette époque, monsieur Marcovitch, vos amis politiques - dont Mme Aubry hurlaient avec les loups, avec ceux qui étaient dans la rue.

Et ils ont enclenché un mouvement de grève qui a tout simplement empêché l'évaluation du coût des retraites.

Voilà pour répondre à votre question, une partie de ce qui a été réalisé. Mais ce n'est pas tout. En 1997, le gouvernement d'Alain Juppé a fait voter une loi...

M. Jean-Pierre Pernot.

Ça, c'est génial !

M. Bernard Accoyer.

... semblable à celles qui existent dans tous les pays économiquement développés et comparables aux nôtres, nos partenaires.

M. Pascal Terrasse.

L'Allemagne, par exemple !

M. Bernard Accoyer.

Oui, l'Allemagne...

M. Pascal Terrasse.

Imitons donc l'Allemagne !

M. Bernard Accoyer.

... la Hollande, les pays scandinaves, les pays d'Amérique du Nord, la Grande-Bretagne, mais également l'Espagne. Il s'agissait de la loi sur les fonds de pension. Ce texte a déclenché, à gauche, une réaction hystérique, et l'on a assisté ici-même, l'année dernière, à un ballet entre Mme la ministre et les communistes, ceux-ci souhaitant l'abrogation de la loi.

M. Daniel Marcovitch.

L'abrogation d'une loi dont les décrets d'application n'avaient pas été publiés !

M. Bernard Accoyer.

La conséquence de votre paralysie, de votre hémiplégie, de votre aveuglement...

M. Jean Le Garrec.

président de la commission.

Arrêtez !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est le diagnostic du docteur Accoyer ?

M. Bernard Accoyer.

... c'est que, aujourd'hui, les entreprises françaises et leurs salariés travaillent chaque jour davantage pour les retraités des entreprises scandinaves, hollandaises, britanniques, canadiennes ou américaines. Cela vous fait peut-être rire...

M. Jean-Pierre Pernot.

Oh non !

M. Bernard Accoyer.

... mais c'est extrêmement grave.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Une sorte de capitalisme populaire s'est établi, en effet, avec la légitimité que lui confère, précisément, son caractère populaire. Cela met la majorité mal à l'aise, et je la comprends.

M. Jean-Louis Debré.

Evidemment !

M. Bernard Accoyer.

Aujourd'hui, elle sait que les fonds de pension sont indispensables. Alors, elle parle de la retraite par capitalisation, de l'épargne-retraite.

M. Jean-Pierre Pernot.

Il va falloir retourner à vos chères études !

M. Bernard Accoyer.

En réalité, là encore, c'est de la sémantique. Parce que c'est la même chose. Alors, faites-le, et faites-le vite, c'est un service que vous rendrez aux entreprises françaises, et à leurs salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Daniel Marcovitch.

Docteur miracle !

Mme Odette Grzegrzulka.

Docteur Folamour !

M. Bernard Accoyer.

Je disais donc, avant de répondre à la question de M. Marcovitch, que le Gouvernement ose évoquer le fonds de financement de la retraite par répartition alors qu'il ne l'abonde pas, puisqu'il organise au contraire le détournement du fonds de solidarité vieillesse.

M. Jean-Yves Besselat.

Ça n'intéresse pas Mme la ministre, elle n'est pas là !

M. Bernard Accoyer.

Nous l'avons vu, la retraite est à l'évidence, pour nos concitoyens, dans une situation d'incertitude absolue.

M. Jean-Pierre Pernot.

Comme la droite !

M. Bernard Accoyer.

C'est précisément là que le travail des partenaires sociaux et le courage politique peuvent permettre de sortir de l'impasse, et par là même de garantir la retraite par répartition. Car, mes chers collègues de la majorité, si votre frilosité à l'égard des instruments de retraite par capitalisation est aussi grande, vous devriez pourtant savoir, vous qui maintenant commencez à parler comme d'une surprise du plein emploi dans dix ans, que la pyramide des âges aura des effets inéluctables, et que l'on ne pourra sauver le système de la retraite par répartition auquel nous sommes tous bien entendu attachés, que s'il y a à côté des régimes par capitalisation.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est indispensable !

M. Jean-Yves Besselat.

Evidemment !

M. Bernard Accoyer.

Vous les refusez. Or, il faut dix ans au minimum, et plutôt quinze, pour mettre en place un régime de retraite par capitalisation.

M. Jean-Pierre Pernot.

Vous auriez dû commencer avant, alors !

M. Bernard Accoyer.

Votre responsabilité est, en ce domaine comme dans d'autres, immense.

Mais, mes chers collègues, puisque je vois bien que je vous ai convaincus, vous aurez l'occasion de vous rattraper. Car parmi les trente amendements que l'opposition a déposés en commun, il en est un qui est vraiment un amendement d'équité.

M. Yves Bur.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

Il s'agit de celui qui propose tout simplement d'ouvrir à tous les salariés français la possibilité de cotiser, dans les mêmes conditions, au régime complémentaire de retraite par capitalisation dont bénéficient les salariés et les anciens salariés du secteur public depuis 1967.

Je vous informe que ces régimes sont gérés par les partenaires sociaux, par les syndicats représentatifs, et qu'ils ont été créés en 1967, à une époque qui se caractérise rait, effectivement, par le plein emploi et des salaires plus élevés dans le secteur privé que dans le secteur public. Cette


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situation justifiait parfaitement la création de ce régime avantageux mais, aujourd'hui, tout a changé, la sécurité de l'emploi a disparu et, à qualification égale, le rapport entre les salaires du secteur public et ceux du secteur privé a évolué.

Nous proposons donc, non d'enlever quelque chose a ux salariés et aux anciens salariés des fonctions publiques, mais d'ouvrir ces régimes à l'ensemble des salariés et des anciens salariés français.

Je ne doute pas, madame la secrétaire d'Etat, vous qui connaissez bien ces questions, que vous donnerez un avis favorable à cet amendement. Je ne doute pas non plus que mes collègues de la majorité, épris d'équité et de justice, le voteront avec nous.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) , ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est détourné de son objet qui devrait être d'opérer des choix sanitaires et sociaux ainsi que des choix financiers pour la sécurité sociale.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est logique !

M. Bernard Accoyer.

Ce projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2000, qui se caractérise par la plus totale improvisation,...

M. Yves Bur.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

... est, hélas ! avant tout le support d'un hypothétique et très partiel financement des 35 heures sur le dos des finances sociales, au mépris de la santé des Français et de l'avenir de leurs retraites.

M. Jean-Louis Debré.

C'est la politique de Gribouille !

M. Bernard Accoyer.

Gaspillant les fruits de la croissance, étatisant notre système de santé, menaçant à court terme les pensions de vieillesse, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peut être examiné tant qu'il ne tiendra pas compte des vrais besoins sociaux de la nation. C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, d'adopter la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Le Gouvernement et la commission ne souhaitent pas s'exprimer ?...

Dans les explications de vote, la parole est à M. JeanPierre Foucher, pour le groupe UDF.

M. Jean-Pierre Foucher.

Il est vrai que cette question préalable ouvre la porte à de véritables questions.

Est-il normal, en effet, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale soit le support législatif de la loi sur les 35 heures ? C'est un détournement de la loi de financement telle qu'elle a été définie.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est un hold-up ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Si c'est M. Recours qui le dit, c'est certainement la vérité !

M. Jean-Pierre Foucher.

Est-il normal que le projet de loi de financement de la sécurité sociale devienne une annexe du budget de l'Etat ? C'est un détournement de fonds sociaux.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Jean-Pierre Foucher.

Est-il normal que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comporte pas les mesures propres à préserver notre système de retraite ? C'est un détournement de la confiance que les retraités placent dans le gouvernement de la France.

Est-il normal que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne finance pas les dépenses de santé avec les taxes prélevées sur le tabac, produit qui est à l'origine de graves maladies ? C'est du détournement de taxe.

Est-il normal que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne puisse pas permettre au Parlement d'exercer sa mission de contrôle de la gestion des différentes branches ? C'est du détournement de procédure.

M. Jean Ueberschlag.

Ce n'est pas normal !

M. Jean-Pierre Foucher.

Est-il normal que le projet de loi de financement de la sécurité sociale instaure un nouveau mode de sanction des praticiens par la création de lettres-clés flottantes ?

M. Jean Ueberschlag.

Ce n'est pas normal !

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est un détournement de la maîtrise médicalisée vers la maîtrise comptable.

Est-il normal que le projet de loi de financement de la sécurité sociale rende possible la levée du secret médical ? C'est un détournement de la liberté de prescription.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Ueberschlag.

Ce n'est pas normal !

M. Jean-Pierre Foucher.

Est-il normal que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne propose pas de choix sanitaires ni de choix sociaux ? C'est, là encore, un détournement de la loi telle qu'elle avait été imaginée.

Voilà en fait le contenu de cette question préalable, que le groupe UDF votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe du RPR.

M. Patrick Delnatte.

Le groupe du RPR soutiendra cette question préalable défendue par Bernard Accoyer.

Son argumentation a été très riche. Il nous a fait profiter aujourd'hui de ses grandes connaissances sur le sujet, et les perspectives qu'il a tracées éclairent véritablement notre assemblée.

Nous retiendrons quatre raisons essentielles de voter la question préalable.

Première raison : le projet de loi de financement de la sécurité sociale est détourné de son objet initial, on l'a très souvent dit. Au lieu de permettre le contrôle du financement de la sécurité sociale par le Parlement et d'assurer la transparence de la gestion des différentes branches, ce projet de loi devient un instrument de gestion des finances publiques qui relève du budget de l'Etat. Et il est aujourd'hui avant tout l'instrument du financement des 35 heures,...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Pas du tout ! (« Mais si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Patrick Delnatte.

... avec d'ailleurs une impasse de 19 milliards de francs ! Deuxième raison : en matière de santé, la partition du système des soins entre l'hospitalisation et la médecine de ville va démobiliser les professionnels de santé et conduire à une baisse de la qualité des soins.

Troisième raison : la famille est délaissée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quatrième raison : s'agissant des retraites, la mystification continue. Vos mesures restent hypothétiques alors q ue notre système de retraite sera dans l'impasse dès 2005.


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Pour ces quatre raisons essentielles, nous voterons évidemment la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

J'indique que, sur la question préalable, je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe du Rassemblement pour la République.

Avant de donner la parole aux trois derniers orateurs inscrits pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse.

On nous a demandé ce qui était normal et ce qui ne l'était pas. Mais faut-il rappeler que le déficit de la sécurité sociale a été divisé par sept e n deux ans ? Faut-il rappeler que, en 1997, le plan Juppé prévoyait un excédent de douze milliards ? (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Or qu'avons-nous trouvé ? Un déficit de 35 milliards de francs !

M. Bernard Accoyer.

En 1993, le déficit était de 100 milliards ! Vous souffrez d'amnésie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Accoyer, calmez-vous !

M. Pascal Terrasse.

Monsieur Accoyer, gardez votre calme ! Le redressement que nous avons opéré a été obtenu sans accroissement des prélèvements. Faut-il rappeler qu'en l'espace de quatre ans, la droite avait augmenté les prélèvements fiscaux de 200 milliards de francs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Vous dites n'importe quoi !

M. Pascal Terrasse.

Faut-il rappeler également que ce projet de loi ne prévoit ni augmentation des prélèvements ni baisse des prestations ? Là réside tout l'intérêt de ce texte.

M. Bernard Accoyer.

Et le non-remboursement de certains médicaments ?

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous en prie !

M. Pascal Terrasse.

Vous aurez l'occasion, monsieur Accoyer, de voir, à l'occasion de ce débat, que des réformes seront engagées en faveur de la famille.

F aut-il rappeler aussi que l'augmentation de l'ONDAM - et vous l'avez vous-même indiqué, monsieur Accoyer - a été calculée sur la base des dépenses constatées ? Cet élément très important est particulièrement attendu par les professionnels de la santé.

Faut-il rappeler encore que ce projet de loi prévoit, dans le cadre de l'ONDAM, une augmentation de 4,9 % de l'enveloppe du secteur social et médico-social ? C'est également très important.

La droite ne voulait pas de la réduction du temps de travail. Nous l'avons fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La droite ne veut pas aujourd'hui de la baisse des charges sociales pour les entreprises. Nous le ferons ! (Applaudissements sur les même bancs. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rasssemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous, nous faisons le choix de l'emploi. Vous, vous faites celui des placements financiers. Là réside la différence entre vous et nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Ueberschlag.

Slogans !

M. Pascal Terrasse.

S'agissant des retraites, vous vous êtes particulièrement trompé, monsieur Accoyer, quand vous avez fait allusion à la réforme Balladur. Nous aurions souhaité que les retraites soient calculées sur la dernière année de cotisation. Malheureusement, ce sont les dix dernières années qui ont été retenues. Vous devriez peut-être revoir vos informations en la matière ! En ce qui concerne la réforme des retraites, le Premier ministre, à la différence de ce qui s'est passé en 1995, s'appuie sur un diagnostic et sur le dialogue actuellement engagé avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

La preuve, vous avez tout changé hier !

M. Jean Ueberschlag.

Quel dialogue ?

M. Pascal Terrasse.

Comme le Premier ministre l'a annoncé, des décisions seront prises, mais elles porteront sur la durée et pas seulement sur une année ! En résumé, Bernard Accoyer veut le beurre, l'argent du beurre et, en plus, le sourire de la crémière ! (Rires sur les bancs du goupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est le monsieur « Plus » de l'opposition,...

M. Jean Ueberschlag.

Et vous, vous êtes le monsieur

« Moins » !

M. Pascal Terrasse.

... mais il ne nous précise jamais comment il compte financer ses projets. C'est peut-être là la différence qui existe entre lui et nous.

Bien entendu, le groupe socialiste ne votera pas la question préalable présentée par Jean-Louis Debré, qui d'ailleurs n'a pas été tout le temps présent lors de votre intervention, monsieur Accoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Mais si, j'étais là. Vous dites n'importe quoi !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Bernard Perrut.

Bien entendu, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la question préalable présentée par le président du groupe du RPR.

Je crois que l'analyse fine et complète de Bernard Accoyer devrait convaincre certains députés de la majorité.

M. Jean-Louis Debré.

Oui, parfaitement !

M. Bernard Perrut.

Il a montré, en effet, combien le projet de loi de financement de la sécurité sociale était irréaliste, voire hypocrite. Car conduire une politique sociale, c'est veiller à la financer non seulement aujourd'hui mais aussi demain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

Bernard Accoyer a montré que votre seule logique était une logique budgétaire, celle de la création de nouveaux impôts, qui, demain, conduira les entreprises à payer encore plus, les ménagères à acheter leur paquet de lessive encore plus cher (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et les agriculteurs à augmenter leur production ! Bernard Accoyer a montré que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne tient pas compte des vrais besoins sociaux. Au contraire, il met en péril l'hôpital et les soins ambulatoires, il met en péril la politique relative aux cliniques privées et celle des médicaments, et, surtout, il oublie que la famille existe et il n'a pas prévu les mesures les plus élémentaires qui s'imposent.

S'agissant des retraites, vous pratiquez la politique de l'autruche. Nous n'en sommes pas surpris puisque vous attendrez certainement 2002 pour avoir peut-être le courage de prendre les mesures nécessaires.

M. Jean-Louis Debré.

Ils ne seront plus là !

M. Bernard Perrut.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale s'associe au groupe du RPR. Et, reprenant une citation de Démosthène (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , je terminerai en disant que tout bon citoyen devrait préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent. Les paroles qui sauvent, ce sont celles de l'opposition nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Le groupe communiste, comme il l'a fait sur l'exception d'irrecevabilité, votera contre la motion préalable, car il estime que sur une question aussi importante que l'avenir de la protection sociale, il est indispensable de délibérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix la question préalable.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

148 Nombre de suffrages exprimés .................

148 Majorité absolue .......................................

75 Pour l'adoption .........................

37 Contre .......................................

111 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000. Ce débat devant le Parlement constitue un progrès démocratique indéniable.

Réclamé par tous, il a été institué par Alain Juppé et Jacques Barrot. Qu'ils en soient remerciés.

Nous pouvons enfin nous prononcer sur la politique sociale du pays, dont les dépenses sont supérieures au budget de l'Etat et qui, de plus, outre leur rôle propre dans les secteurs majeurs de notre société - santé, famille, retraite - interviennent dans le secteur économique : en effet, ces dépenses, on l'oublie souvent, sont productrices de biens et d'emplois et, par là même, induisent des prélèvements fiscaux ou parafiscaux ainsi que des cotisations.

Cependant, les pouvoirs réels du Parlement sont limités, en raison notamment de l'article 40 qui nous empêche d'innover, mais aussi par le fait que, si nous votons bien l'ONDAM, nous ne votons pas sa répartition entre les divers secteurs - ambulatoire et hospitalisation -, nous ne sommes pas consultés sur la répartition géographique et nous ne sommes même pas informés des critères de répartition.

Mais, au début de mon intervention, et avant d'aborder le financement, les branches santé, famille et retraite, je souhaite, avec une certaine solennité, exprimer nos craintes, notre angoisse même.

Nous sommes sans doute aujourd'hui à un moment crucial, à l'heure d'un vrai choix de société. Notre protection sociale repose, depuis l'origine, sur le principe de la gestion paritaire. La loi de 1994 et les réformes récentes décidées par Alain Juppé ont conforté l'autonomie des branches et ont jeté les bases de la contractualisation : contrat entre l'Etat et les caisses, contrat entre les caisses nationales et les caisses locales, contrat entre les caisses et les professionnels. Ainsi, chacun est en principe à la fois libre et responsable.

Or, depuis votre arrivée au pouvoir, madame la ministre, après avoir critiqué le gouvernement précédent, vous n'avez jamais respecté l'autonomie et vous n'avez cessé d'intervenir à temps et à contre-temps.

Vous tentez régulièrement de passer en force, et nous le constatons encore aujourd'hui pour les prélèvements.

Comme cela a déjà été dit tout à l'heure, c'est un véritable hold-up que vous vouliez tenter sur les organismes sociaux contre l'avis unanime des conseils d'administration.

Vous mettez donc en péril la gestion paritaire, base de notre protection sociale.

Dans le même temps, vous préparez l'étatisation dans le domaine de la santé, et je reviendrai ultérieurement sur ce point. A l'UDF, nous ne voulons pas étatiser la sécurité sociale, mais nous ne voulons pas davantage de la privatisation, qui augmentera les coûts de gestion et aboutira inéluctablement à la sélection des malades et des médecins. Nous voulons au contraire conforter, en l'améliorant, notre protection sociale, en responsabilisant chacun des acteurs par la régionalisation, permettant ainsi une politique de proximité et le développement de la prévention.

Après cette introduction que j'ai souhaitée un peu solennelle et que vous avez écoutée avec la plus grande attention, madame la ministre, j'en arrive aux problèmes de financement.

La présentation des comptes est-elle sincère ? Je tiens à vous féliciter d'avoir réussi une brillante communication...

M. Jean-Pierre Foucher.

Ah !


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M. Jean-Luc Préel.

... puisque vous avez expliqué que les comptes sont quasi équilibrés et que vous avez obtenu ce résultat sans prélèvements supplémentaires. Personne ne met votre parole en doute.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Heureusement que vous êtes là, monsieur Préel ! Quel talent !

M. Jean-Luc Préel.

Merci, madame la ministre, je suis vraiment très touché ! Mais si le déficit est de cinq milliards,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quatre !

M. Jean-Luc Préel.

... celui de l'assurance-maladie est, en 1999, de 12,3 milliards, supérieur au chiffre de 9,6 milliards pour 1998 établi par la Cour des comptes.

Il n'y a donc pas maîtrise des dépenses d'assurance maladie.

En outre, pour parvenir à ce résultat, sont pris en compte des prélèvements supplémentaires, notamment la CSG, pour au moins cinq milliards. Les retraités en savent quelque chose, surtout ceux dont les retraites sont modestes et qui vivent de leur patrimoine, notamment les agriculteurs, les artisans et les commerçants.

Vous intégrez également l'excédent de la branche vieillesse qui, chacun le sait, ne durera pas.

De nombreux reports de crédits ne sont pas comptabilisés, notamment au niveau des hôpitaux dont l'activité a augmenté.

Vous dites que les hôpitaux sont restés « dans les clous » ; c'est une expression que vous aimez particulièrement. Comment pourrait-il en être autrement puisqu'ils perçoivent leurs dotations par douzièmes et que les ARH ne disposent, paraît-il, d'aucune réserve.

De nombreux reports concernant les dépenses de personnels - notamment les primes de service dans de nombreux hôpitaux - et les dépenses pharmaceutiques sont estimés à 1 % du budget hospitalier.

Par ailleurs, les comptes ne sont toujours pas présentés en droits constatés. Un peu comme si, pour un particulier, on ne prenait pas en compte les chèques émis les jours précédents.

J'en viens aux recettes prévisionnelles.

Ce chapitre de votre loi de financement est totalement inacceptable, puisqu'il prévoit de nombreux transferts du budget de l'Etat, qu'il revient sur la loi de 1994, qui prévoyait à juste titre la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de charges qu'il décidait, qu'il ne respecte pas le principe de l'autonomie de gestion des organismes sociaux en prévoyant un prélèvement autoritaire sur l'UNEDIC et la protection sociale.

L'UDF dénonce la totale improvisation du financement des 35 heures et de la réforme des cotisations patronales avec le passage de 1,3 à 1,8 SMIC.

Tout au long de la discussion du projet de loi sur les 35 heures, vous avez refusé de préciser les modalités de financement.

Celui-ci est en principe prévu dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a été présenté au Conseil d'Etat et au conseil des ministres. Il a été imprimé. Il est venu en discussion en commission le 19 octobre. Le président s'est empressé de demander la réserve, c'est-à-dire la non-discussion de l'article 2, celui qui assure les recettes, expliquant que les discussions étaient en cours, confirmées d'ailleurs par des articles de presse qui évoluent chaque jour.

Si ce n'est pas de l'improvisation, qu'est-ce ? Nous sommes en total désaccord avec les mesures annoncées. Pour nous, l'Etat doit compenser la totalité des exonérations décidées. Sinon, il met en péril l'équilibre et la gestion des branches. La loi de 1994 constituait un progrès, même si persistaient des exonérations antérieures non compensées ; vous proposez un retour en arrière condamnable.

Le transfert de la taxe sur les tabacs - 39,5 milliards pour financer les 35 heures - n'est pas plus acceptable.

Ces sommes, pour nous, doivent être versées à la branche maladie, pour compenser les dépenses induites par les soins aux fumeurs, mais elles devraient surtout être affectées à une véritable politique de prévention : une politique nationale coordonnée, qui n'existe pas actuellement, pour lutter contre la mortalité prématurée évitable et développer la prévention, notamment dans le milieu scolaire.

Nous sommes opposés à la création d'un nouvel impôt sur les bénéfices des entreprises, qui devrait rapporter 4,3 milliards. Vous souhaitez, paraît-il, favoriser les créations d'entreprises qui créent des emplois, diminuer les charges qui pèsent sur elles. Et tout à fait logiquement, vous créez un nouvel impôt, sans parler de la taxation des heures supplémentaires, pour 7 milliards.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous êtes contre tout ce qui assure l'équilibre, en somme !

M. Jean-Luc Préel.

Non, contre tout ce qui pèse sur les entreprises et le coût du travail !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais pour tout ce qui pèse sur les salariés !

M. Jean-Luc Préel.

Que dire de l'affectation de la taxe sur les activités polluantes au financement des 35 heures ? Celle-ci devrait rapporter 3,2 milliards. Je ne reviens pas sur le principe de cette nouvelle taxe,...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Surtout, n'y revenez pas !

M. Jean-Luc Préel.

... mais, logiquement, elle devrait servir à améliorer l'environnement - l'eau, l'air -, en aidant par exemple à la mise aux normes des élevages, ligne budgétaire qui est, comme vous le savez, particulièrement anémiée.

En réalité, vous instituez un droit à polluer pour améliorer la santé. Plus nous utiliserons de lessive, mieux la sécurité sociale se portera ; c'est un comble ! J'en arrive au fameux hold-up sur les organismes de protection sociale, qui faisait fi de la gestion paritaire et que vous avez cherché à imposer jusqu'à hier.

M. Thierry Mariani.

Ils ont reculé !

M. Jean-Luc Préel.

Si l'UNEDIC a quelques réserves, celles-ci doivent servir à améliorer l'indemnisation des chômeurs, voire à diminuer les cotisations. Si les régimes complémentaires de retraite sont aujourd'hui à l'aise, c'est parce que les gestionnaires se sont montrés prévoyants et que, à l'opposé d'une démagogie facile, ils ont pris des mesures difficiles. Vous savez bien que l'avenir des retraités n'est pas assuré.

Comme vous êtes dans l'improvisation la plus totale et que la pilule passe mal, subitement, vous trouvez un arrangement en imposant votre point de vue malgré tout.

Nous dénonçons et votre méthode autoritaire, qui met à mal la gestion paritaire.

Sous la pression des organisations syndicales unies, vous avez renoncé au prélèvement sur l'UNEDIC et pré-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

senté un montage très complexe, lui aussi improvisé : vous basculez la taxe sur les alcools, qui est affectée au fonds de solidarité vieillesse pour financer les 35 heures ; vous maintenez - en tout cas, c'est ce que j'ai cru comprendre - le prélèvement de 5,6 milliards sur la protection sociale, que vous affectez au fonds de solidarité vieillesse.

Après l'improvisation, voici la reculade. Les 35 heures ne sont toujours pas financées de manière pérenne.

M. Thierry Mariani.

Tout à fait !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Si !

M. Jean-Luc Préel.

Grâce, sans doute, monsieur Recours, à l'amendement que vous avez fait adopter en commission. Je ne sais pas le sort que Mme la ministre lui réservera car vous voulez ponctionner la branche accidents du travail de 7 milliards qui seront affectés à la branche maladie.

M. François Goulard.

Quelle honte !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Pour compenser le hold-up du MEDEF sur la branche maladie !

M. Jean-Luc Préel.

Or il y a beaucoup à faire pour diminuer le nombre des accidents du travail ! En troisième lieu, ce projet ne prépare pas l'avenir.

Vous ne profitez pas de la croissance pour entreprendre les réformes indispensables.

Vous n'avez pas, semble-t-il, de politique familiale, alors que celle-ci est indispensable à l'avenir du pays. Certains pays, comme la Suède, nous ont pourtant donné l'exemple. Après avoir pris des décisions contradictoires - mise sous condition de ressources, puis rétablissement de l'universalité -, vous avez réduit l'AGED puis abaissé le quotient familial.

Vous n'entreprenez aucune simplification des 23 prestations et des 15 000 références existantes, qui sont totalement ingérables et inexplicables aux bénéficiaires.

Vous proposez seulement la prolongation de l'attribution du complément familial et l'aide au logement à 21 ans.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous êtes contre ?

M. Jean-Luc Préel.

Mais, dans le même temps, et alors que vous êtes en fonctions depuis deux ans et demi, vous abrogez la loi de 1994 qui prévoyait l'extension des prestations au-delà de 20 ans, âge auquel les enfants coûtent le plus cher aux familles.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Quel aplomb !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y avait 14 milliards de déficit !

M. Jean-Luc Préel.

Ça fait deux ans et demi que vous êtes au pouvoir et vous n'avez rien fait en ce domaine, si ce n'est abroger cette loi.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous avons épongé votre déficit de 14 milliards !

M. Jean-Luc Préel.

Nous allons précisément vous proposer un amendement afin de prolonger d'un ou deux ans la loi de 1994, pour vous laisser le temps de décider cette prolongation indispensable, car c'est l'âge auquel, je le répète, les enfants coûtent le plus cher aux familles.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas de recettes mais des dépenses : c'est la démagogie la plus totale !

M. Jean-Luc Préel.

Vous accordez une augmentation limitée à 0,5 % alors que la prévision d'inflation est de 0,9 %, et surtout que l'augmentation implicite de la valeur du PIB, qui inclut les loyers, ce qui est tout de même important pour les familles, doit être de 1,2 %. Bien loin de donner un coup de pouce, votre politique aboutit en fait à une perte de pouvoir d'achat programmée pour les familles.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

C'est ça !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On leur dira !

M. Jean-Luc Préel.

Pour la retraite, les données démographiques sont connues de tous et le rapport Charpin les a confirmées.

Si le régime général, grâce aux mesures courageuses, rappelées avec talent par Bernard Accoyer, prises par Edouard Balladur et Simone Veil, est à peu près équilibré pour l'instant, le problème majeur est bien celui des régimes spéciaux. Il nous manquera en 2015 près de 350 milliards de francs par an à législation constante.

Vous ne décidez rien cette année. Vous demandez d'attendre encore. Est-ce raisonnable ? Vous avez créé, il est vrai, un fonds de réserve virtuel en 1998. Mais les décrets, un an après, n'étaient toujours pas parus.

M. Thierry Mariani.

Ils sont sortis ce matin !

M. Jean-Luc Préel.

En effet, mais les fonds ne sont toujours pas versés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, c'est fait !

M. Jean-Luc Préel.

Il a fallu un an pour abonder de 2 milliards un fonds virtuel.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Mieux vaux tard que jamais ! Avec vous, c'était jamais !

M. Thierry Mariani.

Un an pour un décret !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il fallait procéder à une concertation !

M. Jean-Luc Préel.

Bien que la branche soit excédentaire, vous ne proposez qu'une augmentation de 0,5 %, là encore très éloignée de l'augmentation prévue pour la valeur du PIB - 1,2 % -, alors que le pouvoir d'achat des retraités a, compte tenu de la CSG, diminué ces dernières années.

Il est urgent d'entreprendre des réformes.

Nous souhaitons conforter la retraite par répartition en accroissant l'autonomie de la branche pour laisser les partenaires sociaux définir les prestations en fonction des cotisations. C'est cela, l'autonomie réelle.

Nous demandons, dans un esprit de transparence, la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires, gérée paritairement par l'Etat et les syndicats.

Nous réclamons l'harmonisation progressive des règles appliquées dans les divers régimes, dans un esprit de justice.

Nous insistons pour la mise en place effective d'un troisième étage : l'épargne retraite.

Votre immobilisme constitue une faute dramatique.

J'en viens à la branche maladie.

La situation paraît aujourd'hui très sérieuse. Nous nous dirigeons à grands pas vers l'étatisation, les comptes ne sont pas maîtrisés. Beaucoup d'hôpitaux, ceux dont


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l'activité augmente parce que les malades, pour diverses raisons, affluent aux urgences, sont étranglés financièrement, les médecins libéraux sont désabusés, pour ne pas dire plus, des spécialités indispensables sont sinistrées, la prévention est toujours embryonnaire, la mise en place de la CMU va accroître les dépenses tout en mettant à mal l'équilibre entre le régime de base et les assurances complémentaires, sur lequel repose l'organisation de notre protection sociale.

Vous proposez trois mesures principales : confier en apparence la gestion de l'ambulatoire à la CNAM ; instituer des sanctions collectives grâce aux lettres-clés flottantes ; augmenter l'ONDAM de 4,1 %.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Les sanctions collectives ont été instituées par Juppé !

M. Jean-Luc Préel.

Aucune de ces mesures ne permettra d'améliorer la santé de nos concitoyens et la qualité des soins.

Vous proposez d'abord de confier en apparence la gestion de l'ambulatoire à la CNAM.

Je n'aurai pas la cruauté de rappeler vos divergences avec la CNAM - l'article de M. Spaeth paru aujourd'hui en dit long - ou vos multiples interventions qui contredisent l'autonomie de la caisse.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça, c'était Juppé !

M. Jean-Luc Préel.

Ayant donc rencontré quelques désillusions dans la gestion au quotidien, vous la confiez officiellement à la CNAM, mais en apparence seulement.

Car vous l'encadrez sévèrement, mettant en place de multiples garde-fous. Vous proposez à la CNAM d'endosser les mesures impopulaires, vous réservant la possibilité de trancher en dernier ressort.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bravo, monsieur Préel ! Enfin, vous dites la vérité ! Tout le monde n'a pas ce courage !

M. Jean-Luc Préel.

Dans le même temps, vous conservez la haute main sur les hôpitaux et le médicament et récupérez les cliniques.

A une époque où chacun réclame la fongibilité des enveloppes, votre proposition crée une frontière supplémentaire, une nouvelle rigidité ; ce n'est pas un progrès.

Par exemple, qui sera responsable des réseaux villehôpital, de l'hospitalisation à domicile, des prescriptions effectuées aux urgences, aux consultations hospitalières, lors des sorties d'hospitalisation ? Comme cette loi met à mal la gestion paritaire en imposant des prélèvements financiers, vous nous conduisez tout droit, hélas ! à l'étatisation de la sécurité sociale.

Deuxième mesure phare : vous instituez les lettres-clés flottantes.

Celles-ci constituent le comble de la perversité parmi les sanctions collectives. Elles ont échoué en Allemagne, même si elles sont en partie individualisées.

Elles ne sont pas acceptables car elles nient la qualité des soins. Pire : le médecin dit « vertueux », qui voit deux malades à l'heure parce qu'il prend le temps de les écouter, qu'il applique les références et les bonnes pratiques, sera pénalisé si d'autres voient dix malades à l'heure sans respecter les références médicales opposables.

De plus, cette mesure est anti-économique. Les laboratoires et les cabinets de radiologie, par exemple, sont en réalité des PME employant du personnel. Ils ont besoin d'une lisibilité sur le long terme et ne peuvent voir leur budget remis en cause tous les quatre mois.

Par ailleurs, vous faites toute une série de propositions visant à saucissonner les professions médicales par spécialités et sous-spécialités, prévoyant même des adhésions individuelles. C'est la méthode bien connue : diviser pour régner. Il ne s'agit pourtant pas de régner, mais de retrouver la confiance des professionnels, car aucune réforme ne peut se faire contre eux.

Troisième mesure majeure : l'augmentation de l'ONDAM.

Vous le faites passer de 629,8 milliards à 658,3 milliards, c'est-à-dire bien au-delà des 2,5 % que vous annoncez ; en réalité, cela fait plus de 4,1 %. Pourquoi cette divergence ? Parce que vous changez la règle du jeu.

Pour quelle raison ? Pour prendre en compte le réalisé.

Mais celui-ci, d'ailleurs encore inconnu, peut parfaitement être intégré sans changer la base de référence. Gardons par conséquent l'objectif 1998, tenons compte du réalisé, et le résultat sera identique.

Avez-vous des arrière-pensées ? Je ne le crois pas.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais si !

M. Jean-Luc Préel.

Seulement, cela vous gêne d'afficher une augmentation supérieure à 4 % pour une inflation de 0,9 %, alors que vous annoncez que la maîtrise est obtenue. C'est, je le crois, le seul vrai motif.

Sur le fond, vous avez raison de tenir compte de la réalité. Nous vous avons d'ailleurs dit l'année dernière que l'ONDAM de 1999 n'était pas raisonnable puisqu'il était négatif pour les spécialistes, et donc irréalisable.

Le reproche essentiel est bien que l'ONDAM ne prend pas en compte les besoins mais qu'il est fixé de manière comptable, en appliquant un taux au chiffre de l'année précédente.

Comment répartirez-vous les enveloppes régionales ? Selon quels critères ? A quelle vitesse allez-vous corriger les inégalités ? Permettez-moi d'insister sur deux problèmes qui me tiennent à coeur : les spécialités sinistrées et l'indispensable développement de la prévention.

Nous manquons dès aujourd'hui de spécialistes dans des disciplines indispensables,...

M. le président.

Monsieur Préel, puis-je vous demander de conclure ?

M. Jean-Luc Préel.

Je termine dans quelques instants, monsieur le président.

... anesthésie, pédiatrie, gynécologie, par exemple. Vous publiez des décrets sur la sécurité, et c'est bien. Mais, demain, nous aboutirons à des restructurations hospitalières par manque de spécialistes et non pour des problèmes de santé publique.

Les réformes prévues sont très insuffisantes. Il convient de revoir le statut du praticien hospitalier et de prendre réellement en compte la pénibilité et la responsabilité.

Notre système de soins est aujourd'hui orienté vers le curatif, avec de très bons résultats si l'on se réfère à cer tains critères objectifs, mais nous sommes mauvais pour la prévention et l'éducation à la santé : multiples intervenants, manque de coordination et de moyens.

Au total, 12 500 francs par an et par habitant sont c onsacrés aux soins, 17 francs à la prévention et 250 francs à la médecine préventive.

Il est nécessaire de prendre en compte les besoins au n iveau de la région, de coordonner les différents intervenants par la création d'une Agence nationale


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décentralisée au niveau régional, et de voter conjointem ent à l'ONDAM une enveloppe affectée à la prévention.

Bien d'autres sujets auraient mérité d'être abordés, mais ils le seront au cours du débat.

Pour conclure, je dirai au nom de l'UDF que nous avons l'impression d'être à la croisée des chemins. Trois possibilités s'offrent à nous : l'étatisation, vers laquelle vous nous conduisez ; la privatisation, que certains souhaitent ; l'UDF plaide pour la troisième voie, la seule raisonnable, qui consiste à sauvegarder et à améliorer notre protection sociale.

Notre système de soins est performant, les Français y sont attachés, des professionnels compétents et motivés en vivent.

Certes, notre système est relativement coûteux, mais nous ne sommes que le cinquième pays pour le pourcentage des dépenses par rapport au PIB. Le déficit est encore important, 12 milliards, mais il ne représente que 2 % du PIB. Dans n'importe quelle entreprise, il est facile d'économiser 2 % si chacun accepte de faire un effort.

C'est pourquoi l'UDF réclame un « Grenelle de la santé », pour que chacun puisse participer à la sauvegarde et à l'amélioration de notre système de santé.

A l'UDF, nous pensons que la solution réside dans la responsabilisation de chacun des acteurs, mais surtout dans la régionalisation.

Celle-ci permet une politique de santé de proximité.

Elle permet aux observatoires régionaux de santé de repérer les besoins. Elle permet de juger de l'adéquation de l'offre aux besoins au sein des conférences régionales de santé, à condition que celles-ci cessent d'être des grandmesses d'une journée, mais qu'elles réunissent toutes les personnes concernées tout au long de l'année.

La régionalisation permet une gestion responsable grâce à la création d'agences régionales de santé regroupant ARH, URCAM, agences régionales de prévention et conseil régional.

La régionalisation permettra de développer une réelle politique de prévention.

Madame la ministre, votre projet de loi n'emporte pas notre adhésion. Certes, les débats permettront, nous l'espérons, de l'améliorer et nous avons d'ailleurs déposé de nombreux amendements. Mais, en l'état, nous désapprouvons le volet recettes, nous regrettons que votre texte ne prépare pas l'avenir, à cause de l'absence de politique familiale, de l'absence d'une indispensable réforme des retraites, et de l'évolution prévisible de la branche santé vers une étatisation, que nous regrettons.

Je vous remercie cependant par avance de bien vouloir nous écouter et d'accepter les amendements que nous présenterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, si chacun dépasse son temps de parole de 15 % à 20 % - n'est-ce pas, monsieur Préel ? -, la discussion générale sera allongée d'autant. Je souhaite que chacun respecte le temps de parole qui lui a été imparti.

La parole est à M. Bernard Charles, pour dix minutes.

M. Bernard Charles.

Contrairement à M. Préel, je me réjouis de la réduction du déficit du régime général de l a sécurité sociale sans baisse des remboursements ni hausse des cotisations et je vous félicite, madame la ministre, pour le travail réalisé.

Le redressement des comptes de la sécurité sociale engagé par le Gouvernement a certes été amplifié par la croissance. Il doit être effectué dans le respect de l'objectif d'amélioration des remboursements et doit donc s'accompagner des réformes structurelles nécessaires, qui sont d'ailleurs mises en place.

S'agissant de la partie relative aux ressources, je voudrais d'abord parler du taux de l'ONDAM. Le projet de loi pour 2000 présente une première originalité. Les objectifs en pourcentage sont calculés par rapport aux dépenses prévisionnelles pour 1999, c'est-à-dire sur la base des réalisations fin 1999 et non plus par rapport aux objectifs de l'année en cours. Ce mode de calcul est utile à la crédibilité des objectifs affichés. Toutefois, dans l'hypothèse où elle serait pérennisée, cette méthode comporte le risque de conduire à un renoncement définitif de toutes mesures de rattrapage des éventuels dépassements de l'ONDAM.

Les articles 3 et 4 illustrent la volonté du Gouvernement de réformer les cotisations patronales. Nous, les radicaux, sommes depuis longtemps favorables à une réforme basée plutôt sur la valeur ajoutée que sur ce qui concerne l'emploi. Estimant qu'il faut corriger les effets pervers des modalités actuelles du financement de la protection sociale, nous souhaitons donc l'élargissement de l'assiette à d'autres éléments que la masse salariale et nous accueillons comme un signe favorable l'élargissement de l'assiette des cotisations patronales aux bénéfices des sociétés réalisant plus de 50 millions de chiffre d'affaires et aux industries polluantes.

En ce qui concerne la branche maladie, nous sommes bien entendu très favorables à une organisation du système de santé qui réponde aux besoins de soins des malades et aux besoins de santé de la population, qui soit efficace au plan médical, efficiente au plan économique et socialement plus juste. Le projet de loi comporte des dispositions ayant un contenu ambitieux de santé publique dans la ligne de la Conférence nationale de santé. Il est plus que jamais nécessaire de replacer l'assuré au coeur du système de protection sociale. Les mesures relatives à la modernisation du système de santé, fondées sur les orientations définies en juin dernier par les états généraux de la santé et annoncées pour mars 2000, sont positives. Il faut instaurer une démocratie sanitaire, qui reste à inventer en France, et mettre en place des dispositifs permettant une pleine participation du citoyen, une véritable concertation de fond. Les états généraux ont permis de mesurer les virtualités régionales en matière de santé, mais tout reste à faire au plan local. A l'exemple des états généraux, qui ont été une réussite et doivent servir de référence, une véritable concertation des usagers et des élus locaux est nécessaire sur le plan local. Nous souhaitons, notamment, la présence au sein des commissions exécutives des ARH d'élus locaux et de représentants des usagers, et l'augmentation du nombre de représentants de ces deux catégories dans les CROSS. Cet élargissement devrait être prévu dans la prochaine loi de modernisation du système de santé.

Je voudrais également évoquer les compétences conférées aux caisses d'assurance maladie en matière de régulation des soins de vie. Pour remédier à un système conventionnel inopérant, le transfert de compétences aux caisses d'assurance maladie était souhaitable. Mais l'assu-


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rance maladie devra se doter des moyens et des outils efficaces permettant d'exercer réellement ses fonctions de régulation et de gestion du risque. Elle doit mieux identifier les outils à améliorer ou à inventer pour permettre aux caisses d'assumer réellement leurs nouvelles responsabilités, qu'elles ont d'ailleurs souhaitées. Les déclarations du président de la CNAM ne semblent pas aller dans ces ens. La CNAM aurait-elle peur d'assumer ses responsabilités ? Si cette clarification constitue une bonne chose, la dichotomie médecine de ville-hospitalisation risque de porter atteinte à la cohérence du système de santé. C'est la raison pour laquelle il faut s'interroger sur les évolutions des ARH. A notre avis, elles devraient être transformées à terme en agences régionales de santé ayant pour vocation de gérer l'ensemble des enveloppes du sanitaire et du médico-social. Lors de l'examen du projet de loi Juppé, je m'étais opposé aux ARH et j'avais alors évoqué les difficultés de cohésion des politiques régionales, mais, grâce au travail que vous avez accompli, madame la ministre, pour cadrer ces agences, les choses avancent.

J'évoquerai également deux sujets particuliers : le problème de la sécurité sanitaire et des médicaments et l'hospitalisation publique.

S'agissant de la politique du médicament, l'accord avec les pharmaciens, qui les reconnaît comme de véritables acteurs du système de santé, est une avancée positive. Le rapporteur Claude Evin a parlé d'une réforme sans précédent du médicament. La politique des génériques, le droit de substitution, la réévaluation des spécialités demandée depuis plusieurs années, la politique conventionnelle active sont de bonnes mesures qui devraient porter leurs fruits. Il faut cependant réfléchir à la politique française du médicament. Les grandes concentrations, le fait que nous n'ayons plus qu'un groupe industriel et des moyens laboratoires nous font nous interroger sur le devenir de notre industrie pharmaceutique et donc de notre dépendance dans ce domaine.

En ce qui concerne la réforme du tarif interministériel des prestations sanitaires, depuis plus de quinze ans, je souligne à cette tribune, l'archaïsme du système : structure périmée, problème sur les tarifs, la prise en charge et l'évaluation. Après la loi de sécurité sanitaire, qui a inté gré les dispositifs médicaux, il était logique que le comité économique des produits de santé décide du remboursement. Il y aura cependant une logique difficile à gérer dans les prochains mois, car il y a le prix négocié et la régulation par le marché. Je ne suis pas convaincu que ce seront des ristournes financières que les cliniques négocieront avec les industriels. Il pourrait y avoir des rendus en nature, contrairement à ce que souhaitent les auteurs du texte. Il faudra aussi évoquer le problème spécifique des produits mis sur le marché.

Deux autres points sont aussi à signaler, que nous retrouverons peut-être dans la loi de modernisation du système de santé. A partir du moment où l'on parle de démocratisation et de sécurité sanitaire, l'Agence française des produits de santé devra se doter d'une banque de données sur les médicaments et les dispositifs médicaux.

En effet, ce qui existe actuellement est tenu par les firmes commerciales. Il est donc absolument nécessaire de mettre en place, dans les plus brefs délais, une banque de données indépendante, crédible, ouverte à la population et aux professionnels de santé, qui répondrait à notre souhait commun : assurer la sécurité sanitaire et la démocratisation.

Il est important aussi de poser le cadre législatif du difficile problème des critères d'habilitation des professionnels et des établissements relatifs à la mise en oeuvre des actes techniques ou des dispositifs médicaux innovants, cette question ne pouvant être résolue par le seul biais du TIPS. Peut-être trouverons-nous la solution en mars 2000 si ce n'est pas possible dans le cadre de ce texte.

Enfin, pour conclure sur l'hospitalisation, j'ajouterai que le taux d'évolution de 2,4 % qui caractérise l'enveloppe consacrée à l'hôpital public est celui estimé pour la reconduction des moyens. Or nous devrons faire face aux mesures nouvelles, qui peuvent être importantes. Les réformes structurelles pour l'hôpital de demain sont lancées avec la volonté d'une modification profonde des règles d'allocation budgétaire communes à l'ensemble des établissements de santé, publics ou privés. Nous l'approuvons. Le système est basé sur une tarification à la pathologie rémunérant l'activité proprement dite avec une dotation globale permettant de financer les missions de service public.

Sans revenir sur les indices, qui seront plus longs à affiner, on peut dire que l'échelon régional est le plus adapté pour prendre en compte les spécificités et les disparités régionales dans le cadre de cette réforme de l'hospitalisation. Mais pour la réussir, quelques orientations fortes me paraissent indispensables. Il faut renforcer les moyens nécessaires à la recomposition du paysage hospitalier, ce qui passe par le maintien, voire, en cas de besoin, par le développement des fonds spécifiques de restructuration. Il faut aussi harmoniser les modes de financement publics et privés. C'est indispensable à une véritable régulation des dépenses de santé sur la globalité du secteur hospitalier. Dans la perspective de cette mise en place, il est nécessaire que l'objectif quantifié national - OQN - des cliniques privées soit dès à présent décli né en objectifs quantifiés régionaux - OQR. Cette mesure qui était prévue pour le 1er janvier 1998 doit être aujourd'hui une priorité pour les pouvoirs publics.

Il faut poursuivre activement la politique de réduction des inégalités et affiner les outils d'analyse et de comparaison des performances des établissements de santé. Il serait utile que vous nous informiez de l'évolution du projet PARHTAGE, qui vise à mettre en place un système d'information national accessible à tous.

Enfin, il faut engager l'expérimentation de la tarification à la pathologie, selon un cadre méthodologique et des règles financières identiques et opposables à toutes les structures de soins publiques et privées.

Telles sont, madame la ministre, les orientations que nous défendons et que vous portez. Nous serons à vos côtés dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, tous les orateurs précédents l'ont reconnu, la réforme de 1996 présente au moins un aspect positif,...

M. Bernard Accoyer.

A gauche, ils ont pourtant tous voté contre !

M. François Goulard.

... c'est d'avoir introduit, au sein de notre parlement, un débat annuel sur l'avenir de notre protection sociale. Malheureusement, le texte que nous examinons n'est pas à la hauteur de cette ambition.


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Votre projet de loi, madame la ministre, évite systémat iquement toutes les grandes questions : avenir des retraites, pérennité de l'assurance maladie, instauration d'une véritable politique familiale. Tout est vu par le petit bout de la lorgnette.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous n'avons pas votre hauteur de vue !

M. François Goulard.

Merci de le reconnaître ! Votre projet de loi a la pauvre allure d'un DDOS, accumulant les détails techniques, sortant largement du sujet de la protection sociale,...

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est vrai !

M. François Goulard.

... réglant l'importante question de la taxation des grains minéraux naturels d'un diamètre inférieur à 125 millimètres, mais passant totalement à côté des grandes réformes, seules susceptibles de garantir l'avenir de nos institutions de protection sociale. C'est un texte de ravaudage, emprunt d'un conservatisme foncier, ressassant les fausses solutions usées jusqu'à la corde, dont on sait qu'elles ne règlent rien, mais dont on espère qu'elles permettront d'attendre en paix les prochaines échéances électorales.

Mais l'artifice atteint aujourd'hui ses limites : à force de patauger, il est un moment où le pied vient à manquer. Et c'est ce qui vient de se passer, madame la ministre, pour le fameux article 2 de votre projet. Ce que vous appelez, d'ailleurs inexactement, le financement des 35 heures a buté sur la résolution des partenaires sociaux, montrant toutes les limites de cette loi de financement et mettant en lumière les contradictions de la politique de réduction du temps de travail.

Pour le reste, viendra un temps où les inconvénients de l'immobilisme, qui est la marque de votre politique, apparaîtront au grand jour et, à ce moment-là, on ne pourra que déplorer l'absence de résolution d'aujourd'hui, le temps perdu et les occasions manquées.

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

M. François Goulard.

Une chose est d'amuser la galerie avec de grandes lois, symboliques, médiatiques et d'affichage, une autre est de s'attaquer aux problèmes les plus difficiles face auxquels le courage, l'opiniâtreté, l'absence de crainte de perdre des points dans les sondages d'opinion sont des vertus cardinales. Nous devons pourtant constater que vous fuyez systématiquement ces grandes questions.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Premier grand sujet, celui pour lequel les données sont parfaitement claires, à la disposition de chacun, et que vous esquivez avec persévérance depuis 1997 : le financement des retraites.

M. Bernard Accoyer.

Quelle responsabilité !

M. François Goulard.

Une réforme des retraites est pourtant aujourd'hui la priorité absolue qui devrait s'imposer à tous les gouvernements. Le régime général de retraite des travailleurs salariés va afficher dès 2006, si aucune mesure n'est prise, un déficit de plusieurs dizaines de milliards de francs, déficit qui se comptera rapidement en centaines de milliards de francs.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. François Goulard.

De tels gouffres financiers ne seront pas longtemps supportables, car l'augmentation des cotisations sera très vite une parade largement insuffisante. Lorsque le rapport entre retraités et actifs sera de sept pour dix, imagine-t-on que chaque actif acceptera de consacrer 50 % de son revenu au paiement des retraites ?

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement fait le lit d'un conflit de générations historique !

M. François Goulard.

L'urgence d'une réaction vigoureuse est donc absolue. Au lieu de quoi, ce Gouvernement perd son temps à commander un rapport, puis à donner une mission pour analyser le contenu de ce rapport. Chacun peut l'imaginer, c'est bien sûr à la veille des élections de 2002 que vous prendrez les mesures courageuses qui s'imposent. Pour l'heure, le fonds de réserve, réponse virtuelle, pour reprendre le qualificatif...

M. Bernard Accoyer.

Excellent !

M. François Goulard.

... de mon collègue Préel inventé l'an passé, continuera de recevoir des miettes laissées disponibles par le financement de toutes vos autres oeuvres.

Est-ce responsable ? Est-il sérieux, madame la ministre, qu'en deux ans, le fonds de réserve n'ait pas été doté du quart de ce qui sera nécessaire pour couvrir le premier déficit sérieux de notre régime de retraite par répartition auquel vous vous dites tellement attachée ? En soi, le fonds de réserve ne serait pas une mauvaise réponse technique si elle était conjuguée avec toutes celles qu'appelle la gravité de la situation, si elle était autre chose que l'institution croupion que vous avez créée. Que vous le vouliez ou non, nous ne pourrons pas écarter indéfiniment la question des régimes spéciaux qui devront se rapprocher du régime général, car les Français n'admettront pas que la crise des retraites les place en situation d'aussi profondes inégalités. Nous savons qu'il y faudra beaucoup de progressivité, ce qui milite pour un commencement immédiat d'exécution.

Peut-on savoir quelles études préalables, quelles concert ations préalables - maîtres mots de la prétendue méthode Jospin - vous allez engager sur ce difficile sujet ? Vous n'avez simplement pas osé vous y attaquer. Il est facile d'ironiser, comme vous le faites régulièrement, sur l'échec du gouvernement Juppé à la fin de 1995.

M. Bernard Accoyer.

Il faudrait rappeler les chiffres de 1993 !

M. François Goulard.

Pour ma part, je respecte plus le courage politique même s'il ne réussit pas, que la lâcheté électoraliste, même si elle favorise les cotes de popularité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est beau la démocratie !

M. François Goulard.

Il faudra aussi sérieusement se pencher sur cette anomalie française qui veut que nous entrons plus tard que les autres dans la vie active pour en sortir plus tôt. Un taux d'activité de 59 % entre dix-huit et soixante-quatre ans ne sera pas compatible demain avec les besoins de financement de nos retraites. Les politiques de mise en préretraite prétendument au nom de l'emploi sont dénuées de sens. Très coûteuses en prélèvements obligatoires, elles sont au contraire néfastes à l'emploi.

Que dire dans ces conditions de la réduction du temps de travail ? Nous y reviendrons à propos des quelques d ifficultés que vous avez éprouvées, semble-t-il, en m atière de financement. Mais quel paradoxe, pour employer un terme mesuré, de réduire aujourd'hui la durée du travail alors qu'il faudra allonger bientôt la durée de la vie active !


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Il faudra enfin que vous vous résigniez à braver le tabou de la capitalisation, qui n'est pas un remède miracle, qui interviendra, en tout état de cause, beaucoup trop tard pour aplanir les premières difficultés de nos régimes de retraite, mais qui constituera un apport appréciable dans quinze, vingt ou trente ans, à une époque où le financement des retraites sera encore plus difficiles qu'aujourd'hui. Dans ce domaine, comme dans tant d'autres, les pudeurs de la gauche sont parfaitement hypocrites. Dans votre vision traditionnelle, en effet, la capitalisation est en faveur des plus riches, ceux qui peuvent épargner, et ne sert pas la cause des titulaires des p lus faibles revenus. Mais voyez ce qui se passe aujourd'hui : les plus aisées, les mieux informés, les salariés les plus protégés, bénéficient déjà de retrai tes par capitalisation ou constituent une épargne qui en tiendra lieu.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Ce sont les plus modestes, les salariés des PME, qui restent à l'écart de ce mouvement d'épargne et qui seront défavorisés demain. C'est donc pour eux que la création des régimes de retraite par capitalisation, attractifs, constitue une urgence. C'est à eux que vous devriez penser au lieu de vous accrocher à des représentations dépassées de la société. Oui, il y a urgence aujourd'hui à instituer des régimes de retraite par capitalisation, comme l'ont fait la plupart des pays développés ! Oui, il y a urgence absolue aujourd'hui à réformer les régimes de retraite par répartition pour en assurer la pérennité, comme l'ont fait ou sont en train de le faire la plupart des pays développés ! Oui, il y a urgence absolue à revoir les régimes spéciaux, comme l'ont fait ou sont en train de le faire tous les pays qui en sont dotés ! Oui, sur tous ces points votre projet de loi est muet à six ans des premières graves difficultés d'équilibre des régimes de retraite ! Cela est profondément déplorable.

En matière d'assurance maladie, vous aviez eu, l'an passé, quelques soucis avec les articles de votre projet de loi de financement.

M. Bernard Accoyer.

Je crois que cela va recommencer cette année !

M. François Goulard.

Le mécanisme de sanction collective que vous aviez voulu instaurer n'avait pas trouvé grâce aux yeux du juge constitutionnel. Vous revenez à la charge cette année avec un dispositif apparemment très différent, mais relevant en réalité de la même philosophie.

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

M. François Goulard.

Le dispositif est apparemment très différent à deux points de vue : d'abord, parce que vous chargez la Caisse nationale d'assurance maladie de la besogne, ensuite parce qu'en cas de dépassement des objectifs il est question non plus de reversement mais de lettres flottantes.

Cela ne doit abuser personne, et visiblement pas les professionnels de santé, qui ont manifesté massivement leur mécontentement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Massivement ?

M. François Goulard.

La CNAM, dans son exercice de contrôle de la dépense, est sous la tutelle étroite du ministère, qui peut à tout moment reprendre la main.

Par ailleurs, entre un reversement et une baisse tarifaire, il n'y a, au bout du compte, strictement aucune différence. Vous avez conservé le principe d'une sanction collective en cas de dépassement global des enveloppes fixées.

O r cette idée de sanctionner collectivement les médecins ou les autres professions médicales, en raison de dépenses supérieures aux limites arbitrairement fixées, est inacceptable. Elle est la cause du malaise persistant qui frappe les professions de santé depuis plusieurs années.

Si l'objectif de contrôler les dépenses de santé est louable, il n'autorise pas que l'on mette à son service n'importe quels moyens. Or reversement ou baisse tarifaire reviennent à sanctionner financièrement toute une profession au nom du comportement prétendument critiquable de certains de ses membres ou tout simplement en fonction d'une évolution des dépenses contre laquelle cette profession ne peut rien du tout.

Ces mécanismes, quels que soient les habillages, ne sont pas acceptables et ne seront d'ailleurs jamais acceptés.

Aussi peut-on être certain que le dispositif que vous mettez en place dans votre projet de loi, s'il n'est pas annulé par le juge, ne jouera pas parce qu'il provoquerait un vent de révolte parmi les professionnels concernés.

Vous espérez sans doute que les enveloppes fixées cette année, qui tiennent compte d'un certain surplus de recettes, suffiront à contenir l'évolution spontanée des dépenses. Mais, à terme, rien ne sera réglé, tout simplement parce que la méthode n'est pas la bonne. Le rapporteur, M. Evin, regrettait tout à l'heure les déclarations du président de la CNAM. Je ne vois pas au nom de quoi nous n'aurions pas le droit d'écouter ses critiques, qui nous paraissent parfaitement pertinentes.

M. Bernard Accoyer.

Il a parlé d'un dispositif

« ubuesque » !

M. François Goulard.

Si, pour les dépenses de médecine de ville, vous paraissez déléguer davantage à la CNAM - délégation octroyée, je l'ai dit, sous contrôle étroit et sans faire réellement confiance à l'initiative de cet organisme -, vous reprenez sous tutelle directe l'hospitalisation privée. Celle-ci se trouvera désormais, au côté de l'hospitalisation publique mais avec des moyens beaucoup plus limités, sous l'autorité directe et complète des agences régionales de l'hospitalisation, c'est-à-dire sous la tutelle directe du ministère. Il s'agit, à nos yeux, d'une grave régression, même si les établissements privés n'ont pas eu beaucoup à se louer de l'organisation antérieure, en particulier du dernier arrêté tarifaire.

La tutelle directe des hôpitaux, le principe des budgets globaux, est un moyen fort commode de tenir les dépenses dans une enveloppe donnée, mais ce n'est assurément pas le moyen d'obtenir l'offre de soins la plus efficace. C'est la certitude d'avoir en définitive une gestion aveugle, où coexistent grave pénurie de moyens dans certains services et lits inutiles dans d'autres. C'est le choix de l'opacité pour le patient, qui est aussi l'assurés ocial, auquel aucune garantie n'est donnée de la recherche constante de l'efficacité médicale, opacité voulue, comme l'a manifesté l'inscription dans la loi sur la couverture maladie universelle d'un article 37 instaurant la règle du secret pour la mesure des performances médicales.

M. Bernard Accoyer.

Dieu sait que nous l'avons dénoncé !

M. François Goulard.

Je regrette profondément toutes les orientations suivies dans ce domaine. Elles aboutissent à couper l'hôpital de la médecine de ville, au moment où


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chacun s'accorde à penser que le lien entre les deux est insuffisant et que les complémentarités devraient être davantage recherchées.

Surtout, la présentation que vous faites des dépenses de l'assurance maladie et du mécanisme de contrôle de leur évolution fait peser une suspicion injustifiée sur les dépenses de la médecine de ville. Or le premier poste de l'assurance maladie n'est pas la médecine de ville, c'est l'hôpital. Qui plus est, les assurés sociaux paient un prix à peu près uniforme des prestations assez voisines, s'agissant de la médecine de ville. Il n'en est pas de même à l'hôpital, où des prestations identiques sont payées au bout du compte par l'assurance maladie à des prix extrêmement différents, sans qu'elle soit à même de rechercher la meilleure prestation au meilleur prix.

Car c'est bien là le point fondamental. Au lieu de pérenniser une logique dénoncée à bon droit comme strictement comptable, une approche budgétaire classique à laquelle reviennent d'instinct les fonctionnaires, approche qui consiste à ne pas dépasser un montant fixé sans véritable souci de l'efficacité et de l'utilité des sommes dépensées, il faudrait enfin que l'assurance maladie devienne un acheteur de soins intelligent. C'est là la grande réforme à laquelle il conviendrait de s'atteler, au lieu de poursuivre dans la voie sans issue du contrôle bureaucratique.

Remettons l'assuré social, c'est-à-dire le patient doublé d'un contribuable, au centre du dispositif. Faisons en sorte que l'assurance maladie ait réellement pour objectif de fournir à l'assuré social les meilleurs soins au meilleur prix.

Présenter les choses aussi simplement conduit à faire m alheureusement le constat que notre organisation actuelle ne répond pas à un objectif aussi élémentaire.

Quel pouvoir a l'assurance maladie pour faire évoluer l'hôpital, dont je rappelle qu'il est le premier poste de dépenses et qu'il traite les cas les plus graves ? Strictement aucun. L'affaire est trop sérieuse, c'est de la responsabilité de l'Etat qui, naturellement, ne fait rien. L'Etat, incapable de fermer un hôpital obsolète, de réduire le nombre pléthorique de lits d'un service, de donner rapidement de nouveaux moyens à des services d'urgence totalement dépassés par la demande, l'Etat fait la preuve tous les jours de son incapacité à gérer le secteur hospitalier avec cet objectif simple, élémentaire, d'assurer les meilleurs soins au meilleur prix.

J'ai la conviction que, placées devant leurs responsabilités, les caisses d'assurance maladie sont infiniment plus à même de poursuivre avec continuité cet objectif conjoint, inséparables de la qualité des soins et de l'économie.

J'ai la conviction que, les responsabilités leur étant confiées, les caisses d'assurance maladie, quels que soient leur forme et leur statut, sont à même de rechercher les solutions les plus intelligentes et les plus efficaces, d'encourager les coopérations entre les différents acteurs du système de soins, au lieu qu'il soit, comme aujourd'hui, arbitrairement cloisonné.

Mais il faudrait pour cela que l'on cherche à décentraliser et non à centraliser, à responsabiliser et non à encadrer, à jouer la pluralité des acteurs au lieu d'uniformiser à outrance. A l'Etat le soin d'imposer le principe de l'assurance maladie, de fixer les grandes règles, comme la non-discrimination des assurés, comme l'obligation de s'assurer et de cotiser, mais qu'ensuite il cesse de vouloir faire ce que les acteurs décentralisés font toujours mieux que lui.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. François Goulard.

Voilà notre conviction, voilà aussi ce que font beaucoup de nos voisins européens, chez qui la protection sociale vaut bien la nôtre et coûte généralement moins cher. En tout cas, ce dont je suis certain, c'est que le cadre dans lequel vous persistez à inscrire notre assurance maladie la conduit à une impasse.

La politique de la famille, qui devrait constituer un important volet de ce projet de loi, n'appelle malheureusement que fort peu de commentaires du fait de sa quasi-inexistence.

M. Bernard Accoyer.

Rien, sauf une diminution des prestations !

M. François Goulard.

Quelques modifications marginales de prestations, un taux de variation, une disposition sur le financement, et nous nous contenterons de cela ! Pourtant, comment ne pas voir que le déficit de naissances que nous connaissons depuis de nombreuses années condamne notre pays au vieillissement d'abord, au déclin ensuite ? Comment ne pas constater que, dans le grand jeu de la redistribution, les familles, et singulièrement les familles les plus nombreuses, sont les grandes perdantes ? Comment ne pas vouloir améliorer la situation matérielle des familles pour inciter les Français à avoir plus d'enfants et contribuer ainsi à notre avenir collectif ? C'est un des grands desseins manquants de ce projet de loi, décidément dépourvu de toute ambition.

Il y a aussi dans ce projet de loi des absences frappantes, comme celle de la couverture maladie universelle.

Nous savons pourtant que la mise en oeuvre de la CMU se heurte à des obstacles considérables, au point que l'application de la loi, prévue pour le 1er janvier 2000, sera, dans les faits, sans naturellement que cela fasse l'objet d'une quelconque communication, différée de plusieurs mois, faute pour les caisses primaires d'être en mesure de traiter des dossiers aujourd'hui le plus souvent à la charge des départements, faute pour les autres acteurs de la CMU d'avoir, en temps voulu, su sur quelle base et dans quelles conditions ils pourraient intervenir.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. François Goulard.

Il est vrai que tout cela relève de la gestion la plus quotidienne, dans l'exercice de laquelle le Gouvernement, visiblement, ne se complaît pas.

A côté d'absences frappantes, il y a des présences étonnantes : je veux parler bien entendu des articles 2, 3 et 4 de ce projet. Comment diable justifier que le financement d'un volet de votre politique de réduction du temps de travail figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Quel est le lien entre cette politique et le financement des organismes de protection sociale, « objet unique et exclusif », suivant l'ordonnance organique, du présent projet de loi ?

M. Bernard Accoyer.

C'est un détournement !

M. Bernard Perrut.

Un hold-up !

M. François Goulard.

Sans doute aviez-vous souhaité, madame la ministre, établir ce lien contre l'évidence en pratiquant précisément une ponction sur les finances de la sécurité sociale. A ce prix, je le disais à l'instant, nous pourrions parler ce soir du financement de la défense nationale si la fantaisie vous avait pris d'y affecter des ressources de la sécurité sociale !

M. Bernard Accoyer.

La défense immunitaire, à la rigueur !


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M. François Goulard.

Cette justification, pour artificielle qu'elle soit, ne vaut même plus, puisque nous savons depuis hier soir que vous avez renoncé à faire financer la réduction du temps de travail par les organismes de protection sociale.

Dès lors, sans logique juridique, sans logique organique, nous devons nous satisfaire d'une logique personnelle pour examiner dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale les ressources affectées à la politique de réduction du temps de travail. C'est parce qu'un même ministre, dans l'organisation gouvernementale actuelle, coiffe l'administration de l'emploi et celle de la sécurité sociale que nous sommes priés, mes chers collègues, de bien vouloir examiner le financement des deux en un seul et même texte !

M. Bernard Accoyer.

Exactement ! On va vous aider, madame Gillot !

M. François Goulard.

Au-delà de ces critiques de forme, il faut rappeler à quoi sont affectés les divers prélèvements mentionnés à l'article 2 et précisés aux articles suivants. On dit couramment qu'il s'agit du financement des 35 heures. Je ne crois pas que l'on puisse accepter cette formulation. L'expression serait recevable si le coût du passage aux 35 heures était ainsi couvert par le budget. Or tel n'est bien sûr pas le cas.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. François Goulard.

Malgré le coût exorbitant - plus de 100 milliards - des financements qui seront mis en place, on sera loin du compte, et ce sont les entreprises françaises, toutes les entreprises françaises, qui financeront la politique de réduction imposée du temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. François Goulard.

Au demeurant, les prélèvements nouveaux destinés à couvrir les allégements relatifs de charges sociales instaurés par la deuxième loi de réduction du temps de travail sont, pour la plupart d'entre eux, des charges supplémentaires sur les entreprises. La seule ressource qui fasse exception, c'est le prélèvement scandaleux de 10 % sur les heures supplémentaires.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Faux allégements, donc...

M. Bernard Accoyer.

De toute façon, ce sont toujours les acteurs sociaux qui paient !

M. François Goulard.

Permettez, mon cher collègue ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Faux allégements, disais-je, car ce qui est accordé d'une main est repris de l'autre. Toutes les entreprises paieront pour des allégements concentrés sur quelques-une, si bien qu'aucun effet bénéfique global n'est à attendre de ces mesures. On allège les charges des entreprises à bas salaires sans compenser généralement le surcoût des 35 heures. On augmente celles des entreprises de plus de 50 millions de chiffre d'affaires. On augmente fortement la taxation de certaines industries, au risque de les voir simplement disparaître.

Il reste à expliquer pourquoi le produit de la taxation des activités estimées polluantes doit aller au financement de la politique de l'emploi, alors que, s'il fallait affecter de telles recettes, il serait sans doute plus logique de les attribuer à la lutte contre la pollution. Il reste à expliquer pourquoi les droits sur les alcools, dont l'attribution à l'assurance maladie est logique, doivent aller compenser l'allégement des charges sociales. Il ressort de tout cela un sentiment de bricolage, d'improvisation, qui n'est pas à mettre au crédit du sérieux gouvernemental.

Quant aux prélèvements envisagés sur l'UNEDIC et sur la sécurité sociale, auxquels le Gouvernement, semblet-il - car certains points restent obscurs -, a renoncé en dernière minute, dans des conditions de précipitation et d'impréparation dont l'action gouvernementale offre peu d'exemples au cours des dernières années, ils atteignaient des sommets d'incohérence. Observons simplement qu'il s'agissait de mettre à la charge des organismes de sécurités ociale la compensation d'allégements de cotisations sociales, allégements constitutifs d'une perte de recettes pour ces mêmes organismes : comprenne qui pourra.

Je remarque tout de même que les partenaires sociaux sont si peu convaincus des vertus des 35 heures et de leurs effets positifs sur l'emploi qu'ils ne sont guère enclins à compter pour certains les surplus de recettes qu'ils devraient en attendre. Je ne sais pas qui le Gouvernement a convaincu des bienfaits des 35 heures en termes d'emploi, mais ce ne sont visiblement ni les représentants du patronat ni ceux des syndicats. Par leur résolution à s'opposer à ce projet, les partenaires sociaux ont conduit

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité à reculer.

Elle a bien fait, car ce qui était en cause dans cette affaire, c'était le maintien du paritarisme dans la gestion des organismes de protection sociale. Il est très heureux que les partenaires sociaux, faisant preuve d'un sens aigu de leurs responsabilités, ne soient pas allés plus tôt à la rupture. L'épisode ne restera pas, malgré tout, à l'honneur de cette équipe gouvernementale.

Voilà, tracées à grands traits, mes chers collègues, - et en réservant le détail de nos critiques, qui seront nombreuses, pour la discussion des articles - les raisons qui conduisent le groupe Démocratie libérale à porter un regard particulièrement sévère sur ce projet mal bâti, qui ne sert pas les intérêts des assurés sociaux de notre pays et prépare fort mal l'avenir de notre protection sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le problème du financement de la sécurité sociale ne peut être absent de la discussion qui s'engage sur ce projet de loi.

M. Bernard Accoyer.

On peut le dire !

M. Gérard Terrier.

Doit-on donner un écho majeur au retrait de l'hypothèse de voir contribuer l'UNEDIC ? Pour ma part, je pense que cela relève du commentaire.

En effet, cette contribution était prévue pour 7,5 milliards à comparer aux 1 800 milliards que représente le budget de la sécurité sociale, soit quelque 0,5 %. Il ne s'agit donc pas d'une reculade ou d'un échec grave, mais d'une bonne décision qui traduit un acte responsable et qui permettra d'aborder l'indispensable discussion sur les relations entre les partenaires sociaux et l'Etat dans des conditions de sérénité.

Cela démontre également la capacité d'écoute de Mme la ministre, et sa volonté de convaincre plutôt que de contraindre, ce dont personne sur ces bancs ne doutait.

Faut-il pour autant ne pas évoquer ce dispositif ? J'avais initialement prévu de parler des avancées fortes de ce projet de loi.

M. Bernard Accoyer.

Cela aurait été intéressant...

M. Gérard Terrier.

D'autres le feront en écho aux rapporteurs qui les ont brillamment mises en exergue.


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Revenons donc au financement : de quoi s'agit-il ? De poursuivre une politique de baisse des charges salariales sur les bas salaires, en évitant cet inconvénient de la réforme Juppé : l'effet de trappe à bas salaires. Notre volonté est que le plus grand nombre bénéficient de cette mesure et de manière inversement proportionnelle au niveau de leurs revenus. Toutes ces mesures s'inscrivent en cohérence totale avec les dispositifs déjà mis en place les années précédentes, en particulier avec cette grande réforme qui consistait dans le basculement des cotisations sociales sur la CSG.

Il y a donc poursuite de la réforme des cotisations patronales, réforme encore inachevée, mais indispensable et bien appréciée.

La CAPEB écrivait d'ailleurs dans sa dernière revue, page 15 : « Ce projet de réforme des cotisations patronales va dans le bon sens. Il répond à une demande forte du secteur des métiers puisqu'il aboutit à un élargissement de l'assiette de financement des régimes sociaux. »

M. Bernard Accoyer.

La baisse des charges, c'est ce qu'on a toujours fait, mais vous avez voté contre ! Et la CAPEB est contre les 35 heures !

M. Gérard Terrier.

Le débat qui anime l'opposition porte essentiellement sur le financement du fonds d'allégement des charges sociales, qui s'élèvera à 105 milliards en année pleine et à 65 milliards pour l'année 2000.

Pour financer ce fonds, il avait été envisagé de faire contribuer l'UNEDIC à hauteur de 7,5 milliards.

Face au refus de cet organisme, Mme la ministre a dû faire de nouvelles propositions. Elles ont le soutien du groupe socialiste, car elles sont claires et socialement satisfaisantes.

En effet - écoutez bien, monsieur Accoyer, car je vois que vous n'avez pas tout compris -, 5,6 milliards sont issus du droit sur les alcools, initialement prévu pour le Fonds de solidarité vieillesse. Un milliard est financé par les 10 % issus de la taxation des heures supplémentaires prévue dans l'autre grand projet sur la réduction du temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

Scandaleux !

M. Gérard Terrier.

Il reste 0,9 milliard à financer, sur les 1 800 milliards du budget global. Peut-on dès lors parler de projet non financé ?

M. Bernard Accoyer.

Oui !

M. Gérard Terrier.

Si seulement le gouvernement précédent avait financé avec la même rigueur les projets qu'il a fait voter !...

Mais permettez-moi d'être optimiste sur ce reste à financer. En effet, l'OFCE prévoit 400 000 emplois supplémentaires, et ce budget, ainsi que la loi de finances, sont basés sur une croissance de 2,8 % alors que les indications les plus autorisées nous permettent d'espérer près de 3,5 % de croissance, ce qui nous laisse des marges importantes. Donc oui, je l'affirme, ce projet de loi est entièrement financé.

M. Bernard Accoyer.

Lequel ? Les 35 heures ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

M. Gérard Terrier.

Monsieur Accoyer, ne me faites pas croire que vous êtes trop idiot pour ne pas comprendre ce que je dis ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mais si !

M. Gérard Terrier.

Un mot pour dire que nous sommes satisfaits que le financement du fonds de solidarité vieillesse restera alimenté à la hauteur qui avait été indiquée.

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est une hypothèse !

M. Gérard Terrier.

L'excédent de ce fonds aujourd'hui s'élève à 8 milliards. Il sera, comme je viens de le dire, amputé de 5,6 milliards. Mais cette amputation sera compensée par le produit des 2 % de la contribution sociale des entreprises. Son excédent ainsi conservé pourra donc alimenter le fonds de réserve pour les retraites.

Je suis convaincu, monsieur Accoyer, que cette agitation de la droite sur la contribution de l'UNEDIC a pour seul but de masquer aux Français la réalité du financement de la sécurité sociale. Cette réalité est, en effet, bien meilleure que celle que nous avons connue lors des années noires, pendant lesquelles le gouvernement était sous la responsabilité de MM. Balladur et Juppé. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Gérard Terrier.

Ne souhaitant pas vous abreuver cela n'a rien à voir avec l'âne qui ne veut pas boire (Sourires) - de chiffres, je me limiterai à en citer deux : déficit sous la droite, 50 milliards, déficit constaté de ce budget, 4 milliards. Certes, il s'agit encore d'un déficit - et nous le regrettons tout autant que vous - mais il faut surtout noter la prévision d'un excédent.

M. Bernard Accoyer.

Hypothèse !

M. Gérard Terrier.

Peut-être. Mais c'est ce que vous répétez systématiquement !

M. Bernard Accoyer.

L'année dernière, déjà, on nous avait dit que les comptes de 1999 seraient équilibrés !

M. Gérard Terrier.

Je citerai encore un chiffre, celui de l'augmentation de l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie à hauteur de 2,5 %. Fait nouveau, cette progression est basée, non pas comme les années précédentes sur la prévision, mais sur les dépenses constatées, ce qui est, compte tenu de l'augmentation de ces dépenses, induites entre autre par la croissance, une avancée considérable...

M. Bernard Accoyer.

Un rattrapage de l'année précédente !

M. Gérard Terrier.

... qui contribuera à améliorer la qualité des soins dispensés.

C'est pourquoi, madame la ministre, vous pourrez compter sur mon soutien et sur celui du groupe socialiste. Pour autant, nous n'avons pas manqué à notre devoir d'améliorer ce texte par des amendements dont certains ont déjà été adoptés, avec l'assentiment du Gouvernement, par notre commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Merci, monsieur Terrier, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, nous allons discuter du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je ne peux que me féliciter qu'après avoir tant critiqué la réforme Juppé vous ne soyez par revenus sur cette disposition qui représente une avancée fondamentale pour notre démocratie. Comment en effet pouvait-on se satisfaire qu'un budget au moins égal à celui de l'Etat échappe totalement au contrôle du Parlement ?


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Cela dit, je regrette qu'en quatre ans nous n'ayons pas amélioré notre façon de discuter de cette loi de financement. En effet, quel est le but d'une loi de financement de la sécurité sociale ? Il s'agit bien évidemment d'envisager les moyens de financement de la protection sociale de nos concitoyens, mais cela ne peut se faire qu'après avoir fixé des objectifs, chiffré le coût de ces derniers et, au besoin, avoir fait des choix si tout ne peut pas être réalisé.

L'aspect médical du projet de loi de financement de la sécurité sociale revient pour une bonne part à la conférence nationale de santé. C'est sur ce rapport que devrait s'appuyer l'annexe dont l'adoption par l'Assemblée nationale constitue l'article 1er de ce projet de loi.

Comme les autres années, vous allez nous demander de reporter le vote de cet article à la fin, ce qui prouve bien que vos préoccupations sont d'ordre non pas sanitaire et social mais uniquement comptable.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean Bardet.

En effet, comment peut-on présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans avoir fait d'abord un inventaire des besoins des Français et surtout en avoir chiffré les coûts ? Il est bien évident que tous les chiffres avancés ici ne correspondent à aucun objectif, quelle que soit la branche considérée.

Pourquoi 1856, 3 milliards de dépenses et non 1855 ou 1857 milliards ?

M. Bernard Accoyer.

C'est l'arbitrage !

M. Jean Bardet.

Sans entrer maintenant dans la polémique de la référence aux dépenses attendues ou votées - d'autres en ont déjà parlé - pourquoi l'ONDAM de l'an 2000 est-il en augmentation de 2,5 % par rapport à 1999, pourquoi pas de 2,6 % ou de 2,4 % ? L'intérêt d'avoir une annexe chiffrée serait bien évidemment de répondre à ces différentes questions, mais permettrait aussi de savoir ce qui n'est pas budgété.

L'ONDAM augmente cette année de 2,5 %, donc plus que l'inflation, ce qui veut dire qu'il sera fait plus de choses que l'année dernière ce dont je me réjouis. Mais en lisant la loi de financement de l'année dernière, je ne vois pas ce qui n'a pas été fait en matière de santé.

Le discours du Gouvernement consiste à dire aux Français : « Ne vous faites pas de soucis, grâce à moi, vous serez toujours soigné mieux et pour moins cher ! Et, si mes prévisions ne se réalisent pas, c'est de la faute aux médecins ».

M. Bernard Accoyer.

Le réveil sera douloureux !

M. Jean Bardet.

Je suppose que l'ONDAM 2001 sera en augmentation par rapport à l'ONDAM 2000, ce qui veut dire que l'ONDAM de cette année est insuffisant.

J'aimerais savoir, et avec moi les Français ce qui ne sera pas fait pour leur santé cette année et qui justifiera une augmentation l'année prochaine.

Ce qui est mauvais dans cette loi, c'est sa philosophie.

En effet, elle n'a pas d'objectif sanitaire ou social ; elle n'a que des objectifs comptables. Il est pourtant une branche où les objectifs sont faciles à définir et à chiffrer : celle des retraites.

Après le Livre blanc de Michel Rocard, le Premier ministre a demandé un nouveau rapport à M. Charpin, dont le rapporteur de la branche vieillesse, notre excellent collègue Denis Jacquat, a fait une brillante analyse.

Malgré des données alarmantes apportant la preuve qu'à partir de 2005, du fait de l'arrivée à la retraite des générations d'après guerre, notre régime de retraite par répartition aura des problèmes majeurs de trésorerie, rien n'est fait et les décisions sont reportées à l'an 2000.

Gageons que, vu les échéances électorales à venir, ces décisions ne seront pas prises avant les présidentielles.

Mais, avant de faire une analyse branche par branche, je voudrais m'arrêter un instant sur l'article 2 qui est véritablement un article inique. Il a d'ailleurs déclenché la colère de tous, quasiment. Je ne parle non pas de l'opposition, dont c'est le rôle, mais surtout des partenaires sociaux et d'une partie de votre majorité.

La façon dont cet article a été discuté en commission est du reste totalement scandaleuse. Tout le monde savait, depuis la présentation du projet de loi en conseil des ministres, que vous vous apprêtiez à ponctionner les organismes sociaux pour financer les 35 heures. D'ailleurs, le Président de la République a été le premier à attirer l'attention sur cette manoeuvre. Mais, malgré tous les avertissements qui vous ont été donnés, vous avez maintenu votre projet en l'état.

Rien n'avait été encore modifié le mercredi 19, lorsque nous avons abordé en commission la discussion des articles. Le président nous avait simplement prévenus que les articles 1er et 2 étaient réservés.

Lorsque à la fin de la discussion des autres articles, nous sommes revenus à l'article 2, le président et le rapporteur nous ont laissés entendre que, de toute façon, cet article serait fortement amendé avant la séance publique, ce qui voulait dire que notre travail était inutile. C'est faire bien peu de cas du travail des parlementaires ! Bien évidemment, cet article 2 est inacceptable.

Il vise à créer un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Ce fonds est abondé par un certain nombre de ressources toutes discutables sauf une, la cinquième. Il s'agit d'une contribution de l'Etat puisque, depuis la loi de 1994, toute exonération de charges sociales décidée par l'Etat doit être intégralement compensée par une subvention de l'Etat.

Afin de se couvrir de façon d'ailleurs parfaitement hypocrite -, le projet de loi précise que les versements effectués par le fonds se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue par la loi de 1994. Et le tour est joué.

Il est, en revanche, une ressource qui était particulièrement inacceptable. C'est celle qui prévoyait que les organismes sociaux contribueraient à alimenter ce fonds. Les arguments utilisés pour justifier ce hold-up étaient particulièrement fallacieux. En effet, ils consistaient à dire que, puisque la loi sur les 35 heures allait diminuer le chômage ce qui reste encore à prouver -, il était normal que ces organismes contribuent au financement des 35 heures. C'est le serpent qui se mord la queue ! Tout le monde sait qu'une des raisons principales du déficit de la sécurité sociale est le chômage. Si une diminution du chômage constitue un prétexte pour diminuer les recettes de la sécurité sociale, l'équilibre ne pourra jamais être atteint.

Une diminution du chômage, donc une augmentation des recettes de la sécurité sociale, ne peut servir qu'à améliorer les prestations ou à diminuer les prélèvements.

Déjà le Gouvernement devant la pression des organismes sociaux a fait savoir par voie de presse où est l'information du Parlement ? - qu'il renonçait à ponctionner l'UNEDIC. Mais le reste demeurait de toute façon toujours inacceptable.

Hier, enfin, le Gouvernement a indiqué qu'il renonçait au prélèvement sur les organismes de sécurité sociale et de retraite complémentaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

En apparence !

M. Jean Bardet.

Mais le nouveau dispositif n'en est pas pour autant satisfaisant. J'en veux pour preuve ce que l'on pouvait lire dans le journal Le Monde , peu suspect d'être hostile au Gouvernement : « Le Gouvernement i mprovise un nouveau plan de financement des 35 heures ». Le Monde et Le Figaro ont parlé de véritable tour de passe-passe.

En effet, comment va être remplacée la ponction de 5,6 milliards de francs en 2000 sur la sécurité sociale ? Par le versement au fonds prévu à l'article 2 d'une fraction des droits sur les alcools qui était jusqu'ici versée au fonds de solidarité vieillesse.

M. Bernard Accoyer.

CQFD !

M. Jean Bardet.

L'excédent du fonds de solidarité vieillesse qui devait alimenter le fonds de réserve des retraites en sera diminué d'autant mais sera alimenté par la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

Flagrant délit de détournement de fonds sociaux !

M. Jean Bardet.

Je n'insisterai pas sur les autres prélèvements, j'y reviendrai lors de la discussion sur l'article.

Mais je voudrais d'ores et déjà signaler ici qu'il n'est pas acceptable non plus que la taxe sur les tabacs soit en permanence détournée de son objectif qui est de lutter contre le tabagisme. Cela éviterait une cause importante du déficit de la branche maladie.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Jean Bardet.

Quant à la taxe générale sur les activités polluantes, elle doit selon le principe « pollueurpayeur » servir à diminuer les pollutions de toute sorte et contribuer à prévenir ou à traiter les maladies liées à la pollution.

Je vais maintenant dire un mot sur les dispositions relatives aux dépenses des différentes branches, en insistant plus particulièrement sur la branche maladie. Mais avant, je voudrais m'élever contre le faible taux de revalorisation du montant des prestations familiales.

En s'appuyant sur une argumentation semblant juste car quasi arithmétique, le Gouvernement essaie de justifier pourquoi la revalorisation au 1er janvier 2000 ne devrait être que de 0,2 % et pourquoi, dans sa grande magnanimité, il veut faire participer les familles à la croissance en accordant de façon exceptionnelle 0,3 % supplémentaire. Les familles apprécieront à leur juste valeur cette aumône, les titulaires de la pension vieillesse auront d'ailleurs droit à la même mansuétude.

La branche maladie est la partie la plus importante de ce projet de loi puisque les dispositions la concernant vont de l'article 14 à l'article 25, soit 12 articles sur 31.

A terme, ces articles sont très importants car ils rompent avec notre système de santé traditionnel sur deux points capitaux. D'abord, ils donnent à l'Etat la resp onsabilité complète et entière de l'hospitalisation publique et privée et, à la CNAM, tout ce qui a trait à la médecine de ville. Ensuite, ils mettent fin au système conventionnel qui prédominait depuis 1971, puisque, à partir de l'an 2000, en cas de désaccord entre les médecins et les caisses, les caisses auront le dernier mot.

Les articles ayant trait à la maladie reflètent une logique que je ne partage pas. Elle consiste à dire que tous les malheurs de l'assurance maladie sont de la faute des médecins.

Je n'insisterai pas sur les articles 14 et 15 qui visent à reporter sur l'assurance maladie un certain nombre de charges assumées par l'Etat. Les dépenses devraient normalement correspondre à un transfert par l'Etat, mais on sait ce que deviennent à la longue de tels engagements et il est à craindre que l'Etat se désintéresse en fait de missions qui relèvent pourtant de sa compétence.

L'article 16 a trait aux centres de santé. Rappelons que ceux-ci avaient été créés par le ministre Ralite sous le deuxième gouvernement de Pierre Mauroy.

M. Claude Evin, rapporteur.

Vous réécrivez l'histoire ! Ces centres existaient bien avant Ralite !

M. Jean Bardet.

Aujourd'hui, leur rôle peut être rediscuté puisque la CMU devrait assurer la prise en charge de tous, que ce soit dans le secteur libéral ou dans le secteur hospitalier public ou privé. L'autorisation d'ouverture des centres de santé ne devrait se faire qu'à la condition qu'ils ne soient pas concurrentiels avec des structures existantes, autrement leur rôle ne devrait être que de dépistage et de prévention.

En tout état de cause, il apparaît pour le moins étonnant qu'aucun encadrement financier ne soit prévu pour leurs dépenses.

M. Bernard Accoyer.

Il y a eu un rapport gratiné de l'IGASS sur ce point !

M. Jean Bardet.

Cela, d'ailleurs, n'a pas manqué d'attirer l'attention de la caisse nationale d'assurance maladie.

J'en arrive maintenant à l'article 17. Sur le plan structurel, c'est le plus important puisque c'est lui qui donne à la CNAM la responsabilité de la médecine de ville. Cet article est particulièrement dangereux pour deux raisons.

La première tient au fait qu'il détruit le système conventionnel en donnant la possibilité aux caisses, « à défaut de convention, d'arrêter les mesures qu'elles estiment nécessaires ». Comment une discussion peut-elle avoir lieu entre deux partenaires si, d'entrée de jeu, il est entendu que l'un des deux aura le dernier mot ? D'emblée, d'ailleurs, l'esprit de la convention est détruit puisqu'un des points forts du système conventionnel réside dans le fait qu'une partie des cotisations sociales des médecins est prise en charge par les caisses.

Cette obligation devient une possibilité dans le projet de loi.

Enfin, en imposant un plafond d'honoraires aux médecins ayant choisi de pratiquer des tarifs différents, le projet de loi montre sa volonté de supprimer, à terme, le secteur II.

Et que dire du chapitre XIII sur les accords de « bon usage des soins » ? Bien sûr, l'idée est séduisante. En effet, qui pourrait s'opposer à ce qu'il y ait un « bon usage des soins » ? Le concept est néanmoins étonnant et n'a pu naître que dans les dédales d'un esprit torturé : comme si le but de la médecine, des médecins et des personnels paramédicaux n'était pas de faire un « bon usage des soins » !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Très juste !

M. Jean Bardet.

On peut parler d'un « bon usage de l'automobile » ou d'un « bon usage des loisirs » car il peut y avoir un « mauvais usage de l'automobile » ou « un mauvais usage des loisirs », mais quel est le mauvais usage des soins ? On est là dans le paradoxe de ce projet de loi qui se veut centré sur le malade et qui n'est centré que sur des comptes.

D'ailleurs la lecture de l'article 162-12-17 vient confirmer ce que je viens de dire car le seul critère de respect de ce « bon usage des soins » n'est pas médical mais comptable : « Ils peuvent fixer des objectifs quantifiés


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

d'évaluation de certaines dépenses et prévoir les modalités selon lesquelles les médecins conventionnés peuvent percevoir une partie du montant des dépenses évitées par la mise en oeuvre de l'accord ».

Voilà, tout est dit. Le Conseil d'Etat ayant annulé les reversements collectifs de la précédente loi de financement de la sécurité sociale, après le bâton c'est la carotte.

Quel mépris pour le corps médical qui, unanimement, rejette cette disposition et refuse de se faire acheter ! Où est le malade là-dedans ? Le bon usage des soins ne peut être apprécié que sur des critères médicaux, par exemple la diminution de la mortalité ou de la morbidité dans une maladie donnée, mais non sur des critères financiers.

La seconde raison tient au fait qu'il confie à la CNAM toute la responsabilité de la médecine de ville, et tous les pouvoirs. Cela veut dire qu'en cas d'échec il n'y aura pas d'autre possibilité que celle d'envisager des alternatives à notre système de protection sociale. Je ne pense pas que ce soit cela que vous vouliez, mais c'est pourtant ce qui arrivera et vous en porterez la responsabilité. Votre responsabilité sera d'autant plus lourde que les systèmes qui se mettront en place se feront dans l'anarchie et l'improvisation la plus complète.

Personnellement, comme d'ailleurs l'autorisaient les ordonnances de 1669, je ne suis pas opposé à ces alternatives à titre temporaire et expérimental pour des raisons purement pragmatiques car j'y vois deux avantages : le premier est que si ça marche il n'y aura pas de raisons autres qu'idéologiques de ne pas continuer ; le second, c'est que si ça ne marche pas il n'y aura pas de raisons autres qu'idéologiques de continuer. Comme cela chacun sera tombé d'accord.

M. Claude Evin, rapporteur.

N'importe quoi !

M. Jean Bardet.

Eh oui, monsieur le rapporteur, ce que je dis est vrai !

M. Claude Evin, rapporteur.

Ce n'est pas parce que vous le dites que c'est vrai !

M. Jean Bardet.

Je ferai un très bref commentaire sur les articles 18 et 19 afin d'insister, comme cela a été le cas à droite et à gauche en commission, sur le fait que ces articles représentent un risque grave pour le secret médical.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Jean Bardet.

Il ne suffit pas de dire, avec beaucoup d'angélisme ou peut-être un peu de mauvaise foi, que le secret médical s'impose non seulement au personnel médical mais aussi au personnel administratif. On sait ce qu'il en est du secret de l'instruction, on devine ce qu'il en sera du secret médical.

Je terminerai sur l'hôpital, bien qu'aucun article de ce projet de loi n'en traite, comme si tout allait bien dans ce secteur. Il faut se reporter à l'annexe pour que le sujet soit abordé, et encore, de façon générale et sous forme d'autosatisfecit.

M. Bernard Accoyer.

L'hôpital est dans les clous avec Mme Aubry !

M. Jean Bardet.

Par exemple, peut-on se satisfaire que seulement plusieurs dizaines d'établissements hospitaliers aient engagé la démarche d'accréditation alors qu'il y en a plus de mille en France ? Rien n'est dit sur la gronde grandissante du personnel infirmier qui ne voit dans les 35 heures qu'un supplément de travail et pas d'embauches. Rien n'est dit sur les grèves des personnels de nuit. Rien n'est dit sur la dégradation profonde des locaux et la vétusté des matériels, souvent obsolètes. Rien n'est dit sur les PAC, dont le problème n'est pas complètement réglé. Rien n'est dit sur le statut, le recrutement et les rémunérations des PH.

M. Bernard Accoyer.

Et les urgences !

M. Jean Bardet.

Le taux d'augmentation du budget des hôpitaux à 2,4 % a évité le pire et montre que le Gouvernement n'a pas suivi les propositions totalement irresponsables du plan stratégique de la CNAM. Mais le taux ne permet qu'une reconduction de l'existant et ne finance pas les mesures nouvelles.

S'il est normal que ce taux soit adapté en fonction des besoins des hôpitaux et des inégalités régionales, je ne sais pas comment les hôpitaux qui auront un taux inférieur à 2,4 % s'en sortiront. Car on sait que 70 % du budget des hôpitaux est représenté par les salaires.

De plus, l'annonce d'un relèvement de 0,5 % des cotisations à la CNRACL amputera la trésorerie des hôpitaux de 0,175 % qui vient donc en déduction des 2,4 % annoncés.

Permettez-moi de faire un plaidoyer pro domo . Le taux d e progression annoncé pour l'Assistance publique Hôpitaux de Paris est de 1,2 % et m'apparaît totalement irresponsable. Les chiffres montrent, en effet, que l'AP-HP coûte cher. Encore faudrait-il en analyser les raisons.

Le rapporteur, en commission, a reconnu que le chiffre de 13 % habituellement avancé pour expliquer le surcoût dû à la mission de service public était sous-estimé, et je l'en remercie. Des erreurs de gestion ont été commises à l'AP-HP, mais à qui la faute ? Ni au personnel infirmier, qui est la première victime des sous-effectifs, ni au personnel médical, ni surtout aux malades.

Je crois que si le bâtiment prend l'eau, au propre comme au figuré, il faudra bien, un jour, trouver les responsables. A qui la faute si la sécurité anesthésique n'est pas assurée, si les urgences manquent de personnel et de médecins et si l'accueil laisse à désirer ? J'aurais beaucoup de choses encore à dire sur l'absence de politique de prévention, sur le médicament, sur les cliniques, mais j'y reviendrai ultérieurement.

Je conclurai simplement en disant que toute la copie me semble à reprendre et que, si la conjoncture actuelle vous permet d'atteindre un semblant d'équilibre, toute inversion de tendance vous conduira, et nous conduira, à la catastrophe. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE RAPPORTS EN APPLICATION DE LOIS

M. le président.

J'ai reçu, le 25 octobre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 87 de la loi de finances pour 1997 (no 96-1181 du 30 décembre 1996), un rapport sur l'application des dispositions en matière d'impôt sur le revenu relatives aux réductions d'impôt.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

J'ai reçu, le 26 octobre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 43 de la loi de finances pour 1980 (no 80-30 du 18 janvier 1980), le rapport sur la gestion de 1998 du Fonds national pour le développement du sport (FNDS).

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1835, de financement de la sécurité sociale pour 2000.

MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1876, tomes I à V) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1873).

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 27 octobre 1999, à une heure.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 26 OCTOBRE 1999

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL de la 3e séance du mardi 26 octobre 1999 SCRUTIN (no 198) sur l'exception d'irrecevabilité opposée par MM. Douste-Blazy et Rossi au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Nombre de votants .....................................

185 Nombre de suffrages exprimés ....................

185 Majorité absolue ..........................................

93 Pour l'adoption ...................

50 Contre ..................................

135 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Contre : 124 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Raymond Forni (président de séance).

Groupe R.P.R. (136) : Pour : 25 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).

SCRUTIN (no 199) sur la question préalable opposée par M. Debré au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Nombre de votants .....................................

148 Nombre de suffrages exprimés ....................

148 Majorité absolue ..........................................

75 Pour l'adoption ...................

37 Contre ..................................

111 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Contre : 96 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Raymond Forni (président de séance).

Groupe R.P.R. (136) : Pour : 28 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 2. - MM. Alain Ferry et Michel Voisin

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 2. - MM. François Goulard et José Rossi

Groupe communiste (35) : Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).