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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 8231).

V

IOLENCES DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES (p. 8231)

MM. Jean-Luc Warsmann, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

CONCOURS DE MÉDECINE À MONTPELLIER (p. 8232)

MM. Christian Cabal, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

AIDES À LA CONSTRUCTION NAVALE (p. 8233)

MM. Aimé Kerguéris, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DROITS DE L'HOMME (p. 8234)

Mme Marie-Hélène Aubert, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

ÉDUCATION ARTISTIQUE (p. 8235)

Mme Catherine Tasca, M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

VERSEMENT DES PRESTATIONS FAMILIALES ET RISQUES INFORMATIQUES LIÉS AU PASSAGE À L'AN 2000 (p. 8236)

Mmes Véronique Neiertz, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

POLITIQUE DE L'EAU (p. 8237)

M. Daniel Marcovitch, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

EMBARGO SUR LES VIANDES BOVINES BRITANNIQUES (p. 8238)

MM. Germinal Peiro, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET RELATIONS COMMERCIALES AVEC LA GRANDE-BRETAGNE (p. 8238)

MM. Edouard Landrain, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

TRAITÉ D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES (p. 8239)

Mme Janine Jambu, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

RESPECT DES LIBERTÉS SYNDICALES (p. 8240)

M. Patrick Leroy, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 8241)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

2. Assassinat du Premier ministre arménien (p. 8241).

MM. François Rochebloine, le président, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

3. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8241).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 8241)

Motion de renvoi en commission de M. José Rossi : M. Jean-François Mattei, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail ; Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Bernard Accoyer, François Goulard, Jean-Paul Bacquet, Germain Gengenwin, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet par scrutin.

Mme la ministre.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 8267).

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8268).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

VIOLENCES DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, vendredi dernier, un surveillant a été agressé dans le collège de Metz où il travaille.

M. Jacques Myard.

Scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce lundi, dans un collège d'Aix-en-Provence, un enseignant a, à son tour, été agressé.

M. Jacques Myard.

Re-scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas plus tard qu'hier, mardi, c'est un enseignant du lycée professionnel de GrandeSynthe, proche de Dunkerque, qui a été violemment frappé à la tête.

Monsieur le ministre, la violence sous toutes ses formes - racket, intimidations, agressions verbales ou physiques - se développe dans de très nombreux établissements scolaires, les délinquants ayant un sentiment de quasi-impunité. Et ce ne sont pas les derniers chiffres que vient de rendre publics Mme Guigou, ministre de la justice, qui vont nous faire changer d'avis.

Ces chiffres nous apprennent en effet que, en 1998, une infraction sur deux a été classée sans suite, alors même que son auteur a été identifié. Une sur deux ! Voilà bien l'origine du sentiment d'impunité.

Ma question sera double.

D'abord, êtes-vous conscient, monsieur le ministre, de cette aggravation de la violence dans les établissements scolaires ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Non !

M. Jean-Luc Warsmann.

Ensuite, quels moyens supplémentaires avez-vous réclamé au ministère de l'intérieur en termes d'effectifs de policiers et au ministère de la justice pour que les plaintes déposées soient enfin suivies d'effets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, hélas ! vous avez raison. Après un tassement l'année dernière et une régression pendant les quatre premiers mois de l'année, la violence a repris lors de la dernière rentrée.

M. Yves Fromion.

Ça c'était calmé pendant les vacances !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Ce problème concerne toute la société française.

M. Michel Hunault.

Et d'abord le Gouvernement !

M. Yves Fromion.

Que fait Guigou ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Oui, parfaitement, ça concerne le Gouvernement en priorité, mais il faut que chacun assume ses responsabilités.

M. Yves Fromion.

Ses turpitudes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Non, il n'y a pas de turpitude, monsieur le député. Depuis que je suis au gouvernement, j'ai fait sanctionner chaque agression sur un enseignant, chaque acte de violence. L'éducation nationale n'a toléré et ne tolérera aucune faiblesse.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mais, c'est vrai, les sorties d'école doivent être davantage surveillées.

M. Jean-Louis Debré.

Faites-le ! Cessez de faire des discours !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Par ailleurs, certaines condamnations doivent être plus sévères.

Le Gouvernement a élaboré un plan qui consiste à mettre en place des classes relais...

M. Jean-Louis Debré.

Réunissez une commission, comme d'habitude !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Il ne s'agit pas d'une commission, monsieur le député ! Vous avez été ministre de l'intérieur, et pour autant vous n'avez pas fait cesser la violence ; au demeurant, vous ne le pouviez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Jean-Louis Debré.

J'avais réussi à la réduire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, ce problème grave mérite autre chose que des sourires.

M. Yves Fromion.

En effet, il exige des actes !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Il nécessite une mobilisation de tout le pays. C'est un problème de civilisation qui nous touche de près les uns et les autres.

M. Jean-Louis Debré.

Paroles !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Non, il ne s'agit pas de paroles. Seulement, je ne peux rien vous garantir en cette matière.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cela dit, pour ce qui nous concerne, nous continuerons à faire le maximum.

M. Yves Fromion.

Il faut des actes, non des paroles !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Nous avons renforcé et nous continuons à renforcer les moyens dans les quartiers difficiles. Si c'est insuffisant, nous essayerons de faire davantage.

Mais ce n'est pas l'école seule qui porte les problèmes de la violence, je tiens à le dire avec une certaine solennité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Fromion.

C'est le Gouvernement qui porte ces problèmes !

CONCOURS DE MÉDECINE À MONTPELLIER

M. le président.

La parole est à M. Christian Cabal.

M. Christian Cabal.

Monsieur le président, ma question s'adresse aussi à M. Allègre, mais elle concerne l'enseignement supérieur et, en particulier, les étudiants en médecine de Montpellier.

Nous sommes nombreux sur ces bancs à nous préoccuper de la situation que connaissent ces étudiants à l'heure actuelle. Je pense notamment à Jean-Michel Ferrand et à Jacques Godfrain, ainsi que, dans les rangs de la majorité, à M. Frêche et à M. Alain Barrau. Pour ma part, je me sens d'autant plus concerné que je suis un ancien doyen de faculté de médecine et un ancien organisateur de concours de première année.

Le 14 octobre dernier, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le concours de classement d'entrée en deuxième année de médecine pour une raison de forme. Deux questions dans deux épreuves de concours ayant été, disons pudiquement, mal rédigées, le jury avait décidé, je crois, après avoir pris attache avec vous, monsieur le ministre, de neutraliser ces questions. Et c'est cette neutralisation qui est à l'origine du pourvoi qui a entraîné l'annulation du concours.

Mais cette annulation étant de forme, cela signifie que les 184 étudiants qui ont été reçus sur les 1 000 candidats sont les 184 meilleurs. Ce point ne me semble soulever aucune discussion. Ils méritaient d'être reçus et ils ont tous subi les mêmes épreuves dans les mêmes conditions.

Il n'y a pas eu de différence de traitement entre eux.

Pour autant, la conséquence de cette annulation est qu'il faut organiser un nouveau concours. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. En effet, ceux qui ont été reçus poursuivent depuis deux mois leurs études en deuxième année où ils suivent des stages hospitaliers, ceux qui ont choisi la dentisterie ont acquis des matériels onéreux pour les travaux pratiques et ceux qui n'ont pas été reçus ont choisi d'autres filières. Seuls quelques recalés ont continué de préparer le concours en redoublant la première année.

Or, si l'on organise un deuxième concours, il y aura là inégalité de traitement car ceux qui ont continué de préparer le concours seront avantagés par rapport aux autres.

De plus, il est impossible que les 184 reçus du premier concours soient les 184 reçus du second.

Dans ces conditions, qu'adviendra-t-il de ceux qui ne seront pas reçus et réciproquement ? Une solution est avancée - j'appelle ça un cachemisère - qui consisterait à augmenter le numerus clausus pour que personne ne soit pénalisé. C'est une très mauvaise solution, car si nous modifions maintenant le numerus clausus, de nouveaux recours seront déposés, qui donneront lieu à de nouvelles procédures, et les étudiants en médecine de Montpellier risquent d'attendre encore des mois et des mois - j'indique que tout enseignement est suspendu jusqu'à ce qu'on aboutisse à une solution définitive.

Etant donné ce contexte, et compte tenu d'un certain nombre de jurisprudences ayant trait au même problème, ne pourrait-on pas, monsieur le ministre, procéder à une validation législative du concours de première année ? Il existe des précédents ; c'est possible.

Nous discutons actuellement du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous pouvez, monsieur le ministre, par le biais d'un amendement, qui ne serait pas un cavalier...

M. Jean-Pierre Michel.

Mais si !

M. Christian Cabal.

Non, il n'est pas incohérent d'évoquer la formation des étudiants en médecine dans un texte relatif au financement de la sécurité sociale.

En déposant cet amendement, nous aurions la possibilité, dans les toutes prochaines heures, de répondre définitivement à ce problème et de permettre aux étudiants en médecine de Montpellier de reprendre leur enseignement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, vous soulignez un problème d'autant plus grave qu'il est difficile à régler sur le plan juridique et, surtout, qu'il est à répétition : quasiment tous les ans, j'ai un ou deux problèmes avec les examens de médecine.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

C'est vrai !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

On en a eu un à Brest.

Depuis que je suis ministre de l'éducation nationale, sans arrêt il y a un problème. (Rires et applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Cela avait commencé avant... (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mesdames, messieurs les députés, au cas où vous ne le sauriez pas, l'Université est indépendante ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

N'en rajoutez pas. (Sourires.)

Poursuivez votre propos, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Je constate que vous posez des questions mais que vous n'êtes pas intéressés par la situation des étudiants en médecine de Montpellier ! (« Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur Debré, c'est comme pour la violence, vous prenez cela en riant. Moi pas !

M. Jean-Louis Debré.

C'est vous qui me faites rire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Des erreurs d'énoncés dans le problème de biophysique...

M. Jacques Myard.

Zéro défaut !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... et des différences d'enseignement entre Montpellier et Nîmes en anatomie ont conduit le tribunal administratif à annuler la délibération du jury en exigeant que les étudiants recomposent.

Tel est le jugement. Nous sommes dans un pays où règne l'Etat de droit. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Nous déplorons la légèreté avec laquelle certains enseignants préparent les questions de concours de médecine et la manière dont certains les corrigent.

M. Gérard Saumade.

Très juste !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

C'est pourquoi nous avons saisi l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale en lui demandant de procéder aux investigations nécessaires pour s'assurer de la régularité des procédures. Nous attendons de l'IGAEN qu'elle recherche les causes de ces incidents et nous prendrons les mesures appropriées.

M. Jean-Michel Ferrand et M. Patrick Ollier.

Lesquelles ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Les épreuves d'anatomie et de biophysique devraient être organisées pour la première semaine de décembre. Des dispositions ont été prises pour que les étudiants disposent tous du même temps de préparation et des polycopiés nécessaires. Le président de l'université veillera avec le recteur à ce que ces nouvelles épreuves se déroulent dans les meilleures conditions. Nous avons assuré aux étudiants que nous veillerions à ce qu'aucun d'entre eux ne soit lésé.

Des mesures appropriées seront prises dès que nous aurons connaissance de la nouvelle délibération du jury.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Patrick Ollier.

Quelle lecture laborieuse !

M. François Goulard.

Un prompteur pour le ministre !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

La validation par voie parlementaire des concours pour lesquels une nouvelle correction a été nécessaire sera envisagée après la nouvelle délibération du jury.

N ous ne pouvons pas faire des choses illégales.

(« Bravo ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le tribunal administratif a demandé que les épreuves soient recomposées. La voie législative sera, conformément à la loi, envisagée après l'application des décisions du tribunal administratif.

M. Richard Cazenave.

La loi, c'est nous qui la faisons !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, cette réponse devrait vous satisfaire. Pour ceux qui, comme M. Debré, se moquent des étudiants en médecine (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), c'est autre chose.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Debré.

C'est lamentable ! Non seulement vous ne savez pas lire, mais en plus vous dites n'importe quoi !

M. Christian Bourquin.

Debré, rigolo !

M. le président.

Un peu de calme de part et d'autre ! Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

AIDES À LA CONSTRUCTION NAVALE

M. le président.

La parole est à M. Aimé Kerguéris.

M. Aimé Kerguéris.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle porte sur l'aide à la construction navale.

Depuis l'arrivée au pouvoir de la majorité socialiste, le Gouvernement n'a cessé de proclamer sa guerre aux niches fiscales. Sous couvert de cette croisade, vous avez supprimé le régime des quirats, contre l'avis de certains parlementaires dans vos propres rangs qui avaient parfaitement compris que, loin d'être une niche fiscale, le système des quirats était un instrument économique efficace pour développer une flotte sous pavillon français.

Les quirats ont permis de financer cinquante navires, alors que le système du GIE fiscal que vous avez mis en place n'en a financé à ce jour que six ! En parallèle, votre gouvernement a délivré depuis son arrivée plus de 6 milliards de francs de défiscalisation qui ont profité exclusivement à des armateurs étrangers.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ceux-ci sont d'ailleurs parfaitement connus et les navires concernés sont les suivants : le Mistral de la compagnie italogrecque Festival ; le R3 et le R4 de la compagnie américaine Renaissance ; le Radisson de la compagnie américaine Radisson.

Cette situation est absolument intolérable quand on sait que le nombre de marins français embarqués est insignifiant, voire inexistant, et quand on sait que le navire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

R 3 ne bat même pas pavillon français mais libérien, alors que vous aviez répondu, monsieur le ministre, dans le Journal officiel du 19 janvier 1999, à une question écrite de notre collègue René Couanau, qu'il battrait pavillon français ! La réponse à cette situation ne peut, bien sûr, être apportée par le biais des aides à la construction navale, car, si tel était le cas, comment expliquez-vous alors que l'Etat français ait financé la construction de ces navires à hauteur de 40 %, alors que les aides à la construction navale sont, vous le savez comme moi, plafonnées à 9 % par la réglementation européenne ? J'attends donc de vous, monsieur le ministre, une réponse précise à cette question et, surtout, une attitude plus favorable envers les armateurs français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

Mme Odette Grzegrzulka.

A la niche !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, je vous réponds à la place de Dominique Strauss-Kahn, qui est en voyage officiel en Asie. Vous voulez des réponses précises, et je vais vous les apporter.

Effectivement, nous avons remplacé le système des quirats issu d'une loi du 5 juillet 1996 par un système de GIE fiscal. Pourquoi ? Parce que le système des quirats était une niche fiscale coûteuse et peu créatrice d'emplois.

Je vais vous donner des chiffres précis en la matière.

Ce système permettait à des particuliers de bénéficier d'un avantage d'impôt sur le revenu allant jusqu'à 1 million de francs s'ils étaient dans la tranche supérieure.

Mme Odette Grzegrzulka.

Scandaleux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ce système, dont l'esprit était bon, était également un système coûteux : prévu pour huit navires, un an plus tard, il bénéficiait à vingt-cinq navires (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ,...

M. René Couanau.

Et alors ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... pour un coût évidemment supérieur.

Le point important, monsieur le député, c'est que sur ces vingt-cinq navires, dix ont été construits dans l'Union européenne dont six en France, six en Asie, et neuf étaient étaient des navires d'occasion.

Le dispositif de la loi prévoyait trente emplois par navire ; or le chiffre effectif a été de quatorze.

Comment aider notre flotte de commerce et notre construction navale ? Telle est la question que nous nous sommes posée. Le dispositif mis en place au printemps 1998 dans un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a pour but d'apporter une réponse à cette question.

Ce dispositif a été élaboré après concertation avec les professionnels. Les premiers résultats en sont les suivants : neuf bâtiments ont bénéficié du dispositif et un seul bâtiment d'occasion a été concerné par celui-ci ; majoritairement, il s'est agi de bâtiments construits dans l'Union européenne et les armateurs sont tous, contrairement à ce que vous avez prétendu - et je tiens la liste de leurs noms à votre disposition -, des armateurs établis en France !

M. René Couanau et M. Aimé Kerguéris.

Non ! C'est faux !

M. Yves Nicolin.

Cela ne veut rien dire !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je tiens toutes les informations à votre disposition.

Il est trop tôt pour dresser le bilan, mais je crois très sincèrement que le nouveau dispositif est plus avantageux que l'ancien pour notre marine marchande et pour notre construction navale. Par la même occasion, nous avons supprimé une niche fiscale qui était parfaitement scandaleuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DROITS DE L'HOMME

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis quelque temps déjà, la France, à commencer par le Président de la République Jacques Chirac, se veut particulièrement aimable avec les régimes les plus durs de la planète. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Hier, le président Jiang Zemin se voyait dérouler le tapis rouge par une République française bonne fille, pourtant plus sourcilleuse habituellement sur la question des droits de l'homme. Aujourd'hui, c'est au tour du Président Khatami, qui, même s'il est censé incarner une lueur d'espoir, représente un Iran théocratique, où on lapide encore les femmes, où l'on exécute et emprisonne pour délit d'opinion en permanence.

Ainsi, Ngarang Sarangdol, jeune religieuse tibétaine emprisonnée et torturée comme des milliers d'autres, le 1,8 million de paysans chinois déplacés par le délirant barrage des Trois-Gorges - garanti, entre autres, par la COFACE -,...

M. Jacques Myard.

Et alors ?

Mme Marie-Hélène Aubert.

... les étudiants et les juifs iraniens menacés d'exécution, les femmes iraniennes opprimées sous la férule islamique seront certainement heureux d'apprendre l'accueil chaleureux que la France réserve à ces présidents, et de voir aussi qu'elle s'efforce d'éloigner ou de faire taire leurs opposants pacifiques dans notre pays même. C'est indigne de la patrie des droits de l'homme ! Pourtant, au printemps dernier, lors du conflit au Kosovo, tous les dirigeants européens se frappaient la poitrine en regrettant amèrement de n'avoir rien fait ou presque pendant des années pour les démocrates. Est-ce déjà oublié ? Il paraît que cette politique « d'engagement constructif », de dialogue critique, comme on dit, qui prétend notamment que le commerce conduirait forcément à la démocratie, serait plus efficace que la politique de sanctions et d'embargo, certes contestable, prônée souvent unilatéralement par les Américains.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Pourtant, rien n'est moins sûr. La Chine promet beaucoup, mais elle se révèle mauvais payeur, et la rente du pétrole iranien ne servira qu'à asseoir encore plus le pouvoir qui l'a déjà captée. Sans Etat de droit, il n'y a bien souvent que de mauvaises affaires.

E ntre embargo et sanctions, bien hypocrites, et cynisme commercial, il doit y avoir une autre voie, celle qui place le développement humain en priorité, celle qui conditionne l'octroi de crédits ou d'investissements à la mise en oeuvre d'un réel contrôle, celle qui demande le respect de normes sociales et environnementales, une politique qui lutte énergiquement contre la corruption - le palmarès récemment paru de Transparency International ne nous met pas à cet égard en excellente position, c'est le moins qu'on puisse dire -, une politique qui ne livre pas d'armes à n'importe qui, une polituque qui soutient activement les démocrates et les mouvements civiques partout dans le monde. C'est ce que nous attendons au moins de notre gouvernement ! Quelles initiatives comptez-vous prendre en ce sens, monsieur le ministre, notamment en vue de la présidence d e l'Union européenne au second semestre 2000 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, je pense que toutes les personnes présentes dans cet hémicycle sont aussi attachées que vous l'êtes à la promotion de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il s'agit de savoir comment faire, et pas uniquement de prendre des positions ou de faire des déclarations.

Nous sommes confrontés à la question tous les jours.

Vous parlez de « cynisme commercial ». Mais je ne sais pas bien ce que cela veut dire s'agissant d'un pays où un tiers des salariés travaillent pour l'exportation. Je ne vois pas en quoi la démocratie progresserait plus vite dans les pays qui achèteront des Boeing plutôt que des Airbus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Bien évidemment, cela n'épuise pas la question.

Il n'y a aucune raison de laisser le dialogue politique et stratégique avec la Chine sur tous les sujets, y compris la démocratie et le Tibet, aux seuls Etats-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. Bernard Pons.

Absolument !

M. le ministre des affaires étrangères.

Il n'y a aucune raison pour que le dialogue avec un Président iranien qui, certes, n'a pas encore transformé l'Iran en un Iran que nous pourrions rêver, mais qui cherche des appuis dans la lutte qu'il conduit à l'intérieur de son pays avec les obstacles que vous connaissez, soit mené par tous les pays européens sauf par la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Tous ces dialogues, nous les menons, qu'il s'agisse du Président de la République ou du Gouvernement, avec clarté, avec franchise, avec vigueur. Et à travers eux, nous visons un véritable objectif.

Vous avez rappelé l'hypocrisie des sanctions et des embargos, et vous avez raison. Vous avez demandé s'il existait une autre voie. Cette autre voie que celle des diverses pratiques que vous condamnez existe bel et bien : c'est la politique étrangère de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

ÉDUCATION ARTISTIQUE

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Chaque année, la rentrée scolaire et la rentrée artistique se font à peu près en même temps. Cette année, alors que les théâtres, les festivals, les salles de concert publiaient leur programme, vous avez fait paraître, monsieur le ministre, une plaquette forte intéressante sur le Printemps théâtral, qui relate toutes les expériences reliant l'école au théâtre.

Faut-il y voir un signe heureux de convergence ? En effet, notre système d'éducation fait envie à beaucoup de pays, même s'il appelle des réformes, auxquelles vous vous employez.

Nous avons également, grâce à des décennies de politiques culturelles volontaristes de l'Etat et des collectivités locales, de nombreux artistes, des équipements, des procédures d'aide à la création qui ont fait leurs preuves.

Malheureusement, les deux mondes se rencontrent assez difficilement et ils ont en tout cas du mal à s'épauler l'un l'autre et à créer toutes les synergies qui devraient pouvoir être possibles. Nous savons pourtant monsieur le ministre, que cette rencontre est possible et parfois réussie. J'en veux pour preuve le festival Banlieues Arts qui, à Trappes, réunit chaque année les enseignants, les élèves et les artistes autour d'un projet commun de très grande qualité. Cette année, c'est Mme Ségolène Royal qui a bien voulu ouvrir ce festival.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Certes, nous savons que tous les enfants ne naissent pas artistes. Mais nous savons aussi que, pour tous, la découverte des arts, une pratique artistique peuvent être un moteur très utile de formation de la personnalité, de socialisation et de développement des capacités d'expression.

Cette possibilité, l'école est sans doute la seule à pouvoir l'offrir à tous de manière égale. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous disiez quelles sont vos actions et vos projets en la matière, à la


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veille de l'initiative que va prendre l'UNESCO à la faveur d'un appel pour le développement de l'éducation artistique, le 3 novembre prochain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, pour une réponse courte car nous sommes un peu en retard.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Madame la députée, Mme Ségolène Royal et moi-même menons une action énergique dans le domaine de l'éducation artistique, en liaison étroite avec la ministre de la culture.

Alors que 3 % seulement des lycéens avaient dans le passé droit à une éducation artistique, ce seront, avec la réforme des lycées, plus de 50 % qui auront droit aux ateliers artistiques. Ils bénéficieront en plus d'une innovation très importante : l'intervention de personnalités extérieures compétentes dans les établissements scolaires.

Au niveau de l'école, un programme a été développé :

« L'éveil musical pour tous les enfants ». Le problème de l'initiation à la perception de l'image est aussi pris en compte et une mesure très importante, attendue depuis plus de trente ans, a été prise : la reconnaissance des droits d'auteur permet aujourd'hui à tous les enseignants de se servir des enregistrements de cassettes sans être dans la clandestinité.

Par ailleurs, nous avons organisé un festival de chorales scolaires - cette année, il s'est tenu à Strasbourg et, l'an prochain, il aura lieu à Nantes -, un printemps théâtral pour les établissements scolaires, et avec le député Jack Lang (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) un concours annuel de poésie.

L'an prochain, nous poursuivrons cette action en organisant un ensemble musical par établissement, quel que soit cet ensemble musical, et par un aménagement des locaux dans le cadre des plans de développement de constructions que nous élaborons.

Avec la réforme des IUFM, l'enseignement artistique sera obligatoire dans la formation de tous les enseignants.

Comme vous, madame la députée, je crois que l'enseignement artistique est extrêmement important pour un pays de culture comme le nôtre, pour un pays où, plus il y aura du temps libre, plus grande sera la possibilité d'utiliser ce temps pour la culture. Cela sera la garantie non seulement du rayonnement de ce pays, mais aussi de son développement économique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

VERSEMENT DES PRESTATIONS FAMILIALES ET RISQUES INFORMATIQUES LIÉS AU PASSAGE À L'AN 2000

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

Mme Véronique Neiertz.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la ministre, compte tenu des risques informatiques liés au passage à l'an 2000, de nombreuses entreprises et administrations, qui s'organisent pour éviter tout dysfonctionnement qui risquerait de porter préjudice à leurs usagers, prennent ou prendront des mesures préventives avant le 1er janvier prochain.

Or nous savons que les caisses d'allocations familiales doivent verser les prestations sociales aux familles le 5 janvier 2000 et, comme vous le savez, beaucoup de familles ne vivent que de ces prestations.

Aussi ma question sera-t-elle la suivante : comment les pouvoirs publics entendent-ils se prémunir contre tout risque de retard dans le versement des prestations sociales par les caisses d'allocations familiales en sachant, premièrement, que tout retard serait catastrophique pour des millions de personnes en France et, deuxièmement, que ce serait le Gouvernement et les élus que nous sommes qui porteraient la responsabilité d'un tel dysfonctionnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, vous m'interrogez sur les difficultés de gestion des CAF. Je le comprends car, ces derniers temps, principalement dans la région parisienne, des retards importants liés à l'introduction du nouveau système informatique Cristal ont été déplorés.

Les difficultés subsistent essentiellement en Ile-deFrance mais, me dit-on, pour quelques jours seulement puisque toutes les dispositions nécessaires ont été prises.

Le système Cristal, qui a été mis en place en province en général sans difficulté, a posé des problèmes particuliers en Ile-de-France, où le logiciel était différent.

Cela dit, c'est grâce au système Cristal que nous pourrons surmonter le problème du bogue de l'an 2000 dans de bonnes conditions.

La CNAF, comme les autres organismes, a, je le rappelle, une gestion paritaire : elle est gérée par les organisations patronales et syndicales. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et vous savez, mais je vois que vous le reconnaissez, combien nous sommes attachés au paritarisme. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous ne pouvons pas, comme vous l'avez très bien dit, nous désintéresser du fonctionnement d'organismes qui permettent aux plus fragiles de vivre. C'est pourquoi, il y a déjà plusieurs mois, j'ai demandé à mes services et notamment à la mission du passage à l'an 2000, de prendre contact avec les caisses nationales de sécurité sociale et l'ensemble des organismes sociaux, tels que la CNAF, pour travailler avec eux sur ce passage.

Le plan d'action qui a été mis en place par la branche famille a concerné tous les niveaux - national, régional et local -, chacun des acteurs ayant la charge de la certification en 2000 des matériels et logiciels sous sa responsabilité.

La CNAF a élaboré un plan de continuité pour les 24 et 31 décembre. Elle considère aujourd'hui - je suis évidemment le dossier jour après jour - que le service des


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prestations familiales et du RMI ne sera en rien affecté par le passage à l'an 2000. Le nouveau système informatique permettra au contraire de garantir la sécurité.

La CNAF assure que les prestations seront payées normalement lors de la première échéance, c'est-à-dire le 5 janvier.

Je tenais à vous communiquer tous ces éléments pour vous rassurer car je sais combien les difficultés ont été grandes, notamment pour les plus défavorisés qui, en Ilede-France, n'ont pu toucher leur RMI et leurs allocations familiales qu'avec retard. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE DE L'EAU

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la ministre, un an et demi après votre déclaration du 20 mai 1998 définissant les grandes lignes d'une politique de l'eau, vous avez ce matin, en conseil des ministres, précisé les objectifs qui sont les vôtres, et donc ceux du Gouvernement.

Il est clair que, depuis la loi de 1964 créant les agences de bassin et la loi de 1992 sur l'eau, les choses ont sensiblement évolué, en particulier du fait de l'apport des directives européennes et de la volonté de donner aux agences de bassin et aux redevances qu'elles prélèvent la constitutionnalité qui leur manque.

Les exigences des consommateurs face à l'augmentation du prix de l'eau vont dans le sens d'une plus grande responsabilisation, d'une plus grande justice, d'une plus grande transparence et d'une meilleure solidarité nationale.

Je voudrais vous interroger sur deux points.

Vous voulez créer des redevances relatives à la modification du régime des eaux. Comment envisagez-vous d'intégrer la prévention et la lutte efficace contre les inondations ? Dans le cadre de la lutte contre la pollution diffuse, quelle qu'en soit l'origine - agricole pour les phytosanitaires ou domestique pour les phosphates -, il faut bien évidemment que le montant de la taxe ait un effet dissuasif. Mais nous savons qu'à terme le consommateur risque, encore une fois, d'être le payeur. Il faut donc engager une politique d'information au niveau de la distribution, permettant une transparence totale sur les produits vendus et favorisant ainsi le consommateur qui sera à même de faire sa propre sélection. Ainsi, les consommateurs pourront, en connaissant les produits polluants utilisés, faire des choix de produits qui pourraient être progressivement supprimés. Qu'en pensez-vous ? Je vous remercie, madame la ministre, de nous éclairer sur ces deux points. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, j'ai en effet précisé ce matin en conseil des ministres les orientations de la réforme de la politique française de l'eau que souhaite le Gouvernement.

Cette politique reflète trois priorités.

Premièrement, il importe d'améliorer la transparence et la démocratie dans ce secteur, notamment avec le dépôt, au début de 2001, d'un projet de loi qui révisera les lois sur l'eau de 1964 et 1992. Il s'agira notamment de permettre au Parlement d'approuver les programmes pluriannuels d'intervention des agences, de fixer les assiettes et d'encadrer les taux des redevances.

Deuxièmement, il importe de mieux appliquer le principe pollueur-payeur, à la fois par la création de pollutaxes et par une réforme en profondeur des redevances des agences de l'eau.

Il convient, enfin, d'augmenter l'efficacité de l'action de l'Etat, que ce soit en préparant le huitième programme d'intervention des agences de l'eau, en mettant en place le fonds national de solidarité pour l'eau ou en renforçant les moyens et les effectifs affectés à la police de l'eau.

J'en viens plus précisément à vos deux questions.

Concernant la prévention des inondations, mon ministère consacre des moyens importants tant en ce qui concerne la prévention des risques que l'annonce des crues ou la prolongation du programme décennal de restauration des cours d'eau et de protection des lieux habités contre les crues. Je souhaite que ces programmes puissent s'intégrer au mieux dans les futurs contrats de plan Etat-régions. C'est d'ailleurs déjà le cas dans un certain nombre de régions.

Le plan de prévention des risques présente toutefois une sérieuse lacune : sa charge financière est supportée par le seul contribuable et non par les responsables des installations, des ouvrages ou des travaux qui provoquent ou aggravent les inondations.

La création de redevances pour modification du régime des eaux - ouvrages en rivière, imperméabilisation de surfaces importantes, remblais en zone inondable - permettra aux agences de l'eau d'intervenir financièrement dans la prévention des risques d'inondation.

Cette réforme sera l'un des volets du projet de loi sur l'eau dont le Parlement sera saisi à la fin de l'an 2000.

J'en viens à la prévention des pollutions d'origine agricole.

Le Gouvernement propose d'appliquer la TGAP aux produits phytosanitaires, avec des taux croissant selon leur degré de toxicité pour l'homme. Je vous signale au passage que la première classe à taux nul, et donc non taxée, concerne les deux tiers des produits autorisés en France.

Cette taxe sera prélevée sur les fabricants et les importateurs pour les inciter à réorienter leurs gammes vers les substances les moins polluantes. Si, comme c'est probable, les industriels répercutent tout ou partie de la taxe vers les usagers de ces produits - les agriculteurs, pour l'essentiel -, ceux-ci seront alors incités à orienter leur comportement d'achat vers les produits les moins taxés, c'est-à-dire les moins polluants.

L'effet sur le consommateur final sera modeste. En effet, le produit total de la taxe sur les phytosanitaires ne se serait élevé qu'à 3 % du montant total des ventes en 1998. S'il était perceptible, il s'ajouterait aux incitations précédentes en direction des industriels et des agriculteurs, en contribuant à rendre comparativement moins chers, et donc plus séduisants, les produits issus des agricultures les moins polluantes.

Enfin, en liaison avec Jean Glavany, j'ai souhaité que soit vérifiée la base de données indiquant le classement et le niveau de taxation de chaque substance. Cette liste sera évidemment rendue publique dès qu'elle aura été mise à


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jour.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

EMBARGO SUR LES VIANDES BOVINES BRITANNIQUES

M. le président.

La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro.

Ma question s'adresse à M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je veux exprimer ici l'inquiétude des éleveurs et des agriculteurs français. Ceux-ci subissent actuellement, en Grande-Bretagne, une campagne virulente contre leur production, qui est pourtant de qualité et exempte de tout reproche sanitaire. Ces mesures de rétorsion font suite à la décision du gouvernement français de maintenir l'interdiction d'importer des viandes bovines anglaises tant que demeure un doute pour la santé des populations. Cette décision se fonde sur l'expertise scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, expertise qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été contredite par les scientifiques communautaires.

Monsieur le ministre, comment sortir de cette crise sans transiger sur aucun des principes qui guident le G ouvernement en matière de sécurité alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous avez raison de le rappeler, la position prise par le gouvernement français repose sur l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, délivré par des experts français qui sont parmi les meilleurs du monde.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Fondés sur cette garantie scientifique, nous avons décidé de maintenir l'embargo sur le boeuf britannique.

Mais ce faisant, nous savions que nous rencontrerions des difficultés, à la fois à l'échelon européen, dans la mesure où nous ne traduisions pas dans le droit national une directive européenne, et avec nos amis britanniques, q ui, comme vous l'avez sans doute remarqué, ne comprennent pas très bien notre décision. Il nous faut maintenant déterminer comment nous allons sortir de cette situation de crise.

Cela nous impose de réfléchir et de proposer des solutions.

A quoi bon jeter de l'huile sur le feu ? Je regrette que certains se livrent à cet exercice, parce qu'ils ne facilitent pas la recherche d'une solution. Flatter ainsi des sentiments francophobes - ou anglophobes, lorsqu'ils viennent de chez nous - ne servirait à rien, si ce n'est à nous éloigner de l'issue de la crise.

Autre cas de figure : un combat en rase campagne, qui déboucherait sur un embargo au niveau européen ou, au contraire, sur une capitulation de la France.

Mais la réalité, c'est que nous avons fondé notre raisonnement sur une expertise scientifique. Par conséquent, pour que le gouvernement français change d'avis, il faudra que les scientifiques eux-mêmes changent d'avis.

Mme Christine Lazerges.

Bravo !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et pour que ce soit le cas, il faudra que nous obtenions soit de nouvelles conditions plus rigoureuses à la levée de l'embargo, soit des contrôles plus stricts, soit les deux en même temps.

C'est exactement ce que nous souhaitons. Dans cette optique, nous avons demandé que les experts français soient confrontés aux experts européens. Les spécialistes de l'encéphalopathie spongiforme bovine se sont déjà rencontrés lundi, et le comité scientifique directeur européen doit se réunir jeudi et vendredi. Nous verrons quel sera le fruit de ces confrontations, et le Gouvernement attendra que les conclusions de la Commission soient connues avant de se prononcer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Très sage !

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET RELATIONS COMMERCIALES AVEC LA GRANDE-BRETAGNE

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adressera également à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est une vraie question d'actualité...

Mme Odette Grzegrzulka.

Pour une fois !

M. Edouard Landrain.

... qui reprend la question précédente sous un angle quelque peu différent.

Poussés par les médias, encouragés par de nombreux parlementaires anglais, les consommateurs et les chaînes de grande distribution britanniques ont lancé un boycott sévère contre les produits français, agricoles et agroalimentaires en particulier. Les Anglais ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre l'interdiction tout à fait légitime de ne pas accepter le boeuf britannique sur notre sol par crainte de la maladie de la vache folle.

Les agriculteurs français, inquiets et exaspérés, ont déjà lancé une riposte déterminée en bloquant les camions anglais à la sortie du tunnel sous la Manche, dans les ports terminaux des ferries et sur les routes.

M. Franck Dhersin.

Jeanne d'Arc, reviens ! (Sourires.)

M. Edouard Landrain.

Monsieur le ministre, de longue date, vous aviez programmé une rencontre avec votre homologue anglais. Elle devait avoir lieu samedi prochain. Vous l'avez annulée (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), préférant accompagner le Premier ministre aux Antilles, où, il est vrai, cela ne va pas bien non plus.

La situation que les uns et les autres vous décrivent est grave. Et elle risque d'empirer sur les deux rives du Channel.

M. Jacques Myard.

La Manche !

M. Edouard Landrain.

Laisserez-vous se développer une guerre économique ? Quelles initiatives avez-vous prises en Europe ? Pourquoi vous êtes-vous abstenu ? Ce n'est pas uniquement un problème franco-anglais ; c'est un problème de sécurité alimentaire. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Que comptez-vous faire ? Il y a urgence. Le monde agricole ne comprend plus et la colère monte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, si j'ai renoncé à rencontrer Nick Brown, le ministre de l'agriculture britannique, samedi prochain, c'est non seulement parce que le Premier ministre m'a demandé de le rejoindre aux Antilles - où, comme vous l'avez sans doute noté, quelques problèmes agricoles se posent...

M. Bernard Accoyer.

C'est encore plus grave que nous ne le pensions !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et où ma présence s'impose - mais également, je vous le concède, parce que les conditions d'un dialogue serein avec mon collègue ne me paraissent pas réunies.

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement lâche les agriculteurs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'attends donc que la pression retombe pour le rencontrer.

Vous avez eu raison de m'interroger d'une manière posée. En effet, le problème n'est pas de nature économique. Il concerne la santé publique, et c'est le seul argument qui doive être avancé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est pourquoi nous essayons de faire comprendre à nos amis britanniques que la décision du gouvernement français ne repose en rien sur une volonté protectionniste.

Je vais vous faire une annonce, monsieur le député.

Vous le savez sans doute, quand nous avons décidé de maintenir l'embargo, les Britanniques nous ont mis en demeure de faciliter le transit de leurs camions de viande sur le territoire français. Pour bien montrer qu'il ne s'agissait pas d'imposer un blocus aux viandes britanniques, nous avons accepté de faciliter le transit vers l'Espagne, l'Italie ou d'autres pays ayant levé l'embargo, et M. le secrétaire d'Etat au budget a prévu la mise en place de scellés sur les camions concernés. Or, en quinze jours, aucun camion n'est passé. La raison en est simple : il n'y a pas de demande ! Ainsi, les Danois, qui ont levé l'embargo il y a trois mois, ont importé depuis lors 69 kilos de viande britannique, en tout et pour tout.

Nous ne faisons donc pas de protectionnisme.

Et nous ne faisons pas non plus preuve d'agressivité ou d'inimitié à l'égard de nos amis britanniques. Je vous mets au défi de trouver le moindre propos agressif de la part de n'importe quel membre du gouvernement français, qui travaille sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République. Je regrette que les Britanniques n'adoptent pas la même attitude. Ils ne font que compliquer la situation.

Nous avons donc pris la décision d'attendre tranquillement la confrontation entre experts français et européens, qui a lieu actuellement. Et sans lever le secret sur ces délibérations, je peux vous assurer que, contrairement à des bruits soigneusement répandus, cette confrontation ne met en rien en péril la position du gouvernement français.

M. Bernard Charles.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Elle ira jusqu'à son terme, qui a été fixé à vendredi, et nous prendrons alors acte des conclusions que le comité scientifique directeur européen transmettra à la Commission. Le moment venu, nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

TRAITÉ D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Le manifeste de la jeunesse pour le XXIe siècle, adopté par le Parlement mondial des enfants, qui affirme l'importance particulière de la paix pour le développement économique et humain, nous interpelle.

En effet, il y a quelques jours, le sénat américain décidait de refuser la ratification du traité d'interdiction des essais nucléaires. Ce traité autorisait certes la poursuite des essais en laboratoire, mais il ne représentait pas moins une avancée réelle dans la désescalade nucléaire, permett ant d'espérer la réduction progressive des armes nucléaires jusqu'à leur élimination totale de la planète.

Après les essais de l'Inde et du Pakistan, une telle décision, venant de la première puissance mondiale, qui n'a de cesse d'affirmer sa vocation à être le gendarme du monde, hypothèque cette perspective. Comment obtenir l'accord de la Russie et de la Chine si les Etats-Unis se déjugent ainsi ? C'est aussi l'objectif décisif de non-prolifération qui est mis en péril. La signature, par de nombreux Etats, du renouvellement illimité du traité de non-prolifération a justement été obtenue en 1999, parce qu'une perspective s'ouvrait : la ratification du traité d'interdiction des essais par les puissances nucléaires. La France, qui s'est déjà engagée positivement, a, avec ses partenaires européens, une responsabilité particulière. Un querelle politique intérieure américaine ne saurait enrayer le processus fragile de désarmement nucléaire.

Monsieur le ministre, quelles initiatives nouvelles envisage de prendre le Gouvernement pour inciter tous les

Etats qui ne l'ont pas encore fait à donner leur aval à ce traité dans les meilleurs délais ? Comment envisagez-vous de relancer le processus de désarmement dans le monde, et tout particulièrement le processus de désarmement nucléaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, comme vous, nous avons jugé infiniment regrettable le vote du Sénat américain, à tous points de vue.

Il contredit les engagements pris par le Président des

Etats-Unis. Il est extrêmement inquiétant qu'un pays occupant la place que l'on sait dans le monde actuel, pour des raisons purement internes, purement politiciennes, ne soit pas capable de tenir ses engagements.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, pourtant, aux EtatsUnis, la recherche du consensus entre l'exécutif et le législatif - dans ce domaine en tout cas - prévalait sur toutes les querelles internes.

Ce vote est donc un très mauvais signe, aussi bien pour ce traité que pour les autres engagements que l'on voudrait obtenir des Etats-Unis, sur la Cour pénale internationale, sur les négociations de l'OMC ou sur la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

convention sur les mines. Il est préoccupant pour nos relations, notre dialogue avec les Etats-Unis, compte tenu du rôle qu'ils jouent. Et d'ailleurs, je pense que le Président des Etats-Unis qui succédera au Président Clinton sera obligé de rouvrir le dossier.

C'est aussi évidemment un mauvais signal pour ceux qu'on appelle les pays du seuil. Quoique peu nombreux, ils ont leur importance et hésitent à franchir le pas.

Après avoir exprimé très clairement notre regret, notre consternation, notre désapprobation, nous allons simplement rappeler que le traité peut toujours être ratifié par les pays qui ne l'ont pas encore fait, et que ceux qui l'ont signé - dont certains l'ont ratifié, comme la France - ont décidé de continuer à l'appliquer comme s'il était ratifié par le nombre de pays suffisants.

Après tout, il dépend de la décision des gouvernements responsables de l'ensemble de ces pays que cette orientation prenne corps. Et, de ce point de vue, ce vote pourrait n'être qu'un accident de parcours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

RESPECT DES LIBERTE S SYNDICALES

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, liberté, égalité, fraternité sont trois va leurs fondamentales de notre société.

(« Bravo ! » sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma question porte essentiellement sur les libertés syndicales et sur la liberté reconnue à tout salarié de défendre ses droits et de revendiquer, libertés inscrites dans la Constitution. Elles sont une garantie pour la démocratie.

L'actualité ne cesse pourtant de nous rappeler à quel point ces libertés sont bafouées.

L'usine d'armement Thomson Daimler Aerospace tente de licencier une déléguée syndicale qui a dénoncé l'installation illégale d'une caméra de surveillance.

La société Cégelec licencie les salariés grévistes qui, après le refus de la direction d'ouvrir des négociations, ont osé revendiquer le maintien d'une prime de dédommagement pour l'outillage.

La cour d'appel de Montpellier condamne à deux mois de prison avec sursis deux syndicalistes qui ont mené des actions pour défendre l'emploi dans l'usine de chaussures Myris.

Tout le pays est touché par cette montée des atteintes aux libertés.

Dans ma circonscription, Jean-Pierre Delannoy, secrétaire CGT de l'union des syndicats des travailleurs de la métallurgie, fait l'objet d'une mise en examen suite à l'occupation de la chambre patronale par une centaine de salariés. Là aussi, il s'agissait de parvenir à ouvrir des négociations sérieuses pour des revendications légitimes bloquées par le patronat.

Rien que dans l'arrondissement de Valenciennes, la liste est longue. Parmi une vingtaine de cas particulièrement flagrants, je citerai l'entreprise TER, à Quiévrechain, où Marie-Christine Menzel est mise au placard après sa nomination comme déléguée syndicale. Dans l'entreprise Malterie Soufflet, à Prouvy, c'est le délégué syndical Jean-François Queste qui meurt d'un accident du travail alors qu'il venait de dénoncer les conditions de travail très dangereuses dans son entreprise.

Brimades, sanctions, harcèlement moral, entraves aux fonctions de représentant du personnel, non-respect des règles de sécurité : la liste s'allonge et l'intensité dans la violence s'accroît.

L es entreprises réclament plus d'aides financières publiques, plus de déréglementation. Elles transfèrent leurs responsabilités sur la collectivité. Bien sûr, toutes n'ont pas ce comportement, mais il faut rappeler que l'entreprise ne doit pas se transformer en lieu de nondroit où l'employeur serait le maître absolu. L'entreprise citoyenne doit respecter les valeurs de la République, les libertés syndicales, l'égalité entre les citoyens, la fraternité entre les salariés.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire cesser ces procédés scandaleux et dangereux pour tous, portant atteinte à la dignité des syndicalistes concernés, portant atteinte à la dignité du monde du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous le savez bien, nous sommes tous - et particulièrement le ministre chargé du travail - attachés aux libertés syndicales, et plus générale ment aux droits des représentants du personnel. Effectivement, on ne peut pas parler de démocratie si la démocratie sociale n'existe pas dans l'entreprise et si le droit de se syndiquer, le droit de négocier, le droit de revendiquer et, tel que le reconnaît la Constitution, le droit de grève, ne sont pas respectés. Il est choquant que des salariés puissent être discriminés, voire licenciés, parce qu'ils défendent l'ensemble des salariés, lors d'un conflit, lors de négociations ou à l'occasion de la défense d'un point particulier de leurs conditions de travail.

Depuis que je suis ministre de l'emploi et de la solidarité, j'ai fait en sorte de rappeler qu'aucun licenciement de salarié protégé n'est un licenciement ordinaire. Dans chaque cas, il faut vérifier qu'il n'y a aucune discrimination, aucune atteinte à la liberté syndicale - par exemple, que la présence syndicale ne va pas disparaître dans l'entreprise.

Je suis aussi très attentive aux recours hiérarchiques sur le type de dossiers dont vous avez parlé, d'autant plus que, chaque année, 15 000 demandes d'autorisation de licenciement concernent des représentants du personnel.

Je précise d'ailleurs que j'ai confirmé 85 % des refus opposés par les inspecteurs du travail, contre 70 % avant mon arrivée au ministère de l'emploi.

S'agissant du respect des droits existants, les inspecteurs du travail ont réalisé 45 000 observations et 400 procèsverbaux sur le droit syndical. Il y a quelques semaines, quand j'ai réuni les directeurs départementaux du travail, je leur ai redit à quel point, selon moi, le contrôle de l'application des droits dans les entreprises était la mission première des inspecteurs du travail.

Le budget de mon ministère, dont nous discuterons dans quelques semaines, permet d'augmenter le nombre d'inspecteurs et de contrôleurs du travail de manière très importante, comme jamais auparavant. Ils seront prioritairement affectés en section, car c'est bien dans les entreprises qu'ils doivent jouer leur rôle.

S'agissant de l'un des cas que vous avez évoqués, je vous rappelle que la loi du 31 décembre 1992 a spécifié les conditions dans lesquelles une entreprise pouvait


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mettre en place des techniques pour surveiller le personnel. Ces dispositions sont protectrices et les délégués du personnel ont les moyens de vérifier si les techniques en question ne portent pas atteinte à la dignité ou aux droits individuels et collectifs des salariés. Le comité d'entreprise doit être consulté ; sinon, le délit d'entrave au comité d'entreprise est institué.

Un corps de règles protectrices existe donc bien. Je vous le répète, je regarde chaque dossier avec une grande attention, et je regarderai plus particulièrement ceux que vous avez cités, dans un département de grande tradition industrielle où nombreux ont été les syndicalistes qui ont souffert en remplissant leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 ASSASSINAT DU PREMIER MINISTRE ARMÉNIEN

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

Monsieur le président, nous venons de prendre connaissance avec une profonde stupeur et une vive émotion d'une dépêche de l'AFP annonçant l'assassinat du Premier ministre arménien, M. Vazguen Sarkissian.

C elui-ci a été victime d'un attentat absolument ignoble, au cours duquel, selon la chaîne de télévision arménienne, huit personnes auraient été tuées et une trentaine d'autres blessées, et ce dans l'enceinte même du Parlement arménien.

En ce moment particulièrement terrible que vit le peuple arménien, nous voudrions, au nom du groupe UDF, faire part de notre émotion, qui, je crois, est partagée sur l'ensemble des bancs de notre assemblée, manifester au président de la République arménienne, au peuple arménien et à l'ensemble de la communauté arménienne de France notre solidarité, leur présenter nos condoléances les plus sincères et leur témoigner notre amitié.

Au nom de mon groupe, monsieur le président, je demande que l'Assemblée observe une minute de silence.

M. le président.

L'annonce de cet attentat suscite une profonde émotion parmi nous. En votre nom à tous, je présente les condoléances de l'Assemblée nationale au peuple arménien.

Je vous invite mes chers collègues, une fois que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité se sera exprimée, à vous recueillir quelques instants.

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement partage l'émotion exprimée - qui est celle de l'ensemble des partis démocratiques de notre pays - et présente à son tour ses condoléances au peuple arménien, dont on sait combien il souffre, au Parlement arménien et au président de la République arménienne.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.) 3

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nos 1835, 1876).

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-François Mattei, pour une durée qui, je le rappelle, ne peut excéder une heure trente.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au terme de deux motions de procédure et d'une discussion générale assez longue, me revient la charge de récapituler les différents éléments qui ont émaillé cette discussion.

Le climat général dans lequel elle s'est déroulée jusqu'à présent m'est apparu prometteur. Au-delà des différences de convictions, différences que je vais naturellement expliquer dans un instant, j'ai apprécié le ton juste employé par M. Claude Evin et M. Jérôme Cahuzac.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Reste que nos différences sont réelles !

M. Jean-François Mattei.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, a eu une phrase que nous approuvons totalement : « Nous n'avons pas une culture de réforme » a-t-il dit. Ce « nous » était collectif et s'adressait à la collectivité française.

M. Recours, quant à lui, a voulu faire un bon mot. Il est vrai qu'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.

Mais il y a un autre âne, celui de Buridan, qui, ne


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sachant s'il fallait commencer par boire ou par manger, a fini par mourir d'inanition ! (Sourires.) Et puis, en Corse, on dit : « A fa barba a li asini, si perdie tempù e savone ».

Ce qui signifie : « A faire la barbe aux ânes, on perd son temps et son savon ». Comme vous le voyez, l'âne est quelquefois au centre de nos discours.

M. Recours a également eu tort se mêler de comparaisons footballistiques. Car, à Marseille, avec l'OM, on en connaît un rayon ! (Sourires.) S'il est vrai qu'un bon défenseur, un bon gardien de but ou un bon attaquant peut avoir de la chance, il est vrai aussi que, lorsque on se met en défense et qu'on ne joue que le catenaccio , on est sûr de ne jamais marquer. Il faut aller à l'attaque. Et un des reproches que je vais faire à ce Gouvernement et à cette majorité, c'est de ne pas être, probablement, assez offensifs.

Je remercie mes collègues Bur et Accoyer. Ils m'ont, en quelque sorte, facilité la tâche. Ils ont sérieusement déblayé le terrain. Et je voudrais tout particulièrement dire à Bernard Accoyer combien son intervention était argumentée et irréfutable.

M. Bernard Accoyer.

Merci !

M. Jean-François Mattei.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mesdames les ministres, ne correspond pas à ce que nous attendions. Je vous expliquerai pourquoi et je vous dirai quelles solutions auraient eu nos préférences. J'aborderai aussi bien l'assurance maladie - sa conception, son organisation, ses orientations - que les retraites ou la famille.

La première question qui vient à l'esprit est la suivante : le financement que vous nous proposez est-il d'actualité, est-il correctement conçu ? Il faudrait, au préalable, faire un constat. Naturellement, il est peu différent de celui de l'année dernière.

D'ailleurs, si j'en crois ce qui m'avait été répondu, nous en sommes à peu près d'accord. Mais encore faut-il poser les préliminaires, pour éviter les faux procès et les mauvaises critiques.

Oui, lorsque la France, en 1945, a créé la sécurité sociale, ce geste était absolument novateur. Cette création restera, dans l'histoire de ce siècle, comme une avancée sociale de première importance. Il n'est pas question de le contester.

M. Pascal Terrasse.

C'est sûr !

M. Jean-François Mattei.

Certes, aujourd'hui, d'après les données que vous nous avez fournies dans votre discours et celles dont nous disposons, la sécurité sociale semble mieux se porter.

M. Pascal Terrasse.

C'est sûr aussi !

M. Jean-François Mattei.

Pourtant, à y regarder de plus près, on s'aperçoit que, quels que soient les gouvernements, de crises successives en plans de redressement successifs, les difficultés se sont accumulées année après année, pour aboutir, ces derniers temps, à une véritable sécurité sociale à deux vitesses, avec un accroissement des inégalités tel qu'il nous a fallu, l'année dernière, nous prononcer sur un projet de loi instituant une couverture maladie universelle.

Au total, je crois pouvoir dire, sans verser dans la polémique, que notre système de sécurité sociale, quels que soient les services qu'il a rendus par le passé, apparaît aujourd'hui à bout de souffle. Il n'est plus possible d'en augmenter raisonnablement les recettes, car les cotisations et les prélèvements ont atteint des taux records, désormais insupportables.

M. Pascal Terrasse.

C'est pourquoi nous les abaissons !

M. Jean-François Mattei.

Quant aux dépenses, elles ne peuvent plus être diminuées car notre taux de remboursement est déjà l'un des plus faibles. Ces difficultés, sur un fond de contraintes que l'on appelle tantôt comptables tantôt médicalisées, montrent bien, je le répète, que la sécurité sociale est à bout de souffle, même si elle a aujourd'hui meilleure mine grâce au bol d'air que lui procure la croissance.

Dans ces conditions, une question s'impose : la structure du financement, telle que vous l'avez conçue, est-elle adaptée ? Et la réponse est non, pour quatre raisons.

La première, c'est que nous avons assisté à l'extension progressive de la couverture maladie. Initialement destinée aux travailleurs salariés, aux actifs et à leurs familles, elle a maintenant atteint l'universalité. Peu à peu, on est passé du régime général à l'intégration de nouveaux cotisants à des régimes spéciaux, pour arriver enfin à la CMU.

Il est vrai, madame la ministre, que vous avez fait un premier pas, que je considère important à titre personnel, avec le basculement sur la CSG. Néanmoins, il faut aller jusqu'au bout pour que la justice soit respectée, pour que l'équité soit respectée. Cela suppose que l'on remette en cause un certain nombre de notions.

Hier, j'entendais Mme Notat entériner, en quelque sorte, mes propos en indiquant que l'on avait quitté le paritarisme pur pour entrer dans un paritarisme relatif.

Autrement dit, le système de financement initial n'est plus adapté à l'ampleur de la tâche.

La deuxième raison, c'est que nous sommes progressivement passés du concept de la maladie au concept de la santé. Ce matin, l'une des dernières intervenantes a eu des propos très touchants et très vrais sur le vieillissement, sur la place des personnes âgées dans notre société, sur le sens que peut revêtir leur rôle. Ces propos, je les approuve totalement. La longévité est là. Cela signifie que, par la seule évolution naturelle de la vie, nous sommes tous amenés un jour à avoir besoin d'une prothèse auditive ou dentaire, d'une opération de la cataracte, bref d'un accompagnement médical. Il ne s'agit plus d'un accident ni d'une maladie au vrai sens du terme, mais du cours normal de l'existence.

Les modes de vie aussi ont changé. Les gens ont désormais une plus grande liberté, ils font des choix individuels qui les exposent à des risques spécifiques.

Nous sommes donc conduits à nous interroger sur la différence qui existe entre ce qui relève de la solidarité, c'est-à-dire de la maladie, et ce qui relève de ce que j'appellerai la médicalisation de l'existence. Le changement, là aussi, est manifeste. Depuis le désir d'enfant, avec l'assistance médicale à la procréation, jusqu'à la fin de la vie, en passant par le développement de la génétique prédictive qui nous fait devenir malades avant même que la maladie ne se soit déclarée, il est clair que se pose maintenant la difficile question du champ même que nous devons couvrir.

Que revient-il à la solidarité, que revient-il au choix individuel ? Vous avez été amenée, dans la discussion sur la CMU, à aborder un problème que personne n'osait poser ou dont la seule évocation soulevait des torrents d'indignation, à savoir le contenu du panier de soins, autrement dit ce qui relève de la solidarité et ce qui n'en relève pas.

Mais ce qui est applicable à la CMU, il faut en discuter au niveau de l'assurance maladie. Nous sommes tous d'accord sur le principe même de la couverture


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maladie universelle et si nous ne vous avons pas suivie, c'est parce que nous n'étions d'accord ni sur la nature des financements, ni sur la nature de la gestion, ni sur le contenu du panier de soins, qui ne nous avait d'ailleurs pas été révélé.

La troisième raison, c'est que, désormais, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une approche globale des problèmes de santé.

Lorsque nous avons discuté dans cet hémicycle, il y a quelques années, de la loi sur la qualité de l'air, nous avions naturellement pour but d'améliorer la qualité de la santé, la qualité de vie de nos concitoyens. Et cela nous a amenés à parler des plans de déplacements urbains, de l'aménagement de la fiscalité des produits pétroliers en fonction de leur caractère polluant et même des normes, que doit respecter l'industrie automobile. Bref, la pollution de l'air, parce qu'elle dégrade notre santé, nous a entraînés sur des terrains qui n'étaient pas habituels.

Il en va de même lorsque nous parlons de l'encéphalopathie spongiforme des bovidés et de la sécurité sanitaire de l'alimentation. Je veux rendre hommage à la première décision qu'a prise l'Agence française de sécurité sanitaire en s'opposant à la levée de l'embargo sur le boeuf britannique, car je pense que ses arguments sont fondés. Mais il est clair que, là encore, par le biais de la santé, nous abordons des préoccupations qui relèvent du domaine de l'agriculture, de la filière agro-alimentaire et naturellement de la protection des consommateurs.

Je prendrai deux exemples encore plus précis.

Le premier a trait au saturnisme et est à l'origine de cette révolte intérieure que je ressens. Quand vous avez reçu dans un service de médecine un enfant atteint de saturnisme, que vous l'avez perfusé, que vous l'avez guéri et qu'à la sortie, la seule solution est le retour dans son domicile, vous ne pouvez pas l'accepter.

Le second concerne le traitement des déchets ménagers, qui peut être, on le sait, à l'origine de rejets de dioxine dans l'air. Cette dioxine, réabsorbée par des végétaux qui servent à l'alimentation des animaux, peut contaminer les viandes utilisées pour l'alimentation humaine. Ainsi, au travers de l'alimentation, les techniques de traitement des déchets touchent directement à la santé des Français, et nous voici à nouveau au coeur du débat.

Dès lors, madame la ministre, permettez-moi de vous poser une question à laquelle je souhaite que vous me répondiez très clairement. Je le ferai sans aucun esprit polémique, parce que je respecte la démocratie. Vous défendez les idées qui sont les vôtres, vous les assumez et vous avez une majorité pour les faire aboutir. Mais considérez-vous vraiment qu'en matière d'assurance maladie et de santé en général, on puisse ne s'intéresser qu'aux dépenses d'aval, c'est-à-dire à la prise en charge des malades, sans chercher à s'intéresser à l'amont, c'est-à-dire à la prévention, à la réduction des risques ? Nous changeons d'époque, et il faut désormais le faire.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'en ai longuement parlé hier, mais vous n'étiez pas là !

M. Jean-François Mattei.

Bien sûr que j'y étais ! Je vous ai écoutée, mais vous savez très bien que, là où je ne vous suis plus, c'est quand il s'agit de définir le rôle de l'assurance maladie en ce domaine, et je connais la question. Le fonds de prévention - nous le verrons dans quelques semaines lorsque Mme la secrétaire d'Etat défendra le budget de la santé - est ridicule au regard des enjeux et on peut même se demander si la séparation du budget de la sécurité sociale et du budget de la santé est encore fondée. L'objet n'est-il pas le même ? Les problèmes ne sont-ils pas communs ? Vous aviez raison, madame la ministre, de souligner hier la nécessité de mener une politique de prévention, une politique de réduction des risques, une politique d'éducation par la santé, une politique d'information.

Mais qui finance quoi ? Et comment ? Que revient-il à l'Etat ? Que revient-il aux départements et quelquefois même aux communes ? Dans la ville de Marseille, le maire m'a donné délégation pour les problèmes liés au sida et à la toxicomanie.

Lorsqu'il faut faire de la prévention, du dépistage anonyme et gratuit, de l'accompagnement thérapeutique, lorsqu'il faut assurer l'observance, trouver des logements, intégrer socialement des malades qui ne sont plus condamnés à mort, mais sont désormais chroniques, qui prend en charge et qui paie ? Nous n'avons pas aujourd'hui d'approche globale de ces sujets. Et d'ailleurs, mesdames les ministres, cette critique que j'exprime n'est évidemment pas dirigée contre vous. Vous êtes à ce banc aujourd'hui, et je suis à la place qui est la mienne, mais tant que n'aurons pas engagé une réforme de fond sur la conception même du ministère de la santé : nous ne nous en sortirons pas.

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est vrai !

M. Jean-François Mattei.

Nous ne pouvons plus nous satisfaire d'un secrétariat d'Etat ou d'un ministère délégué qui s'occupe essentiellement des problèmes de la maladie, c'est-à-dire des professionnels de santé, de l'hôpital et de l'assurance maladie : nous avons besoin d'une approche globale. Parce que la santé est en train d'envahir nos vies avec la médicalisation de l'existence, il nous faut un ministère à part entière comme celui de l'éducation nationale ou celui de la communication. C'est probablement une des réformes institutionnelles qu'il faudra proposer à l'avenir.

Enfin, la quatrième raison qui m'incline à penser que la conception de votre financement est dépassée, c'est que les règles présidant aux relations entre les différents partenaires ont changé.

P arlons des conventions, par exemple. Nous les connaissons bien. Elles sont en partie - Jacques Barrot ne m'en voudra pas de le dire - responsables de certaines difficultés que nous avons connues autour des années 80.

Car, quand les professionnels de santé se voient imposer de nouvelles règles du jeu, ils réagissent généralement en les rejetant.

Ces conventions, qui avaient fini par être acceptées et reconnues comme un progrès, sont maintenant bien éloignées de leur conception initiale, de l'esprit participatif qui les animait. Elles sont aujourd'hui imposées, subies, et n'ont plus de convention que le nom.

S'agissant de l'hôpital public, j'ai été très intéressé p ar l'analyse que nous ont présentée ce matin plusieurs élus de la couronne parisienne dont certains sont issus de la majorité. Ils considèrent, en substance, que l'hôpital public est en danger. Et c'est ce que confirme un article publié récemment sous la signature du « groupe hôpital », qui rassemble des directeurs d'hôpitaux et des médecins hospitaliers. Je ne fais pas partie de ce groupe mais j'approuve totalement ses conclusions. Que disent ces praticiens ? Que l'hôpital, aujourd'hui, est caractérisé par le maintien de structures ou d'activités non performantes : qui peut le nier ? Qu'il est incapable de se remettre en question. Qu'il souffre d'une dispersion des moyens. Et, pour conclure, que la situation est suicidaire.


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Madame la ministre, je sais que progressivement, à petits pas, des lits sont fermés, des restructurations opérées, des rapprochements d'établissements effectués. Mais le rythme est beaucoup trop lent. Vous n'en êtes pas la seule responsable. Il y a des blocages considérables, et qui ne sont pas uniquement économiques et financiers. Il y a des blocages politiques, car tel a une position à Paris et une autre position dans sa commune ou son département, quand un établissement hospitalier est menacé. Il y a des blocages professionnels car, nous le savons, les professionnels de la santé sont volontiers conservateurs quant à la structure qui les accueille.

M. Jean-Paul Bacquet.

Et c'est un professionnel qui parle !

M. Jean-François Mattei.

Il faut qu'ils comprennent que nous ne pouvons pas conserver l'hôpital de l'an 2000 tel qu'il a fonctionné au XXe siècle. On ne peut plus raisonner dans les structures actuelles, en termes de services, en termes de responsabilité hiérarchique et pyramidale. Il faut qu'ils acceptent la remise en question et il faut également que les usagers comprennent que l'hôpital n'est pas là pour répondre n'importe quand, à tout moment, à toute demande et dans n'importe quelles conditions.

Je trouve donc moi-même des raisons, vous le voyez, pour expliquer l'inertie actuelle en évoquant tous ces blocages, mais je dis aussi qu'il est de la responsabilité du politique de tout faire pour les vaincre. Or on n'a pas le sentiment que ce soit le cas aujourd'hui. L'hôpital public est-il capable de faire dans son domaine ce que France Télécom a su faire dans le sien, c'est-à-dire de s'adapter à la société moderne ? Je m'interroge.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Voilà la vraie question !

M. Jean-François Mattei.

Qu'en est-il enfin de l'hôpital privé ? Certes, il y a des outils communs : les ARH, mises en place par le plan Juppé, et les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale. Ce sont de bons outils, mais il reste que l'hospitalisation privée ne sait toujours pas si elle est dans une situation de concurrence ou dans une situation de complémentarité ; il reste que les règles du jeu n'ont pas été assez clairement établies.

Face aux quatre mutations considérables que je viens de mettre en évidence - extension universelle de la couverture, évolution du concept de maladie vers celui de santé, globalisation des problèmes de santé et changement des règles applicables entre les partenaires - vous nous proposez, madame le ministre, un financement qui, à quelques modifications près, est simplement reconduit.

Ces modifications sont certes quelquefois intéressantes, et je vais y venir, mais vous ne faites que tenter d'améliorer ce qui fonctionnait dans le passé.

L'un des responsables de la profession médicale disait un jour, sous forme de boutade : « Ce n'est pas en essayant à tout prix d'améliorer la race des pigeons voyageurs qu'on aurait inventé le télégraphe » - encore moins le fax ou le courrier électronique. Eh bien, je ne suis pas sûr qu'il soit bon de s'acharner à améliorer la race des pigeons voyageurs, quand nous avons besoin aujourd'hui de nouvelles techniques face aux nouveaux défis de la société.

Dans sa conception même, le financement que vous nous proposez ne nous paraît donc pas s'ouvrir à la modernité. Est-il, en second lieu, incontestable dans son organisation ? Je ne le crois pas.

D'abord parce que la réduction du déficit de la sécurité sociale repose sur une conjoncture de croissance.

Tout le monde, je m'empresse de le dire, se réjouit de la croissance retrouvée au plan international. Mais toute croissance est conjoncturelle. On peut la souhaiter, nous la souhaitons, croyez-nous, la plus forte et la plus durable possible pour notre pays. Il n'en demeure pas moins qu'elle est toujours fragile et aléatoire.

Dans ces conditions, si la croissance a souvent des effets bénéfiques dans l'immédiat, elle peut avoir des effets pervers à terme. En effet, derrière la réduction des déficits que vous nous annoncez, se cache une réelle dégradation des comptes sociaux. Je m'en tiendrai aux chiffres essentiels, ceux qui constituent des repères.

Les ressources affectées aux régimes de protection sociale continuent d'augmenter plus vite que le produit intérieur brut : plus de 4 %. Cela conduit inévitablement à l'augmentation des prélèvements obligatoires qui, ellemême, pénalise notre économie.

Les prélèvements sociaux, pour la première fois, dépasseront 20 % du PIB en 2000 : c'est un record, c'est une montée inexorable, c'est l'entrée dans une spirale dangereuse.

L'augmentation des prélèvements sociaux entraîne une augmentation du handicap économique, qui entraîne une diminution de la compétitivité, qui entraîne une augmentation de la précarité, laquelle entraîne une augmentation des dépenses sociales et donc une augmentation des prélèvements sociaux. D'où une spirale infernale.

M. Bernard Accoyer.

Eh voilà !

M. Jean-François Mattei.

La réalité qui se cache derrière la réduction des déficits, c'est que l'assurance maladie ne va pas si bien que ça.

M. Yves Bur.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Son déficit est de 12 milliards ! Je vous concède qu'il est bien moindre qu'il n'a été. Mais je ne souhaite pas que l'on continue d'entretenir les confusions entre les différentes branches de la sécurité sociale. Nous avions souhaité, il y a quelques années, que l'on distingue bien la branche famille - avec des crédits affectés à une politique familiale - la branche vieillesse - avec des crédits affectés aux retraites - et la branche maladie.

Or, aujourd'hui, quand vous présentez un budget global à peine déficitaire, c'est à coup de transferts, les excédents de la branche famille venant combler le déficit de l'assurance maladie.

M. Bernard Accoyer.

C'est l'opacité organisée !

M. Jean-François Mattei.

Les chiffres qu'a donnés Mme la ministre - et je sais qu'elle est honnête - ne laissent pas d'inquiéter. Elle les a cités devant la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, et M. le rapporteur ici présent va probablement les confirmer.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

J'en doute !

M. Jean-François Mattei.

Ils sont extraits du compte rendu de la commission. La progression des dépenses est estimée par la CNAM pour 1999 à 4,4 % pour les soins de ville, 6 % pour les médicaments, 15 % pour les matériels médicaux, prothèses et accessoires, 7 % pour les indemnités journalières, ce qui représente, pour les sept premiers mois de l'année 1999, un taux de croissance de l'ONDAM de 3,3 %, alors que le taux prévu l'année dernière était de 2,6 % pour toute l'année ! Autrement dit, l'assurance maladie ne va pas aussi bien qu'on le prétend.


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M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Nous pratiquons la maîtrise médicalisée, pas la maîtrise comptable !

M. Jean-François Mattei.

J'y arrive, monsieur Recours.

Merci pour cette transition. Après vous avoir démontré que la réduction du déficit résultait de la croissance et reposait sur une augmentation des prélèvements sociaux, lesquels sont nécessaires pour l'abondement des crédits, notamment de l'assurance maladie, j'en arrive maintenant à la maîtrise des dépenses de santé.

Permettez-moi de vous dire, monsieur Recours, qu'elle ne nous semble pas tout à fait cohérente.

M. Bernard Accoyer.

Elle est surtout absente !

M. Jean-François Mattei.

Pourquoi ? Parce que certaines mesures se veulent contraignantes et rappellent la m aîtrise comptable, tandis que d'autres semblent contraires à la maîtrise des dépenses.

Je vous renvoie pour les premières aux mesures prises à l'encontre des biologistes, des radiologues et de l'industrie pharmaceutique. Les accords que vous avez obtenus, vous le savez très bien, n'ont pas été pris de bonne grâce. Ils ont été bien souvent subis, imposés, ce qui a entraîné une perte de crédibilité des représentants syndicaux de ces professions.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous vous faites le défenseur des syndicats maintenant ?

M. Jean-François Mattei.

Prenons l'exemple que mon collègue Bernard Charles a cité hier : celui de l'industrie pharmaceutique. Si les laboratoires quittent les uns après les autres le syndicat national de l'industrie pharmaceutique, le SNIP, comme Servier et Fabre l'ont déjà fait, nous n'aurons plus dans cinq ans d'industrie pharmaceutique française.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

A force de presser ces industriels, il iront, c'est évident, travailler ailleurs.

Mme Odette Grzegrzulka.

Arrêtez de jouer les Cassandre !

M. Jean-François Mattei.

Je regrette beaucoup qu'il y ait ce type de mesures contraignantes car elles nous font perdre en réalité des richesses.

A contrario, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, d'autres mesures laissent penser que la maîtrise des dépenses n'est plus à l'ordre du jour. Je m'explique.

D'un côté, on « maîtrise » l'activité des professionnels de la santé, qui ont d'ailleurs le pénible sentiment, soit dit en passant, d'être des boucs émissaires,...

M. Dominique Dord.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

... mais, de l'autre côté, on absorbe les déficits. La chose est facile à démontrer. Mes collègues s'y sont employés. Je vais le faire à ma manière, en me référant aux réponses apportées aux motions de procédure, lorsque vous nous avez opposé que le budget s'élevait à 658 milliards de francs sur la base de l'objectif fixé pour cette année contre 643 milliards constatés en 1999, ce qui conduit à une augmentation de 2,5 % de l'ONDAM pour 1999, ce qui est raisonnable. Or, il n'est pas de règle, dans la loi de finances, de comparer des sommes ou des taux selon l'objectif prévu d'un côté et selon les réalisations de l'autre. Il faut comparer les 658 milliards de francs selon l'objectif prévu cette année aux 630 milliards de francs selon l'objectif prévu pour l'année dernière,...

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

... ce qui correspond à une augmentation de 4 %, ce qui n'est plus du tout la même chose.

Vous nous dites avoir fait cela - et je dirais pareil à votre place - par souci de réalisme. Soit. C'est audacieux.

C'est singulier. Mais permettez-moi de vous faire remarquer que cela efface la dette de plus de 8 milliards de francs en passant par pertes et profits les dépassements d'objectifs. Du coup, cela conduit l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale - l'ACOSS - à emprunter à la Caisse des dépôts et consignations, ce qui est tout de même assez désagréable. On a le sentiment que si croissance rime avec providence, elle rime aussi avec imprudence.

Je pourrais même, sans vouloir jouer sur les mots, parler d'opalescence, car l'opacité s'accroît. Qui peut trouver, dans ce que vous nous avez dit, la logique des règles retenues pour fixer les objectifs de l'an 2000 ? Je donnerai deux exemples qui vous fourniront l'occasion de répondre. Je ne doute pas d'ailleurs que vous le fassiez avec talent, madame la ministre. Je vous renvoie, en premier lieu, aux règles fixées pour les établissements sanitaires publics et privés. Là, ce sont les objectifs initiaux, et pas les réalisations, qui servent de référence. Il faudra tout de même m'expliquer pourquoi, tantôt, les comparaisons sont faites entre objectifs et réalisations, et tantôt entre objectifs et objectifs.

Je vous renvoie, en second lieu, aux soins de ville.

Pourquoi en avez-vous modifié le contenu d'une année sur l'autre ? Comment voulez-vous que nous nous y retrouvions ? Au total, vous opérez des modifications de règle avec des exceptions à ces règles. Permettez-moi de vous dire que vos comptes ne sont pas très transparents. D'ailleurs, d'autres orateurs ont reconnu qu'il y avait une certaine opacité.

Nous relevons des disparités étonnantes : l'augmentation de 2,4 % pour l'hôpital public peut se concevoir, celle de 1,8 % pour les cliniques privées prouve qu'il n'y a aucun rattrapage de l'amputation qu'elles avaient subie en début d'année et que le fossé continue de se creuser, et celle de 1,7 % pour les soins de ville est dérisoire quand on sait l'importance qu'il faut leur accorder.

S'agit-il de nécessités sanitaires ou de nécessités comptables ? Enfin, ce plan de financement nous montre bien qu'il y a des soucis comptables. La discussion a été grandement faussée, madame la secrétaire d'Etat, et c'est une des raisons essentielles du dépôt de cette motion de renvoi en commission. Nous avons étudié une version du projet de loi avec un article 2 qui créait un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale aux fins de financer la réforme des cotisations patronales et les aides incitatives et pérennes à la réduction du temps de travail.

Je n'insiste pas, mais je note tout de même que, parmi les recettes destinées à alimenter ce fonds, il y a la fraction des droits de consommation sur le tabac, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, créée à l'article 3, la taxe générale sur les activités polluantes, créée à l'article 4 - je vais y revenir dans un instant - et la contribution des organismes gérant les régimes de protection sociale : l'UNEDIC, l'AGIRC et l'ARRCO. Vous avez dû revenir en arrière mais il est quand même invraisemblable que vous ayez pu un seul instant imaginer un tel système.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Dominique Dord.

C'est tout à fait invraisemblable !

M. Jean-François Mattei.

La sécurité sociale était mise à contribution pour financer les 35 heures, alors que son budget, déjà en déficit, est prévu pour le financement des dépenses de santé et celles liées à la vieillesse et à la famille.

Le Conseil d'Etat avait émis des réserves sur l'article 2.

Il avait eu raison, d'autant que, dans cet article, était introduit le principe de prélèvements dont on ne fixait pas le montant.

A ce point du débat, je me tournerai vers Claude Evin, parce que ne veux pas le mettre en difficulté. Des liens nous unissent.

(« Ah » sur de nombreux bancs).

Nous nous intéressons au même sujet depuis longtemps : nous avons été les premiers à soulever le problème de l'éthique biomédicale dans cette enceinte. Il était alors ministre. Ce n'est d'ailleurs pas là le seul lien qui nous unit (« Ah ! » sur de nombreux bancs.)

Nous menons la même croisade contre le tabac et contre l'alcool.

Il est pour le moins étonnant de voir que, parallèlement aux actions menées pour lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme, on table sur une augmentation de la taxe sur le tabac et de la taxe sur les alcools pour éviter de creuser les déficits de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

C'est totalement incohérent !

M. Dominique Dord.

C'est honteux !

M. Yves Bur.

Immoral !

M. Jean-François Mattei.

Quant à la taxe générale sur l'activité polluante, elle a un antécédent célèbre : la vignette automobile. Initialement créée pour les personnes âgées, elle a été détournée de son objectif.

M. Dominique Dord.

C'est le péché originel !

M. Jean-François Mattei.

La taxe générale sur l'activité polluante repose sur le principe pollueur-payeur. Personnellement, je suis d'accord pour que l'on fasse payer le pollueur, mais à condition que le montant de la taxe soit réservé à préservation et à la restauration de l'environnement.

M. Dominique Dord.

Ce qui n'est pas certain ! M. Jean-François Mattei En 1998, la TGAP était affectée à l'ADEME, en 1999 au budget général, et cette année aux 35 heures. C'est une taxe baladeuse, sans domicile fixe ! Autrement dit, c'est une source de financement pour l'Etat, une pompe à finances.

M. Dominique Dord.

Une vache à lait ! M. Jean-François Mattei ... qui est détournée de son objectif initial.

Quand on parle aux gens d'une taxe sur l'activité polluante, ils s'imaginent que c'est pour lutter contre la pollution.

M. Bernard Accoyer.

C'est méconnaître les méthodes du Gouvernement !

M. Jean-François Mattei.

Or, ce n'est pas le cas et ce n'est pas acceptable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Pour toutes ces raisons, nous pensons que l'organisation de votre financement est contestable.

Troisième point : le financement que vous nous proposez nous paraît illogique dans ses orientations.

Prenant à nouveau un peu de recul par rapport aux chiffres, examinons la philosophie qui sous-tend votre système. Vous semblez admettre qu'il faut faire évoluer les choses. D'ailleurs, dans l'article 17, vous créez un nouveau dispositif de régulation des dépenses médicales : délégation est donnée à la CNAM de la gestion des soins de ville, l'Etat se réservant celle des hôpitaux publics et privés et celle du médicament.

Trois points au moins viennent souligner le peu de logique de ce dispositif.

Premièrement, la logique de délégation, dont le principe est bon, reste en l'espèce illusoire. Pourquoi ? Parce que vous instaurez un suivi infra-annuel, à date fixe, pour l'ensemble des professions. Ne voyez-vous pas la surcharge de travail que cela représente, la lourdeur administrative que cela entraîne ? C'est un obstacle à la liberté de manoeuvre de la CNAM, et je ne parle pas de l'interview du président Spaeth publiée hier dans les journaux !

M. Bernard Accoyer.

Ubuesque !

M. Jean-François Mattei.

De plus, ce serait une erreur si cela conduisait à une désaisonnalisation des objectifs.

Mais vous avez répondu que cela ne serait pas le cas.

Donc, le premier élément qui montre que la délégation est illusoire est le suivi infra-annuel.

Le deuxième est l'élargissement des motifs de refus des annexes tarifaires : c'est un frein supplémentaire à l'action autonome de la CNAM.

Enfin, le troisième élément, qui me paraît essentiel, est l'absence de plan stratégique pour la CNAM. Paradoxalement, tout en donnant à la CNAM délégation de la gestion des soins de ville et tout pouvoir de négociation avec les professionnels de santé, l'essentiel du plan stratégique de cette caisse est absent du texte.

Je ne juge pas le contenu du plan de la CNAM.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce serait pourtant intéressant !

M. Jean-François Mattei.

Je constate simplement qu'il y a une contradiction : vous déléguez à la CNAM sans lui donner les moyens d'assumer ses responsabilités.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. Claude Evin, rapporteur.

C'est faux !

Mme Odette Grzegrzulka.

Qu'elle fasse ses preuves d'abord !

M. Jean-François Mattei.

Autrement dit, la CNAM demande le droit et la possibilité de prendre des mesures et on ne le lui permet pas alors que, par ailleurs, on lui délègue la gestion des soins de ville.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est inexact !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est faux !

M. le président.

La commission pourra répondre après, monsieur le président.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président Le Garrec, nous aurons l'occasion de discuter de cela lors de l'examen du texte qui doit être présenté au début de l'année prochaine.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà !

M. Jean-François Mattei.

Mais j'aurais aimé que, dans l'expression de la philosophie du texte, deux sujets au moins soient abordés parce qu'ils me paraissent


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fondamentaux, et vous allez voir que mes remarques ne vont pas nécessairement dans le sens des professionnels de santé. J'ajoute que, après concertation, il faudra bien, sous forme d'incitations plutôt que de contraintes, aborder les modalités d'installation au regard du conventionnement. Nous ne pouvons plus accepter que subsiste sur notre territoire l'inégalité que nous constatons aujourd'hui en termes de démographie médicale et de répartition des spécialistes.

Nous devons aborder ce sujet. Vous ne l'avez même pas évoqué. Cela fait pourtant dix ans que l'on en parle.

Vous nous avez annoncé que la question du droit des malades serait examinée. Très bien ! Je n'en parle pas.

Mais de l'inégalité que je dénonce, vous n'avez même pas parlé.

Vous n'avez pas non plus parlé d'un élément essentiel qui est la formation médicale continue et la certification régulière des praticiens. Je suis sûr que, si ces derniers y sont opposés aujourd'hui, c'est parce qu'on leur a présenté cette formation et cette certification comme une contrainte présentant le risque pour un médecin de cinquante ans d'avoir à passer un nouvel examen, d'être éventuellement recalé et de ne plus pouvoir faire vivre sa famille en exerçant sa profession. Cela est inacceptable ! Il faut présenter les choses différemment, sous la forme d'incitation, d'accompagnement, plus que de contraintes et de sanction. Je suis sûr que, alors, les professionnels accepteront.

Il est dommage que la délégation accordée à la CNAM ne s'accompagne pas du plan que celle-ci réclame pour pouvoir assumer ses responsabilités. La raison en est tout simplement que, si la CNAM et les professionnels de santé ne parviennent pas à un accord, l'Etat interviendra ! Nous ne sortons pas du monopole d'Etat en la matière.

Une autre raison pour laquelle je pense que la logique de délégation reste partielle et qu'elle est contradictoire avec la philosophie d'ensemble que nous nourrissons tous dans cette assemblée, quels que soient les bancs où nous siégeons, c'est que, en disant : « La CNAM est responsable des soins de ville, et le ministère, des hôpitaux et des médicaments », vous séparez artificiellement ce que nous souhaitions rapprocher. Nous souhaitons mettre en oeuvre une politique de réseau, de filière, de ville-hôpital, d'hospitalisation à domicile. Nous souhaitons ouvrir les hôpitaux aux médecins de ville. Mais les médecins qui viendront aux urgences, comment seront-ils payés ? Sur des vacations hospitalières prises sur les budgets hospitaliers ou sur des actes cotés à la nomenclature s'ajoutant au budget de la médecine de ville ? Nous souhaitons, et il me semblait que vous en étiez d'accord, aller vers la fongibilité de l'enveloppe hôpital et de l'enveloppe médecine de ville...

M. Bernard Accoyer.

C'est tout le contraire ! C'est un cloisonnement bureaucratique qui est proposé.

M. Jean-François Mattei.

... car la médecine est une, et indivisible. Au moment où l'hospitalisation quitte son caractère traditionnel et historique, où le malade peut, comme il veut, choisir d'y entrer ou d'en sortir, pour être suivi chez lui, il fallait au contraire prendre les choses sur un plan global et de façon complémentaire.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas la santé qui intéresse la majorité, c'est le financement des 35 heures !

M. Jean-François Mattei.

Or, vous ne nous proposez pas de logique sanitaire, mais une logique malheureusement comptable.

La logique est bien comptable puisque, comme je l'ai dit tout à l'heure, vous prévoyez un suivi infra-annuel.

Vous avez répondu tout à l'heure, madame la ministre, qu'il ne s'agissait pas de revoir la nomenclature tous les trois ou tous les quatre mois. Je n'ai pas de mal à vous croire ; cela fait dix ans que nous demandons, dans les meilleures intances, de revoir la nomenclature de certains actes nouveaux, notamment en biologie moléculaire, et que l'on nous répond que c'est impossible car trop compliqué. Voilà que, tous les trois ou quatre mois, il va falloir faire le point et aborder le problème des systèmes de lettres clés flottantes, tout simplement pour ne pas dépasser l'enveloppe prévue des crédits. Permettez-moi de vous dire - et c'est un compliment - que vous êtes beaucoup plus habile que nous : c'est le retour déguisé de mesures de rétorsion financières qui avaient été refusées par le Conseil d'Etat dans la forme que nous avions avancée. Le procédé est habile, mais il n'en demeure pas moins qu'il est comptable, et qu'il est donc inacceptable.

Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie s'est prononcé sur ce sujet. Je n'ai pas lu jusqu'à présent de papiers. Permettez-moi de vous lire les cinq alinéas consacrés dans le compte rendu du conseil d'administration de la CNAM aux lettres clés flottantes.

C'est intéressant.

Premier alinéa : « L'utilisation de lettres clés propres à chaque discipline médicale et dont la valeur serait flottante - c'est-à-dire varierait selon que l'objectif d'évolution des dépenses assigné à chacune de ces disciplines serait respecté ou serait dépassé - ne constitue pas une alternative crédible. »

Deuxième alinéa : « En tant qu'outil de contrôle de la pertinence des soins, elle engagerait l'acteur public à vérifier le bien-fondé de l'évolution différentielle de chaque lettre clé, ce qui conduirait à la fixation de normes présidant au déplacement des frontières interprofessionnelles et interdisciplinaires ; une telle action apparaît techniquement hors d'atteinte et éthiquement discutable. »

« Une utilisation moins ambitieuse, réduite à une politique de contrôle et de taxation de l'évolution des revenus, conduirait non seulement à normer les niveaux de revenu des vingt-cinq disciplines médicales, mais aussi à opérer des transferts complexes entre ces dernières, tout en étant une source permanente de conflits. »

« Elle obligerait à imaginer un traitement particulier des disciplines pour lesquelles une lettre clé flottante apparaît peu réaliste - pédiatres, généralistes. Elle n'a urait aucun effet structurant sur le système de soins. »

Conclusion : « Au total la technique des lettres clés flottantes est des plus utiles pour corriger un déséquilibre ponctuel mais elle ne peut, en aucun cas, assurer une fonction de régulation globale de dépenses. »

Il est donc inutile d'épiloguer sur cet aspect. Ces observations se suffisent à elles seules.

J'observe, d'ailleurs, simplement que votre plan de financement de la sécurité sociale ne satisfait ni la CNAM - elle vient de donner un avis défavorable - ni la CNAV, ni la CNAF, ni l'ACOSS, ni les professionnels de santé, qui vous l'ont fait savoir le 17 octobre dernier, ni les syndicats hospitaliers, qui connaissent des problèmes graves, notamment dans les urgences, ni l'hospitalisation privée confrontée à l'article 25.

Voilà les raisons pour lesquelles votre financement n'est ni fondé, ni bien organisé, ni bien orienté.

Dans la dernière partie de mon intervention, je voudrais m'interroger avec vous sur la façon de préparer les réformes qui s'imposent, car nous sommes dans une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

période grave, et la conjoncture est favorable - c'est quelqu'un de chez vous qui l'a dit - je le cite : « On ouvre une fenêtre de quelques années, durant lesquelles il devient possible de mener à bien de grandes réformes. »

Eh bien ! De grandes réformes, je n'en vois pas ! E n matière d'assurance maladie, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, l'année dernière, nous avions évoqué ces sujets. Je vais avoir le triste sentiment de me répéter, mais vous-mêmes n'avez pas changé. Toute situation de monopole est désormais contre-productive au plan économique.

Elle ne laisse aucun choix ni aux professionnels, ni aux usagers. Et la Cour des comptes, le 15 septembre dernier, dénonce « des choix inopportuns, des erreurs de gestion, des contrôles défaillants, dont les coûts se chiffrent en milliards, alors qu'elle devrait être un assureur qui s'efforce de maîtriser le risque qu'il garantit. » La CNAM

est, selon la Cour des comptes, pour l'essentiel demeurée, malgré ses ambitions, un payeur aveugle.

La Cour des comptes dénonce ainsi des contrôles inopérants, la CNAM ne se concentrant pas sur les dérapages les plus flagrants, mais sur les petits abus. Des milliards sont ainsi perdus. Par ailleurs, la CNAM n'a pas su établir des relations de confiance avec les professionnels et, s'agissant de l'informatisation des caisses, la Cour pointe l'inadaptation totale des systèmes informatiques.

Evidemment, vous pourriez dire que, finalement, vous approuvez ce que dit la Cour des comptes sur la CNAM.

Maintenant, je vais vous lire, sous la plume de M. Dominique Strauss-Kahn et de M. Sautter, secrétaire d'Etat au budget, dans le rapport économique, social et financier du PLF de l'an 2000, questions de politique économique, à la page 21 : « En effet, les dépenses de santé ont été maîtrisées - et le rapport fait référ ence à d'autres pays - de plus en plus de salariés étant couverts par des organismes de soins gérés qui ont pour objectif de renforcer la concurrence entre les offreurs de soins. Les charges salariales employeurs liées à la couverture maladie ont nettement décéléré, ce qui a contribué à modérer l es hausses du coût du travail. » Et il termine, après - tout

de même ! - deux colonnes : « La maîtrise des coûts de l'assurance maladie a ainsi indirectement bénéficié à l'emploi. »

M. François Goulard.

C'est du Strauss-Kahn dans le texte !

M. Jean-François Mattei.

Il est clair que Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter disent clairement que la gestion des dépenses d'assurance maladie doit se faire selon un système concurrentiel.

Vous savez nos propositions dans ce domaine, je ne les rappellerai pas. Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, on a rarement l'occasion de vous avoir aussi longtemps en face de soi pour tenter de vous convaincre.

M. François Goulard.

Quel bonheur !

M. Jean-François Mattei.

J'essaie de le faire sans excès ni polémique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un peu tout de même !

M. Jean-François Mattei.

Non, je ne le crois pas et si je l'ai fait, je vous en demande pardon !

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'était de la passion !

M. Jean-François Mattei.

Je dis simplement qu'il faut une redistribution des responsabilités, car, aujourd'hui, nous sommes dans la confusion des genres, entre l'Etat, les caisses, les partenaires et les usagers.

L'Etat, tout d'abord, ne peut plus être à la fois le décideur, le gestionnaire et son propre contrôleur. C'est une situation totalement archaïque,...

M. Bernard Accoyer.

Et dangereuse !

M. Jean-François Mattei.

... vestige d'un étatisme dépassé, et peu stimulante au regard des exigences et de la rigueur.

Ses responsabilités de l'Etat n'en sont pas moins essentielles ; elles sont régaliennes. Que devraient-elles être ? Premièrement, l'Etat doit définir les besoins sanitaires de la population, selon un rythme annuel et grâce au processus de consultation entrepris par les conférences de santé, qui marchent bien, pour autant qu'on tienne compte de ce qu'elles disent. Il faut donner une plus grande cohérence à cette démarche, mieux la prendre en compte et la rendre plus crédible.

Deuxième devoir de l'Etat : mettre en place une véritable politique de santé publique, en allant beaucoup plus loin que ce qui est fait actuellement.

Vous avez choisi, madame la ministre, des collaborateurs qui, sur le plan de la santé publique, sont des gens dont la notoriété et la compétence sont indiscutables. Il faut leur donner les moyens, les structures, les personnels et les budgets, car ils sont à même de relever le défi de la politique de santé publique qui nous fait défaut aujourd'hui. Vous le savez, nous avons un retard considérable dans ce domaine. Ne confondez pas : certains ont appelé à une grande loi-cadre de santé publique, ils ont raison.

M. Bernard Accoyer.

Ils n'ont plus d'argent, ils ont tout utilisé pour les 35 heures !

M. Jean-François Mattei.

Vous avez répondu : en janvier et février. Mais non, à ce moment, nous discuterons de la modernisation de la médecine et du droit des malades. C'est essentiel, certes, mais ce n'est pas la grande loi-cadre de santé publique que nous attendons, qui englobe notamment la sécurité sanitaire dans son entier.

A cet égard, je me réjouis et me tourne vers ma collègue Mme Grzegrzulka. Nous avons mené ensemble, avec M. André Aschieri, sans polémique, la lutte pour l'agence santé environnement. Que ce soit le Premier ministre qui l'annonce, cela m'est égal pourvu que l'agence existe : nous avons gagné ensemble ce combat et il va falloir l'intégrer dans notre dispositif global de sécurité sanitaire. C'est du devoir de l'Etat.

Le troisième devoir de l'Etat est de s'assurer de la formation adaptée des professionnels de santé.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

Voilà deux ans, mon collègue Jean-Claude Etienne, qui est ici présent, et moi-même avons remis un rapport sur la réforme des études médicales. Comme j'ai eu l'occasion de l'écrire, j'ai compris qu'un nouveau ministre et un nouveau cabinet prennent le temps d'étudier les dossiers et de chercher s'il n'y avait pas d'autres issues. J'ai eu, avec leur confiance, des contacts avec eux. Le deuxième cycle est sur le point d'être réformé. Nous avons encore quelques divergences sur le premier cycle. Il leur appartiendra de décider, mais il faut le faire car nous en avons besoin. En effet, si nous réformons la première année de médecine et que cette réforme entre en jeu en 2002, les premiers médecins sortiront en 2010, les spécialistes en 2016, et les premiers effets se feront sentir en 2020.


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Il est quelquefois difficile, il est vrai, pour des politiques qui ont une échéance électorale à un, deux, ou même cinq ou sept ans de raisonner à vingt ans. Pourtant, il faut le faire, c'est du devoir de l'Etat.

Quatrième responsabilité de l'Etat : définir et collecter les budgets nécessaires pour assurer la solidarité nationale pour chaque Français face à la maladie. C'est une responsabilité essentielle. Elle ne doit pas tant s'appuyer sur les dépenses de l'année écoulée que sur les besoins sanitaires de l'année à venir.

Cinquièmement, l'Etat doit définir un cahier des charges précis pour fixer les règles de l'assurance maladie et lever toute ambiguïté.

Evitons sur ce point les procès d'intention. Sur tous ces bancs, nous avons une seule finalité : oeuvrer pour que les gens soient les plus heureux possible. Nous divergeons quelquefois sur les méthodes, mais nous pouvons nous entendre sur des règles communes pour l'assurance maladie : assurance obligatoire pour chaque citoyen - évidemment ! remboursement au premier franc des dépenses engagées - évidemment aussi ! non-sélection des patients - faut-il le préciser ? non-discrimination des risques - c'est la justice ; égalité devant les soins - c'est l'équité.

Voilà le cahier des charges. Sa rigueur est essentielle car elle seule peut permettre d'ouvrir de nouvelles voies sans prendre le risque de mettre la justice et la solidarité en péril.

Nous ne voulons en aucun cas, comme certains le laissent entendre, d'un système à l'américaine dans lequel la croissance ininterrompue des neuf années écoulées n'a pas réduit les poches de pauvreté et d'exclusion. Un américain sur six n'avait toujours pas d'assurance maladie en 1998...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Eh oui ! C'est le modèle libéral.

M. Jean-François Mattei.

... ce qui est inacceptable.

C'est d'ailleurs aussi pour ne pas en arriver là que nous condamnons le retard pris et les gaspillages des fruits de la croissance.

Sixième objectif : l'état doit accréditer les personnes et les structures.

Septième objectif : il doit vérifier que le cahier des charges est scrupuleusement respecté et supprimer l'accréditation pour ceux qui y manqueraient.

Enfin, huitièmement, l'Etat doit évaluer la qualité des services rendus.

Au total, les responsabilités de l'Etat sont bien de définir des objectifs, de fixer des règles, de s'assurer des résultats. Mais l'Etat ne doit être ni opérateur ni gestionnaire.

Il doit être le garant.

M. François Goulard.

Voilà !

M. Jean-François Mattei.

Les différents partenaires après l'Etat, qu'ils soient publics, mutualistes ou privés, doivent pour leur part s'organiser dans un système concurrentiel avec deux impératifs, deux contraintes communes : d'une part, le cadre budgétaire fixé par l'Etat et, d'autre part, le cahier des charges, défini par l'Etat. Et ils devraient répondre à un système d'accréditation et faire l'objet d'une évaluation a posteriori.

Les professionnels de santé, je veux en dire au moins quelques mots introductifs. Dans un monde en mutation où chacun est bousculé dans ses habitudes, dans ses repères, ils font partie de ceux qui sont les plus déstabilisés -, je parle en connaissance de cause. Leur désarroi est profond. Et il faut le comprendre. Leur refus de l'accréditation, des contraintes à l'installation, de l'informatisation, on en parlait, et autres propositions, s'expliquent tout simplement par l'absence d'un véritable dialogue et d'une visibilité à long terme.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-François Mattei.

Mais, monsieur Le Garrec, les médecins sont des prescripteurs de dépenses publiques.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je suis tout à fait d'accord !

M. Jean-François Mattei.

Je suis donc bien dans un cadre budgétaire et s'ils n'ont pas la conscience en amont, parce qu'ils s'estiment encore libéraux totalement, qu'ils prescrivent des dépenses publiques, je crois que nous, nous ne faisons pas notre travail.

Je suis donc en train de vous dire, et sans confondre les textes, que nous ne ferons rien sans les médecins, sans leur adhésion totale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous sommes bien d'accord !

M. Jean-François Mattei.

Car il y a désormais une profonde antinomie entre le prétendu statut des professions libérales et les contraintes de l'Etat. C'est pourquoi je plaide pour un changement de stratégie. Il faut leur donner le choix. Il n'est pas sain qu'ils soient prisonniers d'un monopole qui impose des règles d'exercice.

M. Marc Laffineur.

Bien sûr !

M. Jean-François Mattei.

Il faut qu'ils puissent choisir eux-mêmes les modalités d'installation, d'accréditation et de formation, en contrepartie de quoi ils choisiront euxmêmes les caisses ou les organismes parapublics ou privés dont ils accepteront les contraintes.

M. Marc Laffineur.

Mais oui !

M. Jean-François Mattei.

C'est cela l'organisation en réseau, c'est ce qui peut leur rester de liberté.

Quant aux usagers, qu'on veut toujours responsabiliser à juste titre, ils ont des droits garantis par l'Etat, mais ils ont aussi des responsabilités. Il leur appartiendrait de les assumer en choisissant librement leur organisme de couverture, c'est-à-dire celui qui les prend en charge le mieux. Vous l'avez constaté dans d'autres domaines : la concurrence s'impose sans rapidement et les usagers choisissent, naturellement, ce qui leur est le plus profitable.

Vous nous reprochez quelquefois - pas aujourd'hui, ni hier - de critiquer sans faire de propositions. Eh bien, voilà une véritable alternative, une véritable réforme, qui a le mérite de tenir compte des changements majeurs que j'ai eu l'occasion de décrire précédemment.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est complètement contradictoire !

M. Jean-François Mattei.

L'an dernier, à la même époque, j'avais appelé de mes voeux l'expérimentation de dispositifs dans quelques départements ou régions et j'avais alors évoqué le projet de Groupama, assureur à statut mutualiste, qui prévoyait de créer, dans des zones rurales, un réseau de soins de généralistes qui s'engageraient à participer à des groupes de progrès cherchant à dépenser moins.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

On y vient !

M. Jean-François Mattei.

Vous venez d'autoriser Groupama à expérimenter ce système durant dix-huit mois dans trois départements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Naturellement, l'expérience me paraît trop limitée et pas assez ambitieuse, mais c'est un premier pas, et j'en prends acte. Cela signifie que d'autre projets, semblables ou non, pourraient, à partir du moment où ils répondraient au cahier des charges du Gouvernement, se voir autorisés. C'est indispensable.

Je pourrais insister sur d'autres expériences européennes.

La Suisse, par exemple, fonctionne très bien depuis la loi fédérale sur l'assurance maladie du 18 mars 1994 qui prévoit l'obligation de souscription d'une couverture, le libre choix de la compagnie, l'interdiction pour l'assureur de refuser de couvrir une personne qui se présente et qui demande à être assurée, l'obligation de fournir un contrat de base à des conditions uniformes de prime et des conditions identiques de participation aux coûts pour des prestations obligatoires. L'intervention de l'Etat passe par la réglementation des tarifs et des taux de couverture et par la définition de droits et d'obligations. Peut-on dire mieux ? Aux Pays-Bas, suite au plan Dekker, l'intervention de l'Etat consiste à séparer la collecte des primes, effectuée par l'Etat sur une base fiscale uniforme, et l'activité d'assurance, les compagnies en concurrence recevant une dotation par client qui tient compte de la catégorie actuarielle du risque de chacun.

Je pourrais citer l'Allemagne, mais le temps passe...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Jean-François Mattei.

Mais, madame la ministre, j'ai l'oeil sur l'horloge et je ne veux pas lasser la patience...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous êtes formidable, monsieur Mattei !

M. le président.

Ne vous inquiétez pas, je veille ! Poursuivez, monsieur Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Les différents pays dont je viens de parler ont engagé des réformes structurelles profondes. Votre gouvernement met souvent l'accent sur le volet social de la construction européenne.

Comment ferez-vous si, demain, un Français veut s'assurer auprès d'une assurance privée d'un autre pays européen ? Comme en matière de transport aérien ou de téléc ommunications, l'ouverture à la concurrence est inéluctable en matière de santé ! Et il me semble donc plus judicieux de s'y préparer plutôt que de se voir imposer par Bruxelles un système auquel nous ne serions pas préparés.

Madame la ministre, je pourrais parler maintenant des retraites et de la famille. Mais mes prédécesseurs, notamment M. Bur et M. Accoyer, ont très bien expliqué ce qu'il en était et ils ont avancé des arguments auxquels je souscris.

Je vais donc m'en tenir là, en ne parlant que de l'assurance maladie, car je voudrais que mon propos forme un tout et traduise une approche globale des choses. Cela ne v eut pas dire que le problème des retraites soit secondaire, bien au contraire. Je parlais de défi à quinze ans, à vingt ans, à quarante ans ; c'est maintenant qu'on doit le relever, évidemment. C'est difficile, c'est douloureux sur le plan humain, et sur le plan culturel. C'est plus facile de se dire : « On attend encore deux ou trois ans, parce que les autres le feront peut-être ! » Il n'en demeure pas moins que, d'échéance en échéance, nous ne sommes pas préparés pour ce difficile problème des retraites.

Quant à la famille, j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur le rejet en d'autres circonstances. Donc, je n'y reviendrai pas.

Madame la ministre, vous avez senti peut-être, à tel ou tel moment, que j'étais passionné par ce sujet. Je suis persuadé que c'est un des grands enjeux politiques de cette fin de siècle et du début du prochain. Je pense que nous sommes en train de changer de système de santé. L'assurance maladie mérite toute notre estime et notre considération. Elle aura été un apport considérable, mais on ne peut pas demander à une structure qui a été inventée à un moment donné de répondre aux besoins d'un monde pour lequel elle n'avait pas été conçue.

C'est la raison pour laquelle, outre le fait que la donne sur l'article 2 a changé en fonction de vos décisions d'il y a deux jours, et que nous n'avons pas en commission discuté en totalité de ces modifications, mais surtout peutêtre parce que j'aimerais, objectivement et honnêtement sachant que, de toute façon, vous avez une majorité -, que l'on reprenne le sujet, pour voir si l'on ne peut pas aller plus loin dans la modernisation. Par conséquent, je vous demande, mes chers collègues, de voter ce renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Merci, monsieur Mattei.

Pour répondre à une question que j'ai entendue, j'indique que M. Mattei, qui disposait de quatre-vingt-dix m inutes, s'est exprimé soixante-quatre minutes, six secondes. Il a donc respecté son temps de parole.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solid arité.

Mesdames et messieurs les députés, je vais répondre avec Dominique Gillot à un certain nombre de questions qui se sont posées. J'ai parfois un sentiment un peu étrange, car nous entendons finalement les mêmes discours pour la troisième fois - pas toujours par les mêmes d'ailleurs, tant l'incohérence est parfois grande -, comme s'il ne s'était rien passé.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il y a un problème d'organisation !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance vieillesse.

C'est une motion de renvoi en commission.

Nous aurions dû passer aux explications de vote et au vote.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de présider la séance ?

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Non !

M. le président.

Je pense que c'est de l'humour !

Mme la ministre s'exprime quand elle le souhaite.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est vrai.

M. le président.

Poursuivez, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, vous m'avez donné la parole mais je peux attendre pour répondre à tous les orateurs.

M. le président.

D'après ce que votre cabinet a fait savoir à la présidence, vous intervenez maintenant pour répondre à M. Mattei et ensuite pour répondre à l'ensemble des orateurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Tous ces changements de dernière minute ont épuisé ses collaborateurs ! (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous en prie ! (Sourires.)

La décision est à votre convenance, madame.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je préfère attendre pour répondre ensuite à tout le monde.

Je vous dis donc : « A tout à l'heure ! » (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)

M. Jean-Luc Reitzer.

C'est votre meilleur discours ! (Sourires.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous signale que la Constitution permet au Gouvernement de s'exprimer quand il veut, mais également de cesser de s'exprimer quand il le veut. (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

Il me paraît en effet préférable que nous terminions le débat sur la motion de renvoi en commission avant d'entendre la réponse du Gouvernement à l'ensemble des orateurs.

Monsieur Mattei, votre intervention était particulièrement riche et mériterait beaucoup plus qu'une brève réponse, mais nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur l'ensemble de vos observations. D'ailleurs, si vous aviez été là au moment où je suis intervenu au nom de la commission, vous auriez vu que nous sommes sans doute d'accord sur un certain nombre de points.

Je pense que nous ne sommes pas les seuls à être d'accord sur le fait qu'il faudrait une approche plus globale de la santé,...

M. Yves Bur.

Tout à fait.

M. Claude Evin, rapporteur.

... des conventions plus dynamiques et structurant mieux les relations entre les caisses de sécurité sociale et les professionnels, et des outils de maîtrise. Sur ce dernier point, il faudrait une réflexion plus approfondie et vous devez être plus précis car certains d'entre vous sont pour la maîtrise lorsqu'ils sont au Gouvernement, se levant pour applaudir M. Juppé le 15 novembre 1995, mais ne le sont plus quand ils reviennent dans l'opposition.

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai.

M. Claude Evin, rapporteur.

De ce côté-ci de l'hémicycle, nous avons été quelques-uns à payer le fait d'avoir dit depuis longtemps, aussi bien dans la majorité que dans l'opposition, que nous étions pour la maîtrise de l'évolution des dépenses - je laisse de côté les notions de maîtrise comptable et de maîtrise médicalisée -, considérant que c'était l'une des façons de garantir la qualité du système et la justice sociale. Maîtriser cette évolution ne sert à rien, en effet, sans l'objectif d'assurer une meilleure prise en charge des soins, plus juste, correspondant mieux à une préoccupation de santé publique. L'objectif de maîtriser l'évolution des dépenses ne peut être dissocié de celui d'assurer la qualité du système.

Certes, vous avez fait un certain nombre de constats avec lesquels nous pouvons être d'accord. Je regrette simplement que vous n'ayez pas été plus loin.

Dire qu'il faut une approche plus globale de la santé, c'est bien et je suis d'accord avec vous, mais c'est lié au cloisonnement de notre financement. Si vous allez plus loin dans ce diagnostic, vous devez remettre en cause un mode de financement. Je me suis exprimé à plusieurs reprises en ce sens, et M. Accoyer notamment me l'a reproché. Cela va jusqu'à remettre en cause, mais vous ne l'avez pas dit, le mode de financement des professions libérales avec un financement à l'acte. Il faut aller jusqu'au bout du raisonnement et poser le problème d'un autre mode de rémunération de la médecine libérale,...

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai que je ne suis pas d'accord !

M. Claude Evin, rapporteur.

... avec d'autres mécanismes de relations avec les caisses de sécurité sociale.

Quand j'évoque la question du tiers payant, ce qui fait bondir à chaque fois M. Accoyer, ce n'est pas du tout pour manifester une lubie ou pour des raisons idéologiques. Vous pouvez critiquer le mode de régulation par lettres-clés flottantes, mais, si vous n'allez pas au bout de votre diagnostic et de votre raisonnement, vous ne faites qu'une partie du chemin.

En matière de mode de régulation, il n'y a pas d'autre solution que les reversements - et j'ai dit moi aussi depuis longtemps que cela ne pouvait pas marcher -, les lettres-clés flottantes qui permettent un ajustement à mesure que les dépenses dérapent ou la fixation d'enveloppes avec un mécanisme de tiers payant permettant aux caisses de réguler en amont les flux financiers qu'elles envoient vers les prestataires de services.

Alors, très bien pour vos observations et votre diagnostic, et nous sommes vraisemblablement plusieurs ici à pouvoir partager un certain nombre de propos que vous avez tenus, sauf que vous vous arrêtez en cours de chemin dans votre raisonnement.

Vous avez évoqué nos liens. Nous avons la chance de travailler ensemble dans le cadre de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ce qui nous permet d'avoir, dans un cadre international, des relations différentes entre majorité et opposition au sein de la délégation française. Je connais par ailleurs vos raisonnements en la matière pour avoir échangé des propos avec vous devant différentes instances.

Pour vous, la solution, c'est la mise en concurrence.

Vous n'avez d'ailleurs pas dit s'il s'agissait de l'assureur ou des prestataires de services, et j'aimerais que vous soyez plus précis.

Vous vous rendez bien compte que vous commencez ainsi à vous éloigner des principes que vous avez rappelés par ailleurs et qui sont ceux du Conseil national de la résistance quand il a mis en place l'assurance maladie, fondée sur le principe d'universalité. Vous sentez bien que vous êtes à la limite de votre raisonnement. Vous proposez donc que soit défini un cahier des charges, mais les différents critères - non-sélection des assurés, nonsélection des risques - sont totalement contraires au principe de concurrence.

M. Jean-François Mattei.

Non !

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

M. Claude Evin, rapporteur.

Vous savez très bien que, le jour où les assureurs pourront offrir des prestations de nature et de type différents aux assurés sociaux, un syst ème de sélection commencera inéluctablement à s'imposer.


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Ce ne serait sans doute pas le cas pour une sélection de base. Vous avez fait référence au panier de soins, je pourrais aussi évoquer la loi de 1990 sur la couverture complémentaire que j'avais déposée à l'époque et qui fixe un certain nombre de règles. Cela dit, on entre dans un mécanisme de couverture minimale, de filet de sécurité minimal, avec des règles, et on laisse derrière une ouverture au marché ce qui fait qu'il y a inégalité devant l'accès aux soins.

C'est donc là que nous divergeons, monsieur Mattei, et il est intéressant que vous ayez abordé ce débat. Nous avons déjà évoqué le problème l'année dernière ou il y a deux ans. C'est intéressant et je vous remercie de l'avoir posé. Cela permet d'avancer et de clarifier les choses.

Vous avez parlé du rôle de l'Etat. Il est défini par la Constitution. Il est défini par le onzième alinéa du préambule de 1946 selon lequel la Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé. Le Conseil constitutionnel, qui a apporté à plusieurs reprises un certain nombre de précisions au début des années 90, a considéré que cela s'appliquait à l'ensemble de la population, et c'est bien au regard de ce préambule de la Constitution de 1946 que l'Etat a une fonction régalienne qu'il doit assurer, y compris par rapport aux caisses de sécurité sociale.

Vous avez voulu entrer dans la polémique malencontreusement ouverte hier par le président de la Caisse nationale d'assurance maladie. Moi, je redis ici clairement que l'Etat a une fonction régalienne. Devant une carence éventuelle des organismes de sécurité sociale, il doit prendre ses responsabilités, parce que cette responsabilité lui a été donnée par la Constitution et a été rappelée d'ailleurs par l'article 34 dans la définition de la mission du Parlement concernant le vote des lois de financement de la sécurité sociale.

A partir de là, la sécurité sociale doit assurer une mission de service public, et c'est bien là notre divergence.

C'est bien ce qui fait la différence entre les mesures que préconise Démocratie libérale et celles que retient la majorité plurielle.

C'est pour ces raisons, de fond et pas seulement d'opportunité - le fait que le texte n'ait pas comporté l'ensemble de ses dispositions lorsqu'il a été examiné par la commission - qu'il faut non seulement s'opposer au renvoi en commission, mais aussi aux mesures que vous préconisez en matière d'assurance maladie et de sécurité sociale. Vous êtes aujourd'hui dans l'opposition et nous dans la majorité parce que les Français ont choisi un mode de solidarité garanti par notre système public de sécurité sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

L'article 91, alinéa 4, du règlement prévoit que peut intervenir le président de la commission ou le rapporteur. C'est donc à titre exceptionnel que je vous passe la parole, monsieur le président, mais sous réserve que vous soyez bref.

Vous avez la parole.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je n'abuse pas de la parole, monsieur le président, et vous le savez très bien, mais l'intervention de M. Mattei justifie cette double réponse car il a eu le mérite de proposer c lairement un projet alternatif à celui que nous défendons.

J'ai expliqué hier à cette tribune, monsieur Mattei, que la France n'était pas naturellement un pays réformateur.

Nous nous heurtons à de multiples conservatismes, qui ne sont d'ailleurs pas, je l'ai souvent dit, que d'un seul côté.

M. Charles de Courson.

C'est honnête de la reconnaître !

M. Jean Le Carrec, président de la commission.

Il est vrai que nous devons pérenniser un système qui date de 1945 alors que les professions médicales ont de plus en plus conscience qu'un système alternatif concurrentiel aboutirait probablement à une grave remise en cause de leur statut et de leur métier. Elles ont quelques exemples sous les yeux, la profession d'architecte par exemple.

Dans ces conditions, je pense que le dialogue pourra plus facilement s'ouvrir.

Par ailleurs, cessons de nous jeter le mot "comptable" à la tête !

M. Charles de Courson.

C'est une profession honorable !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

D'abord, c'est une profession honorable, en effet, et, quand on vote un budget, on compte.

Les professionnels de santé, et particulièrement les médecins, doivent à la fois faire un métier qui parle de la vie, de la mort, de la santé, de l'avenir de notre pauvre condition humaine, et être ordonnateurs de dépenses publiques. Il est vrai qu'il y a là une contradiction, mais ils doivent l'assumer. C'est peut-être ce qui fait la grandeur de ce qu'on leur demande et qu'on leur demandera de plus en plus.

M. Jean-François Mattei.

Et leur fragilité !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais on leur facilite les choses ! Plus que personne, nous avons conscience que le systèmeest à un tournant extrêmement grave, et ce n'est pas par hasard que j'évoquais hier les théories de Max Weber sur l'opacité d'un système, la non-transparence, la difficulté de définir les responsabilités. C'est à ces difficultés que nous nous attaquons, et j'ai une très grande confiance dans le rôle grandissant que peut jouer la commission, non seulement en votant un budget, mais en faisant des propositions.

Ainsi, nous travaillons de plus en plus en amont de la prise de décision, nous organisons de plus en plus le dialogue avec la Cour des comptes, nous émettons des propositions, et les dix propositions de M. Evin, que je remercie une fois de plus, sont extrêmement importantes.

La commission est un lieu de dialogue, non seulement avec la CNAM mais aussi avec le Gouvernement.

Parmi les dix propositions de M. Evin, nous répondons à un certain nombre de questions très précises : développer le contrôle des compétences des médecins libéraux en liaison avec l'obligation de formation médicale continue, développer l'évaluation individuelle et collective des pratiques, réformer l'ordre national des médecins, et nous sommes, à ce titre, en rapport avec le président de l'ordre des médecins. C'est peut-être la première fois que des choses aussi précises sont écrites, et je pense que la commission aura un rôle de plus en plus grand.

Nous avons demandé très clairement à la CNAM de nous indiquer les outils qui lui sont indispensables pour assumer la délégation de gestion dont nous allons débattre dans le cadre de cette loi. S'il faut agir par voie


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réglementaire, nous avons l'accord de la ministre concernée s'il faut modifier la loi, ce sera fait dans le cadre du DMOS ou de la loi de modernisation de la politique de santé. En tout état de cause, les adaptations nécessaires devront être votées avant la fin de la session. A la limite, peu importe le support législatif, l'important étant que ces outils soient mis en place.

Vous voyez, nous sommes très clairs, et nous avançons ! L'essentiel est de préserver l'équilibre d'un système seul capable de garantir une véritable politique de santé, une politique d'égalité devant les soins, ce que nous nous efforçons de mettre en place.

Cette politique a sa logique. Elle a sa force et ses difficultés. Nous les assumons.

Vous proposez une alternative, et vous êtes le premier à le dire clairement. Au moins, ce n'est plus le discours hypocrite sur la garantie d'un système auquel nous sommes tous attachés, discours que l'on entend de tout c ôté et particulièrement du vôtre, et les masques tombent : vous êtes pour un système concurrentiel. Cette politique a sa logique ! Selon nous, elle aboutirait à une inégalité devant les soins, à une sélection par le risque et à la remise en cause d'un système auquel les citoyens français sont fondamentalement attachés. Je ferai simplement référence à deux exemples : le système de soins aux Etat-Unis, qui a accru la pauvreté et la privatisation d'un service public qui a abouti à une véritable catastrophe nationale, celle des transports en Grande-Bretagne.

M. François Goulard.

Quelle caricature !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Pas du tout ! Monsieur Mattei, vous avez au moins le courage, et c'est très bien, d'assumer une alternative concurrentielle.

C'est ce contre quoi nous nous battons. En ce qui nous concerne, nous avons choisi une autre voie, avec ses difficultés. Nous voulons clarifier les responsabilités, et donner à chacun les moyens d'assumer les siennes. Voilà au moins une différence qui guide les choix qui vont s'opérer à travers le vote de cette loi de financement de la sécurité sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Bernard Accoyer.

La longueur des interventions de M. le rapporteur Evin et de M. le président me conduit d'abord à les féliciter. Il ne s'agit pas pour moi de les critiquer, mais de remarquer simplement que leurs interventions ont été plus longues qu'il n'est d'usage après une motion de procédure.

M. Claude Evin, rapporteur.

C'est parce que c'était une bonne motion ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Cela me donnera l'occasion, si vous me le permettez, monsieur le président, de développer les différents points qu'ils ont abordés, et qui sont importants parce qu'ils correspondent à des problèmes de fond.

Si l'opposition a déposé une motion de renvoi en commission, c'est tout simplement parce que ce projet de loi mérite d'être encore travaillé. M. Jean-François Mattei en a dit les raisons, qui sont nombreuses, et que nous approuvons.

Il y a une première raison de fond, qui me paraît très importante, madame la ministre. Nous venons en effet d'apprendre par la presse - car la commission n'a été officiellement saisie, à ma connaissance, que ce matin - que le Gouvernement avait déposé un amendement fondamental à l'article 2, qui change complètement l'esprit, le contenu, les conséquences de ce texte. Dans ces conditions, il nous semble que les dispositions qui régissent nos travaux auraient dû conduire le Gouvernement à déposer une lettre rectificative. C'est ainsi qu'il eût fallu procéder.

Cela n'a pas été le cas, et il y a là, indiscutablement, une faille dans la procédure que nous allons suivre. Mais, me direz-vous, ce point n'a rien à voir avec la brillante démonstration de M. Jean-François Mattei, ni avec les réponses, non moins denses, de notre collègue M. Evin et du président Le Garrec.

Sur le contenu de ces interventions, je veux d'abord rappeler que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et c'est bien une des raisons pour lesquelles il doit être renvoyé en commission, traite la branche famille - mais il est vrai qu'avec ce Gouvernement, nous commençons à y être habitués - de manière tout à fait inacceptable. Un seul article la concerne, et c'est un article qui diminue les revalorisations auxquelles cette branche a droit, et dont elle a besoin.

Deuxièmement, ce projet de loi, qui compte quatrevingts pages, n'accorde que quelques lignes aux retraites, alors que ce sujet est au coeur du problème qui nous amène à délibérer, à savoir l'avenir de la protection sociale. Cela aussi justifie le renvoi en commission. Nous devons réfléchir plus avant à l'indispensable mutation, à l'indispensable réforme, à l'indispensable adaptation de notre système de retraites aux données démographiques.

C'est d'ailleurs là la principale urgence, et le principal devoir du Gouvernement. C'est aussi notre devoir, chers collègues - car nous sommes nous aussi responsables -, d'examiner les conditions de financement des pensions de retraite de nos concitoyens. Car elles ne seront pas financées d'ici quelques années, ce qui n'empêche pas le Gouvernement, année après année, de remettre sans cesse les décisions à plus tard. Nous verrons qu'en outre, il détourne toutes les possibilités de financement à venir des retraites pour financer une partie du surcoût qu'entraîneront les 35 heures.

Mais puisque l'intervention de M. Jean-François Mattei et les réponses de nos collègues Evin et Le Garrec ont surtout porté sur notre système de santé, venons-en à ce sujet. Sur ce point aussi, le renvoi en commission se justifie. Parce que le débat ouvert par M. Jean-François Mattei, et prolongé par les réponses du rapporteur et du président de la commission, doit être poursuivi. M. Evin prône un système étatisé, qu'il a d'ailleurs développé da ns la ville dont il est le maire. Il défend l'idée des centres de santé, qui sont une expression, comment dirai-je, collectiviste de la gestion de la santé. M. Le Garrec, lui, défend l'immobilisme, ce qui m'étonne de sa part, car c'est un homme qui travaille beaucoup, un homme qui est d'ailleurs précieux pour le Gouvernement, vu que l'improvisation est devenue pour celui-ci une règle de travail. Ce que propose M. Le Garrec, c'est de ne rien changer,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ça, c'est la meilleure !

M. Bernard Accoyer.

... de maintenir ce système qui, à l'évidence, n'est pas maîtrisé, et qui accumule chaque année les dérapages en matière de dépenses. Ceux-ci, pour être masqués par la croissance, n'en conduisent pas moins le système à l'échec. Déjà aujourd'hui, la France


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est hélas, parmi les pays qui lui sont comparables, celui qui assure la moins bonne couverture. Mais qu'à cela ne tienne, continuons, tout va bien, c'est cela la solidarité.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Bernard Accoyer.

Eh bien non, monsieur le président, ce n'est pas ainsi que nous concevons la solidarité.

Pour nous, la solidarité doit être l'objet d'une réflexion permanente. Elle appelle des propositions. Elle exige une réforme, qu'il faut avoir le courage de conduire.

M. Jean-François Mattei propose une ouverture du système. Nous y sommes favorables, bien que pour nous, députés du groupe RPR, l'émulation doive se faire entre les caisses, entre les maillons de cette sécurité sociale que, comme nous, vous défendez bec et ongles, monsieur le président. A cette différence près que nous, nous voulons qu'elle évolue, qu'elle se modernise, qu'elle s'adapte à ce qui est aujourd'hui devenu incontournable, à savoir la nécessité d'offrir un meilleur rendement social.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera bien entendu la motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je rappelle que si le temps de réponse de la commission et du Gouvernement n'est bien entendu pas limité, les explications de vote, en revanche, le sont à cinq minutes.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. François Goulard.

Cette motion de procédure est un peu particulière. Après une brève intervention de Mme la ministre, nous avons entendu de très longues interventions de l'un des rapporteurs et du président.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non, pas très longue, monsieur Goulard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne vous inquiétez pas, je vais reprendre la parole ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Mais je reviendrai d'abord, si vous le permettez, monsieur le président, sur la deuxième motion de procédure, celle qui a été examinée hier soir.

Une question préalable a été défendue par notre collègue Bernard Accoyer. Il se trouve que les conditions du vote ont été contestées par certains d'entre nous, au moment de la séance...

M. Pascal Terrasse.

Par un seul d'entre vous !

M. François Goulard.

... et je me suis aperçu aujourd'hui que mon vote avait été enregistré comme étant opposé à cette motion ...

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Quelle lucidité ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la fatigue !

M. François Goulard.

... ainsi que celui du président Rossi, qui m'avait donné délégation. Je voudrais qu'il soit mentionné au Journal officiel que, comme notre collègue Perrut l'avait d'ailleurs annoncé au nom de notre groupe, nous voulions bien entendu, l'un et l'autre, voter en faveur de cette question préalable.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Trop tard !

M. François Goulard.

Je vous remercie de m'avoir permis de faire cette rectification, monsieur le président.

M. le président.

Votre demande figurera au compte rendu de la séance, monsieur Goulard. Vous pouvez poursuivre votre explication de vote.

M. François Goulard.

Les réactions de la majorité en sont le meilleur témoignage, la motion de renvoi en commission de Jean-François Mattei a élevé notre débat à une hauteur de vue qui manque singulièrement au projet du Gouvernement. Le grand débat qu'il a ouvert, et sur lequel ont réagi immédiatement M. le rapporteur Evin et M. le président de la commission, est précisément celui que nous aurions dû avoir en examinant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais nous l'avons eu !

M. Claude Evin, rapporteur.

Vous n'étiez même pas présent en commission !

M. François Goulard.

Et ce n'est pas la faute de la commission, excellemment présidée par Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Merci !

M. Bernard Accoyer.

Heureusement qu'il est là !

M. François Goulard.

Ce n'est pas non plus le fait des rapporteurs, qui s'y sont mis à plusieurs pour remplir cette lourde tâche consistant à nous présenter ce projet de loi complexe. Non, je crois que cela tient à l'approche du Gouvernement, à la teneur du projet lui-même dans ses principaux chapitres, qui a rendu l'examen en commission extrêmement difficile, et qui nous a mis dans l'impossibilité d'aborder les vrais sujets de la protection sociale aujourd'hui.

Quels sont-ils ? D'abord, le financement. Comment peut-on prétendre que nous avons examiné de manière satisfaisante le financement de la sécurité sociale, étant donné les allers-retours et les changements de dernière minute du Gouvernement sur l'article 2 et sur le financement des allégements de cotisations sociales prévus dans la deuxième loi relative à la réduction du temps de travail. A propos, il serait intéressant, mes chers collègues, d'examiner cette question du financement au regard de l'excellente et forte déclaration qu'a faite l'un des membres du Gouvernement hier après-midi, ici même, dans cet hémicycle. Je veux parler de Mme Guigou, garde des sceaux, qui nous a déclaré : « Le Gouvernement a pris l'engagement de ne jamais présenter de réformes sans qu'elles soient totalement financées. »

Quant à la question des retraites, comment peut-on prétendre que le formidable défi que constitue leur financement soit véritablement abordé dans le projet de loi tel qu'il se présente ? Enfin, se pose la question de l'avenir de notre assurance maladie. M. Jean-François Mattei a esquissé, et il ne pouvait naturellement pas faire plus, ce que pourrait être un futur système d'assurance maladie, qui, tout en se conformant strictement aux exigences constitutionnelles, répondrait aux aspirations de l'ensemble des Français et respecterait l'exigence absolue d'égalité devant l'accès aux soins. Ce système plus intelligent, plus moderne, plus susceptible de s'adapter implique - mais ce n'est pas un voeu formulé dès l'origine, c'est une conséquence - le recours à la concurrence.

Alors bien sûr, vous vous emparez aussitôt de ce mot pour en faire un repoussoir qui suffirait à distinguer votre politique de la nôtre. Mais c'est bien la preuve que vous admettez confusément, implicitement, que l'organisation actuelle de l'assurance maladie n'est pas en mesure de


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répondre durablement aux besoins de santé de l'ensemble de nos compatriotes. Vous connaissez ses faiblesses. Vous savez que les tentatives coercitives de maîtrise comptable par la voie de sanctions collectives - et les lettres flottantes ne sont rien d'autre qu'une autre forme de sanction collective - n'ont strictement aucun avenir. Vous savez que la croissance vous permettra sans doute de passer l'année prochaine sans trop de heurts, mais vous avez comme nous la conviction qu'on ne pourra pas longtemps garder l'assurance maladie telle qu'elle est, avec sa centralisation et son caractère foncièrement bureaucratique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Parlez pour vous, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Voilà pourquoi nous souhaitons vivement que la commission puisse à nouveau se réunir, qu'elle puisse examiner à nouveau l'ensemble de notre édifice de sécurité sociale sous l'éclairage qui vient d'être donné à l'instant par Jean-François Mattei.

C'est la raison pour laquelle, bien entendu, le groupe Démocratie libérale votera cette motion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet.

M. Mattei est incontestablement - et je suis persuadé que chacun, ici, en sera d'accord -, un orateur de talent et un grand professeur de médecine - et c'est un praticien qui parle -, qui mérite toute notre admiration pour la qualité de ses écrits professionnels.

Mais, monsieur Mattei, vous êtes aussi un homme ambigu.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Oui, ambigu, car vous êtes capable de défendre tout et son contraire.

M. Marcel Rogemont.

Ça, c'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Bacquet a raison !

M. Jean-Paul Bacquet.

Vous avez dénoncé la nonreprésentativité des syndicats, puis vous vous êtes appuyé sur l'exemple de ces mêmes syndicats, qui auraient mené un grand mouvement de contestation - bien inférieur toutefois à celui qu'ils avaient animé contre le plan Juppé, vous vous en souvenez. Vous avez dénoncé l'inefficacité de la CNAM, vous appuyant d'ailleurs sur le rapport de la Cour des comptes, mais pour nous reprocher ensuite de ne pas donner à la CNAM les moyens nécessaires pour remplir sa mission. Vous avez dénoncé le risque d'une médecine de caisse, disant, quelques instants plus tard, qu'il fallait donner des moyens supplémentaires aux caisses pour une politique de partenariat.

Vous avez dit, monsieur Mattei, que la métaphore du football était inadaptée. J'étais la semaine dernière dans votre ville, pour voir Marseille jouer contre l'OM, (Rires)...

M. Bernard Accoyer.

Non, l'époque de Tapie est terminée !

M. Jean-Paul Bacquet.

... contre Manchester. Marseille a gagné. Mais pour gagner, vous le savez, il faut avoir de bons buteurs, il faut pouvoir compter sur de bons défenseurs,...

M. Maxime Gremetz.

Il faut un bon goal !

M. Jean-Paul Bacquet.

... mais surtout, il ne faut pas marquer contre son camp !

M. Jean-François Mattei.

C'est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet.

Or, quand on est dans l'ambiguïté, on marque contre son camp, ce qui nous laisse d'ailleurs quelques espoirs, monsieur Mattei, pour les municipales à Marseille ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Bur.

Qu'est-ce que ça vient faire ici ?

M. François Goulard.

Serait-il possible d'élever le débat ?

M. Jean-François Mattei.

Je ne suis même pas candidat !

M. Jean-Paul Bacquet.

Vous avez dit, monsieur Mattei, combien il était indispensable d'avoir un projet novateur en matière de sécurité sociale, que la création de la sécurité sociale était, disons-le, une révolution. N'oublions pas en effet le rapport Beveridge. N'oublions pas ce que Bismarck avait fait, à l'origine. N'oublions pas que cela était basé sur la mutualisation des risques, sur la solidarité nationale, et cela a été une telle réussite que l'extension progressive à toutes les professions s'est faite. Si la chose n'avait pas été attractive, nous n'en serions pas là.

Vous avez dénoncé tout à l'heure la mise en place d'une sécurité sociale à deux vitesses.

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est vrai !

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est tellement vrai, monsieur Accoyer, que vous avez créé en 1979 le secteur II, qui fermait l'accès à un certain nombre de soins aux catégories sociales les plus défavorisées, et c'est une des raisons pour lesquelles nous l'avons fermé, et avons créé la couverture maladie universelle.

De plus, vous avez dit, monsieur Mattei, qu'il était indispensable d'envisager demain un grand ministère.

Vous avez raison, là, je vous appuie. Mais tant qu'à faire, faisons autre chose que le grand ministère de Mme Elisabeth Hubert, dont nous ne savons d'ailleurs pas ce qu'elle est devenue. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous avez dit que les conventions étaient éloignées de l'esprit initial, que l'on serait passé d'un régime participatif à un régime imposé. Je vous rappelle simplement que

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité propose, dans son projet, un véritable partenariat entre les médecins et les caisses sur la médecine ambulatoire, ce qui est quand même autre chose, reconnaissez-le, que les CMR que nous dénonçons tous, les uns et les autres.

Sur l'hôpital, la restructuration est beaucoup trop lente, dites-vous. Vous avez raison, il faudra accélérer les choses. Mais il faut être logique. Quand M. Barrot, que j'apprécie personnellement c'est un voisin de département -, était ministre de la santé, il disait la même chose.

Comment se fait-il qu'à l'époque il n'ait pas commencé par fermer la maternité de Brioude et qu'il intervienne après pour défendre une maternité qui fait moins de cent accouchements par an, et qui maintenant est fermée.

L'ambiguïté, monsieur Mattei, c'est de dire, quand on est


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dans l'opposition, l'inverse de ce que l'on dit quand on est dans la majorité. L a croissance. Vous avez dit qu'elle n'était que conjoncturelle, fragile, que ses effets étaient certes positifs, mais à court terme. Mais, monsieur Mattei, reconnaissez quand même que la croissance, la baisse du chômage qui a incontestablement des répercussions sur le financement de la sécurité sociale sont aussi les purs produits d'une politique en faveur de l'emploi. Car, si vous aviez su que la croissance était au rendez-vous, et qu'elle serait le fait de votre politique, vous n'auriez pas dissous l'Assemblée nationale,...

Mme Odette Grzegrzulka.

C'eût été dommage !

M. Jean-Paul Bacquet.

... vous auriez attendu qu'elle porte ses fruits.

L'assurance maladie. Vous avez dit que la situation était loin d'être excellente. L'augmentation des honoraires des médecins a été contenue 1,2 % mais les dépenses d e médicaments ont en effet dérapé de plus de 8 % 6 % depuis les huit derniers mois -, les indemnités journalières de 7 %, les dépenses de transports de 8 %. C'est bien pourquoi il est nécessaire de procéder, sur des saisies comptables, à une analyse médicale de ces excès.

C'est à partir de là que l'on peut parvenir à une définition de ce qu'est une « bonne pratique ». Ce terme ne doit pas vous être étranger, puisqu'il figurait déjà dans le plan Juppé.

Mais, pour cela, je l'ai dit en commission et je le redis ici, il faut avoir de véritables garanties en ce qui concerne le respect du secret professionnel, et il faut une responsabilité partagée, sur le plan civil comme sur le plan pénal, entre les médecins praticiens et les médecins-conseils.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce qui figure dans le texte !

M. Jean-Paul Bacquet.

Certes, mais c'est dans un amendement que j'ai présenté.

M. Bernard Accoyer.

Justement !

M. le président.

Monsieur Bacquet, concluez !

M. Jean-Paul Bacquet.

Je termine, monsieur le président.

S'agissant des dépenses de santé, vous avez dit que nous n'avions qu'une médecine comptable et non une médecine médicalisée. En tout cas, nous avons refusé la maîtrise autoritaire que proposait la CNAM, préférant une maîtrise beaucoup moins contraignante que celle que vous aviez proposée et qui vous a coûté si cher en 1997 !

M. François Goulard.

Voilà des arguments de haute tenue !

M me Odette Grzegrzulka.

Il est des vérités qui blessent !

M. le président.

Monsieur Bacquet, ne vous laissez pas interrompre et concluez, s'il vous plaît !

M. Jean-Paul Bacquet.

Nous sommes devant un véritable choix de société : nous avons le droit entre une assurance maladie reposant sur la solidarité nationale et ouverte à tous, et une assurance maladie assurancielle et concurrentielle. Eh bien, monsieur Mattei, nous avons fait un autre choix de société que le vôtre : pour notre part, nous refusons d'entrer dans un système concurrentiel et assuranciel, car, dans un tel système, tout le monde serait perdant : les patients, parce qu'ils auraient moins droit aux soins ; les médecins, parce que les assurances choisiraient à la place de l'Etat qui serait agréé et qui ne le serait pas.

Notre choix, c'est celui de la solidarité, celui de l'accès aux soins pour tous. C'est pourquoi nous ne voterons pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'indique que sur le vote de la motion de renvoi en commission, il y aura un scrutin public, à la demande du groupe UDF.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour le groupe UDF.

M. Germain Gengenwin.

L'orateur précédent a surtout critiqué Jean-François Mattei. Or je considère qu'il n'existe pas de meilleur spécialiste de la question, comme en témoigne sa riche intervention, laquelle n'appelle pas d'explications complémentaires de ma part.

Madame la ministre, si un texte mérite vraiment le renvoi en commission, c'est bien celui qui nous est soumis aujourd'hui. Jamais en matière budgétaire un changement aussi important n'avait été opéré. En effet, sous la p ression des partenaires sociaux, vous avez modifié complètement le financement du fonds destiné à financer les allégements de charges liés aux 35 heures. Si vous aviez écouté les parlementaires, tant dans l'hémicycle qu'en commission, une telle mésaventure vous aurait été épargnée. Ce recul devant l'opinion publique et surtout le peu de cas qui est fait du Parlement nous gênent.

Les amendements nos 195 et 196 qu'a déjà évoqués M. Accoyer vont transférer du fonds de solidarité vieillesse au fonds de financement des 35 heures le produit des taxes perçues sur les alcools. Mais comment allez-vous boucher le trou que vous allez ainsi créer dans le FSV ? Hier encore, vous avez affirmé que ce fonds ne serait pas amputé. En réalité, vous n'exonérez pas la sécurité sociale du financement des 35 heures.

En fait, vous voulez prouver que, par un jeu d'écriture on peut trouver les 7 ou 9 milliards de francs que vous n'avez pas pu prélever sur l'UNEDIC.

Il est bien dommage, madame la ministre, que votre collègue de Bercy ne vous soutienne pas dans cette histoire des 35 heures.

M. Marcel Rogemont.

Mais si !

M. Germain Gengenwin.

Cet aspect financier n'est évidemment qu'un élément d'un ensemble, bien qu'il soit important.

Jean-François Mattei, en expert qu'il est, a développé les nombreux points qui justifient le renvoi de ce texte en commission. Par conséquent, le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance votera cette motion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Merci, monsieur Gengenwin, pour votre concision.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Comme cela a déjà été dit, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale a besoin d'être discuté, amendé et amélioré. Fai-


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sons-le. Pour cette raison, nous voterons contre le renvoi en commission. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de l'extrême brièveté de l'explication de vote par Mme Jacquaint, le délai de cinq minutes prévu par le réglement n'est pas encore écoulé.

Nous allons donc attendre qu'il le soit.

....................................................................

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet..

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

156 Nombre de suffrages exprimés .................

156 Majorité absolue .......................................

79 Pour l'adoption .........................

40 Contre .......................................

116 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je reprends donc mes réponses à l'ensemble des orateurs.

D'abord, j'ai le sentiment étrange d'écouter un peu les mêmes discours depuis trois ans, comme si rien ne s'était passé dans l'intervalle.

M. Charles de Courson.

Nous aussi, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si l'on pouvait parler sérieusement de questions sérieuses, ça nous changerait un peu.

Nous avons écouté religieusement M. Mattei...

M. François Goulard.

Il le méritait !

M. Charles de Courson.

Il était très intéressant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et les autres intervenants qui ont parlé très longtemps, alors qu'il a été reproché aux rapporteurs et au président d'intervenir dix minutes chacun. Je souhaiterais pouvoir parler dans le même calme, la démocratie c'est aussi cela.

J'aimerais bien qu'on parvienne, de temps en temps, à la faire respecter sur des sujets difficiles.

M. Charles de Courson.

Ne nous agressez pas !

M. le président.

Vous pouvez compter sur la présidence, madame la ministre, pour faire respecter la démocratie.

Mes chers collègues, laissez parler Mme la ministre...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Depuis trois ans, il s'est tout de même passé un certain nombre de choses. Et comme nos débats peuvent intéresser un certain nombre de personnes, ici comme à l'extérieur, je tiens à rappeler que les déficits ont été réd uits de façon importante, ceux-ci passant de 54 milliards à 4 milliards, et qu'il est même prévu un excédent de 2 milliards pour l'an prochain.

M. Jean Bardet.

Nous aussi, nous voudrions entendre quelque chose de nouveau !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, je souhaite ne pas être sans cesse interrompue par des interventions de ce genre.

M. Jean Bardet.

Ça suffit ! Nous ne sommes pas à l'école !

M. le président.

Madame la ministre, faites en sorte de ne pas vous laisser interrompre, et je vous garantis que je ferai en sorte que vous ne soyez pas interrompue.

Veuillez poursuivre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne fais que rappeler les montants des déficits. Certains se sentent attaqués car nous avons réussi là où ils ont échoué, mais je ne vois pas comment les faits pourraient ne pas être rappelés ?

M. Charles de Courson.

Parlez-nous du déficit de 1993 ?

M. le président.

Mes chers collègues, je n'ai pas entendu les mêmes manifestations lors de l'intervention de M. Mattei.

M. Maxime Gremetz.

Absolument. On l'a écouté religieusement !

M. le président.

Je souhaite que lorsque Mme la ministre s'exprime, elle fasse l'objet des mêmes marques de respect. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Poursuivez, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci, monsieur le président.

Je rappelle, pour que les chiffres soient clairs, que le cumul des déficits de 1993 à 1997 a atteint 266 milliards de francs, soit 50 milliards par an !

M. Bernard Accoyer.

Il était de 170 milliards de francs en 1993 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument pas ! Lors des quatre années précédentes, lorsque la gauche était au pouvoir, le chiffre était de 15 milliards de francs et il est aujourd'hui de l'ordre de 10 à 15 milliards.

Voilà la réalité ! Je comprends qu'elle vous gêne.

M. Charles de Courson.

Non ! Dites la vérité !

M. Bernard Accoyer.

Rappelez les chiffres de 1993 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale implique de rappeler ces différents éléments.

Il faut dire les choses telles qu'elles sont. En 1996 et en 1997, les difficultés qui ont conduit au plan Juppé tenaient au dérapage important de la plupart des postes de la santé. Je suis heureuse de constater que, en 1999, les honoraires des généralistes et ceux des spécialistes restent dans le cadre de l'objectif fixé. Il en est de même pour l'hôpital comme pour les cliniques. Je suis également heureuse d'observer que, cette année, même si c'est encore insuffisant, l'augmentation de la dépense des médicaments est de 5 % contre 8 % en moyenne dans les pays industrialisés.


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Vous avez été nombreux à parler de l'évolution des dépenses maladie. Il est vrai - et j'ai été la première à le dire - que, en 1998, il y a eu un dépassement très fort, de l'ordre de 8,3 milliards de francs. Il a d'ailleurs été concomitant avec la reprise de la croissance. Chacun sait bien, car c'est le cas dans tous les pays industrialisés, que, là où la croissance est forte, les dépenses de santé progressent de manière plus fortement.

J'ai entendu dire que le dépassement serait encore plus lourd en 1999. En fait, il ne devrait atteindre que 1,3 milliard de francs, puisque, sur le montant total des dépenses maladie, 8,3 milliards sont inscrits au titre de 1998.

Essayez de parler des faits tels qu'ils sont et non tels que vous souhaiteriez les voir. Et, à l'évidence, vous préféreriez une situation pire que celle qui existe. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Tron.

Ne dites pas cela !

M. Bernard Accoyer.

Vous rechutez dans l'agressivité, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Doit-on passer sous silence vos critiques de l'an dernier, selon lesquelles nos hypothèses n'étaient pas bonnes et les résultats que nous souhaitions ne seraient jamais atteints, ou vos déclarations suivant le rapport de la commission des comptes du mois de mai dernier et faisant état d'un déficit de la sécurité sociale de l'ordre de 20 à 25 milliards ? En fait, nous serons probablement à 4 milliards de déficit en fin d'année, soit 0,3 % de l'ensemble des dépenses. Il faut le dire.

M. Bernard Accoyer.

Et par branche ? 12 milliards de francs de déficit pour la branche maladie !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai remarqué de multiples contradictions dans les différentes interventions.

Certains critiquent le fait que nous proposions pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 un taux de progression établi en fonction du taux réalisé, alors même que, l'an dernier, MM. Préel, Accoyer et Barrot avaient réclamé une telle mesure, dont la pertinence est certaine car il y va de la crédibilité des prévisions.

De la même manière, comment osez-vous parler d'une vision étatique et jacobine de l'assurance maladie l'année même où, comme l'a fort bien relevé votre excellent rapporteur Claude Evin, nous donnons à l'assurance maladie une délégation en matière de dépenses de ville, ce qu'elle n'a jamais eue précédemment ? Comment parler aussi d'étatisme, alors que nous allons, je l'ai annoncé hier, faire un pas supplémentaire vers la régionalisation dans la loi sur la santé publique et les droits des malades que nous préparons avec Dominique Gillot ? Sans oublier que nous avons déjà progressé dans certains domaines, par exemple en accroissant le rôle des URCAM, en créant un fonds d'aide à la qualité des soins de ville largement régionalisé, en faisant en sorte de développer l'évaluation des pratiques au niveau régional, en développant le rôle des unions régionales de médecins comme nous l'avons fait dans la loi de financement de la sécurité sociale l'année dernière.

Bref, vous pouvez toujours reprendre vos rengaines sur l'étatisation et le jacobisme de la gauche, la réalité des faits vous donne tort.

Vous invoquez l'absence d'une politique familiale. Je voudrais, une fois de plus, rappeler que cette absence était marquée dans les chiffres quand nous avons trouvé la branche famille, avec 14 milliards de francs de déficit, celle-ci ayant été utilisée pour combler les déficits de la sécurité sociale entre 1993 et 1997.

Pourtant, fin 1993, la branche famille disposait d'une réserve de 66 milliards de francs, qui correspondait aux excédents cumulés des exercices passés. Nous n'étions pas pour rien dans cette situation, je tiens à le dire. Or, en 1994, le gouvernement Balladur a décidé de mettre en commun les réserves et les reports de toutes les branches et, ainsi, les excédents de la branche famille ont servi à éponger d'autres déficits. La loi Balladur, loi dont le financement n'était pas prévu, a creusé le déficit de la branche famille : celui-ci était de 14,5 milliards de francs à notre arrivée et il aurait été accru de 10 milliards si nous avions dû continuer à appliquer ce texte. Sur ce point aussi, je constate une certaine contradiction entre les faits et les propos de l'opposition.

Comment pouvez-vous, sans vous contredire, nous reprocher, comme certains d'entre vous l'ont fait, d'être intervenus pour discuter et parfois pour prendre des mesures lorsque certaines professions ont dépassé leurs objectifs, alors même que vous nous auriez reproché d'avoir laissé déraper les comptes si cela avait été le cas - et vous auriez eu raison ? C'est d'ailleurs ce que vous nous disiez la première année, alors même que nous avons dû intervenir parce que la loi organique et les ordonnances Juppé que vous avez votées empêchaient la C NAM d'intervenir dès lors qu'aucune convention n'avait été passée avec les spécialistes en cause.

Je m'honore d'avoir eu le courage - et peut-être faudra-t-il que la CNAM l'ait aussi - d'avoir fait baisser la lettre Z des radiologues lorsque ceux-ci ont dépassé de 600 millions de francs leur objectif.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien, madame la ministre. Il fallait oser le faire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je m'honore de l'avoir fait, car ce n'était pas facile. Il n'est pas toujours facile de s'opposer à certaines catégories dans notre pays. Il est dommage que cela n'ait pas été fait auparavant. Nous l'avons fait en présentant des arguments. Finalement, nous avons réussi - et je m'en réjouis - à négocier avec les radiologues un accord portant non seulement sur les aspects financiers et le reversement auprès de la CNAM, mais aussi sur le contrôle des appareils, sur les politiques de prévention des cancers. C'est-àdire que nous avons eu un vrai débat sur des problèmes de santé publique.

Il en a été de même avec les cardiologues et avec les laboratoires biologiques. Je suis donc étonnée que vous n ous reprochiez d'avoir tout simplement fait notre métier, c'est-à-dire d'avoir empêché que les comptes dérapent et d'avoir essayé de faire en sorte que ces professions participent à la santé publique de manière beaucoup plus forte, ce qu'elles ont finalement accepté de faire.

M. Jean Le Garrec, président de la commission, et

M. Alfred Recours, rapporteur.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Les députés de l'opposition sont jaloux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les contradictions de l'opposition sont d'autant plus nombreuses qu'il existe en son sein des désaccords profonds sur les sujets essentiels.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

S'agissant des retraites, par exemple, M. Jacquat déclarait l'année dernière que la loi Thomas allait « siphonner » les régimes par répartition, ce qui est d'ailleurs tout à fait notre avis. Mais M. Bur, lui, nous a dit tout à l'heure qu'il ne voit pas d'alternative à cette loi. Quant à M. Accoyer, il a dénoncé le « ballet » de l'année dernière qui nous a amenés à proposer, à la suite du groupe communiste, l'abrogation de ce texte, dont je rappelle qu'il sera abrogé dans le DMOS qui sera déposé au premier trimestre de l'année prochaine.

Il n'y a pas d'accord au sein de l'opposition sur la réforme des retraites. Mais étant donné les désaccords qui se manifestent entre vous à propos de la retraite par répartition et la retraite par capitalisation, ou à propos du système instauré par la loi Thomas, qui favorisait les revenus élevés et « siphonnait » les régimes par répartition, qu'auriez-vous fait si vous aviez dû prendre des décisions ? En ce qui concerne l'avenir du système de santé, les oppositions sont multiples. Au-delà des propos caricaturaux, on se rend compte que les positions de l'opposition sur l'avenir du système de santé, comme l'a fait remarquer Jean Le Garrec, sont très divergentes. Il y a ceux qui, comme M. Barrot et M. Douste-Blazy, pensent qu'il faut maintenir le système actuel et l'améliorer. Il y a ceux qui, comme M. Préel, estiment qu'il faut déléguer la gestion du risque avec une autonomie et une concurrence des organismes de sécurité sociale. Enfin, il y a ceux qui, comme MM. Accoyer, Goulard, Madelin et Matteil nous disent qu'il faut ouvrir le système à l'assurance privée.

Monsieur Mattei, vous avez toujours le souci de maintenir dans vos discours un ton courtois, voire aimable, et je vous en remercie. Mais, comme Jean-Paul Bacquet, qui s'est exprimé avec brio, j'ai remarqué qu'il y avait une ambiguïté dans votre propos.

On ne peut pas dire une chose puis son contraire en permanence.

On ne peut pas dire qu'il faut s'appuyer sur les acteurs du système de santé pour faire avancer les choses puis regretter qu'on ne soit pas plus directif en la matière ! On ne peut pas dire qu'il faut tout faire pour éviter de dépasser les objectifs fixés en matière de santé et nous reprocher ensuite d'avoir pris un certain nombre de mesures à cet égard ! On ne peut pas dire qu'on croit à l'avenir de la protection sociale et proposer son ouverture au secteur privé ! On ne peut pas dire une chose et son contraire en permanence, même si c'est avec talent ! En fait, monsieur Mattei, vos propositions tendent tout simplement à une mise en concurrence forte des caisses d'assurance maladie.

Nous pensons, nous, que la solidarité nécessite de conserver notre système de protection sociale. Vous pensez peut-être que cette mise en concurrence permettrait un meilleur traitement des problèmes de santé publique.

Mais permettez-moi de vous renvoyer à l'excellent raport du CREDES sur l'ensemble des expériences étrangères en ce domaine, et selon lequel il y a dans ce cas, quelles que soient les règles que l'on établit, sélection du risque et iniquité et, finalement, inégalité face à l'accès aux soins, ce que nous ne voulons pas.

Mais il y a plus intéressant : ce rapport montre également que les systèmes privés ne sont pas plus efficaces que notre système public, contrairement à ce que vous avez affirmé. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, par exemple, les dépenses de santé représentent aujourd'hui 14 % du PIB alors qu'une partie importante de la population n'a pas accès aux soins.

Les systèmes privés ne sont donc pas plus efficaces que le nôtre. Outre que l'on ne peut bien évidemment pas se faire de l'argent sur la santé des gens, en gagnant plus que notre sécurité sociale, ils ne permettent pas de soigner tous ceux qui sont en difficulté.

M. Bernard Accoyer.

En France, on n'a même pas accès aux dernières techniques !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Au moins, monsieur Mattei, votre intervention a eu le mérite de mettre l'accent sur nos points de désaccord ! En réponse, ensuite, à beaucoup d'autres remarques que j'ai entendues, je ferais d'abord remarquer que, si l'on peut critiquer la présentation des comptes de la sécurité sociale, on doit aussi rappeler les progrès qui ont été accomplis.

J'ai pris la sécurité sociale telle qu'elle m'a été transmise. J'ai essayé, d'ailleurs à la demande de certains d'entre vous, d'améliorer les comptes, qu'il s'agisse des délais ou des méthodes.

Les comptes des différents régimes ont ainsi été établis en droits constatés pour la première fois cette année.

L'année prochaine, l'harmonisation en droits constatés sera générale, parallèlement au système actuel, ce qui nous permettra de nous assurer que cela « tient la route ».

De même, nous avons considérablement réduit les délais de publication des comptes et harmonisé les méthodes comptables, ce qui est essentiel pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe.

J'en arrive plus particulièrement à la branche santé.

Je suis très frappée d'avoir entendu à ce sujet parler d'étatisation, alors que nous nous apprêtons, si la loi est votée, à déléguer à la CNAM, à la demande de la commission des affaires sociales, la responsabilité des soins de ville, délégation qu'elle sollicitait depuis son plan stratégique.

J'ai lu l'intervention de M. Spaeth parue hier dans le journal Le Monde , et dont Jean Le Garrec et Claude Evin ont dit ce qu'il y avait à en dire. J'ai été assez étonnée par cette lecture alors même que nous donnons depuis des mois à la CNAM ce qu'elle souhaite, et que son président et son vice-président m'avaient dit ce qu'ils avaient dit.

Nous donnons en effet à la CNAM non pas, comme certains d'entre vous ont voulu le démontrer, un système de lettres clés flottantes qui entraînerait un mouvement automatique des honoraires des médecins tous les quatre mois, ce qui n'aurait évidemment aucun sens, mais l'ensemble des outils dont elle peut souhaiter disposer : incitation, modification de la cotation des actes, possibilité de négocier avec les médecins des nouveaux modes de rémunération, mises en réseau, pratiques allant dans le sens d'une meilleure santé, conclusion d'accords visant à réduire les actes inutiles - comme nous en avons conclu avec les cardiologues - et, bien sûr, contrôle médical.

Voilà bien l'ensemble des éléments dont disposera la CNAM et dont elle a d'ailleurs su déjà user intelligemment avec les généralistes. Je rappelle que les généralistes ont vu la lettre clé de leurs honoraires augmenter l'année dernière, mais cela ne les a pas empêchés de rester dans leurs objectifs.

Faut-il voir dans cette soudaine prise de position un recul face à de lourdes responsabilités ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Je suis bien placée pour savoir qu'il n'est pas facile de faire entrer dans les objectifs ceux qui dérapent. Il n'est pas non plus facile de prendre ses responsabilités. J'ai ainsi pu remarquer que cette année, à chaque fois que j'ai pris des décisions - ces décisions n'étaient pas aisées , la CNAM votait contre. On n'a donc pas de leçons de courage ou de rigueur à nous donner ! Je souhaite que c ette rigueur soit partagée à la CNAM. J'ai cru comprendre qu'elle l'était en lisant une partie de son plan stratégique.

Je souhaite moi aussi, comme certains, dont M. Mattei, que le contrôle de la CNAM fonctionne mieux, que la sortie des statistiques soit plus rapide, que celles-ci soient régionalisées, par spécialités, pour accompagner le mouvement de généralisation que nous lançons. Je l'ai d'ailleurs écrit à plusieur reprises au président de la CNAM.

Je pense que M. Spaeth a dû se rendre compte que ses propos avaient dépassé sa pensée puisqu'il vient de déclarer que la CNAM partage la volonté du Gouvernement, que l'on doit procéder tous les quatre mois à un suivi normal des dépenses de santé, et qu'il se réjouit d'avoir à rendre compte aussi bien au Gouvernement qu'au Parlement. Il ajoute que la CNAM exercera sans réticence les responsabilités qui lui seront confiées en la matière par la loi et qu'elle souhaite que le projet de loi soit amendé de façon à y inscrire un suivi régulier de l'évolution des dépenses en évitant les lourdeurs inopérantes.

M. Spaeth forme également le voeu que l'on définisse mieux les spécialités - je n'entrerai pas dans les détails techniques -, avant de préciser que la CNAM souhaite assumer les responsabilités nouvelles que lui confient les pouvoirs publics dans une approche pragmatique et de bon sens, qui permette de préserver la vie conventionnelle avec les professionnels de santé.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est parfait !

Mme Odette Grzegrzulka.

Le rêve ! Bravo pour votre pédagogie, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est exactement ce que nous souhaitons, et je suis heureuse que nous nous retrouvions sur tous ces objectifs.

Je répète qu'il n'y a pas de lettre clé flottante, faisant bouger de manière automatique les honoraires tous les quatre mois, ce qui n'aurait pas de sens. Il s'agit simplement de la volonté de faire en sorte que l'on puisse nous dire tous les quatre mois où l'on en est en ce qui concerne les dépenses de ville, pour savoir s'il convient de prendre telle ou telle mesure.

Je souhaite que la CNAM prenne toutes ses responsabilités. Tel est l'objet du projet de loi.

Nous n'avons pas souhaité, contrairement à ce qu'a affirmé M. Bardet, détruire le système conventionnel ou démanteler notre système de santé, comme l'ont soutenu M. Accoyer et M. Préel, qui voient dans nos propositions une véritable dérive étatique.

M. Bernard Accoyer.

Je persiste et signe !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous voulons clarifier les responsabilités. MM. Le Garrec, Evin et Cahuzac se sont exprimés très largement à ce sujet, sur lequel je ne reviendrai donc pas.

Vous avez été nombreux à parler de l'hôpital, notamment sur les bancs de la gauche.

Les dotations régionalisées ont été rendues publiques hier, avec un mois d'avance par rapport à l'an dernier, ce qui permettra un dialogue renforcé entre les directeurs des agences régionales d'hospitalisation et les directeurs d'hôpitaux.

Nous avons la volonté de déléguer le plus possible, ce qui est un signe de confiance dans les ARH et la régionalisation : nous déléguons dès maintenant 2,2 % sur un total de 2,5 %.

Nous poursuivons, de plus, nos actions en faveur de la réduction des inégalités.

T out cela suppose des efforts de rationalisation.

Mme Benayoun-Nakache a, intervenant sur ce registre, parlé de la région Midi-Pyrénées. Elle a fait remarquer que, s'il faut résorber les inégalités entre régions, il faut également résorber celles qui existent au sein d'une même région.

Ainsi que je l'ai dit hier, j'ai demandé aux directeurs des ARH de prendre en compte ces inégalités dans les budgets tels qu'ils seront présentés et dans les contrats qui seront élaborés avec les directeurs d'hôpitaux.

Pour ce qui concerne la région Ile-de-France, dont M. Tavernier a parlé, les inégalités sont peut-être encore plus lourdes. Il faudra, là aussi, intervenir de manière souple, comme beaucoup d'entre vous l'ont dit, dont

Mme Touraine, M. Bacquet et M. Charles.

Cette politique est pleinement cohérente avec la révision des schémas régionaux d'organisation de la santé, qui vont être rendus publics dans quelque temps et qui posent les bases d'une évolution du système hospitalier, ainsi que certains journaux l'ont annoncée, mais pas seulement pour supprimer des lits, même s'il faudra en supprimer quelques-uns. Vous verrez, monsieur Mattei, que nous n'hésiterons pas à reconvertir lorsque c'est nécessaire.

Il faut que l'hôpital évolue en fonction des besoins de la population, notamment en ce qui concerne la qualité.

Quels sont les objectifs des schémas régionaux d'organisation de la santé ? Améliorer le service rendu à la population en termes de sécurité et de qualité, réduire les inégalités, permettre le développement de certaines activités nouvelles ou insuffisamment mises en oeuvre, et traiter des thèmes comme la cancérologie ou la cardiologie, retenues comme thèmes nationaux et reprises dans la plupart des schémas.

L'hôpital public évolue, parfois dans un contexte difficile, mais il continue à assurer ses missions de service public avec talent et efficacité. Il faut le dire et le répéter.

Je sais que l'opposition aime affirmer en permanence que l'hôpital est au bord de la crise. Le problème n'est pas facile à traiter, mais nous avons pris de nombreuses mesures relatives aux carrières des personnels hospitaliers, notamment des urgentistes. Il faut continuer ! De grâce, évitons de douter de l'engagement des personnels hospitaliers : ils nous montrent tous les jours que l'on a raison d'attendre beaucoup d'eux et ils donnent beaucoup.

Nous avons pris aussi des mesures pour les aidessoignantes et d'autres catégories.

L'hôpital public évolue, il s'adapte. Notre politique vise à le soutenir pour le faire avancer, et non, comme certains le font, à douter de son avenir.

J'ai été un peu étonnée d'entendre affirmer que cette loi de financement de la sécurité sociale ne permettait pas de parler de santé publique. Ce n'est pas moi, comme vous le savez, qui ai rédigé les ordonnances Juppé, et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Dominique Gillot et moi-même regrettons que nous ne puissions parler des grands axes de santé publique qu'à partir de chiffres.

J'ai dit hier que nous souhaitions faire en sorte que se tienne au moins chaque année avant l'été, un grand débat au Parlement sur les grands objectifs de santé publique.

M. Pascal Terrasse.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous espérons qu'une grande loi permettra de réorganiser la santé dans notre pays, concernant autant la prévention que les droits des malades. Elle devrait nous permettre de disposer d'outils qui, au fur et à mesure de l'évolution des besoins - c'est à partir des besoins qu'il faut raisonner -, nous aideront à définir des priorités.

Monsieur Mattei, tout autre discours que celui-là est démagogique ! Nous savons très bien que, dans le domaine de la santé comme dans d'autres, il y a des choix à faire. Faire croire qu'on pourrait tout traiter sans faire de choix n'a pas de sens. Je crois pour ma part que le politique a un sens lorsqu'il pousse à faire ces choix.

Encore faut-il choisir à partir d'objectifs, comme ceux de la satisfaction des besoins de la population, en écoutant ceux qui ont des demandes à formuler. Je crois bien que c'est ce qui avait été à l'origine des Etats généraux de la santé.

S'agissant maintenant de la politique du médicament que nous mettons en place, vous osez dire, monsieur Accoyer, qu'il s'agit d'un retour au pouvoir discrétionnaire du ministère. Or je pourrais vous rappeler ce qui se passait, pour tout le monde, les années précédentes.

Mme Odette Grzegrzulka.

Rappelez-le !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous savez très bien que les négociations avaient lieu de manière bilatérale, entre des laboratoires et le ministère, et que le ministre subissait des presssions importantes.

M. Bernard Accoyer.

Jusqu'en 1993 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis arrivée au ministère en 1997, après d'autres ministres.

Ces pratiques expliquent sans doute non seulement l'absence de transparence qui nous était reprochée par les étrangers et les laboratoires innovants en France, mais aussi ces situations aberrantes où une même molécule se voyait appliquer un prix variant de un à trois ou des taux de remboursement différents. Ces pratiques expliquent aussi le fait que nous ayons perdu sur le plan de l'innovation depuis de nombreuses années car nous avons maintenu artificiellement des médicaments pour faire plaisir à tel ou tel.

Puisque nous nous disons les choses, disons-les clairement !

M. Maxime Gremetz.

Ah ! Les trusts pharmaceutiques !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La politique du médicament mise en place depuis deux ans, c'est tout l'inverse. Des experts - c'est-à-dire des chercheurs et des médecins - travaillent sur les classes thérapeutiques ; une commission de la transparence où chaque partie est représentée est le lieu d'un dialogue avec les laboratoires, et c'est seulement une fois que ses conclusions sont rendues publiques - elles sont d'ailleurs publiées sur un site de l'Internet - que le Gouvernement prend des décisions.

Si vous appelez cela une politique discrétionnaire du ministre, monsieur Accoyer, c'est soit que vous ignorez les pratiques antérieures, soit, mais je préfère ne pas retenir cette hypothèse, que votre mauvaise foi est totale.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les mots ont un sens, mais je me demande parfois s'ils ont le même pour vous et pour moi.

M. Pascal Terrasse.

Ils parlent chinois !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lorsqu'un décret sur le service médical rendu est publié et que le SNIP, le syndicat national des industries pharmac eutiques, signe avec le Gouvernement un accord reconnaissant l'existence d'une politique économique et de santé publique du médicament, il est tout de même difficile de soutenir la position que vous êtes sans doute le seul à défendre aujourd'hui, monsieur Accoyer.

J'en viens à la mise en place de la CMU, qui a fait l'objet de questions de Mme Grzegrzulka.

Le Gouvernement a pris des dispositions pour que les décrets paraissent en temps utile. La plupart sont actuellement examinés par le Conseil d'Etat. Ce sont les plus importants puisqu'ils portent sur les conditions de ressources et la définition de la résidence.

Les acteurs concernés ont été consultés sur leur contenu ; ils le connaissent maintenant depuis plusieurs semaines et peuvent donc commencer de mettre en place les différents dispositifs.

Le décret relatif au fonds de financement de la CMU sera transmis au Conseil d'Etat dans les jours qui viennent. Je rappelle que les dépenses de ce fonds sont évaluées à 9 milliards de francs par an en année pleine et qu'il est alimenté par une contribution des organismes complémentaires à hauteur de 1,8 milliard et par une dotation de l'Etat qui assure son équilibre. J'informe l'opposition que, pour l'année 2000, cette dotation est de 7 milliards de francs ; elle n'est donc pas invisible, contrairement à ce que j'ai entendu dire, puisqu'elle est inscrite au budget de la santé et de la solidarité, chapitre 46-82, article 10. Le fascicule concerné est disponible au service de la distribution.

(Sourires.)

J'ajoute qu'une mission de coordination a été confiée à un inspecteur général des affaires sociales. Elle nous permet de travailler avec l'ensemble des acteurs concernés, que nous rencontrerons une nouvelle fois vendredi prochain, afin de toucher l'ensemble des personnes qui, connaissant rarement leurs droits, ont des difficultés à les faire valoir.

J'en arrive à la famille.

Nous poursuivons la rénovation de la politique familiale, autour de plusieurs axes.

Nous voulons en premier lieu conforter les parents dans leur rôle éducatif. J'ai déjà parlé du réseau d'é coute, d'appui et d'accompagnement des parents, mis en place par la délégation interministérielle à la famille, avec les associations familiales et les collectivités locales, à côté des caisses d'allocations familiales.

Une réforme du droit de la famille est menée par le ministère de la justice, et nous y participons.

Nous travaillons, en deuxième lieu, en faveur du soutien aux familles les plus modestes. A partir de la rentrée 1999-2000, l'allocation de rentrée scolaire a été étendue sous condition de ressources à toutes les familles d'un enfant, mesure qu'il faut tout de même rappeler. Ce sont 350 000 familles qui ont été concernées par cette mesure.


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Les loyers-plafonds de l'allocation de logement familial ont été réévalués au premier juillet 1999. C'est la première étape d'un alignement sur trois ans de ces loyers sur ceux de l'aide personnalisée au logement.

Enfin, les titulaires du RMI peuvent dorénavant bénéficier de la majoration pour âge des allocations familiales lorsque leurs enfants atteignent l'âge de onze ou de seize ans.

Quant à l'amélioration de l'accueil des jeunes enfants, le budget du fonds d'action sociale de la CNAF, qui a été augmenté d'un milliard de francs l'année dernière le sera à nouveau de 700 millions cette année, si toutefois le conseil d'administration de la caisse accepte que cet argent soit utilisé à des actions en faveur desquelles vous aviez voté l'année dernière, c'est-à-dire à des actions en direction de la petite enfance, notamment dans les familles défavorisées.

Nous sommes en train de travailler sur les prestations à la petite enfance, ainsi que sur les aides au logement, qui seront traitées lors de la prochaine conférence de la famille.

Il faut aussi aider à la prise en charge des jeunes adultes. A cet égard, nous avons pris plusieurs décisions dès cette année, mais il y a d'autres aspects sur lesquels nous continuons de travailler : dans le projet qui vous est proposé, le Gouvernement a prolongé le bénéfice des prestations familiales, de l'âge de dix-huit à celui de dixneuf ans en 1998, et à celui de vingt ans en 1999, et prend aussi en compte l'âge de vingt et un ans pour l'octroi d'un certain nombre de prestations dès cette année.

Avant de conclure sur le financement, je parlerai des retraites.

Le fonds de réserve pour les retraites a été mis en place hier. Je rappelle que la loi de financement de 1998 prévoyait que ce fonds devait accueillir 2 milliards au cours de l'année 1999. Par définition, il vaut mieux avoir dégagé avec certitude des excédents pour les y verser.

C'est chose faite, même si j'ai entendu des railleries sur la sortie du décret hier...

M. Bernard Accoyer.

Il aurait pu sortir avant ! Un député du groupe socialiste.

Mais après aussi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il aurait pu sortir avant mais, de toute façon, vous considérez que ce fonds de réserve n'a aucun sens et qu'il est proprement ridicule. Ce n'est pas vous qui l'avez mis en place, mais en ce qui nous concerne, nous sommes heureux de voir qu'en plus des 2 milliards, 4 milliards seront ajoutés en 2000 au titre de la mutualisation des caisses d'épargne, 4,4 milliards au titre de l'excédent de la CNAF pour 1999 et 5,5 milliards pour 2000, dont 2,9 seront versés en cours d'exercice.

Le Gouvernement a par ailleurs proposé par amendement d'affecter au fonds de réserve les 5,5 milliards qui avaient été prévus pour financer la baisse des charges.

Le fonds de réserve sera donc doté de 15 à 20 milliards de francs, quasiment au seul titre de la sécurité sociale, en début de l'année 2001. Pour une sécurité sociale qui va si mal, si je vous écoute, messieurs de l'opposition, c'est appréciable.

M. Bernard Accoyer.

En 2001 ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Début 2001, ou fin 2000, si vous préférez.

M. Bernard Accoyer.

Il en faudrait cent fois plus !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais pourquoi n'avez-vous pas commencé auparavant ?

M. Thierry Mariani.

Jusqu'en 1997, nous avions déjà pris certaines mesures !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Plusieurs orateurs ont évoqué la prestation spécifique dépendance, notamment M. Terrasse, dont je partage l'analyse, à la fois sur les insuffisances et sur les moyens de les combler.

Un décret va être publié dans les jours qui viennent pour fixer les montants minima de la PSD versée aux personnes hébergées en établissement.

M. Marcel Rogemont.

Très bien ! C'était une mesure attendue.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les minima nationaux entraîneront un relèvement des tarifs pratiqués dans une trentaine de départements, qui versent aujourd'hui des montants extrêmement faibles.

M. Marcel Rogemont.

C'est le respect du principe d'égalité !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Plusieurs autres mesures nécessitent un support législatif qui ne peut être le PLFSS. Nous les inclurons dans le projet de loi portant DMOS de début d'année. Je pense évidemment en particulier à l'augmentation du plafond de recours sur les successions.

De manière plus générale, nous l'avons dit, Dominique Gillot et moi-même, nous travaillons à donner une suite au rapport de Mme Guinchard-Kunstler sur la prise en compte de la dépendance et sur la place des personnes âgées et nous préparons la réforme de la loi de 1975 avec les associations et les grands acteurs concernés. M. Terrasse préside une mission parlementaire qui nous permettra d'enrichir notre réflexion, à partir des nombreuses auditions auxquelles il procède et de sa propre expertise.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'en arrive maintenant au financement. Vous avez trouvé là un os à ronger - et si j'avais été dans l'opposition, je l'aurais peut-être saisi. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Vous le saisissez d'autant plus que vous n'avez pas de projet cohérent à proposer. Comme j'ai essayé de le montrer, vos contradictions, et parfois vos incohérences, ne permettent pas que nous allions plus loin - quelques-uns d'entre vous sont certes très cohérents avec eux-mêmes, mais malheureusement pas avec leurs voisins.

M. Bernard Accoyer.

Il faut suivre le raisonnement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, c'est difficile de vous suivre ; entre ceux qui soutiennent la sécu telle qu'elle est, ceux qui veulent la mettre en concurrence et ceux qui sont totalement favorables au système privé...

M. Bernard Accoyer.

L'opposition aussi est plurielle ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il vaut mieux que vous vous mettiez d'accord avant de revenir au pouvoir. Sinon, vous risquez de beaucoup inquiéter les Français.

M. Jean-Claude Lemoine.

Ne vous tracassez pas pour nous !


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Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'ai déjà dit l'autre jour, nous n'avons pas modifié notre objectif, qui consiste à porter en même temps deux grandes réformes : la réduction de la durée du travail et la baisse des charges sociales.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je comprends bien que cela puisse irriter ceux d'entre vous qui ont toujours défendu le principe de la baisse des charges sociales, mais qui l'ont financée différemment, avec des prélèvements sur les revenus des ménages, ou qui ne l'ont pas du tout financée - je pense à la proposition de loi déposée l'année dernière par M. Barrot.

M. Bernard Accoyer.

Nous n'avons pas toujours eu les moyens dont vous bénéficiez aujourd'hui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Car ils constatent que le financement mis en place par ce gouvernement est juste, dépourvu des effets pervers de la trappe aux bas salaires que vous aviez mise en place.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mais de là à parler de « hold-up », de « détournement de fonds sociaux », et même, comme M. Bardet, qui n'hésite devant rien, de la méconnaissance de la Déclaration des droits de l'homme... (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous en riez vous-mêmes et je vous comprends, car il faut raison garder.

Comme M. Barrot applaudissant à la signature de l'accord interprofessionnel sur l'ARPE - j'étais alors dans l'opposition et j'avais moi-même applaudi -, comme M. Barrot lorsque les conventions de coopération entre l'UNEDIC et les entreprises ont été mises en place - et je rappelle que l'UNEDIC continue à financer l'indemni-s ation des chômeurs quand les entreprises désembauchent -, nous avons pensé que l'activation des dépenses passives était sans doute une bonne chose. Et nous n'étions pas les seuls ; certaines organisations la défendaient.

M. Pascal Terrasse.

Même Chirac la défendait.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

D'autant plus que notre système de baisse des charges ne se place pas dans une logique aveugle, méconnaissant l'effet emploi. Comme nous le lions à un accord sur les 35 heures, nous connaissons le nombre d'emplois créés et préservés. Nous les contrôlons et nous pouvons même arrêter de verser les aides ou les faire rembourser si la loi a été détournée ou si un accord signé n'a pas été resp ecté.

Dans ces conditions, il est relativement facile de savoir quelles sont les sommes qui entrent dans la caisse des uns et des autres.

Ces dispositions ne sont pas nouvelles. J'entends dire que le prétendu hold-up sur les fonds sociaux serait arrivé brutalement. Or je rappelle, pour ceux qui suivent l'évolution des relations sociales, que nous annoncions déjà la couleur dans l'exposé des motifs de la loi de 1998 sur la durée du travail.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait ! Je suis témoin.

M. François Goulard.

Nous l'avions déjà dénoncé à l'époque !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De toute façon, vous dénoncez toujours tout. Je ne serais donc pas étonnée que vous ayez dénoncé cela aussi. Vous ne faites jamais autre chose que dénoncer. D'ailleurs, les Français aimeraient bien que, de temps en temps, vous proposiez. Cela nous changerait et cela les changerait.

Vous aviez donc dénoncé. Très bien ! Je tenais simplement à rappeler que ce n'était pas tombé du ciel. C'était réfléchi, même si tous les partenaires sociaux ne sont pas tombés d'accord, je l'ai dit hier. Mais il faut préciser que les arrière-pensées étaient nombreuses !

M. Thierry Mariani.

Il faut dire qu'il y a de quoi se poser des questions.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ceux qui, aujourd'hui, se réjouissent que le paritarisme se développe - et je m'en réjouis avec eux - savent bien que certains voulaient nous faire reculer, nous faire renoncer à la loi sur la durée du travail ou repousser certaines de ses dispositions. Mais, sur cet objectif précis, le Gouvernement a dit « non », d'autant plus qu'il s'était appuyé sur les accords de branche, qui sont parfaitement applicables.

C'était un engagement. Cet engagement est bien entendu respecté.

Face à cette réaction, nous avons cherché d'autres financements. Dès le 7 septembre, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, j'avais annoncé que nous pensions à d'autres modalités et que nous allions y réfléchir.

Je comprends très bien que l'on puisse reprocher que la solution soit arrivée tardivement. Mais je préfère une solution arrivée tardivement qui tienne la route, qui annonce un financement stable et qui obtienne l'accord des syndicats - comme cela a été le cas jusqu'à présent à une solution bancale, à une ristourne dégressive à laquelle il manquait 7 milliards de francs dès la première année d'application.

M. Jean-Luc Préel.

Il manque encore quelques milliards.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous exprime tous mes regrets pour le délai, mais je préfère que le financement soit clair.

Je vous rappelle aussi que le Gouvernement, en deux ans, a apporté 15 milliards de ressources supplémentaires à la sécurité sociale, notamment par l'affectation des prélèvements sur les revenus du capital. A la suite d'un accord signé par l'Etat avec l'UNEDIC, dont on pouvait certes contester le fondement, il a aussi versé 30 milliards de francs à l'UNEDIC - alors même que celle-ci était en excédent et avait abaissé les cotisations patronales, mais il fallait que l'Etat respecte la parole donnée. Alors parler d'un « hold-up », cela me paraît pour le moins dénué de fondement.

I l n'y aura pas d'appel aux contributions des employeurs et des salariés au travers des organismes paritaires. Toutefois, je le repète, les propositions que nous avons faites sur la sécurité sociale sont pérennes, puisque l'excédent du FSV continue à augmenter d'année en année. Nos prévisions sont totalement claires. Cela signifie que la taxe sur les alcools peut être transférée pour partie au fonds de baisse des charges et que la taxation des heures supplémentaires, qui est totalement financée vous l'avez d'ailleurs reconnu -, sera affectée à ce fonds en 2000. Nous poursuivrons les discussions, comme les syndicats nous y ont d'ailleurs invité par un communiqué commun, en souhaitant que s'engage rapidement - et le Gouvernement le souhaite tout autant - non seulement une négociation sur la convention d'indemnisation des chômeurs, mais aussi une clarification des rapports entre l'Etat et l'UNEDIC.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

La réforme s'échelonnera sur quatre ou cinq ans. Au total, elle devrait coûter quelque 105 milliards de francs ; elle est d'ores et déjà financée à 100 % pour 2000 et plus de 80 % pour les cinq ans qui viennent. Très franchement, les faits doivent avoir un peu de sens : si votre mémoire n'est pas trop courte, reconnaissez au moins que cela a rarement été le cas.

Je dis les choses très simplement. Cette réforme, j'y crois depuis toujours. J'ai toujours pensé qu'il fallait réduire les charges sociales sur les bas salaires pour aider les commerçants, les artisans, les entreprises de maind'oeuvre, bref celles qui fonctionnent grâce à l'emploi, qui n'ont pas choisi la substitution du capital au travail ou qui ne peuvent pas le faire, compte tenu de leur activité.

M. Jean-Luc Préel.

Vous n'avez pas toujours dit cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Relisez ce que j'écrivais il y a quelques années. Je le répète, les faits comptent, et moi, mes propos ne changent pas en permanence. D'ailleurs, certains me le reprochent.

M. Georges Tron.

Pourquoi me regardez-vous ? Je n'ai rien dit !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vois vos mimiques.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Tron.

J'ai quand même le droit de respirer et de bouger les mains !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On peut avoir de la suite dans les idées. C'est votre droit aussi. Mais vous faites des signes déplaisants qui sont parfois...

M. Georges Tron.

Je n'ai pas dit un mot.

M. le président.

Madame la ministre, je ne me permettrais pas de vous donner des conseils, mais si vous répondez à chaque membre de l'opposition qui se manifeste, je crains que la bonne tenue des débats ne soit plus assurée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison.

M. le président.

Et vous, mes chers collègues, je vous demande de laisser parler Mme la ministre, qui va poursuivre son intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci de ce conseil tout à fait éclairé, monsieur le président. Je vais tenter de le suivre...

M. Georges Tron.

Mais je n'ai rien dit !

M. le président.

Vous n'avez pas parlé, monsieur Tron.

C'est exact.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ferai malgré tout porter mes oeuvres à celui qui n'a pas parlé.

M. Georges Tron.

Merci, madame. Avec une dédicace, je vous prie.

(Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Finalement, cette loi de financement de la sécurité sociale nous permet de continuer à mener les politiques structurelles que nous avons engagées, pas après pas, c'est vrai. Mais comment faire autrement quand les choses sont aussi difficiles ? D'ailleurs, dans la mesure où nous nous sommes cassé les dents, les uns et les autres, depuis de nombreuses années, et comme j'ai reconnu, hier, qu'il fallait encore progresser sur certains points, vous pourriez tout de même admettre que, sur d'autres, nous avançons.

Et l'année prochaine, les comptes seront excédentaires.

Par conséquent, chaque fois que cela sera possible, nous pourrons réduire les faiblesses de notre système, comme certains types de remboursement par exemple.

Rappelons quand même quelles sont ces grandes réformes : le système des cotisations salariales transféré sur la CSG, comme l'a rappelé Alfred Recours, offrant au passage un gain du pouvoir d'achat de 1,1 % aux salariés ; l'engagement d'élargir les cotisations patronales à d'autres éléments que les salaires, comme les bénéfices et la taxe sur les activités polluantes ; la branche « famille » à nouveau en excédent,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et l'engagement du Premier ministre de ne pas s'en servir pour financer les autres branches.

M. François d'Aubert.

La branche « famille » a déjà été dépouillée !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Enfin, le Premier ministre présentera les orientations du Gouvernement en matière de retraites début 2000.

Dans le fond, je ne peux que partager les critiques de l'opposition sur l'avenir : il faut faire davantage pour les familles, il faut avancer sur les retraites. Néanmoins, dans un débat démocratique comme le nôtre, il serait utile de reconnaître que, depuis deux ans, beaucoup de choses ont bougé. Au moins sur la santé publique, sur la famille, sur la vieillesse, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, bref sur ce qui fait la cohésion sociale, nous devrions mettre en balance les plus et les moins, quitte à nous affronter quand nous ne sommes pas d'accord.

A cet égard, M. Mattei avance des solutions que personnellement je récuse mais qu'il a le courage de défendre, avec sa courtoisie habituelle. J'espère que le débat se poursuivra sur ce ton. Pour ma part, monsieur le président, j'essaierai de suivre jusqu'à la fin du débat le conseil que vous m'avez donné tout à l'heure ; je vous remercie de votre aide. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Après ces précisions sur les comptes et sur les équilibres, je vous dirai, mesdames, messieurs les députés, que j'ai été très attentive aux différentes inte rventions, tant à celles de l'opposition qu'à celles de la majorité. Et si le sujet n'était aussi sérieux, je trouverais certains aspects du débat un peu comique.

M. François Goulard.

Expliquez-nous cela.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mais j'avais le même sentiment lorsque j'étais encore députée. Et je pense que le côté caricatural ne vous échappe pas.

Depuis plusieurs semaines, les comptes de la sécurité sociale ont été livrés, commentés par Martine Aubry et moi-même, ils ont été présentés devant les commissions, ils ont fait l'objet d'explications sur les objectifs chiffrés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. François Goulard.

Tout cela est fort classique ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

En effet, mais cela ne vous empêche pas de dire que vous n'y comprenez rien et de demander des explications particulières.

M. Thierry Mariani.

Nous n'avons pas dit cela !

M. Jean-Luc Préel.

Ce que nous comprenons, c'est que le projet de loi de financement n'est pas bon ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je remercie donc les députés qui, comprenant, appréciant et soutenant la volonté politique affichée par le Gouvernement, ont, par leurs remarques et le témoignage de leur expérience, apporté un encouragement fort à notre action déterminée, coordonnée et concertée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'apporterai les démentis qui s'imposent après les exercices de mauvaise foi auxquels se sont livrés avec délectation certains orateurs, comme ils en ont l'habitude.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. François Goulard.

Ne prenez pas les mauvaises habitudes de Mme Aubry !

M. Jean-Luc Préel.

Rendez-nous Kouchner ! Il est aimable, lui, au moins.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je donnerai les précisions qu'appellent les difficultés de compréhension liées à l'inattention peut-être, à la rigidité de pensée aussi, ou encore au désir d'inventer des problèmes là où il n'y en a pas. A moins que ce ne soit par facilité et par goût déplacé pour la polémique superficielle. Chacun jugera.

En tout cas, je vous assure que notre politique de santé s'articule avec détermination autour des soins, de la sécurité, de la prévention, de l'éducation à la santé, av ec l'ambition de placer la personne au coeur d'un dispositif global, respectueux et performant. Elle rejoint et se complète d'une politique sociale et médico-sociale soucieuse de répondre aux besoins croissants et évolutifs des usagers, des consommateurs, des patients, notamment les plus fragiles et les plus exposés.

M. Thierry Mariani.

C'est un vrai catalogue !

M. Bernard Accoyer.

Parlez moins vite ! Nous n'arrivons pas à suivre.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Une attention aiguë doit être portée à la qualité et à la sécurité des soins, notamment pour l'urgence. Desr éférentiels de qualité élaborés en partenariat par l'ANAES, après diagnostic précis pour chaque établissement, proposeront des mesures à prendre pour améliorer la qualité des soins et la sécurité des usagers.

Mais l'accréditation ne résume pas à elle seule la politique en faveur de la qualité qui doit être conduite dans le monde hospitalier. Il est nécessaire d'évaluer les pratiques professionnelles, les modalités d'organisation des soins, ainsi que toutes les actions qui concourent à la prise en charge adéquate des patients.

Des normes sanitaires de plus en plus précises, destinées à garantir la qualité et la sécurité des soins, ont é té édictées. Tel le cas pour les urgences, l'anesthésie et la sécurité périnatale. D'autres sont en cours de préparation pour la réanimation et les soins intensifs. Ces normes, attendues par les malades et les professionnels, constituent un impératif sur lequel les établissements ne peuvent transiger. Mais, Martine Aubry le disait, nous savons que les professionnels de santé et les établissements sont c onscients de la nécessité de cette orientation et s'engagent dans cette voie.

Les hôpitaux, et notamment leurs services d'urgence, sont de plus en plus utilisés comme lieux de recours aux soins par les personnes vivant une situation de précarité.

M. Jean-Luc Préel.

Tout le monde va aux urgences ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

La mise en place de réponses médicales et sociales en réseau, adaptées à la demande des publics, doit être une préoccupation partagée, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

C'est la préoccupation de tout le monde.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà, monsieur le député. Votre nom figurera au Journal officiel . (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons et nous aurons un rôle incitatif dans ce sens, en y consacrant des moyens.

M. Goulard nous a précisément interrogés sur les moyens réservés aux urgences. Vous le savez, un accord a été signé le 9 juin dernier avec les représentants de la profession et, dès le 1er juillet 1999, les médecins assistants des urgences ont pu bénéficier d'une réévaluation de leurs salaires d'un peu plus de 12 000 francs bruts annuels. Le 1er juillet 1999, 30 postes de PH ont aussi été financés pour renforcer les régions les plus défavorisées. En 2000, 100 postes sont prévus, et, en 2001, 100 autres postes.

M. Jean Bardet.

Pour 22 régions ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Par ailleurs, un effort de création a été demandé à toutes les régions, aboutissant à la publication de 170 postes de PH l'année dernière, au lieu d'une centaine en 1998. Et, pour 2000, nous prévoyons de publier 256 postes.

L'objectif est d'atteindre, en quelques années, un véritable encadrement des urgences par des PH formés à cette pratique. En outre, 120 postes d'assistant ont été créés cette année aux urgences, afin de renforcer les équipes médicales.

Nous prévoyons donc de doubler en trois ans le nombre de PH aux urgences : ils devraient être alors au nombre de 1 000.

M. Préel et M. Mattei, à plusieurs reprises, ont stigmatisé les insuffisances en matière de prévention. Je rappelle ce que j'ai déjà dit très rapidement en début de journée : le Gouvernement est déterminé à aller dans ce sens. Nous nous appuyons notamment sur le constat de la surmortalité évitable que connaît la France, surmortalité en rapport avec des conduites individuelles : consommation excessive d'alcool, de tabac, importance des suicides, des accidents et des conduites addictives.

Ces constats fondent notre politique de santé publique.

De nombreux programmes, que vous ne pouvez pas ignorer et que nous allons renforcer, ont été mis en place : l'adoption, en juin dernier, du plan pluriannuel de lutte


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contre la drogue et de prévention des dépendances, avec 21 millions de francs pour consolider la recherche et plus de 200 millions de francs pour financer des actions de prévention et d'information ; la lutte contre le tabagisme et pour l'aide au sevrage, sur laquelle je reviendrai un peu plus loin ; l'effort pour prendre en charge les personnes en difficulté avec l'alccol, 27 millions de francs étant consacrés à renforcer les centres de cure ambulatoire.

La prévention des maladies évitables est aussi une priorité. Le Gouvernement mène une action déterminée en matière de lutte contre les maladies transmissibles, le VIH mais aussi l'hépatite C, qui fait l'objet d'un programme ambitieux, sur quatre ans. L'objectif est qu'en 2002 plus de 75 % des personnes porteuses du virus de l'hépatite C connaissent leur état sérologique et puissent bénéficier des informations et des conseils adaptés.

Le suicide nous préoccupe fortement. Un programme national de prévention a été défini pour les années 19982000, dont l'objectif est de faire tomber le nombre annuel des suicides en dessous de la barre symbolique des 10 000. Mais au-delà du seul suicide, c'est à la protection de la santé mentale que nous entendons oeuvrer.

Il me faut encore évoquer les actions menées en faveur de la contraception et de la prévention des grossesses non désirées, sans oublier les programmes de dépistage des cancers qui se mettent en place et ceux visant à développer une véritable politique de nutrition.

Vous le constatez, les champs concernés sont multiples, le plus souvent déclinés au niveau régional et local et en rapport avec une démarche cohérente de santé publique.

Parler d'insuffisances renvoie donc, au minimum, à une méconnaissance de la diversité des actions menées et de la mobilisation croissante des acteurs de terrain autour de cette véritable culture de prévention, qui progresse à grands pas dans notre pays.

Je me réjouis du consensus sur la nécessité de lutter contre le tabagisme. Mais les efforts que vous y avez consacrés hier, mesdames et messieurs de l'opposition, n'ont pas été à la hauteur de vos propositions d'aujourd'hui.

Pour notre part, nous n'avons pas attendu votre quitus pour engager un programme de lutte contre le tabagisme sans précédent. Le budget a été multiplié par cinq.

M. Jean-Luc Préel.

Depuis 1981, nous agissons dans ce domaine ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

130 millions de francs en 1999, contre 26 millions de francs en 1997, monsieur Préel.

Les actions de prévention sont dirigées essentiellement en direction des jeunes et des femmes enceintes. Des campagnes nationales, des campagnes de proximité et des campagnes adaptées à l'ensemble des publics visés ont été lancées.

Nous nous axons aussi sur l'aide au sevrage en développant les consultations spécialisées et l'accès aux substituts nicotiniques, notamment pour les exclus qui y ont accès gratuitement dans les centres de santé.

Pour aller plus loin, nous travaillons actuellement sur l'excellent rapport de notre ami Alfred Recours.

(Exclamations sur divers bancs.)

M. Maxime Gremetz.

Excellent, non ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il ne faut négliger aucune piste pour lutter contre ce fléau et je me réjouis du débat national qui s'est engagé sur cette question.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question de la sécurité sanitaire. Celle-ci demeure la priorité du Gouvernement depuis son arrivée aux affaires. Nous allons poursuivre et compléter le dispositif instauré par la loi de juillet 1998. Désormais, l'Institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sont opérationnels. Nous leur avons consacré dès cette année des moyens importants et nous continuerons en ce sens. Leur niveau d'expertise et la valeur de leurs avis sont aujourd'hui reconnus. Ils servent, sinon encore de référence, du moins d'instances d'interpellation au niveau européen.

Nous sommes en pleine actualité.

Le dispositif sera complété, vous le savez pour y avoir contribué, par la création de l'Etablissement français du sang, qui achève la réorganisation de la transfusion sanguine et par celle d'une agence santé-environnement, à laquelle nous travaillons ; il s'agit d'évaluer l'impact que peuvent avoir sur la santé les perturbations liées à l'environnement.

Enfin, le Comité national de sécurité sanitaire, que je réunis tous les trois mois, permet de développer une culture commune de sécurité sanitaire, de tirer les leçons des crises récentes et de favoriser une analyse prospective de la situation sanitaire de notre pays.

Bernard Charles se préoccupait de savoir si nous nous étions engagés dans la définition d'une base de données.

Bien évidemment, l'élaboration des bases de données publiques recensant les produits sur le marché contribuera à renforcer la sécurité sanitaire en améliorant leur traçabilité et la transparence de l'information concernant leur évaluation. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé s'y est déjà attelée pour les médicaments ; quant aux dispositifs médicaux à risque sanitaire particulier, ils seront intégrés à la base européenne EUDAMED.

Comme M. Aschieri, nous sommes attentifs à la protection de nos concitoyens face aux nuisances liées à l'environnement et aux conditions de travail. Le retard dans ce domaine était considérable et nous sommes en train de le rattraper. « Santé et travail » est une nouvelle mission de l'Institut de veille sanitaire. Des moyens importants permettront le développement rapide de cette activité : deux chercheurs en 1998, cinq cette année et sans doute dix l'année prochaine, dans le cadre d'un département réorganisé, celui des risques environnementaux et professionnels.

Vous avez souligné à plusieurs reprises les risques liés à l'usage de l'amiante. Vous avez raison. Nous partageons votre conviction. C'est pourquoi, dès 1998, Martine Aubry a demandé que soit mis en place un dispositif permettant le suivi des retraités exposés à l'amiante pendant leur vie active. Un dispositif national de surveillance des mésothéliomes et autres cancers liés à l'amiante est également en cours. L'objectif est de mieux connaître pour mieux agir, et de permettre à tous de prétendre aux indemnisations auxquelles ils ont droit. Pour 2000, cette surveillance sera élargie à tous les cancers d'origine professionnelle et aux troubles squelettiques - le mal de dos étant la première cause d'arrêt du travail en France.

M. François Goulard.

Surtout ici !

M. Bernard Accoyer.

Aïe ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà que M. Accoyer est touché par le mal de dos. (Sourires.)

M. le président.

M. Accoyer était tranquille, madame.

Ne le provoquez pas !


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Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je suis pleinement en accord avec Maxime Gremetz et Michel Destot, qui ont plaidé en faveur des centres de santé. La spécificité de ces centres mérite incontestablement d'être mieux reconnue au regard des objectifs sociaux et de santé publique qu'ils poursuivent.

Attachés à un décloisonnement exemplaire dans leur approche, qu'elle soit sanitaire ou plus sociale, ils ont pris de nombreuses initiatives, souvent particulièrement adaptées aux populations les plus vulnérables qui y ont recours : personnes âgées, porteurs de VIH, chômeurs de longue durée, jeunes à faibles revenus.

L'action des centres de santé doit être soutenue afin qu'ils puissent, en complémentarité - et pas en concurrence, monsieur Bardet - avec les autres dispositifs, assurer leur mission de lutte contre les inégalités. Les dispositions du projet de loi de financement le permettront.

Vis-à-vis des personnes handicapées, le Gouvernement conduit une politique identifiée, globale et cohérente.

Cette politique part du constat que le handicap touche 3 millions de concitoyens. Elle repose sur la prise en cause des sujétions particulières imposées aux personnes handicapées à travers toutes les politiques de droit commun, qu'il s'agisse de l' éducation, de l'emploi, des transports, de la culture, des loisirs et du logement. Elle se veut résolument intégrative et attentive aux personnes les plus lourdement handicapées. Enfin, c'est une politique qui s'inscrit dans la durée et qui se développe progressivement, avec détermination et en concertation avec les associations.

L'engagement du Gouvernement en faveur des personnes handicapées s'est donc traduit par une rupture avec les années précédentes. Ainsi 580 millions de francs de mesures nouvelles d'assurance maladie ont-ils été consacrés, sur les deux années 1998 et 1999, aux établissements et services pour enfants et adultes handicapés.

Cet effort est toutefois encore insuffisant. Le Gouvernement va donc poursuivre et amplifier son action et mobiliser davantage ses partenaires. Plus d'un milliard de francs devraient être consacrés, dès l'année prochaine, à des actions nouvelles en faveur des personnes handicapées.

M. Pascal Terrasse.

Excellent ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

L'Etat, l'assurance maladie et l'AGEFIPH contribueront à cet effort.

Cet effort se poursuivra selon deux axes principaux.

Le premier vise à prendre en charge les personnes les plus lourdement handicapées grâce à la création de 16 500 places nouvelles dans les établissements spécialisés pour adultes handicapés, au travers d'un plan pluriannuel qui se développera de 1999 à 2003.

Mme Hélène Mignon.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Les efforts financiers engagés en 1999 en faveur des autistes seront poursuivis en 2000 et inscrits à l'ONDAM. Les handicapés crâniens bénéficieront également d'inscriptions financières à l'ONDAM. Des actions seront conduites en faveur des porteurs de handicaps rares ; trois centres de ressources sont créés, le décret étant en cours de signature.

Le deuxième axe vise à promouvoir l'intégration.

Le développement des services d'accompagnement des familles et de soutien à l'intégration scolaire entre dans le champ des vingt mesures pour l'intégration scolaire des enfants handicapés, cosignées par le ministère de la santé et le ministère de l'éducation nationale.

L'intégration dans l'emploi repose sur la mise en oeuvre de la convention pluriannuelle 1999-2003 entre l'Etat et l'AGEFIPH ainsi que d'un programme exceptionnel de l'AGEFIPH, doté de 1,5 milliard de francs sur trois ans.

L'intégration dans la vie quotidienne tend à favoriser l'accès des personnes handicapées en compensant leur handicap pour leur assurer une vie autonome au domicile, conformément au désir le plus souvent exprimé par les personnes handicapées et leurs familles. C'est donc en concertation avec les familles que nous allons définir les conditions d'évaluation des besoins des personnes handic apées en matière de compensation technique et humaine. Nous avons engagé, Martine Aubry l'a dit tout à l'heure, une expérimentation sur quatre sites pilotes l'année dernière. On l'étendra sur quinze départements en 2000, de façon « à modéliser » le système de guichet unique auquel nous aspirons. Par ailleurs, à partir d'un travail d'experts sur un droit à compensation des incapacités fonctionnelles, nous avançons vers une définition progressive qui devrait trouver son aboutissement en 2001.

Les résultats des actions concernant les personnes handicapées sont encourageants mais le succès de cette politique reste déterminé par la rénovation des instruments de l'action et la mobilisation de tous les partenaires.

Il nous faut rénover les instruments de l'action. Pour m ieux orienter les personnes handicapées et mieux connaître leurs besoins, 30 millions de francs viendront doter l'année prochaine les COTOREP, qui disposeront ainsi des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.

Pour mieux adapter les institutions et leur pratique aux besoins et aux attentes des usagers, nous engageons la révision de la loi de 1975. Celle-ci devrait être terminée au début de l'année prochaine. Enfin, nous continuerons de mobiliser les partenaires de manière que la personne handicapée soit considérée à tous les niveaux de responsabilité et intégrée dans tous les dispositifs de droit commun.

Ainsi, mesdames, messieurs, année après année, nous développons notre politique de modernisation et d'adaptation des réponses aux besoins de nos concitoyens, avec détermination et créativité. Mais nous le faisons dans la concertation, avec le souci de ne pas heurter les esprits et la confiance des acteurs de santé qui doivent accompagner ce projet majeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale est renvoyée à la prochaine séance.


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4 DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Acte est donné de cette communication.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SE ANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1835, de financement de la sécurité sociale pour 2000 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport no 1876, tomes I à V), M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. (Avis no 1873).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mercredi 27 octobre 1999 SCRUTIN (no 200) sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Rossi, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Nombre de votants .....................................

156 Nombre de suffrages exprimés ....................

156 Majorité absolue ..........................................

79 Pour l'adoption ...................

40 Contre ..................................

116 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Contre : 104 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (136) : Pour : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Patrick Ollier (président de séance).

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 16 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).