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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8449).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 8449)

Article 5 (p. 8449).

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, François Goulard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Amendements de suppression nos 587 de M. Douste-Blazy, 329 de M. Accoyer, 377 de M. Préel et 605 de M. Goulard : MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Mme la ministre, MM. François Goulard, Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail. - Rejet.

Amendement no 120 de la commission des affaires culturelles : M. Claude Evin, rapporteur ; Mme la ministre, MM. François Goulard, le président. - Adoption.

Amendement no 121 de la commission : MM. Claude Evin, rapporteur ; François Goulard, Mme la ministre, M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour l'assurance vieillesse. - Rejet.

Amendement no 122 de la commission : M. Claude Evin, rapporteur.

Amendements nos 123 et 124 de la commission : M. Claude E vin, rapporteur ; Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. - Adoption des amendements nos 122 et 123.

Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no 124 modifié.

Adoption de l'article 5 modifié.

Après l'article 5 (p. 8455)

Amendement no 127 de la commission : M. Claude Evin, rapporteur ; Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. - Retrait.

Amendement no 127 repris par M. Accoyer : MM. François Goulard, Denis Jacquat, rapporteur ; Bernard Accoyer. Retrait.

Amendement no 127 repris par M. Préel : M. Jean-Luc Préel, Mme la secrétaire d'Etat ; M. Bernard Accoyer. Rejet.

Amendement no 125 de la commission : M. Claude Evin, rapporteur ; Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no 126 de la commission, avec le sousamendement no 824 de M. Accoyer : MM. Claude Evin,r apporteur ; Bernard Accoyer, Mme la ministre, M. François Goulard. - Rejet du sous-amendement no 824 ; adoption de l'amendement no 126 rectifié et modifié.

Article 6 (p. 8461)

Mme la ministre.

Réserve de l'article 6 jusqu'avant l'examen des amendements portant articles additionnels avant l'article 1er

Article 7 (p. 8461)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Pascal Terrasse, Patrick Delnatte, François Goulard, Mmes la ministre, Muguette Jacquaint.

Amendement de suppression no 330 de M. Accoyer :

M. Patrick Delnatte, Mmes Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour la famille ; la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 332 de M. Accoyer et 609 de M. Goulard : M. Bernard Accoyer, Mmes la ministre, J acqueline Mathieu-Obadia, M. François Goulard, Mmes Marie-Françoise Clergeau, rapporteur ; la secrétaire d'Etat, M. Patrick Delnatte. - Rejet.

Adoption de l'article 7.

Article 8 (p. 8468)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Pascal Terrasse, Patrick Delnatte, François Goulard, Mmes Muguette Jacquaint, la secrétaire d'Etat.

Amendements nos 384 de M. Delnatte, 333 à 336 de M. Accoyer : MM. Patrick Delnatte, Bernard Accoyer, Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur ; M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendements identiques nos 573 de M. Debré, 472 de M. Préel et 610 de M. Goulard : MM. Patrick Delnatte, Jean-Luc Préel, François Goulard, Mmes Marie-Françoise Clergeau, rapporteur ; la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 574 de M. Debré : M. Patrick Delnatte, Mmes Marie-France Clergeau, rapporteur ; la ministre. Rejet.

Adoption de l'article 8.

Article 9 (p. 8475)

MM. Jean-Luc Préel, Yves Bur, Patrick Delnatte, François Goulard, Mmes Muguette Jacquaint, la ministre.

Amendements de suppression nos 473 de M. Préel et 611 de M. Goulard : MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer,

M mes Marie-Françoise Clergeau, rapporteur ; la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 9.

Après l'article 9 (p. 8478)

Amendement no 509 de M. Goulard : M. Jean-Luc Préel, Mmes Marie-France Clergeau, rapporteur ; la ministre, M. Bernard Accoyer. - Rejet de l'amendement no 509 corrigé.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8479).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures vingt-cinq.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nos 1835, 1876).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 5.

Article 5

« Art. 5. - I. - L'article L. 139-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 139-1 . - L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale centralise la part du produit des contributions attribuée aux régimes obligatoires d'assurance maladie en application du IV de l'article L. 136-8 et la répartit entre les régimes obligatoires d'assurance maladie.

« Chaque régime d'assurance maladie, à l'exception de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, reçoit un montant égal à celui perçu en 1998 au titre de la répartition tant de ces contributions que des droits de consommation sur les alcools corrigé de l'impact sur douze mois de la revalorisation du taux de la contribution sociale généralisée intervenue au 1er janvier 1998.

Ce montant est réactualisé chaque année en fonction de l'évolution de l'assiette de la contribution visée à l'article L. 136-1 entre les deux derniers exercices clos.

« Ces montants et les modalités de leur versement sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget après consultation d'une commission de répartition de la contribution sociale généralisée, composée notamment de représentants des régimes concernés et présidée par le secrétaire généra l de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

« La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés reçoit le solde de la contribution sociale généralisée après la répartition prévue au deuxième al inéa du présent article.

« La commission de répartition dresse, au terme d'un délai de cinq ans, un bilan de l'application des présentes dispositions qu'elle présente au Parlement et propose, le cas échéant, une modification des modalités de calcul des montants versés à chaque régime. »

« II. Au 2o de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, le taux : " 5 % " est remplacé par le taux : "45 %".

« III. Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« 1o L'article L. 139-2 est abrogé ;

« 2o A l'article L. 241-1, les mots : " et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2" sont supprimés ;

« 3o Au 6o de l'article L. 612-1, les mots : " et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2" sont supprimés ;

« 4o Au dernier alinéa de l'article L. 711-2, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2" sont supprimés. »

« IV. Le code rural est ainsi modifié :

« 1o Au premier alinéa de l'article 1031, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1 du même code, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2 du même code" sont supprimés ;

« 2o A l'article L. 1106-6-3, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1 du même code, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2 de ce code" sont supprimés. »

« V. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter de la répartition effectuée au titre de l'année 2000. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, permettezmoi de saluer le retour parmi nous de Mme Martine Aubry après l'intermède, au demeurant fort sympathique, que nous avons connu hier avec M. Sautter.

Nous allons bientôt pouvoir enfin parler de la santé, de la famille et de la retraite, ce pourquoi nous sommes réunis ici depuis maintenant trois jours et trois nuits.

La Cour des comptes a constaté le manque de précision des comptes des régimes de sécurité sociale, surtout concernant les transferts entre les différentes branches.

Ainsi, l'ACOSS est amenée à régulariser de manière très approximative les comptes des régimes pour des sommes variant de 4 à 5 milliards, ce qui, vous en conviendrez, est loin d'être négligeable.

Les règles actuelles sont tellement complexes et rigides, que dans les faits, elles ne sont pas appliquées. La Cour des comptes a donc demandé qu'elles soient simplifiées.


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O r le projet du Gouvernement, qui demeure très complexe, ne tient pas compte des évolutions démographiques. Finalement, il va perpétuer la situation actuelle en ne l'améliorant quasiment pas.

Les paragraphes II, III et IV prévoient de « toiletter » les droits sur les alcools qui rapportent aujourd'hui 12 milliards de francs et d'en affecter 45 % à la CNAM.

C ette disposition d'affectation nous semble logique, puisque l'alcoolisme entraîne des pathologies lourdes dont le coût financier et social - accidents de la circulation et du travail - est très important. Avec le tabagisme, c'est l'une des premières causes identifiées de mortalité prématurée évitable. On compte environ 60 000 décès par an liés à l'alcool.

L'affectation à la CNAM d'une partie des droits sur les alcools pour financer les soins, la prévention et l'éducation à la santé, nous semblait donc justifiée. Cependant, nous avions cru comprendre que ces droits, dont la majorité était affectée au FSV, le seraient dorénavant au financement des 35 heures. De fait, un amendement gouvernemental à l'article 2 a permis de transférer 55 % des droits du FSV au fonds destiné, pour l'essentiel, à financer les 35 heures. La volonté du Gouvernement se trouve donc confirmée, et nous ne pouvons que nous y opposer.

La logique n'est plus du tout respectée. Les 35 heures n'ont rien à voir avec les soins et la politique de prévention. Pourquoi ne pas avoir affecté la totalité des droits sur les alcools, soit 12 milliards de francs, à la CNAM, pour lui permettre de soigner les malades de l'alcool et, surtout, pour développer enfin une réelle politique de prévention coordonnée et pluriannuelle, ce dont nous ne disposons pas actuellement ? Une réforme globale et approfondie des affectations entre les différentes branches est indispensable et ne saurait se limiter aux timides propositions avancées par le Gouvernement dans cet article.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, cet article aurait pu se passer de tout commentaire jusqu'à ce que vous décidiez de modifier les affectations budgétaires pour financer partiellement les trente-cinq heures. Mais en tentant d'habiller de façon présentable le financement des trente-cinq heures et en masquant la tuyauterie entre les organismes sociaux et le fonds de financement des 35 heures, vous nous conduisez à nous pencher sur le financement du FSV.

Lorsque vous avez décidé que le fonds de financement des 35 heures ne recevrait plus 5,6 milliards de francs de la sécurité sociale elle-même, mais qu'il serait alimenté par les droits sur les alcools, les tuyaux jusqu'alors apparents sont devenus souterrains.

Je vous rappelle que 5 % des droits de consommation sur les alcools sont déjà affectés au financement de la CMU. Les 55 % qui viendront financer les 35 heures aboutiront à priver le FSV de 5,6 milliards de recettes. Il ne restera plus grand-chose pour ce dernier. D'après nos calculs, sur les 12 milliards de francs qui lui revenaient, il ne lui en reviendra qu'un seul.

Nous devrions plutôt nous préoccuper du financement de la branche vieillesse et anticiper les difficultés qui se présenteront dès 2005. La modification que vous avez apportée par amendement va tout à fait à l'encontre des priorités sociales.

Nous aurons l'occasion de démontrer qu'en détournant la part de CSG sur l'épargne qui revenait à la CNAV et à la CNAF pour l'affecter au FSV, vous vous livrez à une opération de siphonage certes subtile, certes habile, mais bien réelle ! Le fonds de financement des 35 heures sera financé par des ressources directes, des ressources sûres, des ressources pérennes qui, jusque-là, allaient au FSV. Et vous réservez aux organismes sociaux, à la sécurité sociale, au FSV et surtout au fonds de réserve des retraites par répartition, d'hypothétiques excédents. Ce dernier, créé il y a deux jours, est resté désespérément vide.

C'est la plus grande mystification de ce projet de loi.

On voudrait faire croire aux Français que nous parlons de leur santé, de la famille et de la vieillesse, comme nous le devrions, alors que, jusqu'à présent, nous n'avons fait que parler du financement - très partiel - des 35 heures.

Paradoxalement, et de manière caricaturale, ce projet de loi prévoit de déshabiller les régimes sociaux pour habiller les 35 heures.

Nous ne pouvons l'accepter. Bien que l'article 5 ait été modifié, et il le sera encore, nous nous y opposerons.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 5 est un article technique qui devrait appeler peu de commentaires, dans la mesure où il tire les conséquences d'autres dispositions de ce texte.

Néanmoins, il est pour nous l'occasion de faire plusieurs observations, et je me situe dans la droite ligne de ce qui vient d'être dit par mes collègues Jean-Luc Préel et Bernard Accoyer.

Les changements opérés en dernière minute dans les modalités de financement de l'article 2 de ce texte ont des conséquences sur l'ensemble du financement de la sécurité sociale. Ce qui était un prélèvement apparent sur les organismes de sécurité sociale est devenu, comme l'a très bien dit Bernard Accoyer, un prélèvement indirect, mais un prélèvement tout de même.

Le FSV, du fait des nouvelles dispositions adoptées, aura moins de ressources. Le fonds de réserve des retraites devant bénéficier des excédants du FSV, sera privé mathématiquement de certaines recettes. Les chiffres des soldes prévisionnels en témoignent de manière éloquente.

Cet article aura des conséquences négatives pour le financement de la sécurité sociale, si l'on met à part le fonds de compensation des prétendus allégements de cotisations sociales, qui a fait l'objet de tous nos débats d'hier.

Autre problème : la répartition à laquelle vous allez procéder en vous appuyant sur cet article 5 et en prenant les arrêtés conjoints avec votre collègue du budget, est particulièrement complexe. Il faut être un spécialiste et un parfait connaisseur des arcanes de la sécurité sociale - ce que les parlementaires que nous sommes ne peuvent prétendre être - pour y voir clair.

C'est un souci réel, car la clarté des comptes de la sécurité sociale devrait être un objectif fondamental. La décision de soumettre au Parlement le projet de loi de financement de la sécurité sociale, résultant des ordonn ances organiques de 1996, a marqué, chacun le reconnaît, un progrès essentiel de la démocratie. Mais il se heurte aujourd'hui à un obstacle de taille : l'absence de lisibilité des comptes.

Nous devons régler, en particulier, l'importante question de la comptabilité en droits constatés. Nous sommes curieux, madame la ministre, de savoir si, depuis l'année


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dernière, où nous avions eu bon nombre d'échanges à ce sujet, des progrès réels ont été accomplis. D'après nos informations, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que la sécurité sociale et les plus de 1 800 milliards de francs de dépenses et de recettes qu'elle gère soient enfin dotés d'une comptabilité digne de ce nom, par ailleurs requise de n'importe quel commerçant, artisan ou entrepreneur.

Il est indispensable que des progrès soient réalisés très rapidement sur ce terrain. C'est la condition nécessaire pour que les répartitions financières qui font l'objet de l'article 5 soient plus compréhensibles, plus claires, plus accessibles et répondent mieux à l'objectif de transparence que nous partageons.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'indique à M. Goulard et à M. Accoyer que l'article 5 n'a absolument rien à voir avec le financement de la baisse des charges sociales et des 35 heures. Même si nous n'avions rien changé à ce financement, nous aurions déposé l'article 5 dans les mêmes termes.

C'est M. Préel qui a posé les bonnes questions. La complexité de l'article 5 - problème soulevé, il l'a rappelé, par la Cour des comptes - tient à de nombreux facteurs, notamment aux règles de répartition fixées par le gouvernement Juppé lors d'une opération de substitution entre les différentes caisses. Comme cette opération était globalement déficitaire, il avait été décidé d'affecter une partie des droits sur les alcools au FSV.

Plus généralement, l'extrême complexité de ces mécanismes provient du fait que la sécurité sociale est financée par plusieurs sources. Ce n'est pas lié à la présente loi de financement, c'est le cas depuis longtemps. Il faut donc chercher en permanence à simplifier les comptes et à améliorer leur présentation.

La Cour des comptes a regretté « l'utilisation de deux séries successives de clés provisoires obligeant à des régularisations » et proposé un nouveau système. C'est ce système plus simple, conforme aux voeux de la Cour, et qui a d'ailleurs recueilli l'accord des caisses concernées, que nous vous proposons aujourd'hui. Encore une fois, nous vous l'aurions proposé même si nous n'avions rien changé au financement des baisses de charges sociales.

Actuellement, la CSG maladie, ainsi qu'une partie des droits sur les alcools, est répartie entre les différents régimes d'assurance maladie selon les règles suivantes : chaque régime reçoit l'équivalent des recettes et cotisations qu'il aurait obtenues s'il n'y avait pas eu de substitution CSG-cotisations. Ces recettes fictives doivent être recalculées année après année. Le solde va à la CNAM, éventuellement à la CANAM, en fonction du déficit prévu. L'année suivante, on régularise, et cette régularisation, on l'a vu ces dernières années, peut être importante.

Nous avons simplifié ce dispositif conformément à la règle proposée par la Cour des comptes et, j'y insiste, avec l'accord des caisses. Dorénavant, chaque régime recevra le montant perçu l'année précédente - 1998, en l'occurrence -, majoré de la croissance des recettes de la CSG. Le solde ira à la CNAM ainsi que toute la fraction prélevée sur les droits sur les alcools. Ce mécanisme est beaucoup plus simple puisqu'il n'y a plus de régularisation ni de répartition entre les caisses des droits sur les alcools. Il va dans le sens de ce que souhaite M. Préel, qui considère que les droits sur les alcools doivent être intégralement versés à l'assurance maladie. Une partie reste affectée au FSV, mais c'est le gouvernement Balladur qui l'a décidé, pas le nôtre. Je signale d'ailleurs que, nonobstant la réaffectation de droits sur les alcools au fonds d'allégement des charges sociales, la moitié ou presque de ces droits sera versée à la CNAM. Par conséquent, nous progressons vers l'objectif que poursuit

M. Préel.

Afin d'éviter toute contestation, une commission vérifiera les calculs, et il nous a semblé bon qu'elle soit présidée par le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, personnalité indépendante, membre de la Cour des comptes.

Pour 2000, la répartition selon les nouvelles règles sera, d'après les premières estimations, très proche de celle qui résulte des règles actuelles.

Monsieur Accoyer, je n'ai absolument pas compris votre intervention. Le fonds de réserve des retraites n'a rien à voir non plus avec l'article 5. Contrairement à ce que vous prétendez, ce fonds n'est pas virtuel et les annonces faites par le Gouvernement à ce sujet sont très concrètes. Fin 2000, ce ne sont pas 15 à 20 milliards, comme je l'avais d'abord indiqué, mais très certainement 22 milliards qui y seront versés : 2 milliards qui y sont déjà inscrits ; 4 milliards qui proviendront des caisses d'épargne ; 4,4 milliards correspondant à l'excédent de la CNAF pour 1999, que nous connaissons déjà de manière presque certaine ; 3 milliards correspondant à l'excédent de la CNAV, qui sera affecté au fonds dès le mois de septembre et non plus au début de l'année suivante ; 5,5 milliards correspondant aux sommes initialement réservées au fonds d'allégement des charges sociales, et dont l'attribution au fonds de réserve des retraites explique que l'excédent du régime général pour 2000 ait été ramené de 7,5 milliards à 2 milliards ; Enfin 3 milliards que la Caisse des dépôts et consignations a proposé de prélever sur ses excédents.

Alors ne dites pas, monsieur Accoyer, que nous restons dans le virtuel et que nous ne tenons pas nos promesses, puisque ces 22 milliards qui figureront quasi sûrement au fonds de réserve à la fin 2000 vont même au-delà de ce que j'avais annoncé. C'est sans doute insuffisant, et vous le soulignez, mais les promesses seront tenues. Notre projet sécurise les ressources du fonds de réserve des retraites.

Je m'en réjouis tout particulièrement.

M. Goulard m'a de nouveau interrogée sur les droits constatés. J'ai déjà répondu sur ce point, mais jer ecommence volontiers. J'estime comme lui qu'une comptabilité moderne doit se faire en droits constatés, mais j'ajoute que, lorsque j'ai pris mes fonctions, rien n'avait encore été fait.

Nous avons demandé aux caisses de passer à la comptabilité en droits constatés. Elles ont commencé dès cette année et l'année prochaine, c'est-à-dire pour l'exercice 2001, nous présenterons en parallèle le PLFSS et les comptes en droits constatés. Ainsi, en l'espace de deux à trois ans, et ce n'est pas évident car il faut changer toute la comptabilité, nous aurons réussi à faire franchir aux caisses de sécurité sociale le cap de cette nécessaire évolution technique. Je crois comme vous, monsieur Goulard, que la clarté et la transparence des comptes en seront encore améliorées. C'est une bonne chose pour le Parlement, mais aussi pour l'ensemble des Français.

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements identiques nos 587, 329, 377 et 605.


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L'amendement no 587 est présenté par MM. DousteBlazy, Debré, Rossi et les membres des groupes de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du Rassemblement pour la République et Démocratie libérale et Indépendants ; l'amendement no 329 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 377 est présenté par MM. Préel, Bur, Blessig, Mme Boisseau et M. Foucher ; l'amendement no 605 est présenté par MM. Goulard, Mattei, Dord, Nicolin et Proriol.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 5. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 587.

M. Jean-Luc Préel.

J'ai présenté dans mon intervention sur l'article les principaux arguments qui en justifient la suppression. La nouvelle présentation que nous propose le Gouvernement ne répond pas à la demande de la Cour des comptes parce qu'elle ne simplifie pas réellement les transferts entre les branches. Je doute fort que l'ACOSS s'y retrouve. Nous verrons bien.

Par ailleurs, madame la ministre, s'il est vrai que 45 % des droits sur les alcools vont être versés à la CNAM, vous avez repris les 55 % réservés au FSV pour alimenter le nouveau fonds de financement des 35 heures. Nous aurions souhaité que ces droits soient intégralement versés à la CNAM pour financer les soins prodigués à tous les malades de l'alcool - 60 000 décès par an - ainsi qu'une véritable politique de prévention et d'éducation à la santé.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour défendre l'amendement no 329.

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, je ne suis pas certain de vous avoir bien comprise. Vous venez de nous expliquer qu'en théorie, 22 milliards seraient versés, dans les douze ou quinze prochains mois, au fonds de réserve de la retraite par répartition. Or, vous le savez bien, ce sont plusieurs centaines de milliards qui seraient nécessaires, dès 2005,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'ai dit !

M. Bernard Accoyer.

... et même probablement plus de 1 000 milliards, si l'on se réfère aux fonds de réserve constitués dans d'autres pays, pour maintenir et solidifier le régime de retraite par répartition, auquel nous sommes tous très attachés et que nous voulons privilégier. C'est pourquoi nous insistons autant sur la nécessité d'abonder très largement le fonds de réserve.

De plus, c'est une évidence que vous ne pouvez nier, la tuyauterie que vous avez installée entre les régimes en transférant au fonds des 35 heures les 5,6 milliards de francs de droits sur les alcools, jusqu'à présent affectés au FSV, va priver le fonds de réserve de la retraite par répartition de ces 5,6 milliards que le FSV aurait dû lui verser.

Cette vérité que nous martelons, vous ne pourrez pas l'empêcher d'éclater. Les siphonnages persistent en direction des 35 heures. Il y en a d'autres que je dénoncerai au fil de l'examen des articles. Mais celui-là porte bien sur 5,6 milliards, car votre exposé se référait aux dispositions prises avant l'amendement du Gouvernement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais corriger cette erreur, monsieur Accoyer, car je ne peux pas imaginer que ce soit autre chose.

M. Bernard Accoyer.

Je suis sincère !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

D'abord, je le répète, vos propos n'ont rien à voir avec l'article 5, que j'aurais déposé de toute façon, même si nous n'avions rien changé.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souhaite en effet continuer à simplifier la présentation des comptes et l'affectation des ressources à la sécurité sociale.

Vous devriez vous en réjouir, comme l'a fait M. Préel en se référant aux recommandations de la Cour des comptes.

Ensuite, je le répéterai autant qu'il le faudra, les 5,6 milliards qui devaient être versés par le FSV au fonds des retraites seront dorénavant financés par la réserve de 5,6 milliards que nous avions mise de côté pour abonder le fonds des baisses de charges. Donc, le fonds des retraites, outre le montant des excédents de l'année 1999 et de l'année 2000, et les autres ressources que j'ai mentionnées, recevra effectivement 5,6 milliards. Sinon, je le répète, l'excédent du régime général pour l'année 2000 ne serait pas de 2 milliards mais de 7,6 milliards. Ces 5,6 milliards prévus dans le projet de loi pour l'an 2000 continueront, malgré les modifications que nous avons faites, à être affectés au fonds des retraites. Au lieu de provenir du FSV, ils proviendront de la réserve que nous avions constituée pour alimenter le fonds d'allégement des charges patronales.

Je souhaite, encore une fois, que nous débattions sur nos vrais points d'accord et de désaccord, et non sur des affirmations qui ne correspondent pas à la réalité ! Ces 5,6 milliards iront au fonds de réserve des retraites, avec beaucoup d'autres ressources qui en porteront le montant à quelque 22 milliards en fin d'année 2000. C'est effectivement insuffisant par rapport à l'ampleur du problème, mais c'est mieux que rien. Or, nous n'avons rien trouvé en arrivant.

M. le président.

M. Préel ayant déjà, par avance, défendu l'amendement no 377, la parole est à M. François G oulard pour soutenir, avec concision, l'amendement no 605.

M. François Goulard.

Madame la ministre, votre voeu que le débat ne s'engage pas sur des données inexactes, nous le partageons naturellement. Mais je suis comme mon collègue Bernard Accoyer. Si le principe de Lavoisier n'est pas exact en chimie, il l'est en matière financière.

Donc, dans la mesure où vous renoncez à des prélèvements et où le nouveau dispositif annoncé lundi soir ne fait pas apparaître de source nouvelle de recettes, il faut bien qu'il y ait, quelque part, un autre prélèvement sous une autre forme.

Nous pensons que les finances de la sécurité sociale dans leur ensemble seront affectées, quoi qu'il en soit, par le financement des allégements de cotisations sociales.

Voilà notre conviction, fondée sur le constat simple que les comptes doivent s'équilibrer et que, s'il y a un manque à gagner sur un prélèvement, il faut le compenser par un autre prélèvement.

Il est exact que ce débat est extérieur à l'article 5, qui aurait été rédigé dans les mêmes termes indépendamment des événements intervenus en début de semaine. Je veux simplement revenir sur la réelle complexité du sujet. En voulez-vous un signe évident ? Vous-même, qui faites preuve d'une maîtrise impressionnante de vos dossiers, avez dû, pour une fois, vous référer à des notes écrites, ce qui vous arrive fort rarement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Alors mettez-vous à notre place ! Nous n'avons pas la richesse de l'information qui est à votre disposition ni les collaborateurs compétents qui vous entourent. Il est extrêmement difficile pour nous de faire notre travail de parlementaire, c'est-à-dire de nous former un jugement, en notre âme et conscience, sur les mouvements de fonds qui sont opérés et qui relèvent pourtant de la compétence du législateur puisque la Constitution a prévu qu'ils figurent dans la loi.

Vous avez dit que ces opérations étaient arrêtées sous le contrôle d'un organe indépendant, la commission des comptes de la sécurité sociale.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le secrétaire général de la commission.

M. François Goulard.

En effet. Or même si ce n'est pas une critique en soi, je ne crois pas que ni cette personne ni cet organe soient indépendants du Gouvernement. Je constate, par exemple, que le dossier de presse diffusé, il y a quelques semaines, à la suite de la publication des comptes de la sécurité sociale - était-ce le secrétaire gé néral qui l'avait rédigé ou était-ce vos services ? - avait un ton très politique. On a le droit de faire de la politique.

Mais si ce document émane effectivement du secrétariat général de la commission des comptes de la sécurité sociale, vous me permettrez de mettre en doute l'indépendance de cet organe, pour la bonne raison que, quand on est indépendant, on évite le ton polémique. Peut-être pourrez-vous nous donner des explications sur ce point.

Toujours est-il qu'il faudrait, et là serait la grande réforme, que, dans la production de comptes comme ceux de la sécurité sociale, la responsabilité de ceux qui en sont les auteurs soit engagée suivant le droit commun.

Un dirigeant d'entreprise est responsable de la publication de ses comptes ; en l'absence d'exactitude, de sincérité de sa comptabilité, sa responsabilité pénale personnelle peut être mise en cause. Dans le secteur public ou dans le secteur de la sécurité sociale, le même principe de responsabilité devrait être posé. Les responsables de la sécurité sociale devraient faire établir les comptes sous leur responsabilité personnelle, avec des sanctions éventuelles s'il est prouvé qu'ils ne sont pas sincères. Cette grande réforme serait un vrai progrès de la démocratie.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail.

La commission a naturellement rejeté les quatre amendements de suppression.

Monsieur Goulard, je conteste fortement votre appréciation relative à l'indépendance du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale. Vous avez fait allusion au dossier de presse. Ayant assumé des responsabilités, je peux vous affirmer que le dossier de presse n'est pas rédigé sous la responsabilité du secrétaire général.

Mais comment cela se passe-t-il pour le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale ? Il est rédigé par le secrétaire général, magistrat de la Cour des comptes. La commission délibère autour de ce rapport. Je ne pense pas que l'on puisse mettre en doute l'impartialité du rapporteur. Les propos que vous avez tenus à ce sujet méritaient au moins d'être relevés.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression.

Comme le rapporteur, je pense qu'il n'est pas de bon ton, ni ici ni ailleurs, de critiquer les fonctionnaires et encore moins ceux de la Cour des comptes.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce qu'a fait M. Goulard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je rappelle que le secrétaire général de la Cour des comptes présente de manière totalement indépendante son rapport. D'ailleurs, celui-ci est remis à l'ensemble des membres de la commission des comptes.

La Cour des comptes, que M. Préel vient de citer, a par ailleurs porté des critiques sur la présentation de nos comptes et nous modifions ceux-ci. Je crois donc qu'il n'est vraiment pas de bon ton, je le répète, de critiquer les fonctionnaires et encore moins ceux de la Cour des comptes.

Deuxièmement, mon ministère a présenté, sous mon autorité, un dossier de presse. Je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de polémique à cela à moins que cela vous gêne que nous expliquions que nous sommes passés de 54 milliards de déficit à 2 milliards d'excédent. Est-ce cela que vous appelez de la polémique ? Moi, j'essaie simplement d'expliquer que les choses s'améliorent. Si c'est cela qui vous gêne, je le regrette. Il n'en reste pas moins que c'est la vérité.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour répondre très brièvement au Gouvernement.

M. François Goulard.

Monsieur le président, je reprends la parole uniquement pour préciser les choses. Je n'ai pas formulé de critiques à l'égard des fonctionnaires ou des magistrats.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si !

M. François Goulard.

Absolument pas ! Vous lirez le compte rendu et vous verrez que ce n'étaient pas des critiques.

J'ai dit simplement qu'on ne peut pas parler d'indépendance pour un magistrat ou un fonctionnaire nommé par le Gouvernement et que l'on ne peut pas placer l'indépendance d'un secrétaire général de commission sur le même plan que celle d'une juridiction, ce que vous avez fait dans vos propos. Ce sont deux choses différentes. Ce n'était pas une critique. J'ai simplement relevé que le terme d'indépendance me paraissait inadéquat.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis heureuse que vous reveniez sur vos propos !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 587, 329, 377 et 605.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

L'amendement no 752 de M. Cahuzac n'est pas défendu.

M. François Goulard.

Oh !

M. le président.

M. Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général, a présenté un amendement, no 120, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du troisième alinéa du I de l'article 5, après le mot : "réactualisé", insérer les mots : "au 1er janvier de". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je sollicite une explication, monsieur le président.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances, qui est une personnalité éminente de notre Assemblée, a présenté un amendement de nature technique. Il n'est pas présent pour le défendre mais je m'étonne que les rapporteurs ou le président de la commission des affaires sociales ne nous donnent pas un mot d'explication sur la raison pour laquelle ils ne retiennent pas cet amendement technique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'a pas été examiné en commission !

M. le président.

Avant de passer la parole à M. le rapporteur pour vous répondre, je précise, monsieur Goulard, que l'amendement no 752 était présenté par M. Cahuzac à titre personnel.

Je mets aux voix l'amendement no 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Recours, rapporteur, et M. Accoyer ont présenté un amendement, no 121, ainsi libellé :

« Après les mots : "présidée par le", rédiger ainsi la fin du quatrième alinéa du I de l'article 5 : "président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Cet amendement a été adopté par la commission à l'initiative de M. Accoyer.

Notre collègue voudra sans doute le présenter.

M. Bernard Accoyer.

C'est M. Goulard qui va le défendre.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je souligne que je ne suis pas le seul, non pas à émettre des critiques à l'égard de tel ou tel fonctionnaire, mais à considérer que le système actuel n'est pas absolument parfait. Notre collègue Alfred Recours a repris une suggestion de notre collègue Bernard Accoyer en proposant que ce soit le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée qui préside la commission chargée de la répartition de la CSG.

L'exposé sommaire, rédigé par notre collègue Recours - et non pas par notre collègue Accoyer - est ainsi libellé : « Il n'est pas sain que la commission chargée de la répartition de la contribution sociale généralisée soit p résidée par un fonctionnaire. Cette responsabilité incombe à un représentant de la nation. »

Cela prouve bien qu'il peut y avoir débat sur la question que je m'étais permis de soulever tout à l'heure.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Il s'agit en fait d'un amendement - pardonnez-moi, je le découvre un peu tard qui a été voté à l'unanimité par la commission des affaires sociales dans un mouvement...

M. François Goulard.

Patriotique !

M. Claude Evin, rapporteur.

... d'allégresse, de soutien et je dirais presque de révérence à l'égard de notre président de la commission bien-aimé. (Rires.)

Mais je ne pense pas qu'il doive être retenu par notre assemblée.

M. Bernard Accoyer.

Oh !

M. Claude Evin, rapporteur.

A titre personnel, je voterai contre cet amendement.

M. Bernard Accoyer.

Le rapporteur doit rapporter !

M. Claude Evin, rapporteur.

J'ai rapporté la manière dont les choses se sont passées !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons vu, et pour cause, combien le travail de la commission chargée de la répartition de la CSG était technique.

A mon avis, il n'est pas à la hauteur du talent politique du président de la commission des affaires sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Arrêtez ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je pense donc que la présidence de cette commission devrait revenir à un fonctionnaire de la Cour des comptes...

M. François Goulard.

A un magistrat.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... à un magistrat, absolument, dont c'est le métier, comme c'est le cas dans beaucoup d'autres commissions. Le secrétaire général de la commission de la Cour des comptes me paraîtrait tout désigné.

M. Bernard Accoyer.

Pas du tout !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et je crois que M. Le Garrec sera ravi d'être déchargé de cette mission technique...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... pour continuer à présider avec talent la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de votre assemblée.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse.

Comme ce n'est pas le même président qu'hier qui préside la séance, je précise, pour que la discussion sur la jurisprudence Séguin ne rebondisse pas aujourd'hui, que cet amendement a été adopté à l'unanimité par la commission.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Les propos du rapporteur Evin me navrent, parce que j'y vois un double désaveu : un désaveu de notre collègue Recours et un désaveu de notre président Le Garrec. Cela me choque au plus haut point.

M. Claude Evin, rapporteur.

J'assume complètement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

M. Denis Jacquat, rapporteur.

C'est tout le paradoxe qui existe entre la commission et la séance publique.

M. le président.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 122, ainsi rédigé :

« Au début du II de l'article 5, substituer aux mots : "Au 2o ", les mots : "A l'avant-dernier alinéa". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Je peux, par la même occasion, monsieur le président, présenter les amendements nos 123 et 124.

M. le président.

Je suis, en effet, saisi de deux amendements, nos 123 et 124, présentés par M. Recours, rapporteur.

L'amendement no 123 est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (3o ) du III de l'article 5, substituer à la référence : "6o ", les mots : "dernier alinéa". »

L'amendement no 124 est ainsi rédigé :

« I. - Compléter le V de l'article 5 par l'alinéa suivant :

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L.

139-1 du code de la sécurité sociale, le montant des contributions dues au titre de l'exercice 2000 est déterminé par la double application aux montants fixés pour 1998 du taux d'évolution de l'assiette annuelle de la contribution entre 1998 et 1997. »

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour la Caisse nationale d'assurance maladie est compensée par une augmentation à due concurrence de la taxe prévue à l'article L.

245-7 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Il s'agit d'amendements rédactionnels ou de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Nous voterons contre l'amendement no 124. Nous considérons que la CSG est devenue une source de financement majeure de la protection sociale et que c'est une recette de nature fiscale. Or l'amendement par lequel nous proposions que ce soit un représentant de la nation qui préside la commission qui assure sa répartition a été rejeté. Il est malsain de laisser la technocratie être à la tête de telles commissions qui ont vocation, précisément, à veiller à ce que les décisions de la représentation démocratique soient fidèlement transmises.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 122.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 123.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Avant de mettre aux voix l'amendement no 124, je demande à Mme la ministre quelle est la position du Gouvernement sur le gage.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je lève le gage, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 124, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

M. le président.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 127, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« I. - Dans la première phrase du quatrième alinéa (3o ) de l'article 570 du code général des impôts, après le mot : "taux", sont insérés les mots : ", qui ne peuvent être inférieurs à 8,5 %,".

« II. - Les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas de l'article 575 A du code général des impôts sont ainsi rédigés :

GROUPES DE PRODUITS TAUX NORMAL Cigarettes

...........................................................................

... 64,13 Cigares

...........................................................................

........

31,75 Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes 56,10 Autres tabacs à fumer

.....................................................

51,41 Tabacs à priser

...................................................................

44,22 Tabacs à mâcher

...............................................................

30,22

« Le minimum de perception mentionné à l'article 575 est fixé à 570 francs pour les cigarettes.

Toutefois, pour les cigarettes brunes, ce minimum de perception est fixé à 480 francs.

« Il est fixé à 265 francs pour les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

M. Recours, qui doit nous rejoindre un peu plus tard, aurait été heureux de pouvoir présenter cet amendement ou du moins de pouvoir revenir, par le biais de celui-ci, sur un sujet dont il a traité en d'autres circonstances au cours de ces dernières semaines.

M. Recours, comme chacun le sait, est attaché à lutter contre le tabagisme. Il est proposé dans cet amendement de le faire en augmentant le prix du tabac, ce que peut permettre une hausse globale de 10 % de la fiscalité à défaut d'accord entre les fournisseurs, et d'affecter l'intégralité des recettes des droits de consommation sur le tabac à la CNAM, notamment pour rembourser le patch et pour renforcer les moyens du fonds de prévention contre le tabagisme.

Par ailleurs, M. Recours estime que la remise accordée aux détaillants de tabac doit être augmentée au moins à 8,5 % pour la métropole, pour conforter le monopole de vente au détail, facteur d'aménagement du territoire, favoriser la lutte contre la contrebande et associer plus étroitement le réseau à l'interdiction de la vente aux moins de seize ans. En l'absence d'encadrement communautaire des remises, il s'agit également d'une arme dissuasive contre les producteurs dans le cas où ils se livreraient à une guerre des prix face à une augmentation de la fiscalité.

C'est pour toutes ces raisons que M. Recours a souhaité, par cet amendement, poser à nouveau la question dans le débat sur la loi de financement de la sécurité


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

sociale. Sachant qu'il ne pourrait pas être présent ce matin, il me disait, hier soir, que la réponse du Gouvernement conditionnerait la suite à donner à cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 127.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je regrette que M. Recours ne soit pas là pour pouvoir l'assurer de toute notre attention.

M. Bernard Accoyer.

Nous aussi ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous avons beaucoup travaillé sur l'excellent rapport qu'Alfred Recours a remis au Premier ministre. Son programme complet de lutte contre le tabagisme nous intéresse énormément et nous continuons à travailler sur les propositions qu'il a orchestrées avec une extrême cohérence.

Monsieur le rapporteur, je vous rassure.

Comme vous le soulignez, la lutte contre le tabagisme, notamment des jeunes et des femmes, est une des priorités de santé publique du Gouvernement et doit le rester.

Nous devons tout faire pour éviter autant que faire se peut l'hécatombe prévue. Aujourd'hui, entre 60 000 et 70 000 décès par an sont attribués au tabagisme. Si les choses continuent d'évoluer de cette manière, ce sont entre 150 000 et 160 000 décès liés au tabac que nous aurons à comptabiliser dans une génération.

Le Gouvernement a d'ores et déjà engagé une lutte ferme contre le tabagisme en multipliant par cinq les crédits consacrés à cette lutte : 130 millions de francs en 1999 contre 26 millions de francs en 1997.

Cette action prend la forme d'une information particulière des populations à risques : les jeunes, les femmes, et notamment les femmes enceintes qui bénéficient maintenant d'une information particulière dès la première visite prénatale pour les sensibiliser aux risques spécifiques liés au tabac pendant la grossesse pour elles et pour leurs enfants à naître. De nombreux médecins se mobilisent et nous renforçons la protection des non-fumeurs en veillant à ce que la loi Evin soit correctement appliquée, surtout dans les lieux publics et les lieux qui accueillent des jeunes.

Vous comprenez donc l'intérêt que nous avons porté au rapport d'Alfred Recours qui avance de nombreuses propositions et suggère de nombreuses pistes d'action permettant d'espérer à terme une réelle baisse de la consommation du tabac chez nos concitoyens.

A la suite de ces propositions, le Gouvernement a déposé un amendement à l'article 1er , qui sera examiné ultérieurement, dans lequel il propose d'accentuer la politique de lutte contre le tabagisme en prenant en compte diverses propositions que je vais énumérer.

Il est tout d'abord envisagé une hausse des prix de 20 %, l'augmentation du prix des cigarettes s'étant révélé un frein à la consommation du tabac. Nous préférons cette procédure à l'augmentation de la fiscalité.

Nous réfléchissons également au relèvement progressif des minima de perception des taxes en uniformisant ces dernières entre les différents types de cigarettes.

Nous proposerons, à l'occasion de la présidence de l'Union européenne par la France, un réexamen des règles de la fiscalité du tabac dans les différents pays, afin de réduire la consommation.

Nous entendons renforcer les moyens disponibles pour la prévention du tabagisme, permettre un meilleur accès aux substituts nicotiniques utilisés dans le sevrage tagagique et organiser une large concertation sur l'intérêt, en termes de santé publique, de l'interdiction de la vente du tabac aux mineurs de moins de seize ans. Le débat public a commencé. Il est intéressant d'évaluer les effets qu'aurait une modification de cette vente et son intérêt quant à la stigmatisation du tabac comme élément toxique et mortel pour les jeunes, qui le consomment de plus en plus tôt.

Enfin, nous envisageons de renforcer le nombre et les moyens des centres de cure ambulatoire pour aider les fumeurs à réussir leur sevrage.

Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer votre amendement, sachant que nous en rediscuterons abondamment à propos de l'article 1er

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Comme je l'ai indiqué lorsque j'ai défendu l'amendement, j'ai eu l'occasion de parler de celui-ci avec M. Recours à la fin de la séance de nuit et M. Recours m'avait indiqué que, en fonction des réponses du Gouvernement, il pourrait être retiré. Je retire donc l'amendement no 127.

M. Bernard Accoyer.

Je le reprends, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 127 est repris par

M. Bernard Accoyer.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je vois bien que l'amendement Recours met d'une certaine façon le Gouvernement mal à l'aise. Il mériterait d'ailleurs un débat beaucoup plus long, parce qu'il soulève une question de santé d'importance.

Mon collègue Bernard Accoyer a pris l'initiative de reprendre cet amendement. Je m'exprimerai quant à moi contre - et il me pardonnera de le faire -, parce que je ne crois pas qu'un alourdissement des droits sur le tabac, lesquels sont déjà, comme on le sait considérables, soit la bonne voie pour lutter contre les excès du tabagisme.

Je suis parfaitement d'accord avec une des mesures p rônées dans l'exposé sommaire de notre collègue Recours, à savoir l'interdiction de vendre du tabac aux moins de seize ans. A cet âge, il s'agit encore de mineurs, et il est normal que des règles s'appliquent et tentent de limiter les risques pour des gens qui ne sont pas responsables au sens civil du terme.

En revanche, je considère - et c'est un avis tout à fait personnel - que la décision de fumer ou de ne pas fumer est éminemment personnelle et qu'il serait abusif d'arriver à des niveaux de prix tout à fait prohibitifs. La responsabilité individuelle s'applique également en matière de santé personnelle et, dans le cas présent, c'est bien de cela qu'il s'agit.

C'est la raison pour laquelle je m'exprime contre l'amendement Recours, qui est maintenant devenu l'amendement Accoyer, mais naturellement il appartiendra à l'auteur de l'amendement de s'exprimer pour nous expliquer ses motivations.

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole.

M. le président.

Je vais d'abord donner la parole à M. Denis Jacquat, qui me l'avait demandée avant et vous répondrez, monsieur Accoyer, à la commission. Je pense que nous serons ainsi tout à fait éclairés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

M. Jean-Luc Préel.

J'ai également demandé la parole ! Le sujet est important.

M. le président.

Je vous donnerai la parole après M. Bernard Accoyer, monsieur Préel, et nous en terminerons là. Je vous demanderai à tous d'être brefs.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, étant de profession initiale médecin ORL, je ne peux qu'être sensible au problème du tabagisme. Mais en tant que député d'une région frontalière, le département de la Moselle, je me dois de souligner les conséquences des augmentations de taxes sur le tabac : d'une part, la contrebande augmente, en particulier celle avec les pays de l'Est et, d'autre part, les gens vont acheter leurs cigarettes et autres dans un pays limitrophe, tel que le Luxembourg, qui pratique des prix nettement différents.

M. François Goulard.

C'est parfaitement exact !

M. Denis Jacquat, rapporteur.

Donc s'il y a lutte contre le tabac, je voudrais qu'elle soit claire et qu'un jour on discute en commission sur les avantages et les inconvénients du tabac, les industries manufacturières et autres. Bref, je voudrais qu'on cesse d'aborder la question au détour d'amendements déposés en fonction de nos humeurs et qu'enfin, on se dote d'une véritable politique en ce domaine.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, j'ai repris cet amendement car j'étais particulièrement heureux de nous voir enfin commencer, après trois jours de travail, à parler de santé.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous aussi !

M. Bernard Accoyer.

Mme Gillot, secrétaire d'Etat à la santé, va enfin pouvoir s'exprimer sur une question de santé publique. Hélas ! nous voilà vendredi, à la veille d'un long week-end...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous avons tout le temps devant nous !

M. Bernard Accoyer.

On ne peut que regretter ce calendrier et surtout ce télescopage entre un texte sur le financement d'une disposition relevant de la politique de l'emploi, et une loi qui devrait nous réunir pour parler de santé, de famille, de retraites.

Mais revenons à l'amendement élaboré par notre collègue M. Recours, en regrettant bien entendu que d'autres tâches le retiennent loin de nous.

Les arguments de François Goulard et de Denis Jacquat m'ont convaincu que cet amendement n'avait pas que des aspects positifs. Mes collègues se sont exprimés sur la contrebande et sur les limites d'une augmentation infinie des prix ; j'y ajouterai une touche d'ordre strictement scientifique et médical.

Le tabagisme et ses conséquences ont fait l'objet de travaux approfondis sur lesquels je ne reviendrai pas. Chacun sait le nombre de drames liés à ce phénomène qui s'aggrave en s'étendant aux femmes et à des populations de plus en plus jeunes. Ainsi que l'a rappelé Mme le secrétaire d'Etat à la santé, les conséquences peuvent être néfastes sur les enfants à naître lorsque leur maman n'interrompt pas sa consommation de tabac pendant la grossesse.

Toutes les études s'accordent à reconnaître que les substituts nicotiniques que l'on appelle les « patches » constituent un moyen très efficace pour aider le fumeur qui décide ou se voit obligé de s'arrêter de fumer - les deux hélas ! n'étant pas toujours confondus. Malheureusement, la nécessité d'une prescription par un médecin reste un élément dissuasif qui freine leur développement.

Puisque nous parlons enfin un peu de santé, essayons de construire quelque chose de solide.

Nous avons eu un débat intéressant en commission des affaires sociales. Nous y avons moins parlé d'argent pour financer les 35 heures et plus de la santé, en réfléchissant aux moyens qu'il convenait de privilégier pour lutter plus efficacement contre le tabagisme et ses conséquences, parmi lesquels le remboursement des patches.

Leur prix est d'ailleurs assez élevé, à peu près comparable à celui des cigarettes. Le problème tient au fait qu'un remboursement des substituts nicotiniques renforce de fait le caractère obligatoire de la prescription médicale et son caractère dissuasif pour les fumeurs.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous vous suivons attentivement, monsieur Accoyer...

M. Bernard Accoyer.

Pardonnez-moi d'être long, mais que voulez-vous, cela fait trois jours que nous n'avons pas parlé de la santé !

L'intérêt général commanderait de mobiliser le produit des taxes sur les tabacs pour les consacrer à la santé, à la prévention, aux soins, au lieu de s'en servir pour les 35 heures.

M. le président.

Pourriez-vous conclure, monsieur Accoyer ?

M. Bernard Accoyer.

Certes, monsieur le président, mais c'est la première fois que nous parlons de santé.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vous prie de conclure.

M. Bernard Accoyer.

Il faudrait notamment réserver des financements pour les thérapies de groupes. Ce serait là une dépense de santé véritablement bien placée. Même si nos travaux sur la santé s'ouvrent tardivement, hélas !

je souhaite que nous prenions le temps de trouver un moyen d'aider véritablement les fumeurs à arrêter, au lieu d'utiliser la taxe sur le tabac dans le seul but de financer les dépenses de l'Etat. Je retire l'amendement no 127.

M. le président.

L'amendement no 127 est retiré.

M. Jean-Luc Préel.

Mais j'avais demandé la parole, monsieur le président !

M. le président.

Il n'y a plus lieu de s'exprimer, monsieur Préel, puisque l'amendement est retiré.

M. Bernard Accoyer.

Finalement, je ne l'ai pas encore retiré...

M. le président.

Si monsieur Accoyer, vous avez bel et bien retiré cet amendement, après l'avoir repris.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, j'aimerais entendre les arguments de M. Préel afin d'être sûr d'avoir bien fait en retirant l'amendement...

(Sourires.)

M. le président.

Monsieur Préel, je ne puis vous donner la parole que si vous reprenez l'amendement no 127.

M. Jean-Luc Préel.

Dans ce cas, je le reprends.

M. le président.

Je vous donne donc la parole, mais seulement pour quelques instants.

M. Jean-Luc Préel.

Laissez-moi au moins le temps de le défendre, puisque je l'ai repris !

M. le président.

Soyez bref, l'Assemblée est déjà suffisamment éclairée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il a été défendu quatre fois ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Soyons sérieux !

M. Jean-Luc Préel.

Je vous promets d'être bref, monsieur le président.

Pendant trois jours et trois nuits, nous avons discuté des 35 heures...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Oh non ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

A qui la faute ?

M. Jean-Luc Préel.

Il est temps de discuter des problèmes de santé et notamment de santé publique. Nous sommes du reste à votre disposition pour en parler longuement, tout au moins jusqu'à lundi matin, où nous sommes attendus pour déposer des gerbes dans nos circonscriptions.

M. Pascal Terrasse.

Des gerbes lundi ?

M. Jean-Luc Préel.

Oui. Nous allons nous recueillir devant les monuments aux morts, mon cher collègue.

M. Gérard Terrier.

Il confond le jour des morts et le 11 novembre !

M. Pascal Terrasse.

La Toussaint et la commémoration de l'armistice !

M. le président.

Venez-en au sujet, monsieur Préel !

M. Jean-Luc Préel.

L'excellent rapport de M. Recours met en évidence le nombre des décès et des pathologies liés au tabac : 60 000 décès par an 120 000 prévus d'ici à quelques années. Le rapport établit également de manière très claire que l'augmentation du prix du tabac provoque immédiatement une diminution de la consommation - ce que M. Evin avait d'ailleurs compris - suivie il est vrai, d'une reprise au bout d'un certain temps mais, au total, le nombre des consommateurs baisse et c'est cela qui importe.

L'idée émise par M. Recours d'une interdiction de vente aux jeunes va dans le bon sens, mais on connaît les difficultés d'application que posent les mesures de ce genre. On sait ce qu'il en est pour la vente d'alcool, en particulier dans les grandes surfaces : en théorie, les jeunes ne devraient pas pouvoir y acheter de l'alcool et pourtant ils le font.

Un mot enfin sur la prévention du tabagisme à laquelle cette enveloppe devrait être affectée. Nous regrettons que la prévention ne soit pas suffisamment développée en France. Il serait également essentiel - M. Evin y sera sans doute également très sensible - de donner de réels moyens aux centres de traitement du tabac et à ce que l'on appelle aujourd'hui les centres de sevrage, dont MM. Tubiana et Lagrue...

M. le président.

M. Préel, veuillez conclure.

M. Jean-Luc Préel.

Je conclus.

M. le président.

Maintenant !

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, 60 000 morts par an aujourd'hui, 120 000 morts demain, cela mérite qu'on s'y attarde quelque peu ! C'est au moins aussi important que le financement des 35 heures !

M. le président.

Je vous demande de conclure.

M. Jean-Luc Préel.

Pour vous être très agréable, monsieur le président, je n'en dirai pas davantage.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Soyons sérieux...

M. Bernard Accoyer.

Le tabac est une cause de mortalité très importante ! C'est la première cause de mortalité évitable ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Absolument ! Mais ce n'est pas la peine de jouer les maniaques de la répétition dans le seul but d'être publiés au Journal officiel. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous ne faites que répéter ce qui a déjà été dit cinquante fois,...

M. Jean-Luc Préel.

Certainement pas depuis trois jours ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous avons eu l'occasion de nous exprimer à de nombreuses reprises sur la politique de prévention du tabagisme menée en direction des jeunes,...

M. Jean-Luc Préel.

Elle est nulle aujourd'hui !

M. Bernard Accoyer.

Vous ne faites rien ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nulle, dites-vous, monsieur Préel ? Elle a au moins le mérite d'exister, alors que vous n'aviez rien fait auparavant ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons multiplié par cinq les crédits consacrés à la prévention du tabagisme. Nous allons amplifier la campagne destinée à éviter la prise de la première cigarette chez les jeunes et à aider les consommateurs de tabac à s'arrêter de fumer. L'arrêt de cette hécatombe exige un sursaut vital et mérite autre chose que ce débat stérile et ces interminables paraphrases de l'excellent rapport de notre ami Alfred Recours. Tous les moyens à mettre en oeuvre pour une prévention efficace et tous azimuts y figurent. Alors, assez ! Laissez le débat suivre son cours ! Dites ce que vous avez à dire mais, de grâce, arrêtez de faire de la répétition aux seules fins d'être cités dans le Journal officiel !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour répondre au Gouvernement.

M. Bernard Accoyer.

Madame la secrétaire d'Etat, je vous invite à vous calmer...

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Pas vous, pas ça !

M. Jean-Luc Préel.

Rendez-nous Kouchner !

Mme Jacqueline Fraysse.

Assez perdu de temps ! On est pressés !

M. Bernard Accoyer.

La situation en devient pathétique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Après trois jours de débat exclusivement consacrés au financement des 35 heures, voilà que nous nous faisons rabrouer par la secrétaire d'Etat à la santé dont la mission est justement de défendre les crédits affectés à la santé ! Dire que nous vivons dans un pays où le budget du ministère de la santé ne dépasse pas 0,5 % des dépenses de l'assurance maladie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

La première cause de morbidité évitable en France, c'est le tabac ! Voilà ce dont nous parlons pour la première fois depuis trois jours, et vous nous le reprochez en demandant d'interrompre immédiatement ce débat!

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non, cette paraphrase !

M. Bernard Accoyer.

Je me suis assez longuement exprimé sur les substituts nicotiniques, madame la secrétaire d'Etat. Mais, que je sache, je n'en avais jamais entendu parler dans cet hémicycle.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Oh !

M. Bernard Accoyer.

Le remboursement ou non des substituts nicotiniques, c'est tout de même une question de santé...

M. François Goulard.

Et d'assurance maladie !

M. Bernard Accoyer.

... et d'assurance maladie qui relève précisément de la loi sur laquelle nous sommes censés travailler ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Vous l'avez déjà dit cinquante fois !

M. Bernard Accoyer.

Madame la secrétaire d'Etat, je propose que nous nous calmions et que nous nous remettions à parler sereinement et gentiment, comme je l'ai fait en début de séance et comme j'ai l'habitude de vous entendre le faire. N'allez pas vous laisser contaminer par les habitudes particulièrement regrettables qui sévissent dans ce gouvernement à l'égard de l'opposition. C'est un appel que je vous adresse personnellement, un appel à travailler ensemble pour la santé, pour la branche famille et pour la vieillesse.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 125, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Dans le deuxième alinéa du IV de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, la date du 30 novembre est remplacée par la date du 30 septembre. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Cet amendement propose d'avancer au 30 septembre la date de versement par les établissements bancaires de la contribution sociale généralisée sur les revenus de placements.

Je crois savoir que cet amendement n'a pas encore fait l'objet d'une discussion entre le Gouvernement et les organismes bancaires concernés. Je comprends que le Gouvernement souhaite qu'elle puisse avoir lieu ; il ne revient évidemment pas au Parlement de négocier avec les organismes bancaires.

Il n'en reste pas moins que l'avancement d'un mois de la date de versement, actuellement fixée au 30 novembre, présente un intérêt certain pour la trésorerie de l'ACOSS.

La Cour des comptes elle-même l'a souligné dans ses recommandations.

Je souhaite donc, en présentant cet amendement au nom de M. Recours, que le Gouvernement prenne l'engagement de négocier le plus rapidement possible avec les banques afin de parvenir à retenir la date du 30 septembre. Si cela pouvait être possible sans qu'il y ait besoin de l'inscrire dans la loi, j'en serais tout à fait satisfait. Je souhaite donc que le Gouvernement nous indique très précisément les mesures qu'il compte prendre pour atteindre cet objectif très souhaitable et conforme à ce qu'a préconisé la Cour des comptes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. le rapporteur pose une question dont l'intérêt est réel. En effet, le prélèvement de 2 % au titre de la CSG sur les revenus des comptes épargne logement, des comptes d'assurance vie et des plans d'épargne populaire fait l'objet d'un acompte le 30 novembre au titre des revenus inscrits au mois de décembre de l'année ou au mois de janvier de l'année suivante. La mesure proposée permettrait d'anticiper de deux mois un versement qui, cette année, s'élève à 9 milliards. Ce serait évidemment une mesure très intéressante pour la trésorerie de la sécurité sociale. Mais, ainsi que lui-même l'a souligné, je souhaiterais pouvoir en discuter avec les organismes financiers, ne serait-ce que par courtoisie, mais également pour vérifier sa faisabilité.

Au demeurant, je l'espère en tout cas, celle-ci ne devrait pas trop poser de problèmes.

Tout en étant d'accord sur le principe, je vous propose que nous reprenions ce point en seconde lecture, après avoir pris les contacts nécessaires avec les établissements financiers.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Evin, rapporteur.

Je suis tout à fait conscient de la nécessité d'une discussion avec les organismes bancaires. Je vous demande, madame la ministre, d'engager ces négociations au plus vite. Et même si elles ne pouvaient aboutir avant la fin de l'examen de ce texte, y compris au Sénat, il faudrait que le Parlement puisse imposer le versement au 30 septembre.

En attendant, je retire l'amendement no 125 ; mais sachez que nous serons attentifs aux résultats des négociations que vous allez engager.

M. le président.

L'amendement no 125 est retiré.

L'amendement no 316 n'est pas défendu.

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 126, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« I. L'article L.

651-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces majorations de retard peuvent faire l'objet d'une remise totale ou partielle décidée par le directeur de l'organisme visé à l'article L.

651-4. Ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale qui statuent en dernier ressort. »

« II. Les dispositions du présent article s'appliquent aux demandes de remises de majorations postérieures au 1er janvier 2000.

« III. Les pertes de recettes résultant de l'application des I et II sont compensées à due concurrence par l'augmentation de la contribution mentionnée à l'article L.

651-1 du code de la sécurité sociale. »

Sur cet amendement, M. Accoyer a présenté un sousamendement, no 824, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, compléter le II de l'amendement 126, par les mots : ", excepté pour les entreprises relevant de la grande distribution". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 126.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

M. Claude Evin, rapporteur.

La remise des majorations de retard de la C3S ne peut être effectuée que devant les tribunaux des affaires sociales. Il n'existe pas de possibilité de remise amiable par l'organisme chargé du recouvrement. Cet amendement permettrait la mise en oeuvre d'un dispositif de remise par l'organisme lui-même.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir le sous-amendement no 824.

M. Bernard Accoyer. Je m'interroge sur l'opportunité de cet amendement dans la mesure où il existe toujours la possibilité du recours hiérarchique, préalablement à tout recours contentieux.

Peut-être commets-je une petite erreur de droit, mais les administrateurs ici présents sauront nous donner la réponse avec la compétence qu'on leur connaît.

Dans le cas où cet amendement serait adopté, je propose un sous-amendement visant à exclure les entreprises de la grande distribution du champ de cet arrangement à l'amiable.

Je rappelle que la contribution sociale de solidarité des sociétés a été mise en place voilà quelques années pour consolider les régimes des artisans et des commerçants, mis à mal par l'explosion de la grande distribution.

Depuis, cette finalité première de la C3S a souvent été, hélas ! détournée de son objectif, en particulier par la gauche. Cette caisse est généralement en excédent ; or ses fonds ont fait l'objet d'un véritable hold-up - ce terme, que j'ai toujours employé, a été largement repris - pour équilibrer les comptes du régime général.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Encore un hold-up ! C'est un maniaque ! M. Bernard Accoyer. Mon sous-amendement prévoit donc de priver les entreprises de la grande distribution de cette possibilité de recours. De tels arrangements seraient particulièrement préoccupants dans un secteur aussi sensible, dont on connaît les excès et les pratiques, sans parler des tentatives de corruption dans lesquelles les entreprises n'hésitent pas à se lancer. Je trouve malsain de leur offrir cette possibilité.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 824 ?

M. Claude Evin, rapporteur.

La commission n'a pas examiné ce sous-amendement mais j'y suis défavorable, à titre personnel, car il n'y a aucune raison d'exclure du dispositif tel ou tel secteur. Pourquoi celui-ci et pas un autre ? Je vous précise, monsieur Accoyer, que l'amendement de M. Recours fait suite aux recommandations du médiateur et à un rapport de l'inspection générale des affaires sociales sur ce sujet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souscris favorablement à la proposition d'instaurer une procédure de remise amiable des majorations de retard de la C3S. C'est une simplification qui est bienvenue car elle évitera de nombreuses procédures judiciaires. L'Assemblée est d'ailleurs unanime, en général, quand nous proposons ce genre de choses. Ce fut le cas très récemment en d'autres domaines. Cette mesure concerne un très grand nombre d'entreprises. Elle a d'ailleurs été suggérée aussi bien par l'inspection générale des affaires sociales que par le médiateur de la République.

C ela dit, monsieur le rapporteur, j'aimerais que l'amendement soit rectifié car il me paraît utile de préciser que les modalités d'application seront fixées par décret.

Monsieur Accoyer, il n'y a aucune raison d'exclure certains redevables de la C3S de la possibilité de bénéficier d'une remise de majorations de retard. Il s'agit en tout état de cause d'une possibilité qui est donnée de manière amiable. Cela contreviendrait d'ailleurs au principe de l'égalité devant les contributions publiques, et ce serait très certainement inconstitutionnel.

J'en profite, monsieur le président, pour vous demander, comme l'année dernière, et je crois que tout le monde était d'accord, la réserve de l'article 6, qui est le tableau récapitulatif des recettes, jusque avant l'article 1er , qui est lui aussi réservé, afin que l'on puisse tenir compte des conséquences de l'ensemble des amendements.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, la commission est-elle d'accord pour rectifier l'amendement no 126 dans le sens suggéré par Mme la ministre ?

M. Claude Evin, rapporteur.

Tout à fait, monsieur le président, et j'en profite, madame la ministre, pour vous demander de lever le gage.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien évidemment !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Une fois n'est pas coutume, je partage totalement l'opinion de Mme la ministre sur l'excellent sous-amendement de M. Accoyer. Il est malheureusement inconstitutionnel.

La mesure proposée dans l'amendement no 126 est extrêmement judicieuse. Le fait que les remises gracieuses ne puissent pas être décidées par l'autorité hiérarchique était une anomalie. Vous la corrigez et c'est une très bonne chose. D'une façon générale, tous les organismes chargés du recouvrement, soit d'une cotisation sociale, soit d'un impôt, devraient être plus ouverts et mieux s'organiser pour faire droit aux demandes de remise gracieuse qui sont justifiées parfois par des situations extrêmement douloureuses. Il ne faudrait pas que les redevables se heurtent dans ces cas-là à un mur d'incompréhension de la part des administrations.

Un mot s'agissant de l'amendement no 125. Il ne faut pas se faire d'illusions ! Ce ne sont pas les banques qui supporteront le coût de cette mesure, mais leurs clients, car les banques procéderont aux prélèvements en fonction des versements qu'elles sont appelées à faire à l'oganisme de recouvrement des cotisations sociales.

Quant à la réserve de l'article 6, dans la mesure où l'adoption d'amendements est tout de même prévisible sur un texte comme celui-ci, je souhaite qu'à l'avenir le tableau des recettes figure à la fin du projet initial.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 824.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je donne lecture de l'amendement no 126 rectifié par le rapporteur à la demande du Gouvernement et compte tenu de la suppression du gage :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« I. L'article L.

651-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces majorations de retard peuvent faire l'objet d'une remise totale ou partielle décidée par le directeur de l'organisme visé à l'article L.

651-4. Ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale qui statuent en dernier ressort.

« II. Les dispositions du présent article s'appliquent aux demandes de remises de majorations postérieures au 1er janvier 2000.

« III. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Article 6

M. le président.

A la demande du Gouvernement, l'article 6 est réservé jusqu'avant l'article 1er

Article 7

M. le président.

Je donne lecture de l'article 7 :

TITRE

III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES ET À LA TRÉSORERIE Section 1 Branche famille

« Art. 7. - I. - L'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 551-1 . - Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées par décret, une ou plusieurs fois par an, conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir.

« Si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement destiné à assurer, pour l'année civile suivante, une évolution des bases mensuelles conforme à l'évolution des prix à la consommation hors tabac. »

« II. Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2000.

« Pour l'année 2000, il est fait application du mécanisme d'ajustement découlant du deuxième alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale au titre de l'évolution constatée en moyenne annuelle de l'indice des prix hors tabac de l'année 1999. Le montant des bases mensuelles issu de ce calcul est majoré, à titre exceptionnel, de 0,3 %. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Sans aucun esprit polémique, je signale simplement qu'après trois jours et trois nuits passés à discuter de la création d'impôts et de taxes pour financer les 35 heures, nous abordons enfin ce qui est la raison d'être de la loi de financement de la sécurité sociale : la famille, la retraite et la santé.

L'article 7 est le premier des deux articles - deux articles seulement ! - consacrés à la famille. Avez-vous réellement une politique familiale ? Pourtant, c'est indispensable pour l'avenir du pays ! Certains pays comme la Suède nous ont donné l'exemple. Encore faut-il avoir une réelle volonté.

Depuis que vous êtes au pouvoir, vous avez eu une politique fluctuante puisque votre première mesure phare, si l'on peut dire, particulièrement éclairante, a été de mettre les allocations familiales sous condition de ressources. En raison du tollé provoqué par cette décision, vous avez rétabli l'universalité, mais vous avez réduit l'AGED, puis abaissé le quotient familial avec les conséquences que l'on constate aujourd'hui sur l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation payés par les familles.

Les associations familiales ont d'ailleurs calculé que le pouvoir d'achat des allocations familiales avait beaucoup diminué, notamment depuis 1981 - je ne remonte pas, comme vous, à 1995. Je pense que vous nous ferez un tableau tout à l'heure, madame le rapporteur.

Vous annoncez un coup de pouce de 0,3 %, madame la ministre, mais les familles ont compris que l'augmentation des prestations en 1999 correspondait en réalité à un rattrapage pour compenser, d'ailleurs très partiellement, la baisse antérieure du pouvoir d'achat et les prélèvements supplémentaires effectués dès cette année, en raison notamment de l'abaissement du quotient familial.

Vous proposez donc une augmentation considérable de 0,5 % pour 2000, alors que l'inflation est estimée à 0,9 % et que le PIB, qui devrait concerner les prestations familiales car il intègre le loyer, va augmenter de 1,2 %. Loin d'un coup de pouce, c'est encore une baisse du pouvoir d'achat des familles qui est programmée pour l'an 2000. Merci pour elles !

M. Jean-Pierre Delalande.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Enfin, nous parlons de la famille.

Enfin, nous discutons, autrement que par le biais d'un amendement, de l'objet principal du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Malheureusement, le Gouvernement a décidé d'annoncer de mauvaises nouvelles et de continuer à s'acharner sur la famille. En 1997, 1998 et 1999, toutes ses décisions concernant la famille ont été défavorables, et je ne reviens pas sur l'AGED, sur les diminutions de la déduction d'impôt pour garde d'enfants ou sur les manipulations du quotient familial, voulant me concentrer sur les mesures décidées cette année.

L'article 7 tend tout simplement à ralentir une nouvelle fois la hausse de pouvoir d'achat, à laquelle ont pourtant droit les familles, par le biais des prestations qui leur sont attribuées depuis maintenant plus de cinquantecinq ans.

Permettez-moi de vous lire un passage d'un courrier qui nous a été adressé par une grande association familiale.

Mme Hélène Mignon.

Ce n'est pas la peine, nous l'avons tous reçu.

M. Bernard Accoyer.

On y apprend qu'en 1954 les prestations familiales d'une famille de deux enfants représentaient, rapportées au revenu moyen de l'époque, plus de 2 886 francs par mois alors qu'elles ne représentent plus aujourd'hui que 683 francs par mois. Cette dégringolade tient au fait que les prestations familiales ont été indexées sur les prix et non sur la richesse nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

En son article 7, le projet de loi de financement reconduit ce mécanisme. C'est pourquoi il est demandé une indexation sur le salaire moyen ou le produit intérieur brut par tête. Cette dernière formule serait particulièrement cohérente avec la garantie de ressources qui figure à l'article 9, l'indexation des ressources de la branche famille sur le PIB. Lors de nos discussions en commission, Mme Jacquaint s'est d'ailleurs opposée, au nom du groupe communiste, au mécanisme nocif de régularisation prévu par cet article alors que les besoins de la famille sont croissants.

Je voudrais également rappeler la décision prise en catimini par le Gouvernement le 2 décembre.

M. François Goulard.

Encore un coup d'Etat !

M. Bernard Accoyer.

En 1997, le Gouvernement a fait voter un amendement qui annulait pour les années 1996, 1997 et 1998 la dette de plusieurs milliards de francs que l'Etat devait aux familles en application d'une décision de justice, rendue à la suite d'un contentieux ouvert par Familles de France devant le Conseil d'Etat. La loi de 1994 a donné à chaque branche son indépendance financière, et une telle mesure, désolante, est une spoliation de la branche famille.

Un tel acharnement témoigne bien de l'idéologie antifamille...

Mme Hélène Mignon.

Oh !

M. Bernard Accoyer.

... que l'on a retrouvée au cours des débats sur le PACS. Le montant correspondant, presque franc pour franc, a été affecté aux dépenses inhérentes au PACS. C'est un choix ! Nous ne le partageons pas et nous le dénonçons.

Pour nous, en effet, qui devons discuter avant tout de la protection sociale et de son avenir, la branche famille est le creuset dans lequel la solidarité intergénérations doit être travaillée, solidarité en direction des familles, des jeunes, des femmes qui choisissent d'avoir des enfants et de les élever, des couples qui le font ensemble et espèrent ainsi apporter leur contribution à la solidarité nationale en donnant une prolongation à la vie même de la nation et en permettant aux anciennes générations de trouver des ressources dans la solidarité nationale. Vous êtes et nous sommes des défenseurs des régimes de retraite par répartition. Il faut savoir que les retraites dépendent précisément de la famille, des enfants. Or, madame la ministre, vous condamnez année par année la famille en réduisant la solidarité en sa faveur.

Je ne doute pas que le rapporteur pour la famille partagera cette analyse. Lorsque l'on fait le bilan des mesures du Gouvernement contre la famille, des détournements de fonds, des annulations de dettes, on ne peut être que terriblement affecté et, surtout, on ne trouve aucune logique pour prolonger la solidarité intergénération.

C'est pourquoi nous voterons contre l'article 7 qui ne vise qu'à réduire une fois de plus les moyens de la solidarité envers les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

D'abord, la politique de la famille ne s'arrête pas aux allocations familiales comme le laissent entendre nos collègues de l'opposition et je voudrais rappeler quelques faits importants.

Ils nous disent qu'ils aiment la famille et qu'ils ont pris des mesures en sa faveur. Effectivement, ils ont voté en 1994 une loi donnant un certain nombre d'orientations à la politique familiale. Et nous avons trouvé en 1997 un déficit de la branche famille de 14 milliards de francs !

M. Bernard Accoyer.

En 1993, le déficit des régimes sociaux était de 170 milliards !

M. Pascal Terrasse.

Vous avez donc un certain aplomb aujourd'hui de nous dire que vous êtes pour la famille, alors que vous ne financez absolument pas les mesures que vous prenez !

M. Bernard Accoyer.

On ne peut pas laisser dire ça !

M. Pascal Terrasse.

Les discours sont certes sympathiques, mais il faut prévoir les moyens nécessaires !

M. Bernard Accoyer.

Les 35 heures ne sont même pas financées ! Vous avez détourné l'argent des retraites !

M. Pascal Terrasse.

Calmez-vous, monsieur Accoyer ! Depuis deux ans, le Gouvernement a entrepris une véritable rénovation de sa politique en faveur des familles.

Cette année, l'effort sera encore accentué par deux ou trois mesures sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir dans le débat : une meilleure prise en charge des jeunes adultes, les familles ayant de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois lorsque leurs enfants sont à l'université, et la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. J'ai envie d'ajouter le gel des loyers des locations sociales. Le loyer d'un certain nombre de foyers n'augmentera pas. C'est une véritable politiquee n direction des familles, et notamment des plus modestes.

Le taux de revalorisation de la BMAF sera au 1er janvier 2000 de 0,5 % alors qu'il aurait normalement dû être de 0,2 %. C'est un coup de pouce supplémentaire en faveur des familles.

M. Jean-Luc Préel.

L'inflation sera de 0,9 % et le PIB progressera de 1,2 % !

M. Pascal Terrasse.

Cela fait tout de même 340 millions de francs supplémentaires pour la branche famille ! La branche famille est aujourd'hui excédentaire alors qu'en 1997, le déficit était de 14 milliards de francs.

M. Bernard Accoyer.

Vous la dévalisez pour financer le PACS !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Lorsque, à une certaine époque qui n'est pas si lointaine, vous étiez dans l'opposition, mesdames, messieurs de la majorité, à chaque fois que nous faisions référence aux résultats des politiques précédentes, vous faisiez un geste pas toujours très gracieux pour marquer la répétition. Alors, s'il vous plaît, épargnez-nous ce type d'argument. On ne regarde pas l'avenir dans un rétroviseur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si vous voulez, on peut remonter jusqu'aux années 80 et on verra quel est le bilan, globalement négatif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On peut voir, effectivement !

M. Patrick Delnatte.

L'article 7 pérennise l'indexation du montant des prestations familiales sur l'indice des prix INSEE, indexation qui appelle deux critiques essentielles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

D'abord, l'indice des prix INSEE et le budget familial sont des choses assez différentes et il y aurait un effort à faire pour que l'indice INSEE corresponde mieux à l'évolution du budget familial des familles nombreuses. Sur ce sujet, il y a un débat et l'on n'a pas encore tranché.

Ce qui est plus grave, c'est que cet indice INSEE ne prend pas en compte l'évolution de la croissance. On prive donc les familles des fruits de la croissance. Manifestement, compte tenu de l'expérience des uns et des autres, il serait préférable d'indexer sur le salaire moyen ou le PIB.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Patrick Delnatte.

Je donnerai deux exemples.

Une hausse des salaires plus forte que les prix - et c'est souhaitable, surtout lorsqu'il s'agit des plus bas salaires a un effet négatif pour les ménages qui passent au-dessus des plafonds et se trouvent donc d'un seul coup exclus des prestations familiales sous condition de ressource. Il y a là quelque chose d'assez injuste que nous rencontrons souvent.

Par ailleurs, comme l'a souligné M. Préel, vu l'écart entre l'indice INSEE des prix et l'évolution du PIB, il y a là un manque à gagner manifeste pour les familles.

Votre proposition de revaloriser les allocations familiales de 0,5 % est donc une véritable tromperie vis-à-vis des familles. Votre politique familiale est en trompe l'oeil.

J'en profite pour évoquer deux propositions qui n'ont pas pu être présentées parce qu'elles ne concernent pas directement les recettes et dépenses des régimes sociaux.

Elles tendent à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

La première, qui est d'ailleurs présentée par l'ensemble de l'opposition, c'est la création d'un congé de solidarité familiale. Nous reprenons là une idée qui a été fort bien exprimée par le Président de la République, et je tiens à le citer : « Nous devons soutenir la solidarité, qui est au coeur de l'institution familiale. La création d'un congé de solidarité familiale, pour s'occuper des parents âgés ou d'adolescents en difficulté, constituerait un progrès important. N'oublions pas qu'à chaque fois que peut jouer la solidarité familiale, c'est autant de moins laissé à la charge de la société. Et même si la création de nouveaux congés non rémunérés constitue une contrainte de gestion pour l'entreprise, cette contrainte doit pouvoir être surmontée par le dialogue social. » Nous reprenons

totalement à notre compte cette proposition, qui constitue une ouverture très importante.

La deuxième proposition, c'est la valorisation du rôle des pères par la majoration des droits à congés familiaux.

Ces propositions, madame la ministre, pourraient être introduites dans une nouvelle loi sur la famille, que nous sommes tout à fait prêts à discuter, ou dans un prochain DDOS. C'est une suggestion que nous faisons.

En tout état de cause, pour revenir à l'article 7, dans son état actuel, il n'est absolument pas votable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Après les excellents propos de notre collègue Delnatte, je m'apprêtais à demander à Mme la ministre de nous épargner le refrain sur le manque de financement qu'elle aurait trouvé à l'été 1997 concernant la branche famille.

M. Bernard Accoyer.

Oui, parce qu'il faudrait lui rafraîchir la mémoire.

M. François Goulard.

Malheureusement, j'ai été d evancé par notre collègue Terrasse, qui a repris l'antienne.

Je ne crois pas que l'argument soit à la hauteur de l'enjeu. La question familiale est trop importante pour que l'on se lance dans une polémique stérile sur les chiffres. Vous pouvez mettre en avant des chiffres, nous aussi, et les propos de notre collègue Delnatte sont suffisamment éloquents pour qu'il ne soit pas besoin d'y revenir.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça oui, pour être éloquents, ils sont éloquents !

M. François Goulard.

La réalité à laquelle nous devons faire face, et cela devrait être un souci de premier ordre pour tous les gouvernements, quelle que soit leur tendance politique, c'est d'abord la dénatalité qui condamne un pays comme le nôtre, à terme, au déclin. C'est une question si importante pour notre avenir collectif, pour l'avenir de la France, je n'hésite pas à employer ces termes, que nous devrions mettre au rencart les petits débats politiques de bas étage pour nous soucier exclusivement de l'avenir de notre nation.

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Je ne vous le fais pas dire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet !

M. François Goulard.

Mesdames les ministres, nous avons, comme d'ailleurs d'autres pays européens, un taux de natalité qui risque de condamner notre pays à disparaître en tant que nation, parce que les générations ne sont pas remplacées.

M. Pascal Terrasse.

C'est un vrai débat, en effet.

M. François Goulard.

Dans un tel contexte, il faut que les querelles se taisent. Nous devons tenter de parer à ce danger considérable.

La deuxième réalité qui s'impose à nous, c'est celle qui concerne la redistribution. La puissance publique opère dans notre pays un mouvement de redistribution considérable. Vous savez, mes chers collègues, que sur les 45 % ou 46 % de prélèvements obligatoires, plus de la moitié lui sont consacrés. A telle enseigne que le revenu moyen des Français est constitué pour 30 % environ d'allocations, de subventions, de sommes qui, d'une manière ou d'une autre, sont redistribuées par la puissance publique.

Or, dans cet énorme mouvement, les grandes perdantes sont les familles. Les chiffres sont incontestables. Quelle que soit la tranche de revenu, nous observons que les allocations ne parviennent pas à éviter que les familles nombreuses soient infiniment plus pauvres que les autres avec un revenu initial qui est le même. La redistribution ne corrige pas l'inégalité dont sont victimes les familles nombreuses, et singulièrement les familles les plus nombreuses, celles qui ont plus de trois enfants.

Devant ces deux réalités - insuffisance de la redistribution en faveur des familles, dénatalité angoissante contre laquelle nous devrions tous nous mobiliser -, il faut avoir une très grande politique familiale. Qu'il y ait des divergences entre nous, mesdames les ministres, mes chers collègues de la majorité, c'est bien naturel. Que vous soyez critiques à l'égard de l'AGED, au point de la réduire de manière drastique, c'est votre droit. Mais que n'avez-vous,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

en contrepartie, mis en place d'autres moyens pour aider, à votre manière, les familles ? Nous serions heureux de constater que la politique familiale, l'intérêt des familles, l'avenir de notre pays nous rassemblent, même si nous divergeons quant aux modalités. Après avoir plafonné les allocations familiales, vous avez réduit, là encore de manière drastique, le quotient familial, et ce au nom d'une certaine conception de la société. C'est votre droit.

Mais que n'avez-vous pris des mesures d'une autre nature, mais toujours en faveur des familles ? Nous aurions applaudi, au-delà des divergences bien naturelles en démocratie ! Je vous en conjure, présentez-nous autre chose que ces mesures minuscules de revalorisation, qui ne corrigent pas la dérive que mon collègue Accoyer a rappelée : depuis quarante ans, la perte de pouvoir d'achat des allocations familiales est considérable dans ce pays. Il est vrai que tous les gouvernements ont eu leur part de responsabilité dans cette évolution. Cela dit, quel gouvernement a voté une grande loi en faveur de la famille ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

C'est facile de voter une loi !

M. Pascal Terrasse.

Oui, en y mettant zéro franc, c'est facile !

M. François Goulard.

Il fallait s'inscrire dans cette perspective.

M. Pascal Terrasse.

Ce ne sont que des discours !

M. François Goulard.

Il fallait affecter des moyens au service de cette grande politique. C'est ce rendez-vous que vous avez manqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vos h urlements ne suffisent pas pour être convaincant.

Puisque vous nous demandez de renoncer à certains

« refrains », qui ne consistent en fait qu'à rappeler la réalité, comme l'a fait tout à l'heure M. Terrasse, je pourrais moi aussi vous demander, très gentiment, d'en faire autant. On pourrait d'ailleurs faire le compte. Depuis le début, M. Accoyer ne peut pas aborder un sujet sans parler de racket, de hold-up, de détournement de fonds.

M. Bernard Accoyer.

Mais parce que c'est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Pourtant, il n'est pas un élu parisien. (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je pense que cela n'aide pas au débat démocratique, notamment lorsque nous traitons d'un dossier qui devrait, depuis longemps d'ailleurs, nous permettre de nous retrouver. Des mots de ce genre ne convainquent pas, quand il n'y a aucun argument, plus les mots sont forts et moins ils sont crédibles. Et surtout, ils ne font pas une politique.

M. François Goulard.

Votre projet n'est pas une politique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Moi, je suis de ceux qui pensent que la famille est un lieu de repères majeur pour les enfants. Elle donne des repères individuels, mais aussi des repères de socialisation, par les valeurs qui peuvent y être transmises. Et ne vous en déplaise, monsieur Goulard, je me réjouis que, après la décision annoncée par le Premier ministre dans cette enceinte de supprimer les allocations familiales, nous ayont pu revenir, par le quotient familial, à une politique de la famille, grâce notamment aux discussions engagées par Mme Gillot avec l'ensemble des associations familiales, syndicales et patronales. Je me réjouis que nous ayons défini avec elles, par la concertation, une politique de la famille à la fois plus équitable et plus ambitieuse.

C'est peut-être cela qui vous gêne, au fond.

Vous ne voulez pas qu'on rappelle la réalité, mais il faut pourtant bien la rappeler : nous avons trouvé une branche famille en déficit de 14 milliards. Il ne suffit pas de faire voter « une grande loi », comme vous dites.

M. Balladur l'a fait en 1994, mais le seul ennui, c'est qu'elle n'était pas financée !

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Si, c'est vrai !

M. François Goulard.

Pendant trois ans, elle a été financée !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si cette loi avait dû être appliquée, elle aurait ajouté 10 milliards à ces 14 milliards de déficit.

Nous, nous avons préféré, d'abord, ramener la branche famille à l'équilibre, puis à l'excédent,...

M. Pascal Terrasse.

C'est cela la bonne gestion !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... car c'est ainsi que nous pourrons effectivement financer une politique familiale.

Depuis maintenant deux ans et demi, nous travaillons avec l'ensemble des associations familiales. Vous en citez une, qui vous a écrit. Vous ne citez pas la dizaine d'autres qui participent à la conférence de la famille et qui, depuis trois ans, ont accepté les priorités du Gouvernement, et ont d'ailleurs fixé celles de 2001, puisque nous les avons préparées avec elles.

Quels sont les grands axes de cette politique ? Tout d'abord, conforter les parents dans leur rôle éducatif, dont vous parlez beaucoup. Nous, au lieu de montrer du doigt les familles qui ont des difficultés, nous avons voulu mettre à leur disposition des services, afin qu'elles puissent effectivement remplir leurs fonctions parentales.

Car nous sommes convaincus que ni l'école ni les institutions sociales ne peuvent remplacer le père et la mère dans la fonction éducative. C'est pourquoi nous avons mis en place, en liaison avec les CAF et les communes, un réseau d'aide aux parents qui rencontrent des difficultés avec leurs enfants ou qui ont du mal à remplir leurs fonctions parentales. Dans le même esprit, il est très important de donner du temps pour permettre une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle.

Sur ce point, Mme Génisson a fait des propositions qui ont été intégrées dans la loi sur la réduction de la durée du travail.

Le deuxième grand axe, c'est de soutenir les familles les plus modestes. Vous avez raison de dire que toutes les familles ont droit à des aides, et c'est aujourd'hui le cas.

Mais vous savez très bien que le système du quotient familial aidait plus les familles riches que les familles pauvres.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Chacun le reconnaît. Nous avons voulu plus d'équité, nous n'avons pas voulu soutenir certaines familles et pas d'autres !


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Dès cette rentrée, l'allocation de rentrée scolaire a été étendue, sous condition de ressources, à toutes les familles d'un enfant - 350 000 familles ont été concernées par cette mesure, qui est d'ailleurs assez lourde. Nous avons en outre majoré cette allocation et le Premier ministre a annoncé, lors de la conférence de la famille, que cette majoration serait dorénavant pérennisée. Cette dépense sera progressivement prise en charge par la CNAF parce qu'elle deviendra une prestation familiale pérenne et à haut niveau.

Les loyers plafonds de l'allocation de logement familial ont été réévalués au 1er juillet 1999. Cela constitue la première étape d'un alignement, sur trois ans, de ces loyers sur ceux de l'aide personnalisée au logement. C'est quand même 1,3 milliard, dont ont bénéficié 530 000 familles.

Je crois que l'on ne peut pas passer cela sous silence. De même, les titulaires du RMI peuvent dorénavant bénéficier de la majoration pour âge des allocations familiales lorsque leurs enfants atteignent onze ou seize ans. Il faut soutenir, donc, les familles les plus modestes.

Mais il faut aussi - et je rejoins là ce qu'a dit tout à l'heure M. Goulard - améliorer l'accueil des jeunes enfants. Car nous savons bien que si un certain nombre de jeunes couples hésitent à avoir des enfants ou retardent l'âge de la première naissance, c'est parce qu'ils ont du mal à articuler vie professionnelle et vie personnelle, et à aménager des modes de garde. C'est là une question à laquelle nous travaillons, puisque nous avons décidé, avec les associations familiales, que l'ensemble des prestations à la petite enfance devaient être réexaminées cette année, et notamment de façon à permettre aux parents de choisir le mode de garde, collectif ou individuel, qui leur convient le mieux. Je suis convaincue que c'est un élément majeur du problème de natalité que vous souleviez. A ce propos, je voudrais dire que même si à terme il doit nous interroger, j'en suis tout à fait convaincue, la France est heureusement bien placée aujourd'hui.

M. Pascal Terrasse.

Sa situation est la meilleure en Europe !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et la politique que nous menons va contribuer à améliorer les choses de ce point de vue-là.

Nous souhaitons également aider à la prise en charge des jeunes adultes. Nous avons prolongé les prestations familiales de 18 à 19 ans en 1998, à 20 ans en 1999. Et cette année, nous prolongeons juqu'à 21 ans l'âge limite pour la notion d'enfant à charge en ce qui concerne deux prestations spécifiques : les aides au logement et le complément familial - 175 000 familles vont en bénéficier, pour un coût de 1,5 milliard. Peut-on dire que ce n'est rien ? Non, ce n'est pas rien, et c'est d'ailleurs ce qu'ont pensé les associations.

J'entends parler de l'absence d'une politique familiale.

Je veux bien, mais j'assiste, moi, chaque année, auprès du Premier ministre, à la conférence de la famille, et je vois le travail que nous faisons tout au long de l'année avec les associations. Nous sommes en train de construire, à côté des prestations, qui doivent évoluer, une politique de services. Car beaucoup de familles demandent des services, et pas seulement des prestations.

Vous nous dites que nous n'avons décidé que des mesures minimes. Mais ce n'est quand même pas nous qui avons gelé la BMAF, c'est-à-dire l'augmentation des allocations familiales. C'est vous qui l'avez gelé en 1996 : 0 % d'augmentation, alors que l'indice des prix était de 1,9 %.

Mme Muguette Jacquaint.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous, nous avons revalorisé chaque année les allocations familiales, et encore cette année nous leur donnons un coup de pouce de 0,3 % en termes de pouvoir d'achat.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, le Premier ministre s'est engagé à ce que la branche famille ait une garantie de ressources, c'est-à-dire que ses ressources augmentent au même rythme que le PIB. C'est une mesure importante aujourd'hui inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale. C'est tout à fait l'inverse de ce que vous avez fait, puisque, à la fin de 1993, alors que la branche famille avait en réserve 66 milliards de francs, vous les avez utilisés, dans les années suivantes, pour combler les déficits des branches maladie et vieillesse.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Voilà la réalité. Alors, sur le sujet de la famille, si vous ne voulez pas qu'on rappelle le passé, évitez de dire des contrevérités. Cela nous permettrait de construire ensemble une politique de la famille, car c'est peut-être le sujet sur lequel nous pourrions le plus nous retrouver.

Et moi, je me réjouis de constater que, en dehors d'une association - une association -, toutes les grandes associations familiales non seulement sont d'accord avec cette politique et la soutiennent, mais la préparent avec nous et y contribuent très largement. Je veux d'ailleurs les remercier ici du travail que nous faisons en commun.

M. le ministre.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

On a dit tout à l'heure qu'il fallait cesser de voir la politique familiale dans un rétroviseur. Soit, mais il faut quand même parfois se rappeler certaines choses.

Le pouvoir d'achat des allocations familiales est resté bloqué pendant des années et des années, et il est bon de s'en souvenir. Sans remonter très loin dans le passé, je rappellerai aussi ce qu'a dit M. d'Aubert, hier, en fin d'après-midi - et qui m'a d'ailleurs fait réagir un peu passionnément. Il nous disait : « Voilà, il faut réduire les dépenses publiques, il y a trop de dépenses publiques. »

Mais alors, comment fait-on pour répondre aux besoins des familles ? Ce n'est pas possible. Si l'on réduit les dépenses, on ne peut pas répondre aux besoins nouveaux des familles.

J'en viens à l'article 7, qui prévoit que les prestations familiales seront désormais indexées sur l'évolution prévisionnelle des prix. Il existe à l'heure actuelle un mécanisme destiné à corriger après coup les écarts qui apparaît raient entre l'évolution prévisionnelle et l'évolution effective des prix.

Toutefois, il peut arriver, comme c'est d'ailleurs le cas cette année, que les prestations de l'exercice précédent soient revalorisées selon une évolution prévisionnelle qui s'avérerait supérieure à l'évolution effective des prix. Dans ce cas-là, il nous semblerait particulièrement injuste d'un point de vue social de rendre en quelque sorte les familles responsables et redevables d'une erreur de prévision concernant l'évolution des prix. Et finalement, c'est ce que l'on fait cette année. Outre cela, la possibilité d'un réajustement à la baisse exerce un effet perturbant sur la consommation des ménages. Comment demander aux familles, en particulier aux plus modestes, de restituer une partie de leur pouvoir d'achat, alors qu'elles l'ont déjà


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

dépensé, on le sait bien, madame la ministre ? Tant mieux s'il y a eu une revalorisation un peu plus élevée l'an dernier. On vient de dire que, pendant des années, elles ont souffert, justement, de cette non-revalorisation du pouvoir d'achat.

M. Pascal Terrasse.

La faute à qui ?

Mme Muguette Jacquaint.

Oui, la faute à qui ? La faute à ceux qui aujourd'hui disent que les familles sont oubliées, alors qu'ils les ont oubliées pendant des années.

M. Bernard Accoyer.

Vous ne pouvez pas dire cela, madame Jacquaint ! D'habitude, vous êtes beaucoup plus raisonnable.

Mme Muguette Jacquaint, Cette année, il serait souhaitable que l'évolution prévisionnelle des prix pour 1999, qui va tourner autour de 0,9 % d'augmentation, ne prive pas les familles d'un « plus » de 0,4 % de leur pouvoir d'achat. D'autant que la relance économique part justement du fait que les familles consomment. La prime de rentrée scolaire portée à 1 600 francs n'a pas été étrangère à la relance de la consommation. Donc, ne freinons pas cette consommation.

C'est pourquoi nous avons proposé un amendement tendant à indexer les prestations familiales, non sur l'évolution des prix, mais sur celle du salaire moyen. Toutefois, cet amendement a connu un triste sort, puisque l'article 40 nous a été opposé.

Il n'empêche que nous continuons à demander plus pour les familles, et c'est pour cette raison que nous ne pouvons pas être d'accord avec l'article 7.

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 330, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 7. »

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir cet amendement.

M. Patrick Delnatte.

Nous avons déjà expliqué notre désaccord sur le mode de calcul de l'évolution des prestations familiales. C'est pourquoi, par l'amendement no 330, nous proposons de supprimer l'article 7.

Madame la ministre, vous faites état d'un consensus avec les associations familiales. Mais elles ont été tellement secouées...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, en 1996 !

M. Patrick Delnatte.

... quand vous avez remis en question l'universalité des allocations familiales et lorsque vous avez soumis ces allocations à condition de ressources qu'elles se réjouissent sans doute maintenant d'en revenir à une situation plus stable. Mais croyez bien qu'elles ont encore beaucoup de revendications légitimes à faire passer !

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 330.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

M. Accoyer et M. Delnatte n'en sont pas à une contradiction près, puisque c'est leur majorité qui, en 1994, lors de la discussion du projet de loi sur la famille, avait voté cet article qui dispose que les prestations familiales sont indexées sur l'évolution des prix.

Supprimer l'article, c'est supprimer tout mécanisme de revalorisation, y compris le coup de pouce proposé par le Gouvernement.

M. Bernard Accoyer.

Non, au contraire, cela permettra qu'il soit plus important !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

On voit qui, ici, défend les familles !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission et pour les mêmes raisons.

Monsieur Delnatte, je n'ai jamais dit que les familles n'avaient plus de revendications. D'ailleurs, je ne connais pas une seule catégorie en France qui n'en ait plus ! Mais, justement, nous travaillons avec elles à fixer les priorités, car vous êtes mieux placé que quiconque pour savoir que l'on ne peut pas tout faire en même temps. Ainsi, pour 2001, nous travaillons, comme je l'ai déjà indiqué, à la remise à plat du système des allocations logement - domaine où les problèmes sont considérables, notamment en ce qui concerne les jeunes - et de celui des modes de garde.

Je sais que les familles ont des besoins importants et que nombre de leurs demandes ne sont pas encore satisfaites. Aussi, ce travail, nous allons le poursuivre et, peu à peu, nous allons améliorer les choses.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 330.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 332 et 609.

L'amendement no 332 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 609 est présenté par MM. Goulard, Mattei, Dord, Nicolin et Proriol.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le II de l'article 7. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 332.

M. Bernard Accoyer.

C'est un amendement de repli, malheureusement, puisque, nous n'avons pas été suivis dans notre demande de suppression de l'article 7.

Contrairement à ce que dit Mme le rapporteur, qui devrait être censée défendre les intérêts des familles, é tant donné son titre, l'article 7 réduit la hausse de prestations auxquelles ont légitimement droit les familles. C'est pourquoi nous en avions proposé la suppression.

Des artifices vous ont permis, madame le rapporteur, de nous opposer des arguments techniques arides, mais nous sommes ici, non pour tenir des discours technocratiques, mais pour répondre aux attentes des familles, qui constatent, année après année, que la solidarité de la nation à leur égard diminue. Vous ne devriez pas entrer dans ce jeu pervers qui est le même que celui que nous infligent les comptables au coeur aride qui ne manipulent que les équilibres budgétaires. Vous êtes là, au contraire, pour défendre les familles et leur donner la juste place qu'elles méritent.

En émettant un avis favorable sur cet amendement de repli, madame le rapporteur, et vous, mes chers collègues, en l'adoptant, vous feriez un petit geste en faveur des familles, c'est-à-dire de ceux qui constituent le coeur de la solidarité entre les générations. Ce serait la moindre des choses, d'autant que la hausse en question serait inférieure à 1 %.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'interv iens immédiatement, monsieur le président, car

M. Accoyer continue sur le même ton.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Mme le rapporteur a sans doute moins de mal à avoir un coeur qui bat pour les familles, étant donné la politique que nous menons, que M. Accoyer qui a voté le blocage des allocations familiales en 1996, faisant ainsi preuve d'aridité de coeur.

Mme le rapporteur a très bien démontré tout à l'heure le bien-fondé de la politique familiale que nous mettons en place, en grande partie grâce aux associations familiales qui nous aident dans cette démarche.

Je crois que ce débat mérite mieux que ce ton et que ce type d'insultes permanentes : nous serions incompétents, nous aurions le coeur aride, nous nous livrerions à des détournements de fonds, à du racket. En fait, nous, nous faisons avancer les choses, comme en témoignent l'excédent de la sécurité sociale et la baisse du chômage !

M. Pascal Terrasse.

Ça, ça énerve la droite !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Alors, sortons de ce discours et parlons de ce qui intéresse les Français. Nous y gagnerions beaucoup, et la démocratie aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

Madame la ministre, je suis tout à fait d'accord avec vous : ayons du coeur, ayons beaucoup de coeur...

M. Pascal Terrasse.

Voilà quelqu'un de bien !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... et faisons en sorte que, parmi les dépenses publiques dont on a dit hier qu'elles étaient peut-être trop élevées, la priorité aille à la famille. Je suis sûre que l'unanimité se fera sur ce point.

Veillons aussi à ce que les dépenses du PACS ne viennent pas réduire celles consacrées à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Les bénéfices, les revenus financiers, les placements, il ne faut pas y toucher !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Faisons en sorte que la famille soit traitée comme elle doit l'être ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour une très brève intervention.

M. Bernard Accoyer.

Mme la ministre m'a interpellé de manière assez brutale et j'en suis encore traumatisé.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame la ministre, vous comparez deux périodes qui sont complètement différentes.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça, c'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

En 1993, il a fallu combler les déficits gigantesques que vous avez laissés après votre départ.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour nous : 15 milliards en moyenne. Pour vous : 60 milliards !

M. le président.

Monsieur Accoyer, vous avez la parole, non pour refaire le débat, mais pour répondre, parce que vous avez été mis en cause.

M. Bernard Accoyer.

Nous avons dû assainir la situation, car la gestion précédente avait été complètement irresponsable. A l'époque, nous étions dans une période de stagnation.

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous demande de ne pas intervenir sur le fond. Concluez.

M. Bernard Accoyer.

Bref, il a fallu remettre le pays sur les rails, le qualifier pour l'euro, pour qu'il puisse repartir ensuite. Grâce à notre action, il est reparti, et vous bénéficiez de cette période de croissance. Tant mieux pour la France ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On se demande vraiment pourquoi le Président a dissout !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 609.

M. François Goulard.

Nous insistons sur ces mesures qui permettraient, si la majorité nous suivait, d'attribuer quelques milliards de plus à la politique familiale.

Je n'ai pas l'intention de rouvrir un débat qui a déjà été très long, mais je tiens à indiquer que, avec le vote de la proposition de loi sur le PACS (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), vous avez, notamment par le biais de la déclaration unique et de la baisse des droits de mutation à titre gratuit, attribué des avantages fiscaux à des couples qui, par définition, ne sont pas destinés à avoir des enfants, et ces avantages peuvent être évalués à plusieurs milliards - le chiffre exact ne peut évidemment pas être connu pour l'instant, puisque personne ne sait quel sera le succès de cette nouvelle modalité de vie commune que vous avez souhaité instaurer. Il est clair toutefois que vous n'avez pas hésité à consacrer plusieurs milliards en faveur de cette politique.

Nous insistons donc pour que, sur des montants sans doute plus modestes, vous fassiez un geste en faveur des familles. Ce qu'elles apportent à leurs enfants, et par là même à la société, mérite bien des sacrifices financiers du même ordre que ceux que vous avez consentis à l'occasion du vote du PACS. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 332 et 609 ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Je ne veux pas laisser se poursuivre l'amalgame entre le PACS et la famille, qui n'ont rien à voir.

M. Bernard Accoyer.

Vous auriez pu affecter à la famille les 8 milliards consacrés au PACS !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Ce genre de réflexion commence à suffire.

Les électeurs que nous rencontrons dans nos circonscriptions...

M. François Goulard.

C'est original !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

... nous disent qu'ils ont eu beaucoup de soucis pendant quelque temps : gel des prestations familiales en 1996, gel des plafonds de ressources en 1996 et en 1997,...

M. Bernard Accoyer.

Voulez-vous que nous rappelions ce qu'a fait Mme Aubry ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

... réduction de l'allocation de rentrée scolaire de 500 francs, gel des allocations logement en 1995 et en 1996, avec près de 2 milliards non redistribués aux familles, et j'en passe...

M. Bernard Accoyer.

Et la loi de 1994 ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Vous ne pouvez pas dire n'importe quoi. Les familles sont une préoccupation pour nous tous, et pour notre part nous souhaitons continuer, comme le Gouvernement et la majorité le font depuis 1997, à tenir nos engagements, au lieu de voter des lois qui ne sont pas appliquées ensuite.

Pour ce qui est des amendements de suppression de l'article 7, la commission les a rejetés. Sinon, ce seront 340 millions de francs supplémentaires qui ne seront pas distribués aux familles. Les Français jugeront !

M. François Goulard.

La formule est originale !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Cette intervention de Mme le rapporteur est ubuesque !

M. Bernard Accoyer.

Et les 8 milliards du PACS ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur les deux amendements.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Pour le Gouvernement, il est exclu de supprimer pour 2000 le rattrapage de 0,3 point, qui va permettre une revalorisation des BMAF de 0,5 %. Sans le coup de pouce du Gouvernement, elle n'aurait été que de 0,2 %.

Nous entendons, année après année, accroître le pouvoir d'achat, consolider les prestations, mais aussi élargir les réponses en fonction des besoins réels des familles. Et ces besoins, aujourd'hui, concernent l'élévation de l'âge des enfants à charge et la diversité des modes de garde et d'accueil des jeunes enfants : ces deux chantiers sont ouverts pour l'année prochaine.

Quoi qu'il en soit, dès cette année, nous répondons aux attentes des familles par cet article 7, d'une manière concertée, avec le mouvement familial, qui nous a accompagnés dans la réflexion et dans la décision.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Il faut bien se comprendre : des amendements de suppression peuvent avoir pour but de remettre sur le chantier des éléments, afin de parvenir à de nouvelles bases d'indexation. La présentation qui en est faite par Mme le rapporteur est donc trompeuse et pas très honnête.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Elle est juste !

M. Patrick Delnatte.

Pourtant chacun connaît cette mécanique parlementaire.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 332 et 609. (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - I. - Au chapitre II du titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale, l'article L. 512-3 est ainsi modifié :

« 1o Le 3o est abrogé ;

« 2o Il est créé un dernier alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, pour l'attribution du complément familial et de l'allocation de logement mentionnés aux 3o et 4o de l'article L. 511-1 et à l'article L. 755-21, l'âge limite peut être différent de celui mentionné au 2o du présent article. »

« II. Les dispositions du 2o du I sont applicables, à compter du 1er janvier 2000, au titre des enfants nés à compter du 1er janvier 1980.

« III. L'article 22 de la loi no 94-629 du 25 juill et 1994 relative à la famille est abrogé au 31 décembre 1999.

« IV. A l'article L. 755-21 du code de la sécurité sociale, il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret fixe l'âge limite pour l'ouverture du droit à cette allocation pour tout enfant dont la rémunération n'excède pas le plafond mentionné au 2o de l'article L. 512-3 à condition qu'il poursuive des études, ou qu'il soit placé en apprentissage ou en stage de formation professionnelle au sens du livre IX du code du travail, ou qu'il se trouve, par suite d'infirmité ou de maladie chronique, dans l'impossibilité constatée de se livrer à une activité professionnelle. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Cet article démontre, s'il en était besoin, l'indigence de votre politique familiale. Selon nous, la France a besoin d'une grande politique familiale - cela a été rappelé excellement par MM. Delnatte, Accoyer et Goulard - pour préparer l'avenir, car, sans enfants, il n'y a pas d'avenir.

Je ne reviens pas sur la perte du pouvoir d'achat que subissent les prestations familiales. Cette perte ne date pas d'hier - on pourrait remonter à 1981 - mais elle sera aggravée.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

En 1981, le taux d'inflation était tout autre !

M. Jean-Luc Préel.

Les familles considèrent que l'augmentation qui leur a été accordée en 1999 comme un rattrapage partiel. Comme elles constatent que l'inflation prévue pour 2000 est de 0,9 %, et que l'augmentation du taux implicite du PIB, comprenant le loyer,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous êtes sûr que vous ne vous trompez pas d'article ?

M. Jean-Luc Préel.

... est de 1,2 %, elles comprendront rapidement que l'augmentation de 0,5 % n'est pas un réel coup de pouce.

Je ne reviens pas non plus sur vos fluctuations : la mise sous condition de ressources des allocations familiales puis le rétablissement de l'universalité, la baisse de l'AGED, celle du quotient familial, avec ses conséquences sur l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Ça va durer combien de temps ? C'est toujours le même baratin !

M. Jean-Luc Préel.

J'aimerais ne pas être interrompu par Mme la secrétaire d'Etat, qui est ici pour donner des informations objectives et intéressantes et non pour interrompre les orateurs !

M. le président.

Poursuivez votre intervention, monsieur le député.

M. Jean-Luc Préel.

J'ai connu des ministres plus paisibles, comme M. Bianco.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mais je n'ai rien dit !

M. le président.

Monsieur Préel, poursuivez votre intervention dans le calme, qui est apparemment revenu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

M. Jean-Luc Préel.

Vous n'avez entrepris aucune simplification des vingt-trois prestations et des 15 000 références existantes, ingérables, incompréhensibles pour les bénéficiaires, et qui dans certains cas engendrent des conséquences injustes, comme l'a montré une analyse de la CNAF que vous avez certainement reçue.

Vous nous proposez très modestement de prolonger jusqu'à vingt et un ans l'attribution du complément familial et l'aide au logement. Mais surtout, vous proposez, dans le III de l'article 7, d'abroger l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994, qui comportait notamment une mesure très attendue des familles : l'extension des prestations audelà de vingt ans, c'est-à-dire à l'âge où les enfants coûtent le plus cher. Vous arguez du fait que cette loi n'avait pas été appliquée en 1997. Mais elle prévoyait que cette disposition devait être mise en oeuvre le 31 décembre 1999, mais pas forcément plus tôt. Aujourd'hui, la branche est excédentaire ; vous êtes au pouvoir depuis deux ans et demi ; vous auriez parfaitement pu appliquer cette disposition. Vous avez même la possibilité de la prolonger d'un an. Si vous ne pouvez pas le faire cette année, prolongez la date d'un an afin de pouvoir le faire l'année prochaine ; c'est d'ailleurs ce que nous proposons dans un amendement que nous examinerons dans quelques instants.

Mais si vous voulez abroger la loi de 1994, c'est très probablement parce que vous ne souhaitez pas prolonger le versement des prestations au-delà de vingt ans, c'est-àdire au moment où les enfants coûtent le plus cher, et, bien entendu, nous le regrettons.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Avec les dispositions de l'article 8, le Gouvernement voudrait nous faire croire qu'il apporte un plus aux familles. En réalité, le texte n'améliore les conditions d'âge et d'accès que pour quelques prestations, pour toutes les autres, c'est le contraire. Nous aurons l'occasion, par une série d'amendements, de proposer à nos collègues de revenir sur ces dérapages qui ne sont pas favorables à la famille.

D'une façon générale, nous considérons que cet article n'est pas bon et nous voterons par conséquent contre.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Bernard Accoyer.

Un homme de paix et de consensus !

M. Pascal Terrasse.

Cet article élève à vingt et un ans l'âge pris en compte pour le versement de certaines prestations ; cette mesure a été prise lors de la conférence de la famille, le 7 juillet dernier, et annoncée par le Premier ministre. Deux prestations sont concernées. L'âge auquel les enfants ouvrent droit au complément familial et à l'aide au logement est donc porté à vingt et un ans.

L'âge moyen d'entrée dans la vie active a augmenté et est aujourd'hui de vingt-trois ans. Bien entendu, les emplois-jeunes sont susceptibles de permettre aux jeunes d'entrer un peu plus tôt dans la vie active à la fin de leurs études.

M. François Goulard.

S'ils sont dans une impasse !

M. Pascal Terrasse.

L'allongement de la scolarité se traduit par un coût financier qui pèse sur les familles, je pense à celles qui n'ont pas d'université à leur porte, à celles qui vivent en milieu rural, pour lesquelles les coûts de transport et de logement sont particulièrement importants. On note par ailleurs une augmentation du nombre des familles monoparentales.

La mesure annoncée par le Premier ministre à la conférence de la famille, le 7 juillet dernier, correspond donc parfaitement aux attentes des familles, en particulier de celles qui sont éloignées des lieux de formation.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Cet article, s'il représente une amélioration pour quelques prestations, n'en supprime pas moins la loi de 1994. Je rappelle que la loi Veil avait, entre autres objectifs, celui d'améliorer la situation des familles ayant à charge des enfants adultes et de contribuer à la solution du problème de la garde des jeunes enfants.

Permettez-moi de vous dire que vos initiatives vont vraiment à l'encontre de ces deux objectifs.

D'abord, l'article 8 abroge toutes les dispositions relatives au relèvement, avant le 31 décembre 1999, de l'âge limite à vingt-deux ans pour l'ouverture des droits aux prestations familiales. Une véritable volonté politique dans le domaine familial ne se contenterait pas d'améliorer les conditions d'accès pour trois allocations sur vingtquatre, mais prolongerait la loi de 1994.

Nous avons procédé à un gel parce qu'il fallait redresser les comptes sociaux à un moment où la croissance s'était arrêtée. Et alors que tous les facteurs sont favorables, non seulement vous refusez de prolonger la loi, mais vous la supprimez. C'est vraiment une erreur.

Mme le rapporteur ayant insisté sur les initiatives de la majorité, je rappelle que la mise sous condition de ressources des allocations familiales, en 1998, a remis en cause le principe fondamental de l'universalité de la politique familiale.

Le Gouvernement avait dit à l'époque que ce dispositif était transitoire et qu'il durerait jusqu'à ce que soit décidée une réforme d'ensemble des prestations et des aides fiscales aux familles.

M. François Goulard.

Eh oui ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est ce qui a été fait !

M. Patrick Delnatte.

Mais devant l'ampleur des protestations des mouvements familiaux, de l'opposition parlementaire, des syndicats, et même de certains au sein de la majorité plurielle, le Gouvernement a été obligé de revenir, dès 1999, sur cette décision, il a opté pour un abaissement du plafond du quotient familial. Nous sommes très loin de la réforme d'ensemble qu'il avait annoncée.

Le plafonnement du quotient familial est certes moins pénalisant pour la majorité des familles allocataires que la mise sous conditions de ressources, mais il y a des exceptions.

D'abord les familles aisées. Je sais bien que, sur certains bancs, il est de bon ton de taper sur ces familles, mais une famille nombreuse, quelle que soit sa situation sociale, contribue à l'avenir de la société.

Deuxième exception : les 425 000 familles qui ont un enfant à charge ou dont les enfants rattachés au foyer fiscal ont plus de vingt ans. Ces familles, qui ne touchaient pas les allocations familiales, subissent de plein fouet la baisse du quotient familial.

M. François Goulard.

Eh oui ! M. Patrick Delnatte. Quant au problème de la garde des jeunes enfants, vous avez annoncé une réflexion en vue de remettre à plat les prestations de la petite enfance pour 2000 et 2001, et c'est très bien, mais, dès votre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

arrivée, vous avez remis en cause la loi de 1994 en réduisant l'AGED et en diminuant de moitié la réduction fiscale pour emplois familiaux. Il aurait sans doute été plus habile d'engager d'autres réformes permettant d'améliorer la garde des enfants que de supprimer des avantages sans les compenser par ailleurs.

En outre, il conviendrait, au regard de l'économie que vous avez réalisée et qui figure dans le rapport, de mesurer l'impact de cette mesure sur la diminution de l'emploi, sur l'accroissement du travail au noir et donc sur les pertes de cotisations ; ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour des comptes.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia et M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'article 8 est relativement ambigu car il donne l'impression d'augmenter le nombre de bénéficiaires de certaines prestations, mais abroge surtout l'article 22 de la loi de 1994. Notre point de vue est donc plus que réservé.

J'ajouterai à l'excellente intervention de notre collègue Delnatte que la suppression de l'AGED et, accessoirement, de l'avantage fiscal a eu des conséquences très défavorables. En diminuant l'AGED comme vous l'avez fait, vous avez touché non pas les catégories aisées, qui sont souvent votre cible, mais les catégories moyennes, auxquelles le Premier ministre semble curieusement s'intéresser de manière prioritaire désormais. Vous avez touché des couples dont les deux parents travaillent, disposent de revenus cumulés satisfaisants mais pas très élevés, et qui apppréciaient beaucoup cette allocation qui leur permettait d'employer, souvent à temps partiel, d'ailleurs, des personnes à domicile. Cette perte est considérable et elle complique la vie de nombreux jeunes parents, en particulier dans les grandes agglomérations, où les temps de transport ne font qu'ajouter aux difficultés des femmes qui ont une activité professionnelle prenante.

Vous avez également empêché qu'un certain nombre de personnes soient employées autrement qu'au noir.

C'est donc un double recul qui a résulté de cette mesure malheureuse, laquelle, je le répète, a touché beaucoup plus les catégories moyennes que les catégories les plus aisées.

Cela nous fait dire que votre politique familiale n'est pas à la hauteur de l'attente des Français. Les propos mêmes de Mme Aubry, qui nous a expliqué qu'elle était en train d'étudier avec certaines associations familiales diverses mesures de nature à favoriser la garde des enfants, montrent bien qu'après deux ans et demi d'exercice de ce gouvernement on commence seulement à réfléchir à un sujet aussi fondamental, alors que vous avez annulé des mesures favorables immédiatement après votre arrivée.

Il y a donc une discordance entre vos mesures de suppression et des mesures en faveur des familles qui ne sont qu'éventuelles car elles n'ont pas été arrêtées à ce jour , ce que nous ne pouvons manquer de souligner.

M. Yves Bur.

Comme d'habitude !

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Cet article permet une amélioration de la législation pour le versement de trois prestations : le complément familial, l'APL et l'allocation logement. Tenant compte des conclusions de la conférence de la famille, le dispositif permet de reculer l'âge des enfants de vingt à vingt et un ans pour l'ouverture du droit à ces trois prestations. Pour les dizaines de milliers de familles intéressées, il s'agit là d'une avancée.

L'adaptation de la législation démontre qu'il est nécessaire d'engager une réflexion globale sur les moyens de vivre des jeunes adultes, qu'ils soient en apprentissage, étudiants ou au chômage. Je rappelle que 75 % des jeunes vivent chez leurs parents à vingt ans et 55 % à vingt-deux ans.

P rolonger ces trois prestations est intéressant et conforme à la justice. Mais on voit aussi les limites de ces prestations, on comprend qu'il est urgent de prendre d'autres mesures en faveur des jeunes adultes.

Cette prise en compte de leurs difficultés ne nous laisse pas insensibles, car nous rencontrons tous les jours des jeunes qui vivent encore dans leur famille, celle-ci étant souvent confrontée à des difficultés. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons obtenir encore plus afin de favoriser l'autonomie des jeunes, qu'il s'agisse du logement ou d'autres éléments, mais le dispositif du projet répond globalement aux problèmes posés, comme je l'ai dit lors de la conférence de la famille, et le groupe communiste votera par conséquent cet article.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je reviendrai sur un certain nombre d'arguments qui ont été développés avec une mauvaise foi évidente.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

Soyez pondérée et raisonnable, madame la secrétaire d'Etat ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je suis très pondérée et très calme...

M. Jean-Luc Préel.

Non ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... et ce n'est pas parce que vous vous livrez à des incantations et lancez des allégations fausses pour étayer votre démonstration que vous avez raison. Vous avancez des chiffres qui ne tiennent pas.

M. Jean-Luc Préel.

M. Bianco était raisonnable ! M. Sautter l'est aussi ! Mais vous, vous ne l'êtes pas ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le pouvoir d'achat des familles n'a pas diminué.

Bien au contraire, nous proposons cette année de l'augmenter de 0,3 % par rapport à l'augmentation des prix liée à l'inflation.

M. Jean-Luc Préel.

Le taux d'inflation est de 0,9 % et l'augmentation du PIB de 1,2 % !

M. le président.

Monsieur Préel, s'il vous plaît, laissez parler Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Merci, monsieur le président.

Vous savez, mesdames, messieurs les députés, car cela a été affirmé à plusieurs reprises, que la prise en charge des jeunes adultes constitue une des priorités de la politique familiale du Gouvernement, qui s'affirme depuis deux ans. Au total, 73 % des jeunes de vingt ans habitent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

encore chez leurs parents. C'est ainsi que l'âge limite pour l'attribution des prestations familiales ont été étendus de dix-huit à dix-neuf ans en 1998, de dix-neuf à v ingt ans en 1999. Ces mesures ont concerné 120 000 familles chaque année et ont représenté un coût de 1 milliard de francs.

Dans la même logique, et afin d'éviter une suppression brutale de toutes les prestations familiales en même temps, dès qu'un jeune atteint sa vingtième année, le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la conférence de la famille du 7 juillet 1999, de prolonger à vingt et un an l'âge limite pour deux prestations spécifiques : le complément familial et les aides au logement.

Ces mesures, d'un coût de 500 millions de francse n 2000 pour la branche famille, bénéficieront à 175 000 familles. Le versement de toutes les prestations familiales jusqu'à vingt-deux ans, que vous appelez de vos voeux depuis le début de ce débat, coûterait 7 milliards de francs supplémentaires par an à la branche famille.

Vous savez bien que, au-delà des problèmes de financement, la meilleure façon d'aider les jeunes n'est pas de les maintenir dans le giron familial, mais plutôt de leur permettre d'accéder à une vie autonome, de s'insérer dans la société, en prenant en compte les solidarités familiales, et en particulier le maintien des enfants au domicile familial.

Certains voudraient que nous prolongions la loi famille de 1994. Je rappelle que cette loi n'était pas financée, qu'elle ne correspondait pas aux attentes des familles, et nous nous en sommes bien rendu compte lors de la concertation qui a eu lieu.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia et M. Patrick Delnatte.

C'est faux ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Depuis deux ans, nous avons engagé une rénovation progressive de la politique familiale pour répondre aux besoins des familles en fonction de la réalité des conditions de vie et des besoins d'aujourd'hui.

La mise sous condition de ressources des allocations familiales qui a été décidée en 1997 a effectivement fait l'objet d'une opposition forte que nous avons entendue et qui a conduit à revoir la totalité de la politique familiale, afin que celle-ci réponde mieux aux besoins. Mais, à aucun moment, lors de la concertation que j'ai menée avec le mouvement familial, le principe de solidarité avec les familles qui en ont le plus besoin, le principe de rééquilibrage, n'a été contesté.

Le mouvement familial, que vous semblez contester et minorer, ce ne sont pas quelques associations familiales, c'est l'UNAF, qui est une institution, en quelque sorte le Parlement de la famille. Nous continuons à travailler avec toutes les composantes de l'UNAF, qui nous dit ellemême que la priorité c'est la prise en compte des familles qui ont le plus besoin de l'aide des pouvoirs publics, c'est-à-dire celles qui ont des bas revenus, où il y a un seul parent pour élever les enfants, celles qui continuent d'héberger les enfants à leur domicile au-delà de dix-huit ans.

Nous avons cherché à définir des dispositifs répondant au mieux à ces attentes et nous construisons pas à pas, année après année, une politique familiale conforme aux voeux des familles. Nous n'avons aucune certitude, nous n'assénons aucune affirmation, nous travaillons en concertation avec le mouvement familial : c'est ça qui vous dérange et que vous avez du mal à admettre.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je reviendrai sur l'affirmation de M. Delnatte, selon qui les mesures que nous prenons ne profitent pas à toutes les familles car nous aurions diminué l'aide pour la garde d'enfant à domicile. Il faut arrêter ce refrain ! Les familles qui ont souffert d'une diminution de l'AGED sont celles qui ont des revenus annuels supérieurs à 300 000 francs. Peut-on considérer que ces familles ont des problèmes spécifiques ? Sont-elles représentatives des familles moyennes, que vous invoquez continuellement ? M. Goulard se plaint de la diminution du plafond du quotient familial et dit qu'elle fait perdre beaucoup d'argent à ces familles. Mais les familles qui ont payé un peu plus d'impôts cette année ont récupéré la totalité des allocations familiales qu'elles avaient perdues du fait de la mise sous condition de ressources. Et elles commencent à payer plus lorsqu'elles ont 38 000 francs de revenu mensuel pour deux enfants et 43 700 francs de revenu mensuel pour trois enfants. Je ne pense pas que ce soit le niveau de revenu d'une famille moyenne, ou alors, effectivement, nous ne fréquentons pas les mêmes familles et nous n'avons pas la même conception de ce qu'est le niveau moyen de vie dans notre pays.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'émettrai par conséquent un avis défavorable à l'adoption des amendements qui portent atteinte à cet article.

M. Pascal Terrasse.

Très bien !

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 384, 333, 334, 335 et 336, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 384, présenté par M. Delnatte, est ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa du I de l'article 8, après les mots : "à l'article L. 755-21", insérer les mots : "ainsi que pour l'attribution de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'allocation d'éducation spéciale et de l'allocation de parent isolé".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes sont compensées, à due concurrence, par une taxe additionnelle au profit des organismes de sécurité sociale sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 333, présenté par MM. Accoyer, Demange, Robert Lamy, Mariani, Masdeu-Arus et Muselier, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 8, après les mots : "à l'article L. 755-21", insérer les mots : "ainsi que pour l'attribution de l'aide personnalisée au logement mentionnée à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation". »

L'amendement no 334, présenté par MM. Accoyer, Demange, Robert Lamy, Mariani, Masdeu-Arus et Muselier, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 8, après les mots : "à l'article L. 755-21", insérer les mots : "ainsi que pour l'attribution de l'allocation d'éducation spéciale ". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

L'amendement no 335, présenté par MM. Accoyer, Demange, Robert Lamy, Mariani, Masdeu-Arus et Muselier, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 8, après les mots : "à l'article L. 755-21", insérer les mots : "ainsi que pour l'attribution de l'allocation de soutien familial". »

L'amendement no 336, présenté par MM. Accoyer, Demange, Robert Lamy, Mariani, Masdeu-Arus et Muselier, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 8, après les mots : "à l'article L. 755-21", insérer les mots : "ainsi que pour l'attribution de l'allocation de parent isolé". »

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir l'amendement no 384.

M. Patrick Delnatte.

Madame la secrétaire d'Etat, je v oudrais faire au préalable une remarque sur les 300 000 francs de revenus annuels auxquels vous avez fait allusion.

Vous envisagez la situation dans une optique d'équité, ce qui répond à une préoccupation légitime. Mais on doit aussi se préoccuper de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il y a les services !

M. Patrick Delnatte.

Il faut que la société aide un peu à cette conciliation, à moins que de considérer que nous devions régresser dans ce domaine. En ce qui nous concerne, nous sommes favorables à cette conciliation, ainsi qu'au libre choix pour les parents - l'homme comme la femme - d'exercer parfaitement leur liberté.

Vous faites toujours état de l'accord des associations familiales concernant l'extension des mesures jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Mais nous rencontrons, nous aussi, les associations familiales, telles que l'UNAF ou les associations qui la composent, et elles ne nous disent pas toujours ce que vous dites. Tiendraient-elles des langages diff érents ? Cela m'étonnerait beaucoup, car nous les entendons depuis longtemps.

Ces associations continuent d'affirmer que l'article 22 de la loi de 1994, qui prévoyait le relèvement du plafond d'âge jusqu'à vingt-deux ans pour toutes les allocations afin de régler le problème des jeunes adultes à la charge de leurs parents, reste encore une priorité, parce qu'elles vivent ces situations tous les jours.

Quelles sont les allocations concernées ? L'aide personnalisée au logement, l'allocation d'éducation spéciale attribuée aux personnes assumant la charge d'un enfant handicapé dont le taux d'incapacité est égal ou supérieur à 80 % et l'allocation de parent isolé. Le Gouvernement motive le relèvement limité à l'âge de vingt et un ans, et pour deux seules allocations seulement, par le fait que la mesure coûterait entre 7 et 8 milliards de francs. Vous ne m'empêcherez pas, madame, de mettre en parallèle le financement de 7 à 8 milliards prévu pour le PACS. Cela vous gêne, mais il s'agit là d'une réalité objective !

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Patrick Delnatte.

Actuellement, on compte un million et demi de jeunes âgés de vingt à vingt-deux ans.

Un chiffre est significatif : quelle est l'augmentation du coût d'un enfant suivant son âge ? 28 % pour un enfant de quinze à dix-neuf ans, mais 41 % pour un jeune âgé de vingt à vingt-quatre ans. Le problème est donc réel, d'autant plus que nombre d'enfants poursuivent des études. Mais il convient de prendre aussi en considération le chômage des jeunes adultes.

Vous dites qu'il vaut mieux favoriser l'autonomie de ces jeunes. Mais l'Etat n'a pas les moyens de la financer ! On peut toujours prendre des initiatives, mais celles-ci sont toujours ponctuelles.

Favorisons donc aussi la solidarité familiale, parce que celle-là est tout à fait naturelle et qu'elle coûtera beaucoup moins cher.

M. Jean-Pierre Delalande.

Très juste !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour présenter les amendements, nos 333, 334, 335 et 336.

M. Bernard Accoyer.

Ces quatre amendements visent à écarter des dispositions prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale quatre prestations. Ces dispositions reviennent sur la loi de 1994, grande loi sur la famille s'il en est, que le Gouvernement est en train de démanteler, fidèle en cela à sa ligne de conduite quant à son action envers les familles.

Les quatre prestations concernées sont l'APL, l'allocation de soutien familial, l'allocation de parent isolé et l'allocation d'éducation spéciale.

J'insisterai sur la dernière car elle n'est pas comme les autres : elle s'adresse à des familles qui ont une charge toute particulière, celle d'enfants handicapés. On ne peut pas traiter la situation de ces familles de la même façon que l'on traite d'autres situations dans un cadre purement budgétaire.

Vous décidez de revenir sur les règles concernant ces quatre allocations. Nous nous opposons à ce qui nous apparaîtrait comme un recul important.

L'allocation d'éducation spéciale, qui est l'objet de l'amendement no 334, est une allocation pour laquelle il faut que vous fassiez, ici même, un effort, à la faveur de la discussion parlementaire. Il ne faut pas s'opposer au relèvement concernant cette allocation - j'appelle sur ce point l'attention de tous mes collègues, et particulièrement celle de Mme Jacquaint, qui est très attentive à ces problèmes.

Tous les parents d'enfants handicapés vous le diront, le niveau de cette allocation est tout à fait insuffisant. De plus, les COTOREP se montrent souvent très réservées quant à son attribution et très restrictives quant aux taux qui permettent de la calculer lorsqu'elle n'est pas accordée à taux plein.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est vrai, mais ce n'est pas le Gouvernement qui en est responsable !

M. Bernard Accoyer.

Je demande avec beaucoup de solennité au Gouvernement de bien vouloir faire une seule exception en faveur de l'allocation d'éducation spéciale.

Nous connaissons les frais particuliers liés à la prise en charge des enfants handicapés, comme les insuffisances des structures d'accueil et des dispositifs d'intégration des handicapés. Mme Gillot les connaît bien aussi. Je voudrais donc pouvoir compter sur un geste en faveur des handicapés, qui aboutirait à l'adoption de l'amendement no 334.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements en discussion ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

L'article 8 vise à permettre aux familles de bénéficier de prestations complémentaires, au titre de leur enfant jusqu'à vingt et un ans, puisque, comme Mme Jacquaint l'a rappelé, plus de 75 % de jeunes de vingt ans sont encore chez leurs parents. Il était nécessaire, sur le plan de la solidarité familiale, d'avancer en ce domaine.

Je rappelle qu'en 1998 le plafond de l'âge pour les prestations familiales a été relevé à dix-neuf ans et, au 1er janvier 1999, à vingt ans. Ces relèvements, qui étaient pourtant prévus par la loi famille, n'ont pas été appliqués en leur temps.

La prise en charge des jeunes adultes passe par d'autres mesures que le seul versement des prestations, et notamment par des actions en faveur de l'autonomie de ces jeunes. Des réflexions sont en cours. Des mesures ont déjà été prises, telles que le programme TRACE et les emplois-jeunes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Cela n'a rien à voir ! Il ne faut pas tout mélanger !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

D'autres réflexions doivent porter sur les allocations d'insertion et sur l'indemnisation du chômage précaire des jeunes.

(Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Le problème des jeunes est un problème global, qui doit donc être envisagé dans son ensemble.

Le choix qui a été fait consiste à toucher les familles nombreuses, souvent les plus modestes,...

M. Bernard Accoyer.

Pour les toucher, vous les touchez ! Vous les coulez même !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

... par le biais du complément familial et, pour ce qui concerne le logement, d'agir aussi bien sur l'allocation de logement familiale que sur l'aide personnalisée au logement, toutes deux éléments essentiels de la solvabilisation des ménages.

L'amendement no 333, concernant l'APL, n'a pas été retenu cette année par la commission,...

M. Bernard Accoyer.

Et l'amendement no 334 ?

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

... non plus que l'amendement no 334.

M. Bernard Accoyer.

Arrêtez-vous quelques instants sur cet amendement !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Quant à celui qui concerne l'allocation de parent isolé, je ne vois pas très bien ce qu'il vient faire ici puisque cette allocation est versée jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant.

J'ajouterai que l'amendement qui porte sur l'allocation d'aide personnalisée au logement est satisfait par l'article 8, qui ne la vise pas expressément. Son régime relève en outre du code de la construction et de l'habitation. L'âge limite du versement de cette allocation sera pourtant relevé, comme celui de l'allocation de logement familiale.

En effet, l'APL renvoie au code de la sécurité sociale et à l'article L.

512-3 du code de la sécurité sociale, que le projet de loi modifie pour ce qui concerne la définition des personnes à charge.

La commission a rejeté les cinq amendements en discussion.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

La politique familiale est une, et notre rapporteur, avec toute la force de ses convictions et sa parfaite connaissance du dossier, vient de le rappeler une fois de plus, en utilisant le mot « solidarité ». La notion de solidarité est présente dans ce qu'on appelle le « parlement de la famille ».

La volonté de prendre en compte la situation des familles le plus en difficulté est très clairement affirmée, ainsi que notre rapporteur vient de le rappeler avec force.

Il faut, en outre, raisonner sur un plan global. On a annoncé, ce matin, que le nombre des chômeurs avait diminué en un mois de 83 600 ! Cette diminution du chômage concerne particulièrement les jeunes puisqu'ils comptent 5,2 % de chômeurs de moins. Le chômage chez les jeunes a diminué en un an de 25 %. On voit donc bien que l'on ne peut raisonner en isolant les problèmes les uns des autres.

Ainsi que vient de le dire Mme Clergeau, la volonté de maintenir un soutien pour les jeunes jusqu'à l'âge de vingt et un ans est une bonne chose, mais la véritable réponse aux problèmes est l'emploi, c'est-à-dire la diminution du chômage.

Le Gouvernement agit aux deux bouts de la chaîne, si j'ose dire, en prenant en compte des préoccupations qui sont très présentes lors des réunions du « parlement de la famille », avec lequel une négociation est conduite en permanence, et en faisant le maximum pour que la véritable réponse, qui est celle de l'insertion dans la société par le travail, soit donnée.

On commence à mesurer aujourd'hui, en dépit des dénégations de beaucoup d'entre vous, l'effet positif cumulé de la croissance, des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail. Voilà ce qui est en train de se faire ! Vous ne voulez pas prendre en compte cette réalité ! Vous ne voulez pas prendre en compte des résultats. Il n'empêche que les chiffres sont là. C'est la première fois que, depuis je ne sais combien d'années - une vingtaine, si ce n'est plus - on enregistre une baisse aussi spectaculaire du chômage, particulièrement en ce qui concerne les jeunes. Cela vient renforcer le discours de Mme Clergeau.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les cinq amendements ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit le président de la commission, qui a recadré la politique familiale dans l'ensemble de la politique gouvernementale menée depuis deux ans. Mais je voudrais apporter une précision sur l'allocation d'éducation spéciale, qui concerne les enfants handicapés.

Nous n'avons pas jugé utile de relever l'âge de perception de cette allocation puisqu'à partir de l'âge de vingt ans les enfants handicapés perçoivent l'AAH, qui est plus intéressante que l'allocation d'éducation spéciale.

M. Pascal Terrasse.

Cela, ils ne le savent pas !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ils ne savent rien, à part faire de la politique politicienne ! Ils ne connaissent pas les dossiers ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le relèvement de l'âge de perception de l'AES ne serait pas un avantage pour les familles qui ont un enfant handicapé à leur charge.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Concernant l'allocation de parent isolé, la remarque de M. Accoyer est inadaptée puisque cette allocation est versée pour des enfants ayant trois ans au plus. Relever l'âge de sa perception à vingt et un ans n'aurait donc aucun sens.

Je tenais à apporter ces précisions de détail pour vous montrer que l'esprit polémique qui anime vos interventions n'a pas lieu d'être : nous avons une vue d'ensemble de la politique familiale, et l'adaptation des dispositifs est de plus en plus précise, en fonction des besoins réels des familles.

Avis défavorable sur les cinq amendements.

M. le président.

La parole est à M. Accoyer, pour répondre au Gouvernement.

M. Bernard Accoyer.

Madame la secrétaire d'Etat, c'est l'orientation générale de votre politique en direction de la famille que nous contestons.

Vous venez de le rappeler : par définition, les allocations familiales sont fondées sur le principe d'universalité.

Or vous venez, mesdames, messieurs de la majorité et du Gouvernement, de nous expliquer une nouvelle fois que tout était désormais centré sur des prestations qui privilégiaient la notion de mise sous conditions de ressources, ce qui sous-entend une évaluation des revenus.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Vous dites n'importe quoi !

M. Bernard Accoyer.

Vous nous assurez que la branche famille doit désormais être un outil d'action sociale ciblée sur certaines populations particulières. Nous pensons, quant à nous, que la branche famille doit se voir appliquer un grand principe : l'universalité.

Nous avions cru comprendre que Mme la ministre de la solidarité elle-même avait été convaincue qu'on ne pouvait revenir sur ce principe lorsqu'elle avait dû reculer, abandonnant la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Or je vois que vous persistez dans cette voie. C'est cela que nous dénonçons en exprimant nos convictions !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 384.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 333.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 334.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 335.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 336.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 573, 472 et 610.

L'amendement no 573 est présenté par MM. Debré, Douste-Blazy, Rossi et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union p our la démocratie française-Alliance et du groupe D émocratie libérale et Indépendants ; l'amendement no 472 est présenté par MM. Préel, Bur, Blessig et Foucher ; l'amendement no 610 est présenté par MM. Goulard, Mattei, Dord, Nicolin, Proriol et Perrut.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le III de l'article 8. »

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir l'amendement no 573.

M. Patrick Delnatte.

Cet amendement, présenté par l'ensemble des groupes de l'opposition, affirme solennellement l'importance de la loi de 1994...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Non financée !

M. Patrick Delnatte.

... qui avait prévu de prolonger jusqu'à l'âge de vingt-deux ans le versement de toutes les p restations familiales si la branche connaissait un excédent. Or nous sommes dans une situation d'excédent.

Vous pouvez utiliser l'excédent de différentes façons - nous y reviendrons quand nous parlerons de la garantie de ressources de la branche -, mais une voie était ouverte qui était inscrite dans les tables de la loi. Vous voulez la remettre en cause. Il s'agit d'une erreur manifeste de votre part.

La loi famille est donc abandonnée, alors qu'une extension des droits, attendue par les familles qui ont besoin d'un soutien financier au moment où leurs enfants poursuivent des études coûteuses ou rencontrent des difficultés à s'insérer dans le marché du travail, est financièrement possible, même s'il faut l'étaler dans le temps.

Vous remettez en cause un principe de fond. Vous escamotez trop souvent l'universalité de la politique familiale. Or la famille est une donnée universelle. La diversité, c'est la solidarité, et l'universalité est une autre notion. Cela dit, les deux notions sont complémentaires, et il ne faut pas les opposer comme vous essayez de le faire. Nous sommes ici pour agir complètement dans le sens de la famille dans son universalité et dans sa diversité.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 472.

M. Jean-Luc Préel.

Après l'excellente argumentation de M. Delnatte, je ferai un bref commentaire.

Ce paragraphe III abroge la loi de 1994. Curieuse méthode pour répondre aux familles qui souhaitent l'extension des prestations au-delà de vingt ans - âge auquel les enfants coûtent le plus cher, nous sommes tous d'accord sur ce point - que de supprimer la loi de 1994 ! La branche est aujourd'hui excédentaire. Il est effectivement facile d'obtenir des excédents en n'augmentant pas les prestations. Nous proposons soit de supprimer, par cet amendement, le III pour ne pas abroger la loi de 1994 qui représente un réel progrès, soit de proroger, par un prochain amendement, ces dispositions jusqu'en 2001 afin de laisser le temps au Gouvernement de profiter des excédents pour mettre en oeuvre cette excellente loi de 1994 et étendre les prestations au-delà de vingt ans.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 610.

M. François Goulard.

Mon propos s'inscrit dans la ligne exacte des intervenants précédants, pour souhaiter que les heureux effets de la loi de 1994 puissent se poursuivre.

Nous nous réjouissons naturellement tous que la croissance, qui se confirme dans l'ensemble du monde développé, apporte, en France comme ailleurs, son lot d'emplois supplémentaires pour le bien-être de nos concitoyens. Et nous nous réjouissons également que cette croissance retrouvée facilite très largement la tâche du Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Mais, monsieur le président de la commission, vous dites que ces résultats en termes d'emplois sont à mettre au crédit des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail, dont je remarque qu'elle n'est pas encore entrée en vigueur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il y a quand même eu une première loi Aubry !

M. François Goulard.

Regardez ce qui se passe dans les autres pays qui connaissent la même croissance que nous.

Quand on regarde le nombre des créations d'emplois entre juin 1997 et juin 1999, derniers chiffres connus pour l'ensemble des pays de l'OCDE, on constate que la croissance amène, dans presque tous les pays, des créations massives d'emplois. On constate également que, à deux exceptions près, l'Allemagne et l'Italie, la réduction du chômage est plus forte dans les autres pays qu'en France. L'écart se creuse davantage encore avec des pays comme la Hollande ou les Etats-Unis, qui connaissaient déjà un taux de chômage beaucoup plus bas - à peu près la moitié de ce qu'il était chez nous.

Cessez donc de nous dire que la réduction du chômage est imputable aux fleurons de votre politique que sont les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail. La réduction du chômage est seulement imputable à la croissance. Elle est, malheureusement, un peu moins forte chez nous que chez nos voisins. Sans doute est-ce lié à des spécificités françaises. Mais ne faites pas comme le coq, cher à Edmond Rostand, qui pensait que le soleil se levait grâce à son chant matinal. Le retour de la croissance n'a rien à voir avec l'action gouvernementale. Cessez de vous parer de plumes qui ne sont pas les vôtres !

M. Claude Evin, rapporteur.

C'est le résultat de la dissolution !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Nous continuerons à mener une politique globale de la famille.

Je ne vois pas l'intérêt, pour les familles notamment, de s'appuyer sur une loi votée généreusement, certes, mais jamais financée...

M. Jean-Luc Préel.

Quel argument !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Ces amendements ont donc été rejetés par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 573, 472 et 610.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

MM. Debré, Douste-Blazy, Rossi et l es membres des groupes Rassemblement pour la République, Union pour la démocratie française-Alliance et Démocratie libérale et Indépendants ont présenté un amendement, no 574, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III de l'article 8 :

« III. Dans les I et II de l'article 22 de la loi no 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille, les mots : "au 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "au 31 décembre 2001". »

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Cet amendement a pour objet non pas de bloquer une situation, mais de laisser simplement un peu de temps pour vérifier si les propositions de la loi de 1994 peuvent trouver application dans une période de croissance. Cela a déjà été évoqué par notre col lègue Préel et ce serait une décision de sagesse.

Evidemment, le besoin existe, et les associations familiales le demandent. Je comprends que le Gouvernement ne puisse pas tout faire en même temps. Nous avons été confrontés à la même situation. Mais la différence entre ce que nous avons vécu, et la situation actuelle, c'est que nous sommes maintenant dans une période de croissance.

Il serait bon de profiter de cette croissance pour essayer de répondre à cette légitime préoccupation et à ce besoin essentiel des familles ayant des enfants à charge, en particulier de grands enfants. Nous vous proposons la date du 31 décembre 2001, ce qui laisse un délai raisonnable pour se retourner et agir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. La loi de 1994 était une loi virtuelle.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Eh oui !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Nous préférons, pour notre part, poursuivre une véritable politique de la famille.

M. Jean-Pierre Foucher.

Ce n'est pas une réponse !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 574.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - La Caisse nationale des allocations familiales bénéficie d'une garantie de ressources pour la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002.

« Les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales perçues au titre de l'année 2002 ne seront pas inférieures aux ressources de cette caisse pour l'année 1997 revalorisées, déduction faite de la subvention versée par l'Etat au titre de la majoration d'allocation de rentrée scolaire et d'un montant équivalent aux ressources transférées en 2000 à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés en vertu de l'article 10 de la loi no 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.

« Dans le cas contraire, constaté à l'issue de la période mentionnée au premier alinéa par la Commission des comptes de la sécurité sociale, un versement à la Caisse nationale des allocations familiales permet, dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale, de combler la différence observée.

« La revalorisation mentionnée au deuxième alinéa est égale à l'évolution du produit intérieur brut en valeur aux prix courants sur l'ensemble de la période visée au premier alinéa, mentionnée dans le rapport sur les comptes de la nation. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Encore ?

M. Jean-Luc Préel.

Mais oui, monsieur Recours, et nous aurons encore l'occasion de discuter longuement, parce que nous n'en sommes qu'à l'article 9 d'un projet de loi qui en comporte 37.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce sera avec grand plaisir !

M. Jean-Luc Préel.

Vous souhaitez préciser, par cet article, que vous garantissez à la CNAF une ressource minimale jusqu'en 2002. Cet article est peut-être attendu par la CNAF, qui redoute sans doute que vous ayez par ailleurs de mauvaises intentions.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Comme vous, en 1994 !

M. Jean-Luc Préel.

Lors du vote de la CMU, monsieur Recours, vous avez en effet tranféré 28 % de la CSG patrimoine de la CNAF vers la CNAM. Vous dites donc aujourd'hui : « Je vous ai pris 2 milliards, mais je ne recommencerai plus. »

M. François Goulard.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

Mais c'est une fausse garantie.

Chaque année, nous votons les lois de financement de l a sécurité sociale, qui comportent notamment les comptes de la branche famille. Il serait préférable d'appliquer la garantie de ressources prévue dans la loi de 1994, à l'article 34, et de dire, voire d'écrire que nous ferons le maximum pour développer et financer une réelle politique familiale dont les crédits pourraient être abondés au-delà de l'inflation. Par exemple, il serait très juste de faire profiter de la croissance les allocations familiales, audelà même de l'évolution du PIB. Cela aurait un véritable sens.

Ne nous contentons pas de cette garantie minimale que vous pourrez toujours abroger ultérieurement ou modifier, comme vous l'avez fait lors du vote de la CMU.

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, du point de vue de la politique familiale, la loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000 se caractérise par son absence d'ambition. Contrairement à ce que l'on aurait pu imaginer, les familles ne bénéficieront pas des fruits de la croissance.

Le Gouvernement avait pourtant promis d'assurer à la branche famille la reconduction de la garantie de ressources que nous avions créée en 1994 pour que ses recettes évoluent en même temps que le produit intérieur brut.

Vous avez déjà modifié, en les restreignant, certaines dispositions qui étaient favorables à la famille. Et au lieu de tenir loyalement votre engagement en lui donnant consistance pour les cinq années à venir, vous l'appliquez à la période allant de 1998 à 2002, en ne prévoyant aucun versement de l'Etat au titre de cette garantie avant l'expiration de cette période raccourcie.

Par ailleurs, l'essentiel de cette garantie de ressources sera absorbé par le transfert à la CNAF de la traditionnelle majoration de l'allocation de rentrée scolaire, jusqu'alors à la charge de l'Etat. A terme, ce sont 7 milliards de charges qui seront transférés de l'Etat à la sécurité sociale.

Par conséquent, le texte ne crée aucune nouvelle marge de financement pour compenser les reculs de la politique familiale enregistrés au cours des deux dernières années restrictions apportées à l'aide à la garde de jeunes enfants, abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu votée en 1996, aggravation du plafonnement du quotient familial, qui se répercute naturellement sur l'impôt sur le revenu et sur la taxe d'habitation, et plus récemment suppression des aides au temps partiel prévue dans la loi sur les 35 heures.

Il n'y a pas davantage de marge de financement pour permettre de relancer la politique familiale selon les indications du Président de la République, pour donner aux couples les moyens d'avoir autant d'enfants qu'ils le souhaitent et de les accueillir dans les meilleures conditions.

Cela supposerait d'améliorer le régime de l'allocation parentale d'éducation, de développer les capacités d'accueil des jeunes enfants en crèche comme au domicile, pour faire face, notamment, aux changements d'habitudes de travail. Cela supposerait aussi d'inciter fortement les partenaires sociaux à conclure des accords d'entreprise, afin de mettre en oeuvre des programmes d'action destinés à améliorer l'articulation entre vie de famille et vie professionnelle.

Enfin, permettez-moi de m'interroger, comme je l'ai déjà fait en défendant l'exception d'irrecevabilité, sur la place de ce dispositif dans une loi de financement annuel, alors qu'il s'agit d'une disposition qui ne prendra effet qu'en 2002.

Encore une fois, je tiens à déplorer, comme l'on fait mes collègues de l'opposition, l'absence d'ambition de votre politique familiale. Vous mettez en avant la nécessité qu'il y aurait à faire des économies et ne voulez pas vous donner les moyens d'une vraie politique de la famille, alors que les moyens existent.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

L'article 9 a l'intérêt de clarifier la question de la garantie de ressources de la branche familiale. La revalorisation des ressources est calculée à partir de l'évolution du PIB en francs courants, comme on l'a réclamé pour les allocations familiales. C'est une très bonne chose. Les modifications apportées éviteront peutêtre quelques contentieux du type de ceux que nous avons connus pour l'application de la loi de 1994.

Toutefois, vous n'instaurez une garantie que de 1998 à 2002, celle-ci n'est donc que temporaire. Le calcul des ressources n'est malheureusement opéré qu'en fin de période. Il aurait été beaucoup plus sage d'y procéder chaque année. Cela aurait évité de reporter certains débats à l'issue de cette période. Et d'ailleurs pourquoi 2002 plutôt que 2001 ou 2003 ? Le choix du terme paraît assez arbitraire.

En outre, la croissance espérée grâce à cette garantie de ressources est manifestement déjà hypothéquée.

La majoration de l'allocation de rentrée scolaire est mise à la charge de la branche famille, sans contrepartie.

Il n'y a que le milliard du FASTIF qui soit pris en charge par l'Etat, ce qui est sans commune mesure.

Cela nous amène à évoquer un problème de fond, sur lequel il serait bon qu'une concertation s'engage entre le Gouvernement et les associations familiales : celui des charges indues supportées par la branche famille qui doit gérer le RMI, l'allocation de logement destinée aux adultes, l'allocation adulte handicapé. Certains évoquent le chiffre de 34 milliards de francs ! Mais tant qu'on n'aura pas procédé à une mise à plat des dispositifs que la CNAF doit gérer, bien qu'ils ne relèvent pas de sa fonction, on ne pourra donner des chiffres précis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Si l'on procédait à cet examen objectif, on pourrait plus facilement affecter les excédents de la branche famille avec justesse de façon à répondre aux préoccupations des familles.

Nous vous proposons d'adopter une attitude plus pragmatique, qui permettrait d'y voir clair dans la gestion de la branche famille et renforcerait la confiance.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Sur cet article 9, il y a relativement peu de choses à dire, sinon que le Gouvernement s'engage à assurer le financement de cette branche de notre sécurité sociale, ce qui me paraît être le minimum.

Cela étant, j'ai entendu tout à l'heure Mme Gillot, secrétaire d'Etat à la santé, nous expliquer qu'il était anormal que des gens ayant des revenus moyens ou élevés bénéficient d'allocations familiales ou d'avantages fiscaux au titre de la politique familiale.

Il est bon d'expliquer que la politique familiale n'est pas un outil de redistribution entre les faibles revenus et les revenus moyens et élevés. Il y a d'autres outils pour cette redistribution, à commencer par l'impôt sur le revenu.

L'objet de la politique familiale est d'organiser une redistribution à niveau de revenu équivalent qui me semble tout à fait légitime.

Quand il s'agit de revenus modestes, ce n'est pas par l'impôt qu'on peut le faire, puisque ceux qui ont les revenus modestes paient peu d'impôt sur le revenu. Dans ce cas, c'est l'allocation qui joue un rôle. Voilà pourquoi, d'ailleurs, nous appelons de nos voeux une augmentation des allocations familiales et des autres aides qui peuvent exister sous diverses formes.

Mais quand il s'agit de revenus moyens, voire élevés, donc de contribuables qui paient l'impôt sur le revenu, il est normal qu'une redistribution ait lieu entre les familles qui ont des enfants - en particulier les familles nombreuses -, et les ménages qui n'en ont pas.

Quel que soit le niveau des revenus, il est parfaitement légitime et équitable qu'existent des avantages propres aux familles, destinés à leur faciliter la vie. On a pu constater, en effet, en appliquant certaines techniques qui permettent de mesurer de manière pondérée le pouvoir d'achat par membre de la famille, que les familles nombreuses sont extrêmement défavorisées par rapport aux autres.

Nous appelons donc à une véritable politique familiale q ui organiserait une redistribution entre toutes les familles, même celles qui bénéficient de revenus moyens, voire élevés. Cela nous paraît nécessaire pour le bien-être des familles, et plus particulièrement des enfants.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

L'article 9 instaure une garantie des ressources de la CNAF pour les années 1998 à 2002. Les différents ajustements opérés au cours de l'année 1999, avec le maintien de l'allocation de rentrée scolaire à taux majoré - 1 600 francs par enfant - et les modifications dans la répartition des ressources entre la CNAF et la CNAM consécutives à la création de la couverture maladie universelle, rendaient obligatoire une évolution de la loi. Ces ajustements permettent d'assurer une garantie de ressources dont l'intérêt est qu'elle est fondée sur le taux d'évolution du PIB.

Je souhaiterais revenir, madame la ministre, sur l'allocation de rentrée scolaire, dont l'engagement pris sur les ressources permet d'envisager le maintien à 1 600 francs jusqu'en 2002. Cette majoration constitue, pour les familles les plus modestes, une amélioration indéniable, compte tenu du coût que représente pour elles la rentrée scolaire en fournitures diverses et en vêtements.

Lors de la conférence de la famille, M. le Premier m inistre a bien annoncé le maintien de l'ARS jusqu'en 2002, mais nous souhaitons qu'elle soit pérennisée par son inscription dans le code de la sécurité sociale.

Nous voulions déposer un amendement à cet effet, mais l'article 40 nous a été opposé.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui ! qu'est-ce qu'on a souffert de cette irrecevabilité !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis étonnée d'entendre M. Préel et M. Bur remettre en cause le fait que la garantie de ressources de la CNAF soit assurée jusqu'en 2002.

Quant à M. Delnatte, qui est, m'a-t-on dit, un spécialiste de la branche famille,...

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... je suis surprise qu'il conteste cette innovation.

M. Patrick Delnatte.

Je ne la conteste pas et j'ai même dit que c'était une bonne chose !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je dois tout de même rappeler que c'est votre majorité qui avait institué la garantie de ressources dans la loi famille du 25 juillet 1994. La différence, c'est que nous, nous allons la respecter.

M. Bernard Accoyer.

Toujours l'anathème !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, c'est la vérité ! Cet engagement n'a pas été respecté parce que vous avez changé l'assiette des cotisations entre 1994 et 1997. Le manque à gagner s'est élevé à 1,3 milliard, sans aucune compensation, pour la branche famille, ce qui explique l'état dans lequel nous l'avons trouvée.

J'indique à M. Bur qu'il n'a pas à s'inquiéter : les ressources ôtées à la CNAF sont exactement compensées par la diminution des charges dont elle bénéficie à la suite du transfert à la branche maladie des dépenses relatives à la couverture maladie universelle.

P uisque vous souhaitez, monsieur Delnatte, une concertation ave le mouvement familial, je puis également vous rassurer. Les modalités de la garantie de ressources ont été discutées avec l'UNAF et ont obtenu son accord.

Les ressources de la branche famille évolueront comme le produit intérieur brut sur une période de cinq ans. Les familles peuvent compter sur la volonté du Gouvernement de poursuivre une politique familiale dynamique en maintenant les ressources de la CNAF et en consacrant ses excédents à des mesures nouvelles en leur faveur. Je suis heureuse que nous ayons pu assurer cette garantie de ressources, d'ailleurs saluée par l'UNAF.

Par ailleurs, monsieur Delnatte, nous devons effectivement continuer à vérifier que la distinction est bien faite entre ce qui relève de l'Etat et ce qui relève de la sécurité sociale. Cette année, par exemple, le FASTIF...

M. Patrick Delnatte.

1 milliard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh oui ! Ce n'est pas rien, 1 milliard.

M. Patrick Delnatte.

Mais ce n'est pas suffisant pour l'ARS !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Attendez ! L'allocation de rentrée scolaire n'est pas financée en une fois. Le Premier ministre, à la demande de la branche famille qui souhaitait la pérenniser, s'est engagé à ce que l'ARS devienne une vraie prestation familiale et reste à un niveau élevé : 1 600 francs aujourd'hui. Le financement de cette transformation en prestation familiale sera prélevé sur des excédents, complétés par diverses ressources comme le FASTIF. Son montant n'est pas à la hauteur du problème, mais nous n'en sommes qu'à la première année. Nous avons cependant tout intérêt à poursuivre cette clarification.

Comme Mme Gillot l'a indiqué, nous ne pensons pas du tout, monsieur Goulard, que les familles ayant le plus de revenus ne doivent pas bénéficier de prestations familiales : la politique familiale doit s'adresser à l'ensemble des familles. Simplement, il nous paraissait choquant, mais peut-être n'était-ce pas votre cas, que les familles les plus riches bénéficient des gardes d'enfants coûtant le plus cher à la collectivité. En effet, avant sa réforme, l'AGED coûtait 112 000 francs par an en moyenne et ses bénéficiaires, très peu nombreux - ils étaient 70 000 disposaient d'un revenu moyen de 32 000 francs par mois. Les crèches collectives, quant à elles, coûtent 71 000 francs par an pour des familles dont les revenus moyens sont de 17 000 francs. Si toutes les familles doivent être aidées - nous en sommes convaincus -, rien ne justifie que l'on aide davantage celles qui ont des revenus plus élevés.

Nous sommes en train, je l'ai dit, de retravailler le régime des modes de garde, car chaque famille doit pouvoir choisir, selon ses conceptions éducatives, entre le mode de garde individuel ou collectif, sans en être empêchée pour des raisons financières. Une concertation a été engagée avec les associations familiales, et c'est un des points essentiels que devra examiner, l'année prochaine, la conférence de la famille.

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 473 et 611.

L'amendement no 473 est présenté par MM. Préel, Bur, Blessig et Foucher ; l'amendement no 611 est présenté par MM. Goulard, Mattei, Dord, Nicolin et Proriol.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 9. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 473.

M. Jean-Luc Préel.

Nous demandons la suppression de l'article 9, car nous souhaitons que la garantie de ressources soit réelle. Il nous semblerait plus simple d'appliquer l'article 34 de la loi de 1994 et d'indiquer que, pour donner un coup de pouce réel chaque année, on prendra en compte, à l'avenir, l'inflation réelle ou, mieux encore, le taux implicite du PIB, ce taux intégrant le loyer, qui constitue une dépense très importante pour les familles.

M. le président.

L'amendement no 611 est-il défendu ?

M. Bernard Accoyer.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

La commission a rejeté les amendements de suppression.

L'article 9 reconduit le principe d'une garantie de ressources pour la CNAF. Il répond à une demande de tout le mouvement familial et a été discuté lors de la conférence de la famille. Lorsque nous lançons une concertation, c'est pour en tenir compte dans le cadre de la politique globale pour la famille que nous souhaitons mettre en oeuvre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 473 et 611.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Après l'article 9

M. le président.

MM. Goulard, Mattei, Dord, Nicolin et Proriol ont présenté un amendement, no 509, ainsi rédigé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 30 juin 1999, un rapport sur les conséquences pour les familles de la réforme de l'allocation de garde d'enfant à domicile mise en oeuvre dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

« Ce rapport veillera, en particulier, à étudier le surcoût financier supporté par les familles du fait de la diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il tombe !

M. Jean-Luc Préel.

Je vais le défendre, monsieur le président.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Raté ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel.

Cet amendement très intéressant de M. Goulard invite le Gouvernement à présenter au Parlement un rapport sur la réforme de l'AGED avant le 30 juin... 1999. Je me permets de corriger cette légère erreur, car il s'agit, bien sûr, du 30 juin 2000.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est pour ça qu'il tombait !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Les prestations pour la petite enfance vont beaucoup plus loin que l'AGED. C'est bien pourquoi la conférence de la famille a décidé de mettre à plat, l'année prochaine, l'ensemble de ces prestations, y compris d'ailleurs l'allocation parentale d'éducation.

L'AGED sera incluse dans ce bilan. Mais je ne vois pas l'utilité de faire un rapport de plus. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Avec cet amendement no 509 déposé par François Goulard et plusieurs de ses collègues, nous revenons au douloureux épisode de la réforme de l'allocation de garde d'enfant à domicile. C'est l'une des premières mesures que le Gouvernement a voulu prendre, et c'est aussi l'une de ses premières mesures contre la famille, contre l'enfant, contre la femme.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Quelle femme ?

M. Bernard Accoyer.

Toutes les femmes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Justement non !

M. Bernard Accoyer.

Les femmes sont une, madame le rapporteur, d'autant plus qu'elles sont toutes mères ou regrettent de n'avoir pas pu l'être.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Elles vont sûrement apprécier ce que vous dites !

M. le président.

Essayez de poursuivre votre propos, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

J'ai été interrompu, monsieur le président.

M. le président.

Essayez quand même ! Je demande à vos collègues de ne plus vous interrompre.

M. Bernard Accoyer.

Mais Mme le rapporteur chargé de la famille m'interrompt alors même que je suis en train de parler de l'allocation de garde d'enfant à domicile, ce qui est absolument fondamental. Je suis très préoccupé du choix qu'a fait la majorité en décidant de faire représenter les intérêts de la famille par un rapporteur qui n'a pas la conviction que seule l'universalité doit guider la politique en faveur des familles, et là, plus précisément, en faveur des mamans.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est une attaque personnelle inacceptable !

M. Bernard Accoyer.

Nous sommes nombreux ici à être des provinciaux, ce n'est pas une tare. Mais nous venons souvent à Paris et nous constatons que les femmes qui y travaillent - elles sont nombreuses - ont toutes besoin de l'AGED. Or la disposition que le Gouvernement a voulue emblématique dans son esprit, un esprit...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Etroit : ça vous va ?

M. Bernard Accoyer.

... de mise sous condition de ressources de tout ce qui peut aider les mamans et les familles, cette disposition, dis-je, a eu des conséquences considérables. Nous avons rencontré, en faisant notre travail de parlementaire, énormément de mamans dont la situation a été rendue beaucoup plus difficile depuis cette décision.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et les papas ?

M. Bernard Accoyer.

Pour les papas, madame Aubry, pour ceux qui bénéficiaient de l'allocation, c'est sûrement la même chose.

L'amendement de M. Goulard est donc important et le Gouvernement devrait lui donner un avis favorable en revenant sur sa première intention.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Je viens d'être la cible d'une attaque de M. Accoyer.

M. Jean-Luc Préel.

Une attaque imbécile !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Je ne me permettrais pas ce qualificatif, monsieur Préel. Je pense simplement qu'il faut mesurer ses propos. Ici, nous voulons tous défendre la famille. Je suis moi-même mère de famille, j'ai plusieurs enfants et je suis grand-mère.

M. Bernard Accoyer.

Félicitations !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Une très jeune grand-mère !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Merci, monsieur le président.

Le rôle de la mère est important. Le rôle du père également.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr ! Je le suis moi-même.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Si vous vous voulez que j'aille au bout des confidences, sachez que j'ai eu le malheur de rester seule à élever mes enfants.

Alors, je sais ce qu'est une famille et quelles peuvent être ses difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 509.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1835, de financement de la sécurité sociale pour 2000 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1876, tomes I à V) ; M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1873).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT