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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9011).

ENVIRONNEMENT (suite) Réponses de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, aux questions de : Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Dufau, Marc Reymann, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Jean Launay.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET ENVIRONNEMENT II. - Environnement

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 9016)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9017)

TRAVAIL ET EMPLOI M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le travail et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le travail et l'emploi.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la formation professionnelle.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

MM. Germain Gengenwin, Yves Cochet, Mme Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Maxime Gremetz, Gérard Lindeperg, François Goulard, Pierre Carassus, Jean Ueberschlag, Patrick Leroy, Gaëtan Gorce, Claude Hoarau.

Suspension et reprise de la séance (p. 9039)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Réponses de Mmes la ministre et la secrétaire d'Etat aux questions de : MM. Michel Hunault, Yves Nicolin et Germain Gengenwin.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ I. - Emploi

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 9047)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9047)

Article 70 (p. 9048)

Amendement de suppression no 25 de M. Gengenwin : MM. Germain Gengenwin, Jacques Barrot, rapporteur spécial ; Mme la secrétaire d'Etat, M. Jean Ueberschlag. Rejet.

A mendement no 39 de la commission des finances : M. Jacques Barrot, rapporteur spécial ; Mme la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Adoption de l'article 70 modifié.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9049).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

ENVIRONNEMENT (suite)

M. le président.

Nous reprenons l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, concernant l'environnement.

Nous poursuivons la phase des questions.

Pour le groupe socialiste, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, M. Jacques Fleury, ne pouvant être là cet après-midi, m'a prié de vous poser la question suivante concernant les déchets, en l'appliquant à l'Ile-de-France.

Ce matin, le rapporteur pour avis s'est inquiété de la faible augmentation des crédits destinés au traitement et à la valorisation des déchets ménagers, dont la responsabilité incombe aux collectivités locales.

Le Gouvernement s'est fixé dans la loi de 1992 un objectif ambitieux que vous avez repris à votre compte, madame la ministre, tout en réorientant la politique de valorisation des déchets vers des pratiques de collecte sélective.

Si nous nous inquiétons tous de savoir si le Gouvernement atteindra cet objectif ce n'est pas, nécessairement, pour des raisons identiques. Il est en effet malencontreux, comme certains de nos collègues le font, d'établir un lien entre la mise en place de la TGAP et une difficulté budgétaire pour faire face à l'objectif de 2002.

Je tiens à le réaffirmer clairement, la TGAP est un impôt moderne et intelligent qui redonne du souffle à des politiques publiques environnementales en laissant au pouvoir politique le choix des priorités budgétaires.

Comme vous l'avez affirmé constamment depuis que vous êtes en charge de ce ministère, cette aide à l'investissement accordée par l'ADEME doit être orientée vers des pratiques plus réellement environnementales, notamment en ce qui concerne la collecte sélective.

Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le fait que la région d'Ile-de-France mène une politique très innovante dans le domaine des déchets ménagers, alors que cette question ne relève pas de sa compétence.

Depuis 1992, elle a, en effet, initié une politique d'aide par le biais des contrats « Terre vive », en partenariat avec l'ADEME, Eco-Emballages, certains conseils généraux et, bien sûr, la région. Cette politique a été reprise en compte par la nouvelle équipe majoritaire en 1998, en la réorientant vers des pratiques de collecte sélective.

Or aujourd'hui, alors que cette question n'a jamais été un sujet de débat politique, elle risque, eu égard à la faiblesse des priorités budgétaires allouées à l'ADEME, de le d evenir. C'est particulièrement prégnant dans cette région, même si je ne nie pas que cela existe dans d'autres. Nous allons vers une difficulté majeure en 2000 : la montée des collectes sélectives ne pourra pas être aidée de manière suffisante sans une amélioration des moyens budgétaires.

Madame la ministre, quelle participation l'Etat, via l'ADEME, compte-t-il engager ? L'année 1999 n'est pas achevée ; après l'examen de la loi de finances, viendra celui du collectif budgétaire. Quelle politique allons-nous pouvoir soutenir dans ce territoire en matière de valorisation des déchets ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir souligné la souplesse et l'efficacité de la TGAP, pour peu que des priorités politiques soient identifiées et qu'elles bénéficient de ces financements. La politique des déchets en fait partie puisque nous souhaitons faire face au rendez-vous de 2002 dans le respect des priorités affichées.

A cet égard, un travail considérable a été réalisé, au sein de mon ministère par la direction de la prévention des pollutions et des risques pour revoir chacun des plans départementaux de traitement des ordures ménagères, garder et consolider ceux qui apparaissent conformes aux objectifs de la loi et débloquer des situations dans un nombre important de départements qui n'avaient pas pris la mesure des efforts qui leur étaient demandés par la loi de 1992.

Vous avez souligné le déficit qui pourrait frapper la politique des déchets par le biais d'un engagement financier insuffisant de l'ADEME. J'ai eu l'occasion ce matin de détailler abondamment les différents outils financiers à notre disposition : réduction de 20,6 à 5,5 % de la TVA applicable à la collecte des déchets, augmentation de la taxe sur la mise en décharge des déchets ménagers ou


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encore augmentation des moyens de l'ADEME permettant un engagement effectif de près de 1,2 milliard de francs.

Cela dit, l'afflux de très nombreux dossiers dans une période à la fois de pré-élections municipales et de prééchéances de la loi de 1992 explique les difficultés actuelles : l'ADEME est victime de son succès.

Comme je vous l'ai dit ce matin, j'entends proposer à M. le Premier ministre, dans le cadre du collectif budgétaire, des autorisations de programme supplémentaires pour permettre de passer ce cap difficile. Plus largement, je souhaite que nous mobilisions l'ensemble des outils qui sont à notre disposition.

Mme Peulvast-Bergeal, ce matin, a montré qu'en raison notamment de l'augmentation des barèmes d'intervention d'Eco-emballages et de la baisse du taux de la TVA le coût résiduel restant à la charge des collectivités avait pratiquement baissé de 18 %. Madame Bricq, votre question concernait-elle tout particulièrement le SMITOM ?

Mme Nicole Bricq.

Non, mais l'Ile-de-France ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Alors j'y reviendrai plus tard puisque département par département les plans départementaux de traitement des ordures ménagères se situent à des niveaux très hétérogènes.

D es décisions importantes ont été prises qui concernent notamment le rééquilibrage de la charge de déchets entre Paris et les départements de périphérie.

Nous souhaitions que les équipements lourds ne soient pas systématiquement localisés dans les départements de l'Est parisien. Je dois dire que chacun a pris sa part de l'effort...

Mme Nicole Bricq.

Effectivement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et nous avons donc bon espoir de voir une offre équilibrée en matière d'ordures ménagères en Ile-de-France.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Madame la ministre, l'augmentation de près de 9 % des crédits destinés à l'environnement traduit la volonté du Gouvernement d'accorder à votre ministère et à ce qu'il représente un intérêt prioritaire. La majorité plurielle qui vous soutient s'en félicite. Mais au-delà des chiffres, les priorités affichées structurent la mise en place d'une véritable politique de l'environnement : renforcement des moyens humains au niveau du ministère comme au niveau déconcentré, fiscalité sur les carburants en fonction de leur toxicité et extension de la TGAP, enfin, création du fonds national de l'eau.

Ma question porte sur ce dernier thème et plus précisément sur la procédure des contrats de rivière. Ces contrats, dont le but est d'améliorer la qualité des eaux de nos rivières, mobilisent les partenaires concernés à l'échelle pertinente du bassin versant. C'est très bien.

Mais en l'état actuel de la procédure, lourde et centralisée, il arrive que la dissuasion l'emporte sur le projet.

Il convient sur ce point de donner un nouvel élan à la dynamique locale.

Pourquoi, sous votre autorité, madame la ministre, ne pas confier à l'échelon déconcentré des DIREN l'instruction et la validation des contrats de rivière d'intérêt local, l'échelon centralisé continuant d'exercer sa compétence sur les dossiers que je qualifierai de majeurs ? Cette loi de finances pourrait être l'occasion d'expériences significatives pouvant être relayées dans le futur par les contrats de plan Etat-régions.

Madame la ministre, quelle est votre position sur cette proposition qui vise à favoriser la déconcentration des moyens, à faire vivre la dynamique écologique sur le terrain et à faciliter l'émergence d'initiatives locales au lieu de les dissuader ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, les contrats de rivière constituent un élément important d'une politique de contractualisation globale. Ils permettent une prise en compte intégrée d'une rivière et de son écosystème sur un périmètre cohérent d'intervention.

Le nombre de contrats passés - 135 contrats de rivière et 15 contrats de baie à ce jour - démontre l'intérêt de la démarche et l'attachement des élus à cette dynamique.

J'entends bien poursuivre cette politique dans les années à venir, certains contrats de rivière étant d'ailleurs proposés à la contractualisation avec les régions.

A l'expérience, il apparaît que le bon déroulement d'un contrat de rivière ou de baie conduit les collectivités locales, et plus généralement les usagers de l'eau, à développer une approche commune au niveau du bassin dont l'aboutissement se traduit, dans certains cas, par la construction d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux, le SAGE, souvent bien nommé.

Nous envisageons, en effet, de déconcentrer la procédure au niveau des régions ou des bassins en maintenant la capacité d'expertise de l'actuel comité national d'agrément.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour une seconde question.

Mme Nicole Bricq.

Madame la ministre, depuis deux ans, le Gouvernement et les parlementaires de la majorité ont beaucoup fait pour améliorer l'indemnisation des riverains victimes de nuisances dues aux bruits autour des grands aérodromes, et plus précisément de celui de Roissy-Charles-de-Gaulle. Comme M. Jean-Pierre Blazy, je suis très attachée au respect des engagements pris par le précédent gouvernement d'accroître le trafic à Roissy par la construction de deux nouvelles pistes.

Avant de vous poser une question qui concerne aussi les priorités budgétaires de votre ministère, je rappellerai brièvement les avancées qui ont été réalisées : l'augmentation de la taxe sur le bruit, qui est maintenant intégrée dans la TGAP, l'extension du plan de gênes sonores, la création d'une autorité indépendante, l'ACNUSA, la prise en compte des bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux, l'extension des droits des riverains, et la prise en compte, dans le montant des aides, du niveau des revenus, afin notamment d'apporter une aide à ceux dont les revenus sont les plus faibles.

Tout cela a contribué, en deux ans, à une meilleure information des riverains et donc à l'augmentation du nombre des dossiers précédemment gérés par Aeroports à Paris, et qui désormais sont traités de bout en bout par l'ADEME. Cela représente, pour les deux aéroports de Roissy et d'Orly, 2 082 dossiers.

Un redéploiement est intervenu en septembre, dans les crédits de l'ADEME. Il permettra à la commission c onsultative d'aide aux riverains, qui se réunit le


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18 novembre, de traiter 200 dossiers de particuliers. Il restera encore « en stock, » si je puis m'exprimer ainsi, 1 800 dossiers, sans préjuger des nouveaux.

Dans ces conditions, vous comprenez qu'une certaine impatience gagne tant les élus que les riverains.

La loi de finances n'accorde pas une priorité à ce problème, l'ADEME fait un effort de redéploiement, mais qui sera insuffisant en 2000. Dans ces conditions comment comptez-vous faire face aux besoins ? Comptez-vous utiliser - comme vous l'avez indiqué tout à l'heure à propos des crédits concernant les déchets - le collectif budgétaire pour faire face à cet afflux de dossiers ? Nous vous aiderons à obtenir une augmentation de vos dotations budgétaires car il s'agit d'une priorité absolue.

Faute de régler le problème des dossiers en souffrance, tous les efforts que nous avons déployés pour améliorer cette indemnisation - efforts qui n'avaient jamais été réalisés par la majorité précédente - pourraient être réd uits à peu de chose.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, ma réponse sera assez proche de celle que je viens de faire à propos de la politique des déchets.

Qu'il s'agisse, en effet, de déchets ou de bruit, l'ADEME sort d'une période assez « molle ». Les difficultés qu'elle rencontre actuellement résultent de ce que les problèmes sont désormais pris à bras-le-corps, d'où une augmentation correspondante des besoins. L'an dernier nous avions procédé au doublement de la taxe sur le bruit qui est désormais intégrée dans la TGAP. Ce dispositif découle très largement de l'initiative des parlementaires qui ont été très présents sur ce dossier.

D'ici à la fin de l'année 1999 ce sont près de 205 millions de francs qui auront été affectés alors que le doublement de la taxe n'avait permis de dégager que 82 millions de francs sur le budget de 1999. On voit quelle est l'ampleur des besoins et le souci du Gouvernement et de l'ADEME d'y répondre.

Cela dit, vous avez parfaitement raison : il reste plus de 2 000 dossiers en souffrance, notamment à la suite de l'extension des conditions d'indemnisation des riverains décidée à la fin de l'année 1998.

L'augmentation du taux d'aide pour les ménages à faibles revenus et pour les bâtiments publics sensibles, ainsi que le renforcement du rôle des commissions consultatives d'aide aux riverains, qui ont également contribué à populariser cette politique, peuvent également constituer des explications partielles de la situation.

Il convient de rattraper le retard accumulé. J'ai annoncé, ce matin, que j'avais demandé à l'ADEME de consacrer à l'instruction des dossiers les moyens nécessaires pour parvenir à résorber le retard pris dans leur gestion et pour donner satisfaction à ces dossiers déposés tant par les riverains que par les collectivités et leurs établissements.

L'agence redéploiera, si nécessaire en cours de gestion et à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs, les moyens adéquats pour mener à bien cette politique en faveur des riverains des aéroports.

Vous avez évoqué le collectif budgétaire. Il est vrai que j'ai saisi le Premier ministre au sujet des déchets. Je n'exclus pas que nous soyons amenés à le faire pour le bruit mais cela n'était pas envisagé. Je compte donc sur vous pour apporter des éléments objectifs et chiffrés, si possible, afin d'étayer cette demande.

Mme Nicole Bricq.

Il faut 120 millions de francs.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. Marc Reymann.

M. Marc Reymann.

Madame la ministre, l'existence d'un stand de tir, le centre Desaix situé en face d'un habitat social à l'entrée de Strasbourg vers le pont du Rhin provoque une pollution sonore inacceptable.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

C'est vrai !

M. Marc Reymann.

A plusieurs reprises, en 1987 et en 1997 notamment, j'ai demandé, dans cette enceinte, le transfert de cet équipement, propriété de l'armée sur une surface de six hectares. Lors de ma dernière intervention, M. le ministre de la défense m'a répondu que ce stand n'était plus utilisé qu'à 30 % compte tenu de la réforme des armées et qu'une soulte de 15 millions de francs en faveur de l'armée était nécessaire pour conclure ce dossier.

Depuis cette date, l'aménagement concerté des deux rives du Rhin pose de façon aiguë la question de ce transfert. Je sais, madame la ministre, que vous n'êtes pas le maître d'oeuvre de cette opération qui engage avant tout la ville de Strasbourg et l'armée. Je n'en estime pas moins que la ministre de l'environnement se doit d'être attentive à de telles nuisances sonores. J'attends donc de vous une incitation au déplacement de ce stand de tir, réclamé depuis des lustres par les riverains.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, il s'agit effectivement d'un problème ancien.

Ce cas de nuisance sonore due à la présence d'un stand de tir près du centre-ville de Strasbourg soulève des difficultés qui ne sont pas vraiment de ma compétence ministérielle. Cela relève plutôt d'une médiation entre le ministère de la défense et la municipalité de Strasbourg. Je ne manquerai pas d'en référer à mon collègue, ministre de la défense, pour que nous envisagions ensemble une solution, mais je ne vois pas bien comment je pourrais me substituer et à ce ministère et à la municipalité de Strasbourg pour régler le problème dans l'intérêt des riverains et des usagers.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Micaux.

M. Pierre Micaux.

Les trois remarques que je vais formuler à propos des taxes sur les activités polluantes équivalent en réalité à trois questions.

Premièrement, à mon sens, ces taxes correspondent et correspondront de plus en plus à un accroissement des prélèvements publics qui auront atteint 45,3 % en 1999.

Continuez ainsi, vous serez toujours sur la bonne voie ! Deuxièmement, ces taxes pénalisent le consommateur.

Pourtant, les taxes sur les phosphates, les taxes sur les cimenteries et leur énergie, les taxes sur les granulats n'auront sûrement pas de conséquences, mais selon vous seulement.

Au fait, que contiendront vos décrets qui préciseront les degrés de nocivité ? Tiendrez-vous compte du risque de fermeture d'entreprises, ouvrant ainsi les portes à la concurrence étrangère ? Les taxes sur les nitrates, sur les produits phytosanitaires et autres, compte tenu de la non-loi des marchés dans l'agriculture - PAC et OMC -, ne toucheront pas le consommateur, mais l'agriculteur seulement.


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Troisièmement, ces taxes sont inefficaces en matière de protection de l'environnement. La création de la TGAP s'inscrit dans une logique budgétaire et non pas environnementale. Les pollueurs risquent d'acquérir un droit à polluer. Cela a été parfaitement montré ce matin par mes collègues.

On peut encore s'inquiéter de cette logique budgétaire qui permettra à ces taxes de croître et d'embellir au fur et à mesure des budgets. L'autonomie des établissements et la boulimie de Bercy se chargeront d'influer en ce sens.

En fait, cet ensemble de taxes supplémentaires est-il tout simplement logique ? S'inscrit-il dans une logique économique et sociale ?

M. Germain Gengenwin.

Pas vraiment.

M. Pierre Micaux.

J'en doute très fortement.

Pour moi, TGAP rime avec taxe générale anti-production. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) On peut même l'appeler TGAPS à l'instar des PACS. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Lefait.

N'importe quoi !

M. Pierre Micaux.

Avec le «s » en plus, on pourra dire anti-production et antisociale.

M. Germain Gengenwin.

C'est dit sans détours !

Mme Nicole Bricq.

Ce qui est excessif est dérisoire.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je regrette vraiment, que vous n'ayez pas été là ce matin pour entendre mon argumentation.

M. Pierre Micaux.

J'étais là et j'ai subi.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai notamment expliqué, une fois de plus, qu'il s'agissait non pas de mettre en place des taxes supplémentaires, mais de montrer que nous souhaitions, dans un même élan, dissuader les comportements polluants, encourager les comportements vertueux et réduire les taxes pesant sur l'emploi.

J'ai également expliqué que mes préoccupations, en tant que ministre de l'environnement, n'étaient pas tout à fait les mêmes que celles du ministre de l'économie et des finances, et que j'entendais bien garder un lien direct entre le montant de la taxe et le caractère polluant des activités. Ainsi, pour ce qui concerne la taxe sur les produits phytosanitaires, vous savez que les deux tiers des produits autorisés à la mise sur le marché ne seront pas taxés. En revanche les produits les plus polluants le seront fortement, puisque nous avons déterminé sept classes de produits différents.

J'ajoute que le travail mené avec les représentants de la profession agricole pendant de longs mois a permis de clarifier le caractère plus ou moins polluant des diverses catégories de produits.

Aujourd'hui, les pesticides sont présents dans 47 % des points d'eau, dans 50 % des eaux côtières, dans 20 %e nviron des eaux souterraines. Un quart des eaux impropres à la consommation humaine l'est à cause d'eux. Je crois bien me souvenir, d'ailleurs, qu'un député de votre groupe m'avait posé une question d'actualité après la publication du rapport de l'IFEN qui montrait l'étendue et la gravité de la pollution par les pesticides.

Aujourd'hui, la réponse est à la mesure du problème : nous souhaitons faire en sorte que les produits les plus dangereux pour la santé et pour l'environnement voient leur usage sévèrement restreint, et nous utiliserons la taxation générale sur les activités polluantes pour nous aider à convaincre non seulement les producteurs de ces produits, afin qu'ils réorientent leur gamme, mais aussi les agriculteurs et les consommateurs.

M. Germain Gengenwin.

Pour financer les 35 heures ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il s'agit, monsieur le député, de financer non pas les 35 heures, mais la baisse des charges sociales sur les salaires, comme nous avons souhaité le faire depuis deux ans et demi. Je rappelle que le Gouvernement s'est donné comme priorité la lutte contre le chômage.

M. Germain Gengenwin.

Cela revient au même ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non ! On ne peut pas dire tout et son contraire. Il faut bien réfléchir. Nous avons souhaité inscrire la TGAP en recettes dans le budget de la sécurité sociale, pour concrétiser cet engagement en faveur d'une baisse des charges pesant sur le travail. Or j'avais cru comprendre que c'était une voie dans laquelle l'opposition nous invitait à nous engager en priorité.

M. Jean Vila.

Ils veulent tout ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'effet de la mesure envisagée sur l'industrie des produits phytosanitaires doit être relativisé. En effet, le rendement de 300 millions de francs attendus de la TGAP sur ces produits en l'an 2000 correspondra à 2 % du chiffre d'affaires des firmes productrices en métropole en 1998. De la même manière, la taxe sur les granulats a été calibrée à 60 centimes par tonne, alors que le coût d'extraction varie entre 60 et 70 francs par tonne. Le surcoût sera donc inférieur à 1 %. Si la ministre de l'environnement devait exprimer un regret, ce serait plutôt celui de n'avoir pas pu adresser un signe plus fort de notre volonté de pénaliser certaines activités polluantes. Je pense notamment à l'extraction de granulats dans les milieux humides.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Tout à fait !

M. le président.

Pour le groupe du RPR, la parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon.

Madame la ministre, je me permets d'appeler une nouvelle fois votre attention sur les graves difficultés financières du syndicat mixte de traitement des ordures ménagères du centre ouest seine-etmarnais, chargé de la mise en place d'une série d'équipements permettant le tri et l'élimination des déchets ménagers de soixante-quatre communes de ce département regroupant 285 000 habitants, à la suite de la baisse des taux de subvention de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Je vous avais informée de ce dossier en juillet dernier.

Faute de réponse de votre part, je réitère aujourd'hui ma demande.

Ce syndicat avait prévu, pour la mise en oeuvre de cette politique, un investissement de 550 millions de francs, dont 505 millions subventionnables, dans le cadre d'un contrat dit « Terres vives » signé le 21 janvier dernier afin d'obtenir un financement de divers partenaires dont l'ADEME qui dépend de votre ministère. Or cette dernière a décidé, de manière unilatérale et soudaine, de réduire ses subventions de 50 à 20 %. Ainsi, dans le cadre de l'enveloppe globale de 18 millions prévue pour le centre de tri, l'ADEME a ramené à 2 millions les


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7,5 millions envisagés initialement pour subventionner la réalisation des plates-formes de compostage et les 65 millions prévus pour l'usine d'incinération ont été réduits à 20 millions.

Au total, 65 millions de francs feront ainsi défaut et leur financement risque d'être répercuté sur les ménages par une hausse très importante de la taxe sur les ordures ménagères. Or, dans le même temps, nous apprenons que l'ADEME est en train de se faire construire un nouveau siège à Angers, pour un coût de 80 millions de francs.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Jean-Claude Mignon.

Il est absolument inconcevable que l'Etat puisse revenir ainsi sur les contrats signés par lui et se défausser sur le contribuable déjà lourdement sollicité par ailleurs. Votre argumentation, fondée sur le volume très important de demandes de soutien financier à des opérations de collecte sélective, de traitement, de recyclage et d'élimination des déchets pour expliquer cette situation, est pour le moins surprenante, car cela revient à avouer que vous ne dotez pas de crédits suffisants les politiques que vous mettez en oeuvre.

Je vous remercie, par conséquent, madame la ministre, de bien vouloir prendre les mesures adéquates afin que l'ADEME puisse verser, comme elle s'y était engagée, les 65 millions de subventions au SMITOM. Ce n'est ni aux collectivités territoriales ni aux contribuables locaux de supporter ainsi le manque de préparation et de cohérence des politiques mises en oeuvre par l'Etat.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je veux à mon tour souligner l'intérêt que représente le dispositif retenu dans le contrat « Terres vives » d'Ile-de-France pour la gestion économique et écologique des déchets. En effet, il vise au développement de la collecte sélective, à la création de déchetteries, de quais de transfert, de platesformes de compostage, ainsi que d'une usine d'incinération. Il permet également de planifier la résorption des décharges sauvages.

Cet important programme de quatre ans correspondant à un investissement total évalué, en valeur hors taxes, à 500 millions de francs avec des aides maximales prévues de 320 millions de francs dont 95 millions provenant de l'ADEME, est tout à fait exceptionnel. Le taux d'aide est lui aussi exceptionnel au regard des moyens financiers dont dispose l'ADEME, lesquels sont légèrement inférieurs à 1 milliard de francs par an.

Cela n'était envisageable, du fait du caractère exemplaire du contrat, que pour autant que la relative atonie de la demande d'aide des collectivités locales constatée en 1997 et au début de 1998 subsistait. C'est la raison pour laquelle le contrat envisage explicitement, d'une part, que les taux d'aide prévus ne seront maintenus que sous réserve de réactualisation des taux de participation des partenaires du SMITOM et, d'autre part, que le montant maximal des aides sera subordonné à l'accord des assemblées délibérantes.

S'il est heureux que les projets des collectivités locales en matière de déchets, donc les demandes d'aide adressées à l'ADEME, aient connu une croissance très forte qui se c onfirme depuis la préparation du contrat « Terres vives », cette évolution a contraint l'agence à revoir à la baisse ses taux d'aide et à répercuter cette décision dans les conditions du contrat passé avec le SMITOM.

Cette situation est peut-être regrettable pour votre syndicat, mais je souhaite rappeler que deux décisions des pouvoirs publics, contemporaines de la réduction des taux d'aide de l'ADEME, lesquels restent cependant supérieurs à ce qu'ils étaient en juin 1997, sont de nature à réduire la charge résiduelle pour les communes de la collecte et de l'élimination des déchets des ménages. En effet, le taux d'aide en cas d'éco-emballage a été sensiblement augmenté depuis le 1er janvier 1999 et le taux de TVA applicable à la collecte sélective des déchets a été ramené à 5,5 % à la même date.

Selon les simulations opérées récemment par mes services, en liaison avec l'association AMORCE - association des collectivités locales pour les réseaux de chaleur et la valorisation énergique des déchets -, ces deux dernières décisions font, d'une façon générale, plus que compenser la diminution des taux d'aide de l'ADEME intervenue en mai dernier.

M. le président.

Nous revenons au groupe socialiste.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay.

Madame la ministre, mon intervention concerne la gestion opérationnelle des grands fleuves français.

Les structures actuelles de l'organisation de la gestion de l'eau en France ne permettent pas, à mon sens, de prendre en compte de façon efficace les problèmes liés à la gestion opérationnelle de ces fleuves. Trois exemples illustrent ces difficultés : l'interdépartementalité et l'interrégionalité provoquent des difficultés dans la coordination de l'action des services de l'Etat à l'échelle des bassins versants ; l'absence de moyens de l'Etat affectés à cette fonction, notamment sur les voies non navigables ; l'absence actuelle de stratégie bien ciblée autour de cette problématique particulière, rendue encore plus complexe par les multiples usages de l'eau.

Il convient de mettre rapidement en oeuvre une réflexion globale sur la gestion des grands fleuves français.

Le Gouvernement et le Parlement, sous une forme à déterminer - commission d'enquête, mission d'information, un « Monsieur Fleuves » - doivent prendre toute leur place en la matière.

Face au manque de moyens financiers affectés par l'Etat à cette gestion opérationnelle, les départements et, parfois, les régions se sont regroupés au sein d'établissements publics territoriaux de bassin pour intervenir techniquement et financièrement sur certains aspects de la gestion de ces grands fleuves, pourtant domaniaux. Je cite, par exemple, la gestion des débits d'étiage, l'investissement dans les réseaux d'annonce de crues, la restauration de la qualité des eaux, l'entretien des berges ou la gestion des poissons migrateurs. Pourtant ces compétences ne leur sont pas explicitement données par les lois de décentralisation. Il y a donc, en la matière, délégation implicite de fonctions, sans aucun transfert de moyens.

Je souhaite donc, madame la ministre, qu'à partir de l'accroissement du budget de votre ministère, et en s'appuyant sur les lignes budgétaires « Connaissance de l'eau et des milieux aquatiques » et « Actions d'intérêt commun aux bassins et aux études », qui ont abondées dans ce budget, vous envisagiez la possibilité de donner aux établissements publics territoriaux de bassin les moyens de mettre en oeuvre une politique cohérente en matière d'environnement, source d'intérêt collectif.

Une partie de la TGAP, notamment celle frappant les extractions de granulats dont vous venez de parler et qui ont une forte influence sur le régime et la qualité des eaux, pourrait compléter ces ressources.

Il faudra peut-être aussi envisager des contractualisations particulières entre l'Etat et les établissements publics territoriaux de bassin, et aboutir - pourquoi pas ? - à


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modifier la répartition des compétences prévues par les lois de décentralisation en matière d'environnement et de gestion de l'eau.

Mme Nicole Briq.

Tout à fait !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous avez souligné le rôle des établissements publics territoriaux de bassin dans la gestion des grands fleuves. En effet, ces établissem ents, qui réunissent les collectivités - régions, départements, communes - concernées par la gestion d'un bassin versant donné, jouent un rôle tout à fait utile pour la définition et la mise en oeuvre d'actions d'intérêt commun au bassin les concernant. Je pense plus partic ulièrement aux études, à la définition de critères communs d'entretien ou de restauration des rivières, à la mise en place d'un réseau performant d'annonce de crues.

J'ai donc salué, en 1997, la création de l'association qui les réunit. J'ai même eu le plaisir de recevoir à deux occasions ses dirigeants.

Le rôle de ces établissements se situe clairement dans une optique de coordination de l'action des collectivités, voire de maîtrise d'ouvrage pour les investissements d'intérêt commun aux bassins, à côté du rôle bien identifié de l'Etat et des comités de bassin auxquels ils ne sauraient se substituer.

Dans ce cadre, ils peuvent, bien évidemment, bénéficier des crédits de mon ministère, notamment au titre du fonds national de solidarité pour l'eau, dès lors qu'ils présentent des projets globaux et structurés. Ainsi, mon ministère est partenaire de l'EPALA pour la mise en oeuvre du plan Loire, de l'EPIDOR pour la Dordogne, et de l'établissement public de la vallée du Lot pour le programme d'aménagement de cette vallée.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau.

Madame la ministre, ma question porte sur les eaux littorales, plus précisément sur la qualité des eaux de baignade.

En effet, les résultats annoncés à l'année n avant la saison estivale proviennent de prélèvements et d'analyses effectués la saison précédente, à l'année n -1. Ce décalage peut conduire à publier des informations erronées, en tout cas non vérifiées dans leur actualité, donc porter préjudice aux stations concernées, au moment où elles sont publiées.

Pour cerner de plus près la vérité, ne serait-il pas possible, dans le cas de mauvais résultats constatés à la saison n -1, de lancer un contrôle suivi et permanent du lieu incriminé ? Ainsi, durant l'année n, les mauvais résultats pourraient être confirmés ou infirmés dans la durée et sur un nombre suffisant de prélèvements.

En ce qui concerne l'aspect financier, vous paraît-il possible, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, d'initier une ligne pour inciter les communes littorales, un millier environ qui supportent actuellement les frais d'analyse des eaux de baignade, à pratiquer ainsi afin d'améliorer la connaissance instantanée de la qualité des eaux de baignade ? Le nombre relativement limité, et en diminution constante, des points noirs sur notre littoral rend cette mesure accessible à un moindre coût. Bien évidemment, cela ne doit pas pour autant nous empêcher d'agir sur les causes réelles de pollution des eaux de baignade, qui souvent se trouvent hors des limites des seules communes touchées, beaucoup plus loin en amont. C'est même, à mon sens, un élément supplémentaire de prise de conscience.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, la qualité des eaux de baignade fait l'objet d'un suivi attentif mené en collaboration avec les services du ministère chargé de la santé.

Je reprends bien volontiers votre argumentation : sur les dix dernières années, on a enregistré une évolution très positive de la qualité des eaux de baignade. En 1998, 95 % des eaux de baignade ont été déclarées conformes aux normes de qualité. La plupart des élus sont en effet conscients de l'intérêt, sitôt qu'un mauvais résultat est constaté, à développer une stratégie propre à y remédier, que la pollution accidentelle soit liée à un contexte particulier - une forte pluviosité par exemple - ou au dysfonctionnement d'un dispositif d'assainissement insatisfaisant.

Outre le suivi de la qualité des eaux de baignade, le m inistère de l'environnement relaie depuis plusieurs années, avec le secrétariat d'Etat au tourisme et le secrétariat d'Etat à la santé, la campagne Pavillon Bleu au niveau européen qui tend plus largement à prendre en compte l'ensemble des critères qui justifient la qualité d'un site : la pollution de l'eau, mais également du sable par exemple, la présence de déchets, qu'ils soient flottants ou terrestres, l'équipement, les dispositifs d'accueil, d'information, de fléchage des activités entre autres.

Des crédits à hauteur de 600 000 francs provenant du fonds national de solidarité pour l'eau viendront se joindre en l'an 2000 aux financements du ministère de la santé afin de mener une large campagne d'information sur la qualité des eaux, en particulier sur les résultats des enquêtes effectuées en matière de pollution. Les analyses au sens strict relèvent du budget de la santé, mon ministère n'intervenant qu'en accompagnement.

Quoi qu'il en soit, monsieur le député, je reste à votre disposition pour examiner ensemble les moyens de moderniser le dispositif, en actualisant par exemple les données en temps réel sur Internet, afin que les collectivités qui auraient rapidement tiré les leçons d'un épisode de pollution ne se voient durablement pénalisées par des résultats trop tardivement remis à jour.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET ENVIRONNEMENT

II. Environnement

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Aménagement du territoire et environnement :

II. Environnement. »

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III ; 219 277 846 francs ;

« Titre IV : 72 704 394 francs. »


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ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ETAT

« Autorisations de programme : 341 785 000 francs ;

« Crédits de paiement : 116 020 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ETAT

« Autorisations de programme ;

« Crédits de paiement : » Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre VI.

(Le titre VI est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, concernant l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TRAVAIL ET EMPLOI

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant le travail et l'emploi.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail et l'emploi.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail et l'emploi.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, mes chers collègues, le rapporteur du budget du travail et de l'emploi pourrait être placé dans une position bien moins confortable à l'occasion de la discussion du budget de l'an 2000 si l'on se réfère aux dix dernières années. En effet, la situation de l'emploi s'améliore et nous nous en réjouissons tous pour la société française. Le taux de chômage calculé par le Bureau international du travail est à 11,1 % de la population active en juin 1999 contre 12,5 % en juin 1997. Cette baisse est obtenue g râce à une courbe très dynamique des créations d'emplois qui n'avait pas été obtenue depuis 1969, avec 750 000 créations depuis juillet 1997, dont 560 000 en secteur marchand et 180 000 en secteur non marchand.

La création d'emplois en France a suivi, au cours des derniers mois, le même rythme qu'aux Etats-Unis et constitue la véritable cause de la diminution du nombre de demandeurs d'emploi puisque, dans le même temps, nous assistons à une progression toujours rapide de la population active, passant de 13,4 millions de personnes en juin 1997 à 14 millions en juin 1999.

Les jeunes continuent d'en bénéficier, mais aussi désormais les publics éloignés de l'emploi. Au bout de deux ans de politique volontariste, le chômage d'exclusion a commencé à reculer : moins 11,8 % en un an pour le chômage de longue durée. La politique de croissance par le soutien du revenu des ménages, alliée au soutien au développement des emplois du futur - ceux notamment des nouvelles technologies de l'information et de la communication - ainsi que la nouvelle politique de l'emploi que vous menez, madame la ministre, enrichissent le contenu de la croissance en emplois tout en mobilisant l'ensemble des acteurs dans la lutte contre l'exclusion.

A ces résultats ont aussi contribué les budgets successifs de votre ministère, qui ont reflété la priorité donnée par le Gouvernement à la question de l'emploi ; mais ils auront aussi porté votre marque personnelle, madame la ministre, tant sur le plan de l'activation des crédits consacrés par l'Etat à l'emploi que sur celui de leur recentrage en faveur des publics les plus en difficulté.

Cela dit, le chantier de l'évaluation des politiques publiques de l'emploi n'est à l'évidence pas clos : il s'ouvre même sur le plan européen, avec la surveillance c ommunautaire des engagements pris par les Etats membres. Au niveau de l'évaluation parlementaire, la commission des finances n'est pas restée inactive, particulièrement en ce qui concerne les aides à l'emploi. Votre rapporteur spécial a oeuvré en son nom, tant au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques qu'au sein de la mission d'évaluation et de contrôle dont plusieurs propositions ont déjà trouvé leur traduction législative, par exemple avec la suppression du crédit d'impôt sur les sociétés au titre de la création d'emplois.

Le présent projet de budget tire les conséquences de la nouvelle présentation des compensations par l'Etat d'exonérations de cotisations patronales. Les compensations des exonérations sur les bas salaires, des exonérations de cotisations d'allocations familiales et des aides accordées au titre de la réduction du temps de travail avaient été en 1998 inscrites au budget des charges communes.

L'année dernière, le choix avait été fait de les réunir dans le même fascicule au sein du budget de l'emploi. Cette année, la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale conduit à sortir du périmètre du présent fascicule les compensations d'exonérations sur les bas salaires et à transformer les crédits au titre de la réduction du temps de travail qui y demeurent en contribution de l'Etat au fonds précité.

Il s'agit là d'une clarification, puisque les aides générales non ciblées à l'emploi seront désormais portées par le budget de la sécurité sociale dans le cadre de la réforme du prélèvement des cotisations sociales patronales. Le budget de l'emploi ne comportera donc plus que le montant nécessaire au financement des conventions au titre de la loi du 11 juin 1996, soit 2,7 milliards de francs, et la contribution au fonds de l'emploi créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000, soit 4,3 milliards de francs.

Il faut tenir compte de ce changement pour apprécier le montant des crédits inscrits au projet de budget pour l'emploi : 122,6 milliards de francs, en progression de 2,3 %, ce qui, comparé au taux d'évolution des dépenses


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civiles de l'Etat retenu dans le projet de loi de finances - plus 13,8 % - démontre le maintien du caractère prioritaire de la politique de l'emploi.

Désormais, votre budget comportera avant tout les crédits d'intervention pour la mise en oeuvre des dispositifs ciblés, comme les dispositifs répondant à une approche territoriale, rurale ou urbaine, ou les politiques publiques actives, qui concourent tout à la fois à l'amélioration des chiffres du marché du travail et à la lutte contre les exclusions.

La montée en régime des actions en faveur des jeunes est nette. Le dispositif des emplois-jeunes atteindra 21,34 milliards de francs, l'objectif de parvenir à la c onclusion de 300 000 conventions, tous ministères confondus, étant retenu pour la fin de l'an 2000. Le financement du programme d'accompagnement personnalité pour l'emploi TRACE augmentera pour sa part de 16,5 % pour les prestations réalisées par des opérateurs n'appartenant pas au réseau des missions locales et des PAIO, soit 70 millions de francs, et de 12 %, à structure constante, pour les prestations du réseau d'accueil et d'orientation, soit 467 millions de francs. L'objectif est d'accueillir 60 000 jeunes en 2000 - objectif ambitieux si l'on tient compte du fait que 35 000 entrées environ seront vraisemblablement comptabilisées cette année.

Les dispositifs d'aide à l'emploi des publics prioritaires seront recentrés au bénéfice des demandeurs les plus éloignés du marché du travail. Le projet de budget prévoit le financement de 60 000 contrats emploi-consolidé de plus qu'en 1999, pour un total de 5,323 milliards de francs de crédits ; l'objectif est de réserver 70 % des contrats aux personnes rencontrant les plus sérieuses difficultés d'accès à l'emploi. Pour le financement des contrats emploisolidarité, 9 milliards de francs sont prévus, l'objectif étant de conclure 360 000 contrats en 2000, soit une diminution de 50 000 entrées dans ce dispositif par rapport à 1999. Le projet de budget prévoit enfin 7,013 milliards de francs au titre du contrat initiative-emploi, permettant 155 000 nouvelles entrées dans le dispositif.

Au titre du programme de lutte contre les exclusions, l'objectif a été fixé d'un doublement en trois ans des capacités d'accueil des entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion.

Enfin, 400 millions de francs seraient affectés à l'encouragement à la création d'entreprises nouvelles par les titulaires de minima sociaux. Le financement public du retrait d'activité est à nouveau en diminution : les crédits passent de 7,7 milliards de francs en 1999 à 6,17 milliards de francs en 2000. Le nombre d'allocations spéciales du fonds national de solidarité serait de 19 000, en tenant compte du dispositif propre aux salariés qui ont commencé leur carrière jeunes et ont effectué des travaux pénibles, ou qui apparaissent particulièrement vulnérables aux adaptations technologiques.

Ce dispositif comportera un relèvement du taux de contribution des entreprises. Pour leur part, les entrées en préretraite progressive diminueraient à nouveau en 2000, leur nombre étant ramené de 18 000 à 12 600.

Plutôt que détailler les chapitres budgétaires pour lesquels je vous renvoie à mon rapport écrit, je souhaite insister sur le renforcement des moyens du service public de l'emploi. Les moyens en personnels des services du ministère progressent de 5,4 %, soit 130 millions de francs en mesures nouvelles. Ils permettront la création de 130 emplois, en grande majorité dans les services d éconcentrés - dont 15 emplois d'inspecteurs et 88 emplois de contrôleurs du travail - mais aussi la poursuite du plan de résorption de l'emploi précaire, concernant 628 emplois, pour l'essentiel dans la catégorie C, et la mise en oeuvre du plan de rapprochement du corps de l'inspection du travail de celui de la formation professionnelle.

S'agissant du fonctionnement, je me bornerai à me féliciter de voir les crédits de statistiques et d'études géné rales comporter une mesure nouvelle de 1 million de francs destinée à financer la mise en place d'une nouvelle génération de panels de bénéficiaires de mesures de la politique publique de l'emploi. Cette disposition répond au souhait, fortement exprimé par la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, d'une a mélioration des moyens d'évaluation des différents dispositifs.

L'Agence nationale pour l'emploi a été dans le passé l'objet de critiques, souvent fondées, émanant des usagers comme des entreprises. Je voudrais, madame la ministre, mes chers collègues, rendre hommage à l'ensemble des personnels de l'ANPE, dirigeants, cadres et salariés, pour la façon dont ils ont su, en très peu d'années, améliorer la qualité tout à la fois du service rendu aux entreprises comme aux demandeurs d'emploi et de leurs relations avec les collectivités locales et les acteurs du développement local, notamment ceux des comités de bassins d'emploi et des missions locales, tout en répondant aux attentes du Gouvernement et singulièrement aux vôtres, madame la ministre, telles qu'elles sont exprimées dans le troisième contrat de progrès signé en janvier entre l'ANPE et l'Etat. Celui-ci témoigne d'un effort sans précédent pour réussir l'insertion professionnelle des jeunes, prévenir le chômage de longue durée, soutenir les publics les plus en difficulté, lutter contre l'exclusion et assumer l'objectif du nouveau départ voulu par le plan national d'action pour l'emploi adopté par le Gouvernement en avril 1998.

Dans le cadre de la globalisation des moyens de lutte contre le chômage et l'exclusion, l'ANPE a su développer des relations de partenariat en faisant preuve d'innovation. Ainsi ai-je assisté récemment à Toulouse à l'inauguration du premier « point relais emploi » qui réunit dans un même lieu, autour de l'ANPE, l'ensemble des institutions oeuvrant à la lutte contre l'exclusion, tant il est vrai que le cas de nos compatriotes les plus éloignés de l'emploi relève souvent d'une prise en charge globale, sur les plans social, de la santé, du logement et parfois psychologique.

Il est donc totalement justifié que les moyens humains et les moyens de fonctionnement de l'ANPE augmentent significativement. La subvention d'Etat sera passée de 5,160 milliards de francs en 1997 - année au cours de laquelle elle avait régressé de 0,9 % - à 6,380 milliards de francs dans le budget 2000 ; elle progresse de 10,7 % par rapport à 1999. Elle permettra de financer 500 nouveaux emplois en application du contrat de progrès qui prévoit la création de 1 500 emplois supplémentaires sur la période 2000-2002, 1000 emplois ayant déjà été créés en 1998-1999.

Ainsi les moyens du service public de l'emploi sont-ils progressivement portés à niveau équivalent à ceux des autres pays de l'Union européenne. Cette évolution répond également aux préoccupations émises par la MEC au cours de ses travaux sur les aides à l'emploi. On ne peut que s'en réjouir, puisque nous partageons une préoccupation commune.

Je terminerai par deux interrogations sur les centres institutionnels de bilans de compétences et les préretraites.


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Le budget propose que les financements apportés par l'Etat aux centres institutionnels de bilans de compétences, d'un montant de 90 millions de francs, qui correspondent à plus de 50 % de leurs recettes, soient intégrés dans la subvention à l'ANPE. Les 112 centres répartis dans l'ensemble des départements ont vocation à délivrer des prestations d'orientation professionnelle, dont des bilans de compétence, et à mener des actions expérimentales en direction des salariés comme des demandeurs d'emploi. Les CIBC craignent que leur prestation ne soit désormais uniquement ciblée vers le public ANPE, au détriment de leur mission globale ; il convient, madame la ministre, de les rassurer à cet égard.

Concernant les préretraites AS-FNE, le décret rééquilibrant la charge à partager entre l'Etat et les entreprises est en cours de rédaction : pouvez-vous nous donner des précisions sur cette réforme ? Mesdames les ministres, dans le cadre de la politique économique du Gouvernement, votre budget de l'emploi traduit une volonté politique forte au service de l'emploi et de la lutte contre l'exclusion. Aussi, la commission des finances l'a-t-elle adopté, avec le soutien du groupe socialiste et de la majorité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail et l'emploi.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'avis favorable dont je rends compte au nom de la commission des affaires sociales est facile à expliciter. En effet, même si l'analyse des crédits budgétaires n'est pas toujours aisée en raison de l'évolution des nomenclatures, un chiffre à lui seul valide la politique menée depuis deux ans : la diminution de 8,9 % du chômage dans le cadre d'une tendance permanente à la baisse.

C'est le résultat d'une politique globale. Certes, la croissance y est pour quelque chose ; encore fallait-il la maintenir en préservant le pouvoir d'achat. La réduction de la durée du travail y concourt également - encore fallait-il l'engager - ainsi que le programme emploi-jeunes -, fallait-il le vouloir sans oublier, bien sûr, l'allégement des charges sociales, renforcé cette année, et une politique active d'insertion par l'économie.

Pour ma part, je me bornerai à souligner trois points de ce budget.

La politique d'allégement des charges sociales, engagée avant nous, est poursuivie, et même accentuée ; son dispositif est fondamentalement corrigé pour toucher non plus seulement les bas salaires, mais les salaires moyens, jusqu'à 1,8 fois le SMIC et non plus 1,3, pour éviter d'encourager au maintien de bas salaires. Surtout, un lien a été établi entre l'effort budgétaire que représente l'allé gement des charges sociales et la réduction de la durée du travail, donc la création d'emplois.

Il s'agit là d'un effort sans précédent, puisque le coût du travail pour les bas et moyens salaires est réduit d'environ 5 %. C'est l'un des axes essentiels de ce budget.

Le deuxième, qui mérite lui aussi d'être souligné, c'est la réussite du programme emplois-jeunes dont 200 000 avaient été créés à la fin du mois de juin 1999. Relisons les débats auxquels a donné lieu leur institution : qui prévoyait - sauf, bien sûr, les initiateurs de la loi - un tel succès ? L'objectif pour fin 2000 est de 300 000 emplois créés. Les crédits nécessaires, 21 milliards de francs, sont prévus et des priorités fixées, notamment pour leur création dans les zones urbaines en difficulté. Quant à leur pérennisation, nous avons de bons indices de solvabilisation de ces emplois dans les secteurs du tourisme et de l'environnement, et d'assez bons indices sur le développement des programmes de formation accompagnant ces créations d'emplois.

Je voudrais insister sur le troisième et dernier point, la mobilisation des moyens pour l'insertion. La croissance a permis d'offrir assez rapidement des emplois à celles et à ceux qui n'avaient pas de problèmes importants de qualification ou d'adaptation ; on les a vus disparaître assez vite des fichiers. Mais elle continue à laisser sur le bord de la route les personnes qui ont des problèmes d'adaptation au marché du travail, que ce soit en raison de leur qualification, de leur situation sociale, ou même de leur état de santé. Il importe donc de ne pas compter sur la seule croissance pour les réintégrer dans l'activité, mais de mener des politiques actives d'insertion.

Le budget pour 2000, sur ce point, est exemplaire.

L'ensemble - je dis bien l'ensemble - des moyens dont l'augmentation était annoncée par la loi sur l'insertion de 1998 se trouvent inscrits dans ce budget. J'en donnerai quelques exemples.

Le programme TRACE, tout d'abord, a pour objectif d'offrir à 60 000 jeunes un accompagnement personnalisé. Actuellement, l'entrée dans le dispositif est soutenue.

Des moyens supplémentaires ont été prévus, tant pour les missions locales que pour les PAIO. Reste qu'il faudrait peut-être mieux articuler le programme TRACE et le fonds d'aide aux jeunes. En effet, lorsque les jeunes en difficulté sont entrés dans le programme TRACE et qu'ils sont en attente soit d'un contrat de travail, soit d'un stage qui leur ouvre l'accès à une rémunération, il faudrait que les fonds d'aide aux jeunes interviennent pour leur en accorder une. Or plus de la moitié des crédits dont disposent ces fonds dans les départements ne sont pas consommés, malgré les efforts faits par l'Etat en 1999.

Il convient de faire évoluer cette situation. Car nous avons la preuve que ce qui manque, ce ne sont pas les crédits, mais la volonté de les mettre en oeuvre, en dépit de la circulaire envoyée en juillet 1999 par votre ministère, madame la ministre.

M. Germain Gengenwin.

C'est la complexité du système qui en est la cause !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

La complexité n'est pas le fait du niveau national - vieux débat ! - les départements peuvent, de façon décentralisée, simplifier l'accès au revenu pour ces jeunes dans les périodes d'attente. En ma qualité de président du Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion, je considère que c'est une priorité. En tous cas, je tiens à le répéter à cette tribune : plus de la moitié des crédits des fonds d'aide aux jeunes ne sont pas utilisés aujourd'hui.

Nous ne sommes donc pas devant un problème de crédits mais de volonté de mise en oeuvre de ces crédits par les autorités décentralisées.

Un million de personnes devraient être bénéficiaires du programme « nouveau départ » au cours de l'année 2000.

L'ANPE bénéficiera de 500 créations de postes pour faciliter cet accompagnement.

La consolidation des situations d'insertion est également un très bon indicateur : 200 000 personnes bénéficient actuellement d'un contrat emploi-consolidé, CEC.

Le budget 2000 en prévoit le financement de 60 000 supplémentaires. Il s'agit d'une bonne orientation, même si


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l'on doit déplorer que, trop souvent encore, des personnes ayant bénéficié d'efforts d'insertion se retrouvent au chômage, après avoir épuisé ces droits, y compris des personnes en contrat d'emploi-consolidé. Peut-être faudra-t-il inventer, un jour, des contrats d'insertion à durée indéterminée, dont le terme soit l'emploi, afin que jamais un contrat d'insertion ne replonge les personnes dans le chômage.

Dernier indicateur du respect des engagements pris à l'occasion de la loi sur l'insertion : les crédits consacrés aux outils d'insertion, qu'il s'agisse des entreprises d'insertion, des entreprises d'intérim d'insertion ou des associations intermédiaires, progressent de 22 % dans le projet de budget pour l'an 2000. Vous répondez ainsi, madame la ministre, aux interrogations entendues ici ou là.

Je terminerai par une question et un souhait.

Qu'en est-il, pour les salariés en préretraite, de la validation de leurs droits à la retraite pour la période comprise entre 1996 et aujourd'hui. Des négociations sont en cours entre l'AGIRC, l'ARRCO et le Gouvernement. Je n'en mésestime ni l'importance ni la difficulté.

Il n'empêche que des engagements ont été pris à l'égard de ces salariés et qu'il faut trouver le plus rapidement possible une solution.

Il semblerait qu'après un certain nombre de grandes lois de redistribution, de répartition, qui étaient des lois essentielles, il faille ajouter un pilier à votre politique de l'emploi, une loi relative à la création d'entreprises et d'activités. Car la marge de redistribution est conditionnée par la création des richesses. Or le nombre de créations d'activités ou d'entreprises a beaucoup fléchi dans notre pays. A l'évidence, une telle loi est souhaitable pour étayer une politique de l'emploi qui, madame la ministre, est en train de réussir, ce qui explique que nous voterons, sans aucune difficulté, votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, au nom de la commission des finances, je vais proposer à l'Assemblée nationale d'adopter le budget de la formation professionnelle.

Mon intervention se limitera dans un premier temps à présenter quelques remarques à propos des chiffres de ce budget que je qualifierai, ce n'est pas le dénigrer, de budget de reconduction et, d'une certaine manière, de budget de transition avant les réformes que vous avez annoncées, madame la ministre, sur lesquelles, et ce sera l'objet de la deuxième partie de mon intervention, je poserai quelques questions.

Vous ne vous étonnerez pas, mesdames les ministres, que je me permette, à mon tour - je suis sans doute à la fois bien et mal placé pour cela - de souhaiter que nos structures budgétaires soient plus claires. Le budget de la formation professionnelle, intégré dans les crédits de l'emploi, a de la peine à émerger. Une clarification de la présentation et de la nomenclature budgétaires ne seraient donc pas inutile. On se demande pourquoi, par exemple, les dotations de l'AFPA ne sont pas intégrées à l'agrégat

« participation de l'Etat à la formation professionnelle ».

Mais je sais, par expérience, combien il est difficile de modifier la présentation budgétaire, ce qui serait pourtant très souhaitable en l'occurrence.

Les crédits de la formation professionnelle s'élèvent à 30,6 milliards de francs dont 26 milliards pour l'agrégat

« participation de l'Etat à la formation professionnelle » en baisse de 1,6 % par rapport à l'an dernier où ils atteignaient 26,4 milliards de francs - et les subventions à l'AFPA qui, elles, progressent.

J'analyserai successivement les trois grands blocs : l'alternance ; entre les trois blocs les actions de formation restant à la charge de l'Etat, agrégat un peu disparate ; les dotations de l'AFPA et les dotations de décentralisation.

Le total des dotations destinées à l'alternance est de 12 milliards de francs, en légère baisse de 2,4 %, en raison du recentrage sur les bas niveaux de qualification pour les contrats d'apprentissage opéré dans la loi de finances de 1999. L'alternance relève de la compétence des régions ou des partenaires sociaux. Mais l'Etat finance les primes d'apprentissage - 4,1 milliards de francs -, les exonérations sociales des apprentis - 4,7 milliards de francs - ainsi que les primes de contrats de qualification 2,6 milliards de francs.

S'agissant des effectifs d'entrée en apprentissage, ils sont stables, ce que, personnellement, je regrette. Il devrait continuer à progresser car il est bien en phase avec les besoins actuels et même certaines régions commencent à connaître une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Ce n'est pas entièrement dû aux problèmes d'apprentissage, mais je reste convaincu que celui-ci permet à nombre de jeunes une insertion rapide dans le monde du travail et dans des branches qui se plaignent de ne pas pouvoir recruter.

J'écoutais M. Allègre parler ce matin sur une radio périphérique de l'impérieuse nécessité de la formation professionnelle. Dans cet ensemble, l'apprentissage doit vraiment prendre une place croissante. J'observe d'aill eurs, avec satisfaction, que l'éducation nationale commence à envisager de développer des sections d'apprentissage dans les lycées professionnels et les lycées techniques. Selon moi, ce serait un progrès certain. Mais il faudra aller plus loin encore.

Je le disais, le nombre de contrats d'apprentissage - 220 000 - est stable par rapport à l'année dernière. Les contrats de qualification sont au nombre de 195 000, les contrats de qualification adultes de 15 000, contre 10 000 en 1999. Ces derniers résultent d'une innovation de la loi contre les exclusions. Nous ne pouvons que nous en réjouir, encore que leur montée en charge est un peu lente. Mais il faut toujours du temps pour mettre en place ce type de dispositif.

Par ailleurs, un nouveau fonds de concours est créé, nous aurons l'occasion d'en débattre tout à l'heure. Je sais bien que le ministère des affaires sociales n'y peut rien mais je m'adresse au ministère du budget : va-t-on multiplier indéfiniment les fonds de concours dans le budget de l'Etat ? Je considère personnellement, mais la commission des finances n'est pas loin de penser comme moi, que ce n'est pas une bonne procédure. Evidemment, grâce à ce fonds de concours, les 500 millions prélevés sur le capital temps formation,...

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

... iront quand même, monsieur Gengenwin à la formation professionnelle. C'est déjà bien ! Mais on peut craindre que ces 500 millions obtenus par dérivation soient inscrits en moins dans la programmation initiale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

M. Germain Gengenwin.

Evidemment ! C'est un détournement de fonds !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

J'en viens aux actions de formation restant à la charge de l'Etat. Les crédits, 5,8 milliards, connaissent une baisse de 2,8 %, peu significative. Le qualificatif de disparate s'applique tout particulièrement à cet agrégat auquel participent la politique contractuelle, qui correspond à l'intervention du fonds social européen, la part formation professionnelle des contrats de plan Etat-régions, en cours de négociation, à hauteur de près de 400 millions, ainsi que le prog ramme national de formation professionnelle, qui c omprend la lutte contre l'illettrisme - peut-être, madame la secrétaire d'Etat chargée de la formation professionnelle nous direz-vous quelles suites vous entendez donner au rapport de Marie-Thérèse Geffroy. Il faut prendre également les dépenses de rémunérations de la formation professionnelle, des stagiaires de l'AFPA, des stagiaires-allocataires de l'allocation formation reclassement - 1 milliard de francs pour les stagiaires de l'AFPA.

J'en arrive à l'AFPA elle-même, qui voit sa dotation augmenter, passant de 4,452 milliards à 4,695 milliards de francs. Ces augmentations ont pour objectif de financer, d'abord, les nouvelles orientations définies par le contrat de progrès 1999-2003, qui prévoit une augmentation de l'activité « orientation » de l'AFPA - on devrait passer de 80 000 personnes orientées à 250 000, en 2003 - et une action prioritaire en direction des demandeurs d'emplois afin de leur offrir un service personnalisé d'appui à un projet professionnel - 40 % de public en plus. Les augmentations financeront aussi le développement du système d'information qui fait l'objet d'une annexe au contrat de progès. Enfin, 5,5 millions de francs financeront le renforcement des capacités d'évaluation des psychologues de l'AFPA travaillant dans les COTOREP dans le cadre du programme « nouveau départ ».

Les investissements de l'AFPA progressent pour permettre la rénovation de l'offre de formation et la validation du cadre de vie.

Je crois être l'interprète fidèle de la commission des finances en disant que nous nous réjouissons de voir que l'AFPA a maintenant des objectifs mieux précisés. Cela étant, la commission des finances ne peut que renouveler sa mise en garde : il faut que l'association fasse encore des efforts de gestion et de productivité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Depuis le temps qu'on en parle !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Les comptes de 1998 ont été certifiés par les commissaires aux comptes avec les mêmes réserves que ceux de 1997.

J'observe tout de même que la mise en place d'une comptabilité analytique est en cours depuis le début de 1999. L'AFPA disposera de vingt-deux comptables régionaux. C'est un effort incontestable mais il doit être poursuivi, nous y insistons.

Désormais, l'AFPA fournira des prestations tarifées sur des prix issus de la comptabilité analytique. C'est aussi très important.

Nous pensons que l'AFPA doit renforcer son action à l'échelon local et sa coopération avec l'ANPE. Comme l'accord-cadre est récent - il date d'avril 1999 - le rapporteur se montrera, cette année, compréhensif mais, l'année prochaine, il sera très exigeant parce que les outils sont en place. La direction de l'AFPA devra nous donner tous les éléments.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On dit ça tous les ans !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Aujourd'hui, il y a tout de même un progrès certain dans la mise en place des outils. Votre rapporteur est obligé de reconnaître, parce qu'il s'efforce d'être fidèle à la vérité, qu'un effor t incontestable est en cours.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Bien évidemment, nous en apprécierons la portée exacte lors de l'examen du prochain budget.

Au moment où les contrats de plan Etat-régions vont se négocier, l'AFPA devrait également s'asseoir autour de la table régionale, si tant est qu'il y en ait une. M. Gérard Lindeperg a très bien expliqué dans son rapport l'utilité qu'il y aurait à organiser des conférence régionales.

Selon nous, la progression des ressources de l'AFPA exige en contrepartie un effort de gestion et une meilleure efficacité.

Les dotations de décentralisation, puisque la formation p rofessionnelle est désormais décentralisée, ont une progression qui suit celle de la dotation globale de décentralisation.

En résumé, ce budget enregistre un léger recul qui n'est pas significatif. Il n'apporte pas vraiment du nouveau, mais on peut fort bien admettre qu'il constitue un budget de reconduction.

Cela étant, le Livre blanc de Mme Péry rendu public en mars dernier, le rapport approfondi de M. Gérard Lindeperg et les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle sont autant de pierres apportées à cet important chantier.

La mission d'évaluation et de contrôle a souhaité que le dispositif de collecte soit plus dynamique et mieux contrôlé, que le coût du fonctionnement des OPCA soit mieux connu que ces organismes soient plus transparents, et que l'on dresse un vrai bilan du FONGEFOR. Si les organismes syndicaux, professionnels et employés ont besoin d'être financés, il faut qu'ils le soient dans la transparence. La MEC a également beaucoup insisté sur les moyens de contrôle et sur la nécessité d'instaurer une approche de qualité. Je ne reviens pas sur toutes les conclusions de la MEC, mais je voudrais être sûr que le Gouvernement y a porté attention.

M. Gérard Lindeperg a, pour sa part, fait des propositions intéressantes que je ne détaillerai pas ici, mais que je ne veux pas non plus passer sous silence tant elles sont judicieuses, qu'il s'agisse du rôle des comités de coordination régionaux, qui doivent faire autre chose que juxtaposer des programmes de formation initiale et continue, ou de la valorisation des fonctions extra-financières des OPCA.

Où en est le Gouvernement par rapport à toutes ces propositions, notamment par rapport à celles de la

MEC ? Il a déjà mis en route trois choses.

Premièrement, l'article 70 des projets de loi de finances propose de centraliser les excédents de capital temps de formation.

Deuxièmement, un décret est en cours de préparation pour resserrer dans le temps les conditions d'appréciation des disponibilités des excédents du congé individuel de formation et de l'alternance.


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Troisièmement, le service de contrôle a été étoffé. Mais nous ne savons pas si les nouveaux contrôleurs travailleront pour l'inspection du travail ou pour le contrôle de la formation professionnelle, en raison de la fusion des deux corps.

M. Germain Gengenwin.

Ils travailleront surtout aux statistiques !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Deux questions restent en suspens : une de forme et une de fond.

Sur la forme d'abord. Quand aura lieu la réforme de la formation professionnelle ? Des déclarations du Premier ministre font état de mesures législatives en 2000 et, éventuellement, d'une loi en 2001.

J'ai noté que la rencontre que vous deviez avoir avec les partenaires sociaux a été reportée sine die. Qu'en serat-il de la négociation qui devait fournir les bases d'un projet de loi pour 2001 relatif à la réforme du financement et à la validation des compétences ? Sur le fond ensuite. Comment instaurer une véritable

« formation tout au long de la vie » ? Comment s'organisera le nouveau dispositif de validation des compétences et celui du droit individuel à la formation, transférable et garanti collectivement ? Quel bilan tirez-vous, mesdames les ministres, des actions expérimentales menées cette année ? Par ailleurs, le dispositif de congé individuel de formation ne mérite-t-il pas une profonde réforme ? Nous sentons bien que l'« employabilité » - terme qui veut bien dire ce qu'il veut dire - est liée à la formation.

Cela va devenir le grand problème. Elle ne sera pas assurée avec le dispositif actuel, né en 1971, même s'il mérite beaucoup de compliments. Trente ans ont passé, la société n'est plus la même et les besoins ont changé.

L'heure est venue - et le temps presse - d'adapter ce qui doit l'être et d'innover avec un dispositif original et sui generis. Je ne crois pas qu'il y ait intérêt à reproduire un système du type de celui de l'éducation nationale dans un domaine très différent.

Mesdames les ministres, il serait bon que vous puissiez répondre à quelques-unes de nos questions. Retenez aussi de cette courte intervention la volonté de la commission des finances - et je ne doute pas que ce sera aussi celle de la commission des affaires culturelles - de voir le Parlement participer activement à la mise en place de ces réformes de fond, qui sont certainement au coeur d'un modèle social français et européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle.

M. Patrick Malavieille.

rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l a formation professionnelle.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la formation professionnelle est appelée à relever de grands défis afin de faire face aux mutations de notre société, aux évolutions de la situation de l'emploi et de l'économie.

Notre pays, tout en examinant les différentes expériences de nos partenaires européens, doit s'engager vers des réformes permettant « la formation professionnelle tout au long de la vie ».

Rapporteur, pour la deuxième année consécutive, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, des crédits de la formation professionnelle, je tire de leur analyse les enseignements suivants.

La formation professionnelle, qui est un véritable enjeu de société, un atout pour s'adapter rapidement aux changements en cours, pour progresser individuellement, pour lutter contre l'exclusion, est de nouveau une priorité de l'action publique. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

La création d'un secrétariat d'Etat, en mars 1998, spécialement engagé dans cette politique a tout de suite donné un coup d'arrêt à la baisse de l'effort financier en faveur de la formation professionnelle.

Je note, comme mes collègues de la commission, une volonté de mieux utiliser les fonds attribués au profit de nos concitoyens prioritaires, les jeunes les plus en difficultés et les demandeurs d'emploi.

La formation revêt une importance essentielle qui justifie le mot d'un syndicaliste selon lequel « la formation aujourd'hui, c'est la "sécu" de 1945 ».

Dès lors, on doit s'interroger - et le Gouvernement le fait - sur le caractère inadapté de notre dispositif de formation professionnelle. Il est indispensable de réfléchir aux réformes susceptibles de répondre à ces enjeux. Notre pays, en avance au début des années 70, a pris aujourd'hui du retard.

Selon les résultats provisoires du compte économique de la formation professionnelle, qui retrace les interventions de tous les acteurs, la dépense totale pour la formation professionnelle s'élève à près de 140 milliards de francs, soit une progression de 0,6 % en francs courants par rapport à 1996.

La stabilisation de l'effort entrepris reste tout de même à un niveau relativement bas, puisque le niveau record de 1993 n'est pas égalé et que l'engagement de formation reste inférieur de 0,21 point à celui constaté en 1993, retombant à 1,72 % du produit intérieur brut.

Ce niveau trop bas appelle donc un rebond et un effort accru de chacun des financeurs. De ce point de vue, les crédits de la formation professionnelle pour 2000 ne répondent pas complètement aux attentes des acteurs publics.

Les crédits consacrés à la formation professionnelle représentent 28 % de la section emploi du ministère de l'emploi et de la solidarité. A structure constante, leur part est en recul par rapport à l'année précédente : ils passent de 34,92 milliards de francs à 34,47 milliards de francs.

Après l'augmentation des crédits en 1998 et en 1999, respectivement de 2,5 % et 3,65 %, 2000 marque une pause dans la progression des crédits.

Cette pause résulte de trois facteurs essentiels.

Le premier est lié à la capacité d'absorption de certains dispositifs. Le rattrapage opéré en 1998 et en 1999 grâce à l'accroissement des moyens a conduit, dans certains cas, à la saturation des dispositifs : demandes des entreprises couvertes, manque de candidatures adaptées, formateurs en nombre insuffisant.

Le deuxième tient à l'amélioration de la situation de l'emploi, qui conduit à la contraction de certaines actions - je pense aux conventions de conversion.

Le troisième est dû à la volonté de recentrer les actions vers nos concitoyens les plus prioritaires.

De ce fait, la plupart des postes de dépenses sont en légère diminution ou restent stables. Tel est le cas, par exemple des financements décentralisés - et c'est logique puisqu'ils sont indexés sur la dotation générale de décentralisation. C'est aussi le cas de l'allocation formation reclassement, des SIFE ou encore des stages FNE en faveur des cadres. C'est, enfin, le cas des dépenses tradi-


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t ionnellement prioritaires, comme celles relatives à l'apprentissage, même si le nombre d'entrées prévu est maintenu au niveau de 1999.

L'accent mis sur certaines dépenses illustre la volonté de donner la priorité à certaines actions et d'opérer un recentrage vers les jeunes les moins qualifiés. Je pense aux dispositifs d'insertion spécifiques aux jeunes - avec la restructuration du réseau d'accueil - et aux demandeurs d'emploi de façon générale ; aux contrats de qualification, tant pour les jeunes que pour les adultes ; aux actions menées par l'AFPA recentrée sur ses missions de service public de l'emploi.

Comme vous, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, j'aurais naturellement préféré que les moyens de la formation professionnelle soient plus élevés. Mais leur analyse montre bien que la formation professionnelle doit être appréhendée dans une vision plus large que celle des seuls chiffres du nombre de bénéficiaires de tel ou tel dispositifs.

Le constat dressé à maintes reprises des carences de notre système de formation professionnelle et du vieillissement progressif de celui-ci appelle de toute évidence d'engager des réflexions et de lancer des réformes.

Celles-ci doivent être mises en oeuvre par le Gouvernement, avec le soutien actif de notre assemblée, dans le sens d'une plus grande justice sociale, et non, comme cela avait pu être proposé par le passé, en sacrifiant la formation aux intérêts à court terme des entreprises et à une pure logique de profit.

J'ai eu à coeur, en tant que rapporteur, d'apporter une contribution à cette réflexion sur l'avenir de la formation professionnelle fondée sur les échanges collectifs du groupe des députés communistes et apparentés, échanges qui ont abouti au dépôt d'une proposition de loi et ont permis d'alimenter le volet formation du débat sur la réduction du temps de travail.

Nombre de propositions et de réflexions qui figurent dans le rapport découlent aussi directement du colloque organisé le 27 octobre dernier à Alès, d'où il ressort que notre système est opaque et complexe, et que son accès est inégalitaire.

Je reviens sur les difficultés de lisibilité du système. On ne peut qu'être frappé par l'enchevêtrement des acteurs, des compétences et des financements de la formation professionnelle.

L'enchevêtrement des acteurs fait que le système est sans aucun doute totalement illisible pour ceux qui devraient en être les bénéficiaires. Comment peut-on imaginer un seul instant qu'un jeune faiblement qualifié ou qu'un chômeur de longue durée, tous deux déjà en proie aux difficultés du monde du travail, puissent se retrouver dans ce maquis d'organismes de formations ?

M. Germain Gengenwin.

Très juste !

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

Même si les efforts entrepris par l'actuel Gouvernement pour rationaliser le réseau sont réels, il n'en demeure pas moins que la multiplicité des guichets contribue à l'exclusion de certains publics de toute démarche de formation.

J'en viens à l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités. Il a fallu à votre rapporteur plusieurs dizaines de pages pour présenter - encore ne l'ai-je fait que de manière sommaire et imparfaite - l'ensemble des actions menées par les différents partenaires. Qu'une convention de conversion réponde à une logique de partenariat et de cofinancement, soit, mais encore faut-il que cela soit neutre pour le bénéficiaire. Il faut donc, pour conduire une action de formation déterminée, favoriser la construction de partenariats plus structurés et permettre l'émergence d'un guichet unique.

Enfin, le système est financièrement opaque. L'abondance des cofinancements et la multiplicité des transferts entre les acteurs de la formation professionnelle viennent, en s'ajoutant à l'enchevêtrement des compétences, alimenter les doutes sur l'efficience, voire l'efficacité de l'ensemble.

Il est extrêmement difficile aujourd'hui d'obtenir, pour une action de formation donnée, un bilan de son coût et p lus encore une évaluation des résultats obtenus.

L'absence de responsabilité clairement identifiée ne favorise pas cette démarche d'évaluation pourtant indispensable.

L e Gouvernement et vous-mêmes, mesdames les ministres, êtes conscients de ces difficultés, et c'est pourquoi vous avez lancé un processus de réforme de la formation professionnelle dont nous avons pu apprécier la première étape lors de la publication du Livre blanc intitulé « La formation professionnelle, diagnostics, défis et enjeux ».

Ce document propose quatre axes de réforme : La création d'un droit individuel, transférable, géré et garanti collectivement ; La professionnalisation des jeunes - le programme emplois-jeunes montre à quel point la situation est déterminante pour l'insertion durable des bénéficiaires ; La meilleure prise en compte de l'expérience professionnelle acquise ; La nécessaire clarification du rôle des différents acteurs.

Le Premier ministre a fourni, le 27 septembre, des indications sur le calendrier législatif pour faire déboucher l'ensemble des concertations.

Je tiens également à saluer le travail qu'a assuré la mission parlementaire animée par notre collègue Gérard Lindeperg. Son rapport, qui a été remis au Premier ministre, trace des pistes de réflexion et avance des propositions, qu'il s'agisse de la clarification du rôle des acteurs et des diverses expérimentations dans les régions, qu'il s'agisse du développement des synergies entre les services en charge de l'information, de l'orientation professionnelle, des bilans de compétences, de la validation des acquis et de l'aide à la construction d'un projet, ou qu'il s'agisse de la mobilisation croisée des financements en faveur des adultes, du développement de la formation dans les PME ou de la nécessité d'instaurer une plus grande cohérence des dispositifs destinés à la validation des acquis.

Je fais miennes ces recommandations qui visent à clarifier les compétences des acteurs, à structurer et à rénover les instances de coordination existantes et à favoriser la constitution d'un service de proximité plus accessible aux bénéficiaires.

Bien évidemment, nous souhaitons, comme beaucoup, voir imposer aux entreprises l'obligation de former leurs salariés sur le temps de travail, donc sans les pénaliser d'aucune façon.

Il est essentiel de rechercher l'efficacité, de bien mettre en adéquation l'offre de formation avec les attentes de qualification des salariés et celles des entreprises, dont les besoins varient suivant la taille. A quoi sert de bien former s'il n'y a pas de débouchés ? Gardons donc à l'esprit que la formation n'est pas un pis-aller ni une solution d'attente. Elle doit déboucher sur l'emploi et devenir une véritable chance pour le salarié, une occasion d'épanouissement et de meilleure insertion


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dans la vie sociale et le monde du travail. La formation professionnelle est un des outils de l'élaboration d'un véritable plan de sécurité, d'emploi et de formation.

Persuadé, mesdames les ministres, que telle est la volonté du Gouvernement et l'esprit dans lequel il utilisera les crédits, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Dans la sérénité de cette après-midi studieuse, après avoir salué, Mmes les ministres, avec respect et amitié, après avoir souligné la qualité des quatre rapports qui viennent d'être présentés, je me bornerai à présenter quelques remarques personnelles qui tourneront autour de trois axes : l'emploi, l'exclusion et le paritarisme.

En ce qui concerne l'emploi, les chiffres ont été donnés. Les résultats obtenus depuis deux ans ont été largement commentés, en particulier par M. Gérard Bapt.

Cependant, je voudrais m'arrêter quelques instants sur les effets de la croissance sur l'emploi.

Il y a quelques années, il fallait encore, M. Barrot s'en souvient, une croissance de 2,5 % pour qu'il y ait un effet sur l'emploi. Aujourd'hui, la plupart des analystes considèrent qu'il y a un effet sur l'emploi dès que la croissance atteint 1,5 %, c'est-à-dire que nous commençons à avoir, ce dont nous rêvions tous, une croissance plus riche en emplois.

C'est une évolution fondamentale que recherchaient tous les ministres qui se sont succédé, et je me souviens des débats que nous avons eus à ce sujet il y a quelques années. Les causes en sont multiples : meilleure anticipation des conditions du développement, meilleure prise en compte des problèmes de l'emploi, incontestablee ffet des emplois-jeunes et conséquences, qui commencent à se manifester, de la réduction du temps de travail.

L'évolution est considérable. Il est à peu près certain que, à la fin de l'année, 150 000 emplois auront été créés ou protégés et que 20 000 accords sur les 35 heures auront été conclus, concernant plus de 2,5 millions de salariés. C'est une évolution que nous ne pouvons négliger, quelle que soit notre approche.

On doit également noter que les entreprises examineront très attentivement l'organisation du travail et le rapport au travail. Les chiffres de l'ANACT, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail sont très intéressants à cet égard : les accords signés par l'agence ont augmenté de 20 % de juin 1997 à juin 1998 et atteignent le nombre de 2 000. En outre, elle anime un réseau de consultants, qui, pendant la même période, ont réalisé 8 000 interventions dans les entreprises. au total, par conséquent, 10 000 entreprises ont évalué l'organisation de leur travail, dont 75 % emploient moins de 50 salariés.

Cette évolution, aura, dans les prochaines années, une importance majeure pour la politique de l'emploi. Il faudra bien entendu adapter l'offre à la demande d'emploi et redéployer la formation professionnelle ; c'est un problème sur lequel nous devons encore beaucoup travailler, ainsi que l'ont souligné les deux rapporteurs.

Cette situation conduit les conjoncturistes à évoquer - à juste titre, je crois - la perspective d'un retour au plein emploi, tout en prévoyant un chômage structurel de 4 à 5 %. Que recouvre en fait ce chômage structurel que de nombreux articles de presse mettent en évidence ? Tout simplement l'exclusion de plus d'un million de personnes : jeunes, femmes, chômeurs âgés.

Derrière le langage technocratique, il y a la réalité sociale de l'exclusion qui, je le sais, madame la ministre, représente pour vous, comme pour nous, une préoccupation majeure, et contre laquelle nous devons poursuivre une action que je qualifierai de féroce.

Le programme TRACE commence, quant à lui, à montrer son efficacité. Le « Nouveau départ » se met ainsi en place. Mais tous les élus savent que les structures concernées, et en particulier les missions locales, se heurtent au grave problème de la resocialisation des jeunes, pour la solution duquel le temps est un facteur déterminant.

Il faut fixer aux missions locales des objectifs, il faut leur donner du temps, mais il faut peut-être aussi - et je m'adresse là à M. Boulard, président de la commission nationale de lutte contre l'exclusion - avoir une vision plus souple et abandonner les recettes toutes faites.

Peut-être faudra-t-il aussi aller encore plus loin dans la territorialisation des politiques de l'emploi, en ayant le souci de mobiliser dans la même démarche le service public de l'emploi, les collectivités territoriales et les employeurs. Ce serait une conception beaucoup plus dynamique du paritarisme.

Si l'on estime que le problème de l'exclusion est un enjeu majeur de société, je m'étonne qu'il ne figure pas dans l'appel du MEDEF « pour une nouvelle constitution sociale ». A moins que l'on ne considère, une fois de plus, que c'est à l'Etat de faire face à la fracture sociale, alors qu'on l'accuse, dans le même texte, d'avoir des interventions proliférantes, incessantes, déstabilisantes, sans s'interroger sur les responsabilités qui ont conduit à une telle situation, sur ses causes et ses conséquences.

Je crois qu'il faut avoir le courage de dire la vérité, de dire ce que l'on pense ; c'est ce que je fais.

Il faut également avoir une réflexion, dans un esprit de paritarisme renouvelé, sur la condition ouvrière. Le dernier livre de M. Baud et M. Pialoux sur la condition ouvrière, qui analyse la situation à Peugeot-Sochaux, est extrêmement intéressant à cet égard.

Le paritarisme est une construction française très importante. C'est un moyen de mettre côte à côte, si ce n'est face à face, des structures syndicales patronales et ouvrières souvent éclatées et parfois affaiblies. Mais le paritarisme ne peut être pérennisé que s'il y a une véritable transparence et une définition claire des responsabilités.

Je ne pourrai que me réjouir si la table ronde sur l'UNEDIC permet de clarifier ses responsabilités et celles de l'Etat. Lors du dernier débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons commencé à éclairer les relations avec l'Etat et la CNAM. Nous avons besoin de l'ensemble du patronat pour développer encore plus fortement la politique de l'emploi, mais il ne serait pas acceptable que le paritarisme et sa pérennité soient pris en otage. Il faut cesser d'opposer démocratie sociale et démocratie politique, car c'est un non-sens.

Cela pourrait d'ailleurs conduire à des dérives que nul ne souhaite, j'en suis persuadé.

Nous aurions pu avoir un débat sur l'activation des dépenses passives. Le Gouvernement, dans sa sagesse, a perçu que les organisations syndicales n'y étaient pas prêtes. Soit. Il est donc revenu en arrière, avec l'appui de sa majorité. Mais je ne peux comprendre que, dans le


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même texte, le MEDEF demande la mise en route sans délai du plan stratégique concernant la sécurité sociale, donc l'hôpital, sans prendre en compte les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les politiques de santé et les politiques de l'emploi. Que se passerait-il si nous obéissions à cette sorte de diktat ? Je crois qu'il faut raison garder.

Il est affirmé au début de ce texte, extrêmement important, qu'il ne peut pas y avoir de développement d'une véritable politique de l'emploi et de la formation professionnelle s'il ne peut y avoir en même temps réussite économique et réussite sociale. Nous prenons cette phrase au pied de la lettre. Nous sommes prêts à engager le débat avec les partenaires syndicaux - ainsi que nous le faisons en permanence - comme avec les partenaires patronaux.

Mais débat veut dire dialogue. Et le dialogue signifie q ue chacun assume ses responsabilités. Madame la ministre, j'affirme à nouveau que nous lions le débat sur la politique sociale et la responsabilité politique. Nous soutenons par conséquent vos budgets et, en tant qu'élus de la République, nous assumons totalement nos responsabilités en prenant en compte la dimension sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, premier orateur inscrit.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant de parler du budget proprement dit, j'évoquerai le décret, en préparation, visant à modifier le financement des CFA et la répartition de la taxe d'apprentissage. Le texte dont nous avons eu connaissance soulève déjà de nombreuses inquiétudes et pose plus de questions qu'il ne fournit de réponses.

Je ferai une remarque liminaire sur la méthode. Il fut un temps où, sur un sujet aussi important, un débat avait lieu à l'Assemblée avant que les décrets ne soient rédigés.

Certaines des mesures prévues ne modifient rien et f iguraient déjà dans la loi de Jacques Barrot du 6 mai 1996, notamment en ce qui concerne la péréquation au niveau des CFA. Mais d'autres sont lourdes de c onséquences. Ainsi, il est prévu de modifier l'article R. 119 du code du travail en interdisant aux organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage de soustraiter la collecte, mais la portée de cette mesure est atténuée car, simultanément, un régime dérogatoire est institué. C'est une contradiction si l'on veut vraiment lutter contre une certaine évaporation de la taxe d'apprentissage.

La mesure la plus importante de ce projet de décret est, à mon sens, la procédure d'agrément des collecteurs de la taxe. Quelles sont les véritables intentions du Gouvernement ? Envisagez-vous de fusionner la collecte de la taxe d'apprentissage et la contribution du 0,4 % alternance que les entreprises versent pour les contrats de qualification et autres ? Que laissent entendre ces mesures ? En d'autres termes, les OPCA vont-ils être une fois de plus les collecteurs de cette taxe ? Va-t-on assister de nouveau à une centralisation des moyens financiers, alors que la logique voudrait que l'on décentralise au plus près du terrain ? Je reconnais là une vieille revendication des partenaires sociaux au niveau national, au détriment de leurs collègues travaillant au niveau régional.

Ce fut déjà le cas pour les OPCA de branche lors de la loi quinquennale sur l'emploi. Nous nous étions laissé abuser et le dispositif avait été totalement dénaturé par les décrets d'application. C'est aussi le cas du FONGECIF et du capital temps-formation, où l'on a séparé le 0,2 % du FONGECIF en confiant la gestion de 0,1 % du capital temps-formation au COPACIF. Madame la ministre, comment un salarié de ma commune de Schaeffersheim contactera-t-il le COPACIF, organisme national, pour bénéficier du capital temps-formation ? C'est là une mauvaise piste, et pareille option serait contraire au bon sens.

Vous proposez également de modifier la répartition des quotas. En fait, vous augmentez le quota et vous diminuez le hors quota. Au lieu de calculer 0,2 %, le comptable calculera 0,225 % ; ça facilitera le travail ! On enregistrera une diminution au détriment des établissements qui fonctionnent surtout avec le hors quota ; je n'ai pas besoin de préciser desquels il s'agit.

J'en reviens à l'examen de ce budget. C'est moins le montant des crédits de votre ministère, madame la ministre, qui est critiquable, que les orientations choisies et les répercussions qu'elles auront sur le terrain, comme de nombreux orateurs l'ont souligné.

Je ferai d'abord une remarque d'ordre général, faite par tous, sur le manque de lisibilité du « bleu » budgétaire, qu'on peut comparer à un millefeuille, souvent indigeste, fait d'une superposition de mesures s'adressant à un même public, mais avec des moyens éparpillés et gérés par différents services et organismes.

Je prendrai un seul exemple, celui des actions en faveur des jeunes en difficulté, mis en oeuvre, dans un premier temps, dans le programme CFI et dont la gestion a ensuite été transférée aux régions par la loi quinquennale et le programme TRACE. Au niveau du bassin d'emploi, ce sont les mêmes personnels qui gèrent les deux dispositifs, mais ils sont rémunérés sur deux lignes budgétaires différentes et, dans les deux cas, c'est le conseil général q ui intervient pour mettre en place la formation.

Avouons qu'il serait plus simple de confier la gestion du dispositif en faveur des jeunes à un seul organisme.

Je critiquerai également le désengagement de l'Etat visà-vis des chômeurs de longue durée, car j'y vois une f açon de renvoyer subrepticement le problème aux régions. En effet, les crédits en faveur des chômeurs de longue durée diminuent de 189 millions, ceux concernant les rémunérations de 64 millions, ceux pour les cadres de 20 millions et ceux pour les allocations de formation recrutement, qui devraient permettre aux chômeurs, grâce à une formation, de réintégrer au plus tôt le monde du travail, de 174 millions. Ce sont au total 450 millions de moins pour les chômeurs, surtout les chômeurs de longue durée. Certes, le chômage régresse, et tout le monde s'en réjouit. Mais n'oublions pas qu'il y a toujours 2,8 millions de demandeurs d'emploi dans notre pays ; relâcher l'effort serait donc une erreur.

On peut faire le même constat en ce qui concerne les CES. Vous économisez 2 377 millions, en tenant compte des exonérations de charges liées à ces contrats. Mais, les bénéficiaires de CES ne sont pas uniquement des jeunes, ce sont souvent aussi des personnes qui arrivent en fin de carrière. Combien avons-nous vu, dans nos permanences, de femmes qui ont encore besoin d'avoir un travail et pour lesquelles le CES pourrait représenter une formule appropriée dans un établissement scolaire ? Je souhaite d'ailleurs que cette catégorie de demandeurs d'emploi bénéficie d'une plus grande souplesse et que les services déconcentrés soient un peu moins rigides quant à l'application des textes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

La montée en charge des emplois-jeunes, qui figure dans le « bleu » sous la rubrique budgétaire générique et floue : « nouveaux services et nouveaux emplois », se traduit par une augmentation de 65 %, soit 21 milliards de francs. Vous n'arriverez pas aux 350 000 emplois que vous vouliez créer. J'aurais tendance à vous le pardonner, mais ce qui me préoccupe surtout, c'est l'absence de débouchés pour ces jeunes, surtout dans l'éducation nationale. Vous savez très bien, en effet, que ce ministère n'a pas les moyens de créer des postes et qu'il renvoie ces jeunes, qu'on appelle « chômeurs de l'insertion ».

Certes, il est toujours préférable, pour un jeune, d'être occupé plutôt que d'être inactif, mais, nous n'avons pas le droit de les mener à une impasse alors que d'autres acquerront une expérience professionnelle reconnue.

Faute de temps, je ne ferai qu'aborder l'orientation, pour souligner son importance. Le rapport est très exhaustif sur le plan régional de développement des formations. J'ai présidé dans le temps une commission avec le recteur d'académie afin d'inciter les entreprises et les chambres consulaires à participer à l'élaboration d'un tel plan, pour éviter le manque de personnel qualifié que nous constatons trop souvent. Mais cette belle organisation a été un peu laissée à l'abandon.

Je ne peux, par ailleurs, laisser passer sans réagir le véritable « détournement de fonds » auquel vous vous livrez en ce qui concerne le capital temps-formation, le 0,1 % prélevé sur le FONGECIF, qui constitue un vrai capital individuel pour chaque salarié.

Ces moyens, parce qu'ils ne sont pas connus, sont inutilisés, et vous n'avez pas résisté à la tentation de les ponctionner de 500 millions de francs.

Certes, vous attribuez ces fonds à l'apprentissage, mais celui-ci relève des fonctions régaliennes de l'Etat. Je regrette donc que ces fonds soient pris aux salariés.

Pour toutes les raisons que j'ai indiquées, et pour le manque de cohérence de ces dispositions, l'UDF ne pourra voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, il y a deux ans et demi seulement, nous héritions d'un pays miné par le chômage et d'une économie aux abois...

M. Jean Ueberschlag.

Ça commence !

M. Yves Cochet.

... cumulant les handicaps sociaux.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous attaquez des ministres socialistes !

M. Yves Cochet.

Aujourd'hui, la baisse du taux de chômage est réelle, puisque celui-ci se situe à 11,1 %, c'est-à-dire au niveau le moins élevé depuis le mois de février 1993.

L'importance du tournant qu'a constitué l'approche offensive du problème du chômage par la majorité plurielle est donc confirmée et même, comme vient de le dire le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, on ose enfin reparler d'un concept qui était rendu tabou par la crise : le plein emploi.

Je voudrais d'abord, madame la ministre, saluer cert aines orientations du budget de l'emploi pour l'année 2000.

Je ne peux que me féliciter que la promotion de l'emploi reste le premier objectif de votre ministère : les crédits du travail et de l'emploi sont en augmentation de 2,3 % par rapport à l'an dernier. C'est une satisfaction.

Les moyens humains et financiers consacrés au service public de l'emploi et à l'activation des dépenses au bénéfice de ceux qui sont les plus touchés par la sélectivité accrue du marché du travail marquent également des avancées notables.

En outre, je prends acte du passage progressif du financement des aides sur les bas salaires du budget de l'emploi vers le PLFSS.

La montée en régime des actions en faveur des jeunes est essentielle pour favoriser leur insertion et leur intégration durable dans le marché du travail, à travers le renforcement du dispositif des emplois-jeunes - j'étais encore vendredi soir à un meeting à Nantes, où j'ai pu constater que, dans la région Pays de la Loire, ce dispositif marche très bien : 5 000 environ en un an et demi - ainsi que du p rogramme TRACE, prévu par la loi contre les exclusions.

La diminution des mesures concernant la cessation d'activité des travailleurs âgés démontre la volonté du Gouvernement de procéder urgemment à une réforme qui aurait dû intervenir de longue date.

Pour terminer, j'en viens à une question décisive : la réduction négociée du temps de travail. Vous le savez, les Verts en sont les plus fervents défenseurs. C'est d'ailleurs tous le sens des quelque soixante-dix amendements qu'ils ont déposés lors de la première lecture de votre second projet de loi. Bon nombre d'entre eux ont été adoptés, et nous avons toutes les raisons d'être fiers de telles avancées.

A présent, c'est au succès du financement que nous veillons. Je suis plutôt favorable au mécanisme proposé par le Gouvernement, qui a d'ailleurs évolué. La somme nécessaire au financement des 35 heures en régime établi est de l'ordre de 105 milliards, avez-vous dit, madame la ministre. Pour l'année 2000, le financement doit couvrir 65 milliards. Il est garanti mais, pour les années suivantes, je vous suggère de vous appuyer sur une mesure que je n'ai cessé de rappeler il y a trois semaines.

Vous vous en souvenez peut-être, madame la ministre, je vous proposais, et je vous propose toujours, de dégager les 12 ou 15 milliards incertains à partir de 2001 en supprimant la ristourne Juppé pour les entreprises qui ne seraient pas passées aux 35 heures. A cette fin, je déposerai à nouveau l'amendement que nous avions déposé à l'article 11 du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, lors de la deuxième lecture, le 30 novembre prochain. J'espère que vous y serez favorable, car c'est un amendement à double dividende, comme nous le disions ce matin de la TGAP : en effet, il permettrait, d'une part, de renforcer grandement l'incitation au passage aux 35 heures et, d'autre part, de fournir une source de financement pour votre projet de loi.

En attendant, les députés Verts voteront les crédits du travail et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, mesdames les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'examen de la politique gouvernementale en matière d'emploi a fait l'objet de longs développements ces dernières semaines, aussi bien lorsque


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

nous avons examiné la réduction de la durée légale hebdomadaire du temps de travail que le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Néanmoins, ce budget sera, pour le Rassemblement pour la République, l'occasion d'exprimer ses observations et ses plus extrêmes réserves sur les orientations de la politique gouvernementale de l'emploi.

Tout d'abord, à la suite de Jacques Barrot et de la Cour des comptes, il nous faut faire le constat que le ministère de l'emploi est un ministère mal géré. Certes, je veux bien admettre que l'inertie soit importante, mais la Cour des comptes a stigmatisé « un effort de maîtrise des dotations budgétaires insuffisant », « des mesures d'économie prévues non réalisées ou différées » et juge que ce budget fait l'objet de « marges de gestion non négligeables », étant donné que les résultats d'exécution sont biaisés par des erreurs méthodologiques.

Il eût été de bonne pratique de commencer un pilotage plus serré d'un budget devenu le deuxième budget civil de l'Etat. Au lieu de cela, vous proposez triomphalement la création de 130 emplois, principalement d'inspecteur du travail.

M. Yves Cochet.

Il en faut !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il est vrai, lorsque l'on instaure un système d'heures supplémentaires avec deux périodes transitoires de natures et de durées différentes, trois modes de paiement et quatre taux de taxation, il faut mettre du monde pour faire fonctionner la

« machine à claques ».

Ces créations étaient d'autant plus injustifiées que la Cour avait sévèrement critiqué votre gestion des emplois, estimant que « la description des effectifs ne correspond pas à la réalité » et que l'amélioration de l'approche prévisionnelle était indispensable.

Mais ces regrettables dérapages pourraient n'être que fautes vénielles si vous n'aviez depuis 1997 engagé notre pays dans une politique de l'emploi aventureuse et coûteuse avec la réduction obligatoire du temps de travail et les emplois-jeunes.

Nous voulons ici redire avec force que la réduction du temps de travail n'est pas un moyen de lutte contre le chômage. Elle peut même accompagner son augmentation massive. Seuls le croissance et l'innovation peuvent durablement nous faire retrouver le chemin du plein emploi.

La réduction du temps de travail est un progrès social, à condition que la santé de l'entreprise, ses structures de fonctionnement, la concurrence n'obligent les salariés à se payer les 35 heures par la baisse du pouvoir d'achat, le durcissement des conditions de travail et la flexibilité. Les exemples abondent déjà sur le terrain et ils ne feront que se multiplier quand nous entrerons dans la phase obligatoire. Toutes sortes de questions restent à examiner : double SMIC, temps de travail des cadres, heures supplémentaires, respect du dialogue social. Mais c'est bien sur le financement du dispositif que vous avez enregistré votre plus sérieux échec. Pour assurer ce financement, vous avez créé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un fonds d'allégement des charges sociales.

M. Yves Cochet.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je veux redire qu'au sens strict il n'y a pas d'allégement mais compensation partielle...

M. François Goulard.

Oui, partielle !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... du surcoût lié aux 35 heures payées 39.

M. François Goulard.

C'est exact et les chiffres sont là pour le prouver !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ce fonds devrait recevoir, à terme, 110 milliards de francs, 65 milliards étant nécessaires dès cette année.

Vous avez dû abandonner votre projet de ponctionner l'UNEDIC, les organismes de sécurité sociale et les retraites complémentaires obligatoires.

Le montage que vous avez établi à la hâte remplace la participation de l'UNEDIC et du régime général par le produit de la taxation des heures supplémentaires et d'une partie de la taxe sur les alcools affectés au fonds de solidarité vieillesse. Pour compenser cette perte, les régimes de sécurité sociale resteront ponctionnés à hauteur de 5,6 milliards de francs à travers une nouvelle répartition de la CSG sur les revenus financiers.

Mais je ne saurais mieux pointer le caractère aventureux de ce coûteux mécanisme qu'en reprenant l'analyse de notre collègue socialiste Jérôme Cahuzac, qui précise que les ressources du fonds sont plus qu'incertaines : la taxation des heures supplémentaires est une ressource transitoire ; la taxe sur les activités polluantes, dont nous avons parlé ce matin, verra son rendement diminuer...

M. Yves Cochet.

Non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... à moins que l'on n'augmente les taux. En outre, M. Cahuzac juge que la contribution sur les bénéfices est d'un rapport irrégulier.

Pour ce qui concerne le budget que nous examinons aujourd'hui, la subvention de l'Etat au fonds n'est que de 4,3 milliards de francs, et elle risque de se révéler insuffisante.

En fait, le financement de cette affaire ne serait possible que si la création d'emplois était proportionnelle à la réduction du temps de travail. Mais vous savez que, ce pari-là, vous l'avez d'ores et déjà perdu...

M. Yves Cochet.

Mais non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... si tant est que vous y ayez jamais cru.

M. Yves Cochet.

C'est vous qui n'y croyez pas, madame Bachelot !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Jacques Barrot a parfaitement démontré et démonté le caractère hasardeux et partiel de ce montage qui, à lui seul, justifie nos positions sans concession.

Sur ce sujet, on ne peut mieux dire qu'un homme que vous connaissez bien - si M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, a cité le MEDEF, moi je citerai Edmond Maire...

M. Germain Gengenwin.

Bonne référence !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

... qui s'exprime ainsi : « La façon dont se déroule le processus des 35 heures est une caricature de la société française. Il est absurde de vouloir réussir une réduction du temps de travail sans l'implication des employeurs et il fallait vraiment mal connaître l'immense diversité des entreprises pour imaginer qu'elles pourraient toutes, dès l'an 2000, appliquer la loi dans de bonnes conditions. »

M. Yves Cochet.

Il n'a pas suivi l'actualité !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

...

« La gauche a offert une nouvelle loi. La preuve qu'elle était jacobine, centralisatrice et étatique, y compris dans des domaines comme la vie de l'entreprise dont elle ignore les ressorts internes. Résultat : le texte est complexe, difficile à lire et surtout inadapté à la réalité des entreprises. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Nous n'avons rien à retirer de la peu flatteuse appréciation de votre politique portée par ce grand leader syndical !

M. François Goulard.

On n'est jamais trahi que par les siens !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Notre opposition sur les emplois-jeunes est d'une autre nature. Tout au long du débat sur la loi instaurant ces emplois ainsi que de l'examen des budgets de l'emploi, nous avons redit que nous estimions indispensable l'existence d'un sas d'emplois protégés à l'interface du secteur économique et de l'action sociale.

Nous lui fixons deux missions : insérer et pourquoi pas ? - explorer des pistes de nouveaux emplois que le marché pourra à terme solvabiliser. Vous avez très vite abandonner cette deuxième piste, intéressante mais plus lente et plus difficile à mettre en oeuvre.

Aujourd'hui, le dispositif a rencontré un indéniable succès quantitatif. Comment en aurait-il été autrement a vec le niveau de financement accordé et souvent complété par des collectivités territoriales et des organismes parapublics ? Mais ce sont plus de 21 milliards de francs qui sont inscrits à votre budget et, si l'on y ajoute les emplois-jeunes de l'éducation nationale, les adjoints de sécurité d'outre-mer, ce sont bien 33,84 milliards de francs qui financent le dispositif alors que les interrogations sur le devenir de ces jeunes se font de plus en plus pressantes. Une étude commandée par Claude Allègre fait d'ailleurs apparaître l'absence de projet professionnel chez les deux tiers des personnes concernées par les emplois-jeunes dans l'éducation nationale. La seule solution crédible sera, à terme, leur intégration dans le secteur public, détournant le dispositif de recrutement, ne répondant pas aux nécessités du fonctionnement des structures, calant des jeunes parfois bien formés dans des postes sans intérêt et plombant une économie nationale qui a enregistré cette année un taux record de prélèvements obligatoires.

Les emplois-jeunes sont un dispositif injuste pour les personnes en difficulté qui ne peuvent en bénéficier car il n'établit de critères d'entrée que d'âge. A cet égard, nous avons deux inquiétudes. Le programme TRACE suscite critiques et déceptions chez les associations, la FNARS dénonce le fait que la lutte contre l'exclusion est en passe de devenir une priorité oubliée et l'UNIOPS juge aussi que le faible démarrage du dispositif est préoccupant.

Autre inquiétude : la baisse de 10 % des CES destinés à un public, noyau dur du chômage, qui sera le moins touché par l'embellie de l'emploi.

Mais le dispositif des emplois-jeunes est aussi injuste pour ceux qui y entrent car ces emplois sont source de déqualification et de précarisation.

Madame la ministre, derrière les communiqués triomphalistes que vous permet une croissance retrouvée bien avant votre arrivée au pouvoir et générale dans les pays développés,...

M. Yves Cochet.

M. Juppé n'y croyait pas !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... certains secteurs économiques sont en grande difficulté, et tout particulièrement les industries de main-d'oeuvre soumises à la concurrence internationale, comme le textile-habillementcuir, où 2 000 à 3 000 emplois sont perdus chaque mois.

Dans mon département, après les difficultés du groupe Pindière et la suppression de plus de 200 emplois, c'est aujourd'hui Gep La Fourmi et ses 1000 emplois qui sont menacés. Et ne me dites pas que les 35 heures vont être la panacée pour régler le problème alors que, chez Mendès, qui fabrique pour Yves Saint-Laurent et Christian Lacroix, l'accord de réduction du temps de travail a supprimé les pauses et que l'entreprise a décidé de délocaliser au Portugal et en Hongrie.

Notre pays, et plus spécialement le département de Maine-et-Loire, subit de plein fouet les importations en provenance de pays émergents, mais aussi une concurrence réactivée de pays développés - Europe et EtatsUnis.

Nous n'avons vu nulle part dans le budget la prise en compte des extrêmes difficultés de ce secteur. Bien au contraire, puisque le surcoût salarial du passage aux 35 heures n'est pas intégralement compensé par la baisse des charges.

C'est une politique ambitieuse qu'il nous faut pour sauver nos industries de main-d'oeuvre.

Je vous entendais hier vanter vos excellentes relations avec M. Strauss-Kahn. J'espère que son successeur bénéficiera de la même bienveillance et qu'avec le ministre de l'industrie, vous allez tous les trois nous présenter une stratégie claire pour sauver nos industries de maind'oeuvre et que la déclaration de M. Pierret au Monde :

« Nous nous battons pour réussir », recevra enfin un contenu en termes de moyens et d'objectifs.

Madame la ministre, nous ne voterons pas ce budget car il ne saisit pas la chance historique d'une exceptionnelle croissance économique pour assainir et moderniser le service public de l'emploi, il délaisse des secteurs en grande difficulté et concentre ses moyens sur des actions inefficaces et hasardeuses.

Je conclurai en citant une fois de plus Edmond Maire :

« Aujourd'hui, la France recule et l'espoir de voir s'installer dans ce pays des relations économiques et sociales normales s'éloigne. Le Gouvernement et la majorité parlementaire ont réinventé la lutte des classes et gâché de façon absurde les chances de réforme. » Dont acte

! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le budget de l'emploi ne reflète qu'en partie ce que doit être une grande politique de l'emploi. Je veux, à l'occasion de son examen, exprimer nos réflexions et propositions.

Deux projets de loi ont une incidence directe et très sensible sur le budget de l'emploi. Je veux bien sûr parler du projet de la seconde loi sur la réduction du temps de travail et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils expliquent la réduction de près de 25 % des crédits du projet de budget, qui passent de 162 051 millions à 122 060 millions de francs.

Sur ce grand projet de société que constitue la réduction du temps de travail, le Gouvernement avait, dans un premier temps, prévu une part importante du financement des aides concernant le passage aux 35 heures par la sécurité sociale et l'UNEDIC. Nous nous félicitons qu'il ait su écouter les protestations légitimes - même celles qui ne l'étaient pas, d'ailleurs -, notamment des partenaires sociaux, pour annuler cette mesure.

B rièvement, rappelons que les aides deviennent pérennes et qu'elles continuent de favoriser la pratique des bas salaires. Quant aux allégements de cotisations


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

sociales, les employeurs bénéficient d'une diminution de 105 milliards par an. Cela contribue à justifier la bataille, menée par les députés communistes, pour obtenir que le second projet de loi réinscrive le principe du premier, qui conditionnait les aides à l'objectif de créations d'emplois.

Dans le même esprit, les milliards de fonds publics mobilisés dans les aides à l'emploi et les difficultés pour vérifier leur bonne utilisation, appellent des mesures spécifiques. Ainsi, l'intervention de notre groupe, au cours des débats sur la réduction du temps de travail, a permis d'inscrire dans le projet de loi des modalités de contrôle au niveau de l'entreprise et des branches ainsi qu'au niveau national. Ces modalités autorisent les syndicats signataires de l'accord sur la réduction du temps de travail ou les représentants du personnel - ce qui ne fait pas plaisir au MEDEF, mais tant pis - à saisir l'administration, pour la suppression ou la suspension des aides, dans le cas où les engagements de l'accord, concernant le nombre de créations d'emplois, par exemple, ne seraient pas respectés.

Nous avons aussi pris l'initiative du dépôt d'une proposition de loi visant à la création d'une commission nationale de contrôle des fonds publics pour l'emploi, que le Gouvernement s'est engagé à examiner.

Malgré les avancées importantes dont nous nous sommes félicités au terme de la première lecture, la seconde loi sur la réduction du temps de travail reste à améliorer, notamment pour ce qui concerne les heures supplémentaires, les cadres et les contrats atypiques, comme ceux relatifs au temps partiel. Cela permettrait de donner à cette loi sa pleine efficacité, pour une réelle réduction du temps de travail, créatrice d'emplois.

Le débat sur la RTT doit se poursuivre et inclure toutes les catégories de salariés - je pense aux trois fonctions publiques, pour lesquelles le Gouvernement doit donner les moyens d'une bonne mise en oeuvre des 35 heures avec créations d'emplois.

La RTT, une des lois essentielles de ce gouvernement, a montré l'interaction avec d'autres questions primordiales pour l'efficacité économique et sociale des mesures pour l'emploi.

L'augmentation du pouvoir d'achat est l'une des données fondamentales pour relancer une croissance créatrice d'emplois. La progression des salaires et des minima sociaux devient cruciale pour des millions de salariés ou de personnes privées d'emplois ainsi que pour leurs familles. Mais elle est tout aussi indispensable à la relance de la consommation. On ne peut espérer redynamiser l'économie en appauvrissant la population.

C'est là une divergence de fond qui nous oppose aux mesures actuelles qui tendent à théoriser et à toujours abaisser le coût du travail. Nous pensons qu'il ne s'agit pas là d'une politique d'avenir, surtout quand nous constatons que la place de la France ne cesse de reculer, puisque celle-ci se situe au douzième rang des plus grands pays industrialisés pour ce qui concerne le montant des prélèvements sociaux sur les salaires.

Un autre aspect de la politique de l'emploi découle de la prise en considération de toute la population active, avec ce que cela implique comme dispositions spécifiques vers des catégories plus durement touchées par le chômage.

La jeunesse, c'est l'avenir de notre pays et nous avons approuvé la création des emplois-jeunes. Nous avions souhaité que ces contrats, dont la durée peut aller jusqu'à cinq ans, s'accompagnent d'une formation, permettant une véritable intégration dans le monde du travail. Dans notre esprit, il ne s'agissait pas de substitution d'emplois mais de la recherche d'emplois nouveaux. L'objectif du G ouvernement à l'automne 1997 était de créer 350 000 emplois-jeunes. Pour la fin de l'année 2000, 300 000 créations sont prévues. L'ambition de départ se trouve donc réduite de 50 000 emplois. Mais ce n'est pas la seule chose qui nous préoccupe.

Plusieurs collectifs se sont mobilisés pour dénoncer les difficultés liées à la qualité des formations et à leur accè s. Les luttes des aides éducateurs, dans l'éducation nationale, sont révélatrices du malaise et des inquiétudes des jeunes. Le volet formation du dispositif doit être très sérieusement corrigé afin de remédier aux carences graves qui sont dénoncées et de répondre aux engagements de 1997.

La recherche d'emplois nouveaux est, au même titre qu'une formation adéquate, l'une des conditions de la pérennisation de ces emplois-jeunes. Tous les efforts dans cette direction doivent être soutenus, car c'est bien leur avenir, encore trop incertain, qui suscite une vive inquiétude chez les jeunes.

A l'instar des emplois-jeunes, les contrats emploiconsolidé, les CEC, peuvent constituer une bonne mesure pour l'emploi mais sous certaines conditions. Il est ainsi impératif qu'ils partagent les mêmes objectifs de formation et de pérennisation que les emplois-jeunes. A cet égard, la diminution des contrats emploi-solidarité au profit des CEC va dans le bon sens.

Mais que vaudrait une politique de l'emploi qui occulterait les fermetures, les restructurations, les délocali-s ations d'entreprises et leur cortège de suppression d'emplois ? Il paraît évident que la lutte pour la création d'emplois ne peut faire l'impasse sur la lutte contre les licenciements.

Le groupe communiste, vous le savez, madame la ministre, a déposé, au mois de mars dernier, une proposition de loi sur les licenciements pour motifs économiques. Les critères pour définir ces motifs seraient plus exigeants et plus contraignants. Les entreprises donneuses d'ordres seraient davantage responsabilisées par rapport aux sous-traitants. Les salariés et leurs représentants seraient plus informés et écoutés, leur avis mieux pris en compte. En un mot, l'ensemble des mesures proposées est guidé par le souci de mettre un terme à la logique absurde qui réduit le travail à un coût alors qu'il est source de richesses.

Si le nombre d'emplois préservés ou créés est une donnée essentielle de la politique de l'emploi, nous devons tout autant veiller à la forme, au contenu et aux conditions d'exercice des emplois.

Nous assistons à une aggravation accélérée de la précarité. Les salariés sous contrat précaire, toutes les enquêtes le confirment, sont défavorisés et fragilisés. Ils sont moins payés, moins respectés, ont moins accès à la formation et aux comités d'entreprise. Ils sont plus sollicités, davantage sous pression, plus malades, plus pauvres. Ce n'est pas acceptable. L'égalité doit être effective aussi bien en droit que dans les faits et les contraintes supplémentaires liées à ces contrats doivent recevoir de véritables contreparties.

Régulièrement, le groupe communiste a interpellé le Gouvernement sur la taxation du recours abusif au travail p récaire. Le Gouvernement a pris l'engagement de prendre les mesures nécessaires au moment du budget et nous adhérons pleinement à cette volonté.

Je veux, en outre, insister, après M. Le Garrec, sur la forte dégradation des conditions de travail qui touche l'ensemble des emplois et des professions. La création de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

deux postes de médecin du travail programmée pour l'an prochain ne peut être qu'un premier pas tant la dégradation des conditions de travail a des conséquences néfastes sur la santé. La protection de la santé, en lien avec une amélioration notable des conditions de travail, est un de nos objectifs prioritaires. Aussi avons-nous commencé un travail collectif d'élaboration d'une proposition de loi visant à prévenir et réparer les maladies et les accidents professionnels. En tout état de cause, nous proposons que les médecins du travail disposent en plus grand nombre de davantage de moyens pour la prévention et que leur indépendance soit garantie. De même, le rôle, les pouvoirs et les missions des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doivent être élargis, ce qui suppose des moyens suffisants et adaptés.

Un autre problème, lié pour partie à la question de la santé des salariés, est la pyramide des âges dans les entreprises. Beaucoup de salariés âgés sont usés et fatigués par des années de travail. Le dispositif du FNE, quand il est réellement justifié par la situation de l'entreprise est une réponse qui peut satisfaire les salariés concernés. Mais nous pensons que l'élargissement de l'ARPE, qui impose une embauche pour chaque départ de salarié âgé, est meilleur pour l'emploi et le rajeunissement de la pyramide des âges.

S'agissant de la formation, je ne dirai qu'une chose, puisque mon ami Patrick Leroy va intervenir plus spécialement sur ce sujet. Je tiens à vous faire part de ma surprise, madame la ministre, devant l'annulation de 4 millions de francs de crédits destinés à la formation des militants syndicaux. La mise en oeuvre des 35 heures implique pourtant des investissements en formation, notamment pour les salariés mandatés, souvent inexpérimentés qui sont susceptibles d'en bénéficier.

Un dernier point mérite que l'on s'y arrête : à maintes reprises, le groupe communiste s'est expliqué sur son opposition aux privatisations, non seulement en raison des suppressions d'emplois qu'elles provoquent mais aussi parce que nous sommes convaincus qu'un service public modernisé et démocratisé, renforcé par les hautes technologies constitue un appui primordial pour construire de grands projets industriels.

En conclusion, une politique démocratique de justice et de progrès social, une société de plein emploi suppose que les formidables moyens financiers dont dispose la France soient utilisés à un développement humain et durable. Une partie des 2 136 milliards de francs de profits, des 6 740 milliards de capitalisation boursière et des grandes fortunes qui explosent doivent servir cette finalité. Comme le disait le Premier ministre, il faut rééquilibrer dans la valeur ajoutée la part des salaires, qui a baissé au profit du capital. Tel est le sens de nos propositions.

Ce budget va, selon nous, insuffisamment dans cette direction. Nous entendons poursuivre le débat. Cependant les résultats obtenus dans le sens d'une amélioration de la loi sur les 35 heures et certaines des mesures positives qu'il contient conduisent le groupe communiste à voter en faveur de ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Lindeperg.

M. Gérard Lindeperg.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président, mes chers collègues, en raison de la légère baisse qui affecte le budget de la formation professionnelle, certains avant moi ont parlé de budget de reconduction. Il faut nuancer ce propos car, derrière une masse équivalente, quelques évolutions sont sensibles. Ainsi voit-on le budget de l'AFPA augmenter et les crédits consacrés aux dispositifs en alternance baisser légèrement.

Alors que la croissance et la baisse ciblée de la TVA ont actuellement de fortes répercussions sur la demande d e main-d'oeuvre qualifiée, il est indispensable que l'AFPA puisse être en mesure d'apporter des réponses rapides. Il serait souhaitable également que le contrat de qualification pour adultes se développe plus rapidement, même si on peut noter avec satisfaction que leur nombre passe cette année de 10 000 à 15 000.

Quant à l'apprentissage, il sera difficile de faire des analyses globales tant qu'on n'aura pas remis à plat l'ensemble du dispositif. Le BTP, par exemple, forme 20 % des apprentis, mais ne reçoit que 6 % du potentiel de la taxe pendant que certaines grandes écoles rattachées aux chambres de commerce concentrent des fonds disproportionnés pour des formations de niveau I ou II. Ces chiffres justifient le rencentrage opéré dans le budget pour 1999 au bénéfice des niveaux V.

Il ne suffit pas de déplorer le décalage entre les besoins des entreprises et le désintérêt des jeunes qui délaissent des formations dont on sait pourtant qu'elles débouchent sur l'emploi - je pense au bâtiment, à la mécanique, à la chaudronnerie ou encore à la soudure. La formation, en effet, ne peut pas tout car nous sommes confrontés à des difficultés d'ordre culturel et social. L'attractivité de métiers délaissés ne se fera pas sans un effort des entreprises en termes de rémunération, de conditions et de temps de travail et sans un effort des éducateurs et des familles pour valoriser toutes les formes d'intelligence et redonner leur dignité à des métiers tantôt méconnus, tantôt injustement méprisés.

Aux difficultés d'ordre social et matériel s'ajoutent des comportements qu'il faut bien qualifier de racistes. Parce que leurs parents sont d'origine maghrébine, parce qu'ils habitent certains quartiers, certains jeunes qui ont envie de s'insérer professionnellement se voient refuser des contrats d'apprentissage ou de qualification.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

M. Gérard Lindeperg.

Pas plus tard que samedi matin à ma permanence, j'ai rencontré un Algérien de trentecinq ans, né en France qui, à force de travail, est devenu ingénieur agronome. En désespoir de cause, il a passé un CAP d'horticulteur et ne fait plus figurer son diplôme d'ingénieur sur son CV. Tout cela en vain. Il a donc passé un permis de conduire pour les transports publics, mais les transporteurs contactés lui ont dit que la clientèle n'accepterait pas un chauffeur portant un nom algérien. Je pourrais multiplier les exemples, nous en renc ontrons tous dans les quartiers qu'on appelle pudiquement « difficiles ». Et ce sont souvent les mêmes qui pratiquent cette ségrégation et qui déplorent l'inadéquation entre la formation et les besoins de leurs entreprises.

Je partage la plupart des observations faites par les rapporteurs, Patrick Malavieille et Jacques Barrot, je centrerai donc mon propos sur deux dossiers : l'association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, et les centres interinstitutionnels de bilans de compétences, les CIBC.

L'AFPA a été l'objet d'une analyse fouillée de la part de la mission d'évaluation et de contrôle et les préconisations formulées par notre collègue Jacques Barrot vont dans le bon sens.


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Je souhaite, à la suite du rapporteur, qu'une part significative du nombre de postes de contrôleur visés dans le budget soient affectés de façon spécifique au contrôle de la formation professionnelle. Plus notre système de formation professionnelle sera complexe, plus il sera opaque.

Plus il sera opaque, plus il sera soupçonné. Il nous faut donc moins de complexité, plus de proximité, plus de transparence. Il serait en effet paradoxal qu'au moment où la formation professionnelle doit faire un bond en avant, elle soit entravée par le poids des méfiances, des scepticismes et des suspicions qui, si l'on n'y prend pas garde, risqueraient de mettre en cause l'idée même de formation professionnelle.

Depuis le rapport de la Cour des comptes pour la période 1986-1996, l'AFPA a amélioré sa gestion. Ses missions ont été redéfinies. Son positionnement au sein du service public de l'emploi est clair. Le plan national d'action pour l'emploi et son concept de « nouveau départ » ouvrent d'ailleurs de nouvelles perspectives de collaboration avec l'ANPE. La mission d'évaluation et de contrôle a indiqué à juste titre que des efforts restent à accomplir, je suis de ceux qui pensent que nous sommes sur la bonne voie. Il serait toutefois souhaitable qu'un accord sur les 35 heures intervienne rapidement afin que l'AFPA soit en mesure de jouer pleinement le rôle que l'Etat, les demandeurs d'emploi et les collectivités locales attendent d'elle.

Mais au-delà de l'AFPA est posée la question du rôle de l'Etat. La formation professionnelle est, depuis une quinzaine d'années au carrefour de trois légitimités ; la légitimité politique de l'Etat, la légitimité économique et sociale des partenaires sociaux et la légitimité du suffrage universel à travers les conseils régionaux. Nous sommes donc en présence d'une compétence partagée qui nécessite une redéfinition du rôle de chaque acteur afin que des partenariats puissent se nouer dans la clarté.

Autant la décentralisation doit être approfondie, autant l'Etat doit disposer des moyens d'agir à travers un service public où l'AFPA, l'ANPE, les ministères de l'éducation nationale, de l'agriculture, de la jeunesse et des sports et de l'industrie seraient parties prenantes.

L'Etat doit être le garant de la cohésion sociale et de l'équilibre entre les régions. Il doit garantir l'égalité d'accès, assurer la qualité et la transférabilité grâce au carac tère national des diplômes et demain grâce à un nouveau système de validation des acquis. Il doit, chaque fois qu'il le peut, « faire faire » aux régions mais en conservant une capacité d'action pour stimuler l'innovation et favoriser l'égalité des chances.

Pour ce faire, il a besoin de moyens - le budget y pourvoit. Il a aussi besoin d'outils comme ceux que propose l'AFPA qui assure la prise en charge globale des usagers - orientation professionnelle, formation qualifiante, h ébergement, restauration, accompagnement médicosocial, réalisation de la paie pour le compte de l'Etat, bureaux d'études, ingénierie pédagogique, etc.

Alors oui, l'AFPA doit encore progresser dans sa gestion et ses performances, mais de grâce, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Si l'AFPA n'existait pas, il faudrait sans doute l'inventer.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Gérard Lindeperg.

Je voudrais remercier les deux rapporteurs d'avoir été attentifs au rapport que j'ai remis au Premier ministre au mois d'octobre. Je note d'ailleurs les convergences exprimées à cette tribune. La loi de 1971, préparée par les partenaires sociaux avait été votée dans un large consensus. Souhaitons qu'en 2001, année du trentième anniversiare de ce texte fondateur, le même consensus prévale.

Il ressort de la mission qui m'a été confiée que tout ce qui concerne l'accueil, l'information et l'orientation est déficient. C'est sans doute l'un des maillons les plus faibles de notre système de formation. D'après un sondage réalisé il y a quelques années, 40 % des salariés ne savent pas à qui s'adresser lorsqu'ils ont besoin de formation et 4 % seulement sont capables de définir de façon précise ce qu'est un congé individuel de formation. Par ailleurs, le Livre blanc du secrétariat d'Etat à la formation professionnelle a montré que la validation des acquis professionnels devrait constituer l'un des piliers d'une grande réforme pour une formation tout au long de la vie. Sur ces deux points essentiels, l'expérience acquise depuis quinze ans par les CIBC doit être valorisée.

Alors que plusieurs pays européens s'intéressent de près à ces dispositifs novateurs, la question est de savoir comment préserver l'esprit d'innovation tout en développant les fonctions de service public. Je crains que le transfert de la ligne CIBC à l'ANPE ne soit pas une bonne réponse. On prend le risque d'ossifier une démarche qui doit, au contraire, garder toute sa souplesse.

Les CIBC ont fait la preuve de leur efficacité : entre 1996 et 1997, ils ont augmenté leur chiffre d'affaires de 20 % et le nombre de leurs bilans de 17 %, 50 % des bénéficiaires sont des femmes ; ils ont réalisé 47 000 des 92 000 bilans effectués en 1997 ; ils reçoivent tous les publics de demandeurs d'emploi dont 25 % de salariés.

en activité. Surtout, ils savent anticiper sur ce qu'il convient de faire. Lieux d'innovation disposant d'équipes pluridisciplinaires, ils offrent des ressources méthodologiques aux acteurs de l'orientation et de l'insertion. Leurs conseils d'administration représentent les différents partenaires et ils travaillent en réseau avec les différents acteurs socio-économiques.

Nous avons besoin d'un système de validation des acquis professionnels : c'est aujourd'hui un enjeu individuel et social fondamental.

Nous avons également besoin de décloisonner, entre les jeunes, les femmes, les salariés ou les demandeurs d'emploi. A travers cette action des CIBC, c'est le droit au bilan pour tous les publics qui est posé.

Le transfert de la ligne CIBC à l'ANPE va-t-il dans ce sens ? Qu'est-ce qui justifie ce choix, madame la ministre, du point de vue de l'intérêt des utilisateurs ? Je vous ai posé une question écrite à ce sujet le 19 janvier dernier.

Je n'ai toujours pas obtenu de réponse...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oh ! C'est inadmissible ! M. Gérard Lindeperg. ... et je souhaite que vous me répondiez aujourd'hui.

La valeur ajoutée par les CIBC doit être préservée ; autrement dit, il faut que tous les publics soient accueillis, de la personne illettrée au cadre supérieur, que les structures soient indépendantes par rapport aux organismes de formation et que la formation de recherche et d'innovation soit maintenue. Il faut éviter la standardisation d'une instrumentalisation figée qui, à travers le jeu de normes contraignantes, aboutirait à exclure certains publics : je pense par exemple aux demandeurs d'emploi de courte durée.

La formation professionnelle des adultes, trop souvent considérée comme un simple appendice technique d'accompagnement des politiques de l'emploi, se situe bel et


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bien au coeur des priorités gouvernementales : les efforts entrepris pour moderniser la formation professionnelle initiale n'auront leur pleine signification que s'ils sont étroitement articulés à la formation continue.

Nous avons donc à répondre à un défi politique majeur de même nature que celui qui a été relevé par les fondateurs de la IIIe République lorsqu'ils ont créé l'école gratuite, laïque et obligatoire à la fin du

XIXe siècle.

A l'aube du

XXIe siècle, la formation tout au long de la vie constitue un grand chantier, car elle conditionne tout à la fois la performance de nos entreprises, la garantie des salariés contre les aléas de la vie professionnelle et l'épanouissement d'une citoyenneté pleinement assumée.

Cette réforme nous est annoncée pour 2001 : acceptons-en l'augure. Mais elle doit être préparée en amont. Il faut bien sûr que les partenaires sociaux acceptent de se mettre autour de la table, car il est souhaitable que la négociation précède la loi. Il faut que les différents acteurs qui auront pour tâche de faire vivre cette réforme soient associés à sa préparation et soient opérationnels sur le terrain, notamment au niveau des régions.

C'est pourquoi je souhaite que, dans le prochain DMOS, déjà présenté par le Premier ministre, on intègre l'une des trente-six propositions de mon rapport, qui concerne la mise en place de comités de coordinationr égionaux emploi-formation à la place des actuels COREF. Si l'on veut créer les conditions de la réussite d'une réforme urgente mais délicate, il ne faut pas qu'elle soit plaquée, elle doit être portée par l'ensemble des acteurs concernés.

La formation professionnelle doit cesser d'être l'apanage des techniciens et de quelques spécialistes ; elle doit devenir l'affaire des citoyens et de la nation tout entière.

Bref, il faut lui redonner une dimension politique.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, un usage bien établi veut que l'on mesure la qualité d'un budget à la progression de ses crédits. Si l'on s'en tient à ce critère, le budget de l'emploi que vous nous présentez, madame la m inistre, n'est pas un mauvais budget. Une telle approche me semble cependant formelle et un peu ancienne.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la vôtre !

M. François Goulard.

Il nous faut aller au-delà.

Nous le savons, hélas, le budget du ministère de l'emploi ne fait pas l'emploi. Nous le savons aussi, le recul du chômage auquel, heureusement, nous assistons depuis plusieurs mois, n'est pas directement imputable aux politiques que ces crédits ont permis de mener.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Si le chômage augmentait, vous diriez le contraire !

M. François Goulard.

L'amélioration de la situation de l'emploi est directement imputable à la croissance économique.

M. Pierre Carassus.

Et au Gouvernement !

M. François Goulard.

Comme le notait fort justement Roselyne Bachelot, ce mouvement s'est amorcé quelques semaines avant que vous n'accédiez aux responsabilités, pour des raisons objectives et parfaitement connues.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Dommage que vous ne les ayez pas perçues avant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pourquoi le Président a-t-il dissous ?

M. François Goulard.

D'une part, il n'était plus nécessaire de réduire le déficit budgétaire pour satisfaire aux critères de Maastricht. D'autre part, et cet autre facteur, rarement mentionné, est au moins aussi important, la politique de l'euro et l'arrimage du franc au mark requis pour construire la monnaie unique avaient imposé, depuis le début des années 90, l'instauration dans notre pays de taux d'intérêt très supérieurs au taux d'inflation, ce qui avait à coup sûr bloqué la croissance. Dès votre arrivée au pouvoir, vous avez pu bénéficier d'une baisse des taux considérable, qui a au contraire stimulé la croissance. Il n'y a pas d'autres explications à l'amélioration de la situation de l'emploi dont nous nous réjouissons au même titre que vous.

Le budget de l'emploi est d'abord caractérisé, au-delà d'une légère progression de 2,3 %, par une considérable opération de débudgétisation ou plutôt de transfert du financement de la politique de l'emploi vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous en avons déjà parlé à propos de la loi sur les 35 heures ; nous en avons parlé abondamment à propos de la loi de financement de la sécurité sociale ; nous en reparlons à propos du budget. Le montant du transfert mérite tout de même qu'on s'y arrête puisqu'il s'agit de 64 milliards pour l'exercice 2000 et de 105 ou 110 milliards en régime permanent.

Nous sommes critiques sur la méthode, car il nous paraît de mauvais aloi, pour des raisons de lisibilité des comptes publics, de disperser les crédits affectés à la politique de l'emploi. Nous sommes critiques également sur la présentation qui en est faite par le Gouvernement quand il parle de sommes affectées à la baisse des charges patronales. Dans la présentation officielle, ces 63,9 milliards de francs se décomposent en 47 milliards pour la baisse des cotisations sur les bas et moyens salaires et un peu moins de 17 milliards pour l'aide aux 35 heures.

Cette distinction est parfaitement artificielle et arbitraire.

La réalité économique, c'est que ces prétendues baisses de charges sociales ne compensent pas la hausse des coûts salariaux provoquée par le passage aux 35 heures. Ce n'est pas un argument polémique, c'est un argument qui résulte directement des chiffres.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Au niveau du SMIC, il y a une surcompensation de 5 % !

M. François Goulard.

Monsieur Bapt, je me réfère non pas à votre rapport, mais à celui de M. Jean-Claude Boulard, qui est parfaitement clair. Le tableau très éloquent de la page 13 situe à 1,3 SMIC le niveau auquel le taux d'exonération rapporté au salaire brut est de 11 %, soit la hausse du coût salarial résultant du passage aux 35 heures.

Donc, pour les salaires égaux à 1,3 fois le SMIC, il y a coïncidence entre la baisse de charges que vous mettez en oeuvre et l'augmentation du coût du salaire horaire due aux 35 heures.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

C'est un raisonnement un peu mécaniste !

M. François Goulard.

Pour un employeur, monsieur Bapt, le fait de payer le même salaire pour quatre heures travaillées de moins, c'est une hausse de 11 % du coût du salaire horaire. Mécaniste ou pas, c'est une réalité économique que vous ne pouvez nier.


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Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et la productivité ?

M. François Goulard.

Pour les autres niveaux de salaires, qu'ils soient supérieurs ou inférieurs à 1,3 SMIC, c'est-à-dire le niveau auquel cesse de s'appliquer aujourd'hui la ristourne dégressive, l'allègement de charges est plus faible que la hausse de 11 % du coût du travail.

Nous maintenons donc que c'est un faux allègement des charges patronales. Il s'agit, en réalité, d'une compensation partielle du surcoût imputable aux 35 heures.

Voilà le grand débat de ce budget. La grande mesure en faveur de l'emploi qu'il est censé mettre en oeuvre doit, hélas, se regarder autrement Il y aurait à faire bien des remarques de moindre importance : sur les moyens de votre ministère, par exemple. J'ai noté que si les crédits affectés aux moyens des services augmentent légèrement, c'est le chapitre 34-97 consacré aux crédits de communication qui augmente le plus. On aurait aimé que les autres moyens des services bénéficient de la même progression, en particulier ceux des services déconcentrés.

De fait, madame la ministre, les prestations offertes par les services déconcentrés de votre ministère ne sont pas à la hauteur de ce que les Français peuvent en attendre, dans une période où l'emploi est évidemment au centre des préoccupations. Dans de nombreux départements, ces services sont difficilement joignables ; ils ne sont pas disponibles pour offrir le conseil le plus élémentaire. Mais je ne leur jette pas la pierre, car c'est une question de moyens. Cela passe certainement par des redéploiements internes et par l'affectation de crédits supplémentaires.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De quels services parlez-vous ?

M. François Goulard.

Je parle des directions départementales du travail et de l'emploi.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la première fois qu'on me le dit.

M. François Goulard.

Dans mon département, nos concitoyens ont beaucoup de mal à entrer en contact avec vos services et, dans un domaine aussi essentiel que le travail et l'emploi, j'estime que c'est particulièrement regrettable. Hors séance, je pourrai vous communiquer des éléments d'information à ce sujet.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ferai des essais moi-même !

M. François Goulard.

Les emplois-jeunes ont déjà été largement évoqués. Le rapporteur lui-même pose le problème, relativement angoissant, de leur pérennité à l'issue des cinq ans. D'autre part, on peut regretter, comme Maxime Gremetz, que l'effort de formation, en particulier quand l'Etat est l'employeur, ne soit pas à la hauteur des besoins et ne donne pas aux titulaires d'un emploi-jeune sinon la garantie, du moins de bonnes chances de trouver un emploi pérenne à terme.

Nous sommes tous convaincus que, malgré l'amélioration de la situation de l'emploi, et en souhaitant naturellement qu'elle se poursuive, des actions très énergiques restent nécessaires en faveur de publics dont on sait qu'ils auront beaucoup de mal à trouver un travail. A cet égard, je vous dirai, après d'autres orateurs, que nous ne voyons pas, sur le terrain, les effets concrets du dispositif TRACE, qui a visiblement du mal à entrer en action.

Nous attendions aussi la refonte, depuis longtemps souhaitée, des multiples dispositifs d'aide, qui sont à la fois trop complexes, trop rigides et qui s'adaptent mal à la réalité des demandeurs d'emploi.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Par exemple ?

M. François Goulard.

De ce point de vue, je ferai une suggestion. En tant que gestionnaires de collectivités locales, nous souhaiterions souvent pouvoir aider certains de nos compatriotes dont nous savons qu'ils ont beaucoup de mal à s'insérer normalement dans le milieu de travail. Beaucoup de collectivités seraient prêtes à leur donner des emplois en dehors des dispositifs aidés, qui sont par nature temporaires et dont les conditions d'accès ne sont pas toujours remplies par les intéressés. Pour qu'elles le puissent, il faudrait alléger les règles de recrutement dans la fonction publique locale. Trop souvent, en effet, nous nous heurtons au sacro-saint principe du concours et au statut de la fonction publique locale. Pour certains emplois, les moins qualifiés, des assouplissements seraient les bienvenus, qui permettraient d'aider très concrètement beaucoup de gens.

En matière de formation professionnelle, le rapporteur, M. Barrot, a dit tout ce qui devait l'être. J'ajoute simplement que de nombreux demandeurs d'emploi ont du mal, d'abord à trouver des stages, puis à les faire financer.

L'AFPA, malgré la qualité de ses prestations, n'offre pas à tous les stages qui leur permettraient de se rapprocher de l'emploi.

Je regrette également, avec le rapporteur, que le nombre d'entrées en apprentissage prévu pour 2000 ne soit pas en augmentation par rapport à 1999. Nous savons en effet que le regain d'activité dans le secteur de l'artisanat, et en particulier le bâtiment, devrait permettre d'accueillir de nombreux jeunes en apprentissage, mode de formation de loin le plus efficace pour ces métiers.

Madame la ministre, nous sommes naturellement en désaccord sur les grandes lignes de votre politique de l'emploi, qu'il s'agisse de la réduction imposée du temps de travail et de ses modalités de financement, ou encore des emplois-jeunes, dont nous attendons toujours, depuis deux ans et demi, qu'ils soient étendus au secteur privé, conformément à votre programme de gouvernement.

Pour conclure, j'évoquerai un fait de l'actualité récente, un phénomène important et relativement nouveau qui me semble se dégager des péripéties du financement des 35 heures, un enjeu certain pour les prochaines années : la demande des partenaires sociaux, du côté patronal comme du côté syndical, que soit préservé, y compris de l'intervention du législateur, un espace de liberté pour le dialogue social et la négociation collective. Nous devrons, je crois, répondre à cette demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, la croissance devrait donc atteindre 2,3 % cette année et approcher les 2,8 % en l'an 2000. Elle reste le principal moteur de l'ensemble économique que nous connaissons a ctuellement et du dynamisme retrouvé des offres d'emplois. Elle n'est en rien, monsieur Goulard, un phénomène spontané et inexplicable. Le Gouvernement a su agir sur plusieurs leviers susceptibles d'exercer sur la croissance un effet d'entraînement : soutien à la consommation des ménages, abaissement du taux de la TVA sur divers produits, relance de secteurs créateurs d'emplois, dispositifs de solidarité, moyens déployés en vue de per-


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mettre le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, plan emplois-jeunes, mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Les députés du Mouvement des citoyens considèrent que toutes ces mesures sont positives et doivent être mises en oeuvre avec plus d'audace et de force. En effet, en dépit de la baisse significative du chômage dans notre pays - 3 % en septembre dernier - il ne saurait être question de se contenter de la situation actuelle. La France connaît encore un taux de chômage très élevé - 11,1 % de la population active selon le BIT - et il ne faut pas oublier qu'une embauche sur quatre se fait sur contrat précaire - intérim, temps partiel ou CDD - le recours à l'intérim ne cessant de croître : plus 50 % entre 1998 et 1999.

Par ailleurs, si l'activité économique connaît un regain certain, les inégalités perdurent : 10 % des ménages les plus riches détiennent à eux seuls près de 53 % des fortunes. Les bénéfices dégagés par les multinationales ne cessent de s'envoler : 20 % par an. Celles-ci, pour séduire leurs actionnaires, continuent leur politique désastreuse pour l'emploi : toujours plus de licenciements pour maximiser les profits.

Plus de 10 % des ménages disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté ; deux millions de nos concitoyens vivent grâce au RMI et six millions dépendent des minima sociaux.

Pour tenter de remédier à cette situation, le Gouvernement a mis en place diverses réponses : la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclu-s ions, les dispositions contre le surendettement, l'adoption de la couverture maladie universelle, le plan emploi-jeunes, les mesures d'insertion. Ces réformes commencent aujourd'hui à porter leurs fruits ; il fallait donc les maintenir, voire les renforcer. C'est cette volonté qui, pour l'essentiel, s'exprime dans le projet de budget que vous nous proposez, mesdames les ministres.

Avec 253,638 milliards de francs, ce budget connaît une progression de 4,3 %. Le budget de l'emploi à proprement parler, déduction faite des aides visant à promouvoir la réduction négociée du temps de travail et à alléger les charges sociales sur l'emploi peu qualifié, s'élève à 122 milliards, c'est-à-dire 2,2 % de plus par rapport à 1999.

Ce budget doit aussi faciliter le retour à l'emploi des populations les plus fragiles, avec 52,8 milliards de francs de crédits, en augmentation de 7,6 %.

De même, le financement de 60 000 contrats emploiconsolidé de plus qu'en 1999, les 9 milliards prévus pour le financement des contrats emploi-solidarité et les 7 milliards au titre des contrats initiative-emploi vont dans le bon sens. Nous souhaitons que tous ces outils - CEC, CES, CIE - servent vraiment de passerelles pour réintégrer durablement les personnes qui en bénéficient sur le marché du travail.

Dans ce cadre, il serait judicieux que s'instaure un vérit able partenariat entre les structures associatives et publiques qui les accueillent et l'ANPE, pour que cette dernière puisse faire de véritables propositions, notamment à l'issue d'un contrat emploi-solidarité.

Nous notons avec satisfaction que les entreprises d'insertion par l'économique bénéficieront de crédits supplémentaires, et nous nous félicitons que le budget de la formation professionnelle soit consolidé pour un montant de 34 milliards de francs.

Par ailleurs, le programme des emplois-jeunes, avec la création de 100 emplois nouveaux, devrait être amplifié p our parvenir d'ici à la fin de l'an 2000 à 300 000 contrats, à favoriser l'accès à l'emploi d'un nombre plus important de jeunes et à renforcer ainsi la formation professionnalle.

J'ajouterai enfin que les efforts de créations d'emplois entrepris par l'ANPE, mais aussi par les inspections du travail, nous paraissent encore insuffisants, eu égard notamment aux exigences qu'impose aux inspecteurs du travail la mise en oeuvre de la loi sur la réduction du temps de travail.

Forts de ces diverses observations, conscients que le Gouvernement s'est engagé dans la bonne voie, même si nous souhaitons qu'il accompagne ses actions de moyens supplémentaires en personnels pour des services publics de qualité et qu'il fasse de la loi sur les 35 heures une loi au service du progrès social et de l'emploi, les députés du Mouvement des citoyens, comme l'ensemble des députés du groupe RCV, voteront ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Ueberschlag.

M. Jean Ueberschlag.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a quelques années, la formation professionnelle bénéficiait d'une présentation et d'une discussion budgétaire spécifiques. Il y a quelques années, la formation professionnelle n'était pas p rétexte à considérations politiciennes ; aujourd'hui, derrière les propos de certains rapporteurs, la polémique pointe. Il y a quelques années, l'examen d'un budget permettait de faire la part des choses ; aujourd'hui, à travers une présentation de plus en plus confuse, votre budget est de moins en moins lisible. Tout est mélangé et nous n'avons même pas pu interroger le Gouvernement, puisque les ministres n'assistent plus aux travaux en commission.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Ah bon ?

M. Jean Ueberschlag.

Cela dénote-t-il de votre part un mépris du Parlement, un refus de la confrontation ou tout simplement une mauvaise conscience ? A moins mesdames les ministres, que ce ne soit une manière de manifester votre dépit de ne pas voir figurer vos différents budgets dans la catégorie des budgets priviligiés qui bénéficient de la procédure expérimentale ? On a les priorités qu'on peut !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est un peu bas, cela, monsieur Ueberschlag. Vous nous avez habitués à mieux.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

C'est la défaite de la France, samedi, qui le rend de mauvaise humeur. (Sourires.)

M. Jean Ueberschlag.

Enfin, examinons maintenant votre budget. Est-il bien à la hauteur des circonstances et des défis du début du siècle ? Ou n'hypothèque-t-il pas l'avenir par une gestion quantitative du marché du travail au coût prohibitif et aux effets imperceptibles ? Par une gestion qualitative du marché du travail coûteuse, mais malheureusement en panne ? Par une gestion qualitative du marché du travail contradictoire et bricolée ? Certes, vos moyens dépassent ceux de la défense, mais comment cheminer dans ce labyrinthe chiffré que sont devenus vos multiples budgets ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

C'est politiquement séduisant, mais que reste-t-il de cet affichage pour l'emploi et la formation professionnelle, alors qu'au-delà des chiffres officiels, tant de gens restent sur la touche ? Dénonçons tout d'abord une supercherie : la baisse salutaire des chiffres du chômage et l'espoir d'un plein emploi retrouvé dans une dizaine d'années s'inscrivent dans une perspective structurelle plus qu'elles ne sont votre oeuvre.

Restons objectifs, en effet, puisque ce sont essentiellement la croissance internationale et le vieillissement progressif de la population active qui concourent, surtout, actuellement, à réduire le degré de sous-utilisation du travail.

A vec les 35 heures, votre action n'est que d'accompagnement, aux risques et périls du salarié.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Elle accompagne ou elle crée des risques ?

M. Jean Ueberschlag.

Vous parlez de 120 000 emplois créés ou préservés grâce aux 35 heures. Il n'existe aucune raison sérieuse d'attribuer ces créations d'emploi aux 14 000 accords sur la réduction du temps de travail ou aux licenciements évités.

S'agit-il bien des mêmes 120 000 emplois ? Rien n'est moins sûr. On constate en moyenne en France 4 millions d'embauches par an. La réduction du temps de travail n'y concourrait donc que pour 3 %. Chaque année, la majorité des entreprises voient leurs effectifs croître dans des proportions supérieures à celles imposées par la loi. De plus, la reprise est là pour accentuer ce mouvement. Du reste, en France, le taux de chômage a baissé de 11,7 % à 11,2 %, et dans la zone euro, de 10,9 % à 10,6 %. Nous ne faisons donc pas mieux que les autres, en travaillant moins.

L es incitations financières proposées avant le 31 décembre 1999, comme les autres aides, sont offertes sans véritable contrôle, ni évaluation des dispositifs. Elles sont généreuses, pour ne pas dire coûteuses. Elles laissent à penser que les emplois créés l'auraient été de toute façon mais n'ont été anticipés qu'en raison des effets d'aubaine dont la loi est porteuse et non pas forcément grâce au seul effet propre de la réduction du temps de travail.

Enfin, et c'est le plus grave, rien ne prouve qu'il ne s'agisse d'emplois qui ne seront pas rapidement détruits par le poids du financement de la loi. La masse financière mobilisée auprès des contribuables pour l'application de la loi risque de bénéficier essentiellement à la réduction du temps de travail des salariés déjà titulaires d'un emploi stable...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. Jean Ueberschlag.

... et d'avoir un impact quasi nul sur le chômage, sans finalement aucun effet redistributif réel.

Une attitude responsable voudrait que l'on organise les moyens d'une évaluation rigoureuse des effets de la loi, mais c'est au prix de l'accès à des statistiques que le ministère ne communique pas pour l'instant.

La Commission de Bruxelles, le 8 septembre dernier, jugeait simplement « passable » la stratégie pour l'emploi développée par la France au sein de l'Union européenne.

L'OCDE, en février 1999, notait bien l'entrée de la France dans une période favorable mais soulignait la nécessité que « les réformes structurelles en cours, en particulier la réduction du temps de travail, soient mises en oeuvre d'une façon telle qu'elles n'aboutissent pas à l'effet inverse de leurs objectifs affichés ».

Nous assistons bien à une gestion quantitative du marché du travail au coût prohibitif et aux effets malheureusement imperceptibles.

De plus, il s'agit d'une gestion qualitative du marché du travail coûteuse mais en panne. Nous abordons là le problème de la formation professionnelle.

Je vous rappellerai qu'en sept ans, depuis le début des années quatre-vingt-dix, le nombre des stagiaires a, certes, été multiplié par 1,5, mais on compte sur les 11 millions d'entrées en formation, seulement 1,5 million d'anciens chômeurs.

Dans le même temps, la durée moyenne de formation est littéralement tombée de 105 à 74 heures, de l'aveu même de vos propres services, madame la ministre - je cite la DARES. Le tout sur un marché de 40 000 prestataires plus ou moins bien contrôlés, au premier rang desquels l'AFPA.

Le consensus qui, depuis la loi de 1971, a régi la formation continue est ébranlé par le débat sur la réduction du temps de travail. Une proportion importante de salariés n'est pas hostile au co-investissement sous la forme d'un temps de formation non rémunéré ; divers sondages l'ont montré ces dernières années - notamment un sondage SOFRES-CGT, au printemps 1998.

Mais cela laisse en suspens, juridiquement, le problème de la frontière entre obligation contractuelle d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi et co-investissement, et le problème de la nature du temps de formation par rapport au temps de travail effectif, donc le régime de sa rémunération - salaire ou indemnisation.

Quid des autres modalités d'accès à la formation que représentent le développement du compte épargne-temps, la combinaison entre acceptation d'un emploi précaire et d'une formation concomitante, le développement des groupements d'employeurs et d'autres formes de travail en temps partagé ? La recherche d'un nouvel équilibre temps de travail - temps de formation constitue l'un des enjeux majeurs des négociations d'entreprise sur la réduction du temps de travail et la réforme de la formation professionnelle, serpent de mer, depuis juin 1997.

Vous nous annoncez périodiquement, et cela depuis deux ans, que nous sommes à la veille de la réforme de la formation professionnelle.

M. Maxime Gremetz.

Eh oui !

M. Jean Ueberschlag.

« A la veille » de sa réforme, la formation professionnelle voit l'effort des entreprises se stabiliser. « A la veille » de sa réforme, la formation professionnelle voit l'effort de formation des régions varier de manière problématique, en volume et priorités. « A la veille » de sa réforme, la formation professionnelle reste prise au piège des années de la montée du chômage. Elle offre depuis longtemps un refuge statistique à des demand eurs d'emploi devenus stagiaires, sortant ainsi des chiffres de fin de mois, sans réel espoir de réinsertion professionnelle en fin de formation. Or, on le sait, même s'il baisse en volume, le chômage de longue durée se rallonge et s'enkyste.

La responsabilité de l'AFPA et sa place prépondérante au sein du service public de l'emploi sont, à cet égard, sans appel au regard des moyens dont elle dispose.


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Enfin, toujours « à la veille » de sa réforme, la formation professionnelle reste le champ de querelles d'intérêt auxquelles le paritarisme n'offre aucun frein.

M. Maxime Gremetz.

Les patrons ne veulent pas payer !

M. Jean Ueberschlag.

En panne, cette gestion qualitative du marché du travail paraît de plus en plus contradictoire et bricolée ! L'alternance, par exemple, ce grand dessein, peut-elle se satisfaire encore longtemps de ces petites mesures que vous lui réservez ? On se souvient comment l'an dernier, après avoir supprimé la prime incitant les entreprises à embaucher des j eunes en contrat de qualification - à partir du niveau IV -, le Gouvernement a fait voter une disposition équivalente dans le domaine de l'apprentissage.

L'autre motif avancé était de recentrer ce type d'aide sur les jeunes les moins qualifiés.

Bref, devant le succès de l'alternance, vous avez choisi pour cause d'économies, de la décourager.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est pour cela qu'elle augmente !

M. Jean Ueberschlag.

Au sein de l'alternance, le sort de l'apprentissage n'est pas meilleur ! Le système de l'indemnité compensatrice forfaitaire, créé par la loi du 5 mai 1996, peut fluctuer à tout moment puisque son budget n'est inscrit que dans un décret, pris en principe après consultation du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de la commission permanente.

Le risque n'est pas nul, actuellement, de voir l'apprentissage redevenir une filière des pauvres...

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Jean Ueberschlag.

... et les propos de M. Lindeperg me le laissent craindre - sous prétexte de lutte contre l'exclusion.

L'alternance reste malheureuement un grand dessein sans progrès organisé. Déclarations ministérielles et syndicales se rejoignent pourtant sur la nécessité d'une formation tout au long de la vie, garantie par un droit individuel transférable et collectivement assuré.

Or nous voici - et j'en arrive à ma conclusion - au tournant du siècle, avec un budget de l'Etat grevé par le coût exorbitant des 35 heures.

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Jean Ueberschlag.

Votre besoin de financement s'élève à 110 milliards de francs pour les seules 35 heures, alors que votre budget en nécessite déjà plus de 122 milliards ! Ce budget offre-t-il encore des choix et des moyens crédibles en faveur de la qualification et de la promotion des hommes ? Force est de constater que non ! Nous luttons essentiellement contre l'exclusion par la formation, faut-il le redire. Votre budget pour l'apprentissage est en diminution, votre budget pour l'alternance est en diminution, les crédits de la formation professionnelle sont en diminution. Tout le reste n'est que faribole ! Un mot encore sur l'état du paritarisme et de la négociation sociale. Les 35 heures prétendent privilégier et revigorer le dialogue social, alors que du MEDEF à la CFTC, on se plaint unanimement - je reprends les propos de Mme Notat - « des décisions qui tombent abruptement du haut de l'Etat ».

Au reste, les partenaires sociaux, soucieux de l'intérêt général et d'une protection sociale dont on connaît l'état, ne viennent-ils pas d'échapper de justesse à une contribution forcée au financement des 35 heures ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ce n'est que partie remise !

M. Jean Ueberschlag.

Financement dont le coût pour le pays renverrait le budget au-delà des critères de déficit admissibles pour la stabilité économique et la monnaie européenne.

M. le président.

Monsieur Ueberschlag, n'aviez-vous pas annoncé votre conclusion ?

M. Jean Ueberschlag.

J'y viens, monsieur le président !

M. le président.

Je pensais qu'elle arriverait plus vite !

M. Jean Ueberschlag.

Monsieur le président, si madame le ministre était venue en commission, je n'aurais pas été obligé de poser toutes ces questions !

M. le président.

Poursuivez et concluez, comme vous nous l'avez annoncé.

M. Maxime Gremetz.

Pas de traitement de faveur !

M. Jean Ueberschlag.

On dit du 21e siècle, qu'il serait moral ou ne serait pas. Il pourrait bien ne pas l'être : non seulement il faut déjà payer pour tenter de se former mieux et plus souvent, pour se prémunir du chômage, pour essayer de se garantir une retraite décente, mais maintenant - c'est nouveau - il va falloir payer pour travailler moins ! Et grâce à vos recettes sur le tabac et l'alcool, ceux qui ne sauraient quoi faire de leur temps libre paieront aussi pour s'ennuyer !

M. le président.

Ne perdez pas trop de temps. La présidence est tolérante, mais la tolérance à des limites.

M. Jean Ueberschlag.

Depuis 1981, la majorité a bien changé la vie, mais à l'opposé de ce qu'attendent les Français et si nous la laissons faire, ils devront payer pour vivre au 21e siècle ! Telles sont les raisons pour lesquelles, mesdames les ministres, le groupe RPR ne peut ni cautionner votre politique, ni voter le budget tel que vous nous le proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, lors des débats sur la seconde loi de réduction du temps de travail nous avons unanimement reconnu l'ampleur des défis que la formation professionnelle est appelée à relever afin de faire face à l'évolution de la situation de l'emploi et de l'économie.

Rappelons qu'avec l'accord interprofessionnel de juillet 1970 et la loi de 1971, la France s'était placée au premier rang européen en matière de formation professionnelle.

Depuis, les besoins ont évolué et le Gouvernement a pris l'engagement de soumettre au débat un nouveau projet de loi. Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, a déjà engagé différents travaux de préparation.

Dans le cadre de ces travaux, les enquêtes ont révélé d'importantes inégalités dans l'accès à la formation, une efficacité insuffisante en matière de promotion sociale et un manque de certification des acquis.

Les inégalités sont flagrantes : un tiers seulement des salariés accède chaque année à une formation de quarante heures environ. On constate une quasi-exclusion des


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ouvriers non qualifiés des PME de dix à dix-neuf salariés, puisque leur taux d'accès est de 2,5 %, tandis que pour les femmes à temps partiel, la discrimination est encore plus forte - près de 18 % d'écart avec les hommes pour un taux d'accès de 8,5 %. Selon la taille de l'entreprise, la catégorie sociale, la branche professionnelle ou le sexe, d'importantes inégalités se manifestent, qui réduisent le droit à la formation à une probabilité très limitée et déterminée principalement par le chef d'entreprise.

Ces constats ont influencé le groupe communiste dans sa réflexion lors du projet d'élaboration d'une proposition de loi relative au droit à la formation professionnelle tout au long de la vie active. Cette proposition est le fruit d'une collaboration avec de nombreux acteurs, intéressés par leur implication et leurs compétences sur ce sujet. Le débat se poursuit afin d'affiner et d'améliorer les travaux commencés.

Notre réflexion s'inscrit dans la volonté de mettre en place un plan « sécurité, emploi, formation », trois aspects indissociables pour donner toute sa dimension à la formation professionnelle.

Ce projet doit permettre à la formation professionnelle de répondre à la nécessité d'élever le niveau de compétence et de qualification, facteur décisif dans la compétition économique et dans l'amélioration de la productivité. Il s'agit de la défense d'un intérêt général et nou s y sommes tous interessés.

C'est pourquoi il serait injuste d'imposer aux salariés lar esponsabilité de leur « employabilité ». L'Etat, les régions, les représentants des employeurs et des salariés doivent, par des négociations, parvenir à l'établissement de plans de formation qui répondent à l'intérêt général.

Toutes les formes d'inégalités doivent être combattues tant pour tenir compte des différences entre catégories de salariés - femmes, jeunes, non diplômés... - que pour les entreprises. Aussi proposons-nous la création d'un fonds de mutualisation qui serait de nature à augmenter l'accès à la formation professionnelle dans les PME.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. Patrick Leroy.

Nous insistons également pour la reconnaissance d'un droit individuel à la formation, au même titre que le droit au logement, à la santé ou à l'éducation. Cela faciliterait l'accès à la formation professionnelle continue tout au long de leur vie aux précaires et aux chômeurs.

Lors des débats sur la réduction du temps de travail, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la volonté du Gouvernement de présenter en 2001 un projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie.

L'un des amendements retenus au cours de la première lecture de ce texte réaffirme, de façon claire, le devoir d'adaptation de l'employeur : la formation d'adaptation doit être financée par l'employeur et compter dans la durée du temps de travail effectif ; quant aux formations personnelles, elles doivent faire l'objet de négociations et l'accord écrit du salarié est obligatoire. Dans ce cas, l'employeur peut financer la formation dont une partie peut être décomptée du temps de travail effectif.

Les textes méritent d'être améliorés. Des précisions devraient permettre de mieux définir des notions comme la compétence et l'adaptation. En l'état actuel du droit, ces notions peuvent servir à réduire les possibilités de formation payées et prises sur le temps de travail effectif.

Pour terminer, je tiens à rappeler que les députés c ommunistes entendent présenter des propositions constructives dans l'élaboration de la loi sur la formation professionnelle. C'est dans cet esprit qu'ils voteront ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole et à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la politique de l'emploi n'est pas une politique parmi d'autres et le budget de l'emploi n'est pas un budget parmi d'autres. Cette politique est, au contraire, au coeur de l'action du Gouvernement et de la majorité qui ont décidé de faire de la lutte contre le chômage la priorité des priorités.

Je n'avais pas l'intention d'égrener l'ensemble des mesures prises depuis deux ans et demi, mais les propos tenus par M. Goulard m'y auraient presque incité car ils voulaient donner le sentiment que cette croissance et la progression de l'emploi qui s'y attache étaient plus le fruit du hasard que d'une volonté. Or il suffit d'énumérer les actions menées depuis deux ans et demi pour constater que si la conjonture a évolué, notamment en Europe, les résultats obtenus procèdent largement d'une volonté bien ajustée à cette situation économique nouvelle.

Relance de la croissance par le soutien au pouvoir d'achat, soutien à l'investissement dans les nouvelles technologies, emplois-jeunes, réduction du temps de travail, baisse des cotisations patronales, toutes ces mesures ont permis d'illustrer et de concrétiser cette volonté, en un mot, de passer des discours aux actes.

Les résultats suivent et à un rythme qui doit être souligné. En effet nous avons réussi, au cours des six premiers mois de cette année, à créer autant d'emplois et à faire reculer le chômage autant que durant toute l'année passée. Cela signifie que la croissance s'enrichit en emplois et que les résultats de cette politique, en particulier de la réduction du temps de travail, commencent à se faire sentir de manière significative.

J'ai bien entendu M. Goulard déclarer que ces données étaient prévisibles quelques semaines avant juin 1997. Il faut alors croire que ceux qui ont pris des décisions non pas économiques et sociales, mais politiques, à cette époque, étaient soit mal informés, soit mal conseillés ! Je pense plutôt que les résultats obtenus depuis quelques années sont dus à une politique qui a pris en compte l'ensemble de ces éléments, s'inspirant non pas seulement de préoccupations économiques et sociales, mais reposant sur un véritable choix de société, celui fait depuis deux ans et demi.

Comment ne pas voir, en effet, que la plupart des difficultés que connaît notre pays trouvent leur source dans le chômage ? Faire reculer le chômage, c'est replacer notre société sur ses bases, c'est redonner confiance à ceux qui travaillent, à ceux qui veulent travailler, aux familles et aux jeunes ; c'est offrir un projet et ouvrir des perspectives.

Nous parlons d'emploi, voire de plein emploi aujourd'hui. C'est dans cette direction que nous devons nous mobiliser le plus possible.

D'une certaine façon nous avons fait, depuis deux ans et demi, le choix d'être le parti de l'emploi, peut-être, bientôt, celui du plein emploi. Je regrette de devoir constater que, d'une certaine façon aussi, en nous remémorant quelques souvenirs, l'opposition veut nous rappeler que, lorsqu'elle avait la majorité, elle était le parti du chômage. A cet égard une image me vient presque spon-


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tanément à l'esprit, celle d'une sorte d'Hercule politique apparu après les élections législatives de 1993 et l'élection présidentielle de 1995 qui, au lieu d'étouffer dans son berceau les deux serpents de l'exclusion et du chômage, a préféré, sans doute pris d'une sorte d'aveuglement, étouffer la croissance et l'emploi.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

L'opposition est partie.

M. Jean Ueberschlag.

Quel galimatias !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Il ne reste que M. Ueberschlag. Gardons-le !

M. Jean Ueberschlag.

Et qu'avez-vous fait avant 1993 ?

M. Gaëtan Gorce.

Une autre politique a été engagée depuis deux ans et demi. Ce budget, qui lui sert de support, doit être examiné avec attention. Je tiens donc à insister sur certains de ces aspects.

Le premier objectif qu'il vise est d'accompagner la croissance pour l'enrichir en emplois. Tel est le but des lois sur les 35 heures à propos desquelles je veux rappeler à leurs détracteurs - car nous avons eu et nous aurons de nombreux débats sur le sujet - qu'elles ont d'ores et déjà permis de créer ou de préserver 120 000 emplois.

L'objectif des 150 000 sera probablement atteint d'ici à la fin de cette année, ce qui relativisera certaines observations et certains commentaires.

Cela étant, il est indispensable d'être attentifs aux mesures d'accompagnement des 35 heures, en particulier à l'appui-conseil. Chacun connaît le succès de ces mesures et la difficulté de mobiliser les crédits nécessaires.

Il conviendra donc de veiller à ce que le nécessaire soit fait dans le prochain budget. Je sais, madame la ministre, que vous y êtes attentive, mais cela est indispensable si l'on en juge par les besoins qui s'expriment à la fin de cette année.

Cela est également vrai en matière de formation, puisque la politique de l'emploi actuellement menée produit des résultats et obtient des effets. Cependant elle appelle aussi, à l'évidence, un ajustement entre les besoins d'emplois et la situation d'un ensemble de salariés qui souhaitent retrouver une activité. De ce point de vue, la formation est un enjeu considérable.

Il faut donc renforcer les moyens en emplois du ministère et vous continuez à le faire. Tel est notamment le cas pour les inspecteurs du travail. Cela répond à une revendication que nous exprimons chaque année à cette tribune. Nous sommes donc heureux de voir qu'elle aboutit, même si l'on pourrait aller encore un peu plus loin.

A côté de l'accompagnement de la croissance pour l'enrichir en emplois, il faut poursuivre la lutte contre les inégalités devant l'emploi.

Elles concernent bien entendu d'abord les jeunes, qui ont été très frappés par le chômage au cours des années passées, mais qui sont aujourd'hui les principaux bénéficiaires de la reprise de l'activité. A cet égard les emploisjeunes tiennent une place primordiale. Une discussion a été engagée sur l'extension de la formule au secteur privé.

Je me borne à souligner que le nombre des emplois créés en faveur des jeunes depuis deux ans et demi, plus de 300 000, correspond presque exactement à l'engagement que nous avions pris pour le secteur public. Cela ne signifie pas que l'on doit se satisfaire de ce résultat. Certains ont d'ailleurs d'ores et déjà engagé une réflexion en souhaitant que l'on évolue vers ce que l'on pourrait appeler une « allocation formation-insertion ». Elle permettrait de prendre en compte la situation des jeunes entrés directement dans un emploi pour leur garantir à la fois une rémunération et un parcours professionnel.

Une autre inégalité existe entre les territoires. En effet, les taux de chômage sont très différents selon les bassins d'emploi : ils vont parfois du simple au double, quand ce n'est pas davantage. Il convient d'être particulièrement attentif à cette situation. La politique d'aménagement du territoire est évidemment la mieux à même d'apporter des réponses, mais une politique de l'emploi équilibré doit prendre en compte la nécessité de stratégies locales pour l'emploi.

Enfin, il faut lutter contre toutes les formes de fragilité sociale. Au cours des années de crise que nous avons connues, la situation des salariés a été indiscutablement affaiblie. Les rapports de force ont été modifiés dans la négociation sociale et dans les entreprises. Aujourd'hui, la capacité de négocier des salariés est en train de se rétablir, mais elle appelle néanmoins un support législatif. Tel a été l'objet de certaines dispositions prises dans la loi sur les 35 heures. Il faudra continuer dans cette voie, par exemple en matière de prévention des licenciements.

Chaque année, à cette tribune, je rappelle notre préoccupation de faire en sorte que soient accrus tant les droits des salariés en la matière que les obligations des entreprises : obligation d'adaptation, obligation de reconversion et de reclassement. Nous souhaitons que le Parlement puisse être saisi de ces sujets au cours des prochains mois afin de faire progresser notre législation.

Tels sont les quelques points que je voulais aborder très rapidement, en exprimant le soutien du groupe socialiste au budget qui nous est présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Madame la ministre, la politique du Gouvernement qui, depuis deux ans et demi, place l'emploi au coeur de ses décisions commence à porter ses fruits. Le chômage vient de connaître la plus forte baisse de ces dix dernières années. Les deux tiers des emplois créés en Europe l'ont été en France.

A la Réunion, la situation est singulièrement différente : si le taux de création d'emplois est également dynamique, le chômage, lui, ne diminue guère et nous détenons toujours le triste record du nombre des demand eurs d'emploi. Pourquoi une même politique ne produit-elle pas les mêmes effets ? La réponse se trouve sans doute dans une évolution démographique radicalement différente. Alors que la courbe démographique est en train de s'inverser en France métropolitaine, incitant même le Gouvernement à envisager le plein emploi au cours de la prochaine décennie, la croissance démographique à la Réunion ne s'infléchira qu'aux alentours de 2010. Un tel constraste montre, s'il en était encore besoin, à quel point les dispositifs de droit commun, pour nécessaires qu'ils soient, doivent être assortis d'adaptations et complétés par des mesures dérogatoires.

Permettez-moi, madame la ministre, d'illustrer mon propos par l'exemple du programme « Nouveaux services, nouveaux emplois » que vous avez créé. Plus de cinq millee mplois-jeunes sont aujourd'hui au travail, le plus souvent recrutés au sein des associations et des collectivités locales. Ce dispositif a été plébiscité par les jeunes de l a Réunion et tous les observateurs s'accordent à reconnaître son impact dans la non-aggravation du chômage sur l'île en 1998.


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Véritable bouffée d'oxygène, ce dispositif révèle tout à la fois l'aspiration énorme des jeunes à travailler et les difficultés qui se présentent à eux. Un seul chiffre suffit pour s'en faire une idée : plus de 61 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage. Autrement dit, pour un emploi-jeune créé, il y a quatre demandeurs d'emploi.

Cette réalité a conduit le conseil régional de la Réunion à proposer certaines adaptations afin de permettre le recrutement de dix mille jeunes en trois ans. Touchant aux modalités et aux sources de financement, à la structuration d'une véritable économie solidaire ou encore à la pérennisation des emplois créés, ces adaptations sont toutes inspirées par l'expérience acquise sur le terrain.

Nous les avons présentées lors de l'examen de votre budget l'an dernier. Mais votre ministère ne les a pas retenues. Nous craignons beaucoup que, sans ces adaptations, l'objectif des 10 000 emplois-jeunes ne puisse être atteint.

Madame la ministre, la jeunesse réunionnaise attend. Il appartient au pouvoir politique de lui donner un signe d'encouragement. Aussi allons-nous saisir l'occasion de la prochaine loi d'orientation sur les départements d'outremer pour proposer à nouveau ces mesures dérogatoires.

Nous comptons sur votre soutien pour qu'elles soient adoptées.

Vous avez exprimé une certaine appréhension quant aux dérives qui pourraient perturber la mise en oeuvre des emplois-jeunes à l'instar de celles que nous avons connues pour les contrats emplois-solidarité. Les contrôles de la direction du travail peuvent vous rassurer : les dossiers présentés sont sérieux et, après deux ans, les dérives sont rares. S'il en existe quelques-unes, elles doivent faire l'objet de sanctions, mais il ne faudrait pas qu'elles contrecarrent l'objectif d'augmenter de façon significative le nombre des emplois-jeunes à la Réunion. En effet, conjugués aux autres mesures dérogatoires en faveur de l'emploi, ces emplois-jeunes peuvent contribuer à faire en sorte que, à vingt-cinq ans, un jeune Réunionnais ne soit plus un chômeur de longue durée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter, aujourd'hui avec Nicole Péry et demain avec Dominique Gillot, le projet de budget pour 2000 du ministère de l'emploi et de la solidarité.

Les débats qui nous ont occupés ces derniers jours, tant sur la durée du travail que sur la loi de financement de la sécurité sociale, nous avaient déjà permis d'aborder plusieurs des sujets que certains orateurs ont de nouveau évoqués cet après-midi.

Rappelons que la politique de l'emploi est la pièce maîtresse de la stratégie du Gouvernement. Gaëtan Gorce nous a magistralement expliqué comment nous sommes passés du discours aux actes. Aujourd'hui, les résultats sont là : une croissance plus forte, plus riche en emplois, mais également une croissance qui profite à tous.

La baisse du chômage s'accélère : ces trois derniers mois auront connu une décrue équivalente à celle de l'année passée. Le rythme moyen est deux fois et demi supérieur à celui que nous avons connu l'année dernière, alors même que notre population active continue de s'accroître fortement et que notre croissance, quoique élevée, est moins forte que celle de l'année dernière. Mais beaucoup trop d'hommes et de femmes restent encore au chômage et il est pour eux difficile de regarder passer le train sans pouvoir monter dedans. C'est notamment le cas de tous ceux qui se retrouvent contraints aux temps partiels subis et aux emplois précaires, dont M. Gremetz nous a parlé. Leur nombre est certes en diminution, mais il reste encore trop élevé. La Premier ministre a annoncé des mesures en leur faveur. Mais nous devons nous intéresser au cas de tous ceux qui restent sur le bord du chemin.

Le projet de budget pour 2000 s'inscrit dans une problématique axée sur l'efficacité des aides à l'emploi, celle-là même sur laquelle votre mission d'évaluation et de contrôle a choisi de faire porter ses travaux dès sa première session, ce dont je me félicite particulièrement. Il s'inscrit également dans l'objectif imparti par le Premier ministre à la politique des finances publiques : financer intégralement les priorités du Gouvernement tout en maîtrisant l'évolution des dépenses de l'Etat, c'est-à-dire en opérant des redéploiements justifiés par la recherche systématique de l'efficacité de la dépense. La Cour des comptes pourra elle-même le constater, madame Bachelopt-Narquin, lorsqu'elle se penchera sur les derniers budgets, et comparer avec ceux de 1997 et de 1998.

Le projet de budget de l'emploi et de la formation professionnelle pour 2000 s'élève, si je retire les charges sociales, à 122,6 milliards de francs, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à l'année dernière.

Comme ce fut le cas pour les deux précédents, les priorités de notre politique seront intégralement financées. J'ai pour ce faire mobilisé toutes les marges de manoeuvre que me permettaient l'amélioration de la situation économique et les divers effets de notre politique de l'emploi.

La progression nette d'une année sur l'autre représente 2,7 milliards de francs, mais ce chiffre recouvre des mouvements inverses de grande ampleur : 10,4 milliards de francs de dotations supplémentaires, dont les deux principaux postes sont les emplois-jeunes et les moyens du service public de l'emploi, en contrepartie de 7,4 milliards de francs d'ajustements négatifs dont la plupart relèvent de choix volontaires reposant sur l'évaluation de l'efficacité propre des dispositifs, comme la MEC elle-même nous avait suggéré de faire durant le travail que nous avons mené en commun.

Cet effort de rigueur dans l'emploi des ressources budgétaires, je le répète, n'est pas nouveau. Je le mène avec constance depuis trois ans. Si l'on examine l'évolution du budget de l'emploi entre 1997 et 2000, on voit que l'augmentation nette - 10,7 milliards de francs à structure constante - résulte de la compensation de 37,2 milliards de francs de progression par 26,5 milliards de francs d'ajustements en baisse. J'espère que ces chiffres rassureront Mme Bachelot-Narquin ; ils ont été largement repris par votre commission.

Mais entrons sans tarder dans l'analyse des lignes de ce b udget : poursuivre les réformes structurelles ; lutter contre les exclusions ; améliorer les services du ministère.

Poursuivre les réformes structurelles et les programmes prioritaires du Gouvernement : le programme emploisjeunes, première loi votée dans cette nouvelle législature, en représente à l'évidence un élément essentiel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

M. Yves Cochet.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le bilan fin octobre est de 217 550 postes créés ayant donné lieu à 203 200 embauches effectives. Ainsi que l'a souligné Jean-Claude Boulard, c'est un réel succès. Là aussi, madame Bachelot-Narquin, nous nous sommes attachés à mettre en place des réponses à des besoins nouveaux, par des emplois nouveaux mis en oeuvre au niveau des associations et des collectivités locales. Comme je l'ai répété à plusieurs reprises à nos services et aux préfets, nous nous sommes attachés à faire du qualitatif p lutôt que du quantitatif. Dans cet esprit, nous avons construit notre budget pour 2000 en prenant pour objectif la création de 320 000 à 330 000 emplois, ce qui c orrespond bien, monsieur Bapt, à 280 000 à 300 000 embauches effectives. Ce faisant, nous nous inscrivons résolument, non dans une logique de guichet, mais bien dans une logique de projet autour de laquelle je suis heureuse de constater que beaucoup de régions et de collectivités locales se sont mobilisées, sans évidemment oublier le mouvement associatif. Cet effort de rigueur, je le redis, n'est pas une nouveauté.

Au total, l'impact sur le budget est de 7,4 milliards, la dotation 2000 étant portée de 13,9 milliards à 21,34 milliards dont 90 millions pour l'ingénierie de ces projets dont M. Boulard a mis en avant l'importance.

Dans le département de la Réunion, monsieur Hoarau, plus de 6 000 emplois-jeunes ont effectivement été créés dont 4 100 dans les associations et les collectivités locales.

Les nouveaux services sont particulièrement importants dans le domaine social et ceux de l'environnement, des sports, du logement et de la vie des quartiers. Seuls 20 % des jeunes recrutés ont un niveau de formation supérieur au bac. La qualité des projets reste un souci constant du préfet et de la direction départementale du travail : 30 % des projets déposés ont été rejetés et 70 % acceptés, ce qui donne la mesure du travail réalisé.

Il n'y a aucune raison, monsieur Gremetz, de s'insurger contre l'annulation des 4 millions de crédits destinés à la formation des militants syndicaux. Je voudrais vous rappeler que l'année dernière, comme l'année d'avant, ces 4 millions sont venus de la réserve parlementaire. J'espère bien qu'il en sera de même cette année.

M. Maxime Gremetz.

Je vous remercie.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est exact que la formation des salariés mandatés nécessitera un investissement important. C'est bien pour prendre cette nécessité en compte que nous avons inscrit un crédit supplémentaire de 10 millions de francs à l'article 12 du même chapitre, ce qui porte au total l'aide apportée aux organisations syndicales à 97,7 millions - augmentation non négligeable, reconnaissez-le.

Pour apprécier l'impact budgétaire des deux mesures structurelles désormais liées que sont la réduction du temps de travail et l'allégement du coût du travail, nous devons avoir une vision consolidée du budget de l'emploi et du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales. 7 milliards de crédits sont affectés à la réduction de la durée du travail dans le budget emploi, 2,7 milliards pour le dispositif Robien, 4,3 milliards à la subvention au fonds d'allégement au titre des aides pérennes et incitatives qui s'attachent aux accords 35 heures.

Rappelons que, sur les 105 milliards de baisse des charges, 40 milliards correspondent à l'aide structurelle à la réduction de la durée du travail et que la baisse des charges correspond à environ 5 % de baisse du coût du travail en dessous de 10 000 francs. Il s'agit donc bien d'une réforme majeure qui favorise l'emploi tout en permettant à la sécurité sociale d'être enfin financée sur d'autres assiettes que celles des salaires, ce qui pénalisait justement l'emploi. Précisons enfin que le coût d'un emploi créé par la réduction de la durée du travail se situe entre 55 000 et 75 000 francs selon les entreprises et leur taille,...

M. Yves Cochet.

Rappel utile !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... ce qui fait de cette mesure le moins coûteux de tous les dispositifs de développement de l'emploi mis en place depuis vingt ans. Je rappelle par ailleurs que le budget tel que présenté constitue, comme les autres années, une provision, puisque nous nous appuyons sur des négociations dont nous n'avons évidemment pas à décider du rythme.

La ristourne dégressive n'aura été rattachée au budget de l'emploi que pour la seule année 1999. Son coût en 2000, en l'absence de réforme, a été estimé à 39,5 milliards, ce qui explique l'affectation au fonds d'allégement mis en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale d'une fraction équivalente des droits sur les tabacs. Je veux répéter qu'il n'a jamais été question d'augmenter les droits sur les tabacs et alcools pour réduire les charges sociales : le montant du produit de la taxe sur les alcools, par exemple, restera inchangé.

Le fait que des mesures générales d'allégement des charges soient désormais portées par le fonds spécifique me paraît de nature à leur conférer une parfaite transparence, tant en dépenses qu'en recettes ; je suis convaincue que le contrôle parlementaire et social, notamment par le biais du conseil de surveillance, y gagnera.

MM. Gremetz et Leroy ont rappelé tout à l'heure l'importance sur le plan démocratique du contrôle des fonds publics. Nous serons désormais à même de contrôler effectivement l'efficacité de la baisse des charges en termes de création d'emplois.

Le textile et l'habillement, madame Bachelot, tout comme le secteur des cuirs et peaux et de la chaussure, me tiennent particulièrement à coeur. Je rencontre très souvent leurs fédérations. Plutôt que de faire voter une loi qui n'était pas conforme à nos engagements européens,...

M. Michel Hunault.

Arrêtez cela !

M. François Goulard.

C'est une vieille rengaine !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous le savez très bien ! Il faut quand même rappeler les faits, même si parfois ils vous dérangent !

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas nous que cela dérange, mais les salariés !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... nous avons préféré mettre en place un système pérenne et général, ce que vous n'aviez pu faire, faute d'avoir su le financer. Enfermés dans votre seule idée de baisser les charges, vous n'avez jamais pu, contrairement à nous, réellement porter l'emploi au rang de priorité.

M. Michel Hunault.

Madame Aubry, arrêtez de donner des leçons à tout le monde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La priorité emploi, nous y croyons et nous la finançons.

M. Yves Nicolin.

Ce genre de querelle ne sert pas la classe politique !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La montée en charge des mesures structurelles de développement de l'emploi justifie de revisiter les dispositifs au vu du rapport coût-efficacité. C'est le cas notamment des dispositifs d'incitation au retrait anticipé d'activité auquel votre mission d'évaluation s'est intéressée à juste titre.

Dès mon arrivée, j'ai limité l'accès au fonds national de l'emploi aux seules entreprises et secteurs géographiques en réelle difficulté. Il n'est plus acceptable de voir la collectivité publique et la solidarité nationale financer la restructuration d'entreprises parfaitement à même d'en supporter le coût.

Nous avons par ailleurs doublé la contribution Delalande en cas de licenciement d'une personne de plus de cinquante ans, toujours dans le même souci d'une plus grande solidarité.

Nous entendons toutefois préserver le caractère d'outil de solidarité du Fonds national de l'emploi. Le nouveau dispositif que nous mettons actuellement en place fera davantage appel à l'entreprise, puisque celle-ci financera dorénavant deux fois plus le coût de la préretraite que dans le précédent. Il s'adressera en premier lieu aux salariés qui ont commencé à travailler très tôt, ont exercé d es tâches pénibles et qui se retrouvent aujourd'hui usés par le travail ou encore dans l'incapacité de s'adapter aux nouvelles technologies. L'ensemble des crédits des allocations spéciales du FNE, fixé à 4,150 milliards de francs, inclut ce nouveau dispositif qui devrait porter à 19 000 les flux d'entrées en l'an 2000.

Nous poursuivons, monsieur Boulard, les discussions avec l'ARRCO et l'ARGIRC. Nous nous étions mis d'accord avec les présidents de ces deux institutions, mais leur conseil d'administration a finalement refusé de les suivre et accru ses exigences vis-à-vis de l'Etat à des niveaux incompatibles avec le contexte actuel. J'ose toutefois espérer que chacun se montrera capable de prendre ses responsabilités et de répondre aux engagements pris vis-à-vis des préretraités et des bénéficiaires de minima sociaux, afin que ceux-ci puissent toucher leur retraite dans de bonnes conditions.

Deuxième axe majeur de notre politique : la lutte contre les exclusions.

Nous n'avons pas hésité à retirer de la panoplie les outils qui généraient des effets d'aubaine ou même des effets pervers, en supprimant les exonérations Madelin, en réformant l'abattement pour le temps partiel, en plafonnant l'exonération pour le premier salarié, en révisant les primes à l'embauche en contrat d'apprentissage ou en c ontrat de qualification. Dans le même esprit, la démarche de recentrage des mesures sur les publics prioritaires, désormais ancrée, se poursuivra en 2000.

Les CES ont été recadrés par la loi contre les exclusions : le taux de contats signés par des publics prioritaires est passé de 57 % en 1997 à 75 % en 1999 ; il passera à 80 % en 2000, ce qui justifie la réduction des flux d'entrée en contrat emploi-solidarité. Il ne s'agit pas de moins aider, mais tout au contraire de concentrer notre aide sur ceux qui en ont le plus besoin.

Le nombre de contrats emploi-consolidé continuera à augmenter : en 2000, il y en aura 60 000. Les CEC sont ouverts aux publics sans perspective d'emploi.

Le contrat initiative-emploi n'échappe pas à notre effort de ciblage. Un premier recentrage avait été opéré en 1996 ; nous l'avons poursuivi et cette démarche a permis de porter de 37 % en 1997 à 42 % en 1999 la proportion de chômeurs de plus de deux ans parmi les bénéficiaires de contrat initiative-emploi, tout en réduisant dans une faible proportion le nombre d'entrées, de 160 000 à 155 000. Le recentrage, vous le voyez bien, n'est pas dicté par des préoccupations strictement budgétaires, mais par la volonté d'aider ceux qui en ont vraiment besoin, c'est-à-dire ceux qui sont aujourd'hui les plus éloignés de l'emploi. D'autres mesures votées dans le cadre de la loi contre les exclusions vont dans le même sens.

La réforme de l'insertion par l'activité économique est entrée en vigueur. M. Boulard a noté avec juste raison que nous avons respecté nos engagements, puisque le budget 2000 prévoit une progression de 22 % pour l'insertion par l'activité économique. L'ensemble des organisations s'en sont félicitées lors du conseil national de l'insertion par l'activité économique que j'ai moi-même présidé il y a quelques jours.

De la même manière, le programme TRACE se développe. Je reconnais, monsieur Goulard, qu'il n'a pas démarré très rapidement,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout de même, vous le reconnaissez !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... particulièrement dans les régions qui se sont refusées à apporter leur financement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ça y est ! C'est encore notre faute !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas uniquement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ah !

M. François Goulard.

Ce jour est à marquer d'une pierre blanche !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les torts, pour une fois, sont partagés, je le dis en toute honnêteté ; j'ai été amenée à faire savoir à chaque président de conseil régional ce que j'en pensais. Nous avons en quelque sorte déconcentré et décentralisé la politique de formation professionnelle en deux paquets ; alors que les personnels et les budgets ont été transférés aux régions, il n'est pas normal que certaines s'estiment dispensées de mettre en place des formations ou des pré-qualifications en direction de jeunes qui ne sont pas à même d'entrer directement en qualification. Mais les choses s'arrangent peu à peu.

De la même manière, nous avons réussi à cofinancer les postes supplémentaires sur les missions locales. Le but de TRACE est bien d'offrir à 60 000 jeunes, dès l'an 2000, des parcours personnalisés d'insertion pouvant aller jusqu'à dix-huit mois.

Le budget 2000 accompagne également le développement du contrat de qualification adulte et le dispositif EDEN pour les créateurs d'entreprise, qui doit sortir en l'an 2000 de sa phase expérimentale.

Enfin, l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi est un élément clé d'une démarche dont le propre est de rompre avec le traitement de masse des mesures en faveur de l'emploi pour s'attacher au niveau individuel à prévenir le chômage de longue durée.

Je veux rendre ici un hommage appuyé au service public de l'emploi, et plus particulièrement à l'ANPE qui a depuis septembre de l'année dernière déjà reçu et suivi 600 000 bénéficiaires, dont plus de la moitié appartiennent à des publics menacés d'exclusion : chômeurs de plus de deux ans, bénéficiaires du RMI, personnes handicapées, pesonnes âgées de plus de cinquante ans. Et je me


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

réjouis surtout de voir que les résultats des actions d'insertion sont très positifs, puisque le taux de sortie atteint déjà 50 %, voire 65 % pour les jeunes. C'est ce qui explique largement que le nombre des chômeurs de longue durée ait baissé de 130 000 ces derniers mois.

M. Michel Hunault.

Vous les avez rayés des listes, voilà la réalité !

M. Yves Cochet.

C'est M. Juppé qui les a rayés des listes !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Hunault, peut-être ne connaissez-vous pas les chiffres.

M. Michel Hunault.

Ça vous gêne !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Laissez-moi répondre si vous voulez avoir une réponse ! Ce mois-ci, 430 000 ou 435 000 personnes ont quitté l'ANPE, dont 14 000 ont été radiées...

M. Michel Hunault.

Vous le reconnaissez vous-même !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... soit 4 % en tout et pour tout. Et si elles ont été radiées, c'est généralement parce qu'on s'est rendu compte qu'ils avaient retrouvé un travail. Je ne vais tout de même pas me plaindre que des chômeurs retrouvent un emploi ! Au demeurant, s'ils n'étaient pas radiés, vous seriez les premiers à nous reprocher que l'argent des entreprises comme des salariés est mal utilisé et que nous faisons mal notre travail. J'accepte que l'on me donne des conseils, mais à condition qu'ils aient un minimum de cohérence ! 4 % seulement de radiations, dont une grande majorité pour avoir retrouvé un travail : votre critique est sans doute à la hauteur de votre désagrément de voir le chômage se réduire dans de si fortes proportions (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants - « C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), mais je la crois totalement infondée vous le savez d'ailleurs aussi bien que moi.

Et pour terminer dans le temps que je me suis engagée à tenir auprès de M. le président, je parlerai, et ce sera mon dernier point, des moyens du ministère et du service public de l'emploi.

Nous poursuivons la création d'emplois budgétaires : 130 supplémentaires dont 121 au bénéfice des services déconcentrés : 90 contrôleurs et 20 inspecteurs du travail.

J'espère que, ainsi, on répondra mieux au téléphone et que, surtout, on contrôlera mieux la réduction de la durée du travail. Voilà bien des années que l'on n'avait pas créé autant de postes dans ce domaine. Ils iront prioritairement dans les sections d'inspection pour renforcer le contrôle et développer l'appui technique en matière de risques professionnels. M. Gremetz a souligné à juste raison les deux créations d'emplois ça commence ! - de médecins inspecteurs régionaux et les sept créations d'emplois d'ingénieurs de sécurité. Les conditions de travail sont, en effet, un axe majeur de l'action du Gouvernement.

Le deuxième point fort est l'amélioration de la situation matérielle et des perspectives de carrière des agents, notamment des catégories B et C. Nous poursuivons le plan de transformation massive d'emplois de catégorie C et nous prolongeons le processus de résorption de l'emploi précaire. S'agissant de la revalorisation indemnitaire, le budget 2000 poursuit et accentue l'effort substantiel de 1999. L'augmentation de l'enveloppe est de 11,7 % et profitera à l'ensemble des agents du ministère, qui en ont bien besoin car ils mènent depuis deux ans des actions extrêmement lourdes alors même qu'ils ne sont pas les mieux traités de la fonction publique.

Un effort particulier a été consenti pour l'inspection du travail et le statut d'emploi a été mis en place pour les directeurs départementaux du travail.

Quant à l'ANPE, je lui ai rendu tout à l'heure l'hommage qu'elle mérite. Elle recevra un renfort de 500 agents supplémentaires, après les deux vagues précédentes de 500 créations de postes en 1998 et 1999.

L'AFPA bénéficiera de moyens conformes au troisième contrat de progrès signé le 28 janvier 1999 avec l'Etat. Sa subvention pour 2000 est augmentée de 5 % afin d'assurer le financement de l'évolution de ses programmes et du volume de ses prestations dans le cadre de la commande publique et du service intégré mis en place avec l'Agence nationale pour l'emploi. Voilà qui me permet la transition avec Mme Péry.

Avant de lui laisser la place, je conclurai en disant que j'ai la conviction, comme M. le président de la commission des affaires sociales, que si l'Etat a un rôle majeur à jouer pour fixer le cap dans certains domaines - c'est ainsi que nous ouvrons des pistes pour la réduction du chômage, et ça marche ! - et pour mobiliser - ainsi travaillons-nous, dans le cadre de la loi contre les exclusions, avec les collectivités locales et les associations - l'action des partenaires sociaux, par le paritarisme de gestion et de négociation, est un élément clé dans le monde moderne.

Mais, pour moi, le paritarisme ce n'est pas seulement gérer des fonds communs, c'est aussi se mettre autour d'une table pour discuter. Ce que font les entreprises aujourd'hui sur la durée du travail, peut-être faudra-t-il le faire demain pour la formation professionnelle. C'est le souhait de Mme Péry, c'est le mien aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le budget de la formation professionnelle que j'ai l'honneur de vous présenter concourt à la politique de l'emploi du Gouvernement, comme vient de le rappeler Martine Aubry.

Le budget de la formation professionnelle s'élève en 2000 à 33,9 milliards de francs : je dirai qu'à structure constante, il représente un effort constant, à un point près.

Sans détailler l'ensemble des mesures, je souhaiterais évoquer quatre points qui provoquent des interrogations, comme j'ai pu le constater au travers d'un abondant courrier, lors de mon audition devant la mission d'évaluation et de contrôle et pendant le présent débat.

Je commencerai par les crédits affectés aux formations professionnelles en alternance.

Martine Aubry et moi-même sommes déterminées à maintenir l'effort de l'Etat en matière de contrats d'apprentissage et de qualification. A cet effet, nous avons souhaité que le nombre d'entrées en contrat d'apprentissage soit maintenu à son niveau de 1999, soit 220 000, et celui des entrées en contrat de qualification soit porté à 125 000, au lieu de 120 000 en 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

L'effort budgétaire de l'Etat à cet égard - je répète que c'est une priorité - s'élève à douze milliards de francs, soit un tiers du budget que je présente.

La progression du nombre des contrats s'est confirmée au cours des neuf premiers mois de 1999, par rapport à la même période de 1998 : 2,2 % pour les contrats d'apprentissage et 1,8 % pour les contrats de qualification.

Cette évolution répond aux interrogations de ceux qui, l'an dernier, prédisaient une chute du nombre de contrats liée au recentrage des aides à l'embauche. Je peux donc rassurer M. Ueberschlag à ce sujet.

Je voudrais aussi évoquer le transfert de 500 millions de francs qu'opérera en 2000 le comité paritaire du congé individuel de formation car vous êtes plusieurs à l'avoir évoqué. Cette somme sera affectée, via un fonds de concours, à la couverture des aides à l'embauche, relatives au contrat d'apprentissage. Cette mesure s'inscrit dans un cadre plus général qui prévoit l'extension du champ de compétence du COPACIF au capital de temps de formation, c'est l'objet de l'article 70 du présent projet de loi.

Les excédents rattachés à ce dernier et détenus par leso rganismes collecteurs paritaires, appréciés au 31 décembre 1999, seront versés au COPACIF et non au Trésor public, comme le prévoient actuellement les textes.

Cette disposition, qui a reçu l'accord de l'ensemble des partenaires sociaux - c'est pourquoi, monsieur Gengenwin, je ne peux accepter votre amendement qui propose de supprimer l'article 70 - a pour objet de mieux répondre aux demandes de congé individuel de formation. J'ai déjà répondu sur ce sujet lors des questions d'actualité et au cours de mon audition devant la MEC.

En effet, 27 600 demandes seulement ont été acceptées en 1998.

Toutefois, le montant prévisible des excédents du capit al de temps de formation - une simulation au 31 décembre 1998 l'évaluait à plus de un milliard de francs - a conduit le Gouvernement à souhaiter qu'une partie d'entre eux puissent être affectés au budget de la formation professionnelle. Et, monsieur Barrot, je suis d'accord avec vous, ce ne peut être qu'à titre exceptionnel. C'est pourquoi j'accepterai votre amendement.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le transfert à l'ANPE des crédits relatifs aux CIBC a suscité, c'est vrai, une certaine émotion et m'a valu beaucoup de lettres. Je voudrais donc rappeler dans quel esprit ce transfert s'est effectué et insister sur le fait que cela ne traduit en rien un doute sur la qualité des prestations assurées par les CIBC.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ah bon ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Il s'agit de construire un nouveau partenariat, au service de l'orientation des demandeurs d'emplois, sans que les missions des CIBC soient aucunement remises en cause. D'un point de vue financier, le soutien de l'Etat aux CIBC n'en sera pas modifié. Une convention sera conclue pour préserver un accès diversifié des publics, et les spécificités des CIBC, notamment les fonctions d'animation et de lieu « ressources ».

Pour ce qui est de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, troisième sujet, il est n écessaire, comme l'ont dit M. Jacques Barrot et M. Gérard Lindeperg, d'élaborer une stratégie de long terme pour elle. Le Gouvernement en est d'accord. Il s'agit d'accroître la performance et l'efficacité de l'AFPA dans une mission de service public auprès des demandeurs d'emplois, et dans la réalisation des objectifs définis au sein du PNAE, au nombre desquels figure la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

L'AFPA devra, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, faciliter l'accès aux titres du ministère du travail à travers la validation des acquis professionnels, et permettre ainsi des parcours de formation individualisés. Nous nous devons de reconnaître et de valider les différentes expériences professionnelles de nombre d'hommes et de femmes qui n'ont pas, nous le savons, un niveau élevé de formation professionnelle initiale.

L'échelon régional s'impose pour la mise en cohérence des actions en matière de formation professionnelle. J'ai eu l'occasion de dire à l'AFPA, lors de la célébration de son cinquantième anniversaire, que si son statut national ne saurait être mis en cause, ses missions devaient avoir une plus forte implication dans les politiques territoriales.

Ces orientations nouvelles supposent des moyens qui soient à la hauteur des ambitions affichées. C'est ce qui explique la hausse - 5 % - des crédits affectés à l'AFPA, qui s'élèvent à 206,9 millions de francs.

Quatrième point, le contrôle de la formation professionnelle s'est progressivement élargi. Il s'exerce à l'endroit des employeurs au titre de leurs obligations, des organismes collecteurs ainsi que des organismes de formation. Je rappelle, parce que de nombreuses questions n'ont été posées au cours de mon audition devant la MEC, que le contrôle de caractère administratif et financier porte sur l'ensemble des moyens techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mises en oeuvre pour la formation professionnelle. Or, il y a une forte attente de qualité sur la formation. C'est pourq uoi je pense que nous devons accompagner les démarches de qualité, notamment celles engagées par la fédération de la formation professionnelle à travers l'Office professionnel de qualification des organismes de formation - 550 organismes sont qualifiés à ce jour.

L'inspection de la formation professionnelle a fait l'objet de nombreuses questions. Le rapprochement entre l'inspection de la formation professionnelle et l'inspection du travail était attendu. C'est maintenant chose faite. Le nombre d'inspecteurs permet désormais de faire un travail efficace. Au cours de l'année 1998, 2 388 contrôles sur pièces et sur place ont été effectués. Ils ont conduit à des redressements d'un montant de 120 millions de francs.

Ces vérifications ont concerné 1 533 entreprises, 33 organismes collecteurs paritaires et 822 organismes de formation.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le dossier de l'illettrisme. C'est pourquoi je souhaiterais vous préciser qu'en cette matière des moyens nouveaux sont prévus dans ce budget - plus 20 millions de francs - et vous faire part de la constitution d'un groupement d'intérêt public qui commencera son activité en 2000 et dont

Mme Marie-Thérèse Geffroy assumera la direction.

Je terminerai mon intervention en évoquant le calendrier de la mise en oeuvre de la réforme. Je vous prie de bien vouloir m'excuser d'être un peu rapide mais je vous dirai l'essentiel.

Martine Aubry et moi-même souhaitons poser les bases d'une nouvelle architecture du système de formation, fondée sur un droit à la formation tout au long de la vie.

M. Michel Hunault.

Vous n'avez rien inventé !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

A cet effet, j'ai proposé quatre axes de réforme.

Premièrement, il faut soutenir les formations en alternance et, dans cette volonté politique, rechercher la transparence et la plus grande efficacité possible...

M. Jean Ueberschlag.

C'est mal parti ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... pour toutes les formes de l'alternance. En ce qui concerne l'apprentissage, nous réfléchissons, dans le cadre des négociations en cours, à une réduction du nombre des organismes de collecte organisée au niveau régional, à l'affichage des coûts des formations au niveau des CFA, à la redistribution concertée de la taxe au niveau des financeurs. J'espère que les négociations, qui durent depuis plusieurs mois, arriveront bientôt à leur terme afin que des dispositions réglementaires et législatives puissent être prises au cours de l'année 2000.

Le deuxième axe concerne la validation des acquis, un des piliers de la réforme, qui nécessite une mise en cohérence des systèmes de certification et une modification de la loi de 1992. Ces deux points feront l'objet de mesures réglementaires et législatives en 2000, après avoir donné lieu, durant l'année 1999, à des consultations permanentes entre mon ministère et l'ensemble des partenaires sociaux.

M. François Goulard.

Admirable ! (Sourires.)

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Vous avez évoqué, monsieur Barrot, l'ajournement de la réunion prévue le 6 novembre, que j'avais proposée aux partenaires sociaux pour évoquer ces sujets - réforme de l'apprentissage, construction de la validation des acquis, mise en place du droit individuel. Nous avons travaillé de façon bilatérale pendant des mois. J'avais invité les partenaires sociaux à une table ronde, réunion non pas destinée à prendre des décisions mais bien à travailler. Ce sont certaines organisations patronales qui m'ont demandé de reporter la date de cette rencontre. Je ne peux pas croire qu'un tel enjeu de société, ce que M. Malavieille a appelé « la sécu du

XXIe siècle » puisse souffrir longtemps de comportements que je qualifierai de politiques, beaucoup plus que d'économiques et de sociaux.

La formation professionnelle est un beau sujet et un domaine où peut s'exercer pleinement la responsabilité des partenaires sociaux, responsabilité que d'ailleurs ils revendiquent. J'attends des conclusions sur l'ensemble des points que j'ai évoqués.

Enfin il est nécessaire de clarifier le rôle des acteurs pour mener à bien cette réforme. Pour ce faire, comme le souligne Gérard Lindeperg dans l'excellent rapport qu'il a remis début octobre au Premier ministre, la forte implication des partenaires sociaux dans la construction et la gestion du système de formation continue, le rôle croissant des régions ainsi que le caractère interministériel des politiques de formation professionnelle doivent être pris en compte.

Pour mettre en mouvement toutes ces propositions, j'ai choisi de conduire des expérimentations, qui ont fait ou feront l'objet d'accords signés avec les régions - le mois dernier, avec la région Centre, lundi prochain avec la région Poitou-Charentes. Elles portent sur la mise en réseau des acteurs et sur l'égalité d'accès à la qualificati on par la validation des acquis.

J'ai bien écouté les parlementaires de tous les groupes politiques sur tous les bancs de cet hémicycle. J'ai compris que vous étiez nombreux à souhaiter aller vers cette réforme de la formation professionnelle et que vous la considériez comme un enjeu de société majeur pour le

XXIe siècle. Vous pouvez compter sur notre ferme détermination, à Martine Aubry et à moi-même, pour la mener à bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe du RPR, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Madame la ministre, vous souhaitez, en 2000, créer 100 000 emplois-jeunes supplémentaires et vous y consacrerez plus de 21 milliards de francs, soit une augmentation sensible de crédits, 53 %, par rapport à l'année 1999. A terme, ce seront donc 33 milliards qui devront être consacrés à financer les 350 000 emplois-jeunes.

Lorsque les socialistes se sont présentés devant les élect eurs en 1997, ils se sont engagés à créer 700 000 emplois-jeunes, 350 000 dans le secteur public et 350 000 dans le secteur privé. Pour ce qui est du secteur privé, on n'a encore rien vu, malgré vos promesses.

Quant aux emplois-jeunes dans le secteur public, je viens d'en rappeler le coût.

Ma question porte sur le devenir de ces emplois-jeunes.

Elle est fort simple.

Un grand hebdomadaire avait titré, il y a quelque mois, « La bombe des emplois-jeunes ». Au bout des cinq ans, terme prévu du dispositif, qu'adviendra-t-il des emplois-jeunes ? Il faudrait bien fournir des réponses aux questions légitimes que se posent les collectivités et les associations qui ont joué le jeu. Quelles sont vos intentions, madame la ministre, pour assurer la pérennité de leur financement ? Par ailleurs, on omet toujours de parler de la formation de ces emplois-jeunes. C'était pourtant, lorsque nous avons discuté de la loi, un de ses aspects importants.

Qu'en est-il ? Ces questions précises et légitimes sont d'actualité car nous approchons du terme des cinq ans. Je vous remercie d'y répondre.

M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je tiens d'abord à vous rassurer, monsieur le député : nous n'arrivons pas au terme des cinq ans. Nous en sommes à peine à la moitié, et, pour nombre de jeunes, nous n'en sommes qu'au début - et, pour certains même, ils n'ont pas encore été embauchés. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faut pas se préoccuper des questions pertinentes que vous avez posées.

Je ne pense pas que les jeunes aient à se plaindre de la politique menée par le Gouvernement. Non seulement celui-ci a créé les emploi-jeunes, mais, de plus, il a contribué à ce que la chômage des jeunes baisse pratiquement de 25 % en deux ans. Les efforts menés en faveur des jeunes ont été considérables.

Dans le même ordre d'idées, je vous indique que les contrats d'apprentissage et les contrats de qualification ont augmenté de 15 % par rapport à 1997, soit, au total, 130 000 entrées supplémentaires de jeunes en formation en alternance sur trois ans.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Par ailleurs, l'ARPE, dispositif qui a été négocié par les partenaires sociaux afin d'activer les dépenses passives, a permis de réaliser 100 000 embauches compensatrices, dont les deux tiers de jeunes.

Je pense aussi au contrat initiative-emploi qui touche beaucoup de jeunes en grand difficulté.

Au total, monsieur le député, 42 % des emplois occupés par des jeunes dans le secteur privé sont des contrats aidés, alors que tous âges confondus, la proportion est de 9,5 %. On voit bien que, en dehors des emplois-jeunes, les jeunes bénéficient aussi d'aides à l'emploi dans le secteur privé.

De la même manière, le programme EDEN, prog ramme pour les créateurs d'entreprise, concernera 200 000 jeunes en 1999, et le programme TRACE touchera 60 000 jeunes en l'an 2000.

J'en viens maintenant à la deuxième partie de votre question relative à la pérennisation et à la professionnalisation.

Je vous rappelle que nous avons toujours dit que l'Etat anticipait sur le marché en investissant avant qu'un certain nombre de besoins deviennent solvables, et que notre objectif était de pérenniser ces besoins en ayant recours, pour une grande partie d'entre eux, au marché - d'ailleurs, pour un certain nombre d'entre eux, c'est déjà ce qui se passe.

Pour illustrer mon propos, je citerai l'exemple des jeunes que j'ai récemment rencontrés en Dordogne et qui ont réussi à solvabiliser, à partir d'actions sur le tourisme, leurs propres emplois. De même, des aides-bibliothécaires ont vendu leurs services à des maisons de retraite ou à des cliniques privées.

L'objectif du Gouvernement est non de pérenniser les emplois en question sur fonds publics, mais bien de les transférer dans le secteur privé en faisant en sorte que les besoins auxquels il apportent des réponses puissent effectivement être financés.

Ainsi, certains offices d'HLM considèrent que le travail accompli aujourd'hui par les emplois-jeunes est plus que rentable en matière de réduction des dégradations, d'aide au paiement des loyers, d'aide apportée aux jeunes en difficulté et que, dès lors, ces emplois peuvent être pris en compte grâce aux économies réalisées.

C'est cela la logique d'activation des dépenses passives et, en l'occurrence, d'anticipation des besoins nouveaux par l'Etat. C'est cette logique qui conduit l'Etat à financer le démarrage pour que les emplois en question entrent naturellement dans le marché.

En ce qui concerne la professionnalisation, j'ai indiqué dés le départ, de manière très claire, que je ne souhaitais pas que nous nous précipitions dans des formations qui n'auraient été que des formations d'occupation, avant même d'avoir une connaissance précise des métiers permettant de répondre aux nouveaux besoins. Nous avons travaillé sur ce sujet et nous ferons le point au mois de décembre avec l'ensemble des ministres concernés et des employeurs.

S'agissant des grands secteurs d'activité comme la médiation, l'environnement ou la jeunesse et les sports, nous avons défini des référentiels de métiers en établissant les compétences qu'ils nécessitent et les formations qu'ils exigent non seulement pour exercer l'emploi concerné, mais aussi pour progresser dans l'échelle de ces métiers.

Par ailleurs, des plates-formes régionales ont été mises en place avec l'aide de la quasi-totalité des conseils régionaux, afin d'aider au financement de ces formations qui doivent professionnaliser les métiers en cours et permettre aux jeunes d'embrasser une carrière s'ils souhaitent rester dans ces métiers.

E nfin, les fonds européens, notamment ceux de l'objectif 3, viendront en soutien de ces actions de professionnalisation.

Je suis donc heureuse que nous ayons fait ce travail, en partenariat à la fois avec les grands secteurs professionnels et avec les régions, pour pouvoir mettre en place des formations de qualité qui correspondent aux métiers actuels et qui permettent aux jeunes non seulement de mieux les remplir, mais aussi de progresser dans les filières qu'ils ont choisies. C'est tout l'objectif de cette professionnalisation. Je pense que cela contribuera aussi à la pérennisation.

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale.

La parole est à M. Yves Nicolin, pour poser sa première question.

M. Yves Nicolin.

Madame la ministre, je voudrais vous interroger sur les offres de l'ANPE et les mettre en parallèle avec la baisse du nombre de demandeurs d'emploi dont le Gouvernement se glorifie et avec l'autosatisfaction qu'il affiche.

A cette fin, je vais vous lire une offre de l'ANPE de Roanne : « Etablissement de trois à cinq salariés dans le secteur de l'organisation associative recherche une personne pour un contrat à durée déterminée de vingt-huit jours. Horaires : une heure hebdomadaire. Lieu de travail : aide scolaire à domicile. Formation, diplômes : n iveau bac + 2, deug, licence littérature. Débutant accepté. Salaire horaire : 70 francs. » Une telle offre

d'emploi rapportera à la personne qui l'acceptera 280 francs brut par mois.

Or l'article L.

311-5 du code du travail précise que les demandeurs d'emploi, qui sans motif légitime, refusent d'accepter un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région peuvent être radiés après deux ou trois refus.

Le directreur de l'agence de Roanne serait donc fondé à appliquer cette règle à la jeune femme à laquelle l'annonce a été proposée, d'autant que les agents ont reçu pour recommandation d'appliquer lesdites dispositions avec discernement, mais aussi avec fermeté.

Certes, le nombre de demandeurs d'emploi baisse, mais celui des radiations s'est considérablement accru ces derniers mois. Par ailleurs, en juillet dernier, vous avez pris un décret prévoyant que les chômeurs âgés d'au moins cinquante-cinq ans et justifiant d'au moins 160 trimestres de cotisations sont dispensés de rechercher un emploi. Il en est de même pour ceux qui n'ont pas leurs 160 trimestres de cotisations, dès lors qu'ils ont atteint l'âge de cinquante-sept ans et demi.

Certes, la croissance économique mondiale permet à la France de retrouver un niveau d'emploi que tout le monde souhaitait, mais pensez-vous vraiment, madame la ministre, que le Gouvernement ait une quelconque responsabilité dans la baisse du chômage, étant donné le nombre de radiations qu'a permises le décret du mois de juillet et que permet, malheureusement, ce type d'offres d'emploi ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je répondrai très sérieusement à votre question qui, elle, n'est pas très sérieuse.

Quand 400 000 à 450 000 personnes sortent chaque mois de l'ANPE alors que 350 000 à 450 000 s'y inscrivent, quand le chiffre des radiations varie selon les mois entre 10 000 et 17 000 - c'est-à-dire au maximum 4 % des sorties -, comment pouvez-vous prétendre que la baisse du chômage est due aux radiations ?

M. Yves Nicolin.

Je dis qu'elle est due à la croissance mondiale !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour en venir à l'exemple que vous avez cité, je vous indique que, en aucun cas, on ne peut opposer à une personne qui a demandé un temps plein ou un temps partiel à mitemps une offre qui ne correspond pas à ce qu'elle a demandé. Il est écrit très clairement dans les textes, mais vous ne les avez pas lus en entier, que c'est le refus d'un emploi qui correspond aussi bien en qualification et en temps à ce qui est demandé par la personne qui peut, après deux refus, entraîner des demandes d'explication et une procédure de radiation. Par conséquent, une personne qui rechercherait un travail à temps plein ou même un temps partiel pour vivre ne pourrait, en ayant refusé un travail d'une heure hebdomadaire, être concernée par de telles dispositions.

Quant au décret du mois de juillet, il a été pris à la demande des partenaires sociaux pour exonérer les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans et qui ont cotisé 160 trimestres de l'obligation de renvoyer chaque mois leur déclaration à l'ANPE. J'avais pris la précaution de préciser, et même de mettre en exergue, le nombre de personnes concernées : 14 000. Je regrette d'ailleurs que mes prédécesseurs - je ne vise pas M. Barrot - n'en aient pas fait autant lorsqu'ils ont pris certaines mesures. Cela n'a eu lieu qu'une fois et, de plus, cela correspondait à une demande des organisations syndicales et patronales.

Par rapport à la baisse du chômage que nous connaissons, c'est-à-dire 440 000 chômeurs en moins depuis deux ans, et aux 715 000 emplois créés, le problème que vous évoquez est totalement marginal.

Et puisque c'est moi qui ai pris, entre 1991 et 1993, ces dispositions concernant les radiations, je vous répondrai très clairement que, bien que je ne fasse pas partie de ceux qui croient que les chômeurs ou les RMIstes sont des tricheurs ou des paresseux, comme je l'avais entendu à l'époque, je souhaite que nous continuions à procéder à des contrôles. En effet, ces derniers montrent que ceux qui sont radiés le sont en général parce qu'ils ont omis de dire qu'ils ont retrouvé un emploi, et parfois - heureusement très peu souvent, contrairement à ce que certains ont dit sur vos bancs - parce qu'ils ne souhaitent par retravailler.

Il me paraît d'un bon fonctionnement démocratique que de s'assurer que les cotisations sociales, qu'elles soient versées par un smicard ou par une entreprise, vont effectivement vers les chômeurs qui en ont besoin. C'est presque toujours le cas, mais je crois que, en le contrôlant, nous en apportons la preuve quotidiennement, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Enfin, l'ANPE a fait depuis dix ans un travail remarquable. Le taux de réponse aux offres d'emploi est passé de 20 à 40 %. Du reste, lors d'une enquête récente, 84 % des chefs d'entreprise interrogés se sont déclarés satisfaits du service que rend l'agence.

Aujourd'hui, l'ANPE se mobilise pour accueillir les chômeurs de longue durée et les suivre sur le long terme.

C'est pourquoi ses agents méritent mieux que le procès que vous leur faites.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis.

Très bien ! M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

La question de M. Nicolin était dérisoire !

M. Yves Nicolin.

Nous ne faisons pas le procès des agents !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai par ailleurs entendu dire qu'on avait demandé à ces agents d'appliquer les textes avec fermeté mais discernement. Je ne sais pas qui a demandé cela, en tout cas, ce n'est pas moi. Je leur demande tout simplement de faire leur métier, c'est-à-dire de répondre aux besoins des entreprises, d'accueillir et de conseiller les salariés, d'accompagner ceux d'entre eux qui sont le plus en difficulté, et de procéder aux contrôles nécessaires, lesquels sont normaux en démocratie. Je suis étonnée qu'une certaine démagogie vous pousse aujourd'hui à dire le contraire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin, pour une seconde question.

M. Yves Nicolin.

Madame la ministre, je crois que la démagogie est plutôt le fait de l'autre côté de l'hémicycle...

Comme de nombreux autres, votre gouvernement a mis en place un certain nombre de dispositifs pour lutter contre le chômage. La voie que vous avez choisie, et qui est, de mon point de vue, totalement idéologique et d émagogique, porte sur deux thèmes phares : les 35 heures, à contre-courant du reste de la planète et faisant de la France une exception...

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial.

Provocateur !

M. Yves Nicolin.

... qui fait sourire nos concurrents étrangers, et les emplois-jeunes qui viennent prendre la place de stages parking et dont tout le monde reconnaît aujourd'hui le caractère clientéliste et un peu « gadgétique ».

Et pendant ce temps, des dizaines de milliers d'emplois disparaissent dans le textile - vous ne pouvez le nier, madame la ministre, vous qui avez été élue dans un département où ce secteur est encore fortement implanté - mais aussi dans toutes les industries manufacturières exposées à la concurrence internationale. Et c'est de cela que j'aimerais vous parler.

Notre pays ne protège pas ses industries manufacturières exposées à la concurrence internationale.

M. Pierre Carassus.

Vous êtes pour le libéralisme ou non ?

M. Yves Nicolin.

Demain, nous nous réveillerons sans ces industries, sans ces millions d'emplois en nous demandant ce qui s'est passé.

Peut-on tout miser sur les nouvelles technologies, le TGV, Airbus, les nouvelles technologies de communication, ou sur les personnels hautement qualifiés ? Non, il restera toujours, en France, des hommes et des femmes faiblement qualifiés et pouvant difficilement exercer des métiers de service ou des emplois fortement qualifiés. Dès lors, que feront celles et ceux qui ne pourront accéder à ces métiers s'ils ont perdu leur emploi dans des industries sacrifiées par les dirigeants politiques ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Madame la ministre, ma question est simple, et j'aimerais qu'elle permette de lancer un débat dans notre pays.

Quand le Gouvernement traitera-t-il sur le plan fiscal, sur le plan social et sur le plan administratif la question des entreprises exposées à la concurrence internationale de manière à ce qu'elles puissent mieux se défendre ? Lorsque, demain, l'artisan maçon passera aux 35 heures, ce ne sera pas trop grave, car il n'est pas soumis à la concurrence internationale : il pourra donc, comme tous ses collègues, relever ses tarifs. Mais comment les entreprises qui sont confrontées à la concurrence internationale, et qui ont le sentiment d'être un peu aband onnées, pourront-elles effectivement préserver leurs emplois si le Gouvernement ne met pas en place un dispositif qui leur permette de survivre ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quand les entreprises de main-d'oeuvre confrontées à la concurrence internationale se porteront-elles mieux ? Eh bien, quand la loi de financement de la sécurité sociale sera votée.

Etant donné ce que vous venez de dire, monsieur le député, je vois mal comment vous pourrez ne pas voter un texte qui réduit les charges sociales pour les salaires allant jusqu'à 1,8 fois le SMIC et qui est attendu depuis des années par des secteurs moins capitalistiques que d'autres comme ceux de l'habillement, des cuirs et peaux.

Il s'agit de dispositions qui permettront à la France d'être en conformité avec ses engagements européens puisque, contrairement au plan Borotra, elles s'appliqueront à l'ensemble de l'économie.

Ces réductions de charges sociales vont, bien sûr, concerner le commerce, l'artisanat et les services, mais aussi les secteurs d'activité où le rapport des salaires sur la valeur ajoutée est très élevé et où la part des salaires inf érieurs à 1,8 fois le SMIC, notamment entre 1 et 1,5 fois le SMIC, est également très élevée. Cette réforme des charges sociales, nous sommes en train de la faire aujourd'hui.

Mais ce ne sont pas les seuls problèmes. Moi aussi je discute avec les chefs d'entreprise de ma région. Ils se demandent, comment faire pour empêcher la grande distribution de « serrer les écrous » au détriment de certains secteurs comme l'agro-alimentaire. Nous recherchons avec le ministère de l'économie et des finances le moyen de faire en sorte que la grande distribution ne « tue » pas certaines entreprises et ne crée pas des problèmes majeurs en matière d'emploi.

Il serait formidable que les organisations patronales qui aujourd'hui crient beaucoup se mobilisent pour regarder combien d'entreprises sont en train d'en obliger d'autres à fermer ou à se délocaliser, car le problème est là.

De même, il serait intéressant que les banques favo-r isent un peu plus la création d'entreprises et accompagnent davantage les entreprises, les commerces et les artisans dans le développement de leur activité.

Quand les entreprises de main-d'oeuvre confrontées à la concurrence internationale se porteront-elles mieux ? Eh bien, ce sera la cas dès que la loi de financement de la sécurité sociale sera adoptée, et j'espère que vous la voterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe UDF.

La parole est à M. Gengewin.

M. Germain Germain Gengenwin.

Mes collègues Abelin et Weber n'étant pas là, la présidence m'a autorisé à poser une question.

Madame la ministre, j'aimerais obtenir des précisions sur le Fonds social européen, et notamment sur l'objectif IV, et j'accepte bien volontiers que vous me répondiez par écrit. Une circulaire de 1998 définit la manière dont les OPCA participent à la répartition des crédits de l'objectif IV du FSE. Quels critères sont retenus ? En effet, dans la répartition dont j'ai eu connaissance, et qui date de début octobre, l'Alsace avait zéro sur toute la ligne.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur Gengewin, vous permettrez, comme vous me le proposez, que je vous adresse par écrit un complément de réponse.

L'Alsace bénéficie d'un agrément à hauteur de 106 millions de francs pour la période 1995-2000, dont 59 millions pour les seules années 1999 et 2000. La première avance pour 1999 a été faire le 13 septembre dernier, pour 16 millions de francs.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ

I. Emploi

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Emploi et solidarité : I. Emploi ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 818 170 062 francs ;

« Titre IV : moins 40 759 655 841 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 64 900 000 francs ;

« Crédits de paiement : 33 900 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 498 400 000 francs ;

« Crédits de paiement : 239 040 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits du titre IV est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Article 70

M. le président.

J'appelle l'article 70 rattaché à ce budget.

« Art. 70. - L'article L.

961-13 du code du travail est complété par l'alinéa suivant :

« Ce même fonds national est habilité à gérer les excédents financiers dont disposent les organismes collecteurs paritaires agréés gérant les contributions des employeurs affectées au financement du capital de temps de formation prévues par l'article 78 de la loi no 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social et repris par le 1o de l'article L.

951-1 du code du travail.

Ces excédents sont appréciés, pour la première année, au 31 décembre 1999, et concourent notamment aux actions de l'Etat en matière de formation professionnelle. »

M. Gengenwin a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 70. »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Je suis désolé de faire une proposition qui contredit totalement celle de mon ami Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Cet amendement tend à supprimer la prélèvement quie st effectué sur le capital temps-formation. Certes, madame la secrétaire d'Etat, vous affectez les fonds à l'apprentissage, et ils ne sont par conséquent pas perdus pour la formation, mais vous diminuez la prime d'apprentissage de 417 millions de francs. C'est bien en remplacement d'une dépense de l'Etat que vous ponctionnez ce qui appartient aux salariés, car il s'agit du congé individuel de formation.

J'ai demandé au printemps dernier, à l'occasion d'une question orale, si l'on ne pourrait pas reverser une partie de ces crédits inutilisés - plus de 1 milliard de francs sont disponibles - au FONGECIF, qui ne peut pas suivre car ses ressources ont été pratiquement amputées de moitié.

L'objet de cet amendement est d'annuler cette ponction et d'attribuer au FONGECIF les moyens dont il a besoin.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Monsieur Gengenwin, je tiens à vous rassurer : il n'y a pas de contradiction absolue entre votre amendement et celui de la commission des finances. La mission d'évaluation et de contrôle a dénoncé les trésoreries dormantes.

Dans un cas comme celui-ci, on est confronté à un dilemme : soit l'on refuse tout transfert, même momentané, soit on accepte le principe à titre tout à fait exceptionnel, en veillant à ce que l'affectation des excédents soit conforme à la finalité des crédits ; c'est le parti pragmatique qu'a adopté la commission des finances.

M. Gengenwin ne nous en voudra pas si je lui dis que la commission n'a pas examiné son amendement. Si elle l'avait examiné, elle aurait sans doute estimé qu'il valait mieux adopter une attitude plus pragmatique. Nous déplorons cependant qu'il y ait des excédents, car le capital temps-formation doit donner lieu à de nombreux accords et non permettre d'accumuler des réserves.

M. Germain Gengenwin.

Le système ne fonctionne pas bien !

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

La commission des finances n'aurait sans doute pas retenu l'amendement de M. Gengenwin et lui aurait vraisemblablement préféré le sien. Notre position, je le répète, est très pragmatique : nous aimerions qu'il n'y ait plus d'excédents, mais, dès lors qu'il y en a, mieux vaut les affecter vraiment à la formation ; tel est le sens de l'amendement que je défendrai dans un instant.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je serai brève car j'ai déjà indiqué à M. Gengenwin que je ne pouvais accepter son amendement.

En effet, au-delà du prélèvement, il y a aussi une extension du champ de compétence du comité paritaire CIF au capital temps-formation, ce qui permettra d'attrib uer davantage de fonds au CIF. En supprimant l'article 70, vous supprimeriez également cette extension du champ de compétence.

M. Germain Gengenwin.

Non, il ne s'agit pas d'une extension ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je ne peux donc être favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean Ueberschlag.

M. Jean Ueberschlag.

Périodiquement, lors de chaque discussion budgétaire, on nous propose des dispositifs permettant de s'approprier les excédents de certains fonds ; je ne crois pas que ce soit une bonne chose.

Il existe un dispositif, que M. Barrot connaît bien puisqu'il a été inscrit dans la loi de finances de 1985, qui permet de transférer un certain pourcentage des fonds de l'alternance, à laquelle est consacré 0,4 % de la masse salariale vers l'apprentissage, à condition qu'un accord de branche étendu ait été conclu, ce pourcentage ayant même été porté, par un amendement que j'ai déposé, de 25 % à 35 %. Je profite de l'occasion pour insister sur le fait qu'il ne font pas court-circuiter les accords de branche, et qu'il font parvenir au niveau des entreprises à un paritarisme réel, comme vous l'avez dit, madame la secrétaire d'Etat ; mais un paritarisme qui n'impose pas quelque chose aux partenaires sociaux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Barrot, rapporteur spécial, a présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 70, substituer aux mots : "concourent notamment", les mots : "peuvent exceptionnellement concourir". »

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial.

Comme l'a dit

Mme la secrétaire d'Etat en répondant à M. Gengenwin, le dispositif de l'article 70 permet de mieux gérer les excédents.

Ce qui vous gêne beaucoup, monsieur Gengenwin, et ce qui me gêne aussi, ce sont les prélèvements effectués sur les excédents. Certes, en l'occurrence, ils abondent, et je m'en réjouis, les primes à l'apprentissage, mais c'est au budget de l'Etat de financer ces primes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Cela dit, la commission des finances va dans votre sens et dans celui de M. Ueberschlag en précisant que ces concours ne peuvent être qu'« exceptionnels », ce mot ayant été soufflé par notre collègue M. Douyère.

Ces disponibilités financières gérées par le COPACIF pourront dont concourir à des actions destinées à la formation professionnelle, mais exceptionnellement, alors que des prélèvements précédents avaient simplement servi à abonder le budget de l'Etat. Je me suis suffisamment indigné contre ce type de prélèvement pour ne jamais le tolérer.

La rédaction de l'amendement donne l'assurance que ces excédents ne seront pas utilisés à n'importe quelle fin.

Je souhaite donc vivement que l'Assemblée suive la commission des finances, étant entendu, madame la secrétaire d'Etat, que le capital temps formation, qui a été voulu par les partenaires sociaux, doit être, comme l'a dit M. Lindeperg, mieux connu des intéressés, afin qu'ils puissent utiliser le dispositif. Il faut donc en finir avec ces excédents, à un moment où les besoins de la formation professionnelle et de la formation continue sont très importants.

C et amendement pragmatique vise à éviter tout hold-up sur les fonds de la formation, qui résultent de la contribution des entreprises, lesquelles versent cet argent pour la formation et pas pour autre chose.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

J'ai déjà dit que l'adverbe

« notamment » était malvenu. Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 70, modifié par l'amendement no

39. (L'article 70, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant le travail et l'emploi.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 9 novembre 1999, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

Solidarité et santé.

Affaires sociales : M. Pierre Forgues, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 20 au rapport no 1861).

Action sociale : M. Francis Hammel, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome VIII).

Rapatriés : M. Francis Delattre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 22 au rapport no 1861).

Santé : M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 23 au rapport no 1861) ; M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome X).

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (no 1805).

Justice : vote sur les crédits ; article no 71 : Justice : M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 35 au rapport no 1861).

Administration centrale et services judiciaires : M. Jacques Floch, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1865, tome V).

Services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse : M. André Gerin, rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1865, tome VI).

Budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération : M. Christian Cabal, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 41 au rapport no 1861).

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communications du 5 novembre 1999 No E 1329. - Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à la Moldavie (COM [99] 516 final).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

No E 1330. - Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à la Bulgarie (COM [99] 521 final).

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte de lettres de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communications du 5 novembre 1999 No E 802. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et le Royaume du Cambodge (décision du Conseil du 4 octobre 1999) (COM [97] 78 final).

No E 1216. - Proposition de décision du Conseil relative à l'acceptation d'amendements à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution et au protocole relatif à la prévention de la pollution par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (convention de Barcelone) (décision du Conseil du 22 octobre 1999) (COM [99] 29 final).

No E 1221. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée ainsi qu'à l'acceptation des annexes audit protocole (convention de Barcelone) (décision du Conseil du 22 octobre 1999) (COM [99] 30 final).

No E 1236. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre (décision du Conseil du 22 octobre 1999) (COM [99] 62 final).

No E 1309. - Proposition de règlement du Conseil concernant une interdiction de la fourniture à l'Indonésie de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne ou de terrorisme (décision du Conseil du 11 octobre 1999).