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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 9088).

FUSION ABB-ALSTOM (p. 9088)

Mme Muguette Jacquaint, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

SUR L'AFFAIRE DE LA MNEF (p. 9088)

MM. Maurice Leroy, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

GESTION DES MUTUELLES ÉTUDIANTES (p. 9089)

M. Pierre Albertini, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PARITÉ (p. 9090)

M me Danièle Bousquet, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

TCHÉTCHÉNIE (p. 9091)

MM. Jean-Louis Bianco, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

MAISON D'ARRÊT DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (p. 9092)

M. Michel Tamaya, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES (p. 9092)

MM. Jean-Marie Bockel, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (p. 9093)

MM. Georges Sarre, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

TCHÉTCHÉNIE (p. 9094)

MM. Noël Mamère, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

AFFAIRE DE LA MNEF (p. 9094)

M. François d'Aubert, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (p. 9096)

MM. Edouard Balladur, Lionel Jospin, Premier ministre.

RECONDUITES À LA FRONTIÈRE (p. 9097)

MM. Serge Poignant, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Suspension et reprise de la séance (p. 9098)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

2. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9098).

JUSTICE (Vote sur les crédits)

M. le président.

M. Christian Cabal, suppléant M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'administration centrale et les services judiciaires.

M. Patrick Braouezec, suppléant M. André Gerin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

MM. Jacques Brunhes, Jean-Antoine Leonetti, Gérard Gouzes, Alain Tourret, Pascal Clément, Mme la garde des sceaux,

M.

Jean-Luc Warsmann.

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 9109)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9109)

Article 71. - Adoption (p. 9110)

BUDGETS ANNEXES DE LA LÉGION D'HONNEUR ET DE L'ORDRE DE LA

LIBÉRATION (p. 9110)

M. le président.

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

BUDGET ANNEXE DE LA LÉGION D'HONNEUR (p. 9112)

Adoption des crédits ouverts aux articles 42 et 43.

BUDGET ANNEXE DE L'ORDRE DE LA

LIBÉRATION (p. 9112)

Adoption des crédits ouverts aux articles 42 et 43.

Suspension et reprise de la séance (p. 9112)

SOLIDARITÉ ET SANTÉ (suite) (p. 9112)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Réponses de Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale aux questions de : MM. Georges Colombier, Jean Rouger, Gérard Bapt, Mmes Paulette GuinchardK unstler, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Claude Billard, Patrick Malavieille.

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER Réponses (suite) de Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale aux questions de : Mme Muguette Jacquaint, MM. Patrice Carvalho, Jean-Luc Warsmann,


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François Guillaume, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia,

M. André Aschieri, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Jacques Desallangre, François Rochebloine, Claude Birraux.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ II. - Santé et solidarité Etat B

Titre III. - Adoption (p. 9134)

Titre IV Amendement no 110 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la santé ; Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. - Rejet.

Adoption du titre IV.

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9134)

Après l'article 70 (p. 9135)

Amendement no 116 de M. Mitterrand : M. le rapporteur spécial, Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. - Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Dépôt de propositions de loi (p. 9135).

4. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 9136).

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9137).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par une question du groupe communiste.

FUSION ABB-ALSTOM

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Ma question s'adresse à

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Après avoir pris connaissance des articles publiés par la presse nationale et de la teneur de documents de la direction sur la fusion entre ABB et Alstom, l'ensemble des catégories de salariés de l'entreprise franco-britannique, de l'ouvrier au cadre, ainsi que les élus, sont inquiets quant au devenir de l'emploi et des sites. Compte tenu de cette situation, les représentants des salariés ont engagé la procédure du droit d'alerte.

En effet, cette fusion a donné naissance au premier groupe mondial pesant 65 milliards de francs et possédant 58 000 salariés. Devant l'ampleur de cette restructuration, le PDG d'Alstom a provisionné 4,6 milliards de francs.

De fait, cette fusion engendrerait une transformation totale de la filière électromécanique et énergétique en France et en Europe, par redéploiement des sites et abandon de certaines technologies, notamment celle des turbines à action développée à la Courneuve et à Belfort. En conséquence, la filière énergétique, secteur industriel de pointe nécessaire à un développement durable de la planète, pourrait être fragilisée.

Quelles sont les intentions du Gouvernement pour maintenir l'emploi, et les sites dont ceux de la Courneuve et de Belfort, ainsi que la synergie de la filière énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la députée, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, participe à un conseil de l'industrie à Bruxelles et j'ai plaisir à vous répondre à sa place. (Sourires.)

M. René Couanau.

Quelle polyvalence ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Merci ! Comme vous, le Gouvernement est très attentif à la situation de l'emploi au sein du groupe ABB-Alstom Power, dont vous avez dit, à juste titre, qu'il était devenu le premier industriel mondial d'équipement et de production d'énergie.

Pour répondre directement à votre question et montrer que l'intérêt du Gouvernement se concrétise, je vous indique que, ce matin même, Christian Pierret a reçu le président-directeur général de cette entreprise, M. Darmon, pour lui faire part de nos préoccupations relatives à l'emploi. Dans le cadre de la procédure d'alerte que vous avez évoquée, les salariés de l'entreprise ont été reçus au cabinet de Christian Pierret la semaine dernière, après les rumeurs de réduction d'effectifs dont vous vous êtes fait l'écho et qui concernent effectivement les sites de La Courneuve et de Belfort. Ce dernier leur a indiqué que ces rumeurs n'avaient pas été confirmées par la direction de l'entreprise.

Il convient néanmoins de demeurer vigilant et le Gouvernement entend bien veiller à ce que des discussions préalables approfondies soient menées avec les salariés avant toute décision.

A Strasbourg, le Premier ministre a annoncé diverses mesures relatives aux plans sociaux afin de renforcer la protection des salariés. Si la question se posait, l'entreprise ABB-Alstom devrait s'y conformer.

Telles sont, madame la députée, les précisions que je voulais apporter. Elles montrent que le Gouvernement se préoccupe concrétement de la situation des salariés d'ABB-Alstom, notamment sur les deux sites que vous avez évoqués. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

SUR L'AFFAIRE DE LA MNEF

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Monsieur le ministre de l'intérieur, interrogé sur TF1 dimanche dernier sur l'affaire de la MNEF et la démission de Dominique Strauss-Kahn, vous avez déclaré que vous n'accordiez aucune espèce de réalité aux informations fournies par la presse quant à l'analyse opéréee par la police scientifique sur des documents concernant le travail de l'ancien ministre. Afin de ne pas trahir vos propos, je vous cite à partir du script de cette émission : « Je peux vous dire qu'un certain nombre d'informations publiées dans la presse sur la rame de papier, les polices de caractère, tout cela ne répond à aucune espèce de réalité. »

Mme Odette Grzegrzulka.

Cela n'intéresse personne !

M. Maurice Leroy.

Or chacun sait que le code de procédure pénale ne prévoit pas l'information du ministre de l'intérieur sur le déroulement d'une instruction, celle-ci étant placée sous l'autorité des magistrats.


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M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Maurice Leroy.

Dans ces conditions, sur quels éléments fondez-vous vos propos ? Faites-vous actuellement procéder à une enquête parallèle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, Dominique Strauss-Kahn a été conduit à démissionner par une sorte de tempête médiatique avant même d'avoir été mis en examen et sur la base d'informations publiées par la presse, dont j'ai dit en effet qu'elles ne répondaient à aucune réalité.

M. Maurice Leroy.

Comment le savez-vous ?

M. le ministre de l'intérieur.

Cela devrait vous interroger sur le système dans lequel nous vivons. Au lieu de hurler avec les loups (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , vous devriez vous poser la question de savoir si ce vent médiatique, qui souffle aujourd'hui dans un sens, ne pourrait pas souffler, demain, dans un autre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.) Cela étant, je vais répondre à votre question parce que je ne suis inspiré que par le souci de l'équité et de l'objectivité.

M. Pascal Clément.

Cela n'est pas la justice, c'est bien connu !

M. le ministre de l'intérieur.

Je n'ai en effet aucune raison d'accorder la moindre réalité aux informations qui ont été publiées par la presse sur les polices de caractère et sur la rame de papier, toutes informations destinées à accabler Dominique Strauss-Kahn,...

M. Maurice Leroy.

Pourquoi ?

M. le ministre de l'intérieur.

... dans la mesure où le journal Le Monde a lui-même démenti, dans son édition de mercredi, l'information qu'il avait donnée dans son titre le lundi - information dont je dois dire qu'elle était reprise du titre, le matin même, du journal Libération.

Voilà les raisons qui m'ont conduit à dire que je ne leur accordais aucune espèce de réalité.

Je regrette simplement que vous n'ayez pas continué la citation de mes propos. J'avais en effet ajouté : « Je ne connais pas le dossier et je ne vais pas me prononcer sur un dossier que je ne connais pas, que Dominique StraussKahn ne connaît pas non plus. »

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je n'ai aucune raison de penser, monsieur le député, que si Le Monde a démenti les informations qu'il avait données lui-même, ce n'était pas à bon escient. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

GESTION DES MUTUELLES ÉTUDIANTES

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, mes chers collègues, je savais l'intelligence du ministre de l'intérieur à la fois souple et flexible, mais, à ce point, je suis quand même assez impressionné ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Au-delà de l'actualité et des péripéties judiciaires, je veux revenir sur la situation de la mutualité étudiante en général. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous savez en effet que les dirigeants des mutuelles et les étudiants éprouvent depuis plusieurs mois de très légitimes inquiétudes sur le devenir même de ces institutions.

A peu près 1,5 million d'étudiants sont, en effet, affiliés à l'une des neuf mutuelles existant aujourd'hui, dont la MNEF. Je vous rappelle que le régime de protection sociale des étudiants a été mis en place en 1948 et rattaché au régime général.

En 1998, un rapport de la Cour des comptes a fait état, dans ses recommandations, de l'intérêt de réexaminer la gestion des mutuelles étudiantes. Il s'est même interrogé sur l'opportunité de renouveler la délégation de gestion.

Coïncidence ou hasard heureux, nous avons appris, il y a quelques jours, que la commission de contrôle des mutuelles avait nommé deux administrateurs provisoires à la tête de l'une d'entre elles, à savoir la MNEF.

A cet égard, je voudrais savoir quelles suites Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité entend donner à ces recommandations.

Nous sommes, au sein de l'UDF, tout à fait favorables à la transparence des mutuelles. Nous sommes tout à fait favorables, comme le recommandait le rapport de la commission d'enquête parlementaire, à un surcroît d'information, à un surcroît de démocratie interne et même à une rénovation des contrôles. Toutefois, comme les étudiants eux-mêmes, nous sommes également très attachés au principe de la mutualité sociale étudiante.

Madame la ministre, puisque vous exercez la tutelle sur les mutuelles, quelles mesures entendez-vous prendre pour dissiper rapidement l'inquiétude légitime des étudiants et pour réaffirmer l'attachement de l'Etat au régime de sécurité sociale étudiante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je suis heureuse que nous puissions nous retrouver sur cette question, car, comme le Gouvernement l'a toujours déclaré - je l'ai répété lors de la célébration du cinquantième anniversaire des mutuelles il y a deux ans et le Premier ministre l'a rappelé lorsqu'il a demandé à Michel Rocard d'étudier des moyens de nature à renforcer les mutuelles -, nous sommes favorables à ce que le mouvement mutualiste non seulement perdure...

M. François Goulard.

Eh oui ! Ça rapporte !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... mais aussi se développe dans notre pays. Il convient néanmoins qu'il le fasse - je réponds à la question de


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M. Albertini - dans des conditions de transparence et de fonctionnement démocratique, respectant ainsi les valeurs de la mutualité que nous avons, à gauche en tout cas, toujours soutenues (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...

M. François Goulard.

Ah oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Laissez-moi finir ! ... et je suis d'ailleurs ravie de constater aujourd'hui une belle unanimité à ce sujet sur ces bancs. J'ai répété à plusieurs reprises, notamment devant la commission de contrôle du Parlement, combien le Gouvernement était attaché non seulement à des régimes de sécurité sociale particuliers pour les étudiants, mais également à des régimes mutualistes étudiants.

Au sein de mon ministère, l'inspection générale des affaires sociales a en charge la tutelle des mutuelles étudiantes, mais seulement pour ce qui concerne l'assurance maladie. Je rappelle que, pour le reste, le contrôle de l'ensemble des mutuelles est exercé par la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, qui est une structure indépendante. Saisie, à la suite d'un rapport de la Cour des comptes que vous avez rappelé, des difficultés de gestion de la MNEF, cette commission de contrôle des mutuelles, en 1997 et en 1998, s'y est intéressée.

Je vous indique d'ailleurs que le commissaire du Gouvernement, qui n'a pas une voix délibérative mais qui peut s'exprimer dans cette commission, a clairement demandé, il y a un an, qu'un administrateur provisoire soit nommé. Mais, à cette époque, la commission de contrôle, qui, je le rappelle, est indépendante, n'a pas souhaité nommer un administrateur provisoire. A titre personnel, je le regrette, car nous aurions pu remettre la mutuelle à flot avant les élections et avant l'installation de la nouvelle direction, qui fait ce qu'elle peut pour redresser la mutuelle mais n'a pas pu en quelques mois satisfaire à toutes les exigences prudentielles du code de la mutualité.

Cela explique sans doute pourquoi, il y a quelques jours, la commission de contrôle a décidé de nommer deux administrateurs provisoires. Il est néanmoins regrettable que ce soit la nouvelle direction qui en fasse les frais, alors qu'elle était en train d'essayer de redresser la mutuelle. Croyez bien que le Gouvernement, derrière les décisions indépendantes de la commission de contrôle, fera en sorte d'aider la mutualité étudiante, non seulement la MNEF...

M. François Goulard.

Juste retour des choses !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... mais aussi l'ensemble des mutuelles, à se consolider et à repartir dans la bonne voie.

De manière plus générale, les textes que nous préparons, à la suite de la mission Rocard, devraient répondre à votre souci d'un meilleur contrôle, d'un meilleur fonctionnement démocratique et d'une plus grande transparence.

M. Lucien Degauchy.

Il serait temps !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ainsi que nous défendrons le mieux, tous ensemble, la mutualité dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

PARITÉ

M. le président.

La parole est à Mme Danièle Bousquet.

Mme Danièle Bousquet.

Monsieur le Premier ministre, à plusieurs reprises, vous nous avez fait part de votre volonté de faire progresser la démocratie dans notre pays, en particulier à travers une meilleure représentation des femmes dans tous les lieux de décision.

En ce qui concerne la place des femmes dans les prochains scrutins, pouvez-vous nous indiquer la philosophie qui préside aux travaux actuellement en cours, les modalités de mise en oeuvre que vous envisagez et le calendrier qui pourrait nous être proposé afin d'atteindre les objectifs que vous avez maintes fois évoqués ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Claude Goasguen.

Ça, c'est une question importante.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée (Mêmes mouvements),...

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. le Premier ministre.

... en adoptant (Mêmes mouvements)...

Vous ne vous intéressez pas à la parité ? (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A la mise en oeuvre des dispositions que vous avez votées en Congrès le 28 juin dernier pour inscrire dans nos textes fondamentaux une nouvelle marche vers l'égalité : l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

Arrêtez votre cinéma !

M. le Premier ministre.

En adoptant la révision constitutionnelle, madame la députée, le Parlement a donné une impulsion décisive à ce combat pour l'égalité. Cinquante-cinq ans après que le droit de vote a été reconnu aux femmes dans notre pays,...

M. Lucien Degauchy.

Par le général de Gaulle !

M. le Premier ministre.

... l'objectif de parité s'inscrit enfin dans notre Constitution.

M. Yves Fromion.

Les femmes à Colombey !

M. le Premier ministre.

Mais s'en tenir au principe n'est pas suffisant. Il faut que la loi vienne traduire notre volonté dans les faits.

Les chiffres de la présence des femmes dans la vie publique dans notre pays sont connus. Ils témoignent de ce que notre démocratie est incomplète, et même, en quelque sorte, inaccomplie.


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C'est cela que nous voulons changer maintenant.

Un projet de loi sera présenté au conseil des ministres le 8 décembre prochain, déposé au Parlement le lendemain même et discuté dès le mois de janvier prochain. Le principe de parité y est clairement affirmé. Pour tous les scrutins de liste - élections régionales, européennes, sénatoriales pour les départements concernés et municipales pour les communes de plus de 3 500 habitants - la parité des sexes sera exigée comme une condition de la recevabilité des listes. (Applaudissements sur les bancs groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ce principe s'appliquera dès les prochaines élections municipales, c'est-à-dire en 2001.

M. Lucien Degauchy.

Démago !

M. le Premier ministre.

Pour les élections législatives, où existe un scrutin uninominal, ce principe trouvera aussi son application, puisqu'un dispositif de modulation de l'aide publique conduira à pénaliser financièrement les partis politiques qui ne respecteront pas le principe de parité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Avec ce projet, les femmes pourront enfin trouver, dans notre vie politique, la place qui aurait dû leur être reconnue depuis longtemps. Le Gouvernement va proposer une démarche qui traduira un changement profond dans notre vie politique. Elle constituera une chance nouvelle pour la démocratie. Je souhaite que toutes les formations politiques se saisissent de cette occasion historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

TCHÉTCHÉNIE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Bianco.

M. Jean-Louis Bianco.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question d'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Elle porte sur la guerre en Tchétchénie.

Certes, la Tchétchénie, n'est pas un Etat souverain ; elle fait partie de la Russie. Certes, aussi, la Russie a été v ictime d'attentats terroristes, devant lesquels nous devons, nous, Français, qui avons aussi été frappés, manifester notre solidarité à l'égard de nos amis russes. Certes, pour reprendre la langue de bois officielle, il y a des

« bandits » en Tchétchénie, et l'on se rappelle l'enlèvement de notre compatriote Vincent Cochetel. Mais rien ne démontre que la Tchétchénie tout entière soit devenue une base arrière du terrorisme. Pourtant, d'après le journal tchèque Pra vo , le Premier ministre russe, M. Poutine, a affirmé vouloir « détruire tout ce qui est en âge de porter une arme », alors que chacun se rappelle les déportations dont le peuple tchétchène a été victime en 1944.

Pour venir à bout des terroristes, les militaires russes sont-ils obligés de bombarder un marché ou une maternité ? Est-ce en refusant de négocier avec le président tchétchène modéré, M. Maskhadov, que l'on prépare les conditions d'une solution politique ? Aujourd'hui la presse fait état de près de 200 000 réfugiés. Du point de vue de la morale, mes chers collègues, ce qui se passe aujourd'hui en Tchéchénie est-il si fondamentalement différent de ce qui se passait au Kosovo avant l'intervention de l'OTAN ? (« Non ! » sur divers bancs.)

Est-ce l'absence d'images télévisées qui explique la mollesse et la lenteur de réaction des démocraties ?

M. Yves Fromion.

Que fait votre Premier ministre ?

M. Jean-Louis Bianco.

Monsieur le ministre, considérez-vous que, à l'instar de votre collègue allemand, M. Fischer, « l'offensive russe en Tchétchénie est une terrible erreur » ? La France partage-t-elle l'indignation de la porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés en France, qui a parlé d'un régime de terreur dirigé contre des civils ? En d'autres termes, la France condamne-t-elle l'intervention militaire russe, comme l'a fait le Parlement européen ? Enfin, monsieur le ministre, quelles mesures comptezvous prendre, avec nos partenaires européens, pour faire imposer l'urgence d'une intervention humanitaire en garantissant le libre accès des organisations humanitaires et des équipes du Haut Commissariat aux réfugiés ? Monsieur le ministre, même si, nous en sommes tous d'accord, il ne faut pas déstabiliser la Russie, nous attendons, au-delà d'une action diplomatique efficace, que s'exprime clairement la voix de la France.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, nous avons déclaré très clairement, il y a plusieurs semaines, avec mes homologues allemand et italien, suivis depuis par l'ensemble des ministres de l'Union européenne, que, même si l'intégrité territoriale russe n'est contestée par aucun pays occidental, ni d'ailleurs par aucun pays au monde, la nécessité de lutter contre le terrorisme dans une région où il sévit depuis plusieurs années - rappelez-vous des centaines de personnes prises en otages, sont des Français - ne justifiait pas l'escalade à laquelle se livrent les autorités russes et l'armée russe en Tchétchénie, ni la façon dont est traité le problème d'ensemble du Caucase du Nord. Nous avons dit clairement qu'il est intolérable de voir des victimes civiles frappées par une action militaire à grande échelle - de surcroît aveugle, compte tenu de ce que nous savons - et qu'une action purement militaire ne pouvait apporter la solution.

Depuis plusieurs semaines, nous demandons que le dialogue politique reprenne, comme cela avait été envisagé en 1996 - solution politique malheureusement abandonnée en cours de route, tant par les uns que par les autres, il est vrai, mais ce n'est pas une raison.

Nous avons fait tout ce que nous avons pu, notamment à travers la présidence finlandaise de l'Union européenne, pour que des couloirs humanitaires soient réouverts, pour que l'aide internationale arrive, en grande partie via l'Ingouchie, par le canal du CICR et de toutes les ONG qui acceptent de venir dans une région où leurs personnels eux-mêmes courent de grands risques.

Nous sommes convaincus que la Russie se fourvoie dans cette aventure au Caucase du Nord. D'une façon ou d'une autre, elle devra bien reconnaître la réalité du pro-


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blème tchétchène, de même que celle du problème du Caucase du Nord, qui, lui aussi, dépasse de loin la seule question du terrorisme.

Le problème tchétchène doit être abordé sur une base politique. Je l'ai dit sans aucune ambiguïté à M. Ivanov, le ministre russe des affaires étrangères, lors de sa venue à Paris ; nous le redirons clairement au sommet de l'OSCE à Istanbul, où la Russie se trouvera clairement au centre des pressions de tous les pays désireux qu'une solution d'une autre nature soit trouvée en Tchétchénie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

MAISON D'ARRÊT DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

M. le président.

La parole est à M. Michel Tamaya.

M. Michel Tamaya.

Madame la garde des sceaux, vous connaissez parfaitement la situation des établissements pénitentiaires à la Réunion : un taux d'occupation avoisinant les 200 %, une population pénale hélas en augmentation constante. La situation de la maison d'arrêt de Saint-Denis, en particulier reste très préoccupante.

Récemment, une mission parlementaire a visité cet établissement, construit, rappelons-le, en 1876.

Ayant pris connaissance de ses conclusions très alarmistes, vous avez diligenté une mission technique qui a confirmé la nécessité de fermer cette maison d'arrêt et vous l'avez chargée d'étudier les sites sensibles pour la construction d'un nouvel établissement.

Vous m'avez indiqué madame la ministre, que cette mission technique devrait prochainement rendre son rapport. Les détenus, mais également les personnels et la population tout entière attendent une réponse forte et rapide de la part de l'Etat. Pouvez-vous dès aujourd'hui m'apporter davantage de précisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, la commission parlementaire dirigée par Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, que vous avez accueillie en septembre dernier à la Réunion, a effectivement constaté la très grande vétusté et la surpopulation de la prison de Saint-Denis. Vous avez bien voulu rappeler que, devant l'urgence, j'avais indiqué au Parlement que je mobiliserais tous les moyens nécessaires pour traiter ce problème, notamment par l'envoi d'une mission technique chargée de relever les terrains susceptibles d'accueillir la construction d'un nouvel établissement à la Réunion. Cette mission, partie en octobre, vient de rentrer et de me proposer trois sites possibles.

Maintenant que le dossier a progressé du point de vue technique, reste à lancer la construction et surtout à dégager les crédits nécessaires. Je suis heureuse, monsieur le député, de pouvoir vous annoncer que j'ai obtenu, grâce à l'appui du Premier ministre et de mon collègue des finances (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants) les crédits nécessaires à la réalisation de ce nouvel établissement. Le Gouvernement inscrira dans le prochain projet de loi de finances rectificative, qui doit vous être soumis avant la fin de l'année, les autorisations de paiement supplémentaires nécessaires au budget de mon ministère, pour un montant de 200 millions de francs.

M. Charles Cova.

Mais non, ce n'est pas une question téléphonée !

Mme la garde des sceaux.

Ces crédits permettront dès l'an prochain non seulement l'acquisition du terrain mais également le lancement des études pour la construction.

Le coût total du projet avoisinera les 450 millions de francs pour un établissement de 600 places, qui vient s'ajouter à la construction de six nouveaux établissements pénitentiaires en métropole et à la rénovation de cinq grandes maisons d'arrêt, pour un montant total de plus de 3 milliards de francs. Il montre que le Gouvernement veut améliorer la situation tant des personnels de l'administration pénitentiaire et des justiciables que des détenus.

J'aurai l'occasion tout à l'heure, lors de la discussion et du vote de mon budget, d'annoncer une autre décision qui prouvera à quel point ce gouvernement se soucie des justiciables et des personnels, dans le domaine cette fois des services judiciaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel.

Ma question s'adresse à

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Dix ans jour pour jour après la chute du mur de Berlin, nous gardons à l'esprit l'émotion que nous avions ressentie à cette époque et la dimension planétaire de cet événement. Mais l'heure est également au bilan de la réunification allemande et de ses conséquences sur l'Europe.

La fin d'un monde bipolaire a ouvert une nouvelle voie à l'Europe. La relation franco-allemande reste d'actualité. Celle-ci a bien sûr évolué : la page de la nécessaire réconciliation est désormais tournée ; nous avons affaire à un partenaire décomplexé, fort de quatre-vingts millions d'habitants, assuré de sa puissance. Mais en même temps, par-delà les tensions que cela provoque, nous y avons gagné en franchise. Ainsi, lors d'une récente déclaration avec votre homologue Joschka Fischer, vous avez affirmé que dès 2003 les premiers pays d'Europe centrale et orientale pourront adhérer à l'Union.

M. Jacques Myard.

Non !

M. Jean-Marie Bockel.

A l'approche de la présidence française, le couple franco-allemand retrouve toute son actualité.

A quelques jours de la visite du chancelier allemand,

M. Gerhard Schrder,...

M. Jacques Myard.

« Camarade ! »

M. Jean-Marie Bockel.

... ici même, dans cet hémicycle, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire connaître votre vision du rôle de la France et de l'Allemagne dans la construction européenne, tant sur le plan de la réforme des institutions que de celui de l'élargissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Ehrmann.

Vous n'avez qu'à lire Le Figaro de ce matin !

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, ce fut bien un événement immense que la réunification allemande, permise par la décision


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

prise par M. Gorbatchev vers 1986 ou 1987 de ne plus chercher à maintenir par la force des régimes rejetés par les populations.

Avec le recul, force est de reconnaître que la question allemande, qui avait tant inquiété l'Europe durant des décennies, dont on avait pensé pendant si longtemps qu'elle restait peut-être le seul casus belli possible dans l'Europe moderne, a été collectivement gérée par l'ensemble des leaders de l'époque dans un sens finalement conforme aux intérêts de l'Europe, de ses peuples et de la paix dans le monde. Ce fut, ne l'oublions pas, une prouesse de la concertation et de la démocratie.

Mais revenons à la situation d'aujourd'hui. Oui, la relation entre la France et l'Allemagne est forte et reste toujours un moteur. Nous avons vu et démontré que celui-ci devait être enrichi, complété par les relations - également très fortes, que nous entretenons avec tous les autres pays de l'Union -, mais qu'il ne pouvait pas être remplacé dans sa fonction aujourd'hui essentielle.

L'étroitesse des relations entre le chancelier Schrder et le Président de la République comme de celles qui unissent le chancelier et le Premier ministre - souvenezvous de l'annonce industrielle récemment faite à Strasbourg, d'une énorme importance -, le travail actuellement mené par les ministres compétents afin d'élaborer, pour la nouvelle phase qui commence, une vision à long terme, commune et convergente de la France et de l'Allemagne sur l'élargissement afin de le maîtriser au mieux des intérêts des pays candidats et de l'Europe, sur la réforme de l'Union elle-même afin de la préparer à ce nouveau bond en avant, sur le développement enfin de nouveaux domaines d'action - Europe sociale, Europe des citoyens, etc. -, tout cela ne peut que nous rendre optimistes : le moteur franco-allemand continuera bien à fonctionner pour l'avenir de toute l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Mes chers collègues, je voudrais questionner aujourd'hui M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dans l'indifférence médiatique, la Banque centrale européenne a relevé jeudi 4 novembre son taux directeur, démontrant une fois de plus que la lutte contre une inflation qui n'existe plus et qui ne menace pas reste sa préoccupation exclusive.

Cette décision, monsieur le ministre, créera à court terme plus de difficultés à l'économie allemande, dont la croissance est étouffée par la politique de rigueur de M. Schrder qu'à notre pays, où celle-ci reste soutenue.

Mais l'Allemagne est notre premier partenaire commercial. Compte tenu de l'indépendance des économies, on peut craindre que l'argent cher ne remette en cause la croissance dans tous les pays de la zone euro, dont le nôtre.

Le comportement de la Banque centrale européenne...

M. Yves Fromion.

Comportement scandaleux !

M. Georges Sarre.

... mérite que l'on s'interroge.

Les responsables politiques ont-ils encore le droit de donner leur avis sur la politique monétaire menée dans les pays où ils ont été élus ? Ne faudrait-il pas envisager de réformer les statuts de la Banque centrale européenne pour lui imposer de prendre en compte l'emploi et la croissance dans ses préoccupations et assurer un contrôle démocratique sur un instrument essentiel de la politique économique ?

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Comment espérer peser sur la mondialisation de l'économie si tous les instruments - monétaires, budgétaires, commerciaux - échappent aux élus du peuple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe du Rassemblement pour la République, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Bravo ! Ecoutez-le, il a raison !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, la Banque centrale européenne n'a pas pris une décision cette année, mais deux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le 8 avril, elle a baissé ses taux d'intérêt de 0,5 % pour soutenir, chacun s'en souvient, une croissance européenne alors en difficulté.

Le 4 novembre, elle a effectivement relevé ses taux d'intérêt de 0,5 %, annulant en quelque sorte la baisse du 8 avril. Pour ma part, comme mes dix collègues unanimes de l'Euro 11, lors de notre réunion, dimanche soir, pour discuter avec la Banque centrale européenne, je vois dans cette décision la confirmation que l'économie européenne est bien repartie sur une pente de croissance robuste.

M. Jacques Myard. C'est insensé ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons retenu pour l'an 2000 une fourchette de croissance entre 2,6 % et 3 %. Et je peux vous dire dès aujourd'hui...

M. Jacques Myard.

« Il peut le dire ! » M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... que nous devrions nous situer plutôt dans le haut que dans le bas.

Vous avez parlé d'indifférence médiatique. Une nouvelle n'a pas effectivement été soulignée et je vous remercie de me donner l'occasion de le faire devant l'Assemblée nationale : les taux d'intérêt à long terme ont, quant à eux, baissé de 0,3 %. Or c'est cela qui compte pour la croissance. Ce sont les taux d'intérêt à long terme qui conditionnent l'investissement.

M. Jacques Myard. Non, non, non ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La décision de la Banque centrale européenne confirme que la croissance est bonne, et celle-ci sera encore stimulée par la baisse des taux d'intérêt à long terme.

Vous avez parlé des instruments de la politique économique en citant les instruments budgétaires. Heureusement, l'Assemblée nationale et le Parlement en général gardent pleine souveraineté en la matière : je veux d'ailleurs, à ce propos, vous remercier d'avoir voté en première lecture un budget pour l'an 2000 qui sera bon pour la croissance, bon pour l'emploi et bon pour le partage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

TCHÉTCHÉNIE

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et fait suite à celle posée tout à l'heure par mon collègue Jean-Louis Bianco sur la Tchétchénie.

« Il y avait au Goulag un peuple qui jamais ne s'est plié, jamais n'a accepté l'idée de la soumission, je veux parler des Tchétchènes. » Cette phrase a été écrite par

Alexandre Soljenitsyne dans L'Archipel du Goulag. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Hier, au nom des députés Vert, j'ai eu l'honneur de recevoir dans cette maison M. Ilias Akhmadov, ministre des affaires étrangères tchétchène, venu s'exprimer au n om de son peuple. A notre demande, M. Ilias Akhmadov est revenu à l'Assemblée nationale. Il est en ce moment même dans une tribune du public ; - et je lui demande de se lever - pour écouter la réponse qu'apportera le ministre des affaires étrangères du Gouvernement de la France. (Protestations sur divers bancs.)

Ce monsieur, qui représente son peuple, n'a pas obtenu de visa de la part du Gouvernement français.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - « Hou ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je pose donc la question à M. le ministre des affaires étrangères : pourquoi celui qui représente un peuple massacré par l'armée russe et par un régime dictatorial ne peut pas obtenir d'un gouvernement qui s'est indigné devant la catastrophe humanitaire du Kosovo un visa pour s'expliquer et défendre la cause de son peuple ? Je demande à M. le ministre des affaires étrangères pourquoi il ne reçoit pas son homologue. Attend-il que la Tchétchénie soit un champ de ruines, qu'il n'y ait plus d'interlocuteur pour se préoccuper de ce problème qui est en train d'embraser le Caucase ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Enfin, je lui demande quelle est la position qu'il compte exprimer au nom du Gouvernement français lors de la prochaine réunion de l'OSCE qui aura lieu à Istanbul la semaine prochaine ? Comment la France, qui a fait preuve de courage politique en invoquant le droit d'ingérence lors de la question du Kosovo et face à la crise du Timor oriental en décidant de geler les aides à l'Indonésie, pourrait-elle rester aujourd'hui silencieuse face à ce qui se passe en Tchétchénie ? Ce n'est pas une affaire intérieure.

M. Christian Bataille.

Assez ! Arrêtez !

M. Noël Mamère.

C'est le problème de la Fédération de Russie avec une République. Si nous restons silencieux, nous serons complices de ce qui est déjà un crime de guerre, et sera peut-être demain un crime contre l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères. (Exclamations sur de nombreux bancs.)

S'il vous plaît, un peu de silence ! Seul M. le ministre des affaires étrangères a la parole. Et jusqu'à plus ample informé, c'est moi qui préside cette assemblée !

M. Jean-Michel Ferrand.

Non, c'est M. Mamère !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, la question de la Tchétchénie est une question grave, qui doit être traitée avec sérieux et avec compassion pour le calvaire que subissent les populations civiles qui sont frappées par une escalade militaire dont j'ai dit tout à l'heure ce qu'il fallait en penser. Ce n'est pas ainsi qu'on trouvera une solution équitable et durable à la question de la Tchétchénie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Akhmadov est, en effet, en visite en Europe. Il était aux Pays-Bas. Il devait être invité par les instances du Conseil de l'Europe, ce qui nous avait amenés à dire q ue, naturellement, les autorisations nécessaires lui seraient délivrées tout de suite, puisque nous sommes le pays hôte.

Par la suite, cette invitation des instances du Conseil de l'Europe n'a pas été confirmée. Nous avons cependant fait savoir que M. Akhmadov pouvait naturellement venir en France, qu'il serait reçu et écouté parce que, dans cette affaire très grave, de même que nous avons sollicité les avis de tous ceux qui sont concernés directement ou indirectement, nous trouvons normal que le point de vue tchétchène soit entendu. Il convient que les informations que les Tchétchènes ont à nous transmettre nous soient communiquées pour que nous précisions notre position, qui est déjà très claire, me semble-t-il, et que j'ai rappelée tout à l'heure, à propos de ce qui a été dit depuis plusieurs semaines. Nous ne croyons pas qu'une solution militaire, à supposer qu'elle puisse être justifiée par des actions de terrorisme, ce qui n'épuise évidemment pas le sujet, soit la solution à rechercher.

Il n'y a pas de solution en dehors du dialogue. Nous demandons aux Russes de reprendre ce dialogue qui existait il y a quelques années. Il est, par conséquent, tout à fait normal que les autres pays qui souhaitent que la Russie, dans son intérêt même, et dans l'intérêt de l'Europe tout entière, retrouve la voie de la solution politique, pratique le dialogue - nous aussi, nous devons le pratiquer pour connaître l'ensemble des arguments.

Il n'y a, monsieur Mamère, aucun problème à cet égard. Soyez assuré que nous sommes tous en train de rechercher la meilleure solution possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

AFFAIRE DE LA MNEF

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Je voudrais vous interroger, monsieur le Premier ministre, sur le comportement, pour le moins singulier, de votre Gouvernement dans cette affaire pluridimensionnelle, voire tentaculaire, qu'est celle de la MNEF et qui vous touche de si près. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il y d'abord la dimension justice.

Nous n'avons toujours pas, madame la garde des sceaux, d'explications convaincantes sur ce qu'il faut bien appeler l'éviction de Mme Fulgéras, chef de la section des affaires financières du parquet de Paris, chargée de nombreux dossiers sensibles et plus particulièrement de celui de la MNEF. Est-ce un hasard ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Mme Fulgéras l'a dit à la presse : elle n'arrive pas à comprendre les raisons de sa mise à l'écart...

U n député du groupe socialiste.

Elle a dit le contraire !

M. François d'Aubert.

... sauf à penser - et c'est nous qui le disons - que nous assistons à une reprise en main insidieuse de la justice par le garde des sceaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) D'autant qu'existe également un projet, connu, de suppression de la sousdirection des affaires économiques et financières de la chancellerie, celle-là même qui est chargée d'aider les magistrats à lutter contre la délinquance financière. Est-ce un hasard ? Décidément, on a l'impression que l'affaire de la MNEF amène votre gouvernement à des comportements pour le moins bizarres, voire suspects.

Dernier en date - et notre collègue Maurice Leroy en a parlé tout à l'heure -, l'intervention sur TF 1, dimanche soir, de M. le ministre de l'intérieur...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Bravo, monsieur Chevènement ! Très bonne intervention !

M. François d'Aubert.

... qui n'a pas hésité à intervenir très ouvertement, avec beaucoup de décontraction, dans la procédure en cours concernant M. Strauss-Kahn, en donnant à l'opinion publique des informations de police judiciaire qui sont tout simplement couvertes par le secret de l'instruction (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et, même, à se hasarder à un pronostic sur l'issue de la procédure, comme pour faire pression sur les magistrats. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Outin.

Vous ne manquez pas d'air !

M. François d'Aubert.

Monsieur le Premier ministre, où va-t-on ? Quelle est donc votre conception, et surtout quelle est celle du ministre de l'intérieur, sur la séparation des pouvoirs, sur l'indépendance de la magistrature...

M. Didier Boulaud.

Sur l'Himalaya ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et Tiberi ? Et Toubon ?

M. François d'Aubert.

... sur le respect de la loi, en particulier du code de procédure pénale ? Et puis il y a cette dimension que j'ose à peine qualifier, mais c'est pourtant bien le mot qui convient, de dimension « pouponnière ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Car, monsieur le Premier ministre, lorsque vous étiez premier secrétaire du parti socialiste, entre 1981 et 1987, puis entre 1995 et 1997...

M. Georges Frêche.

Où est Tiberi ?

M. Julien Dray.

Et Toubon ?

M. François d'Aubert.

... pouviez-vous ignorer que la MNEF, comme l'a déclaré très sobrement M. Le Guen, député de Paris et président de la fédération du parti socialiste de Paris, que la MNEF servait de « pouponnière » aux socialistes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

De toute évidence, la MNEF remplissait donc une fonction politique tout à fait éminente, celle d'une pouponnière, voire d'une pépinière,...

M. le président.

Monsieur d'Aubert...

M. François d'Aubert.

... mais aussi peut-être d'une terre d'accueil, d'une base de repli dans le dispositif du parti (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) dont, monsieur le Premier ministre, vous étiez vous-même, je le répète, le premier secrétaire.

Et sans doute remplissait-elle une fonction encore plus éminente quand on sait que la mutuelle « employait » des responsables du parti socialiste et plus précisément encore des membres d'un groupe qui vous est très proche, monsieur Jospin, et que l'agence de publicité de la mutuelle, Policité, serait même intervenue au profit de candidats socialistes parisiens aux élections législatives de 1997.

(Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray.

Bouffon !

M. Jean-Yves Le Déaut.

La question !

M. François d'Aubert.

N'y a-t-il pas, contrairement à ce que vous avez dit la semaine dernière, monsieur le Premier ministre, des liens politiques fonctionnels, voire personnels, entre certains dirigeants de la MNEF et la direction du PS ?

M. Georges Frêche.

Tiberi, Toubon, même combat !

M. François d'Aubert.

Quant à la dimension

« commerce extérieur », j'ose à peine en parler car M. le président me demande de terminer. Nous savons maintenant qu'il y avait une sorte de filiale taïwanaise de la MNEF qui a joué un rôle sur lequel nous aimerions avoir des explications de M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur ou de M. le ministre des affaires étrangères.

M. le président.

Veuillez terminer, monsieur d'Aubert !

M. François d'Aubert.

N'oublions pas l'essentiel, à savoir que la sécurité sociale et des milliers d'étudiants ont été escroqués sans doute pour des centaines de millions de francs, pendant des années, par des dirigeants socialistes de la MNEF. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quelles mesures comptez-vous prendre pour indemniser toutes celles et tous ceux qui ont été les victimes de ces turpitudes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray.

Lamentable ! Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est l'affaire qui est lamentable !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je vais tâcher de répondre aux nombreux aspects de votre question.

Sur la réorganisation interne du parquet de Paris, j'ai répondu longuement la semaine dernière.

M. Jean-Michel Ferrand.

Nous voulons des précisions !

Mme la garde des sceaux.

Il est très important, en effet, que le parquet de Paris puisse se réorganiser...

M. Yves Nicolin.

Et ça tombe bien !

Mme la garde des sceaux.

... afin de lutter plus efficacement contre la délinquance de tous les jours, celle qui empoisonne la vie quotidienne de nos concitoyens et, par conséquent, puisse calquer son organisation sur celle de la police judiciaire pour avoir un action de terrain plus efficace.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

S'agissant de Mme Fulgéras, je répète ici volontiers que si elle ne souhaite pas rester au parquet de Paris (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants) où, je le signale, elle est toujours premier substitut et où on lui a fait des offres, et si ces offres ne lui conviennent pas, elle se verra naturellement proposer des postes à l'extérieur, bien entendu dans les juridictions ou dans des postes de détachement qui correspondront à ses desiderata. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) S'agissant de la réorganisation de la direction des affaires criminelles et des grâces, le seul but poursuivi par le Gouvernement, en conformité d'ailleurs avec les instructions données par le Premier ministre est que les d irections des différents ministères correspondent à l'action qui est menée par le Gouvernement ; la direction des affaires criminelles et des grâces, depuis deux ans et demi, ne donne plus aucune espèce d'instruction au parquet. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il faut, par conséquent, que sa réorganisation reflète la réalité de son travail, aujourd'hui, qui est, d'une part, de faire de la législation et, d'autre part, d'envoyer des circulaires de politique pénale générale du garde des sceaux.

En troisième lieu, vous avez posé des questions sur les dossiers judiciaires, tout en vous étonnant d'ailleurs que l'on puisse avoir des informations, ici ou là, à leur sujet.

Monsieur le député, deux informations judiciaires ont été ouvertes à la suite de rapports qu'a reçus le Gouvernement. Le rapport de la Cour des comptes a été transmis au parquet quatre jours après que je l'ai reçu.

M. Yves Nicolin.

Heureusement !

Mme la garde des sceaux.

Le rapport que Martine Aubry a reçu de l'inspection générale des affaires sociales a été transmis à la justice sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale. Dès que le parquet de Paris a reçu des réquisitoires supplétifs des juges d'instruction, M. Riberolles et Mme Neher, ces réquisitoires supplétifs ont été le jour même renvoyés.

Tout cela vous montre - et ça n'a pas toujours été le cas - que le Gouvernement a assumé toutes ses responsabilités dans la plus grande transparence et avec rapidité.

Quant à la justice, elle aussi a agi avec célérité.

Pour ce qui est du contenu des dossiers judiciaires, c'est à la justice de l'apprécier. J'estime ne pas avoir à me prononcer sur les questions que vous posez à propos de dossiers dont le Gouvernement n'a pas à connaître,...

M. Pierre Lequiller et M. Yves Nicolin.

Et Chevènement ?

Mme la garde des sceaux.

... dont seule la justice a à établir la réalité. Ce n'est pas parce que vous avez posé des questions sur tout et n'importe quoi que j'ai à me prononcer sur tout et n'importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

M. le président.

La parole est à M. Edouard Balladur.

M. Edouard Balladur.

C'est à vous, monsieur le Premier ministre, que je m'adresse. Et je le fais spontanément, je vous serai très reconnaissant de le croire. (Sourires.) Votre gouvernement a traversé, la semaine dernière, une épreuve. Celui que je dirigeais, lui, l'a connue à trois reprises.

Un ministre concerné par une procédure pénale, parfois même avant qu'il ne soit mis en examen, comme cela a été le cas plusieurs fois, doit-il quitter le Gouvernement ? Pour les uns, oui : aucun doute ne doit planer sur un homme public et la morale qui s'applique à lui est plus exigeante. Pour d'autres, non : la composition du Gouvernement ne peut pas dépendre d'une mesure d'instruction. Ce serait confier un pouvoir exorbitant au juge, la présomption d'innocence serait détruite, l'atteinte à la réputation irrémédiable.

Mon gouvernement a retenu la première solution. Je n'en ai été ni fier ni heureux. Elle consistait à infliger une épreuve cruelle à des hommes qui n'étaient pas encore jugés ; d'ailleurs, deux d'entre eux ont bénéficié d'un non-lieu.

N'y a-t-il aucune autre solution que d'être enfermé dans cette alternative ? Je ne le crois pas. Il nous faut prendre acte de la société médiatique dans laquelle nous vivons. Il n'y a plus de secret de l'instruction, il n'y a plus de présomption d'innocence et, dans une certaine mesure, il n'y a plus de respect absolu des droits de l'homme (« Très juste ! » sur divers bancs), pas seulement pour les hommes politiques, mais pour tous les citoyens.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

On a proposé qu'une commission comportant des parlementaires - si j'ai bien compris - fût appelée, lorsqu'un ministre est en cause, à éclairer le juge d'instruction avant qu'il ne prenne sa décision. Ce serait à mes yeux une mauvaise solution qui consisterait à soustraire au droit commun un homme public uniquement parce qu'il est un homme public.

S'il faut changer quelque chose, c'est au profit de tous les citoyens, ce qui nous conduit à la réforme de la procédure pénale. Celle que vous avez entreprise a des mérites, mais elle nous semble insuffisante. Comme nous avons été nombreux à le proposer il y a quelques mois, il est souhaitable de remplacer la mise en examen, décidée par un seul juge et sans appel, par une procédure de mise en accusation, décidée elle aussi par un juge d'instruction mais pouvant être l'objet d'un appel devant une juridiction collégiale, le tribunal de la liberté. Ainsi, les droits de l'homme et le respect de la présomption d'innocence seraient-ils mieux assurés.

Est-ce à dire que cette procédure nouvelle, monsieur le Premier ministre, réglerait tous les problèmes ? Sans doute pas. Mais les garanties qu'elle offrirait seraient plus solides et, par exemple, un ministre ne pourrait être contraint à la démission qu'une fois rendue en appel la décision du tribunal de la liberté.

Si vous deviez vous rallier à cette procédure, vous reprocherait-on, monsieur le Premier ministre, d'être inspiré par le souci de protéger votre gouvernement ? Ce


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

serait injuste, puisque depuis huit jours le problème est déjà réglé par la démission du ministre de l'économie et des finances et parce qu'il s'agit d'une question d'intérêt général.

La question de la procédure pénale en vigueur dans notre pays est posée. Il ne s'agit pas de défendre les seuls hommes politiques, mais tous les citoyens, car tous sont atteints par la disparition de fait du secret de l'instruction comme de la présomption d'innocence, quelle que soit la catégorie sociale ou professionnelle à laquelle ils appartiennent. (« Très bien ! » sur divers bancs.) Il faut augmenter les garanties dont bénéficient tous les citoyens.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à inviter le Parlement à légiférer en ce sens ou considérez-vous que la situation actuelle est satisfaisante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, je ne me prononcerai pas sur les épreuves gouvernementales.

Chacun décide en conscience face à des événements de ce type. Vous avez agi d'une certaine façon, le ministre de mon gouvernement et moi-même avons agi à notre manière. Et l'opinion se fait sa conviction.

Je ne veux pas improviser ici en réponse à votre question, bien qu'elle tranche beaucoup, par le ton et la perspective. avec celle qui l'a précédée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) car je ne veux pas improviser une réponse à la question des rapports entre les responsables politiques nationaux, quelles que soient leurs fonctions, et en particulier les rapports entre les membres du Gouvernement et la justice, quand ils peuvent y être confrontés.

Vous posez plus généralement la question de la portée effective et concrète du principe de la présomption d'innocence, consacré au niveau constitutionnel.

Le Gouvernement, monsieur le Premier ministre, a précisément estimé que la situation n'était pas satisfaisante - pour m'exprimer comme vous avez conclu puisqu'il a présenté un projet de loi ayant pour objet de renforcer, au bénéfice de tous les citoyens, la présomption d'innocence. Ce texte important a fait l'objet d'un débat, dans lequel vous vous êtes exprimé, et d'une première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat. Sa discussion va se poursuivre ; conduisez-la ! De nombreuses préoccupations s'expriment par ailleurs à propos de la mise en jeu croissante de la responsabilité pénale pour faute non intentionnelle des élus qui dirigent des exécutifs locaux.

Le Gouvernement est conscient de ce problème, et il a chargé une commission présidée par un membre du Conseil d'Etat, M. Jean Massot, d'y réfléchir, afin de proposer des solutions. Son rapport sera remis très prochainement au garde des sceaux. Ma ferme intention est d'en tirer rapidement les conclusions. C'est en tout cas sur la base de ce rapport que le Gouvernement fera ses propositions.

Comme vous, j'estime que la question de la justice, de son indépendance, de sa responsabilité, de sa mission impartiale de protection de la liberté individuelle est fondamentale, et c'est pourquoi le Gouvernement a fait de la réforme de la justice, dans ses différents aspects, un chantier prioritaire de son action.

Ces réformes méritent d'être votées, mesdames et messieurs les députés. Elles sont nécessaires, elles doivent aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

RECONDUITES À LA FRONTIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

M. le président.

Une seconde, monsieur Poignant.

Mes chers collègues, la séance n'est pas terminée. Ne serait-ce que par courtoisie pour M. Poignant, je vous invite à rester à vos places. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Vous avez la parole, monsieur Poignant.

M. Serge Poignant.

Monsieur le ministre, vous avez adressé récemment aux préfets une circulaire demandant une action méthodique et organisée pour interpeller et reconduire à la frontière les immigrés en situation irrégulière. Dans cette circulaire, vous constatez un niveau anormalement bas des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière : 20 % selon votre circulaire.

Que se passe-t-il donc sur le terrain ? Permettez-moi de prendre un exemple parmi d'autres, relaté tout récemment dans la presse. Un arrêté d'expulsion a été pris à Nantes au mois de février, à la suite du refus d'un maire, socialiste, de l'agglomération nantaise d'officier en octobre en sa mairie le mariage de l'intéressé, refus justifié puisque, après enquête, il s'est avéré que le ressortissant étranger en situation irrégulière avait déposé en même temps deux demandes de mariage avec deux femmes françaises différentes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et l'expulsion n'a pas eu lieu parce que la préfecture - c'est elle qui le dit - ne disposait pas des moyens nécessaires à la reconduction à la frontière.

Comment votre circulaire pourrait-elle donc être appliquée ? En réalité, vous venez de vous apercevoir que votre loi n'a jamais été appliquée. Vous avez des pressions diamétralement opposées de toutes parts au sein de votre majorité plurielle et entre le ministère de la justice et le vôtre.

Pour ménager la chèvre et le chou, le Gouvernement excelle en maîtrisant parfaitement la politique du « nini » : ni expulsion, ni régularisation.

Les Français en ont assez des décisions de justice non appliquées, des dossiers classés sans suite, des délinquants non poursuivis et des plaintes non enregistrées parce que jugées inutiles. Le rapport de l'INSEE indiquant que seul un fait de délinquance sur cinq est enregistré par les services de police en témoigne d'ailleurs, même si vous avez tenté de dire le contraire à la question d'un de mes collègues il y a quinze jours.

Ma question est donc simple : quand aurez-vous réellement la volonté de faire appliquer les lois de la République, en donnerez-vous réellement les moyens sur le terrain, et vous en donnera-t-on les pouvoirs au sein du Gouvernement ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, j'ai pris une quinzaine de circulaires sur l'entrée et le séjour des étrangers.

Dans la mesure où la loi RESEDA a permis des régularisations sur la base des liens de famille ou d'un certain nombre de critères d'intégration, ou simplement pour la raison que des étrangers auraient pu être menacés s'ils avaient été reconduits dans leur pays, dans la mesure aussi où cette loi fait intervenir le juge à cinq reprises, il est tout à fait normal que ceux qui ne peuvent pas être régularisés fassent l'objet d'une mesure de reconduite.

J'ai donc adressé une circulaire aux préfets après avoir constaté que, dans certains départements, la moitié des étrangers déboutés n'avaient pas fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Comme il s'agit d'un sujet extrêmement difficile, vous le savez, puisqu'il fait intervenir non seulement la police et la gendarmerie, mais aussi la justice, les consultats étrangers et les transporteurs, et que jamais, même au temps de M. Jean-Louis Debré, on n'a beaucoup dépassé le chiffre de 10 000 éloignements par an, j'ai cru bon d'adresser cette circulaire pour que la loi soit appliquée, afin que je puisse résister à deux démagogies concurrentes : la démagogie de ceux qui confondent la liberté de circulation et la liberté d'installation des étrangers sur notre sol, et la vôtre qui consiste à faire croire que cette loi n'est pas appliquée. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Elle est appliquée ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Non !

M. le ministre de l'intérieur.

J'y veille. Je fais en sorte qu'elle le soit aussi humainement que possible. Il n'y a pas de contrôle au faciès. J'ai, au contraire, demandé qu'il n'y ait pas de contrôle systématiquement sélectif, mais des contrôles dans un certain nombre d'endroits où se concentrent les irréguliers, le train Vintimille-Strasbourg par exemple, pour être clair.

La loi, parce qu'elle a été votée par le Parlement et qu'elle s'impose à tous, doit être appliquée. C'est mon seul objectif. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

JUSTICE Vote sur les crédits

M. le président.

Nous allons procéder au vote des crédits du ministère de la justice, à l'occasion duquel nous allons mettre en oeuvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la conférence des présidents.

Je rappelle que, suivant cette procédure, la commission des lois, saisie pour avis de ces crédits, leur a consacré une réunion publique, ouverte à tous les députés, et que ses travaux seront publiés en annexe au compte rendu de la présente séance. Par ailleurs, chaque groupe a pu adresser au Gouvernement des questions écrites concernant ces crédits. Les réponses à ces questions seront elles aussi annexées au compte rendu de la présente séance.

Avant les votes, je donnerai donc la parole aux rapporteurs des commissions, à Mme la garde des sceaux et à un orateur par groupe. Chaque intervenant disposera de cinq minutes.

L a parole est à M. Christian Cabal, suppléant M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Christian Cabal, suppléant M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La procédure spéciale d'examen en commission que nous avons inaugurée cette année a déjà permis un large débat. La plupart des groupes ont pu s'exprimer, ainsi que le rapporteur spécial Patrick Devedjian, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui et que je vous demande d'excuser.

M. Devedjian a d'ailleurs déclaré que cette procédure était utile, puisqu'elle permet de « rassembler l'ensemble des acteurs dans un cadre plus transparent et plus ouvert ».

Le budget de la justice est quantitativement un bon budget, mais la quantité ne doit pas dispenser de la qualité. Or celle-ci n'est pas au rendez-vous.

Il est quantitativement satisfaisant car, depuis 1988, il a augmenté de 84 %. Cette année encore, il augmente de 3,91 % pour atteindre 27,29 milliards de francs. Les créations de postes augmentent sérieusement, mais c'était inévitable en raison des déséquilibres de la pyramide des âges et des activités nouvelles qui sont créées : juge de la détention provisoire, réforme des tribunaux de commerce.

C'est ainsi que sont créés 1 237 emplois, dont 212 postes de magistrats judiciaires, 145 postes de greffiers et 100 assistants de justice.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Ces bons chiffres ne doivent pas dissimuler une réalité inquiétante. A quoi servent des crédits en augmentation s'ils ne sont pas utilisés ? Ne s'agit-il pas d'une augmentation en trompe-l'oeil ? Ainsi, le taux de consommation des dépenses en capital est faible et se dégrade. Il passe de 79 % à 64 % pour les crédits de paiement, et de 81 % à 51 % pour les autorisations de programme. D'ailleurs, les autorisations de programme baissent aussi en volume de 9,27 %. En réalité, la justice a besoin d'une réforme profonde, qui n'a toujours pas été engagée Les indicateurs ne trompent pas. Les délais de jugement continuent de s'allonger, alors que la première revendication des Français est d'avoir une justice plus rapide. L'ancien président de la Cour de cassation disait que la justice apporte des solutions mortes à des questions mortes. Or, la situation s'aggrave. Les délais de jugement passent de 16,6 à 17,4 mois en cour d'appel, et de 9,1 à 9,3 mois devant les tribunaux de grande instance.

L'essentiel est d'améliorer la productivité de la justice.

Il ne sert à rien d'augmenter le nombre des magistrats, s'ils n'ont pas de bureaux pour travailler. A Paris, 200 magistrats travaillent chez eux, car il n'y a pas de place au Palais : beaucoup sont en surnombre dans des bureaux étriqués. Il faut à l'évidence un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Il ne suffit pas que le Gouvernement dise qu'il est d'accord, il faut encore que les réservations foncières aient lieu, que le ministre des finances accepte de programmer l'investissement. Or, rien n'est prévu.

L'institution des assistants de justice est une bonne chose ; encore faut-il les doter d'un statut et mettre un peu d'ordre dans un système qui devient anarchique et n'offre aucune garantie aux intéressés.

La réforme de la carte judiciaire est la condition première de toute autre réforme. La dilution actuelle des moyens est un obstacle sérieux à toute réorganisation.

On s'est contenté de supprimer 36 tribunaux de commerce, en épargnant d'ailleurs les villes dont les élus sont bien en cour. Mais on ne voit rien venir au plan judiciaire, qui est pourtant la priorité.

Les conseils de prud'hommes sont mystérieusement oubliés, alors que c'est là que les dysfonctionnements sont les plus graves, et que les besoins d'une justice efficace et rapide sont encore plus aigus quand il s'agit de salariés.

L'informatisation de la justice avance très lentement : fragmentataire au plan pénal, elle est en retard au plan civil. Il n'est que le programme de la détention qui fonctionne convenablement.

La plupart des grandes réformes sont en panne. Celle de la détention provisoire est un faux-semblant, dans la mesure où le juge d'instruction conserve la possibilité exclusive de mettre en liberté. Celle de la cour d'assises est au point mort. Celle de la responsabilité des magistrats, réclamée par le Président de la République, est oubliée. Celle des relations entre le Gouvernement et le parquet est une hypocrisie, comme l'actualité récente nous le démontre...

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous êtes gonflé !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Soyez polie !

M. Christian Cabal, rapporteur spécial suppléant.

... et elle empêche ce qui serait seul un progrès : la séparation rigoureuse entre le siège et le parquet. Rien d'autre, en effet, ne saurait garantir l'indépendance du juge.

Les projets du Gouvernement sont d'abord corporatistes. C'est une autre forme de dépendance. Dans ces conditions, on voit bien que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature aura le plus grand mal à réunir la majorité des trois cinquièmes.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ne jouez pas les Cassandre !

M. Christian Cabal, rapporteur spécial suppléant.

En résumé, il ne suffit pas d'un peu d'argent pour faire une bonne politique pénale...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas une question d'argent, mais de morale !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Mme Grzegrzulka ne supporte pas la contradiction !

M. Christian Cabal, rapporteur spécial suppléant.

... il faut aussi un esprit de réforme réel, qui s'attache aux dysfonctionnements et non pas aux apparences.

C'est pourquoi Patrick Devedjian propose de ne pas voter ce budget, étant entendu qu'il est favorable au vote de l'article 71 tendant à la revalorisation annuelle de l'unité de valeur de l'aide juridictionnelle, qui passe de 132 à 134 francs. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

M. Jacques Brunhes.

Et quel est l'avis de la commission ? Vous êtes rapporteur de la commission. Vous ne parlez pas à titre personnel, vous devez donner l'avis de la commission !

Mme Odette Grzegrzulka.

Il ne le sait pas !

M. Jean-Luc Warsmann.

La parole est libre !

M. Jacques Brunhes.

Non, les rapporteurs doivent rapporter ce que la commission préconise, non pas ce que pense l'orateur !

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Brunhes a raison !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration centrale et les services judiciaires.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration centrale et les services judiciaires.

Monsieur le président, m adame la garde des sceaux, mes chers collègues, M. Cabal a cité tous les chiffres. Que puis-je ajouter ? Que ce budget est bon, que certains, même, le considèrent comme très bon, et j'ai cru entendre M. Devedjian dire, lors de la réunion des commissions, qu'il était excellent.

M. Jean-Luc Warsmann.

On n'a pas entendu ça !

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

En effet, il augmente de 3,9 % cette année - et donc de 14 % depuis le début de la législature. Cela ne s'était jamais vu.

Il est presque certain que nous atteindrons les 30 milliards pour l'an 2002, c'est-à-dire à la fin de la législature. Dès aujourd'hui, il comporte 63 000 emplois, alors qu'on n'en dénombrait que 60 000 en 1997. Toutes les réformes annoncées sont financées. Est-ce une réalité ou un slogan ? Si l'on analyse ce budget, si l'on observe les réformes, on ne peut que parler de réalité. Pour la loi sur la présomption d'innocence, 30 millions de francs sont dégagés ; pour la loi sur la sécurité routière, 19 millions ; pour la réforme de la détention, 110 postes de juge sont


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

créés ; pour l'aide juridictionnelle, 47 millions sont prévus ; pour l'indemnisation pour mise en cause indue, 30 millions. Les autorisations de programme se montent à 805 millions, contre 673 l'an dernier, pour les seuls services judiciaires, et à 50 millions pour les juridictions administratives.

Mais à quoi servent ces 27,3 milliards de francs de crédits supplémentaires si notre justice ne répond toujours pas au grand espoir de nos concitoyens ? Ceux-ci veulent que cet éminent service régalien prenne leurs attentes en compte et soit une justice régulatrice de la vie en société, une justice accessible, compréhensible, respectueuse de délais raisonnables, une justice qui, sortie de ses palais, de ses cours, soit capable de rencontres, une justice proche des citoyens.

Si demain, comme on nous l'annonce déjà, toute réforme est retardée, voire annihilée, ce que je n'ose envisager, un bon budget de la justice, comme celui qui nous est proposé aujourd'hui, n'aura aucun sens. C'est pourquoi il faut s'appuyer sur cet esprit de réforme que Mme la garde des sceaux a su engendrer : ainsi, nous saurons, ensemble, faire de la justice un grand service de la nation. J'espère en tout cas que, d'ici à janvier, raison sera gardée. Car si, pour certains, il s'agit d'une petite affaire, c'est une grande affaire pour ceux qui en sont témoins.

Mme la garde des sceaux a répondu, tout à l'heure, à une question d'actualité posée par notre collègue Tamaya et concernant la prison de Saint-Denis. La délégation de la commission des lois qui s'est rendue en septembre à la Réunion souhaite que des crédits de fonctionnement soient accordés dans les meilleurs délais à cet établissement pénitentiaire, en attendant les moyens exceptionnels que, je le sais ou crois le savoir, Mme la ministre a obtenus, avec l'appui de M. le Premier ministre, pour réaliser un nouvel établissement.

Au nom de la commission des lois, j'invite mes collègues à voter cet excellent budget, car nous avons encore beaucoup de travail pour que la justice soit vraiment au service de nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Brunhes.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec, suppléant M. André Gerin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Patrick Braouezec, suppléant M. André Gerin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'effort substantiel en faveur de la justice, constaté pour la troisième année consécutive, est encore plus sensible pour les crédits consacrés aux services pénitentiaires et à la protection judiciaire de la jeunesse, qui s'accroissent respectivement de 5,85 % et de 14,7 %, faisant de ces deux secteurs la priorité des priorités en la matière.

Cette volonté politique en faveur de la lutte contre la délinquance juvénile et de l'amélioration de la vie carcérale se traduit notamment en termes d'emplois, puisque,s ur les 1 237 emplois supplémentaires pour 2000, 386 seront affectés aux services pénitentiaires et 380 à la protection judiciaire de la jeunesse.

Cet effort, qu'il faudra confirmer dans le temps, correspond à des besoins immenses. Sa traduction dans les faits se heurte aux retards accumulés ces vingt dernières années. La part du budget de la justice dans le budget de l'Etat progresse, mais ne représente encore que 1,63 % du budget général.

Il y a bien diminution de la surpopulation carcérale, mais elle reste insuffisante : le taux d'occupation des prisons est passé de 114 % en 1998 à 107 % en 1999. La situation demeure préoccupante dans les maisons d'arrêt et les centres de semi-liberté pour des prévenus bénéficiant de la présomption d'innocence et des condamnés à de très courtes peines amenés à sortir rapidement. La réforme de la détention provisoire en cours d'examen devrait fournir une partie de la solution.

La politique de prévention du suicide qui a été mise en place doit être renforcée. Une réforme est en cours pour mieux préparer la sortie de prison. Il faut se soucier en particulier des unités de vie familiale et de la liberté conditionnelle, qui diminue fortement la récidive.

En ce qui concerne le personnel pénitentiaire, l'action est sensible même si elle reste imcomplète, avec des créations d'emplois, des mesures statutaires et indemnitaires et un effort de formation. L'élaboration d'un code de déontologie contribue également à un meilleur contrôle de l'administration pénitentiaire. Enfin, un effort de rénovation et de construction d'établissements est engagé avec le programme 4000.

A la suite d'André Gerin, votre rapporteur que je supplée aujourd'hui, tout en rendant comme lui un hommage sans complaisance à l'effort engagé, il me faut insister sur la nécessité du dialogue social, fondamental pour la mise en oeuvre des décisions. La création des unités de vie familiale semble souffrir d'un défaut de concertation, et être insuffisamment comprise et portée par le personnel concerné. Le contexte d'effort budgétaire semble pourtant a priori favorable à un meilleur dialogue social.

En ce qui concerne l'exécution des peines, des mesures sont en cours pour mieux gérer les longs séjours, mais il en faudrait d'autres pour lutter contre leur caractère criminogène. Mais il faut également se soucier des effectifs du personnel de surveillance et notamment des départs à la retraite. En 1999, on a rattrapé une partie du retard, mais qu'en sera-t-il en 2000 ? Le retard est aussi criant en matière de mesures judiciaires concernant les mineurs, avec 5 400 décisions en attente d'exécution.

Ce dernier exemple nous permet d'aborder les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, autour des trois objectifs du Gouvernement : se donner les moyens de répondre systématiquement aux actes de primodélinquance, renforcer les dispositifs d'hébergement et développer les mesures de réparation.

L'augmentation des moyens en personnel est sans précédent. Cet effort devra être complété par des mesures de revalorisation statutaire et indemnitaire, par un effort pour le recrutement et la formation des délégués du procureur, par la pérennisation des emplois-jeunes et une meilleure prise en compte des situations d'urgence grâce à une coordination accrue. La prise en charge immédiate décidée dans les vingt-six départements prioritaires n'est effective que dans neuf d'entre eux. Même si elle se heurte à des difficultés, la mise en place des centres de placement immédiat est une réelle innovation.

Votre volonté politique de diversifier les réponses judiciaires est parfois difficile à mettre en oeuvre. Un plus grand nombre de mesures de réparation, dont l'efficacité


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est démontrée en matière de primo-délinquance, sont prises, mais beaucoup sont en attente d'application. Le ministère ne peut travailler seul en la matière, et sans doute faudrait-il solliciter davantage l'implication des autres administrations, des collectivités et des associations pour ces mesures de réparation. Pour être mieux acceptées et respectées par une partie de la jeunesse, les règles doivent être coproduites et assumées par l'ensemble du monde adulte. Perçue et partagée par l'ensemble de la société, cette priorité de service public serait revalorisée, facilitant par là même le dialogue social avec les personnels.

Les centres d'éducation renforcée se développent, pour un coût certes élevé. Leur bilan est positif, même si le retard accumulé a conduit à des créations dans l'urgence, déplorées par certaines organisations syndicales. Des moyens sont également débloqués pour un meilleur suivi des mineurs incarcérés, mais l'augmentation du nombre d'incarcérations risque de compromettre leur efficacité.

D es crédits quantitativement intéressants augurent d'une politique ambitieuse. L'effort devra encore être amplifié et surtout poursuivi dans la durée. On constate en effet trop souvent un décalage entre les décisions et leur mise en oeuvre, décalage qui s'explique en partie par la façon dont fonctionne l'administration, en partie par des réticences du personnel, souvent dues à l'insuffisance de la concertation.

Surtout, les retards accumulés ces vingt dernières années absorbent une bonne partie de l'effort et ne permettent pas encore de mesurer tous les effets que nous attendons des réformes entreprises.

Au total, la priorité claire affichée par le Gouvernement, la conscience qu'il a de l'urgence, et l'importance de l'effort budgétaire consenti justifient pleinement l'avis favorable de votre rapporteur sur ces crédits.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier les rapporteurs des commissions qui ont apporté leur concours précieux aux travaux parlementaires précédant le vote de la loi de finances.

Je tiens aussi, cette année, à remercier plus particulièrement la présidente de la commission des lois et le président de la commission des finances pour l'organisation de la réunion publique du 20 octobre, ainsi que les nombreux parlementaires qui ont participé à cette séance, l'ont animée par leurs questions et leurs observations, et m'ont permis d'avoir un dialogue direct et public de grande qualité sur les réformes et les moyens de la justice.

Je n'entrerai donc pas dans le détail du budget, et n'en évoquerai que les grandes lignes. Je remercie d'ailleurs les rapporteurs de les avoir rappelées.

Le budget 2000 de la justice est d'abord un excellent budget, encore meilleur que ceux des années précédentes.

Il s'inscrit, surtout, dans la durée. Les rapporteurs ont salué cet effort budgétaire que je résumerai en deux chiffres : 1 milliard de francs d'augmentation des crédits et 1 237 créations de postes, soit la plus forte hausse, et de très loin, de tous les ministères.

C'est surtout un effort qui s'inscrit dans la durée. Il vient, en effet, après deux budgets - 1998 et 1999 - qui avaient déjà été très favorables. Sur les trois premiers bud gets de la législature, les crédits du ministère ont progressé de 3,4 milliards de francs. Comme l'a fait remarquer M. Floch, c'est un gain de 14 % en trois ans.

Quant aux effectifs, ils ont gagné près de 3 000 postes, 2 930 exactement.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

J'avais arrondi.

Mme la garde des sceaux.

Chaque service du ministère reçoit les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre les réformes et améliorer son fonctionnement quotidien.

Pour les juridictions, on compte 382 emplois créés l'an prochain, 450 millions de francs de crédits de fonctionnement, 805 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles. S'agissant des seuls magistrats, depuis trois ans, nous avons créé 422 postes, c'est-à-dire autant que pendant les dix ans qui ont précédé.

Nous notons aussi une augmentation historique des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse. Je n'emploie pas ce mot au hasard et souligne simplement qu'avec 16 % des crédits de fonctionnement en augmentation et 380 emplois, si l'on ajoute les concours exceptionnels de l'an prochain, ce sont 680 recrutements qui seront opérés en 2000 pour un corps qui ne compte que quelque 6 000 personnes. L'an dernier, nous avons créé 150 postes, l'année précédente 100 - chiffres qui apparaissaient déjà comme records par rapport à des créations de 30 ou 40 postes que nous avions connues les années précédentes. Les 680 de l'an prochain marquent un véritable changement d'échelle.

Nous avons également consenti un effort important pour l'administration pénitentiaire, qui reçoit 386 emplois, et 430 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires. Je souligne que les trois quarts des emplois créés sont réservés au personnel de surveillance, ce qui est exceptionnel, car nous n'ouvrons aucun établissement nouveau cette année.

Je rappelle que je viens de lancer un programme de 2 milliards de francs, qui permettra la construction de six établissements pénitentiaires nouveaux. Un programme de rénovation lourde des cinq plus grandes maisons d'arrêt sera engagé en 2000 : 1 milliard de francs y sera consacré dans les quatre prochaines années.

A ce propos, j'ai annoncé, tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité, la création d'un nouvel établissement pénitentiaire à Saint-Denis de la Réunion. Le Gouvernement a décidé d'inscrire les crédits dès le projet de loi de finances rectificative de 1999 avant la fin de l'année. Je précise, pour répondre à M. Floch, que, bien entendu, ces crédits pour la construction du nouvel établissement s'ajoutent aux crédits de fonctionnement supplémentaires que j'avais décidé d'affecter aux établissements de la Réunion et aux travaux qui ont été prévus dans l'intervalle - la construction d'un nouvel établissement prenant du temps - au centre de détention du Port et pour la réhabilitation d'un quartier de la maison d'arrêt de Saint-Pierre. Ces travaux devraient créer 95 places nouvelles et désengorger la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion.

Je voudrais également, en réponse à une observation de M. Cabal, qui, si j'ai bien compris, se faisait l'interprète de M. Devedjian, fournir une indication importante sur les tribunaux, et en particulier sur Paris.

Je rappelle d'abord que nous avons achevé toute une série de constructions de grands palais de justice à Lyon, à Montpellier, à Grasse et à Bordeaux ; d'autres sont en voie d'achèvement à Nantes, à Grenoble, à Avignon et à Fort-de-France. Des rénovations importantes ont été réalisées à Rennes, à Nice, à Epinal, à Marseille et à Rouen


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Evidemment, Paris ne doit pas rester à l'écart de ce mouvement de modernisation des équipements. C'est la raison pour laquelle, sur ma demande, le Premier ministre a donné son accord pour lancer l'opération de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Le Gouvernement inscrira une première tranche d'autorisations de programme dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999, à hauteur de 300 millions de francs.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils ont de la chance, les Parisiens ! N'oubliez pas la Picardie !

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit d'une opération de très grande ampleur, attendue par toutes les juridictions p arisiennes. Elle sera l'occasion d'une réflexion approfondie sur les solutions innovantes à trouver pour le fonctionnement du palais de justice parisien pour le

XXIe siècle. Nous devons faire un effort de créativité et d'imagination.

Il s'agit, à mes yeux, autant d'un défi pour la conception du programme et pour l'organisation du travail dans ce tribunal qu'un défi architectural et technique.

Ce projet a déjà fait l'objet de consultations nombreuses, et un consensus s'est dégagé sur la solution retenue. Il ne manquait que le financement. Celui-ci est désormais acquis, et il faut lancer l'opération rapidement.

Je souhaite que les études techniques d'implantation soient engagées avant la fin de 1999, afin que le choix du site puisse intervenir au premier semestre 2000.

S'agissant du choix de ce futur site, une large concertation sera menée avec les futurs utilisateurs : magistrats, fonctionnaires et usagers. Avec les avocats, auxquels le nouveau tribunal de grande instance apportera un service nouveau, mais qui leur posera aussi des problèmes, la discussion sera menée de manière particulièrement approfondie.

Je souhaite que cette opération, la plus importante jamais entreprise par ce ministère, constitue, au tournant du siècle, un projet mobilisateur et emblématique de la rénovation de la justice dans notre pays.

Avec ce budget, nous essayons, pour la troisième année consécutive, d'atteindre simultanément deux objectifs : d'une part, améliorer les moyens des juridictions, et, d'autre part, financer des réformes, car il faut des réformes. Je ne pense pas que l'on puisse jouer la nécessité d'améliorer le fonctionnement des tribunaux contre les réformes.

Pour améliorer le fonctionnement quotidien des juridictions, il faut aussi qu'il y ait un meilleur dialogue au sein de celles-ci et une meilleure gestion. D'ailleurs, lorsque c'est le cas, les résultats sont spectaculaires.

Je veux également souligner que, grâce à la stabilisation des frais de justice, enrayant ainsi un phénomène qui durait depuis des décennies, nous ferons 100 millions de f rancs d'économies par rapport aux crédits inscrits en 1999.

J'ai également lancé le chantier de l'évaluation car la justice doit rendre compte de son action aux citoyens.

J'ai doublé les capacités de contrôle de l'inspection générale avec la création de neuf postes d'inspecteur en deux ans.

Toutes ces actions procèdent d'un seul et unique souci : améliorer la qualité du service public de la justice devant les citoyens et l'égalité de tous devant la justice.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Evidemment, pour y parvenir, nous devons améliorer et garantir l'impartialité de la justice,...

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

... laquelle repose sur deux piliers : l'indépendance et la responsabilité. Voilà ce qui fonde l'impartialité de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette indépendance fait l'objet du projet de loi sur les rapports entre la chancellerie et le parquet. Elle soulève également la question de la responsabilité des magistrats.

A cet égard, nous devons nous garder de toute confusion en ce domaine. Il ne s'agit pas de mettre en cause à tout propos et dans n'importe quelles conditions l'action et les décisions du magistrat, car la contestation des décisions juridictionnelles passe par les recours juridictionnels.

D'ailleurs, tant dans le projet de loi relatif aux rapports entre la chancellerie et le parquet que dans celui sur la présomption d'innocence, nous avons introduit des dispositions prévoyant des contre-pouvoirs, des actions d'explication pour que l'action juridictionnelle de la justice puisse justement être menée en ayant davantage le souci de faire comprendre les décisions juridictionnelles aux citoyens.

En revanche, les recours contre les fautes professionnelles et le mauvais fonctionnement du service public de la justice relèvent d'une autre logique : celle des actions disciplinaires. Une action résolue sera également entreprise sur ce point.

La sanction de comportements professionnels fautifs relève de procédures spécifiques. Je rappelle d'ailleurs à ce sujet que la rénovation du Conseil supérieur de la magistrature sera un élément décisif de la responsabilité accrue des magistrats. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit précisément de faire en sorte que le Conseil supérieur de la magistrature, du fait de la réforme constitutionnelle que vous avez votée et qui sera soumise au Congrès le 24 janvier, ne soit plus majoritairement composé de magistrats.

M. Devedjian parle de corporatisme. Mais peut-être pourrez-vous lui faire remarquer, monsieur Cabal, que voter la réforme constitutionnelle qui revoit la composition du Conseil supérieur de la magistrature pour faire en sorte que la majorité des membres soient des nonmagistrats est un premier pas très important dans la voie de la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

C'est essentiel !

M. Gérard Gouzes.

Excellent argument !

Mme la garde des sceaux.

Evidemment, c'est essentiel !

Mme Odette Grzegrzulka.

Il faudrait en parler au Président de la République !

Mme la garde des sceaux.

S'agissant des dispositions statutaires qui devront figurer dans le projet de loi organique, comme elles ne pourront pas être examinées par le Parlement avant le vote de la réforme constitutionnelle, puisqu'il y a dans ce pays une hiérarchie des actes juridiques,...

M. Gérard Gouzes.

C'est cela que la droite ne veut pas ! Elle ne veut rien réformer !

Mme la garde des sceaux.

... je vous présenterai avant la fin du mois les principales d'entre elles, en particulier celles concernant la responsabilité professionnelle et disciplinaire des magistrats.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Mme Odette Grzegrzulka et M. Gérard Gouzes.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Sur ce point, comme sur les autres aspects de la réforme de la justice, les engagements pris seront respectés.

Nous avons décidé d'inscrire notre action dans la durée et, évidemment, beaucoup reste à faire. Mais je pense que l'institution judiciaire a repris confiance en elle-même.

Surtout, elle retrouve la confiance des Français.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cela m'étonnerait !

Mme la garde des sceaux.

Il faut faire très attention, mesdames et messieurs les députés, lors des débats que vous allez avoir et dans le vote que vous allez émettre le 24 janvier, à ne pas donner le signal d'un retour en arrière. En effet, cette réforme est voulue par nos concitoyennes et nos concitoyens, car elle doit permettre de garantir l'impartialité, c'est-à-dire à la fois l'indépendance et la responsabilité.

Le projet de loi qui sera soumis au Congrès en janvier est évidemment essentiel à cet égard. Il protège les nominations du soupçon puisque les procureurs généraux et les procureurs seront nommés après avis conforme du CSM, dont il ouvre plus de la moitié des sièges à des membres qui ne seront pas magistrats. Il facilite enfin l'exercice du pouvoir disciplinaire. Je trouverais curieux que ceux-là mêmes qui réclament la mise en jeu plus grande de la responsabilité des magistrats puissent s'interroger sur le vote qu'ils émettront le 24 janvier alors même qu'ils ont déjà voté à une écrasante majorité cette réforme dont ils sentaient bien, il y a un an, qu'elle allait tout à fait dans le sens de ce que souhaitait le peuple français, au nom de qui, rappelons-le, est rendue la justice.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe communiste.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, je m'en tiendrai aux cinq minutes imparties à chacun des orateurs inscrits dans la discussion en séance publique.

M. le président.

J'espère bien ! (Sourires.)

M. Jacques Brunhes.

Mais je considère que la nouvelle procédure d'examen retenue pour le présent budget mérite de sensibles améliorations.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Jacques Brunhes.

Madame la ministre, vous avez engagé, après la déclaration politique du Premier ministre en juin 1997, une réforme d'ampleur de la justice dont tout le monde convenait de l'urgence tant sont profonds les dysfonctionnements de notre institution judiciaire, le malaise de ses acteurs et la perte de crédibilité aux yeux de l'opinion publique.

Nous avons apprécié votre méthode et les réformes adoptées et nous vous avons dit combien nous entendions vous accompagner de manière constructive. Nous voterons les crédits qui nous sont proposés, en progression de 3,91 %. Depuis trois ans que vous dirigez ce ministère, ils ont augmenté de 14 %. Des efforts significatifs ont donc été engagés que nous mesurons bien.

A ce propos, je dois vous transmettre de la part des élus de la Réunion l'expression de leur satisfaction face aux propositions que vous venez de leur faire tant en matière d'investissement qu'en matière de fonctionnement. Elles répondent aussi à des observations faites par la mission d'enquête de la commission des lois.

Mais nous savons aussi comment notre justice a été sinistrée et asphyxiée par les retards accumulés. Nous connaissons également la hausse exponentielle du contentieux, liée en partie à l'évolution de notre société, où la justice occupe une place croissante dans les rapports sociaux.

Malgré vos efforts, madame la ministre, la justice ne représente que 1,62 % du budget de la nation, ce qui ne nous place pas à un bon rang parmi les pays européens et, surtout, peut être un handicap pour la mise en oeuvre de votre ambitieuse réforme.

C'est la raison pour laquelle nous exprimons le souhait que se poursuivent avec constance les efforts amorcés.

Les vingt millions de nos concitoyens qui ont, à un moment ou à un autre, affaire à la justice témoignent du b esoin grandissant qu'ils en ont dans leur vie quotidienne.

Qu'il s'agisse de la justice civile je pense notamment à la progression de 11,2 % du nombre des affaires introduites devant les conseils de prud'hommes entre 1997 et 1998 - ou qu'il s'agisse de la justice pénale, tout concourt à dire que cette justice-là nécessite qu'elle soit bien rendue et dans les délais raisonnables. L'une des premières inquiétudes tient à la lenteur dans le règlement des affaires. Qu'en est-il du stock des affaires en instance devant toutes les juridictions ? Si nous avons accompagné de manière constructive vos réformes, madame la ministre, il reste évidemment des questions qui nous préoccupent.

C'est le cas de la présomption d'innocence, principe essentiel de notre droit, qui se porte mal en France, comme en atteste le nombre de détenus provisoires, et qui se porte encore plus mal pour les « politiques », qui paraissent victimes d'une présomption permanente de culpabilité dangereuse pour la démocratie.

C'est le cas aussi de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Nous avons déploré le retard pris par le Président de la République pour la révision constitutionnelle qui s'impose et nous regrettons la campagne conduite par les conservateurs pour faire échouer une réforme qui évite pourtant le « gouvernement des juges » et permet à la Chancellerie de mener une politique publique en matière pénale sans intervenir dans les affaires individuelles.

D'autres réformes nous paraissent urgentes : celle des assises ou la collégialité des décisions prises par les juges.

Lors de la réunion de la commission, le 20 octobre dernier, mon ami Georges Hage s'est fait l'écho des préoccupations de notre groupe sur de nombreuses questions touchant à la précarité des personnels, à la définition et à la formation des agents de justice, à la protect ion judiciaire de la jeunesse, aux conditions de détention, notamment dans les prisons des DOM, à la réinsertion des détenus libérés, à l'aide juridictionnelle, au renforcement du dialogue social avec les personnels et leurs organisations syndicales.

Nous souhaitons, bien sûr, que les réponses apportées à ces questions trouvent leur confirmation dans la continuité de votre politique et dans les prochains budgets.

Nous voterons celui de l'an 2000 en vous confirmant notre volonté d'être constructifs et positifs.

(Aplaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti, pour le groupe UDF.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'état de notre justice est préoccupant...

M. Gérard Gouzes.

Sur la Côte d'Azur, c'est vrai !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... et ce constat n'est pas récent.

Le Président de la République a récemment parlé d'un appareil judiciaire qui devait sortir à la fois de la misère et de la vétusté qui ont été trop longtemps siennes. C'est dire que nous subissons l'effet de l'accumulation de retards.

Quel constat pouvons-nous dresser aujourd'hui ? Les magistrats ne sont pas assez nombreux, les greffes manquent de moyens humains et techniques, les prisons sont surpeuplées et les conditions de détention restent un problème majeur, la prison ne réinsère pas et les personnes présumées innocentes représentent au moins un tiers de la population carcérale, les délais de jugement s'allongent de 25 % alors qu'ils étaient déjà de neuf mois dans les tribunaux de grande instance, de seize mois dans les juridictions pénales et de près d'un an et demi dans les cours d'appel.

Parallèlement, nos concitoyens consomment de plus en plus de justice et la judiciarisation de notre société demande toujours plus que les crédits alloués.

Vous vous félicitez d'une augmentation des crédits de votre ministère de 3,9 %, c'est-à-dire trois fois plus que la progression du budget de l'Etat. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir que l'on tente de rattraper le retard antérieur.

M. Gérard Gouzes. Ça, c'est objectif ! M. Jean-Antoine Leonetti. Ces chiffres doivent cependant être relativisés, à la lumière du fait que le budget de la justice ne représente jamais que 1,6 % du budget de l'Etat et que les crédits antérieurement alloués ont été mal consommés.

De plus, des dysfonctionnements décrédibilisent votre politique, madame la garde des sceaux, et les choix politiques prioritaires effectués ne sont pas toujours judicieux.

Tout récemment, il y avait 480 millions pour Avignon et 0 franc pour Saint-Denis.

M. Jean-Luc Warsmann. Ah bon !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Nous nous réjouissons que, entre la discussion en commission des lois et celle dans l'hémicycle, vous ayez décidé d'opérer une compensation pour assurer un meilleur respect de l'égalité de la justice.

En tout état de cause, c'est bien la preuve qu'il existe une inégalité dans la répartition des moyens sur le territoire national.

M. Patrick Braouezec, rapporteur pour avis suppléant.

Ce n'est pas une découverte.

M. Jean-Antoine Leonetti. La perte de dossiers sensibles constitue-t-elle une coïncidence ou une faute ? Vous avez donné des instructions, madame la ministre, pour que de pareils faits ne se reproduisent pas. Vous avez même suggéré, de manière un peu curieuse, de marquer d'une pastille rouge les dossiers qu'il ne faut pas perdre, laissant penser par là même que certains peuvent être perdus. En tout cas, cette position ne paraît pas sérieuse et témoigne au minimum que les effectifs sont insuffisants pour traiter les dossiers avec le respect qu'ils méritent.

Est-ce une coïncidence que de proposer à un juge une mobilité dans un mauvais moment, alors qu'il s'occupe d'une affaire sensible ? C'est au moins le signe évident d'une mauvaise gestion des carrières.

M. Gérard Gouzes.

C'est un mauvais procès !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Je pourrais multiplier les exemples de coïncidences ou de dysfonctionnements.

Mais je n'ignore pas que les présomptions, même multipliées, ne constituent pas une preuve. De surcroît, nous n'avons pas les mêmes priorités.

Pour nous, la justice au quotidien doit être prioritaire.

Par conséquent, les 100 postes de magistrats créés dans les tribunaux de commerce auraient servi plus utilement à réduire les délais de la justice.

Pour nous, la délinquance des mineurs est un problème préoccupant, et le fait d'avoir renoncé en 1998 à mettre immédiatement en place cinquante centres de placement sera préjudiciable à la prise en compte de ce grave problème.

Pour nous, enfin, la qualité de la justice rendue doit reposer sur des professionnels. Or le recours massif aux emplois-jeunes, aux assistants de justice ou aux délégués de procureurs, aux formations inégales, ne va pas dans ce sens.

Hormis l'action au niveau des tribunaux de commerce, la réforme de la carte judiciaire est au point mort, alors qu'elle nous paraît absolument indispenable.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

C'est faux !

M. Arnaud Montebourg.

Vous ne lisez pas le Journal officiel !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Vous avez préféré les réformes médiatiques et le saupoudrage budgétaire plutôt que de vous attaquer au fonctionnement de la justice au quotidien et d'engager la réforme de la justice.

Je note que vous défendez moins votre budget que la réforme qu'examinera le Congrès le 24 janvier prochain.

Mme la garde des sceaux.

Je fais les deux à la fois !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Croyez-nous, lorsque nous disons que nous sommes tous pour l'indépendance de la justice, et répondez-nous sans sourire. En même temps, faites en sorte que nous évitions le gouvernement des médias et des juges, et que nous ayons une justice indépendante et responsable, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.

Par ailleurs, vous n'avez pas contribué à ce que les Français retrouvent la confiance qu'ils doivent avoir dans la justice de leur pays et, malgré les moyens que vous avez obtenus, vous n'avez toujours pas fait les bons choix budgétaires pour doter le pays d'une justice plus égale pour tous et plus rapide.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Gouzes.

Madame la garde des sceaux, contrairement au groupe UDF, le groupe socialiste votera le budget de la justice que vous nous avez présenté, parce qu'il s'agit d'un bon budget et que vous avez fait les bons choix. En effet, contrairement à ce qui se passe en 1996 ou 1997, ce budget reste une des priorités du Gouvernement : avec 27,29 milliards de francs, il affiche une hausse de 3,9 %, l'augmentation des crédits de fonctionnement étant de 5,15 %.

Vous n'en faisiez pas autant il y a quelques années, monsieur Leonetti.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Antoine Leonetti.

L'augmentation a été de 6 % en 1997 !

M. Gérard Gouzes.

C'est la troisième année consécutive de hausse et cela porte la marque de la priorité donnée par la gauche à la modernisation de la justice et à l'amélioration de son fonctionnement au quotidien.

Non seulement vous vous appliquez, madame la garde des sceaux, à rattraper l'immense retard accumulé depuis de nombreuses années, mais vous prévoyez les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des réformes que nous venons de voter : je pense au développement de l'accès au droit et au règlement alternatif des conflits, qui vont concerner chaque justiciable dans sa vie de tous les jours.

Nous relevons que vous anticipez également sur les moyens qui seront nécessaires au renforcement de la présomption d'innocence et à l'indispensable réforme des tribunaux de commerce.

Alors que, en 1997, date de votre arrivée au ministère, la dotation des services judiciaires accusait une chute de 30 % des crédits en mesures nouvelles et de près de 20 % en autorisations de programme, le budget pour 2000 de la justice va augmenter de 4 % en crédits de paiement et de 16,40 % en autorisations de programme.

La liste des améliorations est longue : 212 magistrats de plus, 100 assistants de justice, qui viennent compléter les 400 postes créés en 1999 ; 155 fonctionnaires des greffes.

Des travaux de construction et de sécurité ont été réalisés à Grenoble, Fort-de-France et Avignon, de même que le désamiantage de Nanterre et des travaux de construction à Pontoise et Cahors. En outre, 50 millions de francs ont été affectés aux travaux d'aménagement et de sécurité du Palais de justice de Paris, sans oublier les agrandissements et les mises à niveau de Roanne, Versailles, Lisieux, Saint-Etienne, Rouen et Belfort, et les études concernant Niort, Laval, Bobigny ou Versailles.

Vous n'avez pas non plus oublié les juridictions administratives, qui vont être dotées de 83 postes nouveaux, dont 40 de magistrats. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais un tel effort n'avait encore jamais été réalisé.

Nous voterons également ce budget parce qu'il prend bien en compte les réponses que le Premier ministre luimême a données, dans cette enceinte, aux problèmes posés par la délinquance de la jeunesse, puisque la protection judiciaire de la jeunesse progresse de 9,1 % en crédits de paiement et de 16 % en autorisations de programme.

Le budget pour 2000 marque votre volonté de faire de ce secteur un outil majeur de la lutte contre la délinquance des mineurs. Le groupe socialiste se félicite de cette option qu'il souhaitait dès mars 1999.

De même, les crédits des services pénitentiaires augmentent de 5,85 %. Avec plus d'un quart de l'ensemble des crédits de la justice, l'administration pénitentiaire bénéficie de 386 créations nettes d'emplois et vous proposez légitimement le doublement de la prime de surveillance des gardiens pour les nuits encadrant les dimanches et jours fériés. De telles mesures n'avaient pas été prises jusqu'à présent.

Bref, beaucoup reste à faire dans ce secteur trop longtemps délaissé ; je pense notamment au respect de la dignité des détenus, trop nombreux à se suicider.

Vous le savez mieux que quiconque, madame la garde des sceaux, la justice est devenue l'une des questions les plus sensibles de l'actualité.

Chacun est confronté à tout moment en matière civile, commerciale ou administrative à la justice quotidienne.

L'inflation de la demande de droit est un signe de notre temps et l'Etat se doit d'y répondre dans des délais raisonnables et avec une impartialité rigoureuse.

Les efforts faits en ce sens méritent d'être soulignés ; il faut continuer et ne pas faiblir dans l'action que vous avez entreprise, même si certains veulent vous soumettre au régime de la douche écossaise.

L'indépendance des magistrats ne doit pas signifier l'abandon d'un pouvoir régalien indispensable à l'objectivité des décisions de justice et à l'application de la politique pénale décidée et assumée par la représentation nationale.

L'indépendance des magistrats ne doit pas aboutir à l'éclatement de l'autorité judiciaire, au laxisme dans la surveillance et le contrôle de l'application de la loi, ou bien à la négligence dans le travail quotidien de tous les acteurs de justice.

Voilà pourquoi nous voulons réaffirmer que le principe de la responsabilité des magistrats doit être renforcé, et nous vous remercions, madame la garde des sceaux, d'avoir annoncé l'examen de ce projet pour la fin du mois de novembre.

La société a confié aux juges le plus puissant des pouvoirs régaliens, ils doivent en rendre compte. Cette remarque, de plus en plus partagée, me conduit à souligner que chacun doit prendre ses responsabilités quant à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Le Président de la République, Jacques Chirac, disait en 1996, au moment de l'installation de la commission Truche : « Il faut sérieusement examiner les possibilités de rendre le Parquet indépendant du garde des sceaux. »

Il faut donc que cessent les atermoiements, les volteface et les faux-semblants. Que ceux qui veulent poursuivre les jeux malsains de l'interventionnisme et du copinage le disent clairement en s'opposant à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Pas vous !

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous parlez pour qui ? C'est M. Chevènement qui a critiqué les juges !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Plus c'est gros, mieux ça passe !

M. Gérard Gouzes.

Que ceux qui veulent une plus grande objectivité, une plus grande impartialité de la justice le manifestent par conséquent le 24 janvier prochain à Versailles.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est honteux de mettre ainsi en cause le ministre de l'intérieur !

M. Gérard Gouzes.

Plus que jamais, aujourd'hui, la justice a besoin d'impartialité et d'efficacité, et vous avez insisté sur ce point, madame la garde des sceaux. La justice s'ouvre sur l'Europe. L'entraide judiciaire se met en place. La lutte contre la criminalité organisée nous contraint à faire progresser plus rapidement encore la coopération judiciaire internationale.

Vous avez là un chantier aussi vaste que passionnant.

Le Gouvernement s'y est attaqué en y consacrant les moyens nécessaires, comme nul gouvernement ne l'avait encore fait.

Le groupe socialiste vous soutient et votera sans états d'âme le budget de la justice que vous proposez pour l'an 2000, comme il sera, j'en suis sûr, unanime derrière


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

le Gouvernement pour voter la réforme constitutionnelle le 24 janvier prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Comme si l'on avait pu en douter !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Quelle surprise !

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Alain Tourret.

Madame la ministre, votre budget est excellent mais je ne m'arrêterai pas à cette constatation. Il marque votre volonté de transformer en profondeur la justice de notre temps, et nous vous en félicitons.

Cependant, mon propos ne peut ignorer les séismes que nous vivons depuis plusieurs mois.

L'équilibre des pouvoirs est le fondement même de la République. Mais nous avons l'impression que l'incompréhension grandissante entre la justice et la presse - alliées pour l'occasion, avant des lendemains qui déchanteront - et les élus risque de miner les bases mêmes de la démocratie. Aussi suis-je amené à poser plusieurs questions.

Premièrement, n'est-il pas hypocrite de prétendre que le secret de l'instruction est une garantie des libertés,...

M. Gérard Gouzes.

C'est le secret de Polichinelle !

M. Alain Tourret.

... alors même qu'il est violé en permanence, sans qu'aucune plainte ne soit jamais déposée par le parquet par la Chancellerie ? Et que dire des événements de ces derniers jours ?

M. Jean-Antoine Leonetti et M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Alain Tourret.

Deuxièmement, y a-t-il encore une présomption d'innocence lorsque les procédures durent de trois à dix ans et, alors même que les mesures de disjonction sont toujours refusées, faisant pendant tout ce temps du justiciable un paria, qu'il s'agisse ou non d'un élu ? Et ce n'est pas le rapporteur de la commission des lois qui me contredira sur ce point.

En troisième lieu, puisque nous parlons des infractions commises par les ministres en dehors de leurs fonctions, nous devons réfléchir à la loi créant la Cour de justice de la République, cette loi bâclée, votée dans la peur au moment de l'affaire du sang contaminé. Ne serait-il pas nécessaire et utile de saisir une commission des sages, chargée de faire des propositions pour réformer la saisine de cette institution, en limitant sa compétence aux infractions volontaires, à l'exclusions des infractions involontaires ? De même, ne serait-il pas nécessaire de permettre aux parties civiles de s'exprimer ? Ne pas agir, c'est permettre à coup sûr, dans quelques années, le renvoi d'une dizaine de ministres au moins devant la Cour de justice, par exemple dans le drame de l'amiante, aussi important que celui du sang contaminé, alors même que nous savons depuis 1972 que l'amiante est mortifère, mais qu'il a fallu attendre 1996 pour que son utilisation soit interdite.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et qu'a fait Mitterrand ?

M. Alain Tourret.

Quatrièmement, pourquoi ne pas dire que les réformes proposées tout à l'heure par un ancien Premier ministre doivent être examinées avec le sérieux qui doit répondre à la hauteur de vue de leur auteur ?

M. Pascal Clément.

Très bien !

M. Alain Tourret.

Mais ces réformes devront prendre en compte les pouvoirs laissés aux tribunaux, qui ont toute latitude pour prononcer l'inéligibilité des élus.

Pourquoi ne pas proposer, comme vient de le décider la cour d'appel de la Réunion au mois de septembre, que la privation des droits civiques ne peut être prononcée qu'en cas d'atteinte à l'honneur, aux bonnes moeurs et à la probité, alors qu'actuellement, c'est pour toutes les infractions que cette inéligibilité peut être prononcée ? Pourquoi ne pas se demander, enfin, si la privation des droits civiques ne peut pas être réservée au Conseil constitutionnel ? Ainsi, le juge de l'élection, saisi par la juridiction répressive, aurait-il à se prononcer sur la suppression ou le maintien du mandat de l'élu, ce qui aurait pour mérite d'uniformiser la jurisprudence. Que l'on se souvienne, en effet, d'Henri Emmanuelli, privé de son mandat et de ses droits civiques par la cour d'appel de Rennes, alors que, exactement pour les mêmes faits, la cour d'appel de Lyon s'est prononcée en sens inverse, sans qu'il y ait le moindre contrôle de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

M. Gérard Gouzes.

Ce n'est pas la première fois qu'un tel cas se produit !

M. Alain Tourret.

Comment ne serions-nous pas interpellés par une telle divergence ? Certains semblent croire que la seule solution au renforcement des pouvoirs de la justice réside dans la mise en cause de la responsabilité des magistrats. Je crains qu'il n'en soit rien si tout est occulté par une volonté de vengeance que les magistrats vivront mal, et ceux-ci feront alors tout pour s'opposer à cette réforme.

M. Pascal Clément.

C'est vrai !

M. Alain Tourret.

On restaurera la confiance en la justice non pas en s'opposant aux magistrats, mais en assurant avec sérénité l'équilibre des pouvoirs, équilibre qui est la source même de notre démocratie.

Je sais, madame la ministre, à quel point vous êtes sensible à ces graves problèmes, et vous avez raison. Nous vous soutiendrons par conséquent dans votre effort pour définir la responsabilité de chacun et assurer un équilibre, qu'il s'agisse ou non d'élus, ceux-ci étant néanmoins fréquemment sur la sellette actuellement. Il faut que chacun, qu'il soit riche ou misérable, puisse retrouver confiance dans le premier service de l'Etat, c'est-à-dire dans la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément pour le groupe Démocratie libérale.

M. Pascal Clément.

Il faut en fait examiner l'évolution du budget de la justice depuis 1981. Pendant cette période où la gauche a été largement majoritaire, il a augmenté de 50 %. Je comprends que certains saluent l'augmentation de 3,91 % constatée, cette année, mais si l'on examine la situation depuis vingt ans, on s'aperçoit que nous sommes passés de 5 000 à 6 000 magistrats et que le budget de la justice représente tout juste 1,60 % de l'ensemble des crédits de l'Etat.

On peut se féliciter, madame la garde des sceaux, que vous ayez cette année plus que les autres ministères, mais nous n'arrivons pas à régler le problème de la justice ni à prendre la mesure de l'effort qu'il conviendrait de faire.

Tout le monde reconnaît que de nombreuses régulations sociales ont été supprimées, que la justice s'est substituée à elles et que les Français ont une idée de la justice


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

comparable à celle qu'ils ont des partis politiques... C'est dire que le problème est considérable.

Je ne peux donc pas, au nom du groupe DL, vous donner quitus pour ce budget qui, en soi, est moins mauvais que les autres, eu égard à la question qui nous est posée à tous sans distinction, car nous n'avons pas défini les moyens pour régler ce grave problème.

Depuis quelques jours, des affaires, qui concernent tantôt les uns, tantôt les autres, prouvent à l'évidence que le malaise est partagé.

M. Gérard Gouzes.

Les mouches changent d'âne !

M. Pascal Clément.

Je ferai quant à moi une proposition dans le droit fil de celle de M. Balladur, mais peutêtre plus simple. Pourquoi construire une usine à gaz s'il est possible de prévoir non pas la formule du témoin assisté, qui se substituera très vite à la mise en examen, laquelle s'est elle-même substituée à l'inculpation - c'està-dire que, très vite, le témoin assisté sera considéré comme coupable -, mais simplement celle de l'audition.

La personne auditionnée aurait accès au dossier et ne serait mise en accusation que la veille du jugement. On réglerait ainsi le problème de la lenteur excessive de la justice, qui met à mal la réputation des uns et des autres.

Vous voulez tout perfectionner, madame la garde des sceaux, mais les projets de loi que vous nous avez proposés sont quelquefois contournés par les faits.

En ce qui concerne les relations entre la chancellerie et le parquet, je vais sans doute vous surprendre, mais je ne mets pas en doute le fait que vous ne donniez pas d'instructions. La question n'est pas là. A partir du moment où l'on « terrorise » les procureurs oralement - le mot est exagéré, mais je l'utilise pour me faire comprendre -, où, du moins, on les tient bien et où, au bout du compte, on ne les nomme pas mal, en nommant plutôt des gens proches de la majorité, où est le problème ?

M. Arnaud Montebourg.

C'est inacceptable !

M. Pascal Clément.

C'est bien mon avis ! C'est inacceptable, mais c'est exactement ce qui se passe !

M. Arnaud Montebourg.

Que faisiez-vous des avis du Conseil supérieur de la magistrature ? Vous les violiez sans cesse ! Nous, nous les respectons ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pascal Clément.

Nous ne les avons pas violés puisque la Constitution n'a pas encore été modifiée !

M. Arnaud Montebourg.

Il ne faut pas dire n'importe quoi à la tribune !

M. le président.

Monsieur Montebourg, s'il vous plaît !

M. Arnaud Montebourg.

Je vous remercie de m'avoir donné la parole !

M. le président.

Je ne vous l'ai pas donnée !

M. Pascal Clément.

Ce que dit M. Montebourg est inexact, et, jusqu'à la réforme de la Constitution, les avis du Conseil supérieur de la magistrature sont de simples avis ; ils n'ont donc pas été violés.

M. Arnaud Montebourg.

Vous ne les « violez » pas, vous les piétinez ! Merci, monsieur le président !

M. Eric Doligé.

Vous n'êtes pas là pour plaider, monsieur Montebourg, ni pour faire des effets de manches !

M. Pascal Clément.

M. Montebourg peut-il me laisser terminer, monsieur le président ?

M. le président.

Vous êtes le seul à avoir la parole.

M. Pascal Clément.

Car non seulement il connaît mal la Constitution mais, en plus, il m'empêche de parler.

M. Gérard Gouzes.

Un Président de la République a respecté les avis du Conseil supérieur de la magistrature, un autre pas !

M. le président.

Vous n'allez pas vous y mettre vous aussi, monsieur Gouzes !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ils ne supportent pas la démocratie !

M. Arnaud Montebourg.

M. Clément ne peut pas dire n'importe quoi !

M. Pascal Clément.

Je termine.

Nous sommes tous convaincus qu'il faut aller vers une plus grande indépendance de la magistrature. La réforme du siège, je l'apprends à M. Montebourg, a eu lieu sous M. Balladur, mais cela a dû lui échapper. Maintenant, il s'agit du parquet. Mais je crains que la réforme en cours ne soit pas adoptée car elle comporte une ambiguïté, elle cherche en effet à reprendre en main les magistrats. Et vous avez beau, madame la ministre, accepter tacitement le loupé en ce qui concerne le parquet de Paris, il a choqué tout le monde, les magistrats mais aussi les parlementaires.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Pas du tout ! Cela a choqué ceux qui voulaient l'être !

M. Arnaud Montebourg.

Sauf Mme Fulgéras ! Lisez Le Figaro !

M. Eric Doligé.

Monsieur Montebourg, arrêtez votre cinéma !

M. Gérard Gouzes.

Ce que vous dites, monsieur Clément, est hypocrite !

M. Pascal Clément.

Et, alors que M. Pierre Méhaignerie avait créé à la direction des affaires criminelles et des grâces une sous-direction des affaires économiques et financières, votre réorganisation, madame la garde des sceaux, sera suspecte si vous supprimez - coïncidence - le poste de sous-directeur, car on fera le rapprochement avec ce qui s'est passé au parquet de Paris.

M. Gérard Gouzes.

L'opposition ne sait pas quoi dire !

M. Pascal Clément.

Il ne peut y avoir de réforme si, en ce qui concerne la gestion des magistrats, un soupçon plane sur la manière d'agir de la chancellerie.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Bravo !

M. Pascal Clément.

Lors du vote de la loi, je n'ai pas voté contre, j'ai même été le seul de mon groupe à m'abstenir et je voudrais voter pour.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Ah !

M. Pascal Clément.

Mais vous m'en empêchez eu égard à la façon dont vous gérez les magistrats français.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Jésuite !

M. Pascal Clément.

Je vous demande que, dans les jours qui viennent, toute réforme d'organisation, ou sous couvert d'organisation, ne vienne pas contredire l'esprit d'indépendance que vous voudriez donner à la justice et que nous voudrions avec vous partager.


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Voilà ce que je voulais dire, malgré les remarques de l'un d'entre nous, intempestives...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et déplacées !

M. Pascal Clément.

Madame la garde des sceaux, nous déplorons de ne pas voter ce budget, alors que nous savons que la justice aura tant besoin de crédits dans les années qui viendront, dans l'intérêt de tous les Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Gérard Gouzes.

C'est le pari de Pascal !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je ne peux laisser passer ce qu'a dit M. Clément. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

On peut critiquer, on peut dire que les crédits sont insuffisants, et que l'on n'aurait pas fait les choses comme cela, mais on ne peut pas travestir la réalité.

M. Gérard Gouzes.

Très juste !

Mme la garde des sceaux.

Je vais donner quelques chiffres.

Sur les trente-cinq procureurs généraux actuellement en poste, vingt-deux ont été nommés de 1993 à 1997.

M. Raymond Douyère.

Eh oui !

Mme la garde des sceaux.

Sur ces vingt-deux, seize n'étaient pas procureurs généraux auparavant.

M. Raymond Douyère.

Tiens, tiens !

Mme la garde des sceaux.

On a donc une idée, sur quelque trois ans, du turn over !

M. Arnaud Montebourg.

Clément est amnésique !

Mme la garde des sceaux.

Pour ma part, j' ai proposé sept nominations au conseil des ministres depuis deux ans et demi - sept contre vingt-deux !

M. Gérard Gouzes.

Ce sont des chiffres qui parlent !

Mme la garde des sceaux.

Sur les cent quatre-vingtun procureurs actuellement en fonction, cent ont été nommés pendant la même période de 1993 à 1997, dont plusieurs contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature.

M. Gérard Gouzes.

Qu'auriez-vous dit alors, monsieur Clément ?

M. Pascal Clément.

C'était la loi ! Mais vous ne connaissez pas la loi !

Mme la garde des sceaux.

Tous les procureurs que j'ai nommés depuis deux ans et demi l'ont été avec l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, à commencer par le procureur de Paris. Et si les procureurs dont j'ai proposé la nomination n'avaient pas fait l'objet d'un avis conforme du Conseil, je ne les aurais pas nommés. Voilà la réalité ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gérard Gouzes.

Un beau revers !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Au bas du filet !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame la garde des sceaux, je voudrais d'abord dire ma surprise : lorsqu'un collègue député de l'opposition dénonce certains faits, votre seule réaction est d'enclencher une polémique en rappelant ce qui s'est passé avant vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Braouezec, rapporteur pour avis suppléant.

C'était pour rétablir la vérité !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je crois que cela aurait mérité d'autres réponses.

Les faits sont là : Mme Fulgéras n'a jamais demandé à partir, elle l'a dit. On la déplace !

M. Gérard Gouzes.

Warsmann, le pompier pyromane !

M. Arnaud Montebourg.

Elle n'est pas propriétaire de son poste et elle a elle-même déclaré que cela n'avait rien à voir avec l'affaire qu'elle instruisait !

M. Jean-Luc Warsmann.

Il y a, comme l'a excellemm ent dit mon collègue Leonetti, des coïncidences bizarres. Sans doute le hasard fait-il bien les choses puisque, au moment même où cette personne s'occupe d'une affaire entièrement médiatisée, elle est déplacée contre sa volonté.

M. Arnaud Montebourg.

Elle n'est pas « déplacée ».

M. Jean-Luc Warsmann.

Le fait mérite des explications, et non des polémiques !

M. Pascal Clément.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

Sur le fond, j'ai été extrêmement surpris par un certain nombre d'interventions marquées du sceau de l'autosatisfaction. Je me suis interrogé : la justice fonctionne-t-elle si bien en France qu'elle pourrait justifier de tels discours ? Mes chers collègues, lorsque Mme la garde des sceaux a présenté son budget, elle nous a exposé les statistiques sur le fonctionnement de la justice.

Qu'en ressort-il ? Que, devant toutes les juridictions en France, jamais les délais de jugement n'ont été aussi longs ; Que, devant les tribunaux de grande instance, la durée moyenne de jugement est de 9,3 mois, durée en augmentation par rapport à l'année dernière, où elle était déjà en augmentation par rapport à l'année précédente ; Que le délai moyen de jugement devant les conseils des prud'hommes est de 9,7 mois, durée en augmentation par rapport à l'année dernière, où elle était déjà en augmentation par rapport à l'année précédente ; Que le délai moyen de jugement devant une cour d'appel est de 16,6 mois.

Quel exemple de contentieux nous donnent les prud'hommes, où l'inégalité des parties est quasi systématique, entre un salarié qui attaque pour défendre ses droits et obtenir une partie de ses salaires et de ses primes, et une entreprise qui, quant à elle, a beaucoup moins intérêt...

M. Gérard Gouzes.

Warsmann défendant la classe ouvrière ! On aura tout vu !

M. Jean-Luc Warsmann.

... à ce que les jugements interviennent rapidement.

Mme Nicole Feidt.

Et avant, c'était comment ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Faire attendre plus de deux ans en moyenne les salariés pour qu'une décision en appel intervienne procède-t-il d'une bonne justice ? Voilà bien le fond du problème !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Et que dire, en matière pénale ou en matière criminelle, où le délai moyen de jugement devant une cour d'assises est de plus de quatre ans ?

M. Gérard Gouzes.

Quatre ans ? Cela nous ramène à l'époque de Juppé ou de Balladur !

M. Jean-Luc Warsmann.

Que penser des chiffres mêmes de Mme la garde des sceaux, qui nous apprennent que la durée moyenne de la détention provisoire en matière criminelle est supérieure à deux ans ? On peut faire de grands discours sur la détention provisoire, mais les faits sont là.

C'est bien l'engorgement de la justice qui est l'une des principales raisons de l'augmentation du nombre des détenus provisoires.

Face à cette situation, quels sont, madame la garde des sceaux, les choix que vous nous proposez ? En termes de personnels, ce seraient, des créations d'emplois, mais selon quelle priorité ? Je prends l'exemple des 212 créations de postes de magistrats. A quoi les affectez-vous ? Selon une première priorité, à une réforme que vous avez engagée, celle des tribunaux de commerce pour cent postes ; selon une deuxième priorité, à une autre réforme que vous avez vous-même déclenchée, celle de la création d'un juge de la détention, pour quarante-huit postes.

Combien de magistrats seront-ils utilisés pour la résorption des retards ? Trente-quatre, soit 15 % des effectifs mis en place. C'est pour nous une erreur lourde dans les priorités du ministère de la justice.

Combien de magistrats seront-ils utilisés pour la lutte contre la délinquance des mineurs ? Vingt-cinq, soit 10 % des créations de postes l'an prochain ! C'est une deuxième faute lourde. En effet, la résorption des retards et la lutte contre la délinquance des mineurs sont bien, pour nous, les premières priorités et vous commettrez une faute lourde en décidant de telles affectations.

S'agissant des dépenses, vous affichez un certain nombre de chiffres flatteurs. J'ai lu, comme mes coll ègues, l'excellent rapport de mon collègue Patrick Devedjian, qui note que le taux d'exécution des dépenses n'a jamais été aussi bas. Je me permettrai de vous rappeler que les derniers chiffres concernant l'exécution en crédits de paiement font apparaître que 64 % des crédits annoncés ont été exécutés, soit à peine les deux tiers !

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis, et M. Gérard Gouzes.

Et les programmes immobiliers ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour les autorisations de programme, on talonne les 50 % : seuls 51 % des autorisations de programme annoncées ont été exécutés.

M. Jean-Antoine Leonetti.

A quoi sert de voter de gros budgets si on ne les exécute pas ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Je souhaiterais sincèrement que les chiffres que vous annoncez aujourd'hui ne subissent pas le même traitement.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR, qui ne partage pas vos priorités, ne votera pas le budget de la justice. Mais permettez-moi d'utiliser les quelques instants dont je dispose pour lancer un appel au Gouvernement.

A cet appel s'associent à titre personnel beaucoup de nos collègues, sur tous les bancs de cette assemblée.

Madame la garde des sceaux, voici quelques instants tombait une dépêche de l'Agence France Presse annonçant qu'en quelques semaines quatre suicides avaient eu lieu à la prison de Fresnes.

L'année dernière, cent dix-huit prisonniers se sont suicidés dans les prisons en France. Depuis le 1er janvier dernier, cent onze ont connu le même sort. Le chiffre dramatique de l'année dernière risque encore d'être dépassé.

Dans ce malaise qui frappe tous les établissements de l'administration pénitentiaire, les suicides ont un corollaire : la violence, les agressions contre les personnels de l'administration pénitentiaire.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Très juste !

M. Jean-Luc Warsmann.

En 1998, on a dénombré 278 agressions, alors qu'il n'y en avait eu que 127 en 1996.

Madame la garde des sceaux, nous approchons de l'an 2000 et nous allons changer de siècle. Tous les pays dans le monde sont en train d'essayer de formuler de nouvelles ambitions pour progresser.

Je le dis comme je le pense : la démocratie française n'a pas d'établissements pénitentiaires dignes de ses principes. Ce sera à l'honneur des parlementaires et de tous les décideurs d'arriver le plus rapidement possible à mobiliser les moyens nécessaires pour que cessent des situations qui ne sont pas dignes d'un Etat de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Cabal, rapporteur spécial suppléant.

Très bien !

M. Bernard Roman.

Les choses se sont beaucoup améliorées depuis deux ans et demi !

Mme Véronique Neiertz.

Warsmann ou la vertu outragée !

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne

« Justice ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 831 150 569 francs ;

« Titre IV : 34 025 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 555 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 504 000 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 21 500 000 francs ;

« Crédits de paiement : 4 000 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

J'appelle l'article 71 à ce budget.

Article 71

M. le président.

« Art.

71. - Le montant hors taxe sur la valeur ajoutée de l'unité de valeur mentionnée au troisième alinéa de l'article 27 de la loi no 91-647 modifiée relative à l'aide juridique est fixé, pour les missions achevées à compter du 1er janvier 2000, à 134 francs. »

Je mets aux voix l'article 71.

(L'article 71 est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la justice.

BUDGETS ANNEXES DE LA LÉGION D'HONNEUR ET DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Je suis heureux, au nom de l'Assemblée, de saluer la présence aux côtés de Mme la garde des sceaux, du général Douin, grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur.

(Applaudissements.)

La parole est à M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur, monsieur le secrétaire général de l'ordre de la Libération, mes chers collègues, de façon quelque peu inhabituelle je commencerai par énoncer un paradoxe.

En effet, le 9 novembre n'est pas le meilleur jour pour examiner les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, madame la ministre.

On sait que la chancellerie de l'ordre de la Libération est chargée d'organiser, chaque année, les cérémonies commémoratives de la mort du général de Gaulle. Or un usage immémorial, qui n'est que l'expression du plus légitime des hommages, veut que la discussion des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération se tienne en présence des chanceliers de ces deux ordres.

Tel n'est pas le cas cette année. Il me semble souhaitable qu'à l'avenir la date choisie pour cette discussion budgétaire le soit de façon plus judicieuse. Je vous remercie par avance d'y veiller, madame la garde des sceaux.

Cela dit, les deux projets de budget annexe que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui évolueront de façon divergente en 2000 : augmentation significative pour le budget annexe de la Légion d'honneur, léger recul pour le budget annexe de l'ordre de la Libération.

Les crédits du budget annexe de l'ordre national de la Légion d'honneur passeront de 113 millions de francs en 1999 à 124 millions de francs en 2000, soit une hausse de 9,42 %. Cette progression provient principalement des opérations en capital car les crédits de paiement prévus à ce titre pour 2000 seront augmentés de 9,5 millions de francs.

La dernière tranche des travaux de rénovation du troisième dortoir de la maison d'éducation de Saint-Denis ayant été entièrement soldée l'année passée, c'est dés ormais sur le cloître que se concentrent les efforts. D'un montant estimé de 37 millions de francs, cette restauration a déjà bénéficié de 17 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Pour 2000, ce seront 10 millions de francs supplémentaires qui seront inscrits en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Parmi les dépenses de fonctionnement, les charges de personnel constituent le principal facteur de progression.

Deux raisons à cela : d'une part, la prise en compte des conséquences des accords salariaux conclus dans la fonct ion publique ; d'autre part, la création nette de trois postes à la suite de l'intégration du musée national de la Légion d'honneur au budget annexe à partir de l'année prochaine.

L'état de vétusté du musée et les insuffisances en matière de sécurité mettent en péril la conservation des collections et appellent des travaux de réaménagement.

Jusqu'à présent, le musée, établissement public à caractè re administratif, était alimenté par une subvention de 1,5 million de francs, versée par le budget annexe. A la suite des observations de la Cour des comptes, qui ont été promptement mises en oeuvre, l'établissement public sera dissous, ce qui permettra de tirer parti des réserves financières du musée. Les travaux requis pourraient ainsi être achevés pour le bicentenaire de l'ordre, en 2002.

L'intégration du musée au budget annexe se traduit par la suppression de la subvention au musée, par le versement de droits d'entrée au musée, mais aussi par la création nette de trois emplois budgétaires. Au total, la charge nette pour le budget annexe ne s'élèvera qu'à 15 000 francs en 2000.

S'agissant des autres dépenses de fonctionnement, il faut mentionner la stabilité des crédits destinés à secourir les membres des ordres nationaux et les médaillés militaires. Les montants inscrits pour les traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires resteront stables, soit 8,2 millions de francs.

Corrélativement à l'augmentation des dépenses, les ressources de l'ordre progresseront globalement de 9,42 % : de 0,26 % pour la subvention inscrite au budget de la justice et de 134 % pour les recettes propres. Le dernier chiffre recouvre une stabilité des droits de chancellerie, un accroissement de 3 % des prix des pensions et trousseaux et, surtout, une reprise sur provisions à hauteur de 10 millions de francs, afin de financer une partie des travaux du cloître.

Pour l'exercice 2000, les crédits d'investissement sont donc inscrits dès la loi de finances initiale, conformément au souhait que j'avais exprimé ici même l'année passée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Toutefois, le souci de rendre hommage à l'ordre national de la Légion d'honneur n'interdit pas la lucidité, bien a u contraire. En effet, non seulement les crédits pour 2000 résultent en grande partie d'une reprise sur provisions pour risques et charges, mais je dois souligner qu'à moins d'une improbable ouverture en loi de finances rectificative, le niveau des opérations en capital sera anormalement bas en 1999, compte tenu des 7 millions de francs de dotation en loi de finances initiale.

Enfin, je souhaiterais qu'il puisse être rapidement remédié à une anomalie que le récent contrôle de la Cour des comptes a mise en lumière : le grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur, à la différence du chancelier de l'ordre de la Libération, n'a pas la qualité d'ordonnateur principal de son propre budget. Comme une telle matière relève du pouvoir réglementaire, il pourrait être mis fin à cette situation étrange à l'occasion des prochaines modifications qu'il est envisagé de porter au code de la Légion d'honneur.

Pour ce qui concerne l'ordre de la Libération, les crédits diminueront en 2000 de 1,1 %. Cette baisse est due au fait qu'à partir de l'année prochaine la responsabilité de la réalisation et de la diffusion des documents budgétaires sera centralisée au ministère chargé du budget, de sorte que les crédits correspondants y seront transférés.

En ce qui concerne les opérations en capital, une inscription de 850 000 francs, comme en 1999, permettra de mettre en oeuvre une deuxième tranche de travaux de réfection de l'installation électrique de la chancellerie. Le coût de l'ensemble de ces travaux, étalé sur les trois exercices 1999, 2000 et 2000, sera de 2,6 millions de francs.

Globalement, la subvention du budget de la justice, qui couvre l'intégralité du financement du budget annexe de l'ordre de la Libération, atteindra 4 960 000 francs en 2000, contre 5 millions en 1999.

Je m'en tiendrai là pour ce qui touche à la présentation des crédits budgétaires, me permettant de vous renvoyer à mon rapport écrit pour une analyse plus détaillée, car je souhaite maintenant faire le point sur l'évolution récente de chacun des deux ordres.

Outre la gestion et la conservation de son patrimoine i mmobilier, l'ordre de la Légion d'honneur exerce deux fonctions essentielles : la gestion des nominations et promotions ainsi que la responsabilité des maisons d'éducation.

La première mission confiée à l'ordre est de mettre en oeuvre, dans le cadre du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, les orientations générales définies par le grand maître en matière de nominations et de promotions. Ces orientations prennent traditionnellement la forme de décrets qui fixent, pour une période de trois ans, les différents contingents de médaillés. Ainsi, les décrets du 4 décembre 1996 ont-ils sensiblement accru les contingents dans l'ordre de la Légion d'honneur. En même temps, le Président de la République a souhaité que soit mieux assuré le caractère universel des ordres.

Les effets de ces nouveaux principes se sont confirmés en 1999. L'augmentation régulière du nombre de femmes dans les promotions civiles de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite caractérise bien cette évolution.

Ainsi, la proportion de femmes dans l'ordre de la Légion d'honneur atteint aujourd'hui plus de 22 %, soit le double de ce qu'elle était en 1995. Après Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qui fut la première en 1997, Mme Germaine Tillion est devenue cette année la deuxième femme élevée à la dignité de grand'croix.

L'ordre de la Légion d'honneur remplit une seconde mission, à laquelle nous sommes tous ici très attachés : l'éducation des filles et des petites-filles des membres français de l'ordre, des filles des membres de l'ordre du Mérite et, bientôt, des arrière-petites-filles des membres de l'ordre de la Légion d'honneur ainsi que des petitesfilles des membres de l'ordre du Mérite.

Les maisons d'éducation de Saint-Denis et des Loges accueillent chaque année près de 1 000 jeunes filles dans des classes qui vont désormais de la sixième à la khâgne, en passant par les deux années de BTS de commerce international. La haute qualité de l'enseignement qui y est dispensé s'est maintenue l'année dernière, comme en témoignent les taux de réussite remarquables aux différents examens : 97,97 % au brevet des collèges, 91,26 % au baccalauréat et 88,24 % au BTS.

Je conclurai en évoquant brièvement l'évolution de l'ordre de la Libération. Le projet de loi tendant à créer un Conseil national des communes « compagnon de la Libération », déposé sous une forme identique par deux gouvernements successifs, a fait l'objet d'un remarquable consensus lors de sa discussion dans nos deux chambres au printemps dernier. Je me félicite que le dispositif ainsi adopté à l'unanimité soit à même d'assurer la pérennité de l'esprit de l'ordre de la Libération.

Ainsi sera démentie la crainte qu'exprimait André Malraux, dans un entretien télévisé, le 17 juin 1971 : « Vous savez, dans cinquante ans, l'ordre aura disparu, puisque nous serons tous morts ».

Votre commission des finances, sur ma proposition et conformément à la tradition, a adopté à l'unanimité les crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération et vous demande, mes chers collègues, de faire de même. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur, monsieur le secrétaire général de l'ordre de la Libération, le budget annexe de la Légion d'honneur atteindra 123,9 millions de francs l'an prochain, c'est-à-dire une augmentation de 9,4 % des crédits, comme le rapporteur vient de le souligner. La subvention budgétaire s'élèvera à 105 millions de francs, comme en 1999. Les recettes propres, d'un montant de 8,16 millions de francs, seront en augmentation de 5,16 %.

L es crédits de fonctionnement, qui atteindront 107,5 millions de francs, seront en augmentation de 1 % par rapport à 1999 et permettront d'assurer le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services ainsi que l'action sociale menée par la grande chancellerie.

Dans ce total, les traitements des membres du premier ordre national et des médailles militaires s'élèvent à 8,16 millions de francs. Les nominations et les promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite, qui constituent la raison d'être de la grande chancellerie sont concernées, en 1998, 10 600 citoyens f rançais, hommes et femmes, civils et militaires.

3 600 médailles militaires ont été concédées pendant la même période.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Les effectifs globaux des décorés vivants sont connus avec précision. C'est ainsi qu'au 30 septembre dernier, la Légion d'honneur comptait 115 765 membres dans ses rangs.

Le premier ordre national, je veux le souligner, s'est ouvert davantage, en cette période de paix que connaît la France, aux civils de toute catégorie, mais aussi aux femmes, qui représentent désormais plus de 20 % des promotions de l'ensemble des ministères.

Le musée national de la Légion d'honneur, établissement public à caractère administratif, est supprimé à compter du 1er janvier 2000 et intégré dans le budget annexe de la Légion d'honneur. Cette opération, réalisée à coût nul, nécessite la transformation de quatre emplois à la grande chancellerie et aux maisons d'éducation. Les d épenses en capital prévues en 2000 représentent 16,44 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Le financement partiel des travaux de restauration du cloître de l'abbaye de Saint-Denis, dont le coût est estimé à 37 millions de francs, sera assuré en loi de finances initiale pour l'an prochain par une dotation budgétaire de 10 millions de francs.

Dans ses deux maisons d'éducation, la grande chancellerie de la Légion d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de mille élèves, filles et petites-filles des membres français de l'ordre. J'ai plaisir à souligner, comme je l'ai fait les années précédentes, à quel point les résultats obtenus à la fin de l'année scolaire 1998-1999 ont été excellents : 98 % d'entre elles ont obtenu le brevet des collèges, alors que le taux de réussite national est de 76,2 % ; 91 % d'entre elles ont réussi aux épreuves du baccalauréat, alors que le taux de réussite national est de 78,4 % ; et 88 % d'entre elles ont obtenu le BTS, alors que le taux de réussite national est de 58,5 %. Ces résultats sont fondés non pas sur la sélection des meilleures, comme c'est souvent le cas dans certains grands établissements, mais bien sur la qualité de l'éducation et de l'enseignement qui y sont prodigués et qui sont le meilleur gage de la pérennité de ces institutions.

Voilà ce que je voulais dire après l'excellent rapport, très détaillé, de votre rapporteur. Ce dernier a posé la question de savoir si l'on pouvait faire du grand chancelier un ordonnateur principal. Je pense que c'est possible, puisqu'il y a déjà un vote séparé sur un fascicule budgétaire séparé. Bien entendu, j'en parlerai à mon collègue du budget, car il faut que la décision soit prise en commun. De mon point de vue, il ne devrait pas y avoir d'objection à ce type de solution. J'observe d'ailleurs que le vice-président du Conseil d'Etat est déjà ordonnateur principal.

Le projet de budget annexe de la Légion d'honneur présenté au Parlement doit permettre à l'ordre d'assumer les missions qui sont les siennes depuis sa fondation et de s'adapter à l'évolution de notre société, à l'approche du bicentenaire de la Légion d'honneur, qui sera célébré en mai 2002. (Applaudissements sur tous les bancs.)

BUDGET ANNEXE DE LA LÉGION D'HONNEUR

M. le président.

J'appelle les crédits du budget annexe de la Légion d'honneur.

« Crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés : 107 285 110 francs. »

« Crédits ouverts à l'article 43 au titre des mesures nouvelles :

« Autorisations de programmes inscrites au paragraphe I : 16 437 000 francs ;

« Crédits inscrits au paragraphe II : 16 628 723 francs. »

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 43 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)

BUDGET ANNEXE DE L'ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le président.

J'appelle les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération.

« Crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés : 5 043 096 francs. »

« Crédits ouverts à l'article 43 au titre des mesures nouvelles :

« Autorisations de programme inscrites au paragraphe I : 0 franc ;

« Crédits inscrits au paragraphe II : moins de 83 498 francs. »

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 43 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

SOLIDARITÉ ET SANTÉ (suite)

M. le président.

Nous reprenons l'examen des crédits du du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la solidarité et la santé.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de présenter à votre assemblée, en mon nom et au nom de Martine Aubry, les crédits de la santé et de la solidarité pour l'année 2000.

Je tiens, avant tout, à remercier les rapporteurs d'avoir mis en valeur les lignes de force de ce budget complexe, qui porte les priorités de l'action de l'Etat dans les domaines de la lutte contre l'exclusion, de la protection des populations les plus fragiles, de la santé publique et de la sécurité sanitaire.

Je les remercie d'avoir noté la progression réelle de ce budget, qui traduit concrètement la volonté du Gouvernement de répondre aux besoins et aux attentes de la population dans des domaines qui touchent au plus près de leur vie quotidienne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

L'ampleur de la progression de ce budget, de 13,3 %, ce qui le portera à 90,815 milliards de francs en 2000, illustre avec force la place centrale de ces domaines parmi les priorités du Gouvernement, même s'il faut, bien entendu, faire la part de l'extension de périmètre qui résulte de l'inscription, pour 7 milliards, de la subvention de l'Etat au fonds de financement de la CMU.

A cet égard, je rappelle que le financement de la CMU se traduit par trois mouvements : une dépense de 7 milliards, inscrite au budget de la solidarité ; un apport à la CNAM d'une fraction des recettes du tabac, estimée à 3,5 milliards pour compenser la suppression de l'assurance personnelle et des cotisations correspondantes ; enfin, à l'inverse, la réduction d'un peu plus de 9 milliards de francs de la dotation globale de décentralisation versée aux départements. Reste donc à la charge de l'Etat un coût net de l'ordre de 1,4 milliard de francs pour l'année 2000.

Au-delà de cette dépense, le budget de la santé et de la solidarité enregistre une hausse de 3,638 milliards de francs, soit un taux de progression de 4,5 %, ce qui porte à 9,7 %, en deux ans, la croissance à structure constante.

Cette croissance est justifiée par les grandes priorités que nous poursuivons pour la troisième année : financer les dispositifs de la lutte contre les exclusions, conformément aux engagements pris en 1998 ; assurer la montée en charge des agences de sécurité sanitaire et améliorer l'efficacité des politiques de santé publique ; renforcer les moyens du ministère.

L'effort budgétaire consacré à ces priorités est d'autant plus remarquable que le propre de ce budget est qu'il n'offre pas de marges de redéploiement.

Contrairement au budget de l'emploi, qui réinvestit sur les grandes politiques structurelles de développement de l'emploi les dividendes de la croissance et des effets heureux de la politique de l'emploi, il n'est ni possible ni imaginable de faire des économies de même nature sur la solidarité. Au contraire, un contexte économique favorable renforce plutôt les attentes de ceux qui restent sur le bord du chemin en regardant passer le convoi de ceux qui prospèrent.

C'est ainsi que, sur les 3,64 milliards de francs de progression des crédits hors CMU que j'évoquais, 3,2 milliards de francs sont préemptés par l'évolution des trois minima sociaux portés par le budget de la solidarité : RMI, allocation de parent isolé et allocation aux adultes handicapés.

Je rappelle à Mme Fraysse que les minima sociaux ont été revalorisés très sensiblement depuis notre arrivée : l'allocation spéciale de solidarité a été augmentée de 8 % dès juillet 1997, puis de 3 % en 1998 et, de nouveau, de 3 % en 1999, ce qui est très supérieur à la hausse des prix que nous avons enregistrée dans la même période.

Nous verrons tout à l'heure que ces évolutions ne sont pas fatales et que l'amélioration de la situation économique commence à infléchir - sinon à inverser - la tendance. Il reste que la marge nécessaire au financement des priorités nouvelles est étroite.

Cette marge a pourtant été conquise, sans rien sacrifier. Deux chiffres vous en convaincront : hors CMU et minima sociaux, la somme des progressions par chapitres est de 860 millions de francs ; la somme des économies de 136 millions de francs seulement.

J'en viens au budget de la solidarité, dont la masse est considérable, avec 81,3 milliards de francs, dont 58,6 milliards de francs pour le RMI, l'API et l'AAH.

Parmi les priorités de ce budget figurent les engagements du programme de lutte contre les exclusions, associé à la loi du 29 juillet 1998.

Tous ces engagements sont honorés, qu'il s'agisse de l'accompagnement social individualisé, du renforcement des dispositifs de veille sociale et d'hébergement, de l'extension des capacités des centres de formation de travailleurs sociaux ou de l'abondement des fonds d'aide aux jeunes en accompagnement de TRACE.

A ce propos, je répondrai à Mme Mignon et à M. Hammel que le programme TRACE a effectivement mis du temps à se mettre en route. C'est qu'il s'agissait d'améliorer la prise en charge des jeunes les plus défavorisés. D'où la coordination de tous les acteurs, pour bien repérer les jeunes qui n'étaient pas encore inscrits dans des parcours d'insertion.

L'objectif est d'engager 40 000 jeunes dans ce parcours.

A la fin de l'année 2000, ils devraient être 60 000. Nous en sommes donc à la phase de montée en charge de ce dispositif. Des initiatives, comme celles que M. Mitterrand m'a fait connaître, montrent que les collectivités territoriales peuvent prendre l'initiative de s'associer pour aménager un sas d'entrée dans le programme TRACE - ainsi que Mme Mignon l'appelait de ses voeux. Les collectivités territoriales ne doivent pas oublier leur capacité d'accompagnement des programmes financés par l'Etat.

Cet ensemble de mesures est en développement, mais elles sont susceptibles d'évoluer encore dans le futur, comme l'ont souligné Mme Mignon et M. Charles, après une nécessaire évaluation.

Ces dispositifs sont fortement articulés avec la politique de l'emploi : ils se situent en amont de la démarche de retour à l'emploi, démarche à la fois personnelle et accompagnée, au coeur des mesures mises en oeuvre en faveur de l'emploi par la loi contre les exclusions. En effet, pour les personnes les plus démunies, pour les jeunes très désocialisés, il faut surmonter bien des préalables avant de pouvoir s'engager dans un parcours de retour ou d'accès à l'emploi durable.

Le rôle des dispositifs de lutte contre l'exclusion portés par le budget de la solidarité est d'abord d'agir, très en amont, contre la formation des exclusions. Nous agirons par le soutien à la parentalité en accroissant de 3,2 millions de francs les crédits permettant de renforcer les réseaux d'écoute des parents, par la protection des droits de l'enfant et par le renforcement de l'appareil de formation des travailleurs sociaux. Ainsi, 12 millions de francs supplémentaires sont inscrits à ce titre en 2000, après des augmentations de 17 millions en 1998 et de 52 millions en 1999. Cela représente en montant cumulé sur trois ans de 167 millions de francs pour la formation des travailleurs sociaux.

Ces dispositifs ont ensuite pour rôle de lever les verrous sociaux, familiaux et individuels qui font obstacle à l'entrée dans un parcours d'insertion.

P our l'hébergement des personnes en déshérence, l'objectif est non seulement d'accroître mais aussi de diversifier l'offre et les modalités d'accueil, pour les adapter à des besoins eux-mêmes divers et pour en faire un lieu de passage vers la réinsertion et le logement autonome plutôt qu'un lieu de stigmatisation. Cet effort d'adaptation de l'offre d'hébergement est profondément inscrite dans l'esprit et dans la lettre de la loi de lutte contre les exclusions, et nous y travaillons en permanence en liaison avec Louis Besson. Cela a d'ailleurs donné lieu


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récemment à une communication sur le programme de lancement des résidences sociales et d'hébergement d'urgence à la veille de l'hiver.

Les données méritent d'être rappelées : 60 millions de francs de crédits nouveaux sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000 pour l'accueil d'urgence et l'accompagnement en résidences sociales, après des hausses de 30 millions de francs en 1998 et de 120 millions de francs dans la loi de finances pour 1999, soit un total de 390 millions de francs de mesures nouvelles à ce double titre.

Il convient d'y ajouter le programme de transformation de places d'hébergement d'urgence en places de CHRS dotées de moyens plus lourds d'accompagnement social, soit à nouveau, comme en 1999, 42 millions de francs pour créer 500 places nouvelles, et l'inscription d'une nouvelle enveloppe de crédits d'investissement affectés à la rénovation des CHRS avec 50 millions de francs d'autorisations de programme. Il s'agit d'une orientation forte, comme peut le constater Mme Fraysse, dotée de moyens et appuyée sur une volonté politique affirmée et déterminée.

Il faut encore mentionner le rôle de l'accompagnement social individualisé et saluer au passage le travail remarquable accompli par les associations qui s'y consacrent.

L'ASI permet de débloquer des situations individuelles et sociales difficiles et de remettre en selle les personnes en difficulté. Le budget 1999 y avait affecté 120 millions de francs de crédits nouveaux ; le projet de budget 2000 y ajoute 100 millions de francs, soit 340 millions d e francs de moyens supplémentaires cumulés en deux ans.

Un troisième outil pour lever les obstacles à l'insertion est constitué par les fonds d'aide aux jeunes lesquels apportent à ceux qui sont en grande difficulté l'aide matérielle nécessaire pour faire la soudure entre les stages et les contrats ponctuant leur parcours d'insertion. Le budget pour 2000 leur apporte 60 millions de francs supplémentaires qui permettront de mobiliser plus aisément ces aides et de répondre ainsi à l'une des craintes, exprimée notamment par M. Charles.

Enfin, il revient à l'Etat, responsable aux côtés des départements du volet insertion du revenu minimum d'insertion - le fameux « I » de RMI - de renforcer l'incitation à la reprise d'activité des bénéficiaires de l'allocation. A cet effet, la loi de lutte contre les exclusions a ouvert la possibilité de cumuler la prestation et les revenus d'activité pendant un an, intégralement puis partiellement. On estime à 16 % en métropole la part des allocataires qui bénéficient actuellement de cet intéressement.

Cela m'amène à préciser mon propos initial sur l'évolution des effectifs du RMI.

Au-delà de la forte montée en charge des premières a nnées, la tendance à la hausse restait constante depuis 1995, à un niveau supérieur à 5 % par an, alimentée par la montée du chômage, des formes d'emploi précaires et par le durcissement, en 1996, des conditions d'accès à l'allocation spécifique de solidarité.

L'année 1998 a marqué un net ralentissement de cette tendance, puisqu'elle s'est terminée avec une hausse de 3,8 % en métropole et de 4,1 % dans les départements d'outre-mer, c'est-à-dire la moins forte augmentation observée depuis la mise en place du RMI.

La baisse du chômage, surtout de celui de longue durée, est le facteur essentiel de cette inflexion. Son effet est surtout visible sur les entrées dans le RMI, lesquelles ont, pour la première fois, baissé en métropole de 4,4 %, au lieu d'une hausse de 6 % en 1997. En revanche les sorties du système se maintiennent à un tiers des effectifs, du moins en métropole.

L'amélioration profite d'abord aux jeunes allocataires, dont le nombre a baissé pour la première fois en 1998 de 1,5 % pour les jeunes de vingt-cinq à vingt-neuf ans et de 3,7 % pour les moins de vingt-cinq ans qui ont accès au RMI. Le premier semestre 1999 confirme ces évolutions, alors même que le mécanisme de l'intéressement tend à freiner le nombre des sorties tout en diminuant le montant moyen de l'allocation.

Je ne m'attarde pas sur la dotation de 28,7 milliards inscrite pour 2000, sinon pour prévenir toute confusion dans la comparaison des crédits entre 1999 et 2000. Si la dotation de 1999 a été abondée par décret d'avance de 3,5 milliards en septembre dernier, ce qui a porté les crédits ouverts à 29,9 milliards de francs, cette opération a été réalisée pour couvrir le coût total de la revalorisation exceptionnelle de 3 % décidée en fin d'année afin d'associer les bénéficiaires des minima sociaux au partage des fruits de la croissance. A été également comprise pour 1,7 milliard la fraction versée rétroactivement au titre de l'année 1998.

Les crédits de l'exercice 1999 n'auront atteint en réalité que 28,2 milliards de francs, intégrant également le coût du cumul désormais possible du RMI avec l'APJE versée pendant la grossesse, ainsi que les majorations pour âge des allocations familiales. Rappelez-vous que cette mesure avait été demandée par la conférence sur la famille de 1998.

La dotation 2000 marque donc, par rapport à cette base, une simple hausse de 500 millions de francs fondée sur une prévision réaliste d'accélération des effets de la baisse du chômage, conjugués à la mobilisation active des dispositifs de la politique de l'emploi en faveur des allocataires du RMI.

Vous constatez ainsi que le Gourvernement poursuit son action déterminée en ce qui concerne les minima sociaux. J'espère que Mme Fraysse et M. Charles m'en donneront acte après ces explications.

La protection et l'intégration des populations étrangères est également un axe fort du budget de la solidarité, qui participe de l'esprit de lutte contre les exclusions. Je vais vous en rendre compte en quelques mots.

D'abord, vous aurez noté l'orientation nouvelle donnée aux crédits d'aide médicale du fait de la mise en place de la CMU. Cette dotation - 807 millions de francs en 1999 - était affectée à la prise en charge par l'Etat de l'aide médicale des personnes sans domicile stable.

Même une fois le relais pris par la CMU, des crédits demeuront nécessaires pour assurer la prise en charge médicale des étrangers en situation irrégulière ou bénéfi ciant de courtes autorisations de séjour, celle des Français non résidents, ainsi que celle des ressortissants étrangers accueillis en France pour des raisons humanitaires. Le besoin, à ce titre, a été évalué à 400 millions de francs

Nous avons cependant maintenu une dotation de 495 millions de francs de façon à faciliter l'apurement des dettes antérieures de l'aide médicale.

(M. Raymond Forni remplace M. Yves Cochet au fauteuil de la présidence.)


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PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je souligne aussi, pour m'en féliciter, la consolidation du financement des soins dans les centres der étention administrative, que l'imputation sur l'aide médicale rendait aléatoire et qui, conforté par un transfert venu du ministère de l'intérieur, est désormais bien défini, avec 19,8 millions de francs, au sein du nouveau chapitre 46-81.

Il faut également mentionner l'effort réalisé dans le budget pour 2000 pour accroître de cent vingt places les capacités des centres d'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile, et pour augmenter les crédits de l'allocation d'insertion versée aux demandeurs d'asile dans l'attente des décisions de l'OFPRA. L'augmentation sensible du flux des demandeurs d'asile observée depuis plus d'un an se confirme en effet, et nous avons dû abonder cette ligne au cours de l'exercice 1999. Monsieur Forgues, il s'agit non d'une reconduction de moyens, mais bien d'une augmentation de 7 millions de francs pour l'allocation d'attente des réfugiés qui est inscrite dans le budget pour 2000. Enfin, le budget pour 2000 met en place des crédits d'investissement en faveur de l'aménagement d'aires de stationnement pour les gens du voyage.

Ils viendront appuyer l'action nécessaire des collectivités locales dans ce domaine.

L'effort de solidarité se déploie également en faveur desr apatriés, puisque, comme l'a parfaitement expliqué M. Delattre, le budget de la solidarité porte le volet social et culturel de la politique en faveur des rapatriés.

Parmi ces mesures, il faut citer les dispositifs spécifiques d'insertion dans l'emploi des Français rapatriés d'origine nord-africaine et de leurs familles, mis en place sous forme d'un plan d'action dans le cadre de la loi du 11 juin 1994.

La persistance d'un taux de chômage anormalement important, 30 % environ, dans cette communauté a c onduit le Gouvernement à décider de proroger l'ensemble des mesures de ce plan jusqu'au 31 décembre 2000.

A ce sujet, je crois bon de souligner l'efficacité des cellules pour l'emploi mises en place dans six départements au début de l'année 1998 et qui existent actuellement dans vingt-trois départements. Même si, comme l'a rappelé M. Delattre, dans certains départements, leur efficacité doit être améliorée.

Entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre 1999, l'effort de l'Etat a permis de réaliser 7 050 insertions dans le marché du travail. Pour la seule année 1998, les 4 141 solutions trouvées marquent une progression de 75 % par rapport à 1997.

Outre ces mesures en faveur de l'emploi, une rente viagère sera versée aux harkis avec effet au 1er janvier 1999.

Les conditions d'attribution seront prochainement définies. Cela témoigne que nous portons une attention particulière à la situation de ces personnes auxquelles la France est bien redevable.

Par ailleurs, le décret du 4 juin 1999 a mis en place un nouveau dispositif d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée. Il a été placé sous la responsabilité d'une commission nationale de désendettement.

Présidée par un magistrat de la Cour des comptes, elle comprend une représentation des rapatriés. Actuellement, 1940 demandes ont été déposées et sont en cours d'examen. Le nouveau texte a élargi l'éligibilité à l'aide au désendettement à des catégories jusqu'ici écartées, telles que les pupilles de la nation, les orphelins en raison des événements ayant précédé le rapatriement et les personnes dont l'un des parents est décédé dans les cinq ans suivant son rapatriement sans avoir pu se réinstaller.

La commission nationale a commencé ses travaux le mois dernier. Les crédits ouverts sur les lignes qui portent ces mesures sont reportables. Tel est le cas des 100 millions de francs attribués au dispositif de désendettement dès la loi de finances rectificative de 1998.

De plus, s'agissant des retraites des rapatriés, j'ai demandé à la direction de la sécurité sociale de rappeler aux caisses qu'était recevable la production d'une attestation sur l'honneur pour les périodes d'activités antérieures à l'indépendance.

En ce qui concerne la situation des médecins rapatriés au regard des prestations supplémentaires vieillesse, les revendications formulées sont actuellement étudiées par la direction de la sécurité sociale et par la délégation aux rapatriés. Il convient de vérifier si les conditions de rachat de points présentant un caractère dérogatoire ne seraient pas contraires au principe d'égalité.

J'en viens à la politique en faveur des personnes handicapées, qui occupe une place centrale dans le budget de la solidarité comme dans les préoccupations de bon nombre d'entre nous, parce que je me compte parmi vous à cet égard.

Cette politique se veut globale et cohérente, attentive à tous les aspects de la vie des personnes, qu'il s'agisse de l'éducation, de l'emploi, de la vie sociale. Elle vise à favoriser prioritairement leur intégration dans tous les dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire. Cet objectif est d'ailleurs constant depuis la loi d'orientation du 30 juin 1975. Toutefois, en près d'un quart de siècle, le contexte démographique, médical, social a changé, de même que les attentes des personnes handicapées et de leurs familles. Leur aspiration à une vie plus autonome s'est fortement affirmée.

C'est pourquoi, sans opposer en aucune manière l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire et la prise en charge en institutions spécialisées, qui sont et resteront nécessaires et indispensables, les objectifs prioritaires que Martine Aubry et moi-même fixons à notre politique visent d'abord à la socialisation et à l'intégration des jeunes.

Pour répondre à une question posée par Mme Boutin à ce sujet, je rappelle les mesures significatives prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour prolonger et amplifier les créations de nouvelles structures ambulatoires - les CAMSP et les CESSAD qui jouent un rôle souvent décisif en matière d'intégration scolaire. Il consacre 60 millions de francs au développement de ces services.

Les autres objectifs prioritaires sont l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne, que ce soit en milieu ordinaire ou en institution et, enfin, la formation et l'insertion professionnelles.

Ces orientations s'inscrivent dans le cadre d'une politique d'ensemble dont la cohérence a été soulignée par

M. Forgues, votre rapporteur.

Il faut aussi raisonner en termes de complémentarité et de continuité - n'est-ce pas M. Hammel ? - et s'efforcer d'assouplir et de diversifier des modes d'intervention des établissements et des services, de les coordonner, de décloisonner les institutions entre elles et par rapport au milieu ordinaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Cette coordination des interventions et des structures est une nécessité que le rapporteur, M. Hammel, a rappelée. Cette approche, déjà présente dans la loi de lutte contre les exclusions, guide les travaux de réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, réforme dont l'importance a été notée par MM. les rapporteurs, rencontrant en cela les préoccupations d'un grand nombre d'entre vous. Cela a d'ailleurs été l'objet de la mission confiée à M. Pascal Terrasse, avec lequel des contacts ont déjà été établis, ce qui nous permet d'espér er une avancée rapide et fructueuse pour le début de l'année prochaine.

Il convient évidemment de procéder à une lecture coordonnée de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances de l'Etat pour prendre la mesure de l'action entreprise en ce sens. Ainsi je rappellerai simplement que les dotations prévues dans l'ONDAM 2000 pour les personnes handicapées augmentent de plus de 24 % avec des actions ciblées en faveur des enfants, des artistes et des traumatisés crâniens. C'est une préoccupation pour bon nombre d'entre vous, ainsi que l'ont rappelé Mme Lazard et les rapporteurs.

Cependant, cet effort réalisé sur les structures ne doit pas nous faire oublier les problèmes que rencontrent les personnes en leur sein. Mme Boutin et Pascal Terrasse ont évoqué de mauvais traitements infligés aux personnes hébergées dans ces établissements. Le 22 septembre dernier, j'ai présenté une communication au conseil des ministres pour bien situer la mesure de ces mauvais traitements aux personnes fragilisées, aux personnes ayant un déficit de responsabilité dans les établissements. En l'occurrence, il faut aussi assurer la protection des salariés ayant témoigné et porté à la connaissance des autorités tout acte de malveillance. Nous procédons actuellement à la consultation des professionnels afin d'étudier avec eux la faisabilité de différentes propositions permettant de garantir leur déontologie et leur sécurité professionnelle.

Pour m'en tenir au budget qui nous occupe, je souhaite mettre d'abord en exergue l'effort particulier que nous avons voulu consacrer, d'une part, au développement des aides techniques et, d'autre part, au renforcement des COTOREP.

En ce qui concerne d'abord les aides techniques, il est essentiel d'offrir aux personnes handicapées qui souhaitent et peuvent rester dans leur milieu de vie, des moyens de compensation fonctionnelle de leur handicap.

Des expérimentations en matière de prescription et de procédure de délivrance des aides techniques au sein d'un lieu unique de traitement médico-technique, administratif et financier ont été conduites avec le soutien des pouvoirs publics sur quatre sites pilotes.

L'évaluation a montré l'intérêt de généraliser cette formule. C'est ce que nous allons entreprendre. Une mesure nouvelle de 15 millions de francs a été dégagée pour ce faire dans le budget pour 2000, sur le nouveau chapitre 46-31 : Développement social. Ces crédits nous permettront de financer quinze autres sites, en accord avec les associations et avec les partenaires locaux.

Cet effort pourrait être amplifié par la contribution des caisses de sécurité sociale et des conseils généraux qui accepteraient de s'y associer. Votre rapporteur, M. Hammel, a très bien souligné les enjeux dans son analyse et je compte sur son dynamisme pour nous aider à convaincre, autour de lui, les partenaires et les financiers potentiels.

Pour ce qui est ensuite des COTOREP, le rapport remis en 1998 par l'IGF et l'IGAS a confirmé l'existence de dysfonctionnements dans leur organisation et dans leur gestion. Il en a clairement pointé les causes : l'absence de pilotage réel des commissions et l'insuffisance de leurs moyens. Une remise à niveau s'imposait donc.

L'AGEFIPH reprenant en charge le financement des équipes de préparation et de suites de reclassement, nous avons pu dégager 14 millions de francs pour abonder les vacations des médecins des deux sections : 9 millions sur le budget Solidarité et 5 millions sur le budget Emploi.

Nous créons dix postes de médecins contractuels et dix emplois de secrétaires administratifs pour renforcer l'expertise médicale et l'encadrement.

Nous ouvrons aussi 2,5 millions de crédits pour refondre le système d'information et 2 millions de francs supplémentaires seront consacrés à la généralisation des plans départementaux d'insertion des travailleurs handicapés, les PDITH, et, enfin, une enveloppe de 5,5 millions est ouverte à l'AFPA pour améliorer l'orientation des travailleurs handicapés.

Le budget pour 2000 continue, bien entendu, à décliner le programme pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés arrêté par la Premier ministre le 8 avril 1998 et qui court sur la période 1999 2003. Il respecte la programmation prévue avec deux mille places de CAT, pour 131 millions de francs et cinq cents places d'ateliers protégés sur le budget de l'emploi qui porte également l'incidence de ces créations de places sur la garantie de ressources des travailleurs handicapés, soit 139 millions de francs au total sur la section emploi.

Le programme de création de places en maisons d'accueil spécialisées et en foyer à double tarification - il pré voit onze cents places pour la tranche 2000 - est, quant à lui, porté par les crédits d'assurance maladie et prévu dans le PLFSS à hauteur de 230 millions de francs.

Jacqueline Lazard et Pascal Terrasse ont évoqué dans leur intervention les disparités géographiques dans la répartition des places de MAS et de CAT. L'objectif du plan pluriannuel de création de places mis en oeuvre en 1999 est bien de remédier aux inégalités en matière d'équipement spécialisé liées à la géographie et de ré sorber le nombre de personnes handicapées maintenues en établissement d'éducation spécialisé au titre de l'amendement Creton. Nous avons pris en compte des critères objectifs démographiques : population de référence, listes d'attente des COTOREP et nombre de personnes placées au titre de l'amendement Creton. Il convient à ce propos de rappeler que celui-ci s'élevait à 3 920 à la fin de 1998, en légère diminution par rapport à l'année précédente. Ce sont bien 2 000 places de CAT qui seront attribuées cette année. La différence que vous avez relevée s'explique par le fait que nous avons choisi de conserver une marge de manoeuvre afin de rester en mesure d'opérer des ajustements ponctuels à la fin de chaque exercice. La circulation du 10 août 1999, à laquelle vos collègues se sont référés pour la création de places de MAS et de foyers à double tarification, retrace les perspectives de création jusqu'en 2002. L'année prochaine permettra d'effectuer les corrections que vous souhaitez, notamment entre départements d'une même région, qui seront fondées sur une connaissance affinée des besoins de chacun d'entre eux.

Je voudrais préciser ici que les crédits du titre VI affectés aux subventions d'investissement social sont ciblés sur les priorités du volet social des XIIe contrats de plan d'Etat régions, en cours de négociation.


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J'ai évoqué plus haut la rénovation des CHRS ; entrent aussi dans le champ des contrats l'achèvement de l'humanisation des hospices et la mise en sécurité des maisons de retraite et des établissements d'accueil des personnes lourdement handicapées, sujet qui me tient particulièrement à coeur et qui devrait d'ailleurs, je l'espère, trouver sa place dans la « seconde enveloppe » que l'Etat mettra en oeuvre pour accompagner les priorités des régions et collectivités parties prenantes.

Il faut aussi mentionner l'ajustement des crédits de l'allocation aux adultes handicapés - plus 781 millions de francs - portant la dotation à 25,55 milliards, sur la base d'un taux de progression en volume et en valeur de 3 %, puisque tel est le niveau sur lequel se stabilise l'évolution de l'AAH.

Plusieurs intervenants s'y sont intéressés, notamment en cas d'hospitalisation et au regard de la CMU.

Je rappellerai qu'en cas d'hospitalisation de plus de soixante jours, les adultes handicapés voient le montant de leurs prestations réduit de 20 % pour une personne mariée et de 35 % pour une personne seule. Ils ne bénéficient pas durant ces périodes du complément de l'AAH.

Ces dispositions s'expliquent par le fait que les intéressés, dès lors qu'ils sont hospitalisés, sont pris en charge par l'assurance maladie. Le versement de l'AAH, prestation non contributive, ne se justifie plus alors dans la même mesure. La portée de cette réduction est par ailleurs atténuée par plusieurs dispositions qui prennent en compte la situation particulière des bénéficiaires : pas de modification de prestation pour les hospitalisations de courte durée, aucune réduction si l'allocataire a au moins un enfant ou un ascendant à charge, maintien d'une allocation au moins égale à 17 % du montant mensuel de l'allocation pour faire face aux frais continus.

Je suis toutefois consciente de l'existence de certaines situations difficiles. C'est pourquoi cette question fera l'objet d'un examen approfondi par mes services.

On doit souligner enfin un élément de nomenclature important : le transfert sur le budget de la solidarité des crédits du fonds spécial invalidité - 1 592 millions de francs, jusqu'ici inscrits aux charges communes. Ce transfert est, de fait, pratiquement compensé par le glissement inverse vers le budget des charges communes de la subvention à la branche vieillesse de la caisse des mines - 1 587 millions de francs -, ce qui permettra de rationaliser le financement d'équilibre des régimes soumis à compensation et surcompensation démographique.

Les dispositifs en faveur des personnes âgées sont pour l'essentiel peu concernés par le PLF.

Néanmoins, à trois semaines exactement de la journée de clôture de l'année internationale des personnes âgées, je souhaite remercier Mme Guinchard-Kunstler de la qualité de ses propos sur la nécessité de mailler le territoire par des services polyvalents à domicile afin de permettre aux personnes âgées d'exercer leur libre choix de vie. J'en suis bien d'accord, même si c'est une tâche de longue haleine qui doit mobiliser l'ensemble des financeurs. Ses suggestions sont actuellement à l'étude et feront l'objet d'un éclairage particulier dans les mois qui viennent, afin de les traduire en effets positifs.

En réponse à M. Charles sur l'évolution de la PSD, je rappellerai que la création d'une cinquième branche pour la prise en charge de la dépendance présente plusieurs inconvénients, en premier lieu celui d'inciter à reporter sur la collectivité des mécanismes de solidarité intergénérationels qui reposent d'abord sur l'entourage. Une telle décision conduirait à substituer au-delà du souhaitable une prise en charge collective à la solidarité familiale qu'il convient plutôt d'encourager. Par ailleurs, la PSD doit rester gérée au plus près des besoins en prenant en compte l'environnement de la personne. Une prestation de type sécurité sociale, attribuée automatiquement au vu d'un barème, serait par trop inadaptée et inutilement coûteuse.

Bien évidemment, cela ne signifie pas pour autant que le dispositif de la PSD ne soit pas susceptible d'évoluer.

Le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé plusieurs propositions en la matière lors d'une CNG d'avril 1999, renouvelées en octobre dernier.

Mais, si le souhait de la très grande majorité des personnes âgées est de rester chez elles - de fait, 90,7 % des personnes de soixante-quinze ans et plus vivent à domicile -, il peut arriver que l'établissement soit la meilleure solution compte tenu de l'état de la personne et de son environnement. Or, nous le savons tous, l'entrée en établissement pèse lourdement sur le budget des familles et pèse lourd aussi sur les consciences. Paulette GuinchardKunstler nous rappelle souvent que le placement en établissement reste une souffrance, aussi bien pour la famille qui s'y résout que pour la personne âgée qui s'y voit contrainte. Nous devons rester sensibles à cet aspect et réfléchir au moyen de rendre la décision plus facile et d'adapter la prise en charge.

La loi de finances pour 1998 avait, à cet égard, relevé la réduction d'impôt en cas d'accueil en long séjour ou en lits de section de cure pour les personnes de soixantedix ans et plus. Mais l'entrée en établissement n'est pas forcément une question d'âge. Ainsi, la maladie d'Alzheimer peut frapper des personnes bien plus jeunes. C'est pourquoi nous devons nous féliciter de l'initiative prise par le rapporteur général Didier Migaud de supprimer la condition d'âge de soixante-dix ans. Cette mesure qui devrait aider les personnes atteintes de pathologies graves ou invalidantes et leurs familles représentera, en montant annuel, une perte de recettes fiscales de 70 millions de francs.

Je ne voudrais pas terminer mon propos sur le budget de la solidarité sans évoquer deux sujets qui, bien que très différents, touchent néanmoins la vie des structures associatives qui concourent fortement à la conduite des politiques d'action sociale de l'Etat.

Il s'agit, d'une part, de la problématique de la réduction de la durée du travail dans le secteur sanitaire, social et médico-social, et, d'autre part, du sujet jusqu'ici récurrent des dettes de l'Etat vis-à-vis des organismes d'accueil des objecteurs de conscience.

Sur ce dernier sujet, je puis vous indiquer que nous nous sommes donné les moyens d'apurer complètement les dettes de l'Etat dans les délais les plus brefs puisqu'une partie est en train d'être réglée grâce à l'ouverture de 86 millions de francs dans le décret d'avances du 2 septembre dernier, et que la dotation du budget 2000 a été maintenue à son niveau de 1999 - 106 millions de francs, soit un montant supérieur de 45 millions environ aux besoins prévisibles de l'exercice, ce qui permettra de solder totalement la dette de l'Etat.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les affaires sociales.

En effet ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'avoue me réjouir particulièrement, tout comme votre rapporteur, M. Forgues, de voir ainsi prochainement réglée une situation qui pesait gravement sur l'équilibre financier de certaines structures.


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Le second point est évidemment essentiel pour un secteur associatif qui se situe clairement dans le champ de la nouvelle législation sur le temps de travail, mais qui, largement financé sur fonds publics et tenu à de hautes exigences de qualité de service, se voit confronté à des sujétions particulières.

Lorsqu'elle en parlait l'an dernier dans cet hémicycle, Martine Aubry y voyait une chance pour un secteur qui avait souvent donné la preuve de sa capacité d'adaptation.

Et de fait, celui-ci s'est fortement mobilisé : 1 400 accords sont aujourd'hui enregistrés, qui concernent une multitude d'établissements dans les secteurs du handicap, de l'aide sociale à l'enfance, des maisons de retraite, des établissements sanitaires.

Après avis favorable de la commission nationale d'agrément, Martine Aubry a agréé plusieurs accords collectifs nationaux dans ce champ, notamment un accord de branche étendu au niveau de l'UNIFED, les accords des centres de lutte contre le cancer, de la Croix-Rouge, la convention du 15 mars 1996 et tout récemment la convention FEHAP du 31 octobre 1951.

Nous sommes à présent dans la phase d'instruction des accords locaux soumis aux autorités - DDASS, conseils généraux, agences régionales de l'hospitalisation - qui, sur le terrain, autorisent et financent les établissements. C'est à ce niveau que pourront être appréciés, de manière partenariale, la réalité des efforts de solidarité financière et le souci de la qualité du service rendu qu'ont manifesté les partenaires sociaux dans leurs accords nationaux.

Je laisserai à Nicole Péry le soin de présenter les crédits du secteur ministériel consacré aux droits des femmes, eux aussi en nette augmentation. Je veux maintenant aborder le budget de la santé, qui présente pour 2000 plusieurs évolutions marquantes.

La première et la plus évidente est son taux de croissance de 5 %, supérieur au taux de progression du budget global santé-solidarité.

Encore ce taux de croissance est-il minoré par plusieurs transferts externes d'un montant total de 184 millions de francs, sur le détail desquels je reviendrai dans un instant.

A structure constante, la progression réelle de 1999 à 2000 est de 10 %. C'est considérable et vous avez été nombreux à le signaler.

Vous le savez comme moi, le budget de la santé publique n'est qu'un élément finalement modeste en montant - 4 milliards tout de même - de l'ensemble de la politique de santé, qui repose sur les politiques structurelles traduites depuis deux ans, bientôt trois, dans les lois de financement de la sécurité sociale.

Cette dichotomie crée, je l'ai souvent entendu répéter, une certaine frustration. Nous manquons d'un débat global sur la définition des besoins et les orientations de la politique de santé publique. Le projet de loi annoncé pour le printemps prochain comportera des dispositions qui permettront de donner un cadre annuel à ce débat attendu par la représentation nationale.

Pour cette année, avec ses 4 milliards, ce budget est essentiel en raison des actions qu'il permet de financer, mais surtout parce qu'il donne forme aux besoins de santé qui émergent du terrain et qu'il les transforme en choix de santé publique.

Depuis plusieurs années déjà, les programmes régionaux de santé publique jouent un rôle moteur pour évaluer les besoins de santé, faire partager les diagnostics et servir de levier à des actions qui engagent tous les acteurs du champ de la santé, non seulement les administrations, les médecins de santé publique et les ARH, mais aussi les professions de santé, les associations, les usagers et le public lui-même.

Cette conviction avait conduit Martine Aubry et Bernard Kouchner à organiser les états généraux de la santé, avec le succès que l'on sait et le retentissement en profondeur qu'ils vont continuer à produire, lorsque la loi annoncée pour le printemps prochain, sur la modernisation du système de santé, en introduisant les des droits des malades, viendra concrétiser les conclusions de ces états généraux.

Ces choix de santé publique sont bien lisibles dans le budget 2000.

Il faut d'abord rappeler que la santé est un enjeu d'inclusion sociale mais aussi un instrument de la lutte contre les exclusions, et qu'une place importante a été réservée, à hauteur de 250 millions de francs au total, aux programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins.

Le budget 1999 avait affecté aux PRAPS 194 millions de francs de mesures nouvelles. Le programme de lutte contre les exclusions avait prévu cette montée en charge budgétaire en une seule fois sur 1999. Il n'y a pas donc pas en 2000 de mesure nouvelle à ce titre. Mais je ne vous étonnerai pas en disant que la mise en place de ces programmes, dont la dimension partenariale est forte et qui ne sauraient relever de recettes standardisées, ne se fait pas en un jour. Elle aura pris, en réalité, toute l'année 1999. Désormais tous les PRAPS sont définis et seront opérationnels à la fin de l'année.

En revanche, des crédits nouveaux sont dégagés pour renforcer les moyens affectés aux programmes régionaux de santé et conforter le financement du réseau des comités d'éducation pour la santé, pour un montant de 4,1 millions de francs en tout, et pour accroître la portée des interventions en matière de prévention du suicide et de traitement des délinquants sexuels.

M. Perrut s'est inquiété à propos des soins palliatifs.

Cette question illustre bien le partage des interventions financières entre le PLF et le PLFSS. Je tiens à le rassurer : les soins palliatifs font bien partie de nos préoccupations, conformément à la loi de 1999 visant à garantir l'accès aux soins palliatifs et dont les décrets de mise en oeuvre sont en cours d'élaboration. Les ARH élaborent un volet soins palliatifs dans les SROS. La direction des hôpitaux prépare une circulaire pour développer l'hospital isation à domicile consacrée aux soins palliatifs.

L'année 1999 voit débuter un plan triennal qui consiste à recenser l'offre, à la renforcer ; 150 millions de francs sont consacrés dans le PLFSS au développement de l'hospitalisation à domicile dans le cadre des soins palliatifs.

Une attention particulière est également portée à l'évaluation et à la gestion des risques sanitaires liés à l'environnement et aux milieux de vie. Je reviendrai dans un instant à l'institut de veille sanitaire qui en est une pièce maîtresse.

Sans être exhaustive, je citerai deux mesures nouvelles notables : le renforcement des moyens des observatoires régionaux de santé pour 2 millions de francs, dont l'IVS aura par ailleurs les moyens de financer plus amplement les prestations, et la mise en place, pour 12 millions de f rancs, du dispositif de gestion des risques liés à l'amiante. Cette question fait l'objet d'une attention soutenue du Gouvernement, bien identifiée comme telle par


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M. Mitterrand dans son rapport. Je pense à cet égard pouvoir vous rassurer, monsieur Aschieri, quant à ma détermination sur le thème de la santé environnementale ; et je partage totalement votre préoccupation. Je me réjouis de la décision du Premier ministre de créer une agence de sécurité sanitaire de l'environnement.

Mes services, dont je tiens à rappeler ici à quel point ils ont loyalement épaulé le travail que vous-même et Mme Odette Grzegrzulka avez conduit sur ce thème, sont en train de préparer des scénarios évaluant le périmètre à couvrir et les schémas institutionnels les plus efficaces.

Des échanges ont d'ores et déjà eu lieu avec les services du ministère de l'environnement.

Je suis d'accord avec vous sur la nécessité d'ouvrir la formation des professionnels de santé sur ces sujets, nous nous y emploierons notamment dans le cadre des processus de formation continue. Je comprends enfin votre i ntérêt pour les médecines alternatives, mais vous conviendrez avec moi qu'on ne peut tout à la fois plaider pour une sécurité sanitaire accrue et labelliser des thérapeutiques alternatives qui ne seraient pas scientifiquement validées.

Les enjeux de santé prennent de plus en plus une dimension internationale. Il importe que la France joue p leinement son rôle et réponde aux attentes qui s'adressent à elle. C'est le but de l'augmentation de 2 millions de francs des crédit alloués à l'OMS et surtout de l'abondement de 16 millions de francs du fonds de solidarité thérapeutique internationale, qui porte ses moyens à 21 millions de francs et lui permettra de lancer une série de programmes de prévention et de soins, notamment pour les femmes enceintes ou les mères des jeunes enfants dans les pays d'Afrique les plus touchés par le sida, dont Catherine Génisson a décrit la situation avec beaucoup de conviction.

La lutte contre les pratiques addictives et les maladies infectieuses bénéficie de moyens supplémentaires considérables. Un volume important de crédits nouveaux vient abonder ces dispositifs de prévention et de prise en charge globale des comportements liés à la prise de drogues licites ou illicites, dont la lutte contre le sida avait montré la voie, ou les réorienter sur les cibles les plus urgentes. Cette priorité donnée à la prévention ne vous a pas échappé.

Au-delà des 16 millions de francs dont j'ai parlé pour le FSTI, le budget 2000 prévoit 15 millions de francs de crédit supplémentaires au titre du programme de lutte contre l'hépatite C, 1 million de francs pour la lutte contre la résistance aux antibiotiques, 2 millions de francs pour la lutte contre le tabagisme, 5 millions de francs pour les centres de cure ambulatoire en alcoologie et 10,8 millions pour assurer, sur les crédits de la direction générale de la santé, les actions de réduction des risques du programme triennal de lutte contre les drogues et la toxicomanie.

S'agissant des crédits interministériels de lutte contre la drogue et la toxicomanie, gérés par une mission interministérielle, la MILDT, l'évolution un peu complexe mérite explication, d'autant plus que vous avez été plusieurs à m'avoir interpellé sur ce thème, dont Mme Génisson et Mme Fraysse.

Le chapitre 47-16 s'établira, en 2000, à 278,2 millions de francs, contre 236,6 millions de francs en 1999. Mais en 1999, cette dotation initiale a été complétée par 65 millions de francs de crédits 1998 restés en attente du plan triennal finalisé en juin dernier.

Le budget 2000 consolide ces reports dans la base et y ajoute, au titre du plan triennal, 16,6 millions de francs de crédits nouveaux. Soit au total une mesure nouvelle de 81,6 millions de francs. Ainsi le budget total a-t-il été porté à 318,2 millions de francs avant transferts.

Par ailleurs, un rapport de la Cour des comptes avait critiqué le financement par la MILDT d'actions ou d'équipements qui relevaient en réalité des crédits ordinaires de différents ministères. Le Gouvernement a tenu compte de ces remarques, ce qui se traduit par un transfert définitif, vers ces ministères, de 40 millions de francs, à charge bien sûr pour ces derniers de poursuivre les actions ainsi couvertes. Ces 40 millions de francs ne sont donc pas distraits des moyens globaux de la lutte contre la toxicomanie ; simplement, ils ne sont plus imputés sur le budget de la MILDT.

Il faut enfin préciser que ces apports de crédits nouveaux ont été largement permis par un travail de reclassement plus rationnel des financements entre l'Etat et l'assurance maladie, dont vous avez vu l'effet dans le

PLFSS : il s'agit du transfert à l'assurance maladie des 15 % résiduels du financement Etat du dépistage dans les centres de dépistage anonyme et gratuit, pour 26,6 millions de francs, et de l'abandon du principe de remboursement aux hôpitaux des frais de sevrage des toxicomanes, pour un montant de 72,6 millions de francs.

Nous affirmons ainsi que la prévention secondaire fait partie des charges de l'assurance maladie.

Voilà qui répond à M. Foucher qui s'inquiétait que le PLFSS privilégie les agences en négligeant des programmes de santé publique. Nous avons mis de la transparence dans les prises en charge et nous souhaitons que, petit à petit, l'assurance maladie prenne en charge tous les actes de prévention secondaire de façon qu'ils soient vraiment des actes médicaux.

Le financement de la montée en puissance des agences de sécurité sanitaire était certainement l'un des enjeux clés du budget 2000 : il est pleinement rempli, ce que les rapporteurs, M. Foucher et M. Mitterrand ont bien noté.

Le chapitre 36-81 affectera en 2000, un montant de crédits de 495 millions de francs, c'est-à-dire 156 millions de francs de plus qu'en 1999 aux sept établissements nationaux généralement désignés depuis la loi du 1er juillet 1998 sous le nom d'agences de sécurité sanitaire.

Quatre d'entre eux ont été créés ou transformés par cette loi : l'AFSSAPS, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, dont la compétence inclut, au-delà du médicament, les dispositifs médicaux et les cosmétiques ; l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire, cofinancée par les trois ministères de tutelle pour ses missions nouvelles conférées par la loi.

M. Bardet s'est interrogé sur le rôle que l'on aurait fait ou non jouer à l'AFSSA, ces derniers temps. Je lui répondrai en lui lisant un extrait du rapport de M. Mitterrand.

A l'échelon européen, l'Assemblée parlementaire du C onseil de l'Europe, par la recommandation 1417 de 1999, appelle les gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe « à appliquer systématiquement le principe de précaution dans le domaine alimentaire, de manière à garantir au maximum la santé publique et à requérir tout conseil scientifique nécessaire avant de légiférer dans ce domaine ». On y lit également : « Un avantprojet de recommandation, en cours d'examen, a été présenté par le rapporteur, Jean-François Mattei. [...] Cet avant-projet recommande au comité des ministres du Conseil de l'Europe [...] d'instaurer des processus de


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débat public pour les décisions en santé publique, en particulier vis-à-vis de problèmes caractérisés par une incertitude scientifique forte. »

Ces éléments correspondent exactement, vous l'aurez constaté, à ce qu'a eu l'occasion de faire l'AFSSA lorsque nous l'avons saisie dans la crise récente dont nous ne sommes pas encore tout à fait sortis. Le travail des scientifiques sur lequel l'AFSSA s'est fondée pour donner son avis a permis d'entamer à Bruxelles des discussions sur un certain nombre de points, pour lesquels nous souhaitons obtenir des garanties supplémentaires. Il ne s'agit donc ni d'un consensus ni d'un accord.

L'objectif premier du Gouvernement étant celui de la sécurité des consommateurs, c'est bien l'illustration du rôle clé que nous voulons voir jouer par l'AFSSA en matière de sécurité sanitaire. Cet exemple montre, à l'évidence, que nous sommes à cet égard en avance sur les autres pays européens. Même si, un moment, j'ai pu choquer en disant que la France pouvait se féliciter de son système de sécurité sanitaire, j'aurais tendance à renouveler mon affirmation ici, aujourd'hui.

Mais revenons aux agences de sécurité sanitaire : l'institut de veille sanitaire, issu de la transformation du GIP et des réseaux nationaux de santé publique, et l'Agence du sang appelée à se transformer, le 1er janvier 2000, en Etablissement français du sang une fois devenu l'opérateur unique de la transfusion sanguine, sont les deux autres organismes créés ou transformés par la loi de 1998.

Les trois autres, antérieurs à la loi de 1998, n'ont pas pour autant terminé leur montée en charge, notamment l'ANAES, Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, dont le plan de charge en matière d'accréditation doit se développer rapidement.

S'agissant d'une procédure totalement nouvelle dans notre pays, elle a nécessité un temps d'appropriation par les acteurs peut-être un peu long, comme le souligne M. le rapporteur Foucher, mais elle est désormais clairement engagée. Nous comptons sur elle et nous la soutiendrons.

L'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, est aussi confronté à de lourdes a daptations imposées notamment par des directives communautaires.

Seul l'Etablissement français des greffes est aujourd'hui proche d'un niveau de croisière, si tant est que cette notion ait un sens dans le paysage extrêmement exigeant et évolutif de la sécurité sanitaire.

Sans détailler ici les montants de crédits supplémentaires affectés à chacune d'elles, je voudrais, pour illustrer les ordres de grandeur, préciser que 125 millions de francs ont été affectés aux quatre agences issues de la loi de 1998, soit une hausse de 55 % du niveau de ces subventions par rapport à 1999.

Ces moyens nouveaux permettront notamment à ces quatre agences de créer 180 emplois, d'abord dans les domaines d'extension de leurs missions, mais aussi pour conforter leur structure administrative. L'ampleur des crédits s'explique aussi par le choix de ne pas multiplier les taxes prélevées sur les secteurs de production placés sous le contrôle des agences. Ayant fait ce choix, l'Etat prend ses responsabilités et inscrit les crédits correspondants.

J'ajouterai, pour conclure, que l'ensemble de ce dispositif est coordonné par le Comité national de sécurité sanitaire, désormais opérationnel, que je réunis tous les trois mois.

Le dernier domaine couvert par le budget de la santé est celui de l'offre de soins, dénomination qui donne sa logique à un contenu malgré tout diversifié. Sous cet agrégat sont, en effet, regroupés les crédits affectés au fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation, à la formation des professions paramédicales, à l'organisation des systèmes de santé dans les territoires d'outre-mer, ainsi que les crédits de subventions aux investissements hospitaliers.

Les crédits de fonctionnement des ARH sont désorm ais stabilisés à 102,7 millions, la dotation 2000 reconduisant le niveau de 1999 à l'exception des 5 millions votés pour 1999 au titre des études liées à l'élaboration des SROS de deuxième génération. Ces derniers sont désormais presque tous opérationnels. Ils ont été élaborés avec un grand souci de concertation au niveau local et je pense que les craintes exprimées par certains d'entre vous sont, de fait, aujourd'hui infondées.

C'est à ce moment de mon intervention que je voudrais répondre à Catherine Génisson qui m'interpellait, non sans un sentiment de complicité, sur l'évolution du dossier de la gynécologie médicale. Je pense que nous arrivons au terme de cette longue réflexion, fortement portée par l'opinion publique, et que, dans les jours qui viennent, nous devrions obtenir un accord du collège des gynécologues pour la définition d'une formation renforcée pour la gynécologie médicale, avec un renforcement des places offertes à l'internat pour faire face au déficit démographique dans cette discipline et donner satisfaction aux femmes légitimement inquiètes à l'idée que disparaisse ce médecin auxquelles elles sont très attachées.

Par ailleurs, la formation des professions médicales et paramédicales, heureusement regroupée avec les bourses d'études dans la nouvelle nomenclature, comme le sont d e leur côté les formations et bourses sociales, reconduisent également le niveau des dotations 1999, tant pour les écoles de sages-femmes et d'infirmiers - 256 millions de francs - que pour la formation extrahospitalière des étudiants - 250 millions de francs - et l'année recherche des internes. Comme vous le savez, et M. Nauche l'a souligné, les modalités de financement des écoles de soins infirmiers induisent un partage entre l'Etat et l'assurance maladie, via les budgets hospitaliers, qui mériterait certainement une analyse approfondie.

L'organisation des services de santé dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte représente un coût de 137 millions de francs, réduit de 42,2 millions de francs en 2000 par le transfert des crédits affectés à la NouvelleCalédonie vers la dotation globale de fonctionnement du territoire, gérée par le secrétariat à l'outre-mer.

Je m'arrête un instant sur les territoires d'outre-mer pour souligner les efforts mis en oeuvre pour régler un certain nombre de situations difficiles, tant dans le budget 2000 - revalorisation du minimum vieillesse et des crédits d'action sociale pour les personnes handicapées à Wallis-et-Futuna - qu'en gestion 1999 : apurement d'une tranche de dettes de 17,4 millions de francs du système de santé de Wallis-et-Futuna ; apport de 5 millions de francs à la convention en cours avec la Polynésie française pour amorcer une aide au logement mise en place par le territoire ; 10 millions de francs, enfin, pour abonder la convention d'action sociale à Mayotte. Ces dernières mesures feront l'objet d'un prochain virement de crédits, ce qui devrait satisfaire, comme moi, ceux à qui la situation de ces territoires tient particulièrement à coeur.

Le dernier domaine relevant de l'offre de soins est celui des investissements hospitaliers. Ils se répartissent entre un chapitre 66-11 qui, à l'avenir, ne devrait plus compor-


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ter que les opérations non finançables par nature sur l'ONDAM - notamment outre-mer - et un chapitre 66-12 constitué par le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, ou FIMHO.

Créé en 1998, le FIMHO poursuit sa montée en charge à un rythme commandé par le respect scrupuleux de l'éligibilité au regard de critères de sélection stricts des opérations. Ces critères sont stricts car il me semble essentiel de préserver la fonction impartie au FIMHO, celle d'appuyer la logique de restructuration de l'offre de soins, en faisant jouer au financement de l'Etat un rôle de complément et de levier là où il est nécessaire, et là seulement. Ce point a d'ailleurs été relevé par M. Mitterrand dans son rapport. Le budget 2000 accompagne cette montée en charge avec un nouvel apport de 200 millions de francs d'autorisations de programmes, qui porte à 265 millions, soit 115 millions de plus qu'en 1999, le besoin de crédits de paiement en 2000.

Je souhaite conclure en évoquant le renforcement des moyens en personnel de l'administration sanitaire et sociale, sans m'attarder puisque Martine Aubry l'a fait hier en vous exposant en détail la stratégie qui la guide en la matière.

Comme Martine Aubry, je suis convaincue de la nécessité absolue, pour un ministère qui porte une part essentielle des grands projets du Gouvernement, de veiller à donner les moyens qui conviennent à l'administration dont la mission est de mener à bien ces projets pour leur faire produire les effets que chacun en attend.

Les moyens qui conviennent, ce sont des emplois budgétaires en plus, dont le Premier ministre a reconnu la nécessité puisqu'il a exonéré ce ministère de la norme de stabilité des effectifs : le projet de budget pour 2000 permet une augmentation « nette » de 101 emplois, 137 en réel, à raison de 53 dans l'administration centrale et de 84 dans les services déconcentrés, notamment pour renforcer les corps techniques - médecins inspecteurs, pharmaciens, ingénieurs du génie sanitaire - qui sont les chevilles ouvrières des services en matière d'inspection, d'animation et d'expertise.

C'est aussi une meilleure adaptation des emplois aux métiers, par la requalification des emplois, et plus de fluidité, moins de blocages dans les déroulements de carrière, notamment pour les agents de catégorie B et C, grâce au plan ambitieux de transformation d'emplois que nous poursuivrons en 2000.

C'est encore la résorption de l'emploi précaire, avec une nouvelle vague de concours en 2000 s'appuyant sur la création de 64 emplois et sur l'abondement des lignes de rémunération des personnels titulaires.

C'est enfin, avec 32,2 millions de francs, après les 33,5 millions obtenus l'an dernier, plus de reconnaissance par une meilleure rémunération indemnitaire, de la charge de travail supportée et des résultats accomplis.

Ces orientations, simples à dire, difficiles à obtenir, trouvent une traduction forte dans le budget pour 2000.

Outre vos rapporteurs, qui ont souligné l'effort accompli, je sais que beaucoup d'entre vous qui côtoyez fréquemment l'administration sanitaire et sociale vous en réjouissez également. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je rappelle qu'il avait été indiqué en conférence des présidents que l'intervention des membres du Gouvernement se limiterait à une heure.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Beaucoup de questions ont été posées !

M. le président.

Certes, mais je me devais de le rappeler, étant garant du bon déroulement de nos travaux.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter, au nom de Martine Aubry, le projet de budget

« Droits des femmes », d'un montant de 100 millions de francs. Son augmentation - 24,27 % - marque la volonté du Premier ministre et de l'ensemble du Gouvernement de faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le budget de 1999 avait déjà progressé fortement. En effet, aux 80 millions de francs de la loi de finances, qui marquaient déjà une augmentation de 11,5 % par rapport à l'année précédente, se sont ajoutés 20 millions de francs de crédits de communication du ministère de l'emploi et de la solidarité pour financer la campagne contraception, qui fait l'objet de nombreuses questions.

Je profite donc, aujourd'hui, de cette tribune pour vous dire qu'elle a fait l'objet d'une longue préparation t out au long de cette année, conformément aux contraintes de procédures relatives aux marchés publics.

L'ensemble des supports de communication de la campagne sera présenté par Mme Aubry avant la fin de ce mois en comité de pilotage et, si vous le souhaitez, devant la délégation parlementaire à l'égalité des chances et aux droits des femmes que vous venez de constituer.

Les 100 millions de francs de crédits d'intervention pour 2000 consolident la progression budgétaire et montrent le caractère prioritaire de cette politique pour le Gouvernement.

Je vais répondre à votre appel, monsieur le président, en faisant une présentation de ce budget extrêmement globalisée.

Schématiquement, le budget « droits des femmes » finance des actions dans trois domaines principaux, auxquels s'ajoutent pour l'an 2000, des actions liées à la parité.

Le premier axe est celui de l'accès aux droits, qui mobilise environ la moitié de ce budget. Il recouvre l'information des femmes, y compris en matière de santé et de contraception. Il comprend également la lutte contre les exclusions et la participation des femmes à tous les domaines de la vie sociale.

Le centre national d'information et de documentation des femmes et des familles, le CNIDFF, ainsi que les CIDF, les centres d'information des droits des femmes, qui assurent cette mission pour le compte de l'Etat, font actuellement l'objet d'une évaluation par l'inspection générale des affaires sociales, ce qui permettra d'améliorer et de consolider cette action fondamentale.

Le deuxième axe de ce budget porte sur l'égalité professionnelle, qui, comme le montre le rapport de Catherine Génisson, est loin d'être assurée : encore 25 % d'écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes, un taux de chômage des femmes de 13,2 % contre 9,8 % pour les hommes.

L'augmentation des crédits sur l'égalité professionnelle permettra en particulier de développer les contrats d'égalité avec les entreprises les plus innovantes, d'accompa-


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gner les femmes créatrices d'entreprise ou d'aider celles qui ont des difficultés d'insertion importantes. Ce sont les crédits « emploi formation » qui progressent le plus fortement, représentant environ 40 % du budget total des droits des femmes, et ils pourront de surcroît être démultipliés par l'intervention du fonds social européen que nous n'allons pas manquer de mobiliser.

A cet égard, je rappellerai qu'en 1999, quatre millions de francs du fonds social européen ont été mobilisés au titre des actions spécifiques droits des femmes. Mais en l'an 2000, ce sont 200 millions de francs qui seront utilisés pour l'approche intégrée de l'égalité entre les hommes et les femmes, que j'ai proposée au Premier ministre, approche intégrée qui est au coeur de la politique que je mène, ce qui triplera le budget droits des femmes. C'est grâce aux partenariats avec les autres ministères, qui apportent des contreparties financières additionnelles, mais également avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions, que la mobilisation des fonds européens est possible à ce niveau.

La troisième priorité est la lutte contre les violences dont sont victimes les femmes. Je signale à cette occasion qu'au-delà du budget d'intervention, les crédits d'études du ministère seront mobilisés pour financer une grande enquête sur les violences - violences conjugales, violences dans des lieux publics, sur les lieux du travail - auprès de 7 000 femmes, qui permettra de mesurer l'ampleur du phénomène et sa nature.

Pour impulser cette approche intégrée globale, il est également indispensable de renforcer le service « droits des femmes ». L'ensemble des agents contractuels de ce service seront reclassés dans la grille des contractuels des affaires sociales, ce qui contribuera à son intégration au sein du ministère de l'emploi et de la solidarité et stabilisera la situation professionnelle des personnes concernées.

Pendant toute cette année 2000, je continuerai à mener cette double approche, approche intégrée et actions spécifiques, et l'an prochain, un jaune budgétaire pourra peut-être présenter l'ensemble de ces crédits.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale.

La première question est celle de M. Teissier.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, M. Teissier, qui a dû s'absenter quelques instants, m'a demandé de lire sa question.

M. le président.

Monsieur Perrut, il n'est pas possible de poser une question à la place d'un collègue absent.

Peut-être M. Teissier reviendra-t-il à temps tout à l'heure.

M. Carré...

M. Pierre Hellier.

M. Carré n'est pas là non plus et m'avait chargé de poser sa question.

M. le président.

Même réponse ! La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé, j'ai eu l'occasion de regretter ce matin même l'insuffisance des mesures de prévention et d'accompagnement du vieillissement pathologique et j'aimerais revenir sur le problème très sensible du financement de la médicalisation des établissements de personnes âgées au regard de la réforme de la triple tarification, dont les conséquences se révèlent catastrophiques.

Une enquête a été réalisée dans le département de l'Isère, d'après les données fournies par les établissements d'hébergement pour personnes âgées à propos du poids de la dépendance des résidents. Cette étude démontre la progression des pathologie mentales, qui atteignent désormais 93 % de la population accueillie dans les unités de soins de longue durée. Le GIR moyen observé est élevé, quel que soit le type de structures observé : maison de retraite hospitalière, publique ou associative. Globalement, on peut estimer que 73 % des personnes hébergées actuellement dans nos structures pourraient bénéficier, si elles le demandaient et répondaient aux conditions de ressources, de la prestation spécifique dépendance correspondant aux groupes ISO Ressources 1, 2 et 3.

Hors unités de soins de longue durée, la capacité d'accueil en maison de retraite qui est actuellement de 5 700 places, fait apparaître des besoins supplémentaires de 1 400 lits médicalisés environ. De plus, dans certains cas, le montant des forfaits de cure médicale se révèle insuffisant pour couvrir les dépenses de soins. La simulation de la nouvelle tarification sur un groupe d'établissements, dont ceux ayant fait partie de l'échantillonnage national, confirme l'augmentation des charges pour les résidents, avec cumul du tarif de l'hébergement et du tarif de la dépendance. Pour les personnes les plus dépendantes, l'augmentation peut dépasser 25 %. Je n'exagère pas, malheureusement ! Une rencontre avec les représentants du syndicat départemental CFDT a mis en évidence les difficiles conditions de travail, le besoin de personnels qualifiés et de moyens supplémentaires pour réaliser une charte de qualité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

C'est pourquoi, cette année encore, je réitère ma question : comptez-vous instituer une prestation autonomie adaptée à tous les âges de la vie, intégrant le risque handicap dans les champs de la protection sociale et fondé sur la solidarité nationale ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

La réforme de la tarification, monsieur Colombier, a été engagée le 26 avril dernier avec deux décrets et trois arrêtés. Elle a pour principaux mérites d'instaurer une vérité des coûts, de définir très précisément et s implement qui finance quoi et de lier l'allocation des ressources aux besoins réels des résidents et des établissements.

Toutefois, nous sommes bien conscients qu'une telle réforme ne peut pas tout prévoir d'emblée, notamment la diversité des situations rencontrées, de l'environnement autour de la personne âgée, de ses besoins, des moyens qu'elle peut consacrer à cette prise en charge. C'est la raison pour laquelle une mission nationale d'appui a été confiée à M. Brunetière, et installée en avril dernier.

Après six mois d'activités, le bilan est déjà très positif.

M. Pascal Terrasse.

Excellent travail ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Des outils ont été proposés, des simulations sur l'impact financier ont été réalisées, vous le savez aussi bien que moi. Le travail de M. Brunetière est très apprécié, et tout le monde souhaite qu'il continue. La mission d'appui va produire dans les jours qui viennent un rapport d'étape qui permettra de formuler des propositions d'ajustement de la réforme et d'alimenter le débat que nous aurons sur la question. Il y aura bien évidemment en même temps une révision et une adaptation de la PSD, dont c'est la vocation d'être révisée.


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Quant à la mise en place d'une prestation autonomie qui soit l'équivalent d'un cinquième risque nécessitant la création d'une branche, Martine Aubry et moi-même avons déjà répondu que telle n'était pas l'orientation que nous prenions. Cela ne nous paraît pas une réponse spécifique, individualisée et adaptée aux besoins des personnes. En plus, cela déconnecterait complètement la réponse de la solidarité collective et de la solidarité des familles. Mieux vaut examiner la totalité de l'aide qui peut être consacrée au maintien à domicile, au maintien en autonomie, et à la prise en charge en établissement ensuite quand c'est nécessaire, avec éventuellement des allers et retours, des situations transitoires. C'est le débat qui s'engage. Nous avons différents outils qui nous permettent d'avoir des réponses concrètes adaptées.

M. Pascal Terrasse.

Très bien !

M. le président.

Je vous rappelle que, dans le cadre de ces questions, le Gouvernement dispose de deux minutes pour répondre aux questions qui lui sont posées.

Nous passons au groupe socialiste.

La parole est à M. Jean Rouger.

M. Jean Rouger.

Ma question, madame la secrétaire d'Etat, abordera trois points.

Tout d'abord, en dépit et à cause de l'augmentation significative des dépenses de prévention pour la lutte contre le sida et les maladies transmissibles, en particulier depuis le développement des trithérapies, on ressent une certaine baisse des efforts dans la prévention et le suivi de ces maladies. Le développement des trithérapies engendre, en effet, un certain sentiment de confiance et peut favoriser un relâchement, non seulement de la part des patients mais également de la part du personnel médical.

Quels axes allez-vous donc favoriser en matière d'information et de prévention ? Par ailleurs, le budget que vous proposez aujourd'hui montre bien un effort significatif en matière de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Néanmoins, une étude récente nous informe que le coût social du tabac et de l'alcool est estimé à 217 millions de francs par an.

Cette étude conforte la nécessité d'une politique de prévention, d'information et d'éducation à long terme. Pouvez-vous nous décrire les principaux axes de prévention durable que vous souhaitez privilégier ? Le dernier point que j'aborderai concerne l'autisme et plus particulièrement les aides ou plutôt les droits à offrir aux familles confrontées à cette maladie. L'idée de développer les structures d'aide au diagnostic et au suivi de la pathologie et les structures d'accueil et d'écoute des familles a été discutée au cours du débat sur le développement des soins palliatifs. Cette notion, très intéressante pour l'ensemble des handicaps de toute nature, devra, à mon sens, être approfondie, en particulier pour l'autisme. Pouvez-vous évoquer devant la représentation nationale les mesures qui seront envisagées, soit dans ce budget, soit dans le futur projet de loi de modernisation sanitaire et des droits des malades ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

S'agissant du sida, il est vrai qu'il semble y avoir une perte de vigilance, l'arrivée des trithérapies et des traitements efficaces laissant penser que le sida est derrière nous. Il ne faut vraiment pas laisser une telle idée se répandre et nous menons des actions de sensibilisation et d'information sur les modalités de prévention et de protection, mais aussi des campagnes pour éviter que l'épidémie se répande.

Nous venons d'aboutir avec les associations à un accord extrêmement important qui nous permettra de juguler l'épidémie. Pour les personnes vivant avec le VIH, la déclaration sera obligatoire, de manière que chacun connaisse sa situation sérologique et puisse bénéficier des traitements améliorant sa qualité de vie.

La lutte contre la consommation abusive d'alcool reste l'une des priorités du Gouvernement en matière de prévention des conduites addictives. Un certain nombre de dispositions ont été prises dans le cadre du PLFSS, pour la prise en charge des centres d'hygiène alimentaire ou le soutien aux programmes régionaux alcool et santé, pour 2 millions de francs. Cet effort sera poursuivi l'année prochaine. Grâce à des mesures nouvelles, à hauteur de 5 millions, nous pourrons développer le travail en réseau des structures de prévention et permettre aux réseaux spécialisés dans la lutte contre l'alcoolisme de se consacrer à d'autres formes d'addiction. Ce qui est intéressant, c'est d'avoir une prévention globale des conduites à risques, car on est bien souvent confronté à une polyconsommation, qui augmente considérablement les risques.

En ce qui concerne l'autisme, il est vrai que la reconnaissance de cette maladie est assez récente, et que les dispositifs d'aide et de soutien aux familles le sont également. Il est nécessaire de prévoir pour les familles des structures d'aide, d'accueil, d'écoute, d'accompagnement dans la connaissance de la pathologie, de soutien dans la prise en charge des enfants ou des jeunes adultes.

La définition des schémas départementaux d'équipement et l'ouverture de structures nouvelles constituent une réponse nécessaire mais insuffisante, si cet effort n'est pas accompagné du développement d'un réseau et d'un dispositif d'information, de diagnostic et d'aide aux familles. C'est l'objectif de la politique que nous allons développer. Un tel effort suppose l'engagement solidaire de tous, des associations et de la collectivité publique.

Cette politique en est à son début. Elle devra monter en puissance dans les années qui viennent, avec la participation et le soutien de tous ceux qui sont confrontés à cette maladie.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Ma question, madame la secrétaire d'Etat, concerne la situation des anciens harkis et supplétifs de l'armée française, et de leurs descendants de la première et deuxième génération. Il s'agit d'une partie de la communauté rapatriée qui, à l'évidence, a connu des conditions de réinsertion encore plus difficiles que la communauté rapatriée en général car, aux problèmes de déracinement se sont ajoutés des handicaps de formation, des difficultés de nature culturelle, et aussi, bien qu'il s'agisse de Français à part entière, des discrimination dans l'accès à l'emploi, auxquelles sont notamment confrontés les jeunes.

Un plan notable avait été voté par cette assemblée sur proposition du gouvernement de l'époque, en 1994. Il est arrivé à son terme, et le Gouvernement a annoncé une relance d'un certain nombre de mesures après la création d'une rente viagère.

Une manifestation a été convoquée par un certain nombre de nos compatriotes issus des familles d'anciens harkis et supplétifs pour le 11 novembre. Je souhaite que, pour les rassurer et les conforter dans leur identité française, celle pour laquelle ils ont tant donné et, pour la plupart, beaucoup perdu, vous puissiez rappeler quelles


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mesures le Gouvernement a l'intention de prendre en leur faveur - je pense notamment au surendettement, à la formation, à l'insertion professionelle des plus jeunes.

Ayant choisi ce jour symbolique de mémoire nationale du 11 Novembre, ils attendront très certainement aussi un geste de reconnaissance.

Je ne doute pas que le Gouvernement profitera de ce débat pour le faire.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, qui a déjà longuement répondu sur ce point, me semble-t-il.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'en ai effectivement parlé tout à l'heure en présentant mon budget, monsieur le député, mais cela ne me dérange pas de revenir sur le sujet, qui est important.

La situation que nous avons trouvée en juin 1997 se caractérisait par le malaise de la communauté harkie, frappée par le chômage, confrontée à un endettement immobilier et doutant de sa place dans l'histoire nationale.

Face à ce malaise dont l'acuité n'avait pas été exactement mesurée dans la période précédente, nous avons engagé un plan d'ensemble dont les premiers effets sont déjà ressentis. Les gouvernements qui nous ont précédés avaient décidé d'arrêter l'effort national en faveur des harkis et de leurs familles au 31 décembre 1998. Nous avons estimé indispensable de prolonger de deux ans ces aides, qui concernent l'emploi, la formation et le logement.

L'emploi des anciens supplétifs et de leurs enfants est un devoir national. Pour faciliter leur insertion sur le marché du travail, des cellules pour l'emploi ont été créées. J'en ai parlé tout à l'heure en exposant mon budget.

Le régime antérieur de désendettement immobilier des anciens supplétifs ne donnait pas tous les résultats espérés. Pour les années 1996 et 1997 cumulées, l'aide totale accordée par l'Etat a été de 1,1 million seulement. La dépense est de 13,2 millions pour 1998 et de 12,4 millions pour le premier semestre de 1999.

La création d'une rente viagère aux anciens harkis et supplétifs de l'armée française marquera la reconnaissance de la France pour les sacrifices qu'ils ont consentis. Une disposition législative définissant ses conditions d'attribution vous sera prochainement soumise avec effet rétroactif au 1er janvier 1999.

L'ensemble de ces mesures représentent un coût pluriannuel de 2,5 milliards de francs.

Il faut aussi assumer l'histoire, ce passé qui est notre passé commun, donc créer des lieux de mémoire restituant à tous les Français la place, le rôle et la souffrance des harkis. Des stèles portant témoignage de toute une histoire occultée pourraient être édifiées sur des emplacements à forte valeur symbolique.

Afin que ces initiatives, et d'autres, bien entendu, soient en corrélation étroite avec la sensibilité et les aspirations de la communauté, leur mise en oeuvre sera conditionnée par les résultats d'une concertation engagée avec ses représentants. En effet, il est temps de rompre le lourd silence qui écarte de la France une partie de son peuple. Il est temps de dire que la France n'a pas su, alors qu'elle l'aurait dû, protéger la dignité et quelquefois même l'existence de ceux qui l'avaient choisie, ni par la suite leur assurer une place reconnue dans notre société et dans notre histoire.

J e vous autorise à transmettre ce message aux intéressés.

M. le président.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que questions et réponses ne doivent pas dépasser deux minutes, de manière à préserver la vivacité de ce débat.

La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Je vais essayer d'être brève, monsieur le président.

M. le président.

Vous l'êtes d'habitude, c'est pour cela que je me permettais de le rappeler maintenant. Cela vous visait moins.

(Sourires.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Attention ! Je serai peut-être longue cette fois-ci ! ( Sourires.

)

La prise en charge des personnes âgées en difficulté s'est principalement appuyée dès le début, il y a une trentaine d'années, sur le maintien à domicile : aide à domicile, soins à domicile, télé-alarme, repas à domicile.

Depuis, les besoins des personnes âgées et de leurs familles ont évolué vers d'autres demandes : aide à l'adaptation de l'habitat, accueil de jour temporaire, garde itinérante de nuit. Les financements ne sont pas suffisamment souples et adaptés à ces nouvelles demandes et, c'est clair, ils sont insuffisants.

La politique des personnes handicapées s'est plus traditionnellement orientée vers une prise en charge en hébergement, mais, là aussi, la demande évolue. Les personnes handicapées souhaitent de plus en plus vivre à domicile.

L es moyens manquent. On estime actuellement à 7 500 postes équivalents temps plein les besoins non satisfaits, mais nous sommes, là aussi, confrontés à une évolution des pratiques.

Ne serait-il pas possible, sans aborder aujourd'hui les différences d'aide financière d'un secteur à l'autre, de travailler à la mise en place de véritable services de maintien à domicile offrant l'ensemble des palettes répondant aux besoins des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. J'insiste parce que je crois que la réalité territoriale permettrait de faire en sorte qu'il y ait des services de maintien à domicile s'adressant autant aux personnes âgées dépendantes qu'aux personnes handicapées.

Au fond, en effet, les besoins et les réponses en termes de services sont du même ordre.

M. le président.

La parole est à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et l'action sociale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ma réponse sera très rapide, monsieur le président, car votre question, madame Guinchard-Kunstler, contenait la réponse.

Il est vrai que les services de maintien à domicile dont ont besoin les personnes âgées sont les mêmes que ceux dont ont besoin les personnes handicapées qui veulent rester à domicile.

Je le répète, il faut envisager ceci dans un environnement reconnu, dans le cadre d'une solidarité collective et d'un accompagnement familial que l'on doit aider. Le rapport que vous avez rédigé, madame, nous encourage à la réflexion ; il complète, sur la coordination des aides, le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur la redéfinition de l'ensemble des aides à domicile. Les conclusions de ces travaux, dont je tiens à souligner la qualité, serviront de base à nos propositions. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le réaffirme ; nous avons rendez-vous dans les mois prochains pour définir un véritable réseau, un véritable plan de services permettant de garantir le maintien à domicile auquel vous aspirez.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Voilà pourquoi Mme Paulette Guinchard-Kunstler est rapide : elle pose les questions et fait les réponses en même temps. ( Sourires.

)

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Je vais essayer de faire de même, mais je voudrais d'abord souligner la progression substantielle des moyens consacrés à ce budget.

En attendant le projet de loi sur la modernisation du système de santé et sur le droit des malades, que nous devrions examiner au printemps prochain, il est deux dossiers, parmi ceux que je considère comme prioritaires, qu'il est urgent de mettre en avant.

Le premier est celui de la révision de la loi sur la bioéthique du 29 juillet 1994, programmée par le texte luimême : elle doit être réalisée tous les cinq ans. Un équilibre entre les aspirations des chercheurs, les intérêts des entreprises et les principes humains fondamentaux auxquels nous sommes attachés doit être trouvé à cette occasion. Nous devons, en même temps, mener une nouvelle réflexion sur les dons d'organes, l'embryon et le clonage, champs ouverts à toutes les folies si un cadrage positif de la recherche n'est pas défini.

Vous avez déjà évoqué, madame la secrétaire d'Etat, une partie du second problème, celui de la toxicomanie.

En effet, depuis la loi de 1970 dont les effets sont bien loin des objectifs fixés, aucune réforme n'a été initiée.

L'augmentation, de 81 millions de francs, des crédits interministériels de lutte contre la toxicomanie est, cette année, un point positif, avec la réactivation de la MILDT que vous avez rappelée. Il me semble néanmoins que l'on ne peut faire l'économie du débat sur la lutte contre la toxicomanie, tant ce problème mine la vie de nos quartiers, donnant lieu à une véritable économie parallèle, orchestrée à l'échelle mondiale, et qui a des effets au pied de chaque immeuble, dans chaque cité.

Nous entamons, certes, un ambitieux programme de rénovation de la politique de la ville, qui doit prendre en considération la souffrance sociale à l'origine de l'usage des drogues pour de nombreux jeunes. Notre pays n'offre actuellement, comme seule réponse, que la prison, assimilant les usagers de la drogue à des délinquants, ce qui est loin de correspondre à la réalité.

Il est plus que temps, madame la secrétaire d'Etat, de s'atteler à la tâche. Nous devons réfléchir ensemble pour trouver des solutions justes et réalistes, tenant compte des souffrances quotidiennes vécues par nombre de nos concitoyens qui ne savent comment faire face à un mal d'intégration sociale.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, la révision des lois relatives à la bioéthique votées pour la première fois en 1994 est nécessaire, comme vous le soulignez, pour plusieurs raisons. D'abord, la loi l'a prévue, et elle doit être réalisée dans un délai maximum de cinq ans ; d'autre part, en ce domaine, la science avance particulièrement vite ; ensuite, ce délai de cinq ans a permis de distinguer les dispositions de la loi qui étaient appropriées de celles qui devaient être révisées ou amendées ; enfin, c'est un domaine dans lequel les interdépendances sont fortes entre pays européens, mais aussi au niveau mondial, et il est nécessaire de revoir notre législation à la lumière de ce qui se fait à l'étranger.

Ce travail est engagé et nous attendons le rapport du Conseil d'Etat qui doit déclencher la réflexion concrète sur l'avant-projet de révision.

En ce qui concerne la toxicomanie, vous avez rappelé les dispositions qui ont été prises, en mettant l'accent sur la nécessité de développer une politique de prévention de proximité, au plus près des usagers et des quartiers. Je partage votre sentiment : c'est sur le terrain, là où les problèmes sont posés au quotidien, qu'il faut agir. Nous avons la volonté de développer des équipes mobiles de proximité, car elles jouent un rôle de médiation dans les quartiers et peuvent s'intégrer dans la dynamique de la politique de la ville que vous avez évoquée.

Enfin, l'information des habitants doit être la plus complète possible. Il faut éviter de laisser se développer des mystifications ou des fantasmes qui sont dommageables à une bonne prise en compte du problème, mais, en même temps, il convient de diffuser la bonne information et d'encourager les bons comportements. A cet effet, des réunions avec les élus locaux, les associations et les habitants doivent être régulièrement organisées par les pouvoirs publics. Je considère, comme vous, qu'il s'agit là d'un engagement de solidarité et de citoyenneté.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe communiste.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Madame la secrétaire d'Etat, au mois de juin dernier, la majorité a adopté le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle. Le groupe communiste a, bien évidemment, soutenu ce projet consistant à résorber les inégalités d'accès aux soins.

Cette loi permettra aux 6 millions de personnes qui ont des difficultés à se soigner, de bénéficier d'une couverture de base, mais également d'une protection complémentaire.

C ependant, beaucoup d'inquiétudes émergent à l'approche de son application qui, vous le savez, est prévue pour le 1er janvier 2000. Mon amie Muguette Jacquaint avait déjà alerté le Gouvernement, le 20 octobre, sur les problèmes des délais de parution des décrets.

Aujourd'hui, aucun décret, parmi ceux transmis au Conseil d'Etat, n'a encore été publié. Pouvez-vous préciser à quel stade en sont ceux devant faire l'objet d'une concertation avec les organismes complémentaires ? Pouvez-vous, de même, nous assurer que tous les décrets seront publiés à temps, de sorte que la loi soit effective dès le 1er janvier prochain ? Où en est la concertation, en particulier celle portant sur la définition des soins pris en charge ? La presse fait état d'un décalage entre la volonté exprimée par la majorité. Quel sera le contenu des décrets ? Enfin, des dispositions ont-elles été prises pour coordonner l'ensemble des actions des différents acteurs et services sociaux ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je tiens à vous rassurer, la loi portant création d'une couverture maladie universelle prendra bien effet au 1er janvier 2000, comme prévu dans les textes.

Les différents décrets seront prêts en temps voulu. Certains paraîtront courant novembre, d'autres sont encore examinés par le Conseil d'Etat. Les concertations ont eu lieu avec les partenaires sociaux et les acteurs concernés : caisses d'assurance maladie, associations. Aucune indication ne me permet d'affirmer que la mise en oeuvre de la CMU serait retardée.

M. Claude Billard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. Patrick Malavieille.

Madame la secrétaire d'Etat, dans le volet « solidarité », une ligne budgétaire précise les crédits alloués au financement du RMI. Aujourd'hui, on estime à un peu plus de 1 million le nombre d'allocataires de ce minimum social, ce qui, selon la CNAF, représente une augmentation de 2,3 %. Vous le savez, ces personnes vivent dans une extrême précarité. Pour ce qui concerne la santé, elles bénéficieront de la couverture maladie universelle, ce qui est essentiel. Cependant, elles ont d'autres besoins pour se loger, se nourrir, élever leurs enfants et rechercher un emploi. Nous savons tous que, sans le travail de certaines associations, la situation serait encore plus dramatique. Ces inquiétudes sont renforcées, car, si le nombre de bénéficiaires croît de plus en plus faiblement, il ne diminue pas encore. Le chemin vers l'insertion et l'emploi est encore long.

Ma question concerne la revalorisation du RMI. Nous pensons que, à l'approche des fêtes de fin d'année, une revalorisation ne constituerait ni un luxe ni un privilège, mais serait, au contraire, un geste fort, apprécié, qui permettrait de redonner espoir à nos compatriotes sur le chemin de l'insertion.

Une revalorisation supplémentaire devrait, à nos yeux, être engagée pour que cette prestation de solidarité soit p our le moins égale au seuil de pauvreté, soit 3 800 francs, et que l'indexation des minima sociaux s'établisse sur l'évolution des salaires et non plus sur celle, relativement faible, des prix.

En conséquence, pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous préciser le niveau de revalorisation du RMI pour 2000 ? Où en est la réflexion du Gouvernement sur l'augmentation de cette allocation et de l'ensemble des minima sociaux ? Enfin, et peut-être surtout, quelles mesures pourraient être prises pour aider les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui ne bénéficient pas de ce dispositif ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je n'aurai pas la malice de vous renvoyer au compte rendu de mon discours d'explication du budget, mais vous y trouverez toutes les explications nécessaires, et beaucoup plus détaillées que celles que je vais pouvoir vous donner dans les deux minutes et demie que m'accorde le président.

En 1999, la revalorisation du RMI a été de 3 %, soit une augmentation supérieure de 1,8 % à celle résultant de l'obligation légale. Je vous rappelle aussi que cette revalorisation a eu un effet rétroactif au 1er janvier 1998.

En outre, cette augmentation a été cumulée avec de nouvelles dispositions prises en faveur des bénéficiaires des minima sociaux : l'autorisation du cumul du RMI avec l'APJE, de façon que les allocataires du RMI qui ont des enfants à charge ne se voient pas privés du bénéfice des prestations familiales ; l'autorisation du cumul du RMI avec les majorations pour âge des allocations familiales ; l'amélioration des règles d'intéressement. Sur les six derniers mois, on constate une augmentation de près de 5 % du RMI en montant moyen versé aux allocataires. Pour le 1er janvier 2000, les crédits inscrits au PLF prévoient une augmentation de 0,8 %, comme l'obligation nous en est faite, mais à cela s'ajoutent les autres améliorations que je viens de citer.

Pour ce qui est des jeunes, nous avons considérablement augmenté l'enveloppe consacrée au FAJ, le fonds d'aide aux jeunes. En outre, nous comptons vraiment activer le programme TRACE et encourager les collectivités territoriales à prendre des initiatives pour accompagner les dispositifs nationaux, afin que les jeunes qui sont à la recherche d'un emploi ou dans une situation d'exclusion aient des conditions de logement, d'environnement, de vie, qui leur permettent de bénéficier d'un processus d'insertion.

(M. Patrick Ollier remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

M me Muguette Jacquaint.

Madame la secrétaire d'Etat, que de chemin parcouru depuis 1975, où notre Parlement adoptait la loi sur l'interruption volontaire de grossesse. En 1982, il permettait le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale. Dans le présent budget, 162 millions de francs sont prévus pour ce remboursement. Cette somme est stable. Tout démontre que les réformes de la législation sont des acquis indéniables pour le respect des droits des femmes, mais aujourd'hui, après un quart de siècle, il est nécessaire de faire un état des lieux des difficultés que rencontrent des milliers de femmes. En effet, des carences dans le fonctionnement des centres d'IVG, hôpitaux et cliniques, sont de plus en plus fréquentes, ce qui conduit encore des centaines de femmes à partir pour l'étranger pour y subir une interruption de grossesse.

A cet égard, le problème des mineures est important et n'est toujours pas réglé.

Tels sont les faits précis auxquels de très nombreuses femmes sont confrontées. Ils posent diverses questions.

Les moyens attribués aux centres hospitaliers sont-ils suffisants ? L'allongement du délai de dix semaines, au-delà duquel l'IVG ne peut plus être pratiquée, ne résoudrait-il pas, comme dans d'autres pays de la Communauté européenne, une partie des difficultés ? L'autorisation parentale pour les mineures souhaitant interrompre une grossesse non voulue reste une question urgente.

Madame la secrétaire d'Etat, le droit à l'interruption volontaire de grossesse doit s'intégrer dans une société qui, en près d'un quart de siècle, a progressé. La législation et les moyens attribués doivent évoluer dans ce sens.

Quelles sont les intentions du Gouvernement pour les y aider ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, nous serons ensemble, le 17 janvier 2000, pour fêter l'anniversaire de la loi Veil, qui, en son temps, a libéré l'accès à l'IVG et sa pratique.

Vous faites référence au rapport du professeur Nisand qui nous préoccupe et confirme des inquiétudes que nous avions. Il formule de nombreuses propositions concrètes pour améliorer l'accès à l'IVG.

Sur la base de ses recommandations, nous avons présenté, Martine Aubry, Nicole Péry et moi-même, un plan d'action articulé autour de deux grands axes. Le premier consiste à renforcer l'information sur la contraception et l'égalité d'accès de tous et de toutes à l'ensemble des moyens de contraception aujourd'hui disponibles.

La première des priorités, répétons-le, c'est la maîtrise de la fécondité et la responsabilité de la contraception, l'IVG n'intervenant qu'en cas d'échec de la contraception ou de cette maîtrise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Le deuxième axe est destiné à rendre plus effective l'application de la loi de 1975, notamment à l'hôpital public. Pour cela, nous avons demandé que, dans chaque région, un lieu d'information soit bien identifié, afin que les femmes puissent y avoir accès et recueillir toute l'information dont elles ont besoin. Nous mettrons ensuite en place des mesures destinées à consolider les structures hospitalières publiques d'interruption volontaire de grossesse, avec, par exemple, le renforcement en moyens médicaux, et la mise à disposition du RU 486 dans les pharmacies hospitalières.

Dans un an, nous dresserons un nouvel état des lieux pour vérifier si cette remobilisation autour de l'application de la loi a porté ses fruits. Si le constat est inchangé, il faudra, après un large débat public, envisager la révision de la loi de 1975 à la lumière des propositions du p rofesseur Nisand, notamment celles concernant les mineures et l'allongement du délai au-delà duquel l'IVG n'est plus autorisée.

Le Gouvernement n'écarte pas a priori l'idée d'une révision de la loi, mais il estime qu'il faut d'abord mieux appliquer la loi et se donner les moyens de la faire vivre dans son état actuel.

Pendant l'année qui vient et en attendant de voir l'impact de nos mesures sur le terrain, nous apprécierons l'opportunité d'un grand débat public. Nous savons que ces dispositions doivent être la propriété de l'ensemble de nos concitoyens.

Soyez assuré que le Gouvernement ne peut accepter aucun recul en matière de droit pour les femmes à maîtriser leur fécondité, à choisir leur contraception et à accéder à l'interruption volontaire de grossesse quand elles en ont besoin. Je veillerai personnellement à ce que, partout sur notre territoire, chaque femme puisse disposer de la meilleure information possible et d'un accès à la contraception et à l'IVG adaptés à son choix, à ses moyens et à ses conditions de vie.

M. le président.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que vous disposez de cinq minutes, question et réponse comprises. Or la dernière question et sa réponse ont duré près du double. Si vous souhaitez que nous terminions l'examen de ce budget en prolongeant notre séance, il vous faudra respecter vos temps de parole. Sinon, je lèverai la séance et nous reprendrons nos travaux ce soir. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Madame la secrétaire d'Etat, les questions du handicap doivent être considérées dans leur ensemble, du dépistage à la réunion des conditions permettant le plein exercice de la citoyenneté.

En effet, comme le précise l'article 1er de la loi de 1975,

« la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l'éducation, la formation et l'orientation professionnelle, l'emploi, la garantie minimum de ressources, l'intégration sociale et l'accès aux sports et aux loisirs du mineur ou de l'adulte handicapé physique, sensoriel ou mental, constituent une obligation nationale ». Ces principes sont toujours d'actualité et restent des objectifs à atteindre.

Je serai même un peu plus sévère et dirai que nous en sommes toujours au stade de la déclaration d'intention.

Répondre aux attentes des handicapés, cela signifie que nous devons donner à tous les moyens de choisir librement les solutions qui leur conviennent le mieux, suivant leur état physique, intellectuel leur milieu familial et social.

Cela implique également des moyens financiers. Nous nous félicitons de l'augmentation d'un peu plus d'un milliard de francs des crédits alloués en faveur des handicapés, en particulier des moyens supplémentaires débloqués pour les COTOREP afin d'améliorer leur fonctionnement et renforcer leur impartialité.

Ainsi, avec ces moyens supplémentaires, l'effort devrat-il se concentrer sur la prévention et le dépistage des handicaps. Une véritable politique de présentation permettra d'agir sur les sources des handicaps et sur leur gravité. Il convient donc d'attribuer aux structures sanitaires médico-sociales et sociales qui s'y consacrent les moyens nécessaires.

Il faut également une meilleure prise en charge des soins, fort coûteux pour les handicapés, des produits d'hygiène indispensables à l'autonomie ou encore des aides techniques et des appareillages.

Enfin, il conviendrait d'améliorer l'accès à l'emploi en milieu protégé. Mais, pour cela, l'Etat doit accroître ses efforts pour créer un nombre suffisant de places en ateliers protégés et permettre leur bon fonctionnement. La création de 2 000 places supplémentaires en CAT et de 500 en ateliers protégés y contribuera de façon certaine.

Bien évidemment, toutes ces propositions pourront être débattues à l'occasion de la révision de la loi de 1975 que les associations attendent. Aussi, madame la secrétaire d'Etat, quand cette révision interviendra-t-elle et sur quels points particuliers le Gouvernement souhaite-t-il intensifier ses efforts ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

La révision de la loi de 1975 est prévue. Une mission parlementaire a été confiée par la commission des affaires sociales à Pascal Terrasse, lequel s'est mis au travail. Un certain nombre de députés y participent - et peut-être en faites-vous partie, monsieur Carvalho ? Des auditions sont prévues. Des contacts de travail ont été noués avec mon secrétariat d'Etat, et nous espérons véritablement aboutir, au début de l'année prochaine, à des propositions sur l'adaptation des établissements et sur l'ouverture de dispositifs d'intégration dans la vie ordinaire des personnes handicapées.

Enfin, nous espérons trouver un support législatif qui nous permettra de concrétiser une avancée par rapport à la loi de 1975.

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais souligner le poids considérable que prend désormais la CSG dans le budget de nombreuses familles.

Cela est dû à l'augmentation du taux qui a été décidée en 1998, lequel est passé de 3,4 à 7,5 %. Résultat : en 1999, la CSG rapporte plus d'argent à l'Etat que l'impôt sur le revenu ! La contribution sociale généralisée possède la particularité d'être proportionnelle sur l'ensemble des revenus. Le seul aménagement dont elle a fait l'objet a consisté à porter le seuil de recouvrement à 400 francs dans le cadre de la discussion de la loi de finances.

Je voudrais témoigner du poids extrêmement important que la CSG représente dans le budget de nombreux Français, et surtout de nombreux Français modestes. Il faut que vous sachiez, madame la secrétaire d'Etat, que,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

au moment où les feuilles d'imposition à la CSG arrivent chez les contribuables, les centres des impôts sont submergés de réclamations de gens qui ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu et qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent devoir payer une taxe qui est lourde et sur laquelle aucun aménagement n'est possible.

Nous ne sommes pas là pour évoquer les cas particuliers, mais je voudrais tout de même vous citer l'exemple de cette veuve de commerçant, qui dispose d'une pension de réversion de l'ordre de 2 000 francs par mois et qui, en louant le commerce qu'elle a conservé, a un revenu mensuel d'environ 5 000 francs. Eh bien, elle paye 4 000 francs de CSG ! C'est très lourd et très inéquitable ! En novembre 1998, un responsable politique déclarait au journal Le Monde : « A l'avenir, il faudra corriger les effets de la CSG sur des contribuables non imposables disposant de petits revenus mobiliers ou fonciers. » Le

responsable politique qui s'exprimait en ces termes s'appelle François Hollande ! J'ai eu l'occasion, pour ma part, de discuter il y a quelques temps avec Dominique Strauss-Kahn de ce sujet, et je sais qu'il s'interrogeait sur la nécessité de mettre en place un tel dispositif.

Madame la secrétaire d'Etat, quel est votre opinion ? Visiblement, vous ne proposez pas d'aménagements pour cette année et pour 2000. Comptez-vous proposer un allégement pour par la suite, car le poids de cette contribution multiplie les cas d'iniquité ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Au risque de vous décevoir, monsieur le député, je ne ferai pas de déclarations de cette nature. Je vais vous confirmer que je considère que la CSG est un impôt juste, qui fait participer tous les revenus. Cet impôt n'a jamais été contesté puisque, mis en place en 1991, il a été constamment reconduit, y compris quand l'opposition était aux responsabilités.

Depuis 1998, en substituant la CSG aux cotisations maladies, nous avons été au bout de la logique, et cela a permis une augmentation du revenu net des salariés de 1 %. Notre priorité pour 2000 est de faire baisser un certain nombre de prélèvements, mais pas la CSG.

Peut-être que le débat se poursuivra, mais je ne peux pas vous donner d'assurances aujourd'hui.

J'indique également qu'il est nécessaire de maintenir une égalité de traitement sur l'ensemble des recettes fiscales.

Je rappelle enfin que ce n'est pas nous qui avons institué la CRDS, qui pèse sur les retraites à partir du minimum vieillesse !

M. Jean-Luc Warsmann.

Est-ce un exemple à suivre ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous sommes dans une logique qui consiste à asseoir une recette fiscale sur l'ensemble des revenus.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Madame la secrétaire d'Etat, nous sommes interrogés fréquemment par les personnels des hôpitaux publics sur l'application des 35 heures dans leur secteur d'activité.

Interpellé à plusieurs reprises à ce sujet, le Gouvernement a indiqué que le problème posé trouverait sa solution quand serait examinée la mise en application de la réduction du temps de travail dans la fonction publique.

Cette réponse apparaît d'autant plus insatisfaisante pour les personnels de santé des établissements publics que leurs collègues du secteur privé vont bénéficier dès le 1er janvier 2000 de la réduction du temps de travail.

Cette différence de traitement nourrit un sentiment d'injustice auquel seules des décisions rapides peuvent mettre fin.

Etes-vous décidée, madame la secrétaire d'Etat, à les prendre ? Dans quel délai ? A partir de quelle distinction entre le personnel soignant et les médecins hospitaliers ? A quel coût additionnel pour la sécurité sociale ? Par ailleurs, une directive européenne a fixé la durée hebdomadaire maximale de travail à 48 heures pour les personnels de santé, y compris les heures supplémentaires.

Il s'agit là, bien entendu, d'un maximum légal dans lequel on comptabilise le temps de garde et d'astreinte, puisque la directive définit le temps de travail comme toute période pendant laquelle le personnel soignant est au travail, à la disposition de l'employeur, et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions. Cette définition correspond au concept de travail effectif défini par l'Assemblée nationale en première lecture de la deuxième loi sur les 35 heures.

Comment pensez-vous, madame la secrétaire d'Etat, concilier la mise en oeuvre de la loi des 35 heures et le contingent maximum d'heures supplémentaires qu'elle autorise avec cette directive européenne ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, le passage de la durée légale du temps de travail à 35 heures dans la fonction publique a été fixé au 1er janvier 2002, avec la définition d'un accord cadre pour le début de l'année 2000 sous la responsabilité du ministre de la fonction publique. Cet accord portera sur les objectifs poursuivis, les principes f ondant l'élaboration d'une nouvelle législation en matière de temps de travail dans la fonction publique et la définition du contenu minimal de cette législation rénovée.

Au terme de ce travail, des discussions seront ouvertes avec les partenaires sociaux au sein de chaque fonction publique, notamment dans la fonction publique hospitalière. Les axes de la négociation pourraient porter sur les objectifs de la réforme en rapport avec la politique hospitalière, sur l'impact de l'emploi au plan quantitatif et au plan qualitatif, en prenant en compte par exemple les nécessaires réorganisations internes dans les établissements et les modalités de négociation au niveau local entre les ARH, les établissements et au sein des établissements. La mise en place de la nouvelle durée légale du temps de travail doit, bien évidemment, aller de pair avec la recherche de l'optimisation des moyens existants, d'une meilleure organisation de l'offre de soins pour une meilleure qualité des services rendus aux usagers.

Le ministère de l'emploi et de la solidarité a prévu un dispositif d'envergure pour l'accompagnement de l'opération, un appui méthodologique, une formation-action, les établissements devant tous disposer de références sur le thème de l'aménagement, de l'organisation et de la réduction du temps de travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Vous avez cité la directive européenne sur le temps de travail des médecins. Vous savez que la transposition de cette directive est actuellement à l'étude. Le ministère a organisé une série de réunions avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers à ce sujet ; la première a eu lieu le 15 octobre dernier.

Il sera effectivement nécessaire de faire d'abord une mise à plat de toute l'organisation du travail médical. Il sera probablement utile de distinguer les secteurs de prise en charge continue, notamment les urgences ou l'anesthésie-réanimation.

Ce travail est indispensable pour envisager les évolutions réglementaires, voire législatives, qui se feront après la phase de concertation. Nous avons deux ans pour parvenir à un accord.

M. le président.

Pour la dernière question du groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez dit tout à l'heure que l'agence française du sang devait se transformer en établissement français du sang sans nous donner beaucoup plus de précisions. Il devrait donc y avoir un établissement français du sang par région, donc quatorze au total. Or il semblerait que certaines régions aient obtenu des dérogations. Je pense non aux centres de transfusion, qui, eux, peuvent être un peu plus nombreux que quatorze, mais aux plateaux de qualification du don.

C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, d'être particulièrement attentive à ce qu'un principe de justice, d'équité s'applique pour toutes les régions.

Pour certaines, ce ne sera peut-être pas nécessaire, un plateau de qualification du don devrait être suffisant, mais, pour d'autres, ne serait-ce qu'en raison de leur configuration géographique ou de l'importance des villes qui les composent, il pourrait être très important de disposer non d'un mais de deux ou de trois plateaux de qualification.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Elle le sera, monsieur le président.

Madame la députée, apparemment vous connaissez bien le sujet. Il est vrai que la loi oblige l'agence française du sang à se transformer en établissement français du sang à la fin de l'année. Des concertations ont été menées de manière très ouverte et très approfondie par le directeur de l'agence.

Un certain nombre d'organisations de la transfusion sanguine ont rendu leurs avis et il apparaît que cette transformation ne pose pas de problèmes : le prélèvement, l a qualification, la redistribution s'organisent d'une manière tout à fait satisfaisante avec un établissementpilote dans chaque région.

Restent trois régions où se posent effectivement des difficultés. Vous les connaissez vraisemblablement aussi bien que moi. La négociation est en train de se poursuivre. Nous n'avons pas d'indication d'une rupture ou ou d'une différence de traitement.

Je crois qu'il faut laisser au directeur de l'agence le soin de poursuivre la négociation aussi loin que possible et, ensuite, nous prendrons des arbitrages si c'est nécessaire, au cas où la négociation n'aboutirait pas. Pour ma part, j'ai bon espoir que nous parvenions partout à conclure des accords garantissant la sécurité que nous devons apporter à la fois aux donneurs de sang et aux receveurs.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe RCV.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Madame la secrétaire d'Etat, le 1er juillet 1998, nous avons voté une loi sur le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits qui prévoyait la mise en place d'un institut de veille sanitaire au sein duquel a été créée une unité santé travail.

Cette unité est chargée de la surveillance épidémiologique des maladies liées au travail. Cette innovation est particulièrement importante au regard des crises sanitaires que nous avons connues, en particulier celle de l'amiante.

Elle est surtout nécessaire en raison des risques de plus en plus nombreux auxquels sont exposés les travailleurs, et qui pourraient déclencher de nouvelles crises sanitaires plus graves encore que celles de l'amiante.

Durant les cinq premières années de sa création, c'està-dire de 1999 à 2003, l'unités santé travail doit se consacrer au développement d'outils indispensables ainsi qu'à la réalisation de programmes finalisés prioritaires. Ces programmes sont essentiels car ils portent sur des pathologies spécifiques ou des nuisances particulières mal connues.

Cette unité s'occupe également de développer des programmes de connaissances des conditions de travail et des expositions professionnelles.

La réalisation de ce programme nécessite environ cinquante personnes et l'attribution d'un budget de fonctionnement annuel d'environ 50 millions de francs.

Ces chiffres sont modestes au regard de l'enjeu. Rappelons pour mémoire que le coût total d'un seul mésothéliome dû au cancer est estimé à 4 millions de francs.

Or le budget prévu pour le fonctionnement de l'unité santé travail est actuellement insuffisant, pour ne pas dire quasi inexistant.

Prendra-t-on les décisions politiques et budgétaires nécessaires pour permettre à l'UST de jouer correctement son rôle ? O u attendrons-nous encore de nouvelles affaires concernant la santé au travail pour pouvoir les prendre ? Tout doit être fait pour permettre à l'UST de remplir son rôle et d'assurer ses missions.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, nous devons rattraper un retard cumulé dans la lutte contre les nuisances liées à l'environnement et aux conditions de travail.

L'institut de veille sanitaire a été doté d'une nouvelle équipe de recherche et d'étude épidémiologiques. Les moyens nécessaires ont été apportés pour conduire la réflexion sur les liens entre santé et travail.

Actuellement, l'unité est petite mais, l'année prochaine, dix chercheurs devraient travailler dans le cadre de ce nouveau département des risques environnementaux et professionnels.

Cela dit, nous devons aller plus loin. L'institut de veille sanitaire doit jouer pleinement son rôle de coordination en réseau avec les professionnels de santé du travail grâce à la mise en place d'un système d'informations sur les expositions professionnelles et d'un système d'informations sur l'état de santé des travailleurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Enfin, nous avons demandé à l'institut de veille sanitaire d'engager des programmes de recherche sur les expositions chimiques, physiques et biologiques dans la population au travail.

M. le président.

La parole est à Mme Gilberte MarinMoskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

La protection de la santé et l'égalité d'accès aux soins sont des nécessités pour la cohésion sociale de notre pays. Ce sont des priorités nationales affichées par la majorité plurielle, notamment par le biais de la loi de lutte contre l'exclusion ou de celle concernant la couverture maladie universelle.

Cependant, madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de m'interroger sur l'arrêté du 30 septembre 1999 portant agrément d'une action expérimentale en matière assurantielle. Pour moi, cet arrêté institue un réseau de santé privé. En effet, la gestion de cette action dite expérimentale sera assurée par une association loi de 1901, dénommée curieusement association « Groupama partenaire santé ». Ceux qui participeront volontairement à cette action expérimentale seront essentiellement des affiliés de l'assurance maladie obligatoire auprès de la Mutualité sociale agricole et, pour ce qui concerne le régime complémentaire, des assurés de Groupama.

Vous n'ignorez pas, madame la secrétaire d'Etat, que la démarche des compagnies d'assurance risque de remettre en cause les solidarités fondamentales, par la sélection des risques et des populations, par la vente à pertes de contrats d'assurance maladie, ces pertes étant compensées par des bénéfices réalisés sur des contrats d'assurance d'une autre nature.

J e tiens ici à réaffirmer mon attachement à la démarche mutualiste qui est garante de l'égalité républicaine. Je crois qu'une majorité comme la nôtre est fondée à faire prévaloir sa conception de la protection sociale définie par le préambule de la Constitution.

Si l'on tient compte des dispositions de la loi sur la couverture maladie universelle, notamment sur la couverture complémentaire, des directives européennes sur l'assurance vie et non-vie, de l'expérimentation en cours que j'ai évoquée, n'existe-t-il pas un réel danger d'assister, dans un futur proche, à la privatisation de notre système de santé, avec toutes les conséquences qui ne manqueront pas d'en découler ? Comment envisagez-vous de tenir la représentation nationale informée des conclusions de cette expérimentation ? Dans un tout autre domaine, je souhaiterais savoir quand les décrets relatifs à la loi sur les soins palliatifs seront pris, étant donné que cette loi a été votée le 6 mai dernier.

M. le président.

Madame Marin-Moskovitz, je vous prie de conclure.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Par ailleurs, je signale que c'est à tort que cette loi est appelée « loi Neuwirth », comme on peut le lire dans une dépêche AFP du 3 novembre reprenant des propos du Président de la République. En fait, la loi en question porte aussi le nom des députés de tous les groupes de cette assemblée qui ont accepté de se saisir du texte débattu au Sénat pour g agner du temps et pour que les soins palliatifs deviennent une réalité.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, l'expérience que vous évoquiez entre Groupama et la MSA résulte d'une initiative de cette dernière. Cette expérimentation ne met nullement en cause la doctrine du Gouvernement, lequel reste déterminé dans son refus d'accepter toute mise en concurrence de la sécurité sociale s'agissant de la couverture des soins des usagers.

Trois départements se sont engagés dans une expérimentation : les Côtes-d'Armor, l'Allier et les PyrénéesAtlantiques.

Le projet de Groupama s'inscrit dans le droit-fil des actions expérimentales conduites par la MSA en matière de soins dentaires et de prise en charge gérontologique.

Ce projet a été agréé pour une durée limitée de dix-huit mois. Il fera l'objet d'une évaluation qui nous permettra d'en déterminer la pertinence sur le terrain et, éventuellem ent, d'en décider la reconduction. Nous sommes ouverts à tout ce qui peut moderniser les pratiques médicales et améliorer la qualité des soins.

Vous avez rappelé à juste titre que la loi sur les soins palliatifs a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée. L es décrets d'application sont à la signature et devraient être publiés incessamment.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

J'aborderai à nouveau le problème des soins palliatifs.

Cette réforme, adoptée sur proposition des députés du Mouvement des citoyens, marque une avancée qualitative car elle place la personne et non plus la pathologie au centre des préoccupations médicales.

Cette avancée législative doit faire l'objet d'une promotion favorisant l'évolution des moeurs et des pratiques médicales. Une des clefs de la réussite repose sur la formation initiale et continue du corps médical. Aujourd'hui, la mort n'est pas un objet des études médicales, elle en traduit l'échec, et la souffrance n'est qu'accessoire.

Je souhaiterais obtenir des précisions, madame la secrétaire d'Etat, sur les moyens que vous mettrez en oeuvre, notamment dans le cadre du titre IV de ce budget, afin de former et de sensibiliser le corps médical à ce problème, et d'inscrire l'allégement de la souffrance dans sa pratique.

En effet, nous avons modifié la loi, mais le bouleversement des pratiques n'interviendra que si nous arrivons à inscrire cette loi dans les moeurs de notre société. Il serait ainsi opportun de lancer une campagne d'information et de promotion contenant les soins palliatifs. Le budget du ministère comporte un certain nombre de paragraphes consacrés à la prévention de comportements pathogènes - toxicomanie, alcoolisme, tabagisme - et à la lutte contre des maladies spécifiques : sida et maladies sexuellement transmissibles.

L'inscription d'un programme de prise en charge de las ouffrance et d'un dispositif d'accompagnement des malades en fin de vie marquerait la volonté politique de placer l'individu au coeur des actions de santé publique.

Cette volonté serait alors clairement identifiable dans une ligne budgétaire propre. Le Parlement et nos concitoyens pourraient suivre au cours du temps les efforts entrepris en faveur de l'allégement des souffrances.

De plus, les actions menées dans le cadre de ce programme donneraient à la loi toute l'effectivité qu'elle requiert, car si la loi institue un droit d'accès aux soins


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

palliatifs, encore faut-il que nos concitoyens aient une information précise sur leurs droits et que les moyens matériels et humains permettent de les exercer.

Je vous remercie par avance de votre réponse.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je veux vous rassurer : la promotion et le développement des soins palliatifs restent une priorité du Gouvernement. Cette action va se développer sur plusieurs années. Ainsi, 75 millions de francs ont été inscrits dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de financer la deuxième tranche du plan pluriannuel sur lequel le Gouvernement s'était engagé. Ces crédits seront intégrés dans les enveloppes régionales déléguées aux ARH pour être distribuées aux établissements de santé mettant en oeuvre des actions dans ce domaine.

En outre, nous allons soutenir des actions de formation continue d'équipes pluridisciplinaires en soins palliatifs, dans le cadre des priorités de formation hospitalière.

Par ailleurs, la CNAM vient, au titre de son fonds d'action sanitaire et sociale, de voter le 2 novembre dernier une enveloppe de 50 millions de francs pour soutenir, sur trois ans, le développement des soins palliatifs.

Tout se déroule, comme vous le voyez, conformément au rythme prévu par la loi.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. François Rochebloine, pour une première question.

M. François Rochebloine.

Régulièrement, à l'occasion des discussions budgétaires, nous sommes amenés à évoquer la situation des personnes handicapées et, régulièrement, malgré les efforts entrepris dans le passé, il nous faut déplorer l'insuffisance des crédits publics mobilisés pour faciliter leur insertion sociale et soulager leurs familles.

Il n'est pas contestable que la rigueur du taux d'évolution des enveloppes financières consacrées à ce secteur se traduit sur le terrain par un manque cruel de moyens.

J'insisterai plus particulièrement sur la situation de l'enfance handicapée et sur les importantes difficultés financières que connaissent les organismes chargés de la gestion des établissements d'accueil.

Si j'en juge par les informations qui m'ont été communiquées pour le seul département de la Loire, il apparaît que de nombreux enfants handicapés sont aujourd'hui en attente de placement dans des établissements spécialisés.

Ainsi, ce sont actuellement 117 enfants qui n'ont pu bénéficier d'une prise en charge - ils seraient 850 pour l'ensemble de la région Rhône-Alpes -, parmi lesquels plusieurs enfants autistes et polyhandicapés maintenus au domicile des familles, mais aussi en nombre croissant des enfants ou des adolescents en grande difficulté, présentant des conduites asociales, violentes, et à ce titre rejetés par les établissements.

En outre, 61 enfants de la Loire bénéficient d'une orientation dans le dispositif enfance handicapée, malheureusement non conforme à leurs besoins. Plusieurs causes expliquent le problème : soit il y a un dépassement de la limite d'âge, en l'absence de places dans des établissements adaptés ou d'un dispositif pour adultes handicapés, soit les établissements ne correspondent pas totalement au handicap.

Cette situation est tout à fait préjudiciable pour l'avenir de ces jeunes et témoigne de l'important retard qu'accuse, encore aujourd'hui, notre pays en matière d'aide aux handicapés.

Dans ce contexte, je souhaite vous faire part des graves difficultés budgétaires auxquelles est confrontée depuis plusieurs mois l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Loire, l'ADAPEI, qui accueille au sein de neuf établissements 375 enfants et adolescents, et dans deux établissements spécialisés quatrevingt-quatre adultes. L'écart entre les sommes allouées par l'Etat et les dépenses engagées par l'ADAPEI approche actuellement 5 millions de francs.

Compte tenu de ces éléments, il apparaît urgent que l'Etat assume pleinement ses responsabilités budgétaires.

Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, ce qui compte, ce n'est pas la proclamation de principes, mais bien au contraire un engagement concret et quotidien sur le terrain, car je le répète, il y a urgence.

Je ne doute pas, madame la secrétaire d'Etat, de votre souci d'améliorer le sort des personnes handicapées, je ne doute pas que vous entendrez cet appel et je vous remercie par avance des informations dont vous me ferez part.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je crois que les associations ont bien compris le message que nous leur avons adressé, Martine Aubry et moi-même, lorsque nous les avons réunies le 1er octobre dernier, pour leur expliquer où nous en étions en ce qui concerne la satisfaction des besoins exprimés, et pour préciser les étapes que nous entendions définir dans les prochaines années en concertation avec elles.

L'année prochaine, l'ONDAM médico-social augmentera de 4,9 %, ce qui représente pour l'enveloppe consacrée aux personnes handicapées une augmentation supérieure à 24 % ; cela mérite d'être signalé et je me fais un plaisir de le rappeler.

Le plan pluriannuel va continuer à se développer et des crédits bien identifiés viseront à répondre à des besoins criants qui n'ont pas été satisfaits jusqu'à maintenant : 50 millions de francs pour les structures pour autistes, 30 millions de francs pour les établissements accueillant des enfants gravement handicapés et polyhandicapés, 50 millions de francs pour l'accueil et la réadaptation des traumatisés crâniens, et 60 millions de francs pour le développement des SESSAD et des centres d'action médico-sociale précoce.

En effet, il ne faut pas seulement agir pour renforcer les institutions et les établissements, il faut aussi permettre l'épanouissement des personnes et des enfants handicapés dans le milieu ordinaire.

M. le président.

La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux.

Madame la secrétaire d'Etat, depuis de nombreuses années, dans le cadre de mes rapports pour l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, je me bats pour qu'une véritable autorité de radioprotection voie le jour en France.

Si l'effort consenti en faveur de l'OPRI est réel, je crains qu'il ne soit guère suivi d'effets s'il n'y a pas une réforme en profondeur de la radioprotection.

Le dévouement de ses personnels est remarquable, mais le premier des maux dont souffre cet organisme est l'absence de définition claire de ses missions : n'est-il qu'un laboratoire de métrologie, comme le dit la DGS ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Constitue-t-il l'appui technique d'une autorité, mais laquelle, le bureau de radioprotection n'ayant pas les moyens de jouer ce rôle ? Ou bien n'est-il qu'un service du ministère ? Dans les trois hypothèses, il ne remplit pas le rôle d'une autorité de radioprotection.

Le second des maux dont souffre l'OPRI est sa centralisation et son manque d'indépendance par rapport aux outils de mesure des exploitants. D'où la difficulté pour l'OPRI de réaliser en temps et en heure les projets arrêtés par l'établissement.

Je donnerai deux exemples.

Il a fallu dix-neuf mois à l'OPRI pour mettre en place une antenne décentralisée à La Hague à cause de problèmes de locaux mal résolus.

Le second exemple concerne Agen, où l'antenne décentralisée a reçu du matériel qui reste dans les cartons, faute de locaux adaptés.

Le troisième des maux dont souffre l'OPRI est son manque de réactivité dès qu'un problème lié au manque de clarté de ses missions surgit.

L'OPRI est un établissement public, pas une direction du ministère. Il devrait pouvoir parler librement, le ministère ne s'exprimant que par le biais de ses prérogatives d'autorité de tutelle. Lors de l'incident récent de Tricastin, au cours duquel un travailleur a reçu des doses importantes, l'OPRI a été le dernier à s'exprimer, bien longtemps après la direction de la sûreté des installations nucléaires, autorité de sûreté. Il paraît que le communiqué était en cours de validation - vision optimiste - ou de censure - vision pessimiste - auprès de votre cabinet, et je puis vous apporter la preuve de ce que j'avance.

Mais, dans ce cas, le communiqué aurait dû émaner de vos services et non de cet établissement public.

Les investissements prévus en 1999 et non réalisés seront-ils maintenus en 2000 ? Quelle est votre vision du rôle de l'OPRI, votre vision d'une autorité de radioprotection ? Etes-vous associée à la démarche de votre collègue de l'environnement dans l'élaboration de la loi nucléaire ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, cette question dépasse l'exercice dans lequel nous nous inscrivons aujoud'hui. Mais si vous avez des accusations à formuler à l'encontre d'un établissement de cette nature, je crois qu'il vaudrait mieux vous en expliquer franchement, et sortir de l'allusion et de l'insinuation, afin que le débat soit transparent.

M. Claude Birraux.

Ce n'est pas une insinuation mais un fait ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'ai sous les yeux une note rappelant que c'est à la demande des ministres de tutelle que l'OPRI avait communiqué toutes les informations disponibles sur cet incident et qu'elle avait procédé immédiatement à une inspection sur le site. Les constats de cette inspection ont été publiquement présentés lors d'une réunion du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires.

Si vous estimez qu'il y a eu rétention de l'information, nous devons en discuter, mais je n'ai pas pour l'instant d'éléments me permettant de vous répondre.

L'important effort budgétaire dont l'OPRI bénéficie s'accompagnera d'un développement de ses ressources humaines. En plus de ses médecins, de ses ingénieurs et de ses chercheurs, l'OPRI recrutera prochainement de nouveaux cadres administratifs et juridiques. Pour ma part, je pense qu'il doit procéder à une restructuration quantitative et qualitative de son dispositif, et notamment renforcer ses moyens opérationnels pour faire face aux situations d'urgence radiologique et à la surveillance des i nstallations nucléaires industrielles ou médicales, accroître les mesures et analyses de radioactivité dans l'environnement, développer les actions de communication vis-à-vis du public, avec la mise en place d'un réseau télématique permettant l'accès en temps réel à toutes les données de surveillance, poursuivre son plan quinquennal d'investissement de 80 millions de francs et, enfin, renforcer ses divisions régionales pour assurer une présence accrue sur le terrain.

Le budget que je vous ai présenté cet après-midi pour l'année 2000 prévoit cette montée en puissance et ce renforcement de la qualité des interventions de l'OPRI.

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine, pour poser une seconde question à Mme la secrétaire d'Etat.

M. François Rochebloine.

Les nouvelles modalités d'application de l'exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour l'emploi des aides à domicile introduite par l'article 5 de la loi no 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale suscite de nombreuses et légitimes interrogations.

Le décret no 99-485 du 9 juin 1999 n'a en effet pas apporté les réponses attendues par l'ensemble des collectivités et structures concernées.

Une circulaire ministérielle, annoncée depuis plusieurs mois maintenant, serait toujours en cours de préparation.

En raison des conséquences financières que cette mesure pourrait entraîner, madame la secrétaire d'Etat, je vous demande, avec mon collègue et ami Dominique Paillé, de nous confirmer l'étendue du régime d'exonération.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, la circulaire que vous évoquez est parue le 29 octobre dernier, mais je me ferai un plaisir de vous l'adresser.

M. François Rochebloine.

Merci ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Elle concerne le plafonnement de l'exonération pour certains particuliers, les conditions d'exonération des personnes hébergées en famille d'accueil et l'exonération accordée à certaines structures d'aide à domicile.

J'insisterai sur les nouvelles dispositions applicables au secteur de l'aide à domicile, qui constitue un pôle de solidarité essentiel à notre société.

La mesure adoptée lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale répond à une demande récurrente des organismes d'aide à domicile : être exonérés des cotisations patronales de sécurité sociale pour leurs interventions chez les personnes ayant droit à cette exonération en tant que particuliers.

M. le président.

Nous en revenons au groupe communiste.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M me Muguette Jacquaint.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez déjà répondu en partie à ma question, mais je veux vous faire part de notre inquiétude concernant la formation en gynécologie médicale.

Plusieurs milliers de femmes sont préoccupées par l'évolution de cette profession, qui est en voie d'extinction : en effet, s'il y a aujourd'hui 2 000 spécialistes, ils ne devraient plus être que 500 en 2020.

Le rôle prépondérant de la gynécologie médicale dans notre système de soins est attesté depuis de nombreuses années, en particulier en ce qui concerne la prévention, la contraception, le dépistage des cancers féminins ou les traitements médicaux, par exemple celui de la ménopause.

Ces professionnels ont réussi à instaurer un climat de confiance dans un cadre d'intimité certain avec les patientes.

Les réponses apportées par le ministère aux carences de la formation, et qui ont consisté à compléter la formation d'obstétricien par un module complémentaire d'enseignement en gynécologie médicale optionnel, ne sont pas satisfaisantes. Pourquoi suivre une formation de chirurgien pour être médecin ? Surtout si ce complément de formation est facultatif.

Cette préoccupation est partagée par 400 000 femmes, qui ont signé une pétition. Elles s'inquiètent du risque de disparition de cette profession, qui exige une formation obligatoire sanctionnée par un diplôme ouvrant droit à l'exercice de la gynécologie médicale.

C'est une condition sine qua non pour permettre à toutes les femmes de consulter régulièrement un gynécologue, chaque fois que c'est nécessaire.

Les femmes ayant des revenus modestes, qui ne peuvent faire l'avance des frais, devront se diriger vers un médecin référent, qui les adressera aux gynécologues, pour bénéficier du tiers payant. Mais les femmes qui peuvent faire l'avance des frais pourront accéder directement à ces professionnels. Cette différence d'accès aux soins, en fonction des ressources des individus, nous paraît très injuste.

Quelles réponses pouvez-vous apporter à l'inquiétude exprimée par toutes ces femmes, inquiétude que nous partageons ? Quelles dispositions pouvent être mises en oeuvre pour faire bénéficier de la dispense d'avance de frais les personnes aux revenus modestes qui doivent consulter un gynécologue, sans qu'on les oblige pour autant à passer par un médecin référent ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, je vous remercie de me permettre de m'exprimer une nouvelle fois sur le problème de la gynécologie médicale.

Je réaffirme solennellement que la gynécologie médicale n'est pas menacée de disparition. Effectivement, un problème de démographie médicale est apparu avec la désaffection pour un certain nombre de spécialités : gynécologie, anesthésie, réanimation et pédiatrie, par exemple ; la gynécologie médicale n'était donc pas seule concernée.

Pour répondre à ce déficit, Bernard Kouchner avait déjà décidé d'augmenter le nombre de postes d'interne et de former 110 gynécologues de plus en 1999. Leur nombre augmentera de 30 en 2000 et de 30 encore l'année suivante afin que nous puissions à terme former 200 gynécologues obstétriques et médicaux, et trouver une solution au déficit démographique que vous avez évoqué.

Par ailleurs, depuis 1986, c'est un diplôme d'études spéciales qui formait à la gynécologie médicale et obstétrique. Et 50 % des étudiants diplômés se dirigeaient vers la gynécologie médicale ; il n'y a donc pas d'extinction du corps.

Un certain nombre de gynécologues médicaux ont alerté les femmes, qui se sont émues à juste titre à l'idée que cette discipline puisse disparaître. Nous avons travaillé ensemble et j'ai organisé une concertation régulière avec des membres de mon cabinet afin de définir et d'approfondir une maquette de formation qui donne aujourd'hui satisfaction à ceux qui réclamaient un renforcement de la formation en gynécologie médicale. Un module de 200 heures de formation pendant les cinq ans de formation est possible. Nous attendons l'accord de l'ensemble des collèges de gynécologues ; celui-ci devrait être signifié d'ici à la fin de la semaine.

Vous vous faites l'écho de l'association de défense de la gynécologie médicale en demandant pourquoi on se formerait plus que les autres si c'est pour être gynécologue comme les autres ? En fait, ce ne sera pas le cas puisque, pendant les deux dernières années de formation, seront dispensées 200 heures de formation supplémentaire en gynécologie médicale. Cette formation sera sanctionnée par un diplôme de « gynécologue médicale et obstétrique ».

Ceux qui ne choisiront pas cette spécialité continueront leur parcours de gynécologue-obstétricien, mais avec une formation en gynécologie médicale car on ne peut imaginer que l'on puisse pratiquer la gynécologie-obstétrique sans connaissance de la gynécologie médicale.

En ce qui concerne la couverture sociale des patientes, rappelons que seulement 60 % des femmes consultent un gynécologue. Cela tient à leurs pratiques culturelles ou est une conséquence de l'offre de soins dans leur région. Il est donc nécessaire que les médecins généralistes soient aussi sensibilisés à la santé des femmes, d'où la formation dont je viens de parler. A la faveur de la réforme des études médicales, nous allons introduire une formation renforcée à la gynécologie médicale et à l'obstétrique, y compris pour les médecins généralistes. Il ne s'agit pas d'obliger les femmes à aller consulter un généraliste, mais de faire bénéficier toutes les femmes d'un suivi et d'un dépistage des maladies, notamment des cancers féminins.

Quant à l'obligation de passer par un médecin référent, je rappelle que ce médecin n'existe que dans le cadre conventionnel fixé par les partenaires. Aujourd'hui, 10 % de médecins généralistes ont passé une convention avec la caisse d'assurance maladie. Les femmes qui auront choisi d'entrer dans ce système pourront très bien négocier avec leur médecin référent l'adjonction d'un gynécologue ou d'un ophtalmologiste dans la convention, les consultations chez l'ophtalmologiste étant aussi de celles que l'on peut prévoir et que l'on a besoin de répéter régulièrement. Elles pourront sinon consulter directement un gynécologue ou un ophtalmologiste ; elles paieront alors leurs consultations et se feront rembourser par l'assurance maladie, comme cela se fait dans toutes les autres situations.

Si le recours à la convention et au médecin référent devait se poursuivre, on pourrait réexaminer l'opportunité de faire entrer des médecins de premier accès, comme le gynécologue ou l'ophtalmologiste, dans les conventions passées avec la CNAM. Mais je ne pense pas que ce soit une demande formulée par l'association de défense de la gynécologie médicale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ II. - Santé et solidarité

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Emploi et solidarité : II. Santé et solidarité ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 348 539 873 francs ;

« Titre IV : 10 216 177 346 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ETAT

« Autorisations de programme : 96 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 46 800 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENTS ACCORDÉES PAR L'ETAT

« Autorisations de programme : 443 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 104 500 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

M. Jean-Luc Préel.

Contre ! (Le titre III est adopté.)

M. le président.

Sur le titre IV de l'état B concernant la santé et la solidarité, M. Préel a présenté un amendement, no 110, ainsi rédigé :

« I. Réduire les crédits de 7 000 000 000 francs.

« II. Les pertes de recettes pour le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle sont compensées, à due concurrence, par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Cet amendement est très simple : il vise à supprimer le fonds d'Etat devant financer le volet complémentaire de la CMU instituée par la loi du 27 juillet 1999.

Les décrets concernant le fonds lui-même et la CMU ne sont pas parus, le panier de soins n'est pas défini, ce qui pose de sérieux problèmes. Le coût, estimé au mieux à 10 milliards de francs, n'est pas précisément connu.

Qu'en sera-t-il des prothèses auditives et dentaires ou des lunettes ? Seront-elles totalement prises en charge ? Y aura-t-il des prothèses pour les bénéficiaires de la CMU et d'autres pour les autres assurés sociaux, ou tout le monde pourra-t-il bénéficier des mêmes prothèses et au même prix ? Surtout, la CMU remet en cause l'un des principes sur lesquels est fondée notre protection sociale : une frontière claire entre régimes de base et régimes complémentaires - CPAM pour les premières, et mutuelles, assurances et institutions de prévoyance pour les secondes.

Une fédération de mutuelles, la FNIM - Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles -, a d'ailleurs introduit un recours à Bruxelles. Elle a déposé le 19 juillet 1999 deux plaintes, pour aide d'Etat non notifiée et pour abus de position dominante.

Pour sa part, l'UDF défend le principe d'une aide personnalisée « santé » dégressive selon le revenu, semblable à l'aide au logement, pour permettre au bénéficiaire de financer son assurance complémentaire. C'est pourquoi il paraît judicieux de supprimer la ligne budgétaire concernant la CMU.

M. Jean Bardet.

Voilà qui a le mérite d'être clair !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la santé, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 110.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la santé.

Si l'amendement est très simple, l'avis de la commission le sera tout autant puisqu'elle n'en a pas été saisie et qu'elle n'a donc pu l'examiner.

L'amendement tend à remettre en cause un élément central de la loi instituant la couverture maladie universelle, adoptée à la fin de la précédente session par notre assemblée. Cette loi avait fait l'objet de discussions approfondies au cours de la procédure parlementaire. Notre assemblée s'est donc prononcée en connaissance de cause.

Des choix ont été effectués ce ne sont pas les vôtres, monsieur Préel - parmi lesquels celui de la création d'un fonds de financement de la protection complémentaire. Il ne me paraît donc pas opportun de rouvrir le débat aujourd'hui.

La commission n'a pu se prononcer mais, à titre personnel, je suis défavorable à l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

La couverture maladie universelle est une priorité du Gouvernement. La loi a été votée et ses équilibres financiers sont connus.

M. Jean Bardet.

Ses déséquilibres financiers, voulezvous dire ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

L'avis du Gouvernement ne peut qu'être défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 70.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Après l'article 70

M. le président.

M. Mitterrand a présenté un amendement no 116, ainsi rédigé :

« Après l'article 70, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement présente chaque année, en annexe à la loi de finances, un état retraçant les crédits qui concourent aux actions en faveur des droits des femmes. »

La parole est à M. Gilbert Mitterrand.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial.

Bondissant sur les propos de Mme Nicole Péry - le terme « bondissant » est très caractéristique du Pays basque, et le fait que je le reprenne lui fera plaisir -, le présent amendement vise à concrétiser dès l'année prochaine la perspective ouverte par elle-même à la fin de son intervention.

Mme Nicole Péry a en effet envisagé le dépôt chaque année par le Gouvernement d'une annexe jaune à la loi de finances, permettant de récapituler les crédits des différents ministères concourant aux actions en faveur des droits des femmes. Il ne fait pas de doute que le Gouvernement aura à coeur de respecter cet engagement. Outre sa portée juridique toutefois, l'amendement inciterait les ministères à préparer d'ores et déjà leurs contributions respectives à ce document. Trop souvent, le Parlement est amené à déplorer que les documents jaunes soient distribués trop peu de temps avant la discussion budgétaire.

C'est pourquoi il paraît utile d'inscrire dès à présent cette obligation dans les textes et de soutenir l'initiative de Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Très bien !

M. le président.

Je pense que vous ne pouvez donner l'avis de la commission car elle n'a sans doute pas eu le temps d'examiner l'amendement...

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial.

La commission y est évidemment favorable par délégation. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Cela méritait d'être précisé.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je me contenterai d'exprimer l'accord du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 116.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la solidarité et la santé.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 est renvoyée à la prochaine séance.

3 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Christian Estrosi, une proposition de loi tendant à renforcer la prévention du risque sismique en France.

Cette proposition de loi, no 1890, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Jacques Godfrain, une proposition de loi portant création d'un « pacte de croissance » solidaire pour la stabilité de l'actionnariat.

Cette proposition de loi, no 1891, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de MM. Goasguen et Houillon, une proposition de loi relative à l'introduction de la mixité professionnelle comme principe général d'organisation des tribunaux et cours administratives d'appel.

Cette proposition de loi, no 1892, est renvoyée à la commission de lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. François Léotard, une proposition de loi relative à la lutte contre la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de personnes à raison de leurs pratiques sexuelles non réprimées par la loi.

Cette proposition de loi, no 1893, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Arthur Paecht, une proposition de loi tendant à rétablir l'équité entre les rapatriés.

Cette proposition de loi, no 1894, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Léonce Deprez et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à rendre effectif le principe de parité entre hommes et femmes dans les communes de plus de 2001 habitants.

Cette proposition de loi, no 1895, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Gérard Grignon, une proposition de loi portant transfert de compétence en matière de réglementation des conditions d'exploitation des navires de commerce à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette proposition de loi, no 1896, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Félix Leyzour et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables, non stockables, en cas de crise conjoncturelle.

Cette proposition de loi, no 1897, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. François Goulard et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative à la création des bons de croissance, pour le développement de l'actionnariat salarié et le soutien des entreprises innovantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

Cette proposition de loi, no 1898, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Alain Ferry, une proposition de loi visant à garantir la transparence et la sécurité juridique des élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Cette propostion de loi, no 1899, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Yves Nicolin, une proposition de loi tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés.

Cette proposition de loi, no 1900, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Guy Teissier, une proposition de loi réglementant l'accès des mineurs à certains jeux vidéos.

Cette proposition de loi, no 1901, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Guy Teissier, une proposition de loi visant à lutter contre le blanchiment de l'argent provenant de l'activité criminelle.

Cette proposition de loi, no 1902, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Michel Hunault, une proposition de loi visant à abroger la procédure de

« mise en état ».

Cette proposition de loi, no 1903, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. François d'Aubert et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à favoriser l'épargne de proximité et les investissements informels pour le lancement des entreprises innovantes.

Cette proposition de loi, no 1904, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Jean Pontier et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à consacrer l'année 2000 « Année de la fraternité ».

Cette proposition de loi, no 1905, est renvoyée à la commission des lois constitionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Christian Kert, une proposition de loi relative au dépistage systématique des enfants atteints de troubles entraînant des difficultés d'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Cette proposition de loi, no 1906, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Jean Tiberi, une propositon de loi relative à la diminution des prélèvements opérés par l'Etat sur les cotisations d'impôts locaux.

Cette proposition de loi, no 1907, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Marc Laffineur et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à diminuer d'un point le taux normal de TVA.

Cette proposition de loi, no 1908, est renvoyée à la commission de finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de MM. Michel Inchauspé et Yves Deniaud, une proposition de loi relative au financement du schéma directeur national des autoroutes.

Cette proposition de loi, no 1909, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Jean-Antoine Leonetti, une proposition de loi tendant à valider les admissions en deuxième année des étudiants des facultés de médecine et d'odontologie de Nîmes et Montpellier.

Cette proposition de loi, no 1910, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Jean-Jacques Weber, une proposition de loi visant à encadrer la distribution à domicile des publications à caractère publicitaire.

Cette proposition de loi, no 1911, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Yves Nicolin et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à la certification des comptes administratifs des collectivités territoriales sur procédure d'alerte.

Cette proposition de loi, no 1912, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de M. Alain Ferry, une proposition de loi instituant un corps de directeurs d'école du premier degré.

Cette proposition de loi, no 1913, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 9 novembre 1999, de Mme Annette Peulvast-Bergeal, un rapport, no 1914, fait au nom de la commission de la production et des échanges sur la proposition de résolution de M. Philippe Douste-Blazy tendant à la création d'une commission d'enquête sur les phénomènes de pollution atmosphérique urbaine pour la limitation de leurs conséquences sanitaires et l'élaboration d'une doctrine de gestion des risques (no 1785).


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5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Mercredi 10 novembre 1999, à quinze heures, séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861) ; Affaires étrangères : vote sur les crédits.

Affaires étrangères : M. Yves Tavernier, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 1 au rapport no 1861) ; M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 1863, tome II).

Relations culturelles internationales et francophonie : M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome I) ; M. Georges Hage, rapporteur pour avis, au nom de la c ommission des affaires étrangères (avis no 1863, tome IV).

Coopération et développement : M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 3 au rapport no 1861) ; M. Pierre Brana, rapporteur pour avis, au nom de la c ommission des affaires étrangères (avis no 1863, tome III).

Affaires étrangères et coopération : M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome I).

Défense : vote sur les crédits ; articles 40 et 41 : M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 40 au rapport no 1861) ; M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 1863, tome VI).

Dissuasion nucléaire : M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome II).

Espace, communication et renseignement : M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome III).

Forces terrestres : M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome IV).

Marine : M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome V).

Air : M. Yann Galut, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome VI).

Titre III et personnels de la défense : M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome VII).

Crédits d'équipement : M. Jean Michel, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome VIII).

Services communs : M. Michel Meylan, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome IX).

Gendarmerie : M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1864, tome X).

La séance est levée.

(La séance et levée à vingt heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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Projet de loi de finances pour 2000 Réunion de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République COMPTE RENDU INTÉGRAL

(Les questions écrites et les réponses concernant ces crédits s ont publiées page 9159) Séance du mercredi 20 octobre 1999

SOMMAIRE Crédits de la justice Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de l a République.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration civile et les services judiciaires.

M. André Gérin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l es services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse.

Mme la présidente, MM. Louis Mermaz, Jean-Luc Warsmann, Georges Hage, Jean-Antoine Leonetti, Alain Touret, Pascal Clément, Georges Sarre , Jacky Darne, Robert Pandraud, Mme Nicole Feidt, MM. Jean Pontier, Claude Hoarau, Jérôme Lambert, René Dosière, Bruno Le Roux.

Mme la garde des sceaux.

PRÉSIDENCE DE MME CATHERINE TASCA

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration génér ale de la République.

La séance est ouverte.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous inaugurons ce matin la nouvelle procédure d'examen des fascicules budgétaires préconisées par les groupes de travail que présidai t le président Fabius.

Très rapidement, je voudrais vous rappeler les principes, le mode d'emploi de cette nouvelle procédure.

L'objectif de la réforme est, d'une part, de rendre la discussion budgétaire plus vivante et, d'autre part, d'éviter la répé tition systématique des débats que nous avons en commission et qui sont repris en séance publique.

Nous allons donc aujourd'hui tenir une réunion plus ouverte que nous n'en avons l'habitude en commission. Nous allons entendre à la fois le rapporteur spécial de la commission des finances et nos rapporteurs pour avis. En outre, tous les membres de l'assemblée qui souhaiteront participer à cette discussion seront bien évidemment les bienvenus. En contrepartie, le déroulement même de la séance publique est modifié. Elle sera consacrée à l'examen des crédits du ministère de la justic e, le 29 novembre prochain, et limitée, outre l'intervention de la ministre et des rapporteurs, à une explication par groupe. C'est en fait notre procédure d'examen simplifiée appliquée à l'exame n des fascicules budgétaires.

Ce matin, nous allons entendre Mme la garde des sceaux. Je donnerai ensuite la parole au rapporteur spécial de la commission des finances, M. Patrick Devedjian, puis aux rapporteurs pour avis de la commission des lois, M. André Gérin et M. Jacques Floch : M. Jacques Floch, pour les services judiciaires et M. André Gérin pour les services pénitentiaires. Ensuite interviendront un orateur par groupe. Dans un deuxième temps, je redonnerai la parole à Mme la garde des sceaux, après ces interventions. Puis nous entamerons ce qui est le moment le plus vif de nos échanges en commission, c'est-à-dire les questions que vous souhaiterez poser, les uns et les autres, à Mme la garde des sceaux et les observations et considérations que vous souhaiterez émettre sur le budget de la justice. Concernant les questions très ponctuelles, il serait préférable qu'elles soient renvoyées à l a procédure des questions écrites. Vous savez que des questions écrites pourront être déposées jusqu'à demain midi, c'est-à-dire très exactement quinze jours avant le déroulement de la séance publique qui est programmée pour le 9 novembre.

La procédure, que nous avons le redoutable honneur d'inaugurer ce matin, sera un succès si nos échanges gardent le caractère très direct, très vivant de nos débats habituels en commis sion. Cela nous impose à tous une contrainte, pas toujours agréable, je le conçois, qui est celle de la concision, Je compte vraiment sur la participation de chacun à cette concision. Je donnerai des temps indicatifs pour les interventions, tout en sachant que je n'ai pas bien sûr de moyens de coercition, mais c'est l'intérêt même de notre débat qui est en jeu.

Madame la garde des seaux, vous avez la parole.

Mme la garde des sceaux.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je vais tâcher de participer de cette concision dans un instant. Je suis très heureuse d'inaugurer, avec vous, la nouvelle organisation du débat budgétaire décidée par le président de l'Assemblée nationale. Je pense que cette expérience est de nature à valoriser le


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travail des commissions et peut-être à nous permettre d'avoir un échange plus direct, comme nous l'avons souvent en commission, mais à propos du budget cette fois-ci.

Ce budget, que je présente devant vous pour l'an prochain, est un budget encore meilleur que celui des deux années précédentes. C'est un budget qui sort de l'ordinaire. Pour la troisième année consécutive, l'Etat marque en effet une forte priorité pour le ministère que j'ai l'honneur de diriger.

Quelques chiffres simplement. D'abord, il est proposé d'augmenter de 1 milliard de francs les crédits globaux du ministère, soit une progression de 3,9 %, c'est-à-dire trois fois supérieure à la moyenne de la progression des dépenses du budget de l'Etat.

Il est proposé de créer 1 237 postes, c'est-à-dire la plus forte hausse, et de loin, de tous les ministères. Une hausse qui dépasse les créations de postes des années précédentes dont vous aviez eu l'occasion - ce dont je vous remercie - de souligner à quel point elles étaient importantes. Il y aura donc 1 237 créations de postes l'an prochain au lieu de 930 l'an dernier et de 762 en 1998, ce qui est évidemment exceptionnel.

Je souligne que le budget de mon ministère bénéficie de 75 % des créations nettes d'emplois de l'année 2000, tous ministères confondus. Nous avons aussi une augmentation, que je peux qualifier d'historique, des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que des emplois créés dans ce service : 380 au lieu de 150 l'an dernier et de 100 l'année précédente.

Nous avons également, pour l'ensemble du ministère, 5,15 % d'augmentation des crédits de fonctionnement des services, ainsi q u'un montant d'autorisations de programme important : 1,5 milliard de francs destiné à poursuivre à la fois la construction et la rénovation des palais de justice et des établissements pénitentiaires. Si bien que sur les trois budgets que j'ai eu l'honneur de présenter devant vous, les crédits du ministère auront progressé de 3,4 milliards de francs, c'est-à-dire de 14 % en trois ans et que nous aurons créé près de 3 000 postes, 2 930 exactement. Nous voyons là un véritable changement d'échelle. Il est important de souligner cela car nous avons eu, dans le passé, un peu l'habitude de voir des budgets « feux de paille » qui étaient très bons une année et qui retombaient les années suivantes. Là , je ne peux que me féliciter de la solidarité du gouvernement et, évidemment, je l'espère encore cette année, de votre soutien. Je vais maintenant donner des indications plus précises sur chacun des trois services du ministère. D'abord sur les services judiciaires. Je vous l'ai dit, 382 emplois créés, mais aussi 450 millions de francs de crédits de fonctionnement et d'intervention et 805 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles.

Comme les années précédentes, ces crédits et ces emplois sont destinés à la fois à améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien et à assurer la mise en oeuvre des réformes. Sur ces 382 emplois, nous avons 212 créations de postes de magistrat judiciaire, c'est-à-dire un niveau que l'on n'avait plus connu depuis vingt ans. Je souligne qu'en trois ans, nous aurons créé 422 postes de magistrat judiciaire, c'est-à-dire plus en trois ans que de 1987 à 1997. La répartition prévisionnelle de ces postes est la suivante. Il est important que je puisse vous la donner à ce stade parce qu'elle montre bien comment nous répartissons le financement des réformes et les dotations au fonctionnement.

Sur ces 212 postes, 100 iront à la mixité dans les tribunaux de commerce, c'est-à-dire la présence de magistrats professionnels dans les tribunaux de commerce, qui constitue la première tranche de la réforme que j'aurai l'honneur de présenter au parlement l'an prochain. Une fois de plus, comme cela avait été le cas l'an dernier pour la détention provisioire, un financement est prévu avant même que la réforme soit votée par le parlement.

48 postes pour le contentieux de la liberté. Nous en avions créé 62 l'an dernier. Là, nous avons donc la totalité des postes nécessaires pour créer les juges de la détention provisoire.

25 postes pour les mineurs, aussi bien des juges que des substituts. Une mesure qui fait suite aux décisions du conseil de sécurité intérieure de janvier dernier. 34 postes seront prévus pour la résorption des retards, 4 pour la réforme du conseil supérieur de la magistrature et un pour l'état civil de Mayotte.

Evidemment, outre des postes de magistrats, il faut créer des postes de fonctionnaires, des postes administratifs et de greffe.

Aussi allons-nous créer l'an prochain 145 postes de greffiers au lieu de 122 cette année.

Je souligne, à cet égard, que nous aurons l'an prochain moins de créations de postes de fonctionnaire que de créations de postes de magistrat, 145 au lieu de 212. Cela résulte du fait que dans les tribunaux de commerce, où nous créons 100 postes de magistrat, il y a déjà des greffes qui sont, comme vous le savez, des greffes privés.

En outre, nous aurons les postes de greffier nécessaires pour renforcer les tribunaux d'instance, qui vont recevoir bientôt, je l'espère, les premières demandes concernant le PACS. Cela fait l'objet d'une mesure spécifique. Le renforcement de la gestion se poursuivra avec la création de 25 postes administratifs et techniques pour accompagner la déconcentration des services. Nous recruterons également 100 assistants de justice supplémentaires, ce qui porte leur total à 1 050. Enfin, nous recruterons 1 000 emplois jeunes pour l'accueil du public dans les tribunaux et les maisons de justice.

Sur le plan statutaire, le point marquant est la constitution d'une deuxième provision de 20 millions de francs pour financer la réforme du statut des magistrats. L'an dernier, nous avions eu 18 millions de francs, ce qui porte à près de 40 millions de francs les montants provisionnés pour cette réforme, soit environ 40 % de son coût global. Comme je vous l'avais dit, le financement de cette réforme sera étalé sur quelques années.

Cette réforme pourra rentrer en vigueur dès que le congrès aura été réuni pour la réforme du conseil supérieur de la ma gistrature et que je pourrai, par conséquent, présenter au Parlement le projet de loi organique sur le statut de la magistrature. Mais d'ores et déjà nous avons, là encore, l'exemple d'un financement prévu avant même que la réforme ait été votée par le Parl ement.

Sur le plan indemnitaire, une enveloppe de 17 millions de francs nous permet de donner une priorité aux agents de catégorie C et aux fonctionnaires des greffes. Pour leur fonctionnement courant, les juridictions bénéficieront de 26 millions de francs de plus. Ce qui permettra d'accompagner la déconcentration, la mise en service des nouveaux bâtiments judiciaires, la constitution des pôles de lutte contre la délinquance économique et financière, pour lesquels nous avons reçu cette année 15 agents du ministère des finances affectés aux quatre premiers pôles (Paris, Bastia, Lyon et Marseille). A terme, nous aurons douze de ces pôles. Ces moyens supplémentaires sont également destinés aux conseils départementaux d'aide juridique et aux maisons de la justice et du droit. Je signale également que nous nous engageons résolument dans ces politiques partenariales avec les collectivités locales, qu'il s'agisse des contrats locaux de sécurité , des maisons de la justice et du droit, ou encore des contrats de plan Etat-région, où, pour la première fois cette année, mon ministère dispose d'une enveloppe conséquente, en tout cas en spectaculaire augmentation, même si elle reste plus petite que celle d'autres ministères traditionnellement présents sur ces contrats de plan Etat-régions.

Les frais de justice. Je voulais attirer votre attention sur ce point. Ils voient leur dotation augmenter de 109 millions de francs et je souligne que cette hausse ne sera pas destinée à financer la dérive des coûts, mais de nouvelles mesures. 30 millions de francs seront consacrés au financement de la loi sur la présomption d'innocence, c'est-à-dire l'indemnisation des personnes abusivement détenues, puis relaxées, acquittées ou béné ficiant d'un non-lieu. C'est un amendement de votre assemblée, n'est-ce pas, monsieur Tourret, qui est ainsi financé. 19 millions de francs sont prévus pour la mise en oeuvre de la loi du 18 juin 1999 sur la sécurité routière, pour le dépistage de l'u sage des stupéfiants dans les accidents mortels de la circulation, loi présentée par un de mes collègues, Jean-Claude Gayssot. 10 millions de francs sont destinés à la prise en charge des 200 délé gués du procureur supplémentaires, dont le recrutement a été décidé dans le cadre du conseil de sécurité intérieure. Et enfin, 41 millions de francs sont réservés à la couverture sociale des collabor ateurs occasionnels du service public de la justice.

L'aide juridictionnelle, d'un montant de 1,54 milliard de francs, est en hausse de 100 millions de francs. C'est un poste très important, vous le savez. Ces crédits, qui permettent d'assurer la défense et la représentation des justiciables les moins favorisés, bénéficient de plusieurs mesures nouvelles. 47 millions de francs liés au projet de loi renforçant la présomption d'innocence et prévoyant l'intervention de l'avocat dès la première heure de la garde à vue. C'est donc une mesure financée.


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17 millions de francs pour la revalorisation d'unité de valeur qui vient s'ajouter à la précédente hausse de l'an dernier. Nous avons aussi prévu des crédits pour la construction. 805 millions de francs d'autorisations de programme, ce qui nous permettra de lancer la construction des palais de justice de Pontoise, Cahors, Laval, Bobigny, Versailles et d'engager le désamiantage de Nanterre. Cette année, nous avons livré les palais de justice de Rennes, Nice, Grasse et bientôt Nantes. Nous devrions, en 2000, voir l'achèvement des chantiers de Grenoble et Avignon.

Il faut mentionner aussi les juridictions administratives pour lesquelles nous faisons un effort important. 83 créations de postes, dont 40 de magistrats au lieu de 71 l'an dernier, dont 20 de magistrats. Nous avons aussi une nouvelle tranche de 50 millions de francs d'autorisations de programme, qui va nous permettre de lancer le chantier, de l'achèvement des travaux de restauration du conseil d'Etat d'abord, mais aussi des tribunaux administratifs avec notamment le lancement du chantier de Cergy-Pontoise et le relogement du tribunal administratif de Rouen. Je rappelle que la répartition de ces moyens est désormais effectuée, depuis deux ans, à partir de critères objectifs re ndus publics dans une circulaire. Cette approche nous a permis de mettre en place un véritable plan d'urgence de sauvetage des cours d'appel avec l'affectation, en deux ans, d'une centaine de magistrats, grâce aux recrutements exceptionnels que vous avez bien voulu voter. Naturellement, les emplois 2000 seront affectés selon la même transparence.

Bien entendu, je souhaite évaluer la qualité du service public.

C'est un effort que nous poursuivons déjà. Nous progressons sur la question de l'évaluation car les indicateurs actuels sont encore trop grossiers, ils ne rendent pas compte de la diversité des situations sur le terrain. L'encombrement des juridictions est variable, nous travaillons à sa résorption. Je suis naturellement prête, sur ce point comme sur d'autres, à répondre à vos questions. J'observe simplement que la justice a fait un important effort de productivité depuis 20 ans puisque sur cette période, on a vu un doublement des affaires jugées au fond : un million d'affaires en 1979 contre deux millions aujourd'hui, sans dérive comparable des délais. En effet, les délais, ont augmenté, c'est malheureux, mais ils n'ont augmenté que de 25 %, alors que les affaires doublaient et que l'effectif des magistrats augmentait, lui aussi, de 25 % seulement. Je voudrais également évoquer la maîtrise des frais de justice. Vous savez qu'ils ont augmenté spectaculairement ces dernières années, puisqu'ils sont passés de 1,1 milliard de francs en 1993 à 1,6 milliard de francs en 1998, soit en moyenne 100 millions de francs d'augmentation par an. Nous avons pris des mesures réglementaires en 1999 pour arrêter cette dérive (contrôle des devis des expertises par les parquets, rév ision du tarif des fourrières) et nous avons aussi passé des contrats avec les cours d'appel. Ces contrats consistent à verser aux juridictions un complément de crédits de fonctionnement à proportion des économies qu'elles réalisent sur les frais de justice. Je peux dire que les résultats sont là. J'espère qu'ils vont se poursuivre. Au 30 septembre 1999, sur les neuf premiers mois de l'année, nous avons obtenu, pour la première fois depuis des années, une stabilisation en volume des frais de justice, y compris pour le pénal. Je crois que c'est un progrès décisif parce que c'est le plus gros poste de dépenses de ce ministère.

Voilà pour les services judiciaires. Pour la protection judiciaire de la jeunesse, le traitement de la délinquance des mineurs est une des priorités fortes de ce gouvernement. Nous avons là une politique qui se développe selon trois axes : premièrement, se donner les moyens de répondre rapidement et systématiquement aux actes de primo-délinquance ; deuxièmement, renforcer les dispositions d'hébergement ; et, troisièmement, développer les mesures de réparation. Qu'avons-nous comme moyens pour appliquer cette politique ? D'abord, nous changeons d'échelle pour les créations d'emplois, puisque avec 380 postes contre 150 en 1999 et 100 en 1998, nous avons fait un saut quantitatif extrêmement important. J'ajoute que, par anticipation sur les créations d'emplois à inscrire au budget 2001, au titre de la poursuite du plan décidé par le conseil de sécurité intérieu re, nous aurons, dès l'an prochain, l'autorisation de lancer des concours exceptionnels pour 300 postes supplémentaires, ce qui portera en réalité à 680 les recrutements effectifs pour la protec tion judiciaire de la jeunesse réalisés l'an prochain. Si l'on compare ce chiffre de 680 aux effectifs actuels, un peu plus de 6 000 pour la totalité de ces services, on mesure l'effort fait par le gouvernement. Changement d'échelle également pour la progression des crédits de fonctionnement du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse qui augmentent de 22 %, tandis que ceux du secteur associatif croissent de 19 %. Au total, c'est une progression de 16 % en un an.

A la suite des décisions du conseil de sécurité intérieure, nous avons aussi engagé la création des centres éducatifs renforcés.

Nous devons en avoir 100 d'ici à la fin de l'année prochaine, de même que les centres de placement immédiat, qui devraient être 50 d'ici à la fin 2001. Les deux tiers des crédits pour ces centres de placement immédiat seront opérationnels à la fin de l'année 2000. Nous renforçons également les services de la prot ection judiciaire de la jeunesse, avec le recrutement de 600 emplois jeunes qui vont nous permettre de seconder les éducateurs, l'affectation d'éducateurs dans les classes relais et les maisons de justice et l'augmentation des effectifs de délégués du procureur. L'ensemble de ces efforts vont nous permettre d'améliorer la capacité de prise en charge par les institutions de ces jeunes, délinquants ou en difficulté. Je vais vous donner trois chiffres à cet égard. En 1998, nous avions 7 500 mesures de réparation ordonnées par les juges. Selon les dernières statistiques, nous devrions dépasser le cap des 10 000 mesures en 1999 et je pense que les moyens inscrits pour le budget 2 000 nous permettrons d'atteindre les 12 000 mesures de réparation l'an prochain. C'est la façon la plus efficace de traiter la primodélinquance des jeunes. Nous avons également prévu des mesures indemnitaires pour les personnels de la protection de la jeunesse, pour un peu plus de 9 milliards de francs, notamment pour la revalorisation et la modulation des primes de ceux qui travaillent les dimanches et les jours fériés.

J'ai également demandé à la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse de nous faire des propositions pour une répartition objective sur le territoire de ces nouveaux moyens.

Pour l'administration pénitentiaire, celle-ci se verra dotée, si vous votez le budget, de 386 emplois supplémentaires, là encore plus que l'an dernier (nous en avions créé 344). Elle se verra dotée de 434 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires et de 611 millions de francs d'autorisations de programme.

Comment allons-nous affecter ces 382 emplois l'an prochain ? Trois priorités se dégagent. Première priorité, 173 seront cons acrés à l'amélioration des conditions de travail et de sécurité des personnels. L'essentiel sont des emplois de surveillants pour surveiller les actions sanitaires et l'hygiène (les douches des déten us, les escortes pour les consultations médicales). 51 emplois pour le renforcement de l'encadrement, de la gestion et de la formation des personnels de surveillance. Deuxième priorité, 85 postes, dont 40 de surveillants, pour améliorer la prise en charge des détenus, notamment en détention provisoire, et pour préparer la réinsertion, notamment afin de développer les projets d'exécution de peine et les alternatives à l'incarcération. Nous allons également expérimenter les unités de vie familiale, en en créan t trois, auxquelles seront affectés quinze surveillants. Nous allons aussi achever la réforme des services pénitenciers d'insertion et d e probation. Nous avons enfin une troisième priorité, 128 emplois, dont 118 personnels de surveillance pour améliorer la détention des mineurs. Effort qui sera complété par 30 millions de francs de crédits d'équipement pour rénover une vingtaine de quartiers de mineurs et pour créer des quartiers supplémentaires afin qu'il n'y ait pas plus de quinze à vingt mineurs dans un même quartier de mineurs. Nous aurons également des mesures indemnitaires pour les personnels de l'administration pénitentiaire et, notamment, pour ceux qui travaillent le dimanche ou les jours fériés.

Sur le plan de la construction et de la rénovation des prisons, nous avons mis en oeuvre, vous le savez, le programme 4 000 qui va permettre la construction de six établissements nouveaux.

Nous avons achevé cet été le concours visant à déterminer l'architecte. Une première tranche de trois constructions, à Toulouse, à Lille et à Avignon, pour lesquelles les crédits avaient é té engagés, vous vous en souvenez, dès mon arrivée, a été lancé e. Une seconde tranche le sera dans les villes de Toulon, Meaux et Liancourt pour laquelle nous inscrivons 150 millions de francs d'autorisations de programme supplémentaires. Au total, nous aurons ouvert 1,65 milliard de francs d'autorisations de pro-


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gramme en trois ans pour un programme d'environ 2 milliards de francs, alors que, je le rappelle, seulement 350 millions de francs de crédits étaient inscrits en 1997. Je crois qu'il faut souligner qu'à l'exception des chantiers routiers et autoroutiers, ce programme représente le plus grand programme d'équipements civils de l'Etat. Les travaux de réhabilitation courante pourront être menés à un bon rythme. A côté du programme de construction mis en oeuvre, j'ai lancé un programme de rénovation lourde des cinq plus grandes maisons d'arrêt (Fresnes, FleuryMérogis, la Santé, les Baumettes et Loos).

Je signale enfin une mesure importante. 21 millions de francs pour l'aménagement de zones protégées pour les détenus dans plusieurs hôpitaux pour améliorer à la fois les conditions de travail et de sécurité des agents, mais aussi pour la prise en charge sanitaire des détenus.

Voilà, pour terminer, je dirai simplement que nous faisons aussi, au titre des mesures générales, un effort particulier en direction des associations qui nous apportent leur concours.

Nous augmentons les crédits de 25 millions de francs. Nous avons aussi une augmentation nouvelle des crédits d'actions sociales du ministère (restaurant administratif, logement des agents, colonies de vacances), ce qui fait que nous aurons augmenté de 30 % les crédits d'action sociale en trois ans.

Et puis, j'insiste sur le renforcement de l'inspection générale des services judiciaires qui bénéficiera l'an prochain de quatre nouvelles créations de postes, après les cinq postes créées cet te année. Ce qui fait un quasi-doublement des effectifs de l'inspection générale des services judiciaires en deux ans. Vous savez l'importance que j'attache au contrôle interne, non seulement des services judiciaires, mais de l'ensemble des services de ce ministère sur lequel l'inspection est de plus en plus mobilisée.

Voilà, les réformes votées par le Parlement, vous l'avez vu, seront donc financées grâce à ce budget. Nous allons pouvoir m oderniser les équipements, poursuivre la rénovation des méthodes de travail. J'y tiens beaucoup parce qu'il ne suffit pas d'augmenter les moyens, encore faut-il améliorer la gestion et simplifier les procédures nous aurons, j'imagine, l'occasion d'en reparler - et naturellement renforcer également les outils de contrôle.

Mme la présidente.

Merci beaucoup, madame la garde des sceaux. Nous sommes tous extrêmement sensibles à la constance de vos efforts et de ceux du Gouvernement pour améliorer, comme vous venez de le préciser, l'engagement quantitatif dans ce domaine de la justice.

Nous allons maintenant bien sûr entrer dans le contenu de ces masses budgétaires.

D'abord, je voudrais saluer la présence parmi nous ce matin de M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, et de M. Didier Migaud qui est le rapporteur général du budget et qui, nous le savons, a beaucoup mis la main à cette nouvelle procédure. J'espère qu'il ne sera pas déçu à la fin de cette matinée. Sachant leur charge actuelle de travail, je les remercie tous les deux, d'être en notre compagnie.

Je vais donner la parole à M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances. Je signale, pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu, que M. Devedjian a, à titre personnel, souhaité que son projet de rapport pour la commission des finances - qui sera examiné en début de semaine prochaine soit dès aujourd'hui à la disposition des parlementaires qui souhaiteraient en prendre connaissance.

Je rappelle l'ordre dans lequel je vais donner la parole. Tout d'abord, M. Devedjian, puis M. Jacques Floch, puis M. André Gérin. A tout trois, je suggère de ne pas dépasser en gros dix minutes, mais je leur fais confiance.

Monsieur Devedjian, vous avez la parole.

M. Patrick Devedjian rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j'aurai garde de dépasser les dix minutes, ce qui me contraindra à quelques coups d'éclairage sur le budget. Il n'est pas question d'en faire le tour en dix minutes.

Tout d'abord, je voudrais donner un satisfecit au service du ministère de la justice parce que, pour la première fois, les réponses aux questions du rapporteur sont arrivées complètes, parfois un peu tardivement, mais complètes. C'est un vrai progrès dont je tiens à les remercier.

C'est un bon budget en terme quantitatif puisqu'il augmente de 3,91 % et qu'il représente 1,62 % du budget global, ce qui est une amélioration. Cela dit, ceci s'inscrit dans un effort continu de l'Etat, sous tous les gouvernements, puisque depuis 1988, le budget de la justice a augmenté de 84 % en francs constants. C'est donc un effort continu que Mme Guigou a largement servi et dont il faut lui rendre justice, mais qui s'inscrit très au-delà de ce simple gouvernement, si je puis me permettre de le rappeler.

Je n'aurai pas l'audace de réclamer davantage parce que les disponibilités budgétaires sont ce qu'elles sont. Je dirai toutefois que le quantitatif ne suffit pas, il faut aussi le qualitatif. Or, à quoi sert d'avoir des chiffres en augmentation si le taux de consommation de ces montants n'est pas satisfaisant. Sur ce point, je suis obligé de rappeler que le taux de consommation des crédits s'est dégradé. Pour les dépenses en capital, par exemple, les crédits de paiement sont passés de 79 % à 64 %. Pour les autorisations de programme, nous sommes descendus de 81 % à 51 %. Même pour les dépenses ordinaires, le chiffre s'est légèrement dégradé puisqu'on est passé de 98 % à 96 %. Certes, les dépenses de fonctionnement augmentent, c'est bien tout le problème de l'Etat, mais les dépenses d'investissement, elles, baissent. Le niveau des autorisations de programme a baissé de 9,27 %. Au plan qualitatif, les choses aussi ne s'améliorent pas. Cette année, le délai pour obtenir un jugement par exemple s'est encore dégradé par rapport à l'année dernière. Nous sommes passés d'un délai moyen devant les cours d'appel de 16,6 à 17,4 mois. Devant les tribunaux de grande instance, nous sommes passés de 9,1 à 9,3 mois.

Je vous félicite de votre programme d'amélioration des places dans les maisons d'arrêt, mais la surpopulation carcérale reste un problème lancinant. Je me souviens qu'Albin Chalandon avait lancé un programme de 15 000 places et qu'il avait été réduit par le gouvernement de gauche à 13 000. On voit bien aujourd'hui que le retard pris à ce moment-là doit être rattrapé. Je vous félicite de votre programme, mais peut-être la gauche a-telle aussi une certaine responsabilité dans le retard et la surpopulation carcérale. Et c'est un vrai drame que la surpopulation carcérale.

De même, la réorganisation générale de la justice n'est pas, de mon point de vue, suffisamment abordée. Je dis cela chaque année. La réforme de la carte judiciaire n'avance que très lentement. Je ne méconnais pas que vous avez supprimé 36 tribunaux de commerce cet été. Vous avez bien fait. C'était difficile, mais c'était le moins difficile, et cela c'est finalement assez bien passé

Mais pour le reste, nous savons que les choses n'avancent que très lentement. Bien entendu, vous avez mis en place une commission pour étudier cette réforme de la carte judiciaire.

Mais aucune réforme ne peut sérieusement entrer en vigueur si elle ne commence par la remise en ordre de la carte judiciaire. Je sais bien, et cela est valable pour tous les gouvernements que c'est une réforme difficile, impopulaire, que tous les conservatismes se conjuguent pour ne rien faire : celui des avocats (je les connais bien), celui des élus locaux, celui des magistrats. Tout le monde souhaite que la situation n'évolue pas, que si un tribunal doit être supprimé, cela se passe ailleurs que dans son ressort.

Mais c'est une réforme qui conditionne toutes les autres, notamment la réforme sur la présomption d'innocence, ou celle concernant le juge de la détention provisoire.

Le ministère a besoin, lui aussi, d'une réforme. Vous vous y êtes attelée, mais là aussi les choses vont trop lentement.

D'abord, la réforme des grandes directions est lente. Les observations pertinentes (dispersion des responsabilités de gestion, lenteur des évolutions de la nomenclature budgétaire) formulées sur ce point par la Cour des comptes en 1997 n'ont pas eu de suites.

Le régime particulier qui permet à la justice administrative d'échapper aux regroupements ou à la globalisation ne se justifie pas.


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L'informatisation progresse et je concède bien volontiers que la dotation est passé de 370 millions de francs à 390 millions de francs. Je rappelle quand même qu'en 1993 cette dotation était de 484 millions de francs. En particulier, l'informatique pénale, même si on s'y attelle, reste fragmentaire, et l'informatique civile est encore en retard, même si j'ai bien noté qu'une dotation allait permettre à 26 cours d'appel et à 97 tribunaux de s'équiper fin 1999. L'informatisation du système de gestion des détenus et en revanche un point très positif. Je crois que c'est un système qui fonctionne bien à Fresnes et à Rouen et qu'on va l'étendre.

Vous avez rappelé tout à l'heure, à juste raison, les recrutements de magistrats et vous les avez détaillés. Mais il faut bien voir que les contraintes de la pyramide des âges, nous obligent, de toute façon à des recrutements. Or je remarque qu'il n'y a pas de nouveaux magistrats temporaires, ni de recrutements latéraux, je le regrette.

En ce qui concerne la productivité du corps des magistrats, nous avons encore de grandes carences. Bien entendu, les recrutements sont indispensables. Mais, à Paris par exemple, les magistrats du siège, pour les trois quarts, n'ont pas de bureau.

A quoi cela sert-il d'avoir de nouveaux magistrats si on ne leur donne pas les moyens de travailler dans de bonnes conditions.

De même, nous avons de plus en plus besoin de magistrats spécialisés. C'est évidemment vrai en matière financière. Or le système d'avancement est totalement incompatible avec la spécialisation des magistrats, puisque, pour pouvoir bénéficier de celui-ci, ils sont contraints d'abandonner celle-ci. Une réforme serait donc nécessaire sur ce point comme d'autres afin d'améliorer réellement les choses, au-delà de la seule augmentation des moyens qui, j'en donne volontiers acte, est présente cette année.

Les assistants de justice sont une bonne institution, mais une évaluation serait utile dans ce domaine, afin d'établir leur statut et prévoir les conditions dans lesquelles ils pourraient être inté grés au métier de magistrat. Cela pourrait constituer la source d'un recrutement très utile.

A ce sujet, l'expérience du pôle financier de Paris est très instructive. Indiscutablement, ce pôle financier représente un progrès mais ce n'est qu'un ballon d'oxygène. On voit quand même poindre un certain nombre de difficultés et d'interrogations. La première, c'est que malgré tout le parquet est coupé en deux, ce q ui fait perdre du temps en déplacements pour assurer l'audience. En fait, la seule solution serait de créer un nouveau tribunal de grande instance à Paris, comme vous l'avez clairement dit, je crois. Ce qui permettra également de donner des bureaux à ces magistrats du siège qui n'ont pas et ne peuvent pas en avoir dans le palais actuel.

Il faudrait en outre restaurer l'unité du parquet, ainsi que celle de l'audience. Je sais bien que les téléconférences offrent un certain nombre d'avantages, mais cela ne remplace pas l'unité physique du parquet, qui améliorera sensiblement la productivité. Je vous rappelle quand même que la juridiction parisienne est la plus importante en France.

Je m'interroge aussi, et j'en aurai terminé, sur l'intérêt qu'il y a à multiplier les pôles financiers. La grande délinquance financière est aussi spécialisée, ce qui justifie que la justice le soi t et que ses moyens soient concentrés. Multiplier les pôles financiers me paraît de nature, justement, à perdre l'avantage que l'on a eu en créant cette unité parisienne.

Par ailleurs, les compétences dans ce domaine sont assez rares, car elles nécessitent une professionnalisation qui est longue à acquérir. La dilution des pôles financiers risque donc d'affaiblir chacun d'entre eux alors même que la grande délinquance financière, celle qui est précisément l'objet du pôle financier, est nationale. On pourrait donc imaginer, comme en matière de terrorisme, une juridiction de compétence nationale pour la grande délinquance financière. En tout cas je m'interroge. Par exemple, je suis élu des Hauts-de-Seine, je ne devrais pas dire cela, mais il me semble qu'un pôle financier à Nanterre, en concurrence avec celui de Paris, ne se justifie pas. Si près de Paris, cela ne peut conduire qu'à une dilution des moyens alors que les infractions dépassent très largement le seul ressort de l'un ou l'autre de ces pôles financiers.

Voilà quelques éclairages rapides pour dire encore une fois que c'est un bon budget en termes quantitatifs, mais il ne dispense pas, loin de là, des réformes indispensables qui n'ont pas lieu, comme en témoigne un certain nombre de chiffres parfaitement significatifs (l'augmentation de la délinquance, la surpopulation carcérale, la longueur des jugements).

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration civile et les services judiciaires.

Madame la garde des sceaux, ce budget présente des caractéristiques extrêmement positives. Vous avez souligné, Madame la garde des sceaux, que cela permettait de faire une politique intelligente parce qu'il n'y a pas de réforme sans financement adapté et pas de réforme sans personnel supplémentaire.

Un effort considérable a été fait, au cours des dix dernières années en matière budgétaire. Il y a eu une augmentation de plus de 10 milliards entre 1990 et le budget que l'on prévoit pour l'an 2000. Cela laisse espérer que l'on atteindra peut-être en 2002 cette barre des 30 milliards qui faisait rêver, il y a quelques années, tous ceux qui espéraient une véritable modernisation et une véritable réforme du ministère de la justice.

Mais de l'argent, pour quoi faire et pour qui ? Aujourd'hui, le rôle du ministère de la justice est éminemment reconnu, et ce rôle oblige tous ceux qui participent au développement de notre société à regarder comment la justice fonctionne aujourd'hui et quel service elle rend à la société.

Un grand nombre de nos concitoyens, un sur trois environ avais-je précisé l'an dernier, ont affaire à la justice, qu'elle s oit civile, pénale, administrative ou qu'il s'agisse d'arbitrage. Cela fait quand même près de 20 millions de personnes. Ce n'est pas rien en terme de service à rendre et cela explique pourquoi nous nous plaignons souvent de la faiblesse du budget, des retards, du manque d'activité de la justice, parce que nos concitoyens nous demandent : « Que faites-vous pour que je puisse avoir satisfaction dans les meilleurs délais ? » Le premier reproche fait à la justice, comme le soulignait Patrick Devedjian, est l'allongement de la durée des procédures, ou de celle nécessaire pour obtenir une décision de justice. Au cours de ces dernières années, des progrès considérables ont é té faits grâce aux efforts du ministère de la justice, c'est-à-dire d u ministre de la justice, mais aussi grâce au Parlement qui a voté un budget plus conséquent, et aussi grâce à l'ensemble des personnels du ministère.

J'en suis à mon dix-huitième budget de la justice, cela fait beaucoup.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est trop ! Vous êtes mûr pour le Sénat ! (Sourires.)

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

C'est inavouable, je le conçois ! (Rires.)

Mais je m'aperçois donc que les efforts des personnels du ministère de la justice commencent à porter leurs fruits. Il nous reste toutefois un long parcours à faire pour atteindre le but espéré.

Quelques mots, rapidement, par grand secteur.

La justice administrative, d'abord. Aujourd'hui, la justice administrative ne parvient pas à donner satisfaction rapidement aux justiciables, même si elle s'est profondément transformée.

Mais l'accès à ces juridictions est peut-être trop facile.

Ce droit de timbre à 100 francs, qui permet à tout un chacun d'avoir accès à la justice administrative, fait que pour tout et pour rien nos concitoyens se tournent vers la justice administrative à défaut de se tourner vers la justice pénale ou civile. Parfois, ils font même les deux. Et, aujourd'hui, les magistrats administratifs nous demandent : « Ne pourrait-on pas supprimer ce timbre à 100 francs » ? Certains pensent qu'il faudrait l'augmenter, mais cela créerait une barrière par l'argent. Pour montrer que tout le monde ne peut pas avoir accès à la justice administrative, même lorsque le timbre ne coûte que 100 francs, je citerai cette anecdote : un ancien combattant sénégalais, qui voulait avoir accès au tribunal administratif pour obtenir sa carte d'ancien combattant en France, n'a pas pu obtenir de timbre auprès du consulat ou de l'ambassade de France à Dakar.


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Enfin, la justice administrative n'est pas exempte de tout reproche. A Paris, par exemple, les 3 800 dossiers de reconduite à la frontière, vont mettre à peu près un an avant d'être tr aités, alors qu'ils devraient l'être en 48 heures.

Mais, en dehors de cela, cette justice a apporté, à nos concitoyens, la possibilité de se faire mieux entendre et de mieux faire comprendre le fonctionnement de certaines administrations.

Patrick Devedjian a signalé le problème des autorisations de programme en matière d'équipements. J'ai également regardé de près ce que vous proposez, madame la garde des sceaux, en matière d'investissement. Et c'est à juste titre que vous avez souligné l'importance de l'effort consenti dans ce domaine, en le comparant à celui réalisé pour les dépenses autoroutières qu i, comme chacun le sait, constitue un poste important.

Je me suis également intéressé à la répartition géographi que de ces dépenses, en me demandant si elle ne préfigurait pas la carte judiciaire de demain. Car j'estime qu'à partir du moment où on fait plus de 1 million de francs de travaux dans un tribunal, c'est certainement pour le laisser en place et ne pas le transférer ailleurs. Il faut l'espérer. Et lorsqu'on compare cette répartition à la carte qui m'a été communiquée en réponse à mes questions, on s'aperçoit effectivement de la concordance des deux.

Comme Patrick Devedjian, je pense que cette réforme est absolument indispensable. Mais je crois que vous en avez conscience, puisque le budget accordé à la mission mise en place pour établir la nouvelle carte judiciaire reste très important. Cet effort doit être poursuivi. Je crois qu'il faut continuer ces études.

D'autant que les mesures prises sur les tribunaux de commerce ont été finalement accepté, en dépit de quelques réticences.

Une petite parenthèse pour remercier vos services, madame la garde des sceaux, d'avoir répondu à toutes les questions que j'ai posées au mois de juillet et au mois d'août. A toutes, sauf une.

Mais c'était une quesiton qui était non pas stupide, mais insidieuse et un peu méchante : je demandais simplement combien coûte une erreur de procédure qui oblige à un nouveau procès.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

C'est variable.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Justement, si je demande cela, c'est parce que je pense qu'il serait possible de réaliser des économies significatives, si moins d'erreurs de procé dures étaient commises.

C'est une simple petite parenthèse que je voulais ouvrir.

En ce qui concerne les emplois, madame la garde des sceaux, vous avez bien fait d'insister sur l'évolution des effectifs de magistrats, de greffiers, de greffiers en chef, d'agents des services administratifs ou techniques de votre ministère. Il faut que l'on sache précisément qui fait quoi dans ce ministère et comment, quels ont été les recrutements. Il est vrai que la liste des recrutements prévus dans le budget 2000 témoigne de l'effort considérable qui est fait et qu'il faut souligner.

Il y a aussi un aspect qu'il faut souligner, ce sont les emplois que je qualifie de temporaires. Hier, je recevais quelques organisations syndicales de votre ministère et certaines m'ont parlé de

« supplétif », à propos des agents de justice, c'est-à-dire des emplois-jeunes. Quelle va être leur formation ? Quel sera leur avenir ? Ces questions sont les mêmes pour tous les emplois jeunes, mais en ce qui nous concerne, nous nous interrogeons sur le rôle qu'ils joueront dans votre ministère.

Concernant les assistants de justice, la plupart des magistrats, lorsqu'on les interroge, considèrent qu'il s'agit d'une bonne initiative. Mais il faut que nous ayons un bilan, une analyse de leur activité. Parce que nous avons eu quelques échos qui peuvent être parfois inquiétants. Certains n'ont-ils pas rédigé des arr êts en lieu et place des magistrats ? Leur travail ne dépasse-t-il pas parfois la recherche de documentation ? C'est-à-dire en fait ontils exercé une fonction qui n'était pas la leur ? Pour éviter toute polémique, je pense qu'un rapport sur le sujet serait le bienvenu.

Enfin, il y a aussi le rôle des délégués du procureur. On oublie souvent cette troisième catégorie. Il serait intéressant au ssi que d'ici quelques mois, on puisse faire le bilan de leur activité.

Madame la garde des sceaux et madame la présidente, les 27 milliards du budget de la justice - qui pourrait atteindre 30 milliards d'ici la fin de cette mandature - tels qu'ils sont répartis, vous permettent de mener une véritable politique d'amélioration des conditions de fonctionnement de cet éminent départemental ministériel. Mais s'il est vrai que le rôle de ré gulateur de société que joue la justice ne peut être fait qu'avec des moyens adaptés, il ne faut pas négliger pour autant la formation des personnels.

Patrick Devedjian a souligné le problème posé par la spécialisation des magistrats. Or notre société impose la spécialisation. Il n'est donc plus possible de gérer un corps de magistrats spécialisés comme on gérait autrefois un corps global de magistrats polyvalent. Nous avons désormais besoin - nous avons pu le constater lorsque nous avons visité ensemble le pôle financier de magistrats d'une très haute compétence, d'une très haute technicité. Or, parce que tout à fait normalement ils ont une évolution de carrière, les magistrats quittent le service pour lequel ils ont été formés.

Quand on nous a posé ce problème, cela nous a inquiété parce qu'il y a une perte de crédits, mais il y a aussi une perte en charge, puisque le ministère paye des formations qui deviennent très vite inutiles du fait de l'évolution de carrière de celui qui l'a reçue. Il faudrait peut-être examiner cela de près, en particulier dans la future loi sur le statut de la magistrature.

C'est pourquoi il est grand temps que nous puissions nous réunir à Versailles pour mettre en place le nouveau conseil supérieur de la magistrature.

Voilà, madame la présidente, madame la garde des sceaux, ce que je voulais dire sur ce budget. Il est évident que l'on pourrait en parler longuement tant il est intéressant, et tant il contribue à nos efforts de modernisation de la justice. Certes, on vous dira qu'il n'est pas suffisant. Certes, on vous dira que certaines primes auraient pu être augmentées, que des postes auraient pu évoluer en nombre. Certes, certes... Mais quand on sait d'où l'on vient, on s'aperçoit que ce n'est pas si mal que cela.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérin.

M. André Gérin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration civile et les services judiciaires.

Madame la ministre, madame la présidente, chers collègues, je voudrais dire d'entrée de jeu que vous avez engagé une politique ambitieuse au cours des trois dernières années. Ce budget le confirme, même si certains points sont perfectibles. Je voulais donner cette note d'entrée dans la mesure où je vais soulever un certain nombre de points témoignant du fait que cette politique ambitieuse mérite d'être amplifiée et renforcée. On constate en effet qu'il y a toujours un décalage entre les décisions et leur mise en oeuvre, inhérent au fonctionnement des administrations, mais aussi lié aux réticences qui existent parmi les personnels par manque de concertation préalable le plus souvent.

Cet effort qualitatif que vous avez engagé se heurte cependant, comme vous l'avez souligné dans votre exposé, à tous les retards accumulés au cours des vingt dernières années.

C'est ma première remarque générale. C'est un très bon budget, comme je l'indique dans mon rapport. Je crois qu'il y a, dans mon rapport, un avis très positif de ce point de vue. Dans ce rapport, je souligne plusieurs éléments que je vais tenter de vous donner en quelques minutes. Il y a bien une diminution de la surpopulation carcérale, certes insuffisante, mais réelle : le taux d'occupation des prisons est en effet passé de 114 % en 1998 à 107 % en 1999. Cela ne fait pas le compte, nous ne sommes pas satisfaits, mais je crois qu'il faut noter les tendances.

La politique de prévention du suicide qui a été mise en place mérite d'être renforcée. On sait qu'il y a eu une réévaluati on de 1999.

Une réforme a également été engagée pour mieux préparer l a sortie des prisons, en particulier à travers des actions concernant la liberté conditionnelle. Mais, aujourd'hui, les unités de vie familiale, d'après ce que j'ai pu ressentir, entendre ou voir, manquent de visibilité.

Toujours sur le pénitentiaire, il faut noter l'évolution qualitative des missions des personnels, grâce notamment à la progression sensibles des créations d'emplois et des mesures statutaires indemnitaires. Des mesures qui restent cependant encore insuffisantes.

Il y a aussi tous les efforts engagés autour de la formation. Je n'entre pas dans le détail car ce sera le fait du rapport, mais il s'agit notamment de la réforme de l'ENAP et sa délocalisation


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qui, de mon point de vue, constitue un nouveau départ et une nouvelle approche qualitative. On verra à l'usage, mais il faut le dire sans complexe.

L'autre élément important est constitué par l'amélioration du contrôle de l'administration pénitentiaire, grâce à l'élabor ation du code de déontologie et au travail de contrôle externe engagé avec la commission Canivet. Je pense que tout cela constitue une amélioration qualitative.

Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives, dans la mesure où ce sont des intentions ou des mesures en cours de mise en oeuvre, mais tout cela fait partie de ce souci qualificatif.

Enfin vous avez annoncé des efforts de rénovation ou de construction d'établissements. A ce propos, je tiens à souligner, comme vous le verrez dans mon rapport, la situation inadmissible de la prison de Saint-Denis à la Réunion. Je n'entrerai pas davantage dans le détail sur ces sujets, mais il fallait le dire ici.

Pour ce qui concerne la protection judiciaire de la jeunesse, je crois que l'augmentation des moyens en personnel est sans précédent. S'il y a bien un sujet pour lequel on peut parler de qualitatif, c'est bien celui-là. Cependant, l'effort est tel, c'est une véritable culbute, qu'un certain temps sera nécessaire pour mettre en oeuvre ces nouveaux moyens, notamment au niveau départemental. A ce titre, nous attendons encore des mesures de revalorisation statutaire et indemnitaire, des efforts importants pour recruter et former les délégués du procureur et une meilleure prise en compte des situations d'urgence grâce à une coordination accrue. Une prise en charge immédiate a été décidée dans les vingt-six départements prioritaires. Elle est effective dans neuf d'entre eux. La mise en place des centres de placements immédiats se heurte, il faut le dire, à des difficultés. Mais c'es t une réponse qui sort des sentiers battus et qui mérite d'être soulignée.

J'ai également souligné dans mon rapport pour avis votre volonté de diversifier les réponses judiciaires. C'est, je pense, une évolution importante. Ainsi, le nombre de mesures de réparation augmente, mais nous le savons aussi, beaucoup restent encore en attente d'application. La montée en puissance des centres d'éducation renforcée pour un coût certes très élevé, est très positive.

Les mineurs incarcérés sont mieux suivis, mais leur nombre augmente. Et cela ne correspond pas du tout à notre philosophie de la question.

Voilà les sujets que je peux extraire devant vous de ce rapport qui est beaucoup plus détaillé et beaucoup plus explicite. Ce n'est pas un rapport de complaisance, mais un rapport qui rend hommage à la fois à l'effort, à la volonté, à la détermin ation et aux engagements pris par votre ministère, tout en n'omettant pas de mesurer le chemin qui reste à parcourir. Et même s'il est encore long sur un certain nombre de sujets, je ne peux pas laisser dire qu'il n'y a pas de qualitatif dans ce budget.

La question du dialogue social dans l'administration est essentielle aujourd'hui. Elle paraît fondamentale pour la mise en oeuvre de vos décisions en matière de management des personnels.

On s'efforce d'améliorer l'état du parc, mais comment rattraper le retard accumulé ? Il faut également que la création des unités de vie familiale prennent tout son sens et que la concertation avec les personnels concernés soit améliorée. Cet effort a é té entamé en 1999, mais le drame humain et social que représente l'indigence rend sa poursuite indispensable.

A propos de l'exécution des peines, j'observe qu'un premier pas a été fait dans la gestion des séjours de longue durée, mai s il faudrait d'autres mesures pour lutter contre leur caractère criminogène. Sur un tel sujet, il serait intéressant de faire un point précis.

Il faudrait en outre se préoccuper des effectifs du personnel de surveillance et notamment des départs à la retraite. Une partie du retard accumulé a été rattrapé en 1999, mais qu'en sera-t-il en 2000 ?

Je reviens sur le fait que 5 400 mesures judiciaires concernant des mineurs sont encore en attente d'exécution. Comment faire pour rendre crédible la démarche engagée ?

Enfin, permettez-moi un dernier commentaire sur un thème abordé par le rapporteur précédent : les emplois-jeunes. La question fondamentale en la matière porte sur le projet d'avenir, l'éventuelle pérennisation de ces emplois et les débouchés offe rts à leurs titulaires. Pour le reste, je ne veux pas entrer dans le détail.

Concernant l'enfermement, j'aimerais ajouter qu'il n'est pas en accord avec notre vision de cette société et de son avenir.

Pour nous, ce n'est pas une finalité. Cela va mieux en le disant, mais c'est important dans le débat de société actuel et dans l'approche philosophique que l'on peut avoir de l'avenir.

Autre remarque, tous les efforts qualitatifs faits pour les mineurs délinquants : il faut aussi que chacun, à tous les niveaux, de la commune, du département, etc., considère que cette question est essentielle pour l'avenir. Je citerai un seul chiffre : en agglomération lyonnaise, 30 % des délinquants sont des mineurs. Le Gouvernement a engagé une action, mais il y a encore des efforts conséquents à faire. Il faut que tout le monde s'y mette, il faut que l'on balaie tous devant notre porte.

Dernière remarque : définir clairement les missions du service public de la justice représente un vrai problème aussi bien vis-àvis des personnels que de la société dans son ensemble. Mon opinion aujourd'hui, alors que je présente mon troisième rapport, est que, pour donner une vision d'avenir il faut vraiment adopter une démarche de service public, de service au public et, surtout, une démarche républicaine.

Mme la présidente.

Avant de donner la parole aux groupes, je voudrais, madame la garde des sceaux, exprimer deux préoccupations.

La première concerne les établissements pénitentiaires. Je voudrais souligner l'extrême dénuement des établissements de femmes, d'une part, et des établissements outre-mer, d'autre part.

En ce qui concerne les établissements de femmes, il se trouve qu'il y en a un juste à côté de ma circonscription. J'ai tenu à le visiter. Alors que notre société, dans son ensemble, pose enfin les questions concernant les droits des femmes non plus en termes de constats et de commisération, mais d'actions - et votre gouvernement donne vraiment beaucoup d'importance à ces sujets - il faut que nous apportions aux femmes incarcérées des solutions dignes de notre temps. Je tenais à le souligner ici.

De même, en ce qui concerne l'outre-mer, M. André Gérin vient d'évoquer nos préoccupations à propos de la prison de la Réunion. Je sais que vous y êtes très attentive, mais je souligne, là aussi, que nous sommes engagés dans une véritable rénovation des relations entre l'outre-mer et la République. Une loi est actuellement en cours d'élaboration. Je crois que, entre toutes les actions que vous accomplissez, il faut être particulièrement attentif à une institution qui fait partie de l'image de la République dans ces départements et territoires, et qui a souffert depuis très longtemps d'un très grand abandon. Je tenais à le souligner afin que cela soit présent, je le dis encore, dans tous les efforts que vous accomplissez.

Ma deuxième préoccupation concerne la politique de protection de la jeunesse, les mineurs délinquants, est celle de la formation de l'encadrement. Nous avons évoqué les centres d'accueil. L'un des obstacles à cette politique est, il faut bien le constater, le nombre insuffisant des animateurs et éducateurs capables d'accompagner cette évolution. J'aimerais savoir quelles sont les actions concrètes envisagées par le Gouvernement dans ce domaine. Car ouvrir des centres d'un type nouveau, cela veut bien dire évidemment pouvoir y mettre également des personnels, j'ose dire, d'un type nouveau.

Je vais maintenant donner la parole à M. Louis Mermaz pour le groupe socialiste. Je vous indique tout de suite, mes chers collègues, que j'ai choisi l'alternance en ce qui concerne la prise de parole des groupes de la majorité et de l'opposition, mais je n'ai pas cru devoir procéder à un tirage au sort. (Sourires.)

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Madame la garde des sceaux, madame la présidente, les rapports introductifs que nous ont présentés M. Devedjian, M. Floch et M. Gérin, et votre propre intervention, ont souligné l'importance des efforts consentis pour la troisième année consécutive.

J'irai donc vite sur la partie qui consiste à saluer cette action visant à donner davantage de moyens à la justice et surtout à mettre en adéquation les moyens financiers et les réformes importantes que nous avons votées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1999

La remarque de M. Devedjian sur la consommation des crédits d'investissement est cependant importante. Je sais que cela préoccupe la mission d'évaluation et de contrôle, car c'est le pro blème central du vote de nos budgets. Le Gouvernement ne peut pas inventer des dépenses, mais en revanche il peut ne pas ordonner celle que nous avons décidé. C'est un problème que nous traînons depuis longtemps et la justice, hélas, pas plus que d'autres ministères, n'y échappe. C'est un important sujet de préoccupation. Dans ce budget de la justice, comme dans les deux précédents, la volonté du Gouvernement et de la garde des sceaux est de rattraper le retard pris depuis tant d'années, mais aussi la nécessité de mobiliser de nouveaux moyens pour mettre en oeuvre les réformes.

Les nouveaux moyens sont connus : l'accès au droit, la procédure pénale, l'alternative aux poursuites pénales, ce sera demain le texte sur la présomption d'innocence, c'est tout ce qui a trait, et c'est nouveau, à la médiation, aux maisons de justice, à l'aide juridictionnelle, à l'indemnisation des victimes.

C'est aussi, en ce qui concerne l'immense domaine de la jeunesse, la prévention, la protection judiciaire de la jeunesse et le problème très grave de la détention des mineurs qui vient d'être évoqué. C'est, enfin, le sort réservé aux détenus, les probl èmes de la réinsertion, etc.

Nous espérons que toutes ces réformes seront couronnées par une réforme du Conseil supérieur de la magistrature qui permettra certainement d'envisager d'autres réformes plus fondamentales qui interviendront dans ce domaine dans les prochaines décennies. Cependant, il existe encore des problèmes. Ce matin en écoutant France Info, j'ai appris que le tribunal de grande instance de Toulouse est dramatiquement embouteillé. Il ne doit pas être le seul.

On parle beaucoup du pénal, et d'ailleurs les médias lui réservent de plus en plus d'importance. Ce matin, la loi sur les 35 heures, la mort de Nathalie Sarraute étaient des faits divers, alors que les procès en cours faisaient les gros titres. Vraiment, nous sommes engagés dans une « superjudiciarisation » de notre société. On parle beaucoup moins de ce qui se passe au civil, le parent pauvre de la justice, alors que cette juridiction connaît de terribles embouteillages. En droit du travail, par exemple, les cours d'appel sont super embouteillées. Lorsqu'il y a appel des décisions de prud'hommes, il faut attendre plusieurs années, parfois, pour obtenir une décision. Vous pouvez imaginer les problèmes que cela pose d'abord aux salariés, voire parfois aux entreprises.

M. Jacques Floch a tout à fait raison lorsqu'il demande « des moyens accrus, oui, mais pourquoi faire ? ». Il est vrai que nos concitoyens vivent aujourd'hui dans un climat sécuritaire. Ils trouvent que la justice n'est jamais assez sévère et qu'il n'y a jamais assez de gens en prison. Ils me font penser à Harpagon qui voulait finalement se donner la question à lui-même. Beaucoup de nos concitoyens sont dans cet état d'esprit et cela a parfois une influence, hélas, sur les élus.

Il faut aussi se préoccuper des droits de l'homme, de l' habeas corpus, qui constitueront les chantiers de demain, madame la garde des sceaux. Mais je suis sûr que vous le faites.

On peut, par exemple, réfléchir à la très bonne idée du garde des sceaux Toubon sur la possibilité d'appel des décisions de cour d'assises.

Car, pour le moment, rien n'a été fait à ce sujet. Le problème reste entier.

La création du juge de la détention constituera un progrès, mais les magistrats les plus ouverts regrettent que l'on n'aille pas vers la collégialité en ce qui concerne la décision de détentio n. C'était déjà un projet de M. Badinter repris par M. Vauzelle.

Cela reste une question à régler.

Le problème de la détention provisoire est immense. Lors de l'examen d'une proposition de loi de M. Tourret, en avril 1998, nous avons été amenés, vous vous en souvenez, à nous pencher sur l'échelle des délits et des peines, totalement inadaptées à la société moderne. Un toilettage de grande ampleur du code pénal s'impose. Car si, parfois, nous nous plaignons de la sévérité des magistrats, ceux-ci nous renvoient la balle en nous disant :

« Revoyez vos textes de loi, parce que si nous appliquions dans l'intégralité cette échelle des délits et des peines, il y aura it davantage de gens en prison. » Un magistrat d'un rang élevé me

confiait récemment qu'il y avait 20 000 personnes de trop en prison. Revoir l'échelle des peines réglerait beaucoup de problèmes sans dispenser pour autant de la nécessaire modernisation des prisons. Je crois qu'il y a une immense réforme à faire. Les esprits n'y sont pas encore prêts, mais ce serait une bonne chose d'y penser.

Je terminerai par un fait qui n'est pas seulement anecdotique.

Il doit vous arriver, comme à M. André Gérin et à moi-même, de prendre le TGV pour aller à Avignon. Nous sommes de plus en plus souvent témoins d'un spectacle lamentable : un prévenu qui est là, menotté, tenu en laisse, traîné par deux gendarmes aussi gênés que lui, qui regardent le bout de leurs chaussures. Je ne vous parle pas de la gêne et du voyeurisme des autres voyageurs. Nous ne voyagions pas avec celui-ci parce que nous avions le privilège d'être en première classe et je pense qu'il es t en deuxième classe. Mais il faudrait mettre fin à cette situation.

Je me souviens que le garde des sceaux Pierre Méhaignerie, en son temps, avait déjà dit que l'usage des menottes devait être exceptionnel. Or, il tend à être tout à fait courant. C'est vraiment un usage moyenâgeux dont il faudrait se défaire. Tout le monde n'a pas pas la force de caractère d'un José Bové - je ne me prononce pas sur ce qu'il a fait ou pas - qui, tel Vercingétorix, brandissait ses menottes, avant de devenir un héros national qui va aider le gouvernement à se battre lors des réunions de Seattle sur l'organisation mondiale des marchés. Ce problème de menottes est très symbolique, parce qu'une justice humaine ne peut pas tolérer plus longtemps de tels traitements, mais je suis sûr que vous êtes sensible à cette remarque.

Merci.

M me la présidente.

Le président Mermaz a donné l'exemple de la concision. Je suis sûre que cet exemple sera suivi.

La parole est à M. Warsmann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Chaque année, l'examen du budget de la justice nous donne en premier lieu l'occasion de refaire un point sur le fonctionnement du service public de la justice en France.

Où en est-on ? Quelle est l'évolution ?

La première marque de cette évolution, c'est le retard colossal qui ne cesse de s'aggraver. Les chiffres ont été cités partielleme nt par les uns et par les autres.

Selon les dernières statistiques, tous les délais s'allongent.

Après être restés stables pendant deux ans, les délais de trait ement moyens des tribunaux d'instance sont passés de 5 à 5,1 mois, ceux des tribunaux de grande instance sont passés en deux ans, de 8,9 à 9,3 mois. Pour les cours d'appel : nous sommes à plus de 17 mois, le délai des cours d'appels s'ajoutant aux délais de première instance. Et quand l'affaire va en cassation, il faut ajouter un nouveau délai. Cette situation dépasse le déni de justice dans un grand nombre de cas.

Plusieurs orateurs se sont demandés : des crédits pour quoi faire ?

Pour nous, ces crédits doivent d'abord assurer le fonctionnement du système judiciaire de manière, avant toute chose, à mettre un terme à ces dénis de justice, conséquence de la lenteur des tribunaux. Et là, le compte n'y est pas. Pourquoi ? Vous l'avez dit vous-même. Vous avez présenté le meilleur argument qui prouve cette absence de priorité, en exposant l'affectation des postes supplémentaires : 100 pour la mixité dans les tribunaux de commerce, 48 pour le contentieux du juge, dit des libertés, et seulement 34 pour le retard. Je crois que cela doit donner un nouveau magistrat pour sept cours ou tribunaux. Ce magistrat sera le bienvenu là où il sera affecté, mais cela montre bien que dans l'ordre des priorités de votre budget la délinquance des mineurs n'est qu'en quatrième position et la résorption des retards en troisième. Pour nous, c'est une méconnaissance complète des priorités qui devraient être celles de l'affectation des moyens à la justice.

Cela vaut particulièrement, on l'a dit, en matière de droit du travail. Dans la quasi-totalité des affaires, il y a en effet une gigantesque inégalité entre, d'une part, le salarié, qui a besoin d'un jugement rapide, dont dépend la défense d'un certain nombre de droits et l'obtention d'une partie des primes auxquelles il peut avoir droit, et, d'autre part, l'entreprise, qui, très


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généralement, a beaucoup moins d'intérêt à la rapidité. I l est particulièrement scandaleux d'avoir des délais de plusieurs années sur l'ensemble des contentieux, et notamment sur ce contentieux-là.

Le corollaire de tout cela, c'est l'océan des affaires en stock.

Elles se comptent en centaines de milliers : 579 000 devant les tribunaux de grande instance, simplement pour les procédures civiles ; 321 000 en appel ; en correctionnelle : 111 000 affaires en stock. Pour nous, c'est bien là le premier problème de la justice et cela devrait être, selon nous, la première priorité.

Vous ne devez pas être surprise, madame la ministre, de m'entendre vous le dire, je l'ai déjà fait dans plusieurs débats.

Chaque fois que vous faites voter une nouvelle loi vous annoncez qu'elle sera financée. Soit, mais du coup vous affectez tous les moyens au financement de ces réformes.

Alors permettez-moi de vous le dire : il n'y a quasiment pas de moyens pour la résorption des stocks puisque vous choisissez d'affecter les moyens supplémentaires au texte que vous faites voter.

Le deuxième point sur lequel je voulais insister concerne le malaise de tout le secteur pénitentiaire. Cela a été dit par un certain nombre d'orateurs. Les conditions de détention et de travail des personnels pénitentiaires ne sont pas dignes de la fin du XXe siècle. Ce n'est plus admissible.

Je voudrais citer encore un ou deux chiffres car s'il est impossible d'être exhaustif en cinq minutes, je souhaite donner quelques coups de projecteurs.

En une année, il y a eu 118 suicides dans les prisons de France et 278 agressions contre les personnels de la pénitentiaire, alors qu'il y en avait eu 127 deux ans auparavant. Voilà encore un indicateur du malaise dans les prisons.

J'ai d'ailleurs été frappé de voir la réaction de tous les synd icats pénitentiaires au projet de budget. Je n'aurais pas la cruauté de les rappeler : l'un parle de bricolage, l'autre de résultats très insuffisants, le troisième, je ne résiste pas à vous le dire, il s'agit de la fédération de la justice CFDT, a publié un document analysant le budget de Mme Guigou dont la dernière phrase est :

« A quoi servent ces grands discours, vos grands discours madame la ministre, devant les parlementaires ? »

Je voudrais finir par cette remarque, parce que je crois que tous les observateurs l'ont notée, il y avait vraiment une différence de ton entre la satisfaction - j'allais dire l'autosatisfacti on - que vous avez exprimé, et toutes les interventions des député s. Chacun est intervenu suivant ses fonctions, suivant sa sensibilité, mais tous ont souligné des dysfonctionnements existants et de plus en plus mal vécus.

Enfin, je voudrais dire qu'il serait très souhaitable de maintenir la priorité sur l'investissement. Priorité inexistante dans ce budget, puisque les dépenses baissent de 9,27 %, et que le taux d'exécution des autorisations de programme, M. Devedjian l'a rappelé, tombe à 51 %, ce qui signifie que l'on peut quasiment parler d'effet d'affichage. Des autorisations de programme sont affichées devant les parlementaires, mais ne sont pas exécutées par la suite. Un effort d'investissement important est consenti.

Ces moyens doivent permettre d'améliorer le fonctionnement du service public de la justice et d'assurer des conditions plus dignes dans les services pénitentiaires.

Je m'associe pleinement à ce qu'a dit notre présidente, concernant un certain nombre d'établissements pénitentiaires et notamment celui de Saint-Denis de la Réunion. Je note qu'un certain nombre d'investissements sont réalisés et c'est très bien.

J'observe avec un sourire que la transparence affichée permet de connaître les endroits où les financements sont les plus importants en France. Et, à ce titre, le département de Vaucluse et la ville d'Avignon ont bénéficié d'un certain nombre d'opéra tions. Je m'en félicite pour les habitants de ce département puisqu'ils ont pu bénéficier à la fois d'un nouveau palais de justice pour 212 millions de francs, d'un nouveau centre pénitentiaire doté de 122 emplois pour un coût de 270 millions de francs et d'un tribunal de grande instance renforcé.

Je trouve cela vraiment parfait et si je peux finir avec humour, je souhaite que ce dynamisme de l'investissement dans le Vaucluse puisse s'étendre à l'ensemble de la France.

Mme la présidente.

La parole est à M. Hage, pour le groupe communiste.

M. Georges Hage.

Vos chiffres, madame la garde des sceaux, témoignent d'un effort constant pour répondre aux besoins de justice de nos concitoyens. Je fais confiance à la dialectique du quantitatif.

Pour autant, je suis saisi par l'accroissement du nombre des affaires et du besoin de justice de nos concitoyens. Je pense notamment aux affaires introduites devant le conseil des prud'hommes, mais aussi à celles qui concernent la justice pénale.

Et bien sûr, je m'interroge : le budget remédiera-t-il enfin à la lenteur du règlement des affaires ?

Je me félicite des créations d'emplois de magistrats, de greffiers en chef, d'assistants de justice, que vous avez annoncées, mais un contentieux demeure quand même : les délais devant les tribunaux de grande instance, les conseils de prud'hommes, les cours d'appel, comme l'ont indiqué les précédents orateurs.

Concernant les recrutements, j'appellerais votre attention sur le nombre d'auxiliaires et de vacataires. Ils occupent une place non négligeable dans les effectifs. Il faut quand même songer à leur donner un véritable statut et mettre fin à ce qui relève, en dernière analyse, d'une option pour la précarité.

On a parlé suffisamment de la délinquance des mineurs pour que je ne m'y attarde pas.

Je me félicite du recrutement de 680 agents et de 600 agents de justice financé par le ministère. Je veux vous interroger quand même sur la formation de ces personnels, leur intégration aux équipes et, pour les emplois-jeunes, la définition de leurs tâches et, bien sûr, la pérennisation de ces emplois.

La question des services pénitentiaires a été également suffisamment abordée. Les incarcérations injustifiées ne sont pas acceptables dans un régime républicain. Le nombre de ces incarcérations prouve que les prisons seraient quand même plus confortables, et le travail des surveillants et des personnels de surveillance plus facile et moins précaire, si on les évitait. J'insiste aussi sur la situation dans les DOM et je pense que l'on se doit, aujourd'hui, de réfléchir aux alternatives à l'incarcérat ion et au renforcement des textes sur la présomption d'innocence. Je m'interroge aussi sur les efforts que l'on pourrait faire pour les détenus qui sont libérés, afin de faciliter leur réinsertion. C ar s'ils ont péché, ils pourraient retomber dans le « péché ». Après avoir été incarcérés, ils sont peut-être plus vulnérables que les autres.

J'aurais une remarque à faire sur les organisations syndicales que j'ai rencontrées et qui estiment que le dialogue que vous entretenez avec elles est insuffisant.

A mon tour, j'évoquerai les plafonds requis pour l'obtention exceptionnelle, totale ou partielle de l'aide juridictionnelle, qui ne permettent pas de satisfaire le principe de l'égal accès au droit. Et, avant de vous dire que je vais voter le budget, que mon groupe votera le budget, je voudrais reprendre une remarque du président Mermaz. Si la décision est prise de différer l'indispensable réforme des cours d'assises, y compris le volet portant sur la révision des procès de cours d'assises, je pense immanquablement au déni de justice, hautement mais justement médiatisé, qu'est le sort réservé à Abu Jamal. Je souhaitera is, madame la garde des sceaux, une intervention de votre part en sa faveur à ce propos.

Mme la présidente.

La parole est à M. Leonetti, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Madame la garde des sceaux, madame la présidente, mes chers collègues, ce budget affiche une augmentation de 3,9 %. On peut comprendre que vous vous réjouissiez de cette augementation significative, d'autant, ajoutezvous, qu'il progresse trois fois plus vite que le budget de l'Etat.

Au-delà des chiffres, qui ont une signification toute relative, je vous rappelle, madame la garde des sceaux, que vous aviez affirmé l'année dernière que la comparaison entre le budget de la justice et celui de l'Etat n'est pas pertinente en expliquant, à raison, que l'emploi n'est pas l'élément le plus pénalisant financièrement et que c'est dans ce domaine que l'effort consenti est le plus intense.

Si j'analyse ce budget de manière un plus approfondie, je ne dirai pas comme le rapporteur, M. Jacques Floch : « Ce n'est déjà pas si mal que cela », mais plutôt : « Ce n'est pas si bien que cela ». Tout dépend si l'on regarde d'où l'on vient ou les chantiers à mettre en oeuvre.


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En effet, 1 237 emplois ont été créés, mais le Gouvernement nous dit que ces emplois sont essentiellement affectés aux réformes concernant les juges de la détention, l'introduction de juges professionnels dans les tribunaux de commerce, etc.

L'important retard ne sera donc pas comblé, puisque l'ensemble du budget, essentiellement destiné à l'emploi, est tourné vers la mise en oeuvre de réformes, très certainement utiles et nécessaires, mais dont le financement n'est pas totalement assuré et qui génèrent une augmentation de nos besoins de justice.

Le président Mermaz a, à juste titre, rappelé que nos concitoyens, à tort ou à raison, demandent de plus en plus de justice et une justice de plus en plus sévère. Mais il faut davantage de moyens. Comment ne pas voir, un an après le vote de la loi sur la délinquance sexuelle, que leur insuffisance, signalée au moment où nous nous apprêtions à dire que les enfants pouvaient avoir des enregistrements, reste toujours aussi patente ? L'augmentation de la population carcérale est un fait significatif de ces dernières années. On peut s'en réjouir si l'on se met du côté du ministre de l'intérieur, mais on peut déplorer que l es prisons soient encombrées et, pire, dans une république, qu'elles sont encombrées par des innocents.

Enfin, la création de nouveaux espaces judiciaires européens devrait augmenter encore les besoins : augmentation des affaires à traiter, de la délinquance des mineurs, dont je rappelle qu'elle représente aujourd'hui 50 % de la délinquance avec violence de rue, et un tiers de faits délictueux dans certaines agglomérations.

Si bien que, en ce qui concerne la délinquance des mineurs, les moyens ne nous paraissent pas, là aussi, totalement adaptés aux nouveaux enjeux dont la maîtrise nous échappe progressivement.

Cette explosion de la délinquance juvénile devrait nous inciter à revoir l'ordonnance de 1945, plutôt que de créer des postes dont on ne connaît pas exactement la pertinence et l'efficacité.

Parallèlement, la situation de la justice au quotidien reste misérable.

Sa lenteur a déjà été soulignée par tous. Les délais ont augmenté de 25 % « seulement », avez-vous dit, alors que les affaires ont doublé de volume. Mais ce « seulement » est encore plus cruellement ressenti par l'ensemble de nos concitoyens qui savent et qui voient que la justice est de plus en plus lente.

Ce manque de moyens est sensible au niveau du greffe, au niveau de l'informatique qui accuse toujours un retard important. Mais il l'est aussi dans les prisons qui incarcèrent des gens présumés innocents et qui sont, en même temps, incapables d'empêcher le taux de récidive qui augmente, lui aussi, de manière inquiétante. Dans l'esprit des Français, le doute persiste

La justice dans ce pays n'est pas rendue en équité. Elle est lente, elle est insuffisante. Les affaires pénales, évoquées il y a un moment, telles que l'affaire des dossiers qui disparaissent, laissent penser que la justice est handicapée par des sectes. A Nice, on nous dit que des dossiers disparaissent parce qu'il existe un réseau maçonnique. Ces faits sont trop graves pour qu'ils ne suscitent pas un trouble supplémentaire à l'intérieur de l'institutio n de la justice.

En ce qui concerne l'affaire Papon, je me pemettrai de dire que le Gouvernement nous a indiqué hier que vous vous étiez personnellement impliquée dans ce dossier afin que M. Papon reçoive la peine qu'il mérite. Je note avec satisfaction votre intervention, mais je remarque qu'il n'est pas inutile quelque fois que le garde des sceaux intervienne de manière individuelle dans une affaire. (Sourires.)

La précarité croissante de l'emploi. Dans le championnat de l'Etat, le ministère de la justice est probablement celui qui crée le plus d'emplois précaires. Il ne faut pas s'étonner, devant l'insuffisance des moyens qui existent à la justice, que les emploisjeunes soient utilisés à autre chose qu'à de réels emplois-jeun es et qu'ils aient des missions qui sont quelquefois beaucoup plus techniques et en remplacement de fonctionnaires indispensables.

Enfin, le partenariat avec les collectivités territoriales a un caractère sympathique, mais inquiétant. Est-ce que les maisons de justice et de droit doivent être toutes fournies par les communes ? Est-ce que la rénovation de tous les tribunaux de commerce doit être payée par les communes, les agglomérations ou les départements ? C'est un nouveau transfert des charges de l'Etat dans sa fonction régalienne vers les finances des collectivités territoriales qui nous paraît inquiétant.

Vous avez dit, madame la garde des sceaux, que ce budget sort de l'ordinaire. Mais plutôt que d'opter pour la réforme, parfois plus médiatique mais pas forcément indispensable, il valait mieux mettre l'accent sur ce qui préoccupe nos concitoyens : l'amélioration de la justice au quotidien, la délinquance de la jeunesse, la lenteur de la justice.

Je pense qu'il faudrait qu'une loi-programme sur toutes les fonctions régaliennes de l'Etat puisse être déposée. Vous me répondrez que les lois-programmes trouvent rarement une traduction budgétaire. Mais je note aussi, avec un réel optimisme à la fois budgétaire et politique, que vous prévoyez 1 milliard de francs pour les investissements jusqu'en 2004. Cela prouve également que vous aussi avez l'intention d'envisager les choses dans la durée. Dès lors, rien ne serait plus utile que de les envisager globalement, de définir clairement les priorités afin d'éviter le saupoudrage auquel nous assistons et qui fait que ce budget, dont les crédits augmentent de 3,9 % au total, ne s'attaquera à la justice au quotidien que sur moins de 1 % de cet investissement. Ce qui représente, compte tenu de l'augmentation des besoins et de la demande, une régression par rapport à ce que les Français attendaient de leur justice.

Mme la présidente.

La parole est à M. Tourret, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Alain Tourret.

Madame le garde des sceaux, madame la présidente, à quelques semaines de l'an 2000, la France commence enfin à avoir une justice disposant d'emplois et de moyens. Car la justice, ce n'est pas simplement l'adéquation des textes aux évolutions de la société, mais c'est aussi une administration essentielle au bon fonctionnement de l'Etat.

Nos concitoyens avaient besoin d'un message fort sur le plan judiciaire et ils l'ont grâce à ce budget qui a, pour premier mérite, d'être dans la continuité des deux budgets précédent s. Son deuxième mérite est d'être en forte progression par rapport à ces deux premiers budgets et ceci pour deux raisons : il permet d'améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien, mais aussi de mettre en oeuvre les grandes réformes que nous avons votées.

Sur tous ces sujets, c'est un satisfecit que je vous donne.

Quelques réflexions maintenant. D'abord, sur les emplois.

1 237 emplois ont été créés, ce qui est exceptionnel quand on prend le budget global de la fonction publique en France, puisque sur les 1,670 million de fonctionnaires, il n'y aura que 247 emplois créés en l'an 2000. C'est donc grâce au seul ministère de la justice que le solde des créations d'emplois sera positif cette année. Nous n'échapperons cependant pas, madame le garde des sceaux, à une réflexion sur la courbe des âges car nous savons très bien que dans les quinze ans à venir, c'est la moitié de la fonction publique, soit 750 000 fonctionnaires qui va partir en retraite. Il vaudrait mieux ne pas les remplacer par à-coups, mais bien évidemment en fonction d'un plan prédétér miné.

Autre réflexion sur l'utilisation des fonds budgétaires. L'accès à la justice, tout d'abord, et en particulier l'aide juridictionnelle.

Je pense qu'il est nécessaire de revoir le problème de l'aide juridictionnelle pour les procès de longue durée. Cela a déjà ét é prévu pour les cours d'assises, mais pas pour les tribunaux correctionnels. Je sais que vous vous souciez de ces problèmes.

Nous avons des procès qui durent plusieurs mois et aucune indemnisation des avocats n'est possible. Il faut y remédier.

Le deuxième problème concerne les établissements pénitentiaires. On a beaucoup parlé de Saint-Denis de la Réunion. Il est vrai que nous en revenons, et l'établissement pénitentiaire est une honte pour la République qui entraînera tôt ou tard la condamnation de la France, par toutes les juridictions intenationales, étant donné l'état dans lequel se trouve cet établisseme nt. On met dans un quasi-mouroir des personnes qui, après tout, ne devraient avoir tout simplement qu'une privation de liberté. La seule solution serait de toutes les remettre en liberté et évidemment c'est assez difficile à concevoir. Il n'en reste pas moins que ce sont des moyens exceptionnels et immédiats qu'il faut mettre en place à ce sujet. Cette réflexion m'amène plus globalement à


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réfléchir sur la fonction même de l'emprisonnement. Pour les détenus de longue durée, tout d'abord, et en particulier pour ceux qui sont condamnés à des peines à perpétuité auxquels o n ne laisse pas d'espoir actuellement. C'est de la dynamite que l'on place dans tous les centres pénitentiaires.

Deuxième point : les assignations à domicile qui n'ont pratiquement jamais lieu.

Troisième chose : la présence qui me semble totalement anormale de jeunes mères de famille dans des centres de détention.

Un certain nombre de pays ont résolu ces problèmes. En Italie, par exemple, on ne met pas en prison des mères de jeunes enfants. La situation actuelle en France, à savoir qu'une mère reste jusqu'à 18 mois avec son enfant et qu'ensuite on le lui enlève, est quelque chose d'insupportable.

Madame, je crois que cela ne remettrait pas en jeu les principes essentiels de notre justice que de revenir sur ce point, mais il y a quand même quelque chose qui me semble insupportable dans la situation de ces jeunes mères de famille.

En ce qui concerne la carte judiciaire, M. Devedjian en a parlé, et je crois que sa réforme est inscrite dans la loi puisque nous avons approuvé un amendement visant à garantir qu'elle interviendrait dans les deux ans qui suivront le vote portant sur la présomption d'innocence. Il faut y réfléchir. Cela ne sera pas simple. En tout cas, de simples suppressions ne suffiront pas. Il faudra réadapter le dispositif, en créant par exemple des chambres déléguées. J'ai été saisi par l'exemple de la ville de Nantes, qui comme quelques grandes villes de France, n'a pas de cour d'appel. Ce système des chambres déléguées ne serait-il pas une réponse qui pourrait leur être apportée ? En ce qui concerne les moyens mis à la disposition de ces cours, et des tribunaux les plus importants, je crois que l'utilisation de la vidéoconférence est actuellement très insuffisante. L'organisation des procès par le système de la vidéoconférence serait parfaitement possible. Un certain nombre de magistrats, de premiers présidents, ont déjà beaucoup réfléchi à cette question. Cela permettrait de moderniser la justice en la rendant plus efficace et beaucoup plus rapide tout en respectant les droits des individus. Car il est vrai que ce que veulent nos concitoyens, c'est une justice plus rapide.

Attendre indéfiniment en particulier devant les chambres sociales des cours d'appel qui sont totalement bloquées, nous le savons bien, est quelque chose d'insupportable. Alors, madame, il faut repenser le problème de l'exécution provisoire, comme vous l'aviez vous-même envisagé. L'exécution provisoire doit êt re de plein droit dans tous les dossiers, à l'exception de ceux qui concernent l'état des personnes. Et le contrôle du premier président doit être maintenu puisqu'il peut décider la suspension de l'exécution provisoire. C'est parce que cette possibilité ne concerne qu'une minorité de dossiers que la justice traîne pareillement. Or nous avons là une solution bien simple. Ce sera sous le contrôle du premier président qui aura une possibilité d'assurer les droits des individus, mais nous n'échapperons pas à cette réflexion sur la durée des procédures. Dans le code du travail, on a déjà l'exécution provisoire de plein droit jusqu'à neuf mo is, c'est l'une des premières approches. Mais cela n'existe pas dans un certain nombre d'autres affaires sur le plan commercial, etc.

Il faut étendre ce bénéfice de l'exécution provisoire.

Madame, ce budget est, à mon sens, remarquable. Je tiens à le dire. Cela a été souligné, mais je tiens à dire qu'il est remar quable. Je crois en outre que nous avons besoin d'une justice moderne, d'une justice de notre temps. Les Français ont un besoin toujours plus fort de justice et, après tout, n'est-ce pas une société moderne que celle qui a recours à ses juges et qui a confiance dans ses juges ?

Mme la présidente.

La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Pascal Clément.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, ce budget, sur lequel mes collègues viennent d'exprimer leur analyse, marque indéniablement une amélioration sur le plan quantitatif.

Pour autant, si on se situe dans une autre perspective, et c'est celle dans laquelle je voudrais me placer, qui s'intéresse à l'importance de la justice dans notre société, que l'on dit de plus en plus judiciarisée, où, pour un oui ou un non, pour parler de manière familière, les Français deviennent justiciables, on s'aper çoit que, malgré cet effort budgétaire, nous sommes encore en décalage par rapport au rôle que la justice a pris dans la société française.

Comme l'a dit mon collègue M. Tourret, cette judiciarisation est sans doute le fait d'une société moderne et c'est sans doute, en plus, particulièrement sain sur le plan démocratique. Mais nous sommes loin du compte, même s'il est vrai que cette évolution date de nombreuses années. Aucun gouvernement, même si ce budget marque une volonté politique forte, n'a pris en compte le changement de dimension de la justice. Pour illustrer mes propos, je voudrais vous poser certaines questions et, à travers ces questions, faire quelques remarques.

On peut penser que dans ce budget il y a une vraie fausse création de postes de magistrats. Je voudrais m'expliquer. Il y a 212 postes de magistrat prévus pour les juridictions judiciaires, mais, semble-t-il, 100 de ces postes seront automatiquement affectés aux tribunaux de commerce, quant aux autres, ils seraient affectés avant même le vote de la loi - c'est une préc aution que je ne critique pas, mais je la constate - à la création de juges de la détention provisoire. Si bien que si l'on retire ces postes créés, on s'aperçoit que le nombre de juges reste pratiquement inchangé dans ce budget. Là aussi, je note un décalage entre ce qui est annoncé et la réalité.

Sur la formation économique des magistrats, vous précisez dans votre projet que quinze agents du ministère des finances ont été mis à disposition depuis juin 1999. Je crois que tout le monde est sensible à leur compétence technique et qu'elle est bienvenue. Mais quand on connaît le peu de magistrats qui ont une formation économique et l'expérience des questions qui s'y rapportent, l'effort est-il, là encore, en rapport avec la situation surtout si, compte tenu de l'évolution de votre projet de loi, nous allons vers l'échevinage dans les tribunaux de commerce. Je crois que l'on est en-dessous de la dimension du problème.

Concernant l'éternel serpent de mer de la cour d'assises.

C'est un sujet sur lequel j'ai été moi-même rapporteur. Tout le monde réclame, y compris moi-même, la possibilité de pouvoir faire appel des décisions des cours d'assises. Mais, dans ce cas, il faudra modifier la nature de la décision du jury, qui fait appel, jusqu'à présent, à l'intime conviction de ces membres. Or il est indispensable de rationaliser cette décision pour que l'appel s'appuie sur quelque chose, c'est le problème de fond. Mais, là encore, le problème budgétaire est considérable. La preuve, c'est que personne n'a été capable de le régler jusqu'à présent. P ersonne n'a aujourd'hui pris la décision politique au sens noble du terme de faire l'effort financier pour aboutir à la création d'un double domaine de juridiction concernant les cours d'assises.

Sur le problème de la détention provisoire. Avant même le vote définitif de la loi, vous prévoyez la création de ce poste.

C'est bien. Cette loi marque un progrès, mais sans entrer dans ce débat, vous savez bien qu'elle ne règle pas le problème de fond qui est celui qui touche à l'ambiguïté du rôle du juge d'instruction, qui instruit à la fois à charge et à décharge. O r ce système, à force d'avoir expliqué que c'est un système original , un système français sans équivalent, on finit par tous douter de son bien-fondé.

La délinquance des mineurs, c'est aussi un point sur lequel je voulais vous poser une question. C'est bien sûr une affaire de moyens, mais c'est surtout un problème de nature, en fonction des réponses que l'on peut apporter. Vous avez augmenté le budget de 10 millions de francs afin d'accroître le nombre de délégués au procureur dont le rôle est d'intervenir dans le cad re du traitement en temps réel. Un dispositif qui est sûrement le moyen le plus efficace aussi bien sur le plan répressif qu'éducatif.

Et on peut se demander si cette somme n'est pas un peu dérisoire, par rapport à l'étendue du problème, notamment lorsqu'on voit les chiffres de la région parisienne qui, cette année, ont fait un saut en avant désolant.

Voilà, madame la garde des sceaux, je ne vous parlerai pas d'une réprobation, ni d'une indemnisation des personnes mises en détention provisoire, même si ce sont d'autres questions que l'on pourrait soulever devant vous.

Mais je voudrais dire simplement, car c'est le problème de fond et j'y reviens : oui, c'est un bon budget par rapport aux précédents ; non, cela ne peut pas être un bon budget par rapport aux problèmes que pose la place de la justice dans la société


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moderne qu'est devenue la France. Il y a là une différence de nature, un fossé que personne, semble-t-il, n'a décidé de franchir en France. On reste dans une progression d'optique budgétaire, alors que ce serait finalement tout à fait autre chose qu'il serait souhaitable de faire.

Nous sommes conscients des progrès, mais nous sommes tous conscients des lacunes. Je vous remercie.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, d'abord, comme d'habitude, je trouve cet échange extrêmement intéressant. Je remercie les rapporteurs, en particulier, ainsi que les nombreuses interventions qui ont salué les efforts qui sont faits dans ce budget et depuis trois ans. C'est vrai que ce n'est pas parce qu'on a trois bons budgets que l'on a résolu tous les problèmes.

Je vais répondre dans un instant aux différentes questions et remarques formulées sur les délais, le problème majeur bien entendu, mais aussi sur la qualité du travail qui est rendu, ainsi que sur la situation qui reste très préoccupante dans les prisons, M. André Gérin l'a souligné, et enfin je reviendrai sur l'ensemble des progrès qu'il reste à faire justement, afin de profiter de l'augmentation des moyens.

Même si je n'avais pas insisté beaucoup dans mon intervention liminaire, puisque présenter un budget, c'est d'abord présenter des niveaux de crédits, je vais donc avoir l'occasion, grâce à vos questions et remarques, d'être un peu plus explicite sur les politiques que nous menons pour améliorer les performances à la fois quantitative et qualitative, n'oublions jamais cela, dans ce grand ministère.

D'abord, aux questions posées par M. Devedjian sur les consommations de crédits. Je suis très attentive à cette question.

En dépenses de fonctionnement, nous avons un bon taux, vous l'avez souligné : 97 %. En vacances d'emplois, nous faisons des progrès également et j'y suis très attentive, je pourrais vous don ner les chiffres détaillés. Sur l'administration pénitentiaire, c' est vrai, mais en la matière nous subissons le contrecoup du coup de frein donné en 1996 et 1997. Comment ? Je prends l'exemple du programme 4000. Deux milliards de francs ont été inscrits en 1995, qui était un bon budget, et seulement 350 millions de francs en 1997. C'est moi qui ai sauvé ce programme avec 800 millions de francs d'autorisations de programme en 1998, 700 millions de francs en 1999, c'est-à-dire 1,5 milliard en deux ans. Il faudrait vraiment éviter, surtout pour les programmes de construction puisqu'il faut évidemment les faire dans la durée, ces coups d'accordéon terribles et, en la matière, les lois de programmation ne nous sont d'aucune aide puisqu'au cas particulier il y avait une loi de programmation. Je préfère ma méthode qui consiste à dire : on annonce peut-être moins au départ, mais on tient le rythme de façon qu'il n'y ait pas de brutale décélération. Nous avons donc rattrapé ce retard. Nous avons lancé la procédure de concours d'architecte. Il est sûr que le taux de consommation serait meilleur si l'on n'avait pas eu c ette brusque rupture, notamment pendant deux ans, presque trois. Hors programme 4000, la consommation est très bonne. Si vous le souhaitez, je pourrais vous faire passer des indications plus précises à ce sujet.

Toutes les interventions, et à juste titre, ont appelé l'attention sur le grave problème des délais, et croyez-le, c'est peut-être le sujet moi aussi qui me préoccupe le plus. D'abord, je voudrais rappeler ces délais. Globalement, nous avons dans les tribunaux de grande instance un peu plus de neuf mois de délai, seize mois au pénal et dix-sept mois dans les cours d'appel. Concernant les cours d'appel, nous avons connu des délais aussi longs au début des années 1980, puis il y a eu une baisse et une remontée, et pour les tribunaux de grande instance on est proche de la moyenne historique sur vingt ans.

Ce n'est pas une raison pour s'en contenter, mais je donne quand même ces éléments de comparaison. Avant d'analyser ces délais, il faut souligner que l'on raisonne sur des chiffres un peu anciens, ceux de 1998. Ils ne peuvent évidemment pas refléter l'augmentation des moyens du budget 1998 et du budget 1999.

Vous savez bien tous qu'il y a un décalage dans l'arrivée des moyens dans les juridictions. C'est une première indication qui est quand même simple, mais qui est indéniable. Nous avons commencé à voir arriver dans les juridictions les premiers moyens en juin 1999 alors que le concours exceptionnel avait été voté en 1998. Ce que nous avons géré jusqu'en juin 1999, pardonnez-moi, c'était la pénurie des années précédentes. Eh oui ! Monsieur Warsmann, cela ne vous fait pas plaisir ? Mais c'est quand même vrai.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela me fait sourire !

Mme la garde des sceaux.

Cela ne devrait pas vous faire sourire.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

L'année prochaine il faudra trouver autre chose !

Mme la garde des sceaux.

Certainement. Mais je pense que c'est en train de changer. Vous vous apercevrez que ce décalage existe, si au lieu de protester par rapport au rappel de quelques vérités d'évidences, vous me laissiez continuer mon raisonnement.

Par ailleurs, pour les tribunaux de grande instance, il faut, me semble-t-il, pousser l'analyse au-delà du délai moyen. Dans les juridictions, nous observons une très grande disparité selon les types de contentieux. Pour les divorces pour faute, par exemple, la moyenne est de quinze mois tandis que pour le divorce simple elle est de neuf mois. C'est ainsi que l'on s'aperçoit, lorsque l'on fait une analyse un peu plus fine, que les réformes déjà engagé es, ou à venir s'agissant du divorce, sont de nature à faire diminuer les délais. Si nous avons des procédures interminables, notamment en matière de divorce, des procédures qui aggravent les conflits au lieu d'essayer d'aider les gens à les résoudre, il est clair que les délais augmenteront.

Au-delà du constat global, il faut savoir que la moitié des affaires civiles des tribunaux de grande instance sont traitées en moins de six mois et les trois quarts en moins de neuf mois. Ce sont donc 10 % des affaires, très longues, qui font remonter la moyenne. Il faut essayer de se concentrer sur ces 10 %, qui sont souvent des affaires complexes. Je demande par conséquent aux juridictions de le faire.

Mais la complexité des affaires, dont certaines sont structurellement longues, je parlais du divorce il y a un instant, ne c onstitue pas le seul facteur d'explication. Dans d'autres domaines, on observe également de grandes disparités entre les tribunaux. Cette différence de performance me frappe particulièrement lorsque je me rends dans les juridictions. Nous en avons parlé souvent.

Je m'emploie à faire savoir et à faire connaître dans les juridictions, les pratiques et les procédures qui font que l'on arrive à diminuer les délais. Nous améliorerons l'information interne, que ce soit par les notes internes du ministère, par le réseau Intranet qui commence à être performant, mais qui le sera davantage car il est très important de faire connaître dans les différents tribunaux un certain nombre de pratiques. Il est sûr que lorsqu'il y a des contrats de procédure, des contrats de juridiction, des mécanismes que nous avons développés, les performances s'améliorent.

J'observe aussi, parce que c'est une question difficile sur laquelle nous avons déjà beaucoup travaillé justement pour essayer de dépasser les approches simplistes, qu'il faut en effet, vous avez été nombreux à le souligner, se soucier de qualité.

Ainsi, entre deux tribunaux de grande instance, l'un juge un divorce en six ou sept mois, mais crée parfois des conflits postdivorce - patrimoine et garde des enfants - et l'autre prend deux mois de plus, mais règle tout.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Troisième solution : celui qui est plus long mais qui ne règle rien ! (Sourires.)

Mme la garde des sceaux.

Bien sûr, il y a cela aussi. Il ne faut pas simplement juger le qualitatif à partir d'une approche simpliste du quantitatif. Il faut que nous arrivions à avoir des indicateurs, je le disais dans mon propos liminaire, pour approcher plus finement la réalité du travail dans les tribunaux.

Depuis l'année dernière, j'ai attiré sur cette question l'attentio n des chefs de cour que je reçois régulièrement.

Il y a bien entendu la question du décalage entre le vote et la mise à disposition des moyens, c'est une chose. Il y a également la question de la qualité du service rendu. Il est clair que l'arri-


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vée de nouveaux moyens sert aussi à améliorer la qualité du ser vice rendu et pas forcément à la réduction mécanique des dél ais, c'est un arbitrage réalisé par les juridictions. C'est à appréc ier.

En dépit de tout cela, je pense néanmoins que nous devons avoir une action plus vive sur le délai de traitement des affaires.

C'est pourquoi j'ai décidé de développer les contrats de gestion.

Nous avons commencé notamment avec les cours d'appel. Je vais vous citer deux exemples : Nous avons ainsi créé des emplois à la cours d'appel de Douai dans le cadre d'un accord stipulant que ces postes en surnombre devront servir à résorber le retard accumulé en cours d'assises.

Résultat : en 18 mois, le délai de traitement de la cour d'assises de Douai est passé de 24 mois à 6,8 mois. Tout cela parce que nous avons affecté un conseiller et un substitut général supplé mentaire dans le cadre d'un accord clair et précis avec le premier président de la cour d'appel.

A la cour d'appel d'Aix, nous avons fait la même chose, mais cette fois-ci pour la chambre sociale. Dans le cadre d'un contrat de gestion, nous avons renforcé les effectifs pour créer une deuxième section de la chambre sociale, et, pour la première fois cette année, la cour d'appel d'Aix a stabilisé ses stocks en matière sociale.

Le nombre des affaires jugées et celui des nouvelles affaires est le même. Bien sûr, il n'y a pas une diminution des délais, on n'en est pas encore là. Je reviendrai tout à l'heure sur ce sujet lorsque je répondrai à la question d'Alain Tourret notamment, sur l'exécution provisoire, puisqu'en dehors de l'affectation de nouveaux moyens, du contrôle et du travail en commun qui est fait avec les juridictions pour améliorer leurs méthodes de travail, il y a bien entendu aussi des règles de procédure à modifier

Evidemment, vous avez été quelques-uns à souligner qu'il faudrait affecter davantage de moyens à la résorption des délais et des stocks. Je note d'ailleurs qu'il y a eu quelques propos contradictoires ici ou là. C'était M. Léonetti, je crois, qui, dans un même mouvement, disait qu'il faudrait faire davantage pour la résorption des stocks et moins pour les réformes, alors qu'il me demandait de faire la réforme de la cour d'assises.

Donc je rappelle qu'il était prévu dans le projet présenté par

M. Toubon que cette réforme coûterait 100 magistrats par an.

M. Jean-Antoine Léonetti.

Je ne vous ai pas demandé cela !

Mme la garde des sceaux.

C'était M. Clément. Excusezmoi. Il faut savoir ce que l'on veut, c'est un arbitrage à faire.

J'observe par ailleurs que les réformes, en tout cas certaines d'entre elles, auront aussi pour conséquence de diminuer le nombre des affaires à traiter ou les contentieux. Le projet de loi présomption d'innocence qui institue la création du juge de la détention privisoire aura ainsi un effet mécanique sur la diminution du nombre de détenus. La réforme des tribunaux de commerce aura aussi pour effet, car je pense que cette juridiction fonctionnera mieux après cette réforme, de diminuer un très grand nombre de détresses sociales qui génèrent elles auss i des contentieux et parfois de la délinquance.

Il ne faut pas, là encore, avoir une vision mécanique des choses. Les réformes sont nécessaires, y compris pour améliorer le fonctionnement des juridictions. Si je pense, par exemple, aux lois qu'à citées Louis Mermaz tout à l'heure sur la simplification de la procédure pénale ou sur l'accès au droit, nous voyons bien que, sans mobiliser des moyens très importants - même si l'effort consenti est bien supérieur à ce qui avait été fait ju squelà - nous allons pouvoir désencombrer les juridictions. Celles-ci pourront en effet se concentrer sur les contentieux les plus importants, tout en répondant mieux de surcroît aux besoins de nos concitoyens puisque l'accès au droit dans les maisons de la justice et du droit permettra de traiter en temps réel tous les actes de petite et moyenne délinquance. Nous préviendrons également le passage devant le tribunal puisque nous tâcherons de développer le règlement des conflits par la transaction, par la conciliation, par la médiation, par l'arbitrage.

Je veux bien que l'on dénigre les réformes que fait ce gouvernement - on peut ne pas être d'accord avec, c'est la loi du jeu parlementaire - mais je dis très fermement que ces réformes auront aussi un effet bénéfique sur la qualité du fonctionnement de la justice. Nous allons, bien entendu, poursuivre le travail entamé. Je pourrais parler, par exemple, de ce que nous faisons avec les chefs de cours d'appel pour la mise en place de la déconcentration. Personne n'a évoqué cette question, sans doute par manque de temps. Le fait d'affecter des postes à la création des chefs de services administratifs régionaux auprès des présidents de cours d'appel, vous vous en rendez compte, permettra à ceux-ci d'améliorer le travail des juridictions et aussi de mieux répartir les moyens puisque c'est à chaque premier président de cour d'appel de répartir les moyens qui sont alloués aux tribunaux de son ressort. Au sein de ce ministère, nous accomplissons un travail portant sur la gestion interne, sur la transparence, sur l'évaluation, sur les responsabilités nouvelles en matière de gestion données aux responsables qui, je crois, devrait nous permettre d'améliorer les choses. Cela dit, il faut rester prudent avant de parler de réduction des délais, car l'allongement actuel vient aussi de l'augmentation considérable du contentieux. C'est une tendance lourde de notre société.

Je vous ai cité quelques-unes des réformes, que l'Assemblée a d'ailleurs votées, qui doivent permettre de contenir cette tendance. Car je n'ai pas la prétention de penser qu'on pourra la renverser. C'est un phénomène de société qui est évidemment extrêmement important, qui fait appel peut-être aussi à la responsabilité de chacun.

S ur l'informatisation, question importante posée par M. Devedjian, où en sommes-nous ? Le logiciel civil pour les cours d'appel a été labélisé en 1998 , si bien qu'aujourd'hui près des deux tiers des cours d'appel et la moitié des tribunaux de grande instance en sont équipés. C'est un succès. On a eu beaucoup de déboires dans l'équipement informatique des juridictions, mais maintenant cela fonctionne bien.

A Paris, une chaîne informatique civile viendra remplacer plusieurs micro-applications dès janvier 2000. Et le déploiement devrait être achevé en mars 2000. C'est un sujet important, vous avez eu raison de le souligner. Nous ne le négligeons pas au contraire. Plusieurs d'entre vous ont fait des remarques extrêmement pertinentes sur la carte judiciaire. Je voudrais quand même rappeler quelques choses simples. Au cours de ce siècle qui s'achève, il y a eu deux réformes de la carte judiciaire. La réforme Poincaré et la réforme Debré, point final.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Et il y aura la réforme Elisabeth Guigou !

Mme la garde des sceaux.

Ce ne sera que la troisième réforme du siècle ! Enfin, j'en suis très heureuse.

M. Pascal Clément.

Mais elle n'est pas faite. Bon courage !

Mme la garde des sceaux.

Ce sera la première à inclure la réforme de la carte des tribunaux de commerce qui n'avait pas été touchée par la réforme Debré, je le souligne, non plus q ue par la réforme Poincaré, d'où urgence à commencer par là.

M. Robert Pandraud.

Il vous faudrait des ordonnances pour cela.

Mme la garde des sceaux.

Oui, ce serait plus facile, en effet, monsieur Pandraud, mais je crois que les temps ont changé, que l'on n'est plus en 1958 et que nous sommes peutêtre dans une société qui admettrait mal...

M. Robert Pandraud.

Alors parlons de décrets-lois !

Mme la garde des sceaux.

Que l'on procède par décrets, lois ou ordonnances. Je préfère, dans une société où tout le monde est acteur, jouer sur le partenariat.

Evidemment, cela prend un peu plus de temps que de signer des ordonnances ou des décrets de loi, mais je pense qu'au final la réforme sera peut-être mieux acceptée. En tout cas, nous progressons. Nous avançons sur les tribunaux de commerce, un premier décret a été pris. A la fin de l'année, cette réforme d e la carte des tribunaux de commerce sera achevée.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Y aura-t-il d'autres suppressions d'ici à la fin de l'année ?

Mme la garde des sceaux.

Oui. Un deuxième décret sera pris à la fin de l'année pour les cours d'appel non encore visitées. Six cours d'appel avaient été concernées par le décret de


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juillet 1998. L'essentiel a été fait puisque nous avions choisi de concentrer nos premiers efforts sur les cours d'appel les plus encombrées et sur les petits tribunaux de commerce dont l'activité ne se justifiait plus vraiment.

Ce qui est important pour la suite, c'est que nous puissions d'abord continuer d'appliquer cette méthode de concertation et de partenariat parce que, je crois que c'est M. Devedjian qui l'a souligné à juste titre, la réforme de la carte judiciaire n'est pas seulement le problème des magistrats ou du ministre de la justice, mais aussi l'affaire des élus locaux, des barreaux. Or la méthode que j'ai choisie est de nature à aboutir au meilleur accord possible entre ces différents partenaires. Pour parvenir à cet accord, il faut progresser avec l'ensemble des partenaires, car nous savons que si nous nous heurtons à des blocages, il est ensuite très difficile de les surmonter. La meilleure façon de faire, me semble-t-il, est d'abord, comme le suggérait Alain Tourret, de ne pas penser seulement en termes de suppression, il faut recourir à des moyens multiples tels que les chambres détachées, ou les audiences foraines. La justice peut en effet être rendue autrement, et peut-être plus efficacement qu'entre les murs d'un tribunal.

Nous travaillons sur ces sujets et nous avons le devoir de le faire avec finesse. La réforme de la détention provisoire, par exemple, nous amène déjà, nous l'avons vu dans le cadre de la discussion du projet de loi, à nous interroger sur la pertinence de la présence d'un juge de la détention provisoire dans chacun des tribunaux de grande instance. Or, nous le savons, une présence systématique serait un gaspillage. Ce serait inutile.

Tout en préservant cette méthode de partenariat, je souhaite que nous ayons tout de même une approche renouvelée pour les tribunaux de grande instance, une approche qui prenne en compte l'implication des réformes.

Vous voyez bien que c'était un peu différent de l'approche sur les tribunaux de commerce où, de toute façon, nous avions déjà décidé la réforme, et où les implications n'étaient pas les mêmes.

Donc, j'espère que nous pourrons continuer à avancer là-dessus et que nous aurons l'occasion d'y revenir plus en détail.

Restons sur les services judiciaires. Jacques Floch posait cette question difficile du coût d'un procès. Il est vrai qu'il y a beaucoup de difficultés méthodologiques parce que nous ne disposons pas de comptabilité analytique, que la dépense n'est pas organisée à partir de l'utilisation des moyens. Ce n'est d'ailleurs pas un problème propre au ministère de la justice. Nous allons essayer d'avancer sur ce point, puisque je viens de dire à l'instant qu'il faut apprécier beaucoup plus finement l'activité des juridictions. Car je tiens à ce que nous obtenions une réponse à cette question, même si elle n'est pas peut-être exactement celle que vous attendez. Mais elle nous permettra d'obtenir un exposé des problèmes méthodologiques qui se posent et de la façon dont nous pouvons peut-être essayer d'y remédier.

Sur les assistants de justice, c'est une autre question de Jacques Floch. La direction des services judiciaires est actuellement en train de dresser un bilan. J'ai demandé un rapport à chacun des chefs de cour sur la base de ce bilan. J'ai l'intention de leur adresser une circulaire avant la fin de l'année pour mieux préciser les fonctions des assistants de justice. A mes yeux, les assistants de justice ne sont pas là pour remplacer les fonctionnaires, mais pour assister les magistrats, pour effectuer des recherches documentaires...

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Les pratiques sont très variables !

Mme la garde des sceaux.

Exactement, monsieur Devedjian, je pense qu'il faut unifier ces pratiques.

Normalement, les assistants de justice sont des étudiants qui terminent leurs études et qui peuvent trouver intéressant de suivre cette formation pratique, mais ils ne se destinent pas nécessairement à entrer dans la magistrature. Ce n'est pas une sorte de voie d'accès privilégié au concours de la magistrature.

Certains le feront parce qu'ils auront pris le goût, mais ce n'est pas un mode de recrutement des magistrats. Je reviendrai tout à l'heure à la question posée par M. Hage, sur le très important problème de la résorption des emplois précaires, qui est plus général. J'espère que nous aurons terminé l'an prochain, mais je vous donnerai des indications plus précises dans un instant. Je répondrai sur les emplois jeunes en général.

Sur la pénitenciaire, sur les pôles financiers, je reviens un peu en arrière parce que c'est une question abordée à la fois par M. Devedjian et par M. Floch. Les pôles financiers, nous en avons quatre actuellement et il est vrai que nous ressentons le besoin d'en créer dans d'autres villes. Mais je n'ai pas encore pris de décision sur leur localisation. On peut songer à Bordeaux, par exemple. Il est vrai que la question peut également se poser pour Nanterre parce qu'elle dépend de la cour d'appel de Versailles et qu'il y a autant d'affaires de délinquance économique et financière dans cette circonscription qu'à Paris.

Vous vous interrogiez sur l'opportunité de la centralisation dans un lieu unique. Je ne crois pas que ce soit la bonne méthode. Je crois que l'on peut très bien organiser cette spéciali sation dans les différents pôles. D'ailleurs ils commencent à prendre l'habitude de travailler entre eux.

Lors de ma récente visite en Corse, le procureur général me disait qu'ils ont déjà des échanges avec Paris, que c'est extrê mement utile. Si on prend l'exemple de la Corse, je trouve qu'il est particulièrement important que les dossiers de délinquance économique et financière soient traités localement. Déjà qu' on centralise le terrorisme. Ce qu'il ne faut pas remettre en question. Mais si on centralisait le traitement des affaires de délinquance économique et financière, on risquerait une véritable déresponsabilisation des juridictions. Je préfère que nous créi ons plusieurs de ces pôles. Nous n'en aurons pas dans tous les tribunaux de grande instance, j'ai parlé d'une douzaine, peut-être d'une dizaine. Je n'ai pas encore pris de décision de localisation, mais je crois que l'ensemble de cette question est extrêmement importante.

Pourquoi ? Parce que la spécialisation est une bonne chose, mais il faut faire attention à l'excès de spécialisation. Je tiens à ce que les magistrats restent des généralistes.

Pourquoi ? Parce que les magistrats n'ont pas forcément à devenir des experts.

M. Robert Pandraud.

Ils les font très bien travailler.

Mme la garde des sceaux.

Et ils ont certainement à être mieux formés si l'on parle du droit économique ou financier.

M. Léonetti soulignait la nécessité d'améliorer la formation pour les tribunaux de commerce puisque des magistrats professionnels seront désormais présents dans cette juridiction. Je ne discute pas évidemment, ce serait absurde de ma part, la nécessité d'améliorer la formation des magistrats dans les domaines économiques et financiers un peu négligés par la formation initiale et permanente. En même temps, je ne crois pas que ce soit la vocation des magistrats de se transformer en experts de domaines restreints. Ils doivent pouvoir surplomber les choses.

Etre magistrat c'est aussi, et surtout, avoir une approche humaine des dossiers, y compris les plus complexes, et je préfère leur mettre à disposition des experts venant d'ailleurs pour leur permettre de garder cette distance, c'est-à-dire cette hauteur de vue et leur permettre de rendre leur jugement avec encore une fois le recul nécessaire.

Maintenant la pénitentiaire. J'y arrive. D'abord, les unités de vie familiale. Nous allons faire une expérimentation dans trois établissements. Je n'ai pas encore choisi lesquels parce que je voudrais une concertation très approfondie avec les personnels. Il est particulièrement important de réussir ces expériences.

Sur ces trois établissements, il y aura un établissement pour femmes. Vous savez que c'est une réforme qui s'adresse aux établissements abritant des détenus condamnés à des longues peines et qui, de surcroît, n'ont pas de permission de sortie, afin que ceux-ci puissent maintenir le lien avec leur famille. Il est donc quasiment assuré que parmi ces trois établissements, il y aura celui de Rennes pour les femmes. Dans mes contacts avec les syndicats, cela a paru assez naturellement s'imposer. Pour les autres, je souhaite vraiment une concertation avec les personnels car nous affecterons des moyens supplémentaires, afin d'assurer la réussite de cette réforme.

Sur la lutte contre la délinquance des mineurs, notamment en ce qui concerne les centres de placement immédiats, j'ai rappelé tout à l'heure que nous avions pris l'engagement de créer 50 de ces centres d'ici à 2001. C'est vrai que le démarrage est difficile parce que, dans le budget 1999, nous n'avions pas de moyens supplémentaires et qu'il a donc fallu créer les premiers centres


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avec les moyens du bord, c'est-à-dire demander un effort supplémentaire aux personnels, sans accroissement immédiat des moyens. Ils l'ont fait, ils l'ont accepté parce qu'ils savent que, dans le projet de budget 2000, nous aurons ces moyens supplémentaires pour des montants évidemment extrêmement importants.

Quels sont les centres de placement immédiats qui devraient être créés d'ici la fin de l'année et qui le seront ? Nous aurons, dans le Nord, Villeneuve-d'Ascq et Bruay-la-Buissière ; en Ile-deFrance, Savigny, Pantin, Asnières et Maisons-Alfort ; en RhôneAlpes, Coulonges-au-Mont-d'Or, Saint-Genis-les-Ollières, SaintEtienne ; en Languedoc-Roussillon, Perpignan ; dans la région ProvenceAlpes Côte d'Azur, Toulon. Tous ceux que je viens de citer font l'objet de transformations. A Toulon et à Chartres, ce seront des créations. Puis nous aurons Schoelcher, en Martinique, pour l'outre-mer. Une création en secteur associatif est prévue aussi en Seine-Saint-Denis et nous espérons pouvoir faire aussi deux autres transformations à Rennes. Dans le Nord, il manque un directeur et nous avons été obligés de reporter cette initiative à septembre 2000. A Corenc, dans l'Isère, une inspection est en cours en raison d'un conflit entre les personnels.

J'espère que nous aurons cinq transformations d'ici à la fin du mois : Villeneuve-d'Ascq, Bruay-la-Bussière, Savigny, Coulongesau-Mont-d'Or, Saint-Etienne et Toulon. Et trois créations : Toulon fin novembre, Chartres en décembre et en Seine-SaintDenis en décembre 1999 ou en janvier 2000.

Voilà ce que nous envisageons. En 1999, il était très difficile de faire beaucoup de créations ex nihilo . Je dois désormais rendre les derniers arbitrages dans les jours qui viennent, cette liste n'est donc qu'indicative.

Concernant le suicide dans les établissements pénitentiaires, c'est évidemment plus qu'un problème, c'est un drame, même si nous avons réussi à constater, je n'ose pas dire à obtenir, parce qu'un suicide est toujours mystérieux, une diminution de leur nombre, qui s'est établi à 118 en 1998. Vous avez dit monsieur Leonetti que c'est beaucoup trop. C'est quand même moins que l'année précédente. Il est vrai que cette année, les suicides s ont repartis à un rythme extraordinairement inquiétant et préoccupant, malgré la vigilance accrue des chefs d'établissement à la suite de la circulaire que je leur ai envoyée l'an dernier. Cette recrudescence s'observe notamment au moment particulièrement dangereux que constituent les retours de garde à vue, les mises dans des quartiers d'isolement, les week-ends. Leur diminution sera le résultat d'un travail global. Il faut que nous arrivions à améliorer les conditions de la détention. L'hygiène est égaleme nt un élément très important, ainsi que le fait de rompre l'isolement, parce que les détenus qui ne reçoivent jamais de visites sont, on le constate, ceux qui se suicident le plus, l'indigence...

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

La période la plus dangereuse se situe à l'arrivée en prison, qui représente un vé ritable choc.

Mme la garde des sceaux.

Exactement, le retour des gardes à vue est lourd, surtout quand on rentre en pleine nuit.

Dans la circulaire de mai 1998, j'ai beaucoup insisté là-dessus : même si le détenu arrive en pleine nuit, il faudrait lui proposer, si c'est possible, de prendre une douche dès son arrivée et, si ça ne l'est pas, le plus tôt possible le lendemain matin pour qu'il puisse retrouver un peu de dignité. Nous avons également appelé l'attention sur certains détenus que les psychiatres et les psychologues signalent comme particulièrement dépressifs. Nous tâchons d'améliorer la prise en charge individualisée. A cette fin , nous avons retenu onze sites pilotes représentatifs de l'ensemble des établissements pour mettre en place ce dispositif de prévention. Evidemment, malgré l'augmentation des suicides, nous avons quand même, grâce à ce dispositif et à la mobilisation tr ès forte des personnels, réussi à sauver plusieurs vies cet été. U n suicide est chaque fois un échec. Et il est ressenti comme tel par nous tous, par l'administration pénitentiaire, par les personnels.

Mme la présidente.

Madame la ministre, tout ce qui est fait sur ce plan est important, mais la seule vraie prévention des suicides passe par l'amélioration globale des conditions de la détention.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Et de la prise en charge.

Mme la présidente.

C'est véritablement ce que vous entreprenez sur le plan global. Certes, il doit y avoir un suivi individualisé, mais je ne suis pas convaincue que les détenus qui se suicident soient, à l'entrée, particulièrement fragiles ou particulièrement proposés au suicide. C'est le choc, comme vous l'avez dit très justement, de l'entrée en détention qui, chez certains, aboutit à cela. Nous devons soutenir l'effort global d'amélioration des conditions de la détention, tant sur le plan de l'hygiène, que sur le plan du non-isolement.

Mme la garde des sceaux.

Exactement. Sur les prisons qui sont les plus dégradées, je ne vous rappellerai pas le programme de construction et de rénovation. Sur Saint-Denis, puisque vous, madame la présidente, MM. Gérin, Floch et Tourret, qui êtes allés là-bas récemment, avez notamment insisté, j'avais déta illé dans une réponse à une question orale les crédits que nous allions engager dans l'immédiat pour essayer d'alléger la surpopulation dans cet établissement, de façon à augmenter la capacité d'accueil du centre du Port et à résoudre l'année prochaine le problème des cuisines qui m'a été signalé comme étant par ticulièrement désastreux.

J'ai demandé au préfet d'accélérer l'étude des terrains parce qu'il faut construire un nouvel établissement, il n'y a aucun doute là-dessus, mais cela prendra forcément du temps. Une mission doit me remettre son rapport sur les terrains disponibles et j'espère que nous pourrons faire un effort particulier. Sans attendre ce qui est dans le projet de budget de l'année prochaine, je dispose des crédits pour essayer de continuer à remédier aux aspects les plus préoccupants. Sur l'incarcération des jeunes. Vous avez été plusieurs à souligner qu'il y avait trop de détenus en détention provisoire.

Sur cette question, le projet de loi aura un effet bénéfique. Il y a actuellement une tendance à allonger la durée des peines. Je pense que la loi sur la détention provisoire, lorsqu'elle sera votée, aura un effet particulièrement bénéfique sur les mineurs, justement parce que ceux-ci sont, plus que les autres catégories, placés en détention provisoire. Pour des durées plus courtes, heureusement, mais tout de même en détention provisoire.

Nous devons poursuivre et achever l'effort entamé dans les centres de prévention des mineurs afin d'améliorer la prise en charge, en conservant toujours les mêmes surveillants référents.

Cela demande des moyens supplémentaires, mais j'espère que nous arriverons à achever cela l'an prochain.

J'en profite pour dire que les mesures en attente d'exécution pour les mineurs existent encore mais qu'elles sont tout de même en diminution et que nous espérons pouvoir résorber le stock de mesures en attente par l'affectation des moyens supplémentaires concrétisée notamment par l'arrivée des éducateurs prévus dans le projet de budget.

Le dialogue social. C'est une de mes premières préoccupations. Il est vrai qu'il reste encore beaucoup à faire. Je m'efforce en tout cas, au niveau du ministère, de mener ce dialogue social avec les syndicats. J'ai demandé aux directions de faire véritablement un effort de dialogue supplémentaire, notamment sur le projet de budget et sur toutes sortes de réformes actuellement en cours de discussion qui intéressent les personnels.

Cet effort a lieu. Mais il y avait beaucoup d'habitudes à changer, c'est clair. Là où il faut véritablement que nous arrivions à obtenir un progrès, c'est dans les juridictions parce que nous nous apercevons que les instances institutionnelles sont peu ou mal utilisées, qu'il y a peu de remontées et de redescentes. J'ai signalé à plusieurs reprises cette question aux chefs de cour.

C'est aussi une culture à changer... Cela prend forcément un peu de temps.

Les emplois-jeunes. Nous sommes évidemment très attentifs à la formation des agents de justice tels qu'on les appelle maintenant, à l'ensemble de ces jeunes qui sont dans notre système.

Dans les services judiciaires, M. Hage, en particulier, avait beaucoup insisté là-dessus, nous avons mis en place une formation initiale d'adaptation à l'emploi de quatre à six semaines et une formation continue. Nous nous attachons bien entendu à faciliter l'accès de ces jeunes aux concours administratifs. Nous faisons la même chose dans l'administration pénitentiaire. Une formation initiale présentant des profils de poste très précis a é té


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mise en place. Nous avons institué un livret de suivi pour le jeune et, évidemment, une aide à la présentation de concours administratifs.

J'en viens à quelques remarques complémentaires.

Madame la présidente, vous avez parlé des établissements d'outre-mer, j'ai répondu à propos de la Réunion. Plus largement, nous avons quand même depuis quelques années construit de nouveaux établissements dans les départements d'outre-mer : à la Réunion même, la prison du Port ; en Guadeloupe, BaieMahaut ; en Guyane, nous avons le Mont-Joli. Il reste deux établissements, c'est vrai, où les conditions sont déplorables, il ne faut pas hésiter à le dire, c'est Saint-Denis de la Réunion et Nouméa. J'espère que nous pourrons, sans trop tarder, y remédier.

Sur les femmes en prison, leur nombre est resté sensiblement le même. C'est assez stationnaire. L'essentiel est d'améliorer la préparation à la sortie de prison, comme pour les autres détenus vous me direz, mais c'est particulièrement vrai pour les femmes parce qu'elles se retrouvent davantage au chômage et elles ont peut-être davantage de problèmes de réinsertion professionnelle.

Nous avons mis sur pied des programmes de formation dans des établissements pour peine de longue durée et c'est notamment le cas à Rennes. Nous accordons en outre une attention particulière à l'accueil des enfants. C'est vrai qu'il est particulièrement déchirant de devoir faire partir les enfants à l'âg e de dix-huit mois ou deux ans, mais les psychologues, quand on les interroge sur cette question, disent que ce n'est pas bon pour un enfant de continuer à vivre dans un milieu clos. Il faut absolument qu'il soit socialisé. C'est ce que nous faisons dans les établissements pour femmes. D'abord les cellules sont ouvertes, ce sont quand même des conditions de détention particulières. Les enfants sont habitués à sortir, à voir d'autres personnes.

Le second problème est celui du contact des enfants avec leur père quand la mère est détenue, ou plus compliqué encore lorsque les deux parents sont détenus. Nous tâchons de faire en sorte que les enfants placés dans les familles ne soient pas loin de l'établissement où est incarcérée leur mère, et quelquefo is leur père, pour que le contact puisse être maintenu.

Sur la déontologie. C'est un sujet très important. Un code de déontologie est en cours d'élaboration et la commission Canivet prépare actuellement un rapport sur le contrôle externe. Nous continuerons à faire un effort sur l'indigence dans les prisons, notamment en développant le travail.

Je crois que vous avez raison de dire qu'il faut accentuer la lisibilité des missions de service public de la justice, notamment dans les quartiers, mais cela, c'est l'effort des maisons de la justice et du droit. Elles sont quand même en très forte augmentation. D'ici à la fin de l'an prochain, nous devrons en avoir une centaine, alors qu'il n'y en avait que seize quand je suis arrivée. Ce sera évidemment un élément extrêmement important.

J'en viens maintenant aux questions posées par Louis Mermaz. Il a raison d'attirer notre attention sur le fait que l'on ne parle pas assez de la justice civile et peut-être, en proportion, beaucoup trop du pénal. La plupart de ses questions portaient sur les droits de l'homme.

Sur la cour d'assises, ne croyez pas que j'oublie cette réforme.

C'est une question d'arbitrage sur les moyens à affecter, je l'ai dit tout à l'heure. Vous avez reçu la note sur le système tournant. J'espère que nous pourrons progresser sur la mise au point de ce système. Je ne veux pas m'engager et faire des promesses, d'abord parce que cela ne dépend pas uniquement de moi, mais j'espère que nous pourrons traiter cette question avec les moyens correspondants, non pas en 2000, mais en 2001. Je voudrais que l'on y arrive avant la fin de la législature.

S'agissant du juge de la détention, évidemment, la collégialité avait été prévue dans la réforme Badinter, elle ne l'était p lus dans la réforme Vauzelle... Mais pourquoi pas ? Ce sera également une question d'arbitrage. Voyons d'abord comment fonctionne le juge de la détention provisoire. Si cela fonctionne bien, je préconiserai plutôt d'affecter les moyens supplémentaires à la résorption des délais. Car ils resteront toujours, quelle que soit leur importance, inférieurs aux besoins en raison de l'augmentation des contentieux qui risque quand même d'être importante.

Sur les personnes menottées, cela ne paraît pas toujours s'imposer. L'article 803 du nouveaux code de procédure pénale avait précisé que l'on ne devait mettre les menottes que dans des conditions bien précises. Le problème, je le redis, est que l'escorteur, c'est-à-dire le gardien de base qui a amené un détenu d'un point à un autre, est responsable en cas de problème. Il a évidemment tendance à prendre des précautions sans doute parfois excessives. Mais je crois que le débat que nous avons sur la présomption d'innocence est de nature à attirer l'attention de nos services. Les gardes des sceaux, les ministres de la défense, les ministres de l'intérieur successifs ont réaffirmé dans des circulaires qu'il ne fallait pas mettre les menottes à tort et à travers

Je pense que la médiatisation de cette question peut être aussi de nature à attirer davantage l'attention sur ce débat.

M. Louis Mermaz.

Il y a les transferts, notamment en train.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Et en avion !

Mme la garde des sceaux.

Oui, c'est certain. C'est pour cela que, dans les cas où il est inévitable de mettre les menottes, je préfère que l'on ne prenne pas de photo. Vous aussi je crois, parce que ce n'est quand même pas la même chose d'être vu par quelques dizaines de personnes, de surcroît de façon fugitive, que de voir son image figée comme cela, diffusée à des centaines de milliers d'exemplaires.

J'en viens à M. Warsmann qui a eu un ton un peu différent, un peu polémique peut-être.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Il est dans l'opposition !

Mme la garde des sceaux.

Mais vous aussi, et vous n'êtes pas intervenu sur ce ton cette fois-ci ! (Rires.)

M. Warsmann a parlé d'Avignon. C'est en effet ma terre d'élection. Je suis très heureuse de pouvoir confirmer que la livraison du palais de justice d'Avignon devrait avoir lieu au début de l'an 2000, si tout va bien, et que la nouvelle prison du Pontet - une commune proche d'Avignon dont le maire est RPR - qui remplacera la prison d'Avignon, devrait être livrée en 2001. J'ai été très heureuse, en arrivant dans ce ministère, de trouver des dossiers techniques tout prêts sur la prison et le palais judiciaire d'Avignon. Il ne manquait qu'une chose, c'était le financement.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Là encore, c'est l'héritage !

Mme la garde des sceaux.

C'est un très bon héritage parce que sur le plan technique, cela m'a permis de dire : « Voilà : à côté de Grenoble, il y a Avignon, sériée comme une des premières priorités. » Eh bien, j'ai débloqué les financements, ce

que n'avait pas fait mon prédécesseur. Tout le monde ne peut que s'en réjouir, d'autant que l'on ne fait pas un effort que pour la très belle ville d'Avignon !

M. Pascal Clément.

Nous sommes dans une autre conjoncture économique.

Mme la garde des sceaux.

M. Hage m'a interrogée sur la résorption de l'emploi précaire. Sur 611 personnes à titulariser après les concours particuliers, nous avons mis en place le plan suivant de résorption de l'emploi précaire : 89 titularisations en 1997, 138 en 1998, 157 en 1999. Soit 834. Et, l'an prochain, nous devrions achever ce plan, c'est-à-dire titulariser les 227 personnes qui occupent encore des emplois précaires. Je serai très heureuse lorsque nous aurons achevé cet effort.

La mise en oeuvre de la loi « délinquance sexuelle » : cette question a été posée par M. Léonetti. Vous vous souvenez peutêtre que les moyens avaient été dégagés dans le budget pour 1999, mais cela ne suffit pas, il faut aussi des moyens dans d'autres ministères.

Avant que M. Devedjian ne s'en aille, je voudrais dire un mot sur le palais de justice de Paris. Nous savons ce qu'il faut faire.

Il y a eu des discussions entre les magistrats et les responsables pour savoir si c'était le tribunal de grande instance qui devait être délocalisé ou la cour d'appel et la Cour de cassation. Tout le monde est maintenant d'accord pour que ce soit le tribunal d e grande instance qui quitte l'île de la Cité. Sur les 90 000 mètres carrés du site, il en occupe 40 000 et il en


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manque 60 000. Les magistrats travaillent en dehors du palais dans des locaux qui sont coûteux. Ce n'est pas une bonne chose.

En plus de cela, nous constatons au palais de justice des conditions de sécurité insuffisantes. Toutes les raisons sont donc rassemblées pour que nous prenions des mesures.

J'étudie la question avec les magistrats et mon collègue du budget, pour que l'on élabore un schéma. Tout le monde est d'accord pour que ce soit le tribunal de grande instance qui parte. Nous avons plusieurs sites en vue dont celui de la ZAC du treizième arrondissement de Paris qui avait été envisagé par mon prédécesseur. (Rires.)

Mais nous en étudions d'autres également.

M. Robert Pandraud.

Au hasard !

Mme la garde des sceaux.

Dans ce cas également, il y avait des études techniques mais pas de financement.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

Nous étions pauvres !

Mme la garde des sceaux.

Ce n'est pas moi qui peut prendre cette décision engageant plusieurs milliards de francs, mais ce que je peux vous dire, c'est que je travaille dans la perspective du prochain collectif budgétaire sur une décision concernant le palais de justice de Paris. J'ai bon espoir que l'on puisse aboutir. Je ne peux pas vous dire que la décision est prise, puisqu'elle ne l'est pas, mais enfin nous avançons.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial.

S'agit-il bien de 2 milliards ?

Mme la garde des sceaux.

2 milliards à 2 milliards et demi. Ce qui coûte cher la première année, c'est le foncier.

Nous explorons donc d'autres possibilités, notamment des terrains appartenant à l'Etat pour essayer de diminuer cette charge.

Pour les années suivantes, compte tenu de la programmation, nous devrions pouvoir arriver à étaler les dépenses et à financ er la construction du palais de justice sur les dotations attribuées au ministère.

M. Pascal Clément.

Quelles sont les différentes hypothèses de localisation ?

Mme la garde des sceaux.

Il y en a plusieurs.

M. Pascal Clément.

Certes, mais lesquelles ?

Mme la garde des sceaux.

Permettez que je réserve encore mes réponses sur ce sujet.

Il n'y en a pas beaucoup. Ce n'est pas cela qui différera la décision. Il faut prendre quelques assurances parce que c'est une opération qui prendra tout de même du temps. Mon souci maintenant est d'avoir une décision dans une prochaine loi de finances, je vous ai dit quel était mon objectif. J'espère que la décision pourra être prise avant la fin de l'année, si nous arrivons à inclure cela dans le collectif.

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes questions portent sur deux sujets extrêmes.

Tout d'abord, j'ai pu constater moi-même lors d'une visite nocturne, avec le SAMU social de Paris, un fait récurrent : la libération des prisonniers, notamment les très jeunes, la nuit, à 2 heures du matin, ce qui n'est pas sans poser des problèmes absolument incroyables. Je ne développe pas. Cela me paraît évident pour chacun d'entre nous. Comment y remédier et dans quel délai ? Franchement, ce n'est pas acceptable.

Deuxième question, je vais parler de l'entrée dans les prisons, notamment celle du citoyen Papon. Comment, madame la garde des sceaux, a-t-on pu en arriver là ? Pourquoi n'a-t-il pas été placé sous contrôle judiciaire, ce qui naturellement lui aurait interdit de quitter sa résidence et, en tout cas, nous permettrait de savoir où il se trouve maintenant. Vous le voyez bien, beaucoup de gens sont émus, s'inquiètent : associations d'anciens résistants, déportés. Des démarches ont été faites par Se rge et Arno Klarsfeld. J'ai toutes les dates. Je m'étonne que ce dossier soit resté pendant.

Je voudrais également vous poser une question concernant le fichier ADN. J'ai beaucoup étudié ce sujet. Il me semble tout à fait légitime que l'on prenne toutes précautions pour empêcher que des sadiques ou des détraqués puissent au bout d'un certain temps recouvrer la liberté, sans que leur nom figure pour autant dans un fichier ADN. Tous les pays qui ont adopté ce type de dispositif en sont satisfaits. Mais c'est une mauvaise façon de défendre les droits de l'homme et, je dirai, le droit de chacun. Il faut nous protéger contre ceux qui sont capables de tuer des enfants, d'égorger, de sodomiser. Je souhaite que le gouvernement actuel prenne une décsion dans ce domaine et je ne doute pas que le Parlement le suivra.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Madame la garde des sceaux, vous avez déjà répondu à la plupart de mes préoccupations.

J'aimerais cependant revenir sur le système pénitentiaire. Lorsqu'on rencontre les syndicats des personnels pénitentiaires, ou les responsables de l'observatoire international des prisons, et lorsqu'on visite des établissements, on ne peut manquer de relever un certain nombre de questions.

Sans reprendre celles qui ont déjà été posées et auxquelles vous avez répondu, je voudrais tirer votre attention sur le fonctionnement interne de la prison. D'abord, l'organisation des visites des familles et leur accueil ne sont pas satisfaisants. Par ailleurs, les conditions du cantinage, ou de rémunération des travaux exécutés par les prisonniers, se fait à des conditions extrê mement différentes d'un établissement à l'autre. Les règlements varient également d'un établissement à l'autre.

De même, les moyens destinés à préparer la sortie de prison varient énormément et sont parfois même quasi inexistants.

Nous savons tous que la préparation à la sortie est déterminante et qu'il est primordial qu'il puisse y avoir formation professionnelle, en particulier pour les jeunes. Il y a peu d'établissements où cela se fait, peu d'incitation et peu d'organisation. On peut également regretter le manque d'encadrement lorsque les gens quittent la prison et retournent sur le territoire d'origine.

Le nombre élevé de multirécidivistes est sans doute dû à un manque de travail social autour du prisonnier qui revient. Il y a là un coût indirect très important.

A l'intérieur de la prison, j'ai été frappé lorsque je visitais quelques établissements par le fait que les surveillants eux-mêmes disent : « Nous pouvons accueillir n'importe quel prisonnier, mais sûrement pas les jeunes des quartiers difficiles parce que nous ne savons pas le faire, ils ne comprennent pas ce qu'est la prison et nous ne pouvons pas les traiter. Nous ne pourrions répondre à cette demande que si nous avions une vraie formation et que si nous faisions un autre métier. » La question de

cette formation et de cette adaptation, aussi, aux conditions nouvelles et au type nouveau de délinquants me paraît essentielle.

Ce sont quelques points très importants, et il faudrait y en ajouter d'autres qui sont en amont. Par exemple, le fait qu'un juge pour enfants ne soit en poste que pour deux ans et qu'il change d'affectation sans qu'il l'ait demandé ne facilite pas un travail dans la durée. Le fait aussi que certains juges pour enfants aient trop de dossiers et ne puissent pas suivre chacun d'entre eux, alors que d'autres en ont moins, constitue une difficulté supplémentaire.

Très rapidement, deux autres problèmes ont été évoqués par Louis Mermaz, celui des délais d'attente devant la chambre sociale de la cour d'appel. Mais le nombre d'affaires en attente devant le conseil des prud'hommes est d'une année. Or ce sont des décisions qui devraient être prises extrêmement rapidement.

De la même façon que pour les tribunaux de commerce, ne faudrait-il pas penser à des adaptations qui nous permettent de juger plus vite ? Les décisions ne peuvent souvent plus être exécutées si elles sont trop tardives.

Dernier point : je trouve qu'un trop grand nombre de ministères est trop souvent appelé à intervenir. Je ne prend que deux domaines. Tout d'abord, celui de la nécessité d'obtenir des documents, par exemple des papiers d'identité lorsque l'on est d'origine étrangère ou française, mais né à l'étranger. I nterviennent alors le ministère des affaires sociales, le ministère de la justice, le ministère de l'intérieur, le ministère de je ne sais p as quoi... J'en compte quatre. C'est un désordre total. On n'y comprend rien. Madame la garde des sceaux, ne pourrait-on quand même faire mieux dans ce domaine ?


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De la même façon et dans un autre domaine, j'ai le plaisir de participer de façon intensive aux travaux de la mission d'enquête sur le blanchiment d'argent. Là encore, l'interministérielle, ce n'est pas le top. Je pense que l'on perd en efficacté. Nous avons des outils entre le ministère des finances, celui de la justice et celui de l'intérieur.

Je comprends bien qu'il faut distinguer ceux qui sont de l'ordre de la magistrature et ceux qui sont de l'ordre de l'investigation. Il me semble que deux suffisent en général et qu'une trop grande multiplication interdit de construire une véritable politique pénale, c'est-à-dire définir des cibles et agir de faç on coordonnée et cohérente pour atteindre les objectifs que l'on se fixe.

Mme la présidente.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Madame la garde des sceaux, ne pourriez-vous pas revoir fondamentalement le régime d'obtention des certificats de nationalité ? C'est le parcours du combattant. Dans nos banlieues, personne ne sait où se trouvent les greffes de vos tribunaux d'instances. Les heures d'ouverture ne correspondent en rien au besoin des populations. Les préfets représentent le Gouvernement, donc le garde des sceaux. Pourquoi ne transféreriez-vous pas cela aux préfectures, sous votre autorité bien sûr, plutôt que dans des administrations déshé ritées qui le resteront toujours, parce qu'isolées au fin fond de cités où personne ne sait aller ? En définitive, les mesures d'allégement que vous avez cru devoir prendre en déconcentrant ces problèmes rendent les choses beaucoup plus compliquées qu'auparavant.

Deuxième question, serait-il possible de connaître le nombre de magistrats qui sont, à l'heure actuelle, en congé de longue durée ? Combien de magistrats sont en congé maternité ? Ce sont quand même deux catégories qui font perdre beaucoup d'heures de travail, surtout pour la deuxième catégorie parce que, théoriquement, vous pouvez remplacer les congés de longue durée, mais au bout d'un délai de formation. Et de façon plus indiscrète, serait-il possible de savoir combien représentent les congés de longue durée pour maladie mentale ? Ce qui est aussi un critère de l'étude psychologique d'une catégorie socioprofessionnelle.

La troisième question est encore plus rapide et je crains que vous ne puissiez pas m'apporter de réponse : avez-vous l'impression que les jugements sont traités avec, non pas l'impératif d'économie budgétaire, mais avec, disons, le souci de ne pas gaspiller l'argent du contribuable ? Et pour cela, sera-t-il possible de savoir un jour ce qu'a coûté le procès des « paillottes », avec les avions militaires qui transbordent les coupables de Paris à Ajaccio, les heures perdues, les escortes de police, etc.

? Avec ce que l'on a dépensé pour un procès éventuel, on aurait pu construire dix très beaux restaurants en Corse ! Deux jours de transports aériens auraient sans doute permis de payer le traitement du juge d'instruction pendant des années. On voit bien que l'appel à des experts, à des moyens d'Etat, à la police, à la gendarmerie, permettent de donner toute garantie d'impartialité au jugement, mais y a-t-il quelqu'un dans votre ministère, au niveau central ou régional, auprès des procureurs généraux et des premiers pré sidents de cours d'appel, qui se demande : « Cette affaire ne coûte-t-elle pas trop cher aux contribuables ? Est-ce vraiment nécessaire ? » Dans cette affaire, toutes les parties demandent des expertises à n'en plus finir, mais qui paie en définitive ? C'est toujours le pauvre contribuable. Dans l'intérêt de tous, je crois que vous pourriez utiliser beaucoup mieux l'argent dont vous disposez, plutôt que dans des interminables parodies qui font sourire la population française.

Mme la présidente, La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Madame la ministre, une question et une préoccupation.

Premièrement, vous nous avez fait connaître vos intentions en matière de construction de rénovation des établissements prévus dans le budget 2000. Concernant les établissements publics, pouvez-vous nous dire s'il y aura une gestion mixte, c'est-à-dire privée ou publique, dans ces établissements ? Et, si oui, la compétence santé restera-t-elle au secteur privé ? Ma préoccupation, madame la ministre, concerne les dangers de récidive que courent les primo-délinquants, souvent des jeunes qui côtoient durant leur incarcération des délinquants confirmés. Dès leur sortie de prison, ils courent des risques certains et notamment celui de commettre de nouveaux faits délictueux pour un grand nombre.

Face à ce danger, les peines aménagées de type semi-liberté, chantiers extérieurs, placements sous surveillance, ne nous semblent pas assez développées. Avons-nous l'assurance que des moyens suffisants y seront consacrés ! J'ouvrirai une petite parenthèse puisque nous avons parlé des primo-délinquants qui sont souvent des jeunes. Vous nous avez apporté une solution qui serait le centre de détention pour mineurs. Ces centres sont souvent utilisés pour la protection judiciaire de la jeunesse dans les départements. Or, après les orientations proposées par le Gouvernement, cette protection adapte ses compétences en matière pénale par la mise en place, par exemple, de réponses diversifiées, dont le moins qu'on puisse dire, madame la ministre, est qu'elles sont éclatées. En revanche, au plan civil, en matière d'assistance éducative, la protection judiciaire de la jeunesse ne remplit pas entièrement la mission qui lui est dévolue.

Elle dispose de très peu de places d'hébergement et n'offre pas de prise en charge spécifique. La protection judiciaire de la jeunesse n'est pas forcément sollicitée par les juges des enfants pour des adolescents qui relèveraient de sa compétence, alors que, compte tenu de l'âge et du parcours de ces jeunes - bien sûr, ce sont des jeunes violents - il nous faut rechercher une solution alternative à l'incarcération. Bien que l'on ait un partenariat bien développé entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide sociale à l'enfance, parce que cette aide sociale à l'enfance reçoit énormément de jeunes qui sont confiés au conseil général, je voudrais, madame, que vous nous disiez comment avance le partenariat entre les départements et vos services.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Madame la présidente, madame la ministre, très rapidement, un coup de projecteur sur le problème de la protection judiciaire. Car, si des moyens exceptionnels ont été mis en place pour traiter l'urgence sociale qu'est la délinquance des mineurs, un temps sera nécessaire avant qu'ils soient effectivement déployés.

A cet égard, j'ai relevé dans le document de travail de Patrick Devedjian, une réflexion que je partage lorsqu'il parle des centres éducatifs renforcés et des centres de placement immédiat et qu'il évoque les difficultés que nous aurons dans l'immédiat à les mettre en fonctionnement, malgré les moyens mis en place.

Je me demandais s'il n'était pas possible d'imaginer ce qui a été fait à l'éducation surveillée dans les années 50 - il y avai t aussi des problèmes de fonctionnement dans les établissements à l'époque -, à savoir un recrutement immédiat de contractuels, des gens de talent qui venaient de l'éducation populaire, du monde ouvrier, des mouvements de jeunesse, qui ont répondu à l'urgence et qui, bien évidemment, ont été titularisés après avoir suivi la voie royale de la formation. Je me demande si, dans l'immédiat, pour répondre à ce besoin, nous ne pourrions pas recruter des gens de talent dans les quartiers en difficulté. Nous disposons de gens qui sont pétris de talent, quelques-uns, bien évidemment sont « bac moins quelque chose », mais pourraient rendre ce service dans l'immédiat. De la même manière que leurs aînés, ils pourraient être formés à court ou à moye n terme.

Ces gens, qui étaient contractuels à l'époque, ont tous terminé leur carrière comme directeur régional, directeur départemental.

Il y en a même qui sont devenus députés. C'est dire que la qualité existe partout.

Par ailleurs, j'aurais bien aimé avoir un point précis sur les unités à encadrement éducatif renforcé et sur les centres de pl acement immédiat. Cela me paraît important que nous soyons informés de cela. Par ailleurs, où en sommes-nous précisément des relations avec les départements sur le problème de la protection judiciaire ? En effet, l'observatoire a mis en lumière qu'il y avait une judiciarisation du système de protection de l'enfance, puisqu'en 1977, il y a eu 189 849 mesures judiciaires d'action éducative en milieu ouvert.

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Madame la garde des sceaux, quand tous mes collègues soulignent l'avancée que constitue l'augmentation de votre budget, j'aurais envie d'abonder dans leur


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sens et de me précipiter au moment du vote pour adopter ce projet de budget. Mais, pour le député de la Réunion que je suis, une question vient à l'esprit : quand fermera-t-on l'immonde prison de Saint-Denis, pour reprendre l'expression de l'un de nos collègues, une prison qui constitue une honte pour la République ? A quand la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire ? Vous nous annoncez cinq prisons nouvelles l'an prochain. Mais il me semble qu'il n'est pas sur le territoire une autre prison qui déshonore autant notre République et qu'il n'y a pas d'autre priorité que de construire une nouvelle prison à cet endroit-là.

Ce n'est pas un problème qui date d'aujourd'hui. En 1995, le comité d'hygiène et de sécurité du ministère concluait à la nécessité de procéder à la fermeture de la maison d'arrêt de SaintDenis. Il y a juste un an, à un jour près, à une question posée par notre collègue Tamaya, ici présent, vous aviez déclaré qu'e n raison de besoins prioritaires sur d'autres sites la reconstruction de la maison d'arrêt de Saint-Denis ne figurait pas dans le programme de construction actuel des établissements pénitentiaires.

La priorité avait déjà été soulignée ; elle n'avait pas été retenue l'an dernier. Elle a été de nouveau soulignée cette année, mais n'a pas été retenue. On nous a posé le problème du site. Le ter rain avait été choisi, mais des atermoiements ont surgi, on veut changer, on ne veut pas de ce terrain qui est pourtant à quinze minutes de la cour d'appel et de la cour de cassation de SaintDenis. Alors, nous nous posons la question : pourquoi acceptet-on pour la Réunion ce qu'on n'accepte pas pour la population carcérale de métropole ? Y a-t-il à la Réunion des citoyens de la République qui seraient des citoyens de seconde zone ? Ou vat-on enfin mesurer que cette honte pour la République doit disparaître et qu'il faut de toute urgence envisager la programmation de la construction d'une nouvelle prison à SaintDenis ? Madame la garde des sceaux, nous avons entendu la réponse que vous avez faite à notre collègue Huguette Bello il y a quelques jours. Mais la question demeure. Si mes collègues et moi-même visitons aujourd'hui encore les prisons de la Réunion, c'est pour que soit prise en compte la demande attendue par les Réunionnais, par le personnel pénitentiaire de la Réunion, qui n'en peut plus.

Les mesures que vous avez proposées marquent une volonté d'avancer. Nous en prenons acte, mais nous attendons la programmation rapide d'une nouvelle prison et nous espérons que le soutien, que je tiens à souligner, de nos collègues de la commission des lois qui se sont déplacés à la Réunion et la té nacité que nous mettons à vous solliciter sur cette question feront que les Réunionnais obtiendront satisfaction dans les meilleurs délais.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Madame la garde des sceaux, les problèmes posés par les délais toujours trop longs que la justice oppose aux justiciables pour rendre ses décisions ont été beaucoup évoqués. Cependant, au-delà de la décision, il y a bien souvent des jugements mis en délibéré qui sont rendus avant même d'être rédigés et cela au mépris de la loi. Je voudrais vous interroger sur cette question.

Deuxième sujet, malgré les importants moyens engagés par le Gouvernement actuel, la justice doit faire face à un nombre croissant d'affaires. La croissance de la population n'expliquent pas évidemment la croissance du nombre de ces affaires. Aussi, madame la ministre, permettez-moi de vous interroger sur les raisons qui expliquent selon vous cette forme de « judiciarisation » de la vie et des rapports humains. N'y voyez-vous pas une sorte de dérive qui peut trouver des réponses, bien entendu, audelà du champ de votre ministère ?

Mme la présidente.

La parole est à M. André Gérin.

M. André Gérin, rapporteur pour avis.

Je voulais simplement faire une remarque à propos de l'ordonnance de 1945 relative à la délinquance des mineurs. Je crois que cette ordonnance a une vertu fondamentale, c'est qu'elle s'inscrit dans une démarche éducative. Le peu que je connaisse aujourd'hui de cette ordonnance est qu'elle n'a jamais été appliquée dans sa totalité. Mo n observation va rejoindre la question qui vient d'être posée ici : je pense, effectivement, qu'il faut absolument résister au harcèlement textuel juridique et judiciaire.

Ce qui se joue derrière cette question de la délinquance des mineurs est fondamental puisque notre objectif n'est pas l'enfermement, ni la prison. C'est une question de civilisation et d'éthique. Nous recherchons des solutions alternatives pour que la question des mineurs délinquants, et celle des récidivistes notamment, soit prise en charge, qu'il y ait des réponses humaines, pédagogiques, civiques, d'apprentissage, d'insertion, etc. Je crois que telle est la question. Il me semble qu'au regard de l'effort engagé par le Gouvernement, qu'il faut poursuivre et accentuer - c'est ma conviction pour l'agglomération lyonnaise en particulier - l'engagement des collectivités. Sinon, on se préparera des lendemains douloureux.

Deuxièmement, il ne faut pas tourner autour du pot. Il y a la question des adultes, celle des parents, des institutions et de l'exemplarité aujourd'hui dans la société. Il faut combattre l'ind ividualisme, la démission et le transfert de nos problèmes, je dirai de nos fantasmes, sur le gamins et les mineurs. Je voulais le préciser car cela me paraît tout à fait fondamental. Le rôle de l'é ducation est centrale comme le soulignait déjà l'ordonnance de 1945. On ne peut pas imaginer l'éducation sans contrainte, mais cela suppose que l'on repense l'éducation dès l'âge de deux ans et qu'un apprentissage de la responsabilité individuelle, bien réduit aujourd'hui, soit effectué.

Mme la présidente.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

Madame la ministre, j'ai apprécié votre préoccupation d'améliorer le fonctionnement de la justice, grâce notamment au renforcement de l'inspection générale. Néanmoins, on constate ici ou là que des dysfonctionnements peuvent exister dans la justice, comme d'ailleurs dans toute l'administration. Des dossiers se perdent, des magistrats ont des activités un peu réduites, etc. On note simplement qu'en matière de justice ces dysfonctionnements sont peut-être un peu plus médiatisés que les dysfonctionnements de telle ou telle autre administration. L'opinion a souvent le sentiment que ces dysfonctionnements ne sont pas corrigés, sanctionnés et que la responsabilité n'est pas clairement établie. En cas de dysfonctionnement dans un tribunal, qui est responsable ? Est-ce le président ? Le procureur ? Le greffier ? Bref. En la matière, il y a sans doute des améliorations à apporter. Je voudrais savoir comment vous envisagez de remédier à cet état de fait.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Une question rapide, madame la garde des sceaux, sur la mise en oeuvre des décisions des conseils de sécurité intérieure de juin 1998 et de janvier 1999.

La qualité des décisions prises à ce moment-là a permis d'év acuer un certain nombre de débats factices, comme celui que l'on avait pu entendre sur la responsabilité des mineurs, sur la réforme de l'ordonnance de 1945. Il convient maintenant de s'intéresser aux difficultés d'application de ces décisions.

Mes questions portent sur deux thèmes. Tout d'abord, la mise en place du dispositif que vous avez doté de moyens supplémentaires et d'une structure qui leur permet d'exister.

Premièrement, y a-t-il aujourd'hui des obstacles au fait que l'on aille rapidement vers la mise en place de cette justice de proximité au travers de la maison de la justice et du droit dans le cadre des objectifs que vous avez fixés. Deuxièmement, y a-t-il une géographie permettant d'installer ces maisons aux endroits où l'on en a le plus besoin et qui sont souvent les endroits où les communes ont des moyens les plus faibles pour participer à leur mise en place ? Le deuxième élément concerne les moyens donnés à l'accueil des mineurs en difficulté dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse. On comprend bien, nous l'avons vu, qu'il est difficile de recruter, de former et d'installer des fonctionnaires dans des délais très courts. Nous souhaiterions savoir, moi en particulier, si vous avez mis en place une structure de pilotage, de suivi et des instruments d'évaluation des moyens mis en place afin de mesurer dans le temps l'impact des décisions du conseil de sécurité intérieure.

Mme la présidente.

Madame la ministre, je crois que cet échange vous prouve combien l'amélioration notable des moyens de la justice contribue aussi à nourrir des attentes accrues. Les questions posées par les parlementaires vous apportent à la fois


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le témoignage de leur satisfaction, mais en même temps l'expression d'attentes qui, dans notre société, sont effectivement en augmentation très rapide.

Je vous donne la parole, madame la ministre.

Mme la garde des sceaux.

Je vais tâcher de répondre à ces questions. Je vais peut-être revenir un peu en arrière parce que je n'avais pas répondu aux questions et remarques de M. Tourret sur l'exécution provisoire de plein droit.

Nous avions installé un groupe de travail sur cette question présidé par M. Canivet. Celui-ci a changé d'attribution, mais nous allons réactiver ce groupe pour que nous puissions obtenir des propositions. Ce thème est à mettre en perspective avec d'autres sujets. Mais il est vrai que la question se pose.

Sur la libération tardive des jeunes, question posée par Georges Sarre, il est vrai que ce problème est difficile car lorsque les détenus reviennent de l'audience ou de chez le juge d'instruction, où ils ont été mis en liberté, l'établissement péni tentiaire est tenu de lever l'écrou. En théorie, si c'est trop tard, la personne peut rester dans l'établissement, mais vous imaginez bien que ce n'est pas la solution retenue ! (Sourires.)

Nous préparons actuellement, avec la Croix-Rouge, une convention pour accueillir ces détenus libérés qui ne souhaitent pas le plus souvent rester dans l'établissement une nuit supplémentaire lorsqu'ils sont libérés très tard. Nous y travaillons. J'en profite pour dire que je me réjouis de l'implication de la Croix-Rouge sur ces questions pénitentiaires, car son aide pourrait nous être très utile sur ce type de problème.

Sur la délinquance sexuelle, le fichier ADN prévu dans la loi a été transmis à la CNIL. Dès qu'elle aura donné son avis, le Conseil d'Etat sera saisi et le décret publié. Il a fallu un travail interministériel important pour en arriver là. J'ai bon espoir que cela puisse aboutir rapidement.

Sur l'affaire Papon, sur laquelle vous m'avez interrogée, ainsi que M. Léonetti, d'où vient le problème ? Quelques jours après le début du procès, la cour d'assises de la Gironde a décidé de mettre M. Papon en liberté. Ce qui interdit juridiquement qu'il puisse y avoir ultérieurement un contrôle judiciaire. Vous pensez bien que l'on s'est posé la question et qu'elle nous a d'ailleurs été posée par les avocats, Arno et Serge Klarsfeld. La chancellerie a procédé à une étude juridique sur cette question, mais le contrôle judiciaire n'est pas envisageable, car il constitue un substitut à la détention provisoire. Dès lors qu'il y a une mise e n liberté, il n'y a donc plus ni détention provisoire, ni contrôle judiciaire possible. Que pouvons-nous faire puisqu'il semble se confirmer que M. Papon ne se constituera pas prisonnier ce soir ? Si c'est le cas, son pourvoi devant la cour de cassation tombera demain. A partir de ce moment-là, nous aurons une base légale, le pourvoi devant la cour de cassation étant tombé, pour faire exécuter la décision de la cour d'assises, le condamnant à dix ans de réclusion criminelle pour crime contre l'humanité. Inutile de vous dire que j'ai déjà pris des dispositions, c' està-dire que j'ai déjà envoyé des instructions au procureur gé néral de Bordeaux pour que, dans cette hypothèse pour l'instant, mais qui semble malheureusement se préciser, la plus grande diligence soit faite. Alors, M. Léonetti tout à l'heure disait : « Vous voyez bien que vous donnez des instructions au procureur. » Il ne faut

pas mélanger les choses. Il ne s'agit pas d'une décision pour dévier ou peser sur le cours de la justice, mais pour faire exécuter les décisions de justice. C'est mon rôle ! Je peux vous préciser qu'il y a quelque mois, j'ai demandé à un procureur de faire libérer quelqu'un qui était resté en prison à tort, alors qu'il aurait dû être libéré. Donc, dès que la cour de cassation au ra rendu sa décision définitive, soit demain matin, à moins qu'elle n'accepte d'entrer dans le débat ouvert par la cour européenne de justice, pour laquelle on ne peut demander, comme nous le faisons en France, aux justiciables de se constituer prisonnier.

Les avocats de M. Papon ont introduit un recours sur ce point.

Mais ce recours n'est pas suspensif non plus d'ailleurs que ne le serait une demande de grâce auprès du Président de la République. Donc, la procédure est la suivante : le procureur général auprès de la cour de cassation enverra au procureur général de Bordeaux, qui demandera au procureur de Melun de notifier au domicile de l'intéressé la décision de mise en incarcé ration. Si M. Papon n'est pas là, il y aura une diffusion immédiate d'un ordre de recherche et d'arrestation national et international. Il est évident qu'il serait - on parle encore au conditionnel jusqu'à ce soir - particulièrement choquant que M. Papon se soustraie à la justice, surtout quand on l'a entendu pendant son procès, dire à quel point - c'était son système de défense - il avait servi l'Etat.

Jacky Darne a évoqué la détention des mineurs. Je rappelle que la détention provisoire est régie par l'ordonnance de 1945 et il faut s'y tenir. Pour les jeunes, le volet éducatif est essentiel, mais la détention est quand même possible. Elle n'est cependant jamais possible pour les mineurs de moins de treize ans. Mais, pour les mineurs de treize à seize ans, elle est possible en matière criminelle, en matière correctionnelle et également pour les mineurs de seize à dix-huit ans.

Il est vrai qu'il faut que l'on améliore la prise en charge des mineurs. Tout à l'heure, j'ai donné des indications sur les centres de placement immédiats et sur les centres éducatifs renforcés. J'ai dit que les difficultés rencontrées cette année é taient liées au manque de moyens supplémentaires. Mais l'an prochain on « pousse les feux » pour les cinquante centres de placements immédiats et les centres éducatifs des mineurs. Je donnerai des indications plus précises par écrit à M. Pontier notamment qui avait posé cette question, si vous le permettez.

Sur la question extrêmement importante de la lutte contre le blanchiment des capitaux, vous savez que j'y travaille depuis que j'occupe ce poste. Le problème principal venait du fait que, jusqu'à une période récente, jusqu'à ce que Dominique StraussKahn et moi-même travaillions ensemble, il existait deux voies parallèles qui ne se recoupaient jamais. La voix de la prévention, pas si mal faite en France d'ailleurs, c'est-à-dire de la vigilance des établissements financiers sur l'argent anonyme, les dépôts d'argent, et la répression, qui, elle, n'utilisait pas ces indications et était quasiment inexistante, il faut le dire, sur le plan européen et international.

J'étais à Moscou hier pour une réunion du G 8 consacrée à ces questions. J'ai indiqué que la priorité pour notre gouvernement était d'abord de finaliser la convention de Vienne sur la lutte contre le blanchiment des capitaux. C'est un instrument juridique fondamental parce qu'il va nous permettre, quand il sera adopté, d'avoir une définition commune dans tous les pays du monde de ce que l'on appelle chez nous l'association de malfaiteurs. Nous pourrons donc ainsi incriminer le crime organisé en tant que tel. Cet instrument juridique nous permettra en outre de nous entendre sur un certain nombre de sanctions, notamment les saisies, le gel des avoirs, etc., que l'on pratique de mieux en mieux chez nous, mais qui ne sont pas pratiqués dans tous les pays. Sur cette question de la criminalité organisée, on sera toujours en but aux différences de législation, au fait que nous ayons une criminalité internationale qui profite de ses disparités internationales des nouvelles technologies, de l'argent électronique et en même temps, du fait que les systèmes policiers et judiciaires restent nationaux. C'est pourquoi je pense qu'au niveau de l'Union européenne le sommet de Tampere a permis de prendre de bonnes décisions. Nous avons maintenant une feuille de route pour renforcer Europole, pour créer Eurojus, pour que l'on commence à bâtir une action d'investigation européenne pour lutter contre ce type de criminalité.

Du point de vue de la gestion interministérielle, je pense que l'on peut améliorer les choses, mais cela a commencé à changer.

Un exemple : avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne - pour la Grande-Bretagne cela s'est décidé à Moscou - nous avons mis en place des groupes de travail très précis - j'en avais pris l'in itiative à la suite d'une visite que j'avais rendue à mon homologue américaine - auxquels participent les ministères de la justice, de l'intérieur et des finances afin de déterminer comment rapprocher nos actions concrètes et juridiques pour lutter contre ce type de choses. Nous avons pu faire cela parce que j'ai vérifié au cours de ce voyage que les Américains avaient maintenant, eux aussi, en tout cas au ministère de la justice, beaucoup évolué. Ils étaient jusque-là absolument opposés à une attaque frontale sur l'aspect financier, parce qu'ils pensaient que c'était une façon déguisée pour nous de réglementer des marchés financie rs internationaux. A partir du moment où on leur a présenté les choses en disant : « Si vous n'attaquez pas au coeur de la criminalité organisée qui est le blanchiment d'argent, nous continueront à faire des coups, quelquefois des beaux coups, mais seulement des coups », leur comportement a changé. C'est encore lent, insuffisant, mais je pense que nous avançons tout de même


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et que les conclusions de Tampere sont à cet égard intéressantes.

La France a d'ailleurs peut-être été le pays le plus allant sur ce sujet, avec des propositions très concrètes sur la levée du secret bancaire, le contrôle des centres offshore, l'établissement d'une liste de territoires délinquants et l'étude de ces instruments juridiques et commerciaux qui facilitent l'anonymat de l'argent. Je dis « étude » seulement, parce qu'il y a des pays anglo-saxons où toutes les actions caritatives passent par les trusts. Ce sont des instruments qui sont maintenant de plus en plus déviés, qui favorisent l'anonymat. Mais il est désormais admis que l'on commence à regarder comment éviter ces utilisations dévoyées.

Autre décision très importante de Tampere : provoquer une réunion conjointe des ministres des finances, de la justice et des affaires intérieures au niveau de l'Union européenne pour que nous demandions à nos services de travailler ensemble. Il faut la préparer soigneusement. J'avais fait cette proposition il y a déjà plus d'un an aux Allemands quand ils occupaient la présidence de l'Union européenne. Je suis très contente de voir que le conseil européen de Tampere nous a demandé de le faire.

Les certificats de nationalité sont un gros problème, M. Darne en a parlé, ainsi que M. Pandraud. Dans la loi sur la nationalité nous avons pris déjà une première disposition, c'est-à-dire d'i nscrire la nationalité en marge de l'acte de naissance. J'ai diffusé une circulaire à la fin de l'année 1998 à l'ensemble des juridictions pour simplifier cette procédure et leur dire qu'il fallait privilégier la possession d'état de Français, plutôt que de recher cher les états civils des parents, des grands-parents, des arrière-grandsparents, ce qui est particulièrement difficile lorsqu'ils sont nés à l'étranger. Il suffit de montrer que les pouvoirs publics considèrent que l'intéressé est Français, parce qu'il a fait son ser vice national, parce qu'il a une carte d'électeur, ou parce qu'il est fonctionnaire. Je pense que l'application de cette circulaire devant les tribunaux - qui débute - doit faciliter les choses et éviter ces recherches interminables qui provoquaient des situations absurdes, disons le tout net.

M. Robert Pandraud.

Nos concitoyens ne savent toujours pas où sont les tribunaux d'instance et les greffes. Ce n'est signalé nulle part dans nos conurbations.

Mme la garde des sceaux.

J'accorde toujours beaucoup d'attention à vos suggestions, monsieur Pandraud, mais on ne peut pas fonctionner simplement avec des préfectures et des sous-préfectures. Il y a aussi un droit.

M. Robert Pandraud.

On connaît les préfectures, les souspréfectures et les mairies. Le reste on ne connaît pas, je suis désolé.

Mme la garde des sceaux.

Sur les procédures judiciaires qui coûtent de l'argent, ce ne sont pas les plus spectaculaires qui sont les plus coûteuses. J'ai un papier qui me donne un chiffre intéressant : les déplacements de magistrats et de greffiers ne représentent que 0,25 % du total des frais de la justice pénale et sont en baisse régulière depuis trois ans. On ne peut pas avoir une justice expéditive, à plus forte raison sur des cas difficiles qui, en deux temps, trois mouvements, rend des jugements. Il faut quand même un minimum, il faut ce qu'il faut.

A propos de la gestion des établissements pénitentiaires, madame Feidt, nous avons demandé, conjointement avec le ministre de la santé, un rapport sur la gestion mixte à M. Pradier, ancien député européen. C'est un rapport favorable à cette gestion mixte. Nous sommes plutôt dans l'idée de la poursuivre même si nous n'avons pas encore pris de décision. Cette décision sera conjointe, naturellement, avec ma collègue Dominique Gillot car le problème de la santé en prison est, rappelons-le, sous la responsabilité du ministère de la santé.

Monsieur Pontier, je vous dirai que nous avons opéré le recrutement de cinquante contractuels. Nous n'avons pas voulu avoir trop de ces recrutements pour pouvoir assurer ensuite une intégration dans de bonnes conditions.

Sur la prison de Saint-Denis, je vous ai répondu tout à l'heure. Notre problème est qu'il y a beaucoup de situations comparables et parfois pire encore. Il y a beaucoup de priorités qui, évidemment, sont là, que l'on aimerait pouvoir satisfaire en même temps. M. André Gérin a eu tout à fait raison de rappeler les principes de l'ordonnance de 1945 et la nécessité d'élargir la prise de responsabilité à tous les acteurs évidemment.

Sur la dernière question de M. Lambert sur la judiciarisation, on ne la recherche pas, elle est là. On essaie, par l'accès au droit, d'éviter que l'on aille systématiquement devant les tribunaux, en développant la médiation, la conciliation et en travaillant sur une définition plus exacte de la responsabilité pénale.

Par rapport aux responsabilités non judiciarisées, hiérarchiques, disciplinaires, je reviendrai plus longuement sur le problème de la responsabilité pénale, notamment des élus, dans d'autres débats. Mais c'est un problème. Vous savez que j'ai demandé à une commission de se pencher spécialement sur cette question et qu'elle doit me rendre son rapport d'ici la fin de l'année.

Je n'ai pas répondu à M. Léonetti sur les préoccupantes pertes de dossiers dans certaines juridictions. Ce que je veux dire ici, devant vous, c'est que je ne laisserai pas ces événements, que je considère comme très graves, sans réaction. A Marseille, nous savons que c'est une erreur. En tout cas, j'ai demandé, et cela a commencé à être fait, au procureur de prendre des dispositions pour qu'une telle erreur ne puisse pas se renouveler, de mettre une pastille rouge sur les dossiers qui ne sont pas encore jugés.

Je me réserve de prendre d'autres mesures. A Nice, il existe aussi des problèmes de dossiers. J'ai reçu le procureur de Nice. Nous nous sommes penchés sur cette question. Il y a beaucoup de rumeurs à Nice, depuis des années. Deux enquêtes préliminaires de la police n'avaient rien décelé. J'ai envoyé l'inspection des s ervices judiciaires qui a fait beaucoup de remarques, mais qui n'avait pas trouvé non plus de preuves sur ces rumeurs. Il a fallu l'arrivée du nouveau procureur pour qu'après plusieurs mois, car en juin 1999 il était encore plutôt rassurant dans son premier rapport, on ait des indications plus précises. Maintenant, j'ai un rapport écrit. Les moyens seront donnés sur la base de ce rapport. Des moyens seront donnés pour remédier à ces dysfonctionnements et, le cas échéant, pour prendre les mesures, y compris disciplinaires qui pourraient s'imposer. Sur la responsabilité des magistrats, question de M. Dosière - qui s'était é galement interrogé sur la perte des dossiers - c'est un sujet que nous avons déjà abordé, sur lequel je pense qu'il faut en effet progres ser. Il y a la responsabilité professionnelle. Je voudrais indiquer que, dans l'ensemble des textes présentés, nous avons des dispositions qui sont de nature à améliorer la mise en jeu de la responsabilité des magistrats. C'est vrai dans tous les textes qui ont déjà été votés par le parlement. C'est également vrai dan s ceux qui sont en cours d'examen, présomption d'innocence, réforme de la chancellerie, du parquet - ce sont également les délais indi catifs - le juge de la détention provisoire, l'avocat dès la première heure de la garde à vue, et la possibilité de recours contre les classements sans suite.

En ce qui concerne la responsabilité disciplinaire et déontologique, il y aura à ce sujet des dispositions plus précises dans le projet de loi organique sur le statut des magistrats. Je l'avais annoncé au moment de la discussion sur le projet de loi sur la présomption d'innocence, avec notamment la constitution d'une commission d'examen des plaintes des justiciables, l'exercice en temps limité des fonctions de chef de juridiction, l'exigence de mobilité pour l'avancement de tous les magistrats, la plus grande précision des obligations déontologiques dans le statut. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature est déjà votée par le P arlement, la publicité des audiences du Conseil supérieur de la magistrature, la redéfinition des sanctions disciplinaires, la responsabilité de l'Etat pour mauvais fonctionnement de la justice et pas seulement pour faute lourde feront également partie de ces dispositions. Sur ce dernier point, nous menons actuellement une négociation avec Bercy.

Nous avons déjà des dispositions. Nous y travaillons. La réforme de l'inspection générale des services judiciaires, qui ne peut pas mettre en jeu la responsabilité disciplinaire si elle n'a pas des éléments extrêmement précis, est également important e. En un an, j'ai saisi quinze fois le conseil supérieur de la magistrature sur la base disciplinaire. Ce n'est pas su parce que c'est interne, mais quinze fois en un an, ce n'est quand même pas rien. Sur des faits très différents, tels que la malhonnêteté, la conduite en état d'ivresse, mais aussi sur des faits de services.

Parmi les saisines que j'ai effectuées, l'une concernait un juge des tutelles qui confie la gestion des dossiers dont il a la charge à un cabinet de gestion dirigé par un proche. Une autre concernait un juge d'instruction qui laisse le dossier dormir. Une autre un


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juge d'instruction qui ne respectait pas le secret de l'instruction.

D'autres concernaient des magistrats du parquet qui utilisent la liberté de parole à l'audience pour autre chose que la justice, comme la mise en cause de tiers par exemple, un juge des enfants qui a violé le secret professionnel, un substitut qui a accumulé les comportements professionnels critiquables, comme des interventions lors de procédures dont il n'avait pas la charge, ou des interrogations critiquables en audience de cabinet. Tout cela pour vous donner tout de même une idée de notre vigilance et de la vigilance des chefs de cours d'ailleurs, car c'est souvent sur rapport des chefs de cours qui ont, eux-mêmes, lancé une cinquantaine d'avertissements dans la même période, que sont engagées ces procédures. C'est, croyez-le bien, une question que nous suivons de très près et nous prenons les décisions qui s'imposent.

Mme la présidente.

Merci beaucoup, madame la garde des sceaux.

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au vote sur les crédits de l'administration pénitentiaire et des services judiciaires.

Auparavant, je donne la parole à monsieur Jacques Floch.

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

Selon la bonne règle, le rapporteur doit proposer à la commission des lois de donner un avis favorable ou défavorable à ce projet de budget.

Mme la présidente.

En l'occurrence ?

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis.

En l'occurrence, je souhaite que notre commission donne un avis favorable.

M. André Gérin, rapporteur pour avis.

En ce qui me concerne, je propose d'émettre un avis très favorable !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je demande aux membres de la commission des lois de se prononcer à main levée sur les crédits des services judiciaires.

(La commission émet un vote favorable à l'adoption des crédits des services judiciaires.)

Mme la présidente.

Je vous demande maintenant de vous prononcer sur l'adoption des crédits des services pénitentiaires.

(La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des services pénitentiaires.)

Mme la présidente.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

QUESTIONS

RELATIVES AU BUDGET DE LA

JUSTICE 1. M. Jean Pontier attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le décalage existant à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse entre la mise en oeuvre de la restructuration des établissements de prise en charge des mineurs délinquants et les affectations budgétaires sans précédent de ces deux dernières années, soit in fine un recrutement de 680 agents. En effet, compte tenu des délais nécessaires au recrutement et à la formation des agents, aux transformations des structures existantes, aux procédures d'acquisition et de construction, à l'augmentation du prononcé des mesures éducatives restant en attente, aux vacances de postes après les derniers mouvements des personnels, il doit être difficile d'opérer « la soudure entre l'urgence sociale de la délinquance et les moyens mis à disposition ».

C'est pourquoi à l'instar et en raison du succès du recours aux gens de terrain, lors de l'expansion de l'éducation surveillée, dans les années 60, il ne semble pas que soit envisagé de recruter des contractuels, notamment parmi les jeunes des quartiers défavorisés.

Ces personnels seraient utilisables immédiatement et leur devenir s'inscrirait dans le droit fil d'une formation spécifique, comme dans celui des règles de la fonction publique. Il souhaiterait donc savoir si le Gouvernement envisage de recourir à ces nouvelles modalités de recrutement. Par rapport à la création de 150 établissements (100 centres éducatifs renforcés et 50 centres de plac ement immédiat), fin 2001, il lui demande également quel point peut être fait de leur fonctionnement actuel : nombre, implantation, ratio encadrants/mineurs délinquants. Enfin, il souhaiterait savoir quel compte rendu peut être fait de l'état d'avancement de la concertation avec les représentants des conseils généraux conce rnant la prévention de la délinquance et l'assistance éducative, l'observatoire national de l'action sociale décentralisée confirmant dans sa revue de septembre « la tendance à la judiciarisation du système de protection de l'enfance, avec 189 849 mesures judiciaires d'AEMO.

Réponse. A la suite des décisions du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a défini de nouvelles modalités de recrutement pour l'année 1999 qui se poursuivront sur les années 2000 et 2001.

Ainsi, 200 éducateurs sont en cours de recrutement par concours exceptionnel dont les modalités sont fixées par le décret 99-412 d u 16 mai 1999. Les candidats qui doivent avoir le Bac + 2 et justifier de trois années de pratique professionnelle sont issus en partie des maîtres d'externat scolaire, en partie de l'animation sociale ce qui va permettre une diversification de recrutement. Ces éducateurs bénéficieront d'une formation en alternance et seront affectés dès le 1er janvier 2000. Un nouveau concours exceptionnel d'une centaine de postes sera organisé au cours de l'année 2000 auxquels s'adjoindront les 150 éducateurs du concours normal qui prendront leurs fonctions en septembre 2000. Le recrutement de 5 0 éducateurs contractuels a été autorisé avant la fin de l'année 1999. Ces recrutements sont en cours de réalisation. Par ailleurs, le programme d'ouverture des centres éducatifs renforcés se poursuit actuellement. 19 centres sont en situation d'activité au 27 octobre 1999 et 9 nouveaux centres ouvriront d'ici à la fin de l'année. Ces centres fonctionnent tous sur le principe d'un ratio d'encadrement de 1 éducateur pour 1 jeune sur la base de prises en charge de groupes de 5 à 7 jeunes. Les centres éducatifs renforcés fonctionnent sur le principe de plusieurs sessions dans l'année, chacune des sessions étant limitée à quelques mois. La date de sor tie du CER est prévue dès l'entrée des mineurs, la durée des sessions étant définie dès l'élaboration des projets (d'une durée de trois à six mois selon les projets). Pour la plupart des mineurs, une mesure de milieu ouvert est maintenue parallèlement au placement dans le centre. Le service chargé de l'exécution de cette mesure suit le mineur pendant son placement et prépare, en lien avec le CER et en fonction de l'évolution individuelle un projet de réinsertion à la sortie de la structure. L'articulation avec les autres structures éducatives se fait essentiellement au moment de la fin de la session du CER dans un passage de relais. La décision de placement prise par le magistrat l'est uniquement pour la durée de la session du centre. S'agissant des centres de placement immédiat strictement contrôlés, ceux-ci sont destinés à accueillir des m ineurs dans l'immédiateté à la demande des juridictions. Leur rôle est de faire un travail d'évaluation de situation des mineurs (situation familiale, sociale, scolaire...) et de proposer sur cette base des orientations pour une prise en charge plus longue dans d'autres structures (foyers, centres éducatifs renforcés) ou dans d'autr es modes de prise en charge (milieu ouvert ou familles d'accueil). Les mineurs font l'objet d'un encadrement éducatif permanent à travers l'organisation d'activités scolaires et d'insertion. Il appartient au magistrat qui place le mineur de fixer la durée du placement dans le cadre de la décision de justice qu'il ordonne. Leur fonctionnement est assuré par des équipes éducatives comprenant un directeur, dix éducateurs, deux agents techniques d'éducation, deux ouvriers professionnels, un psychologue et un personnel administratif, pour une capacité d'accueil de douze jeunes. Les centres de placement immédiat s'inscrivent dans les objectifs de politique départementale tendant à coordonner l'accueil d'urgence et à assurer l'orientation des mineurs après leur placement en CPI.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a programmé l'ouverture de 20 centres de placements immédiats au cours de l'année 2000 qui s'ajouteront aux 15 dont l'ouverture est programmée avant la fin de l'année 1999. En ce qui concerne les relations avec les conseils généraux, il a été décidé, en jui n 1998, d'engager un travail avec ceux-ci et les juridictions de mineurs. Un cahier des charges a été réalisé et adressé à l'ensemble des départements français, fixant les thèmes de travail à approfondir. Ce tra vail de diagnostic et d'évaluation a pour objet : d'affiner l'analyse de fonctionnement, avec leurs forces et leurs faiblesses, des dispositifs départementaux de protection de l'enfance ; de formuler selon une approche pragmatique les recommandations à mettre en oeuvre. Seize départements ont été retenus sur les quarante-sept candidats : les Bouches-du-Rhône, la Réunion sur le thème de la


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régulation du dispositif ; le Var, les Hauts-de-Seine et la Somme sur le thème de la prévention et du traitement de la délinquance ; la Seine-Saint-Denis, l'Allier sur le thème du schéma départemental ; la Côte-d'Or, le Finistère et le Maine-et-Loire sur le thème de l'amélioration de la connaissance de l'activité des servi ces et des publics pris en charge ; l'Aveyron, le Cher et le Nord sur le thème des circuits des signalements ; le Rhône, le Gers et la SeineMaritime sur le thème de l'ajustement de l'offre de prestations à la demande des prescripteurs. La démarche est en cours et fait l'objet d'un suivi par un comité de pilotage conjoint.

2. Suite à sa réponse à la question orale du 5 octobre 1999 de Mme Bello, M. Claude Hoarau souhaite de nouveau attirer l'attention de

Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'urgence de la fermeture de la Maison d'Arrêt de Saint-Denis et de la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire à La Réunion. Au nombre de trois, les prisons réunionnaises sont au bord de l'explosion : elles comptent actuellement 1 130 détenus pour 610 places. La supopulation carcérale engendre des conditions de détention insupportables et inhumaines, aggravées par la vétusté et l'insalubrité des bâtiments qui, pour deux d'entre e ux, datent de la période coloniale. Les prisons de Saint-Denis et de Saint-Pierre comptent chacune plus de 200 détenus alors que ces établissements ont été conçus pour en accueillir au plus 90. Des cellules de 20 mètres carrés accueillent plus de dix prisonniers. La sécurité des détenus et du personnel n'est plus assurée et la r esponsabilité de l'Etat est gravement engagée. Dans ces conditions, son annonce de créer 95 places supplémentaires au sein des prisons réunionnaises n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation

Elle n'est pas de nature à améliorer durablement les conditions de travail et de détention. La construction d'un nouvel établissement pénitentiaire à la Réunion ne saurait souffrir d'un nouveau report

Les solutions foncières existent et devraient permettre la programmation immédiate d'une nouvelle prison. Il souhaiterait qu'elle lui indique le calendrier précis de construction d'un nouvel établissement pénitentiaire à La Réunion.

18. M. Michel Tamaya attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation dramatique de la prison de Saint-Denis de la Réunion, dont sont victimes les détenus, mais également les personnels et la population toute entière. Construite en 1876, enclavée en zone urbaine, celle-ci ne répond pas aux simples normes d'hygiène et de sécurité. Sa capa cité d'accueil est insuffisante et le taux de surencombrement avoisine les 200 %, sans qu'il soit possible d'envisager sérieusement un aménagement suffisant pour rendre les conditions d'incarcération simplement humaines et décentes. Dans de telles conditions, aucune politique sérieuse de réinsertion ne saurait être conduite.

Il lui rappelle que la situation de la prison de Saint-Denis de la Réunion, tristement célèbre, a fait l'objet de nombreux rapports et enquêtes. Une délégation de la commission des lois, créée da ns le cadre des travaux préparatoires à la réforme du Gouvernement relative aux DOM et conduite par sa présidente avait déjà eu l'occasion de relever le caractère scandaleux de cet établissement pén itentiaire. Récemment, une commission technique a été diligentée par son ministère afin d'étudier les conditions d'ouverture d'une prison nouvelle. Il lui demande en conséquence si une décision rapide peut être prise en faveur de la fermeture d'un établissement pénitentiaire obsolète et du lancement d'un nouveau chantier permettant de la remplacer. Il lui demande également quelles dispositions peuvent être prises en attendant la livraison d'une prison conforme aux normes de la République.

Réponse. La situation des trois établissements pénitentiaires de l'île de la Réunion est très préoccupante. La population pén ale y est en constante augmentation : au 1er juillet 1999, on dénombrait 1 128 détenus pour 610 places de détention contre 1 030 au 1er juillet 1998, soit une augmentation de 9,4 % en un an et un taux d'occupation de 189 %. A titre de comparaison, la population pénale (métropole et outre-mer) est passée pendant la m ême période de 57 458 à 57 918 détenus, soit une augmentation de 0,8 %. Il est par ailleurs à craindre que ce déficit ne s'accroisse e n raison notamment de la forte proportion que représentent les classes d'âge les plus jeunes (40 % de la population a moins de vingt ans). En outre, la maison d'arrêt de Saint-Denis, particuliè rement vétuste, a été mise en service en 1876 dans un ancien comptoir édifié au début du siècle dernier. Il est dès lors nécessaire d'envisager sa fermeture et son remplacement par une nouvelle maison d'arrêt de 600 places correspondant au besoin prévisible fin 2000. La réalisation de cet établissement, qui serait doté d'u n quartier pour mineurs et d'un quartier pour femmes, constitue l'une des priorités de la poursuite de la modernisation du parc pénitentiaire à l'issue du programme de construction en cours de réalisation. Le garde des sceaux a diligenté à la Réunion une m ission technique chargée de procéder à une première analyse des sites potentiels d'implantation d'un établissement pénitentiaire localisés par les services de la préfecture. Cette mission va prochainement rendre son rapport sur les sites qui, d'ores et déjà, ont été identifiés. Dès que les conclusions seront connues, le gard e des sceaux demandera au préfet de la Réunion de prendre l'attache des élus locaux pour les informer des possibilités offertes. Des études préliminaires d'impact et de faisabilité seront aussitôt diligenté es pour déterminer la compatibilité des terrains repérés avec les besoins de l'administration pénitentiaire. Par ailleurs, cette même mission technique a visité tous les établissements pénitentiaires de l'île. Des besoins d'amélioration d'équipements ont été repé rés et des préconisations doivent être faites dans les meilleurs délais. Les premières mesures visant à améliorer la prise en charge des dét enus seront inscrites dans les priorités du budget d'équipement du ministère de la justice. En ce qui concerne les opérations de réno vation, l'ancien centre agricole de la Plaine des Galets ouvert en 1974 et réaffecté en quartier centre de détention fait l'objet d'u n schéma pluriannuel de rénovation. La restructuration de cet établissement permettra d'en améliorer l'occupation et de réduire partiellement la surpopulation des autres sites ainsi que d'accueillir en désencombrement des condamnés provenant de l'île de Mayotte.

Des crédits d'un montant de 2,7 millions de francs ont été affectés en 1998 à la première tranche de travaux comprenant notamment la construction d'un nouveau poste d'entrée. Par ailleurs, des crédits d'un montant de 4,13 millions de francs ont été affectés en 1998 à l'aménagement d'un quartier pour mineurs. L'année 1999 est également consacrée à la poursuite du schéma directeur avec , d'une part, la construction de deux nouveaux bâtiments d'hébergement d'une capacité de vingt-cinq places chacun pour un coût de 5,5 millions de francs et dont les études sont en cours, d'autre part, la réhabilitation d'un bâtiment d'hébergement pour un montant de 0,7 million de francs. Par ailleurs, les études sont en cours en vue de la réhabilitation de l'ancien quartier femmes en bâtiment d'hébergement hommes de la maison d'arrêt de Saint-Pierre pour un montant de 2,3 millions de francs.

3. Mme Martine Aurillac appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le budget de la justice. Après avoir suspendu pendant dix-huit mois le programme des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) créé es en 1996, le Gouvernement a décidé, en janvier 1999, de relancer ce type de formule de prise en charge des mineurs délinquants. Il a été décidé de créer tout d'abord cinquante centres de placem ent immédiat (CPI) dont quinze devaient être mis en oeuvre d'ici à la fin de cette année. Ces structures de dix à douze places devaient être destinées à accueillir sans délai des mineurs placés su r décision de justice, à assurer un contrôle strict par un encadrement éducat if permanent, à réaliser un travail d'évaluation de la situation de c es mineurs afin de proposer dans un délai d'un à trois mois à ces mineurs une orientation à plus long terme et à organiser des activités suffisamment mobilisatrices dans la journée. le Gouvernement a également décidé dans le même temps de créer cent centres éducatifs renforcés : seize étaient déjà en fonction (UEER) créés en 1996 par le garde des sceaux de l'époque. Il s'agit de centres de prise en charge intense de ces mineurs délinquants. En conséquence, elle lui demande où en est réellement la réalisation de ces programmes près d'un an après ces annonces.

Réponse. A la suite de la mission d'évaluation des unités à encadrement renforcé (UEER) confiée le 16 septembre 1997 aux inspections générales des affaires sociales et des services judiciair es, il a été décidé de conserver les acquis les plus positifs de ce tte expérience de prise en charge en hébergement des mineurs délinquants les plus difficiles, mais en les reformulant en termes de projets et non de structures et en les intégrant dans un ensemble de réponses diversifiées. Les centres éducatifs renforcés sont la traduction de cette reformulation. Ces centres fonctionnent tous sur le principe d'un ratio d'encadrement de un éducateur pour un jeune sur la base de prises en charge de groupes de cinq à sept jeunes.

Les centres éducatifs renforcés fonctionnent sur le principe de plusieurs sessions dans l'année, chacune des sessions étant limitée à quelques mois. Ils s'adressent à des mineurs dont la situation requiert un placement en urgence et en particulier lorsqu'il s'agissait de mineurs délinquants. Ainsi, tout en leur permettant de rompre avec leur environnement et mode de vie qui les a conduits devant la juridiction, ce placement sera l'occasion d'évaluer la


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situation des mineurs concernés et d'élaborer des propositions de solutions éducatives à plus long terme. La date de sortie du CER est prévue dès l'entrée des mineurs, la durée des sessions é tant définie dès l'élaboration des projets (d'une durée de trois à six mois selon les projets). Pour la plupart des mineurs, une mesure de milieu ouvert est maintenue parallèlement au placement dans le centre. Le service chargé de l'exécution de cette mesure suit le mineur pendant son placement et prépare, en lien avec le CER et en fonction de l'évolution individuelle un projet de réinsertion à la sortie de la structure. L'articulation avec les autres structures éducatives se fait essentiellement au moment de la fin de la session du CER dans un passage de relais. La décision de placement prise par le magistrat l'est uniquement pour la durée de la session du centre.

10 UEER étaient en fonctionnement au 16 septembre 1997 (date de mission d'évaluation) (7 ouverts en 1996 - 3 en 1997), 9 ont ouvert entre le 1er janvier 1998 et le 3 novembre 1999, 9 ouvriront entre le 3 novembre 1999 et le 31 décembre 1999. Quant aux centres de placement immédiat strictement contrôlés, ils sont destinés à accueillir des mineurs dans l'immédiateté à la de mande des juridictions. Leur rôle est de faire un travail d'évaluation de situation des mineurs (situation familiale, sociale, scolaire...) et de proposer sur cette base des orientations pour une prise en charge plus longue dans d'autres structures (foyers, centres éducatifs renforcés) ou dans d'autres modes de prise en charge (milieu ouvert ou familles d'accueil). Les mineurs font l'objet d'un encadrement éducatif permanent à travers l'organisation d'activités scolaires et d'insertion. Il appartient au magistrat qui place le mineur de fixer la durée du placement dans le cadre de la décision de justice qu'il ordonne. Leur fonctionnement est assuré par des équipes éducatives comprenant un directeur, dix éducateurs, deux agents techniques d'éducation, deux ouvriers professionnels, un psychologue et un personnel administratif, pour une capacité d'accueil de douze jeunes. Les centres de placement immédiat s'inscrivent dans leso bjectifs de politique départementale tendant à coordonner l'accueil d'urgence et à assurer l'orientation des mineurs après leur placement en CPI. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a programmé l'ouverture de vingt centres de placement immédiat au cours de l'année 2000 qui s'ajouteront aux quinze dont l'ouverture est programmée avant la fin de l'année 1999.

4. Mme Nicole Catala interroge

Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens qu'elle compte mettre à la disposition des maisons de la justice et du droit à Paris, et en particulier dans le XIVe arrondissement, en termes de personnel combien de délégués du procureur, combien d'agents de la protection judiciaire de la jeunesse notamment - et de moyens financiers. Elle souhaiterait connaître les mesures qu'elle envisage de prendre pour assurer le fonctionnement de ces maisons dans les meilleures conditions possibles.

Réponse. L'honorable parlementaire souhaite connaître les mesures envisagées pour assurer le fonctionnement des maisons de justice et du droit créées dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris dont la première, située dans le XIVe arrondissement, sera prochainement ouverte. Il lui est rappelé que les maisons de justice et du droit créées sur le territoire de Paris sont placées sous l'autorité des chefs du tribunal de grande instance de Paris assistés d'un conseil des maisons de justice et du droit dont la composition et les missions sont fixées par la convention constitutive. Ce conseil est notamment chargé de définir les orientations, de décider de l'organisation générale de la maison de justice et du droit, de définir les outils d'évaluation des actions mises en oeuvre, d'é tablir, en début d'année, l'état des financements prévus au titre du fonctionnement de ces maisons de justice et du droit et des actions qui y sont menées et d'établir en fin d'exercice un état d es financements effectivement affectés à ce titre. C'est ainsi que trois maisons de justice seront créées à Paris : dans les XIVe , Xe et

XVIIe arrondissement. Chacune de ces maisons de justice et du droit sera compétente sur une zone géographique plus large que les seuls arrondissements d'implantation. Ainsi tout le territoire de Paris sera couvert. S'agissant plus particulièrement de la maison de justice et du droit du XIVe , des moyens importants ont d'ores et déjà été mobilisés pour assurer le bon fonctionnement de cet te structure. Ainsi deux greffiers coordonnateurs seront affectés à la

MJD du XIVe afin d'assurer l'accueil du public et le fonctionnement général de la structure, le premier dès l'ouverture et le second en décembre 1999. Ils seront assistés d'agents de justice qui seront recrutés à cet effet dès le début de l'année 2000. Un e permanence hebdomadaire d'un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse a été également prévue pour assurer l'accueil des mineurs et des jeunes majeurs sur les thématiques « Droits et devoirs des jeunes dans la cité ». Par ailleurs, et afin d'assurer les rappels à la loi effectués sous le contrôle du parquet, un délé gué du procureur a d'ores et déjà été recruté à cet effet et un second le sera début 2000. Le parquet de Paris étant sectorisé, leur contrô le sera assuré par le magistrat du parquet chef du secteur sud dans lequel la maison de justice et du droit est localisée. S'agissant du point d'accès au droit créé dans les locaux de cette maison de jus tice et du droit, celui-ci sera animé par le président du tribunal d'instance du XIVe , désigné en qualité de magistrat référent, et les permanences seront assurées par des agents d'accès au droit mis à disposition dans le cadre du CDAJ. Enfin, outre l'acquisition de matériels techniques, le ministère de la justice assurera le financement des dépenses de fonctionnement courant et de télécommunications de la structure conformément à la répartition pré vue dans le cadre de la convention de création de la maison de justice et du droit. Des dispositions identiques seront prises pour permettre la mise en place des maisons de justice qui seront implantées dans les Xe et XVIIe arrondissements.

5. M. Christian Estrosi appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la cour d'appel d'Aix-enProvence qui est aujourd'hui totalement axphyxiée. Elle est l'une des cours d'appel les plus sollicitées de France et même probablement la seconde après celle de Versailles. En revanche, la ville de Nice réclame depuis longtemps, sans succès, l'installation d'une cour d'appel, ce qui au regard de sa position et de la population croissante de la région concernée, ne semble pas dénué de bon sens. Il lui demande quel est le sentiment du Gouvernement à cet égard.

Réponse. Le nombre des affaires civiles nouvelles de la cour d'appel d'Aix-en-Provence connaît, depuis 1995, une légère diminution de 1,1 %, passant de 23 579 à 23 315 affaires. Sur la même période, le nombre des affaires civiles nouvelles pour l'ensemble des cours d'appel a diminué de 4,7 %. Par ailleurs, cette cour a un stock d'affaires civiles, par magistrat, de 613. Elle se classe ainsi au second rang national des cours les plus chargées, juste après la cour de Versailles. La moyenne nationale est de 359 dossiers par magistrat. En raison de cette situation, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a bénéficié d'un renforcement particulièrement significatif de ses effectifs de magistrats du siège ces deux dernières années : onze emplois supplémentaires, dont deux emplois de conseillers en service extraordinaire. Ainsi, Aix bénéficie comme les autres cours d'appel les plus chargées d'un véritable plan de sauvetage qui commence à porter ses fruits. S'agissant de la question relative à la création d'une cour d'appel à Nice, une mission a été confiée, dès 1996, à l'inspection généra le des services judiciaires pour étudier l'opportunité d'une telle opération. A ce tte occasion, il a été procédé à de nombreuses consultations et l'ensemble de cette question a été examiné d'une manière très approfondie. A l'issue de cette mission, il est apparu que la création d'une nouvelle cour d'appel ou de chambres détachées dans le département des Alpes-Maritimes, qui impliquerait une scission de l'actuelle cour d'appel d'Aix-en-Provence, n'était pas souhaitable.

En effet, la division de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui couvre la plus grande partie de la région Provence Alpes Côte d'Azur, affaiblirait l'autorité judiciaire face à ses partenaires ré gionaux, et entamerait la cohérence des politiques publiques auxquelles participe la justice. Le projet de création d'une cour d'appel qui aurait de lourdes conséquences en terme de redéploiement de magistrats et de fonctionnaires, nécessiterait en outre la construction d'un nouveau bâtiment judiciaire et serait de nature à remettre en cause les efforts budgétaires qui ont été consentis po ur doter la ville d'Aix-en-Provence d'un pôle judiciaire moderne. Afin d'améliorer le fonctionnement de la justice dans le sud-est de la France, il est préférable d'accroître les moyens dont dispose la c our d'appel d'Aix-en-Provence. A ce titre, afin de permettre une meilleure adaptation de la présence judiciaire et de répondre aux besoins de justice de proximité, l'article 3 de la loi no 95-125 du 8 février 1995 a généralisé à l'ensemble des juridictions la possibilité de tenir des audiences foraines, dont les modalités d'organisation ont été définies par le décret no 96-157 du 27 février 1996.

En application de ces textes, il appartient au premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après avis du procureur général , de définir la mise en place de ce service d'audiences foraines en fonction des nécessités locales, pour les contentieux qui lui paraissent les mieux adaptés à ce mode d'organisation, après concertation avec le barreau. Il leur appartient à ce titre d'apprécier les avantages en termes de rapidité et d'efficacité de l'action


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judiciaire au regard des contraintes que suppose l'organisation de telles audiences délocalisées, notamment compte tenu des difficultés et des coûts de déplacement des magistrats et des fonctionnaires ainsi que d'auxiliaires de justice, et des capacités d'accueillir ces audiences à Nice. Le garde des sceaux a la ferme intention de moderniser le fonctionnement du service public de la justice et de faciliter l'accès des citoyens au droit et leur accueil dans les tribunaux notamment en favorisant les réponses de proximité. C'est en ce sens que la modernisation de l'organisation judiciaire s'inscrit dans une réflexion d'ensemble, qui ne se limite pas à la seule question des lieux d'implantation des juridictions, mais s'intéresse d'abord à la manière dont ces juridictions traitent les affaires qui leur sont confiées.

6. M. Michel Hunault attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réduction du taux de la TVA appliquée aux activités de conseils juridiques et judiciaires impliquant des particuliers. La TVA induit des distorsions importantes dans l'accès au droit et à la justice. L'accès à la just ice doit être possible à chacun et dans les meilleures conditions. Il demande au Gouvernement s'il serait favorable à appliquer le taux réduit de TVA aux services juridiques ayant trait à la prévention ou au règlement de différends prestés au bénéfice d'une pers onne physique ou morale n'agissant pas dans le cadre d'une activité professionnelle assujettie.

Réponse. Le garde des sceaux comprend que l'application indifférenciée du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée aux particuliers et aux entreprises peut présenter des difficultés dans l'exercice du droit fondamental d'accès à la justice. Mais les règ les communautaires en matière de taux de taxe sur la valeur ajoutée limitent l'application du taux réduit aux seules opérations reprises sur une liste annexée à la directive no 92-77 du 19 octobre 1992, relative au rapprochement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée.

Cette liste, adoptée à l'unanimité des Etats membres, regroupe les biens et services dont l'intérêt social ou culturel a justifié, po ur les

Etats membres, la possibilité d'appliquer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. En l'occurrence, les prestations de nature juridique et juridiciaire ne figurent pas sur cette liste. De plus, la Commission européenne n'a fait aucune proposition en vue de modifier l'annexe à la directive précitée afin d'y inclure certains services juridiques. Dans l'état actuel du droit, l'application du taux réduit est autorisée pour certaines prestations ayant un caractère social marqué. C'est sur ce fondement que la France soumet au taux réduit de 5,5 % la rémunération perçue par les avocats et les avoués dans le cadre de l'aide juridictionnelle, c'est-à-dire l'i ndemnité reçue de l'Etat mais également, en cas de prise en charge partielle par l'Etat, la contribution versée par le bénéficiaire de l'aide. En effet, les conditions d'octroi de l'aide juridictionnelle et notamment celles relatives au niveau des ressources du bénéficiaire peuvent jusitifier, au regard du droit communautaire, l'application du taux réduit. En revanche, il n'est pas envisageable d'étendre ce taux à l'ensemble des services juridiques rendus à des particuliers.

Cette mesure serait contraire à nos engagements communautaires.

La proposition de l'honorable parlementaire ne peut donc être accueillie favorablement.

7. M. Jacques Pélissard appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de procéder à l'extension et à la restructuration des locaux du palais de justice de Lons-le-Saunier. En effet, le tribunal de grande instance ne dispose ni de salle d'attente pour le juge aux affaires familiales, ni de salle de réunion pour les expertises. De même, les justiciables du tribunal pour enfants n'ont pas de salle d'attente. Enfin, le conseil de prud'hommes a été contraint de déménager, après la résili ation du bail de la maison individuelle où il était logé. Pourtant, une sol ution simple, souhaitée par l'ensemble des parties concernées et acceptée par l'Etat, existe : elle consiste en une extension dans les locaux de l'ancienne caserne de la gendarmerie, mitoyens de l'actuel ensemble immobilier du palais de justice. Il lui demande dès lors, d'une part, de bien vouloir l'informer sur la réalisation de ce projet, et, d'autre part, de lui indiquer l'état d'avancement du projet de la réforme définissant la nouvelle carte judiciaire, pour qu'enfin des travaux immobiliers puissent être réalisés.

Réponse. L'honorable parlementaire a bien voulu assister à la réunion qui s'est tenue à la préfecture du Jura, le 19 octobre 199

9. Il a pu constater à cette occasion que la réflexion conduite par le ministère de la justice, sur la carte judiciaire, se limitait à ce st ade aux seuls tribunaux de commerce. L'évolution éventuelle d'autres juridictions sera examinée ultérieurement. Les préoccupations qu'i l exprime concernent les juridictions non commerciales de Lons-leSaunier : tribunal de grande instance, tribunal pour enfants, conseil de prud'hommes, dont l'implantation n'est pas susceptible d'évoluer à bref délai. Les évolutions immobilières souhaité es dépendent en effet du programme des travaux du ministère. La situation immobilière actuelle des juridictions de Lons-le-Saunier est la suivante : le palais de justice de Lons-le-Saunier regroupe quatre juridictions - le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance, le tribunal de commerce et la cour d'assises du Jura. Le conseil des prud'hommes est situé depuis décembre 1998 dans un immeuble loué de 200 m 2 , sans salle d'audience, dans l'attente de la réalisation (à un terme non arrêté) de l'adaptation de la caserne de gendarmerie en bâtiment judiciaire. Les principaux dysfonctionnements consistent en un manque de place dans le palais (environ 420 m 2 ). La DDE a conduit en 1997-1998 une étude de diagnostic et de faisabilité fonctionnelle et financière qui dégage deux scénarios : scénario 1 : restructurer les bâtiments 1-2-3-9 de l'ancienne gendarmerie contiguë sur deux niveaux (661 m 2 utiles au total) ; scénario 2 : restructurer les bâtiments 8-9 de l'ancienne gendarmerie contiguë sur trois niveaux (676 m 2 utiles au total). Le choix d'un scénario conditionne la finalisation de l'acquisition des bâtiments de la gendarmerie. Les crédits de paiement en place (1998) ont permis de payer l'étude de diagnostic et de faisabilité

La caserne de gendarmerie est une réelle opportunité foncière, mais le scénario immobilier sera arrêté en fonction des décisio ns prises en matière de réforme de la carte des tribunaux de commerce. C'est pourquoi, dès à présent, le conseil de prud'hommes a été relogé dans 200 m 2 en location (toujours sans salle d'audience particulière) au sein d'un immeuble proche du palais. Compte tenu du besoin général en surfaces dans le palais, une solution provisoire pourrait consister à sortir le tribunal de commerce pour le reloger dans une location (sous réserve de l'existence d'une offre adaptée sur le marché immobilier local).

8. M. Philippe Houillon attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème de la formation économique des magistrats. Le présent budget prévoit la mise en place de pôles de lutte contre la délinquance économique et financière, gages de l'adaptation de la justice contre les nouvelles formes de délinquance. Si la création de tels pôles est, incontestablement, une bonne chose, leur composition reste sujette à caution. En effet, le projet de loi de finances 2000 précise que 15 agents du ministère des finances ont été mis à disposition depuis juin 1999. Leur compétence technique est bienvenue mais en aucun cas elle ne pallie le manque de formation économique des magistrats. C'est aux juges qu'il appartient de juger. Or, ce problème de formation risque d'aboutir, dans les faits, à faire juger les délits économiques et financiers par les fonctionnaires de Bercy.

La réforme des tribunaux de commerce, qui vise précisément à mettre en place des magistrats professionnels aux côtés des juges consulaires, afin de donner un gage de compétence juridique, ne fait que rendre plus impérieuse la nécessité d'une formation digne de ce nom en ce domaine. Il souhaiterait donc connaître les mesures budgétaires qu'elle compte prendre pour remédier à cette situation.

Réponse. La création des assistants spécialisés s'inscrit dans le cadre de l'amélioration des conditions de lutte contre la délinquance économique et financière, qui se traduit par la constitution de véritables pôles économiques et financiers dans les tribunaux spécialisés en cette matière. Quatre pôles ont été cré és : Paris, Bastia, Marseille et Lyon. La mise en place de ces pôles se caractérise par la concentration d'un ensemble de moyens humains et matériels mis à la disposition de ces tribunaux. Les moyens humains dont bénéficient les pôles financiers résident dans la créat ion des fonctions d'assistant spécialisé (art. 91-I de la loi no 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dipositions d'ordre économique et financier), dont l'objet principal est de permettre à des fonctionnaires, ou à des personnes diplômées qui justifient d'une expérience financière, d'être mis à disposition des juridictions spé cialisées en matière économique et financière. Il s'agit pour l'esse ntiel de permettre aux parquets et aux juridictions d'instruction de disposer, dans des matières très techniques et complexes, d'une équipe stable et interdisciplinaire de proches collaborateurs afin de faciliter le travail des magistrats. Les assistants spécialisés ne peuvent accomplir aucun acte de procédure tels qu'interrogatoires, auditions, perquisitions, saisies. Ils n'ont en effet aucun des pouvoirs attribués par le code de procédure pénale aux magistrats du siège ou du parquet ou aux officiers de police judiciaire. Ils ne


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peuvent donc en aucun cas se substituer aux magistrats de l'ordre judiciaire. Leur intervention n'est au demeurant pas de même nature que celle des magistrats qu'ils assistent. Il s'agit en effet de renforcer l'action des magistrats auprès desquels ils sont placés, sans pour autant faire de ces derniers des spécialistes des matières techniques concernées, ce qu'ils n'ont pas vocation à être dans la mesure où ils sont d'abord des spécialistes du droit et de la procé dure pénale. La question de la substitution des magistrats par ces personnels ne se pose donc en aucune manière, et soutenir que les délits financiers vont être jugés par le ministère des finances est aussi dénué de sens que d'affirmer que les délits sont jugés pa r le ministère de l'intérieur, qui gère la police nationale et ses OPJ.

Le recrutement des assistants spécialisés est entré dans sa phase act ive dès la publication du décret du 5 février 1999 pris pour l'applica tion de l'article 706 du code de procédure pénale et relatif à l'e xercice des fonctions des assistants spécialisés. Le ministère de la justice a ainsi pu bénéficier dès le mois de juin 1999 des services de 16 fonctionnaires de catégorie A et B mis à disposition par le ministère de l'économie et des finances ainsi que de 3 agents de la Banque de France. Les premiers assistants spécialisés sont ainsi des agents de la Banque de France, des inspecteurs des impôts, des douanes et droits indirects, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les tribunaux de Paris, Bastia, Lyon et Marseille ont été choisis pour bénéficier de la créa tion de pôles économiques et financiers, compte tenu du nombre et de la complexité des procédures économiques et financières qui leur s ont confiées. Par ailleurs, un assistant spécialisé a été affect é au sein des tribunaux de grande instance de Nanterre, Bordeaux et Fortde-France. Le ministre de l'économie et des finances s'était engagé , le 27 janvier 1999, lors d'une communication en conseil des ministres, à mettre à disposition du ministère de la justice 45 agents sur les trois années 1999, 2000 et 2001, soit 15 agents par an pendant 3 ans. A terme, 10 à 12 pôles économiques et financiers, dont la localisation n'est pas encore arrêtée, devraient être ainsi créés, eu égard à l'ampleur des besoins des jurid ictions spécialisées au sens de l'article 704 du code de procédure péna le. Ces efforts sont complétés par ceux qui sont entrepris en matière de formation des magistrats, lesquels bénéficient notamment de sessions de formation en matière économique et financière dispensées par l'Ecole nationale de la magistrature.

9. M. Philippe Houillon attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question des moyens accordés à la lutte contre la délinquance des mineurs. Le budget 2000 augmente les moyens d'un système qui a pourtant montré ses limites. La lutte contre la délinquance des mineurs, si elle est une affaire de moyens, est aussi, et surtout, un problème de nature des réponses à apporter. La somme de 10 millions de francs, prévue pour augmenter le nombre de délégués au procureur qui interviennent dans le cadre « du traitement en temps réel », moyen le plus efficace sur le plan répressif mais aussi éducatif, est dérisoire. Par ailleurs, il n'existe pas en France de sanctions intermédiaires entre l'avertissement et la prison, ou, si elles existent, elles ne se voient pas accorder les moyens pour en faire des sanctions de référence, à appliquer en priorité. C'est le cas notam ment du travail d'intérêt général. Cette peine qui mêle, plus que toute autre, l'éducation et la répression, exige un suivi que les comités de probation et d'assistance aux libérés (CPAL) et les lieux d' accueil ne peuvent pas toujours assurer. Or le budget 2000 ne prévoit rien en la matière. Il souhaiterait donc connaître les mesures qu'elle compte prendre pour remédier à cette situation. Réponse. Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la lutte contre la délin quance juvénile est au coeur des préoccupations des pouvoirs publics et en particulier de l'autorité judiciaire. Dès le 8 juin 199 8, le conseil de sécurité intérieure a arrêté un plan gouvernem ental de lutte contre la délinquance juvénile. Au sein de ce plan, l'action de l'autorité judiciaire a été tout d'abord développée dans une circulaire en date du 15 juillet 1998 adressée à l'ensemble des procureurs de la République et qui met notamment l'accent sur la nécessaire diversité des réponses. Cette diversité est en effet l'une des clefs de voûte d'une véritable politique de lutte contre la dé linquance des mineurs. En ce sens, de nouvelles orientations pour la protection judiciaire de la jeunesse ont été définies par une circulaire du 24 février 1999 visant à adapter ses outils et ses modes d'intervention aux nouvelles réalités concernant notamment les mineurs délinquants. Trois séries d'orientations méritent d'être soulignées : le perfectionnement des dispositifs d'accueil d'urgence dans les départements, afin de faciliter notamment le placement des mineurs déférés dans le cadre d'une procédure pénale, la mise en place de centres de placement immédiat strictement contrôlés et le développement des centres éducatifs renforcés. Le premier bilan de la circulaire du 15 juillet, un an plus tard, fait apparaître une mise en place effective d'une telle politique. Tout d'abord, le parquet utilise les mesures dites de la « troisième voie » ou alternatives aux poursuites pénales. Dans ce cadre, il dispose d'un large choix de mesures qui vont d'un simple rappel à la loi à la mise en oeuvre par les services de la protection judiciaire de la jeunesse d'une mesure de réparation, mesure dont les objectifs éducatifs sont de favoriser un processus de responsabilisation du mineur visà-vis de l'acte commis mais qui permet également la mise en place d'une réparation directe dans l'intérêt de la victime ou celle d'actions en direction de collectivités. Les parquets, pour la mise en oeuvre de la « troisième voie », ont de plus en plus souvent recours aux délégués du procureur, ce qui explique les moyens importants prévus dans le budget 2000 afin de permettre l'augm entation de leur nombre. Ils sont actuellement 371 dont 118 s'occupent uniquement des mineurs, 174 sont en voie de recrutement. Ce traitement par le parquet des infractions de faible gravité ou des procédures mettant en cause des mineurs primodélinquants permet aux juges des enfants de se consacrer aux faits les plus graves et aux mineurs les plus en difficulté. Pour cela, les magistrats du siège disposent d'une large palette d'interventions qui permet d'adapter au mieux la réponse apportée à la probléma tique du mineur. La juridiction des mineurs peut, en plus des mesures d'investigation nécessaires à la véritable connaissance de la problématique du jeune délinquant, prononcer différentes mesures comme une liberté surveillée, une mesure de placement dans l'établissement le mieux adapté, ou encore une mesure de réparation qui peut être ordonnée à tous les stades de la procédure. Si le prononcé d'une peine s'avère nécessaire, le tribunal pour enfants peut recourir effectivement au travail d'intérêt général pour l es mineurs âgés de plus de seize ans, réponse pénale susceptible de recréer du lien entre le délinquant et la société civile. Le mi nistère de la justice entend poursuivre une politique incitative à l'égard des partenaires locaux concernés, par le biais notamment des contrats locaux de sécurité. Le suivi de cette mesure est confié a ux services de la protection judiciaire de la jeunesse en ce qui concerne les mineurs. Afin de permettre la mise en oeuvre de ce plan de lutte contre la délinquance juvénile, le Gouvernement a annoncé en janvier 1999 des moyens sans précédents pour la justice des mineurs dont 1 000 emplois pour la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. La programmation de ces emplois est en cours et un concours exceptionnel pour le recrutement de 200 éducateurs se déroule actuellement pour une affectation dans les services dès le début de l'année 2000. 50 centres de placement immédiat strictement contrôlés seront créés d'ici 2001, dont 15 avant la fin 1999. A ce jour, 19 centres éducatifs renforcés sont en service, 9 doivent ouvrir avant le 1er janvier 2000. Un abondement des crédits de fonctionnement des services de la protection judiciaire de la jeunesse, à hauteur de 57,65 millions de francs, permettra notamment l'ouverture en 2000 des centres de placement immédiat et des centres éducatifs renforcés, le développement d es activités de jour à destination des mineurs en foyer et centre de jour, la prise en charge des mesures pénales, le développement des mesures de réparation et l'ouverture des classes relais.

10. M. Georges Hage appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la délicate question relative à la politique de l'emploi menée au sein de l'institution judiciaire.

S'il se félicite du nombre de recrutements prévus pour l'an 2000, particulièrement pour les 212 postes de magistrats qui est la plus importante création depuis 25 ans, il s'interroge sur le renforcement du recours aux assistants de justice travaillant à mi-temps auprès des magistrats, qui portera leur nombre à 1 050. Non pas qu'il doute de l'utilité et de l'efficacité de ces titulaires d'une m aîtrise en droit dont le travail donne toute satisfaction aux magistrats concernés mais il s'inquiète de leur recrutement qui relève plus d'une politique de l'emploi précaire, qu'il se refuse à qualificier de systématique, que d'une politique de l'emploi d'agents titulaires dont a besoin l'institution judiciaire pour répondre à ses missions. Il en est de même pour le recrutement programmé de 1 050 emplois-jeunes sous contrat de droit public qui nécessiterait une mise à l'étude de la pérennisation de ces emplois. C'est pourquoi il lui demande de l'informer des mesures qu'elle envisage de prendre pour rompre avec une politique de précarité qui marque les effectifs de la chancellerie.


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Réponse. L'honorable parlementaire a appelé l'attention sur la politique de recrutement du ministère de la justice et notamment sur celui des assistants de justice. Le garde des sceaux a l'honneur de lui faire savoir que les assistants de justice, institués par l'article 20 de la loi du 8 février 1995, apportent leurs concours aux travaux préparatoires réalisés par les magistrats pour l'exerc ice de leurs attributions. Une circulaire de la direction des services judiciaires a confirmé cette définition en rappelant les termes du rapport annexé à la loi de programme no 95-9 du 6 janvier 1995 qui indique que le juge doit être déchargé des tâches qui ne lu i incombent pas nécessairement. Il résulte clairement de ces textes que le travail des assistants de justice ne peut correspondre à aucun travail confié statutairement aux fonctionnaires des greffes.

On ne peut leur confier que les tâches préparatoires aux travaux des magistrats, c'est-à-dire, selon la circulaire de juin 1996, ce qui ne relève pas de leurs « fonctions juridictionnelles ou administratives ». Ainsi, à titre d'exemple, ils peuvent effectuer des recherches de documentation et de jurisprudence, des rédactions de notes de synthèse de dossiers et de projets de décisions, de l'analyse et du tri des dossiers. S'agissant de l'effectif des assistants de justice, ils sont, en 1999, 950 dont 65 autorisations de recrutement accordées pour la politique de la ville et l'accès au droit. Cet effectif sera porté à 1 050 compte tenu des 100 autorisations de recrutement nouvelles prévues par le projet de loi de finances pour l'an 2000.

Pour ce qui concerne les missions qui leurs sont confiées, selon les informations des cours d'appel, 44 % des assistants de justice apportent leurs concours auprès des magistrats des cours d'appel et 56 % exercent leurs fonctions dans les juridictions de première instance. De plus, dans le cadre de la mise en place des conseils départementaux de l'accès au droit pour lesquels la création de la fonction de secrétaire général n'apparaît pas justifiée du f ait du faible peuplement du département, le président du tribunal de grande instance, président du conseil départemental, peut être aid é dans l'exercice de ses responsabilités par un assistant de justice.

S'agissant enfin de la finalité du recrutement des assistants de justice, il résulte des débats parlementaires qui ont présidé à l'élaboration de la loi no 95-125 du 8 février 1995 les instituant, que le législateur n'a pas souhaité créer un nouveau corps au sein de la fonction publique ou une nouvelle profession. C'est pourquoi le décret du 7 juin 1996 prévoit que les fonctions d'assistant de justice, qui sont recrutés pour une durée de deux ans renouvelable une seule fois, correspond au plus à l'exercice d'un mi-temps.

L'institution de cette nouvelle catégorie de collaborateurs, qui sont issus des universités pour la majorité d'entre eux, permet un traitement plus rapide et plus efficace des contentieux et favorise une interpénétration de l'institution judiciaire avec les universités.

Pour les assistants de justice, le cadre juridique dans lequel ils exercent leurs fonctions leur permet d'avoir une première expérience professionnelle intéressante et variée et de poursuivre leurs recherches universitaires. De plus, l'expérience acquise dans ces fonctions est de nature à faciliter leur accès à la magistrature, dans le cadre des dispositions statutaires actuelles relatives au troisième concours, au concours externe ou au recrutement sur titres. La diversité de ces modalités d'intégration dans la magistrature, auxquelles s'ajoutent pour les années 1998 et 1999 les concours exceptionnels de recrutement de magistrats, répond ainsi au légitime souci des assistants de justice de faire valoir tant leurs connaissances juridiques que leur expérience de la juridiction dans le cadre de l'accès au corps judiciaire. Enfin, les nombreux concours administratifs externes répondent aussi au légitime souci des assistants de justice de faire valoir tant leurs connaissances juridiques que leur expérience de la juridiction dans le cadre de l'accès à la fonction publique en gén éral et au corps judiciaire en particulier. En ce qui concerne les

« emplois-jeunes », il convient tout d'abord de rappeler que le ministère a souhaité dès l'origine s'inscrire dans le dispositif de développement de l'emploi pour les jeunes, parce que des besoins très concrets avaient été alors identifiés (mission conduite par M. Charvet), afin de répondre à des missions pas, mal ou insuffisamment couvertes dans le champ judiciaire. Les 1 050 emplois d'agents de justice prévus pour les services judiciaires (soit moins de 2 agents à recruter en moyenne par juridiction, alors que certaines juridictions demandent à elles seules jusqu'à 8 ou 9 emplois) permettront dans les tribunaux et les maisons de justice et du droit de repenser et vraiment assurer la fonction d'accueil, d'orientation et d'information des justiciables, un effort étant tout spécialement fait dans les lieux qui accueillent les publics en plus grande difficulté. Il est encore trop tôt pour évoquer le sujet de la pérennisation de ces emplois, qui suppose un minimum de temps d'évaluation préalable, comme le montre l'expérience des ministères et autres organismes publics ou privés qui ont déjà recru té depuis un ou deux ans des jeunes dans le cadre du dispositif nouveaux services/emplois-jeunes. Mais, d'ores et déjà, les enseignements tirés de l'action des jeunes recrutés par des associations collaborant habituellement avec le ministère (associations de contrôle judiciaire, associations d'aide aux victimes) ou par les centres départementaux d'aide juridique ou d'accès au droit, montrent l'intérêt des fonctions qu'ils exerçent. 11. M. Georges Hage appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application du principe de l'égal accès au droit pour tous. S'il prend acte de la hausse de 100 millions de francs des crédits affectés à l'aide juridictionne lle qui bénéficie d'une mesure nouvelle de 47 millions de francs liée à la réforme renforçant la présomption d'innocence, il n'en demeure pas moins que l'évolution des seuils d'attribution depuis 1972 laisse en dehors du système d'attribution de l'aide totale ou partielle la majeure partie de la population qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face au coût d'un procès. Alors qu'il est avéré que s'étend l'aspiration de nos concitoyens à faire v aloir leurs droits devant la justice, nous assistons, au regard des statistiques connues pour 1998 à une baisse de 0,8 % du nombre total d'admission à l'aide juridictionnelle. C'est pourquoi, s'inscrivant dans le sens des réformes engagées par la Chancellerie, il lui demande si des mesures sont mises à l'étude pour accompagner ces réformes en relevant le plafond ouvrant droit à l'aide juridictionnelle totale ou partielle.

Réponse. Les plafonds de ressources en matière d'aide juridictionnelle sont, pour 1999, fixés à 4 940 F par mois pour l'aide totale et à 7 412 F par mois pour l'aide partielle.Trois caractéristiques importantes de ces plafonds doivent être soulignées ici : 1o ils sont annuellement et automatiquement révisés comme la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu ; 2o il s'agit de plafonds de ressources dont sont déduites les prestations familiales de l'article L.

511-1 du code de la sécurité sociale ainsi que les prestations sociales à objet spécialisé de l'article 8 du décre t du 12 décembre 1988 modifié relatif à la détermination du RMI et à l'allocation de revenu minimum d'insertion ; 3o ces plafonds sont, enfin, majorables pour charges de famille : en 1999 le correctif est de 562 francs, par mois et par personne à charge. Ce correctif est, comme les plafonds de ressources, indexé sur la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. Le système de plafonnement indexé de la loi du 10 juillet 1991 a largement atteint ses objectifs : le nombre des admissions est passé de 350 000 en 1991 à plus de 700 000 en 1998, soit une progression de 100 % en 7 ans ; la contribution budgétaire globale de l'Etat à la défense des justiciables les plus défavorisés est passée, quant à elle, de 400 millions de francs en 1991 à 1 milliard 543 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2000, soit une progression de 285 % en 9 ans. C'est pourquoi, il n'apparaît pas nécessaire de le modifier. La très légère diminution du nombre global des admissions à l'aide juridictionnelle constatée en 1998 (0,8 %) s'exp lique par le tassement des contentieux civils, observée depuis 1996. La matière civile représentant 60 % du nombre total des admissions à l'aide juridictionnelle, l'augmentation de 2,3 % des admissions au pénal n'a que partiellement compensé la baisse de 2,8 % des admissions au civil. Une analyse de ce constat, ciblée sur les contentieux civils les plus générateurs d'aide juridictionnel le (divorces, contentieux familial hors divorces, contentieux civil général devant les tribunaux de grande instance et contentieux civil devant les tribunaux d'instance) fait, en effet, apparaître une corré lation entre l'évolution de ces contentieux et celle des admissions à l'aide juridictionnelle. Le palier atteint depuis 2 ans pour les affaires civiles nouvelles se répercute sur les admissions à l'AJ. On peut donc raisonnablement conclure qu'au civil le dispositif d'aide juridictionnelle a atteint son niveau d'équilibre et que désormais il devrait évoluer comme les contentieux, sauf modification de la législation. Le projet de loi de finances pour 2000 contient une mesure nouvelle de 1,58 millions de francs qui permet d'aligner les plafonds de ressources de l'outre-mer sur ceux de métropole ; l'augmentation qui résultera de cet alignement, sera de 11,8 %. 12. M. Vincent Burroni appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la préoccupante situation des suicides dans les prisons françaises. A la date du premier octobre 1999, 102 détenus s'étaient donné la mort depuis le début de l'année. Une récente étude a pu démontrer que sur dix ans, à population carcérale égale, le nombre de suicides a plus que doublé. Cette « sursuicidité » tient à la fois au profil psychologique, social et pathologique des détenus, mais aussi et surtout aux condi-


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tions de détention, promiscuité, violence, peur de l'avenir. Le

« déni du droit à l'intimité » en est souvent l'une des principales causes. Après le « pic suicidaire » de 1996, un programme de prévention a été mis en place sur onze sites pilotes. Au regard de cette expérience, il lui demande quelles mesures ont été retenues à ce jour, pour mobiliser les différents acteurs, développer les initia tives et former les personnels. Réponse. A partir de 1992, le nombre de détenus décédés à la suite d'un acte suicidaire a augmenté dans des proportions inquiétantes. De surcroît les études menées à l'échelle europée nne ont démontré que la France était confrontée à un taux de suicide en milieu carcéral parmi les plus élevés d'Europe. Afin d'apporter une réponse adaptée à ce problème, un groupe de travail a été constitué. Il s'est d'abord attaché à définir les principes géné raux d'une politique de prévention fondée sur le respect de la personne suicidaire. Il a ensuite consacré ses études à l'analyse des données sociodémographiques et des analyses cliniques de la psychopathologie suicidaire afin de déterminer les personnes, les lieux et les moments à risque. Sur la base de son rapport, un plan d'action a été défini, rassemblant à la fois des mesures d'application imm édiate édictées par voie de circulaire et un programme expérimental

La circulaire de mai 1998 comporte le rappel de dispositions réglementaires et la mise en oeuvre de mesures nouvelles de nature à avoir un impact sur la prévention : le détenu arrivant doit être informé sur son parcours carcéral tant par le greffe judiciaire que par le personnel de direction et les travailleurs sociaux le plus rapidement possible ; dès l'arrivée, il est mis en mesure de prendre une douche et d'assurer son hygiène corporelle par la mise à disposition d'un nécessaire de toilette et de linge de corps ; pendant la détention, une observation particulière des détenus présentant un risque suicidaire important doit être assurée notamment la nuit.

Les détenus commettant un acte auto-agressif, quelqu'en soit la nature (auto-mutilation, grève de la faim, tentative de suicide) f ont l'objet d'une prise en charge globale fondée sur le dialogue, l'observation et un suivi somatique. Le taux de suicide au quartier disciplinaire étant nettement plus élevé que dans le reste de la détention, il a été rappelé que le placement en prévention d evait être exceptionnel ; il a été demandé de veiller à une prise en charge individualisée, rapide et globale des personnes concernées.

Des actions complémentaires sont également engagées à l'égar d de leur famille, de leurs codétenus et des personnels présents au moment du passage à l'acte. Dans le cadre du programme expérimental, onze sites pilotes ont été retenus en fonction de leur répartition sur le territoire national, de leur catégorie, de leur taille, du nombre des suicides perpétrés ces dernières années e t du contexte local, afin d'expérimenter de nouveaux dispositifs d'accueil et d'observation des détenus et d'explorer les conditions de réorganisation du fonctionnement des quartiers disciplinaires.

Cette expérimentation a fait l'objet d'une évaluation en 1998-1999.

Sur la base de cette évaluation, le groupe projet national, qui coordonne et anime la politique de prévention du suicide, est chargé de réfléchir et de proposer de nouveaux modes d'action. La légè re baisse du nombre de suicides enregistrée en 1998 (118 contre 138 en 1996 et 125 en 1997) ne peut qu'inciter à poursuivre le programme engagé. Par ailleurs, face à une série d'actes suicidaires dans un établissement pénitentiaire, des dispositions immédiates sont prises pour renforcer les rondes et la vigilance des agents.

Ainsi, dans plusieurs établissements, ces mesures immédiates ont permis d'éviter des suicides, les surveillants ayant pu intervenir à temps. Les résultats observés ont démontré la pertinence des or ientations retenues. Il a donc été proposé de généraliser le di spositif aux établissements pénitentiaires connaissant un fort taux de suicides.

ÉVOLUTION DES SUICIDES DEPUIS 1988 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Nombre de suicides

...........................

77 62 59 67 95 101 101 107 138 125 118 Selon le sexe : hommes

.........................................

72 58 56 64 93 94 91 101 134 121 112 femmes

..........................................

5 4 3 3 2 7 10 6 4 4 6 Selon la catégorie pénale : prévenus

........................................

48 42 41 46 60 66 64 68 62 76 60 condamnés

....................................

29 20 18 21 35 35 37 39 76 49 58 Selon l'âge : moins de 18 ans

.........................

1 2 0 0 0 1 1 1 2 0 1 de 18 à moins de 21 ans

........

3 3 7 4 5 5 7 5 5 8 5 de 21 à moins de 25 ans

........

10 15 9 11 16 15 19 10 20 20 16 de 25 à moins de 30 ans

........

14 9 10 11 17 22 28 22 30 15 18 de 30 à moins de 40 ans

........

24 16 24 20 31 32 24 41 47 43 31 de 40 à moins de 50 ans

........

20 10 5 14 15 16 15 18 26 26 32 de 50 à moins de 60 ans

........

2 4 3 5 5 7 6 5 5 8 11 de plus de 60 ans

......................

3 3 1 2 6 3 1 5 3 5 4 13. Mme Hélène Mignon attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les réponses attendues du Gouvernement par nos concitoyens à la délinquance des mineurs.

Avec la création de 100 centres éducatifs renforcés (CER) et de 50 centres de placement immédiat, le budget traduit une volonté politique de répondre avec fermeté à la délinquance des jeunes les plus difficiles et très généralement de donner la possibilité a ux juges de sanctionner avec rapidité et efficacité les transgressions de la règle sociale. Concernant les centres de placement immédiat, qui sont et doivent rester des centres d'hébergement temporaire strictement encadrés, elle s'interroge sur les crédits alloués à leur fonctionnement effectif ainsi que sur les garanties données pour que les jeunes placés dans ces établissements n'y restent que le temps nécessaire à leur déferrement. Concernant les centres éducatifs renforcés, elle souhaite connaître le calendrier de leur ouverture, du recrutement des personnels appelés à les animer ainsi que le programme prévu pour assurer à la sortie de ces centres la meilleure réinsertion des jeunes pris en charge. Elle désire connaître, par ailleurs, la façon dont s'articuleront les unités nouvelles avec les structures anciennes dont il est entendu qu'elles doivent subsister.

Réponse. Concernant le programme CER, le calendrier d'ouverture des nouveaux centres prévus pour l'an 2000 et qui s'ajouteront aux 28 centres en activité fin 1999 est déterminé en fonction de l'instruction des projets par un comité de pilotage qui examine des dossiers, auditionne les promoteurs des projets et transmet à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse qui prend la décision d'ouverture à partir de l'expertise de ce comité de pilotage. Cette décision, prise, les délais d'ouverture varient de un à deux mois. Le recrutement s'effectue durant cette période. Les centres éducatifs renforcés fonctionnent sur le principe de plusieurs sessions dans l'année, chacune des sessions étant limitée à quelques mois. La date de sortie du CER est prévue dès l'entrée des mineurs, la durée des sessions étant définie dè s l'élaboration des projets (d'une durée de trois à six mois selon les projets). Pour la plupart des mineurs, une mesure de milieu ouvert est


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maintenue parallèlement au placement dans le centre. Le service chargé de l'exécution de cette mesure suit le mineur pendant son placement et prépare, en lien avec le CER, et en fonction de l'évolution individuelle, un projet de réinsertion à la sortie de la struc ture. Les personnels éducatifs chargés de la conduite de ces projets seront intégralement affectés selon les normes définies par le cah ier des charges et en fonction du calendrier d'ouverture de ces structures dont les projets sont en cours d'élaboration. Par ailleurs, les crédits nécessaires sont inscrits au projet de loi de finances pour 2000 pour assurer le fonctionnement de ces structures tant sur le chapitre 37-33 pour les centres éducatifs renforcés qui seront ouverts dans le secteur habilité que sur le chapitre 34-34 pour les centres éducatifs renforcés qui seront créés dans le secteur pu blic.

L'articulation avec les autres structures éducatives se fait essentielle ment au moment de la fin de la session du CER dans un passage de relais. La décision de placement prise par le magistrat l'est uniquement pour la durée de la session du centre. S'agissant des centres de placements immédiats strictement contrôlés, ceux-ci sont destinés à accueillir des mineurs dans l'immédiateté à la demande des juridictions. Leur rôle est de faire un travail d'évaluation de situation des mineurs (situation familiale, sociale, scolaire, etc.) et de proposer sur cette base des orientations pour une prise en charge plus longue dans d'autres structures (foyers, centres éducatifs renforcés) ou dans d'autres modes de prise en charge (milie u ouvert ou familles d'accueil). Les mineurs font l'objet d'un encadrement éducatif permanent à travers l'organisation d'activités sc olaires et d'insertion. Il appartient au magistrat qui place le mineur de fixer la durée du placement dans le cadre de la décision de justice qu'il ordonne. Leur fonctionnement est assuré par des équipes éducatives comprenant un directeur, dix éducateurs, deux agents techniques d'éducation, deux ouvriers professionnels, un psychologue et un personnel administratif, pour une capacité d'accueil de douze jeunes. Les centres de placement immédiat s'inscrivent dans les objectifs de politique départementale tendant à coordonner l'accueil d'urgence et à assurer l'orientation des mineurs après leur placement en CPI. La Direction de la protection judiciaire de la jeunesse a programmé l'ouverture de 20 centres de placements immédiats au cours de l'année 2000 qui s'ajouteront aux 15 dont l'ouverture est programmée avant la fin de l'année 1999.

14. En 1998, 57 000 personnes ont été placées en détention provisoire en France, un millier d'entre elles a bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. En 1998, 154 personnes seulement ont obtenu une indemnisation de la commission créée à cet effet en 1970. Le projet de loi renforça nt la présomption d'innocence et les droits des victimes prévoit des dispositions modifiant considérablement les conditions d'accès à l'indemnisation d'une détention abusive. On peut en conséquence estimer que la quasi-totalité des personnes ayant subi à tort l'emprisonnement entamera la procédure et obtiendra réparation ; la charge par l'Etat de l'indemnisation des détentions abusives a été en 1998 de près de 4 millions de francs (somme imputée s ur les frais de justice). Mme Christine Lazerges demande dès lors à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, si l'on peut estimer que les 30 millions de francs inscrits au projet de loi de finances 2000 permettront une mise en application satisfaisante des nouvelles dispositions déjà adoptées par l'Assemblée nation ale et le Sénat en première lecture et si à compter de l'année 2000 le dispositif français permettra enfin une légitime et suffisante indemnisation des personnes injustement et abusivement détenues dès lors que la procédure se solde par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.

Réponse. La mesure nouvelle de 30 millions de francs inscrite au projet de loi de finances pour 2000 doit permettre de financer la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions destinées à amé liorer l'indemnisation des personnes poursuivies ayant bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement, qui sont contenues dans le projet de loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. Cette mesure se subdivise en deux sousensembles : le premier de 10 MF visant à financer le dispositif permettant à l'Etat de prendre en charge les frais irrepétibles supportés par les personnes poursuivis ayant bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement sans avoir été détenues ; le second de 20 MF visant à financer l'indemnisation des personnes préventivement détenues à tort. Ce montant de 20 MF est une provision qui tient compte de différents éléments, les derniers chiffres connus étant ceux de 1998, année pour laquelle le nombre des personnes préventivement détenues à tort a été de 1449, dont 1234 dans des affaires correctionnelles (85 %), et le montant des indemnisations versées a été de 3,73 MF. Le calcul de la provision de 20 MF, qui est donc 5 fois plus élevée que la dernière dépen se connue, permettra de mieux indemniser les personnes concernées du fait : de la prise en compte du préjudice moral comme le prévoit le projet de loi qui devrait conduire à une revalorisation des indemnités moyennes accordées par la commission nationale d'indemnisation des victimes (une hypothèse à + 25 %, conduirait à passer de 630 F/jour, constaté aujourd'hui, à 800 F/jour en intégrant le préjudice moral) ; de l'accroissement du nombre des bénéficiaires en raison des conditions d'accès à l'indemnisation plus favorables qui sont prévues dans le projet de loi (suppression du caractère exceptionnel du préjudice pour avoir droit à l'indemnisa tion). Il a également été tenu compte : de la date d'entrée en vigueur de la loi, vraisemblablement au second semestre 2000 ; de la diminution prévisible du nombre de détentions provisoires liée à l'entrée en vigueur des autres dispositions du projet de loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes : création du juge de la détention, et limitation de la détention provisoire correctionnelle aux seules personnes encourant une peine supérieure à deux ans d'emprisonnement.

15. La concertation préalable liée à la réforme de la carte judiciaire ayant provoqué des prises de position diverses et l'apparition concomittante d'importants désordres dans l'ensemble immobilier historique qui abrite le palais de justice de Laon ont semé, dans les milieux judiciaires du chef-lieu de l'Aisne, une inquiétude certaine quant à l'avenir de la justice à Laon. Dans ces conditions M. René Dosière demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui préciser, d'une part, le calendrier prévisionnel et les modalités financières de la restauration du palais de justice de Laon, d'autre part, les orientations concernant la réforme de la carte judiciaire dans l'Aisne, compte tenu des réformes en cours sur le fonctionnement de la justice.

Réponse. Le palais de justice de Laon est un bâtiment ancien, classé, dont les toitures doivent être refaites (risque de chute d'ardoises). Des mesures d'urgence ont été prises, pour éviter les accidents : installation de tunnels en tôle dans la cour du palais de justice ; mise en place de barrières dans la cour afin d'éviter que le personnel ne stationne trop près des façades. Le ministère de la justice a délégué une somme de 1,5 MF, en juillet 1999, pour financer les travaux urgents et indispensables de mise en sécurité du bâtiment. Cette somme s'ajoute à celle dont dispose déjà la cour d'appel (0,4 MF). Par ailleurs, un programme de rénovation du palais de justice de Laon vient d'être élaboré. Ce projet pré voit la réhabilitation du clos et du couvert du palais de justice mais également la restructuration et l'extension des espaces judiciaires par la création d'un niveau enterré sur toute la surface de la cour, permettant d'assurer la conservation des archives. Il représente un investissement évalué par la direction départementale de l'équi pement et l'architecte en chef des monuments historiques à près de 88 MF. Cet investissement semble trop important pour que sa programmation puisse être envisagée à très court terme. L'obtention d'un concours significatif de la part des collectivités locales, au titre de la sauvegarde et de la mise en valeur du centre historique de Laon, rendrait moins difficile l'étude de cette programmation dans les prochaines années. Par ailleurs, l'ensemble de la ville de Laon est situé sur une hauteur dont le sous-sol est instable, ce qui suppose des précautions particulières. En ce qui concerne la réflexion sur la carte judiciaire dans l'Aisne, il faut noter que l'Aisne dispose, notamment, de trois tribunaux de grande instance, dont un à compétence commerciale à Laon, et de quatre tribunaux de commerce. La concertation en vue de la réforme de la carte judiciaire, limitée aux seuls tribunaux de commerce à ce stade, a permis d'envisager des évolutions tendant à regrouper plusieurs tribunaux de commerce, afin d'éviter un émiettement qui, en définitive, est préjudiciable à la justice mais aus si aux entreprises. La chambre de commerce et d'industrie a en effet abondé avec force en ce sens. Des regroupements de tribunaux de commerce avec un tribunal de grande instance à compétence commerciale ne sont pas à écarter. Mais leur réalisation soulèv e de nombreuses difficultés à l'égard des magistrats consulaires, des o fficiers ministériels titulaires des greffes et de leurs salariés. Ceci doit être rappelé sans toutefois préjuger des décisions qui seront p rises par le garde des sceaux, ministre de la justice, en début d'année 2000, pour être mises en oeuvre le 1er janvier 2001.

16. Mme Nicole Feidt appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'amélioration des conditions de sûreté dans les établissements pénitentiaires. Cellesci se traduisent notamment dans les conditions d'exercice professionnel


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des personnels qui garantissent bien évidemment leur sécurité et dans les conditions de vie des détenus. En effet, si l'émergence de nouveaux concepts dans la prise en charge des détenus doit être encouragée et poursuivie, elle ne saurait faire disparaître l'exigence première des établissements pénitentiaires, qui est d'assurer leur garde. Aussi, au moment où chacun souhaite voir les modalités de prise en charge des détenus évoluer, ce qui répond naturellement à l'exigence de sanctionner sans exclure, encourageant ainsi la réinsertion des femmes et des hommes condamnés, il apparaît indispensable de favoriser une meilleure adaptation des conditions de travail du personnel pour répondre à ces changements. Si les mesures de protection périmétrique et la vigilance des agents constituent les plus sûrs atouts d'une surveillance de tous les instants, il n'en demeure pas moins que l'amélioration des conditions de sécurité dans les établissements pénitentiaires doit être une priorité. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures retenues destinées à satisfaire les exigences dues à la complexité des situations liées à l'impérieuse mission de garde et de surveillance.

Réponse. Depuis 1997, le garde des sceaux a affirmé sa volonté d'intégrer la sécurité dans les préoccupations quotidiennes des établissements. Les directions régionales ont pris en compte cette composante dans leur budget de fonctionnement ou dans leur programme d'équipement au plus près des besoins exprimés par les chefs d'établissement. Ainsi, 9,3 MF ont été consacrés à des opérations de sécurité en 1998 et 7,4 MF en 1999. Parmi les opérations les plus importantes : en 1998, 9,3 MF avec notamment : la sécurisation de Baie-Mahault : 0,9 MF ; la sécurisation du rondpoint de la maison d'arrêt de Rouen : 1,4 MF ; la mise en sécurité du mur extérieur de la maison d'arrêt d'Angers : 1,5 MF ; la réfection du mirador au CP de Mulhouse : 0,6 MF. 1er semestre 1999, 7,4 MF : l'installation de la vidéo-surveillance à Basse-Terre : 0,8 MF ; la mise en sécurité du bâtiment d'entrée de SaintSulpice : 2 MF ; la sécurisation de Baie-Mahaut (suite) : 1,2 MF ; le réaménagement du rond-point central et la réfection du mur d'enceinte d'Angers : 1,5 MF ; la réfection du mur d'enceinte de Troyes : 1,4 MF ; le remplacement du grillage de la cour de promenade d'Albi : 0,5 MF. Par ailleurs, l'administration pénitentiaire a mis l'accent sur la nécessité de mettre les matériels et les loc aux aux normes de sécurité afin de prévenir les risques pour les personnes, qu'ils proviennent des équipements ou des installations techniques et en respectant les normes d'hygiène et de sécurité.

Trois secteurs d'interventions sont prioritaires : la vérification et la mise en conformité des installations électriques des établissements pénitentiaires avec les textes régissant la protection du travail (électrocution, incendie) ; la mise en conformité de tous les équipements de travail mus par une énergie extérieure et dont l'utilisation peut s'avérer dangereuse. Le programme s'achève en 1999 pour un coût total de 11,5 MF par les machines-outils et certains appareils de cuisine (coupe-jambon, malaxeurs) et de blanchisserie (essoreuses) ; la mise aux normes des locaux suite aux recommandations des comités d'hygiène et de sécurité qui se mettent en place dans les sites pénitentiaires employant plus de 50 agents (environ 95 établissements). Des ressources spécifiques au titr e III (12 MF pour 1999) sont affectées à ce programme pluri-annuel.

Enfin, l'analyse en cours des récents incidents intervenus au CP de Rémiré-Montjoly (tentative d'évasion et mutinerie) a conduit à l'adoption de mesures de sécurité complémentaires, pour environ 10 MF.

17. M. Jean-Yves Caullet attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'importance des effectifs de police etou de gendarmerie qui se trouvent mobilisés par la conduite de détenus auprès des magistrats. Cette situation peut être particulièrement critique en zone rurale lorsqu'un important centre de détention s'y trouve implanté. Il demande si à l'heure o ù le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication est l'un des objectifs du prochain plan, des modalités de comparution limitant les déplacements physiques - sous forme de vidéoconférence par exemple - ne pourraient ê tre imaginées, chaque fois que cela permettrait de faciliter le déroulement des procédures et dans le respect des principes du droit afin de limiter les effectifs de gendarmerie ou de police affectés à ces tâches pour les redéployer sur le terrain.

Réponse. Le principe selon lequel toute personne a droit, si elle le désire, de comparaître personnellement devant son juge afin de faire valoir les arguments de sa défense est un des principes cardinaux de la procédure pénale française. Il est en outre consacré par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. De ce fait, il ne semble pas possible de mettre en place un système conduisant à ne pas permettre la présence physique des détenus, prévenus ou condamnés, aux audiences et auditions qui les concernent. La rationalisation de l'utilisation des forces de police et de gendarmerie est une des préoccupations majeures du Gouvernement. Dans ce cadre, et afin de permettre une amélioration de la gestion des escortes de détenus vers les juridictions, une réflexion est actuellement conduite par les services du ministère de la justice. Elle consiste à mettre en place, dans plusieurs tribunaux de grande instance, un dispositif, piloté par un magistrat, tendant à regrouper sur une même période de temps les extractions judiciaires de détenus, entre les différentes audiences de la juridiction

L'objectif est d'éviter les extractions multiples et dispersées, pour parvenir à une concentration des extractions. Cette expérimentation, en cours d'évaluation, sera, en fonction des résultats, généralisée par une circulaire du garde des sceaux.

19. Pour répondre à la délinquance des mineurs, le Gouvernement a annoncé en janvier 1999, parmi d'autres mesures, la création de 50 centres de placement immédiat strictement contrôlés d'ici à 2001. Pour l'année 2000, la programmation de créations nouvelles de centres de placement immédiat pour mineurs doit être arrêtée avant la fin de cette année, en vue d'ouvertures e n septembre 2000. Tout investissement engendre du fonctionnement et celui-ci doit être assuré par des concours exceptionnels de recrutement d'éducateurs. Le Conseil de sécurité intérieure du 27 janv ier dernier a en effet décidé la création de 1 000 emplois éducatifs sur trois ans, avec une arrivée significative à court terme d'éducateu rs, notamment dans les 26 départements très sensibles et donc priorit aires, comme l'est la Seine-et-Marne. Mme Nicole Bricq demande donc à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, quel est le programme de l'année 2000 en ce qui concerne les centres de placement immédiat ainsi que le nombre et l'affectation des éducateurs qui ont été ou seront recrutés.

Réponse. Le ministère de la justice a pour objectif d'ouvrir 20 centres de placement immédiat au cours de l'année 2000. Une création est prévue en Seine-et-Marne sur le secteur de Melun-Est.

Ces ouvertures s'ajoutent aux quinze qui seront réalisées avant la fin de l'année 1999. Un abondement des crédits de fonctionnement des services de la protection judiciaire de la jeunesse, à hauteur de 57,65 MF, permettra notamment l'ouverture en 2000 des centres de placement immédiat et des centres éducatifs renforcés, le développement des activités de jour à destination des mineurs en foyer et centre de jour, la prise en charge des mesures pénales, le développement des mesures de réparation et l'ouverture des classes relais. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a défini de nouvelles modalités de recrutement pour l'année 1999 qui se poursuivront sur les années 2000 et 2001. Ainsi, 200 éducateurs sont en cours de recrutement par concours exceptionnel dont les modalités sont fixées par le décret no 99-412 du 16 mai 1999.

Les candidats qui doivent avoir le bac + 2 et justifier de trois années de pratique professionnelle sont issus en partie des maîtres d'externat scolaire, en partie de l'animation sociale, ce qui va permettre une diversification de recrutement. Ces éducateurs bénéficieront d'une formation en alternance et seront affectés dès le 1er janvier 2000.