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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9323).

OUTRE-MER M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les pays et territoires d'outre-mer.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'outre-mer.

MM. Dominique Bussereau, Michel Tamaya, Ernest Moutoussamy, Léon Bertrand, Emile Vernaudon, Henry Jean-Baptiste, André Thien Ah Koon, Léo Andy, François Asensi, Mme Huguette Bello,

MM. Gérard Grignon, Daniel Marsin, Michel Buillard, Elie Hoarau, Mme Christiane Taubira-Delannon,

MM. Philippe Chaulet, Alfred Marie-Jeanne, Camille Darsières, Pierre Petit, Anicet Turinay.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Réponse de M. le secrétaire d'Etat à la question de M. Alfred Marie-Jeanne.

Etat B

Titres III et IV. Adoption (p. 9364)

Etat C

Titres V et VI. Adoption (p. 9364)

Article 72. Adoption (p. 9364)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'un rapport (p. 9364).

3. Dépôt de rapports en application de lois (p. 9364).

4. Dépôt d'un rapport d'information (p. 9364).

5. Dépôt d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 9365).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9365).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

OUTRE-MER

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les départements d'outre-mer.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les départements d'outre-mer.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, mes chers collègues, le projet de loi de finances fixe pour 2000 le budget du secrétariat à l'outre-mer à 6,365 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une hausse de près de 13,6 % par rapport à l'année dernière et une progression cumulée depuis 1997 de 31 %. Même s'il s'agit de nuancer cette hausse, dont une grande partie s'explique par le transfert d'une lourde charge budgétaire - 326 millions de francs - depuis les ministères de l'éducation nationale, de l'économie et de la jeunesse et des sports, force est de constater que peu d'efforts sont faits pour maîtriser le budget consacré à l'outre-mer.

Si l'on considère maintenant l'ensemble de l'effort budgétaire de l'Etat consacré aux départements d'outremer, les crédits se portent à 45,244 milliards de francs, en hausse de 12 %. Seule une partie transite par le budget de l'outre-mer, le plus gros contributeur étant le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie qui apporte plus de 32 % du total. L'Etat, on le voit, a un peu de mal à gérer financièrement l'outre-mer.

De fait, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut prendre en considération non seulement le budget de votre secrétariat d'Etat, mais également les budgets des autres ministères qui contribuent à l'outre-mer et dont certains crédits sont maintenant gérés par le secrétariat d'Etat.

S'ajoutent à cela, et c'est encore plus difficile à calculer, plusieurs avantages, notamment des dépenses fiscales qui ne sont pas, à proprement parler, comprises dans ce budget.

Vous affichez comme objectif principal l'insertion.

L'outil budgétaire de l'insertion est le FEDOM, dont les crédits s'élèveront à 2,1 milliards de francs en 2000, soit une augmentation de 16,24 %. 1,46 milliard de francs serviront à financer 64 500 mesures nouvelles d'insertion, sous forme de contrats aidés.

L'insertion implique aussi une politique du logement.

Les crédits de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-etMiquelon augmenteront de 2,3 % pour atteindre 918 millions de francs, ce qui permettra de financer 13 400 logements.

La situation du logement dans les DOM reste pour le moins préoccupante. Le parc de logements est assez réduit, ce qui entraîne une inflation des loyers « nourrie » par les sur-rémunérations de la fonction publique.

Or les DOM, on l'a vu encore ces dernières semaines, ne sont pas loin de l'explosion sociale. La présentation de la situation économique et sociale de l'année 1999 revient à une énumération de crises.

Le taux de chômage est particulièrement important, même s'il est un peu camouflé par certains dispositifs d'insertion ; autour de 36 %, et probablement un peu plus, à la Réunion, ce qui est considérable ; 21 % en Guyane ; à un niveau intermédiaire aux Antilles. Le nombre actuel de bénéficiaires du RMI n'avait jamais été atteint auparavant. Des secteurs productifs comme l'agriculture ou le BTP sont en déclin. Les finances locales sont en grande difficulté, en dépit de l'importance des transferts publics ; je pense plus particulièrement aux subventions de fonctionnement aux collectivités locales, qui sont une bizarrerie des départements d'outre-mer, et quelque chose de pas très sain.

Il faut également noter l'importance du travail illégal.

Le rapport Fragonard sur l'emploi dans les départements d'outre-mer, par exemple, estimait à 27 000 le nombre d'actifs concernés par ce phénomène à la Réunion. Leurs revenus cumulés représenteraient plus d'un milliard de francs - et encore, tout le monde s'accorde à dire qu'un tel montant est probabement sous-estimé.

Ces revenus échappent bien évidemment à toute imposition et ces travailleurs illégaux ne bénéficient d'une protection sociale qu'en tant que chômeurs ou allocataires du RMI, sans que les cotisations sociales correspondant à leur emploi ne soient versées à la sécurité sociale. Le coût pour la collectivité est évidemment important.

Il faut regretter, à ce propos, l'absence de stratégie cohérente de lutte contre le travail illégal. Cette absence témoigne d'un certain manque de volonté politique, même si, nous le savons, il n'est pas facile de remettre de


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l'ordre dans ce domaine. Des moyens doivent être donnés aux services concernés pour que le travail illégal soit condamné. Il est en effet inacceptable que ce dernier soit considéré comme une fatalité.

Une partie des fonds publics sont mal utilisés, ce qui fait souvent l'objet de critiques. Ces fonds pourraient sans doute être consacrés à d'autres fins.

L'ensemble des collectivités locales des départements d'outre-mer souffrent, à de rares et souvent brèves exceptions près, d'une dépendance croissante à l'égard des dotations de l'Etat, qui ne cessent d'augmenter - de 12 % en 2000 ; du fait que les dépenses de personnel représentent une part croissante des dépenses de fonctionnement - par rapport à l'année dernière, 25 % de plus à la Réunion, et 6,2 % de plus en Guadeloupe ; d'une g rande faiblesse corrélative de l'investissement. Les dépenses de fonctionnement dans les DOM représentent plus de 4 000 francs par habitant contre 2 500 en métropole. Les collectivités locales souffrent également de la faiblesse de l'épargne.

Le RMI est une des sources principales de gaspillages des fonds publics...

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Oh !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

... du fait d'une évolution non maîtrisée, voire anarchique du nombre de bénéficiaires. Depuis août 1993, on constate en effet une augmentation ininterrrompue du nombre d'allocataires du RMI. Fin décembre 1998, ce chiffre se montait à 118 822 bénéficiaires, soit une croissance de 6,8 % par rapport à fin 1997 contre une croissance, sur la même période, en métropole, de 3,8 %. Corrélativement, les dépenses d'allocations augmentent. Elles ont atteint 2,271 milliards de francs en 1998. Cette explosion des dépenses du RMI est en grande partie due au caractère lacunaire des contrôles. Devenu un véritable dispositif d'assistance pour des bénéficiaires qui exercent parallèlement une ou plusieurs activités - souvent non déclarées - le RMI perd ici une certaine partie de sa raison d'être et constitue une sorte de rente...

Mme Huguette Bello.

Cinq cents francs, c'est une rente ?

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

Le mot figure dans des rapports officiels. Le RMI constitue une sorte de rente indûment perçue. Le coût de cette négligence est élevé, surtout pour des départements exsangues.

Autre cause d'augmentation des dépenses, les surrémunérations des fonctionnaires. Le rapport Pêcheur de juillet 1996 a évalué à 8 milliards de francs le total du coût de ces sur-rémunérations ; et encore, ce chiffre est-il probablement sous-estimé. Mais je n'entrerai pas dans les détails, qui figurent dans le rapport.

Ces sur-rémunérations dont la justification est souvent incertaine - et c'est un euphémisme - devront petit à petit faire l'objet d'une réduction, voire d'une suppres-s ion. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous aimerions connaître votre politique par rapport à un état de fait qui existe depuis longtemps et qui a tendance à creuser les fossés sociaux dans les départements d'outre-mer en créant des revenus à deux vitesses. Les processus de consommation ne sont pas les mêmes d'un groupe à l'autre, ce qui contribue probablement à exacerber les tensions sociales. Certaines situations privilégiées sont franchement inacceptables. Des fonctionnaires métropolitains gagnent en net entre deux et demie et trois fois plus de ce qu'ils gagneraient en métropole pour les mêmes responsabilités ! L'argument selon lequel le coût de la vie est plus élevé dans les départements d'outre-mer a justifié pendant longtemps ces sur-rémunérations. Maintenant, c'est le plus souvent un alibi. Quoi qu'il en soit, ce problème doit être pris à bras-le-corps.

Par ailleurs, les dépenses fiscales représentent, uniquement pour les départements d'outre-mer, 8,4 milliards de francs. On nous explique que la vie est chère, mais de l'autre, la TVA à taux normal est à 9,5 % et la TVA à taux réduit à 2,1 % ; cela représente un coût pour l'Etat de 4,3 milliards de francs. Cet avantage, qui n'est pas négligeable, bénéficie aux populations qui ont des revenus moins élevés, mais aussi à ceux qui touchent ces sur rémunérations.

Autre question, celle du barème de l'impôt sur le revenu. Franchement, pour quelles raisons, sinon historiques, et exceptionnellement anciennes, bénéficie-t-on d'une réduction d'impôt de 40 % lorsqu'on est imposé à la Réunion et de 30 % lorsqu'on l'est aux Antilles ? Cela représente un coût de 1,2 milliard de francs. Cet argent ne pourrait-il pas être utilisé autrement qu'à faire des cadeaux, en matière d'impôts sur le revenu, aux fonctionnaires qui sont installés là-bas ? Je n'évoque même pas la situation des fonctionnaires et assimilés qui prennent leur retraite dans les départements d'outre-mer et qui ont droit à une revalorisation absolument invraisemblable du montant de celle-ci ! Cela, qui n'est pas très agréable à entendre, est un discours récurrent de la part des rapporteurs de la commission des finances, mais, compte tenu de la gravité de la situation actuelle, ces avantages mal répartis contribuent à l'injustice qui, elle-même, alimente des tensions sociales.

Il faut remédier à cet état de fait. Il ne s'agit pas de récupérer cet argent pour le budget général, mais de mieux l'utiliser dans les départements d'outre-mer. Autant le consacrer à autre chose qu'à des cadeaux fiscaux accordés, çà et là, un peu au hasard de l'histoire.

D ernier point : les départements d'outre-mer manquent souvent de moyens pour lutter contre l'immigration clandestine et le trafic de drogue. Ces deux fléaux s'y développent sans que l'Etat soit en mesure de les combattre avec suffisamment d'efficacité.

L'immigration clandestine est fortement développée dans les départements d'outre-mer. Attirées notamment par les mécanismes d'aides sociales, les populations clandestines représentent souvent une grande partie de la population locale. Ainsi, pour une population totale d''environ 35 000 habitants, la commune de Saint-Martin compte un tiers d'étrangers. A ce chiffre viennent s'ajouter au moins 5 000 étrangers en situation irrégulière.

Le trafic de drogue - il n'y a pas de lien entre les deux - est l'autre grand « mal » qui frappe et gangrène les départements d'outre-mer. Ces derniers placent la France au contact du grand trafic international de cocaïne, spécialement la zone des Antilles et encore plus spécialement Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Et, fait relativement nouveau, la consommation locale de cocaïne et de crack est en pleine expansion. Tous les rapports de police et des douanes le relèvent.

La conséquence directe de ce phénomène est l'augmentation de la violence. 92 % des saisies de l'année dernière ont été réalisées en Martinique et les vols à main armée et avec violence sur la voie publique y ont augmenté de plus de 31 %. Le trafic local est un phénomène de plus en plus répandu qui emprunte bien souvent les réseaux et les filières très sophistiqués.


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Le développement, mal endigué, de ce trafic de stupéfiants dans les départements d'outre-mer se traduit en outre par un risque accru d'entrée de capitaux illégaux.

La situation de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy est à cet égard très préoccupante. Saint-Martin offre des opportunités de placement - dépôts d'espèces d'origine illicite - et d'intégration des sommes blanchies par l'achat de biens immobiliers. Notez que je fais bien la différence entre le Saint-Martin français et le Saint-Martin hollandais. Mon propos porte sur le Saint-Martin français. Le Saint-Martin hollandais, n'en parlons même pas. C'est encore pire...

La lutte contre le blanchiment est aussi indispensable que difficile à mener. Les tentatives du ministère des finances - par l'intermédiaire des services des douanes et des impôts - pour rendre effectif le recouvrement des impôts ont rencontré l'opposition des contribuables : violences physiques à l'encontre des inspecteurs des impôts, opération « ville morte » en juillet 1998 à Saint-Barthélemy... Autant de comportements qui ne sont pas dignes d'un Etat de droit. Tout renoncement en la matière, de la part des pouvoirs publics, ne peut que stimuler les fraudes et les trafics en tout genre.

On le voit, des redéploiements de fonds sont nécessaires. Il faut renforcer les moyens de l'Etat, qu'il s'agisse des douanes ou des services des impôts. Les économies qui pourraient être faites, sur les sur-rémunérations et la défiscalisation, notamment, seraient bien plus utiles pour lutter contre le trafic de stupéfiants et contre l'immigration clandestine qui sévit aux Antilles, depuis Haïti, en Guyane, depuis le Surinam ou le Brésil, voire à la Réunion où on commence à l'observer. Autant d'efforts qu'il faudra engager dans les années qui viennent.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j'avais donné un avis négatif sur ce budget, compte tenu du manque de moyens relatifs à la lutte contre la drogue et contre l'immigration clandestine et du fait que les crédits publics sont relativement mal maîtrisés dans les départements d'outre-mer.

La commission des finances, pour sa part, a adopté le budget de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République pour les départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour les départements d'outremer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec une croissance de ses crédits de 13,6 %, pour atteindre la somme de 6,36 milliards de francs, somme en augmentation de 31 % en trois ans, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer peut afficher des objectifs ambitieux.

Il peut, dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-etMiquelon, dégager des priorités en matière d'emploi, d'aide au logement et d'action sociale et culturelle.

Les crédits du fonds pour l'emploi dans les DOM progressent de 16 %, ceux relatifs au logement de 3,7 % et ceux destinés à l'action sociale et culturelle de 30 %. Ces chiffres ne permettent cependant pas d'apprécier véritablement l'action de l'Etat dans les départements d'outre-mer car ils ne représentent qu'une partie - environ 11 % - des sommes que l'Etat verse, à travers les différentes politiques et soutiens sociaux, à nos compatriotes domiens.

C'est néanmoins au secrétariat d'Etat que revient la mission de coordonner la politique de solidarité entre la métropole et l'outre-mer pour y accompagner un véritable développement économique et social.

La mission d'un rapporteur budgétaire n'est pas de se limiter à l'analyse des crédits, les montants en question ne rendant que partiellement compte des réponses que nous voulons apporter aux situations de nos compatriotes d'outre-mer. D'ailleurs, la commission des lois a voulu, cette année, afin de mieux encore prendre en compte les problèmes qui nous sont rapportés, mener deux missions d'information : l'une, conduite par notre présidente, Mme Catherine Tasca, à Mayotte et à la Réunion et l'autre, par votre rapporteur, en Guyane, Martinique et dans les îles de Guadeloupe et de Saint-Martin.

Les rencontres et témoignages très nombreux, recueillis au cours de ces missions ont permis à la commission des lois de préparer les débats de la future loi d'orientation que M. le Premier ministre a confirmée lors de son récent voyage aux Antilles.

Ces rencontres ont permis de s'accorder sur un constat : la loi de départementalisation de 1946 a instauré les conditions juridiques d'un essor économique et social, mais que les bases mêmes de cette situation se révèlent fragiles au regard d'un environnement très différent de celui de la métropole. Aussi permettez-moi de vous suggérer quelques pistes de réflexion.

La départementalisation a servi les intérêts des départements d'outre-mer et nous devons veiller à ce que l'article 73 de la Constitution, qui stipule que « le régime législatif des départements d'outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi », serve effectivement les intérêts de nos compatriotes.

De plus, il nous faut certainement veiller à ce que des situations particulières, telles que celle de Mayotte, mais aussi celles des îles du nord de l'archipel de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, trouvent des réponses différentes permettant à ces collectivités d'évoluer dans leurs institutions ou dans leur environnement en fonction de leurs particularismes historiques et économiques.

Permettez-moi de vous renvoyer à la lecture de mon rapport pour tous les développements concernant la relation des départements d'outre-mer avec l'Union européenne. Je rappellerai simplement que le traité d'Amsterdam a permis de reconnaître le principe d'adaptation des dispositions d'ordre communautaire aux départements d'outre-mer, ainsi d'ailleurs qu'aux Açores, à Madère et aux îles Canaries. Pour autant, la question de l'assimilation des départements d'outre-mer dans l'Union européenne selon ces nouvelles règles n'a encore fait l'objet d'aucune mesure interprétative de la part de la Commission ni, à fortiori, d'une jurisprudence de la Cour de justice.

L'équilibre peut paraître difficile à trouver entre les spécificités « domiennes » et le principe communautaire selon lequel « les mesures d'adaptation ne peuvent nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes ». Mais il est indéniable que, désormais, les département d'outre-mer ont acquis une place entière au sein de l'Union européenne, place qui résulte des formidables progrès accomplis dans le cadre départemental, en particulier depuis une vingtaine d'années.


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L'évolution du produit intérieur brut de chaque département illustre bien le passage d'une économie structurée sur le modèle colonial à l'économie caractéristique des pays développés. Ainsi, si l'on considère les résultats des quatre départements d'outre-mer, de 1970 à 1994, derniers chiffres connus, le produit intérieur brut y a été multiplié par 17 en francs courants contre 10 environ pour la métropole.

Sans doute est-il tout aussi intéressant de constater les écarts de produit national brut par habitant qui existent entre les départements d'outre-mer et les pays environnants. Ainsi, dans les Antilles, à l'exception des îles Cayman et des Bahamas, les départements de la Guadeloupe et de la Martinique affichent un PNB par habitant qui est le plus souvent de l'ordre du double des pays environnants. La Guyane a un PNB par habitant environ 40 % plus important que celui du Brésil et, dans l'Océan indien, la Réunion obtient le meilleur résultat devant l'île Maurice et les Seychelles avec un chiffre dix fois plus élevé qu'à Madagascar.

Il convient aussi de souligner le très fort développement des infrastructures publiques pour l'éducation, la santé, les transports. Ces réalités économiques et sociales ne doivent cependant pas nous faire oublier la fragilité de la situation dans les DOM.

La décentralisation elle-même peut sembler en difficulté. Les marges de manoeuvre des différentes collectivités sont réduites en ce qui concerne leurs ressources financières. Le poids de la fiscalité locale est déjà très lourd, qu'il s'agisse des impôts indirects acquittés par les particuliers ou des impôts directs frappant les entreprises.

De plus, les collectivités d'outre-mer sont souvent tenues de faire face à des dépenses dues à un contexte économique fragile. Pour les départements, les dépenses totales par habitant s'élèvent en moyenne à 5 300 francs contre un peu moins de 3 700 francs en métropole, pour les régions elles sont même deux fois et demie plus élevées qu'en métropole.

Sans doute les différents niveaux d'intervention des collectivités locales, départementales et régionales, qui se superposent sur un même territoire, lui-même exigu, sont de nature à compliquer les mécanismes, voire à les multiplier. La prochaine loi d'orientation devra procéder à une clarification.

A noter aussi le poids très important des dépenses de personnel de la plupart des collectivités locales. Vaste débat, qui trouve une partie de sa justification dans le rôle social qu'entendent jouer les municipalités, mais pas seulement elles, devant un chômage qui touche un nombre impressionnant de familles.

Le déséquilibre des échanges avec la métropole, qui tend à s'accroître, montre à quel point les DOM doivent réfléchir à un modèle de développement tourné vers leur propre environnement. Les secteurs traditionnels, tels que la canne et la banane, doivent continuer d'assurer une part de la richesse, et je laisse le soin à mes collègues députés des départements d'outre-mer de développer cet aspect. La question de la banane est au coeur des négociations de l'OMC. La position de la France doit être défendue avec une grande fermeté face à celle qu'entend prendre la Commission européenne.

L e tourisme doit évoluer pour répondre à une demande de plus en plus diversifiée, qui tend à privilégier l'exigence de qualité.

Afin d'aider tous les secteurs économiques des départements d'outre-mer, des mesures particulières, fiscales et réglementaires, doivent être élaborées. Les dispositifs actuels, loi de défiscalisation et loi de réduction des charges de certaines entreprises, doivent trouver des prolongements au-delà des limites qu'ils se sont eux-mêmes fixés. Ces prolongements devront répondre à une attente encore plus forte de nos concitoyens, en particulier des entrepreneurs des départements d'outre-mer, qui souhaitent voir corriger certains aspects des dispositions en vigueur, peu favorables à la création de richesses ou source de complications et d'inégalités. Ce sera aussi un des enjeux de la future loi d'orientation, afin que les entreprises « domiennes » améliorent leur compétitivité par rapport aux entreprises métropolitaines ou à leur propre environnement.

Ainsi, les entreprises de l'île de Saint-Martin sont en proie à la concurrence directe de celles de l'autre partie de l'île, qui bénéficient d'un statut tout à fait différent, sans qu'il y ait ni frontière ni véritable règle du jeu pour contrôler la situation. Comment travailler sainement dans un tel contexte ? Il faudra bien pourtant trouver rapidement des réponses claires qui nous permettent de prendre une voie nouvelle.

Car la conséquence de tous ces problèmes, c'est le chôm age. Les chiffres sont connus de tous ceux qui m'écoutent aujourd'hui, et comment ne pas s'en inquiéter ? Si le chômage des jeunes connaît une pause, d'ailleurs toute relative, le reste de la population continue de subir un taux de chômage digne, on devrait dire plutôt indigne, des plus mauvais scores de certains quartiers métropolitains.

Le dialogue social, qui est une des composantes du développement, doit assurément être relancé. On peut être surpris du ton employé, de part et d'autre, lors des mouvements sociaux. Dans un contexte îlien, les blocages, les conflits résultant de ces surenchères peuvent vite tourner au drame économique et social. Cela n'est pas digne d'un pays comme le nôtre, où les valeurs de la démocratie doivent reposer sur le respect des autres.

On voit aussi se développer un climat d'insécurité qui atteint un niveau souvent bien supérieur à celui de la métropole. Cela ne peut favoriser le développement économique de ces territoires et il faut impérativement mettre un terme à cette dégradation.

Ce rapide tableau des difficultés de l'outre-mer montre bien que le Gouvernement doit faire feu de tout bois pour donner à nos compatriotes des DOM de bonnes raisons d'espérer. Les moyens pour y parvenir doivent être prochainement réétudiés. Chaque élu, chaque citoyen des départements d'outre-mer devrait se sentir concerné par cette recherche et y être associé.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget me donne le sentiment que le Gouvernement a pris la mesure du problème, d'autant que la prochaine loi d'orientation doit fournir à nos compatriotes des moyens nouveaux pour mieux s'adapter à leur situation particulière. Je laisse à mon ami Henry Jean-Baptiste le soin d'évoquer plus précisément la situation de Mayotte. Mais permettez-moi de souligner combien il est important et urgent qu'elle soit clarifiée au regard du droit commun.

Voilà, mes chers collègues, quelques mots pour évoquer des questions que vous connaissez bien mieux que moi. Je m'efforce cependant tout au long de l'année d'être à vos côtés, autant que vous le souhaitez vousmêmes, pour que les problèmes de nos compatriotes d'outre-mer trouvent à l'Assemblée le maximum d'écho.


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La commission des lois, monsieur le secrétaire d'Etat, a adopté votre projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les pays et territoires d'outre-mer.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les pays et territoires d'outre-mer.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour l'an 2000 prévoit, pour l'ensemble des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, un montant de dotations en dépenses ordinaires et crédits de paiement de 6,364 milliards de francs contre 5,604 milliards en loi de finances initiale pour 1999, soit une augmentation de 13,6 %. Cependant, si l'on soustrait les transferts d'un ministère à l'autre, la progression est ramenée à 9,3 %. C'est ainsi que, pour la Nouvelle-Calédonie, 326 millions de francs sont transférés de différents budgets ministériels pour abonder les ressources globales destinées à ce territoire. D'autre part, un transfert de 336 millions de francs, en provenance du ministère de l'emploi et de la solidarité, finance les contrats emploisolidarité.

En 2000, le secrétariat d'Etat consacrera spécifiquement aux territoires d'outre-mer et à la NouvelleCalédonie 1,46 milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement et 489 millions de francs en autorisations de programme. A titre de comparaison, les sommes consacrées par l'Etat à l'ensemble des pays et ter-r itoires d'outre-mer, qui sont récapitulées dans le

« jaune » budgétaire, s'élèveront au total à 11,4 milliards de francs.

En ce qui concerne la gestion des crédits, deux problèmes se posent : la sous-consommation des crédits contractualisés et la nouvelle organisation du contrôle financier.

La sous-consommation des crédits a notamment été soulignée par la Cour des comptes. Elle se traduit par une augmentation, année après année, des reports de crédits. Ainsi, le taux de consommation des crédits du chapitre 68-90 n'atteint que 39 %. Avant de demander plus de moyens pour les contrats de développement, les responsables, notamment au niveau local, doivent étudier tous les moyens nécessaires pour accélérer les procédures d'instruction et de financement des dossiers. Cela exige une étroite concertation au niveau local.

S'agissant du contrôle financier, on sait que la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie a entraîné la scission de l'ancienne chambre régionale des comptes en deux juridictions distinctes couvrant l'une la NouvelleCalédonie et l'autre la Polynésie française. Il faut, monsieur le secrétaire d'Etat, que soient rapidement prises les mesures nécessaires pour procurer aux deux nouvelles chambres régionales les moyens en personnels et en matériels qui leur permettent d'assurer la continuité du contrôle des comptes publics.

Quelles sont les nouveautés de ce budget ? Pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi de finances prend en compte le changement institutionnel intervenu après la signature des accords de Nouméa, le 5 mai 1998, et la promulgation des deux lois d'application du nouveau statut en appliquant le principe g énéral de la compensation des charges posé par l'article 55 de la loi organique.

En conséquence, de nouveaux moyens en personnels et en fonctionnement ont été prévus : 87 emplois de fonctionnaires sont créés en contrepartie de la suppression de 66 emplois d'agents contractuels, pour une dépense de 4,7 millions.

Un nouveau chapitre budgétaire a été créé, le chapitre 41-56 : Dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie. Il comprend une dotation globale de compensation d'un montant de 11,7 millions et une dotation globale de fonctionnement d'un montant de 393,9 millions de francs. Les compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie ouvrent droit, en effet, à une compensation financière de la part de l'Etat, conformément à l'article 56 de la loio rganique, notamment pour l'enseignement primaire public, la jeunesse et les sports, et les services des mines et de l'énergie, qui vont être transférés ou sont en cours de transfert.

Par ailleurs, la partition des services de l'Etat et de la Nouvelle-Calédonie sera financée par des crédits nouveaux : 1,5 million de francs en fonctionnement sur le chapitre 34-96 et 3,5 millions de francs en équipements administratifs sur le chapitre 57-91.

La dotation globale de fonctionnement est versée aux provinces. Elle est abondée de 58,5 millions de francs, au titre de l'indemnité compensatrice santé-enseignement, et de 6 millions de francs au titre de la dotation spécifique collège. Elle est également abondée de manière à faire évoluer les dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie comme la dotation globale de fonctionnement des collectivités de métropole. A terme, ce mécanisme d'indexation posera nécessairement problème, compte tenu de la nature des dépenses, et notamment du fait qu'il s'agit pour l'essentiel de traitements d'enseignants. Cette année, par exemple, le taux prévu pour l'évolution de la DGF métropolitaine est de 0,8 %, ce qui paraît assez mal adapté pour les dépenses financées par cette dotation en Nouvelle-Calédonie.

Le fonds d'équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie est alimenté en cours d'exercice par une répartition des crédits en provenance du chapitre 68-93 : Actions diverses pour le développement de la NouvelleCalédonie. La loi organique en a modifié les composantes. Les indemnités compensatrices santé-enseignement et la dotation spécifique collège ayant été transférées a u chapitre 41-56, le chapitre 68-93 verra sa dotation ramenée à 320 millions de francs en 2000.

Pour ce qui concerne la Polynésie française, la convention pour le renforcement de l'autonomie économique signée le 25 juillet 1996 prévoit le maintien des flux financiers - recettes de nature douanière et dépenses ayant un impact économique sur le territoire - qui résultaient de l'activité du Centre d'expérimentation nucléaire.

L'engagement de l'Etat se trouve donc plafonné à 990 millions de francs par an. Les crédits nécessaires sont inscrits au chapitre 66-50, article 21, du budget de la défense. Au titre de la compensation des dépenses ayant un impact économique, l'Etat apporte son financement à un programme stratégique pour l'avenir économique et social de la Polynésie. En 1999, environ 470 millions de francs ont ainsi été affectés au fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française.

Le dispositif est donc en train de monter en charge. Je n'avais pas eu la possibilité d'en vérifier l'application l'année dernière lorsque je m'étais rendu en Polynésie.

J'ai l'intention de m'y rendre à nouveau l'année prochaine afin d'examiner dans quelles conditions sont utilisées ces sommes très importantes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

Si l'on constate un retard dans l'utilisation de certains crédits, c'est souvent que la situation financière des collectivités laisse à désirer.

En Nouvelle-Calédonie, aucune collectivité n'est trop lourdement endettée. Néanmoins, l'ex-territoire souffre d'une situation de trésorerie un peu tendue, notamment du fait que la collectivité a accordé de nombreux dégrèvements d'impôts et des aides. Un réexamen de sa fiscalité sera sans doute nécessaire. En tout cas, c'est le sentiment du président du gouvernement. La situation de la province du Nord et, dans une moindre mesure, celle des îles sont les plus préoccupantes.

Quant à la Polynésie, la TVA, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1998, devrait rapporter 600 millions de francs en 1999.

En général, les communes de Nouvelle-Calédonie et de P olynésie manquent structurellement de ressources propres et dépendent essentiellement des transferts en provenance de l'Etat et des territoires.

C'est pourquoi il paraît important que les statuts des personnels, tant pour les communes de Polynésie que pour le personnel contractuel de Wallis-et-Futuna, soient revus avec une extrême prudence pour ne pas peser trop fortement sur les finances de ces collectivités, ce qui limiterait encore plus leurs possibilités d'investissement.

Enfin, je souhaiterais commenter brièvement les problèmes du nickel néocalédonien et du « préalable minier » aux accords de Nouméa.

Le rapport spécial contient un assez long développement sur les enjeux du nickel pour la Nouvelle-Calédonie, et particulièrement sur les conditions de réalisation de l'usine de transformation située dans la province Nord, sur le site de Koniambo, opération menée conjointement par la Société Minière du Sud-Pacifique - la SMSP - et l'entreprise canadienne Falconbridge.

Cette opération a donné lieu à la conclusion des accords dits de « Bercy » puisqu'ils ont été signés au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en février 1998. Ces accords ont organisé le processus d'échange de massifs miniers entre la SLN, filiale d'Eramet et propriétaire du Koniambo, et la SMSP, qui a, en échange, donné le massif de Poum. Cet échange, qui a donné lieu à une procédure juridique particulièrement complexe associant trois sociétés par actions simplifiées, a amené l'Etat à verser, via l'Agence française de développement, une soulte de 1 milliard de francs à la SLN et à ERAMET.

Il y a lieu, sur ce processus, d'émettre un certain nombre de réserves que j'ai développées dans mon rapport écrit.

D'une part, le versement de cette indemnité a été fait à partir du compte 902-24, compte d'affectation spéciale du produit des cessions d'actifs et ex-compte d'affectation spéciale du produit des privatisations, qui est un compte d'investissement. Or, il ne s'agit pas véritablement d'un investissement.

Par ailleurs, la personne morale qui assure la présidence de la SAS Entité chargée de contrôler l'ensemble du processus a été localisée dans un paradis fiscal, à Jersey, ce qui ne s'explique pas - d'autant moins qu'un bureau situé boulevard Malesherbes assure la gestion pratique de l'Entité.

En outre, le montant très élevé de l'indemnisation versée à l'AFD au mois de février 1998 l'a été sans attendre les conclusions de l'étude réalisée par les deux banques conseil Fleming et Clinvest, ce qui paraît tout à fait anormal, puisque l'on a ainsi versé l'indemnité avant de savoir quel montant aurait été certifié par les banques.

Ensuite, le produit temporaire de cette somme, placée momentanément à la Caisse des dépôts et consignations avant le versement effectif à la SLN et à Eramet, a servi à acquitter les frais de fonctionnement de l'Entité, ce qui veut dire qu'il s'agit d'une gestion de fait, couverte par le ministère de l'économie et des finances. Ce point me semble particulièrement grave.

Enfin, les capacités financières de la SMSP, société en partie détenue par la province du Nord et par l'AFD, ne font pas l'objet d'un suivi convenable de la part des autorités locales. Non seulement nous ne disposons pas des comptes de l'exercice 1998-1999 mais les bruits les plus divers circulent au sujet de la situation financière de cette société, ce qui peut compromettre son partenariat avec l'entreprise Falconbridge.

Enfin, les conditions du transfert prévu par les accords de Nouméa d'une partie du capital de la SLN et d'Eramet à une structure territoriale de la Nouvelle-Calédonie demeurent imprécises. Elles devraient faire l'objet d'une étude de la commission des participations et des transferts. Or ni cette étude ni le texte législatif d'habilitation ne sont prévus. Une remise en ordre s'impose donc avant ce transfert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le changement de statut de la Nouvelle-Calédonie, réalisé à partir de l'accord de Nouméa de mai 1998, et le processus électoral qui en a résulté se sont déroulés - tout le monde a pu le constater - dans d'excellentes conditions.

Désormais, il convient de veiller à ce que les transferts de compétences s'effectuent normalement, tant sur le plan fonctionnel - je pense en particulier au secteur très important des mines et de l'environnement avec notamment le projet de Goro - que sur le plan financier. Il n'est pas sûr que les mécanismes envisagés d'indexation des dotations soient bien adaptés. Enfin, le contrôle de l'utilisation des dotations publiques par le juge des comptes, entre autres, doit être assuré, ce qui n'est pas encore exactement le cas.

Le bon déroulement de ce processus permet d'espérer qu'il en sera de même pour la Polynésie française, une fois intervenue la modification constitutionnelle que le Parlement est appelé à adopter le 24 janvier prochain.

La commission des finances, dans sa majorité, a approuvé ce projet de budget.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque année, l'examen du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est l'occasion de faire le point sur la situation, je devrais dire d'ailleurs des situations, dans les territoires d'outre-mer et en NouvelleCalédonie. Chargé du rapport pour avis au nom de la commission des lois, je ne dérogerai pas à la tradition en axant prioritairement mon propos sur l'articulation des moyens mis en oeuvre avec la situation économique, sociale et institutionnelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

En préalable, j'adresse tous mes remerciements à vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'aux collaborateurs de la commission des lois qui m'ont aidé dans ce travail délicat. La diversité des situations ne rend, en effet, pas toujours aisées la compilation de l'effort de l'Etat et la comparaison des situations soit entre territoires, soit entre territoires et pays de la zone, soit entre territoires et métropole.

Sur le plan institutionnel, d'abord, on ne peut manquer d'être frappé par la diversité des situations, qui se traduit par une volonté politique d'adaptation et de concertation tenant compte de l'évolution historique des différents territoires et des souhaits émis par les représentants démocratiquement désignés des populations. En effet, le mythe du statut idéal unique qui s'appliquerait à tout le monde et résoudrait tous les problèmes a définitivement vécu. En revanche, certains principes universels doivent s'appliquer. Il en va ainsi de la représentativité démocratique, parfois délicate à assurer dans des territoires où les habitants sont inégalement répartis et très éloignés les uns des autres. Tel est le cas en Polynésie où l'étendue du territoire et la répartition de la population ne facilitent pas une excellente représentation démocratique. Il en va de même de la répartition claire des compétences - avec notamment la définition simple et précise du rôle de l'Etat - et de l'institution de pouvoirs locaux représentatifs et responsables permettant de travailler, de façon contractuelle, au développement social, économique et culturel des territoires. L'application de ces principes universels et l'adaptation à chaque territoire conduisent à des situations qu'il convient, sans s'attarder, de décrire.

Après les accords de Nouméa et la réforme de la Constitution, les nouvelles institutions de la NouvelleCalédonie se mettent en place. Je note à cet égard que le taux de participation aux élections - c'est-à-dire le lien démocratique -, particulièrement remarquable, rend crédible l'ensemble de la démarche évolutive choisie sur le plan statutaire.

La Polynésie, quant à elle, une fois la réforme constitutionnelle adoptée, connaîtra une évolution vers le statut de pays d'outre-mer avec une répartition des compétences différente et un transfert plus important.

L'archipel de Wallis-et-Futuna, pour sa part, reste doté d'un statut de territoire d'outre-mer, qui remonte à quelques décennies mais qui semble répondre aux exigences actuelles du territoire puisque son évolution n'est pas ressentie comme une priorité.

Enfin, le plus particulier d'entre ces territoires, les Terres australes et antarctiques françaises, est administré désormais depuis la Réunion.

Mais cette diversité, qui peut étonner au premier abord, n'est pas une caractéristique propre aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie. Elle vient simplement élargir l'éventail des situations que connaît l'outremer et s'insérer dans la gamme fort étendue que connaît notre pays en la matière. Et l'on peut considérer également que cette diversité interne n'a d'égale que celle de nos relations internationales. Cependant il est clair qu'avec cette diversité des relations internes et externes la République se renforce et ses valeurs rayonnent avec d'autant plus d'intensité. Sur ce plan, les refus antérieurs d'évoluer et les crispations sur des prétentions historiques sont marqués du sceau de la sclérose.

Sur ce point de vue institutionnel doit également correspondre un examen de la situation du développement de ces territoires. A cet égard, il m'a semblé utile de prendre comme éléments de comparaison entre territoires, entre territoires et métropole et entre territoires et pays de la zone, les grands indicateurs de développement couramment utilisés que sont en matière démographique, le taux de natalité et l'espérance de vie ; en matière sociale, la situation sanitaire et la scolarisation ; et, en matière économique, le produit intérieur brut et sa répartition par habitant. Je vous renvoie, pour les chiffres, à mon rapport écrit.

Dans les grandes lignes, le constat est assez simple : les territoires d'outre-mer se situent à un niveau bien supérieur, à tous égards, à ceux des pays de la zone de taille comparable. Mais il reste de grandes disparités entre ces territoires et la métropole, et entre eux-mêmes également.

Et encore ne s'agit-il, avec ces indications, que de moyennes par territoire, qui masquent une grande diversité des situations des personnes à l'intérieur de chaque territoire.

Je me bornerai, même si cela peut paraître imparfait et par trop synthétique, à rappeler quelques chiffres très intégrateurs de la diversité des situations.

Ainsi l'espérance de vie à la naissance, communément considérée comme un indicateur de développement, se situe entre 68 et 73 ans dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie contre 80 en métropole et entre 60 et 70 dans les pays de la zone de taille comparable.

Il s'agit sans doute d'une valeur moyenne, mais elle montre bien que les efforts entrepris en partenariat depuis des décennies ne sont pas vains.

Il en va de même pour le produit intérieur brut p uisque s'il se situe en métropole à environ 140 000 francs par habitant, il s'élève en NouvelleCalédonie et en Polynésie aux alentours de 100 000 francs contre un minimum de 5 000 francs et un maximum de 20 000 francs dans les pays de la zone. Ces chiffres marquants montrent bien que l'insertion de nos territoires dans la zone est un enjeu mais peut-être en même temps la source d'une dynamique forte.

Ce sont des chiffres moyens, qui je le souligne, recouvrent de grandes disparités tant au sein des territoires qu'entre eux. Il nous reste donc beaucoup de travail. Mais les institutions en place, qui font des territoires et des collectivités qui le composent des interlocuteurs responsables, nous tracent la voie : celle du contrat entre l'Etat et les interlocuteurs locaux qui permettra de définir les priorités, d'arrêter les moyens et de construire l'avenir.

A cet égard, il est exact que les collectivités de ces territoires d'outre-mer sont parfois dans des situations financières fragiles. Leurs ressources dépendent des transferts de l'Etat. L'imposition sur le revenu y est fort modeste, pour parler par euphémisme. Et si le poids relatif des taxes indirectes est élevé, leur niveau reste très faible.

C'est un point sur lequel il convient de réfléchir car il ne faut pas, en matière contractuelle, que les forces et les moyens des partenaires soient par trop déséquilibrés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget est-il à ces différents égards pertinent et se trouve-t-il en cohérence avec les évolutions statutaires que je viens de décrire ? Avec une évolution très sensible des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la NouvelleCalédonie, qui accompagne d'ailleurs celle de l'ensemble des crédits des différents ministères qui les concernent, la réponse est indubitablement positive.

Les dotations nouvelles prévues pour la NouvelleCalédonie sont créées et dotées en fonction des compétences transférées. Pour tous les territoires les différents


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contrats sont honorés. Sur cette base, la relation confiante et responsable entre la métropole et ces territoires pourra donc se développer.

Certes, le niveau d'engagement des crédits est parfois insuffisant. Mais ce n'est pas parce que l'on manque éventuellement d'efficacité qu'il faut manquer d'ambition.

Il ne faut donc pas que cette raison soit invoquée pour réduire les moyens budgétaires mis au service d'un développement dont nous avons souligné l'impérieuse nécessité.

Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est sur cette base de confiance et de responsabilité que se construira l'avenir si nous savons garantir - en dépit des difficultés - la meilleure représentativité démocratique de nos interlocuteurs.

Je pense aux discussions qui vont bientôt s'ouvrir sur le futur statut de la Polynésie française. Le respect des contrats, qui ne doit pas, bien entendu, être le simple fait d'une loi de finances, doit s'inscrire dans la durée. Nous devons savoir garantir les moyens de l'Etat pour qu'il assume tout son rôle de contrôle et de régulation. La confiance n'exclut pas les contrôles, au contraire, elle s'en nourrit, et chacun aura à coeur que les moyens soient utilisés le mieux possible dans le cadre du droit, afin d'éviter tout soupçon, souvent injustifié, et toute dérive - aucune n'est acceptable.

Le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, s'est engagé dans une politique durable et cohérente. Notre pays, désormais, bénéficie d'une image positive dans le Pacifique et les territoires d'outre-mer, les pays d'outremer bientôt, et la Nouvelle-Calédonie constituent les meilleurs atouts pour assurer son rayonnement, comme celui de l'Europe. Si l'on se reporte quelques années en arrière, on peut, avec satisfaction, constater le chemin parcouru.

Une dynamique d'avenir est en place. Le budget de votre ministère lui apporte les moyens de la réussite pour l'année 2000 et c'est pourquoi, j'en suis sûr, il sera adopté par l'Assemblée à une très large majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'outre-mer.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pour les départements d'outre-mer et pour les élus que nous sommes et qui les représentons, cette période de l'année est traditionnellement celle du vote du budget de votre ministère. Chacun examine les chiffres et y trouve des arguments pour vous féliciter ou pour vous critiquer.

Mais cette année ne sera pas comme les autres. En effet, l'examen du budget de l'outre-mer pour 2000 s'inscrit dans un contexte particulier, marqué par l'élaboration et l'adoption de plusieurs textes qui doivent engager l'avenir de l'outre-mer pendant la prochaine décennie.

Le vote de la loi d'orientation pour les départements d'outre-mer, la signature des contrats de Plan pour la période 2000-2006, celle des documents de programmation en matière de fonds structurels européens et la définition du contenu de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam constituent les principales échéances qui vont rythmer la prochaine année.

S'agissant de l'avant-projet de la loi d'orientation pour les DOM - je choisis ce terme d'avant-projet puisqu'il nous a été dit qu'il ne s'agirait pas du projet de loi luimême -, je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'initiative que vous avez prise de nous réunir demain afin de nous le présenter. Néanmoins, je ne peux que regretter que cette réunion de travail intervienne juste après la discussion qui s'ouvre maintenant, car le projet de loi d'orientation suscite une forte attente au sein des populations de nos régions. Cette attente a été d'ailleurs renforcée par les propositions contenues dans les différents rapports préparatoires.

Comment examiner sereinement aujourd'hui le budget de l'outre-mer quand tant d'attentes et d'espoir ne trouveront leur réponse que demain ?

M. Philippe Chaulet et M. Michel Meylan.

Très bien !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

J'ajouterai, avant de m'exprimer sur le contenu même du budget, que lors de nos discussions relatives à la loi d'orientation, il nous avait été dit que compte tenu de ses délais d'élaboration et d'application, certaines mesures pourraient l'anticiper dans le budget 2000. Je n'en ai trouvé aucune trace, et ce sera mon deuxième regret.

Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, le budget que vous nous présentez est un bon budget. Il traduit la volonté politique qui est la vôtre et celle du Gouvernement de prendre en compte les difficultés de nos populations.

Pour la deuxième année consécutive, le budget de l'outre-mer, qui s'élève à 6,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances, est en augmentation importante : 13,6 %, ce qui, sur l'ensemble des deux années, représente une hausse de plus de 20 %.

Comme l'année dernière, cette hausse est supérieure à celle du budget général, qui est de 0,9 %. Il faut toutefois considérer, dans ces augmentations successives, la part non négligeable des transferts opérés des autres ministères vers celui de l'outre-mer. Si l'on tient compte de ces derniers, il est à noter que votre budget augmente tout de même de 9,3 %.

Mais, si l'on considère que votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, ne représente qu'un peu plus de 10 % des interventions de l'Etat dans les départements, collectivités et territoires ultra-marins, il faut bien entendu se pencher sur l'évolution de ces dernières.

Là encore, comment ne pas se féliciter que, dans un budget général qui, nous l'avons vu, augmente de 0,9 %, l'ensemble des interventions de l'Etat dans nos régions augmentent, elles, de 2,6 %, passant de 1999 à 2000, de 50,172 milliards à 51,481 milliards.

L'emploi demeure, bien entendu, la priorité et représente 40 % du budget global. Ainsi, 58 000 nouvelles solutions d'insertion pourront être financées. En y ajoutant les solutions en cours d'exécution, les contrats emplois consolidés - qui sont pour la première fois financés par votre budget - et les emplois-jeunes - qui vont entrer dans leur troisième année d'application, - ce sont 79 000 personnes qui seront employées sur les crédits de lutte contre le chômage dans les départements d'outremer. Un tel chiffre n'avait encore jamais été atteint.

S'agissant des emplois-jeunes, à la Réunion, pour ne prendre que cet exemple, que je connais plus particulièrement, plus de 5 000 emplois ont été créés. Rapporté à la population française de la métropole, cela représenterait 500 000 emplois. C'est dire l'engouement de notre jeunesse pour cette mesure. Jamais un gouvernement n'avait fait un tel effort ! Pourtant, cela n'a pas suffi pour inverser la courbe du chômage. Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est beaucoup, et ce n'est encore rien ! Il me semble que si notre proposi-


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tion de forfaitiser la contribution de l'Etat et d'appliquer un temps de travail de 35 heures, voire de 32 heures, avait été acceptée, le nombre d'emplois créés aurait été encore plus important.

M. Elie Hoarau.

En effet !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Pour ce qui concerne la politique du logement, secteur où les besoinss ont importants dans l'ensemble des départements d'outre-mer, la progression du budget est beaucoup moins forte, et j'aurais plutôt tendance à parler de stagnation. Dans ce domaine, nous avons quatre préoccupations.

La première est l'augmentation progressive des crédits de la ligne budgétaire unique au sens strict. Je pense à la créance de proratisation. Il faut instituer l'égalité devant RMI car, comme on dit à la Réunion, monsieur le secrétaire d'Etat, « Nou lé pas z'enfants bâtards ». Mais il ne faut pas en profiter pour réduire le nombre de logements construits dans nos pays.

Deuxième préoccupation : il faut pérenniser le FRAFU et l'étendre aux autres départements d'outre-mer. En outre, il faut que sa dotation lui permette de bien remplir son rôle.

Troisièmement, il faut revoir les critères de l'allocation logement. Tels qu'ils sont aujourd'hui, ils laissent un

« reste à vivre » tellement faible pour les familles modestes que le logement locatif reste trop souvent hors de leur portée.

Enfin, il faut d'urgence trouver une solution au problème posé par l'application mécanique d'un décret de juin 1999, qui impose désormais à une famille qui s'est engagée dans une procédure d'accession à la propriété de devoir consacrer 25 % de ses ressources au règlement de ses mensualités d'accession. Cette décision est ressentie comme profondément injuste, car elle met en cause, un

« avantage acquis » - légitime celui-là -, des familles pauvres de pouvoir devenir propriétaire de leur logement.

S'agissant du secteur de l'économie, et sans vouloir m'y attarder car nous y reviendrons lors de l'examen de la loi d'orientation, je veux souligner à nouveau combien tous les intervenants économiques sont attachés aux dispositifs d'exonération fiscale et sociale.

M. Henry Jean-Baptiste. C'est vrai !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Ils souhaitent leur maintien tant que d'autres solutions, crédibles et pourvoyeuses d'emplois dans le secteur de l'économie marchande, n'auront pas été proposées. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Henry Jean-Baptiste. C'est évident ! M. Philippe Auberger. Tout à fait !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget traduit par ailleurs, pour la première fois, les réformes instituées par la loi organique du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie. Nos collègues rapporteurs viennent d'en parler beaucoup mieux que moi mais je tenais à le souligner.

Un nouveau chapitre budgétaire a été créé pour accompagner le transfert des compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie. Il comprend une dotation globale de compensation et une autre de fonctionnement.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, convaincu que vous êtes presque autant que nous préoccupé de la grave situation que connaissent nos régions d'outre-mer et que vous avez su faire partager cette préoccupation par tout le Gouvernement, j'invite mes collègues, conformément à l'avis donné par la commission de la production et des échanges, à voter les crédits du budget du ministère de l'outre-mer pour l'année 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans la discussion, la parole est à

M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

L'an dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque nous avons débattu de votre politique générale pour l'outre-mer, j'avais dit à cette tribune, au nom du groupe Démocratie libérale, que les départements et les territoires d'outre-mer constituaient une chance pour la France et qu'ils méritaient un débat.

J'avoue que l'examen de votre budget prend cette année un caractère plus surréaliste du fait, comme vient de le rappeler à l'instant Claude Hoarau, de l'attente dans laquelle nous sommes de la loi d'orientation. Il y a là un télescopage de calendrier qui ne rend pas facile la tâche du Parlement.

Ce qui ressortira de ma brève intervention d'aujourd'hui, ce sont des inquiétudes, de très vives inquiétudes, que le comportement du Premier ministre, lors de son récent voyage aux Antilles, n'a fait à mes yeux qu'aggraver. Philippe Séguin, avec le tempérament qui est le sien, a eu raison de relever le « pas ici » qui a choqué bon nombre de nos compatriotes ultra-marins. L'apostrophe vigoureuse à un chef d'entreprise n'était pas non plus la réponse qu'attendaient de leur Premier ministre les chefs d'entreprise qui ont le courage de travailler outre-mer.

Mais ce sont propos de campagne ou de pré-campagne - c'est à ce titre qu'il faut les prendre - plutôt que propos d'un chef de gouvernement.

De très vives inquiétudes s'expriment tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation économique, comme l'ont excellemment rappelé nos différents rapporteurs, en particulier, François d'Aubert, la Réunion, avec une population active occupée d'environ 170 000 personnes, compte 100 000 chômeurs dont 70 % de longue durée. La situation de la Martinique a déjà été évoqué e. La Guadeloupe compte environ 30 % de chômeurs et la Guyanne, 22 %. Le nombre des RMIstes dans ces pays est également inquiétant : 20 % à La Réunion, entre 12 % et 13 % en Guadeloupe et en Martinique.

De très fortes inquiétudes se manifestent également sur la situation politique. Philippe Caullet a eu raison de dire, au nom de la commission des lois, qu'il ne fallait pas faire du statut unique la Bible, mais j'ai le sentiment, aujourd'hui, que les questions statutaires peuvent poser un certain nombre de difficultés. Je continue de penser - c'est un sentiment que mes collègues ultra-marins voudront bien m'excuser - que la coexistence dans les départements d'outre-mer d'assemblées départementales et d'assemblées régionales cause une réelle difficulté surtout quand le département est petit et que se mènent parfois, à quelques centaines de mètres, des politiques différentes alors que ceux qui les conduisent font apparemment partie de la même majorité plurielle qu'en métropole.

Celle-ci est parfois encore plus plurielle outre-mer ! J'évoquerai à ce sujet - mais mon analyse ne correspond pas toujours à celle de nos collègues du sud de la Réunion - le débat récurrent à la Réunion sur le deuxième département. La commission des lois, toutes tendances réunies, a considéré, lors du déplacement rappelé par Jérôme Lambert, que la priorité dans ce pays était plutôt d'améliorer la carte communale que de se


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lancer dans la création d'un deuxième département, qui entraînerait une certaine redondance en multipliant les services de l'Etat.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial.

Très bien.

M. Dominique Bussereau.

Malgré l'optimisme - parfois de façade - qui a cours en ce qui concerne la situation en Nouvelle-Calédonie, l'équilibre dans ce pays est fragile.

J'ai voté avec joie, monsieur le secrétaire d'Etat, le compromis que vous avez adopté à Nouméa et qui a été transformé ensuite en loi constitutionnelle, parce qu'il sonnait le retour à la paix. Mais je note avec une certaine inquiétude des difficultés réelles sur le terrain. On le voit b ien dans le fonctionnement du gouvernement de M. Leques. Je souhaite que vous puissiez nous apporter un certain nombre de précisions à ce sujet.

Henry Jean-Baptiste m'en voudrait jusqu'à la fin de mes jours si ne n'évoquais à nouveau les difficultés du statut mahorais. (Sourires.) La commission des lois, lors du déplacement qu'elle a réalisé sous l'autorité de Mme Tasca, les a constatées. Je vous avais alors demandé, monsieur le secrétaire d'Etat : « Encore un petit geste ! »

M. Henry Jean-Baptiste.

Oui, encore un petit effort !

M. Dominique Bussereau.

Vous avez réussi, monsieur le secrétaire d'Etat, à réunir beaucoup de signatures sur une première déclaration. Quel dommage que le député et le sénateur n'ajoutent pas leur nom à cette liste. Peutêtre y a-t-il, dans le texte que vous avez proposé, des éléments qui pourraient être revus, qui en changeraient l'état d'esprit et modifieraient la vision des choses, permettant à l'ensemble des partenaires mahorais de s'y rallier !

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Dominique Bussereau.

Une inquiétude pèse, enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation sociale.

L'occupation du garage Toyota en Martinique vient juste de se terminer. Une agitation sociale permanente règne dans ces départements, ce qui pose de réels problèmes à nos collègues antillais qui souhaitent à juste titre développer le tourisme, sans renier pour autant leur culture et leur vie locale.

Je terminerai sur un point qu'a excellement évoqué M. François d'Aubert : la surrémunération des fonctionnaires. Les parlementaires qui ont pris part à la mission de la commission des lois à la Réunion ont, toutes tendances réunies, posé beaucoup de questions aux organisations syndicales. Ils ont rencontré des blocages mais ils ont vu aussi sur le terrain des interlocuteurs ouverts qui leur ont dit que la situation ne pouvait pas durer.

J'évoquais tout à l'heure, avec malice, monsieur le secrétaire d'Etat, la précampagne antillaise de M. Jospin.

S'il peut paraître habile politiquement de reporter les décisions au match en deux parties ou en deux mi-temps de 2002, il serait mieux pour le Gouvernement de régler le problème avant les échéances électorales, plutôt que de laisser la patate chaude à ceux qui peut-être un jour lui succéderont. (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, même si votre bonne volonté est évidente, même si votre budget est honnête, comme l'ensemble des rapporteurs l'ont reconnu, celui-ci n'est pas à la hauteur des difficultés que j'ai relatées. Pour ces raisons, vous comprendrez que le groupe auquel j'appartiens soit dans l'impossibilité de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Tamaya.

M. Michel Tamaya.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant de préparer cette intervention, j'ai pris soin de relire celle que j'avais faite l'année dernière. A dire vrai, j'aurais pu la reprendre in extenso, tant la situation sur les plans économique et social n'a pas fondamentalement changé et tant les difficultés sont toujours présentes et pressantes : même si quelques lueurs d'espoir semblent poindre à l'horizon à travers les chiffres récents publiés par l'INSEE, l'IEDOM ou encore la direction du travail. J'en citerai quelquesuns.

Les statistiques de la DDTPEF fin septembre 1999 pour la Réunion montrent que la situation de l'emploi connaît une dégradation plus lente que par le passé. Sur un an, la situation confirme le maintien d'une légère embellie - si l'on peut dire ! - puisque le nombre de demandeurs d'emploi est inférieur à celui enregistré l'an dernier à pareille époque.

L'INSEE, dans son rapport sur l'économie de la Réunion pour le premier trimestre, note que le chômage repasse sous la barre des 100 000 personnes, et que le BTP commence plutôt bien l'année puisque les effectifs salariés sont en augmentation importante.

La lettre de l'IEDOM, d'octobre 1999, dans sa rubrique « Brèves économiques » nous donne des indications intéressantes concernant quelques grands secteurs d'activité : dans le secteur du tourisme, le taux de fréquentation hôtelière a augmenté de 5 % ; en ce qui concerne le trafic aéroportuaire, le nombre de passages enregistré aux aéroports a augmenté de 4,4 % ; dans le secteur de l'énergie, la production électrique a cru de 5 % ; en ce qui concerne la campagne sucrière, la production s'est accrue de 11,3 % ; le trafic maritime a augmenté de 3,2 % ; pour ce qui est de l'actualité financière et bancaire, les résultats nets agrégés des établissements de crédit se sont accrus de 40 % à la Réunion.

Ces indicateurs constituent des éléments d'analyse intéressants, dans la mesure où ils montrent tous une évolution - trop lente certe - mais positive de la situation économique et sociale à la Réunion.

N otre situation est naturellement sans commune mesure avec les résultats excellents enregistrés au niveau national, en termes de lutte contre le chômage : si, en métropole, le taux de chômage est de 11,1 %, à la Réunion, il atteint le triste record de 35,7 %. Monsieur le secrétaire d'Etat, en analysant votre budget 2000 et en le comparant aux budgets précédents, j'y trouve néanmoins des motifs de satisfaction au point de pouvoir dire que le Gouvernement a pris la mesure des défis à relever outre-mer et que ce budget va dans le bon sens.

Quelques exemples pour illustrer mon propos.

Sur trois ans, votre budget connaît une augmentation de plus de 30 %. La priorité est donné à l'emploi : 40 % des crédits y sont consacrés, qui permettront le financement, comme l'a signalé le député Claude Hoarau, de 58 000 solutions d'insertion à travers le FEDOM.

Par ailleurs, l'une des volontés fortes du Gouvernement en direction des jeunes se poursuit et plus de 3 000 emplois-jeunes supplémentaires pourront être créés.

Le dernier recensement, monsieur le secrétaire d'Etat, fait état d'une croissance démographique encore importante dans les départements d'outre-mer. La population des quatre DOM est passée de 1 460 000 en 1990 à


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1 670 000 en 1999, soit une augmentation de 210 000 habitants, la Réunion à elle seule absorbant plus de la moitié de l'accroissement total.

Les besoins en logement sont donc encore très importants dans des départements où subsistent encore de nombreuses poches de bidonvilles.

Votre budget pour 2000 permettra la construction ou la réhabilitation de plus de 13 000 logements sociaux, soit une progression de 3,7 %, ce qui est encore insuffisant au regard de nos besoin, avec une mesure phare sur le plan fiscal, puisque le taux de TVA appliqué aux travaux dans les logements est passé de 9,5 % à 2,1 %. Cette mesure favorable aux locataires, et aux propriétaires, y compris aux bailleurs sociaux, permettra de soutenir fortement l'emploi et de lutter contre le travail clandestin, comme l'a souligné M. François d'Aubert.

En outre, la mise en place d'une aide exceptionnelle pour les ménages, concernant les acquisitions de terrains situés dans la zone des 50 pas géométriques devrait mettre fin à certaines situations difficiles.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous souvenons des mots forts que vous avez prononcés ici-même l'année dernière sur les problèmes de discrimination dont sont victimes nos compatriotes d'outre-mer vivant en métropole.

I ls nous rappellent que notre appartenance à la République française ne doit pas se faire au prix de la négation ou de l'amoindrissement de nos spécificités culturelles. Mais la recherche de notre identité, le respect et la protection de notre culture, à travers la signature de la charte des langues minoritaires, qui intègre les différents créoles par exemple, ne doit surtout pas se traduire par un quelconque repli communautaire.

Si le Premier ministre a annoncé aux Antilles que des instructions avaient été données afin que : « dès la rentrée prochaine, les programmes scolaires nationaux prennent davantage en compte l'outre-mer et son apport au patrimoine national », relevons aussi l'augmentation de 30 % des crédits consacrés à la culture et à l'action sociale et la volonté fermement exprimée par le Gouvernement de favoriser les échanges entre l'outre-mer et la métropole, volonté qui se traduit pas la création d'un fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels, financé à parité avec le ministère de la culture.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est un budget volontariste. Il témoigne de l'intérêt que vous manifestez vis-à-vis de ces terres lointaines, à la fois créoles, françaises et européennes. Mais quels que soient les efforts consentis, ils ne sauraient suffire. Le Gouvernement l'a d'ailleurs bien compris, puisque, pour mieux appréhender à la fois les réalités et les aspirations profondes des populations domiennes, plusieurs rapports lui ont été remis : le rapport Mossé, le rapport Fragonard et, enfin, celui que j'ai remis, avec mon collègue, Claude Lise, sénateur de la Martinique.

Je crois que ces rapports étaient nécessaires. Ils ont certainement contribué à nourrir les propositions contenues dans la loi d'orientation, laquelle, je le souhaite, sera bientôt présentée pour avis aux assemblées locales.

La loi d'orientation a suscité un réel et immense espoir dans les DOM. C'est pourquoi, je me permettrai, monsieur le secrétaire d'Etat, d'insister sur quelques points concernant plus particulièrement la Réunion.

En premier lieu, il s'agit de réaliser l'égalité sociale et plus particulièrement l'alignement du RMI sur les bases métropolitaines. Depuis 1946, le principe d'identité législative a permis la mise en oeuvre d'un mouvement de rattrapage des droits sociaux des populations des DOM par rapport à la métropole. Il est aujourd'hui temps de parachever ce mouvement. Le Gouvernement doit pouvoir annoncer le principe de l'alignement du RMI avant la fin de l'an 2000, même si, parallèlement, comme l'indique le rapport Fragonard, il faut activer les dépenses passives, renforcer les contrôles et procéder, si besoin est, aux suspensions et radiations fondées.

Il convient, à mon sens, de faire de même pour toutes les autres prestations pour lesquelles il existe encore aujourd'hui un écart. Il revient à la gauche de finir ce qu'elle avait elle-même commencé en 1946.

Ma deuxième préoccupation, cela ne vous étonnera guère, monsieur le secrétaire d'Etat, concerne l'emploi.

Comme le préconise le rapport Fragonard, il faut aujourd'hui mettre en oeuvre un « pacte pour l'emploi » outremer. Pour faire face à l'accroissement démographique de nos DOM, qui est le principal facteur de l'augmentation du chômage, des mesures de grande ampleur doivent être prises. Il convient notamment de concentrer les dispositifs pour lutter efficacement contre le chômage, non seulement en donnant aux habitants de ces départements les moyens financiers d'accomplir leurs projets professionnels, mais aussi en encourageant les départs à la retraite anticipés. Selon l'INSEE dans sa parution du deuxième trimestre de 1999, reprenant une étude commanditée par le service économique de la préfecture, ce système, permettrait de libérer plus de 4 000 emplois sur six ans.

De même, un effort particulier doit être fait en faveur des exonérations de charges sociales pour les entreprises, et principalement les plus petites d'entre elles, qui constituent une part dynamique du tissu économique de la Réunion.

Mais, pour être véritablement efficaces, ces mesures devront être précédées d'adaptations législatives et régl ementaires. En d'autres termes, il faut assouplir les règles applicables à la commande publique.

Je sais qu'au niveau national un projet de réforme est en cours.

Or, à la Réunion et dans les DOM d'une façon générale, le poids de la commande publique est essentiel. Dès lors, il est indispensable de mettre en place un moratoire pour permettre aux entreprises qui ne sont pas à jour de leurs obligations fiscales et sociales de soumissionner.

I nterviewée par RFO-Réunion cette semaine, Mme Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, s'est d'ailleurs déclarée favorable à une telle mesure.

De même, le recours à l'allotissement devrait être amélioré, car aujourd'hui, nous sommes littéralement en situation de blocage juridique. Plusieurs millions de francs de marchés publics sont en attente. Avec les conséquences que cela implique sur le plan économique et sur les réalisations indispensables au niveau des collectivités locales.

Il faudrait aussi accepter la constitution de groupements d'entreprise, afin de permettre aux PME de soumissionner à certains « gros marchés », en encadrant plus strictement le régime de la sous-traitance.

De telles mesures doivent, j'y insiste, pouvoir être rapidement appliquées dans nos départements, sans attendre la réforme du code des marchés publics ; les DOM constitueront ainsi un champ d'expérimentation intéressant. A défaut, je crains que toutes les mesures d'exonération évoquées plus haut ne soient totalement inopérantes ! Enfin, les DOM sont concernées par les zones de coopération régionale dans le monde. Lors de son voyage avec vous, d'ailleurs - aux Antilles au mois d'octobre, le Premier ministre a clôturé les « Rencontres sur la coopé-


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ration régionale dans la Caraïbe et le plateau des Guyanes » en déclarant notamment : « Le développement de la coopération régionale répond à une large et profonde aspiration de nos départements. »

Deux objectifs doivent guider, rappelons-le, l'action du Gouvernement : d'une part, accroître et mieux coordonner les moyens accordés au développement de la coopération et, d'autre part, permettre aux élus que nous sommes de nouer de nouveaux liens avec les Etats de notre proche environnement.

Dans cette perspective, je me réjouis que la proposition formulée dans mon rapport, qui vise à permettre aux élus de « conduire, dans leurs domaines de compétences, des négociations en vue de l'élaboration d'accords avec nos

Etats voisins » ait recueilli un avis favorable du Gouvernement.

Reste que le problème du régime des visas d'entrée pour les responsables et les acteurs politiques, économiques et culturels doit être largement évoqué et réglé en fonction, naturellement, des situations particulières.

Renforcer la cooopération régionale, c'est offrir de nouveaux horizons à notre jeunesse. C'est tracer de nouveaux chemins, où s'exprimeront ses talents et son ambition comme le déclarait le Premier ministre, Lionel Jospin.

Enfin, je ne saurais conclure mon intervention, mais rapidement car je sais que le temps presse, sans évoquer le problème, crucial dans nos DOM, du statut des employés communaux - vaste débat, disait M. Lambert tout à l'heure.

Les DOM connaissent une situation spécifique du fait de l'importance du nombre des agents des collectivités locales qui ne sont pas titulaires de la fonction publique territoriale. A la Réunion, ils sont environ 13 000 et plus de 2 500 pour ma seule ville de Saint-Denis ! Cette situation est aujourd'hui devenue, pour les collectivités locales, une question majeure à laquelle des solutions doivent être trouvées.

L'absence de statut suscite l'inquiétude légitime et permanente des agents, provoquant souvent un climat social difficile. De même, la charge de ces personnels est lourde pour les budgets de nos collectivités locales. Enfin, la revendication d'obtenir la titularisation est une source d'instabilité et fait peser sur les finances locales une menace constante.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite qu'une solution rapide puisse être apportée à ce douloureux problème. Dans mon rapport, je propose un certain nombre de pistes qui ne sont pas, bien entendu, exclusives d'autres propositions auxquelles les maires ne manqueront pas d'être extrêmement attentifs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'occasion était trop belle pour moi : je ne pouvais pas ne pas saisir l'opportunité que m'offre ce débat budgétaire pour en dépasser le cadre et vous interpeller sur les grands dossiers qui préoccupent nos départements et sur lesquels sera jugée la future loi d'orientation.

Voilà donc tous les éléments que je souhaite retrouver dans l'avant-projet de loi qui, je l'espère, sera présenté sans tarder, aux assemblées locales.

Ayant constaté lors de mes différentes rencontres, combien était forte la volonté d'agir de ce gouvernement, je ne doute pas que ces préoccupations majeures seront prises en compte. C'est la raison pour laquelle j'émettrai un vote favorable sur le budget des DOM.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, jamais la discussion d'un budget de l'outre-mer ne se sera déroulée dans un contexte aussi fortement ouvert sur l'avenir. Je pense au projet de loi d'orientation, aux contrats de plan

Etat-régions et à l'émergence d'un nouveau regard inscrivant l'outre-mer dans « le temps des réformes ». Mais, il est vrai aussi que ce budget vient en discussion dans une ambiance fébrile. En Guadeloupe, nous terminons ce siècle avec beaucoup d'angoisse devant la montée inexorable du chômage, de l'exclusion, de la toxicomanie, de la délinquance, de l'assistanat et devant le constat de faillite du système actuel, caractérisé notamment par le délitement du lien social et l'existence d'une jeunesse sevrée d'idéal et de repères.

Notre débat doit donc être à la hauteur des attentes pour pouvoir maintenir l'espoir. Les crédits de votre budget, qui augmentent de plus de 13 %, ne peuvent que susciter un sentiment de satisfaction. Avec notamment 1,78 milliard de francs pour le logement, 2,5 milliards de francs pour l'emploi, 185 millions pour l'action sociale et la culture, ce serait vous faire un mauvais procès et manquer de bonne foi que de vous reprocher de n'avoir pas obtenu de bons résultats dans le jeu des arbitrages interministériels.

Cependant, ces crédits ne représentent que 10 % de l'ensemble des interventions de l'Etat en outre-mer et je regrette à nouveau que l'on débatte pendant plus de six heures des 6 milliards de francs de votre budget, sans pouvoir dire un mot crédible des 50 autres milliards consacrés à l'outre-mer. Cela ne ressemble-t-il pas à un faux débat ?

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Ernest Moutoussamy.

Et c'est justement en raison de cette absence de débat politique et budgétaire avec le Gouvernement sur des dossiers essentiels tels que la santé, l'éducation, la culture, la sécurité, les transports, l'agriculture, l'aménagement du territoire que des organisations professionnelles et syndicales sont obligées, tout à fait légitimement, de tenter de plaider elles-mêmes une certaine politique, et parfois leur politique, directement auprès du Gouvernement. On peut citer actuellement en Guadeloupe, l'exemple des collectivités locales avec leur personnel, de l'agriculture, des transports publics de personnes, et j'en passe.

De la sorte, sans boussole, sans transparence, sans lisibilité et sans suivi, on a l'impression d'être dans un bateau ivre sur une route du rhum interminable, vers des pays où l'on mangerait la banane par les deux bouts, pour paraphraser Aimé Césaire.

(Sourires.)

C'est donc sans étonnement, que l'on doit gérer des crispations permanentes sur le terrain dans une logique de rapport de force, avec, bien entendu, comme corollaire l'impuissance, pour ne pas dire l'intitulé, des élus. Cela vous le comprenez aisément, ne grandit pas la démocratie et amplifie le discrédit qui frappe la légitimité issue du suffrage universel.

Va-t-on continuer encore longtemps sur cette voie ? Saurons-nous saisir l'opportunité de la loi d'orientation pour traiter véritablement la question de la responsabilité, débarrasser le système actuel de ses vices, de ses goulets d'étranglement, de ses inanités et disposer enfin d'un projet politique moderne ? Après la visite nécessaire et réussie de M. le Premier ministre aux Antilles, j'ose le croire.


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Certes, il convient de traduire rapidement par des propositions concrètes quelques engagements, notamment ceux relatifs au plan d'urgence pour la banane, à l'examen des dettes fiscales et sociales des petites entreprises, à la baisse spécifique du coût du travail, aux problèmes des transports, de la coopération régionale, de la sécurité, du logement en accession différée, de la zone des cinquante pas géométriques, de la politique de la ville, de l'avenir de la langue créole. Vos réponses à ces questions sont attendues, monsieur le secrétaire d'Etat.

Au-delà de ces dossiers brûlants d'actualité, M. le Premier ministre a déclaré : « La place de la Guadeloupe dans la République ne peut être que celle que les Guadeloupéens souhaitent. » Et il a ajouté

: « Les départements d'outre-mer doivent devenir un terrain privilégié pour la réforme de l'Etat et spécialement pour la déconcentration. »

Sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous apprécions cette déclaration, étant entendu que notre recherche d'une assise moderne et plus responsable dans la République ne doit pas se heurter aux préjugés, aux résistances et aux tabous de la haute administration et de la technocratie. Il y va de la fiabilité de la démocratie et du dialogue républicain.

Pour nous aider dans notre quête de responsabilité, il faut que nous ayons le droit de diriger et de gérer nos affaires, à l'issue d'un débat politique, démocratique et public, indispensable pour évacuer les dérives autoritaristes et racialistes de ceux qui, profitant de l'aubaine de l'impasse actuelle, promettent les monts et merveilles de l'indépendance.

Ce débat doit prendre en compte la spécificité des régions ultrapériphériques, reconnue par le traité d'Amsterdam, et qui constitue une référence statutaire nouvelle à laquelle le Gouvernement doit donner rapidement une base juridique dans le droit français.

Je ne suis pas convaincu que la notion de région ultrapériphérique nous enferme dans le statut départemental et qu'elle soit antinomique d'une assemblée unique et d'une législation spécifique. J'ai plutôt la conviction que c'est le jacobinisme et le réflexe conservateur et assimilationniste qui constituent les principaux obstacles aujourd'hui à la prise en compte de nos spécificités par une politique adaptée.

En tout état de cause, quand on sait que pour construire et mettre en oeuvre l'Union européenne, la France a dû renoncer à certains attributs de souveraineté, on comprendrait mal que l'on nous oppose la muraille constitutionnelle et l'absolue identité législative, pour nous empêcher de disposer d'un pouvoir réel de responsabilité, susceptible de créer les conditions d'un développement productif durable, d'une prise en main effective de la gestion de nos affaires, du progrès de notre pays et de l'épanouissement de notre peuple.

S'il s'avère, après un demi-siècle, que la Constitution est intouchable dès l'instant qu'il s'agit des départements d'outre-mer, il sera difficile de nous faire admettre que ce conservatisme n'a pas des relents de colonialisme. A partir de ce moment, le gardien de la Constitution confortera ceux qui pensent que la place de la Guadeloupe n'est pas dans la République. Il faudra alors s'attendre au développement du « macoutisme » et à l'accentuation de la dérive racialiste. Le racisme et la xénophobie, illustrés récemment par des expressions comme « Blan déwo, Nèg à blan » continueront à être présentés comme des arguments pour régler nos problèmes.

Donner une réplique intelligente et porteuse d'espoir aux rapports Lise-Tamaya, Fragonard et Mossé nécessite bien courage et audace.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Ernest Moutoussamy.

Avec la nécessaire évolution des institutions, ce futur projet de loi doit arracher la solidarité nationale de l'assistanat, la transformer en levier pour le développement, l'emploi et la cohésion sociale.

Puisqu'il va entrer en application à un moment où la croissance est au rendez-vous en France métropolitaine, il doit exprimer à l'égard de l'outre-mer davantage de justice républicaine, pour ce qui concerne les impôts indirects frappant les pauvres autant que les nantis, et surtout il doit assurer un avenir aux jeunes bénéficiaires d'un contrat emploi consolidé ou d'un emploi-jeune.

Ainsi, nous pouvons donner une chance sérieuse à nos milliers de jeunes titulaires d'un diplôme supérieur au bac, en mettant en place une politique de départ à la retraite dans les fonctions publiques qui aille au-delà des propositions du rapport Fragonard, en fixant l'âge de départ, pour tous, à cinquante-huit ou soixante ans et en agissant sur la prime de vie chère pour les nouvelles recrues.

En outre, par une réforme en profondeur du fonctionnement de l'Etat et une forte déconcentration, nous savons lever les obstacles, les incompréhensions et remédier à l'absence de synergie dans les instances de l'appareil d'Etat, qui sont trop souvent en rupture avec les réalités du terrain, les institutions représentatives, les professionnels et les élus. Une réorganisation devrait déboucher sur un fonctionnement plus cohérent et plus efficace dans un cadre opérationnel mieux maîtrisé.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat je souhaite, d'une part, que le Gouvernement permette le cumul des lois Perben et Aubry en vue d'une application réelle des 35 heures avec créations d'emplois et, d'autre part, qu'il commande à l'ODEADOM une étude sur l'avenir agricole de la Guadeloupe, afin de traiter des problèmes de la banane, de la diversification en fruits et légumes, de l'agro-tourisme et de la filière biologique et cannière.

Il me paraît aussi indispensable pour la France de s'investir davantage, par départements français d'Amérique inerposés, dans l'Association des Etats de la Caraïbe, pour impulser notamment dans le tourisme une nouvelle politique qui associe culture et identité. A cette fin, nous comptons sur votre soutien pour réussir en Guadeloupe, en juin 2000, une rencontre caribéenne de la culture et du tourisme.

En attendant avec impatience le projet de loi d'orientation, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Léon Bertrand.

M. Léon Bertrand.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la préparation du projet de loi de finances appartient au Gouvernement. Les régulations budgétaires sont de sas eule autorité. Conclusion ? Reconnaissons qu'il est demandé aux parlementaires d'avaliser un projet de loi sur lequel ils n'ont quasiment aucune prise en amont, encore moins en aval. J'en veux pour preuve le fait que les rapports relatifs à votre projet de budget ne sont parus qu'aujourd'hui.

Aussi, quand il s'agit de terres lointaines auxquelles on ne comprend déjà pas grand-chose, le désintérêt est double. Cela explique pourquoi nous, parlementaires d'outre-mer, déplorons chaque année que les travées soient vides de nos collègues de métropole.


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Pourtant, s'ils écoutaient les exposés que nous présentons chaque année pour dénoncer l'évolution dramatique de nos régions, régions n'ayant jamais pu se dégager totalement d'une économie de comptoir aggravée par la mondialisation et l'explosion démographique, ils comprendraient que la vigilance est de mise et qu'il est temps de réagir.

En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette même tribune, nos régions sont le laboratoire grandeur nature de ce qui risque de se passer ici, en pire. Il faut s'appuyer sur le passé pour construire l'avenir.

Pour me comprendre, il suffit de relire Socrate, qui, 500 ans avant notre ère, disait : « Prends en considération que la grande richesse et l'extrême pauvreté rendent l'homme malheureux, car l'une engendre le luxe, la paresse et des troubles révolutionnaires, et l'autre la gêne, le travail de mauvaise qualité et des troubles révolutionnaires ».

Pour en revenir à votre projet de budget, qui bénéficie cette année d'une forte augmentation, ce dont je vous f élicite, puisque les possibilités de l'amender sont minimes, profitons de ce débat pour exposer nos idées afin d'alimenter la réflexion sur le projet de loi d'orientation.

Nous disposons, certes, du rapport de M. Lise et de M. Tamaya ou de ceux de Mme Mossé, de M. Fragonard et de M. Merle, ainsi que des résultats du sondage effectué sur votre demande, mais il nous appartient aussi, élus de ces régions, d'apporter notre contribution.

Pouvez-vous nous exposer votre méthode : calendrier, consultation, concertation avec les différents partenaires politiques, économiques et sociaux ? A propos du sondage, j'aimerais dire ceci à nos compatriotes : à quoi bon rappeler notre volonté de rester français et, dans le même temps, cautionner par notre silence les minorités qui s'expriment en notre nom dans le sens contraire ? De même, je dirai au Gouvernement : montrez où se trouve la force de la loi et sanctionnez en conséquence.

Et, citant à nouveau Socrate, je clos ainsi ce chapitre :

« Pour que la justice règne, il faut que le courage soit toujours au service de la raison et jamais des appétits. »

J'en viens à la seconde partie de mon intervention, au cours de laquelle je poserai quelques jalons de réflexion et je vous demanderai quelles réponses vous entendez apporter aux propositions que je fais depuis des années, que ce soit en matière d'aménagement du territoire, de finances des collectivités locales, de sécurité des biens et des personnes, entre autres.

Au moment où nous nous trouvons à l'échéance d'un certain nombre de dispositifs - loi de défiscalisation, loi Perben, contrats de plan Etat-région et contrats de ville, programmes européens - pourquoi ne pas remettre à plat tous ces outils afin de les adapter à chacune de nos région ultrapériphériques ? Pour les communes de Guyane, il faudrait d'ores et déjà reconsidérer les dispositions de l'article 9 de la loi de finances de 1974, confirmées par l'article 17 de la loi relative à l'octroi de mer de 1992, autorisant « à titre exceptionnel » un prélèvement de 35 % sur les recettes de l'octroi de mer au seul bénéfice du département pour assainir sa situation financière.

Cette disposition « exceptionnelle » est devenue « naturelle » et ne permet pas aux communes d'apporter leur contribution financière aux projets de développement, contrat de plan et programme communautaire, sans pour autant assurer le redressement des finances du département.

Par ailleurs, je souhaiterais savoir pourquoi mes propositions de loi sur la bidépartementalisation et la création d'entreprises franches régionales n'ont fait l'objet d'aucune prise en considération.

Quel sort entendez-vous réserver au SMA, notamment à Saint-Laurent-du-Maroni ? Comme vous le savez, il joue un rôle capital en matière de formation, d'insertion sociale et d'aménagement du territoire. Dans le cadre de la réforme des armées, il est prévu une réduction des effectifs, voire, à terme, une fermeture, alors que le potentiel de jeunes qui ont montré un grand intérêt pour cet outil de formation est fort dans la région.

Enfin, toutes les études ont prouvé la fiabilité et la faisabilité du projet sucrier. Il est, de plus, créateur de plusieurs centaines d'emplois. Pourquoi est-il toujours bloqué ? Quoi qu'en dise le président de la chambre d'agriculture de la Réunion, notre projet ne peut en rien léser les intérêts de son département, puisqu'il repose notamment sur un volume de quotas non utilisés.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Bien sûr !

M. Léon Bertrand.

Ne globalisons pas la situation de l'ensemble des DOM et cessons d'assimiler l'outre-mer à la métropole.

Je dirai, pour conclure, que les Guyanais veulent le respect de leur dignité qui s'exprime par le travail, la restauration d'un climat de confiance qui leur donne des raisons d'espérer.

L'outre-mer confère à la France une dimension planétaire. Le projet de loi d'orientation qui lui est nécessaire ne peut être voté en catimini, mais doit recueillir, grâce à des mesures fortes et nouvelles, l'approbation de tous les membres de la représentation nationale. C'est le prix du rayonnement de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. André Thien Ah Koon.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Emile Vernaudon.

M. Emile Vernaudon.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour le premier budget du troisième millénaire, le Gouvernement a décidé de mettre l'accent sur trois domaines prioritaires que sont l'emploi, le logement social et l'accompagnement des évolutions institutionnelles engagées en Nouvelle-Calédonie. Pour l'outre-mer, le projet de loi de finances pour l'an 2000 prévoit une nette augmentation du budget, de 13,6 % par rapport à 1999.

Les moyens financiers importants qui sont mobilisés par l'Etat pour le développement des DOM-TOM, et bientôt des DOM-POM, témoignent de la solidarité nationale à notre égard et de la politique volontariste voulue par le Premier ministre pour l'outre-mer.

Concernant la Polynésie française, l'arrêt définitif des essais nucléaires a donné lieu à une compensation financière au titre du fonds de reconversion économique qui se traduit aujourd'hui par un transfert annuel de flux financiers d'un montant de 990 millions de francs français, soit 18 milliards de francs Pacifique, et cela pour une durée de dix ans.

Par ailleurs, le contrat de développement de 20002003 pour la Polynésie est en cours de négociation, alors que celui de 1994-1998, qui vient de s'achever, portait sur un montant de 3 milliards de françs français, soit 55 milliards de francs Pacifique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

Vous conviendrez avec moi que c'est une masse d'argent importante qui est versée chaque année dans les caisses du territoire.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé qu'une chambre territoriale des comptes, dont le projet est interrompu depuis plus de huit mois, soit créée en Polynésie dès le mois de janvier de l'an 2000, afin d'assurer un contrôle rigoureux des comptes du territoire.

L'institution d'une autonomie renforcée ne doit pas entraîner le désengagement de l'Etat en matière de contrôle budgétaire : c'est son devoir.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez affirmé, à l'occasion de votre déplacement en Polynésie, que la chambre territoriale des comptes serait mise en place dès le mois de janvier. Le projet de loi de finances pour l'an 2000 prévoit-il des crédits de fonctionnement pour ce service ?

M. Auberger ne l'a pas mentionné dans son rapport.

Mon intervention d'aujourd'hui est dirigée par le souci de voir la Polynésie disposer d'un nouvel outil de contrôle accompagné des réformes institutionnelles adéquates.

Je veux par ces mots parler de la démocratisation du fonctionnement de nos institutions. J'insiste sur ce point car la réussite du plan de reconversion économique de la Polynésie en dépend, et elle est la condition d'une paix sociale durable.

Le Parlement se réunira en Congrès le 24 janvier de l'an 2000 afin d'adopter définitivement une révision constitutionnelle pour élargir l'autonomie de la Polynésie française, qui sera amenée à voter des lois de pays. Cette révision constitutionnelle conduira à l'établissement du nouveau statut de la Polynésie.

Certes, disposer d'un outil institutionnel performant est une condition nécessaire, mais pas suffisante car il faut y associer des hommes, des individus animés d'un esprit de service public. Une restauration des mentalités de la classe politique locale se révèle être une condition sine qua non, et cela est possible.

Durant ces deux dernières années, l'on constate indéniablement que le gouvernement territorial a décidé de se l ancer dans des projets titanesques impliquant des dépenses somptueuses voire somptuaires, et, aujourd'hui, je me fais l'interprète de l'ensemble des partis de l'opposition, soutenus par une population avisée, pour vous sensibiliser une nouvelle fois sur la manière dont sont utilisés les fonds publics.

Prenons l'exemple du palais présidentiel qui a coûté 200 millions de francs français, soit 3,5 milliards de francs Pacifique. Est-il normal que des crédits destinés à la reconversion économique du pays aient été employés ainsi ? Pensez-vous qu'une telle construction soit réellement une priorité pour un pays qui compte à peine 220 000 habitants ? Avec ces centaines de millions de francs dilapidés au vu de tout le monde, on aurait pu construire 1 000 logements sociaux supplémentaires ! Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation lamentable dans laquelle vivent de nombreuses familles, des familles expulsées se retrouvant sans terre ni toit. Vous n'avez pas hésité à aller à leur rencontre.

Comme vous l'avez dit, ces images ne sont dignes ni de la République ni de la Polynésie. Vous avez pris des engagements, et je veux m'y associer personnellement, pour que cette population démunie puisse bénéficier d'un logement décent à la veille du nouveau millénaire.

Que dire du projet de tunnel sous le lagon ? On avance un coût de plus de 800 millions de francs français, 15 milliards de francs Pacifique, pour un tronçon de route de trois kilomètres environ, soit 270 millions de francs français le kilomètre. Je n'étonnerai personne aujourd'hui en affirmant que le président du gouvernement se défend corps et âme pour voir ce projet se réaliser.

Oui, il faut une route de contournement de l'agglomération de Papeete pour fluidifier la circulation en centreville, mais, bon sang, pourquoi chercher à tout prix à passer sous le lagon quand on connaît les risques que ce type d'ouvrage engendre - rappelez-vous la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc - alors qu'une solution par la plaine est possible et beaucoup moins onéreuse ? Nous avons un exemple concret avec la route des plaines, sur la côte ouest, qui est en voie d'achèvement.

Elle fait 4,5 kilomètres et son coût global, construction plus acquisitions foncières, s'élève à 302 millions de francs français, soit 5,5 milliards de francs Pacifique, soit 67 millions de francs français le kilomètre.

Cela se passe de commentaires ! Le choix de la rocade de Papeete par la plaine est évident. Seul le président n'en est pas convaincu. On se demande pourquoi ! Vous comprenez, mesdames, messieurs les députés, notre inquiétude concernant la gestion des deniers publics en Polynésie française.

L'Etat doit pouvoir, en vertu du principe de l'intérêt général, décider de l'opportunité ou non de certains grands projets d'investissement, sans être en porte-à-faux avec l'esprit du statut de l'autonomie.

La Polynésie française se situe à un tournant de son histoire institutionnelle, politique et économique. La réussite de son développement doit être la préoccupation constante de ceux qui seront amenés à conduire le pays vers sa destinée perdue, le paradis terrestre, et non un paradis fiscal, comme certains le souhaiteraient.

C'est pourquoi je formule le voeu solennel que l'Etatr este le partenaire de la Polynésie française et l'accompagne dans son développement. Mauru'uru e laorana. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henry JeanBaptiste.

M. Henry Jean-Baptiste.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, du projet de budget de l'outre-mer soumis à l'examen et au vote de notre assemblée, je dirai sans aucune intention polémique et suivant une formule fameuse qu'il n'appelle ni excès d'honneur ni indignité.

Je lui trouve même plusieurs mérites.

D'abord, sa progression d'ensemble, de 13,6 % par rapport à la précédente loi de finances. Certes, cette évolution doit beaucoup à l'importance des transferts de crédits qui se poursuivent depuis plusieurs années, en provenance, notamment, des ministères de l'emploi et du logement. Hors transferts, l'augmentation globale ne serait plus modestement que de 1,75 % environ. Il d emeure, cependant, que ces moyens d'intervention accrus permettront au secrétariat d'Etat de mieux exercer sa fonction, toujours utile, d'impulsion et d'entraînement des autres ministères, de coordination ou de complément, et de provoquer, en tant que de besoin, c'est-à-dire souvent, les inévitables arbitrages financiers.

Autre point positif, monsieur le secrétaire d'Etat, votre souci de cibler des priorités fortes dont nul d'entre nous ne contestera la pertinence : l'emploi, bien entendu,


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lorsque l'on connaît les ravages et les effets du chômage dans nos sociétés fragiles ; l'augmentation des aides au logement, en raison de l'importance des besoins et des retards qui subsistent, en particulier à Mayotte.

Votre projet m'apparaît surtout comme un budget de transition, parce qu'il se situe dans l'attente d'une loi d'orientation, annoncée depuis longtemps, mais dont personne ne connaît encore le contenu exact ni les perspectives qu'elle ouvrira à l'outre-mer.

Par conséquent, ce budget ne peut témoigner de la volonté de réforme que le Gouvernement affiche et entend, selon vous, inscrire dans les réalités de l'outremer.

Mesdames, messieurs, l'actualité récente, liée au voyage du Premier ministre aux Antilles et largement relayée par une presse pas toujours objective vis-à-vis de l'outre-mer et parfois démagogique, nous conduit à nous interroger sur les conditions et les modalités de notre développement.

Plusieurs journaux parisiens ont développé des appréciations souvent très critiques : économies sous perfusion de crédits publics, solidarité nationale dévoyée en assistance, recours systématiques à de nouveaux dispositifs d'aides venant s'ajouter aux anciens, permanentes fuites en avant, disparités de revenus au bénéfice des agents publics, coûteuses rémunérations du non-travail.

De tels diagnostics, réducteurs et simplificateurs à l'excès, qui ne sont cependant pas sans conséquences dans l'opinion, ont néanmoins l'avantage de signifier qu'un certain type de développement outre-mer a sans doute montré ses limites.

De quoi s'agit-il en effet ? Il est plus que jamais nécessaire, il est devenu urgent de favoriser l'évolution progressive de nos économies d'une situation de dépendance et d'assistance à une conception nouvelle, plus dynamique et plus responsable du développement.

Cet objectif très général, qui n'est pas nouveau, n'en appelle pas moins des choix politiques, des options fondamentales qui doivent impliquer localement, non seulement l'Etat et les élus, mais aussi les partenaires socioéconomiques, les organisations syndicales et la société civile, et nous savons tous, nous ne savons que trop, combien, dans nos petites sociétés insulaires, souvent prisonnières de leur propre histoire, il peut être difficile de faire converger toutes ces forces autour d'un projet commun, vers un laborieux consensus ou encore dans la recherche d'un authentique « dialogue social ». Cela est encore vrai, mais c'est de l'Etat et du Gouvernement que dépend, pour l'essentiel, la politique budgétaire que nous examinons.

En réalité, c'est une véritable réorientation qu'il s'agit de promouvoir dans la durée, une réorientation du développement qui donnerait toutes ses chances aux éléments de dynamisme économique et social, aux facteurs de créativité qui existent bien, n'en déplaise à nos détracteurs parisiens, dans nos départements et territoires éloignés.

Dans son rapport à la commission des lois, notre excellent rapporteur, M. Jérôme Lambert, recommande, à propos du développement économique, de faire preuve de modestie, ajoutant qu'il est inutile de créer de faux espoirs.

Je ne partage pas, mon cher Jérôme Lambert, ce qui me paraît ressembler un peu trop à de la résignation, a lors qu'il existe outre-mer, et dans de nombreux domaines, tant d'éléments et de facteurs de dynamisme et de créativité.

Je souhaite rappeler ici que les départements d'outremer ont créé entre 1992 et 1997, en termes nets, plus de 20 % d'emplois supplémentaires dans le secteur privé, alors que ce taux n'a été, durant la même période, que de 7 % en France métropolitaine. De même, l'opération récente, que vous avez présidée, monsieur le secrétaire d'Etat, des « défis-jeunes » a révélé de nombreux projetse t de futurs créateurs d'entreprises innovantes, aux Antilles, à la Réunion et à Mayotte, dans plusieurs secteurs porteurs d'avenir, qu'il s'agisse des technologies modernes, des énergies nouvelles ou de la communication.

La politique budgétaire, monsieur le secrétaire d'Etat, doit désormais servir une volonté réformatrice, un véritable projet pour l'outre-mer, avec une stratégie de développement élaborée dans chacun et pour chacun de nos départements et territoires. C'est probablement aujourd'hui la forme la plus intelligente de décentralisation économique.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Bravo !

M. Henry Jean-Baptiste.

J'ai bien parlé de « politique budgétaire », et non pas seulement du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui ne regroupe, en moyenne annuelle, que 12 à 13 % du total des crédits publics consacrés à l'outre-mer. C'est cette base plus large qui nous permettra de concevoir puis de mettre en oeuvre une impulsion nouvelle, qui ne signifie nullement dépenser plus, mais sûrement - et je reprends là une expression de mon ami Pierre Petit - dépenser mieux, en fonction d'un vrai projet de développement.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, fait à juste titre de l'emploi une priorité forte. De fait, il prévoit pour le FEDOM une augmentation de 16,2 %, confirmant ainsi, ce dont je me félicite, l'impact sur l'emploi de la loi Perben votée en 1994 malgré de vives critiques de l'opposition d'alors, et dont vous venez de publier un bilan d'ensemble très positif. Il y est clairement indiqué, notamment pages 25 et 32, que les secteurs bénéficiaires des exonérations de charges ont accru leurs effectifs de 14 %, soit quatre fois plus que dans les secteurs non exonérés.

Mais en dépit de ce résultat très encourageant, l'on constate dans votre budget que les CAE, les contrats d'accès à l'emploi, et les primes à l'emploi sont en forte baisse par rapport aux solutions d'insertion dans le secteur public ou parapublic, c'est-à-dire les emplois-jeunes et les CIA. Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut souvent, outre-mer, parer au plus pressé. Mais il doit être clair, et j'y insiste, que la lutte contre le chômage ne peut être gagnée que grâce aux entreprises, dont la création, la modernisation et le développement durable doivent être plus fortement encouragés. Je songe, en premier lieu, aux PME du secteur artisanal mais aussi aux entreprises innovantes. Qu'il s'agisse de ces dispositifs d'allégement du coût du travail ou des aides à la création d'emplois en faveur des entreprises exportatrices - que nous proposons depuis longtemps de convertir en entreprises franches -, ou encore des propositions du rapport Fragonard sur l'accès des PME aux marchés publics, ces éléments doivent s'inscrire dans une politique à long terme, poursuivie contractuellement.

En d'autres termes, les entreprises, outre-mer comme ailleurs, ont besoin de cohérence et de stabilité. Chacun se souvient des péripéties qu'a connues l'examen de la loi Pons. Au Gouvernement, on a aussi, paraît-il, des projets concernant la loi Perben. Or je dis qu'il faut éviter de modifier au coup par coup de tels dispositifs, qui ont


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montré leur efficacité, en fonction d'une alternance politique ou au gré de tel ou tel abus qu'il faut réprimer et faire cesser.

Le meilleur moyen, en tout cas, d'encourager l'esprit d'entreprise, c'est l'utilisation cohérente de ces aides, l'amélioration du statut fiscal des entreprises et la formation des hommes. Votre projet de loi d'orientation, on peut le souhaiter, apportera un cadre de référence, une garantie de cohérence et de stabilité, à condition, toutefois, que les autorités publiques nationales et locales aient le souci d'une concertation approfondie.

S'agissant des problèmes institutionnels, vous avez eu raison, monsieur le secrétaire d'Etat, de consulter par sondages les opinions publiques locales. Elles sont favorables aux mesures de décentralisation et de large déconcentration, mais ne souhaitent ni la remise en cause ni le bouleversement du statut départemental.

Cet objectif général vaut évidemment pour Mayotte, qui a fait depuis longtemps de la stabilité statutaire une condition nécessaire de son développement, et du statut départemental, avec toutes les adaptations requises, une g arantie de sa liberté et de ses progrès dans la République. Vers cet objectif institutionnel, Mayotte a, il est vrai, beaucoup progressé ces temps derniers. Mais il reste une dernière ligne droite, un dernier effort à accomplir pour mieux répondre aux aspirations profondes de la population que je représente.

Il nous faut, et vous pouvez nous y aider, un compromis dynamique qui mettra un terme à cette longue attente des Mahorais et des Mahoraises.

Puisque le président me presse - je vois bien les clignotants devant moi -...

M. le président.

Mais je ne vous ai encore rien dit, monsieur Jean-Baptiste ! Faites simplement en sorte que je n'aie rien à dire.

(Sourires.)

M. Henry Jean-Baptiste.

Je soulignerai, au nom des élus mahorais, combien ceux-ci accordent une priorité absolue aux questions d'éducation, de formation et de rattrapage des jeunes exclus du système scolaire. Car nous considérons, à Mayotte, que rien ne nous oblige à reproduire des erreurs commises ailleurs !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

A la Réunion, par exemple.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est pourquoi j'appelle votre attention sur les risques de retards très graves qui se manifestent déjà dans la réalisation du programme de construction des établissements du second degré. Nos capacités d'accueil pour l'enseignement général des lycéese t collèges et pour les formations professionnelles demeurent très insuffisantes, eu égard à l'ampleur des besoins.

Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir compris la nécessité d'une ligne de crédits spécifique « Emploi et insertion à Mayotte ». C'est le chapitre 46-94, qui regroupe des moyens déjà connus de f inancement des contrats emploi solidarité ou des emplois-jeunes, mais aussi, c'est à souligner, des mesures nouvelles destinées à l'apprentissage et à la création de notre premier centre de FPA à Sada.

Par contre, la stagnation des moyens alloués au SMA de Mayotte est tout à fait regrettable. Le SMA a pourtant fait ses preuves, à Mayotte, et de façon assez remarquable.

C'est à la fois une filière de formation, d'éducation au sens large du terme, de socialisation des esprits pour ces jeunes gens exclus du système scolaire et surtout d'insertion professionnelle. Nous avons des taux d'insertion de 80 %, voire de 90 %. Voilà pourquoi je souhaite que le SMA ne soit pas abandonné, qu'il ne stagne pas, comme c'est le cas dans votre projet de budget. D'autant que le nombre de stagiaires formés ne dépasse pas, depuis des années, une centaine, alors que nous avons sur la liste des postulants sept cents candidats.

Sans entrer dans une revue de détail, je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, appeler votre attention sur quelques urgences à la fois anciennes, ponctuelles et déclarées.

D'abord, la création de l'Institut universitaire de formation des maîtres, qui est en chantier depuis longtemps et qu'on ne voit toujours pas venir. Cette création doit s'accompagner de l'unification statutaire du personnel enseignant.

Ensuite, la politique du logement, qui aujourd'hui se heurte à des obstacles préjudiciables à l'action de la société immobilière, la SIM, requiert la maîtrise du foncier et du foncier aménagé. Nous souhaitons que le projet de FRAFU, le fonds régional d'aménagement foncier et urbain, voie enfin le jour. Il est vrai que la création du FRAFU pose, comme le SMA, le problème de l'accession de Mayotte aux fonds européens - que nous aurons d'autres occasions d'évoquer, car les handicaps structurels sont nombreux à Mayotte. Il est important d'améliorer notre position vis-à-vis de l'Europe.

Enfin, c'est dans un souci de responsabilisation, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'ai proposé à M. le Premier ministre, comme vous le savez sans doute, l'expérimentation à Mayotte d'une formule de revenu minimum d'activité, le RMA. Il s'agit d'un cas particulier d'activation des dépenses sociales, qui a pour but de limiter les effets pervers, que chacun connaît, de certaines prestations. La solidarité bien comprise ne saurait être dévoyée en assistance, dépourvue de toute incitation sérieuse à l'activité.

Quelles que soient en définitive les difficultés bien réelles, ici ou là, de la conjoncture économique, sociale ou syndicale, l'outre-mer doit également relever les défis de la mondialisation, c'est-à-dire de la libéralisation inévitable des échanges, mais aussi de leur régulation. Dans cet effort multiforme de modernisation de nos structures de production, d'amélioration de la productivité du travail, de généralisation du dialogue social, qui doit mobiliser l'ensemble des forces vives de nos départements, territoires et collectivités d'outre-mer, nous ne pouvons, bien entendu, tout demander ni tout attendre de l'Etat.

Encore faut-il que celui-ci, par sa présence forte, assume ses obligations, toutes ses obligations, en soutenant notre recherche de nouvelles voies du développement mais aussi en veillant à la juste application des lois, et en particulier de celles qui sauvegardent la paix sociale comme l'ordre public. C'est aujourd'hui l'une des conditions essentielles du progrès des sociétés d'outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe UDF, dont vous connaissez l'esprit, déterminera son vote en fonction de vos réponses aux questions - importantes, me semblet-il - que nous avons posées ainsi qu'à mon appel relatif au statut de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Vous voyez, monsieur Jean-Baptiste, que malgré les « clignotants », la présidence a été exceptionnellement tolérante.


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M. Henry Jean-Baptiste.

Je salue votre bienveillance, monsieur le président.

M. le président.

Une bienveillance générale ! La parole est à M. André Thien Ah Koon.

M. André Thien Ah Koon.

Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où s'ouvre le débat sur le budget de l'outre-mer pour 2000, nous sommes frappés par le fossé qui persiste entre les besoins et les décisions politiques qui vous reviennent.

Oui ou non, la situation est-elle explosive dans l'ensemble des départements d'outre-mer, en particulier aux Antilles ? Tout se passe pourtant comme si la volonté sans cesse réaffirmée de faire évoluer les choses se heurtait à un profond immobilisme.

En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, que constatonsnous aujourd'hui à la Réunion ? Nos médecins sont victimes des caisses de retraites budgétivores, qui s'approprient leurs revenus. Nos pêcheurs artisans restent les grands oubliés de la loi Perben. Nos agriculteurs et nos artisans sont écrasés par le poids des charges sociales. Nos allocataires du RMI perçoivent un RMI minoré. Nos journaliers autorisés n'ont toujours pas de statut. Nos policiers, nos gendarmes et nos gardiens de prisons sont agressés et en sous-effectif, alors que, comble de l'ironie, les détenus, eux, sont en sureffectif. Enfin, nos commerçants autochtones subissent la loi des groupes monopolistiques. Et cette liste est loin d'être exhaustive ! A croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que malgré plus de 45 % de chômeurs à la Réunion, l'urgence et la gravité de la situation n'aient pas encore alerté les conseillers et hauts fonctionnaires des ministères.

Comment expliquer, en effet, que la loi d'orientation ne doive être votée qu'en l'an 2000 ? De même, comment expliquer que ses premiers décrets d'application ne devraient voir le jour qu'à partir de 2001, soit plus de quatre ans après l'arrivée de votre gouvernement aux commandes de la France ? Nous sommes inquiets de voir émerger, au gré des rapports - celui de Mme Mossé, celui de M. Fragonard, celui de MM. Lise et Tamaya -, un amoncellement de propositions dont certaines sont aussi inquiétantes les unes que les autres.

Par exemple, la suppression de l'abattement de l'impôt sur le revenu de 30 % ferait que les familles les plus modestes, qui ne payaient pas d'impôts jusqu'à maintenant, seraient désormais imposées, et que la plupart des foyers concernés subiraient une hausse de 43 % de leurs impôts.

Dans le même ordre d'idées, faire passer les fonctionnaires pour des nantis est profondément injuste, car nous savons bien qu'ils ne sont pas aidés. C'est la classe qui n'a rien et ne peut rien espérer. Quand leurs enfants font des études supérieures, ils sont littéralement abandonnés. Et nous connaissons des fonctionnaires en état de surendettement. Quand on sait que le coût de la vie outre-mer est de 20 % à 30 % plus élevé qu'en métropole, je pense que se plaindre tous les jours du salaire des fonctionnaires est une injustice.

Il faut, monsieur le secrétaire d'Etat, une certaine cohérence. Si l'appel à la solidarité locale n'est pas condamnable en soi pour accélérer le développement des départements d'outre-mer, celle-ci ne doit pas se substituer à la juste et légitime solidarité nationale, qui n'est pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être.

Il est injuste que l'Etat diminue de 40 % la dépense publique par habitant par rapport à celle accordée en métropole, alors que le département de la Réunion est classé parmi les régions où le produit intérieur brut est inférieur de 25 % à la moyenne communautaire.

Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous rappeler quelques mesures essentielles à mettre en oeuvre.

Pouvez-vous me dire pourquoi, après cinquante ans de départementalisation, l'égalité sociale n'est toujours pas appliquée outre-mer ? Parlons, entre autres, de l'alignement du RMI. En vertu de quoi les populations des départements d'outre-mer perçoivent-elles un RMI inférieur de 20 % à celui de la métropole ?

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

C'est inadmissible !

M. André Thien Ah Koon.

Cette discrimination s'apparente à une nouvelle forme de racisme social, dans un pays qui se permet de donner des leçons au monde entier en matière de droits de l'homme et de respect de la condition humaine. L'alignement du RMI sur celui de la métropole est une mesure de justice et d'équité sociale.

En le décidant, vous réduirez les poches de misère qui existent encore dans l'île de la Réunion. Au plan de la responsabilité et de la dignité humaine, le gouvernement qui clôturera cette évolution sortira grandi devant l'histoire.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Exactement !

M. André Thien Ah Koon.

Il en est de même de l'intégration définitive des employés communaux non titulaires, notamment des nombreux contractuels jetés à la rue, ces derniers mois, à cause du non-renouvellement des contrats dans les mairies, et cela, semble-t-il, à la demande de votre ministère.

Au plan économique, la réforme du code des marchés publics doit être engagée sans délai pour mettre fin au désespoir des petites entreprises victimes d'un texte qui fait l'unanimité contre lui parmi les maires et les élus en général, et qui tue jour après jour les derniers artisans réunionnais.

D'autant que la main mise de quelques grands groupes sur l'économie de chaque département d'outre-mer - que d'autres collègues ont évoquée avant moi - rencontre de plus en plus de passivité de la part de certaines administrations.

Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, les m onopoles en général représentent un danger. Ils empêchent une concurrence saine, loyale et équilibrée, ils accélèrent la désertification rurale, déséquilibrent la production et imposent leur loi sans partage, et cela en parfaite contradiction avec les dispositions de la loi Voynet en faveur d'un aménagement équilibré du territoire.

Les monopoles menacent, en matière alimentaire, la sécurité d'approvisionnement de la population des départements d'outre-mer, qui serait prise en otage en cas de grève, avec les risques de pillage que cela suppose. Il faut que le taux maximum des parts de marché détenues par un même groupe soit fixé par la loi, en raison de l'impossibilité pour nos populations de s'approvisionner ailleurs.

En ce qui concerne la sécurité et la délinquance, il est temps que des mesures soient prises contre les dérives actuelles. Car sans stabilité sociale, aucune réforme profonde ne peut être sérieusement engagée. Il me paraît nécessaire de rétablir la crédibilité de l'Etat dans ce domaine.


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Lutter contre le chômage, c'est former nos jeunes pour leur assurer un emploi demain grâce à la qualité de leurs diplômes européens.

La Réunion doit donc être une terre de formation pour l'ensemble des ressortissants des pays de la zone de l'océan Indien, ce qui passe par le développement de l'université, laquelle doit servir de support au développement de la coopération régionale.

Cette stratégie doit s'accompagner de la mise en place d'entreprises franches tournées vers l'exportation et d'un port franc, afin que la Réunion puisse jouer pleinement son rôle de département français et de porte d'entrée de l'Europe dans cette partie de l'océan Indien.

Pour y parvenir, il nous faut « boucler » définitivement l'évolution institutionnelle et administrative, qui est source d'incertitudes statutaires.

Tout à l'heure, Dominique Bussereau, membre du groupe UDF, s'est déclaré contre la bidépartementalisation, donc favorable à l'unification du département et de la région et, par voie de conséquence, pour l'assemblée unique. Eh bien, nous, nous ne voulons pas d'une assemblée unique.

Le Gouvernement souhaite approfondir la décentralisation. C'est une excellente initiative, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il vous faut désormais aller jusqu'au bout de la logique de la décentralisation, sans pour autant inquiéter nos populations et les investisseurs en créant des institutions spécifiques. Je veux évidemment parler de ce congrès qui pourrait être à l'origine d'un changement de statut et faire de nos départements des républiques bananières avec des ministres cocotiers.

(Rires.)

Nous, nous n'en voulons pas. Nous voulons que l'on nous applique le droit commun.

Nous sommes contre la création d'un congrès à la Réunion, nous sommes opposés à cette assemblée unique déguisée, dont la mise en place constituerait une injure à trois siècles d'appartenance à la République. Nous refusons l'aventure autonomiste et indépendantiste.

M. Henry Jean-Baptiste.

Bravo !

M. André Thien Ah Koon.

Si nous voulons ancrer définitivement la Réunion au sein de notre mère patrie, la France, nous n'avons d'autre solution que la bidépartementalisation.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. André Thien Ah Koon.

Pour la Réunion, le droit commun institutionnel, ce sont deux départements dans une région française de l'océan Indien, à laquelle s'ajoutera tôt ou tard Mayotte.

M. Henry Jean-Baptiste.

Bravo !

M. André Thien Ah Koon.

Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, M. Jean-Baptiste approuve. Cette bidépartementalisation réclamée unanimement par les cinq députés de la Réunion est inscrite dans l'histoire. Vous devrez en tenir compte dans la future loi d'orientation, qui devra en faire son thème majeur. A défaut, elle perdrait sa raison d'être.

La bidépartementalisation mettra définitivement un terme au chantage au statut qui divise inutilement les Réunionnais et retarde le développement économique.

Pour nous, il s'agit de corriger également les déséquilibres entre le Nord et le Sud. Il est facile de dire :

« Nous ne voulons pas deux départements. » Il y a même

des gens qui disent : « Nous ne voulons pas deux départements, mais nous ne voulons pas non plus du congrès. »

Alors, que veulent-ils ? Il faudrait le leur demander !

M. Henry Jean-Baptiste.

Bonne question !

M. André Thien Ah Koon.

Ces déséquilibres entre le Nord et le Sud sont très marqués. On compte 45 % de chômeurs dans le Sud contre 30 % dans le Nord, 37 % de jeunes diplômés dans le Sud contre 53 % dans le Nord, 14 % de RMIstes dans le Sud contre 7 % dans le Nord.

Comment la République pourrait-elle justifier que perdure un tel déséquilibre qui persiste depuis de nombreuses années au détriment du sud de la Réunion ? Comment ne pourrait-il pas consentir l'effort nécessaire pour procéder à un réquilibrage ? Mais au-delà de ces considérations, il existe, forgée par ce genre d'injustice, une révolte des consciences qui a conduit des maires, des élus, toutes tendances politiques confondues, à faire bloc pour doter le Sud des leviers nécessaires à son développement. Nous ne voyons d'autre solution que la bidépartementalisation. La future loi d'orientation devrait être l'occasion de s'orienter dans cette voie.

Tels sont les points essentiels que j'ai tenu à vous exposer, monsieur le secrétaire d'Etat. J'aurais apprécié que votre projet de budget les prenne en considération avec force, mais je n'ai pas le sentiment que le Gouvernement ait réellement pris la mesure de la gravité de notre situation.

Les Réunionnais sont responsables et travailleurs. Ils ne cessent de démontrer, par leur patience face aux difficultés, combien ils restent attachés à leur mère patrie, la France. Et il serait irresponsable de ne pas prendre en compte cet attachement et leurs mérites.

J'en termine, monsieur le président. Restant dignes et responsables, les Réunionnais savent que leur avenir dépend de décisions courageuses du Gouvernement. Vous ne pouvez plus, monsieur le secrétaire d'Etat, vous soustraire à vos responsabilités en ce domaine. Les décisions que vous prendrez dans les semaines et dans les mois à venir seront décisives et capitales pour l'outre-mer. Elles engagent notre avenir non seulement dans nos environnements régionaux respectifs, mais plus encore, et vous le savez, au sein même de la République française.

Nous avons des collègues des Antilles qui veulent l'autonomie. Le problème est posé, il faudra bien leur donner une réponse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ne prêtez pas l'oreille aux augures de certaines officines politiques parisiennes qui prédisent l'aventure en méconnaissant des siècles d'attachement des Réunionnais à la mère patrie.

M. le président.

Monsieur le député, vous avez annoncé votre conclusion, mais je constate que ce n'est pas le cas. Pourriez-vous vous diriger vers elle ?

M. André Thien Ah Koon.

Je conclus, monsieur le président.

Les Français d'outre-mer ont prouvé par le passé, à c hacun des moments importants de leur histoire, combien ils sont fidèles. Ce n'est pas l'avenir qui le contredira, quelles que soient les menaces brandies ici ou là par des chapelles dont nos compatriotes d'outre-mer ne veulent pas. Vous savez très bien que la dimension mondiale de la France passe par l'outre-mer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ce que vous ferez pour concrétiser à jamais cette réalité. (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. Léo Andy.

M. Léo Andy.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le tout récent voyage du Premier ministre aux Antilles a confirmé, aux yeux de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

nos populations, la volonté du Gouvernement de prendre la mesure de nos difficultés, de nos inquiétudes, de nos aspirations et d'y apporter les réponses adaptées.

Le Premier ministre l'a clairement affirmé, le projet de loi d'orientation pour un développement durable des DOM, qui sera examiné l'an prochain par le Parlement, s'attaquera aux problèmes chroniques qui nous assaillent, notamment dans le domaine de l'emploi. Il apportera également une première réponse à nos demandes concernant l'évolution statutaire des DOM et l'affirmation de la personnalité locale par la reconnaissance de davantage de responsabilité, notamment dans les relations avec les Etats voisins. Le troisième millénaire débutera ainsi par la mise en place d'un vaste chantier porteur d'espoirs pour l'avenir.

Cependant, il serait catastrophique que, d'ici là, nous nous retranchions dans l'attentisme, voire dans l'immobilisme, tant est dramatique la situation outre-mer, tout spécialement en Guadeloupe, où le climat social ne cesse de se dégrader.

Des dossiers prioritaires peuvent et doivent être traités sans attendre. L'urgence reste, bien évidemment, la lutte contre le chômage, qui poursuit inexorablement sa courbe ascendante, augmentant jour après jour le nombre des exclus, des marginaux, des RMIstes, des drogués et des désespérés. L'urgence, c'est également la lutte contre le crime et la violence qui s'accroissent, contre l'insécurité, lot quotidien de la population. L'urgence, c'est enfin la réduction de la fracture sociale, laquelle a atteint chez nous une telle ampleur que des séismes de grande amplitude sont à craindre à tout moment.

Je relève, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre budget donne la priorité à l'emploi, en lui consacrant plus de 39 % des dépenses : 61 000 solutions nouvelles d'insert ion - CAE, CES, CIA, emplois-jeunes, primes à l'emploi - sont prévues, soit mille de plus que l'an dernier. Si les objectifs de 1999 sont atteints, la Guadeloupe aura bénéficié de près de 10 900 solutions, soit moins d'un sixième du total, alors que sa population représente un quart de celle des DOM et de Saint-Pierre-etMiquelon et que, en matière de chômage, elle a le triste privilège de talonner la Réunion, qui détient la palme dans ce domaine ! C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je demande que la répartition pour l'année prochaine rectifie ce déséquilibre.

Dans le même ordre d'idées, je constate que la Guadeloupe a été désavantagée par rapport à la Réunion et à la Martinique en ce qui concerne l'attribution des crédits d'Etat sur une longue période, notamment pour la dotation globale de fonctionnement et la dotation globale de décentralisation. Pourtant, si l'on établit des comparaisons avec les autres DOM en termes de PIB par habitant, notre retard de développement devrait nous donner un avantage complémentaire substantiel, et, en tout cas, inciter à rétablir l'équilibre.

Cependant, je suis conscient que ces mesures, pour importantes qu'elles soient, ne régleront pas le problème de fond, qui est celui de notre fragilité économique due à l'extrême faiblesse de notre secteur productif et à notre dépendance totale et chronique vis-à-vis de l'extérieur. Il nous faut absolument rompre avec le schéma économique actuel : une croissance tirée par la consommation de biens dont la quasi-totalité est importée, la Guadeloupe ne couvrant ses importations qu'à hauteur de 8 %.

Cela veut dire que nous devons impérativement encourager une politique de substitution aux importations chaque fois que possible. D'ailleurs, des possibilités immenses existent, notamment dans le domaine agroalimentaire qui représente 42 % de nos importations.

A l'heure du « poulet dioxiné », de l'engouement justifié pour les produits bio, pour un élevage et une agriculture écologiques, la Guadeloupe a une carte maîtresse à jouer, qui pourrait lui permettre d'assurer quasiment son autosuffisance alimentaire.

Dans ce domaine, une politique appropriée devrait permettre, entre autres exemples, l'implantation d'usines de jus de fruits exotiques qui pourront tout à fait concurrencer le marché existant ainsi que la fabrication de panneaux d'aggloméré à partir de la bagasse de la canne.

La diversification de notre secteur productif doit aller de pair avec la sauvegarde et le renforcement de nos secteurs traditionnels que sont la canne et la banane, la banane notamment étant aujourd'hui en crise et en butte aux incertitudes découlant des règles ultralibérales de l'Organisation mondiale du commerce et de notre intégration au Marché unique européen. Certes, le Premier ministre a annoncé un plan d'urgence prévoyant des mesures financières pour la banane, qui permettraient de régler dans l'immédiat les difficultés de trésorerie de ce secteur. Mais le problème de fond demeure : celui de l'avenir de l'OCM-banane à la suite de l'arbitrage rendu par l'OMC, le 7 avril dernier, et mettant une nouvelle fois en cause ce régime.

La Commission vient de proposer une solution qui prévoit, après une phase transitoire jusqu'en 2006, et pendant laquelle le volume global des importations des pays tiers augmentera de 150 000 tonnes, le système du tarif only. Or, comme aucune mesure d'accompagnement n'est prévue pour sauvegarder les productions communautaires, cette proposition ne manquera pas d'aggraver inéluctablement la situation de surapprovisionnement, et donc de chute des cours, que connaît déjà le marché. De ce fait, la banane antillaise encourt le risque de disparaître.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je viens de prendre connaissance du communiqué de presse de votre secrétariat d'Etat sur cette question. Je me félicite de la décision du Gouvernement de s'opposer à la proposition de la Commission et de sa volonté d'obtenir une réforme n écessaire et appropriée des mécanismes de l'aide compensatoire. Je note cependant que, à terme, la solution du système tarifaire demeure et je ne peux que m'en inquiéter.

S'agissant de la réglementation européenne, d'autres interrogations demeurent, telle celle de la modulation des aides directes dans le cadre de l'Agenda 2000, laquelle p révoirait une réduction des aides compensatoires octroyées à la banane ainsi que des aides POSEIDOM à l'agriculture. Qu'en est-il réellement, monsieur le secrétaire d'Etat ? De même, la communication publiée le mois dernier par la Commission sur sa stratégie en vue de parvenir à un marché intérieur totalement intégré, stratégie qui doit ête entérinée, après discussion, par le Conseil européen d'Helsinki en décembre prochain, ne mentionne pas la situation particulière des régions ultrapériphériques. Et, bien entendu, elle ne fait pas non plus référence à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, ce qui n'est pas de bon augure pour les dispositions spécifiques en matière d'aides de l'Etat et de fiscalité qui nous sont appliquées actuellement. Je compte donc sur le Gouvernement pour rectifier ce texte, en y insérant des références explicites aux régions ultrapériphériques.


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Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite également que soit mise en oeuvre dès maintenant la proposition du rapport Fragonard prévoyant que les PME et les artisans qui ne sont pas à jour de leurs obligations fiscales et sociales puissent accéder aux marchés publics sitôt qu'ils auront établi avec les services fiscaux un plan d'apurement. Cela permettrait, compte tenu du poids de la commande publique chez nous, de donner un nouveau souffle à ces entreprises lourdement endettées et qui demeurent pourtant les principaux créateurs d'emplois dans les DOM.

A cet égard, je me félicite de la priorité que ce budget réserve au logement. Elle profitera aux BTP, tout comme la baisse de 9,5 % à 2,1 % du taux de TVA sur les travaux concernant les habitations.

De même, je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous faire part de la satisfaction des professionnels face à l'engagement que vous avez pris, ici même, que la baisse du taux du livret A sera répercutée intégralement dans les DOM.

Enfin, je me réjouis de la mise en place du nouveau fonds de garantie des crédits bancaires - le fonds DOM -, créé avec la BDPME-SOFARIS, lequel remplace plus efficacement le dispositif de réescompte auparavant consenti par l'IEDOM. Il n'en reste pas moins que les taux d'intérêt dans les DOM sont de 1,5 à 3 points supérieurs à ceux pratiqués en métropole. Il me semble que, dans le cadre de la loi d'orientation, une réflexion globale doit être engagée sur la politique de crédits à mettre en oeuvre chez nous, afin d'y faciliter l'investissement productif.

Autre domaine où l'action des pouvoirs publics est urgente et cruciale : celui de la sécurité. En effet, les données concernant la délinquance violente démontrent que celle-ci a augmenté de 145 % en août dernier et de 40 % entre le 1er janvier et le 31 août. Les statistiques à moyen terme de la police judiciaire corroborent cette tendance.

Le nombre des crimes et délits enregistrés chez nous a été multiplié par 2,2 depuis 1980 alors que la population ne l'était que par 1,3. Les vols, qui représentent les deux tiers des infractions, ont quadruplé en seize ans, ce qui risque de menacer sérieusement notre industrie touristique.

Ce phénomène est en partie lié au trafic et à la consommation locale de drogues dures, qui ont de toute évidence gangrené notre société et contre lesquels aucune politique cohérente de lutte n'est mise en oeuvre. La coopération internationale, pourtant impérative dans ce domaine, compte tenu de notre environnement régional, de la disparité des législations et des procédures judiciaires, ainsi que de l'absence de conventions d'entraide judiciaire avec les pays avoisinants, est de même totalement absente, ce qui complique la situation.

M. le Premier ministre a annoncé le renforcement, d'ici à la fin de l'année, des effectifs de police nationale et de développement de la police de proximité chez nous. Je m'en réjouis, mais, de toute évidence, il faut redéfinir une politique globale de prévention, de dissuasion et de répression, et prévoir les moyens adéquats, afin d'assurer la fonction proprement régalienne de sécurité des personnes et des biens en Guadeloupe. C'est un des enjeux essentiels de la politique de la ville.

Il reste bien d'autres problèmes que j'aurais voulu évoquer, mais les dix minutes qui me sont imparties arrivent à terme. Pour conclure, je dirai simplement que les Guadeloupéens ont écouté attentivement le Premier ministre lors de son passage chez nous et ont apprécié l'objectivité et la sincérité de ses déclarations, sa volonté de dialogue avec la population et ses élus. La chaleur de leur accueil est sans aucun doute le symbole de la confiance, mais aussi de l'espoir qu'ils ont placé dans ce gouvernement.

Ils sont prêts à s'investir pleinement, avec esprit de responsabilité, pour un avenir porteur de dignité, de bienêtre, et de bonheur tout simplement. Je reste convaincu q ue ces volontés conjuguées nous permettront de construire des lendemains meilleurs dans une Guadeloupe plus solidaire, plus unie et plus forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en progression de 13,6 % par rapport à celui de 1999, le budget des DOM-TOM revêt cette année un caractère exceptionnel.

Il intervient après le voyage du Premier ministre aux Antilles, en pleine élaboration des contrats de plan Etatrégion et à la veille de la discussion au Parlement du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer.

Le groupe communiste votera les crédits proposés à la représentation nationale, mais il souhaiterait faire quelques observations d'ordre général.

Malgré les engagements financiers pour le traitement social du chômage, l'utilisation des crédits n'atteindra pas l'efficacité qu'exige la situation de chômage endémique et déstabilisateur que connaît l'outre-mer.

Contrairement à la métropole, les DOM se caractérisent par une augmentation forte et constante du taux de chômage depuis quinze ans.

S'il est de la responsabilité de la République de former des élites parmi les originaires d'outre-mer, la rareté de l'emploi affecte les jeunes diplômés.

Comme mon collègue Ernest Moutoussamy l'a relevé, trop de postes convoités sont occupés par des métropolitains qui bloquent l'accès à l'emploi dans la fonction publique et le retour au pays. Ainsi, dans le service des douanes, 50 % des mutations sont accordées à des métropolitains. Pour toute une génération qui aspire à prendre des responsabilités, cette situation n'est pas acceptable et engendre des frustrations. Comment expliquer autrement une certaine radicalisation politique, dont certains voient l'aboutissement dans l'indépendance ?

M algré l'élaboration d'objectifs ambitieux pour l'emploi, les infrastructures et la solidarité sanitaire et sociale, les consultations menées dans le cadre des contrats de plan n'ont pas encore débouché sur de véritables plans régionaux.

Les économies des départements d'outre-mer sont fortement marquées par la crise de la banane, premier secteur d'activité de la Martinique et de la Guadeloupe, et des cultures traditionnelles comme la canne à sucre.

L'Union européenne a en effet été sanctionnée par l'Organisation mondiale du commerce pour son système d'importation de bananes. L'arbitrage rendu par l'OMC en faveur des Etats-Unis remet en cause l'accès de la banane ACP au marché communautaire, de même que les modalités de répartition des contingents et d'attribution des licences. Il interdit à la France et à l'Union européenne de garantir aux producteurs un prix à la production.

Les multinationales implantées en Amérique centrale pratiquent allègrement le dumping social et affichent une compétitivité arrogante face à laquelle les Antillais ne peuvent rivaliser. De ce fait, les bananes dollar ont le coût de production le plus faible de toutes les zones


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exportatrices. Les planteurs en subissent les conséquences et vivent aujourd'hui la période la plus catastrophique de leur existence.

Je me réjouis de l'annonce faite par le Premier ministre de la mise en place d'un plan d'urgence pour les producteurs touchés par la baisse des cours et menacés par cette réorganisation du marché international. Je suivrai son application avec d'autant plus d'attention que l'Union européenne n'est toujours pas parvenue à présenter un nouveau règlement capable de satisfaire tout le monde.

Ne cédons pas au diktat de l'Oncle Sam lors des négociations sur l'OMC, et réaffirmons, à cette occasion, notre attachement à la convention de Lomé.

La crise du modèle de développement, amplifiée par la mondialisation et illustrée par la crise de la banane, porte en elle des inégalités et des ségrégations. La dégradation des droits des salariés et des rapports sociaux, toujours marqués par la mémoire de la traite et de l'esclavage, reste très préoccupante.

Aujourd'hui encore, le pouvoir économique des îles est détenu par les Békés, qui ont 80 % des plantations de banane.

Il est temps de briser la relation de dépendance de type colonial qui perdure entre la métropole et l'outre-mer et de répondre aux inquiétudes des habitants des départements d'outre-mer en soutenant des politiques publiques plus volontaristes et solidaires. Ainsi, comment accepter que le RMI d'outre-mer soit inférieur à celui de la métropole ? L'équité exige la création d'une ligne budgétaire spécifique à l'aide sociale.

Sur toutes ces questions, les populations locales veulent être écoutées et entendues.

Le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer que vous présenterez prochainement au Parlement, monsieur le secrétaire d'Etat, se fixe comme but de donner de nouveaux moyens de développement économique et institutionnel.

Plusieurs rapports vous ont été rendus pour préparer cette échéance. Le rapport Fragonard émet des propositions pour l'emploi des jeunes et l'idée d'un pacte pour l'emploi qui vont dans le bons sens. Il en va de même pour le rapport Lise et Tamaya, relatif à l'approfondissement de la décentralisation et à l'avenir institutionnel de l'outre-mer.

La voie du progrès dans les DOM passe par l'exercice d'un véritable pouvoir politique, afin de répondre aux demandes de responsabilité, d'autonomie et de démocratie. Si la proposition de créer un Congrès peut dessiner un avenir institutionnel pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, il en va tout autrement à la Réunion, où la création d'un deuxième département dans le sud de l'île est indispensable au rééquilibrage de l'aménagement du territoire et au développement économique local, comme l'a récemment souligné dans son ouvrage mon collègue Elie Hoarau.

Inventons également de nouveaux cadres d'action pour que ces départements obtiennent plus d'autonomie dans les relations qu'ils entretiennent avec leur environnement régional. Faisons confiance à l'esprit créatif des peuples pour construire ensemble un avenir commun, dans le cadre de la République.

Enfin, les originaires d'outre-mer méritent une attention toute particulière. Par leur engagement militant et associatif, ils font preuve d'une grande vitalité en métropole. Cependant, nombre d'entre eux sont encore victimes de discriminations raciales intolérables et sont l'objet d'atteintes en matière d'emploi, de congés bonifiés et de reconnaissance de leur indentité culturelle. Ils attendent une écoute attentive et des réponses concrètes sur l'ensemble de ces questions. Je suis persuadé que vous porterez un regard bienveillant sur leurs problèmes ainsi que sur tous ceux que je viens d'évoquer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention dans ce débat aurait été différente si toute une série d'événements ne s'étaient produits récemment, comme pour souligner le caractère alarmant des évolutions en cours dans la société réunionnaise. Ils viennent rappeler aux pouvoirs publics à quel point il est urgent de s'atteler à résoudre, et de façon radicale, les problèmes qui se posent. Le temps n'est plus aux déclarations d'intention et aux demi-mesures ; les unes comme les autres ne font que masquer le fait que la situation se dégrade chaque jour un peu plus.

En visite à la Réunion, plusieurs membres du Gouvernement ont pu prendre la pleine mesure du danger. Un ministre a été invité à participer à un journal télévi sé ; ce journal se résumait en fait à une succession de grèves, de manifestations, de défilés, de barrages et de violences. Ces protestations étaient aussi bien le fait d'étudiants, de fonctionnaires et de travailleurs du privé que de chômeurs.

La semaine dernière, une manifestation contre des factures d'eau trop élevées a dégénéré. Une centaine de grenades ont été tirées par les gendarmes contre des manifestants qui rispostaient par des jets de galets et de bouteilles, et même des coups de feu. Deux jours plus tôt, un commerçant d'une commune rurale du Sud surprenait une quinzaine de jeunes, presque tous mineurs, en train de cambrioler son magasin. Il tuait l'un d'entre eux d'un coup de fusil.

Presque quotidiennement, des jeunes se rassemblent pour réclamer des emplois. Ils envahissent des établissements industriels et commerciaux, prennent d'assaut les locaux des services publics et se retournent contre les maires, comme si ces derniers détenaient le sésame des créations d'emplois.

L'insécurité et l'angoisse qui l'accompagne font des ravages. Bourrées de systèmes d'alarme, les villas sont transformées en bunkers. Les liens de voisinage, si importants chez nous, se disloquent. Aucune commune, aucun village n'est désormais épargné. Que ceux qui élaborent les projets de budget et les textes de loi pour l'outre-mer entendent enfin l'appel que je lance ici ! Qu'ils cessent de se contenter du respect des équilibres financiers ! Qu'ils réfléchissent sur les moyens à mettre en oeuvre pour inverser le processus en cours, qu'ils s'interrogent sur la manière de le faire ! La société réunionnaise, on l'a dit et on le redit, est profondément inégalitaire. Et ces inégalités sont en quelque sorte légalement organisées. Tandis que les salaires de la fonction publique sont majorés de 53 % par rapport à ceux de la métropole, les revenus du RMI sont, eux, minorés de 20 %. Sans doute le principe d'égalité républicaine n'est-il pas contesté, mais on insiste sur les défaillances de la politique d'insertion et ses effets pervers, au premier rang desquels on désigne du doigt l'assistanat et le travail au noir qu'il encouragerait. Ainsi le RMI donne-t-il matière


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à une abondante littérature qui pourrait laisser entendre à un esprit mal disposé que les choses iraient mieux si cette encombrante mesure n'existait pas...

Tout le monde parle du RMI. Mais, derrière les chiffres et les analyses, que sait-on de la réalité quotidienne, du « vécu » des allocataires ? Comme vous l'imaginez probablement, j'en rencontre tous les jours. Mon é chantillon vivant n'est peut-être pas exactement conforme à la rigueur statistique, mais ce que disent de leur vie ces hommes et ces femmes pourrait néanmoins, me semble-t-il, être pris en considération quand il s'agit de prendre les décisions qui les concernent.

Je vais donc vous parler de Marie, six enfants, bénéficiaire du RMI. Officiellement, elle vit de différentes allocations, mais celles-ci sont loin de lui suffire.

Alors, trois mois par an, dix heures par jour, elle récolte des piments. Elle est payée pour cela 120 francs par jour. Son employeur ne la déclare pas et lui explique que c'est à prendre ou à laisser.

Pour compléter ses revenus, Marie accepte donc d'être hors la loi. Etre hors la loi, c'est rester dix heures par jour debout, à douze francs de l'heure, sous un soleil de plomb, pour cueillir un à un ces piments qui l'obligeront le soir, pour atténuer la brûlure de ses mains, à s'attaquer sans délai à la lessive.

Je voudrais aussi vous parler de ce couple qui habite Sans-Souci, c'est le nom ironique de leur quartier. Ils ont trois enfants et 4 400 francs par mois. Ils calculent tout : le riz, les grains, le sel, le lait des enfants et le gaz, qu'ils remplacent, dès que c'est possible, par du bois. Pour se permettre ce qu'ils appellent un « extra », il leur arrive de travailler au noir : pour 120 francs, ils désherbent un champ.

Il y a peut-être, il y a sans doute, des abus. Mais ces abus constituent-ils vraiment les injustices les plus insupportables dans un monde où, comme le disait Balzac,

« règne l'omnipotence, l'omniscience, l'omniconvenance de l'argent ? » Je souhaite que la loi d'orientation que nous avons tous à l'esprit en examinant ce budget prenne en compte ces réalités. En examinant ce budget, c'est bien en effet à cette loi que nous pensons tous. Rendez-vous est pris pour l'adoption prochaine d'un texte qui réponde loyalement aux aspirations du plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Anicet Turinay.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le temps m'étant compté, et mon collègue Henry JeanBaptiste ayant exprimé avant moi des réflexions que je partage, je dirai rapidement que, au regard des chiffres, le budget que vous nous proposez est acceptable, bien que les graves difficultés de l'outre-mer exigent toujours davantage.

Mais les chiffres doivent traduire une politique ambitieuse, rationnelle et cohérente, étendue dans le temps, véritable priorité de l'action gouvernementale, politique à la mesure de la gravité des problèmes de l'outre-mer.

Je ne discerne pas cela dans votre budget, mais vous nous direz sans doute que la loi d'orientation rectifiera le tir ; aussi me contenterai-je d'évoquer la situation spécifique de Saint-Pierre et Miquelon.

Depuis quelques années, l'archipel fait face à l'une des crises économiques les plus dures de son histoire. Les causes en sont l'échec de l'arbitrage frontalier de New York en 1992, l'arrêt total des activités de pêche industrielle à la morue et la fermeture des usines de transformation à partir de 1993. Le port est déserté et l'activité est considérablement ralentie, ce qui entraîne des pertes de recettes douanières importantes pour les budgets des collectivités, auxquelles s'ajoutent 40 millions environ de pertes de recettes annuelles diverses, dues essentiellement à la disparition des activités de commerce de l'alcool et du tabac sur Terre-Neuve, à la disparition quasi totale des droits de quai, à la suppression du FIDOM départemental et du FIDOM général hors contrat de plan.

Malgré ces difficultés économiques et budgétaires, malgré la perte dans cette petite collectivité territoriale de plus de 300 emplois directs dans les secteurs de la pêche industrielle et des activités de transformation de la morue, depuis 1994, la collectivité a assaini et équilibré son budget et la situation de l'emploi s'améliore.

Ces résultats sont dus à une politique budgétaire rigoureuse, à des investissements sans précédent dans les infrastructures et les équipements aéroportuaires, portuaires, sociaux, économiques et culturels, à la création d'une agence de développement économique, aux efforts financiers demandés aux Saint-Pierrais-et-Miquelonnais, à la concrétisation d'opérations de mise en libre pratique de l'aluminium canadien à destination de l'Europe dédouané dans l'archipel.

Ces résultats sont dus aussi à l'initiative locale et à l'apparition d'un nouvel état d'esprit, de même qu'au soutien actif de l'Etat.

Ainsi, depuis 1994, 125 projets économiques ont été étudiés et 50 % ont vu le jour, créant 206 emplois. Pour l'année 1998, le taux de chômage moyen était de 10,6 %, descendant à 7 % pendant les meilleurs mois de l'année.

Pour sortir de la crise, depuis 1996, l'archipel a décidé de tirer parti de l'ensemble de ses ressources naturelles les plus diverses, si modestes soient-elles, de tirer parti de son statut, de sa qualité de territoire associé à la Communauté européenne, de sa situation géographique aux portes de l'Amérique du Nord.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons décidé de ne pas céder à la fatalité. La population a fait le choix de prendre en main son avenir. Les Saint-Pierrais et les Miquelonnais savent qu'il ne faut pas tout attendre de l'Etat, et qu'avant d'exiger de l'Etat il faut savoir exiger de soi-même. C'est sur ce chemin dynamique que nous sommes engagés, c'est cet état d'esprit, cette volonté de sortir de la crise et de l'assistance qui sont les causes du redressement économique et des résultats actuels. Mais ces résultats demeurent fragiles et pourraient être annihilés si le Gouvernement ne mettait pas en place rapidement à l'égard de l'outre-mer une politique ambitieuse et ne s'attachait pas à défendre certains dossiers spécifiques.

J'illustrerai mon propos de quelques exemples et je poserai quelques questions.

Ce budget affiche comme première priorité l'emploi.

Les crédits sont en effet en augmentation de 16,20 % par rapport à 1999. Mais la quasi-totalité des crédits réservés à l'emploi est destinée à financer les diverses solutions d'insertion ainsi que les emplois-jeunes. Certes, la gravité de la situation exige de parer au plus pressé et ces crédits sont indispensables.

Mais c'est d'emplois durables que la jeunesse d'outremer a besoin, de véritables emplois nés de l'implantation d'activités nouvelles de production et de transformation, ou du maintien des activités existantes.


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Or l'essentiel des efforts réalisés ces dernières années à Saint-Pierre-et-Miquelon risque d'être anéanti si les dispositions visant à alléger le coût du travail ainsi qu'à encourager la transformation des produits destinés à l'exportation ne sont pas pérennisées, voire améliorées. Je vise là, bien évidemment, les exonérations sectorielles de charges sociales et les primes à la création d'emplois de la loi de 1994.

Aucune politique de diversification économique ne peut s'établir sans la mise en place de ce type de dispositions sur le long terme.

Je vous ai adressé des propositions visant à améliorer le système existant. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? A cette question du développement économique et de la diversification, il faut associer celle de l'incontournable besoin de financement externe des entreprises d'outremer. Les possibilités d'investissement offertes par la loi Pons semblent sérieusement atteintes. Je considère que la loi d'orientation doit prévoir en substitution un mécanisme nouveau et efficace. Le Gouvernement a-t-il cette intention ? Toujours à propos de l'emploi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai fait part à plusieurs reprises de la difficulté rencontrée par nos jeunes diplômés pour accéder à la fonction publique. Près de 30 % de la population de l'archipel a moins de vingt ans. Le conseil général accorde des bourses à 215 jeunes qui font leurs études dans les lycées et les universités métropolitaines.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour gérer et organiser l'accès à la fonction publique de telle façon qu'il soit mis fin à une situation qui laisse les jeunes Saint-Pierrais-et-Miquelonnais, souvent fortement diplômés, sur le bord du chemin et au chômage, alors que des fonctionnaires de passage, se livrant à un transit permanent, viennent occuper les postes que ces jeunes espéraient ? Ne laissons pas se développer un dangereux état d'esprit xénophobe, mais responsabilisons la jeunesse en l'encourageant. Ce sera faire preuve de justice et cela conduira sur la voie de la dignité.

J'ai évoqué les investissements sans précédent réalisés par la collectivité territoriale depuis 1994. L'aéroport, financé par l'Etat aux deux tiers, coûte néanmoins 100 millions à la collectivité territoriale. Les investissements ne se sont pas limités à cela et s'étendent aussi au port de Miquelon, au musée Archives, au logement social, aux travaux d'eau et d'assainissement, pour ne citer que ceux-là. Les recettes nouvelles qui étaient engendrées par les opérations de mise en libre pratique concernant l'aluminium canadien à destination de la Communauté européenne, dédouané à Saint-Pierre, sont indispensables au remboursement de la dette ainsi qu'au financement des opérations en cours et des nouveaux projets.

Ces opérations s'appuyaient sur l'article 101, alinéa 2, de la décision 91/492 du Conseil de la Communauté, ainsi que sur la loi statutaire de 1985.

Vous connaissez le dossier, ces opérations étant actuellement suspendues dans l'attente d'une décision de la Commission, suite à une enquête de l'OLAF.

Je souhaiterais que vous indiquiez à la représentation nationale l'opinion du Gouvernement sur cette affaire et que vous nous précisiez, si cela vous est possible, à quel stade de la réflexion en est la Commission.

M. Henry Jean-Baptiste.

Très bien !

M. Gérard Grignon.

S'agissant de l'exercice budgétaire 1999, l'arrêt des activités se traduit par une perte de recettes budgétaires d'une vingtaine de millions et, vraisemblablement, par une difficulté, voire une impossibilité pour la collectivité territoriale de proposer un budget pour l'exercice 2000 au cas où la réponse de la Commission serait tardive ou négative.

D'une façon générale, le coût du fret maritime et les tarifs aériens sont des obstacles majeurs au développement et à la diversification économique de l'archipel.

Le coût du transport de marchandises est, en dépit de la subvention de l'Etat, beaucoup trop élevé, mais, comme je sais que l'inspecteur général Hamon est actuellement sur place pour analyser cette question, je ne m'étendrai pas sur ce point aujourd'hui.

Par contre, je vous ai saisi par courrier la semaine dernière, ainsi qu'en commission des lois, du problème des tarifs aériens, qui sont absolument prohibitifs pour la circulation des personnes et entravent toute volonté de développement touristique. De surcroît, ces tarifs ont été sérieusement augmentés suite à deux décisions récentes d'Air France que j'estime scandaleuses et totalement incohérentes par rapport à l'investissement lourd de 372 millions de francs sur le nouvel aéroport, puisque le coût d'un billet Paris Montréal Halifax Saint-Pierre, aller et retour, passerait en classe économique de 10 742 francs à 18 964 francs.

Q uelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour remédier à cette situation ? Quelle impulsion comptez-vous donner pour que la nouvelle infrastructure aéroportuaire réponde aux attentes de la population ? Toujours dans le cadre de la diversification des activités économiques de l'archipel, je viens de déposer une proposition de loi visant à créer à Saint-Pierre-et-Miquelon un registre d'immatriculation des navires. Cette proposition constitue aux yeux de divers spécialistes une solution à la crise profonde que rencontre actuellement notre marine marchande ; c'est aussi une possibilité d'emplois et de recettes pour la collectivité territoriale. Le Gouvernement a-t-il l'intention de la faire aboutir ? Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, suite à un amendement adopté par le Parlement à la loi de finances de 1999, les exploitations d'hydrocarbures dans la ZEE française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon devront être soumises à une redevance levée par la collectivité territoriale.

Je ne m'étendrai pas sur le sujet, puisque le temps est limité. Mais, d'après mes informations, les négociations avec la délégation canadienne sont improvisées et mal préparées du côté français. Il n'est pas normal qu'en pleine réunion on discute ouvertement de stratégie et que les partenaires ne soient pas d'accord.

L'arbitrage de New York et la défense de nos droits historiques de pêche sont pourtant des dossiers suffisamment douloureux pour que l'expérience ne soit pas renouvelée avec la question de l'exploitation des hydrocarbures, fondamentale pour l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Je tenais, monsieur le secrétaire d'Etat, à appeler votre attention sur ce point et à vous demander de bien vouloir nous faire part de vos premières réflexions.

Je voudrais également attirer tout particulièrement votre attention sur la situation de la commune de Miquelon, dont la population traverse une période difficile du fait de la fermeture et de la liquidation du matériel de Miquelon SA ainsi que de l'arrêt, que nous espérons momentané, des activités de quarantaine animale.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que les dossiers relatifs à cette commune, dans le cadre de la préparation du contrat de plan mais aussi hors contrat de plan,


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soient examinés avec toute l'attention qu'ils méritent, d'autant que Miquelon ne dispose pas, dans son budget, de possibilités de financement.

Par ailleurs, le système de protection sociale dans l'archipel demande que l'on mène très complètement une analyse comparative avec la législation métropolitaine.

Nous nous en sommes aperçus avec le problème qui concerne la CMU. Mais d'autres questions se posent : faut-il appliquer la loi de 1975, mettre en place le régime i nvalidité métropolitain ou conserver les dispositifs locaux ? De plus, le coût élevé de la vie et les dernières augmentations du fuel dans un archipel où la part du chauffage dans le budget des ménages est très importante, mettent les retraités du privé en difficulté, d'autant que la plupart d'entre eux ne perçoivent que de faibles pensions, le système d'assurance vieillesse n'existant que depuis 1987.

La plupart des marins retraités se trouvent dans la même situation, leur pension n'étant toujours pas majorée des 40 % qu'ils réclament depuis plusieurs années.

De même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez été saisi de la juste revendication des agents hospitaliers et des agents des collectivités locales sur la question de leur retraite.

Autant de sujets graves et importants lesquels, à mon sens, demandent une mise à plat du système local de protection sociale, en étroite concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, afin de prendre les décisions les mieux adaptées au contexte et de rectifier les inégalités entre les divers régimes de retraites. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'impulser cette action dans les meilleurs délais ? Autre question, relative aux marins observateurs de l'Archipel : les crédits correspondant à leurs contrats ontils été reconduits pour l'exercice 2000 ? J'évoquerai également tout à l'heure la situation des agents de France Télécom lors de l'entretien que nous pourrons avoir.

Je serai donc très attentif à vos réponses, monsieur le secrétaire d'Etat. Celles-ci dicteront, bien évidemment, ma décision quant aux crédits que vous nous proposez.

(Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion du projet de budget d'outre-mer pour l'an 2000 intervient dans un contexte économique, social, voire politique, plutôt chahuté à la Guadeloupe. Grèves, manifestations, mais aussi poussée de la délinquance, violences, et j'en passe. Les médias nationaux s'en sont d'ailleurs faits très largement l'écho, parfois avec quelques excès que nous pourrions mettre sur le compte de la difficulté à appréhender la dynamique et les contradictions de formations sociales lointaines et particulières comme les nôtres. Toujours est-il que l'ambiance actuelle à la Guadeloupe est sans aucun doute la traduction, l'expression du maldéveloppement et du réel mal-être de notre société.

Le désarroi de l'ensemble des couches de la société constitue un terreau favorable à toutes les dérives, les acteurs apparents étant souvent entraînés dans des mouvements dont ils ne maîtrisent pas toujours ni les tenants ni les aboutissants.

C'est ce malaise que je percevais déjà lorsque, l'an dernier, à l'occasion du grand débat du 23 octobre que vous aviez fort opportunément organisé sur l'outre-mer, j'attirais l'attention sur le « désarroi qui s'empare de ces nombreux exclus du système, installés dans le chômage, la p auvreté, avec souvent des conditions de logement indignes de notre temps et qui constituent une armée de gens qui n'ont rien à perdre et qui ne demandent qu'à en découdre avec le système ».

J'avais alors évoqué, et cela avait pu faire sourire, l'idée

« du volcan qui gronde mais dont on ne peut prévoir avec certitude et précision le moment de son éventuelle explosion ».

Le contexte est aujourd'hui encore le même et il nous faut agir avec pertinence et rapidité, tant sur les manifestations du mal, certes, que, surtout, sur ses causes. Certainement conscient de cette exigence, monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez, en conclusion du débat du 23 octobre 1998, annoncé la mise en chantier d'une loi d'orientation pour les départements d'outre-mer.

Beaucoup de nos compatriotes et de mes collègues élus avaient caressé le rêve que cette loi soit opérationnelle au titre de l'an 2000. Mais nous savons que des contraintes de divers ordres n'ont pas permis de transformer ce rêve en réalité. Qu'à cela ne tienne, et gageons plutôt que le temps pris permettra de rendre les dispositions de cette loi d'orientation qui sera votée l'an prochain plus pertinentes, à la mesure de l'enjeu et des espérances de nos forces vives et, plus généralement, de nos populations.

En terminant sur ce point, je ne peux m'empêcher de f éliciter le Gouvernement non seulement pour sa démarche d'analyse approfondie, mais également pour sa volonté de concertation. Je veux ici faire référence à tous l es rapports déjà cités par mes collègues et qui c ontiennent des matériaux d'excellente facture pour orienter les choix et souligner la volonté du Gouvernement d'affiner une dernière fois son projet par la consultation très prochaine des élus et, à travers eux, des forces vives, avant de formaliser le projet définitif qui sera soumis au Parlement.

En attendant donc de pouvoir décider des mesures qui traiteront, nous l'escomptons tous, le mal dans son fondement, votre projet de budget s'attaque à certaines de ses manifestations les plus cruellement ressenties, parce que traduisant l'exclusion inacceptable d'une importante frange de nos concitoyens, au premier rang desquels s'inscrivent les jeunes, diplômés ou non.

Vous avez donc raison, monsieur le secrétaire d'Etat, de traduire fortement dans votre projet de budget la priorité que vous accordez à l'insertion.

En augmentant de 16,2 % les crédits mis à la disposition du FEDOM, vous vous donnez les moyens de votre ambition, que nous partageons bien évidemment, à savoir : le financement de 58 000 nouvelles solutions d'insertion, mobilisant toutes les formules de contrats aidés, des CES aux emplois-jeunes en passant par les contrats d'accès à l'emploi.

Cet effort étant fort justement consenti, il reste, monsieur le secrétaire d'Etat, à mobiliser dans un même élan l'ensemble des partenaires concernés, publics ou privés.

De ce point de vue, l'information en direction des bénéficiaires potentiels comme envers les entreprises et les associations sera un gage de succès.


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De la part des collectivités locales qui interviennent dans le dispositif, on peut craindre une certaine frilosité, en raison de leur fragilité financière et des contraintes qui s'imposent à elles pour mettre en oeuvre les dispositions statutaires de la fonction publique territoriale.

Toujours dans le registre de l'emploi, vous avez répondu à notre attente exprimée l'an dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, en confortant le service militaire adapté dans ses missions de formation et d'insertion, et dans sa fonction d'utilité sociale, en le dotant des crédits nécessaires pour 600 emplois nouveaux en l'an 2000.

Nous nous en félicitons.

Enfin, dans le domaine de la formation, outre l'effort général qui vous faites pour offrir à nos jeunes des parcours qualifiants, l'implication financière de l'Etat au niveau de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer - à hauteur de 43,7 millions de francs - va dans le sens souhaité et mérite d'être pérennisée, voire confortée.

Vous avez eu encore raison, monsieur le secrétaire d'Etat, en confirmant votre volonté de promouvoir concrètement l'insertion de nos compatriotes par le logement, en maintenant à un bon niveau - 918 millions de francs - les crédits affectés à la politique du logement social, outre les sommes correspondant à la créance de proratisation.

Dans ce registre, je voudrais, comme d'autres collègues l'ont fait avant moi, saluer la décision d'inscrire au budget la somme de 30 millions de francs destinés à favoriser l'acquisition du foncier par les familles concernées par la mise en oeuvre de la loi sur les cinquante pas géométriques.

Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que les décisions politiques traduites fort judicieusement dans ce budget connaissent leur plein effet, un certain nombre de conditions doivent être réunies.

Tout d'abord - et je ne fais que me répéter par rapport à l'an dernier -, les procédures de mobilisation de la L BU doivent être rendues plus fluides. C'est une demande de l'ensemble des opérateurs.

Ensuite, il faut rendre les marchés captifs pour nos entreprises artisanales qui, aujourd'hui, sont trop souvent exclues des marchés du fait de leurs difficultés fiscales et sociales. En ce sens, un dispositif particulier devrait être envisagé en leur faveur, au plus tard dans le cadre de la loi d'orientation, pour les réinsérer dans le circuit économique et leur permettre de jouer pleinement leur rôle économique : la création de valeur ajoutée et d'emplois.

Par ailleurs, les dispositions légales et réglementaires qui constituent le contexte dans lequel se développe le secteur du logement social doivent être ajustées dans le sens d'une meilleure adaptation et d'une meilleure cohérence. Je ne veux ici faire référence au dispositif « des prêts reconstruction-démolition » sur lequel votre attention a déjà été appelée, mais aussi à la contradiction qu i semble exister entre les dispositions du décret du 28 juin 1999 portant revalorisation des allocations-logement, et celles de l'arrêté du 29 avril 1997 visant à favoriser l'accession très sociale dans les DOM. J'aurai l'occasion, très prochainement, d'évoquer plus en détail cette question avec vous.

De même, monsieur le secrétaire d'Etat, j'encourage vivement le Gouvernement à adapter encore mieux la réglementation en matière de propriété du sol à l'occasion des opérations d'amélioration des logements en diffus.

Enfin, le rôle des PACT et la maîtrise du foncier s'inscrivent aussi parmi les conditions qui faciliteront ou non la réussite de la politique du logement social que vous conduisez au nom du Gouvernement. Aussi est-ce avec satisfaction que j'ai pris connaissance de la charte pour le développement des PACT ainsi que de l'annonce du Premier ministre concernant la mise en place prochaine d'un f onds régional d'aménagement foncier et urbain - FRAFU - à la Guadeloupe.

Vous aviez, monsieur le secrétaire d'Etat, le 29 juin dernier, réaffirmé votre volonté forte de mettre en valeur la richesse culturelle de l'outre-mer, en présentant le fonds d'aide aux échanges culturels pour l'outre-mer, destiné à « favoriser la circulation des oeuvres et des artistes et à développer les échanges artistiques et culturels entre l'outre-mer et la métropole, l'Europe et les pays situés dans leur environnement régional ».

Le budget de l'an 2000 vous donne l'occasion de traduire votre volonté en moyens financiers substantiels : 18 millions de francs, dont 9 sont pris en charge par le ministère de la culture. Autant de moyens qui permettront au fonds, je l'espère, de jouer pleinement son rôle au service de la promotion de nos cultures. Vous l'avez dit, le 29 juin, les projets qui seront soutenus devront s'inscrire dans les « deux dynamiques complémentaires d'échanges d'outre-mer métropole, d'une part, de coopération régionale, d'autre part.

J'étais au début du mois à Saint-Domingue, à un colloque sur la coopération décentralisée. J'ai pu mesurer combien nos voisins de la Caraïbe souhaitent coopérer avec nous et avec quelle attention - une attention aussi soutenue que la nôtre - ils ont suivi les propos du Premier ministre en conclusion du séminaire de Fort-deFrance sur la coopération régionale. Votre action va donc dans le bon sens, monsieur le secrétaire d'Etat. J'espère qu'elle trouvera sa pleine mesure avec les dispositions de la future loi d'orientation relatives aux nouvelles compétences qui seront dévolues aux collectivités locales en matière de coopération régionale.

Votre projet de budget dégage également les moyens financiers nécessaires pour permettre à l'Etat d'initier le 12e Plan dès l'an 2000 dans l'outre-mer. Je m'en réjouis.

Et puisque l'occasion m'est donnée ici, je voudrais souhaiter, au moment où l'on entre dans la dernière phase des négociations des contrats de plan Etat-région et des contrats de ville, que la Guadeloupe puisse mobiliser les ressources relativement importantes qui lui seront réservées vers le développement durable, dans toute l'acception de cette formule, et non plus seulement dans la mise en oeuvre d'un programme d'équipements, fussent-ils structurants. Il est courant de dire que la Guadeloupe s'équipe, mais ne se développe pas vraiment. Il faut donc inverser le cours des choses.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget pour l'an 2000 vous donne les moyens d'assumer les engagements pris par l'Etat envers nos compatriotes de l'outre-mer. Mais les appréciations ont été portées sur ce sujet tout à l'heure.

En définitive, ce projet de budget, établi à 6,36 milliards, vous donne les moyens de répondre aux préoccupations immédiates de nos compatriotes d'outre-mer, singulièrement dans le domaine de la lutte contre l'exclusion. C'est pourquoi, comme nombre de mes collègues d'outre-mer, je le voterai sans hésiter.

Pour autant, j'ai clairement conscience que les objectifs poursuivis ne seront pleinement atteints que si nos sociétés s'inscrivent résolument dans une dynamique de déve-


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loppement durable entraînant l'ensemble des acteurs publics et des forces vives, valorisant nos atouts et nous donnant les moyens de produire de la vraie valeur ajoutée.

Cela suppose, outre la formation des hommes et leur mobilisation, la reconstitution de la capacité financière des collectivités locales, au premier rang desquelles il faut placer les communes ; le réajustement du contexte légal et réglementaire dans lequel évoluent nos petites entreprises, aujourd'hui en situation d'exclusion ; une clarification des domaines d'intervention des différentes collectivités territoriales ; l'accroissement des compétences, des décideurs locaux, notamment en matière économique et de coopération régionale. Les accords de pêche, qui posent encore aujourd'hui problème, réclament une solution urgente.

Pour tout cela, il faudra procéder aux aménagements institutionnels qui s'imposent et ce sans complexe, sans tabous, sans partis pris.

Bref, j'ai conscience que toutes ces dispositions, de nature à favoriser un développement durable, garant de l'insertion pérenne de nos populations, ne relèvent pas de ce budget, ni d'un seul budget, mais doivent trouver leur place dans cette loi d'orientation que tout le monde attend dans les départements d'outre-mer.

Je vous fais confiance, monsieur le secrétaire d'Etat, comme je fais confiance au Premier ministre, pour que cette loi d'orientation à venir soit à la mesure de toutes ces attentes et nous donne enfin les moyens d'être fiers de ce que nous sommes et de ce que nous faisons chez nous, tout en étant fiers de vivre sous la bannière de la République.

Forts de notre appartenance à la majorité gouvernementale, de notre éthique de la responsabilité, de notre volonté de recrédibiliser l'action publique aux yeux de nos concitoyens et de notre connaissance du terrain, nous vous aiderons, si vous nous le permettez, à faire les bons choix qui engageront nos sociétés vers un avenir prometteur et honoreront la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré lors de votre récente visite en Polynésie française : « Une nouvelle période va s'ouvrir. Je souhaite qu'elle soit riche d'avenir pour la Polynésie française.

Sachez que l'Etat est prêt à y contribuer. »

Vous avez pu le constater, la Polynésie est entrée depuis 1996, date de l'arrêt des essais nucléaires, dans une nouvelle période ; elle est sur la voie d'une nouvelle économie, plus indépendante et plus diversifiée, s'appuyant sur le développement de ses propres ressources.

Elle est donc en pleine évolution économique, sociale et politique.

L'Etat s'est engagé au côté de la Polynésie française en signant deux accords ; le contrat de développement pour la période 1994-1999 et la convention pour le renforcement de l'autonomie économique. Il s'agit de stimuler le développement économique afin de réduire la dépendance extérieure et de développer l'emploi.

A ujourd'hui, en 1999, cette volonté commune commence à porter ses fruits. Le taux du chômage, 11,8 % en Polynésie, a été contenu à un niveau sensiblement proche de celui de la métropole. Notre balance commerciale s'est améliorée. De 6,7 % en 1992, le taux de couverture réel des importations par les exportations est passé à 15 % en 1998.

Mais le développement constaté n'aurait pas été possible sans l'application de la loi de défiscalisation, dont les effets ont été très nets dans les secteurs du tourisme et de la mer.

Devant de tels résultats de notre économie, il conviendrait de ne pas s'arrêter. Il nous faut maintenir, voire accentuer nos efforts dans les domaines suivants : la protection sociale, le logement, l'insertion et la formation de nos jeunes, la recherche et l'environnement, la promotion de la culture.

Nous souhaitons profondément, monsieur le secrétaire d'Etat, que la loi de finances pour 2000 traduise plus que jamais la volonté de l'Etat d'accompagner les efforts sans cesse plus importants que fait la Polynésie française sur la voie de son développement. Or l'économie générale du budget de l'outre-mer ne me paraît pas refléter cette volonté. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez apaiser mes craintes ou me donner des recettes pour avoir la même grille de lecture que vous du budget.

Le droit au logement est fondamental, notamment pour les plus démunis et les jeunes couples. Les programmes de logements sociaux en cours - 1000 sont en construction - bénéficient du soutien de l'Etat. Ces programmes sont ambitieux car les retards sont importants.

Autant que pour votre ministère, c'est une priorité pour la Polynésie française. Je souhaite que l'esprit de partenariat dans lequel se déroulent ces opérations soit maintenu, car il est exemplaire.

En matière d'insertion et de formation, surtout lorsqu'il s'agit des jeunes, nos préoccupations rejoignent les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat.

Nos jeunes représentent 51 % de la population de la Polynésie.

La loi d'orientation de 1994 dispose bien que « l'Etat contribuera aux mesures ayant pour objet de favoriser l'insertion sociale des jeunes du territoire ». C'est pourquoi les chantiers de développement ont été mis en place ; ils ont pour objet de donner aux jeunes les plus défavorisés une formation d'accompagnement spécifique.

Or le chapitre qui finance ce dispositif est en baisse de 22 % pour 2000.

L'insertion des jeunes passe aussi par leur formation. A cet égard, si le budget de l'enseignement scolaire n'appelle pas de remarque particulière, je voudrais appeler votre attention sur celui de l'enseignement supérieur.

Le développement de l'enseignement supérieur est étroitement lié aux besoins de cadres de la Polynésie.

L'université de Polynésie française vient d'être créée ap rès bien des péripéties juridiques ; il convient à présent de lui donner les moyens de fonctionner et d'accueillir les étudiant. Les infrastructures d'hébergement se révèlent insuffisantes. En effet, le nombre d'étudiants est en constante augmentation - 23 % en quatre ans - alors qu'en métropole les universités enregistrent une baisse depuis cinq ans. Nous comptons 1 685 étudiants en 1998-1999.

Le territoire vient de lancer un nouveau programme de c onstruction de logements universitaires, mais leur nombre risque d'être insuffisant si nous devions développer les échanges avec les universités de la région. N'oublions pas que l'université de Polynésie contribue au rayonnement de la civilisation française dans le Pacifique et qu'à ce titre elle mérite le soutien de l'Etat.

Dans une de vos interventions, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez précisé que priorité devait être donnée à la recherche et à l'environnement. Mais cette priorité n'apparaît pas dans le budget, qui n'augmente que de


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1,6 % pour ce secteur. Or, si nous voulons accélérer le développement économique, nous devons accentuer notre effort en matière de recherche, en particulier dans les secteurs porteurs tels que la perliculture, la pêche, le tourisme, la santé et l'environnement. Un nouvel élan est donc indispensable dans le domaine de la recherche.

Vous avez souhaité pour notre territoire « un développement respectueux des personnes, mais aussi de la terre, de l'eau, de l'air ». Ce souci vous honore. Mais il est regrettable de constater la disparition des crédits pour la Polynésie en provenance du ministère de l'environnement. En effet, la protection et la valorisation de l'environnement ainsi que la préservation des réserves naturelles figurent parmi les conditions du développement économique et social de nos îles.

Pour les TOM, le budget de la culture affiche un montant global de 20 millions de francs. Je m'interroge sur la part qui reviendra à la Polynésie. J'ai déjà eu l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, d'attirer votre attention sur la manière dont le secteur culturel y est traité.

J'aimerais, avant de conclure, vous demander des précisions sur quelques points qui ne relèvent pas directement du budget de l'outre-mer.

Concernant le prochain contrat de développement, pourrions-nous avoir l'assurance que le montant des concours de l'Etat ne sera pas en retrait par rapport au contrat actuel ? Pour ce qui est du financement du fonds intercommunal de péréquation, le Gouvernement a-t-il trouvé la solution juridique permettant de compenser l'arrêt de l'intervention de l'Etat ? Enfin, je souhaiterais appeler votre attention sur la situation du centre pénitentiaire de Nuutania. Ce n'est pas dans le cadre de ce budget, je le sais, que nous pourrions en envisager la reconstruction. Mais les conditions de vétusté sont telles que son maintien en l'état n'est pas envisageable dans un pays qui est le berceau des droits de l'homme.

Trop de discours politiques ont précédé le projet de loi de finances pour 2000. Ils nous ont bien bercés, nous y avons cru. Nous voulons y croire encore, tant les propos que nous avons entendus sont empreints de sincérité et traduisent des élans du coeur. Nous découvrons, hélas, tous les jours, la dureté de la réalité et nous finissons par nous y habituer.

La réalité est que le Gouvernement de la République sait qu'il a des devoirs envers ses peuples d'outre-mer, qui font partie de la communauté nationale. Mais lorsque vient le moment de les assumer, on se rend compte qu'il n'a pas les moyens de sa politique. C'est là que réside la frustration des peuples d'outre-mer. Ils sont trop marqués par leur culture orale et la valeur de la parole donnée. Ils ont mis leur confiance dans la République française, ne les décevons pas, sachons mériter et garder leur confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Elie Hoarau.

M. Elie Hoarau.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de l'outre-mer pour l'an 2000 augmente beaucoup plus que le budget général. Nous ne pouvons que vous féliciter des avancées que vous obtenez, année après année, pour l'outre-mer, et cette année un peu plus que les autres. C'est pour cette raison que je voterai votre budget.

Toutefois, je crois le moment venu de constater que le modèle de développement qui prévaut actuellement dans les départements d'outre-mer a atteint ses limites.

Non parce qu'il n'affiche aucun résultat : ces résultats existent et, en d'autres circonstances, ils auraient pu appa-r aître comme remarquables. Notre collègue Michel Tamaya, tout comme le rapporteur Jérôme Lambert, en ont rappelé quelques exemples. Je retiendrai pour ma part le taux de croissance, bien plus élevé dans les départements d'outre-mer que dans n'importe quelle autre région de l'Union européenne, ou encore le nombre relativement élevé d'emplois créés chaque année, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Mais rapportés aux besoins toujours plus élevés de la population en rai-s on de la progression démographique, ces résultats finissent par être insuffisants et, en tout état de cause, incapables d'apporter des solutions durables, notamment au problème grave qui nous préoccupe le plus : la situation de l'emploi.

Il faut donc nous tourner vers d'autres choix économiques tout en consolidant les filières existantes. Ces nouveaux choix devront rendre notre appareil de production compétitif et capable à la fois de conquérir de nouveaux marchés extérieurs et de répondre à la demande d'un marché local en expansion : à la Réunion, il pourrait comprendre un million d'habitants d'ici à vingt-cinq ans.

Pour atteindre ces objectifs, nos entreprises, encore jeunes et fragiles, devront bénéficier d'exonérations de charges sociales et fiscales, ce qui suppose, en attendant l'élaboration de nouvelles mesures, la prorogation des dispositifs existants. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat, que tel sera bien le cas ? Les nouvelles mesures devront être plus efficaces que celles en vigueur qui, soulignons-le, ont eu le mérite d'exister. Pour être performantes, elles devront aussi être débarrassées de tout ce qui pourrait ouvrir la porte à des dérives inadmissibles.

Ces mesures devront par ailleurs être assorties de l'obligation d'embaucher, afin que l'aide au développement économique soit une aide à l'emploi. Car la lutte pour l'emploi ne saurait se cantonner au seul traitement social du chômage, qui confine des dizaines de milliers de jeunes dans la précarité, avec toutes les conséquences désastreuses que nous observons chaque jour, notamment la délinquance.

Nos jeunes ont besoin de voir leur horizon s'éclaircir.

Leur bon niveau de formation, combiné aux besoins locaux et régionaux dans le domaine des nouvelles technologies, doit nous inciter à envisager un déploiement et un transfert de notre savoir-faire. Cela ouvrirait la voie à un vaste champ de coopération ou de codéveloppement avec nos voisins. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, nous aimerions savoir ce qu'il est advenu de l'idée d'offrir aux bénéficiaires d'emplois-jeunes la possibilité de mettre leurs compétences au service de la coopération régionale.

De façon plus générale, le développement d'une véritable coopération régionale exige de déterminer et de mettre en oeuvre les moyens qui permettront aux élus des départements d'outre-mer de mener des actions significatives avec les pays voisins. Sans prétendre empiéter sur les pouvoirs diplomatiques de l'Etat, l'attribution de certaines compétences à la région s'avère une nécessité si l'on souhaite aboutir à des accords qui ne relèvent pas de l'anodin. Elle est également nécessaire si l'on souhaite v raiment rendre les productions des départements d'outre-mer aussi compétitives que celles des pays ACP


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voisins ou tout simplement les protéger d'accords de libre-échange tels que ceux passés récemment entre l'Union européenne et l'Afrique.

Toutes ces mesures doivent donner une cohérence au développement de nos pays. Ce sera, je l'espère, l'objet de la future loi d'orientation, bientôt soumise à notre assemblée.

Cette loi, qui établira les grandes orientations du développement économique, social et culturel des départements d'outre-mer, devra aussi donner aux élus et aux autorités locales les moyens d'agir plus efficacement en faveur du développement.

Il est prévu que la loi d'orientation comprendra un volet relatif à l'aménagement du territoire. C'est ce qui nous a été dit lors du débat sur la loi Voynet. Ce sera l'occasion, je l'espère, de corriger les déséquilibres dont souffre la Réunion, et particulièrement le sud et l'est de l'île. Les déséquilibres actuels font que ces deux régions de la Réunion accusent des retards importants, aussi bien sur le plan de l'emploi que sur celui de la formation ou encore des revenus des ménages.

La concentration des centres de décision et des services, véritables moteurs de l'économie réunionnaise, dans le nord de l'île, où se trouvent en outre le port et l'aéroport, est la cause principale de ces déséquilibres. Si l'on souhaite rééquilibrer et dynamiser les régions en retard, la simple logique commande d'implanter dans ces régions des centres de décision et des services.

La création d'un deuxième département vise cet objectif. Avec mes collègues de la Réunion, je dis que la bidépartementalisation, qui est une réorganisation administrative, est la seule réponse à l'attente des populations défavorisées de l'est et du sud. C'est aussi la seule mesure susceptible de donner aux autorités locales et aux élus les moyens décisionnels nécessaires au développement de leurs régions en retard. Ces régions, je le dis à l'attention de nos collègues qui sont venus en mission sur notre île, regroupent plus de la moitié de la population réunionnaise. C'est dire l'importance de l'enjeu d'une telle réorganisation administrative à laquelle sont attachés tous les députés de la Réunion, sa représentation parlementaire unanime. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons tous relevé que la discussion budgétaire de cette année se situait entre rapports et loi d'orientation. C'est une situation plutôt commode pour vous, monsieur le secrétaire d'Etat, tant la tentation peut être forte - et fondée, d'ailleurs - de renvoyer nos questions et nos observations de fond à la discussion sur le projet de loi d'orientation. Mais c'est une situation assez inconfortable pour nous, qui pouvons considérer que l'exécutif est suffisamment éclairé et informé par ces rapports, ces travaux savants rédigés par des parlementaires, des hauts fonctionnaires, des experts.

En insistant sur des faits graves, nous pourrions avoir l'impression de ressasser des éléments déjà connus, mais qu'il nous faut pourtant rappeler ici.

Nul mieux que moi ne peut attester du poids de ces rapports car, vu mon gabarit, lorsque je les emporte pour les étudier de nuit à la maison, je sais bien quelle tension ils exercent sur mes biceps ! (Sourires.)

Personne d'ailleurs n'est invité à commenter le mauvais usage que je fais de mes nuits. (Sourires.)

Les derniers rapports commandés par le Gouvernement étaient ceux de MM. Lise, Tamaya et Fragonard, précédés par ceux de Mme Mossé et M. Merle, eux-mêmes précédés par les rapports Belorgey et Peyronet, précédés encore... mais je m'arrête parce qu'on pourrait remonter ainsi jusqu'à l'ère des hiéroglyphes, tant l'habitude de rapporter et de faire rapporter est inscrite dans les méthodes des gouvernements et des pouvoirs qui veulent s'inscrire dans la durée.

A ces rapports s'ajoutent d'excellents documents élaborés chez nous, dont on ne parle pas ici, car ils sont rédigés dans une autre perspective que celle de renseigner l'Etat et de lui suggérer quelques mesures pour désamorcer une impatience que personne n'ose plus trouver illégitime.

Je pense notamment à ce rapport de l'Union des médecins libéraux de Guyane, très informatif sur les enfants et les adolescents, à des rapports sectoriels sur l'éducation et les méthodes pédagogiques innovantes, notamment en matière de langues natives, sur la santé publique en milieu rural, sur la justice et l'accès au droit, sur le troisième âge, bref sur des tas de sujets qui prouvent à la fois la capacité d'analyse, de réflexion, de proposition disponible sur place et la diversité des initiatives. Je ne recense pas, bien entendu, les ouvrages et les articles qui nous instruisent à la fois sur notre passé, sur notre présent et sur nos avenirs possibles.

Cet amoncellement de rapports me rappelle cette délicieuse bande dessinée sud-africaine, Madam and Eve, sur les relations édifiantes et désopilantes entre les maîtresses blanches et leurs servantes noires pendant et après l'apartheid. Pour le cinquième anniversaire, les humoristes avaient imaginé d'aligner les pages de tous les albums pour voir combien de kilomètres seraient ainsi couverts.

Mais quand ils ont pensé au vent qui les disperserait, à la pluie qui les détremperait, aux passants qui les piétineraient, ils ont renoncé à leur projet. C'est pour les mêmes raisons que je ne me livrerai pas au même exercice.

Je vais quand même vous dire tout l'émerveillement que j'éprouve devant ce déploiement de matière grise dont l'objet est de nous expliquer pourquoi 15 % de nos populations relèvent du RMI contre 3,1 % ici, et comment le système s'affolerait si on procédait à l'alignement du RMI avant d'avoir assuré la maîtrise du dispositif.

On nous explique également comment il faut organiser l'accès au congé solidarité pour les allocataires de plus de cinquante ans, afin de leur permettre de percevoir 2 500 francs - c'est énorme ! - au lieu de 1 700 francs par mois, parce qu'on a constaté qu'à cet âge l'insertion est un voeu pieux.

Alors, je dis très lourdement mon admiration et mon estime pour les rapporteurs, qu'ils soient parlementaires, hauts fonctionnaires ou experts. Je ne le dis pas seulement, d'ailleurs, pour corriger les effets désastreux de ce que je viens d'exposer. Je le dis d'abord parce que je les estime vraiment. Ensuite parce que, bien entendu, il y a autre chose dans leurs rapports. Enfin et surtout, parce que c'est le procédé lui-même qui aboutit à cette impasse.

Ce sujet est exemplaire du hiatus qui peut exister entre le souci de vouloir bien faire d'ici et l'attente parfois déconcertante sur le terrain.

Lorsque les audaces les plus grandes consistent à prôner l'alignement du RMI pour rattraper l'alignement récent du SMIC, nous sommes en plein dans la quadrature du cercle économique et à la borne de la logique de l'égalité sociale. La fraude au RMI, réelle sans doute, mais, j'en suis persuadée, résiduelle, dérisoire, cette fraude


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au RMI, d'ailleurs délibérément non combattue et pas seulement pour ses fonctions d'ajustement, ne justifie ni des pratiques inégalitaires, ni des mesures infantilisantes, ni des considérations humiliantes.

Le bilan du FEDOM, clair, lumineux, rigoureux, illustre d'ailleurs l'impuissance de tous ces dispositifs. Le non-emploi, la non-utilité sociale, la non-participation à l'oeuvre commune sont autant d'interdits qui sont infligés à tous les âges.

Autrement dit, quelles sont les perspectives pour un jeune de vingt à vingt-six ans ? Il sait dorénavant que la qualification, la formation, la spécialisation ne sont pas des lignes tangibles de réussite, donc des facteurs de motivation. Très rapidement, il apprend ce que sont les CES, CAE, CIA et autres emplois-jeunes. Il sait qu'il lui reste le service militaire entre conscription et volontariat.

Il découvre, souvent précocement, l'aventure, parfois douloureuse, de l'arrivée en France où il apprend très vite qu'il doit se débrouiller sans aide particulière, parce que, Français, il relève du droit commun : mais il subit les discriminations, parce qu'il n'est pas assez visiblement Français. Reconnaissons-le, il n'y a pas là de quoi entraîner les jeunes filles - pour lesquelles les perspectives ne sont guère plus ouvertes - vers le banc des amoureux, place des Amandiers, pour rêver ensemble d'un avenir radieux.

Je pourrais ainsi, sans mauvaise foi, égrener toute une litanie de griefs, comme on peut le faire pour tout budget, en rappelant, par exemple, que 80 % des crédits sont des crédits votés, ce qui laisse une marge de manoeuvre de 20 %, ou que le regroupement des crédits dispersés peut provoquer l'obésité ou, pour parler plus poliment, une croissance surfaite, même en y gagnant en cohérence ; ou que votre budget, ne couvre réellement que 10 à 12 % des sommes injectées dans nos pays ; ou surtout, qu'il entretient une consommation qui, par le biais de l'importation, subventionne davantage des économies productives extérieures qu'il n'accompagne ou ne stimule la création de richesses locales. Pour exactes qu'elles soient toutes ces observations, ne seraient peut-être pas, tout à fait loyales en regard de l'effort consenti. Aussi, plutôt que de m'appesantir sur cet aspect qui relève de la loi du genre, vous demanderai-je quelques précisions.

D'abord, dans le domaine foncier, qu'en est-il de la circulaire foncière que nous attendons depuis le décret de septembre 1998 ? Quelle part l'Etat a-t-il prévu de prendre dans le budget de l'EPAG sachant que cette part pèsera sur le calendrier de réalisation des projets choisis en concertation avec les maires ? Vous le savez, il y a une demande de législation forestière. Un texte a été déposé au Sénat : qu'en est-il ? Je serais heureuse de le savoir.

L'Etat a cédé à France Télécom, pour le franc symbolique, un terrain susceptible d'accueillir un lycée et d'autres équipements publics. Vos services m'ont dit récemment que France Télécom étant privatisée, l'Etat avait une marge d'intervention moindre. Quels moyens légaux avez-vous l'intention d'actionner pour faire en sorte que la transaction se réalise autrement que dans les conditions financières actuelles - je les trouve moralement contestables ? J'ai même saisi le ministre de l'éducation nationale de ce dossier.

Vous connaissez les problèmes de l'institution judiciaire et l'urgence des mesures nécessaires - je pense notamment à la création d'une cour d'appel de plein exercice mais aussi à l'état des bâtiments, à la vétusté des locau x, à leur exiguïté et à la laideur de la façade. Il est urgent, vous le savez sans doute, qu'une structure opérationnelle soit installée dans l'ouest guyanais de façon que les habitants de cette région cessent d'être pénalisés.

La réalité multiculturelle de la Guyane et les droits des justiciables expliquent un recours fréquent aux interprètes - en tout cas, sans commune mesure avec ce qui se passe ailleurs, y compris dans des régions frontalières. A cet égard, l'institution judiciaire se mettrait en règle en honorant les dettes contractées depuis plusieurs années à l'égard des interprètes, et il y aurait probablement lieu de s'interroger sur un statut stable pour ce personnel employé à plein temps. J'ai saisi Mme la garde des sceaux afin que ces questions soient intégrées au travail de réflexion et de proposition sur la carte judiciaire qu'elle a confié à M. Errera.

Pour ce qui est des financements européens, pouvezvous dresser un état précis des consommations réelles de crédits ? Quelles seraient les intentions de reprogrammation et les opportunités de ventilation ? Pourrions-nous obtenir une information d'étape sur les agences départementales d'insertion et sur les IEDOM au regard à la fois du statut de leur personnel et de leurs missions respectives ? Votre ministère a conclu une convention avec le ministère de la culture. Pourrions-nous en connaître le montant ? Cette convention doit faciliter le déplacement et la participation d'artistes et de compagnies à des manifestations internationales. Pouvons-nous en connaître non seulement le montant, mais les modalités d'information et d'attribution ? Avez-vous prévu un dispositif pour rendre pérennes les activités économiques et donner une santé financière solide aux artisans et aux PME ? Enfin, s'agissant des effectifs de police, compte tenu des derniers mouvements, quelle est la situation en matière de remplacement des agents et des cadres ? Notez je vous en prie mon sens du sacrifice, par dévouement parlementaire et au service de l'intérêt général, car vraiment le coeur me fend quand je vous demande des moyens de police ! Je me console parce qu'il s'agit en l'occurrence d'agents enracinés dans la société guyanaise - établissant des relations de confiance avec cette société, notamment avec les jeunes - et de personnels formés et équipés pour lutter contre le trafic de stupéfiants et combattre l'insécurité. Je vous remercie pour toutes les réponses que vous voudrez bien m'apporter.

Votre secrétariat d'Etat a commandité, en collaboration avec d'autres ministères, une enquête sur le statut juridique, sur la loi d'orientation, sur le rôle de l'Etat et des collectivités locales, sur le travail clandestin, sur les conflits sociaux et sur la commémoration de l'esclavage.

Cette démarche intéressante - parce qu'elle relève de la démocratie de consultation, dans l'attente des dérives de la démocratie d'opinion - a donné des résultats assez inattendus, même si la formulation de certaines questionse t l'interprétation, parfois aux forceps, de certaines réponses m'inspirent et une foule de commentaires.

Je m'attarderai simplement sur le rôle de l'Etat, dont 53 à 64 % des personnes interrogées considèrent qu'il favorise trop les intérêts de la métropole. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir qui pour elles, représente l'Etat, et je regrette de ne pouvoir mettre ce relatif au pluriel.

Qui donc ? Le Gouvernement ? Le préfet ? Les directions départementales ? La précision peut se révéler utile pour la détermination de politiques publiques.

En tout état de cause, les réponses ont conduit l'institut IPSOS à indiquer dans sa note de synthèse qu'il existe une forte demande d'Etat pour le maintien de l'ordre public et pour la garantie des libertés. Que l'on me permette d'offrir une autre grille de lecture. Et si cette demande d'Etat traduisait aussi et surtout une demande de suppression du désordre lié à la violence, au


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chômage, à l'insécurité, à une éducation peu adaptée, à une santé publique qui se dégrade et à une société qui ressent le péril de sa dilution ? Et si ces citoyens qui d emandent plus d'Etat n'étaient pas vraiment des citoyens confiants en un Etat impartial, arbitre, protecteur et régulateur, mais bien plutôt des citoyens inquiets de leur vulnérabilité croissante, des personnes qui ont pris conscience que l'avenir est peut-être déjà joué maintenant que les difficultés structurelles se sont accumulées ? Comment le savoir ? Peut-être en déclinant quelques questions dont nous aurions aimé qu'elles soient posées...

Que pensez-vous, par exemple, des défaillances de l'Etat dans la lutte contre la toxicomanie ? Contre le repli et le regroupement communautaires ? Contre l'accaparement des terres et la surdensité urbaine ? Contre des lois foncières discriminatoires ? Contre la concentration du pouvoir administratif et répressif au sein d'un même groupe humain ? Et, tant faire que de poser des questions impertinentes, poursuivons.

M. le président.

Pas trop longtemps !

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Seriez-vous favorable, monsieur le secrétaire d'Etat, ou non, au maintien des indemnités et des primes de moustiques ? (Sourires.)

Trouvez-vous équitable le traitement de ces primes avec celui des congés bonifiés ? Comment appréciez-vous les primes à l'incivisme dont profitent ceux qui, par exemple, construisent des immeubles et des magasins sans permis,...

M. Philippe Auberger.

Des paillotes ?

Mme Christiane Taubira-Delannon.

... qui esquivent l'impôt, qui se dérobent aux dettes sociales ? Alors que c eux qui respectent les règles s'enlisent dans les démarches ! Ne pourrions-nous demander aux enfants du Maroni et de l'Oyapoc, privés d'eau potable, s'ils sont emportés d'enthousiasme à l'annonce par le centre spatial du lancement d'Hélios au début du mois de décembre ? Je ne me livre pas là à un exercice facile de provocation. Mon expérience au sein de mon groupe parlementaire me prouve qu'il y a une grande capacité d'écoute dans cette enceinte. J'en veux pour preuve la qualité des débats que nous avons eus à propos de la reconnaissance du génocide arménien, ou de la reconnaissance de la traite et de l'esclavage...

M. le président.

Je vous prie, madame, de bien vouloir conclure. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Je conclus, monsieur le président.

Le temps est mûr pour réfléchir sur l'héritage de l'empire. L'outre-mer doit cesser d'être le lieu sacré de tous les consensus les plus flasques, comme s'il n'y avait pas d'antagonismes de classes. Un pays comme la France, capable de survivre à une telle diversité en maintenant le lien entre une population majoritairement musulmane, comme à Mayotte, un territoire avec des amérindiens et des nègres marrons se réclamant du droit coutumier, comme en Guyane...

M. le président.

Madame, je vous ai demandé de conclure.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

J'en termine, monsieur le président. Un pays capable d'établir un statut de souveraineté partagée, comme en Nouvelle-Calédonie, est un pays qui dispose de ressources insoupçonnées pour affronter la différence et cultiver l'altérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Chaulet.

M. Philippe Chaulet.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune ont largement commenté votre budget. Les uns pour en souligner les vertus ; les autres pour en faire remarquer les insuffisances. Pour ma part, je ne me livrerai à aucune mascarade car votre budget m'inspire la même litanie que l'année dernière. Je pourrais, en effet, reprendre mot pour mot les termes de mon intervention du 23 octobre 1998, pour vous interroger sur l'utilité de votre budget face à la crise extrême qui caractérise l'outre-mer.

Plus qu'hier, ce projet de budget pour l'an 2000, ne répond, en aucune manière, aux aspirations de l'outremer et encore moins à celles de la Guadeloupe. Il se révèle sans véritable portée, sans relief et sans dynamisme, pour ne pas dire atone, bref sans perspective d'avenir.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez pu mesurer l'intensité du « domo-pessimisme » qui plombe les sociétés insulaires de la Guadeloupe et de la Martinique.

Croyez-vous que vos actions d'insertion, vos actions sociales et culturelles pourront raviver l'espoir d'un meilleur lendemain en Guadeloupe ? Croyez-vous sincèrement que l'augmentation artificielle de votre masse budgétaire vous permettra réellement de répondre au besoin de logements et à la nécessité de créer des emplois durables en outre-mer ? Croyez-vous que, grâce à ce document budgétaire, les producteurs de bananes des DOM seront moins exposés aux pressions de la concurrence mondiale ? Si je ne doute pas de l'honorabilité de vos intentions, je doute néanmoins de la perspicacité de vos moyens.

Votre budget manque de souffle et il n'est pas à la hauteur d'un projet d'avenir pour l'outre-mer.

A vrai dire, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget est un acte de gestion courante que votre majorité se chargera d'entériner.

Pour ma part, sans épiloguer, sans détour et sans hypocrisie, je dis d'ores et déjà que je ne le voterai pas puisque c'est un tout autre débat que j'attends : un débat portant sur des mesures concrètes, susceptibles de répondre à la nécessité de développer économiquement et socialement les sociétés des départements d'outre-mer qui se veulent responsables pour construire leur devenir.

Mais discutons de mesures d'extrême urgence pour répondre à des situations locales d'extrême tension.

En Guadeloupe, la situation est en effet des plus tendue. Notre société insulaire se singularise par un manque manifeste de compétitivité des entreprises en raison, d'une part, des surcoûts dus à l'éloignement et à l'insularité, d'autre part, des grèves à répétition du fait d'un int égrisme syndical ; des taux bancaires de 2,5 à 3 points en moyenne plus élevés qu'en Europe ; des charges sociales trop lourdes en comparaison avec celles pratiquées dans l'environnement régional ; une forte concurrence des produits et services européens et caraïbéens ; enfin, un endettement élevé des entreprises et, particulièrement, des agriculteurs.

En réponse à ce contexte atypique, vous gérez encore les affaires des DOM au moyen des instruments que la droite vous a laissés : la loi Pons, que vous avez passablement défigurée, et la loi Perben, que vous entendez aujourd'hui proroger.


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A la vérité, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes, depuis maintenant un an, à la recherche d'une stratégie globale pour l'outre-mer, d'une perspective d'avenir. La trilogie des rapports Mossé, Lise-Tamaya et Fragonard vous a fourni une base d'étude, une matière première susceptible de pallier l'absence de politique gouvernementale cohérente et constructive pour notre département.

Voilà maintenant votre doctrine définie - je l'imagine en tout cas ! Reste à espérer que les mesures qui seront prévues dans le cadre de ce projet de loi d'orientation prendront corps rapidement, ce dont je doute fortement.

Est-ce à croire que votre ligne directrice pour l'outremer consiste à dire : « Hâtons-nous de prendre le temps, pour gagner du temps » ? Si vous déposez votre texte en début d'année devant l'une des Assemblées, les différents débats et navettes ne se concluront qu'en fin d'année 2000. C'est dire qu'en réalité votre réforme, dont l'annonce a développé outremer un syndrome attentiste, ne sera opérationnelle qu'en fin 2000, voire en 2001. Et c'est sans compter les délais nécessaires à la publication des décrets d'application.

Vous nous proposez aujourd'hui un budget sans relief ; demain, il s'agira de nous soumettre un projet d'application différée et d'ores et déjà orienté. Ce débat est vide de symbole et la croissance, dont on ne cesse de nous parler au niveau national, est pour nous une vaine réalité au niveau local.

Je souhaiterais partager l'euphorie du Gouvernement, mais le contexte dans lequel je vis au quotidien me l'interdit.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les cinq minutes dont je disposais pour intervenir ne m'ont pas permis de vous poser de vive voix plusieurs questions. Pour contourner cette limite que nous impose l'ordre du jour, je vous ai transmis six questions ayant trait à la banane, à l'emploi en Guadeloupe, au logement en accession différée, aux îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et au transport terrestre de personnes. Je vous remercie d'avoir l'amabilité de bien vouloir y répondre, même si la procédure est peu orthodoxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

Je demande à chacun d'essayer de respecter un peu mieux son temps de parole.

M. Alfred Marie-Jeanne.

N'est-ce pas un peu tard, à la fin de ce débat ?

M. le président.

Justement, si nous voulons vraiment parvenir à en terminer cet après-midi, chacun doit faire un effort.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Ce n'est pas à ceux qui interviennent en fin de discussion qu'il faut le demander !

M. le président.

Je le sais bien, et j'ai hésité à le dire à ce moment... En tout cas, vous avez la parole.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai vraiment pas l'habitude de me plaindre, mais, pour une fois, le temps de cinq minutes qui m'est imparti me paraît bien mince pour rendre compte, de façon satisfaisante, de l'examen de votre budget et des réflexions qu'il a suscitées.

D'emblée, reconnaissons qu'il est en mini-hausse de 1,75 % pour les DOM, déduction faite des divers montants en provenance d'autres ministères. Néanmoins, l'amorce de regroupement des crédits, trop longtemps laissés épars, doit se poursuivre et devenir la norme pour une meilleure traçabilité et utilisation des fonds publics.

Cela dit, à votre niveau de décision, votre budget ne saurait se satisfaire d'un simple réaménagement et de vomissement de chiffres. Il faut aller au-delà des engagements immédiats et contingents.

Par ces temps de questionnement, de crises et d'incertitudes, le rôle de votre budget, ne vous en déplaise, est aussi de sortir quelque peu de la routine, en insufflant une direction nouvelle et forte, en proposant des solutions convenables, en impulsant enfin le développement tant appelé par tous. A cet effet, la mobilisation de moyens appropriés, modulés et déclinés selon les secteurs les plus prometteurs, serait à mettre en oeuvre sans plus tarder.

En fait, il s'agirait plus concrètement de se concentrer sur deux fronts à la fois : celui de l'existant, en cherchant à combler le retard criant, persistant en maints domaines, telle la politique sociale du logement ; celui de l'innovation, en se décidant à l'encourager puissamment pour ne pas, là encore, rester à la traîne, au risque de se laisser distancer de façon irrémédiable.

Dans ces conditions, votre budget répond-il globalement à ces attentes et aux exigences de l'heure ? Mon sentiment profond est qu'il est amputé du second volet, et que, de plus, l'assistanat tant déploré par ailleurs est par commodité essentiellement retenu comme seul outil de politique économique. C'est dire que la profusion de mesures dites de solidarité, pour importante qu'elle soit, ne saurait constituer à elle seule et à la longue une politique viable de développement harmonieux, endogène et durable.

Et, pourtant, les rapports ne vous ont pas manqué, monsieur le secrétaire d'Etat. Il y eut, coup sur coup, trois rapports. Le premier est celui d'Eliane Mossé sur l'économie. Pour mémoire rappelons la tendance actuelle.

C'est l'import toujours privilégié au détriment de la production interne. Puis vint le rapport de Bernard Fragonard sur l'emploi. Rappelons que le chômage atteint des sommets volcaniques avec un taux de 30 %, 50 000 chômeurs dont 834 diplômés bac plus quatre. Plus préoccupant, on importe dans le même temps de la maind'oeuvre pas toujours au top. C'est l'exclusion aggravée de Martiniquais de plus en plus qualifiés du marché de l'embauche.

En troisième lieu, il y eut le pseudo-rapport LiseTamaya sur les institutions. Celui-là semble avoir en revanche retenu toute la faveur, toute la tendresse fraternelle du Gouvernement, bien qu'il s'englue et s'enlise (Sourires) dans des complications à nulle autre pareille.

C'est, tout de go, la démocratie qu'on propose de violenter. Dans ce texte, il est expressément recommandé que 60 % au moins des élus des deux conseils, général et régional, réunis en congrès, soient favorables à un débloc age institutionnel, pour seulement l'envisager. La réponse, il va sans dire, dépendra du bon vouloir des gouvernants pour la suite à donner.

Ainsi, voici venus l'ère et l'art du rafistolage au moment où les peuples aspirent à l'identité, à la coopération et à plus de souveraineté.

Sans être alarmiste, permettez que la sonnette d'alarme soit tirée. Car, budget après budget, mesure après mesure, plan après plan, la situation n'a cessé d'empirer. Le système actuel ne favorise pas, en l'absence chronique de pouvoir réel martiniquais, la mise en cohérence des politiques décidées.


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La canne ? Déjà au musée ! Le rhum ? En passe d'être discriminé par les directives européennes en préparation ! L'ananas ? Passé à la trappe ! La banane ? Fortement contestée par l'Organisation mondiale du commerce - l'OMC -, elle-même sous obédience « étasunienne ». Le dialogue social ? Faussé ! Tels sont quelques-uns des ingrédients de la marmite sociale.

Ajoutez à cela une responsabilité minimalisée pour les élus. C'est Bruxelles qui « directive ». C'est Paris qui légifère. C'est l'administration qui réglemente.

Au lieu de reconnaître qu'il n'y a pas assez de Martinique au poste de commande, vous faites comme si vous ne saviez pas, vous faites comme si vous n'entendiez pas, vous faites comme si vous ne compreniez pas.

C'est la sempiternelle rengaine assimilationniste déresponsabilisante que l'on ressort, à tout propos et hors de propos, chaque fois qu'une revendication d'émancipation est exprimée.

Et pourtant que d'atouts sont encore à valoriser. C'est l'agriculture à diversifier et ses produits à transformer pour couvrir le maximum de besoins. C'est le tourisme de qualité, reconnu secteur à aider pour faire de lui un des facteurs entraînants. C'est le transport à réaménager et à moderniser de façon multimodale. Ce sont la pêche et l'aquaculture à pratiquer de façon scientifique pour les rentabiliser. C'est le tissu industriel à encourager dans les secteurs novateurs. Ce sont les énergies renouvelables à enfin exploiter pour diminuer la totale dépendance actuelle. Ce sont les nouvelles technologies de l'information et de la communication à mettre en route sans plus tarder.

N'oublions pas que la Martinique se trouve naturellement ancrée, enchâssée dans la Caraïbe. La pire des politiques de coopération serait de vouloir la maintenir confinée dans le rôle subalterne de simple relais d'intérêts.

Pour conclure, les temps ne sont plus de mise pour

« télégouverner » à distance. C'est dire qu'une loi-programme, d'initiative commune, assortie d'un bond en avant qualitatif institutionnel, à soumettre à référendum populaire, se révèle, dans les circonstances présentes, plus que jamais opportune, nécessaire et salutaire.

Continuer à préconiser le « tourne en rond » habituel, kon an topi mabial, comme solution de rechange, c'est aller à l'absurde. « Il n'y a que l'obscurité qui puisse servir de défense à ce qui est absurde », disait John Locke. Et Hegel de renchérir en remarquant que : « A ce dont un esprit se satisfait, on mesure la grandeur de sa perte ».

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut savoir s'affranchir des sirènes de l'absurde et des ramollisseurs de consciences.

Ne tergiversez pas. Accompagnez plutôt l'histoire en m isant sur l'avenir partenaire, débarrassé de tout complexe, dépouillé de toute arrière-pensée rétrograde, élagué de toute tutelle sclérosante.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget a le mérite de s'attaquer aux maux qui frappent de plein fouet les populations d'outre-mer.

Après avoir précisé que je voterai votre budget, je ferai quelques observations qui sous-tendent autant de questions.

I l est excellent d'avoir augmenté le fonds pour l'emploi... pourvu que l'on aide les jeunes qui en bénéficient à envisager plus sereinement l'avenir. Ils appréhendent l'échéance des cinq années au bout desquelles ils cesseront d'émarger aux emplois-jeunes. Il serait donc de la plus haute importance d'exercer un contrôle rigoureux sur l'obligation qu'ont les employeurs d'assurer réellement aux jeunes une formation qui leur facilite, le moment venu, de trouver un contrat de travail durable.

Il est excellent de prévoir, dans le cadre de la politique de logement modeste, la mise en place de l'aide promise aux acquéreurs de terrains des 50 pas géométriques...

pourvu que soient prises en compte les circonstances de l'occupation.

D'une part, la faillite de l'économie sucrière, non accompagnée par l'Etat d'une reconversion économique, a poussé des milliers de chômeurs à chercher embauche au chef-lieu ou dans les bourgs, lesquels, à quatre exceptions près, ouvrent sur la côte maritime.

D'autre part, l'Etat n'ayant prévu aucune politique d'habitat social, ces chômeurs ont occupé la zone des 50 pas géométriques, parce que abandonnée et libre de toute spéculation. Or, proche de la mer et de la mangrove, cette zone s'est révélée mouvante, mal appropriée à la construction, en sorte que, souvent, les sans-domicile ont fabriqué, à leurs frais et de leur sueur, le sol même sur lequel ils ont bâti. Il serait injuste de leur faire payer ce que, eux-mêmes, et eux seuls, ont créé.

Il est excellent d'avoir prévu un effort de financement de constructions scolaires... pourvu que ne soit pas évacuée la grande misère des 259 écoles primaires des 34 communes. Ces grandes oubliées sont en majorité vétustes. Rien qu'à Fort-de-France, une quinzaine d'entre elles méritent d'être consolidées, voire reconstruites. Il importe de courir au secours des communes et de les mettre en mesure de reprendre, d'équiper, de moderniser les écoles et leurs appendices, les cantines.

Mais, tous ces efforts budgétaires risquent d'être mis à néant si devait persister à la Martinique un désordre social récurrent...

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Camille Darsières.

... qui se traduit par des grèves fréquentes entraînant des souffrances pour les travailleurs, par des refus absurdes de négociation qui sont suicidaires pour les entreprises,...

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Camille Darsières.

... par des perturbations de toute nature, allant des barrages de route, insupportables aux citoyens, à la paralysie du port, laquelle est attentatoire à notre vie économique.

Bien entendu, la carence de dialogue social, génératrice de récession, fait le lit de populistes soutenus par une confusionniste alliance de conservateurs en souffrance de promotion et d'indépendantistes en panne prévisible de projet. Le tout sur fond de mal-être du travailleur, dans un pays qui compte 35 % de chômeurs, et de mal-être du citoyen, dans un pays excentré où le citoyen ressent que ses élus n'ont aucune prise sur la réalité. C'est dire s'il faut résolument affronter ces deux maux.

Le mal-être du travailleur, c'est la loi d'orientation qui devra s'y attaquer. Préparée notamment par deux rapports, celui de Lise-Tamaya et celui de Fragonard, demandés par le Premier ministre, ainsi que par la mission outre-mer de la commission des lois, consciencieusement conduite par notre rapporteur Jérôme Lambert, ce devrait être une loi de développement apportant enfin la thérapeutique adéquate à la situation de nos agriculteurs surendettés, de nos marins-pêcheurs qui sont les délaissés de notre économie, de nos artisans et de nos artistes


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- y compris celles et ceux vivant en métropole - tous vecteurs authentiques de notre identité, de nos PME et PMI - vrai bassin d'emplois, mais par trop fragiles - de notre jeunesse, cette grande richesse d'avenir, qui a soif de programmes pédagogiques conformes à son histoire, à sa géographie, à sa culture...

Il faut s'attaquer aussi au mal-être du citoyen. Voilà qui me rappelle le constat d'Aimé Césaire au général de Gaulle, en mars 1964 : « La France a fait dans ce pays une oeuvre admirable... elle a forgé l'homme. Mais que serait cet homme si, pour prix d'avantages matériels évidents, il était amené à renoncer à lui-même et à abdiquer son âme ? » A Gaston Defferre présentant la grande loi de décentralisation, Césaire toujours, de cette tribune, confiait, en juillet 1981 : « Malgré les mesures que vous proposez aujourd'hui et dont je ne nie pas l'intérêt, les départements d'outre-mer continueront à faire problème. Toutes les spécificités que j'ai évoquées, il faudra bien que, tôt ou tard, vous les preniez en compte dans un statut qui, de quelque nom qu'on l'appelle, ne peut être qu'un statut spécial. »

Il est temps d'approfondir, en partant de l'incontournable. J'ai parlé tout à l'heure des populations d'outremer. A la vérité, si une population est « l'ensemble des habitants d'un pays » et un peuple « l'ensemble des gens appartenant à une communauté nationale ou culturelle », les Martiniquais forment un peuple du fait objectif qu'ils ont été historiquement façonnés par les apports culturels amérindien, européen, africain, indien. Un peuple qui n'entend ni se renier ni se replier sur lui-même. Au bout de trois siècles d'histoire commune, voici notre volonté de vivre ensemble, dans le respect réciproque, qui passe par le respect de notre identité.

Comment faire ? Ce n'est pas la quadrature du cercle, car le droit est matière vivante, non pas que ce soit lui qui façonne la réalité. C'est la réalité qui, elle, le faç onne.

A preuve, l'article 299 du traité d'Amsterdam forgé de toute pièce, afin que ce soit la loi fondamentale de l'Union européenne qui se plie au concret des régions ultrapériphériques, et non pas l'inverse. Plutôt que faire du juridisme, inspirons-nous des principes posés en le Préambule de la Constitution : « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer euxmêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires. »

Chaque mot a son poids et son sens ! L'expression

« gérer eux-mêmes, démocratiquement » signifie gérer par des mandataires nommés et sanctionnés par le peuple considéré. Les mots « leurs propres affaires » renvoient à toutes les affaires qui, relevant des réalités locales, appellent, pour être gérées efficacement, d'être traitées par les seuls élus du terrain.

Les attributions doivent être simples et claires et d'abord dévolues à une assemblée unique. Il faut ensuite que rien de ce qui relève de la communauté nationale française ne soit l'affaire des élus locaux, sauf à solliciter leur avis en telle hypothèse impliquant un pays d'outremer. Il convient, en corollaire, que rien de ce qui est proprement martiniquais ne soit exlu des compétences du peuple martiniquais, même si l'Etat doit être invité à faire part de ses observations.

Plus d'imbrication des prérogatives des élus locaux et des droits de l'Etat, donnant prétexte à Paris de s'arroger la faculté d'annihiler les initiatives locales. Il ne restera plus aux nostalgiques de la centralisation qu'à opérer une petite révolution culturelle, même si elle est accompagnée d'une tempête sous un crâne.

Faut-il un nom à cette structure institutionnelle ? Je n'en vois pas d'autre que l'autonomie, correspondant sans doute à ce que, tantôt, un membre du Gouvernement a appelé l'autonomie substantielle.

Soigner le mal-être du citoyen nécessite de sortir du ronronnement de phraseurs sans imagination et de la logorrhée sciemment trompeuse des indépendantistes.

Pour faire renaître la confiance en soi du Martiniquais et le motiver à construire son pays, son pays sien, en solidarité avec la France, Etat de droit, il faut un climat de clarté institutionnelle. Ce climat seul encouragera l'investissement, la création d'activités économiques nouvelles, la création d'emplois nouveaux.

C'est pour que les efforts budgétaires, dont nous vous savons gré, monsieur le secrétaire d'Etat, ne soient pas vains que j'exprime ma conviction qu'en même temps qu'il prépare une loi de développement durable, le Gouvernement doit oeuvrer à l'indispensable support d'authenticité politique, d'où renaîtra la paix sociale, indisp ensable à la relance de notre économie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Petit.

M. Pierre Petit.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, après l'excellent débat qui s'est tenu le 23 octobre 1998 dans cet hémicycle et toutes les résolutions prises par le Gouvernement, on pouvait légitimement s'attendre à ce que le projet du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour l'an 2000 ouvre une nouvelle ère dans les relations politiques entre l'Etat et nos régions.

Cependant ni les rapports ni le tonitruant voyage du Premier ministre aux Antilles n'ont laissé filtrer la moindre décision de concrétisation, voire de changement d'orientation.

Certes, le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui comporte une augmentation des crédits relatifs à l'action de l'Etat en matière d'emploi et de logement.

Malgré cela, je suis obligé de m'interroger sur l'ambition réelle de ce budget, car il ne comporte aucun élément de transition par rapport au passé, encore moins d'éléments annonciateurs de la loi d'orientation qui nous est promise pour le printemps prochain.

Permettez-moi de vous faire part de mes préoccupations avant de vous soumettre quelques interrogations ponctuelles.

Est-il besoin de rappeler ici aujourd'hui que la crise qui frappe l'outre-mer, et singulièrement la Martinique, n'est pas une simple tension conjoncturelle mais une véritable crise structurelle dont le traitement et les solutions ne peuvent être que de nature politique et muées par une volonté politique forte du Gouvernement.

Chaque année, depuis dix ans, nous sont annoncées des augmentations des crédits affectés à l'outre-mer alors que, parallèlement, la situation sociale se dégrade. Alors que sur le continent le chômage a amorcé une décroissance, il augmente de 4,9 % en un an à la Martinique. Et le nombre d'allocataires du RMI s'élève désormais à 25 000.

Parallèlement les principaux supports de notre économie - la banane, l'ananas, le rhum, la vanille, les fleurs sont progressivement marginalisés, voire écartés du marché européen.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

Comprenez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'outre-mer ne demande pas plus de crédits mais voudrait que l'on dépense moins en dépensant mieux. Cette formule, devenue mon antienne, s'applique tant à la politique du logement social qu'à celle de l'emploi.

Que voulons-nous ? Nous souhaitons seulement être aidés pour la mise en synergie de nos potentialités endogènes.

En attendant la loi d'orientation, je voudrais me faire le porte-parole d'une Martinique en quête d'un avenir meilleur et qui attend que l'Etat accepte de lui donner des moyens politiques et financiers mieux adaptés pour enclencher une nouvelle dynamique de développement.

Ne nous y trompons pas et disons les choses sans détour, les Martiniquais veulent poursuivre avec la France et l'Europe sur la voie de la coexistence tout en affirmant leur identité et en préservant leurs capacités productives.

C'est ici que le rôle de l'Etat pourrait être primordial, dans la mesure où le Gouvernement accepterait deux évolutions fondamentales.

La première est l'abandon du centralisme jacobin qui domine les relations de l'Etat avec les départements d'outre-mer, avec notamment avec un nouveau partage des compétences, qui permettrait de confier aux élus locaux les leviers de commande de l'action économique et sociale. Le but est précis : lutter plus efficacement contre le chômage et stopper le dépérissement social de nos régions, particulièrement marquées par une aggravation de la délinquance liée au trafic de stupéfiants. Pour ce faire, il nous faudrait organiser l'impulsion d'une nouvelle dynamique sociétale fondée sur l'entreprise et l'initiative privée.

La seconde évolution serait la mise en place d'un nouveau statut fiscal et social pour l'entrepreneur d'abord, l'entreprise ensuite, enfin, pour toutes les activités porteuses de croissance et, de ce fait, créatrices d'emplois.

A cela, il faut ajouter un nouveau mécanisme de financement de l'économie comprenant non seulement des incitations fiscales de type loi Pons, mais encore la création de fonds locaux de développement financés en partie par l'épargne populaire.

Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure des autoroutes de l'information, empêchez que les DOM ne deviennent

« le quart-monde de la mondialisation » ! Et, je le dis aujourd'hui avec conviction : nous ne sortirons pas de l'engrenage assistanat-chômage sans une volonté politique forte du Gouvernement.

Ainsi vous aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'au-delà du budget mon propos vise à vous alerter sur les conditions générales du développement des DOM.

Pour terminer, je voudrais vous soumettre quelques interrogations directement inspirées des préoccupations de mes compatriotes.

A quand la nécessaire évaluation de l'application du droit et de son impact sur le pays Martinique ? Je pense, par exemple, à la loi Sapin. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, ne faudrait-il pas associer des juristes des DOM à l'élaboration des décrets d'application les concernant ? La loi est tellement affadie en arrivant de l'autre côté des océans ! Pensez aux cinquante pas géométriques ! Jusqu'à quand votre gouvernement continuera-t-il à refuser de se saisir, avec nous, du dossier du personnel non titulaire des communes ? Michel Tamaya en parlait tout à l'heure. Vous le savez bien, nos collectivités ne pourront pas répondre favorablement à toutes les légitimes demandes de titularisation, qui leur sont formulées.

Et la paix sociale, si indispensable à rétablir la confiance, n'en sera que retardée.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis convaincu, à l'instar de nombre de mes compatriotes, que, dans cette petite île de quatre-vingts kilomètres sur trente qu'est la Martinique, s'il y avait une volonté forte d'empêcher l'arrivée de drogue, nous pourrions éviter la flambée de toxicomanie qui mine la sécurité et le développement de notre pays.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous exhorte, une fois de plus, à essayer d'obtenir que la région NordCaraïbe de la Martinique soit mise en zone franche. C'est sa seule chance de développement, en particulier pour le tourisme, dont la elle a tant besoin.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je voterai votre budget en reconnaissant votre bonne volonté et les efforts de compréhension que vous avez manifestés à notre égard.

Mais de grâce, hâtez-vous de ne pas nous décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Anicet Turinay.

M. Anicet Turinay.

Mes chers collègues, cette année, à nouveau, nous allons nous satisfaire d'un budget en augmentation pour les départements d'outre-mer. La progression annoncée de 13,6 % comprend le transfert de plus de 326 millions de francs en provenance des ministères de l'éducation nationale, de l'économie et des finances et de la jeunesse et des sports pour la mise en oeuvre de la loi organique du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle Calédonie, un transfert de 291,7 millions de francs pour financer les contrats emploi consolidé, dans le cadre du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, et un transfert de 44,75 millions de francs qui alimentera le nouvel article relatif à l'emploi, la formation et l'insertion à Mayotte.

Si l'on ne tient pas compte de ces différents transferts, l'augmentation de la dotation budgétaire se réduit donc à 1,76 %. Vous conviendrez avec moi qu'il n'y a pas là une véritable innovation.

Comme à l'accoutumée, le budget des DOM privilégie l'emploi, l'insertion, le logement : 2,5 milliards sont consacrés à l'emploi, dont 2,1 milliards au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à SaintPierre-et-Miquelon. Au logement sont consacrés 918 millions de francs en crédits de paiement dont 96 millions pour la résorption de l'habitat insalubre.

Cependant, toutes ces sommes n'apportent pas d'amélioration sociale dans les DOM. A la Martinique, nous culminons toujours à un taux de chômage avoisinant les 30 %, et ce, malgré les emplois-jeunes, les CES, les CIA, et j'en passe. Le nombre de RMIstes ne cesse d'augmenter.

Nous constatons une forte dégradation du climat social, avec une progression de la délinquance et de la toxicomanie. Nous assistons à une montée importante de l'exclusion, ainsi qu'à un accroissement de l'alcoolisme et de la mendicité.

De nombreuses grèves paralysent notre île pendant des semaines, voire des mois : blocages du port, de l'aéroport, des routes, occupation du domaine militaire, non-respect du droit au travail des salariés non grévistes. Tout cela, peu à peu, anéantit notre économie. A la suite des grèves de 1998, on compte plus de 900 faillites d'entreprises dont 140 liquidations, et les statistiques prévoient pour


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l'année 1999 une hausse d'environ 30 % des faillites. Les principaux secteurs d'activité que sont l'agriculture et le tourisme sont en déclin.

La formation des jeunes, pour laquelle je vous ai sollicité à plusieurs reprises, n'est toujours pas à la hauteur de leurs attentes. En effet, ceux-ci ont de plus en plus tendance à se diriger vers les filières techniques afin d'obtenir un diplôme ayant des débouchés. Chaque année, ils se trouvent confrontés au manque de places dans ces filières qui, pourtant, sont les plus adaptées aux besoins du marché de l'emploi. La mobilité des jeunes est prônée depuis quelques années et elle est pratiquée par bon nombre d'entre eux qui souhaitent bénéficier d'une formation performante et qualifiante.

Pourquoi ne pas consacrer les moyens nécessaires à former plus de jeunes sur place, étant donné le coût de la mobilité ? En outre-mer, nous possédons un potentiel de personnes suffisamment diplômées et formées pour dispenser un bon enseignement et d'excellentes formations.

En outre, l'école doit s'impliquer davantage afin que les élèves développent un meilleur sens civique. Les structures d'encadrement pour endiguer l'errance des jeunes sont également très insuffisantes. Ceux-ci s'adonnent de plus en plus à la consommation de drogues, particulièrement de drogues dures.

Dans ce contexte, peut-on croire que le transfert de flux financiers suffira à arrêter l'hémorragie ? Je ne le pense pas. Il est évident que la politique gouvernementale pratiquée en outre-mer, et singulièrement à la Martinique, n'est pas adaptée à ce département. J'en appelle donc à une politique plus audacieuse. Aujourd'hui, pour gérer les affaires d'outre-mer, il est trop tenu compte des susceptibilités. La politique du Gouvernement dans les DOM n'est pas assez courageuse. Nous demandons plus de responsabilités, et l'Etat doit tout mettre en oeuvre pour nous aider à réunir les conditions nécessaires pour les exercer.

Au-delà du simple partenariat, une étroite collaboration entre l'Etat et les instances décisionnelles s'impose. L'Etat doit assurer le maintien de l'ordre et veiller à ce que rien n'entrave le bon fonctionnement de la vie économique. A quoi serviraient les incitations fiscales à l'investissement si les entrepreneurs et les investisseurs créateurs d'emplois ne pouvaient être assurés du maintien de l'Etat de droit ? Dans mon département, les élus locaux, notamment les maires, sont parmi les plus grands pourvoyeurs d'emplois, mais ils subissent, au sein de leur collectivité, de fortes pressions de la part de leur personnel sur la question de la titularisation des contractuels. Or les communes ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour prendre en charge la majoration de salaire qu'entraînerait un changement de statut du personnel contractuel. J'insiste pour qu'une solution soit trouvée à cette question dans la future loi d'orientation. La difficulté réside aujourd'hui dans le fait que le pouvoir d'achat dans les DOM est marqué par une grande disparité entre les salaires du secteur privé et le traitement des fonctionnaires.

L'Etat doit oeuvrer pour le respect de l'intérêt de tous.

Le Premier ministre a déclaré, lors de son passage à la Martinique, les 27 et 28 octobre derniers : « L'Etat est à vos côtés pour faire face aux crises les plus aiguës. » Je

souhaite vraiment qu'il agisse pour que la population martiniquaise puisse ressouder le pacte républicain.

Dans un tissu social et économique constamment agressé, ce n'est pas à coup de subventions que les acteurs économiques seront dédommagés et créeront des emplois durables. L'emploi résulte, d'abord et avant tout, de la création de richesses. Je fonde donc de grands espoirs sur la loi d'orientation dans les DOM, à condition qu'elle contienne des mesures en faveur du développement économique. Dans cette future loi, est prévu un dispositif sans précédent d'allègement des charges sociales pour les entreprises les plus fragiles et les secteurs les plus exposés.

Je prendrai un exemple tout simple. La Martinique produit de l'igname, un des légumes qui sont à la base de notre alimentation, mais son coût de production est très élevé au niveau local. Ce tubercule est concurrencé sur nos marchés, aux Antilles, par de l'igname qui, produite en métropole, revient, en dépit du coût du transport, moins cher que la production locale. Conclusion : le Martiniquais mange de l'igname hexagonale et le petit agriculteur martiniquais, dont la production reste invendue, en désespoir de cause, s'inscrit au RMI.

En ce qui concerne les cultures d'exportation, je souhaiterais savoir comment l'Etat envisage de défendre les productions agricoles des DOM, et notamment la banane communautaire, lors de la prochaine conférence à Seattle relative aux négociations sur l'Organisation mondiale du commerce ? Aujourd'hui, à la Martinique, pratiquement tout ce que nous consommons est importé. Il faudrait promouvoir la commercialisation et l'écoulement des produits locaux sur nos marchés.

A ce propos, les chefs d'entreprise m'ont fait part de leur grandes inquiétudes et de leur découragement en raison de la vive concurrence des importations et des incertitudes pesant sur l'évolution des dispositifs protecteurs tels que la défiscalisation, l'octroi de mer et les mécanismes agricoles européens, mais également de leur manque de moyens pour faire face aux conflits sociaux, puisqu'ils ne peuvent compter sur le soutien des établissements de crédit. Toutes ces craintes freinent leurs perspectives d'investissements et a fortiori leur capacité d'embauche.

La loi d'orientation devrait permettre un traitement du chômage adapté à la situation : il faudrait qu'elle finance l'emploi et non pas le chômage comme c'est actuellement le cas. En métropole, 15 % des bénéficiaires du RMI le perçoivent pendant cinq ans sans pouvoir retrouver un emploi. Je vous laisse imaginer ce qu'il en est dans les départements d'outre-mer ! Il est impératif et urgent de renforcer les contrôles et de modifier les dispositifs sociaux actuels. Faisons une loi courageuse, sans tabous.

Dans son rapport intitulé Un pacte pour l'emploi, M. Bertrand Fragonard nous donne de très bons axes de travail. Les DOM bénéficient d'une croissance due à la forte consommation des ménages et au montant important de leur épargne. Nous devons encourager les bonnes volontés prêtes à investir. Il faut prolonger et élargir le cadre juridique, administratif et fiscal mis en place en faveur du développement, c'est-à-dire le dispositif de la loi du 25 juillet 1994, dite loi « Perben », tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer.

Nous devons mettre en place une véritable politique de c oopération régionale et l'organiser en signant des conventions et des accords avec les pays voisins, dans le but de faciliter la circulation des biens, des services et des personnes. La politique étrangère de l'Etat doit privilégier le rôle des citoyens des DOM. Je rappelle l'importance de la maîtrise de l'anglais ou de l'espagnol pour échanger


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avec les pays voisins. Le créole que nous utilisons pour communiquer avec nos plus proches voisins n'est que très peu parlé dans les grandes et petites Antilles.

En ce qui concerne la zone caraïbe, il faudrait aider les entreprises des Antilles-Guyane à conquérir les marchés dans cette région. L'Etat a du mal à valoriser la place stratégique des DFA et n'exploite pas cet atout. Il ne s'agit pas seulement, comme l'a dit M. le Premier ministre, de manifester notre solidarité et notre amitié à nos voisins immédiats. Il faut aller plus loin. La solidarité et l'amitié, il y a longtemps qu'elles existent avec nos voisins, je dirai même qu'elles sont spontanées du fait de notre histoire et nos similitudes culturelles. Il s'agit de renforcer la place économique des DFA en les associant aux projets des pays ACP et de coordonner nos actions avec eux pour remédier à des problèmes graves tels que le trafic de drogue.

Dans cette perspective, il est nécessaire que les assemblées locales aient plus de pouvoir d'action en leur nom propre. Il est urgent de régler la difficulté d'obtention de visas d'entrée dans les DFA pour les acteurs politiques, économiques et culturels des Etats voisins. Il est nécessaire également de revoir la politique des transports au niveau de ces régions. A titre d'exemple, pour rejoindre la Guyane, à deux heures de vol de la Martinique, le billet d'avion coûte plus cher que pour se rendre à Paris qui est à huit heures de vol.

M. le président.

Monsieur Turinay, vous avez plus que doublé votre temps de parole. Veuillez conclure rapidement, je vous prie.

M. Anicet Turinay.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la politique actuelle du Gouvernement n'est pas suffisamment ambitieuse pour que j'adopte votre budget, à moins que vous ne puissiez me garantir que les remarques que je viens d'énoncer seront prises en considération dans la future loi d'orientation pour les DOM. Si tel est le cas, je pourrai le voter.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je veux d'abord remercier les rapporteurs pour les différents éclairages qu'ils ont apportés sur ce budget et, plus généralement, sur la situation de l'outre-mer. Pour plusieurs d'entre eux, leur rapport a été nourri par des missions menées sur le terrain. Les nombreux intervenants, qui ont enrichi ce débat de leur expérience, ont contribué à la qualité de nos discussions.

Comme je m'y étais engagé devant vous le 23 octobre 1998, à l'occasion du précédent débat consacré au budget de l'outre-mer, le Gouvernement présentera au Parlement, au début de l'année prochaine, un projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer. Ce texte a été préparé tout au long de cette année 1999 par plusieurs rapports de grande qualité.

A l'occasion de sa récente visite en Martinique et en Guadeloupe, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a précisé les lignes de force de ce projet. Il y a, en effet, un peu plus de cinquante ans, la départementalisation a traduit dans les institutions l'aspiration de nos compatriotes des Antilles, de la Guyane et de la Réunion à l'égalité civique et sociale. Il est temps, maintenant, pour les départements d'outre-mer, de définir les moyens d'un développement économique capable de répondre au défi démographique et respectueux des normes sociales, juridiques, écologiques de notre pays et de l'Europe.

Je veux, comme plusieurs orateurs m'y ont invité, préciser le calendrier. Dans les prochains jours, un document d'orientation, arrêté par le Premier ministre, sera transmis aux parlementaires, aux élus locaux, aux responsables économiques et sociaux. Ce document sera également soumis aux autorités de l'Union européenne. Lorsqu'il sera finalisé, le projet de loi sera transmis aux assemblées locales, pour recueillir leur avis, dans le respect des dispositions statutaires, avant qu'il ne soit arrêté définitivement par le Gouvernement puis présenté devant le Parlement au premier semestre 2000. Je souhaite, comme M. Hoarau et M. Chaulet, que le travail parlementaire permette de parvenir à un vote dans le courant de l'année 2000.

L'effort global de l'Etat pour l'outre-mer, tous ministères confondus, progressera en 2000 de 2,85 %, passant de 56,2 milliards à 57,8 milliards. Cette progression est plus que trois fois supérieure à la moyenne nationale.

Certes, on peut regretter, comme M. Moutoussamy et

M. Jean-Baptiste, que nous ne discutions pas de l'ensemble de ces crédits. Je m'efforcerai cependant de vous en donner les principales évolutions.

Concernant mon secrétariat d'Etat, le budget s'élève à 6,36 milliards de francs. Il est en croissance par rapport à celui de 1999 de 13,6 %, soit une augmentation, en trois exercices, de 31 %. Pareille augmentation n'avait jamais été enregistrée depuis les transferts sur ce budget de la ligne budgétaire unique, la LBU, et du fonds pour l'emploi dans les DOM, le FEDOM.

Cela dit, à périmètre constant, la progression du budget est de 2 %, soit plus du double de la progression enregistrée par le budget de l'Etat.

Des transferts sont inscrits. Ils concernent la NouvelleC alédonie, en application de la loi organique du 19 mars 1999. Cela porte sur un montant de 405 millions de francs. Le montant des dotations a été fixé en tenant compte d'une vision réaliste. Elles pourront être complétées en gestion pour s'adapter au rythme constaté des transferts de compétences.

M. Caullet et M. Bussereau m'ont interrogé sur la mise en place des nouvelles institutions prévues par l'accord de Nouméa. Le gouvernement a été constitué en juin 1999 sous la présidence de M. Leques. Il est, vous le savez, de nature collégiale, puisqu'il est formé à la proportionnelle sur la base des représentations politiques au Congrès. Après une période de rodage des responsabilités, j'ai bon espoir qu'il trouve sa cohésion.

S'agissant de l'emploi, le budget du secrétariat à l'outre-mer bénéficie de l'inscription des moyens correspondant au financement des contrats emploi consolidé ainsi que les mesures propres à Mayotte qui étaient antérieures au budget de l'emploi et de la solidarité. Ce sont apparemment des mesures techniques, mais elles traduisent une ambition politique, puisque le secrétariat d'Etat à l'outre-mer disposera de l'ensemble des moyens relatifs à la politique de l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Mayotte.

Vous avez été nombreux à évoquer la situation de l'emploi dans les départements d'outre-mer. Il est vrai que, par rapport à la métropole où le chômage a baissé de 7 % en un an, la situation est préoccupante. Les statistiques montrent une stabilisation du chômage en un an, voire une légère régression globale de 0,5 %.

M. Tamaya y a fait allusion tout en soulignant que cette stabilisation à un niveau deux à trois fois plus élevé qu'en métropole résulte non pas de l'absence de dynamisme de l'économie - les créations d'emplois ont été plus fortes en


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rythme qu'en métropole -, mais de la croissance démographique. Elie Hoarau, je crois, l'a bien montré. Il fallait donc adapter les moyens.

La responsabilité est au coeur de la démarche du Gouvernement. Cela concerne non seulement les institutions, mais aussi le développement économique, et l'objectif est d'alléger les charges des entreprises.

Je précise, pour répondre aux préoccupations de M. Chaulet, que sera votée, dans la deuxième partie de la loi de finances, à l'article 72, la prolongation jusqu'au 31 décembre 2000 des dispositions de la loi du 25 juillet 1994. Cet article rattaché consolidera la situation des entreprises.

Nous aurons aussi à prévoir des actions de développement de la coopération régionale. M. Moutoussamy, M. Darsières et M. Hoarau y ont fait référence. M. Hoarau, notamment, a souligné que les jeunes pourraient y prendre leur place. La circulaire sur les emplois-jeunes préparée par mon ministère est actuellement auprès du ministère de l'emploi et de la solidarité et un accord vient d'intervenir avec l'association des volontaires pour le progrès pour affecter trente CEC à la coopération dans l'océan Indien.

Les crédits consacrés à l'emploi et à l'insertion progressent de 16,2 %.

Les crédits du FEDOM passeront de 1,8 à 2,1 milliards, ce qui permettra de financer 58 000 solutions d'insertion contre 56 000 en 1999. Les contrats emploi consolidé, au nombre de 7 000, seront désormais financés sur le FEDOM.

En plus des solutions traditionnelles, le FEDOM permettra de financer 3 000 nouveaux emplois-jeunes, ce qui portera leur nombre à 11 000, en plus des 137 emplois d'adjoints de sécurité et des 2 591 emplois d'aides éducateurs créés par les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale. J'ajoute que la part de l'outre-mer dans le nombre total des emplois-jeunes créés à ce jour s'élève à 6,25 % alors que les DOM constituent 3,6 % de la population nationale de moins de vingt-cinq ans.

En ce qui concerne Mayotte, comme l'a relevé M. JeanBaptiste, une dotation de 55,25 millions de francs est dégagée dans le projet de budget, qui permettra une gestion plus fine des différents contrats et des actions de formation professionnelle. A ce titre, une mesure nouvelle de 2,5 millions est proposée pour le centre de formation professionnelle des adultes qui verra le jour à Sada en 2000.

J'ai été interrogé par plusieurs orateurs sur la situation des agences départementales d'insertion. L'ordonnance sera prise prochainement, après avoir été soumise aux assemblées locales. Elle règlera, dès le début de 2000, les dernières questions non résolues. Cette réforme va dans le sens de la décentralisation voulue par tous les parlementaires.

Les chantiers de développement dans les collectivités et les territoires d'outre-mer se verront dotés d'un peu plus de 35 millions pour l'an 2000, chiffre identique à celui de 1999. Je veux rassurer M. Buillard, la Polynésie française recevra 14 millions de francs, comme cette année.

Les mêmes actions seront financées à Mayotte à hauteur de 8 millions de francs.

S'agissant du service militaire adapté, qu'ont notamment évoqué M. Bertrand et M. Jean-Baptiste, la professionnalisation des armées se poursuit. Compte tenu du succès rencontré dans le recrutement des 500 volontaires prévus en 1999, 600 nouveaux postes seront offerts en 2000. En contrepartie, il y aura 1 000 appelés en moins et la suppression corrélative de quatre-vingts emplois de gradés. Le budget du SMA sera porté à 507 millions de francs. On ne supprimera aucune activité, aucun centre, et notamment pas celui de Saint-Laurent-du-Maroni, je vous rassure, monsieur Bertrand. Nous aurons donc, à la fin de 2000, 1 100 volontaires, ce qui nous rapprochera des 1 800 qui sont prévus d'ici à 2002, chiffre global du SMA.

En matière de formation, je voudrais souligner les efforts que réalise le ministère de l'éducation nationale, qui est évidemment le premier financeur de l'outre-mer avec près de 18 milliards de francs. Le budget augmente de 2,3 %. Un effort sans précédent a été réalisé en matière de constructions scolaires, bien qu'elles relèvent de compét ences décentralisées. S'agissant du premier degré, 45,3 millions additionnels ont été affectés à la Réunion, 36 millions en Guyane. Pour le second degré, 40 millions additionnels ont été attribués à la Guyane et 15 millions à la Guadeloupe.

Dans le cadre des contrats de plan, un montant de 300 millions est prévu sur la période 2000-2006 pour la construction de collèges et de lycées en Guadeloupe et en Guyane.

De même, 800 millions devraient être consacrés pendant cette période à l'enseignement supérieur et à la recherche, c'est-à-dire deux fois plus que les crédits engagés entre 1994 et 1997, et nous serons bien sûr attentifs, monsieur Buillard, à la situation de nos deux nouvelles universités du Pacifique.

Le ministère de l'éducation nationale a créé, hors emplois-jeunes, 1 253 emplois en 1998 et 1 501 en 1999.

Ces créations, comme l'a souhaité M. Asensi, ont permis à des enseignants originaires de l'outre-mer affectés en métropole de regagner leur département d'origine.

Les crédits dont dispose mon secrétariat d'Etat au titre de la culture et de la jeunesse et des sports seront en progression, passant de 4 à 9 millions de francs, ce qui permettra de renforcer l'action culturelle. A ce titre, nous avons créé, avec Mme Catherine Trautmann, un fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels, et je souhaite annoncer, avec Mme Marie-George Buffet, la création d'un fond analogue pour les échanges sportifs.

Dans le domaine de la santé, la dotation pour les hôpit aux augmentera de 3,86 % outre-mer, contre une moyenne de 2,2 %. Le contrat de plan de la Martinique inclut la reconstruction des hôpitaux du Lamentin. En Guadeloupe, un effort exceptionnel a été décidé pour le c entre hospitalier de Pointe-à-Pitre-les-Abymes. En Guyane, le transfert des centres de santé du conseil général à l'Etat est prévu pour le 1er janvier 2000. A SaintPierre-et-Miquelon, le projet de reconstruction du centre h ospitalier François-Dunan est bien avancé, et, à Mayotte, l'ensemble mère-enfant est maintenant achevé.

Je signerai jeudi une convention de cinq ans avec la Polynésie française. Cette convention conduira l'Etat à verser chaque année 195 millions de francs au profit du régime de solidarité territoriale. De plus, en 1999, 5 millions contribueront au logement. La convention prévoit des dotations de 9 millions sur cinq ans pour la prévention, de 17,5 millions pour la formation des personnels sanitaires.

L'agence de santé de Wallis fera l'objet de l'ordonnance prévue par la loi d'habilitation votée par le Parlement.

La couverture maladie universelle s'appliquera dans les DOM dès le 1er janvier 2000.


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Enfin, une subvention de 2 millions de francs permettra une déclinaison outre-mer de la campagne nationale en faveur de la contraception.

Je voudrais maintenant évoquer les crédits consacrés au l ogement qui ont été mentionnés notamment par Mme Bello, M. Andy et M. Chaulet, ainsi que par

M. Hoarau à propos de la LBU.

Si l'on intègre la créance de proratisation, les crédits seront proches de 1,8 milliard de francs. Avec l'accélération de la consommation des crédits depuis 1997, ils devraient permettre de réaliser 11 000 logements neufs, d'améliorer 2 400 logements et d'aider 2 200 familles dans le cadre d'opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Nous avons mis en place une nouvelle action avec la fédération nationale des PACT, afin, comme l'a souligné M. Marsin, d'améliorer la gestion de ces institutions et de leur permettre de faire des travaux dans le patrimoine privé.

Des crédits sont prévus à l'article 47 du projet de loi de finances pour permettre la mise en application de la loi sur les cinquante pas géométriques en 2000. Deux décrets sont encore nécessaires. Celui relatif aux cessions de terrains est en cours de signature.

Quant à l'ordonnance foncière en Guyane, sur laquelle m'a interrogé Mme Taubira-Delanon, deux décrets seront examinés demain par le Conseil d'Etat, ainsi qu'une circulaire détaillant les modalités d'application du dispositif.

M. Grignon m'a interrogé sur l'évolution des tarifs des transports aériens entre la métropole et l'outre-mer. C'est une question qui s'adresse d'abord aux compagnies aériennes et en premier lieu à Air France. En ce qui concerne la desserte de Saint-Pierre-et-Miquelon, je vous précise qu'Air France, dans un communiqué paru le 11 novembre, a décidé de maintenir les tarifs actuels jusqu'au 15 janvier 2000. J'ai demandé à mes services d'étudier, en relation avec ceux de M. Gayssot, les mesures à prendre au-delà de cette date.

La préservation d'un environnement de qualité constitue aussi outre-mer une exigence fondamentale. Les plans départementaux d'élimination des déchets et les schémas de développement et d'aménagement de la gestion des eaux, qui sont finalisés dans plusieurs départements, pourront commencer à trouver leur concrétisation dans le cadre des prochains contrats de plan.

De même, l'Etat entend favoriser la mise en place de réseaux d'espaces protégés, comme les observatoires sur les cétacés ou les tortues, ou encore les coraux, notamment avec la création de l'IFRECOR, qui est une initiative française, je tiens à le souligner.

Les enveloppes des contrats de plan ne sont pas à ce j our intégralement arrêtées. Celles des départements d'outre-mer, pour la première tranche, sont en progression. Les crédits fixés lors du CIADT du 23 juillet en Arles passent de 3,8 à 4,5 milliards. Les quatre régions d'outre-mer sont d'ores et déjà en tête dans la répartition des crédits. Cette première enveloppe devrait être complétée d'ici à une quinzaine de jours. Vous connaîtrez donc les chiffres proposés par l'Etat. De même, les enveloppes de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie, de Wallis-etFutuna, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon seront arrêtées en tenant compte des impératifs de développement propres à chaque collectivité.

Dans le budget pour 2000, nous avons fixé un volume de crédits en fonction d'une prévision réaliste des opérations prévues de nature à être programmées et en prenant aussi en considération les retards de paiement qu'a évoqués M. Auberger, dus à l'insuffisance de la mobilisation locale.

Les crédits du FIDOM passent de 205 à 220 millions de francs, ce qui inverse la tendance antérieure.

Il en est de même pour le FIDES, dont les crédits sont en augmentation, consolidant les dotations aux FIP de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie.

Vous avez souligné l'an dernier, monsieur Lambert, l'insuffisance des crédits de paiement au titre du FIDOM décentralisé qui avait été supprimé en 1996. Une mission est en cours et elle devrait prochainement rendre ses travaux. Une provision très significative sera toutefois dégagée à ce titre.

Je voudrais revenir sur la Polynésie française. M. Buillard et M. Vernaudon ont indiqué que les crédits concernant l'après CEP étaient de 990 millions de francs. Sur ces crédits, sont imputés une partie des dépenses militaires de démantèlement des installations, le coût du SMA et un montant représentatif de droits de douane. Le système monte en puissance puisque les dotations du fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française sont passées de 10 millions en 1996 à 376 millions en 1998. On s'attend à 100 millions de francs supplémentaires pour cette année pour atteindre un chiffre de l'ordre de 600 millions de francs en 2000. Le contrat de développement viendra évidemment compléter ces mesures.

Il est bien évident, comme l'ont souhaité M. Auberger, M. Caullet et M. Vernaudon, que le contrôle des comptes publics doit s'opérer dans les meilleures conditions. La chambre des comptes sera installée au début de 2000. L'Etat, j'ai eu l'occasion de le souligner en Polynésie, n'a pas vocation à s'effacer avec le renforcement de l'autonomie. Il restera un partenaire actif, veillant à l'intérêt général et à la bonne gestion des deniers publics, en particulier pour la mise en oeuvre des politiques du logement. Les deux députés de Polynésie française, M. Vernaudon et M. Buillard, ont souligné les besoins, j'ai pu les constater sur le terrain.

Sur le plan du développement économique, nous sommes actuellement en discussion au niveau européen sur le devenir de l'OCM de la banane. La France a manifesté une opposition ferme à la proposition actuelle de la Commission. Je ne développerai pas ce point qui a fait l'objet d'un communiqué il y a quelques heures. Le ministre de l'agriculture participe actuellement au conseil des ministres européens et tente de rallier nos partenaires à cette position qui vise à mettre en échec le projet de la Commission.

En ce qui concerne la pêche, comme M. Grignon l'a souhaité, la France, par l'intermédiaire du ministre de l'agriculture, a demandé une augmentation du quota de pêche dans la zone de l'OPANO, c'est-à-dire des pêches de l'Atlantique nord. Les éléments du dossier ont été fournis à Bruxelles, et la question a été évoquée lors d'une réunion la semaine dernière. Il semble établi que les antériorités de pêche ont été constituées par SaintPierre-et-Miquelon. Le Gouvernement est résolu à maintenir la pression politique sur nos partenaires européens.

Je voudrais également faire le point sur les projets concernant le nickel en Nouvelle-Calédonie. M. Auberger m'ayant interrogé de façon très précise sur divers aspects de ce dossier, je ne veux laisser aucun point dans l'ombre.


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Le site de Goro, tout d'abord, dans la Province Sud, fait l'objet d'un projet de la société INCO. Dans cette perspective, le service des mines et de l'énergie a vocation à être prochainement renforcé du potentiel d'expertise nécessaire. En effet, même si l'environnement est une compétence dévolue aux Provinces, les décisions sont prises par celles-ci sur proposition du directeur des mines, puisqu'elles concernent des installations classées. Je vous précise que le conseil des mines et le comité consultatif des mines, instances prévues par la loi organique, seront mis en place dès que le transfert des compétences en matière minière sera effectif, c'est-à-dire au 1er janvier 2000.

Pour ce qui est, ensuite, de l'usine du nord, objet des accords de Bercy intervenus avant l'ouverture des négociations politiques qui ont conduit aux accords de Nouméa, il s'agissait pour le Gouvernement de créer les conditions d'une réalisation promise depuis plus de trente ans. Les études engagées par l'opérateur canadien Falconbridge associé à la SMSP, la société d'économie mixte liée à la Province Nord, visent à un démarrage d'ici 2005.

Dans votre rapport, monsieur Auberger, vous vous déclarez favorablement impressionné par l'évolution des é tudes, mais vous exprimez plusieurs réserves, sur lesquelles je voudrais vous répondre. D'abord, en ce qui concerne la personne morale chargée de présider l'Entité regroupant les titres miniers, personne morale qui exécute toutes les dispositions du protocole, la solution du trust a été retenue par les industriels signataires du protocole de Bercy, et non par l'Etat. Dès lors, l'entité ne pouvait être localisée que dans un pays de droit anglo-saxon, le plus proche possible de la France. Telle est la raison du choix de Jersey, qui n'a, du point de vue fiscal, et ainsi que vous l'a précisé le ministre de l'économie et des finances, aucune incidence sur le statut de l'indemnité versée aux sociétés ERAMET et SLN.

En ce qui concerne cette indemnité, versée pour l'échange des massifs, cette somme était une provision censée couvrir une charge certaine, dont le niveau devait être déterminé à dires d'expert dans un délai de six mois.

La détermination de cette charge se situe à un niveau tout à fait cohérent avec les usages de la profession. Il faut souligner que la comparaison que vous faites, monsieur Auberger, entre le coût d'investissement et la valeur des réserves n'est pas pertinente : les gisements d'une compagnie minière peuvent, en effet, constituer jusqu'à 40 % de la valeur totale de l'entreprise.

En réponse à votre interrogation sur la capacité de la SLN et d'ERAMET à rembourser, le cas échéant, la soulte si le projet ne voyait pas le jour, je vous précise que la part de l'indemnité susceptible d'être remboursée a été placée en fonds monétaires français, de façon à en garantir la liquidité.

L'échange Poum-Koniambo a nécessairement un coût pour la société SLN-ERAMET. Ce coût est cependant bien moindre pour la collectivité que celui d'un scénario envisagé par le gouvernement précédent, qui aurait consisté à démanteler ERAMET et donc à désintéresser ses actionnaires minoritaires.

Les relations de la SMSP avec son associé Falconbridge ne concernent pas l'Etat, pour autant que les engagements pris dans le cadre du protocole de Bercy sont respectés par toutes les parties, notamment les obligations d'information sur l'avancement du projet d'usine du nord.

Le protocole de Bercy dote aussi la SMSP d'un actif important qui doit permettre à cette société d'avoir sur le marché bancaire une capacité d'emprunt suffisante pour faire face, aux côtés de Falconbridge, aux besoins de financement de la construction de l'usine.

Je vous confirme enfin que le dénouement de l'opération de transfert des parts de l'Etat dans ERAMET et la SLN au profit d'intérêts calédoniens devrait intervenir rapidement et faire alors l'objet d'un examen lors du collectif budgétaire 1999.

Pour terminer, et en sachant que nous aurons l'occasion d'évoquer les aspects économiques lors de la présentation du projet de loi d'orientation, je voudrais souligner que nous devons faire évoluer les modes de financement de l'économie et, en particulier, rechercher un modèle de développement. J'ai bien noté, par exemple, que s'il y a eu prolongation de la loi de défiscalisation jusqu'en 2002, beaucoup d'entre vous, M. d'Aubert notamment, ont souligné que cette défiscalisation ne semblait plus adaptée aux besoins de l'économie. De ce point de vue, le rôle de l'Etat est évidemment de garantir les conditions d'une concurrence et d'une économie compétitive pour nos départements d'outre-mer.

S'agissant des conflits sociaux qui se sont manifestés ces derniers temps, notamment aux Antilles, l'Etat a toujours souhaité que le dialogue social prédomine, plutôt que le blocage des positions. Un décret pris à la fin du mois de septembre a créé des commissions de conciliation dans chaque département d'outre-mer. Nous avons également mis en place des médiations, notamment dans le dernier conflit, qui a duré plus de quatre mois, en Martinique, et qui concernait la société Toyota. L'Etat ne peut pas se substituer aux partenaires sociaux, mais il doit veiller, tout en respectant le principe constitutionnel du droit de grève, à ce que l'Etat de droit soit garanti et que nos sociétés d'outre-mer ne souffrent pas de conflits prolongés qui paralysent l'économie.

Je voudrais également dire quelques mots de la situation des îles du nord de la Guadeloupe, Saint-Martin et S aint-Barthélemy. Elles ne peuvent être assimilées, comme l'a fait M. d'Aubert, à des paradis fiscaux ou à des plaques tournantes pour le trafic de drogue et le blanchiment d'argent, même si, à Saint-Martin, coexistent sur l e même territoire et sans véritable frontière une commune française, Saint-Martin, et un territoire étranger qui dépend des Antilles néerlandaises. Ces deux communes françaises, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, connaissent des contraintes particulières, ne serait-ce qu'en raison de leur éloignement du reste de l'archipel de la Guadeloupe. Leurs spécificités sont indéniables, mais ne vont pas jusqu'à justifier un statut fiscal dérogatoire au droit commun. Le Conseil d'Etat s'est prononcé à plusieurs reprises sur ce point. Et le gouvernement précédent, qui avait tenté une réforme du droit fiscal en 1996, s'est heurté au Sénat, et cela au nom du principe d'égalité devant l'impôt. C'est donc, et je réponds là à M. Chaulet, dans le cadre de leur statut de communes d'un département, la Guadeloupe, que des solutions sont aujourd'hui à l'étude. Elles viseront, notamment par le biais de conventions avec d'autres institutions publiques, à donner à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, une meilleure maîtrise de leur développement.

Je voudrais vous dire, monsieur Jean-Baptiste, que la situation statutaire de Mayotte, qui a fait l'objet d'une mission de la commission des lois, devrait être consolidée.

Je souhaite vivement que l'accord tant recherché soit signé par toutes les parties et que ce compromis dynamique dont vous parliez devienne la loi commune pour


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l'ensemble des partenaires mahorais. D'autre part, la situation financière de la collectivité de Mayotte retient l'attention du Gouvernement. Je vous confirme que le dossier de financement par l'AFD est débloqué, et que la collectivité de Mayotte pourra de surcroît disposer avant la fin de l'année d'une dotation exceptionnelle, en attendant les conclusions de la mission de l'inspection générale des finances diligentée par Christian Sautter et par moimême.

Je vous confirme la délocalisation du siège des Terres australes et antarctiques françaises : son installation se fera au printemps 2000 à Saint-Pierre-de-la-Réunion, ce qui réjouira son maire, M. Elie Hoarau.

En ce qui concerne la justice en Guyane, Mme Taubira-Delannon a demandé une progression des moyens.

Nous avons transmis cette demande à la chancellerie, mais une maison de justice a d'ores et déjà été créée à Saint-Laurent-du-Maroni et un magistrat a été affecté en surnombre dans la fonction de juge d'instance. Quant a ux établissements pénitentiaires, Mme Guigou a annoncé la semaine dernière la mise en oeuvre du projet de construction d'un nouvel établissement à la Réunion, pour lequel une dotation de 200 millions de francs est prévue. Je n'oublie pas non plus la situation à Tahiti dans ce domaine.

Enfin, en ce qui concerne les méfaits du trafic de drogue et du blanchiment de l'argent, la loi antiblanchiment de 1990 est pleinement appliquée dans tous nos territoires et départements. La France, en particulier dans les Caraïbes, a pris l'initiative d'une véritable coopération avec les pays de la zone. L'action menée par TRACFIN a été complétée par l'implantation d'un échelon de la direction des enquêtes douanières à Fort-deFrance et d'une antenne de ce service à Saint-Martin.

Dans le domaine de la sécurité, où nous sommes interpellés - comme nous le sommes de façon générale, mais tout particulièrment outre-mer -, les effectifs de la police nationale ont été augmentés de 119 pesonnels depuis 1997 et 209 adjoints de sécurité ont été recrutés - 137 dans les DOM et 72 dans les TOM. Ces effectifs devraient être encore renforcés comme l'a annoncé le Premier ministre lors de son déplacement aux Antilles.

S'agissant de la gendarmerie, nous avons prévu la réorganisation des effectifs, qui s'est ajoutée à l'augmentation de 69 gendarmes en 1998 et 1999, ce qui devrait permettre une plus grande présence sur le terrain et une sécurité de proximité.

Mesdames, messieurs les députés, l'emploi, et par conséquent le développement économique, nécessitent plus que jamais un soutien actif et résolu de la puissance publique. Pour être durable ce soutien devra aussi s'inscrire dans une démarche de solidarité. Vous savez qu'en 1988, la gauche s'était fixé l'objectif de l'égalité sociale, tournant ainsi la page de la parité sociale. L'égalité sociale suppose de nouveaux progrès. Les députés de la Réunion ont placé l'alignement du RMI au centre de leurs préoccupations. Chacun conçoit que cette mesure devra se faire par étapes et parallèlement à la mise en oeuvre des actions menées en faveur du retour à l'activité, qui reste l'objectif de cette prestation. Le Gouvernement fera connaître sa position dans les prochains jours.

Il m'a été donné de constater comme certains d'entre vous, à l'occasion du forum national des jeunes créateurs d'entreprises outre-mer, que l'outre-mer dispose d'une jeunesse nombreuse, bien sûr, mais aussi formée et dynamique. Elle est une chance non seulement pour l'outremer mais aussi pour la nation tout entière. Lors de ce forum, qui s'est tenu à Paris, il est apparu que 80 % des laurétats des bourses défi-jeunes créent leurs entreprises, contre 30 % en métropole. De plus, 70 % des projets primés sont portés par des femmes, ce qui montre bien que les sociétés d'outre-mer, à travers leur jeunesse, ont un esprit d'initiative...

M. Henry Jean-Baptiste.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

... et ne souffrent pas du « domopessimisme » que vous évoquiez, monsieur Chaulet, ni de cette sclérose que certains se complaisent à décrire, véhiculant ainsi l'image de sociétés placées sous perfusion.

La gravité de la situation économique et sociale de l'outre-mer constitue un défi que le Gouvernement entend relever. Le dynamisme, la jeunesse et l'enthousiasme de l'outre-mer sont des forces sur lesquelles nous savons tous pouvoir compter, et que nous aurons l'occasion de traduire dans la prochaine loi d'orientation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en arrivons maintenant aux questions. Il n'y en d'ailleurs qu'une.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à

M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, alors que votre budget parle de donner la priorité à l'emploi, voilà que, en Martinique, certaines grandes entreprises vont malencontreusement en sens inverse.

C'est d'abord France Télécom, qui délocalise certains de ses services. Après le retrait du service du télégramme téléphoné, il est question maintenant de transférer à Nantes celui de la comptabilité - vingt emplois sont concernés - et celui de l'informatique - huit emplois sont concernés -, et ce en dépit de l'existence de compétences sur place. Une telle décision compliquerait en outre la tâche d'autres entreprises, qui supporteraient des délais supplémentaires pour le règlement de factures validées, au surplus, après un aller-retour.

C'est ensuite American Airlines, qui cesse ses activités de transport aérien en Guadeloupe et en Martinique, suite à l'exercice du droit de grève. Conséquence : suppression de trente-cinq emplois, dont dix-neuf en Guadeloupe et seize en Martinique.

Et puis, le retour d'American Eagle, filiale d'American Airlines, qui s'opère en excluant les salariés de la société mère, dont la majorité a pourtant une ancienneté de dix à vingt ans.

Logique boursière, transgression des règles sociales : on sacrifie purement et simplement les travailleurs martiniquais, dans un pays déjà miné par le chômage.

Monsieur le secrétaire d'Etat, est-il encore temps d'agir pour enrayer de telles hécatombes ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le député, American Airlines, qui desservait la Martinique de 1978 à 1986, et dont l'activité a été ensuite reprise par sa filiale American Eagle - cela avec le même personnel, réaffecté au service d'assistance en escale -, American Airlines, donc, a fait connaître sa décision de se retirer et de cesser ses activités en juillet 1999, le personnel licencié ne se voyant offrir comme alternative qu'un redéploiement à Paris, aux Etats-Unis ou dans d'autres escales.


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En fait, les conditions dans lesquelles s'est effectué ce licenciement du personnel d'American Eagle ne semblent pas respecter les dispositions prévues par le droit français.

Il appartient donc à ces salariés de mettre en oeuvre les procédures et les voies de recours juridiquement possibles.

Quant à France Télécom, elle a regroupé en quelques pôles ses services informatiques, celui de Martinique ayant été installé à Nantes. Mais une nouvelle génération d'autocommutateurs sera installée dès le premier semestre prochain dans les locaux du Lamentin et si les effectifs de la direction régionale Antilles-Guyane sont certes en légère baisse, les départs, d'après ce qu'on m'a indiqué, ne proviennent pas de licenciements. J'ajoute qu'ils sont compensés en nombre par le développement de la filiale France Caraïbes mobiles, qui est implantée en Guadeloupe et qui est dédiée au téléphone portable.

Vous savez aussi que France Télécom a engagé une négociation sur les 35 heures, et, bien que cette société appartienne maintenant au secteur concurrentiel, je souhaite que, prenant en compte ses obligations de service public, elle préserve l'emploi. Il faut qu'il le soit, surtout si nous voulons développer ces nouvelles technologies dans la Caraïbe.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions, ou plutôt avec la question.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Outre-mer ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : moins 8 307 562 francs ;

« Titre IV : 780 628 860 francs » ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 39 500 000 francs ;

« Crédits de paiement : 22 220 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 802 414 000 francs ;

« Crédits de paiement : 599 864 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre III.

(La réduction de crédits est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiements du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Article 72

M. le président.

J'appelle l'article 72 rattaché à ce budget.

« Art. 72. - Au II de l'article 4 de la loi no 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outremer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, les mots "pendant cinq ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat susmentionné" sont remplacés par les mots "jusqu'au 31 décembre 2000". »

Je mets aux voix l'article 72.

(L'article 72 est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 15 novembre 1999, de M. Gaëtan Gorce, un rapport, no 1921, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (no 1889).

3 DÉPÔT DE RAPPORTS EN APPLICATION DE LOIS

M. le président.

J'ai reçu, le 12 novembre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 76 de la loi no 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, un rapport sur l'application de la convention internationale des droits de l'enfant.

J'ai reçu, le 15 novembre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 6 de la loi de programme no 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice, un rapport sur l'exécution de cette loi en 1998.

4 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 15 novembre 1999, de M. Jean-Louis Fousseret un rapport, no 1920, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la mission d'information commune sur les perspectives économiquese t sociales de l'aménagement de l'axe européen Rhin-Rhône : tome I : rapport.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 15 NOVEMBRE 1999

5 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 12 novembre 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

Ce projet de loi, no 1919, est renvoyé à la commission des lois contitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mardi 16 novembre 1999, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805.

M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

Ville : M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 25 au rapport no 1861) ; M. Roland Carraz, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome XII).

Ville et intégration : M. André Santini, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome X).

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (no 1805).

Logement : vote sur les crédits : M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 26 au rapport no 1861).

Logement et urbanisme : M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome XI).

Eventuellement, Ville (suite).

Enseignement scolaire : M. Jacques Guyard, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 17 au rapport no 1861) ; M. Yves Durand, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome V).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission Par lettre du 10 novembre 1999, M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale le texte suivant : Communication du 10 novembre 1999 No E 1332. Projet de position commune du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre des Talibans.