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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9371).

VILLE M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la ville.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, suppléant M. Roland Carraz, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la ville.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour la ville et l'intégration.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

MM. Michel Vaxès, Maurice Leroy, Michel Pajon, Mme Chantal Robin-Rodrigo,

MM. Pierre Cardo, Henry Chabert, Patrick Braouezec, Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

M. le ministre.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Pierre Cohen, Jean-Marie Bockel, Mme Annette Peulvast-Bergeal, MM. Laurent Cathala, Pierre Cardo, Jean-Louis Debré, Mme Nicole Bricq, MM. Yves Dauge, Julien Dray, Jean-Claude Daniel, Alain Calmat, Jean-Pierre Balduyck, Henry Chabert.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ

III. - VILLE

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 9403)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9403)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 9404).

3. N omination d'un député en mission temporaire (p. 9404).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9404).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

VILLE

Mme la présidente.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant la ville.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la ville.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la ville.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à la ville, mes chers collègues, lors du comité interministériel des villes du 30 juin 1998, le Gouvernement a présenté ses orientations concernant la politique de la ville. Celles-ci marquaient une inflexion forte des dispositifs mis en place jusqu'alors. Elles peuvent se résumer en une phrase, un seul objectif, déterminant dans un pays majoritairement urbain : réconcilier la ville avec ellemême.

Ainsi, la finalité de la politique de la ville s'est affermie et enrichie : nous sommes passés d'un dispositif d'« amortisseur social », appliqué à des sites prioritaires, sélectionnés en fonction de critères socio-économiques, à un outil de développement et d'intégration des quartiers dans la ville tout entière, en changeant l'échelle de la politique de la ville pour renforcer la cohésion sociale des agglomérations, en favorisant la participation des habitants à une véritable gestion urbaine de proximité, en mobilisant et en responsabilisant les acteurs locaux autour de projets collectifs.

Ce budget témoigne de la mise en oeuvre de cette orientation et de ce changement de cap. Pour la deuxième année consécutive, le budget de la ville est celui qui connaît la plus forte progression : plus 30 % l'année dernière, plus 10 % cette année, voire 40 % si l'on intègre les crédits qui désormais y sont rattachés.

L'effort public en faveur de la ville atteindra en 2000 les 35 milliards de francs, soit une progression de près de 60 % en deux ans.

En cela, ce budget est un bon budget : les crédits propres du ministère de la ville lui permettent de jouer pleinement son rôle de levier des politiques publiques, d'incitateur et de mobilisateur de l'ensemble des acteurs concernés. Un effort de simplification et de clarification a été réalisé, ce qui devrait conférer une meilleure lisibilit é à la ventilation des crédits mais aussi une meilleure mobilisation de l'argent engagé : la déconcentration de l'essentiel des crédits doit déboucher sur une accélération de leur utilisation.

Cela étant, permettez-moi de signaler que, cette année encore, la représentation nationale n'a pu disposer du

« jaune budgétaire » en temps et en heure.

M. Pierre Cardo.

Nous avons l'habitude !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Cela est proprement inadmissible...

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la ville et l'intégration.

Nous aussi !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

... car la commission des finances n'a pu examiner en détail l'effort public en faveur des villes. Cette pratique doit changer, je le signalais déjà l'année dernière.

Ce budget traduit la mise en oeuvre des nouvelles orientations du Gouvernement en faveur des quartiers populaires de nos villes et il s'inscrit également dans un contexte en mouvement.

La loi d'orientation sur l'aménagement du territoire et la loi de simplification de l'intercommunalité, votées cette année, renforcent le cadre de la politique de la ville, Le projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements viendra également donner plus de chair aux objectifs de rééquilibrage de la ville sur elle-même. Cet ensemble de textes dessine - en demi-teinte, hélas, et je le regrette - la politique urbaine du Gouvernement dans laquelle s'inscrit la politique de la ville.

La loi de 1992 sur la coopération intercommunale a échoué en milieu urbain : les esprits n'étaient pas mûrs et le contexte budgétaire de l'époque ne permettait pas des incitations financières fortes.

Aujourd'hui, ce n'est pas plus le cas et le fait urbain s'impose de lui-même : la réussite déjà avérée de la communauté d'agglomération est à ce titre un signe encourageant. Elle consacre la prise en compte de l'agglomération pour ce qu'elle est, c'est-à-dire l'aire de la vie quotidienne de nos concitoyens. La commune reste l'échelon essentiel de mise en oeuvre des politiques de


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proximité, l'agglomération pouvant devenir le niveau de traitement des problèmes structurants : logement, transport, emploi et, bien sûr, renouvellement urbain.

C'est dans ce contexte que s'inscrivent les contrats de ville, dont la signature va s'égrener en ce premier semestre 2000, et que vont également se préciser les grands projets de ville dont le Premier ministre a annoncé en septembre dernier, à Strasbourg, les grands principes. Les acteurs du développement local urbain disposent ainsi d'un cadre cohérent d'intervention, qui doit permettre une meilleure alchimie entre la mobilisation des crédits de droit commun et ceux spécifiques à la politique de la ville.

J'ai le sentiment que le tournant négocié par le Gouvernement aux regards des objectifs de la politique de la ville doit permettre l'effacement progressif de cette politique spécifique. Certes, en disant cela, je vais vite en besogne. Mais je crois profondément que notre ambition à tous, élus et intervenants locaux, est « de faire de la ville », c'est-à-dire de conduire des projets non seulement pour réparer, mais aussi pour avancer ensemble et dessiner un cadre de vie qui n'exclut personne. Les contrats de ville et les grands projets de ville s'inscrivent dans cette dynamique. Au terme de leur exécution, nous aurons tous, les uns et les autres, une obligation de résultats.

En effet, l'implication de l'Etat, des villes et de leurs quartiers populaires n'a, jusqu'à présent, pas empêché que les villes ne soient morcelées par trente ans d'urbanisme favorisant les grands ensembles, suivis par trente ans de crise économique. Elle n'a pas non plus enrayé la montée de l'intolérance et le découragement de beaucoup de nos concitoyens qui ont perdu confiance dans le bien-fondé du projet démocratique et dans l'efficacité de l'action publique.

L'obligation de résultats qui est la nôtre est à évaluer à cette aune-là. Le programme de renouvellement urbain doit modifier profondément l'image de nos villes. Pour ce faire, plusieurs conditions doivent être réunies.

La première d'entre elles concernent la solidarité territoriale. En allouant 45 millions de francs cette année aux villes pauvres engagées dans un grand projet urbain et plus de 50 millions de francs l'année prochaine, le Gouvernement prend en compte les difficultés que rencontrent certaines villes. Cette mesure nouvelle va dans le bon sens et peut permettre de débloquer des projets ambitieux de renouvellement urbain.

La DSU est par ailleurs augmentée - moins que nous ne l'aurions souhaité il est vrai - même si elle reste en définitive marginale au regard du montant total des dotations de l'Etat aux collectivités. Mais elle est augmentée ! Cela étant, il faudra s'attaquer véritablement à une réforme de la fiscalité locale et améliorer la péréquation entre communes. C'est le seul moyen, me semble-t-il, pour rééquilibrer la ville sur elle-même et pour favoriser un meilleur équilibre des agglomérations. Le lancement d'une véritable réforme de la taxe d'habitation est impérative. Des annonces ont été faites à ce sujet ; elles devront être suivies d'effet. Habiter un ensemble HLM en périphérie de Paris conduit à devoir s'acquitter d'une taxe d'habitation plus élevée que si l'on habite le coeur de Paris : il y a là une injustice qui gomme à elle seule tous les efforts qui peuvent être entrepris pour favoriser la mixité sociale et ouvrir les quartiers aux classes moyennes.

M. Pierre Cardo.

Très juste !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

La deuxième condition tient à la place et au rôle du service public.

En effet, il n'y a pas de ville sans services publics. La place des services publics dans les quartiers populaires est u ne condition essentielle de leur développement, y compris de leur développement économique. J'ai eu l'occasion d'étayer cette idée dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre sur l'emploi et le développement économique dans les quartiers relevant de la politique de la ville.

M. Pierre Cardo.

Très bon rapport !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Il est impératif que l'Etat et l'ensemble des services publics renforcent leur présence et la qualité de leurs prestations dans les quartiers défavorisés.

Plus de déconcentration et plus d'adaptation des services aux populations concernées sont nécessaires pour permettre aux habitants des cités de ne pas se sentir abandonnés par la puissance publique.

Les initiatives que vous avez prises en ce domaine, monsieur le ministre, vont dans le bon sens. Mais il faudra, me semble-t-il, aller plus loin avec un plan réel de mise à niveau des services publics dans les villes de banlieue.

M. Pierre Cardo.

Bravo !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

L'innovation et l'expérimentation sont toujours intéressantes : par exemple, les plates-formes de services publics permettent un accès plus facile aux services publics. Pour autant, je c rois aussi que les villes de banlieue ont besoin d'enseignes : bureaux de poste, antennes de la CAF, ASSEDIC, commissariats, bureaux de police, entre autres.

C'est aussi par le signe tangible de la présence de la puissance publique que la relégation recule, que le sentiment d'abandon s'effrite et que la continuité territoriale de la République s'affirme.

Une question est sous-jacente à l'ensemble de la problématique des services publics - en tout cas, je crois nécessaire de la lier à celle-ci -, je veux parler de la question de l'intégration des populations d'origine étrangère.

Le débat est délicat car il renvoie au modèle républicain lui-même et à la construction démocratique de notre pays.

Pour autant, la réussite de la politique de la ville passe aussi par sa capacité à faire en sorte que la sociologie des services publics se rapproche de celle de la société.

Avec le dispositif des emplois-jeunes, pour une part, émergent des esquisses de solutions à ce problème. Il nous faut, en évitant l'écueil de la discrimination positive,...

M. Maurice Leroy.

Pourquoi pas ? La parité, ce n'est pas autre chose !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

... qui serait une discrimination de type ethnique, inventer des sas d'accès aux emplois relevant du service public.

Valoriser les parcours, les compétences et les savoirfaire tout autant que les diplômes me semble nécessaire, non seulement pour multiplier les opportunités d'emplois en faveur des résidents des quartiers populaires, mais aussi parce que le service public doit être régi aujourd'hui tout autant en fonction de la règle et de la norme que de la médiation et de l'adaptation des missions.

Une autre idée doit progresser pour équilibrer la ville et développer les nouveaux services : celle de la mixité de générations au sein des nouveaux métiers ou, en tout cas, des nouvelles fonctions urbaines développées à travers le plan « nouveaux services, emplois-jeunes ».


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Là encore - et j'ai eu l'occasion de l'affirmer dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre -, je crois qu'il est nécessaire d'inventer rapidement un dispositif permettant aux employeurs actuels des emplois-jeunes d'embaucher pour certaines fonctions des personnes ayant dépassé la trentaine.

Le champ investi aujourd'hui par les collectivités locales, les bailleurs et certaines entreprises de service public de la médiation sociale est par excellence celui par lequel un certain nombre d'adultes peuvent trouver à exercer leurs compétences. Leur présence dans ces services est aussi un gage de la réussite de ces missions nouvelles.

Nous devons remettre les adultes au coeur de la cité ; cela participe également à l'équilibre de la ville.

M. Maurice Leroy.

Enfin !

M. Pierre Cardo.

Très bien !

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Voilà ce que je souhaitais dire à l'occasion de l'examen de ce budget.

« Faire de la ville », comme j'ai coutume de le dire, c'est négocier à chaque instant entre le temps long de la ville et le temps plus court du social. La politique de la ville a pleinement vocation à conjuguer cette contrainte.

Votre budget, monsieur le ministre, témoigne de cette orientation. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose, comme l'a fait la commission des finances, d'adopter les crédits de la ville.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Verts.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Gilberte Marin-Moskovitz, suppléant M. Roland Carraz, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la ville.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, suppléant M. Roland Carraz, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la ville.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, veuillez excuser l'absence de Roland Carraz qui, gravement souffrant, ne peut être présent ce matin.

Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la ville, qui vient d'être excellement faite par le rapporteur spécial. Je me contenterai de vous indiquer que, conformément aux conclusions de M. Roland Carraz, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Roland Carraz a souhaité évoquer, dans son avis budgétaire, un thème qui me tient aussi à coeur et qui, selon lui, doit être l'axe central et fédérateur de la politique de la ville pour les années à venir ; il s'agit de l'intégration républicaine et de l'accès à la citoyenneté. Le Premier ministre a d'ailleurs fort justement indiqué que l'intégration sociale et citoyenne serait au coeur de la seconde étape de l'action du Gouvernement.

Selon les résultats du dernier recensement, plus de 80 % de nos concitoyens vivent en ville et notre pays n'a jamais été aussi urbain ; la ville est le lieu où s'établissent les échanges et les partages entre les cultures différentes des uns et des autres. Il s'agit donc bien du cadre privilégié de l'intégration républicaine et citoyenne. Et pourtant, la ville et ses habitants souffrent chaque jour de la difficulté de vivre ensemble. Délinquance, incivilité, pollution sonore, agressivité, racisme, violence sont des mots qui semblent devoir être définitivement liés à ceux de ville ou de banlieue. Même le terme antique et majestueux de cité, cadre fondamental de la démocratie et de la politique, souffre d'une image négative. La mécanique qui lie la ville et l'intégration semble grippée, comme si la ville ne parvenait plus à intégrer ses habitants à la société

L'intégration est d'abord celle des populations nouvelles : populations rurales depuis plus d'un siècle, populations étrangères qui ont apporté et qui continuent d'apporter à notre pays leurs cultures et leur force de travail, population de tous les jeunes qui naissent et grandissent sur le territoire français et à qui la société doit trouver une place digne car ils en sont l'avenir. La politique de la ville doit avoir pour objectif essentiel de permettre à tous les citadins, à tous les jeunes Français, et notamment à ceux issus de l'immigration, d'accéder à une pleine citoyenneté et de s'intégrer véritablement à la société française.

Violences urbaines et dérives communautaires traduisent en quelque sorte l'échec de la politique de la ville.

S'il y avait eu par le passé des politiques résolues en matière d'accès à la citoyenneté, les banlieues connaîtraient certainement moins de difficultés aujourd'hui.

Celles-ci sont bien évidemment aussi liées à l'absence de perspectives et au déficit d'emploi qui touchent souvent majoritairement les jeunes de ces quartiers, tout particulièrement ceux qui sont issus de l'immigration. C'est un terreau pour les violences, qui ne peuvent néanmoins être excusées et doivent être systématiquement sanctionnées. Ces comportements fondés sur le ressentiment n ourrissent eux-mêmes des réactions de rejet dans d'autres parties de la population et portent atteinte à la cohésion sociale et à l'intégrité du pacte républicain.

Il devient donc urgent d'enrayer ces dérives. Il est grand temps que l'Etat et l'ensemble des collectivités locales se mobilisent pour aider cette génération à trouver un emploi, une formation et à participer à la vie civique.

En particulier, un effort sans précédent doit être mené pour faire reculer les préjugés et lutter contre les discriminations qui touchent essentiellement les jeunes nés de l'immigration, la plupart de nationalité française, afin de leur permettre d'exercer leurs droits de citoyen et d'en remplir les devoirs.

La France est comme une personne : elle vit. Sa culture structurée n'en est pas figée pour autant. C'est pourquoi au mot assimilation, jadis employé, il faut préférer celui d'intégration, conception plus dynamique à partir d'un corps de principes qui font de la République française un modèle d'universalité. La réussite de l'intégration participe d'un effort partagé. Si les lois de la République doivent s'appliquer à tous et si, en dehors de la loi, les moeurs sont libres, un effort est requis de l'ensemble de nos concitoyens pour qu'ils adoptent un corpus républicain minimum. Par exemple, l'égalité de l'homme et de la femme figure dans la Constitution au même titre que la laïcité ou le refus du racisme.

Est citoyen celui qui participe de son plein gré à la vie de la cité. Cela suppose une discipline et l'acceptation de règles et de principes. Etre citoyen en France, c'est d'abord être un citoyen français qui existe à travers le débat public, avec la volonté de se projeter avec les autres dans un avenir toujours à repenser et à reconstruire.

M. Maurice Leroy.

Jusqu'ici, tout va bien ! (Sourires.)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, rapporteur pour avis suppléant.

L'école républicaine joue un rôle de premier plan dans l'accès à la culture et à la citoyennté. Sa vocation première est de former le citoyen. De même, les grandes institutions publiques - police, justice, administration, collectivités locales - ont un rôle éminent à jouer dans ce dispositif.


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La citoyenneté confère des droits. Elle comporte simultanément des devoirs auxquels chacun doit se soumettre : adoption d'un corpus républicain minimum, respect des lois républicaines, des biens et des personnes. C'est pourquoi elle est également indispensable à la tranquillité et à l'ordre public dans les villes et les banlieues. Il appartient à l'Etat et aux collectivités locales de mener une politique volontariste d'accès à la citoyenneté qui confortera, par ce qu'elle représente en termes de responsabilisation, les démarches engagées dans le cadre de la politique de la ville.

Il faut donc se donner les moyens de la reconquête républicaine des quartiers populaires. La politique menée doit être globale et interministérielle. Il est indispensable de mettre tous les instruments en synergie et de prendre en compte toutes les données socio-économiques de la population pour agir au titre de la politique de la ville. Il ne s'agit pas d'évoquer la politique d'immigration, avec ses dispositifs spécifiques d'intégration, mais de se demander comment aider les populations françaises issues de l'immigration à bénéficier du droit commun de la République, en application du principe d'égalité.

Une démarche claire, volontariste, cohérente et permanente nécessiterait la mise en place d'un comité interministériel au niveau central pour la politique de la citoyenneté. Les collectivités locales peuvent aussi prendre des initiatives dans ce domaine : ainsi, la ville de Chenôve, dont M. Roland Carraz est le maire, a créé le 19 mars 1999 un poste de chargé de mission contractuel pour l'accès à la citoyenneté et l'intégration républicaine.

Il s'agit d'une véritable mission de service public dont le but est d'obtenir le ralliement des jeunes à la République.

Par ailleurs, il importe que l'intégration républicaine constitue une dimension transversale présente dans tous les futurs contrats de ville 2000-2006. Chacun, quels que soient son origine, son lieu de résidence ou son statut social, doit se sentir appartenir à la même communauté de vie.

Favoriser l'accès à la citoyenneté est la condition essentielle de l'avenir réussi des villes républicaines, parce qu'il permet l'intégration de tous les jeunes à la société. Cet apprentissage commence dans la famille, se poursuit à l'école républicaine, mais ne doit cependant pas s'arrêter à la sortie des portes des écoles. Il faut inciter les jeunes à aller aux spectacles culturels ou à exercer des pratiques artistiques et sportives en amateur, et permettre l'accès à des activités périscolaires organisées. En l'absence de régulation publique, ce temps d'accès personnel aux savoirs, à la culture et aux loisirs risque de continuer à reproduire les inégalités préexistantes. C'est ainsi, par une approche à la fois globale et directement pratique de la lutte contre les inégalités culturelles, que l'égalité effective des chances pourra être rétablie.

Par ailleurs, il ne peut y avoir d'intégration et d'exercice de la citoyenneté si les conditions d'existence sont mauvaises, qu'il s'agisse de l'emploi, de la sécurité ou de la santé. Intégrer tous les citoyens à la République suppose que soient réunies les conditions qui permettent d'évoluer dans un environnement harmonieux pour tous, au besoin au moyen de discriminations positives rétablissant l'égalité réelle.

Si chacun de nos concitoyens ne se sent pas lié, à travers la République, à toute la société, par un contrat qui se nomme le pacte républicain, il ne sera pas possible d'enrayer les discriminations, les violences urbaines et les dérives communautaires qui minent les quartiers. A ce titre, il est important de rappeler à tous que la citoyenneté est le socle de la sécurité.

L'accès à la citoyenneté doit être favorisé par des campagnes publiques en faveur de l'acquisition de la nationalité française et des devoirs qui s'y attachent. Si la promotion du civisme se fait d'abord à l'intérieur de la famille et du système scolaire, elle peut aussi faire l'objet de rituels républicains et de manifestations symboliques organisées avec le concours des élus : cérémonies lors de la remise de la première carte d'électeur à dix-huit ans avec le livret du citoyen, parrainage républicain, remise de prix d'excellence à l'école, fête de la citoyenneté.

Sans citoyenneté, sans institutions vraiment républicaines, sans coordination très forte sur le terrain, autour des maires, toute politique de la ville fondée sur l'urbanisme, le logement ou le « tout-social » aura du mal à produire ses effets, malgré les bonnes intentions, qui n'ont pas manqué depuis vingt ans.

Au même titre, et sans doute davantage, que les espaces publics, l'architecture ou la pierre, la République est un matériau essentiel de la ville. Il faut la réinjecter à dose massive dans les quartiers populaires. La politique de la ville aura alors toute son efficacité et saura donner du sens à la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la ville et l'intégration.

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la ville et l'intégration.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée se penche aujourd'hui sur les crédits du ministère délégué à la ville au titre du p rojet de loi de finances pour 2000. Chacun connaît - et déplore - le caractère assez formel de cet exercice, qui revient chaque année avec une constance qui n'a d'égale que celle des saisons.

(Sourires.)

Formel, cet exercice l'est plus encore lorsqu'on garde à l'esprit que les moyens de votre département, monsieur le ministre, ne représentent qu'un peu plus de 5 % de la totalité des efforts publics, national, local et européen, en faveur de la politique de la ville. Légèrement supérieurs au montant des crédits européens, ceux dont vous avez la responsabilité directe ne représentent que 14 % des interventions agrégées des autres ministères ou 24,2 % de celles de la seule Caisse des dépôts et consignations.

Avant d'en venir à l'analyse des crédits, j'ai le regret, moi aussi, d'avoir à revenir sur les conditions de préparation de cet examen budgétaire. Vous avez été, monsieur le ministre - pardonnez-moi cette perfidie -, le président respecté d'une des commissions permanentes de l'Assemblée, et vous connaissez donc mieux qu'un autre les contraintes et les difficultés du travail parlementaire. Je n'en déplore que plus vivement, comme mon collège M. Bourguignon, d'avoir à renouveler ici mes observations de l'année dernière sur la médiocrité des réponses apportées aux questions du rapporteur : indigence des données, faiblesse des analyses, transmission des informations dans des délais interdisant leur exploitation valable, quand il ne s'agit pas d'un refus pur et simple de répondre ; cela devait être dit solennellement dans cette enceinte. Disant cela, je veux vous aider à faire naître une culture de transparence et d'efficacité qui semble faire défaut à votre administration.


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Dans le contexte économique difficile que nous traversons, marqué par la nécessité de maîtriser la dépense publique et de repenser l'intervention de l'Etat dans le sens d'une plus grande responsabilité des acteurs, je vous donne bien volontiers acte de la croissance substantielle des moyens de votre département, que le projet de loi de finances pour 2000 porte à 1,4 milliard de francs en moyens de paiement et 1,6 milliard de francs en moyens d'engagement. Ma satisfaction eût été entière, et j'aurais salué la continuité de l'effort de votre majorité en faveur de la politique de la ville, si cette progression n'était largement imputable à la réintégration au sein de votre budget de lignes budgétaires autrefois gérées par d'autres ministères. Les seuls transferts internes au chapitre 46-60 - soit 260 millions de francs - expliquent ainsi près de 80 % de la croissance des dépenses ordinaires au titre IV.

Le projet de budget pour 2000 de votre ministère m'apparaît marqué par trois préoccupations majeures.

L'exercice budgétaire 2000 correspond à la première année de mise en oeuvre des nouveaux contrats de plan

Etat-régions pour 2000-2006. La contractualisation qui inspirera le financement des contrats de ville repose sur trois principes.

D'abord, les enveloppes de crédits contractualisés ont été fortement majorées afin d'afficher une volonté claire de suivi et de garantie de financement, gage de pérennité des projets engagés par les collectivités territoriales.

E n second lieu, le renforcement des enveloppes contractualisées concerne tant les crédits de fonctionnement que l'investissement. Selon les informations que vos services m'ont transmises, il s'agit toutefois moins de multiplier le nombre de contrats existants que de leur offrir une assise territoriale plus large, reposant notamment sur des participations intercommunales.

Par ailleurs, il a été décidé d'élaborer un programme significatif de renouvellement urbain, qui prolonge et amplifie l'expérience des grands projets urbains, comme l'a annoncé le Premier ministre le 27 septembre 1999.

La seconde orientation prend en compte la volonté de remédier aux décalages constatés lors des précédents contrats de ville, entre les autorisations de programme et les crédits de paiement effectivement accordés.

Enfin, vous proposez de renforcer la capacité d'animation de la politique de la ville par la dotation d'une nouvelle ligne budgétaire sur les expertises et les colloques, de diminuer les crédits d'études - puisque les diagnostics de préparation des contrats de ville ont été réalisés en 1999 et de maintenir au niveau atteint en 1999 les moyens de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain.

Au-delà de la seule analyse des moyens, il faut s'interroger plus généralement sur la politique que mène la majorité afin de construire la ville de demain. Force est de constater que les options retenues suscitent la perplexité, sinon la critique.

L'élu local que je suis est, depuis plusieurs années, dubitatif devant la stratification des outils et mécanismes contractuels susceptibles d'intervenir au titre de la politique de la ville. Contrats de plan Etat-régions, contrats de pays, contrats d'agglomération, contrats de ville, schémas de services collectifs, grands projets urbains, zones de redynamisation urbaine, zones franches urbaines... L'aménagement du territoire et la politique de la ville, qui en constitue la déclinaison urbaine, se meurent de dispositifs auxquels trois qualificatifs s'accolent naturellement : pléthoriques, opaques et redondants.

La multiplication des guichets nuit à la lisibilité de l'action de l'Etat et donc à l'évaluation de sa pertinence, si nécessaire pourtant pour réduire une ponction fiscale écrasante qui fait de la France une référence peu enviée au sein des grands pays industrialisés. Surtout, cette politique entretient les stratégies d'assistanat de certaines collectivités locales abonnées aux subventions, ce qui n'est conforme ni à l'esprit ni à la lettre des lois de décentralisation.

Monsieur le ministre, je ne vous reproche pas un empilement de mesures auxquels toutes les majorités, sur nos bancs comme sur les vôtres, ont contribué. Mais la représentation nationale attend de vous que vous engagiez un travail de simplification et de modernisation de la ville, un travail qui demande incontestablement du courage et de la volonté, mais que vous avez jusqu'à présent différé.

De ce point de vue, la synchronisation des contrats de ville avec les contrats de plan Etat-régions est une initiative de bon sens. Elle ne peut cependant suffire. Il faut aller plus loin. Réduire la multiplicité des procédures, mettre en place un interlocuteur unique pour les élus locaux, rendre la mobilisation des moyens plus rapide : autant de voies concrètes qu'il faut explorer et que le monde local attend.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux exprimer mon accord avec les orientations que vous présentez.

La commission de la production et des échanges a toutefois estimé devoir donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2000. La plume est serve, mais la parole est libre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, l'année dernière, lors de l'examen de mon budget pour 1999, vous aviez eu l'occasion d'exprimer votre satisfaction après la nomination d'un ministre délégué à la ville et la relance de la politique de la ville par le Gouvernement.

M. Maurice Leroy.

Il était temps !

M. le ministre délégué à la ville.

Vous aviez exprimé le souhait que cette relance ne soit pas un feu de paille, mais qu'elle s'inscrive dans une volonté politique de long terme.

Je suis heureux de vous présenter, à travers l'examen des crédits de mon département ministériel pour 2000, les orientations de la nouvelle politique de la ville, qui est désormais inscrite comme une priorité durable et qui sera au coeur de la deuxième étape de l'action gouvernementale.

Le budget du ministère de la ville sera de nouveau celui qui augmentera le plus en 2000. Après 32 % d'augmentation en 1999, le projet de loi de finances pour 2000 vous propose une augmentation de près de 10 % à base constante. En plus de cette augmentation nette, le budget de la ville regroupera à partir de 2000 plus de 300 millions de francs de crédits auparavant dispersés - aménagement du territoire, environnement, jeunesse et sports, justice, emploi et solidarité, santé et fonds d'aménagement de la région Ile-de-France.

M. Santini vient de nous appeler au courage de la simplification administrative. Voilà une première réponse qui lui est apportée. Il n'était pas facile pour chacun des


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ministères concernés d'accepter cette concentration sur le budget du ministère de la ville. Cela donnera des simplifications qui seront visibles dès l'année prochaine pour chacun des sites.

Cette volonté de simplification se retrouvera également sur le plan local, 90 % des crédits étant délégués aux préfets de département, avec des procédures allégées d'instruction des dossiers, notamment pour les petites associations - j'y reviendrai dans la suite de mon propos.

Au total, le budget du ministère s'établira donc à plus de 1,4 milliard de francs, contre 1 milliard en 1999.

Les moyens de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville sont stables, tandis que les crédits d'études diminuent et que les crédits de communication destinés à l'animation nationale ou régionale sont mieux identifiés pour les raisons qu'ont parfaitement développées Mme et MM. les rapporteurs.

En dehors du partenariat national et des opérations Ville-Vie-Vacances, l'essentiel des moyens du ministère et des mesures nouvelles - 70 millions en fonctionnement et 30 millions en crédits de paiement - financeront les programmes d'action inscrits dans les contrats de ville.

Cette priorité forte du Gouvernement pour la politique de la ville, qui se traduit depuis deux ans par des augmentations sans précédent du budget du ministère, se retrouve également dans les crédits de droit commun que les différents ministères consacrent à la politique de la ville. C'est le cas pour le ministère de l'emploi et de la solidarité - emplois-jeunes dans les quartiers, mise en oeuvre de la loi sur les exclusions -, pour le ministère de l'intérieur - police de proximité -, pour le ministère de l'éducation nationale - réseaux d'éducation prioritaire ou encore pour le secrétariat d'Etat au logement pour ce qui concerne les opérations de reconstruction-démolition de logements sociaux.

Cette mobilisation des ministères concernés est fondamentale car la politique de la ville ne doit pas être une politique sectorielle de plus : elle doit au contraire servir à mobiliser et à infléchir les leviers traditionnels de l'action publique.

Cette priorité se retrouve également dans les prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités locales et aux HLM, dont les taux ont été une nouvelle fois réduits, suivant en cela la baisse du taux du livret A.

La Caisse des dépôts et consignations sera un partenaire important de la nouvelle étape de la politique de la ville. Une enveloppe additionnelle de 3 milliards de francs sera ainsi mobilisée sur les fonds propres de la Caisse, en appui du programme de renouvellement urbain. Elle permettra notamment de soutenir les opérateurs publics en préfinançant le démarrage d'opérations d'aménagement, d'assurer la capitalisation d'opérateurs urbains et de contribuer à la mise en place de fonds de garantie. Un volet consacré à la revitalisation économique des quartiers concernés sera également identifié au sein du programme « développement économique et emploi » de l'établissement public, notamment pour faire suite à l'excellent rapport de M. Pierre Bourguignon et de Mme Chantal Robin-Rodrigo.

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Pourquoi cette discrimination ? Un rapport peut être excellent mais hostile ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy.

C'est une discrimination positive ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à la ville.

Je parlais du rapport sur le développement économique...

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Bien sûr !

M. le ministre délégué à la ville.

Ce changement d'échelle de la politique de la ville s'accompagnera d'une participation financière plus importante des collectivités locales parce que les régions et les départements souhaitent s'investir davantage et parce que les communes les plus pauvres ont bénéficié d'une augmentation de 45 % de la DSU dès 1999. Comme l'a annoncé le Premier m inistre à Strasbourg, le Gouvernement a prévu pour 2000 un nouvel abondement supplémentaire de 500 millions de francs, comme je l'avais demandé, en plus de la dotation de 200 millions de francs destinée à tenir compte des résultats du recensement.

Ce sera également le cas pour les fonds structurels européens, qui, malgré leur diminution globale annoncée à partir de 2000, profiteront davantage à la politique de la ville, notamment dans les régions Ile-de-France et Rhône-Alpes. Les quartiers en difficulté seront même pour la première fois inscrits en tant que tels dans la prochaine génération des fonds structurels 2000-2006.

Il s'agit là d'un témoignage très important de la prise en compte nouvelle des problématiques urbaines par l'Europe.

Au total, comme vous avez pu le constater à la lecture du « jaune », qui ne vient, hélas ! que de paraître...

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

J'avoue notre difficulté à le faire parvenir à la représentation nationale dans de bonnes conditions et dans un délai décent.

M. Pierre Cardo.

Il arrive quand même plus vite que le versement des subventions ! (Rires.)

M. Maurice Leroy.

Il n'y a pas d'agios sur le « jaune » !

M. le ministre délégué à la ville.

Nous essayerons d'améliorer les choses.

Au vu du « jaune », vous avez pu constater que l'effort global en faveur de la politique de la ville atteindra, dès 2000, les 34,9 milliards de francs, soit, approximativement, le montant auquel faisait référence le rapport Sueur.

Les contrats de ville, principaux outils de mise en oeuvre de la politique de ville, bénéficieront pour les sept prochaines années de moyens en hausse de 70 %, avec 17,4 milliards de crédits dont 8,6 milliards pour le seul ministère de la ville. Les moyens nouveaux accordés à la politique de la ville en changent profondément le sens.

D'une politique d'amortisseur social, certes nécessaire en temps de crise, l'enjeu est d'en faire un outil de développement social et d'intégration des quartiers à la ville.

Les objectifs nouveaux assignés aux contrats de ville et les moyens supplémentaires dont ils bénéficieront devront permettre à chaque acteur de s'engager, au niveau des quartiers, des villes et des agglomérations.

L'Etat, les collectivités locales, les bailleurs sociaux et tous les autres partenaires publics s'engageront solennellement à tout mettre en oeuvre, chacun pour ce qui le concerne, pour combattre l'exclusion urbaine dans ses différentes dimensions. Cet engagement consiste aussi à travailler autrement, de manière transversale et transparente, pour relégitimer l'action publique auprès des citoyens et pour mieux les associer aux décisions qui les concernent.

Dans cette perspective, j'ai souhaité mobiliser particulièrement le monde associatif, qui agit au plus près de la réalité. Les 10 000 associations qui interviennent dans la mise en oeuvre de la politique de la ville ne sont pas tou-


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jours reconnues pour ce qu'elles sont ni pour ce qu'elles font. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux préfets d'engager d'ici à la fin de l'année un dialogue avec elles pour leur présenter les objectifs des nouveaux contrats de ville et les procédures simplifiées de financement que j'ai mis en place ainsi que le demandait M. André Santini il y a quelques instants. Nous avons également essayé de nous attaquer à la complexité de la situation faite aux associations.

Ces simplifications radicales, qui visent notamment à instaurer un dossier unique simplifié, à accélérer le versement des subventions et à mutualiser les fonds publics dans un « pot commun », permettront de conclure un nouveau contrat moral avec l'Etat pour la mise en oeuvre de la politique de la ville.

Je souhaite ainsi établir des relations plus confiantes, mais aussi plus exigeantes, que par le passé entre l'Etat et le monde associatif au moment où celui-ci s'apprête à fêter le bicentenaire de sa loi fondatrice.

Le Premier ministre a décidé que le lancement des nouveaux contrats de ville s'inscrira dans la perspective d'un ambitieux programme de rénovation urbaine et de solidarité qu'il souhaite engager pour les dix prochaines années. Cela se traduira en particulier par le lancement d'un grand programme de renouvellement urbain, qui touchera la majorité des sites en contrat de ville. La restructuration urbaine et la revitalisation économique de nos quartiers les plus en difficulté sont en effet devenues une nécessité. Quarante ans après le début de la vague massive de construction de logements sociaux, vingt ans après le début d'un grand programme de réhabilitations lancé en 1981, de nombreux ensembles sont devenus largement obsolètes : ils ne correspondent plus aux attentes de la population et concentrent ceux qui n'ont plus le choix de leur lieu d'habitation, les « assignés à résidence ».

Ils constituent les premiers signes d'une ghettoïsation de nos villes, y compris au sens ethnique du terme.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

Pour les réinscrire dans la normalité, un engagement exceptionnel de l'Etat est indispensable.

Ces opérations de renouvellement urbain seront d'importance variable suivant les sites. Une cinquantaine d'entre elles, de très grande ampleur, pourront être qualifiées de « grands projets de ville », en référence aux

« grands projets urbains » lancés en 1992.

Mais, sur ces sites exceptionnels, une nouvelle manière de préparer et de mettre en oeuvre le projet devra être engagée. C'est la nouvelle étape de la politique de la ville qui nous attend. Nous sommes arrivés aux 35 milliards de mobilisation financière entre l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations et les collectivités locales. Le pari des prochaines années est de mobiliser ces sommes d'une manière différente, de travailler d'une manière différente sur le terrain, pour montrer, comme l'ont souhaité les rapporteurs, qu'il ne s'agit pas simplement d'une série de procédures : nous devons avoir à notre disposition un véritable levier financier pour changer la vie dans nos villes.

Grâce à l'expérience des « grands projets urbains », nous savons désormais ce qui est indispensable à la réussite de projets de requalification aussi complexes et aussi ambitieux : l'engagement fort des élus locaux, la simplification des procédures, l'équilibre entre le court terme et le long terme, entre le budget de fonctionnement et le budget d'investissement.

Les 9 et 10 décembre, à Vaulx-en-Velin, l'un des GPU qui fonctionnent le mieux et qui démontrent que l'on peut physiquement et socialement changer la ville et l'améliorer...

M. Maurice Leroy.

Le GPU de Gennevilliers n'est pas mal non plus !

M. le ministre délégué à la ville.

Je cite Vaulx-en-Velin car une réunion va s'y tenir. Mais il est vrai que Gennevilliers a fait de gros progrès.

Les 9 et 10 décembre, disais-je, j'organiserai à Vaulxen-Velin deux journées consacrées spécifiquement à ces questions, pour élaborer en commun la charte de qualité de ces grands projets.

Outre sa dimension financière, que l'on retrouvera dans la loi de finances pour 2001, ce grand programme de renouvellement urbain nécessitera de nouveaux outils législatifs. Ceux-ci seront inscrits dans un titre spécifique du projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat, les transports et la politique de la ville. Il contiendra notamment une réforme de la loi d'orientation sur la ville, visant à mieux répartir les logements sociaux sur l'ensemble de l'agglomération, ainsi qu'une réforme de la législation sur les copropriétés dégradées, et prévoira la création de nouveaux outils de développement économique au bénéfice des quartiers.

Ce grand programme de renouvellement urbain, avec ses cinquante grands projets de ville, sera bien entendu l'une des mesures les plus fortes du comité interministériel des villes de décembre, qui sera présidé par le Premier ministre.

Le Premier ministre a également souhaité que le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation prépare dans cette perspective différentes mesures pour renforcer la présence et la qualité des services publics dans nos quartiers.

J'ai pour ma part fait un certain nombre de propositions, en particulier pour relancer la politique d'implantation de services publics, sur la base d'un diagnostic qui a été réalisé cette année dans les départements les plus concernés et qui montre des carences et des besoins nouveaux.

J'ai également souhaité que l'Etat transforme ses pratiques, en sachant travailler dans la proximité et la transversalité. Des délégués de l'Etat, à l'exemple de ce qui se fait dans le Rhône, seront ainsi nommés en 2000 dans les quartiers de la politique de la ville, pour animer des projets de services publics locaux.

De la même manière, en accord avec Bernard Stasi, médiateur de la République, je pense qu'il est nécessaire de développer les formes de médiation entre les citoyens et les services publics en instaurant un nouvel échelon de proximité pour les délégués du médiateur dans le villes qui souhaiteront cette présence.

Emile Zuccarelli fera quant à lui des propositions pour améliorer la motivation et la qualification des agents publics qui agissent dans le cadre de la politique de la ville, ainsi que pour élargir le recrutement dans les services publics à de nouvelles compétences issues des quartiers.

Le Premier ministre est particulièrement convaincu de la nécessité d'avoir un service public à l'image de la population. Les efforts réalisés par le ministre de l'intérieur ou par La Poste nous montrent la voie à emprunter.

Je ne voudrais par terminer sans vous informer du travail en cours à partir des propositions du rapport parlementaire Bourguignon-Rodrigo sur le volet économie et emploi de la politique de la ville, priorité des priorités.


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Le retour de la croissance profite d'abord à ceux qui étaient les plus proches de l'emploi. Il y a donc un risque important que les habitants des quartiers en difficulté, moins qualifiés et écartés depuis longtemps du marché du travail, ne soient les derniers à bénéficier de l'embellie économique.

M. Pierre Cardo.

Il ne s'agit pas d'un risque, mais d'une certitude !

M. le ministre délégué à la ville.

Le sentiment d'injustice que pourraient éprouver les habitants en voyant repartir le train de la croissance sans eux serait la pire des choses et le pire des signaux.

En liaison avec Martine Aubry, le Gouvernement a donc décidé une mobilisation exceptionnelle, annoncée lors d'une réunion extraordinaire de l'ANPE, pour que chaque chômeur des quartiers puisse se voir proposer une solution de formation ou d'insertion professionnelle. Un p rogramme de lutte contre les discriminations à l'embauche, dont nombre d'entre eux sont encore victimes, en raison de la couleur de leur peau, de la consonance de leur nom ou de leur adresse, sera mis en oeuvre à tous les niveaux. (M. Jean-Marie Bockel applaudit. -

« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.)

A la lumière de la réussite des emplois-jeunes, qui ont profité à près de 30 000 jeunes des quartiers, rendant l'espoir à autant de familles, le Gouvernement proposera bientôt des mesures spécifiques aux adultes des quartiers, pour y développer en particulier leur rôle de médiation.

Le programme de renouvellement urbain, destiné à recomposer les quartiers d'habitat social et à les intégrer au reste de la ville, comprendra différentes mesures en faveur de l'implantation d'entreprises et de services, dans les quartiers en difficulté ou à proximité de ceux-ci. Si l'on veut faire de ces quartiers souvent stigmatisés des quartiers « normaux », entre guillemets, il ne suffit pas de repeindre les façades - nous en sommes aujourd'hui tous convaincus : on devra dans certains cas détruire des logements dont plus personne ne veut et réorganiser avec les habitants l'ensemble du quartier pour le rendre attractif et vivant.

Dans ce cadre, il faudra notamment identifier les espaces qui pourraient un jour accueillir des entreprises et des services. Un programme d'aménagement foncier et d'investissements publics sera alors mis en oeuvre avec tous les partenaires pour améliorer les dessertes, les services et la sécurité de ces espaces. Ce programme mobilisera également les moyens de la Caisse des dépôts et des collectivités locales, regroupés dans le cadre de sociétés d'investissement régional.

Des aides à l'investissement, notamment fiscales, pourront être accordées aux entreprises qui acceptent de s'implanter dans ces nouveaux espaces, sur la base d'un véritable projet partagé : d'un côté, les partenaires publics s'engagent à entreprendre des actions pour faire de ce quartier un quartier « normal », de l'autre, les entreprises s'engagent à s'implanter et à créer des emplois, les aides accordées aux entreprises, sur la base de ce projet, scellant l'accord.

Par ailleurs, il conviendra de mobiliser l'épargne populaire sur ces grands chantiers.

Ces différentes mesures, en préparation, seront annoncées en fin d'année dans le cadre du projet de loi sur l'urbanisme et dans le cadre du CIV prévu pour le 14 décembre.

Tous ces outils devront être utilisés et complétés à partir d'une stratégie collective de développement solidaire pour nos villes.

D'une manière plus générale, j'ai souhaité encourager le monde urbain à s'organiser davantage dans la perspective du siècle nouveau. C'est vrai, nos institutions et nos pratiques politiques ne reflètent pas toujours la nouvelle donne urbaine dans notre pays, que le recensement a récemment mise en lumière. Et si 80 % de la population habitent désormais dans des aires urbaines, la ville est encore trop souvent perçue comme le lieu de tous les désordres, de toutes les difficultés sociales.

Le monde urbain doit donc savoir s'organiser, à la fois pour mobiliser les moyens de soigner les parties malades de la ville et pour faire prendre conscience au pays que notre avenir urbain peut, si nous en faisons un enjeu du débat politique, représenter le meilleur pour notre société.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. le ministre délégué à la ville.

En refusant les ghettos urbains, en accentuant les mécanismes de solidarité, le Gouvernement poursuit le projet d'une société ouverte et juste. Nul doute qu'il sera partagé par le plus grand nombre.

C'est le sens d'initiatives comme l'institut pour la ville, dont les fondations sont en place, et dont je souhaite faire l'outil des professionnels et des élus urbains.

C'est également la raison d'être du festival international de la ville, qui, pour sa première édition, en septembre dernier, a accueilli plus de 15 000 participants, pendant trois jours de fêtes et de débats, dans la belle ville de Créteil ; et je remercie encore Laurent Cathala, qui a donné naissance à cette initiative. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Santini, rapporteur pour avis.

M. Cathala est venu pour entendre ça !

M. Maurice Leroy.

Enfin un vrai spectacle !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est enfin le sens des contacts que j'ai pris avec les autres pays européens ayant les mêmes préoccupations et souhaitant faire de l'enjeu urbain une dimension indispensable de la construction de l'Europe politique.

Mesdames, messieurs les parlementaires, au-delà de la discussion budgétaire, ce qui est à l'ordre du jour, c'est le renforcement de la politique de la ville, afin de permettre à l'ensemble de nos concitoyens, à l'ensemble des habitants des villes, de pouvoir mener une vie normale, quel que soit leur nom, quel que soit le quartier où ils habitent, quelle que soit la couleur de leur peau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Vaxès, premier orateur inscrit.

M. Michel Vaxès.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, après le temps de la réflexion, après le temps des orientations, arrive le plus attendu, celui de la mise en oeuvre d'une politique de la ville rénovée. Plus lisible dans ses intentions, elle propose de corriger les insuffisances de quinze années d'expérimentations et d'actions trop souvent enfermées dans les limites étroites de quartiers malades du chômage et de la pauvreté, recherchant désespérément en leur sein les moyens de la guérison.

Nous apprécions d'autant plus cette inflexion qu'elle conforte les anticipations heureuses réalisées dans certains territoires, précisément ceux qui, localement, ont su mettre en mouvement les habitants, à partir de stratégies globales de reconquête urbaine, économique et sociale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Aujourd'hui, se construit progressivement une conviction partagée : la ville ne peut s'épanouir que si elle est appréhendée dans sa globalité, pensée dans ses rapports à un environnement élargi, construite dans une cohérence d'ensemble, et cette conception est seule susceptible de nourrir des choix capables de résorber les inégalités de territoire, de réduire les injustices sociales qui l'ont profondément meurtrie - mais nous n'avons pas la naïveté de croire qu'elle puisse, à elle seule, résoudre tous les problèmes.

La ville, comme la vie qu'elle accueille, a trop longtemps attendu une politique qui traduise vraiment la solidarité nationale sans exclure les solidarités de proximité, une politique qui redonne le sentiment d'appartenance à u ne même république, à une même communauté humaine, soucieuse d'offrir à chacun de ses membres le cadre de vie qu'il est en droit d'attendre, une politique qui requière des devoirs citoyens tout autant que l'Etat assume ses propres responsabilités républicaines.

Cette politique, nous proposons de la mettre en oeuvre, avec les habitants, en conjuguant toujours mieux les pratiques de démocratie représentative et de démocratie directe, parce que nous sommes convaincus qu'il n'est de bonne décision que si elle est élaborée avec l'ensemble des intéressés. Et ceux-ci, n'en doutez pas, monsieur le ministre délégué, évalueront la pertinence de la politique gouvernementale à la seule mesure de ses résultats.

M. Pierre Cardo.

A la mesure des résultats obtenus à Trappes ?

M. Michel Vaxès.

Pour notre part, nous ne négligerons aucun effort pour qu'ils soient au rendez-vous de la nouvelle génération des contrats de ville, car nous voulons la réussite de votre politique, de la politique du Gouvernement.

Pour cette raison aussi, nous ne tairons ni nos suggestions ni nos critiques. Nous le ferons dans un esprit constructif, sans complaisance ni surenchère, avec l'efficacité pour seul souci et la réussite pour seul objectif.

C'est d'autant plus indispensable et urgent que la politique de la ville, en quinze ans, n'a entamé de manière significative ni la ségrégation sociale ni la ségrégation spatiale. Elle n'a pas pu garantir l'égal accès des citoyens aux services publics ; elle n'a pas davantage permis de réduire les inégalités dans l'accès aux droits les plus fondamentaux - les droits à l'emploi, au logement, à la santé, à l'éducation, à la culture.

Je ne force pas le trait. Quelques chiffres révélés par la CAF et le Secours catholique en portent témoignage. En sept ans, le nombre de RMIstes a doublé : il dépasse désormais le million. Le nombre de bénéficiaires de l'aide au logement s'est accru de plus de un million de personnes, pour atteindre six millions en 1998, soit un ménage sur trois. Parmi les dix millions d'allocataires de la CAF, un sur trois dispose d'un revenu mensuel inférieur à 4 200 francs et un sur deux vit avec moins de 6 200 francs par mois. L'année dernière, le Secours catholique a suivi plus de 700 000 cas de détresse et aidé un million et demi de personnes, dont plus de un million vivent sous le seuil de pauvreté.

Ce constat est accablant. Il condamne sans appel les logiques ultra-libérales et leurs effets destructeurs. Les dogmes du libéralisme brisent les vies et déstructurent les territoires. Ils ne sont plus supportables et portent en germe de nouvelles et dramatiques explosions.

Pour ces raisons, monsieur le ministre délégué, nous avons apprécié les analyses que vous avez présentées en février dernier, à l'occasion du colloque organisé par l'Association nationale des élus communistes et républicains : vous avez alors condamné « le laisser-faire et le laisser-aller » du libéralisme sans frein appliqué à la ville.

M. Pierre Cardo.

Dans les villes, ce n'est pas le règne du libéralisme, c'est la loi de la jungle !

M. Michel Vaxès.

Ce serait, disiez-vous, « la perspective, à moyen terme, de quartiers privés, réservés aux catégories sociales les plus aisées, et de véritables ghettos réservés aux plus mal lotis ». Comme vous, de cela, nous ne voulons pas.

Pour ces raisons aussi, nous considérons que la politique de la ville, dans un pays où près de 80 % de la population réside en milieu urbain, ne peut se réduire à la préoccupation et aux seuls moyens du ministère chargé de la ville. Le gouvernement tout entier doit s'engager.

Voilà pourquoi nous affirmons, une fois encore, que les limites de l'impact de la politique de la ville sont d'abord inscrites dans des contraintes imposées par le budget de l'Etat.

Comment, alors, ne pas s'interroger en observant que les budgets d'activité de la nation, dans le projet de loi de finances pour 2000, ne progresseront que de 0,3 %, hors charge de la dette ? D'ailleurs, implicitement, vous en convenez vous-même lorsque vous appelez, à juste titre, à l'indispensable mobilisation des budgets régionaux et départementaux. Exercice difficile, lorsque l'on sait depuis des années qu'il n'est pas une seule réforme qui n'induise des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales.

Engager des montants importants exige, de la part des assemblées territoriales - régions et surtout départements du volontarisme et de la constance, en même temps que cela demande une grande vigilance de la part des services de l'Etat responsables de la politique de la ville.

Avec la même motivation, monsieur le ministre délégué, vous avez clairement et justement affirmé la nécessité d'abonder les crédits spécifiques de la ville par des crédits de droit commun. Les moyens spécifiques, avez-vous dit, n'ont pas vocation à se substituer aux crédits de droit commun. Ils doivent aider à combler les inégalités et accompagner les actions innovantes.

Nous partageons cette recommandation, mais il restera à veiller au redéploiement des crédits de droit commun par les services déconcentrés de l'Etat, pour qu'il soit véritablement tenu compte des inégalités territoriales, surtout quand il est demandé à ceux qui en ont le moins et qui sont confrontés aux plus grandes difficultés d'être toujours plus innovants.

Les communes, et plus particulièrement celles concernées par la politique de la ville, se débattent dans des difficultés budgétaires et de trésorerie telles que leurs marges de manoeuvre rendent quasiment impossible toute prévision. Pourtant, nulle part ailleurs que dans ces territoires, les besoins à satisfaire ne se sont aussi considérablement accrus, au moment même où les moyens d'y répondre sont devenus plus que jamais aléatoires.

Ils dépendent, en effet, et le plus souvent dans des proportions considérables, des dotations de l'Etat. Il est certes prévu une augmentation sensible de la DSU pour 2000, mais il faut aussi évoquer les diminutions du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et de la dotation de compensation de la taxe professionnelle : au total, dans ma commune, les dotations prévues pour l'année prochaine n'auront évolué que de 0,38 %, c'est-àdire moins que l'inflation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Cette incertitude n'est pas seulement un obstacle à l'efficacité de gestion des collectivités territoriales, elle est aussi un frein à la définition des politiques publiques, en concertation avec les habitants, qui attendent de plus en plus impatiemment leur mise en oeuvre et leurs résultats concrets.

Pour ma part, j'en suis convaincu, donner, dès la signature des contrats, la garantie et le niveau des enveloppes financières de droit commun que l'Etat serait prêt à engager, libérerait l'initiative locale et encouragerait la coproduction de projets innovants par des acteurs assurés de disposer des moyens de leur mise en oeuvre.

Pour exprimer sa pleine efficacité, la politique de la ville doit aussi témoigner sa confiance aux acteurs de terrain, élus et population, pour la mise en oeuvre des contrats de ville, dans l'élaboration desquels les uns et les autres se sont considérablement investis.

A cette même tribune, il y a un an, notre collègue Pierre Bourguignon déclarait : « C'est aux élus, localement, et à l'ensemble des partenaires concernés de dire : c'est là qu'il faut agir en priorité, c'est là qu'il faut concentrer les moyens financiers. » A l'étape de la mise en

oe uvre d'orientations aujourd'hui précisées, cette recommandation est plus que jamais d'actualité.

J'insiste sur ce point, car insensiblement, depuis 1994 et pour ce que j'ai eu à en connaître en 1999, tout me fait craindre le retour sur la politique de la ville d'une tutelle en passe de prendre la main sur les orientations et les propositions élaborées en partenariat, sur le terrain, par les habitants, les associations et les élus, alors que c'est de plus de moyens, de plus de services publics et de plus de confiance que ces mêmes habitants et ces mêmes élus ont besoin.

J'insiste aussi, parce que la volonté légitime de faire travailler ensemble les communes d'une agglomération ne doit pas conduire les services de l'Etat à perdre de vue la réalité des inégalités internes à ces territoires, au point de ne plus se rendre compte que telle ou telle commune en difficulté serait acceptée moins pas solidarité que par l'intérêt des subventions qu'elle pourrait permettre de drainer.

J'insiste enfin, parce que dans un contexte national où la courbe du chômage a commencé à s'infléchir, où la croissance a redémarré, où le budget de votre ministère et l'effort public de l'Etat en faveur de la politique de la ville connaissent une évolution positive significative, rien ne serait plus insupportable, pour les communes en difficulté et les populations qui souffrent, que de voir passer le train de l'embellie espérée sans pouvoir s'y accrocher.

Monsieur le ministre délégué, pour la deuxième année consécutive, votre budget sera celui qui connaîtra la plus forte croissance. Avec 10 % d'augmentation des crédits, avec 34,9 milliards de francs d'effort public global, les moyens de la politique de la ville sont ceux que vous souhaitiez.

Tout dépend maintenant des conditions de leur mise en oeuvre. De ce point de vue, nous avons exprimé quelques suggestions susceptibles d'en garantir l'efficacité.

Certes, nous restons lucides face à l'ampleur des problèmes et aux capacités d'un seul département ministériel à les résoudre, fût-il le mieux loti. Il n'en demeure pas moins qu'au jugement des intéressés, votre budget sera apprécié comme un bon budget ; ils ne comprendraient donc pas que ces promesses ne donnent pas leurs fruits.

Mme la présidente.

Pouvez-vous conclure, monsieur le député ?

M. Michel Vaxès.

Je termine, madame la présidente.

Dans les territoires en difficulté, la prise en compte par le Gouvernement des problèmes de la ville et des difficultés de ses habitants est mieux ressentie. Les acteurs locaux s'investiront, mais tout ne dépend pas d'eux. Pour ne pas les décevoir, il reste peut-être à mieux les écouter.

Ce qu'ils ont à dire est essentiel. Je suis convaincu que vous inciterez vos services à cette indispensable attention.

Bien évidemment, le groupe communiste votera votre budget, avec la volonté de contribuer, sur le terrain, à lui donner sa pleine efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la ville est un enjeu majeur à l'horizon de l'an 2000, et la question urbaine est le projet de civilisation que la France comme l'Europe auront à porter à l'aube du troisième millénaire. Vous l'avez vous-même évoqué dans votre intervention, monsieur le ministre délégué.

Pour le groupe UDF, il ne peut y avoir de conurbation vivable fondée sur l'exclusion d'une partie de ses habitants. Et, selon nous, un véritable budget de la ville devrait permettre, en l'an 2000, de retrouver l'esprit de c ité en réintégrant les quartiers sensibles dans la République. Or les crédits budgétaires ne suffisent pas pour définir une volonté politique de lutter contre la ségrégation urbaine.

Pour preuve, monsieur le ministre délégué, lorsque vous siégiez dans l'opposition, entre 1993 et 1997, parmi les députés socialistes - avec notamment Laurent Cathala, qui, à l'époque était le porte-parole du groupe socialiste -, vous votiez résolument contre les budgets de la ville. A cette tribune, l'an dernier, nous avons même entendu l'orateur du groupe socialiste, M. Pierre Cohen, déclarer : « Après quelques années d'inquiétude, où la politique de la ville se réduisait d'année en année tant dans son budget que dans ses ambitions, (...) nous retrouvons enfin l'espoir de mettre la ville au coeur de nos préoccupations ».

M. Pierre Cardo.

Eh oui !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Pierre Cohen.

Jusqu'en 1997, les crédits de la ville étaient insuffisants.

M. Maurice Leroy.

Voir le Journal officiel, première séance du 3 novembre 1998, page 7904.

Passons sur le fait qu'il vous aura fallu plus d'une année pour créer, au sein de votre gouvernement, un ministère de la ville et pour remettre le sujet au coeur des préoccupations, mais franchement - je le dis amicalement -, quelle arrogance ! Il faut se méfier de l'arrogance, car, dans un passé récent, elle n'a pas été bonne conseillère...

M. Pierre Cohen.

Et vous en savez quelque chose !

M. Pierre Bourguignon.

rapporteur spécial.

Vous êtes expert en la matière.

M. Maurice Leroy.

Quelle arrogance, lorsque l'on sait que le pacte de relance pour la ville Juppé-Gaudin-Raoult représentait cinq fois le plan Rocard-Delebarre, qui, en 1990, définissait les premiers outils d'une politique nationale de la ville, et vingt fois le plan Tapie de 1992 !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Allô Bernard !

M. Maurice Leroy.

Non, monsieur le ministre délégué, les crédits, même en augmentation, ne sont pas tout, l'argent n'est pas tout, quel que soit le gouvernement en place, qu'il soit de droite ou de gauche.

Ce qui compte, fondamentalement, c'est la volonté d'agir pour enrayer la dérive des quartiers sensibles. Les acteurs de terrain, sachez-le, ont appris à se méfier des effets d'annonce, sous n'importe quel gouvernement. Ils attendent légitimement que l'Etat et les pouvoirs publics, tout particulièrement dans les domaines de la sécurité, de l'emploi, de l'éducation, du remodelage urbain, se comportent davantage en aménageurs qu'en pompiers,...

M. Pierre Cardo.

Les pompiers, on leur lance des cailloux !

M. Maurice Leroy.

... selon un processus, hélas ! bien connu : flambée de violences urbaines, annonce de mesures, accalmie, puis nouvel embrasement.

J'espère qu'au cours de sa visite d'hier dans les Yvelines,...

Mme Nicole Bricq.

C'était dans l'Essonne !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Dans les Yvelines aussi !

M. Maurice Leroy.

Il s'est rendu dans les deux départements, je crois. J'espère, disais-je, que M. le Premier ministre aura pu mesurer que la prévention est indispensable, mais que l'impunité est inacceptable et vécue comme telle dans les quartiers. D'ailleurs, Julien Dray l'a parfaitement bien dit hier et je n'ai pas une virgule à changer à ses propos.

Comptez-vous, monsieur le ministre délégué, avec Mme la garde des sceaux - vous n'en avez pas parlé dans votre intervention - apporter de vraies réponses à la délinquance des mineurs ?

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Bonne question !

M. Maurice Leroy.

S'agissant des contrats de ville, en 1998, vous aviez demandé un rapport à M. Georges Cavallier. On n'en entend plus parler. Quelles ont été les conclusions de ce rapport et quels enseignements concrets en tirez-vous ? Le 3 novembre 1998, vous annonciez une réforme radicale des procédures et des contrats. Allez-vous, par exemple, constituer un fonds auquel tous les partenaires - Etat, départements, communes - pourraient apporter leur concours, en travaillant dans la durée et dans le cadre d'une procédure réellement décentralisée ? Vous avez eu raison d'évoquer l'investissement important des conseils généraux, qui traitent effectivement tous les problèmes de la ségrégation urbaine et ont en charge l'ensemble de l'action sociale.

M. Pierre Cardo.

Absolument !

M. Maurice Leroy.

Et je peux en témoigner, dans mon département, le Loir-et-Cher, bien qu'aucun contrat de ville avec l'Etat n'ait été passé, sous l'impulsion de son président, Michel Dupiot, le conseil général a attribué 8 millions de crédits à la politique de la ville, sans même attendre la période 2000-2006. Le conseil général du Rhône, présidé par notre collègue et ami Michel Mercier, s'investit totalement dans la politique de la ville.

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Mercier, c'est quelqu'un !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

C'est normal, c'est le rôle des départements !

M. Maurice Leroy.

Ces informations manquent un peu dans les rapports écrits ; c'est pourquoi je les apporte.

Vous devriez en tenir compte, madame la rapporteur.

Mme Nicole Bricq.

Les élections cantonales sont encore loin. Vous avez le temps...

M. Pierre Cardo.

Les départements sont les boucs émissaires !

M. Maurice Leroy.

Le département des Hauts-de-Seine de Charles Pasqua, avec le PACT de 1992, a signé la totalité des contrats de ville, je dis bien : la totalité ! C'est la preuve que les départements peuvent et doivent s'investir dans la politique de la ville. Ils le font déjà pour un certain nombre d'entre eux et j'attends que les orateurs de gauche nous parlent des investissements pour la politique de la ville réalisés par les départements qu'eux ou leurs amis dirigent ! Cela serait intéressant ! Les donneurs de leçons feraient bien de savoir où se font les choses.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

On vous invite dans le territoire de Belfort !

M. Maurice Leroy.

Mais avec grand plaisir ! O ù en êtes-vous de vos réflexions, monsieur le ministre ? Quelle sera la dimension prise en compte par les futurs contrats de ville ? Nous n'avons pas de réponse et j'ai cru déceler quelques inquiétudes dans l'intervention de l'orateur précédent pour le groupe communiste. Le périmètre sera-t-il l'agglomération, la commune, le quartier ? Là aussi, nous attendons des éléments de réponse concrets. Enfin, où en est la création de l'Institut pour la ville annoncée il y a un an et que j'avais alors soutenue en commission ? C'était une bonne initiative. Or nous n'en avons plus de nouvelles !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Deuxième coquille ! On l'a annoncé !

M. Maurice Leroy.

J'ai lu les rapports, cher ami André Santini !

M. André Santini, rapporteur pour avis.

Mais je dis cela pour vous appuyer !

M. Maurice Leroy.

Je les ai tous lus attentivement jusqu'au bout, et j'ai même placé des Post-It à certains endroits. J'ai fait cet effort bien qu'ils n'aient pas été distribués longtemps à l'avance et je les ai encore relus hier soir. Chacun d'entre eux reprend les déclarations du ministre de l'an dernier, mais aucun n'annonce quand sera créé cet institut ni avec quels moyens. Il n'y a rien de précis en la matière. C'est bien dommage car c'est une initiative intéressante, que je soutiens. En effet, à la différence de ce qui se fait à New York, au Pratt Institut et chez Ronald Shiffman, directeur de l'aménagement de la ville, nous n'avons pas d'endroit où chefs de projets de quartier, élus locaux, urbanistes, architectes ont la possibilité d'échanger. Je souhaite donc que l'on relance cette idée de création d'un Institut de la ville.

Ainsi, après plus d'un an de discours, d'annonces sur la

« deuxième étape » de la politique de la ville du Gouvernement, après un rapport Sueur enterré - un rapport de plus me dira-t-on, encore que le rapport des préfets Idrac-Duport ait donné lieu, lui, au pacte de relance pour la ville ; c'est une différence ! -, il nous faut bien constater que le Gouvernement de M. Jospin est en train de manquer le rendez-vous de la réunification de la ville.

Certes, vous nous annoncez des chiffres mirobolants, mais


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votre volonté politique n'est pas lisible. Et, faute de volonté politique globale et cohérente à l'échelle de tout le Gouvernement, cette augmentation de crédits, que nous ne contestons pas, ne peut pas constituer à elle seule une politique de la ville digne de ce nom, permettant de répondre à l'urgence, à la spécificité et à la gravité de la situation dans les quartiers les plus en difficulté.

Je prendrai un seul exemple concret. Vous nous disiez l'an dernier, monsieur le ministre, qu'il était « impensable que la croissance s'arrête aux portes des quartiers ». Or, dans les quartiers, il n'y a pas d'amélioration, et le chômage y demeure deux à trois fois plus élevé qu'ailleurs, ce qui entraîne malheureusement un renforcement de la ghettoïsation qui en découle.

« Il faut aujourd'hui un électrochoc de la qualité urbaine, du renouvellement urbain, ce qui suppose un effort financier important. Les crédits pour 2000 ne sont pas cohérents avec le discours sur la politique de la ville. »

Ce n'est pas moi qui le dis, mes chers collègues, c'est le maire d'Orléans, Jean-Pierre Sueur, dans un article des Echos du 20 septembre dernier ! Votre projet de budget pour 2000 est donc loin du discours volontariste sur la relance de la politique de la ville. Cette politique exige, en effet, une action sur le long terme. Il faut se battre sur les fronts à la fois de la réhabilitation du bâti architectural, de la répartition du logement social, de la modernisation de l'Etat, de la sécurité, de l'éducation et de la formation, du dynamisme économique, de la citoyenneté et de la culture. Evidemment, les questions de sécurité sont très importantes.

Monsieur le ministre, nombre d'élus sur chacun de ces bancs vous diront que beaucoup de projets de remodelage urbain sont « plantés », mis en difficulté, même quand les départements s'investissent fortement, pour de simples questions de sécurité et que les tags ou les dégradations détruisent parfois les efforts faits par les municipalités, les conseils généraux. Il est donc très important que le ministère de l'intérieur s'investisse et que l'ordre public soit rétabli dans ces quartiers. Sinon, vous pourrez toujours annoncer des crédits chaque année - je le dis quel que soit le Gouvernement en place -, la politique de la ville sera toujours sans fond, tel le tonneau des Danaïdes : nous aurons beau continuer à y consacrer des crédits, nous ne parviendrons pas à restaurer le lien social dans ces quartiers.

M. Pierre Cardo.

Chevènement avec nous !

M. Maurice Leroy.

Si nous désirons accéder sans ruptures irrémédiables au siècle prochain, il nous faut convaincre les Français qu'attaquer de front la ségrégation est une priorité nationale. Parce que votre gouvernement n'en fait pas une priorité nationale, le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, après un débat nourri, je dois le dire, a décidé de voter contre votre projet de budget.

A titre personnel, mon collègue et ami Jean-Louis Borloo et moi-même avons décidé de nous abstenir.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

C'est bien !

Mme Nicole Bricq.

Pour Borloo, ce n'est pas difficile, il ne vient jamais !

M. Maurice Leroy.

Nous pensons en effet qu'il faut une continuité dans la politique de la ville et je regrette, madame Bricq, que vous ne lui apportiez pas d'autre contribution que des invectives depuis votre banc !

Mme Nicole Bricq.

Attendez mon intervention !

M. Maurice Leroy.

S'il est un domaine où la continuité de l'Etat doit exister, c'est bien sur cette question de la ségrégation urbaine. Voilà pourquoi, à titre personnel, avec Jean-Louis Borloo, je m'abstiendrai, tout en constatant que la politique de la ville est malheureusement l'Arlésienne du gouvernement de Lionel Jospin.

Mme la présidente.

Monsieur Leroy, votre temps de parole est expiré !

M. Maurice Leroy.

Vous en parlez, vous faites des annonces, mais dans les quartiers on ne la voit pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Pajon.

M. Michel Pajon.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je suis très heureux de défendre le budget du ministère de la ville au nom du groupe socialiste. Je le suis d'autant plus qu'il connaît, pour la deuxième année consécutive, la plus forte augmentation de la loi de finances : 32 % en 1999, 10 % l'année prochaine ; on ne saurait trouver meilleur signe de l'intérêt que porte le Gouvernement à la politique de la ville. Si l'on prend en compte les 300 millions de francs de crédits précédemment distribués par les ministères de l'emploi et de la solidarité, de la jeunesse et des sports, de l'environnement, de la justice, du FARIF et qui relèvent maintenant de votre responsabilité, cette augmentation est non plus de 10 %, mais de 40 %. Belle performance, monsieur le ministre, puisqu'en deux ans vous avez presque doublé le budget dont vous êtes en charge ! Le budget que vous nous présentez vient servir votre ambition - notre ambition - de mener une politique de la ville cohérente, en phase avec les réalités du terrain, synonyme de renouvellement urbain et d'une plus grande solidarité entre nos concitoyens. Les choix budgétaires qui ont été faits cette année ne sont pas seulement significatifs en termes de moyens. Ils reflètent aussi, comme l'année dernière, votre souci de donner une plus grande cohérence à la politique de la ville.

En ce sens, votre budget répond aussi aux légitimes attentes des acteurs locaux qui ont trop longtemps souffert, par le passé, de la complexité des modes de financement. Il s'attache, en effet, à simplifier la mise en oeuvre de la politique de la ville afin de rendre plus efficaces et plus lisibles les actions engagées. Cette volonté s'exprime à travers le regroupement des actions des différents ministères au sein du budget de la ville.

La distinction entre crédits spécifiques et crédits ordinaires a trop longtemps creusé une frontière entre politique d'exception et politique de droit commun. Certes, les crédits spécifiques restent indispensables, mais ils doivent financer des opérations à caractère exceptionnel, prenant en compte la situation des communes dont la fragilité financière ne peut leur permettre de répondre aux problèmes de développement social urbain auxquels elles sont confrontées. C'est une politique de droit commun appliquée aux enjeux de solidarité urbaine qui doit s'exercer, en évitant toute politique de zonage lourdement discriminante pour certains quartiers. La désignation du préfet comme interlocuteur unique et l'allégem ent des procédures d'instruction des dossiers permettront de garantir plus sûrement encore l'efficacité des dispositifs.

Cette priorité forte du Gouvernement pour la politique de la ville s'exprime aussi à travers les budgets des autres ministères. Je pense notamment à la prévention et à la


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lutte contre les exclusions, aux mesures devant favoriser la mixité sociale, à l'égalité des citoyens devant le service public et à l'accès au droit. D'autres réformes sont en cours. Nous attendons beaucoup, par exemple, de la future loi « Urbanisme, habitat, déplacements ». Pour accompagner ces mesures, la Caisse des dépôts et consignations, pour sa part, est appelée, dans la continuité de son action en faveur du logement social, à réduire les taux de ses prêts aux collectivités et aux organismes HLM.

Par ailleurs, les communes les plus démunies bénéficieront de l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine qui atteindra 4 milliards de francs. On peut regretter que ce ne soit pas davantage, mais l'augmentation est de 80 % depuis deux ans. Les fonds structurels européens eux-mêmes contribueront à la politique de la ville puisque, pour la première fois, ils financeront certains quartiers en difficulté.

Au total, ce sont donc près de 35 milliards de francs qui seront consacrés à la politique de la ville. L'objectif fixé par Jean-Pierre Sueur dans son rapport sera donc atteint.

Je ne peux évoquer votre budget, monsieur le ministre, sans aborder les contrats de ville qui vont être signés dans les prochaines semaines. Ces contrats seront les principaux outils de mise en oeuvre de la politique de la ville.

Dans les sept prochaines années, ils bénéficieront de moyens doublés. Ils seront financés par le ministère de la ville, à hauteur de 8,6 milliards, dont 8 milliards proviendront de la première enveloppe des contrats de plan Etatrégions. Dans ces contrats de ville, les partenaires - Etat, collectivités, associations, bailleurs sociaux, habitants s'engagent mutuellement à tout mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs déterminés ensemble. Cette contractualisation responsabilise chaque partenaire et l'implique dans la réussite des actions entreprises. En effet, la politique de la ville ne peut se résumer à ce que l'on a trop souvent connu par le passé : un subventionnement hasardeux de projets dispersés.

La concertation qui préside désormais à l'élaboration et à la gestion de la politique de la ville est un gage supplémentaire d'efficacité. Progressivement, vous permettez ainsi que la politique de la ville sorte de la logique d'expérimentations successives qui a longtemps prévalu. La logique de projet, la démarche de diagnostic, la négociation d'objectifs partagés, l'implication des acteurs, sont des exigences incontournables des nouveaux contrats de ville.

La dynamique intercommunale engagée dans les sites pilotes que vous avez créés en 1999 a enrichi la palette des interventions et a redonné espoir aux habitants des quartiers en difficulté. Maire d'une ville d'un site pilote, je peux témoigner de l'ambition politique et technique qui existe dans la nouvelle contractualisation.

Vous l'avez écrit, monsieur le ministre, et c'est probablement ce qu'il y a de plus fort dans ce qui guide votre action, la politique de la ville ne doit plus être un simple « amortisseur social mais elle doit se concevoir comme un outil de développement social et d'intégration des quartiers à la ville ». Pour casser la dynamique de ghettoïsation de certains de nos quartiers, pour ne pas exclure nombre de nos concitoyens de la croissance, il est nécessaire de mobiliser des moyens exceptionnels et seul l'Etat en a la capacité. Nous saluons donc, dans cet esprit, l'initiative de M. le Premier ministre et la vôtre de créer cinquante grands projets de ville sur le territoire, là où c'est le plus nécessaire. Nous ne doutons pas de la forte mobilisation des élus sur ces projets qui devront s'attacher à combiner revitalisation économique et renouvellement urbain. Ces grands projets de ville seront accompagnés des subventions nécessaires au fonctionnement des équipements créés. Cette complémentarité des dotations est un gage supplémentaire d'efficacité.

Ces nouveaux outils nous obligent naturellement à repenser le territoire. Les limites administratives des communes ne signifient plus grand-chose au regard des besoins des populations concernées. La coopération intercommunale permet surtout de tracer de nouvelles perspectives et, au-delà des territoires administratifs, de dégager des priorités communes et de mettre en place un cadre institutionnel mieux adapté aux enjeux urbains.

M me la présidente.

Veuillez conclure, monsieur Pajon !

M. Michel Pajon.

Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de ces réformes et, comme de nombreux élus, je ne peux que me réjouir du développement des outils qu'elles supposent. Ces moyens constituent autant d'opportunités de faire les preuves de notre motivation.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la dynam ique engagée l'année dernière est confirmée. Elle témoigne de la volonté du Gouvernement de traiter la question urbaine dans sa globalité, à la hauteur des enjeux que nous connaissons. Aujourd'hui, 80 % de nos concitoyens sont des urbains. Ce budget doit constituer pour eux un signal fort. Fidèles à nos promesses, nos actions prioritaires se fondent sur les défis de l'exclusion sociale et de la ségrégation spatiale. Après le temps de l'analyse et de la réflexion, nous nous sommes donné les moyens d'agir.

Aujourd'hui, ces moyens sont amplifiés, comme le montre ce budget. Celui-ci marque la volonté de refonder une politique de la ville contractualisée mettant la solidarité au coeur de l'action publique. Il nous permettra d'ancrer dans la durée le renouvellement urbain et, finalement, de construire une société plus juste.

Monsieur le ministre, nous sommes fiers des orientations du budget que vous nous présentez et c'est sans réserve que le groupe socialiste vous apportera son soutien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui à un tournant. Après des années d'hésitations et parfois d'errements, la politique de la ville parvient à une certaine maturité.

Depuis 1997, le Gouvernement conduit par Lionel Jospin a augmenté considérablement les budgets destinés à la politique de la ville. Il est vrai que l'enjeu est de taille, car près de 80 % de nos concitoyens habitent désormais en milieu urbain. Il s'agit donc de repenser et de reconstruire la ville de demain comme un territoire de mixité urbaine, comme un lieu ou tout un chacun, quels que soient ses origines, sa position sociale ou son lieu de résidence, puisse vivre une vie décente, disposer d'un emploi, habiter un logement correct, vivre en sécurité et disposer de commerces et de services publics satisfaisants.

Or nous sommes tous conscients, chacun dans nos circonscriptions, des difficultés liées aux milieux urbains. Je rappellerai que les quartiers sensibles concentrent tous les handicaps possibles : concentration de population à très bas niveau de revenus, concentration de population d'origine étrangère, de chômeurs, insuffisance manifeste du


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s ecteur public, insuffisance d'activité économique et d'offres foncières attractives. Il était donc nécessaire d'intervenir différemment, d'autant plus que nous constatons, et nous nous en réjouissons, une reprise de la croissance et une baisse du chômage sur l'ensemble du territoire.

Tous les clignotants sont au vert...

M. Maurice Leroy.

Pas dans les quartiers !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

... sauf dans nos quartiers sensibles où force est de constater que rien ne bouge, ou presque. L'incompréhension politique et sociale serait grande si nous ne prenions pas en compte ce constat.

Seule une approche globale pourra permettre de s'attaquer à ces difficultés. Le Gouvernement en a pris pleinement conscience en consacrant des financements sans précédent à la politique de la ville.

Ce budget, monsieur le ministre, est un très bon budget. L'effort financier global a ainsi augmenté de 46 % en deux ans, pour atteindre 35 milliards de francs. En 1999, les crédits du ministère délégué à la ville ont augmenté de 32 %. L'effort consenti était déjà considérable.

L'augmentation prévue pour le budget 2000 sera de 40 % si l'on tient compte de l'inscription aux crédits spécifiques ville de crédits auparavant gérés par d'autres ministères. Les crédits de paiement atteindront donc 1,4 milliard de francs. Il faut le souligner, de tous les ministères, c'est le budget qui augmentera le plus.

Les moyens de fonctionnement du ministère seront limités, pour la deuxième année consécutive, à 2 % des crédits globaux. Cela monte le caractère et la vocation interventionnistes de ce ministère. Ainsi, il sera possible de dégager une importante marge de manoeuvre financière. Elle permettra d'alimenter le fonds d'intervention pour la ville et de favoriser l'indispensable soutien - gage de succès - aux acteurs de terrain.

De même, je note avec satisfaction la décision du Premier ministre, annoncée à Strasbourg le 27 septembre dernier, d'augmenter de façon significative la dotation de solidarité urbaine, qui atteindra en 2000 près de 4 milliards de francs. Une part prépondérante de ce budget est consacrée à la nouvelle génération des contrats de ville 2000-2006 en cours de préparation. Je souhaiterais m'y attarder et développer quelques points qui me paraissent prendre en compte la complexité de la question urbaine dans toute sa diversité.

En premier lieu, je ne peux que me réjouir de l'effort financier consenti pour ces seuls contrats de ville. Avec 17,4 milliards de francs alloués, l'Etat marque bien son souci d'apporter les moyens nécessaires aux programmes d'action élaborés par les collectivités non seulement locales mais également territoriales.

De même, la façon de mener ces nouveaux contrats de ville par la prise en compte de la globalité de la ville me conduit à penser que nous arrivons à une forte maturité de la politique de la ville, point que je soulignais en début de cette intervention. En élargissant le périmètre à l'échelon intercommunal, c'est-à-dire aux contrats d'agglomérations, la politique de la ville prend en compte les enjeux de la crise urbaine.

Il me plaît de souligner que, dans le cadre des futures communautés d'agglomération, dont certains contrats seront signés avant le 31 décembre 1999, la politique de la ville est une compétence obligatoire. Cela permettra enfin de construire une véritable politique sociale à l'échelon d'un territoire, et non plus d'un quartier, en s'attaquant aux mécanismes de la ségrégation. Les régions et les départements seront parties prenantes dans l'élaboration de ces nouveaux contrats de ville.

Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter et à vous remercier tout particulièrement pour votre action en faveur de la démocratie locale en matière de politique de la ville. Je m'associe pleinement à votre initiative car elle est essentielle. Comment, en effet, mener des actions sur le terrain sans l'adhésion de celles et de ceux qui en seront les premiers bénéficiaires ? Une véritable politique de la ville ne peut en aucun cas se limiter à réhabiliter les logements insalubres ou viser à une sorte de « super-assistance de quartier », comme le souligne justement notre collègue Roland Carraz dans son rapport. C'est pour cela que je soutiens à vos côtés la création de fonds de participation des habitants qui permettra à l'initiative citoyenne de financer des actions de formation, d'accompagnement, ou des projets communautaires. Il faut rechercher la participation active des habitants, car se sont eux, en fin de compte, qui choisissent de s'intégrer et de jouer leur rôle de citoyen.

Toutes ces orientations budgétaires ne prendront réellement leur dimension que si, dans le cadre du prochain comité interministériel des villes de décembre prochain et de la future loi « urbanisme, habitat, déplacements », des moyens suffisants sont alloués aux collectivités locales.

Cela leur permettra d'assurer une meilleure cohésion sociale, en réaménageant les centres villes, en équilibrant l'offre de logements et en développant une politique de transport cohérente plus appropriée aux contraintes de la vie quotidienne.

Si je suis globalement satisfaite de ce budget, je ne peux m'empêcher toutefois d'exprimer un regret. L'analyse des moyens affectés à la politique de la ville fait apparaître que seulement 5,35 % des crédits sont gérés par le ministère de la ville et que les 94,65 % restants proviennent de transferts d'autres ministères qui continuent de les gérer.

Cela s'explique notamment par le rôle tenu, par exemple, par le ministère de l'emploi et de la solidarité, par le biais des emplois-jeunes dans les quartiers en difficulté et la mise en oeuvre de la loi relative à la lutte contre les exclusions, ou par le ministère de l'intérieur, grâce au développement de la police de proximité. Ce n'est pas critiquable en soi, mais la création d'un ministère de la ville à part entière, doté d'une compétence en matière d'urbanisme avec tout ce que cela implique, en matière de gestion de la qualité du cadre de vie urbain et de suivi de la politique de la ville dans toute sa globalité, me paraît fondamentale.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Outre une meilleure lisibilité des actions et des crédits engagés, cela permettrait d'avoir un seul ministère de tutelle, gage d'une coordination pertinente des actions sur le terrain.

M. Maurice Leroy.

Très juste !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

En attendant, j'ai bien noté, monsieur le ministre, votre participation à l'élaboration de la future loi « urbanisme, habitat et déplacements ». Les erreurs architecturales et d'aménagement de l'espace qui caractérisent les années 60 et 70 seront ainsi sûrement évitées.

Mais il serait vain d'élaborer de nouveaux contrats de ville si le volet le plus important n'était pas consacré au développement économique et à l'emploi. En effet, la nouvelle politique de la ville doit pleinement intégrer l'objectif de l'emploi et du développement économique dans les quartiers sensibles. Les conditions économiques actuelles, favorables, doivent nous permettre de dépasser


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la simple réparation sociale des quartiers, qui a jusqu'ici prévalu, pour renverser les logiques d'exclusion. S'attaquer à l'exclusion, c'est avant tout consentir un effort exceptionnel dans ce domaine.

Mais la mise en économie de ces quartiers ne se fera pas sans une ambition forte. Depuis plus de vingt ans, les politiques de la ville ont tenté d'apporter des réponses aux problèmes d'exclusion, voire de ghettoïsation de certains quartiers : de DSU en contrat de ville, l'Etat a incité et accompagné les collectivités locales. Pour autant, la question de l'emploi est restée trop souvent à l'écart de ces engagements. Tout juste a-t-on traité l'insertion sociale, jamais l'insertion économique.

La politique de la ville s'est souvent mal articulée avec les politiques publiques de l'emploi, l'une raisonnant en termes de quartiers, l'autre privilégiant des publics ciblés sur les territoires alors même que les deux se caractérisent par un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale.

Ainsi, l'action des collectivités locales en faveur du développement économique se développe souvent hors du cadre contractuel de la politique de la ville. Un des enjeux fondamentaux consiste à rompre définitivement avec cet état de fait.

La prochaine génération des contrats de ville, en assurant une interaction entre le volet emploi-insertion et le volet développement économique, répond à cet objectif.

Ce préalable posé, il me semble que le milieu urbain doit devenir le lieu d'une « intelligence collective du territoire ». Il s'agit de mettre en oeuvre, sur un territoire et un bassin de vie donnés, un projet cohérent qui agisse à la fois sur l'économie et l'emploi.

Je vous l'ai dit plus haut, le retour à la croissance offre des opportunités nouvelles pour faire pénétrer la prospérité au sein des quartiers. Sachons ensemble la saisir.

Mme la présidente.

Madame Chantal Robin-Rodrigo, vous avez épuisé votre temps de parole.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Je termine, madame la présidente.

Monsieur le ministre, comme nous l'avons souligné dans le rapport que nous vous avons remis avec mon collègue Pierre Bourguignon, ce sont majoritairement les jeunes de ces quartiers, et tout particulièrement ceux qui sont issus de l'immigration, qui subissent de plein fouet le chômage. Cet état de fait provoque un fort ressentiment chez les jeunes à l'égard d'une société qui les rejette et fait le terreau de la violence.

L'Etat doit donc se mobiliser avec ses partenaires pour aider cette génération à trouver un emploi, une formation professionnelle et à exercer pleinement leur citoyenneté. Il est temps désormais de substituer un développement local urbain au développement social urbain. Une plate-forme

« initiative-emploi », par exemple, regroupant sur un territoire l'ensemble des acteurs relevant de l'insertion, de l'emploi et du développement économique pourrait agir efficacement en ce sens.

Pour passer du stade de l'intention à celui de l'action, une forte maîtrise d'oeuvre est nécessaire. Or ce maillon fait aujourd'hui défaut dans la politique de la ville.

Mme la présidente.

Il faut conclure !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Les dispositifs existent mais la multiplicité des intervenants et l'éclatement des dispositifs ne permettent pas de juger rapidement de la pertinence des actions engagées et de redéfinir, si nécessaire, les orientations.

Pour conclure, je dirai que la politique de la ville devra s'attacher à placer l'emploi et l'économique au centre de sa problématique. C'est un préalable indispensable pour qu'une frange de la population laissée sur le bord du chemin puisse se reconnaître dans les valeurs républicaines de solidarité et d'égalité.

Monsieur le ministre, je ne doute ni de vos convictions ni de votre ténacité pour conduire et impulser une politique ambitieuse et forte. Le budget que vous nous proposez en est l'expression. C'est pourquoi le groupe Radical l'approuve. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est mon sixième budget sur la politique de la ville en tant que parlementaire.

Toutefois je bénéficie depuis dix-sept ans de cette politique sur le terrain. Ce matin, c'est donc le député mais aussi l'élu de terrain qui s'exprimera.

Monsieur le ministre, votre budget est en augmentation, ce dont on ne saurait se plaindre : 10 %, voire 40 % si l'on prend en compte les crédits que vous avez récupérés dans différents ministères. Ils étaient, en effet, trop éparpillés, et il fallait les concentrer afin de simplifier.

Voilà donc un point plutôt positif, même si, au passage, il s'agissait aussi d'afficher un chiffre important...

M. Maurice Leroy.

Oui !

M. Pierre Cardo.

... tant il est vrai que, au regard des enjeux soulignés dans le rapport Sueur, on n'a pas encore atteint le niveau nécessaire pour mener une véritable politique de la ville. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est JeanPierre Sueur, et dans ce domaine je partage beaucoup de ses idées.

M. Jean-Marie Bockel.

Sacré Jean-Pierre ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy.

On est toujours trahi par les siens ! (Sourires.)

M. Pierre Cardo.

Au-delà de cet aspect purement budgétaire, il faut aussi resituer la politique de la ville. Quel est son objectif ? Quels sont ses moyens ? Comment peut-on faire en sorte qu'elle devienne un outil réellement adapté aux besoins des populations - les usagers et les acteurs ? Par ailleurs, cela fait maintenant dix-sept ans que le problème des finances locales n'est pas réglé. Je sais que cela ne relève pas entièrement de votre responsabilité.

Mais il ne faudrait pas que, par l'intermédiaire de votre budget, monsieur le ministre, l'argent de la politique de la ville serve à compenser des injustices commises sur le terrain.

M. Bruno Le Roux.

Très juste !

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. Pierre Cardo.

L'évolution de votre budget, si elle est importante intrinsèquement, est peu de chose au regard de celle de la DGF, qui n'est que de 0,8 %, ou de celle de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, en réduction de 3,5 % et qui n'est pas compensée...

Mme Nicole Bricq.

Si ! Pour la DSU !

M. Maurice Leroy.

Ce n'est pas la même chose !

M. Pierre Cardo.

C'est insuffisant, madame, et vous le savez bien ! Ce ne sont pas du tout les mêmes masses : la DSU, c'est 1 ou 2 % du budget d'une commune en dif-


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ficulté. Moi, je parle de ressources insuffisantes à hauteur de 30 ou 40 %. Nous ne sommes pas dans la même cour d'école ! Je ne voudrais donc pas que ces crédits destinés à la politique de la ville, c'est-à-dire à financer des actions supplémentaires, servent uniquement à pallier l'insuffisance des ressources locales. Le ministre interministériel que vous êtes doit peser de toute son autorité pour résoudre progressivement ce problème de finances locales.

La politique de la ville passe aussi par le partenariat avec les autres collectivités. Avec les régions, ce sont les contrats de plan Etat-régions, et le système est maintenant rodé. S'agissant des conseils généraux, il faut éviter de leur donner l'impression qu'ils sont la dernière roue du carrosse ou la vache à lait. Un grand nombre d'entre eux, heureusement, sont déjà associés à la politique de la ville, ne serait-ce que par leur mission au titre de l'action sociale et de la prévention. Mais il serait intéressant de les intégrer au niveau de la conceptualisation de cette politique. N'est-il pas évident que celui qui maîtrise l'action sociale, la politique de la jeunesse et de la protection de l'enfance doit être un partenaire incontournable au niveau de la construction de la politique de la ville au plan départemental ?

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Pierre Cardo.

Une fois ce principe posé, il ne faut pas en rester au niveau de la conceptualisation. Il importe que, sur le terrain, on agisse avec les acteurs que sont les conseils généraux. C'est ainsi que l'on construira ce travail en réseau dont tout le monde parle comme une nécessité absolue mais qui ne peut exister sans une conceptualisation et un accord de principe au niveau départemental des politiques et des décideurs.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Pierre Cardo.

Je veux maintenant dire quelques mots à propos de deux rapports. Le premier, rédigé par l'Etat, porte sur le contrat de ville à Chanteloup-lesVignes. Le second m'a été demandé et vise à évaluer le boulot fait depuis des années par les acteurs locaux, ces gars qui dépensent, par le biais des associations, les crédits perçus pour faire la politique de la ville. L'Etat veut vérifier si cet argent, qu'il distribue parfois avec parcimonie, n'a pas été jeté par les fenêtres.

Aux termes du rapport de l'Etat, il ressort finalement que la politique de la ville c'est beaucoup de choses, mais cela ne concerne ni la police, ni la justice, ni la santé, ni l'école.

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Pierre Cardo.

Or peut-on réellement évaluer ce qui se passe dans une commune et avoir une vision globale qui permettra de développer un grand projet de ville si l'on considère que de tels aspects peuvent être laissés de côté ? Les institutions sont pourtant des aspects essentiels du fonctionnement de la politique de la ville.

Le second rapport réalisé, celui-là, par un cabinet extérieur, fait apparaître - et cela ne doit pas être vrai seulement dans ma commune - que c'est finalement par l'intermédiaire du tissu associatif, dès lors qu'il dispose de certains moyens, qu'on réussit à changer un peu les choses. C'est là qu'est la créativité. Bien sûr, des bêtises peuvent être commises, mais nous sommes là pour surveiller et tenter de les éviter.

Monsieur le ministre, ce rapport de l'Etat sur les institutions est d'autant plus inquiétant que la question de l'adaptation ou de l'inadaptation des fonctionnements institutionnels sur le terrain est essentielle aux yeux de nombreux élus locaux. Or sur la police, sur l'école, sur la justice, sur la santé et sur un certain nombre d'organismes, tels les offices HLM, le constat est des plus alarmants.

La police doit théoriquement sécuriser les gens - on parle même de police de proximité. Mais quand elle en est rendue à raser les murs, à recevoir des canettes de bière sur la figure tous les jours lors de ses tournées,...

M. Maurice Leroy.

Les pompiers aussi !

M. Pierre Cardo.

... à ne plus pouvoir faire respecter la loi républicaine, parce que ce n'est pas elle qui fait la loi dans certains secteurs de nos quartiers, les droits des populations qui sont déjà en difficulté sont-ils réellement assurés ? Va-t-on laisser perdurer cet état de fait ? Est-ce ainsi que sera rétablie l'égalité que l'on souhaite dans les quartiers ? Quant à la justice, bien que dans certains secteurs nous l'ayons rapproché du terrain, nous sentons bien que la majorité de ses acteurs ne manifeste pas vraiment la volonté d'être très proche du terrain. Le jour où je verrai un magistrat du parquet faire une petite visite de quartier vers dix-neuf heures le soir avec une patrouille de police, je trouverai cela extrêmement intéressant.

M. Jean-Marie Bockel.

Oui !

M. Pierre Cardo.

Dans les contrats locaux de sécurité, que vous nous demandez de signer, nous pourrons alors discuter de choses sérieuses...

M. Jean-Marie Bockel.

Eh oui !

M. Pierre Cardo.

... et non plus du sexe des anges. Qui maîtrise les procédures sur le terrain ? Qui doit adapter la loi et donc la justice aux réalités du terrain, sinon les parquets ? Une politique pénale en direction des mineurs estelle définie dans chaque département ? Non.

M. Jean-Marie Bockel.

Il n'y a rien !

M. Pierre Cardo.

Existe-t-il une politique pénale transparente, qui permette à tous les acteurs de se répéter et de signer le contrat local de sécurité dans l'espoir de répondre aux problèmes quotidiens dont souffrent les gens, notamment au plan de la sécurité ? Pas du tout ! La tendance est plutôt de considérer que les élus locaux, comme d'autres acteurs d'ailleurs, n'ont pas leur mot à dire sur un certain nombre de choses. Comment s'étonner, après, que la police, désespérée par un quotidien difficile, finisse par baisser les bras ? Elle n'a pas nettement l'impression que les actions qu'elle doit mener sont suivies d'effets au niveau judiciaire. Je pourrais citer bien des exemples.

Après la justice et la police, j'en viens à l'école. Est-il normal qu'un tiers d'élèves arrivent en sixième sans savoir pratiquement lire et écrire ? Est-il normal que l'on nous demande, à nous élus locaux, de financer, par le biais associatif, avec les crédits du ministère de la ville, bien sûr, mais aussi ceux du conseil général et des communes, un soutien scolaire massif compte tenu de l'échec du système scolaire dans nos quartiers ?

M. Maurice Leroy.

Non !

M. Pierre Cardo.

Est-ce là notre rôle ? N'appartient-il pas d'abord à l'éducation nationale de mettre en place des acteurs formés puis de leur donner les moyens de mener des actions adaptées aux besoins des populations ?

M. Maurice Leroy.

Oui !

M. Pierre Cardo.

Si ces quartiers ne sont pas sur un pied d'égalité, il convient de les y mettre. « A situation inégalitaire, réponse inégalitaire », avait préconisé Hubert


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Dubedout. En effet, la politique de la ville ne peut être envisagée qu'ainsi. Je compte sur vous pour le rappeler, monsieur le ministre.

Je conclus avant que Mme la présidente ne me dise que j'ai dépassé mon temps de parole. C'est tout le problème quand on n'écrit pas ses discours : on finit par ne plus très bien savoir où l'on en est dans son intervention ! J'aurais pourtant eu encore beaucoup de choses à vous dire, monsieur le ministre, mais nous en parlerons dans les couloirs...

M. Jean-Marie Bockel.

C'est du beau !

M. Pierre Cardo.

... et au cours de réunions.

Le groupe Démocratie libérale, auquel j'appartiens, a plutôt retenu les aspects négatifs que j'ai développés dans mon discours et a donc décidé de voter contre votre budget. Je préfère pour ma part rester prudent compte tenu du passé de la politique de la ville et de son avenir vraisemblable. Je me contenterai de m'abstenir.

(M. Maurice Leroy applaudit.)

M. Jean-Marie Bockel.

Ah ! Ces centristes !

Mme la présidente.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Bruno Le Roux.

Sera-t-il aussi raisonnable ?

M. Henry Chabert.

Monsieur le ministre, le budget consacré à la politique de la ville pour l'année 2000, que vous estimez à près de 35 milliards de francs, apports de la Caisse des dépôts et consignations compris, représente environ 2 % du budget de l'Etat.

Si quelques évolutions positives peuvent être relevées la croissance en valeur absolue des crédits, la volonté de mieux coordonner les actions des autres ministères en faveur des quartiers les plus sensibles, par exemple - le projet de budget nous paraît néanmoins manquer à la fois d'ambition, de lisibilité et, finalement, d'efficacité.

En premier lieu, le manque d'ambition. Le Gouvernement a déclaré faire de la politique de la ville une de ses priorités. Naturellement, nous souscrivons à cette orientation. Mais si tout ne peut pas être prioritaire, l'examen détaillé de ce projet de budget devrait conduire à un peu plus de modestie.

En effet, les crédits consacrés spécifiquement à la ville ne sont que de 1,7 milliard de francs sur un total de 34,9 milliards, la plupart d'entre eux étant en fait issus d'autres ministères et, je le répète, de la Caisse des dépôts et consignations. Dans ces conditions, l'autonomie et l'efficacité du ministère délégué à la ville apparaissent toutes relatives.

En valeur absolue, en effet, votre projet de budget, en tenant compte des réaffectations de crédits dont il bénéficie, n'est que l'avant-dernier des budgets civils. Heureusement pour vous, le tourisme est considéré comme un peu moins prioritaire ! Nous sommes loin des 60 milliards de crédits annuels réclamés dans vos rangs par M. Sueur.

M. le ministre délégué à la ville.

Non, il a parlé de 35 milliards !

M. Henry Chabert.

Il a parlé de 60 milliards lors de la réunion des agences d'urbanisme la semaine dernière. En tout cas, pour en revenir au chiffre de 35 milliards, c'est vraiment tout ce dont vous disposez, apports de la CDC et crédits non contractualisés des différents ministères compris.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Henry Chabert.

Mais ne bataillons pas sur les chiffres.

Manque d'ambition donc, mais aussi manque de lisibilité. L'organisation imaginée par le Gouvernement en faveur de la ville en est l'illustration au point d'ailleurs que je me demande quel est le ministre chargé de la politique de la ville. Est-ce Mme Voynet, qui prévoit un volet urbain dans son projet de loi sur l'aménagement du territoire ? Est-ce M. Chevènement, avec sa loi sur l'intercommunalité ? Est-ce M. Gayssot, qui prépare une loi sur l'urbanisme et l'habitat ? Ou est-ce vous, monsieur le ministre, qui êtes sous l'aile protectrice - devrais-je dire tentaculaire ? - de Mme Aubry ? Pour reprendre d'ailleurs l'expression d'un de vos prédécesseurs également issu de vos rangs, n'êtes-vous pas un peu comme l'oiseau posé sur la branche à qui l'on demanderait de faire bouger les racines de l'arbre en secouant simplement les ailes ? Un tel manque de lisibilité se traduit inévitablement sur le terrain par une efficacité toute relative. Si l'on peut en effet noter une volonté de simplification des affectations de crédits au niveau budgétaire, on ne la remarque pas au niveau des procédures. La superposition sans cesse grandissante, déjà dénoncée à cette tribune, des cadres que l'Etat fixe pour attribuer ses subsides ne facilite pas ainsi les démarches dans le maquis des règlements. Il est urgent, sur la base des premières évaluations qui ont pu être réalisées dans ce domaine, de rationaliser et de simplifier l'action de l'Etat. Comment s'y retrouver sinon entre les futurs contrats de ville, les pactes urbains, les GPU, remplacés bientôt par les GPV, les ZRU, les zones franches - j'en oublie bien d'autres, tant la liste est longue ?

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Leur mise en place a été le fait de l'opposition d'aujourd'hui.

M. Henry Chabert.

C'est vrai mais rien n'empêche maintenant de simplifier. Et ce n'est pas l'opposition mais vous qui êtes au pouvoir.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Pourquoi ne l'avoir pas fait alors ?

M. Henry Chabert.

Pourtant, en dépit de toutes ces structures complexes, l'Etat ne peut intervenir pour soutenir les commerces en difficulté sans proposer la création d'un établissement public - nous en avons l'expérience à Vaulx-en-Velin où vous pourrez, je crois prochainement, monsieur le ministre, le vérifier. Plutôt que de vouloir utiliser des presses de vingt tonnes pour écraser des noix, pourquoi ne pas mettre en place des procédures telle celle du City challenge en Grande-Bretagne afin de montrer que l'Etat peut véritablement appliquer les principes de la décentralisation, à savoir faire confiance aux collectivités locales,...

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial.

Ce n'est pas impossible !

M. Henry Chabert.

... intervenir sans contrainte dans tous les domaines et justifier la poursuite de ses politiques par une évaluation des résultats parfaitement compréhensible ? Pour conclure mon propos, vous me permettrez, en tant qu'acteur de terrain à Lyon, de vous faire part de quelques réflexions issues de cette expérience de terrain et non de l'imagination de quelque bureau.

Un des axes majeurs de la politique de la ville devrait être de dépasser la requalification urbaine pour mettre en oeuvre une véritable requalification sociale. La priorité, en effet, ne paraît plus être au béton. Elle est de retrouver l'homme qui vit dans les cités et de le mettre au coeur de nos préoccupations.


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Mme Nicole Bricq.

C'est vrai.

M. Henry Chabert.

Certes, l'urbanisme et l'habitat demandent encore beaucoup, en particulier dans deux domaines. Le premier est celui des opérations de démolition-reconstruction qu'il convient d'aborder sans a priori idéologique. Il ne s'agit ni de les magnifier ni d'ignorer la nécessité pour la ville de se reconstruire sur elle-même, mais d'accorder simplement les moyens d'une telle politique de démolition-reconstruction. Le second domaine est celui de la prise en compte des copropriétés, sujet que vous soulignez à juste titre. Faut-il en la matière mettre en place un organisme du type ANAH ? C'est en tout cas, un point qui mérite d'être au coeur d'une politique de requalification urbaine qui reste à faire.

Mais l'essentiel, qui est la requalification sociale, implique d'autres approches.

Premièrement, il faut appréhender les quartiers concernés dans leur globalité et il est heureux que vous parliez à cet égard des vertus de la territorialité. C'est une expérience que j'ai d'ailleurs personnellement lancée dans le Grand Lyon à partir de 1990.

C'est en effet toute la chaîne de la vie sociale d'un territoire qui doit être prise en compte, à travers l'habitat, le social, l'économie, la santé, la famille, l'éducation, la culture, le sport et bien sûr la sécurité sans laquelle rien n'est possible.

Mais la sécurité elle-même ne saurait être limitée aux actions sécuritaires. S'il faut plus de policiers, en particulier plus d'îlotiers, et des effectifs supplémentaires consacrés à la lutte contre la drogue, l'important est que cette politique en faveur de la sécurité couvre bien tous les aspects. L'école, par exemple, doit y contribuer par l'instruction civique mais il faut aussi encourager l'autorité parentale sans oublier le gardiennage des immeubles.

Comment un concierge pourrait-il faire autre chose que de garder un immeuble s'il est en charge de 300 logements ? Les sociétés de HLM ont besoin d'être soutenues pour renforcer l'action des concierges qui constituent un des maillons essentiels du lien social et donc de la sécurité.

Deuxièmement, il faut ouvrir ces quartiers sur l'extérieur et bien les positionner dans le cadre des bassins de vie. Il est important en effet de développer les échanges avec le reste de l'agglomération pour rompre l'isolement dans lequel sont malheureusement un très grand nombre d'entre eux : échanges en termes de déplacements urbains, en favorisant la politique des transports ; échanges aussi en termes culturels, car, on le sait, c'est par la culture que ces quartiers seront tirés vers le haut.

Il ne faut pas hésiter à parler de discrimination positive, y compris dans les équipements, là où nous nous heurtons à une concentration des handicaps. Tel devrait selon moi être le cas dans l'agglomération lyonnaise dans le débat sur la localisation d'un multiplexe. Je considère en effet que, si l'on veut véritablement mener une politique en faveur des quartiers défavorisés ou difficiles, un tel multiplexe ne doit pas être implanté à côté mais bien au coeur de ces quartiers.

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. Henry Chabert.

N'est-ce pas un bon moyen de prendre en considération ces quartiers, que ce soit à la Duchère ou à Vaulx-en-Velin, que de les choisir précisément comme lieu d'implantation des multiplexes plutôt que de créer ces derniers, telles des boîtes à chaussures supplémentaires, dans un quartier spécifique ou près d'une grande surface ? Troisièmement, il faut s'appuyer sur les structures existantes. Il ne sert à rien d'inventer je ne sais quel nouveau machin alors que tant d'acteurs et d'institutions existent au sein de ces quartiers. C'est eux qu'il faut aider et soutenir : les MJC, les centres sociaux, les bibliothèques, les boutiques de droit manquent souvent cruellement de moyens pour remplir véritablement leurs missions.

Q uatrièmement, enfin, il faut responsabiliser les citoyens dans la gestion de leur cité et leur donner les moyens de prendre en main leur vie quotidienne et leur devenir.

Les associations - comme les bonnes volontés existent le plus souvent dans ces quartiers, même si leurs responsables ont tendance à baisser les bras devant l'ampleur des problèmes rencontrés. Cette responsabilisation des citoyens, au-delà des moyens, doit se traduire concrètement dans l'organisation de la maîtrise d'ouvrage, qui doit être systématiquement intégrée dans les procédures.

Mes chers collègues, la politique de la ville est l'un des défis majeurs posés à notre société pour l'application de nos principes républicains : la liberté de vivre et de circuler en tranquillité dans nos quartiers ; l'égalité des chances qui vaut pour l'ensemble des citoyens de notre pays et qui doit valoir aussi pour ceux qui vivent dans ces quartiers ; la fraternité qui est la traduction de la solidarité en faveur tant des agglomérations concernées par l'existence de ces quartiers difficiles que des populations qui vivent dans ces derniers.

Tels sont les véritables enjeux d'une politique de la ville. Malheureusement, les propositions que vous nous faites nous semblent, même si elles constituent un progrès, manquer sérieusement d'ambition et de volonté.

C'est pourquoi nous ne voterons pas, monsieur le ministre, en faveur de votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Quel dommage !

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l'action de l'Etat, de ce qu'il peut ou ne peut pas faire, a marqué la rentrée politique.

S'il est un domaine parmi d'autres qui est bien dans le registre du pouvoir de l'Etat, c'est bien celui de la politique de la ville, que ce soit en termes d'égalité d'accès aux services publics, de rééquilibrage du développement régional, d'offres de logement et de transports collectifs ou de lutte contre les discriminations. Les députés communistes considèrent même que ces questions font partie des missions que l'Etat doit assumer. Plus qu'un pouvoir, c'est bien d'un devoir dont il est question.

Le Premier ministre partage cette analyse, puisqu'il place la politique de la ville au coeur de la deuxième étape de l'action gouvernementale. Qu'il me soit, à cet égard, permis de regretter, monsieur le ministre, que ce ne soit pas vous qui l'accompagniez, hier, dans sa première visite des banlieues.

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Patrick Braouezec.

On peut y voir un symbole qui ne me semble de bon augure.

M. Maurice Leroy.

Très juste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. Patrick Braouezec.

Cette volonté de placer la politique de la ville au coeur de l'action gouvernementale s'explique sans doute par le fait que la question urbaine est un des lieux majeurs du clivage politique gauchedroite. En tout cas, il y a, en la matière, un impératif de réussite et de cohérence entre les discours et les actes.

La crise de l'Etat, et donc de confiance dans la politique, révèle toute sa profondeur dans les villes concernées. Elle est renforcée par le fait que ces villes populaires accueillent la population la plus jeune - ce qui, dans un pays vieillissant, devrait constituer leur premier atout.

Les discours sur la discrimination positive, avec leurs effets d'annonce, recouvrant dans les faits une inégalité d'accès aux services publics, ont sapé la confiance au sein des quartiers populaires même si, dans le reste du pays, ils ont pu donner l'impression à certains que l'on faisait beaucoup pour des « zones » qui seraient responsables des maux de la société.

Il faut redire avec force que ces territoires et leurs habitants revendiquent seulement l'égalité de traitement et les investissements nécessaires à leur reconversion et à leur développement et non un traitement uniquement social, voire humanitaire.

Les crédits que nous discutons ne sont pas un cadeau accordé aux quartiers populaires. Ils sont le début d'un rattrapage pour tendre à l'égalité de traitement sur tout le territoire. La répartition de l'effort de l'Etat est, en effet, en retard sur l'urbanisation de la population. L'écart est ainsi notable avec le reste du pays, qu'il s'agisse de la difficile réforme de la carte judiciaire, de la répartition des effectifs de police, ou même de l'éducation nationale.

La volonté politique, en partie traduite par l'augmentation des crédits que les rapporteurs ont détaillée, doit se traduire dans l'ensemble de la politique gouvernementale.

A ce propos et comme l'an passé, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur le renforcement de vos prérogatives interministérielles. Il apparaît en effet impératif que les orientations budgétaires soient notamment passées au crible du comité interministériel des villes. De même, vous avez besoin d'un pouvoir accru en matière d'affectation des crédits « ville » des différents ministères.

Ce travail de coordination est essentiel car la réussite de votre action ne dépend pas, vous le savez, du budget propre de votre ministère, mais de la cohérence de l'ensemble de l'action gouvernementale pour une meilleure cohésion sociale.

Mon ami Michel Vaxès vient de rappeler que les budgets d'activité de l'ensemble des ministères ne progressent pour l'année 2000 que de 0,3 %, ce qui implique des insuffisances en matière notamment de santé, d'éducation, de logement, de ressources des collectivités locales et de services publics.

Vous insistez, à juste titre, sur le fait que vos crédits n'ont pas vocation à se substituer aux crédits de droit commun mais doivent aider à combler les inégalités et soutenir les actions innovantes.

Pour illustrer cet impératif de cohérence entre les objectifs de la politique de la ville et l'action de l'ensemble du Gouvernement, je prendrai l'exemple récent de la dotation sociale urbaine.

Nombre d'élus se sont inquiétés de la faible progression de cette dotation, destinée à épauler les collectivités les plus défavorisées, qui était initialement prévue dans le projet de loi de finances. Ces alertes et la compréhension du Gouvernement ont conduit à une augmentation supplémentaire de 500 millions de francs. Cet effort appréciable reste cependant en deçà des recommandations de M. Jean-Pierre Sueur, auteur du rapport qui a conduit à la recréation de votre ministère. Pour mémoire, la DSU ne représente encore qu'un peu plus de 1 % de l'ensemble des dotations allouées par l'Etat aux communes. Sa faiblesse n'a ainsi pas permis de consommer l'ensemble des crédits prévus pour les grands projets urbains. Les difficultés des communes concernées, qui comptent parmi les plus pauvres mais qui étaient censées participer aux dépenses d'investissement à hauteur de 20 à 30 %, ont ralenti les opérations.

La responsabilité de l'Etat est également très fortement engagée en matière d'aménagement du territoire et de développement équilibré des régions.

Le rééquilibrage de la région parisienne est un enjeu majeur des contrats de plan en discussion. Il s'agit de ne pas laisser le marché décider de tout en matière d'investissements et d'implantation d'activités.

Le nord de la région parisienne est à la croisée des chemins. L'Etat et la région sont devant un choix décisif en matière d'aménagement du territoire. Ce choix est politique : soit le rééquilibrage avec les actions et les moyens nécessaires au décollage économique et social de l'est et du nord parisien, soit la marginalisation et la paupérisation croissante des populations dans une région qui continue à se développer.

Une première étape a été franchie avec la décision prise en septembre par le Gouvernement de ne plus s'opposer à l'attribution d'une part des fonds structurels communautaires, consacrés à la reconversion économique et sociale, aux communes défavorisées des agglomérations parisienne et lyonnaise.

Au-delà de la richesse des régions Ile-de-France et Rhône-Alpes, les disparités de plus en plus grandes entre les territoires qui les composent sont enfin en partie reconnues. La DATAR constate ainsi dans son rapport au préfet de région : « L'écart entre la Seine-Saint-Denis et l'ouest francilien est devenu plus inquiétant que l'écart entre l'Ile-de-France et les autres régions. » On s'est fina-

lement rendu compte de cette évidence, soulignée depuis des années par les élus des communes concernées et vécue par les populations.

Pour les sept prochaines années, la région Ile-de-France devrait obtenir une enveloppe de un milliard de francs.

L'Etat doit renforcer les moyens de gestion de ces fonds structurels pour qu'ils soient effectivement et utilement consommés.

L'année 2000 sera également déterminante avec le lancement des contrats de ville. Les financements de l'Etat qui étaient de 10,4 milliards pour les six dernières années augmentent fortement pour atteindre 17,4 milliards pour les sept prochaines années.

Cet effort sera complété par la transformation des grands projets urbains en grands projets de ville, avec une cinquantaine de territoires concernés. Il faut à cet égard saluer la décision de concentrer ces crédits sur les villes les plus défavorisées et de favoriser la participation et l'implication des habitants à leur mise en oeuvre. L'enjeu est de sortir d'une logique de traitement, avant tout social et urbanistique, pour remettre la question de l'emploi et de l'activité économique au coeur de ces projets, avec la participation des populations.

Enfin, le projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements, qui est en préparation, doit réformer la loi d'orientation pour la ville. Le projet est très attendu. Il


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doit marquer le réengagement de l'Etat dans le secteur du logement et des transports collectifs. La solidarité et l'effort doivent en effet s'exercer au niveau national.

La loi sur le renforcement de la coopération intercommunale, proposée par le ministère de l'intérieur, doit favoriser aussi l'émergence de solidarités, notamment fiscales, entre les communes. Mais ces solidarités utiles, qui s'exercent souvent entre des villes de richesse ou de pauvreté comparables ne sont pas une panacée. J'en sais quelque chose. Ainsi la communauté de communes qui vient d'être créée entre Aubervilliers, Epinay, Pierrefitte, SaintDenis et Villetaneuse, regroupe des communes dont les populations ont les revenus les plus faibles de la région Ile-de-France.

A ce titre, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions sur la péréquation entre villes riches et villes pauvres que doit mettre en place le projet de loi en préparation. En la matière, il importe, à côté des ressources fiscales des communes, de tenir compte également du revenu moyen des habitants et du niveau de chômage.

On l'aura compris, il ne s'agit pas de bouder l'augmentation des crédits que vous présentez, mais bien de la replacer dans l'ensemble de l'action gouvernementale, avec une année 2000 qui devrait être marquée par la relance d'une véritable ambition pour la ville.

L'enjeu et les attentes sont tels que c'est dans un esprit d'encouragement et de vigilance que les députés communistes, ainsi que M. Vasès vous l'a déjà annoncé, voteront ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

La volonté du Gouvernement de faire de la politique de la ville une priorité s'est d'abord manifestée par votre nomination, monsieur le ministre car, avant vous, il n'y avait pas de ministre chargé de ce secteur important. Elle est aujourd'hui confirmée par ce budget, qui est en forte croissance.

Personnellement je ne peux que m'en réjouir et je répondrai à mes collègues de l'opposition qu'ils auraient dû mettre leurs paroles en actes. Il est d'ailleurs encore temps. Personne ne les empêche de mettre en oeuvre cette politique.

M. Henry Chabert.

C'est ce que nous faisons, madame !

M. Maurice Leroy.

Cela a été fait ! Vous continuez la politique engagée avant vous. C'est tout !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Je sais que certains d'entre vous le font dans leur département.

Si la politique de la ville répond à une logique d'action sur le terrain et de soutien aux acteurs de la cohésion sociale que sont notamment les associations - et vous avez parlé de 10 000 associations -, il est indispensable q ue les différents services de l'Etat sur place y concourent. Il est également nécessaire d'élargir le partenariat avec les collectivités territoriales si l'on veut que les nouveaux contrats de ville soient réellement porteurs d'avenir. Dans mon département, le conseil général a pris toute sa place dans l'élaboration des contrats de ville et la prendra encore pour l'élaboration des nouveaux.

La politique de la ville portera ses fruits si, outre l'intégration dont nous avons déjà parlé en même temps que du rapport de M. Carraz, trois autres objectifs importants sont dotés de moyens forts. Je veux parler de l'emploi et de la formation, de la mixité sociale et de la participation, non pas seulement des habitants, mais des citoyens.

L'emploi et la formation sont pour les jeunes et pour les femmes essentiels, vitaux, car ils permettent aux personnes de retrouver leur dignité. Les aides publiques doivent en réalité être considérées comme une aide à la survie. La formation est également essentielle pour les salariés qui perdent leur emploi. Elle doit être continue et en lien avec les entreprises. Dans le territoire de Belfort, nous avons mis en place une maison de l'information et de la formation à cet effet.

La réinsertion par les entreprises dans le cadre des PLIE - les plans locaux pour l'insertion par l'économique - est importante pour ceux qui ont un parcours difficile, et vous soutenez cette action, monsieur le ministre. Cette démarche doit être poursuivie.

En ce qui concerne les créations d'emplois dans les quartiers, j'aimerais connaître votre sentiment sur les zones franches et leur avenir. Dans mon département, elles ont permis le maintien d'emplois, notamment dans le secteur commercial, et la création du propre emploi de certains chômeurs de longue durée.

M. Maurice Leroy.

Quand même !

M me Gilberte Marin-Moskovitz.

Mais très peu d'emplois ont été créés par des implantations nouvelles puisque nous avons refusé les délocalisations d'entreprises.

Pouvez-vous nous communiquer, monsieur le ministre, les résultats de l'évaluation qui a pu être menée par vos services dans ce secteur ?

M. Maurice Leroy.

Et surtout par quoi on remplace !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

La mixité sociale est un vaste chantier qui dépasse le seul cadre de la politique de la ville menée par le ministère. Le Gouvernement l'a bien compris qui offre la possibilité aux élus de rassembler et d'unir leurs forces et leurs moyens par le moyen de l'intercommunalité pour tenter de trouver les réponses les plus adéquates possibles. C'est là une tâche difficile mais porteuse d'avenir.

Une loi sur les aspects liés au logement devrait être inscrite rapidement à l'ordre du jour de notre assemblée.

C'est très important.

En ce qui concerne les grands projets urbains, vous avez, après M. le Premier ministre à Strasbourg, parlé de

« grands projets de ville ». C'est en effet ainsi qu'ils devraient s'appeler dans les nouveaux contrats d'agglomération. J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur la réflexion engagée dans ce domaine et sur l'état d'avancement de leur élaboration.

Pour conclure, monsieur le ministre, je vous exprime ma satisfaction de voir la place qui est donnée aux citoyens à la fois dans la réflexion et dans la mise en oeuvre des futurs contrats de ville, notamment à travers le fonds de participation. Dans le territoire de Belfort, nous l'avons déjà mis en oeuvre car nous savons que c'est une démarche vraiment porteuse : en effet, tout projet, toute action qui ne permettrait pas aux habitants d'être acteurs de leur vie et de la vie dans leur quartier risquerait d'être contruit sur du sable.

M. Maurice Leroy.

Il faut arroser le sable !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Il faut de vrais projets de vie pour assurer un mieux-vivre ensemble et construire une ville une et solidaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre, pour répondre aux orateurs. J'appelle votre attention, monsieur le ministre, ainsi que celle de l'ensemble des députés sur le fait que, si nous voulons terminer l'examen des crédits de la ville ce matin, il faudra que chacun fasse un effort de concision.

M. le ministre délégué à la ville.

Je vais essayer de tenir compte de votre remarque, madame la présidente.

Je tiens, tout d'abord, à remercier l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés après les rapporteurs. Les représentants de la majorité plurielle ont apporté leur soutien à l'effort engagé par le Gouvernement en matière de politique de la ville. Ceux de l'opposition ont bien montré les contradictions qui peuvent exister...

M. Maurice Leroy.

Bien sûr ! Et nous, nous les assumons, à la différence d'autres.

M. le ministre délégué à la ville.

... quand on est à la fois élu engagé sur le terrain et conscient de la difficulté de la tâche à mener, et membre de l'opposition dont le rôle est de s'opposer.

M. Pierre Cardo.

Eh oui ! C'est le difficile exercice de l'équilibre.

M. le ministre délégué à la ville.

Je tiens à vous remercier les uns et les autres de vos interventions.

Mesdames et messieurs les parlementaires, je répondrai en premier sur un point qui a été présent dans un grand nombre des interventions : comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire, l'effort public en faveur de la ville va atteindre les 35 milliards que Jean-Pierre Sueur évoquait dans son rapport. A ce sujet, monsieur Leroy, dans l'intervention que ce dernier a faite il y a quelques semaines, il n'évoquait pas l'effort consenti par le Gouvernement en matière de politique de la ville pour le critiquer. Reprenez l'article, il est très intéressant. Il disait que, en ce qui concerne la DSU, il fallait que le Gouvernement aille plus loin dans cet effort parce que, s'il devait y avoir renforcement des moyens accordés au ministère de la ville avec un affaiblissement ou une augmentation trop faible de la DSU, il y aurait contradiction entre la volonté affichée d'un côté et les moyens mis en oeuvre de l'autre.

M. Jean-Marie Bockel.

C'est exact !

M. Henry Chabert.

C'est évident !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est une des raisons qui a conduit le Premier ministre lui-même à tenir compte de l'argumentation que j'avais développée et qui a été soutenue par bon nombre d'élus pour continuer à augmenter la DSU.

M. Jean-Marie Bockel.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Je suis persuadé, mesdames, messieurs les parlementaires, que la politique de la ville doit être menée au plus près du terrain, et j'espère que, dans les prochaines années, grâce à la prise en compte des remarques qui seront faites dans le cadre de la commission présidée par Pierre Mauroy et de la réflexion qui sera menée sur le renforcement de la décentralisation, nous pourrons dégager un certain nombre d'axes permettant d'assurer une meilleure péréquation entre les collectivités locales. On ne peut pas demander aux élus de tenir compte de la parole des citoyens, d'être proches des préoccupations des habitants de leur ville s'il y a statu quo et si les moyens accordés aux collectivités riches et aux collectivités pauvres ne sont pas reconsidérés.

M. Maurice Leroy.

D'accord !

M. le ministre délégué à la ville.

Le formidable outil qui pourra être mis au service de la politique de la ville et, d'une certaine manière, de la décentralisation, sera, dans les années qui viennent, une péréquation plus forte entre communes riches et communes pauvres, bien que je reconnaisse que cela soit plus facile à dire qu'à faire.

M. Pierre Cardo.

Et plus facile à dire à l'Assemblée qu'au Sénat !

M. Jean-Pierre Balduyck.

Attention quand même ! On peut être riche et pauvre à la fois !

M. le ministre délégué à la ville.

Oui, il faut tenir compte à la fois des recettes, des potentiels fiscaux et des revenus de la population de chacune des villes.

Monsieur Vaxès, vous avez insisté, comme bon nombre d'autres intervenants, sur la nécessité de mobiliser les régions et les départements. Il est en effet indispensable d'associer ces collectivités locales. Elles ont, avec leurs moyens propres, un rôle à jouer en matière de politique de la ville impliquées et elles y ont été trop peu dans le passé, comme elles ont été trop peu impliquées dans l'établissement des diagnostics. Nous avons souhaité qu'elles le soient plus fortement. Nous menons actuellement une réflexion avec l'Assemblée des départements de France pour réussir, au-delà des trente sites que nous avons retenus pour mieux coordonner notre action, à établir un guide de bonne pratique et de bonne conduite pour que les départements soient associés aux différentes étapes de la politique de la ville : à l'établissement des diagnostics comme au suivi et à l'évaluation des politiques menées.

Vous avez insisté, comme Maurice Leroy, Michel Pajon et Patrick Braouezec, sur la nécessité de mobiliser les crédits de droit commun. C'est indispensable et cela relève même de la réforme de l'Etat devra être menée dans les prochaines années.

M. Jean-Marie Bockel.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

La mobilisation des crédits de droit commun et la réforme de l'Etat devront aller de pair. L'intervention de l'Etat ne sera bien comprise que si celui-ci se montre capable de repenser l'action et l'organisation de l'Etat pour mieux répondre au besoin d'égalité de l'ensemble du pays.

M. Jean-Marie Bockel.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

D'ailleurs, vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les députés, que je parlais de moins en moins de mixité sociale. Pourquoi ? Parce que je ne voudrais pas donner l'impression que la réussite en termes d'intégration sociale relève d'actions engagées sur le moyen ou le long termes, visant à mieux distribuer les populations. Non ! Notre véritable réussite, pour permettre un jour la mixité sociale, sera de montrer que la présence de l'Etat est la même sur tout le territoire et son intervention égale dans tous les quartiers.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Ce qui nous est réclamé, ce n'est pas la possibilité de déménager, mais celle de bénéficier sur le lieu d'habitation des services qui doivent être ceux de l'ensemble de la population.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Cela concerne tous les grands corps de l'Etat.

M. Maurice Leroy.

L'ENA à Chanteloup !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. Pierre Cardo.

Et l'Ecole de la magistrature ?

M. le ministre délégué à la ville.

Qu'il s'agisse de la justice, de la police ou de l'éducation nationale, il faut que la formation, l'affectation et la reconnaissance du travail des agents soient organisés afin de garantir à l'ensemble de nos concitoyens l'égalité des chances, quel que soit l'endroit où ils habitent.

Monsieur Leroy, vous avez insisté sur le fait que l'argent n'était pas tout. Vous avez raison. Reconnaissez que ce propos est plus facile à tenir maintenant que le budget est sur le point d'atteindre le chiffre de 35 milliards, qui est d'ailleurs plus un signal qu'un objectif en soi. L'étape suivante la plus importante est l'organisation de circuits et l'établissement de liens entre l'Etat, les collectivités locales et les citoyens qui permettent de donner plus de cohérence à la réponse que nous devons apporter et une plus grande chance de réussite à l'action que nous devons mener.

Vous avez évoqué, monsieur le député, le rapport de Georges Cavallier sur les contrats de ville. Celui-ci a été remis. La circulaire qu'a envoyée le Premier ministre à l'ensemble des préfets en début d'année s'en est beaucoup nourrie pour définir les priorités à rechercher dans le cadre de l'élaboration des contrats de ville.

Vous avez ensuite évoqué un point sur lequel je n'avais peut-être pas assez insisté dans mon intervention : à savoir les suites du conseil de sécurité intérieure. Mme la garde des sceaux et moi-même assurons un suivi des décisions annoncées afin, notamment, d'assurer une présence effective de l'Etat dans les quartiers et les lieux sensibles, d'améliorer l'efficacité de la réponse aux actes de déliquance, de préserver l'école et d'amplifier les actions en faveur de la jeunesse. Je peux, si vous le souhaitez, vous faire parvenir le détail des mesures que nous essayons de suivre.

M. Henry Chabert.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Vous avez posé une question sur l'institut pour la ville. Mesdames, messieurs, sur ce point, le ministère a fait le travail qu'il devait faire.

Mais je souhaite, comme vous êtes nombreux à le réclamer depuis l'année dernière, que ce ne soit pas un institut du Gouvernement.

M. Maurice Leroy.

Nous sommes d'accord !

M. le ministre délégué à la ville.

Les associations et les élus doivent s'approprier cette structure. Georges Cavallier oeuvre actuellement en ce sens en prenant contact avec l'ensemble des grandes associations d'élus. Nous notons déjà des évolutions. Nous avons réussi à fédérer les grandes administrations. Des contacts étroits existent entre Georges Cavallier, l'Association des maires de France, « villes et banlieues » et l'Association des maires de grandes villes. J'espère que nous parviendrons, dans le courant de l'année 2000, à fédérer l'ensemble des énergies pour que chacun puisse trouver dans cette structure un lieu de débat libre.

M. Maurice Leroy.

Ne sera-t-elle pas impulsée par la DIV et par vous-même ?

M. le ministre délégué à la ville.

La DIV et le ministère de la ville y prendront toute leur place. Mais je ne veux pas que les élus aient l'impression d'être mis sous tutelle dans le cadre de cette réflexion ou de cet échange de bonnes pratiques.

M. Pierre Cardo.

Je répéterai cela au niveau départemental !

M. Maurice Leroy.

Il n'y a pas de risque !

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Pajon, vous avez insisté sur la nécessité de simplifier les procédures.

« Simplification » et « réforme de l'Etat » sont deux maîtres-mots pour la mise en place des nouveaux contrats de ville.

Vous avez insisté également sur la nécessité de favoriser la pratique intercommunale. Nous avons réussi à démontrer - et vous pouvez comme Patrick Braouezec en témoigner - que l'intercommunalité, qui semblait interdite en région Ile-de-France, peut devenir une réalité lorsque des élus décident de s'associer. C'est une piste que nous suivrons là encore dans le cadre de l'élaboration des futurs contrats de ville pour démontrer notre volonté d'appréhender la situation des territoires en fonction de la demande des élus et de la réalité du terrain et pas simplement, comme cela a pu être le cas dans le passé, dans le cadre de découpages de cartes opérés dans les bureaux parisiens.

M. Maurice Leroy.

La PAT est encore décidée dans les bureaux parisiens.

M. le ministre délégué à la ville.

Cela n'est pas le cas pour la politique de la ville.

Madame Robin-Rodrigo, vous avez évoqué le problème de l'emploi et du développement économique. Le rapport que vous avez remis, avec Pierre Bourguignon, au Premier ministre sera mis à profit au cours du prochain c omité interministériel des villes qui aura lieu le 14 décembre. Nous ferons alors des propositions et indiquerons la suite que nous voulons donner aux zones franches urbaines et la manière dont nous comptons impliquer plus fortement l'action de l'Etat afin de permettre une insertion par l'emploi, comme la demandent, ou plutôt l'exigent, les habitants de nos quartiers.

M. Pierre Cardo est intervenu lui aussi longuement sur les conseils généraux. J'ai déjà eu l'occasion d'y répondre.

Je n'y reviendrai pas. Il a également insisté à la fois sur la réforme de l'Etat - j'y ai déjà répondu également - et sur la nécessité de fixer un lien étroit entre objectifs et moyens. C'est, d'une certaine manière, toute mon ambition avec la nouvelle génération des contrats de ville. Il faut que nous réussissions à démontrer que l'on ne signe pas un contrat pour signer un contrat mais que celui-ci fixe des objectifs à court, moyen et long termes permettant d'évaluer les résultats obtenus, notamment pour le recul du chômage, afin de rendre crédible la parole de l'Etat.

Vous avez pris l'exemple du rapport élaboré sur votre ville par le sous-préfet. Je ne nierai pas l'évidence. Dans les prochaines années, il faudra une coordination et une cohérence de plus en plus fortes entre les actions de l'éducation nationale, de la sécurité et de la justice.

R econnaissons cependant que, y compris pour les trois corps que je viens de citer, des efforts ont été déjà accomplis. J'espère qu'ils se renforceront.

Monsieur Chabert, vous avez fait remarquer que l'annonce par l'Etat d'une nouvelle intervention publique était souvent suivie de la création d'un nouvel établissement public.

L'EPARECA - établissement public d'aménagement et de reconstruction des espaces commerciaux et artisanaux n'a pas été créé par le gouvernement de Lionel Jospin.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Non, c'est M. Gaudin qui l'a créé !

M. Henry Chabert.

Heureusement, l'affaire n'a pas eu de suites !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. le ministre délégué à la ville.

Comment ? L'EPARECA existe !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Les crédits n'étaient pas prévus !

M. le ministre délégué à la ville.

Son président, présent aujourd'hui dans cet hémicycle, pourrait en parler mieux que moi !

M. Henry Chabert.

L'EPARECA est certes créé mais je regrette que l'on ne trouve pas de solution plus facile, plus simple, plus souple !

M. le ministre délégué à la ville.

Vous pourrez remarquer que, dans le cadre de l'utilisation des crédits du FISAC, nous avons réussi à mettre un outil financier à la disposition des élus sans créer pour autant un établissement public.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Oui, quand même !

M. le ministre délégué à la ville.

Par ailleurs, vous êtes intervenu comme bon nombre d'orateurs sur le problème - essentiel - des grandes copropriétés dégradées. Elles sont peut-être à l'heure actuelle le lieu où se concentre le plus de misère sociale. Il nous faudra, dans les mois qui viennent, trouver une réponse pour remédier à cette situation.

M. Henry Chabert.

J'en suis très content !

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur Braouezec, vous êtes intervenu sur la symbolique d'un certain nombre de déplacements. Je pourrais reprendre ce que vous avez dit.

Vous avez également abordé le sujet de la réforme de l'Etat et de celle de la péréquation. C'est une préoccupation partagée, on le voit, par l'ensemble des députés siégeant sur les bancs de la majorité plurielle. Il faudra en tenir encore plus compte dans la période qui vient.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

Nous en arrivons aux questions.

Je vous rappelle que les questions sont appelées par périodes successives de quinze minutes.

Nous commençons par le groupe socialiste.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Monsieur le ministre, l'année 2000 sera tout à la fois la première année de mise en oeuvre des contrats de ville de nouvelle génération et la première année de réalisation des prochains contrats de plan Etatrégions, dans une dynamique d'application des lois Voynet et Chevènement.

L a structuration territoriale en agglomérations et notamment en communautés d'agglomération semble s'accélérer, conformément aux objectifs que nous nous étions fixés en votant ces lois. Il semble maintenant opportun de définir un échéancier et d'insister sur le rôle fondateur que devrait jouer la politique de la ville dans ces nouveaux territoires émergents.

Ainsi que vous l'avez indiqué, les contrats de ville qui devraient voir le jour au cours des prochains mois ne se résumeront pas au seul volet social des prochains contrats d'agglomération. Ils devront en effet reposer sur un projet local de développement solidaire et déboucher sur des actions concrètes - emploi et logement, sécurité et démocratie, équipement et services publics - en direction des habitants. Le contrat de ville apparaît en ce sens comme une première ébauche du projet d'agglomération, d'autant plus crédible qu'il sera intégré dans le contrat de plan

Etat-régions et réalisé en partenariat avec les conseils généraux. Il me paraît inutile d'insister davantage sur la mission à afficher ni sur la nécessaire vigilance dont il faudra faire preuve quant aux moyens mis à disposition par tous les partenaires, afin d'en assurer le succès.

Dans de nombreux cas, les contrats de ville seront signés par des communes qui, pour une bonne part d'entre elles, se transformeront dans les prochaines années en communautés d'agglomération, ce qui implique un transfert de compétences en matière de politique de la ville. De surcroît, la plupart de ces structures devront d'ici à trois ans élaborer des contrats d'agglomération avec l'Etat et les autres collectivités.

Une nouvelle architecture se met ainsi progressivement en place, dont la nécessité est évidente. Il s'agissait, hier, de lutter contre l'exclusion ; aujourd'hui, de bâtir un véritable projet urbain solidaire et cohérent ; demain, de constituer le noyau dur d'un projet d'agglomération, élément incontournable de l'aménagement du territoire.

Comment, monsieur le ministre, entendez-vous conforter cette démarche ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, les contrats d'agglomération créés par l'article 26 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le 25 juin dernier, concernent les aires urbaines comptant au moins 50 000 habitants et d ont une commune au moins compte plus de 15 000 habitants. Pour conclure un contrat particulier, ces communes doivent se constituer en établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique.

Ce rappel des textes encore récents vous montre les grandes analogies, mais aussi les différences entre contrat d'agglomération et contrat de ville.

Les analogies pour commencer : l'un et l'autre participent du souci de favoriser l'intercommunalité afin de rendre nos villes plus fortes et plus solidaires pour penser et conduire leur développement.

Les différences portent sur plusieurs points.

D'abord, en termes de taille de population : les contrats d'agglomération ne couvrent pas toutes les villes soumises à des phénomènes d'exclusion sociale et économiques. Si l'on devait d'une manière purement statistique comparer les deux listes, plus d'une ville sur trois de nos contrats de ville n'entre pas dans le cadre de contrats d'agglomération.

En termes de priorités ensuite : si les contrats d'agglomération constituent un outil de politique d'aménagement du territoire, les contrats de ville restent quant à eux un instrument dont l'objet essentiel reste la lutte contre la discrimination et la relégation sociale - lutte que nous devons poursuivre avec d'autant plus de fermeté et de vigilance, comme je l'indiquais tout à l'heure, que, retrouvant une période de reprise de la croissance, certains peuvent laisser croire que, mécaniquement, l'emploi et l'insertion profiteront à tous.

Cela dit, la politique de la ville a un passé, plus de vingt ans d'expérience, et je veux ouvrir les contrats de ville à une approche globale de développement. C'est pourquoi j'insiste pour que ceux-ci fassent désormais une place aux questions de développement économique. Les nouveaux contrats de ville auront donc une double vocation en conciliant logique sociale et logique économique.

Lorsqu'ils y parviendront et si les contraintes de popula-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

tion le permettent - et surtout si leurs responsables le souhaitent -, ils pourront préfigurer les contrats d'agglomération et s'y intégrer ; ils en constitueront alors le volet de cohésion sociale et territoriale.

Ces deux procédures ont donc chacune leur légitimité et leur spécificité. Et là où les élus le souhaiteront, elles trouveront tout naturellement à s'articuler. Nos contrats de ville peuvent fort bien constituer, dans un premier temps, un guide de bonnes pratiques et un bon moyen pour les élus qui le souhaiteraient d'aborder l'agglomération au niveau du terrain, en se mettant réellement en position de proposer des solutions concrètes aux populations concernées. Ce qui, du coup, permettra de mieux faire comprendre à celles-ci la notion d'agglomération, au-delà de la seule approche structurelle.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel.

Monsieur le ministre, les grands projets de ville que vous êtes en train d'initier peuvent constituer une novation très positive. Je puis moi-même témoigner de l'effet de levier qu'a pu avoir dans ma ville de Mulhouse, sur une période de sept ou huit ans, le programme européen URBAN, cumulé avec tous les autres dispositifs de la politique de la ville, sur un territoire de 10 000 habitants dans des domaines aussi divers que l'habitat, les espaces publics, l'emploi, l'animation ou la sécurité. Et cette expérience a été d'autant plus enrichissante qu'elle a suscité une participation très active des associations et des citoyens. Cela vaut bien à mes yeux tous les plans Marshall de la terre ; autant dire que votre idée me paraît excellente, pour peu que trois conditions soient respectées.

Premièrement, il faut que votre programme soit véritablement un programme national. La DIV a raison de s'adresser aux contrats de plan Etat-régions afin que cette priorité soit marquée. Mais, vous le savez aussi bien que moi, ce n'est pas de là que viendra l'initiative principale.

Deuxièmement, et je vous renvoie à l'exemple que je citais tout à l'heure, il faut évidemment que vous disposiez de moyens budgétaires suffisants et pertinents de manière à pouvoir mobiliser les financements nécessaires - de l'ordre de quelques centaines de millions par grand projet de ville - sur la période considérée. Je sais que vous vous battez dans ce sens.

Troisièmement, ces moyens doivent être non seulement suffisants, mais adaptés. Il faut donc mettre en place un véritable copilotage entre l'Etat et la collectivité afin de les cibler au mieux sur chacune des actions susceptibles d'être mises en oeuvre sur le terrain, y compris dans les situations les plus complexes.

A titre d'exemple, mon dossier de candidature aux grands projets de ville porte sur les quartiers anciens.

Contrairement à ce dont je parlais tout à l'heure, il ne s'agit plus d'habitat vertical, mais d'un habitat ancien, complexe, multiforme, diffus, où pourtant les problèmes se posent avec la même ampleur. Cela suppose un travail tout en finesse de dialogue, d'adaptation, avec en permanence une vision transversale, tous azimuts, sans jamais perdre de vue la dimension, combien importante, de citoyenneté. Partagez-vous cet état d'esprit, monsieur le ministre ? Vous pouvez en tout cas compter sur notre soutien pour faire réussir cet élément déterminant de la politique de la ville que vous conduisez.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

J'aurais évidemment tendance à vous répondre tout simplement : oui, monsieur le député... (Sourires.) Mais permettez-moi d'être un peu plus disert.

Le programme de renouvellement urbain annoncé par le Premier ministre à Strasbourg constituera bien une des priorités de la deuxième étape de l'action gouvernementale, centrée sur cinquante grands projets de ville. Ce disant, je n'entends évidemment pas faire l'impasse sur les autres endroits qui appellent une intervention de la politique de la ville. Nous avons seulement voulu distinguer les cinquante sites qui posent le plus de difficultés, tant sur le plan du bâti que sur celui de la dégradation sociale.

Ces grands projets de ville seront des contrats de ville aux moyens fortement renforcés, qui permettront d'engager sur les quartiers dont l'image est la plus dévalorisée des opérations de restructuration urbaine d'envergure tout en s'inscrivant dans la cohérence d'un projet global, c'està-dire urbain, mais également social, économique, culturel et éducatif.

Ce programme de renouvellement urbain et de grands projets de ville sera présenté précisément à Vaulx-enVelin, les 9 et 10 décembre. Il y sera notamment débattu, sur la base d'un bilan des grands projets urbains, des conditions de la réussite des grands projets de ville, tant en termes de contenu qu'en termes de méthode.

Sur le plan financier, les grands projets de ville bénéficieront d'abord et prioritairement des subventions de droit commun de l'Etat, auxquelles s'ajouteront des crédits spécifiques exceptionnels du ministère de la ville.

Une première enveloppe sera fixée au prochain CIV.

Parallèlement, la Caisse des dépôts et consignations apportera trois milliards de francs utilisables sous forme d'avances ou de fonds de garantie, en plus de l'enveloppe d'investissement public déjà annoncée dans le cadre de son programme de renouvellement urbain.

Mais ces grands projets de ville devront également mobiliser toutes les collectivités territoriales et l'Europe, car la ville doit être une ambition partagée. Chaque grand projet de ville devra donc d'abord être une priorité politique locale. Il supposera évidemment un pilotage partagé, d'égal à égal, entre l'Etat et les collectivités locales, afin tout à la fois de déterminer la quote-part de chacun, les objectifs visés et les actions à mener par les uns et les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Budget en augmentation, simplification des procédures, politique de proximité, objectifs ambitieux et forts : tout cela va dans le bon sens et je n'y reviendrai pas.

Je voudrais cependant, monsieur le ministre, appeler votre attention sur le volet économique. Nous avons appris à réaménager l'urbain ; nous savons, grâce à des investissements massifs, restructurer et reconstruire la ville, mais il reste un volet qui piétine : celui de l'insertion professionnelle.

Nous avons, il est vrai, affaire sur le terrain à des partenaires multiples qui éprouvent quelque difficulté à trouver leur place, à s'investir, à coordonner leurs actions, à copiloter et à déployer toute leur efficacité dans les quartiers qualifiés de difficiles, sans même parler des zones franches, qui méritent à mon sens un toilettage dans le sens d'une plus grande moralisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

De l'autre côté, nos jeunes attendent davantage de la politique d'insertion. Ils veulent plus d'orientation, plus d'information ; ils veulent avoir accès aux services publics, accès à l'emploi.

Vous avez évoqué l'ANPE. On sent effectivement une exigence de rapidité à laquelle nous devons répondre dans nos actions. Monsieur le ministre, quelles mesures fortes, rapides et concrètes envisagez-vous pour répondre aux appels de nos jeunes ? N'oublions pas qu'une trop longue attente engendre souvent la désespérance et que, chez certains, la désespérance peut faire naître la délinquance.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, la question du développement économique dans les quartiers est une préoccupation de premier plan pour la politique de la ville, mais les situations varient considérablement selon la nature même du quartier considéré quartier monofonctionel ou non -, l'isolement géographique, les difficultés d'accès, l'environnement économique lui-même, en crise ou pas.

Jusqu'à présent, les politiques conduites ont voulu être trop simples. Négligeant peut-être à l'excès les diagnostics fins des territoires, elles ont imaginé des réponses par trop uniformes. En se fondant sur les seules vertus du libéralisme, elles ont proposé un nombre restreint de territoires - à peine 15 % de la population de nos quartiers est concernée - et des mesures, qui, malgré un coût exorbitant n'ont pas fait la preuve de leur efficacité sociale : je veux parler du pacte de relance par la ville et des zones franches urbaines que Mme Marin-Moskovitz a évoquées.

La politique que j'entends conduire est différente. En matière de développement économique, j'entends d'abord m'adresser à tous les sites en contrat de ville et faire en sorte que cette question soit au coeur de leur contrat ; on ne peut concevoir un développement économique des quartiers sans l'inscrire dans un projet global de développement de toute la ville.

Sur le plan des mesures, je souhaite leur proposer deux grandes catégories d'outils : l'une destinée au développement d'activités économiques, l'autre à la lutte contre le chômage. C'est peut-être sur ce point qu'a porté ma principale remarque au moment où le Gouvernement s'est penché sur la question des zones franches urbaines : si nos prédécesseurs ont eu raison de vouloir tester cet outil que pouvaient représenter les zones franches urbaines, leur tort est d'avoir cru trouver dans un seul instrument la réponse universelle en termes de développement économique et d'emploi. On a pu constater, il est vrai, un frémissement dans un tiers des zones franches urbaines qui ont bénéficié de ce dispositif, conjugé avec l'ensemble des autres dispositions de la politique de la ville. Mais si ce frémissement est perceptible sur le plan de l'aménagement du territoire et du développement économique, il l'est beaucoup moins sur celui de la création d'emplois, et particulièrement pour les habitants de ces quartiers, qui constituait pourtant, du moins en théorie, le premier objectif assigné à cet instrument.

Développement d'activités économiques d'un côté, lutte contre le chômage de l'autre : Mme Chantal RobinRodrigo et M. Pierre Bourguignon ont présenté dans leur rapport parlementaire une série de propositions dans ces deux directions. Elles ont fait l'objet d'une expertise technique approfondie cet automne entre les différents départements ministériels et structures concernés. Sur certains points, l'analyse est achevée et nous permettra de proposer dès le prochain comité interministériel des villes de nouveaux outils de développement. Sans entrer dans le détail, je peux d'ores et déjà vous indiquer que des mesures seront prises pour faciliter l'aménagement des quartiers et y rendre économiquement plus attractives les implantations d'activités.

Plusieurs mesures, non seulement fiscales, mais également financières et juridiques, seront proposées pour simplifier le cadre d'intervention des différents partenaires, assorties de conditions précises. Je souhaite en effet mettre en avant une politique désormais axée sur la responsabilité, l'engagement partagé autour d'un projet commun, et ne plus nous contenter d'une simple distribution d'aides sans préoccupation de retour sur investissement, si vous me permettez l'expression. J'entends également mobiliser les réseaux de financement de la création ou du développement d'activités, en premier lieu la Caisse des dépôts et consignations. J'ai d'ores et déjà reçu leur appui.

En matière de développement économique, je veux m'adresser à tous les agents présents sur un territoire : les entreprises, bien sûr, les aménageurs, mais aussi les habitants dont l'esprit d'initiative doit être encouragé et conforté. C'est pourquoi, dans un deuxième temps, et en cohérence avec la tenue des assises de la création d'entreprise, je présenterai début 2000 plusieurs mesures visant à soutenir l'initiative économique des habitants des quartiers.

Pour répondre à un problème aussi complexe que le développement de l'économie sur un territoire, c'est bien à la mobilisation de tous les acteurs et de tous les outils que j'appelle pour l'avenir.

Mme la présidente.

La parole est à M. Laurent Cathala.

M. Laurent Cathala.

Monsieur le ministre, un contrat est une obligation réciproque. Or les divers bilans font apparaître que les contrats de ville n'ont peut-être pas toujours eu la même force contraignante pour les collectivités locales et pour l'Etat. Les communes en particulier ont souvent le sentiment que l'effort a reposé pour l'essentiel sur leurs épaules : adaptation des services techniques municipaux, des méthodes de travail, des métiers, des géographies d'intervention, des compétences, mise en place de nouveaux modes d'association et de participation des habitants à l'action locale. Fréquemment, l'évaluation ne concerne que les services municipaux et oublie ceux de l'Etat. Dans le même temps, nonobstant quelques timides expérimentations locales et de rares projets de réforme restés sans lendemain, la transformation de l'Etat « au local », sur le terrain, ne s'est pas produite.

Après plus de quinze ans de politique de la ville, l'harmonisation des circonscriptions administratives, indispensable à la conduite d'un travail véritablement cohérent, reste également à faire. Les délégations de pouvoir, seules à même de permettre aux représentants locaux de l'Etat de s'engager réellement, contractuellement, et de procéder aux redéploiements et réorganisations qui s'imposent, n'ont pas été repensées. Les mécanismes destinés à attirer dans les zones urbaines en difficulté les fonctionnaires les plus qualifiés restent pour le moment sans grand effet. Les administrations centrales ont mal organisé le retour d'informations du terrain, qui leur permettrait de se transformer et de mieux soutenir les efforts locaux d'adaptation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

En résumé, les élus ont fréquemment l'impression que le contrat de ville est un peu un contrat léonin par lequel l'une des parties se voit obligée de se transformer et de rendre des comptes, alors que l'autre se borne à apporter des crédits spécifiques qui la dispensent de tout effort de réforme quant à l'utilisation de ses moyens et procédures de droit commun.

Au regard de cette situation, monsieur le ministre, comment entendez-vous agir afin d'aboutir à des avancées significatives ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, l'enjeu de la prochaine génération des contrats de ville est bien de rompre avec la situation que vous décrivez, où engagement de l'Etat ne se limite à fournir des crédits spécifiques. La nouvelle politique de la ville sera d'abord mise en oeuvre par les moyens de droit commun des ministères qui prendront des engagements concrets. A titre d'exemple, les 17,4 milliards qui seront inscrits dans les contrats de ville proviendront en majorité des autres ministères. Celui de la ville, de son côté, y consacrera 8,8 milliards de francs.

Cet engagement ne peut effectivement se limiter aux seuls moyens. Nous devons réellement changer nos méthodes de travail ; là sera peut-être l'enjeu essentiel. Je m'engage à ce que ce chantier soit vraiment au coeur de la démarche que nous proposons aux élus et à la population.

Vous avez insisté sur la réforme de l'Etat. Même si l'on peut regretter un manque de rapidité, on ne peut pas prétendre que rien n'est fait - au demeurant, vous ne l'avez pas dit. Je tiens à le rappeler systématiquement car on a parfois trop tendance à faire table rase des évolutions. On voit bien que les choses bougent : la police de proximité, la réforme de l'éducation prioritaire ou le renforcement du service public de l'emploi servent la politique de la ville. L'expérience des seize sites pilotes a montré que l'Etat savait s'organiser en fonction des projets de territoire. L'enjeu est que l'Etat parvienne à répondre aux besoins en permanence et sur l'ensemble des sites.

Il faut sans doute accélérer le mouvement. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a demandé qu'un volet du programme de rénovation urbaine et de solidarité soit consacré à la présence des services publics et à l a qualité de ces derniers.

Au-delà de la relance de la politique d'implantation des services publics, j'ai fait des propositions pour accélérer la réorganisation des services de l'Etat, avec notamment la généralisation de la formule des délégués de l'Etat chargés d'animer des projets de services publics locaux impliquant des agents de l'Etat.

Ma proposition d'instaurer des délégués du médiateur afin de prévenir et de résoudre les conflits entre les services publics et les usagers devrait avoir pour conséquence d'obliger les services de l'Etat à travailler autrement.

La fonction de sous-préfet de ville sera revalorisée. De même les efforts de formation des responsables et des acteurs locaux seront intensifiés.

Vous avez aussi évoqué la mise en cohérence des circonscriptions administratives. C'est une vraie question, même si la politique contractuelle doit permettre de la dépasser. Ce qu'il faut éviter, ce sont les zonages stricts.

Pour le reste, il faut harmoniser quand c'est possible et, quand ça ne l'est pas, organiser la coopération.

C'est à nous de gérer la complexité en amont vis-à-vis des partenaires et des citoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le ministre, j'ai plusieurs questions à vous poser.

S erait-il possible de préciser aux administrations, notamment départementales, que le maire est un partenaire de la politique de la ville et pas uniquement un p aratonnerre destiné à protéger des problèmes qui peuvent se poser sur le terrain ? (Sourires.)

Je participe actuellement à une procédure de GPV qui me paraît très intéressante car elle donne beaucoup d'espoirs aux communes qui en bénéficieront. Mais, lors des réunions, j'ai l'impression que l'élu local a plutôt droit à un strapontin qu'à un siège de décideur ! Il me semble que les procédures que vous voulez mettre en route suscitent quelque incompréhension. Et vous imaginez bien que, en ce qui me concerne, je ne peux pas laisser s'installer ce genre d'état de fait. Mais, plutôt que de passer pour le mauvais garçon, celui qui remet en cause un certain nombre de choses et le fonctionnement d'institutions solidement installées, je préférerais que le ministère précise la philosophie qui doit présider à la mise en oeuvre partenariale des grands projets de ville.

Un directeur de GPV doit être indépendant de toutes les institutions concernées : l'Etat, le département, les offices d'HLM et les élus locaux. Cette autonomie, nécessaire, peut se comprendre. Toutefois, dans la réalité, la convention prévoit que le directeur de projet dépendra de tout le monde sauf du maire. Dès lors, je m'interroge forcément sur l'objectif recherché.

Le problème ne se pose pas que chez moi. C'est pourquoi je tiens à le souligner, d'autant qu'il me paraît dangereux, au moment même où le ministère affirme qu'il faut à tout prix faire participer les habitants, d'exclure de fait du système décisionnel les élus locaux qui sont leurs seuls représentants, ce qui n'est le cas ni de l'Etat, ni du département, ni de la région et encore moins des offices d'HLM. Il s'agit d'un véritable problème, d'autant que la tendance veut, en matière de politique de la ville, que l'on mette en première ligne la responsabilité des élus locaux. Au demeurant, ceux-ci ne refusent pas cette responsabilité.

Par ailleurs, serait-il possible, à titre d'essai, d'obtenir une évaluation du fonctionnement des institutions police, justice, éducation nationale, santé - dans un certain nombre de quartiers ? De même, il serait intéressant d'évaluer l'action sociale des conseils généraux. Une telle évaluation permettrait de voir si la politique suivie par les services est bien cohérente avec ce qu'on croit qu'ils font et avec les missions qui leur ont été confiées.

En définitive, ne croyez-vous pas que la réponse la plus appropriée pour avoir une politique de la ville adaptée consisterait à supprimer purement et simplement le ministère de la ville ? Cela permettrait, non de supprimer le poste du ministre (Sourires), mais de garantir l'« interministérialité » qui est indispensable. On voit bien, monsieur le ministre, que la politique de la ville déborde du cadre de vos crédits spécifiques et que différents ministères sont concernés. Les ministères, c'est comme les mairies : personne n'est au-dessus des autres, sauf le Premier ministre et le maire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Sur le plan de l'organisation administrative, un ministère de la ville est-il nécessaire alors qu'il existe une DIV, un conseil national des villes et tout un tas d'autres

« trucs » ? Dans son esprit initial, la politique de la ville relevait des services du Premier ministre, qui sont théoriquement les seuls à avoir la compétence nécessaire pour remettre un peu d'ordre dans ce problème institutionnel.

Toutes ces questions sont un peu provocatrices, mais je les ai posées pour lancer la réflexion. En tout cas, tout cela n'est pas si éloigné de l'esprit dans lequel s'inscrivait la pensée de notre ami Dubedout.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, votre question est multiple. Je répondrai d'abord à la dernière partie de votre intervention, qui relève de la philosophie.

Imaginer que, d'ici à quelques années, il n'y ait plus de ministère de la ville ne me gêne nullement. Cela signifierait que l'on aurait franchi un pas supplémentaire en matière de décentralisation, mais surtout que l'Etat aurait fait face à son travail de réparation. En effet, rien ne serait pire que de transférer la gestion de territoires sans qu'il y ait eu auparavant travail de réparation - on sait ce qui peut se passer lorsqu'on passe d'une voirie nationale à une voirie départementale.

Si l'on devait proposer brutalement la gestion des ZUP aux collectivités locales sans savoir exactement comment ces dernières vont s'en sortir, je ne suis pas certain que ce serait rendre un bon service aux élus et aux populations.

Toutefois, une fois le travail de réparation effectué, on peut imaginer qu'une réflexion soit conduite pour voir comment les élus locaux peuvent prendre en charge cette dimension de l'aménagement du territoire, même si je considère que l'Etat devra toujours rester vigilant au respect de l'ensemble des valeurs de la République - sans m'apesantir davantage, je soulignerai que ce n'est pas sans raison que j'ai dénoncé il y a quelques mois le contrat de ville de la ville d'Orange.

Vous avez évoqué un problème qui, même s'il est plus fréquent dans les Yvelines que dans les autres départements, doit vraiment appeler notre attention.

Selon l'idée que je me fais des grands projets de ville, les élus locaux doivent occuper une place centrale dans leur élaboration. L'expérience des grands projets urbains l'a en effet montré : tout projet de transformation urbaine profonde d'un quartier ne peut devenir un succès que s'il est porté politiquement par les élus locaux.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que les élus se p ortent candidats au programme de renouvellement urbain et des grands projets de ville, sur la base de leurs projets locaux et de leur volonté politique de sortir par le haut les quartiers en difficulté. C'est pourquoi la liste des sites n'a pas été dressée à l'échelon central. Bref, cette méthode a été riche d'enseignements sur la mobilisation des uns et des autres.

Concrètement, ce sont donc les élus locaux qui devront bâtir les projets, les porter et les discuter avec la population. Ce sont eux qui devront être la première force de proposition. Ce sont eux qui, demain, devront bousculer les choses si le projet n'avance pas.

Pour autant, je veillerai à ce que l'Etat ne soit pas uniquement suiveur. Il devra proposer des stratégies d'intervention dans les domaines qui relèvent de ses propres champs de compétence. Il sera également garant du respect des valeurs républicaines. Il aidera aussi à la diffusion des savoir-faire, de manière à éviter des erreurs que d'autres villes ont pu commettre. C'est tout le sens du bilan des grands projets urbains qui sera présenté lors des assises nationales du renouvellement urbain et des grands projets de ville qui se tiendra à Vaulx-en-Velin les 9 et 10 décembre prochains.

Dans l'attente d'une décentralisation plus approfondie - je pense là à la mission qui a été confiée à Pierre Mauroy -, l'Etat doit enfin jouer un rôle de régulateur lorsque les élus locaux n'ont pas été capables de s'organiser collectivement en structure intercommunale d'agglomération.

Monsieur Cardo, vous êtes bien placé pour le savoir, la solidarité intercommunale n'est pas toujours garantie en matière de politique de la ville...

M. Pierre Cardo.

C'est ce que l'on appelle l'Arlésienne !

M. le ministre délégué de la ville.

... surtout lorsqu'on parle de la construction ou de l'attribution de logements sociaux.

Mme Nicole Bricq.

Eh oui !

M. le ministre délégué à la ville.

Et là, l'Etat a un rôle à jouer en usant de ses contingents de réservation de logements et en appliquant une loi d'orientation sur la ville, qui doit être renforcée tant que l'agglomération

« politique » n'est pas une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Nous passons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Jean-Louis Debré.

M. Jean-Louis Debré.

Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur un problème qui se pose à Evreux, ville que je connais bien et que j'aime, et plus particulièrement dans le quartier de la Madeleine.

Dans ce quartier très difficile, les commerces ferment les uns après les autres, et ceux qui y restent voient leur activité diminuer chaque année de 30 à 40 %. Par conséquent, l'inquiétude est très forte quant au maintien d'une activité commerciale dans ce quartier. Or si tous les commerces ferment les uns après les autres, il va continuer à aller à vau-l'eau, et l'insécurité toujours croissante va s'aggraver.

Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que, dans les grandes villes qui sont les plus proches d'Evreux - à Mantes-la-Jolie et à Dreux, par exemple -, on trouve des zones franches urbaines qui fonctionnent bien. Par conséquent, avez-vous, oui ou non, l'intention d'instituer une zone franche urbaine dans ce quartier de la Madeleine d'Evreux ? Je crois savoir que, dans les quarante-quatre zones urbaines qui existent en France, les exonérations fiscales consenties permettent le maintien ou le développement de l'activité commerciale.

Avez-vous un projet pour maintenir l'activité dans ce quartier difficile de la Madeleine à Evreux ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Je me suis déjà exprimé sur les zones franches, mais je vais préciser mon propos.

Au mois de février dernier, j'ai eu l'occasion de présenter au nom du Gouvernement les conclusions d'un rapp ort d'étude demandé à trois inspections générales - IGAS, IGA, IGF - sur le bilan d'activité des zones franches urbaines. C'était d'ailleurs le Parlement luimême qui, au moment de l'examen du pacte de relance pour la ville, avait exigé qu'un rapport lui soit remis sur le bilan des zones franches urbaines.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Vous avez dû noter que ce rapport faisait état de phénomènes de dérive au bénéfice de certaines entreprises ayant su profiter de tous les effets d'aubaine du dispositif.

Du reste, vous avez pu constater que les résultats sont décevants, notamment en termes d'emplois nets créés pour les habitants des quartiers en difficulté. Ce dispositif, je le répète, a eu plus d'effets en termes de développement économique ou d'aménagement du territoire qu'en termes de création d'emplois pour les habitants des quartiers en difficulté.

M. Jean-Louis Debré.

Il s'agit du maintien de l'emploi !

M. le ministre délégué à la ville.

Cela vaut aussi pour le maintien de l'emploi.

J'ai réuni l'ensemble des élus et des acteurs de la politique économique de ces quarante-quatre sites. En fait, on relève trois groupes.

Un pour lequel ce dispositif a, pour des raisons diverses - étendue des sites, atouts de ceux-ci - fonctionné. Il s'agit en particulier du site de Bordeaux et de celui de Marseille.

Dans un autre groupe, le développement n'a pas été supérieur à celui constaté dans les territoires environnants.

Enfin, il y a un troisième groupe où ce dispositif n'a donné aucun résultat convaincant.

Vous voyez, donc que, en fonction de la taille, du lieu, de l'environnement économique, de la formation des habitants, les résultats sont très divers.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a décidé, le 2 septembre dernier en comité interministériel des villes, de prendre un certain nombre de mesures pour moraliser le dispositif. Il a la volonté de ne pas revenir sur la parole donnée. Un essai a été fait, mais rien ne serait pire que le

« zapping » dans le choix des mesures ou des instruments mis à la disposition des élus.

Dès le prochain texte financier, des mesures visant à moraliser ce dispositif seront proposés.

D'abord, afin de lutter contre le phénomène des entreprises fantômes qui usent de la domiciliation dans un quartier sans créer aucune activité, nous allons préciser la notion d'emploi exclusif en zone franche urbaine, ete ssayer d'enrayer le nomadisme des entreprises qui

« surfent » d'une zone franche urbaine à l'autre. Certaines entreprises ont en effet compris comment bénéficier du dispositif plus longuement : après s'être installée pendant deux ou trois ans dans une zone franche urbaine, elles en changent pour continuer à bénéficier des exonérations.

Ces dernières seront donc supprimées pour ce type d'entreprises.

M. Jean-Louis Debré.

Il s'agit de petits commerces, pas de sociétés !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est pareil, je vais y venir.

Ensuite, pour renforcer la création nette d'emplois, nous proposons de diviser par deux le taux d'exonération en cas de simple transfert et d'interdire le bénéfice des mesures en question aux entreprises ayant licencié dans l'année précédant le transfert.

De plus, afin d'améliorer l'effet « emploi » pour les habitants des quartiers situés dans une zone franche, il sera proposé de fixer un nombre d'heures minimum de travail pour comptabiliser les embauches.

Enfin, un système statistique régulier sera créé pour suivre les résultats de ce dispositif.

Avant la mise en oeuvre de ces dispositions, notamment de la dernière mesure que je viens de vous présenter, il demeure très aléatoire de fournir des indications chiffrées sur les bénéficiaires de ce dispositif. Cependant, afin de « pacifier » le débat, il me paraît nécessaire de fournir des éléments d'appréciation objectifs.

C'est ainsi que les calculs de l'ACOSS effectués à partir des masses salariales ayant servi pour établir le montant des exonérations de charges sociales, font apparaître que, a u premier semestre 1999, un peu moins de 42 000 embauches pour 6 600 établissements auraient donné lieu à exonérations. Ces chiffres sont en baisse par rapport à 1998 en raison d'un certain nombre de faillites, de départs d'entreprises ou de licenciements.

Ces tendances ne font que renforcer la réserve que j'ai toujours manifestée sur l'efficacité du dispositif, notamment en ce qui concerne sa durée. C'est pourquoi j'estime que l'avenir économique des quartiers en difficulté passe par une politique plus ambitieuse sur laquelle je voudrais m'exprimer maintenant.

Monsieur le député, vous avez raison. Vous avez pris l'exemple d'Evreux, mais nous devons faire preuve d'imagination et faire des propositions pour tous les quartiers relevant de la politique de la ville, qu'il s'agisse du maintien ou du développement de l'activité commerciale ou économique.

C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué dans mon intervention que le Gouvernement souhaitait donner une suite au rapport remis au Premier ministre par Chantal Robin-Rodrigo et Pierre Bourguignon. Nous proposerons, dès le 14 décembre, des mesures visant à permettre le d éveloppement économique et à renforcer l'activité commerciale des sites relevant de la politique de la ville, et ce au-delà des quarante-quatre zones franches urbaines.

Mais nous voulons - et ce sera l'élément central de nos p ropositions - non seulement maintenir l'activité commerciale lorsqu'elle existe, en améliorant la sécurité et la circulation ou en favorisant le désenclavement, mais aussi passer un accord « gagnant-gagnant » avec les entreprises.

L'Etat est prêt à prendre en considération tous les efforts financiers qui peuvent être faits, y compris en matière d'exonération fiscale. Mais cela devra se faire sur la base d'échanges « gagnant-gagnant », gagnant pour le commerce - ou l'entreprise - concerné par les exonérations, mais aussi gagnant pour la collectivité locale en termes de création d'emplois. Donc, dès le 14 décembre, nous proposerons des outils précis qui devraient répondre à votre attente ou dissiper vos inquiétudes.

M. Jean-Louis Debré.

Donc, vous ne créez pas de zone franche à Evreux !

M. le ministre délégué à la ville.

Je ne peux pas répondre en ces termes à votre question !

Mme la présidente.

Nous revenons au groupe socialiste.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Tous les orateurs, même ceux de l'opposition qui ont indiqué qu'ils ne voteraient pas ce budget, ont souligné l'effort financier réalisé cette année dans le cadre de la politique de la ville. Ils ont cependant eu tendance à minorer l'effort important consenti en faveur de la dotation sociale urbaine. Je reviendrai par conséquent sur la cohérence des outils fiscaux et financiers de cette loi de finances par rapport à la politique de la ville.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Effectivement, à la demande du Premier ministre, qui a bien écouté son ministre de la ville, la DSU est passée, en deux ans, de 2,3 milliards à 3,7 milliards ; c'est un effort exceptionnel. En outre, pour éviter la diminution de la dotation de compensation professionnelle, un effort significatif a été proposé dans la première partie de la loi de finances par le rapporteur général, et 150 millions de francs permettront que les villes bénéficiant de la DSU ne voient pas diminuer la compensation de la taxe professionnelle.

Par ailleurs, et ce n'est pas un hasard si nous sommes nombreux ce matin sur les bancs de la majorité, notamment sur les bancs socialistes, la loi sur l'intercommunalité a renforcé les mécanismes de péréquation en Ile-deFrance. Je crois que nous sommes arrivés à un bon compromis, même si, et vous avez insisté sur ce point, monsieur le ministre, cela n'a pas toujours été facile, et nous avons eu de longs débats nocturnes à cet égard.

En outre, la budgétisation du FARIF, le fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, que nous déciderons bientôt dans la deuxième partie de la loi de finances, permettra que les crédits soient mieux consommés, et plus rapidement.

Cet effort doit donc être souligné, mais chacun est bien conscient qu'il reste beaucoup à faire. Personne, d'ailleurs, ne le nie, et surtout pas vous, monsieur le ministre, d'autant que certains endroits progressent plus vite que d'autres. Ainsi, là où je suis élue, le volontarisme de l'Etat ne rencontre pas une volonté locale. Il n'y a en particulier pas de contrat local de sécurité et il est donc particulièrement difficile que tout le monde se mette autour d'une table pour discuter de la prévention, de la lutte contre la délinquance, notamment celle des mineurs, et de la définition d'une répression adaptée.

Je voudrais insister sur la participation des habitants, dont vous aviez fait une priorité en lançant la procédure de renégociation des contrats de ville. Invitée samedi dernier par une importante association de locataires, j'ai pu constater que cette participation n'était pas encore effective, alors même que les nouveaux contrats de ville doivent être signés dans les semaines qui viennent.

Quelles directives comptez-vous donner à votre administration pour qu'elle prenne en compte cette participation, dont je reconnais qu'elle ne doit pas être très facile à mettre en oeuvre sur le terrain ? Notamment, à quelle aune seront jugés les nouveaux contrats de ville, compte tenu des difficultés, que vous connaissez bien, qui apparaissent lorsque les autres politiques ne sont pas au rendez-vous ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Madame la députée, vous avez posé une double question.

La DSU et le FSRIF en région Ile-de-France constituent, vous l'avez souligné, les seuls mécanismes spécifiques de solidarité urbaine. Les inégalités considérables de ressources entre communes riches et communes pauvres sont, ainsi que je le disais tout à l'heure, un frein majeur à la décentralisation. Alors que ce sont les communes qui ont le plus de difficultés sociales qui devraient disposer de moyens plus importants que les autres pour combattre ces difficultés, c'est la plupart du t emps le contraire qui se produit. Pour certaines communes engagées dans la politique de la ville, résoudre ce problème s'apparente à la quadrature du cercle, voire à l'imposture démocratique. Avec la DSU et le FSRIF, le législateur a institué un double principe de péréquation des dotations de l'Etat et de la fiscalité ; c'est l'une des décisions majeures qui ont été prises dans le cadre de la politique de la ville.

Dès ma nomination je me suis attaché à faire valoir la nécessité de franchir une nouvelle étape sur la voie de la péréquation. C'est ainsi que la DSU a été augmentée de 45 % en 1999 et qu'elle augmentera encore de 16 % en 2000. Le FSRIF a été réformé et ouvert à d'autres communes, et les contingents communaux d'aide sociale ont été supprimés. Mon budget comprend désormais une ligne d'aides directes aux communes les plus en difficulté qui sont engagées dans un grand projet. Toutes ces mesures étaient inscrites dans le comité interministériel des villes du 30 juin 1998. En outre, 40 millions de francs ont permis d'aider les communes pauvres à rénover leurs écoles en les ouvrant sur l'extérieur.

Malgré ces différentes mesures, la DSU ne représentera en 2000 que moins de 4 milliards sur les 160 milliards de francs de la DGF. La nouvelle étape de la décentralisation à laquelle réfléchit la commission Mauroy devra prendre en compte la nécessité d'une plus grande intensité et d'un meilleur ciblage de la solidarité nationale et des solidarités intercommunales, qui pourront prendre de nouvelles formes, comme l'obligation de mixité sociale dans le logement.

S'agissant de la participation des habitants, au moment où les contrats de ville nous seront présentés, l'effort de l'Etat sera fonction du respect ou non de ce principe importante. Si nous voulons que la participation des habitants soit une réalité, il faudra bien que cette participation soit prévue dans les contrats de ville, et non pas dans un vague chapitre, mais selon des modalités précises.

Des indications ont été données aux préfets pour qu'il en soit bien ainsi.

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur le volet habitat de la prochaine loi relative à l'habitat, à l'urbanisme et aux déplacements.

Quels moyens peut-on envisager pour renforcer les plans locaux de l'habitat, notamment dans leur dimension intercommunale ? Et faut-il aller jusqu'à les rendreo pposables comme certains documents d'urbanisme, notamment le schéma directeur ? Par ailleurs, compte tenu de ce qu'a donné l'application de la loi d'orientation pour la ville, êtes-vous favorable à certains aménagements visant à renforcer son efficacité ? Vous avez dit, et je partage votre avis, que notre ambition quant à la mixité devait s'inscrire dans la durée. Raison de plus pour renforcer nos moyens, car les instruments que nous avons mis en place depuis dix ans se sont révélés assez décevants.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, il s'agit là d'une question clé. Je pense qu'il n'y aura pas de renouvellement urbain, dans les prochaines années, s'il n'y a pas de retour à l'esprit de la LOV d'avant 1993, et le Gouvernement comme le législateur devront avoir les différents éléments que vous avez développés dans votre intervention présents à l'esprit. Autant je pense qu'il peut y avoir une décentralisation de la décision, grâce à un renforcement des programmes locaux de l'habitat, dans le cadre d'une réelle intercommunalité se fixant des objectifs précis à cet égard, autant il faudra renforcer les décisions de l'Etat à l'égard des collectivités locales qui ne voudraient pas accueillir des logements sociaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Vous vous rendez bien compte que tout le programme voulu par le Gouvernement, notamment les opérations de reconstruction et de démolition, n'aurait pas de sens sans une nouvelle loi d'orientation pour la ville nous permettant d'atteindre nos objectifs. Car si nous devons démolir des logements sociaux dans certains quartiers pour en reconstruire d'autres dans les mêmes quartiers, nous n'atteindrons pas l'objectif de mixité urbaine que nous visons les uns et les autres.

Or, actuellement, les permis de construire sont trop souvent attaqués dès qu'il s'agit de construire des logements sociaux, et les recours sont intentés sur une base d'exclusion sociale, sur une base raciste.

M. Yves Dauge.

Tout à fait !

M. le ministre délégué à la ville.

Et une partie des élus, qui sont complices de la population, s'opposent à la construction de tout logement social.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Tout à fait !

M. le ministre délégué à la ville.

Nous ne pourrons pas en rester à cette constatation. Il faudra bien, dans le cadre de la loi que je prépare actuellement avec M. Gayssot et M. Besson, aborder ce problème de manière courageuse. Mais la solution n'est pas simple à trouver : elle suppose une forte volonté politique, mais aussi pédagogique, pour faire comprendre aux populations des petites villes, qui vivent quelquefois en bordure d'agglomération, qu'accueillir des logements sociaux ne représente pas une menace pour leurs biens, ni pour la valeur de ceux-ci, ni pour leur qualité de vie. Si l'on veut réellement réhabiliter la volonté du vivre ensemble, qui est l'un des éléments essentiels de la politique de la ville, il faudra se donner des moyens fiscaux et réglementaires pour faire en sorte que la présence de logements sociaux soit une réalité partout. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Nicole Bricq.

Ça ne va pas être facile !

Mme la présidente.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur un dispositif particulier. La politique de la ville, tout le monde en convient, est passé d'une phase qui concernait essentiellement la rénovation du bâti à la prise en considération du fait que, derrière le bâti, il y avait des femmes et des hommes qui vivaient, et qu'il fallait en quelque sorte organiser aussi la rénovation humaine.

Il faut donc prendre en compte le tissu associatif, les associations d'habitants, mais aussi certaines structures de service public.

Nous avons fait beaucoup d'efforts en faveur des jeunes de ces quartiers en difficulté, qui ont été les premiers bénéficiaires des emplois-jeunes, mais nous nous rendons compte aujourd'hui que toute une population est disponible dans le cadre des actions de solidarité ou de redynamisation, je veux parler des adultes, de ceux qui sont à la frontière entre la préretraite et la retraite, qui sont disponibles pour les associations et pour toute une série d'actions innovantes.

Il est peut-être nécessaire aujourd'hui de compléter les dispositifs existants est de faire intervenir l'Etat, car il n'y a pas de crédits permettant de mettre cette population en mouvement. Souvent elle ne demande pas grand-chose : seulement un complément au temps qu'elle consacre à ce type d'action.

Dans notre département, et plus particulièrement dans ma circonscription, nous avons mis en place des emploisseniors. C'est selon moi une piste importante, dans le cadre de la politique de la ville, pour mettre en mouvement une partie de la population qui dispose d'une autorité naturelle dans les cités et dont la disponibilité est beaucoup plus grande. Cela pourrait constituer un élément essentiel de la chaîne qu'il faut reconstruire dans les quartiers en difficulté.

Comment, dans les mois qui viennent, le Gouvernement pourrait-il, à l'occasion du budget, mettre en place des dispositifs complétant l'action des régions, des départements et des communes en ce domaine ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, vous avez évoqué un sujet essentiel : le rôle des adultes et des parents dans la politique de la ville, car ce sont des référents.

Nous avons effectivement découvert qu'il ne servait à rien de repeindre les façades des immeubles, même si c'est nécessaire, si l'on ne donnait pas aux habitants la possibilité de retrouver des couleurs dans leur propre vie.

Nous nous sommes également rendu compte, notamment à propos des emplois-jeunes, qu'il y avait un certain nombre de gisements d'emplois, mais aussi de mieux-être social, avec toutes les fonctions de médiateur. Le temps est venu de proposer à des adultes de plus de vingt-cinq ans des emplois de ce type, dans la logique du discours que nous avons tenu sur les fonctions de médiateur, sur la famille et sur la fonction parentale.

M. Pierre Cardo.

J'approuve votre propos !

M. le ministre délégué à la ville.

C'est pourquoi j'ais ouhaité, avec Martine Aubry, proposer un plan d'emplois aidés pour des adultes relais. Ce programme a un triple objectif.

Il vise d'abord à développer la médiation sociale partout où c'est nécessaire pour résoudre les conflits de voisinage, à faciliter le dialogue entre habitants d'un même ensemble de logements et à assurer une présence humaine rassurante dans certains lieux inhospitaliers. Ce programme s'adresse aux adultes de plus de vingt-cinq ans, car leur rôle est essentiel pour les territoires concernés par la politique de la ville. Nous devons, comme je l'ai dit, il y a quelques instants, redonner aux adultes et particulièrement aux parents, une grande place revalorisée dans les quartiers populaires.

Mais, en second lieu, du fait du chômage, dont ils souffrent plus que les autres, de leurs difficultés d'intégration, de leur désarroi face à des jeunes qu'ils ne comprennent plus très bien quelquefois, les adultes doivent être confortés et leur présence éducative auprès des enfants doit être renforcée.

Ce programme vise enfin à promouvoir une action spécifique en faveur de l'emploi dans les territoires relevant de la politique de la ville. Nous le savons, ceux-ci subissent plus que d'autres le chômage et les discriminations ; c'est pourquoi ces emplois leur seront destinés.

Le prochain comité interministériel des villes fixera les modalités de ce programme afin qu'il puisse entrer en application dès l'an 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Claude Daniel.

Monsieur le ministre, vous avez clairement tracé l'évolution d'une politique de la ville qui sort de l'enfermement les quartiers stigmatisés par la précarité, l'insécurité et le non-droit, pour affirmer le développement d'une stratégie urbaine plus globale, associant fortement les missions et les compétences de l'intercommunalité.

Quelles villes voulons-nous demain ? Des villes où se renforce le lien social, le lien démocratique, des villes où le développement soit maîtrisé et inscrit dans la durée, des villes solidaires, donc plus équilibrées, des villes inscrites dans leur double enveloppe urbaine et rurale, pour celles qui ne sont pas des mégapoles.

Vos choix et ceux du Gouvernement donnent un espoir à ceux qui pensent que la dichotomie rural-urbain, sur laquelle on a souvent insisté, ne peut être le ferment d'une bonne intégration territoriale, et que l'intercommunalité de projet sur des territoires pertinents ne peut se jouer dans la fausse opposition du tout-terrain au toutrural, et inversement.

Les petites villes ou villes moyennes fortement ancrées dans leur enveloppe péri-urbaine, souvent fortement rurales, par effet de similarité, connaissent aujourd'hui les mêmes réalités et les mêmes risques que le milieu urbain plus dense : délitement social, chômage, insécurité, précarité et délinquance.

La dimension de ces villes, leur implication territoriale rurale et urbaine, rurbaine, autorise un traitement en amont des faits repérés où l'expérimentation sociale et économique peut encore trouver sa place.

A côté des préfigurations sur sites pilotes et des grands projets urbains, le passage d'une multicontractualisation - contrat éducatif local, contrat local de sécurité, espaces jeunes -, difficilement cohérente, aux contrats de ville, participant d'un contrat d'agglomération ou d'un contrat de pays, ouvre de nouvelles perspectives associant fortement, à l'échelle d'un territoire, la ville comme lien central par rapport à la ruralité environnante.

Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre.

Comment entendez-vous, sinon simplifier, du moins mettre ordre et cohérence dans la complexité des emboîtements des contrats de ville, des contrats d'agglomération ou de pays, des contrats de plan Etat-régions, sans parler des zonages : ZRR, ZRU, FSE, PAT ? Cela faciliterait grandement le travail effectif de terrain à l'échelle de nos territoires, en tenant compte de leur spécificité, dans le respect de ce que vous avez appelé tout à l'heure l'équité ou l'égalité républicaine, en associan t le préventif et le curatif, et le préventif chaque fois que c'est encore possible.

Parallèlement, comment pouvez-vous nous aider à ordonner la lisibilité des financements croisés - vos moyens propres seront-ils suffisants ? -, qui sont les moteurs de la réalisation de ces contrats de ville, petites et moyennes, dans leur logique de territoire urbain, où l'expérimentation est encore possible ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, votre circonscription est un parfait exemple de site où l'expérimentation est possible et où les villes sont de taille très différente. Nous serons à vos côtés pour essayer de donner une réalisation concrète aux projets portés par votre territoire.

Cela dit, je voudrais profiter de votre question pour apporter une petite précision.

Les contrats de ville ont dans leur majorité vocation à répondre aux problèmes de développement économique et social rencontrés par des villes d'une certaine taille, regroupées en intercommunalité. Pour autant, je n'ignore pas que de petites villes peuvent être confrontées à des p hénomènes d'exclusion similaires, même s'ils n'atteignent pas le degré de gravité des quartiers de nos grandes agglomérations. La réponse à cette situation mérite elle aussi une approche globale nécessitant la mobilisation d'un partenariat local diversifié. J'ajoute que c'est peut-être dans ces sites que l'intervention du conseil général me paraît la plus importante.

Mais dans la nature, ce partenariat est différent des contrats de ville car il s'appuie sur un environnement rural, et quelquefois de petites communes. Ce sont donc d'autres leviers qu'il faut faire jouer et qui relèvent plutôt d'une démarche de développement local. Pour ce faire, la formule des contrats de pays, mise en place par la loi d'orientation sur l'aménagement durable du territoire, dans son article 25, se révèle plus adaptée à la taille et à la nature des problèmes qui se posent dans les petites villes.

Les crédits de la politique de la ville ne seront pas tous gelés dans les contrats de ville : une politique de la ville pourra continuer d'être menée en dehors de ces contrats, notamment pour répondre à la conjoncture. En tout état de cause, sur la base d'un diagnostic partagé entre le représentant de l'Etat au niveau local, des crédits pourront être mobilisés pour mener des actions spécifiques de développement social urbain dans ces villes hors contrat de ville.

J'insiste sur ce point car je souhaite démontrer qu'il n'y a ni divorce ni dichotomie entre les problèmes urbains et les problèmes ruraux. Alors même que, par un p hénomène d'identification, les conduites à risque peuvent être identiques, je ne veux pas ouvrir les crédits de la politique de la ville à tous les sites. On arriverait sinon à un dispersement tel qu'on n'obtiendrait plus de résultats.

Chaque fois qu'il y aura des situations qui se rapprocheront des désordres urbains, nous essaierons d'intervenir aux côtés des villes concernées.

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Calmat.

M. Alain Calmat.

Monsieur le ministre, je reviendrai quant à moi sur les zones franches, dont vous avez abondamment parlé.

On comprend tout à fait que vous continuiez à les entretenir et, surtout, que vous demeuriez, tout en développant ces zones, à être très vigilant quant à l'utilisation abusive de l'effort financier de l'Etat.

Depuis deux ans et demi, le Gouvernement a justement travaillé à concevoir la ville dans sa globalité afin de ne pas créer de ghettos, notamment en augmentant les crédits alloués. Il est indispensable de poursuivre la politique de simplification afin de réduire le nombre des dispositifs mis en place depuis de longues années. Vous menez vous-même avec les maires une politique de contractualisation globale autour de projets de ville qui tiendront compte des projets de quartier.

Cela rappelé, je voudrais vous interroger plus particulièrement sur le devenir du plateau de Clichy-sousBois Montfermeil, que vous connaissez bien.

Lors de sa création, la zone franche urbaine de Clichysous-Bois Montfermeil avait été délimitée sans qu'aient été prises en compte les dimensions économiques et sociales des deux villes. Passant sur certaines aberrations


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

- des rues étant pour une moitié en zone franche et pour l'autre hors zone franche - je relèverai que, depuis sa création, cette zone est toujours coupée en deux afin d'y intégrer une zone d'activité concertée, ce qui entraîne plus de délocalisations d'entreprises - je qualifierai ces délocalisations d'abusives - que de créations effectives.

Certes, des décrets ont été signés, modifiant les périmètres de certaines zones franches, mais des anomalies subsistent. D'où ma première question : entendez-vous y remédier ? Il me semble aussi indispensable de penser à l'aprèsdispositif zones franches. En effet, si le système de défiscalisation mis en place et financé par l'Etat devait disparaître, les conséquences seraient désastreuses pour certaines entreprises qui ont pu se créer grâce aux zones franches. Suspendre le dispositif ou ne pas le pérenniser reviendrait donc certainement à faire disparaître ces entreprises et donc à détruire les quelques emplois créés.

J'ajoute que, pour ce qui concerne le plateau de Clichy-sous-Bois Montfermeil, nous devons faire face à un autre problème : la dégradation des copropriétés.

Les propositions en cours doivent aboutir, et Claude Dilain, le maire de Clichy-sous-Bois, m'en parlait récemment encore. Je pense au grand projet urbain pour les deux communes, au maintien des deux communes dans le prochain plan des programmes d'initiative communautaire URBAN ainsi que dans l'objectif 2 des fonds structurels européens. Toutes ces initiatives ne devront pas uniquement tenir compte des données économiques, mais aussi des questions sociales et scolaires comme de celles relatives aux déplacements urbains dans l'est du département de la Seine-Saint-Denis.

Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre l'année prochaine réalisées en la matière et quelles sont les avancées menées avec le conseil national des villes, en particulier pour ce qui concerne le plateau de Clichy-sousBois Montfermeil.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, vous parlez d'un secteur auquel vous portez une grande attention dans votre action quotidienne.

Quant à l'éligibilité à l'objectif 2 ou à la reconduction du PIC - programme d'initiative communautaire URBAN, il est évident qu'elles sont au coeur des préoccupations du ministre de la ville. Dans mon esprit, un sentiment d'abandon ne doit pas s'installer sur le site de Clichy-sous-Bois Montfermeil.

Nous aurons bien entendu à tenir compte des décisions qui seront annoncées au niveau européen en ce qui concerne les futurs sites relevant du PIC URBAN et à prendre en considération les annonces qui seront faites pour, le cas échéant, ajuster la carte d'éligibilité à l'obj ectif 2.

Le travail qui a été commencé sur le plateau de Clichysous-Bois Montfermeil ne peut pas être arrêté. Il s'agit d'un des sites les plus durs en termes de politique de la ville et l'intervention de l'Etat doit être envisagée sur une longue durée. Il n'y aura donc pas d'arrêt du dispositif sans qu'il soit tenu compte de la situation et du remplacement des outils, si ceux-ci devaient évoluer.

Q uant aux copropriétés, vous avez déjà, comme Claude Dilain, appelé mon attention.

Lorsque j'évoque les difficultés sociales que présentent nombre de copropriétés dégradées, j'ai souvent à l'esprit l'image des copropriétés du plateau de Clichy-sousBois Montfermeil. Dès l'année prochaine, nous aurons des propositions à faire pour donner la possibilité à l'Etat et aux élus locaux de disposer d'outils d'intervention sur le secteur du logement social de fait, pour lequel nous avons été jusqu'à présent assez démunis.

S'agissant du périmètre des zones franches urbaines, j'ai bien entendu votre remarque, alors même que l'on rencontre le problème que vous avez déploré dès qu'il y a zonage. En effet, qui dit zone, dit périmètre de zone et, quelle que soit l'étendue de la zone, il y aura toujours des activités ou des commerces qui seront en périphérie de zone.

Cela dit, nous proposerons à la représentation nationale un certain nombre d'outils qui tiendront compte des conclusions à donner au rapport Bourguignon-Rodrigo.

Ils nous permettront de compléter les dispositifs existants tout en évitant les effets de seuil. C'est donc plutôt dans cette direction que nous allons réfléchir et agir, au lieu de toucher au périmètre des zones franches urbaines, d'autant plus que nous approchons de la fin de l'application du dispositif et qu'il faudra penser au système qui le remplacera.

Je rappelle qu'au surplus le gouvernement français a pris un certain nombre d'engagements auprès de l'Europe concernant la population couverte par le régime des zones franches urbaines. Je vois donc mal comment nous pourrions encore élargir les périmètres.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Balduyck.

M. Jean-Pierre Balduyck.

Ma question porte sur l'implication des habitants dans la politique de la ville.

D es jeunes et des adultes mènent des actions citoyennes. Nous affirmons l'efficacité de la prévention et le rôle des centres sociaux, des clubs sportifs comme des conseils de quartiers nous paraît essentiel.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé le rôle des fonctionnaires : le facteur du quartier est souvent le plus important lien social pour les personnes âgées.

Comment amplifier la concertation ? Comment accepter les projets des habitants dans les contrats de ville et amener les conseils de quartier à s'impliquer, y compris dans les enjeux de prévention et de sécurité ? Les instituts de la ville ne pourraient-ils pas devenir également des lieux de ressources, d'échanges, d'impulsion et d'expérience pour une politique de la ville favorisant encore plus la motivation des habitants et des services publics ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, je voudrais vous donner quelques précisions sur les outils que nous voulons mettre en place pour aller dans votre sens.

D'abord, la définition de modalités concrètes de participation des habitants conditionnera l'engagement de l'Etat dans les futurs contrats de ville. La population doit être associée dans la continuité, ce qui fait écho à l'une de mes réponses précédentes.

Quelles qu'elles soient, les instances de concertation installées doivent être avant tout des lieux de démocratie et de proximité, d'information et de consultation des habitants par la municipalité, ainsi que de débat.

Ensuite, les fonds de participation des habitants se mettent progressivement en place. Ils doivent constituer un axe fort de tous les contrats de ville. Ces fonds sont destinés à financer en temps réel de micro-initiatives ini-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

tiées par les habitants : il s'agit de petits projets élaborés par un groupe d'habitants ou une association locale - voyages, repas de quartiers, événements festifs. Ces activités constituent un des socles essentiels du lien social, de la convivialité et de la citoyenneté dans un quartier.

Les fonds regroupent les acteurs du contrat de ville qui décident de mettre à disposition une somme annuelle dont l'utilisation est laissée à la discrétion des acteurs l ocaux - c'est une originalité dans notre système comptable et administratif, qui fait que, pour une fois, les financeurs ne seront pas les décideurs.

Je souhaite, d'une part, réduire les délais de décision et, d'autre part, laisser une véritable marge de manoeuvre à l'initiative locale. Chaque année, il est bien sûr rendu compte en détail de l'utilisation de ces sommes.

Enfin, quant à la formation des habitants et à l'acquisition d'un langage commun, il faut nous donner les moyens pour assumer une réelle participation des habitants, ce qui implique de renforcer la capacité de chacun à pouvoir intervenir dans un débat public, à acquérir des connaissances techniques spécifiques et à maîtriser les rouages de la décision publique.

La gestion urbaine de proximité sera contractualisée et concernera les engagements des différents partenaires.

L'instauration d'une charte de qualité en matière de gestion urbaine entre les différents partenaires - Etat, villes, bailleurs - sera engagée. L'objectif de cette charte sera de promouvoir la participation des habitants, d'améliorer et, éventuellement, de modifier le contenu des projets, de faciliter leur réalisation en y associant dès l'origine, aux côtés du maître de l'ouvrage, le plus grand nombre possible d'acteurs concernés et, enfin, de contractualiser les engagements respectifs des différents partenaires engagés sur un même territoire.

Mme la présidente.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le problème de l'emploi et de l'activité économique dans les quartiers difficiles.

Vous avez donné votre point de vue sur les zones franches, sur leur évolution et sur le fait que nous arriverons au terme de la procédure en 2006. Mais au-delà des emplois Zuccarelli, des emplois-jeunes et des autres dispositifs qui entrent dans la vie économique classique, si je puis dire, que comptez-vous faire pour favoriser les emplois marchands ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, je ne peux pas, devant la représentation nationale, développer les orientations qui seront annoncées par le Premier ministre lui-même au cours de la réunion du comité interministériel des villes du 14 décembre. Mais sachez une chose : comme nombre de vos collègues ont eu l'occasion de le dire au cours de cette matinée, nous ne pensons pas que le développement de l'emploi dans les quartiers ne doive se faire qu'avec les emplois-jeunes, même si c'est nécessaire et quelquefois indispensable, ou qu'avec des emplois de la fonction publique, même si c'est nécessaire et quelquefois indispensable. Nous voulons réellement intéresser le secteur privé au développement des quartiers et à la mise en valeur d'un certain nombre des territoires.

Il va de soi que, si nous voulons attirer des entreprises dans les quartiers, il faudra examiner l'ensemble des aides qui pourront leur être apportées, tant pour améliorer la sécurité sur des territoires où les entreprises ne viendront pas si elles ne se sentent pas en sécurité que pour valoriser le foncier, ce qui attirera aussi les entreprises.

Ainsi que je l'ai déjà annoncé, nous envisagerons également des exonérations fiscales, mais à une seule condition : le pari doit être gagnant-gagnant. Ces exonérations pourront être accordées dans le cadre d'engagements précis qui pourraient être pris par les entreprises en ce qui concerne les créations d'emplois, notamment en direction des habitants des quartiers concernés.

De plus, et j'insiste sur ce point, je souhaite que soient mis en place des outils qui permettent de mettre en valeur les qualités des habitants de ces quartiers. Certains de ces habitants peuvent développer des commerces ou des entreprises artisanales, compte tenu des capacités qui sont les leurs. Mais ils ont quelquefois besoin d'une aide financière et technique. C'est aussi cela que nous voulons mettre en avant dans les dispositions qui commenceront d'être annoncées lors du CIV du 14 décembre.

Pour finir, je vous rassurerai sur un point : il n'y aura pas de développement de la politique de la ville dans les années qui viennent sans développement économique ni développement de l'emploi. Disant cela, je pense surtout au secteur privé, qui devra être attiré dans les quartiers et ê tre aussi créateur d'emplois pour leurs habitants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Nous en avons terminé avec les questions.

EMPLOI ET SOLIDARITÉ

III. - VILLE

Mme la présidente.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Ville ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 4 822 661 francs.

« Titre IV : 330 230 000 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 6 000 000 francs.

« Crédits de paiement : 6 000 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 531 000 000 francs.

« Crédits de paiement : 144 200 000 francs. »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

(1) Procédure expérimentale.

Mme la présidente.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

Mme la présidente.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la ville.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 3 décembre 1999 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé l'organisation de deux votes reportés : le premier, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, sur rapport de la commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture, aura lieu le mardi 30 novembre, à partir de dix-sept heures trente ; le second, sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, en nouvelle lecture, aura lieu le mardi 7 décembre, après les questions au Gouvernement.

Enfin, la conférence des présidents a arrêté les modalités suivant lesquelles les séances du mardi matin seraient désormais consacrées en alternance aux séances mensuelles réservées d'initiative parlementaire et aux questions orales sans débat, conformément à la modification du règlement adoptée le 29 juin dernier.

Elle a décidé : d'une part, que la séance mensuelle réservée à un ordre du jour proposé par le groupe du Rassemblement pour la République, commencée le mardi 30 novembre, sera poursuivie le mardi 14 décembre, et que celle du groupe communiste aura lieu le mardi 18 janvier et se poursuivra le mardi 25 janvier ; d'autre part, que des séances de questions orales sans débat, dont la durée sera désormais de quatre heures, auront lieu les mardis 7 décembre et 1er février.

3 NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. le Premier ministre u ne lettre m'informant de sa décision de charger M. Christian Paul, député de la Nièvre, d'une mission t emporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O.

144 du code électoral, auprès de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 16 novembre 1999.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : Logement : vote sur les crédits ; M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 26 au rapport no 1861) ; Logement et urbanisme : M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome XI) ; Enseignement scolaire : M. Jacques Guyard, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 17 au rapport no 1861) ; M. Yves Durand, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome V).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 16 novembre 1999) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 16 novembre au vendredi 3 décembre 1999 inclus a été ainsi fixé : Mardi 16 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805-1861-1862 à 1866). ville.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : logement (1) ; éventuellement, ville (suite) ; enseignement scolaire.

Mercredi 17 novembre 1999 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : agriculture et pêche ; BAPSA.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

(1) Procédure expérimentale.

Jeudi 18 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures : communication.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : jeunesse et sports (1) ; éventuellement, communication (suite) ; aménagement du territoire.

Vendredi 19 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat ; économie et finances : charges communes, services financiers, monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur ; industrie, Poste et Télécommunication.

Lundi 22 novembre 1999 : Le matin, à dix heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : articles non rattachés.

Mardi 23 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures : articles non rattachés (suite)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805-1861-1862 à 1866).

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditérranéen établissant une association entre l es Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part (nos 82-1751).

Discussion : du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil (nos 784-1755) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 787-1698) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble une annexe) (nos 915-1699) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil (nos 1195-1754) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil (nos 1196-1754) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux per-s onnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-PaulLangevin (nos 1319-1700) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces (ensemble un protocle additionnel) (nos 1426-1571) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève) (nos 1427-1572) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud (nos 1428-1572) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse en vue de compléter la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (no 1318) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmiss ion des personnes en situation irrégulière (no 1661) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagement du titre 1er de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 (nos 1430-1752) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 (nos 1431-1752) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant no 5 à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale (nos 1649-1752) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 1650-1753) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Honduras sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 1651-1753) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 1652-1753) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (nos 1653-1829) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement macédonien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 1654-1830) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (nos 1655-1831) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification des amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe) (nos 16561832) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie (nos 16571833) ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policiè re et douanière (nos 1660-1757) ; du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (ensemble une déclaration) (nos 1662-1756).

(Ces 24 conventions faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes (no 1860).

(Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.)

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (no 1868).

Mercredi 24 novembre 1999 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Jeudi 25 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures trente, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants (no 1915).

Suite de la discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Eventuellement, vendredi 26 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Mardi 30 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Charles Cova, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française p ar les militaires étrangers servant dans l'armée française (no 1815).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures : Questions au Gouvernement.

L'après-midi, à dix-sept heures trente, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture.

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (no 1889).

Mercredi 1er décembre 1999 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (no 1889).

Jeudi 2 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures, et l'après-midi, à quinze heures : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (no 1889).

Le soir, à vingt et une heures : Sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (no 1889).

Vendredi 3 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Eventuellement, suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de trava il (no 1889).