page 09514page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 9515).

COÛT DU PRÉLÈVEMENT DE L'IMPÔT (p. 9515)

M M. Henry Chabert, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

INSÉCURITÉ (p. 9515)

MM. Jean Marsaudon, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

HÔPITAL PUBLIC (p. 9516)

M. Jean Bardet, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

CORSE (p. 9517)

MM. Laurent Dominati, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS (p. 9518)

M. Guy Hascoët, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

POLITIQUE DE LA VILLE (p. 9519)

MM. Jean Pontier, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

AIDE AUX RÉGIONS INONDÉES (p. 9520)

MM. Jean Codognès, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

BOGUE DE L'AN 2000 (p. 9520)

M. Camille Darsières, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR SANITAIRE ET SOCIAL PRIVÉ (p. 9521)

M. Jean-Paul Dupré, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA CÔTE D'IVOIRE (p. 9521)

MM. Maurice Adevah-Poeuf, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

DÉLINQUANCE DES MINEURS (p. 9522)

M. Marc-Philippe Daubresse, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

FUSIONS DANS L'INDUSTRIE (p. 9523)

MM. Pierre Goldberg, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 9524)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

2. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9524).

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (p. 9524)

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'agriculture.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'agriculture.

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la pêche.

M. Dominique Dupilet, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour la pêche.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

MM. Christian Jacob, Aimé Kerguéris, Jacques Rebillard, Christian Paul, François Sauvadet, Félix Leyzour, Louis Guédon, Claude Gatignol, Michel Suchod, Joseph Parrenin.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9548).


page précédente page 09515page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE

SIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

COÛT DU PRÉLÈVEMENT DE L'IMPO T

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, un rapport récent de l'inspection des finances fait apparaître que le coût du prélèvement des impôts est en France à peu près deux fois supérieur à ce qu'il est en Grande-Bretagne et un peu plus de trois fois supérieur à ce qu'il est aux Etats-Unis. On mesure, à travers ces chiffres, les économies qui pourraient être réalisées grâce à la modernisation des services.

Or le budget que vous nous présentez est très timide sur ces économies puisque, même en prenant en compte la fusion du ministère de l'industrie avec celui de l'économie et des finances, le gain de productivité proposé dans le budget de 2000 est à peine de l'ordre de 0,3 %. Seuls 500 postes sont économisés, qui sont à mettre en parallèle avec plus de 3 000 départs à la retraite.

Je prendrai comme exemple la perception de la redevance audiotélévisuelle. Cette perception pourrait se faire au même titre que d'autres impôts. Nous pourrions ainsi économiser près de 500 millions de francs et 1 433 postes - chiffres exacts pour le mois d'octobre dernier. D'ailleurs, la compétence des inspecteurs des finances, à ne pas confondre avec les inspecteurs des impôts, qui savent, à la faveur d'audit et de conseils, formuler des propositions intéressantes pour la modernisation des services, pourrait être bien mieux utilisée.

Monseiur le ministre, pourquoi êtes-vous si timoré lorsqu'il s'agit, à service égal, de faire peser moins de charges sur les contribuables français ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme vous l'avez dit, nous avons le souci d'améliorer le service public, notamment celui de l'impôt. C'est pourquoi nous avons fait, Dominique Strauss-Kahn et moi-même, procéder à une comparaison internationale.

Vous avez pris vos références aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. C'est votre droit, mais ce n'est peutêtre pas neutre.

Notre coût de prélèvement de l'impôt est équivalent à ce qu'il est en Allemagne, mais il est vrai qu'il est supérieur à celui de la Suède.

J'ai la volonté d'améliorer le service public de l'impôt, de le rendre plus simple pour les usagers afin qu'ils n'aillent plus de bureau en bureau pour obtenir les réponses aux questions qu'ils se posent. Je veux que le service public de l'impôt soit plus qualifié pour ce qui concerne les agents des impôts eux-mêmes et plus économe pour ce qui concerne le contribuable.

La direction générale des impôts a signé - nous renviendrons sur ce point vendredi après-midi - un contrat pour la période 2000-2002, qui dégage 3 000 postes en termes de gain d'efficacité. La moitié de ces postes sera consacrée, au sein de la direction générale des impôts, à renforcer le service public, notamment dans le domaine du contrôle fiscal.

Certains parlent d'améliorer le service public. Nous, nous le faisons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

INSE

CURITE

M. le président.

La parole est à M. Jean Marsaudon.

M. Jean Marsaudon.

Monsieur le Premier ministre, vous affirmiez, il y a deux ans, à Villepinte : « La sécurité est la priorité de mon gouvernement. »

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Jean Marsaudon.

Voilà quelques jours, vous avez tenu le même discours en Essonne, dans les transports en commun et les commissariats de police.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais pendant tout ce temps, que s'est-il réellement passé ? Le nombre des mineurs délinquants a augmenté de 11 % l'année dernière et, en deux ans, on a décompté 30 % d'actes de délinquance sexuelle de plus.

Dans nos transports urbains, que vous venez de découvrir, monsieur le Premier ministre, on déplore une augmentation des crimes et délits de 15 % et, dans nos autobus, de 27 %. Dans les trains, les atteintes aux voyageurs ont augmenté en un an de 33 %, et les violences contre les agents de la SNCF de 25 %.

Dans la région Ile-de-France, les vols avec violence ont augmenté, pendant les seuls huit premiers mois de l'année en cours, de 40 %.

Ainsi se résument, monsieur le Premier ministre, vos deux ans d'actions contre l'insécurité ! Dans ces conditions, comment vous croire quand dans les transports publics, protégé par les forces de l'ordre, vous nous assurez que la sécurité est l'affaire de l'Etat et votre priorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


page précédente page 09516page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Le temps des discours est terminé. Les Français veulent aujourd'hui des actes, de véritables mesures pour enrayer l'explosion de la délinquance.

Quand allez-vous, enfin, répondre aux attentes légitimes des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je ne sais pas très bien si vous évoquez l'insécurité en général ou celle dans les transports en commun. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a fait de la lutte contre l'insécurité sa deuxième priorité, après la lutte contre le chômage. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est faux !

M. le ministre de l'intérieur.

M. le Premier ministre, que j'accompagnais, s'est rendu dans l'Essonne il y a deux jours. Il a pu constater de visu ce qui était fait au niveau de la RATP, de la SNCF, de la police aux frontières, responsable de la brigade des chemins de fer, et au niveau de la préfecture de police, pour canaliser ces phénomènes de violence qui, malheureusement, ne sont que trop réels.

J'ai beaucoup de peine à vous convaincre, et ce n'est pas la première fois, du fait que l'insécurité est aujourd'hui contenue dans notre pays.

(Exclamations sur des bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Vous nous faites rire !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous vous désolez des chiffres réputés mauvais pour les premiers mois de cette année. Mais je suis sûr que vous allez vous réjouir des derniers chiffres du mois d'octobre, qui montrent une baisse de 5,77 % des faits constatés...

M. Jean-Michel Ferrand.

Vous êtes le seul à le croire !

M. le ministre de l'intérieur.

... et une baisse de 10,56 % de la délinquance de voie publique. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Bien entendu, je n'ai pas la religion des chiffres et je vous ai toujours dit, hier comme aujourd'hui et comme je le ferai encore demain, qu'on ne doit pas interpréter les statistiques sur une période trop longue. Il n'en reste pas moins que, sur les dix premiers mois de l'année, la délinquance générale ne progresse que de 0,62 % et que la délinquance de masse, de voie publique, celle dont souffre le plus nos concitoyens, régresse quant elle de 2,30 %. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si vous voulez considérer les choses sur un plus long terme, je vous répondrai que, de la base 100 en 1990, nous sommes arrivés, pour les dix premiers mois de cette année, à l'indice 102,5 pour la délinquance générale et à l'indice 103,8 pour la délinquance de voie publique. J'observerai aussi que les vols ont diminé puisqu'ils ont baissé ce mois-ci de 7,42 % par rapport au même mois de l'an dernier.

Tout cela signifie que l'effort réalisé dans le cadre des contrats locaux de sécurité par la police nationale, à laquelle je rends hommage car sa tâche est rude et ingrate, ainsi que par tous les acteurs de sécurité, y compris les élus locaux qui s'investissent dans cette tâche, commencent à porter leurs fruits ! (Exclamations sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous avons engagé un effort de longue haleine. M. le Premier ministre et tous ceux qui l'accompagnaient, et ils étaient nombreux, ont pu mesurer la très grande motivation de la police et de l'ensemble des acteurs concernés pour venir au secours de nos concitoyens qui éprouvent, dans beaucoup de nos quartiers, des sentiments de détresse compréhensibles.

Mais, de grâce, ne redoublez pas ce sentiment d'abandon contre lequel nous luttons ! Chaque fois que je vous apporte des chiffres satisfaisants qui devraient vous réjouir, je constate au contraire qu'ils vous désolent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Zéro ! HO

PITAL PUBLIC

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, aussi bien dans la discussion générale que lors de l'examen des articles et des explications de vote, je lui ai posé un certain nombre de questions sur l'hôpital public, qui sont restées sans réponse. Ou plutôt la seule réponse qui m'a été donnée a pris la forme d'un satisfecit purement comptable : les hôpitaux « sont restés dans les clous ».

Je me suis permis de reposer les mêmes questions à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale lors de l'examen des articles du projet de loi de finances portant sur la santé et la solidarité, mais sans plus de réponse. Cela traduit un véritable mépris à l'égard de tous les personnels paramédicaux, médicaux et administratifs qui se battent pour que l'hôpital public puisse accomplir sa mission au plus près des populations qui en ont besoin. Or cette mission ne peut plus être remplie actuellement. Cette situation ne pourra qu'empirer dans les années à venir compte tenu des restrictions budgétaires.

Voilà trente-sept ans que j'ai été nommé à l'externat des hôpitaux de Paris et que j'ai pu observer au jour le jour l'évolution de l'offre d'hospitalisation.

Après la réforme Debré, les hôpitaux sont sortis de l'état d'hospice dans lequel ils se trouvaient pour devenir rapidement cet outil performant de distribution de soins que nous avons connu jusque vers les années 90. Depuis cette date, on a observé une dégradation progressive.

C'est pourquoi j'avais parlé à Mme la ministre de la gronde des infirmières, des appareils obsolètes, de la vétusté des locaux et du manque de personnel. Elle ne m'a pas répondu.


page précédente page 09517page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Depuis lundi, le service des urgences de l'hôpital SaintAntoine est en grève. Pour l'heure, il ne s'agit que d'un mouvement isolé, mais celui-ci, qui risque de s'étendre, traduit bien l'état d'esprit des personnels de santé.

Ma question sera simple : quel rôle Mme la ministre entend-elle faire jouer à l'hôpital public dans les années à v enir et quels moyens compte-t-elle lui accorder ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, cette question revient régulièrement dans le débat sur le financement de la sécurité sociale.

Pour l'année 2000, vous savez que l'ONDAM concernant les hôpitaux est fixé à 2,5 %. Dès lors, nous considérons que nous pouvons répondre aux attentes du secteur hospitalier public, qui joue son rôle de santé publique, de restructuration et de réorganisation performante de l'offre de soins.

Par ailleurs, le secteur des soins de ville progressera de 2 % et l'ONDAM médicale de 4,9 %. Vous pouvez ainsi constater que les efforts budgétaires en direction de l'offre de soins, notamment du secteur public, sont réels.

L'ensemble des engagements pris par le Gouvernement envers les personnels sera tenu, qu'il s'agisse des aidessoignantes, des médecins et, surtout, des urgentistes. Ces mesures sont importantes et leur financement est assuré pour l'an 2000.

La progression des crédits, qui permettra de financer les priorités de santé publique comme le développement des soins palliatifs ou encore les mesures permettant d'améliorer l'accueil des plus démunis à l'hôpital, est aussi comprise dans le plan de financement de la sécurité sociale.

Nous avons également prévu de réserver des crédits à hauteur de 75 millions de francs, en plus des crédits affectés à la recherche clinique, pour le financement des innovations thérapeutiques à l'hôpital, souvent très coûteuses. Il s'agit par là de donner aux établissements les moyens de remplir au mieux leur mission dans l'intérêt de nos concitoyens et du service public sur lequel nous comptons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean Bardet et M. Yves Fromion.

Baratin !

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que je m'adresse car il y a un problème de crédibilité touchant à l'action des services de l'Etat, notamment du ministère de l'intérieur.

En réponse à une question d'un de mes collègues sur la sécurité, le ministre de l'intérieur a dit, contre toute attente, que la délinquance était contenue alors qu'il suffit de lire le rapport de M. Mermaz pour constater qu'après trois années de baisse la délinquance augmente et que le nombre des personnes interpellées diminue. Il y a donc un véritable problème de crédibilité concernant ce qui se passe au ministère de l'intérieur.

Mais cela ne serait rien si nous n'avions appris aujourd'hui que Roger Marion, le patron de la DNAT, la division nationale antiterroriste, avait expliqué que l'assassin présumé du préfet Erignac, dont les complices avaient été arrêtés opportunément le jour même où l'opposition tout entière déposait une motion de censure contre votre gouvernement, avait été prévenu par les renseignements généraux.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Et Pasqua ? Et Debré ?

M. Laurent Dominati.

Quel crédit, mes chers collègues, peut-on accorder aux services de police et aux services de l'Etat ? Quel crédit peut-on accorder aux réponses qui nous sont apportées ici même par le ministre de l'intérieur si celui-ci n'est pas capable de savoir ce qui se passe dans ses services, et si l'on manipule les chiffres et les informations au moment où il est opportun de le faire pour le Gouvernement ? Monsieur le Premier ministre, ces questions sont trop importantes pour que vous ne vous en saisissiez pas vousmême et pour que vous ne recherchiez pas à restaurer la confiance que peuvent avoir les Français, notamment les députés, à commencer par ceux de l'opposition, dans les informations fournies, notamment au sein de l'Assemblée nationale. Sinon, les citoyens seront habitués à ce que le mensonge règne en maître et que les services de l'Etat, particulièrement ceux de la police, puissent faire n'importe quoi, y compris prévenir les assassins présumés d'un préfet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. Dominati est coutumier de ces excès verbaux. Mais je tiens à le rassurer.

Le ministère de l'intérieur a bon dos... (M. Dominati montre un exemplaire du journal Le Monde.

)

Vous voulez parler du Monde ?

M. Laurent Dominati.

Non, de ce qui a été dit au Sénat !

M. le ministre de l'intérieur.

Vous parlez des extraits du rapport de la commission d'enquête du Sénat qui figurent dans Le Monde...

M. Laurent Dominati.

Tout à fait !

M. le ministre de l'intérieur.

Je vais vous répondre, monsieur le député.

Dans l'affaire corse, il convient d'avoir à l'esprit que l'Etat républicain n'a de chance d'avoir gain de cause, face à un terrorisme qui s'abrite aujourd'hui derrière des arguments de caractère raciste, qu'en maintenant l'unité de l'Etat dans la longue durée.

M. Francis Delattre.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'Etat aura gain de cause s'il sait maintenir son unité. Mais cela n'est pas simple, cela n'est pas facile.

M. Yves Fromion.

Il faut changer de gouvernement !

M. Jean Auclair.

Où est Yvan Colonna ?


page précédente page 09518page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le ministre de l'intérieur.

Quant à M. Marion, ancien patron de la division nationale antiterroriste, il a simplement indiqué au Sénat que le service chargé des surveillances était les renseignements généraux, ce qui est parfaitement exact. Mais il n'a pas dit que ce sont les renseignements généraux qui ont prévenu Yvan Colonna.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Si !

M. le ministre de l'intérieur.

Absolument pas ! Je vous renvoie au texte. Ma lecture a été attentive : M. Marion n'a pas dit que c'étaient les renseignements généraux qui avaient prévenu Yvan Colonna.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est trop grave !

M. le ministre de l'intérieur.

Ce qui a été dit dans un autre lieu, c'est que la famille Colonna aurait été prévenue, mais un an auparavant,...

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

C'est faux !

M. le ministre de l'intérieur.

... de ce qu'une surveillance était exercée, ce qui aurait amené Yvan Colonna à détecter une balise sous sa voiture. Mais ce sont des choses tout à fait différentes.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Ce qui s'est passé en 1998 est une chose, mais ce qui s'est passé au moment de l'interpellation en est une autre.

Monsieur Dominati, il est trop facile d'attaquer un homme ou des hommes qui sont en charge d'une mission, pour essayer de discréditer le mécanisme centralisé d'enquête et de poursuite qui nous permet de lutter contre le terrorisme.

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est fou comme c'est efficace !

M. le ministre de l'intérieur.

En tant que ministre de l'intérieur, responsable de la lutte contre le terrorisme, je n'hésite pas à dire que la DNAT, comme le mécanisme centralisé de la quatorzième section, nous a permis d'atteindre des résultats remarquables (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), tant dans la lutte contre le terrorisme islamiste que dans celle contre le terrorisme du FLNC, par l'élucidation de plusieurs attentats.

Cette année même plusieurs attentats, dont ceux contre le lycée de Nice, contre les locaux de l'ENA à Strasbourg, la brigade de gendarmerie de Pietrosella, celui du port de Bastia ainsi que le meurtre du préfet Erignac ont été élucidés grâce au travail de la DNAT, du SRPJ et de la gendarmerie. Je ne laisserai pas dire que ces institutions fonctionnent mal. Ce n'est pas rendre service à l'Etat que de les attaquer à travers des hommes qui ont simplement eu trop confiance dans le fait qu'ils témoignaient sous le sceau du serment,...

M. Yves Fromion.

Bravo ! C'est ça !

M. le ministre de l'intérieur.

... devant une commission d'enquête couverte par le secret de l'audition.

M. Yves Fromion.

C'est Forni ça !

M. le ministre de l'intérieur.

Par conséquent, il faut garder raison, porter des jugements équilibrés et surtout penser à ce que le service de l'Etat exige de chacun de nous, je dis bien : de chacun de nous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

M. le président.

La parole est à Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. (« Allo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Madame la ministre, une fois de plus, l'actualité a été brutale et est venue frapper les esprits. L'eau a tué et les dégâts sont absolument colossaux. En 1982, pour la première fois, une loi définissait les conditions de la prise en compte du risque naturel concernant les inondations, les incendies, les couloirs d'avalanche, les risques sismiques.

En 1995, le législateur a complété ce dispositif en adoptant le principe des plans de prévention des risques naturels. Or, ces plans se mettent en place avec lenteur et l'on constate parfois des manquements en matière d'urbanisme.

Les compagnies d'assurance savent que nos rivières engendreront chacune, lors de leur crue centennale, des dégâts évalués à plusieurs dizaines de milliards de francs 70 milliards pour la Loire et autant pour la Seine. Les compagnies savent que sur la Côte d'Azur, par exemple, on construit souvent hors normes sismiques alors que c'est une région considérée comme à fort risque. Sans doute, notre culture ne nous incite-t-elle pas à prendre en compte le risque et à adapter nos décisions publiques à sa prévention.

Dans mon rapport sur les emplois et l'environnement, j'ai eu l'occasion de pointer le potentiel représenté par les dispositifs de prévention des incendies ou des inondations : 20 000 emplois pour l'eau, 5 000 à 10 000 emplois pour les massifs forestiers. Un bon entretien peut en effet permettre d'éviter la propagation des incendies et, si l'on ne peut empêcher une pluviométrie exceptionnelle, le maintien des marais, l'entretien du réseau hydrographique, des cours d'eau, des fossés, talus et bosquets sont autant d'éléments qui écrêtent l'amplitude de la catastrophe parce qu'ils permettent tout simplement de retenir l'eau, de l'absorber ou de la freiner.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

La question !

M. Guy Hascoët.

J'en viendrai donc directement à la question, messieurs ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le temps est venu de prendre des mesures claires et de réunir les partenaires pour faire avancer ces problèmes de manière sereine, mais sérieuse. Aussi, madame la ministre, ma question sera triple. Comment envisagez-vous l'accélération de la mise en place des plans de prévention ? Quelles mesures envisagez-vous pour permettre l'entretien des réseaux hydrographiques et des massifs forestiers ? Le p lan emplois-jeunes, dans son volet environnement, peut-il être élargi pour améliorer la prévention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 09519page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, j'ai déjà eu l'occasion d'exposer les quatre axes de l'intervention de mon ministère en matière de prévention des risques naturels, mais, au-delà des efforts déployés en matière d'information, de connaissance des zones inondables, de modernisation des systèmes d'annonce de crues, vous avez insisté sur deux dimensions : l'instauration des plans de prévention des risques et la protection des lieux habités contre les crues avec les travaux correspondants.

L es plans de prévention des risques existent depuis 1982, mais le ministre de l'environnement, ayant constaté, en 1995, qu'ils n'étaient pas utilisés, a proposé une modification législative permettant de les rendre obligatoires. Depuis, la montée en puissance des moyens financiers et humains consacrés à l'élaboration des plans de prévention des risques a été importante : ils ont en effet doublé depuis 1997. Nous disposerons, en l'an 2000, de 75 millions de francs et nous souhaitons accélérer encore la réalisation des PPR : 10 000 communes sont concernées, non seulement par les inondations, mais aussi, vous l'avez dit, par les incendies de forêt ou la sismicité. Ce sont des pans importants du territoire national. Nous avons convenu que le fonds de prévention des risques naturels, qui, jusqu'ici, était essentiellement utilisé pour financer l'expropriation dans des zones menacées par les risques naturels - je pense par exemple aux effondrements de Séchilienne - pourrait désormais être mis à contribution pour accélerer ce travail. En revanche, la taxe sur les contrats d'assurance, qui est passée de 9 % à 12 % cet été, ne doit servir qu'à l'indemnisation des dégâts.

Vous avez évoqué, monsieur le député, la protection des lieux habités contre les crues. Le ministère de l'environnement pilote un important travail interministériel avec les collectivités locales : le plan Loire, le programme décennal de restauration des cours d'eau. J'ai cité, hier, le chiffre de 8 milliards sur dix ans, engagés depuis 1994, avec un concours financier très lourd de mon ministère.

Je rappelle la tâche d'entretien des ouvrages existants, des digues, des déversoirs, des fossés, du linéaire des cours d'eau, qui incombe à plusieurs acteurs : les services de l'Etat, Voies navigables de France et de très nombreux syndicats intercommunaux. Cette tâche est, en effet, très créatrice d'emplois, mais pas vraiment de nouveaux métiers au sens du programme « Nouveaux emplois, nouveaux services ». Nous renforçons cependant les moyens affectés à cette politique et insistons sur la nécessité non seulement de construire de nouveaux équipements de prévention, mais aussi d'entretenir ceux qui existent. Les contrats de plan Etat-régions en porteront la marque.

Enfin, pour terminer (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), j'envisage de diligenter une mission d'inspection pour dresser un bilan, car je ne doute pas que, dans certains endroits, la multiplicité des intervenants sur un territoire restreint explique les difficultés à coordonner les efforts. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE DE LA VILLE

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville.

En février 1999, lors d'un colloque organisé par le rapporteur spécial du budget de la ville, les politiques, les administratifs et les professionnels présents se sont accordés pour formuler une interrogation majeure : « Quelle ville pour le XXIe siècle ? » (Ah ! sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cependant, une crainte s'est fait jour concernant la ghettoïsation à l'américaine, en marche dans certaines banlieues. On a également redouté que la politique de guichet poursuivie depuis vingt ans, reste sans réelle efficacité.

L'affichage, en 1999, d'une « nouvelle ambition pour les villes », avec une augmentation globale des crédits de plus de 30 %, se voulait en dépassement de la politique de réparation des quartiers en difficulté pour agir au niveau des villes et des agglomérations. Le présent projet de budget pour 2000 se veut une continuation du concept « toucher au reste de la sphère urbaine pour réparer les quartiers qui vont mal ».

Chacun sait que désormais l'échelle de temps n'est pas la même pour lutter contre l'apartheid social. Aussi devons-nous nous garder de manifester de l'impatience d evant les événements médiatisés des difficultés récurrentes de quartier. Néanmoins, la spéficité, l'urgence et la gravité de certaines situations de cité ne permettent pas d'attendre les effets des évolutions d'ensemble du type

« cinquante grands projets pour la ville » et des lois d'aménagement du territoire, de la coopération interc ommunale et du projet « Habitat-Urbanisme-Transports ».

M. Jean-Michel Ferrand.

La question !

M. Jean Pontier.

Ne serait-il pas imaginable, monsieur le ministre, de jeter un pont entre la sphère de la fiscalité locale et celle de la politique de la ville ? Le rapporteur indiquait en effet au Gouvernement en 1998 que « les disparités de taux de taxe professionnelle pèsent beaucoup plus lourdement que les schémas directeurs sur l'aménagement réel des agglomérations ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, vous avez évoqué une certaine impatience. Oui, il faut savoir tenir compte de cette impatience qui se manifeste dans certains quartiers de nos villes où une partie des jeunes et de la population souhaitent pouvoir être associés à la reprise économique et à l'enrichissement national qui en résulte. Rien ne serait pire que de leur donner l'impression que la croissance s'arrête aux portes des quartiers en difficulté.

M. Maurice Leroy.

Il est déjà trop tard.

M. le ministre délégué à la ville.

Pour cela, nous devons réussir le pari du long terme et revoir à l'urbanisme pensé et construit dans les années 60. C'est un chantier qui s'étendra sur les dix à quinze ans à venir mais, dans le même temps, il nous faudra agir sur le quotidien, montrer que la valeur « travail », l'insertion par le


page précédente page 09520page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

travail ne sont pas des chantiers renvoyés au lendemain, qu'ils sont d'ores et déjà programmés. C'est la raison pour laquelle nous tiendrons, au mois de décembre, sous la présidence du Premier ministre, un conseil interministériel des villes au cours duquel nous tirerons les conclusions, notamment sur ce point du développement économique et de l'emploi, du rapport remis au Premier ministre par Pierre Bourguignon et Chantal RobinRodrigo.

S'agissant de la fiscalité, vous avez raison, monsieur le député, et le Gouvernement a déjà commencé à travailler sur ce dossier. Nous avons ainsi décidé de supprimer en trois ans la part salariale de la taxe professionnelle et essayé d'instaurer la fiscalité unique pour les agglomérations.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. le ministre délégué à la ville.

Mais au-delà de l'outil fiscal, il faudra une véritable volonté pour montrer que développement économique et développement de l'emploi sont une réalité pour tous les habitants, de nos quartiers, leur origine sociale quelle que soit la couleur de leur peau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

AIDE AUX RÉGIONS INONDÉES

M. le président.

La parole est à M. Jean Codognès.

M. Jean Codognès.

Ma question s'adresse à M. JeanPierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Les 12 et 13 novembre derniers, les habitants de l'Aude, du Tarn, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales ont enduré une catastrophe exceptionnelle provoquant la mort et la désolation dans ces départements. Le Gouvernement, sous l'autorité de M. le Premier ministre, qui se rend sur les lieux demain jeudi, a rapidement mobilisé les moyens nécessaires en secours d'urgence et d'aide aux personnes les plus démunies. En leur nom, soyez-en du fond du coeur remercié ! Je fais référence tout particulièrement aux mesures mises en place par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et par vous, monsieur le ministre de l'intérieur, qui étiez sur les sites dès dimanche matin, apportant un soutien moral et matériel apprécié. Votre visite attentive des lieux sinistrés a réconforté les populations désemparées, les élus locaux, les services de secours au dévouement exemplaire et le monde agricole sous le choc. Hier, l'heure était aux constats, au bilan. Aujourd'hui, commence le temps de la remise en état, de la reconstruction. Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour répondre à ces besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, nous avons en effet pu nous rendre ensemble (Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) à Saint-Laurent-de-la-Salanque dimanche et constater le caractère tout à fait exceptionnel de cette catastrophe due à une pluviométrie très élevée et, dans le golfe du Lion, à une montée des eaux liée à un fort vent d'est qui a retenu le cours des fleuves côtiers et a entraîné l'échouage des trois grands cargos sur les bancs de sable.

Je veux rendre encore une fois hommage à tous les sauveteurs : pompiers, unités d'intervention de la sécurité civile, gendarmes, policiers, militaires dont les détachements ont été très appréciés, soutien logistique de la sécurité civile, services publics, Croix-Rouge, bénévoles.

Ils ont fait preuve d'un élan de solidarité magnifique ! Le Gouvernement a pris toute une série de mesures : secours d'urgence au niveau des ministères de l'intérieur, et de l'emploi et de la solidarité, utilisation des crédits du chapitre 67-54 pour les dommages causés aux biens non assurables. S'agissant de ces derniers j'ai réuni ce matin la commission chargée de constater l'état de catastrophe n aturelle. Elle a rendu un avis favorable pour 228 communes de l'Aude - toutes celles qui avaient transmis un dossier par le canal de M. le préfet de Charrière -, 29 des Pyrénées-Orientales, 33 du Tarn et 39 de l'Hérault. D'autres communes de ce département, qui ne se situaient pas en zone de pluviométrie exceptionnelle, font l'objet d'un examen plus approfondi et la commission se réunira le 26 novembre prochain pour trancher.

J'ai signé tout à l'heure l'arrêté qui sera soumis au contreseing du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et publié au Journal officiel de demain. M. le Premier ministre se rendra également demain dans le département de l'Aude pour annoncer l'ensemble des mesures (« C'est nul ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) que le Gouvernement entend prendre pour faire face à une situation tout à fait exceptionnelle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

BOGUE DE L'AN 2000

M. le président.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, les risques liés à la survenance du bogue de l'an 2000 inquiètent beaucoup de nos concitoyens. La semaine dernière, Mme Neiertz vous a entretenue des difficultés qui pourraient survenir dans les CAF. Ce qui me préoccupe, tant pour la métropole que pour l'outre-mer, c'est les problèmes que cela risque de poser dans les établissements de soins. Les patients sont en effet pris en charge par des appareils informatiques de plus en plus sophistiqués et chacun se demande comment va se passer le bogue de l'an 2000 dans les hôpitaux.

De surcroît, on prévoit une fin de l'année extrêmement mouvementée, nos compatriotes ayant l'intention de fêter joyeusement l'arrivée du troisième millénaire.

(Exclamations sur divers bancs.) Ces festivités risquent d'avoir des incidences au niveau des urgences et nous aurons sans doute à résoudre des problèmes s'agissant des appareils dont je vous ai parlé.

Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous dresser un état des lieux de la préparation des établissements hospitaliers, aussi bien privés que publics, au bogue de l'an 2000, pour la période de fin d'année, en particulier, mais également au-delà ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.


page précédente page 09521page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, la compatibilité des dispositifs informatiques intéresse l'ensemble des secteurs d'activité et, dans le secteur sanitaire, le ministère s'est préoccupé de cette question dès la fin de l'année 1997.

La préparation du passage à l'an 2000 à l'hôpital est placée sous la responsabilité de chaque directeur d'établissement, qui doit veiller en priorité absolue à la sécurité des patients et vérifier l'ensemble des dispositifs informatiques.

Le risque est réel, bien évidemment, mais il est maîtrisable. Il concerne essentiellement les infrastructures techniques, l'alimentation électrique et les télécommunications - ce dernier problème étant pris en compte avec l'ensemble des partenaires responsables - mais aussi les matériels médicaux.

Les hôpitaux sont très avancés dans la préparation de cette date essentielle. Parmi les 3 500 établissements concernés, seuls ceux de taille modeste, notamment dans le secteur privé, semblent rencontrer certaines difficultés à progresser. Tous les CHU ont achevé leur plan de préparation technique, et plus de 90 % des autres établissements sont aujourd'hui réputés conformes pour passer du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000. Selon les dernières informations, 90 % des dispositifs présentant des risques vitaux sont considérés comme conformes.

Malgré la mobilisation des établissements, certains dysfonctionnements sont néanmoins prévisibles, et il ne faut pas écarter les risques qui pourraient survenir. C'est pourquoi des plans sont préparés, établissement par établissement, sous le contrôle des autorités départementales, notamment des préfets, et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

L'accueil des urgences médicales, chirurgicales, gynécologiques et obstétricales sera prioritaire et devrait se faire dans de bonnes conditions. Nous y veillerons, surtout compte tenu du caractère festif de la période et de l'affluence prévisible. Parallèlement, nous demandons aux établissements de décaler dans le temps les opérations hospitalières programmables, de manière à libérer des lits et des personnels.

De surcroît, les effectifs des hôpitaux seront renforcés d'environ 20 % pendant cette période. C'est un gros effort qui est demandé au personnel hospitalier ; il sera l'objet de toute notre attention et de toute notre solidarité.

Par ailleurs, un certain nombre de dispositifs médicaux qui sont à la disposition des personnes font aussi l'objet d'un contrôle de la part de l'AFSSAPS. La plupart des dispositifs contrôlés ont donné lieu à une appréciation positive. Ceux pour lesquels ce ne serait pas le cas seront retirés de la circulation et les bénéficiaires en seront informés.

Une conférence de presse a été donnée lundi dernier pour rendre compte de ce programme. Je pense que nous pouvons attendre avec sérénité le passage à l'an 2000.

Mais il ne faut pas baisser la garde ; il faut rester vigilant et surtout éviter que les services hospitaliers ne soient débordés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR SANITAIRE ET SOCIAL PRIVÉ

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Dupré.

M. Jean-Paul Dupré.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sur proposition du Gouvernement, le secteur sanitaire, social et médico-social de droit privé a été inclus dans le champ d'application de la loi du 13 juin 1998 relative à la réduction du temps de travail. La FEHAP, Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif, qui représente les employeurs du secteur couverts par la convention de 1951 a négocié avec les partenaires sociaux un accord s'inscrivant dans les objectifs de la loi et susceptible d'être appliqué dans 2 200 établissements représentant 148 000 salariés.

Dans ces négociations, la FEHAP s'est montrée soucieuse de maintenir la qualité des soins et des services tout en préservant l'équilibre budgétaire des établissements. Elle s'est en outre engagée à prendre en compte la très grande diversité de leurs situations, conformément aux recommandations de Mme la ministre. Ces assurances lui ont permis d'agréer cet accord au plan national, ce qui rendra possible la mise en oeuvre des nombreux accords d'établissement déjà signés - 900 à ce jour - et qui étaient suspendus à l'agrément ministériel.

Compte tenu de l'importance de l'enjeu, à savoir la création de près de 10 000 emplois, et de l'attente très forte des partenaires sociaux et des responsables de ces structures, la crainte est aujourd'hui que l'examen au cas par cas ne soit source de retards dans la mise en oeuvre de ces accords locaux, lesquels doivent impérativement être effectifs au plus tard le 30 décembre 1999.

Peut-on nous préciser à qui est confié l'examen de ces accords et quels sont les critères d'agrément au cas par cas ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, le secteur médicosocial est un enjeu essentiel pour la solidarité. Dans ce contexte, la réduction du temps de travail doit être une opportunité d'améliorer la réponse aux besoins et la qualité du service. C'est pourquoi une analyse au cas par cas des besoins et des moyens doit être effectuée.

La procédure d'agrément revêt un caractère national, mais chacun des accords fait ensuite l'objet d'une instruction au niveau local par les services concernés, à savoir les DDASS, les directions départementales de l'emploi et les ARH, en liaison avec l'ensemble des partenaires du secteur. Cette procédure est un gage de qualité pour l'application de la réduction du temps de travail.

Si l'agrément est délivré longtemps après la signature de l'accord, même dans le courant de l'année 2000, ce délai devra entraîner aucun préjudice financier pour l'établissement. C'est pourquoi a été adopté hier en commission, en vue de la deuxième lecture du texte sur la réduction du temps de travail, un amendement visant à exonérer les établissements de la surtaxe sur les heures supplémentaires effectuées dans l'attente de la mise en oeuvre de l'accord sur les 35 heures. Je suis mandatée pour vous dire que le Gouvernement acceptera cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LA CÔTE D'IVOIRE

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur les relations entre la République française et la République de Côte d'Ivoire.


page précédente page 09522page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Il y a une semaine exactement, nous avons examiné puis approuvé, dans cet hémicycle, les crédits du ministère des affaires étrangères et de la coopération. Le même jour, le 10 novembre, se déroulait à Abidjan un procès très important où comparaissaient, pour infraction à une loi locale « anticasseurs », plus de vingt dirigeants d'un parti d'opposition, le RDR. La sentence est tombée vendredi dernier : seize dirigeants du RDR sont condamnés à un ou deux ans de prison ferme. Pour Mme Diabaté, soixante et un ans, secrétaire générale de ce parti et historienne de renom, ainsi que pour quatre de nos collègues députés, la peine est de deux ans ; pour cinq autres cadres du RDR, elle est d'un an et 9,5 millions de francs français de dommages et intérêts, somme énorme si on la rapporte aux rémunérations moyennes des gens intègres de Côte d'Ivoire ou de l'Afrique sub-saharienne.

Comment le Gouvernement français va-t-il gérer la situation nouvelle qui résulte du désordre politique majeur créé par cette décision judiciaire ? A-t-il l'intention d'intervenir ? Si oui, comment ? Si les problèmes politiques de la Côte d'Ivoire devaient désormais se régler par voie judiciaire, la France envisagerait-elle sinon une remise à plat - le terme serait un peu fort -, du moins une rediscussion de ses interventions en faveur de la République ivoirienne ? Nos deux pays sont très proches, de par l'histoire, de par la profondeur de l'amitié, de par une certaine communauté de valeurs. La Côte d'Ivoire a prouvé par de nombreux exemples sa capacité d'évoluer : évolution sur le plan économique, évolution vers un système démocratique. Aujourd'hui, nous avons l'impression que cet équilibre est assez gravement menacé.

Encore une fois, si les problèmes politiques ivoiriens devaient se régler par voie judiciaire, la position des parlementaires français qui s'occupent de ces questions s'en trouverait sensiblement et sans doute même profondément modifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, Hubert Védrine est actuellement à Istanbul, où il participe à une réunion de l'OSCE. Au demeurant, votre question concerne la Côte d'Ivoire, qui est un des partenaires importants de notre coopération.

Le 12 novembre, en effet, nous avons appris la condamnation à deux ans de prison ferme de Mme Diabaté, secrétaire générale du Rassemblement des Républicains, de quatre députés de ce parti et de six autres responsables, cinq militants du RDR étant condamnés à un an de prison ferme. Les avocats des intéressés ont d'ores et déjà dit leur intention d'utiliser toutes les voies de recours offertes par la loi pour faire appel de ces décisions. Vous comprendrez que je ne veuille pas commenter une instruction judiciaire en cours.

Mais je veux rappeler que, dès le 5 novembre, le Gouvernement français a fait savoir qu'une mesure d'apaisement en faveur des manifestants arrêtés à l'occasion des é vénements du 27 octobre contribuerait de façon concrète à la décrispation et au maintien du dialogue démocratique, condition essentielle pour la paix civile, mais aussi pour le développement économique de la Côte d'Ivoire. Je ne peux, aujourd'hui, que renouveler cet appel et marquer notre préoccupation devant la permanence de tensions graves qui perturbent la vie politique de Côte d'Ivoire, au moment où ce pays se prépare à un rendez-vous démocratique important, les élections présidentielles étant prévues l'an prochain.

Je ne veux pas établir de relation de causalité entre le débat sur « l'ivoirité » des acteurs politiques ivoiriens et les violences que connaissent aujourd'hui les émigrés burkinabés au nord de la Côte d'Ivoire, mais il est clair que le climat d'Abidjan n'est pas propice à la sérénité de cette province ivoirienne.

Notre préoccupation est très grande. Nous le faisons savoir au Président de la Côte d'Ivoire et à ses responsables. Nous sommes en relation presque constante avec eux. Ils savent qu'une persistance de cette tension ne manquerait pas d'avoir des effets sur notre coopération avec eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Bockel.

Il faut être plus ferme !

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Je voudrais revenir aux questions posées par mes collègues de l'opposition sur la crédibilité de la police et de la justice.

D'abord, pour confirmer à M. le ministre de l'intérieur que, contrairement à ce qu'il vient d'indiquer à la représentation nationale, M. Marion a déclaré clairement que les renseignements généraux avaient informé M. Yvan Colonna. Je l'invite donc à revoir sa copie ou à relire le passage du rapport de la commission d'enquête du Sénat où figure la réponse à la question de M. Charasse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratique libéral et Indépendants.)

Ensuite, pour interpeller M. le Premier ministre à propos de la visite qu'il a effectuée dans l'Essonne, visite au cours de laquelle il a déclaré que la lutte contre les violences urbaines était une priorité d'Etat.

Monsieur le Premier ministre, on peut imaginer que vous vous adressiez de la sorte à votre ministre de l'intérieur et à votre ministre de la justice, qui ont bien du mal à coordonner leurs politiques pour atteindre l'efficacité réclamée en ce domaine par tous les Français.

Vous avez également affirmé, lors de cette visite, que la délinquance et les incivilités ne venaient pas de l'Etat mais de la société elle-même, ce qui est une manière habile de vous défausser de vos responsabilités. Car ce n'est pas la société qui est coupable de l'augmentation des délits ; c'est bien l'impunité dont bénéficient les auteurs des agressions qui en est la cause première.

J'en veux pour preuve, mes chers collègues, ce fait extrêmement rare : un conseil municipal d'une ville de banlieue qui vote à l'unanimité une motion pour contester une décision de justice consistant à remettre en liberté trois jeunes convaincus d'une agression au couteau sur un mineur et formellement reconnus par la victime ellemême. Monsieur le Premier ministre, la remise en liberté de tels individus renforce, aux yeux des Français, le sentiment d'impunité laissé aux petits caïds, au désespoir, notamment, des policiers qui font leur travail.


page précédente page 09523page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Face à la gravité de cette situation et au manque de crédibilité des politiques en matière de police et de justice, ma question est simple. Etes-vous prêt à déposer rapidement, au nom du Gouvernement, un projet de loi qui réforme l'ordonnance d'après-guerre sur la délinquance des mineurs, qui déconcentre et décentralise au niveau municipal les moyens humains et financiers de lutte contre les incivilités, qui instaure le principe d'une

« tolérance zéro à la française », pour reprendre l'expression de Julien Dray, c'est-à-dire qui sanctionne systématiquement et de manière proportionnée tous les actes de délinquance et de violence urbaine ? Bref, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à traduire dans les faits la devise du colloque de Villepinte :

« Des villes sûres pour des citoyens libres » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, il est vrai que la petite et moyenne délinquance est celle qui empoisonne tous les j ours la vie quotidienne de nos concitoyens. Bien entendu, nous nous sommes attaqués à ce grave phénomène en lui accordant une toute première priorité, comme vient de le souligner le ministre de l'intérieur. Il n'y a aujourd'hui aucune impunité pour les auteurs d'actes de petite et moyenne délinquance.

(« C'est faux ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous nous sommes justement attachés à mettre en place les moyens diversifiés qu'une telle action demande.

Quels sont ces moyens ? D'abord, nous avons demandé à tous les acteurs locaux de travailler ensemble. Nous savons en effet que la lutte contre la petite et moyenne délinquance est d'abord une question de partenariat local entre les élus, la justice et la police, mais aussi avec le personnel éducatif et les travailleurs sociaux. Ce partenariat, nous le mettons en oeuvre dans les contrats locaux de sécurité, qui sont cosignés par les préfets et par les procureurs, et dans ces structures de proximité que sont les maisons de la justice et du droit.

Il y en avait dix-sept quand nous sommes arrivés, il y en a soixante maintenant, il y en aura plus d'une centaine l'an prochain.

Nous mettons également en place des procédures de traitement immédiat, en temps réel, de la petite et moyenne délinquance. Sur tout le territoire, les procureurs veillent à ce qu'aucun acte de délinquance commis par des jeunes ne reste sans réponse : convocation immédiate, édiction de mesures évidemment proportionnées, recours aux mesures de sanction-réparation.

Comme vous le voyez, monsieur le député, nous refusons les solutions de facilité, nous nous attaquons aux problèmes de fond et, aujourd'hui, la justice est très sévère, comme en témoigne la décision récemment rendue par un tribunal de l'Est de la France qui a condamné à dix mois de prison ferme les agresseurs d'un employé des chemins de fer.

Nous avons pris le problème de la délinquance des jeunes comme il fallait le prendre, c'est-à-dire de façon diversifiée en évitant les solutions simplistes et les effets d'annonce, ce que vous n'avez pas toujours su faire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe communiste.

FUSIONS DANS L'INDUSTRIE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, prévue pour le 15 décembre prochain, la fusion entre Rhône-Poulenc, qui avait été nationalisé après 1981, et le groupe allemand Hoechst illustre bien le phénomène de la mondialisation économique et financière, avec les conséquences souvent dramatiques qui l'accompagnent sur le plan social et humain et pour l'aménagement du territoire. Avec les grands groupes industriels et financiers qui s'adonnent à ce genre de pratiques, fusions et OPA, l'heure est au gigantisme. Les Français ont désormais le sentiment que tout est à vendre dans leur pays. C'est également le cas dans ma région où Dunlop a fusionné avec Goodyear.

Dans un tel contexte, l'annonce faite par le PDG de Rhône-Poulenc, pour qui la fusion conduira à ce qu'il a qualifié pudiquement de « contraction de l'emploi », est loin de nous surprendre. Cet aveu ne fait que confirmer le véritable enjeu des opérations de fusion, à savoir la confrontation entre deux logiques : d'un côté, celle de l'actionnaire-roi où les restructurations sont réalisées au nom du profit, et ce au prix de dizaines de milliers de suppressions d'emplois ; de l'autre, celle de l'entreprise citoyenne où l'économie est au service de l'être humain.

Il est évident que nous ne pouvons plus laisser aux seules forces du marché la conduite du destin des peuples. L'immobilisme ne doit pas prévaloir. Notre gouvernement, notre majorité ne peuvent être le parti du laisser-faire. Nous aurions tort de nous laisser écraser par un tel phénomène. En acceptant les lois du marché, nous contribuerions à faire disparaître la maîtrise citoyenne des c hoix politiques. Enfin, pourrions-nous afficher une ambition de transformation sociale alors que les règles du marché façonnent le monde en un sens totalement contraire ? C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement face à un phénomène qui ne peut le laisser impassible, compte tenu, entre autres, des objectifs affichés au début de cette législature.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, vous avez raison d'affirmer, en filigrane de votre question, que nous ne devons pas avoir de fascination pour les méga-fusions auxquelles nous assistons aujourd'hui. Ces fusions peuvent être utiles dans certains cas. Dans d'autres, elles posent de très graves problèmes.

A quelles conditions sont-elles acceptables ? Tel est le sens de votre interrogation.

D'abord, il faut mettre en avant la préoccupation de l'emplois, en évitant les licenciements secs et les fermetures de sites. C'est essentiel. Ensuite, nous devons veiller à ce que les activités des nouveaux groupes soient localisés


page précédente page 09524page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

en Europe et particulièrement en France. En troisième lieu, il faut maintenir en France les centres de décision qui orientent l'activité de ces groupes au niveau mondial, lorsqu'ils sont préalablement situés dans notre pays.

Enfin, il convient de faire en sorte que la recherchedéveloppement et la technologie puissent continuer à se développer à partir de brevets de propriété industrielle et de localisation en France.

Monsieur le député, l'Etat n'est pas dépourvu d'armes, comme l'a rappelé récemment M. le Premier ministre à Strasbourg. Nous avons des moyens d'agir et nous agissons, convaincus que l'Etat a son mot à dire dans la réorganisation du paysage industriel et dans la constitution de groupes mondiaux.

En l'occurrence, la fusion de Hoechst et RhônePoulenc a donné naissance à l'un des trois premiers groupes mondiaux dans le domaine des sciences de la vie.

Il s'agit en agrochimie de détenir une place de premier rang, et en nutrition animale, avec l'usine de Commentry dans l'Allier, d'être le deuxième mondial avec 15 % du marché.

Nous devons maintenant veiller à ce que le groupe Rhône-Poulenc-Hoechst maintienne un très haut niveau de recherche-développement - entre 12 et 20 % du chiffre d'affaires en général dans ce secteur - et sa présence sur l'ensemble des marchés mondiaux, notamment sur le marché américain. Il s'agit de commercialiser rapidement dans le monde entier.

Nous devons également veiller à ce que ce groupe respecte les engagements qu'il a pris, à savoir que la fusion n'entraînera aucune fermeture de site, et ne diminuera pas le potentiel de recherche et développement en France.

Soyez assuré que je serai vigilant.

Le Gouvernement est très attentif à tout cela et veillera avec vous à ce que de telles fusions soient toujours profitables à l'économie française, à l'emploi et aux travailleurs de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Pierre-André Wiltzer.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

AGRICULTURE ET PÊCHE BAPSA

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche, et du budget annexe des prestations sociales agricoles.

La parole est à Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour l'agriculture.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour l'agriculture.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2000 - je laisserai mon collègue Louis Mexandeau rapporteur au nom de la commission des finance, pour les crédits de la pêche - est tout à la fois volontariste, cohérent et équilibré, et je tiens, monsieur le ministre, à vous en féliciter.

Volontariste, car il traduit l'orientation politique voulue par la majorité à travers le vote de la loi d'orientation agricole du 9 juillet dernier, en prévoyant des moyens supplémentaires pour sa mise en oeuvre.

Cohérent, car il articule la concrétisation de la loi d'orientation agricole avec les autres orientations politiques de cette même majorité : priorité à la solidarité humaine, mais aussi interrégionale - je pense à la politique de la montagne -, à la formation, à l'environnement.

Equilibré, enfin, car il prend en compte tous les aspects de notre agriculture, le développement de la multifonctionnalité de l'agriculture avec les contrats territoriaux d'exploitation certes, mais aussi et d'abord, en termes de masses financières, la consolidation de notre agriculture productive.

L e budget de l'agriculture pour 2000 s'élève à 29,32 milliards de francs. Hors budget annexe des prestations sociales agricoles, il marque une diminution apparente de 0,5 %. Cette diminution traduit en fait une augmentation des moyens de 3 % - 800 millions de francs dans la mesure où elle n'est que l'effet mécanique de la baisse de près de 900 millions des dépenses liées à la bonification des prêts, consécutive à la réduction des taux d'intérêt, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter puisqu'elle témoigne de la réussite de notre politique sur le plan de la croissance économique.

Ce budget est volontariste car il met en oeuvre la loi d'orientation agricole à travers deux de ses grandes orientations : les contrats territoriaux d'exploitation et la politique de l'installation, d'une part, et le renforcement de la sécurité et de la qualité des aliments, d'autre part.

Les CTE constituent la principale innovation de la loi d'orientation. La loi de finances pour 1999 avait créé un chapitre budgétaire nouveau, le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, doté l'an dernier de 300 millions de francs. Abondée à hauteur de 175 millions de francs par l'Union européenne, cette dotation devait permettre la conclusion de 10 000 CTE. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous signerez demain le p remier contrat territorial d'exploitation pour l'année 1999.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

On ne peut rien vous cacher !

M. Germain Gengenwin.

Ce sera un acte solennel !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Tout à fait, cher collègue !


page précédente page 09525page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Le montant des crédits nationaux sera trois fois supérieur en 2000 : il atteindra 950 millions de francs, complété là aussi par un cofinancement communautaire, soit une somme globale de l'ordre de 2 milliards de francs, de quoi financer, avec ce qu'il restera du budget 1999, l'objectif annoncé par le Premier ministre lors d e la table ronde du 21 octobre dernier, de 50 000 contrats territoriaux d'exploitation d'ici à la fin de l'année 2000.

Ces crédits de 950 millions de francs proviennent tout à la fois de mesures nouvelles, à hauteur de 350 millions de francs, qui témoignent de la volonté politique du G ouvernement, et de redéploiements à hauteur de 600 millions, dont 155 millions en provenance de la ligne finançant la dotation d'installation des jeunes agriculteurs et 145 millions de francs en provenance du fonds pour l'installation en agriculture.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas une bonne nouvelle !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Ces redéploiements se justifient pleinement dans la mesure où les CTE financeront un nouveau type d'installation, « l'installation progressive », qui touchera des jeunes jusque-là exclus des dispositifs classiques.

A partir de 2001, la modulation des aides communautaires, dont nous aurons certainement l'occasion de parler, fournira les moyens de financer les nouveaux CTE.

Parallèlement à cet instrument nouveau qui sera appelé à remplacer à terme certains autres dispositifs d'aides, le budget donne des moyens de poursuivre la politique volontariste conduite depuis plusieurs années en matière d'installation.

Les crédits de la DJA, d'un montant de 490 millions de francs une fois opéré le redéploiement que je viens d'évoquer, devraient permettre 8 000 installations. C'est notre souhait le plus vif puisque seulement 6 000 jeunes issus de la profession agricole parviennent à s'installer chaque année. C'est là un de nos problèmes majeurs, qui appelle une politique résolument volontariste.

Le fonds d'installation agricole ne reçoit pas de nouvelle dotation cette année, mais les programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales - les PIDIL - continueront de fonctionner. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous nous confirmerez tout à l'heure que toutes les mesures existantes dans ce cadre pourront être poursuivies par le biais des CTE ou autres.

Enfin, la dotation de 86,69 millions de francs destinée aux stages de préparation à l'installation est reconduite : elle pourra donc assurer 7 500 stages dits « six mois » et 10 500 stages dits « 40 heures » qui constituent les deux moyens de préparation à l'installation ; ce qui témoigne, là aussi, d'une action très volontariste.

Deuxième priorité qui découle de la loi d'orientation agricole, sujet d'actualité s'il en est : le renforcement de la sécurité et de la qualité des aliments. L'agence française de sécurité sanitaire, que nous avons créée par la loi du 1er juillet 1998, recevra cette année plus de 220 millions de francs du ministère de l'agriculture, auxquels s'ajouteront 33 millions en provenance du secrétariat d'Etat à la santé et du secrétariat d'Etat chargé de la consommation.

La dotation relative à sa mission d'évaluation des risques, elle aussi au coeur de notre problématique actuelle, enregistre une hausse de 43 % et atteint un total de 50 millions de francs. Ces moyens en personnels sont également fortement renforcés : quatre-vingts agents supplémentaires sont mis à sa disposition et dix-huit emplois sont créés.

Les autres actions de sécurité sont elle aussi confortées : identification permanente et généralisée des bovins, politique en faveur de la sélection végétale, moyens budgétaires de l'INAO notamment.

Tout en restant axé sur la mise en oeuvre de la loi d'orientation, ce budget apparaît également cohérent avec notre orientation politique générale, en respectant scrupuleusement les engagements pris antérieurement : la solidarité, la politique de la montagne, la formation et la protection de l'environnement.

La solidarité apparaît en effet parfaitement prise en compte par rapport aux engagements pris dès 1997. Il en va ainsi du plan de revalorisation des retraites, qui coûtera au total 1,2 milliard de francs et qui constitue pour l'ensemble de la profession agricole un motif légitime de satisfaction. Ces 1,2 milliard de francs seront, nous le savons, inscrits à ce titre pour l'an 2000, qui correspondent à 1,6 milliard en année pleine. Parallèlement, 936 millions de francs viendront financer les indemnités viagères de départ et les préretraites agricoles, 50 millions iront en 2000 au Fonds national de garantie des calamités agricoles dont la trésorerie, réabondée, atteint désormais 1,3 milliard de francs et ne pose donc pas de prob lème de gestion. Enfin, 100 millions de francs p ermettront d'aider les agriculteurs en difficulté et 255 millions assureront le respect des engagements de la France en matière d'aide alimentaire.

Dans ce domaine, une question mérite une attention particulière. Je veux parler du fonds d'allégement des charges, dont on a d'ailleurs parlé hier encore, à propos des catastrophes survenues dans les départements du sud de la France, et qui avait été créé en 1990 en contrepartie des produits financiers tirés par le Crédit agricole de la collecte des dépôts des notaires dans les zones rurales, pour soutenir les agriculteurs en difficulté en prenant en charge les intérêts ou en aménageant leur dette. La participation du Crédit agricole a été, on le sait, supprimée.

Lors de la table ronde du 21 octobre dernier, le Premier ministre a annoncé qu'il s'engageait à lui accorder une dotation budgétaire de 200 millions de francs. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez sous quelle forme sera tenu cet engagement.

La politique de la montagne représente toujours un effort considérable. L'indemnité compensatoire de handicaps naturels s'élèvera cette année, pour la seule part nationale, à 1,56 milliard de francs, ce qui permettra une revalorisation des indemnités de 1,5 %. Par ailleurs, 49 millions de francs viendront aider à la modernisation des exploitations en zone de montagne.

Pour ce qui est de la formation, l'effort au profit de l'enseignement agricole est encore accentué. Le projet de budget marque en effet, pour la troisième année, un intérêt particulier à l'enseignement. Les crédits destinés à l'enseignement agricole et à la recherche atteindront 7,292 milliards de francs en 2000 contre 7,035 milliards en 1999, soit une augmentation, très substantielle, de 3,65 %. Les moyens de l'enseignement public sont accrus avec la création de 128 emplois budgétaires dans le cadre de la déprécarisation et de 218 postes nouveaux dont 158 d'enseignants. Les engagements contractés envers l'enseignement privé seront respectés, comme le montre la hausse de 3 % de sa dotation de fonctionnement.

La protection de l'environnement, élément structurant des CTE, bénéficiera encore en 2000 d'instruments spécifiques : il en est ainsi des 680 millions inscrits au titre de la « prime à l'herbe », dont 85 000 exploitations avaient bénéficié en 1998, pour un montant de 715 millions. Les


page précédente page 09526page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

programmes agri-environnementaux régionaux recevront, quant à eux, 139 millions de francs de l'Etat ; les aides à la conversion à l'agriculture biologique atteindront 99 millions de francs en 2000. Elles auront permis le passage à l'agriculture biologique de 0,9 % de la surface agricole utile, ce qui reste encore trop peu par rapport aux besoins et à notre retard par comparaison avec nombre de pays européens. 175 millions de francs reviendront au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole - le PMPOA.

Ce budget apparaît équilibré, car il poursuit les actions de consolidation des filières, indispensables au soutien de l'agriculture productive qui assure la place de la France au deuxième rang mondial des exportateurs de produits agricoles. 790 millions de francs, soit une dotation en hausse de 21,5 %, permettront de financer la première des trois étapes de l'augmentation de la part nationale de la prime à la vache allaitante, en conformité avec l'accord de Berlin sur la réforme de la PAC ; près de 3 milliards de francs iront aux offices agricoles, 163 millions aux actions de promotion et 155 millions de francs aux subventions aux industries agro-alimentaires. Les crédits de bonification des prêts, 871,66 millions de francs, enregistrent quant à eux une réelle diminution pour les raisons que j'ai indiquées, liées à la baisse des taux d'intérê t. Nous reparlerons ce soir de SAFER, à propos desquels nous avons présenté avec le président Bonrepaux un amendement qui vise à unifier le régime fiscal des transmissions de terre dans l'ensemble de leur portefeuille.

Le projet de budget pour 2000 met en oeuvre, pour l'ensemble de ces actions, nouvelles ou existantes, des moyens de fonctionnement accrus. Ceux-ci enregistrent globalement une hausse de 9 %, avec des crédits de personnel en progression de 7 %, ce qui permettra la création de 263 emplois dans le cadre de la déprécarisation et de 284 emplois nouveaux, parmi lesquels 218 dans l'enseignement agricole et 50 dans les services déconcentrés de l'Etat. Si plus de 630 emplois quittent le ministère au profit du nouvel établissement public des Haras nationaux, ils ne disparaissent évidemment pas, pas plus que les crédits de rémunérations de plus de 700 maîtres d'internat et surveillants d'externat, qui changent seulement de chapitre d'affectation. Au total, de nouveaux postes sont créés et aucun emploi ne disparaît sur le terrain. La récente réorganisation des services centraux du ministère permettra en outre d'améliorer l'efficacité et la qualité des politiques menées.

En dernier lieu, ce projet de budget répond à un souci de transparence budgétaire qui prépare l'avenir. Le transfert sur le budget des charges communes de la subvention d'équilibre de près de 4 milliards de francs versée au BAPSA, dont nous parlerons tout à l'heure, et la budgétisation des rémunérations de l'ingénierie publique à hauteur de 440 millions de francs permettent en effet une réelle clarification.

Enfin, le Fonds forestier national est désormais intégré dans le budget du ministère, à hauteur de 417 millions de francs, alors même que les deux taxes qui l'alimentaient, la taxe forestière et la taxe de défrichement, disparaissent. Cette mesure s'inscrit dans le cadre du renouveau de la politique forestière, puisque les dotations destinées à la forêt enregistrent dès le budget 2000 une hausse de 11 %, avec plus de 1,73 milliard de francs, ce qui permettra une rapide mise en oeuvre de la future loi forestière dont M. le ministre nous donnera certainement les grandes orientations.

En conclusion, le budget de l'agriculture et de la pêche, qui s'élève à plus de 29 milliards de francs pour l'année 2000, est loin de représenter l'ensemble des concours publics à l'agriculture.

En premier lieu, au niveau national, il convient en effet d'ajouter à ces crédits ceux relevant d'autres ministères mais consacrés à l'agriculture, ainsi que les fonds provenant de comptes spéciaux du Trésor : l'effort national en faveur de l'agriculture atteint en réalité 106 milliards de francs.

En second lieu, et c'est la traduction du transfert de l'essentiel de la politique agricole au niveau communautaire, cette somme est largement abondée par les concours communautaires à l'agriculture française, estimés à plus de 64 millions de francs pour 2000. Nombre de dispositifs font ainsi l'objet d'un cofinancement. Dans ce cadre, le budget national de l'agriculture, qui représente moins de la moitié des « retours européens », joue en fait essentiellement un rôle de levier et d'orientation politique.

Enfin, et au-delà de cet aspect proprement financier, ce budget constitue un outil politique d'orientation. Le budget de l'agriculture pour 2000 fait résolument le choix du développement durable en accélérant la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation, mais il ne néglige pas pour autant, bien au contraire, les soutiens à l'agriculture de production, grâce à laquelle la France, deuxième puissance agricole mondiale, peut exercer une influence réelle dans les instances internationales.

A la veille de l'ouverture du nouveau cycle de négociat ions commerciales internationales de l'Organisation mondiale du commerce il était en effet, important que la France prouve, à travers un budget tant à la fois volontariste et équilibré, la cohérence de ses positions internationales, communautaires et nationales. (Applaudissem ents sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si Mme Marre vient à juste raison d'évoquer l'aspect volontariste de ce budget, j'entends pour ma part mettre en avant son aspect logique à travers les priorités qu'il dégage. Je relativiserai bien entendu son impact sur le financement de l'agriculture, sachant bien, comme l'a remarqué ma collègue à l'instant, que ce budgtet est loin de rassembler l'essentiel des crédits consacrés à l'agriculture.

Pour comprendre votre budget, monsieur le ministre, il faut revenir un an en arrière. Et si vous avez pu depuis surmonter tant d'obstacles, je ne vois pas d'autre explication que la vertu de votre tempérament sportif ! (Sourires.) Depuis que vous avez pris en charge ce ministère, il vous a fallu faire voter la loi d'orientation agricole au Sénat puis de nouveau à l'Assemblée nationale, trouver les réponses financières aux besoins qu'elle a mis en avant, mettre au point les réponses législatives aux aménagements qu'elle sous-tend, la faire vivre enfin. Depuis un an, vous avez en effet fait vivre cette loi qui suscite tant d'espoirs ; il nous reste maintenant à les mettre en musique et à les concrétiser. Et ce budget en sera un des moyens.

Vous avez dû ensuite négocier les accords de Berlin.

Souvenez-vous de l'angoisse du monde agricole à cette époque, particulièrement chez tous ceux qui produisent


page précédente page 09527page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

en SCOP, face à ce qu'ils considéraient comme un obstacle difficilement franchissable ! Vous avez réussi, avec l'ensemble des pouvoirs publics, le Gouvernement et le Président de la République, à parvenir à un accord équilibré et le meilleur possible.

Ont ensuite éclaté les crises conjoncturelles : la crise porcine...

M. Aimé Kergueris et M. Philippe Martin.

Qui n'est pas finie !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

... - qui est loin d'être finie -, la crise des fruits et légumes, le problème posé par la loi Galland et la grande distribution, plus cette kyrielle de désordes toxicologiques et alimentaires : dioxine, farines animales,...

M. André Angot.

Rien n'est réglé !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

... ESB enfin qui donne lieu aux difficultés dont nous discutons en ce moment même avec les instances européennes et qui nous oblige à de multiples négociations. A ce propos, je veux répéter combien nous soutenons tant votre fermeté que votre détermination à trouver un accord avec nos collègues britanniques.

Maintenant, il nous faut préparer Seattle, qui n'est pas le moindre des obstacles pour l'agriculture. Je souhaite que l'Europe y parle d'une seule voix, défende le modèle agricole européen et fasse prévaloir son point de vue afin que nous puissions préserver la capacité exportatrice de la France, telle que nous l'avons conçue et définie dans la loi d'orientation.

M. René André.

Très bien !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Pourquoi votre budget me paraît-il logique ? Parce que j'y vois quatre ou cinq priorités qui justement répondent à ces inquiétudes et à ces problèmes.

Tout d'abord, le financement des CTE permet de réorienter les crédits de l'agriculture vers l'emploi, vers le territoire, vers la qualité, vers la traçabilité. La difficulté é tait de trouver les 950 millions nécessaires, auxquels s'ajoutera le financement communautaire ; vous y êtes parvenu grâce à une réorganisation des crédits qui me paraît justifiée.

M. Jean Auclair.

Réorganisation au profit de qui ?

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

La sécurité alimentaire est une deuxième priorité pour vous. Je rappelle que, il y a un an, a été créée l'agence de sécurité alimentaire. Nous ne pouvons que nous réjouir qu'elle soit là aujourd'hui pour nous aider, nous, responsables politiques, à porter un diagnostic et à prendre des décisions, notamment s'agissant de l'ESB. Elle répond à une demande forte de la population qui ne supporte plus ce risque. Et comme elle a raison au vu des dérèglements et des errements constatés ! Il faut se donner les moyens de préserver la sécurité alimentaire.

Pour ce qui concerne la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, la DJA, prévoir pour l'année prochaine 8 000 installations, c'est faire preuve de raison et se donner les moyens de poursuivre la politique de renouvellement de l'agriculture. On peut toujours en souhaiter plus mais la donne agricole, territoriale et économique et l'investissement nécessaire le permettront-ils, même si on suscite des installations hors cadre familial ? Huit mille agriculteurs, c'est un pari ambitieux. Je sais que nous sommes en mesure de le tenir.

Ensuite, il y a les engagements pris et tenus. Et d'abord dans la politique forestière - ce n'est pas mon collègue de Côte-d'Or qui me démentira...

M. François Sauvadet.

J'en parlerai tout à l'heure !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

... puisqu'une taxe importante sur le premier bois d'oeuvre est supprimée, ce qui concerne les scieries notamment, et que les crédits alimentant le FFN, fonds national forestier, sont garantis pour l'avenir.

La politique forestière trouvera sa concrétisation, mais je laisse à François Brottes le soin d'en parler, à travers une loi pour laquelle il a beaucoup travaillé et à laquelle le ministre est très attaché.

Enfin, l'engagement de solidarité pris vis-à-vis des retraités est tenu puisqu'un rattrapage est prévu. La parole donnée est respectée puisque des crédits viendront améliorer les petites retraites. On en parle souvent, non sans faire du paupérisme, mais le présent budget a le mérite de le traduire concrètement. En cela, il est un budget de logique.

Reste que les problèmes qui suscitent des inquiétudes dans la zone dont je suis l'élu se situent hors budget.

Ainsi, s'agissant du FIA, fonds pour l'installation en agriculture - dont beaucoup vont certainement parler et pour lequel sont prévus, je crois, des crédits d'animation, vous avez transféré ses crédits sur la ligne du CTE.

Mais le CTE ne permettra pas de tout régler, nous en sommes convaincus. (Ah ! Sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Voilà une bonne nouvelle !

M. Christian Jacob.

C'est une première !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Il faut rassurer le monde des jeunes agriculteurs et ne pas confondre développement et installation, c'est important.

M. Christian Jacob.

Voilà un bon début !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Je vous remercie de m'approuver, mes chers collègues ! Aussi, je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur les moyens connexes à l'installation pour le dépistage, le décernement, la transmission, le repérage et l'animation rurale. Je crois savoir qu'il y a encore aujourd'hui, au CNASEA, une ligne permettant que les crédits sous-utilisés dans certaines régions - mais bien utilisés dans d'autres - aillent abonder ceux destinés à cette action.

Par ailleurs, les éleveurs et agriculteurs des zones intermédiaires sont fâchés de voir que, parallèlement à la diminution des aides européennes consécutive à l'accord de Berlin, la modulation, les PMPOA et la TGAP viennent grever leurs revenus.

En ce qui concerne la modulation, j'ignore ce que M. le ministre proposera demain au CSO - ce qui prouve que mon intervention n'est pas « téléphonée » (Sourires), mais j'aimerais qu'il nous donne des informations sur la deuxième mouture, car j'ai le sentiment qu'il y a une désinformation locale : des chiffres sont cités quant au nombre d'agriculteurs touchés et quant à une diminution que je ne comprends pas. Le ministère devra faire preuve de pédagogie...

M. Germain Gengenwin.

Pas seulement de pédagogie !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

... à l'égard du monde agricole, pour bien expliquer d'abord que la modulation touchera moins d'agriculteurs qu'on ne le dit actuellement - pour ma part, je suis pour le plafonnement, la modulation et la redistribution -...


page précédente page 09528page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. Jean Auclair.

On en reparlera !

M. Germain Gengenwin.

Il faut savoir pour qui et pour quoi !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

... et comment cela va se passer.

Quant aux PMPOA, le coût des investissements qu'ils impliquent est parfois décourageant pour un agriculteur qui arrive en fin d'activité. Si bien qu'il arrive qu'il ne procède pas à la mise aux normes...

M. René André.

Eh oui !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

... en laissant le soin à son successeur de le faire. Quand on en sait le coût, on comprend que, ajouté à l'investissement de l'installation, cela puisse décourager un jeune. Que se passet-il alors ? Au lieu d'une installation sur ce site, on aura un agrandissement, parce que c'est l'agriculteur voisin, qui en a les moyens, qui fera la mise aux normes. Il faut donc, dans les PMPOA, garder un peu de mesure.

Quant à la TGAP, les agriculteurs ne comprennent pas sa destination.

M. René André.

Mais si !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

A nous de l'expliquer. Là encore, un effort de pédagogie est nécessaire.

M. Jean Auclair.

Mais si, tout le monde a compris !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Ne m'interrompez pas, chers collègues, mes propos n'ont rien pour vous mettre en colère ! J'ai moi-même demandé une note au ministère pour savoir quels produits sont concernés par la TGAP et quelle sera la destination de cette taxe. Ce qu'il faut, c'est que l'Etat et les agences de bassin tiennent leur parole.

Ce qui devrait nous rassurer quant à la destination de la TGAP, qui devrait en tout cas être un peu particulière - je pense à la Bretagne surtout.

En conclusion, monsieur le ministre, il y a des points sur lesquels il faut trancher maintenant. Il y en a d'autres qui, compte tenu que les moyens sont dégagés et que la doctrine est mise en place, méritent encore réflexion.

Nous devrons aboutir à un accord. Il faut que les gens comprennent pourquoi on module, comment on le fait et que c'est juste. On conçoit que certains agriculteurs des zones intermédiaires ne comprennent pas que d'autres, comme ceux d'Alsace qui, avec 30 hectares, ne sont pas concernés par la modulation et vivent très bien, soient moins pénalisés qu'eux, agriculteurs des plateaux de Langres, du Nord-Est et de la Côte-d'Or ou de l'Yonne, exploitant des terres peu productives.

M. Germain Gengenwin.

Vous parlez de cultures spéciales !

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Par conséquent, il y a un effort d'explication à faire. Il faut donc prendre un peu de temps pour mettre en place le CTE localement.

Monsieur le ministre, je connais suffisamment votre volonté de dialogue et l'ouverture d'esprit de vos services pour savoir que, ensemble, à force de négociations, nous parviendrons à un accord sur ce point.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Louis Mexandeau, le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la pêche.

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la pêche.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la pêche s'inscrivent en trois modestes lignes dans le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche.

Avec 193,88 millions de francs, ils ne constituent en effet qu'une partie des moyens mis à la disposition d'une politique volontariste en faveur de la pêche.

Secteur économique d'une importance capitale pour de nombreuses régions françaises, en métropole comme dans les DOM-TOM, les pêches maritimes et l'aquaculture françaises représentent, en effet, une production de 850 000 tonnes et un chiffre d'affaires de plus de 9 milliards de francs.

Les pêches maritimes métropolitaines, à elle seules, occupent plus de 17 000 marins sur 6 074 navires. A cet égard, on observe, depuis 1996, un renversement de la tendance qui prévalait depuis de nombreuses années. La pêche regagne désormais des emplois et se trouve, de plus en plus souvent, face à de grandes difficultés de recrutement.

Au sein de l'Union européenne, la France est le pays qui possède la plus grande façade maritime et le plus grand nombre de ports de pêche. Cependant, la production française ne parvient pas à satisfaire la moitié de la consommation humaine, consommation qui s'est considérablement accrue au cours des dernières années.

Depuis la crise des années 1994-1995, qui a sévèrement éprouvé nombre de pêcheurs, les pouvoirs publics se sont employés à combattre les raisons structurelles qui affectaient les performances et la rentabilité des entreprises du secteur.

Aujourd'hui, la santé économique des entreprises s'est indéniablement rétablie mais elle reste fragile car tributaire de phénomènes conjoncturels tels que le niveau des cours, les coûts de production, particulièrement du carburant, et l'état de la ressource, c'est-à-dire des stocks de poisson.

La loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, adoptée à l'unanimité en novembre 1997, constitue la ligne directrice d'une politique qui tend à assurer la cohérence de l'ensemble de la filière, notamment grâce à l'Office national interprofessionnel des produits de la mer. Etablissement public à caractère industriel et commercial, l'OFIMER constitue, en effet, la pièce centrale de la réforme, il a pour missions de renforcer l'efficacité économique de la filière, d'améliorer la connaissance et le fonctionnement des marchés et, enfin, d'appliquer les mesures communautaires. Une représentation équilibrée de l'ensemble des professionnels du secteur est assurée au sein de son conseil d'administration.

La mise en oeuvre de l'ensemble de la loi est en voie d'achèvement avec la publication prochaine des derniers décrets d'application. Il devrait en résulter, notamment grâce aux mécanismes de concertation instaurés, uneo rganisation rationnelle et une modernisation de l'ensemble de la filière.

Cette politique doit être replacée dans la politique commune des pêches qui fixe pour l'ensemble de l'Union les mesures propres à assurer une exploitation responsable de la ressource, notamment par un ajustement de l'effort de pêche et la conclusion d'accords avec des pays tiers.

C'est dans ce cadre que la politique nationale s'efforce d e développer une production apte à satisfaire la demande intérieure et apte à affronter une concurrence internationale extrêmement vive.


page précédente page 09529page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Comme l'an dernier, le projet de loi de finances propose un accroissement des crédits de la pêche de plus de 2 %, ce qui devrait permettre de poursuivre les efforts d'investissement à terre et d'accélérer la modernisation de la flotte.

Les crédits d'intervention enregistrent une hausse de 1,9 % qui bénéficie principalement aux entreprises de pêche.

En effet, 54,88 millions de francs, soit 5,5 % de plus qu'en 1999, seront consacrés, pour une partie, aux mesures d'accompagnement des sorties de flotte. Pour une autre partie, ils abonderont les montants alloués aux caisses chômage et intempéries dont bénéficient les marins.

La très forte progression des crédits d'investissement est concentrée cette année sur la modernisation des entreprises de pêche et d'aquaculture : 25,15 millions de francs de crédits de paiement et 35,4 millions de francs d'autorisations de programme sont destinés à accompagner la modernisation et le renouvellement de la flotte. Cet effort est indispensable au renforcement de la compétitivité des entreprises de pêche. Il contribuera, par ailleurs, à financer des opérations spécifiques sur les navires, notamment les équipements destinés à améliorer la qualité comme la conteneurisation ou l'aménagement des cales en froid.

Des crédits seront également consacrés au développement de l'aquaculture par le biais d'opérations visant le maintien de la qualité des eaux et le repeuplement piscicole.

Les investissements dans les ports de pêche retrouvent, si j'ose dire, un régime de croisière (Sourires) après plusieurs années d'efforts importants nécessités par la mise aux normes sanitaires.

Enfin, je voudrais souligner la contribution essentielle apportée par l'IFREMER au développement de la pêche et de l'aquaculture.

Une dotation de 3,3 millions de francs est consacrée, sur les crédits de la pêche, à l'IFREMER pour son concours dans le recueil, la validation et le traitement de données statistiques des captures. Mais, au-delà de cette c ontribution, de nombreuses recherches menées par l'IFREMER sont déterminantes dans l'évolution des techniques de pêche, le développement de l'aquaculture et l'aménagement du littoral.

C'est grâce à ces connaissances et à ce savoir-faire qu'il sera possible de développer une aquaculture respectueuse de l'environnement.

En conclusion, je voudrais rappeler toute l'importance qu'attachent les professionnels au succès des négociations qui ont lieu actuellement au niveau européen sur l'organisation commune des marchés et le nouveau règlement de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP, qui doit couvrir la période 2000-2006.

De cet accord dépend en particulier l'attribution de 2 25 millions d'euros, destinés essentiellement à la construction et à la modernisation des bateaux.

Monsieur le ministre, je compte sur vos talents de négociateur qui viennent d'être hautement loués dans l'intervention précédente.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

A juste raison !

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial.

Je vous connais depuis longtemps et je n'ignore rien de vos talents dont l'étendue nous surprendra encore.

(Sourires.)

Je compte sur vous, disais-je, pour faire valoir les intérêts de la pêche française, dont, au nom de la commission des f inances, j'invite l'Assemblée à adopter les crédits.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dupilet, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

M. Dominique Dupilet, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité des budgets précédents et dans le prolongement de la loi d'orientation sur les pêches maritimes et les cultures marines du 18 novembre 1997, le budget de la pêche pour l'année 2000 est significatif de la volonté de l'Etat de conforter ce secteur en convalescence et d'accompagner les entreprises de pêche dans leur nécessaire mutation.

En proposant une augmentation des crédits de 2,3 %, l'Etat confirme son engagement d'accélérer la modernisation de la flotte, de financer de nouvelles constructions et de soutenir l'investissement à bord des navires de pêche dans le cadre du programme d'orientation pluriannuel, le fameux POP IV.

En effet, vous n'êtes pas sans connaître, monsieur le ministre, les difficultés rencontrées par les professionnels pour renouveler leur flotte. Bruxelles nous dit qu'il faut respecter le cadre - pour ne pas dire le carcan - du POP pour bénéficier d'une enveloppe de kilowatts susceptible de permettre la construction de nouvelles unités. Mais, comme la France, M. Mexandeau l'a rappelé, est le pays européen qui compte le plus de ports de pêche, la répartition entre tous de cette enveloppe de kilowatts ne permet pas, encore aujourd'hui, d'envisager sereinement et efficacement un renouvellement durable et suffisant d'un appareil de production déjà plusieurs fois modernisé.

Tandis que la France s'efforce de respecter les directives de la Commission, sans ignorer les difficultés qu'elles entraînent ni les conséquences qu'imposent ses plans drastiques, d'autres pays renouvellent leur flotte au su et au vu de tous, au détriment d'une politique véritablement communautaire.

Pourtant, la modernisation de la flotte de pêche à hauteur de 15 000 kilowatts dans le cadre de l'application du POP IV a été bien ressentie dans nos ports. Elle doit être prolongée dans les années qui viennent.

Prenons l'exemple de la pêche hauturière fraîche, qui doit impérativement être renouvelée sous peine de disparition totale. Or, on l'a dit tout à l'heure, le doublement en deux ans du prix du carburant pour les entreprises de pêche absorbe les possibilités d'investissement que pouvait laisser espérer l'augmentation des cours du poisson.

Je salue, monsieur le ministre, les contrôles plus efficaces qui ont été menés sur l'activité des pêches dans les eaux australe et antarctique. Il demeure cependant encore, dans cette zone, trop de pêches illégales. La présence de la France dans cette région du monde est indispensable.

Nous devons encourager les efforts menés par les entreprises dans ce secteur.

Monsieur le ministre, je voudrais vous faire deux propositions. Je pense qu'il est indispensable que nous menions une réflexion sur l'avenir de la pêche industrielle dans notre pays et je souhaite qu'il devienne possible - je sais que c'est difficile - de financer des plans de construction de navires de pêche dans le cadre des contrats de plan Etat-régions et dans le respect du POP IV.


page précédente page 09530page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Je veux aussi vous signaler, ce qui peut paraître aux yeux des professionnels comme une anomalie voire une injustice, la double TVA sur les produits de la pêche provenant des bases avancées.

Pour répondre aux exigences de la nouvelle pêche hauturière fraîche qui se pratique dans l'Ouest, les armateurs ont dû imaginer un nouveau mode d'exploitation consistant à travailler les fonds nord-atlantiques et à débarquer le produit de leur pêche en bases avancées. Ce système a porté ses fruits en termes d'emplois et de rémunérations.

Il conviendrait de ne pas le pénaliser par une TVA sur le débarquement et une deuxième sur la livraison au secteur de la transformation.

M. Aimé Kerguéris.

Très bien.

M. Dominique Dupilet, rapporteur pour avis.

Une telle disposition augmenterait artificiellement les prix et pénaliserait à la fois la production et le mareyage. Il en irait de même si la taxe vétérinaire sur la pêche était également appliquée successivement à ces deux stades.

La France est un grand pays maritime. Beaucoup d'hommes et de femmes travaillent pour faire valoir cette entité. Les professionnels se sont mobilisés et apportent un complément indispensable à la direction des pêches par leur présence en tant que conseillers à la fois à Bruxelles et dans les différents comités et dans les différents comités locaux et régionaux.

Mais ces comités ne visent malheureusement que des subventions que les collectivités locales veulent bien leur accorder. Il leur est même parfois difficile d'aller expliquer aux pêcheurs la loi d'orientation sur la pêche.

Ce problème des moyens est d'autant plus préoccupant que vont s'ouvrir les négociations de l'OMC et qu'il faudra bien défendre nos positions. J'espère que nos intérêts en matière de pêche seront bien défendus face aux Américains. Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance dans ce domaine.

Mes chers collègues, la France, qui va présider l'Union européenne au cours du second semestre de 2000, doit user de sa responsabilité pour préparer les négociations de la réforme de la politique commune des pêches prévue en 2002.

Loin de vouloir faire une politique des pêches ultralibérale, comme le souhaitent les Etats-Unis, il est nécessaire, il est indispensable de poursuivre les initiatives de soutien, afin de préserver, de maintenir et de développer le secteur vis-à-vis de la concurrence extérieure, et afin de protéger l'équilibre socio-économique de zones de la Communauté dépendantes de la pêche, souvent celles dont le taux de chômage est plus élevé que la moyenne nationale. De même, la gestion des ressources doit avoir pour objectif une exploitation soutenable à long terme.

L'application du principe de précaution dans la gestion des pêches devrait être envisagée dans les détails dans les années à venir en inscrivant les problèmes rencontrés dans une dimension régionale. En ce sens, le principe de subsidiarité doit être appliqué.

Si le système des TAC et des quotas a donné de meilleurs résultats en termes de conservation des stocks que n'aurait pu le faire le marché à lui seul s'il avait été retenu comme unique facteur de régulation, il conviendrait, je crois, d'introduire une approche plus flexible, en changeant le quota annuel pour certaines espèces ou régions, ou en introduisant plus de flexibilité d'une année sur l'autre dans le système.

Je voudrais maintenant terminer sur deux points qui me paraissent essentiels.

Votre souci, monsieur le ministre, est aussi celui de la qualité des aliments et, d'une certaine façon, celui de la traçabilité. La transparence et une meilleure information du consommateur devraient rendre systématique la distinction entre produits d'élevage et poissons pêchés en mer. Le nouvel office, l'OFIMER, doit avoir pour objectif premier une politique de valorisation et de saine commercialisation. Les attentes dans ce domaine sont très importantes. La qualité enfin, c'est aussi davantage de contrôles en criée, et une vigilance plus affirmée des services vétérinaires. La loi d'orientation doit être mieux respectée en ce qui concerne les tonnages débarqués et traités en halles.

Monsieur le ministre, la mer recèle encore de nombreuses possibilités, et nous sommes loin de les avoir toutes explorées. C'est la raison pour laquelle je renouvelle ma proposition de pêches expérimentales afin de trouver de nouvelles espèces. Les campagnes précédentes ont donné de très bons résultats.

L'installation des jeunes à la pêche devient de plus en plus difficile. Il serait peut-être souhaitable, à côté d'une politique ambitieuse en matière de formation et d'enseignement maritimes, d'élaborer une charte d'installation des jeunes pêcheurs, afin de répondre en partie au manque de main-d'oeuvre d'une activité qui a besoin de personnel qualifié. A cet égard, l'application des CTE au secteur conchylicole est déjà ressentie comme une avancée importante.

J'en viens maintenant à un grave problème qui commence à toucher durement l'industrie agro-alimentaire halieutique. Vous n'êtes pas sans savoir les difficultés qu'a rencontrées le secteur de Boulogne-sur-Mer, principale place européenne pour la transformation du poisson.

L'actualité de ces derniers jours nous rappelle que la prise de contrôle de certaines sociétés par des capitaux étrangers, voire par des fonds de pensions, a très souvent pour conséquence la captation de biens familiaux bien i mplantés dans les économies locales, et, dans un deuxième temps, la délocalisation non seulement des entreprises, du savoir-faire, mais aussi quelquefois de l'appareil de production. Le mécontentement est d'autant plus grand que certaines sociétés ont profité de subventions publiques pour rentabiliser leur affaire à la seule fin de se vendre au meilleur prix.

Mes chers collègues, nous devons être vigilants et refuser que soient bradées nos entreprises au seul motif d'une pseudo-rentabilité. Des fleurons de notre économie nous échappent, et ce sont des centaines d'emplois qui disparaissent. Nous attendons du Gouvernement, non pas une réponse qui est difficile dans ce domaine, mais la possibilité d'exercer un contrôle sur les moyens accordés à ces entreprises, ce qui est fondamental pour la vie économique des régions maritimes.

Voilà ce qu'il m'importait de vous dire, monsieur le ministre. Le budget de la pêche pour l'année 2000 qui vous est présenté, mes chers collègues, est un bon budget.

La situation des pêches dans notre pays mérite d'être confortée dans une conjoncture qui est certes meilleure, mais qui reste précaire. Au nom de la commission de la production et des échanges, je vous propose en conséquence de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie et du plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.


page précédente page 09531page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles qui est proposé pour 2000 dans le fascicule bleu est peu différent de celui voté pour 1999 : les trois grandes masses de recettes provenant les unes des cotisations des agriculteurs, les autres des impôts affectés, et les dernières des transferts des autres régimes sociaux, évoluent peu.

Comme, par ailleurs, le déclin démographique des agriculteurs entraîne une diminution spontanée de plus d'un milliard de francs des dépenses de prestations sociales, la subvention d'équilibre de l'Etat peut diminuer d'un montant sensiblement égal.

Il est cependant nécessaire de dépasser la présentation des chiffres du BAPSA et, je voudrais, monsieur le ministre, aborder dix points.

Premier point, l'utilité du débat annuel que nous avons sur le budget annexe.

Le fait que ses caractéristiques ne correspondent pas à la définition des budgets annexes qui est donnée par l'ordonnance organique de 1959 est bien connu, mais le BAPSA a longtemps eu son utilité, en permettant au Parlement de se prononcer annuellement sur les comptes d'au moins un régime de sécurité sociale, et en donnant un cadre à la négociation annuelle avec les agriculteurs sur le montant des cotisations agricoles, tant que celles-ci ont constitué quasiment un impôt de répartition calculé sur le revenu cadastral.

Cependant, les cotisations des agriculteurs sont maintenant assises sur le revenu professionnel avec des taux dits de parité. Quant au débat annuel sur la sécurité sociale, le Parlement l'a avec la loi de financement de la sécurité sociale. Cette année, nous avons adopté dans ce dernier cadre un élargissement de l'exonération de cotisations pour les jeunes agriculteurs et nous allons décider aujourd'hui d'une amélioration des retraites des agriculteurs.

Nous aurons donc eu deux débats à la fois redondants et incohérents. Je sais que certains responsables agricoles sont convaincus que l'existence du BAPSA constitue la garantie de la spécificité du régime agricole et de la pérennité des financements de solidarité dont bénéficie ce régime. Il existe pourtant nombre d'autres régimes spéciaux structurellement déficitaires dont l'Etat assure naturellement l'équilibre, sans qu'ils soient retracés dans un budget annexe.

En conclusion, je dirai que le BAPSA a été le précurseur de la loi de financement de la sécurité sociale.

Aujourd'hui, faut-il envisager sa disparition et, si oui, à quelles conditions ? C'est ma première question, monsieur le ministre.

Second point, le BAPSA qui nous est présenté n'est ni exact, ni exhaustif. J'ai détaillé dans mon rapport écrit les raisons pour lesquelles la sincérité comptable d'un grand nombre de lignes de recettes et de dépenses du BAPSA était en jeu. Ces raisons sont diverses.

On relèvera en particulier l'absence de prise en compte des mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme d'habitude, me direz-vous, l'évaluation insuffisante de l'impact de la loi sur la couverture maladie universelle et de la future modulation des aides communautaires, et l'introduction par voie d'amendement de la mesure de revalorisation des retraites prévue pour l'an prochain.

Même en prenant des hypothèses très modérées, comme je l'ai exposé dans le rapport écrit, la prise en compte de ces différents facteurs conduit à anticiper un déficit d'au moins 700 millions de francs du BAPSA 2000 au lieu du solde nul qui est par définition celui d'un projet de loi de finances sur un budget annexe.

Le BAPSA n'est pas non plus exhaustif, car n'y apparaissent ni certains prélèvements sociaux opérés sur les agriculteurs ni certaines dépenses de leur régime de sécurité sociale : je pense aux cotisations dites complémentaires, à la CSG, aux primes de l'assurance accidents du travail, aux dépenses de fonctionnement des caisses de mutualité sociale agricole, aux majorations de retraites pour enfants, etc. La loi sur la couverture maladie universelle, en créant un régime complémentaire maladie obligatoire financé par la solidarité, contribue à brouiller la distinction traditionnelle entre régimes de base obligatoires et régimes complémentaires facultatifs, distinction qui justifiait le périmètre du BAPSA.

Je pense donc qu'il faut avoir une vision globale des problèmes de la protection sociale des agriculteurs, sans s'en tenir aux seules recettes et dépenses retranscrites dans le BAPSA - c'est ce que j'ai essayé de faire dans mon rapport -, ce qui montre par exemple que l'effort contributif de la profession s'accroît : 22,4 % en 1998, 22,8 % en 1999, 23,8 % en 2000.

Sur ce second point, ma question est simple : si l'exercice annuel du BAPSA doit être maintenu, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour améliorer sa clarté et son exhaustivité, ainsi que sa coordination avec la loi de financement de la sécurité sociale ? Troisième point : l'incidence de la couverture maladie universelle sur la branche maladie du régime agricole.

Le régime agricole sera, en effet, particulièrement concerné par l'application de la couverture maladie universelle, vu la faiblesse des revenus de nombreux agriculteurs, notamment retraités. Alors que la CMU ne concernera qu'environ 10 % des Français, elle concernerait 20 % environ des ayants droit du régime agricole. Je suis frappé par l'impréparation du dossier alors que la loi s'appliquera à partir du 1er janvier 2000. Il est vrai que les décrets d'application ne sont même pas encore publiés. On en est encore à discuter sur le panier de soins, par exemple.

Je m'inquiète des conséquences financières qu'auront, d'une part, la réintégration des déchus de droit en assurance maladie agricole - problème grave - et, d'autre part, la gestion du volet complémentaire par la mutualité sociale agricole. Il est, en effet, vraisemblable que le plus grand nombre des bénéficiaires de la CMU agricole seront gérés par la MSA. Certes, le fonds prévu à cet effet remboursera les frais médicaux des intéressés, mais dans quel délai, si ce fonds se révèle sous-calibré, ce qui est probable, puisque le coût annuel du volet complément aire par personne dépassera immanquablement les 1 500 francs prévus ? Les assureurs mutualistes que j'ai auditionnés me l'ont dit. Eux parlent plutôt aujourd'hui d'un coût de 2 000 à 2 200 francs en moyenne, avant coût de gestion, à moins que vous ne plafonniez très bas les dépenses sur les lunettes et les prothèses dentaires et auditives.

La gestion du volet complémentaire CMU entraînera donc pour la mutualité sociale des frais de trésorerie, ainsi, bien sûr, que des charges de gestion, qui ne seront pas rémunérées. Toutes ces incidences ne sont pas prises en compte dans le projet de budget.


page précédente page 09532page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Plus fondamentalement, je pense qu'il n'est pas acceptable de maintenir pour les exploitants les plus modestes les lourdes cotisations minimales forfaitaires maladie auxquelles ils sont assujettis, quand, dans le même temps, la loi affiche le droit gratuit à la couverture maladie pour les personnes démunies et même pour l'ensemble de celles qui ne payent pas leurs cotisations, c'est-à-dire les déchus, sauf à démontrer leur mauvaise foi.

Ma question est donc double : êtes-vous favorable à la suppression des cotisations minimales forfaitaires qui ont une incidence dramatique en termes de seuil, et ne devrait-on pas conditionner le versement de l'ensemble d es aides économiques au paiement des cotisations sociales, puisque le non-paiement de celles-ci ne sera plus sanctionné par la perte des remboursements maladie ? Quatrième point, la branche maladie pose un autre p roblème : celui des activités concurrentielles de la mutualité sociale agricole.

Un certain nombre de caisses de MSA proposent dans le cadre concurrentiel des produits d'assurance complémentaire maladie. Toutes les caisses, ou presque toutes, vendent aux assureurs complémentaires, mutuelles ou sociétés d'assurance privées, des images ou des prestations de décompte. Depuis la loi d'orientation, la MSA est clairement une mutuelle - après le vote de l'amendement que j'avais déposé -, ce qui résout déjà de nombreux problèmes juridiques. Cependant, ne pensez-vous pas qu'une clarification du statut juridique, notamment au regard du droit communautaire de la concurrence et du statut fiscal de ces activités est inévitable à terme ? Il s'agirait de distinguer dans chaque caisse de MSA un secteur concurrentiel et un secteur non concurrentiel.

Cinquième point, en matière de retraites, le Gouvernement propose de poursuivre cette année l'effort régulier engagé depuis 1994, qui consiste à ajouter annuellement environ un milliard de francs pour la revalorisation des petites retraites.

J'approuve naturellement le principe de ces mesures.

Cependant, je fais cette année la même proposition que l'année dernière : il conviendrait de réserver le bénéfice des mesures à ceux qui en ont vraiment besoin, c'est-àdire aux retraités dont l'ensemble des avantages vieillesse en droits propres, agricoles ou non agricoles, est inférieur au minimum vieillesse. Il n'est pas normal que puissent bénéficier des mesures de revalorisation des personnes qui bénéficient par ailleurs de retraites parfois confortables en provenance d'autres régimes. Ce ciblage, qui réduirait probablement de près d'un cinquième le coût des mesures, permettrait d'atteindre plus rapidement l'objectif d e 75 % du SMIC net pour les anciens chefs d'exploitation.

Autre problème, le financement de la mesure qui est proposée.

En 2000, 1,2 milliard de francs est nécessaire. Or seulement 1 milliard de francs est prévu en recettes, et sous la forme d'un prélèvement exceptionnel bis, si je puis dire, sur le produit de la C3S, c'est-à-dire la contribution sociale de solidarité des sociétés. Le Gouvernement recourt donc, et pour cause, au même tour de passe-passe que l'année dernière : une dépense pérenne est financée par une ressource non reconductible et provenant de la sécurité sociale, ce qui évite d'avoir à augmenter la subvention de l'Etat. Ce n'est pas sérieux.

Ma question, là encore, est double : êtes-vous favorable à une prise en compte de l'ensemble des avantages vieillesse en droits propres pour l'attribution des revalorisations, et comment allez-vous financer, l'année prochaine, la poursuite des mesures de revalorisation ? Sixième point : un débat s'est engagé sur la création d'un régime complémentaire obligatoire de retraite pour l es agriculteurs, ce qu'il est convenu d'appeler le deuxième étage. La MSA avait un premier et un troisième étages, mais pas de deuxième.

Il y a deux options, comme vous le savez.

Une première solution envisagée par une partie de la profession consisterait à prélever une cotisation de 1,2 % sur le revenu professionnel, soit environ 500 millions de francs par an, que compléterait une participation de l'Etat équivalente. Géré en répartition, ce montant permettrait de financer l'amélioration des retraites des actuels retraités.

Une seconde solution a été envisagée, la mise en place d'un régime dit de répartition provisionnée, qui ne concernerait que les exploitants actuellement en activité, puisque les prestations seraient réservées à ceux qui ont cotisé. On pourrait envisager un taux obligatoire de l'ordre de 2 % avec un régime incitatif de déductibilité sociale et fiscale qui permettrait de réduire en fait le prélèvement. L'objectif légitime de 75 % du SMIC net pour les anciens chefs d'exploitation serait alors atteint pour les actuels retraités, grâce à la poursuite des mesures de solidarité que nous prenons depuis cinq ans, au même rythme d'ailleurs, comme vous l'avez vu dans mon rapport : un milliard par an.

M. Germain Gengenwin.

C'est très précis !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière et pouvezvous nous confirmer, et surtout nous expliciter, vos déclarations faites le 7 mai 1999 devant la CNMCCA selon lesquelles vous êtes favorable à une participation financière de l'Etat à un futur régime de retraite complémentaire ?

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Septième point, je souhaiterais appeler votre attention sur un problème d'application de la réglementation relative à la coordination des pensions de retraite.

Les règles en vigueur pour le calcul des validations de trimestres pour les femmes ayant eu des enfants et ayant été affiliées à plusieurs régimes conduisent à de graves inéquités.

M. François Sauvadet.

M. de Courson est excellent !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Savez-vous qu'une agricultrice ayant eu quatre enfants et ayant cotisé toute sa carrière au régime agricole peut voir, par l'application de ces règles, ses avantages vieillesse réduits de 800 francs par mois si elle a été affiliée, ne serait-ce que quelques mois et même sans cotiser, parce qu'elle a fait une colonie de vacances, au régime général ? Etes-vous favorable à une mesure toute simple qui consisterait à prévoir que le calcul des majorations pour enfant est toujours opéré sur les bases les plus favorables des régimes auxquels ont participé ces assurés ? Huitième point : l'assurance contre les accidents du travail et de la vie privée des non-salariés agricoles.

Il est clair que le régime en place n'est pas satisfaisant.

M. René André.

Non !


page précédente page 09533page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Ses faiblesses ont été décrites dans un rapport des inspections générales de l'agriculture et des affaires sociales et je les ai rappelées dans mon rapport écrit. Je sais que certains veulent y remédier en transformant le dispositif de 1966 en un régime obligatoire géré par la mutualité sociale agricole. A court terme, ne serait-il pas préférable de prendre plusieurs mesures urgentes ? S'agissant tout d'abord de l'amélioration des prestations, il me semble que la séparation entre le risque accidents du travail et le risque accidents de la vie privée, dont les charges de frais médicaux seraient ipso facto reportées sur l'assurance maladie, serait normale en termes de parité de traitement entre les agriculteurs et les autres catégories socioprofessionnelles et dégagerait, sans augmenter les primes de la branche accidents du travail, des moyens pour améliorer les prestations. Je rappelle qu'un invalide à 100 %, dans l'agriculture, touche actuellement 2 000 francs par mois. Un doublement de ce montant constituerait un objectif raisonnable à l'horizon 2002-2003 et cohérent avec les mesures prises en matière de vieillesse.

En matière de cotisations, une tarification forfaitaire par filière professionnelle responsabiliserait davantage les filières les plus dangereuses qu'un système proportionnel au revenu.

Pour le contrôle de l'obligation d'assurance, c'est sans doute à la MSA qu'il faut le confier, puisqu'elle détient le fichier le plus exhaustif des non-salariés agricoles.

E nfin, il faut certainement encourager l'assurance complémentaire. A cet égard, la réforme de l'absurde financement du fonds commun des accidents du travail agricole est une nécessité. Savez-vous, mes chers collègues, que le taux d'imposition au profit du FCATA peut atteindre 87 % sur certains contrats d'assurance complémentaire ? Alors ? Trop d'impôt tue l'impôt ! Plus personne ne s'assure dans ce régime. On contourne tout simplement le dispositif en souscrivant des contrats d'assurance différents des deux contrats types et, ainsi, on échappe à l'impôt.

Neuvième point, les cotisations sociales agricoles. J'évoquerai seulement trois problèmes.

En premier lieu, l'affiliation au régime agricole.

Au cours de mes contrôles dans cinq caisses de MSA, dont la Corse dans des conditions, il est vrai, un peu difficiles, j'ai constaté combien l'absence de définition législative claire de l'exploitation agricole pouvait entraîner en la matière des situations à la limite de la caricature ! Il arrive ainsi que l'on immatricule des « exploitants » octogénaires. Dans le Puy-de-Dôme, un jeune agriculteur de soixante-dix-huit ans s'est ainsi réaffilié à la MSA, car il reprenait l'exploitation de son gamin de cinquante-cinq ans, lequel voulait bénéficier de la préretraite. (Sourires.)

M. René André.

Il y a des cas !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Je voudrais ensuite rappeler la nécessité d'aller vers une harmonisation des assiettes de l'impôt sur le revenu, des cotisations sociales et de la CSG, ainsi que vers une coordination des contrôles de ces assiettes, opérés actuellement par les services fiscaux, d'une part, et par la mutualité sociale agricole, d'autre part.

Enfin, mon rapport écrit consacre, cette année encore, un long développement aux cotisations dites de solidarité, qui posent de nombreux problèmes. Leur base juridique est fragile : en termes clairs, elles sont anticonstitutionnelles, monsieur le ministre ; leurs coûts de gestion sont très élevés ; et surtout, leur légitimité est contestable, puisque la CSG joue maintenant le rôle pour lequel elles avaient été créées à l'époque où il n'existait pas de CSG, à savoir celui d'un prélèvement frappant tous les revenus pour des raisons d'équité, sans créer de droits sociaux en contrepartie. Comme vous le savez, les revenus de deux catégories de cotisants solidaires ne sont assujettis à la CSG que depuis l'année en cours, l'année 1999. S'agissant des exploitants agricoles non affiliés à la MSA parce que leur exploitation est trop petite, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que la plus élémentaire équité voudrait qu'on leur applique le principe général selon lequel l'assujettissement à la CSG des revenus d'activités doit entraîner une baisse au moins égale des cotisations sociales ? Quant à la cotisation dite des associés apporteurs de capitaux, quelle est sa justification une fois que les revenus en question seront assujettis à la CSG ? Les coûts de gestion très élevés et le faible rendement de cette cotisation plaident pour sa suppression.

Dixième, et, je vous rassure, dernier point,...

M. Germain Gengenwin.

Il est complet, ce rapport !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

... le nécessaire regroupement des caisses de MSA. J'ai identifié dans mon rapport écrit un certain nombre d'obstacles législatifs ou réglementaires à ce regroupement. Je voudrais savoir si le Gouvernement est décidé à donner une impulsion forte en ce sens.

Malgré les réticences du rapporteur, et en conclusion, la commission des finances a adopté les crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial.

La commission des finances a eu raison !

M. François Sauvadet.

C'est excellent, monsieur de Courson !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, premier orateur inscrit.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, ce budget est particulièrement significatif, puisque c'est le premier que vous nous présentez après l'adoption de la loi d'orientation agricole.

J'aurais envie de dire, pour commencer : quel constat d'échec pour l'agriculture après deux années de gouvernement socialo-communiste ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Paul.

Quelle caricature, surtout !

M. Jean Auclair.

N'oublions pas les écolos !

M. Jean-Michel Marchand.

Oui, on nous oublie ! (Sourires.)

M. Christian Jacob.

Les chiffres sont là, mes chers collègues, je n'y peux rien ! Lorsque Philippe Vasseur a été nommé ministre de l'agriculture, dans le gouvernement Juppé, il a mis en place une charte d'installation sous l'impulsion du Président de la République. Elle se traduisait, un an après, par une augmentation de 10 % du nombre d'installations. Et voilà qu'en deux ans votre Gouvernement réussit un exploit assez fantastique : entre 2 500 et 3 000 installations de moins !

M. Jean Auclair.

Beau résultat !

M. Christian Jacob.

Je pourrais également insister, mais je sais que mes collègues de l'UDF et de DL y reviendront largement, sur la diminution des crédits à l'installa-


page précédente page 09534page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

tion. A ce sujet, j'évoquerai notamment le FIA. Qu'est-ce qu'on n'avait pas entendu au moment de sa création ! Il fallait supprimer le FIDIL, qui nous semblait pourtant correspondre à une idée tout à fait intéressante parce qu'elle s'appuyait sur des initiatives locales. Dès qu'elles étaient identifiées, elles étaient soutenues par les départements ou les régions, et un fonds national abondait ces aides. Mais non, tout cela n'était pas bon, il fallait recentraliser les moyens, et pour ce faire on allait créer quelque chose de génial, le fonds d'installation agricole - mis en place par votre prédécesseur - et qui allait être l'alpha et l'oméga de la politique d'installation. Fort bien. Mais voilà que, un an après, on nous dit : finalement on le supprime et on l'intègre dans les CTE. Je vous rappelle que lors du débat de la loi d'orientation, vous nous aviez expliqué que les crédits pour l'installation ne seraient pas touchés, bien entendu, par les CTE, et que c'étaient deux choses complètement différentes. Mais la première mesure que l'on prend en matière d'installation, au-delà des diminutions de financement, c'est la suppression du FIA et son intégration dans le cadre du financement des

CTE ! Allons un peu plus au fond. D'où vient la chute vertigineuse du nombre des installations ? Il est clair qu'elle est liée au manque de perspectives, et pas du tout à une crise des vocations. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre d'élèves qui choisissent l'enseignement agricole - ce qui s'explique d'ailleurs aussi par la qualité de cet enseignement. Il n'y a donc pas de problème de vocation.

M. René André.

Bien sûr que non !

M. Christian Jacob.

Mais les jeunes manquent de perspectives. Ils attendaient de la loi d'orientation des mesures portant sur le cadre juridique de l'entreprise et sur son financement, allant dans le sens d'une véritable politique de baisse des charges. Et ils ne voient rien de tout cela. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que lors du débat que nous avions eu, vous aviez même refusé le principe de la baisse des charges. Bien sûr, vous allez me dire que tous ces aspects sont pris en compte, ou plutôt qu'ils le seront dans quelques mois. Autrement dit, chaque fois, on repousse à plus tard. Là, on nous dit qu'un rapport a été confié à Mme Marre, qui va nous faire des propositions. Après ce rapport, je suppose que nous devrons tenir de nombreux colloques, qu'il faudra réunir des commissions, qu'il sera indispensable de mettre en place des groupes d'études pour analyser les choses plus en détail, histoire de faire durer encore un peu les choses.

M. Philippe Auberger.

Il faudra aussi créer des observatoires !

M. Christian Jacob.

Cela a été la même chose pour l'assurance récolte, souvenez-vous. C'était, là aussi, une perspective intéressante que nous voulions inscrire dans la loi d'orientation agricole. Que nous a-t-on répondu ? Qu'on allait créer un groupe de travail ! Comme si les travaux n'étaient pas suffisamment avancés ! Les proposit ions des organisations agricoles étaient prêtes, des groupes d'experts s'étaient réunis. Mais non, il fallait encore un groupe de travail. C'est fabuleux, cette politique des commissions et des groupes de travail ! Autre point que je voudrais relever : la TGAP.

M. Philippe Auberger.

Quel malheur !

M. Christian Jacob.

Au risque de vous choquer, monsieur le ministre, je dirai que c'est un double scandale.

C'est d'abord un scandale sur le plan des principes.

Comment se fait-il que vous n'ayez pas pu être entendu au sein de votre propre gouvernement, pour faire en sorte que le produit de la TGAP soit affecté aux problèmes environnementaux de l'agriculture ?

M. René André.

Tout à fait !

M. Philippe Auberger.

C'est un détournement de fonds !

M. Christian Jacob.

François Patriat rappelait tout à l'heure les problèmes liés aux PMPOA. Or, avec la TGAP, on institue un droit à polluer, en contrepartie duquel on collecte des fonds. Et au lieu de l'inscrire dans le budget général de l'Etat, on pousse le vice jusqu'à la faire voter dans le cadre du budget de la sécurité sociale.

Tout cela parce que Mme Aubry a besoin de financements pour boucler son budget. Autrement dit, on veut faire payer à des gens qui travaillent douze à quinze heures par jour - je pense notamment aux éleveurs - la mise en place de la politique des 35 heures.

M. René André.

Exactement !

M. Philippe Auberger.

C'est un scandale ! Un détournement de fonds !

M. Christian Jacob.

Je vois que cela fait sourire les membres de votre cabinet, monsieur le ministre. On peut toujours sourire, mais c'est bien la vérité. Cette mise en place des 35 heures représente un coût insupportable pour les agriculteurs.

D'autre part, ne pouvait-on pas affecter la TGAP aux PMPOA ? Le coût de mise en place des plans de modernisation et de mise aux normes, c'est en moyenne à peu près un million de francs, voire davantage. Il était possible de préaffecter le produit de la TGAP pour couvrir ces besoins. Ou pour aider à la mise aux normes des silos, ou pour d'autres mesures encore.

Vous nous parlez aussi, monsieur le ministre, de la politique de qualité. Vous en faites l'alpha et l'oméga de votre budget en disant qu'il faut aller dans ce sens. Sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord. La politique de qualité, vous le constaterez quand nous défendrons nos amendements, nous l'avons largement prise en compte.

Mais votre effort fantastique dans le domaine de la qualité, en quoi consiste-t-il ? En une augmentation de 50 millions de francs, soit 0,2 % de votre budget ! Il faut aller après le zéro et après la virgule pour trouver votre geste significatif en matière de qualité ! J'en profite pour ajouter un mot sur l'actualité. Je veux parler de l'embargo.

M. Philippe Auberger.

Nous sommes bien embarqués !

M. Christian Jacob.

Je suis stupéfait de ce qui se passe en ce moment. Lors d'un Conseil des ministres européen qui s'est tenu en 1998, la possibilité de lever l'embargo a été évoquée. Un certain nombre d'Etats, au premier rang desquels l'Allemagne, ont refusé clairement...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Un seul Etat ! Pas « un certain nombre », un seul !

M. Christian Jacob.

L'Allemagne a refusé clairement la levée de cet embargo, en assumant la décision politique qui revient à un ministre. Car ce choix politique relève bien de la responsabilité du ministre. Au début de cette crise, c'est Philippe Vasseur qui a mis en place le logo

« viande bovine française ». S'il s'était abrité derrière une commission d'experts, cela aurait été refusé. Tout le monde était contre, à commencer par la Commission.

Simplement, il a eu le courage politique de prendre la décision qu'il a prise.


page précédente page 09535page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr ! Le problème, aujourd'hui, c'est un manque de courage !

M. Christian Jacob.

Je ne comprends pas. Car je vous connais un peu, monsieur le ministre, et je sais qu'en règle générale ce n'est pas le courage qui vous manque.

Alors que s'est-il passé ? Je ne sais pas. Peut-être y a-t-il eu un accord entre M. Jospin et M. Blair ? Toujours est-il que vous vous êtes abrité derrière une commission d'experts, laquelle a été aussitôt désavouée par une commission européenne.

M. Jean Auclair.

C'est, en effet, du cinéma ! Quelle comédie !

M. Christian Jacob.

Le résultat, c'est qu'on se trouve à présent dans un imbroglio, et qu'on ne sait plus comment en sortir. Le seul moyen d'en sortir, c'est effectivement l'application à la lettre des cinq points qui ont été prédéfinis. On verra ce que cela donnera dans les semaines ou, peut-être, dans les jours qui viennent.

Puisque je vois devant moi des clignotants qui s'allument, je comprends qu'il me faut conclure. Je veux simplement évoquer, pour finir, les points sur lesquels nous allons concentrer nos propositions d'amendement. Le premier est votre politique en matière d'installation, monsieur le ministre, car on assiste à un véritable désengagement, qui se traduit par un effondrement du nombre d'installations annuelles. Il y a aussi la question de la baisse des charges : rien, sur ce sujet, ne figure dans ce budget.

Autre point, tout aussi important : les mesures agrimonétaires. Vous le savez, le passage de l'écu vert à l'euro induit une variation de taux de 1,92 %, ce qui représente, s'agissant des aides, un peu plus de 800 millions de francs. Or si les choses sont réglées pour l'année 1, puisque le financement est communautaire, il n'en va pas de même pour l'année 2. Car le financement devra être en partie franco-français. Il faut trouver entre 270 et 275 millions de francs. Là non plus, rien n'est prévu par votre projet de budget. Cela pose le problème de la neutralité du passage à l'euro. Vous savez que le passage à l'euro doit se traduire par une incidence nulle, et ce pour l'ensemble des ressortissants européens. Il y a au moins une catégorie sociale pour laquelle ce ne sera pas le cas : les agriculteurs.

M. Bernard Accoyer.

C'est comme pour les 35 heures !

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Philippe Auberger.

On crée des impasses !

M. Christian Jacob.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques enseignements que je peux tirer de votre projet de budget. Vous comprendrez aisément que nous voterons contre, de manière déterminée. Sauf, monsieur le ministre, si un éclair de bon sens vous faisait accepter nos amendements. Le débat reste donc ouvert.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Aimé Kerguéris.

M. Aimé Kerguéris.

Monsieur le ministre, le projet de budget de l'agriculture que vous nous présentez est, je tiens à le dire, tout à fait décevant. D'autant plus décevant que notre agriculture et nos agriculteurs doivent répondre à de nombreux défis et faire face à de nombreux handicaps, à un moment où l'agriculture française subit plusieurs crises graves : légumière, avicole, porcine.

Compte tenu de ces éléments, et des possibilités financières que vous offre une conjoncture économique favorable, nous aurions été en droit d'attendre un budget volontariste et plus dynamique. Au lieu de cela, vous nous proposez un projet de budget qui favorise les crédits de fonctionnement au détriment des crédits d'investissement.

Si l'on regarde de plus près votre budget, on s'aperçoit en effet que les moyens des services augmentent encore de près de 10 % par rapport à 1999, et que les crédits d'intervention ne représentent plus que 58 % du budget, contre 67 % en 1999.

Alors que notre agriculture doit faire face à une PAC réformée, aux négociations de l'OMC, aux attentes des Français en matière de sécurité alimentaire, aux attentes d es agriculteurs face aux crises sectorielles qu'ils connaissent, on ne peut pas admettre qu'à l'occasion de la loi de finances, votre gouvernement ne montre pas un peu plus de courage et de volonté. Je prendrai à cet égard trois exemples.

Le premier a trait au financement des contrats territoriaux d'exploitation mis en place par la loi d'orientation agricole du 9 juillet dernier. Vous avez annoncé que 300 millions de francs seraient pris sur le budget national et que 150 millions de francs proviendraient de ressources européennes, soit un total de 450 millions de francs, devant permettre de financer environ 10 000 CTE.

M algré ces chiffres, ces contrats territoriaux d'exploitation, fort attendus dans le monde rural, suscitent aujourd'hui de vives inquiétudes parmi les agriculteurs.

Mon deuxième exemple concerne l'installation des jeunes. En 1997, le nombre des installations aidées s'élevaient à 9 204. Pour 1999, il s'élèvera entre 7 000 et 8 000, et sans doute moins de 7 000 en l'an 2000.

Ce chiffre, en nette diminution, est tout à fait insuffisant. Il est le résultat d'une politique désastreuse en la matière.

En effet, au lieu de prendre toute mesure incitant les jeunes à s'installer, vous réduisez de 24 % les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs, qui passent ainsi de 645 à 490 millions de francs, et vous supprimez le fonds d'installation en agriculture, qui bénéficiait, lui, de 145 millions de francs.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

On le retrouve dans les CTE.

M. Aimé Kerguéris.

Vous constatez la diminution des installations, mais il n'y a rien dans votre budget pour la corriger.

Mon troisième exemple porte sur la sécurité alimentaire et les crises sectorielles.

Les crises de la « vache folle » et du « poulet à la dioxine » ont renforcé la pression de l'opinion publique dans le domaine de la sécurité alimentaire.

Concernant les crises sectorielles, les principales filières connaissent des difficultés qui ne sont pas prises en compte dans votre budget.

Le secteur des fruits et légumes d'été voit le nombre de ses agriculteurs en constante diminution. Entre moins 10 % et moins 14 % par an, sans qu'aucune mesure ne soit prise.

Dans le secteur des ovins, la France est passée en quinze ans d'une autosuffisance de 72 % à 37 % aujourd'hui.

Dans le secteur porcin, la sortie de la crise est lente et difficile.


page précédente page 09536page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Le secteur avicole est, quant à lui, gravement affecté par la fermeture des marchés russe et asiatique et par la diminution des restitutions communautaires.

Aujourd'hui, les exploitants sont sous-rémunérés et attendent de votre part une volonté politique affirmée et des moyens visant à l'amélioration sanitaire de leurs installations, au renforcement des productions de qualité et à la mise en place de plans de cessation d'activité.

On ne peut également comprendre, monsieur le ministre, qu'à l'occasion de cette loi de finances, vous ne prépariez pas mieux l'avenir de nos agriculteurs.

Je prendrai ici deux exemples.

D'abord, celui des modulations des aides européennes.

Officiellement, la modulation est introduite pour assurer un meilleur équilibre entre les productions et les régions.

Le résultat est cependant bien différent : en effet, seuls les agriculteurs français vont subir cette modulation.

Cette mesure entraîne donc des distorsions de concurrence avec d'autres Etats européens, et notamment les grandes exploitations d'Allemagne de l'Est.

Le seuil que vous avez choisi pour le prélèvement est de 250 000 francs d'aides européennes par an, ce qui correspond à une exploitation d'environ 100 hectares de céréales ou de colza. Un barème progressif, en fonction du montant des aides, s'appliquera jusqu'à un plafond de p rélèvement de 20 % pour ceux qui touchent 700 000 francs d'aide, ce qui correspond à une ferme d'environ 280 hectares.

Ce sont 30 000 à 35 000 exploitations qui seraient ainsi touchées par ces mécanismes de modulation ; 80 % des exploitations seraient amputées de 6 % de leurs aides ; 1 500 agriculteurs se verront prélevés de 20 %, le taux maximal. Quant au secteur bovin, 6 % des élevages sont visés, à un taux moyen de 5 %.

M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. Aimé Kerguéris.

Autre exemple, le poids de la TGAP. Son extension aux produits phytosanitaires touche de plein fouet les agriculteurs.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

M. Aimé Kerguéris.

Ce nouvel impôt aggrave un peu plus la situation de nos agriculteurs, qui, vous en conviendrez, n'avaient pas besoin de cela,...

M. François Sauvadet.

Certes non !

M. Aimé Kerguéris.

... sans parler des répercussions qu'il ne manquera d'entraîner en termes d'emploi. Il crée également une distorsion de concurrence vis-à-vis des

Etats tiers, qui n'ont pas introduit ce type de taxe. Enfin, pour arriver au comble de l'absurdité, ce nouvel impôt ne servira en rien à la protection de l'environnement,...

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Aimé Kerguéris.

... puisque les ressources qu'il doit générer seront affectées au financement des 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le projet de BAPSA, quant à lui, s'élève pour l'année 2000 à 88 milliards de francs, soit une diminution de 1,2 milliard de francs. Cette diminution n'est guère encourageante quand on connaît la situation de nos agriculteurs en matière de retraite.

Quant aux prestations familiales, avec 3,8 milliards de francs en 2000, elles connaissent une baisse de 3,7 % par rapport à 1999.

M. Bernard Accoyer.

Mais à côté de ça, on trouve bien 8 milliards pour le PACS !

M. Aimé Kerguéris.

Les dépenses d'assurance vieillesse s'élèvent, elles, à 49 milliards de francs, soit une baisse de 1,2 milliard de francs par rapport à 1999.

La lecture de ces chiffres ne laisse pas entrevoir, monsieur le ministre, une grande volonté d'amélioration des retraites agricoles.

Pourquoi ne pas avoir prévu, par exemple, des mesures simples, telles que la mensualisation des retraites, à l'instar de ce qui existe pour les commerçants et les artisans ? De même, pourquoi ne pas mettre en place un système forfaitaire pour la majoration pour enfant ? En effet, actuellement égale à 10 % du montant de la pension, elle désavantage les retraités qui ont les plus faibles pensions.

Enfin, monsieur le ministre, au-delà de ces mesures, l'amélioration des retraites agricoles passe par la mise en oeuvre d'un régime de retraite complémentaire par répartition.

En ce qui concerne le budget pêche, on ne peut que déplorer, cette année encore, l'insuffisance des crédits, qui montre à quel point vous vous désintéressez de ce secteur d'activité.

Avec une augmentation globale des dotations de 2,3 %, contre 3 % dans le budget de l'agriculture dans son ensemble, la pêche reste une fois de plus la dernière roue du carrosse de votre budget.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas un carrosse, c'est une brouette !

M. Aimé Kerguéris.

Alors que la France dispose de la plus grande façade maritime et du plus grand nombre de ports de pêche au sein de l'Union européenne, cette politique en demi-teinte ne trouve aucune justification.

S'agissant des dispositions de votre budget, je voudrais monsieur le ministre, insister sur trois points : Tout d'abord, le plan d'orientation pluriannuel.

La Commission augmente sa pression. Le projet de nouveau règlement « structure », actuellement débattu au Conseil, constitue un véritable coup de force. Il donnerait à la seule Commission le pouvoir de fixer les taux de réduction du futur POP sans passer par le Conseil, ce qui revient à donner un droit de « vie et de mort » sur les flottilles et les territoires. Il « pointe par ailleurs le nez » sur le POP V en prévoyant de fixer à 130 % le coefficient de réduction, et ce alors même que le POP IV ne se termine qu'en 2001 et que le POP V n'a en rien été débattu par les ministres. Nous atteignons le summum de la technocratie ! La situation faite à la France est d'autant plus choquante que la plupart des autres Etats membres ne semblent suivre le POP que très approximativement : l'Italie ne fournit aucun chiffre sérieux ; l'Irlande a obtenu des abondements politiques ; l'Espagne joue à fond sur l'importante section internationale de son POP.

Quant à la Hollande, elle refuse avec bonheur toute réduction et brouille admirablement les cartes en poussant jusqu'à l'absurde les modes de gestion proposés par la CCE ! Elle a donc comme caractéristique principale d'être devenue rigoureusement incontrôlable.

La France, quant à elle, qui se veut « vertueuse », se laisse ainsi largement déborder par les pêcheries voisines.

Il serait grand temps, monsieur le ministre, qu'elle s'en rende compte et qu'elle remette en cause un régime qui a largement été dévoyé ! Le deuxième point que j'évoquerai est celui de l'installation des jeunes.


page précédente page 09537page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Préserver l'activité, l'emploi et une pêche raisonnée et durable sur nos côtes : tels sont les véritables garants de l'installation des jeunes.

Le projet d'une charte de l'installation, venant en complément de la loi d'orientation, permettrait aux jeunes pêcheurs, comme aux jeunes agriculteurs, de reprendre espoir et de bénéficier d'une égalité de chances.

Ce projet doit comporter un volet formation et un volet financier, comparable à la dotation jeune agriculteur.

Mais il doit surtout exprimer une volonté politique forte.

Enfin, le troisième point que j'aborderai est celui des marchés.

Pour ce qui est de l'OFIMER, on ne peut que déplorer, une fois encore, l'absence de volonté politique, laquelle se traduit dans les chiffres de votre budget.

Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, qu'avec une reconduction à l'identique des crédits, soit 95 millions de francs, l'OFIMER puisse faire mieux que le FIOM et mener à bien la mission qui lui a été confiée ? Même le rapporteur, M. Dominique Dupilet, a fait état, en commission et dans son rapport écrit, du peu de cas que vous faites de cet office et du doute que le simple maintien de ces crédits peut « faire peser sur votre volonté de créer un véritable office des produits de la mer ».

La loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines prévoyait, dans son article 13, qu'un rapport sur la pêche côtière serait remis. Où en est ce rapport ? Par ailleurs, il semblerait que les ports de pêche qui ne sont pas inscrits dans la nouvelle zone objectif 2 ne pourraient plus bénéficier des aides de l'IFOP, ce qui serait très grave pour la modernisation de la pêche artisanale et de l'ostréiculture. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point ? En ce qui concerne l'ostréiculture et l'aquaculture, il serait souhaitable d'aider la profession à organiser ses circuits de commercialisation, qui dépendent de plus en plus du bon vouloir de la grande distribution.

Je suis persuadé que, comme en agriculture dans les années 60, seul un système d'aide à l'organisation de la profession permettra à la conchyliculture de répondre aux défis de demain sur la commercialisation et sur la qualité des produits mis sur le marché.

Pour toutes ces raisons, pour d'autres que je n'ai pas le temps d'énumérer, et surtout parce que, encore une fois, nous ne trouvons pas dans ce budget la volonté déterminée de redresser la situation agricole et maritime de notre pays,...

M. André Angot.

C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Aimé Kerguéris.

... le groupe Démocratie libérale votera contre ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Monsieur le ministre, la disc ussion du budget de l'agriculture constituent un moment fort pour le monde agricole, car il est l'occasion d'une réflexion intense entre vous-même, les parlementaires et les différentes organisations professionnelles représentatives du monde agricole.

Au-delà de ce budget, cette année aura été marquée par la mise en place progressive de la loi d'orientation agricole, par de graves crises de production - celles du porc, de la volaille, des fruits -, par une remise en cause d'un mode d'alimentation dénommé « malbouffe », fondé avant tout sur une production de masse indifférenciée, par les doutes qu'inspirent les épandages de boues de station d'épuration, par la remise en cause des organismes génétiquement modifiés, par la tenue d'une table ronde, le 21 octobre, entre le ministère et les organisations professionnelles agricoles, et par le début des négociations préliminaires sur l'OMC.

A la lumière de ces événements, une question se pose : ne risque-t-on pas de voir le devenir de notre agriculture échapper au pouvoir politique ? Ainsi, cet été, les manifestations paysannes s'en sont moins prises aux préfectures qu'aux grande surfaces ou à certaines chaînes de restauration rapide.

M. Christian Jacob.

Et à certains parlementaires !

M. Jacques Rebillard.

Les agriculteurs ne risquent-ils pas de découvrir que les vrais décideurs locaux ne sont plus les préfets, mais les directeurs d'hypermarchés ?

M. Bernard Accoyer.

Que faites-vous de la responsabilité politique ?

M. Jacques Rebillard.

Le politique doit retrouver l'initiative. Ce budget lui en donne-t-il les moyens ? A travers l'analyse de ce dernier, nous allons essayer de répondre à cette question.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

C'est une autre approche intelligente !

M. Christian Jacob.

Pas responsable, pas capable !

M. Jacques Rebillard.

Je voudrais tout d'abord souligner l'intérêt pour l'agriculture des prochaines assises de la distribution, voulues par Lionel Jospin et qui se tiendront en janvier 2000.

M. Christian Jacob.

Cela va être un « grand moment » !

M. Jacques Rebillard.

Leur objectif est de moraliser les relations entre les acheteurs et les fournisseurs. Quels qu'en soient les résultats, la profession agricole devra améliorer l'organisation de ses filières et la mise sur le marché de ses produits. A chacun ses responsabilités : c'est ce que vous avez rappelé, monsieur le ministre, à l'occasion de la dernière crise fruitière de cet été. La profession agricole doit s'appuyer pour cela sur les dispositions de la loi d'orientation agricole concernant les organ isations de producteurs, l'organisation interprofessionnelle et les signes d'identification de la qualité ou de l'origine.

Les offices agricoles, dont les missions ont été rappelées à l'occasion du vote de cette loi, doivent, bien sûr, jouer un rôle beaucoup plus actif dans la structuration des filières. Les crédits qui leur sont attribués, 2,3 milliards de francs, doivent être avant tout appréciés à la lumière de leurs résultats plutôt qu'en fonction de leur taux d'évolution annuelle.

Venant en complément de cette action, le contrat territorial d'exploitation devrait être un puissant encouragement de structuration des filières...

M. Christian Jacob.

N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer.

On peut rêver !

M. Jacques Rebillard.

... et de mise sur le marché de produits de qualité.

Les 950 millions de moyens financiers prévus dans le budget permettront le démarrage de ces contrats.


page précédente page 09538page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Je pense toutefois qu'il serait nécessaire que tout candidat à un CTE participe à une journée d'information sur les objectifs du contrat.

M. Christian Jacob.

Pour comprendre, il faut au moins une journée !

M. François Sauvadet.

Je ne suis pas sûr qu'un journée suffise !

M. Jacques Rebillard.

L'Etat, en effet, ne doit pas renoncer à rappeler les objectifs de base du contrat territorial d'exploitation, car il faut éviter que ce dernier ne devienne rapidement un droit à un complément de revenu.

Le financement du CTE sera assuré à partir de l'année prochaine par la modulation des aides.

M. Christian Jacob.

Inadmissible !

M. Jacques Rebillard.

Attention, monsieur le ministre, à ne pas tomber dans le piège de la complexité sous prétexte de vouloir rendre le système plus juste ! En définit ive, vous risqueriez d'accroître le nombre des mécontents. En tout cas, ce dispositif, qui est justifié, doit garder un maximum de lisibilité.

Certaines affaires, telles que celles de la vache folle, du poulet à la dioxine, des boues de station d'épuration ou des OGM, posent le problème général des protéines en agriculture. Les domaines concernés sont divers, mais il faudrait commencer par peser sur les négociations à venir pour obtenir que l'Europe puisse développer ses surfaces en oléoprotéagineux, ce qui contribuerait à rééquilibrer d'autant le marché des céréales. Ce serait en tout cas faire un pas vers plus de sécurité et de qualité dans l'alimentation animale et humaine.

Les organismes génétiquement modifiés et les boues de station d'épuration doivent faire l'objet d'un large débat public dont les réponses pèseront fortement sur l'agriculture.

Les moyens mis en place en matière de sécurité alimentaire, soit 885 millions de francs, sont en très nette augmentation. Toutefois, les principes de précaution devraient prévaloir sur les actions de contrôle, selon le principe qu'il vaut mieux prévenir que guérir. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments jouera un rôle prééminent dans ce dispositif.

Il est aussi évident que la préoccupation environnementale prend une place de plus en plus importante dans ce budget. Ainsi, le maintien à un niveau élevé du PMPOA - 175 millions de francs - est un signe important et encourageant.

M. François Sauvadet.

Qu'est-ce que 175 millions de francs ?

M. Jacques Rebillard.

Le système reste toutefois complexe, avec des financements croisés qui proviennent aussi des collectivités locales et de l'agence de bassin.

L'envoi des premières redevances relance le débat sur l'information et sur les retards pris dans la mise en place des financements.

Je souhaite, monsieur le ministre, que les quelques dossiers litigieux soient traités dans un souci d'apaisement, car seul compte le résultat.

En dépit des difficultés avec Bruxelles, la prime à l'herbe est reconduite à hauteur de 680 millions de francs. Là encore, une attention toute particulière devrait être portée aux quelques agriculteurs dont les demandes de prime ont été rejetées en 1999 et qui sollicitent, pour l'année 2000, leur intégration dans le dispositif.

Même si la TGAP ne figure pas au budget, elle est dans tous les esprits. Sa justification ne nous pose pas de problèmes. Je pense que son recouvrement doit être simple, de même que son calcul. Je tiens à vous dire, monsieur le ministre, en toute amitié, que si l'on veut que la TGAP soit incitatrice, il faut que vous obteniez que son produit revienne dans le milieu agricole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Germain Gengenwin.

En effet, elle ne doit pas servir à financer les 35 heures !

M. Jacques Rebillard.

Cette préoccupation environnementale se retrouve dans la suppression de la taxe forestière, soit 310 millions de francs. Cela contribuera à dynamiser une politique forestière capable de développer l'emploi et d'assumer des fonctions régulatrices et épuratrices en matière d'environnement.

Ce budget devrait permettre de poursuivre les efforts en matière d'installation des jeunes : 2,5 milliards de francs y seront consacrés.

Le financement d'emplois-jeunes n'apparaît pas dans le présent budget. Dès lors, comment se fera la mise en place d'emplois-jeunes propres à favoriser la pré-installation ? Dans ces conditions, les installations hors cadre familial ne devraient pas être pénalisées par la disparition du FIA.

La formation est sans doute le défi le plus important que le milieu rural ait à relever car l'avenir du monde rural dépend de la qualité de la formation que ces femmes et ces hommes recevront.

Un effort continu en faveur de la formation, de l'enseignement agricole et de la recherche - il se chiffre à plus de 7 milliards - permettra, entre autres, la création de nombreux postes d'enseignants et d'ATOSS, et de faire reculer la précarité des plus faibles.

La volonté de rapprocher l'enseignement agricole et l'éducation nationale et de créer des synergies entre eux me paraît tout à fait pertinente en zone rurale.

Nous nous félicitons encore de la poursuite du rattrapage en matière de retraite agricole, au rythme annuel de 1,2 milliard par an, et cela depuis trois ans.

Ce budget permet-il de répondre à des préoccupations d'actualité qui ne sont pas seulement celles des agriculteurs mais aussi celles de toute la société ? Permet-il aux agriculteurs de prendre leur avenir en main sans être les jouets des seules forces du marché et des restructurations capitalistiques ? Je pense que oui, monsieur le ministre, et je me suis efforcé d'en faire la démonstration.

Les moyens de votre ministère ont été renforcés de plus de 800 millions de francs. C'était nécessaire, monsieur le ministre, mais cela n'est pas suffisant, car il faudra continuer à peser sur les événements avec beaucoup de ténacité, comme vous l'avez fait, comme vous le faites - et nous tenons à vous en remercier - et comme vous continuerez à le faire.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, les députés radicaux de gauche membres du groupe Radical, Citoyen et Vert voteront le budget de l'agriculture pour 2000. Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour tous les efforts que vous déployez en faveur de l'agriculture et vous remercions aussi par avance pour les réponses que vous apporterez à nos questions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)


page précédente page 09539page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, avant d'évoquer devant vous le budget de l'agriculture pour 2000, je voudrais porter un instant le regard en arrière.

L'année qui va bientôt s'achever pouvait apparaître pour le ministère de l'agriculture comme l'année de tous les dangers : la négociation de la PAC s'annonçait difficile, tant les intérêts français paraissaient éloignés des préoccupations de la Commission européenne ; l'épidémie de l'ESB et d'autres risques alimentaires graves pour la santé publique provoquaient une crise de confiance profonde parmi les consommateurs ; des difficultés sectorielles - crise porcine, crise ovine, crise des fruits et légumes - nourrissaient une inquiétude légitime dans plusieurs régions ; enfin, les préparatifs du rendez-vous de l'OMC pouvaient laisser craindre l'isolement de la France.

Au moment, monsieur le ministre, où vous nous présentez votre budget pour l'an 2000, même si tout n'est pas résolu, il faut reconnaître que tous ces risques ont été bien maîtrisés par le Gouvernement. Au fil des interventions, la majorité saura du reste vous en féliciter. Il m'aurait paru équitable que l'opposition soit au moins capable de vous en donner acte. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

Nous ne sommes pas suicidaires !

M. Christian Paul.

L'agriculture française vient de connaître une année charnière, sans doute un tournant historique, à coup sûr une période déterminante, que les priorités de ce budget viennent très concrètement illustrer.

Les accords de Berlin, même si nous leur reprochons parfois de manquer d'ambition et de force d'orientation, restent un compromis utile pour notre agriculture. Ils seront, n'en doutons pas, un levier utile et efficace dans les futures négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Les mesures nationales qui les accompagnent à travers votre budget sont d'ores et déjà appréciées par les professionnels ; je le vérifie tous les jours dans le bassin allaitant, et je pense qu'il en est de même ailleurs.

La gestion des crises sanitaires s'est faite sans faiblesse ni nervosité et a été conduite dans le respect du principe de précaution. La recherche d'un compromis, lorsque cela était possible, s'est toujours faite sans transiger avec la santé des Français et des Européens.

La gestion des crises sectorielles, souvent douloureuses, qui marqueront pour certaines la mémoire de nos campagnes, a été menée sans démagogie, en ayant à l'esprit lar echerche de solutions durables, et en renouvelant, chaque fois que c'était nécessaire, le recours à la solidarité nationale.

Au-delà, la loi d'orientation agricole a redéfini avec précision notre conception de l'agriculture et de sa place dans la société française. Et ce sont bien les ambitions de loi d'orientation que nous avons votée que le Gouvernement met en oeuvre à travers les priorités de ce budget pour 2000.

Affirmer que l'agriculture remplit plusieurs fonctions, c'est bien. Mais lui accorder des moyens suffisants dès l'année prochaine, c'est encore mieux.

Si quelques-uns ici en doutaient encore, les voilà rassurés ! Avec 950 millions de francs dans votre budget, monsieur le ministre, et 2 milliards de francs au total, les contrats territoriaux d'exploitation vont progressivement modifier en profondeur la conduite de la politique agricole.

Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent qu'il faut consacrer moins d'argent public à l'agriculture. Cette année, les crédits de l'agriculture s'élèvent à près de 30 milliards de francs, soit, en valeur réelle, une croissance de 3 %, et il faut s'en réjouir.

M. Christian Jacob.

Non ! Cela ne vaut que si l'on prend en compte le fonds forestier. Sinon, la croissance est négative : moins 0,3 % !

M. Christian Paul.

Mon cher collègue, reprenez votre calculette ! Il faut se réjouir de cette hausse, disais-je, car le maintien de notre agriculture et la vitalité de l'espace rural sont des enjeux d'intérêt général.

Le contrat territorial d'exploitation permet d'amorcer un mouvement se traduisant par une meilleure utilisation de l'argent public, un usage des aides de l'Etat et de l'Europe conforme à des critères plus légitimes, et une répartition plus équitable des concours financiers à l'agriculture par la modulation des aides directes de l'Union européenne. Les Français et la très grande majorité des agriculteurs - et c'est ce qui nous importe aujourd'hui nous disent que ce cap est le bon et qu'il n'en faut pas dévier.

Réorienter l'agriculture française et européenne, c'est aussi renforcer la qualité de nos productions et la sécurité alimentaire. En consacrant près d'un milliard à cet enjeu, le ministère de l'agriculture indique la conduite à tenir, avec l'effort porté sur l'identification des animaux, sur les réseaux de contrôle et de vigilance, ainsi que sur l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

Je voudrais enfin saluer dans ce budget trois efforts qui intéressent toutes les générations successives qui ont fait ou qui font aujourd'hui l'agriculture française.

Le premier effort porte sur la formation. Les moyens nouveaux accordés à l'enseignement agricole - hausse de 4 % des crédits, soit une hausse supérieure à celle des crédits de l'éducation nationale - et 380 emplois créés permettront, pour une bonne part, d'entamer de façon résolue une démarche pour sortir de la situation de précarité que connaissent encore de trop nombreux personnels.

Le deuxième effort porte sur l'installation. Celle-ci doit rester une priorité majeure. Plus encore que par la reconduction des aides à l'installation, c'est bien dans une très grande vigilance en matière de politique des structures que résident nos moyens d'intervention. La réhabilitation de l'installation progressive par les CTE est entamée. La possibilité, à travers le dispositif emplois-jeunes, de faciliter les reprises d'exploitations agricoles est une piste que le Gouvernement souhaite explorer, et nous nous en réjouissons.

Enfin, la poursuite de la revalorisation des retraites agricoles pour la génération des anciens est le troisième point sur lequel portent les efforts. Cette revalorisation a été voulue depuis trois ans par Lionel Jospin et la majorité. Des crédits d'un montant de 1,6 milliard sont alloués pour se rapprocher avant la fin de la législature du minimum vieillesse.

Dans ce domaine, comme dans d'autres qui relèvent de la politique agricole, je veux, monsieur le ministre, souligner et saluer le respect des engagements pris et des


page précédente page 09540page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

principes qui vous guident. La politique que vous conduisez est aujourd'hui comprise et reconnue par l'opinion publique, dans les campagnes comme dans les villes.

C'est pour cela, monsieur le ministre, que le groupe socialiste, non content de voter les crédits nécessaires à la mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole de la France, sera à vos côtés sur le terrain pour l'expliquer et pour la défendre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Ce budget, nous l'attendions, monsieur le ministre, parce que c'est le premier que vous avez préparé vous-même. Celui de l'an dernier avait été pour l'essentiel préparé par votre prédécesseur.

Ce budget, nous l'attendions aussi parce qu'il est le premier après le vote de la loi d'orientation agricole et qu'à ce titre il marque l'an I de votre nouvelle politique.

Je ferai un premier constat : contrairement à ce que vous laissez entendre, l'agriculture n'est pas dans les priorités du Gouvernement. Si je me réfère aux chiffres qui viennent d'être donnés, nous déplorons, à structure constante, une baisse de l'ordre de 0,5 %. Votre budget est le seul avec celui du ministère de la défense à diminuer, et ce pour la deuxième année consécutive. C'est un signe que la profession appréciera alors que nous en sommes à la première année d'application de la loi d'orientation agricole, qui devait marquer un nouvel élan.

Je constate en le regrettant que votre gouvernement ne se donne pas les moyens d'une politique agricole, qu'il a fondée d'une manière pratiquement exclusive sur des redéploiements et des prélèvements, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure à propos de la modulation. D'ailleurs et contrairement à ce que vient d'affirmer Christian Paul, on entend plus clairement, aujourd'hui que votre politique se met en place, les inquiétudes très fortes que celle-ci suscite dans la profession agricole, dont vous disiez il y a quelques mois qu'elle était moins inquiète que nous ne le relations nous-mêmes. Les choses évoluent : votre budget porte en germe les ferments mêmes de ces inquiétudes.

Je parlerai d'abord du financement des CTE, auxquels on veut faire jouer tous les rôles et, par voie de conséquence, celui de passage obligé, y compris pour l'installation. Je ne reviendrai pas sur la complexité, que nous dénoncions il y a quelques mois, du système, ni sur le risque de « suradministration » que nous avons souvent évoqué. En effet, chacun peut constater la complexité de l'exercice dans lequel vous voulez engager notre agriculture et déplore le flou qui, aujourd'hui encore, entoure la mise en place des CTE et les conditions dans lesquelles sera assuré leur financement.

Mais une chose est sûre : les CTE se voient dotés de près d'un milliard de francs, sans compter le produit, à due concurrence, de la modulation, sur un budget de l'ordre de 28 milliards. C'est sur le principe même du financement des CTE que j'aimerais revenir, pour regretter le choix qu'a fait votre gouvernement d'appliquer - il est le seul en Europe - la modulation, car ce choix sera lourd de conséquences.

M. Joseph Parrenin.

C'est un choix courageux !

M. François Sauvadet.

Quand nous vous avions alerté sur les risques qu'une telle mesure comportait à l'échelon européen, vous nous aviez assuré que notre pays ne serait pas le seul à s'engager dans cette voie et que les contacts que vous aviez eus laissaient présager que d'autres Etats nous rejoindraient. Or la France est aujourd'hui la seule à appliquer la modulation. Cela ne fera que pénaliser notre agriculture, alors que celle-ci doit pouvoir être présente sur les marchés extérieurs - c'est par voie d'amendement, je vous le rappelle, mes chers collègues, que nous avions rappelé cette vocation à l'exportation.

M. Christian Jacob.

Il avait fallu se battre pour convaincre !

M. François Sauvadet.

En outre, la modulation pose un problème de fond à la fois économique et territorial.

C'est l'avenir de certaines filières qui est en jeu, comme celle des cultures spécialisées. Germain Gengenwin et d'autres pourraient vous parler des conséquences à venir pour le tabac, la fécule de pomme de terre ou encore la filière oléoprotéagineuse.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

Vous vous trompez lourdement, monsieur le ministre, en voulant utiliser des compensations économiques comme outil de redistribution. Elles ont été créées pour l'essentiel pour compenser une baisse des prix...

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Eternelle ?

M. François Sauvadet.

... intervenue à la suite de la réforme de la PAC de 1992 et que les contraintes de la productivité et l'ampleur des charges ne permettaient pas aux agriculteurs de supporter.

Sans doute fallait-il engager une réflexion - nous y étions tout disposés - pour trouver les moyens d'éviter une sorte d'encouragement à la course à l'hectare. Mais c'est là le rôle essentiel d'une politique des structures.

Redistribuer les aides comme vous entendez le faire, c'est vouloir faire jouer aux compensations économiques un rôle qui revient à l'impôt. En tentant de leur faire jouer un rôle de régulation financière, ce ne sont pas les hauts revenus que vous allez pénaliser, selon le vieux schéma d'opposition entre les riches et les pauvres qui vous habite, mais toutes les exploitations qui produisent dans des secteurs aidés et qui n'ont souvent pas d'alternative de production.

Ainsi, les zones intermédiaires - François Patriat y a fait allusion - vont être frappées de plein fouet. En Bourgogne, me dit-on, plus de 12 % des exploitations pourraient faire l'objet d'une modulation. Certes, monsieur Patriat, ce ne seront pas les viticulteurs qui seront frappés, et je m'en réjouis, mais ce seront les fermes de polyculture et d'élevage et les exploitations des zones de plateau, et elles seront frappées de plein fouet.

Je vous le redis, votre choix est lourd de conséquences.

A ussi déposerons-nous symboliquement, monsieur le ministre, au nom de l'UDF et sans doute de toute l'opposition, une série d'amendements de suppression de la modulation. Il nous faut poser à nouveau les termes du débat, qui est un débat de fond, en vue de solutions plus adaptées, évitant par la même une redistribution qui revient à considérer la compensation économique comme un critère de richesse.

M. Germain Gengenwin.

Très juste !

M. François Sauvadet.

J'en viens aux installations, qui sont l'objet de notre deuxième préoccupation.

Comment pouvez-vous dire, monsieur le ministre, que vous soutenez les installations alors que vous nous proposez une baisse de 24 % des crédits de la DJA ? Comment


page précédente page 09541page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

pouvez-vous dire que vous soutenez l'installation alors que vous nous proposez la suppression du fonds pour l'installation en agriculture que, il y a quelque deux ans à cette même tribune, votre prédécesseur, M. Le Pensec, présentait comme l'outil qui allait redynamiser les installations et sur lequel il fondait tous ses espoirs. Mais ses espoirs ont été déçus...

M. Christian Jacob.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

... car le nombre des installations ne cessent de chuter, notamment celui des installations aidées.

Vous proposez de faire participer le fonds pour l'installation en agriculture au financement des CTE.

Je comprends votre recherche, que j'allais qualifier d'effrénée, de financements pour doter le CTE des moyens de faire face à l'espoir qu'il a suscité, espoir qui, je le dis au passage, est déjà déçu avant même qu'il n'ait été utilisé.

J'appelle votre attention sur le fait que, une nouvelle fois, vous allez compliquer un peu plus l'installation, ajoutant de la complexité à la complexité.

Mais là où il aurait fallu davantage de simplicité.

Au-delà, je voudrais vous dire le désaccord profond qui est le nôtre avec l'analyse que vous faites de l'installation.

Vous diminuez les crédits de la DJA de 24 %. Vous nous expliquez que vous les baissez parce qu'il y a moins d'installations. Mais cela revient à accompagner le mouvement en le considérant comme une sorte de fatalité. Je ne crois pas que cette attitude relève d'une bonne politique d'installation.

Je vous renvoie à ce qu'avait fait votre prédécesseur, M. Vasseur - quand une idée est bonne, il ne faut pas s'en priver. Constatant lui aussi un mouvement de baisse des installations, M. Vasseur s'était engagé dans une politique vigoureuse avec la profession, en élaborant une véritable charte. Dès l'année suivante, le nombre des installations avait légèrement remonté,...

M. Christian Jacob.

De 10 % !

M. François Sauvadet.

... ce qui était un signe très positif. Vous conditionnez maintenant l'installation à la conclusion d'un CTE, ce qui renvoie à la complexité que j'évoquais il y a quelques instants.

J'en arrive au troisième point de mon intervention.

Votre Gouvernement a décidé, dans ce contexte de suradministration et de complexité, une extension de la TGAP. Je vous vois sourire, monsieur le ministre, mais les exploitants, eux, ne sourient pas ! Je suis souvent intervenu à cette tribune pour rappeler que la politique de qualité et la préservation de notre espace étaient de formidables enjeux. Pour autant, on ne peut pas faire supporter aux seuls agriculteurs le coût de contraintes qui sont liées aux attentes de la société tout entière.

Cette taxe, nous avez-vous dit lors de votre audition par la commission de la production et des échanges, vise à encourager les pratiques environnementales « vertueuses » - je me souviens du mot. C'est cette vertu qu'on aimerait vous voir vous appliquer à vous-même.

Car l'exploitant, qui paiera in fine , conviendra que la TGAP n'est pas l'outil le mieux adapté pour encourager les pratiques « vertueuses », sachant que les sommes collectées iront au financement des 35 heures, notamment à l'allégement des charges.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

J'aurais, pour ma part, au nom de mon groupe, préféré qu'elles aillent au financement du PMPOA, comme plusieurs orateurs l'ont souhaité avant moi. Plutôt qu'une taxe, c'est un encouragement financier à de nouvelles pratiques qu'il aurait fallu instituer, un encouragement à la recherche et - pourquoi ne pas le dire ? - à un meilleur contrôle des produits chimiques mis sur le marché. Il aurait aussi fallu renforcer les aides à la modernisation des exploitations. Voilà qui aurait constitué une bonne politique pour aider à des pratiques vertueuses, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Monsieur le ministre, il est encore temps de faire machine arrière ! Puisque nous parlons d'avenir, je redirai rapidement notre attachement à l'enseignement, qui est vraiment l'une des clés de l'avenir. Vous avez raison de continuer l'effort qui a été porté sur ce secteur, mais nous aurions aimé participer à une réflexion plus approfondie sur le rôle et la place de l'enseignement agricole.

Par exemple, nous sommes très attachés à une répartition équitable de l'effort entre le public et le privé, notamment pour les formations en alternance. En effet, le privé prend lui aussi une part très active à la formation de nos jeunes.

Le dossier de la pêche sera abordé par d'autres collègues et notre groupe.

Je dirai un mot de la politique forestière, qui est elle aussi un enjeu important. J'ai pris bonne note de la suppression de la taxe alimentant le fonds forestier national.

Nous souhaitons cependant qu'à l'avenir le FFN soit doté de manière pérenne. Une politique forestière, monsieur Brottes, ne se fait pas de bric et de broc au fil des années !

M. François Brottes.

Je ne crois pas avoir dit le contraire.

M. François Sauvadet.

Elle demande de la durée.

Je n'insisterai pas sur les retraites, pour lesquelles l'effort est poursuivi. Mais ne dites pas, monsieur le ministre, que l'on fait plus aujourd'hui pour les retraites que par le passé : on poursuit l'effort car il est légitime.

Nous souhaitons que le minimum garanti atteigne 75 % du SMIC, soit environ 4 000 francs pour un chef d'exploitation. Tel est l'objectif que nous devons nous fixer.

Nous regrettons que rien n'ait été fait en matière de fiscalité agricole, de baisse des charges. Rien n'a été amorcé. On nous renvoie à des rapports. J'espère que celui sur la réforme des assiettes des cotisations sociales et sur la fiscalité des transmissions sera audacieux.

Un mot sur l'actualité.

A propos du conflit qui nous oppose à l'Angleterre, on parle beaucoup de la fermeté de la France. Mais s'il y avait une fermeté à avoir, monsieur le ministre, c'était au moment où, il y a quelques mois, la question de la levée de l'embargo était posée au sein du Conseil des ministres européens.

M. Germain Gengenwin et M. Christian Jacob.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

Or à ce moment-là - je vous ai d'ailleurs interrogé dans le cadre des questions au Gouvernement - vous vous êtes abstenu, alors qu'il aurait fallu faire comme l'Allemagne.

Puisque la réalité du problème était connue - vous ne l'avez pas découverte avec le temps -, il fallait s'opposer pour poser le problème de fond : disposer d'une autorité


page précédente page 09542page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

incontestable et incontestée sur le plan européen, qui évite qu'on ne se retrouve dans cette situation insensée où nous devons gérer un problème présenté comme un problème franco-anglais, alors qu'il concerne l'Europe tout entière et la sécurité des consommateurs.

Le problème de l'ESB et de la viande bovine est un problème européen. Vous vous êtes laissé enfermer dans une sorte de piège.

M. Germain Gengenwin et M. Christian Jacob.

Très juste !

M. François Sauvadet.

Je souhaite que vous vous montriez très vite plus audacieux pour proposer à l'Europe une autorité indiscutée, afin qu'on n'assiste pas à cette bataille d'experts qui fait se demander à l'opinion publique si les experts français sont meilleurs que les experts européens.

Avouez que le débat mérite mieux, monsieur le ministre ! Je souhaite que la France prenne des dispositions, elle qui se veut - souci que nous partageons - le fer de lance de la qualité et de la sécurité alimentaires. Il faut sortir de ce trouble dans lequel on essaie de confiner l'opinion publique en France : nous aurions un problème qui relève de l'effort que d'autres doivent faire mais que, nous, nous avons fait.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je terminerai, monsieur le ministre, en disant quelques mots sur un autre élément très important en matière de sécurité : la recherche.

Alors que le problème de la qualité et de la sécurité alimentaires est au coeur des préoccupations de la société tout entière, les crédits de la recherche n'augmentent que de 1 %. Nous aurions pu faire un effort supplémentaire.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, ce budget ne nous satisfait pas. Mais de surcroît, il nous inquiète comme il inquiète les agriculteurs. Il intervient avant un nouveau cycle de l'Organisation mondiale du commerce et après des accords de Berlin qui ont apporté leur lot de contraintes. Le groupe de l'UDF n'a pas du tout le sentiment que votre budget contribuera à permettre aux agriculteurs et à l'agriculture de relever les défis de la mond ialisation, de la qualité et de l'aménagement du territoire. Je pense en l'occurrence à certaines filières qui attendent de vous une intervention plus forte et qui ont connu de graves crises - porc, fruits et légumes, volaille sur lesquelles reviendra Jacques Le Nay.

M. le président.

Il faudrait conclure, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Je conclus, monsieur le président.

Monsieur le ministre, au moment où de grandes négociations interviennent, vous nous proposez un budget qui joue petit bras, un budget de repli, alors qu'il aurait fallu afficher une grande ambition.

Je le dis franchement, c'est une occasion de perdue, et je le regrette car il s'agit du premier budget de l'agriculture après la loi d'orientation agricole dans laquelle nous fondions beaucoup d'espoirs. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Je souhaite simplement que, par-delà le critère opposition majorité, vous entendiez nos arguments, car les nôtres aussi doivent être pris en compte.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le ministre, le budget que nous examinons - le budget de l'an 2000 - est le premier après la réforme de la PAC, réforme concrétisée par l'accord de Berlin qui, s'il a limité, et vous y avez contribué, les objectifs de démantèlement de la politique agricole commune que la Commission de Bruxelles avait fixés, n'est pas pour autant, il faut bien en convenir, un bon accord. Je crois me souvenir de vous avoir entendu dire qu'il était le moins mauvais des accords qui pouvaient être obtenus dans les conditions où il a été obtenu.

Ce budget est aussi le premier de la mise en application de la loi d'orientation agricole.

Enfin, il est le budget dont la mise en oeuvre coïncidera avec l'ouverture des discussions dans le cadre de l'OMC.

Il ne peut être examiné en faisant abstraction de ce contexte, marqué par l'entrée dans la tourmente d'une grande partie de nos productions, sous la pression de l'ultralibéralisme.

Ce budget porte inévitablement la marque de ce contexte, comme il porte la marque des critères de Maastricht, qui limitent, comme on le sait, les dépenses publiques. Mais en même temps, il offre des possibilités d'agir en faveur de l'agriculture, en faveur des agriculteurs, en faveur du monde rural.

C'est sous ce double aspect des contraintes qu'il subit et des possibilités d'action qu'il offre que le groupe communiste et apparentés veut examiner ce projet de budget, qui se présente de manière contrastée, avec des faiblesses, des points intéressants et des points positifs.

Par rapport à 1999, le budget connaît des modifications liées au transfert de la subvention d'équilibre du BAPSA vers les charges communes, ainsi qu'à l'introduction de dépenses qui, en 1999, étaient sur des comptes hors budget.

Le budget passe de 28 197 millions de francs en 1999 à 28 048 millions en l'an 2000. La baisse est de 0,3 %, mais elle n'est qu'apparente. A structure et périmètre constants, les moyens financiers prévus, et dont on disposera, s'accroissent de 3 %. Les priorités que le budget affiche sont au nombre de quatre : assurer le financement des CTE ; poursuivre les efforts d'amélioration de la qualité sanitaire des aliments ; développer l'emploi et la formation des jeunes ; la revalorisation des retraites.

Première priorité : assurer le financement des CTE.

La dotation passe de 30 millions de francs en 1999, qui n'était pas une année pleine pour la mise en place des contrats, à 950 millions de francs.

Pour apprécier toute la réalité que recouvre ce chiffre, il faut tenir compte du fait que cette dotation intègre 145 millions en provenance du fonds pour l'installation en agriculture, et que les crédits de la DJA diminuent de 155 millions de francs.

Si l'on additionne les 145 millions et les 155 millions que je viens de citer et qu'on soustrait la somme ainsi obtenue des 950 millions de dotation, on peut considérer que les crédits supplémentaires s'élèvent à 650 millions.


page précédente page 09543page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

A l'enveloppe totale de 950 millions de crédits d'Etat prévus pour les CTE viendront s'ajouter 950 millions en provenance de la modulation des aides européennes.

Cet effort en direction des CTE traduit une des principales orientations de la loi d'orientation agricole, qui a affirmé la volonté du Gouvernement et de la majorité de protéger et de soutenir les exploitations familiales, de favoriser la diversification en agriculture, de promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement, de limiter la concentration des exploitations, de plafonner les aides.

Ces contrats seront ce qu'on en fera sur le terrain, dans les départements.

Reste une question : l'installation des jeunes.

Les difficultés que connaissent plusieurs productions ne favorisent pas les installations.

Elles ont tendance à pousser à l'agrandissement au profit de ceux qui sont en place, à pousser à la concentration. Or, tout en aidant les agriculteurs en place à faire face aux difficultés, il faut penser à l'avenir, et donc faire de l'installation une priorité, ce qui suppose un effort particulier dans ce domaine. Je souhaiterais que vous développiez votre approche de cette question, monsieur le ministre.

Deuxième priorité : la poursuite des efforts d'amélioration de la qualité. Les 921 millions de francs inscrits représentent une augmentation de 6 %. Il faut dire que notre pays est à la pointe dans ce domaine. Il reste, sans affolement et sans complaisance, à repérer les maillons de la filière alimentaire au niveau desquels les risques sont les plus grands, afin que, dans la plus grande transparence, on puisse gagner toujours plus en sécurité. A partir de positions claires, fermes, offensives au plan français, nous pouvons faire avancer le débat au niveau européen et mondial.

Le principe de précaution sur lequel nous nous appuyons ne s'impose pas encore à tous. Quelle interprétation en avoir ? Je suis de ceux qui souhaitent que l'interprétation française gagne du terrain au plan européen dans le cas de l'ESB, mais aussi des hormones, des OGM entre autres.

Troisième priorité : l'enseignement agricole. A ce titre, 230 créations de postes d'enseignants sont prévues, ainsi que 149 mesures de titularisation d'agents, ce qui fait au total 379 créations de postes, budgétairement parlant.

C'est là un aspect positif du budget. Mais un examen attentif fait apparaître que, pour budgétiser ces postes, on a procédé à la transformation de postes de maîtres d'internat - surveillants d'externat qui seront désormais couverts par des crédits de vacataires, ce qui comporte un risque de plus grande précarisation de ces fonctions. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez la démarche que vous entendez adopter pour sortir de ces personnels de l'enseignement agricole public de la situation qu'ils connaissent.

On connaît aussi les relations contractuelles qui lient l'Etat et l'enseignement agricole privé. Comme salariés et comme agents contractuels de droit public, les personnels de l'enseignement agricole privé attendent des réponses positives à leurs demandes concernant le déroulement de leur carrière, et notamment au plan des retraites.

Quatrième priorité : les retraites des anciens exploitants. Le terme « quatrième priorité » ne revêt pas ici une connotation hiérarchique pour le classement des priorités.

Il faut, en fait, ordonner la présentation des principaux chapitres du budget.

En l'an 2000, avec ce qui est prévu dans l'actuel projet, les retraites s'élèveront à 3 200 francs par mois pour les chefs d'exploitation, 3 000 francs par mois pour les veuves ou veufs, 2 700 francs par mois pour les aides familiaux, 2 400 francs pour les conjoints, cela pour les retraités ayant 37 annuités et demie.

Les retraites agricoles les plus faibles ont certes été augmentées conformément aux engagements pris par le Gouvernement, mais étant donné, d'une part, le très faible niveau de ces retraites, et, d'autre part, la baisse des dépenses du BAPSA en 2000, en raison de la diminution du nombre des retraités bénéficiaires de la mesure de revalorisation, le moment n'est-il pas venu d'accélérer le calendrier des revalorisations ? Vous avez proposé d'augmenter la retraite forfaitaire.

Entre 37 annuités et demie et 32 annuités et demie, la majoration est dégressive. En deçà de 32 annuités et demie, elle ne s'applique pas. Dans le présent budget, il est prévu d'abaisser cette durée minimale à 27 annuités et demie, mais cet abaissement n'est prévu que pour les conjoints et les veuves et veufs. L'application de ce coefficient de minoration est mal vécue et sa suppression n'aurait pas un coût énorme.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez proposé, au cours des discussions avec les associations de retraités agricoles, au premier semestre de cette année, la mise en place d'une retraite complémentaire destinée à faire un complément entre le minimum vieillesse et les 75 % du SMIC net. La mise en place d'une retraite complémentaire obligatoire est une bonne chose, mais elle doit être envisagée avec un soutien du financement. C'est pourquoi nous souhaiterions connaître vos intentions à ce sujet et avoir des précisions quant à cette mise en place.

Enfin, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans souligner l'urgente nécessité de disposer de crédits suffisants permettant, dans le cadre de la solidarité nationale, de répondre à l'attente des agriculteurs des départements qui viennent d'être ravagés par la catastrophe que l'on sait. Comme on dit dans les milieux populaires, un malheur n'arrive jamais seul et, indépendamment de cette catastrophe naturelle, plusieurs de nos productions sont, sur la durée, entrées dans la tourmente sous la pression de l'ultralibéralisme. Je pense aux fruits et légumes, à la production porcine et la production avicole, chair et oeufs.

La discussion budgétaire me donne l'occasion de souligner les besoins en crédits pour venir en aide aux agriculteurs en difficulté, ainsi que la nécessité d'obtenir les moyens permettant de dégager les marchés dans les secteurs du porc et de la volaille. A cet égard, il est indispensable d'obtenir aussi au plan européen des restitutions pour favoriser les exportations.

Certes, on ne bâtit pas une politique sur les restitutions, mais il n'en demeure pas moins que celles-ci sont un élément d'une politique et, au moment où les Américains subventionnent leurs propres agriculteurs tout en visant à la disparition des restitutions en Europe, on ferait preuve de naïveté en ne menant pas la bataille pour soutenir aussi les capacités exportatrices de notre agriculture.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Félix Leyzour.

Parallèlement à cela, il faut mettre un frein à la pression libérale en agriculture, travailler dans notre pays et en Europe à un meilleur ajustement de l'offre à la demande. Vaste sujet, certes, mais sujet incontournable.


page précédente page 09544page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

En conclusion, le groupe communiste et apparentés aborde ce budget au travers d'un examen objectif le faisant apparaître dans toute sa réalité, avec ses points positifs, mais aussi avec ce qui, à nos yeux, apparaît comme des faiblesses. Notre groupe est disposé à l'appuyer, et cela sans renoncer à poursuivre son action pour obtenir de nouvelles avancées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Louis Guédon.

M. Louis Guédon.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pêche a connu une embellie ces deux dernières années, mais ce n'est qu'une apparence. Le port de Lorient vient d'être bloqué par l'ensemble des pêcheurs d'anchois, qui ont retenu les bateaux espagnols.

Il est temps de pendre en compte les difficultés du terrain. Les producteurs sont lassés par l'inflation de réglementations qui les frappent quotidiennement. Les efforts de réduction de flottilles pour les POP I, II et III ont été significatifs. Néanmoins, les problèmes observés lors de l'exécution du POP III devraient faire comprendre aux uns et aux autres que le POP IV a pour finalité la destruction de navires modernes et performants.

Toute la filière de la pêche, des criées aux soustraitants, en passant par les chantiers navals, subira une réduction d'activité douloureuse. Qui paiera les investissements importants déjà réalisés ? Je vous rappelle que déjà 100 millions de francs ont été investis sur les criées dans mon seul département. Ajoutez à cela la hausse du carburant, qui est passé de 78 centimes à 1,40 franc et qui constitue une nouvelle menace, même si les marins sont conscients du prix préférentiel qui leur est proposé.

Les aides IFOP des années 1996, 1997, 1998 et 1999 attribuées par les fonds européens et versées à la France n'ont pas encore été débloquées. Cette situation contraint les investisseurs, victimes des lenteurs administratives nationales, à se refinancer sur le marché.

Un mot sur l'épisode du filet maillant dérivant interdit à nos thoniers par les réglementations européennes. Les études ont montré que le danger était inexistant pour le dauphin, qu'il s'agissait en réalité de réserver, à la pêche espagnole, le golfe de Gascogne.

L'inquiétude de nos professionnels doit inciter la France à contester certaines décisions européennes illégitimes. Ne le fait-elle pas pour la vache folle ? Pour le marché, nous ne pouvons nous satisfaire de la hausse du cours du poisson venant compenser la baisse de tonnage, car nous savons tous que nos entreprises de pêche connaissent de multiples problèmes.

Prenons le cas de l'entreprise de mareyage. Il serait plus que souhaitable que la loi d'orientation « pêche », qui a pris acte de sa grande difficulté, permette la pleine commercialisation de notre pêche et engage les effets attendus dans nos ports. Ces tergiversations financières touchent également d'autres institutions telles que les comités locaux des pêches. Ces structures portuaires ressentent durement la crise et les nouvelles réglementations contraignantes qui mettent en péril leur équilibre.

Le budget de l'OFIMER est maintenu globalement.

Néanmoins, je tenais à vous interroger sur les propositions visant à réformer l'OCM. Celles-ci paraissent trop restrictives et de nature à accroître les difficultés de la pêche.

Abordons, monsieur le ministre, la formation des hommes. Face aux difficultés de renouvellement des équipages, il n'apparaît pas que de véritables actions promotionnelles vers les établissements scolaires offrent à notre jeunesse de réelles perspectives. Comment concilier le recrutement indispensable à ce dur métier avec le rythme de travail lié aux 35 heures ? Le monde de la mer attend des mesures adaptées et ne se contentera pas d'un langage conventionnel politiquement correct. Le souci d'assurer une formation convenable à nos jeunes réclame les crédits nécessaires ainsi que l'adaptation constante de cette formation à l'évolution des métiers de la mer.

L'application de la loi d'orientation « pêche » avait suscité beaucoup d'espoir chez les femmes de marins, leur donnant la possibilité d'entrer dans l'entreprise artisanale, de bénéficier d'un statut, d'un salaire et d'une retraite.

T outefois, les formations promises, notamment en matière de gestion, tardent à se mettre en place. Les récents essais font état de critiques pour manque de réalisme. Il est urgent d'arrêter des programmes intelligents et pragmatiques.

L'un des points forts de notre politique des pêches a toujours été de promouvoir une pêche artisanale dynamique. L'instauration du programme SOFIPECHE me paraissait aller dans le bon sens, mais son application n'est pas significative. Il apparaît impossible pour la plupart de nos jeunes d'acquérir un navire neuf, faute de kilowatts mis à leur disposition. Je constate non seulement que rien n'est fait pour eux, mais aussi que cette politique a pour conséquence la création d'un fond de commerce artificiel, à partir des kilowatts existants, qui conduit à des spéculations sur les navires neufs et d'occasion.

Comment soutenir un budget qui ne fait de cette question une priorité ? Comment croire aux nouvelles promesses d'accorder un nombre de kilowatts pour aider ces nouveaux marins, alors que les anciennes n'ont pas été tenues ? S'agissant de la sécurité en mer, pourquoi songer à baisser de 10 % la subvention d'équipement à la SNSM, association exemplaire animée par des équipes bénévoles de marins expérimentés et qui me semble en droit de réclamer, au nom de la solidarité nationale, de légitimes moyens d'intervention.

Monsieur le ministre, il est nécessaire de maintenir les outils de production que sont nos navires, de tenir nos engagements. Il n'est pas certain que la soumission inconditionnelle à une réglementation européenne inadaptée soit la solution. Le groupe RPR ne pourra pas soutenir ce projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol.

Votre budget, monsieur le ministre, est en baisse. Certes, je ne suis pas le premier à vous le dire ce soir. Mais cette diminution de vos crédits est d'autant plus dommageable qu'il vous faut financer la mise en oeuvre de votre loi d'orientation agricole et faire face aux nombreux défis de l'agriculture française.

La mesure phare de cette loi d'orientation a été la création du contrat territorial d'exploitation. Or, maintenant, il faut financer ces contrats. Ils ne bénéficient pas de crédits nouveaux ou supplémentaires. Vous ne faites que redéployer des crédits déjà existants, qui vont manquer à d'autres postes de dépenses. J'espère que vous nous expliquerez cette démarche.


page précédente page 09545page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Donc, vous réorientez certains crédits vers les CTE.

Vous avez même avoué dans cet hémicycle, monsieur le ministre, que le CTE avait vocation, à terme, à réunir la majorité des aides à l'agriculture, en dehors des aides à la production. Confirmez-vous cette orientation ? Ainsi, les mesures agri-environnementales seraient intégrées dans le fonds de financement des CTE en 2000. Pourtant, les producteurs de légumes de la Manche que vous avez rencontrés il n'y a pas longtemps vous ont démontré que l'on pouvait être innovant en la matière sans CTE.

Il serait également envisagé, pour les bénéficiaires de la mesure communautaire « Plan d'amélioration matérielle » - PAM -, qui doit s'achever fin 1999, de favoriser la conclusion d'un CTE. La mesure de conversion à l'agriculture biologique rejoindrait le CTE dès cette année. Le CTE est donc pour vous, monsieur le ministre, le remède miracle, la potion magique. Pourtant, je ne crois pas qu'il bénéficie d'une garantie technico-économique.

Pour la prime au maintien des systèmes d'élevages extensifs, seuls ceux qui ne la touchent pas encore mais qui le voudront à partir de 2000 devraient contracter un CTE. Quant au fonds pour l'installation en agriculture - le FIA - il disparaît. Mon collègue Nicolas Forissier reviendra tout à l'heure sur cette question, mais François Patriat, rapporteur de la commission de la production et des échanges, a déjà souligné l'ambiguïté du financement de l'installation.

Pour financer les CTE, vous n'hésitez pas non plus à détourner les fonds structurels européens en introduisant la modulation, modulation que vous avez arrachée à vos collègues européens au sommet de Berlin en mars dernier et qui, ne s'appliquant qu'aux agriculteurs français, va entraîner des distorsions de concurrence avec nos partenaires européens.

M. Joseph Parrenin.

Cela va faire envie aux autres !

M. Claude Gatignol.

A terme, cela risque même de détruire des emplois ! Officiellement, cette modulation est introduite pour assurer un meilleur équilibre entre les productions et les régions. Les gros agriculteurs devraient toucher moins et l es plus petits toucher plus, mais seulement s'ils contractent un CTE. Que devient le principe de volontariat ? On va tout droit vers une agriculture suradministrée.

Dans un autre domaine, celui de l'alimentation et de sa qualité, vous accordez plus de crédits au renforcement de la sécurité sanitaire. Nous sommes d'accord avec vous.

Nos experts ont eu raison de tirer la sonnette d'alarme concernant la réintroduction du boeuf britannique sur le marché français. Mais si nous avons scientifiquement raison, nous avons politiquement tort, l'actualité le prouve ! Votre politique déclaratoire excessive n'a servi qu'à nous mettre les Britanniques à dos. Les Allemands ont pris la même décision que nous : ils ont interdit la viande britannique. Mais ils ne l'ont pas fait savoir urbi et orbi et leurs produits ne sont pas menacés de boycott outreManche ! Votre deuxième erreur, monsieur le ministre, a été de vous abstenir lors de la décision de levée de l'embargo. Il aurait fallu voter contre, comme l'ont fait les Allemands, c'est-à-dire avoir une position de fermeté et de clarté.

Mais il y a d'autres difficultés dans ce budget, et notamment la fameuse TGAP. Son extension aux produits phytosanitaires touche de plein fouet les agriculteurs. Ce nouvel impôt, augurant d'un système sans fin, se répercutera sur le prix des produits et restera à la charge des agriculteurs. Si encore le produit de cette taxe servait à lutter contre les pollutions, ce serait plus acceptable. Mais il sera affecté au financement des 35 heures.

Quel rapport avec l'environnement ? Les 35 heures, parlons-en précisément ! La majoration du coût des heures supplémentaires, en particulier, et l'augmentation du SMIC horaire apparaissent peu supportables pour la plupart des entreprises agricoles. Les producteurs de fruits et légumes, déjà confrontés à de multiples difficultés - ils l'ont dit à Cherbourg au cours de leur congrès national, que vous avez suivi, monsieur le ministre - ne pourront plus faire face à la concurrence des pays du Sud, où ce genre de contrainte n'existe pas.

L'emploi salarié en agriculture risque de diminuer. Certaines estimations font état de 50 000 à 100 000 emplois

« équivalents temps plein » qui seraient ainsi menacés.

Merci, madame Aubry !

M. Gérard Saumade.

Merci aux marchands d'esclaves !

M. Claude Gatignol.

Les crédits que vous allouez à la forêt sont, certes, en hausse, mais cette augmentation est principalement due à l'intégration au budget de l'Etat des crédits de l'ancien compte spécial du Trésor intitulé

« Fonds forestier national ». Cette intégration rend les crédits destinés à la forêt vulnérables aux mouvements éventuels de régulation budgétaire. Cette mesure est assez mal venue au moment où un projet de loi sur la forêt doit être présenté au Parlement.

J'aurais voulu plus de temps pour aborder aussi la question des retraites sachant que, dans mon seul département, des dizaines de milliers d'agriculteurs sont actuellement en position difficile. Le gouvernement socialiste ne doit pas oublier que l'effort de revalorisation des retraites agricoles a été entamé sous les gouvernements précédents. On peut simplement regretter que ce budget s'engage à revaloriser les petites retraites en trois ans, alors que l'excédent budgétaire, largement suffisant, aurait permis de le faire dès cette année.

Ainsi, malgré toutes les annonces, malgré les efforts personnels très méritoires que M. le ministre déploie sur le terrain, l'agriculture ne paraît pas être la priorité du G ouvernement. Il conviendrait de prendre d'autres mesures. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera donc pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut considérer que ce budget, qui dépasse les 29 milliards de francs et qui est marqué par une augmentation des moyens de 3 %, est bon. Certes, tous nos collègues élus de circonscriptions agricoles auraient - c'est naturel - souhaité encore davantage. Il n'en est pas moins sûr que nous sommes en présence d'un budget satisfaisant, que le groupe RCV, je le dis d'emblée, est prêt à voter.

Ce budget est satisfaisant, parce qu'il permet de mettre en oeuvre la loi phare du 9 juillet dernier et de répondre ainsi efficacement aux principaux défis auxquels se trouve confrontée notre agriculture : lutter contre la concentration des exploitations, démarche à laquelle nous sommes très sensibles car, dans les zones d'agriculture familiale, elle est fondamentale pour l'emploi et la préservation du paysage ; défendre le pouvoir d'achat des agriculteurs ; assurer la maîtrise de la localisation des bassins de production et la préservation environnementale des ressources naturelles. La loi d'orientation représente donc,


page précédente page 09546page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

monsieur le ministre, comme vous-même l'avez déclaré en avril dernier, un bon combat politique, que la majorité est résolue à mener à vos côtés.

Sa réussite passe, évidemment, par celle des contrats territoriaux d'exploitation. Ce nouveau type de contrat est en effet parfaitement adapté à la variété et à l'ampleur des réorientations dont la politique agricole française doit faire l'objet, puisqu'il s'attache à prendre en compte l'ensemble de l'activité des exploitations. A cet égard, il est le meilleur soutien de la politique volontariste que le Gouvernement a menée jusqu'à présent.

Par conséquent, je vous engage comme, je pense, l'ensemble de la représentation nationale, à favoriser sans relâche l'augmentation du nombre de CTE et l'augmentation de la dotation moyenne pour qu'ils puissent bénéficier d'un financement approprié.

Les 950 millions de francs inscrits au titre des CTE pour l'année 2000 représentent un progrès important par rapport aux 300 millions que nous avions votés l'an dernier. Certes, nous savions bien alors que les CTE ne s'appliqueraient pas en année pleine et qu'ils bénéficieraient, en outre, de 175 millions de francs de crédits européens.

Mais compte tenu de cette progression de la dotation, nous espérons avoir de quoi franchir en 2002 le cap des 100 000 CTE.

Votre objectif d'en conclure 10 000 dès cette année semble compromis, car nous avons pris un certain retard.

Puisque nous devons en conclure pas moins de 40 000 l'an prochain, il faudrait, comme pour les emplois-jeunes, mobiliser les préfets, les directeurs départementaux de l'agriculture et sans doute les parlementaires et les élus locaux pour assurer la promotion du CTE, chacun prenant son bâton de pèlerin. Je constate du reste que les organisations agricoles ont prévu des réunions d'information auxquelles elles associent les parlementaires. J'assisterai, pour ma part, à une journée d'information sur le CTE la semaine prochaine. Il est de notre devoir de nous investir dans cette campagne, car je ne suis pas sûr que nous atteignions les 50 000 CTE en décembre 2000 si nous ne mettons pas nous-mêmes, à vos côtés, monsieur le ministre, la main à la pâte.

Dans cette perspective, le dispositif cohérent et ambitieux de modulation des aides directes européennes se présente comme une priorité absolue, puisqu'il permettra, à partir de l'an prochain, de financer les surplus nécessaires pour le CTE. Il est essentiel mais je note - que l'opposition critique toujours la modulation - de prendre à ceux qui ont plus pour donner à ceux qui ont moins.

M. Gérard Saumade et M. Jacques Desallangre.

Très bien !

M. Michel Suchod.

Telle est la politique du Gouvernement et je suis désolé qu'il y ait là, entre nous, une forte ligne de clivage, même si nous n'avons pas demandé à la modulation tout ce que nous aurions souhaité et si ce n'est là qu'un premier pas.

Dans le dispositif actuel, vous nous proposez, monsieur le ministre, de dégager 1 milliard de francs supplémentaires en faveur de CTE, ce qui porterait à 2 milliards l'enveloppe totale consacrée à leur financement. Je me réjouis de ce chiffre, mais je souhaite le voir augmenter à court terme, d'autant que la modulation permet de corriger les disparités qui ont cours aujourd'hui entre les différents secteurs de production.

Dans la recherche de financements, vous avez évidemment été conduit à proposer la suppression de la ligne de 150 millions de francs consacrée à la dotation d'installation des jeunes agriculteurs. L'opposition s'est fait l'écho des réactions sur le terrain, notamment des jeunes.

M. Philippe Martin.

Elle a eu raison !

M. Michel Suchod.

Mais aujourd'hui, je reconnais que l'argument que vous avez développé a finalement été admis sur le terrain,...

M. François Sauvadet.

Je me demande sur quel terrain vous vous situez !

M. Michel Suchod.

... à savoir que le CTE financera un nouveau type d'installation, l'installation progressive, qui concernera tous les jeunes, y compris ceux qui jusque-là étaient exclus des dispositifs classiques.

Je voudrais, en second lieu, aborder brièvement la question de l'agriculture française dans la mondialisation.

On pourrait estimer qu'elle est partiellement hors sujet.

J'estime au contraire qu'elle est au coeur du sujet, car les négociations de l'OMC qui s'ouvriront prochainement à Seattle sont appelées à jouer un rôle déterminant pour l'avenir de notre agriculture. J'aurai du reste le plaisir de faire partie de la délégation française.

M. François Sauvadet et M. Philippe Martin.

Félicitations !

M. Gérard Voisin.

Et bon voyage !

M. Michel Suchod.

Merci, mes chers collègues.

Nombre de Français sont très inquiets de la menace que font peser sur l'agriculture européenne en général et la nôtre en particulier les propositions des Etats-Unis et du groupe de Cairns en matière d'élimination des subventions à la production et à l'exportation. Je le dis tout net : le souhait des Etats-Unis de limiter l'agenda de Seattle à quelques sujets qui ont leur préférence est irréaliste ! Nous devons parvenir à un ordre du jour large et qui réponde pleinement au souci légitime des citoyens de mieux maîtriser la mondialisation. L'approche des EtatsUnis pourrait même remettre en cause le lancement du nouveau cycle. Nous ne pouvons accepter les demandes américaines, qui visent principalement les exportations agricoles européennes, alors même que se développent, notamment de leur part, des formes de moins en moins transparentes de soutien aux exportations, telles que les programmes d'aide alimentaire ou le commerce d'Etat à Etat. L'agriculture française, qui est la deuxième agriculture exportatrice du monde, doit voir préserver sa capacité productive et exportatrice.

De même, il faut rester ferme sur les questions liées à la sécurité sanitaire des aliments : nous ne devons pas accepter l'introduction sur nos marchés de produits qui susciteraient des préoccupations légitimes quant à leur sécurité.

A cet égard, mon groupe approuve pleinement les propos tenus par le Premier ministre en clôture de la table ronde de l'agriculture. La défense du modèle européen, fondé sur une agriculture multifonctionnelle, en accord avec les principes de la PAC réformée, doit occuper tous nos efforts. Il ne s'agit pas seulement de préserver notre agriculture et ses emplois mais aussi, et tout autant, de protéger les consommateurs. Il nous faut donc faire preuve de la plus grande fermeté dans cette négociation.

Mes derniers mots - last but not least -, si on m'autorise cette incursion dans la langue de travail de Seattle concerneront les retraites agricoles.


page précédente page 09547page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Dans la loi d'orientation, nous avons posé, dès l'article 1er , le principe de la solidarité. Ayant entendu l'opposition rappeler ce qui avait été fait dans le passé et n'ayant pas l'habitude de pratiquer la langue de bois, je reconnais volontiers qu'un certain nombre de mesures avaient été prises avant juin 1997. Mais nous avions tout de même constaté que la pension de réversion d'une veuve n'était, à cette date, que de 1 450 francs par mois.

Par conséquent, ce qui avait été fait n'était pas à l'aune des promesses. Dois-je rappeler que le candidat Jacques Chirac déclarait encore en 1995 - à l'époque, il est vrai où qu'il souhaitait réduire la fracture sociale - qu'il fallait porter le niveau des retraites à 75 % du SMIC ?

M. François Sauvadet.

Faites-le !

M. Michel Suchod.

Nous en sommes toujours loin.

J'avais déposé ici même, avec le président Michel Crépeau et l'ensemble des députés de mon groupe, une proposition de loi prévoyant 55 % du SMIC, ce qui reste pour moi le modèle de ce qu'il conviendrait de faire. Je suis donc satisfait, monsieur le ministre, du milliard et demi que vous nous proposez en année pleine pour augmenter les retraites et des mesures très utiles que vous ne manquerez pas de nous présenter à la suite du rapport que vous avez confié à Germinal Peiro. Je souhaite néanmoins très vivement qu'avec le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement, vous réfléchissiez dans les deux années qui viennent aux moyens de financer un super-effort en faveur de ces 2,5 millions de travailleurs qui ont permis à notre agriculture de survivre à l'occupation, qui ont participé brillamment à la reconstruction et qui, surtout, ont fait de notre agriculture un secteur magnifiquement exportateur et indispensable à l'équilibre des comptes de la France. Ceux qui ont fourni cet effort pendant tant d'années ont droit à la reconnaissance de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin, pour cinq minutes.

Je lèverai ensuite la séance à la demande du Gouvernement.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le ministre, nous venons de vivre une année riche en événements concernant l'agriculture et riche d'espoirs par le monde agricole.

Elle a commencé, en effet, par une loi d'orientation courageuse, qui défend le principe d'une agriculture présente sur l'ensemble du territoire, ce qui n'était pas véritablement le cas jusqu'à présent.

M. Gérard Voisin.

C'est faux !

M. Joseph Parrenin.

Ensuite, les accords signés à Berlin, qui résultent pour une grande part de votre action, donnent toutes leurs chances à la construction européenne et à l'agriculture française. Enfin, le cadrage des négociations proposé par le Gouvernement pour Seattle est directement issu des accords de Berlin. L'espoir pour le monde agricole n'a donc jamais été aussi fort qu'en cette fin d'année 1999.

M. Gérard Voisin et M. Philippe Martin.

N'importe quoi !

M. Joseph Parrenin.

On a dit de ce projet de budget qu'il était cohérent et logique. Je dirai qu'il traduit des choix politiques. Et c'est bien pourquoi j'ai été rassuré d'entendre M. Jacob le critiquer. Si jamais il en avait été satisfait, c'est que ces choix politiques ne seraient pas ceux que nous souhaitons.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Joseph Parrenin.

Ces choix traduisent directement la loi d'orientation agricole avec la mise en place du contrat territorial d'exploitation et d'une politique confortée d'installation.

On a beaucoup critiqué la baisse du nombre d'installations. C'est oublier que, pendant plusieurs années, les agriculteurs ont eu la possibilité de partir en préretraite entre cinquante-cinq et soixante ans, et qu'ils en ont largement usé. Ce sont autant d'exploitations qui ont été transmises par anticipation, ce qui explique la baisse des transmissions ces derniers temps.

M. François Sauvadet.

Oh là là !

M. Joseph Parrenin.

Mais je suis convaincu que les installations vont repartir dès l'année prochaine, en particulier avec la mise en place du CTE.

M. Philippe Martin.

Ben voyons !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Très bien !

M. Joseph Parrenin.

Le contrat territorial d'exploitation va redonner toutes ses chances à toute l'agriculture, sur tous les territoires de France. C'est ce que le Gouvernement a voulu, ce que le ministre de l'agriculture nous a présenté, ce que la majorité a voté.

A cela s'ajoutent des retraites substantiellement améliorées depuis plusieurs années, et qui le seront cette année encore. Aussi justifiés qu'ils soient, jamais aucun gouvernement n'a fait autant d'efforts en faveur des retraites agricoles, jamais !

M. françois Sauvadet.

Vous êtes incorrigible !

M. Joseph Parrenin.

Jamais autant d'efforts n'ont été consentis en faveur de la sécurité sanitaire. Les positions courageuses prises dernièrement par le ministre de l'agriculture montrent toute l'attention qu'il porte non seulement au monde agricole, mais aussi à l'ensemble des consommateurs. Nous pouvons le féliciter et le remercier de son courage.

La modulation est aussi un choix politique. Cela vous déplaît sûrement messieurs de l'opposition, que l'on prenne à 30 000 ou 40 000 exploitants pour redonner à 200 000 ou 300 000. Mais c'est le choix que la gauche a toujours fait et que la gauche plurielle confirme aujourd'hui.

M. Philippe Martin.

Choix purement idéologique !

M. Joseph Parrenin.

Ce qui vous déplaît, en l'occurrence, était attendu par de très nombreux paysans de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je terminerai en évoquant l'enseignement agricole.

Malgré la manifestation d'aujourd'hui, ce projet de budget marque un progrès considérable puisque les crédits de l'enseignement agricole public augmentent de 4,5 % et que 380 postes sont créés. Mais la précarité d emeure. Quel message adressez-vous, monsieur le ministre, aux personnes de l'enseignement agricole qui dépendent de votre ministère, pour calmer un peu leur inquiétude ? Le groupe socialiste souhaite encore, pour les années qui viennent, des progrès significatifs. En attendant, il votera avec beaucoup de satisfaction le budget de l'agriculture pour l'an 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 09548

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Comme je vous l'ai annoncé, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux à la demande du Gouvernement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (no 1805) : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 1861).

Agriculture et pêche ; article 64 ; budget annexe des prestations sociales agricoles : Agriculture : Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 4 au rapport no 1861) ; M. François Patriat, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome I) ; Pêche : M. Louis Mexandeau, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 5 au rapport no 1861) ; M. Dominique Dupilet, rapporteur spécial pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome II) ; Prestations sociales agricoles : M. Charles de Courson, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 42 au rapport no 1861).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT