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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9552).

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite) (p. 9552)

MM. Jean-François Chossy, François Liberti, Philippe Martin, Jacques Desallangre, René Leroux, Pierre Micaux, Gérard Saumade, François Brottes, Jean-Michel Marchand.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Philippe Auberger, André Angot, Christian Estrosi, Mme Sylvia Bassot, M. Nicolas Forissier, Mme Huguette Bello, MM. Germinal Peiro, Joël Goyheneix, Michel Vergnier, Jean-Marie Morisset, Dominique Caillaud, Roger Lestas, François Guillaume, Christian Jacob, Philippe Martin, Jean Proriol, Paul Patriarche.

Rappel au règlement (p. 9580)

MM. Christian Jacob, le président.

Reprise de la discussion (p. 9580)

Réponses (suite) de M. le ministre aux questions de : MM. Damien Alary, Alain Gouriou, Marcel Rogemont, Jacques Le Nay, Christian Martin, Jacques Pélissard, Serge Poignant, Didier Quentin, Gérard Voisin, Mme Jacqueline Lazard, MM. Gilbert Le Bris, Maurice AdevahPoeuf, Yves Deniaud, Michel Hunault, Michel Vauzelle.

Suspension et reprise de la séance (p. 9589)

AGRICULTURE ET PÊCHE (p. 9589)

Etat B

Titre III. - Adoption (p. 9589)

Titre IV (p. 9589)

Amendements identiques nos 135 de M. Jacob et 191 de

M. Angot : MM. André Angot, Christian Jacob, Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'agriculture ; MM. le ministre, JeanClaude Chazal. - Rejet.

Amendements nos 143, 144, 146, 147, 145, 148 à 154 de M. Jacob : M. Christian Jacob, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. - Rejet des amendements nos 143, 144, 146, 147, 145, 148 à 154.

Adoption du titre IV.

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9593)

Avant l'article 64 (p. 9593)

Amendement no 62 du Gouvernement, avec le sousamendement no 120 de M. de Courson : MM. le ministre, Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial. - Rejet du sous-amendement no 120 ; adoption de l'amendement no

62. Amendement no 61 rectifié du Gouvernement, avec le sousamendement no 119 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. Rejet du sous-amendement no 119 ; adoption de l'amendement no 61 rectifié.

Amendement no 59 du Gouvernement : Mme le rapporteur spécial. - Adoption.

Amendement no 60 du Gouvernement. - Adoption.

Article 64. - Adoption (p. 9596)

Après l'article 64 (p. 9596)

Amendement no 73 de la commission des finances : Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. - Adoption de l'amendement no 73 modifié.

Amendement no 121 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. Rejet.

Amendement no 122 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. Rejet.

Amendement no 123 de M. de Courson : M. Charles de Courson.

Amendement no 124 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. Rejet des amendements nos 123 et 124.

Amendement no 126 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. Retrait.

Amendement no 125 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, M. le ministre. Rejet.

A mendement no 128 deuxième correction de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur spécial, MM. le ministre, le président, François Sauvadet.

Sous-amendement no 172 de M. Sauvadet : M. François Sauvadet, Mme le rapporteur spécial, MM. le ministre, Christian Jacob, Joseph Parrenin, Charles de Courson. Rejet.

Sous-amendements nos 173 à 184, 186, 185 et 187 de M. Sauvadet : M. François Sauvadet, Mme le rapporteurs pécial, MM. le ministre, Christian Jacob, Charles de Courson. - Rejet des sous-amendements nos 173 à 184, 186, 185 et 187 ; rejet de l'amendement no 128 deuxième correction.

BUDGET ANNEXE

DES

PRESTATIONS

SOCIALES AGRICOLES Crédits ouverts à l'article 42 (p. 9607)

L'amendement no 132 de M. de Courson n'a plus d'objet.

Adoption des crédits ouverts à l'article 42.

Crédits ouverts à l'article 43. - Adoption (p. 9607)

Renvoi de la suite de la discussion du projet de loi de finances à la prochaine séance.


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2. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 9608).

3. Dépôt de rapports (p. 9608).

4. Dépôt de rapports en application de lois (p. 9608).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9608).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite)

M. le président.

Nous reprenons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche et du budget annexe des prestations sociales agricoles.

La parole est à M. Jean-François Chossy, pour cinq minutes.

M. Jean-François Chossy.

Je respecterai mon temps de parole, monsieur le président. Si tous les orateurs s'étaient inspirés de ma démarche, on aurait gagné...

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vingt minutes !

M. Jean-François Chossy.

... effectivement, monsieur le ministre, vingt minutes et j'aurais pu prendre l'avion que j'avais réservé pour rentrer ce soir dans ma circonscription !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce sont les aléas du métier ! (Sourires.)

M. Jean-François Chossy.

D'après vous, monsieur le ministre, les agriculteurs sont-ils porteurs de revendications légitimes, comme on dit habituellement dans l'administration ? Ont-ils formulé des réclamations catégorielles ? Passent-ils le plus clair de leur temps à exiger u ne assistance constante et empressée des pouvoirs publics ? Non. Car, vous le savez comme moi, ce n'est pas dans leurs habitudes. Chez moi, dans mon pays du Forez, on dit : « C'est pas leur genre ! ». (Sourires.) Ils sont simplement inquiets pour leur avenir, comme bien d'autres d'ailleurs.

Or, il n'y a dans votre budget que peu de choses qui soient de nature à les rassurer. Pourtant, monsieur le ministre, vous connaissez comme moi les attentes de cette profession. Certaines revêtent une importance toute particulière lorsqu'on se place dans le contexte local.

Mon département, la Loire - je viens de l'évoquer -, se caractérise par une agriculture modeste, de montagne, typique du Massif central. Grâce à une priorité déjà ancienne qui a été donnée à l'installation des jeunes, elle a su maintenir un nombre élevé d'agriculteurs sur la terre. Sur le plan environnemental, elle a préservé des paysages magnifiques, largement appréciés des citadins et des touristes. Mais l'agriculture doit continuer à être encouragée à jouer son rôle en matière de protection de l'environnement. A cet égard, peut-être serait-il bon de renoncer à la TGAP pénalisante et déresponsabilisante.

Aujourd'hui, il s'agit de conforter l'actuelle politique de montagne garantissant le maintien d'une activité agricole sur l'ensemble du territoire. Dans la Loire, plus de 75 % de la surface se situe en zone défavorisée.

Les agriculteurs souhaitent que des mesures soient prises en faveur de cette agriculture et de ces territoires, notamment en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de handicaps naturels - la fameuse ICHN. Pour ce faire, ils préconisent la revalorisation par zone et par UGB, ainsi que l'extension de l'égilibilité aux ICHN à certaines productions de montagne telles que les fruits ou la vigne.

La préservation de la qualité en montagne, notamment par l'attribution de 30 millions de francs en plus pour l'aide à la qualité du lait, l'aide à la mécanisation et aux bâtiments d'élevage avec la pérennisation de moyens budgétaires suffisants, sont autant d'interrogations pour donner une certaine sérénité au devenir de cette profession.

On estime, monsieur le ministre, à 100 millions de francs par an le niveau de crédits indispensables aux bâtiments d'élevage dans ces zones. Cette mesure pourrait s'accompagner d'un relèvement du plafond de la subvention. Le plafond actuel - 65 000 francs - n'a pas été réévalué depuis longtemps et ne correspond plus à la réalité des coûts. Il paraît donc souhaitable de le porter à 100 000 francs.

Pour redonner des perspectives d'avenir aux exploitants agricoles qui craignent de subir les effets négatifs des récents accords de Berlin, bien d'autres pistes sont à explorer. Citons-en quelques-unes.

Il serait bon, tout d'abord, de se pencher activement sur la simplification des procédures administratives avec, par exemple, la mise en place d'une déclaration unique par exploitation et d'un seul contrôle par exploitation au lieu du défilé habituel des contrôleurs.

Il faudrait également envisager le maintien des aides aux secteurs en difficulté avec la pérennisation du fonds d'allégement des charges agricoles et l'octroi de crédits d'études et de suivi pour les agriculteurs en difficulté. La mise en oeuvre des accords de Berlin risque fort, en effet, de gêner de nombreux agriculteurs qui ne pourront pas s'adapter aux nouvelles règles.

Il conviendrait aussi de prévoir un allégement des charges sociales et fiscales avec aménagement de l'assiette fiscale, base des cotisations sociales, ainsi qu'une compensation de la hausse du coût du travail liée au passage aux 35 heures.


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Un autre chantier concernerait la réglementation des relations entre les grandes distributions et les producteurs, qui devraient passer par une coopération commerciale et à la mise en place de prix minimum d'achat pour les grandes et les moyennes surfaces sur certains produits stratégiques.

Enfin, la défense énergique et soutenue du modèle agricole européen lors des négociations de l'OMC dans quelques jours à Seattle serait de nature à apaiser les angoisses du monde agricole.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques pistes sur lesquelles je souhaite que vous réfléchissiez et que vous nous apportiez des éclaircissements. Les agriculteurs et les parlementaires attendent non seulement des promesses et des engagements vagues, mais surtout des garanties claires, sérieuses et durables. Or ce budget n'en apporte pas beaucoup. En effet, et comme l'a excellemment démontré François Sauvadet tout à l'heure, votre budget, monsieur le ministre, est celui des occasions et des rendez-vous manqués.

Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que, malgré votre dynamisme et votre optimisme affiché, le groupe UDF ne vote pas ce budget un peu trop étriqué.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits pour la pêche maritime et les cultures marines, en progression de 2,3 % dans le projet de budget pour 2000, marquent une avancée sensible.

Trois observations à propos de ce budget que les parlementaires communistes et apparentés voteront.

Tout d'abord, les augmentations de 10 % des crédits d'investissement et de 6 % pour l'intervention répondent à un besoin urgent pour relancer la construction d'unités nouvelles, le traitement et la mise en valeur des produits débarqués, l'équipement des ports de pêche.

Par contre, la simple reconduction au niveau de 1999 des crédits alloués à l'OFIMER, si elle permettra de poursuivre les actions engagées, notamment avec les organisations de producteurs pour la commercialisation et la promotion des produits halieutiques, aquacoles et conchylicoles, ne répond pas, à l'évidence, aux ambitions affichées dans la loi d'orientation sur la pêche. De même, les moyens nécessaires pour assurer le respect de la réglementation et la police des pêches restent très largement insuffisants.

Enfin, pour l'IFREMER, je rappelle que, pour l'investissement relevant du ministère de la recherche, il est urgent, comme le préconise l'ensemble de la communauté scientifique, de lancer un plan de renouvellement de la flotte océanographique, avec, notamment, la construction d'un navire support d'engins submersibles. Celle-ci est retardée depuis trois ans.

Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur le fait qu'en matière de gestion des stocks, élément capital d'une bonne politique de valorisation et de protection de la ressource et du milieu, il est fondamental que la France, avec l'IFREMER, présente un véritable projet alternatif face aux groupes de pression qui, en Europe et surtout au travers de l'ICAT avec les Etats-Unis, imposent des diktats sur nos quotas de pêche dont les objectifs n'ont rien à voir avec la protection de la ressource. Par exemple, quand va-t-on réduire les quotas des pêches minotières ? Vous le savez, la part de la consommation des produits de la mer, qui n'a cessé d'augmenter dans notre pays, s'accompagne d'une forte progression des importations, 24 % en 1998. Pourtant, nous disposons d'un grand savoir-faire, d'une grande diversité des métiers, d'une grande capacité de production, des plus grandes façades maritimes et du plus grand nombre de ports de pêche en Europe. Il n'y a donc aucune fatalité à cela. Les pêches maritimes françaises doivent bénéficier de cette progression de la consommation des produits de la mer en France, tout en tenant leur place à l'exportation.

Cela ne veut pas dire forcément un accroissement de l'effort de pêche sur toutes les espèces. Cela veut dire surtout pêcher mieux ou autrement, favoriser la qualité, développer le pôle agroalimentaire sur la transformation des produits de la mer, gérer la ressource à partir de la spécificité de chaque façade maritime et assurer sans interruption le renouvellement et la modernisation de la flotte.

A ce propos, le groupe communiste et apparentés souhaite vivement que la représentation parlementaire soit partie intégrante de la mission que vous avez créée sur les perspectives des pêches maritimes françaises. Perspectives pour lesquelles la pêche méditerranéenne fera entendre sa spécificité.

Les états généraux convoqués en janvier 1999 ont rassemblé à Sète pour la première fois dans l'histoire plus de 800 professionnels de Corse, de PACA, du LanguedocRoussillon, afin d'élaborer la charte d'une façade maritime revendiquant une véritable entité.

C'est le contenu de cette charte, monsieur le ministre, qui a servi de base à la rencontre que vous avez présidée lors de votre venue à Sète, le 25 septembre dernier. Les premières mesures prises vont dans le bon sens, à savoir le renouvellement de la flotte pour quelques unités dans le segment chalutiers, l'enveloppe de kilowatts accordés aux petits métiers ainsi que l'ouverture du dossier de la pêche au thon. Toutefois, la réduction des jours de pêche pour les senneurs méditerranéens proposée par la direction des pêches comme seule condition pour éviter la réduction du nombre de navires implique des garanties fermes pour que le renouvellement des unités soit effectif et la planification organisée avec les instances professionnelles élues.

Votre engagement de poursuivre l'étude du dossier méditerranéen a suscité un espoir raisonné qui ne doit pas être déçu, monsieur le ministre.

Trois points pour conclure mon propos.

Premièrement, le quasi-doublement du prix du carburant pêche, qui pèse pour plus de 14 % sur le chiffre d'affaires, pose aujourd'hui de sérieux problèmes pour l'exploitation des unités. Je rappelle pour mémoire que c'est cette question qui a provoqué l'explosion sociale des pêches maritimes en 1980. Il est donc urgent de prendre des mesures pour réduire le coût du poste carburant.

Deuxièmement, l'inscription au registre du commerce prévue par la loi d'orientation pêche est rejetée par les professionnels méditerranéens, qui craignent une remise en cause du statut du marin. Cette inscription au registre du commerce doit revêtir un caractère non pas obligatoire, mais facultatif et seulement volontaire. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'envisager de modifier les textes dans ce sens.

Enfin, compte tenu de la diversité des situations, le décret sur le statut de la pêche à pied nécessite, après consultation des professionnels, que soit prise en compte la spécificité de chaque façade maritime.


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Globalement, donc, le budget 2000 permettra de prolonger les mesures prises il y a quelques mois pour le renouvellement et la modernisation de la flotte et des équipements, et c'est une bonne chose. Mais cela ne doit pas nous dispenser de voir l'immense effort qu'il reste encore à accomplir pour s'inscrire dans la durée et afficher une ambition maritime forte. (Applaudisssements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Monsieur le ministre, chers collègues, le budget proposé par le Gouvernement dans sa partie agricole est en réalité le premier budget consécutif à l'adoption de la loi d'orientation agricole. Avec mes collègues de l'opposition, nous nous étions élevés contre cette loi d'orientation, car, si nous pouvions intellectuellem ent comprendre l'intérêt des contrats territoriaux d'exploitation, nous ne pouvions que nous opposer à leur application.

Oui, nous étions favorables au principe qui consistait à raccrocher l'agriculture au territoire, mais nous étions et sommes toujours opposés à la volonté du Gouvernement de remplacer l'activité agricole par une activité de cantonnier d'Etat.

Sur le plan budgétaire, que constatons-nous ? Tout d'abord que le mode de financement des CTE ne répond pas au besoin réel de la profession. Mais plus que le niveau de dotation budgétaire, c'est le transfert interne des postes budgétaires qui me préoccupe. En effet, une grande partie du budget alloué aux CTE provient en réalité des moyens qui étaient affectés à la politique d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs. Il est ridicule de penser que l'avenir d'une profession telle que l'agriculture serait assuré, non plus par l'intégration dans la profession de jeunes, mais par la transformation de nos agriculteurs en fonctionnaires de la DDE.

Il serait bon d'analyser les raisons pour lesquelles le Gouvernement a été obligé de procéder à ces transferts budgétaires. En effet, lors du vote de la loi d'orientation agricole, on nous avait expliqué que, grâce au plafonnement et à la modulation des aides agricoles européennes, il serait possible d'obtenir des moyens de financement spécifiques pour ces CTE.

Or, et nous le savions, les institutions européennes n'acceptent pas le transfert de fonds communautaires d'une activité agricole vers une autre activité agricole, car le principe même de la PAC serait ainsi bafoué. On pourrait assister à une distorsion de concurrence entre producteurs des Etats membres. Cette information m'a été confirmée récemment encore par un haut fonctionnaire européen. Vous nous avez fait croire, monsieur le ministre, que le CTE serait la panacée pour notre agriculture. En réalité, il l'enterrera à moyen terme.

S'agissant de la dotation pour les jeunes agriculteurs, nous savons qu'elle intéresse l'ensemble des activités agricoles et particulièrement celles qui permettent aux agriculteurs de bénéficier d'un niveau de rémunération satisfaisant. Or, ces quelques activités agricoles spécifiques, telles que la viticulture, seront a priori exclues des CTE.

Dans ces conditions, les jeunes agriculteurs pourront-ils encore s'installer ? Je vous le rappelle, ils ont besoin de la DJA pour les aider à reprendre un certain nombre d'actifs, tels les stocks.

Par ailleurs, monsieur le ministre, le budget doit présenter une action politique. Or, lorsqu'on prend les postes budgétaires et qu'on les analyse individuellement, on constate que l'agriculture d'avenir, celle qui permet de raccrocher l'agriculture au territoire grâce à une valorisation des produits agricoles, dans la région de production ou chez l'agriculteur lui-même, est complètement oubliée.

Il est à noter, par exemple, la faiblesse des moyens permettant de promouvoir la qualité des produits, y compris sur des marchés régionaux, alors que ceux-ci auraient pourtant des conséquences positives sur l'emploi dans nos régions rurales.

De plus, alors que les marchés internationaux s'ouvrent avec une concurrence de plus en plus vive, il est pour les moins paradoxal et dangereux que notre pays ne veuille pas se donner les moyens de conquérir de nouveaux marchés.

Autre point - et Dieu sait s'il est d'actualité après les tragiques événements de ce week-end : le fonds des calamités agricoles, dont la dotation avait été ramenée à zéro l'an dernier, malgré nos mises en garde répétées. Cette année, vous rendant compte de votre erreur, vous le dotez de 50 millions de francs. Cela est largement insuffisant eu égard, d'une part, à la contribution légale que doit l'Etat à ce fonds et, d'autre part, aux perspectives de création d'un régime d'assurance-récoltes dont l'étude est prévue par la loi d'orientation agricole. Cela augure mal de la volonté des pouvoirs publics de mettre en place à l'avenir cette assurance-récoltes. Nous demandons donc que l'on revienne au niveau des 250 millions de francs.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce budget : sur les crédits de l'enseignement agricole privé, toujours insuffisants ; sur l'absence de cofinancement pour la compensation agri-monétaire mise en place suite à l'euro ; sur la stagnation des crédits relatifs aux agriculteurs en difficulté. Mais, faute de temps, je dirai seulement quelques mots du BAPSA.

Le BAPSA ne prend aucunement en compte les nouvelles mesures de revalorisation des retraites prévue par la loi d'orientation agricole. Il est nécessaire que les engagements annoncés aient une traduction budgétaire.

Par ailleurs, il n'intègre pas des mesures qui ont déjà été décidées - pérennisation de l'allocation de rentré e scolaire, revalorisation des prestations familiales et des retraites au 1er janvier 2000 de 0,5 % au lieu des 0,2 % retenus -, mesures qui devraient s'appliquer de plein droit aux agriculteurs.

En conclusion, monsieur le ministre, ce budget ne correspond pas du tout aux attentes de nos agriculteurs, et leur déception sera grande, au regard des espoirs que vous avez engendrés lors de la mise en place de la loi d'orientation agricole. Vous mettez notre agriculture sous perfusion et sous dépendance de subsides ridicules. Vous oubliez que c'est une activité économique comme les autres, qui a ses propres contraintes et qui doit avoir sa propre politique au regard à la fois de la PAC et de la globalisation des échanges.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement vient de donner mandat de négociation à la Commission pour Seattle, et que les principes mêmes de la préférence communautaire, de la sécurité sanitaire et de l'équité en matière environnementale sont très loin des discours que nous entendons sur la « malbouffe », et de la nécessité d'une agriculture respectueuse de l'environnement et du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.


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M. Jacques Desallangre.

La discussion de votre budget, monsieur le ministre, se caractérise, entre autres constats, par la place grandissante qu'y trouvent des données exogènes.

En effet, il est impossible d'envisager une discussion sur l'agriculture sans prendre en considération la réglem entation européenne et la PAC avec les récents

« accords de Berlin », mais aussi, depuis les derniers rounds du GATT et la création de l'OMC, la mondialisation libérale croissante des activités agricoles et la volonté hégémoniste des grands groupes de l'industrie agroalimentaire.

Malgré ces contraintes extérieures fortes, le Gouvernement et sa majorité utilisent toutes les marges de manoeuvre, proposant un nouveau projet de développement par la loi d'orientation agricole et l'application de la mesure la plus innovante contenue dans celle-ci, à savoir les contrats territoriaux d'exploitation.

Ce nouvel outil d'orientation prend enfin en considération toute les fonctions remplies par les agriculteurs et notamment leur participation à l'aménagement du territoire en valorisant l'espace occupé. La pluriactivité des agriculteurs est une condition de leur survie dans certaines régions de France, le revenu procuré par l'exploitation étant pour certains très insuffisant. Il faut donc appuyer cette diversification si nous voulons éviter la désertification de nos terres les moins rentables et une concentration à outrance des exploitations. Cette participation des agriculteurs à l'intérêt général et leur multifonctionnalité peuvent aujourd'hui être rémunérées grâce aux CTE.

Il est donc important que ces contrats entre l'exploit ant et l'Etat soient le plus rapidement signés et recueillent l'adhésion d'un grand nombre d'agriculteurs.

Je note à cet égard avec satisfaction que la ligne budgétaire consacrée aux CTE fait l'objet cette année d'un abondement de 650 millions de francs portant la dotation à 950 milliards. Cette augmentation des crédits et la participation communautaire à hauteur d'un milliard de francs devraient permettre d'atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé : la signature de 40 000 CTE en l'an 2000.

Mais, malgré ces efforts en faveur d'une nouvelle forme d'agriculture, je crains qu'on n'ait encore insuffisamment conscience des risques de mainmise des grandes industries agroalimentaires.

Nos agriculteurs, quelle que soit la taille de leur exploitation, risquent demain de se voir étouffés, en amont de la production, par les groupes de biotechnologie qui contrôlent les semences et, en aval, par les chaînes de distribution à la recherche des plus faibles prix.

L'agriculture vit déjà un bouleversement technologique avec la place grandissante de groupes, comme Monsanto, qui cherchent à maîtriser les semences par modification génétique pour ensuite fournir tous les accessoires à la production comme les engrais et les pesticides.

Nous ne pouvons accepter de confier notre alimentation aux cinq plus grandes firmes de biotechnologie qui, grâce à leurs recherches sur les semences stériles appelées « Terminator » ou sur le maïs BT, pourraient maîtriser la production et être ainsi en possession d'une véritable arme alimentaire. Les agriculteurs, puis, en bout de chaîne, les consommateurs, seraient les premières victimes.

Nous devons donc impérativement approfondir notre réflexion sur les OGM ainsi que sur le concept juridique de brevetabilité du vivant qui permet à des sociétés privées de s'approprier la diversité biologique alors qu'elle devrait rester la propriété de tous ou une chose sans maître, une res nullius.

Mais la menace pour les agriculteurs ne pèse pas qu'en amont de la production. Ils sont également soumis à de très fortes contraintes en aval pour écouler leur production. Les filières de distribution et les grands opérateurs intervenant sur le marché imposent aux agriculteurs une concurrence accrue et la recherche des moindres coûts, parfois même au détriment de la santé des consommateurs. L'agriculteur risquerait, si l'Etat n'intervenait pas pour fixer les règles du jeu, de devenir un simple maillon - et un maillon faible - de l'industrie agroalimentaire.

Il nous faut donc dans ce cadre souligner et signaler vos efforts, monsieur le ministre, en faveur de la réorganisation des filières en difficulté visant un partage plus équitable de la valeur ajoutée. Votre action en faveur des agriculteurs et des consommateurs porte également sur la sécurité alimentaire tant par l'augmentation des crédits de l'Agence française de sécurité sanitaire que lors des négociations avec nos partenaires.

Permettez-moi de citer mon collègue Georges Sarre.

Celui-ci a déclaré : « La France dispose d'un outil satisfaisant avec une agence compétente, autonome : l'AFSSA.

Je ne vois pas pourquoi notre pays lâcherait la proie pour l'ombre, sous le prétexte d'uniformiser les modes de contrôle. Un bon avis scientifique est valable partout.

Une agence européenne, ce serait déresponsabiliser plus encore les politiques. »

Nous tenions à vous apporter notre soutien en faveur de l'instauration d'une traçabilité directe et indirecte, garantissant une information correcte du consommateur qui demeure inquiet et perplexe après la crise de la vache folle, celle de la dioxine et, maintenant, l'utilisation de boues pour l'alimentation des animaux.

Mais nos efforts et réflexions sur les orientations de notre agriculture ne doivent pas nous faire oublier la situation d'un nombre très important d'anciens agriculteurs qui, après avoir participé très activement à la reconstruction puis à la bonne marche de la nation, se trouvent dans une situation matérielle difficile. Conservons présent à l'esprit leur implication indispensable pour mener à bien la politique agricole qui fut, durant trente années, marquée par la perspective de subvenir à nos besoins alimentaires, objectifs largement atteints et dépassés puisque, grâce à eux, nous figurons aujourd'hui parmi les premiers exportateurs.

Dès le début de cette législature, les députés MDC se sont inquiétés du faible niveau des retraites agricoles.

Nous avions déposé une proposition de loi visant, dans un premier temps, à revaloriser les plus faibles d'entre elles jusqu'à 55 % du SMIC pour les porter à terme à 46 000 francs.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, cette année comme les précédentes, nous sollicitions de votre part un relèvement des pensions minimum. D'une part, le Gouvernement s'y était engagé dès 1997 et, d'autre part, les retraités ne peuvent se satisfaire des mesures adoptées entre 1994 et 1997.

Aujourd'hui encore, malgré les revalorisations entreprises depuis 1997, certains retraités agricoles ne disposent que de 2 000 à 3 000 francs par mois. Ces minima sont inférieurs au minimum vieillesse qui est censé représenter un niveau plancher dans une nation riche.


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Vous avez donc accepté, monsieur le ministre, au cours de notre discussion budgétaire, de déposer un amendement tendant à inscrire au budget 1,2 milliard de francs afin de revaloriser de 2 400 francs par an tous les minima et de réduire la durée de carrière déclenchant le bénéfice des revalorisations. Il semble néanmoins que ce pas important ne permette pas de résorber totalement les inégalités qui demeurent.

Les réserves dégagées par la diminution des parties prenantes au BAPSA ne pourraient-elles permettre, monsieur le ministre, d'accélérer le mouvement afin que les petites retraites atteignent dès l'année prochaine le minimum vieillesse ? De même, envisagerez-vous de réexaminer l'attribution de la majoration de 10 % pour enfant ? Celle-ci profitera essentiellement aux plus aisés. Elle se révèle dérisoire pour les plus modestes. Il serait peut-être souhaitable de forfaitiser cette majoration.

Mon collègue Suchod, dans une intervention précédente, a déjà indiqué que les députés du MDC voteront ce budget. Je le confirme avec l'espoir que des amél iorations supplémentaires soient apportées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. René Leroux.

M. René Leroux.

Mes chers collègues, lorsque les députés que nous sommes avons à examiner un budget, il convient de déterminer si les moyens prévus par le Gouvernement permettent de mener à bien une politique volontaire et efficace dans le domaine concerné, aujourd'hui la pêche, sans oublier, bien sûr, l'agriculture. (Sourires.) Après examen de ce projet de loi de finances pour 2000, je réponds : « Oui. » Oui, ce budget permet de

soutenir et de développer toute la filière pêche.

Bien sûr, on aurait espéré un effort supplémentaire dans certains domaines, comme la subvention accordée à l'OFIMER. Le montant de la subvention est juste maintenu au niveau de l'année passée. Cela devrait, certes, permettre de poursuivre les actions engagées, mais un effort supplémentaire aurait été le bienvenu, connaissant les besoins de la filière, notamment pour la modernisation des outils de commercialisation des produits de la mer et de l'aquaculture.

Il est important de développer et de moderniser les équipements à terre, les installations portuaires, les criées.

Cela permettrait également la valorisation de la production, en aidant à la promotion des produits de la mer et en développant leur qualité et leur traçabilité.

L'amélioration de la qualité permettra l'augmentation de la consommation. Mais, attention ! Ce renforcement des contrôles sanitaires doit aussi s'appliquer aux poissons d'importation. Il doit en être des produits de la mer comme des autres produits alimentaires.

Donnons aux Françaises et aux Français le goût des produits de la mer, mais n'oublions pas que le déficit de la balance commerciale de ces produits est le plus élevé du commerce extérieur français. Donc, parallèlement, nous devons réagir en relançant la construction et la modernisation des navires de pêche, pour la pêche artisanale comme pour la pêche industrielle, qu'il convient de ne pas oublier.

La France a des atouts indéniables : une façade maritime incomparable, des professionnels compétents et courageux.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et des élus de qualité ! (Sourires.)

M. René Leroux. La loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines de novembre 1997 a constitué une première étape permettant de réorganiser la filière, de moderniser le statut des entreprises, de changer les relations sociales. Aujourd'hui, il faut poursuivre le développement durable de ce secteur. Il est d'ailleurs domm age, monsieur le ministre, que tous les décrets d'application, notamment dans le domaine social, ne soient pas encore parus, mais je compte sur vous et vos services pour faire avancer les choses.

M. Dominique Dupilet, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour la pêche.

Très bien !

M. René Leroux.

Le POP

III et le POP IV en cours de réalisation ont demandé des efforts considérables à notre pays. Aujourd'hui, il faut aussi pouvoir relancer la construction et, par là même, soutenir le secteur français de la construction navale. Une flottille renouvelée est indispensable. Ne nous laissons pas distancer par les autres grandes nations européennes de la pêche.

Monsieur le ministre, il faut donner une priorité à l'installation des jeunes. Elle redonne vie à nos ports et redynamise toute une filière. Les aides à la première installation et le dispositif SOFIPÊCHE doivent être pleinement utilisés.

Mais, pour donner envie aux jeunes d'aller vers les métiers de la mer, il faut améliorer les formations et surtout les conditions de travail. Qu'en est-il de l'application de la réduction du temps de travail dans ce secteur ?

M. Dominique Dupilet.

Très bonne question !

M. René Leroux.

Le problème de l'assurance chômage n'est pas encore réglé, et, pourtant, il est urgent. Où en sont les discussions avec les professionnels ? Je souhaite aussi évoquer la conchyliculture et l'aquaculture. Ce secteur reste fragile et il est soumis à des difficultés régulières, au plan climatique notamment, mais aussi en matière de pollution. La protection de l'environnement doit contribuer à mieux protéger l'activité conchylicole et aquacole.

Autre cause de nuisance, le développement incontrôlé du tourisme de masse dans certains secteurs. Mal maîtrisées, les activités touristiques peuvent gêner l'activité des professionnels de la mer, qui voient leurs espaces diminuer, et malheureusement aussi contribuer à une détérioration de la qualité des eaux.

Dans l'optique de la nouvelle politique des pêches, en 2002, il convient de travailler vite à la pérennisation des activités de la pêche et des cultures marines.

Dans ce sens, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous adressiez un message « fort » en direction de ces professionnels qui comptent sur vous pour leur avenir.

Votre budget permettra d'appliquer les réformes en cours et répondra aux attentes du groupe socialiste, qui le votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Micaux.

M. Pierre Micaux.

Monsieur le ministre, j'aurais aimé p ouvoir intervenir sur les contrats territoriaux d'exploitation, les retraites ou encore l'installation des jeunes agriculteurs, mais, mon intervention ne pouvant excéder cinq minutes, il m'a fallu faire un choix. La prio-


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rité que j'ai retenue est la situation de la forêt. Vous n'en serez pas étonné. Un ancien de l'Ecole du bois ne pouvait laisser ce sujet non traité.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre Micaux.

Je considère que la forêt est, pour paraphraser votre ancien collègue M. Bianco, un enjeu pour l'avenir. C'est une évidence. Elle représente un capital incomparable et concourt à l'équilibre de la nature.

Dans une écologie bien comprise, elle trouve bien évidemment une place de choix.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Pierre Micaux.

Me rappelant mes années d'études, je vous parlerai, par exemple, de la photosynthèse.

Nombre d'entre nous ignorent ce processus. Or il serait bon que Mme Voynet, votre collègue, monsieur le ministre, en charge de l'environnement et de la protection de la nature, le découvre. Au cours de la photosynthèse, le gaz carbonique est détruit sous l'effet de la lumière solaire. Ce travail est effectué au niveau de la feuille, qui digère, en quelque sorte, le dioxyde de carbone. Cela représente un capital que nous ignorons et que, pourtant, il faut préserver en premier lieu.

La forêt participe en effet de ce fait à la lutte contre l'effet de serre et la conférence de Tokyo ferait bien de prendre connaissance de cette réalité.

Sur le plan économique, la forêt représente un capital de choix, plus sage et plus bénéfique encore, à mon sens, que la Bourse. Son rendement oscille entre 2 %, sur les plus mauvaises exploitations, dans les plus mauvaises terres, et 4 %, mais, au moins, on ne court pas le risque d'un krach comme celui que l'on a connu en 1929. La forêt renferme en elle une sagesse certaine. Cette sagesse commande, sur le plan économique, qu'elle soit développée et confortée.

Il faut, vous le savez, monsieur le ministre, grosso modo vingt ans pour qu'un peuplier atteigne sa pleine croissance, entre cinquante et soixante-dix ans pour un résineux. Et, en montagne, cela peut demander un siècle, et même plus. Pour un chêne, il faut un siècle et demi. S'il pousse en forêt de Tronçais, où le diamètre de son tronc s'accroît d'un millimètre par an, il faut attendre deux siècles, voire trois. Sa valeur s'en trouve ajoutée d'autant.

C'est donc un capital qui ne peut être géré à moyen ou long terme, mais bien à très long terme.

M. François Sauvadet.

Exactement !

M. Philippe Auberger.

Allons ! Vous avez les glandées ! (Sourires.)

M. Pierre Micaux.

Dès lors, il ne peut y avoir de demimesure. La forêt est en droit de prétendre à une gestion durable, à une réelle politique de qualité, qui privilégierait enfin la futaie par rapport au taillis sous futaie, le taillis sous futaie par rapport au taillis et le taillis par rapport à la garrigue, partout où c'est possible, obéissant à une logique de gradation et à une certaine sagesse, pour ne pas dire une sagesse certaine.

Nous avons également besoin d'une politique environnementale. On nous parle de qualité de la vie et d'économie d'énergie : combien de stères de bois restent à pourrir dans les taillis et à participer seulement de l'humus ! Combien de houppiers restent inutilisés et jamais convertis ! Monsieur le ministre, je vous livre ces quelques pistes de réflexion, des pistes professionnelles, déjà expérimentées. Il nous faut renforcer la compétitivité de notre filière forêt-bois, mais aussi la soutenir. C'est ce que vous avez commencé à faire en supprimant le Fonds forestier national et les taxes sur les différents produits. Vous êtes dans la bonne voie,...

M. René Leroux.

Très bien !

M. Pierre Micaux.

... mais nous ne sommes encore qu'à mi-chemin de ce que souhaitait M. Bianco. Nous attendons impatiemment le projet de loi d'orientation sur la f orêt pour l'année prochaine ; nous jugerons alors l'architecte à son oeuvre. Mais cet architecte devra rester longtemps, vous dépasser, nous survivre. Il faudra imaginer une politique pérenne, et c'est bien la pérennité des crédits que nous vous demandons tout particulièrement ce soir.

Enfin, monsieur le ministre, nous devons mieux promouvoir le bois, encore trop méconnu. Le bois, dit-on, est inflammable. Voilà une fausse évidence avec laquelle il faut en finir. Les architectes doivent être éduqués. Non, le bois n'est pas inflammable, car il ne conduit pas la chaleur ; tout au contraire, il contribue à l'empêcher de se propager. Relancer notre forêt est un énorme chantier ; elle mérite mieux que ce qu'on lui accorde pour l'instant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Brottes.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Avec un peu plus de 29 milliards de francs, vous nous présentez un budget équilibré, monsieur le ministre. Nous devons tout d'abord vous féliciter pour l'habileté et l'opiniâtreté avec lesquelles vous négociez, aussi bien sur le plan extérieur que sur le plan intérieur,...

M. Philippe Auberger.

Il a mangé de la vache enragée !

M. Gérard Saumade.

... pour faire reconnaître l'agriculture comme un des secteurs de pointe de l'économie nationale, mais aussi comme un des facteurs essentiels de notre équilibre social.

Les quatre priorités principales retenues pour le budg et 2000 mise en place de contrats territoriaux d'exploitation, renforcement de la qualité de la production agricole et de la sécurité alimentaire, consolidation des moyens de l'enseignement agricole et création de nouveaux outils de la politique forestière - sont particulièrement révélatrices de ces exigences. Et si je n'aborde pas les problèmes d'enseignement, ce n'est pas que je les considère comme secondaires, mais tout simplement par manque de temps.

Les contrats territoriaux me paraissent constituer l'expression la plus offensive d'une volonté d'allier performances économiques et équilibre social de la nation. A cet égard, on comprend que vous ayez fait transiter des crédits de la DJA, ce que vous reproche l'opposition, afin justement de mettre en place des contrats spécifiques, adaptés au cas des jeunes agriculteurs. Reste à souhaiter qu'ils rencontreront le succès escompté.

M. Christian Jacob.

Il n'est pas encore là, le succès !

M. Gérard Saumade.

A cet égard, il me paraît souhaitable de faciliter l'intervention des coopératives dans la mise en place des contrats d'exploitation. Une telle possibilité serait particulièrement intéressante pour la viticulture du Languedoc-Roussillon. Celle-ci connaît une formidable transformation qualitative, dont les coopéra-


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tives sont le fer de lance. Elles y jouent en effet un rôle majeur grâce à un immense effort de modernisation, de concentration et de fusion. Elles deviennent de véritables entreprises de production, de transformation et de services, combinant logique de territoire et logique de filière, ce qui me paraît tout à fait conforme à l'esprit des contrats d'exploitation.

Vous avez indiqué que les crédits de l'Etat et de l'Europe affectés aux CTE devraient permettre de corriger les inégalités de dotation qui, pour l'instant, pénalisent les productions méditerranéennes. Celles-ci représentent 31 % du chiffre d'affaires de l'agriculture française alors qu'elles ne reçoivent que 6 % des aides européennes. Je ne peux donc que vous approuver. Mais, pour la viticulture languedocienne, l'utilisation offensive de ces crédits, dans une logique de projet opposée à une logique de guichet, passe en grande partie par l'éligibilité des coopératives aux contrats d'exploitation.

Une autre priorité de votre budget concerne la forêt, tout à la fois facteur de production, notre collègue l'a montré à l'instant, et élément d'aménagement du territ oire. Cette dernière dimension est particulièrement caractéristique de la forêt méditerranéenne, remarquablement analysée par le rapport Bianco. Le développement de l'urbanisation dans toute la région méditerranéenne, actuellement soumise à une très forte pression démographique, rend indispensable un toilettage de la législation. Ainsi en est-il des textes, souvent anciens, qui prévoient le débroussaillement sans du reste exactement le définir, tout à la fois difficiles à mettre en oeuvre et largement insuffisants. Une intervention directe de l'ONF, en collaboration avec les collectivités locales et particulièrement le département, me paraît hautement souhaitable.

Chez les privés, elle devrait être systématique, car c'est bien là que se pose un de nos problèmes majeurs. La réalisation de grandes opérations de coupe-feu est en effet indispensable dans notre forêt si nous ne voulons pas la voir anéantie par les incendies.

Cette réflexion sur l'extraordinaire utilité de la forêt méditerranéenne, y compris dans la prévention des inondations telles que celles que nous venons de subir, devrait être une incitation supplémentaire à la développer.

Cela m'amène à évoquer les problèmes de l'hydraulique en Languedoc-Roussillon. Le réseau de la compagnie nationale du bas Rhône-Languedoc devrait davantage être considéré comme un moyen de lutte contre les incendies de forêt et de défense de l'environnement, parallèlement à sa fonction principale au service d'une agriculture diversifiée et d'une viticulture de qualité. Dans nos terres caillouteuses du midi de la France, l'irrigation au goutte-à-goutte permet le développement d'une viticulture de grande qualité, alors que la maturation du raisin est souvent gênée par l'extrême sécheresse. Autant dire que le développement de ce réseau est une condition majeure de l'aménagement du territoire languedocien. Or les crédits hydrauliques prévus par la loi de finances sont une fois encore à la baisse. La ligne 61-44-10 dispose de 102,11 millions de francs en autorisations de programme contre 108,9 millions de francs en 1999. Cette diminution rendra difficile la poursuite de travaux d'hydraulique d'intérêt régional ou de montagne. La ligne 61-44-70 réservée aux sociétés d'aménagement rural n'est plus que de 30 millions de francs contre 46 en 1999 et 80 en 1997. Cette dotation est destinée aux trois SAR coteaux de Provence, coteaux de Gascogne et bas Rhône-Languedoc. Pour cette dernière société, il importe que les 10 millions de francs prévus soient affectés, quelque difficulté que pose leur intégration dans le contrat de plan.

Le maintien des réseaux de la compagnie en dépend.

Je souhaite enfin que, dans les prochains budgets, les gouvernements ne perdent pas de vue l'intérêt majeur des équipements d'irrigation, en particulier pour le Languedoc-Roussillon et tout le pays méditerranéen, confronté au difficile maintien de l'équilibre économique, aux impératifs de la défense de l'environnement, à l'évolution de la consommation d'eau dont nous risquons de manquer...

M. le président.

Veuillez vous approcher de votre conclusion, monsieur Saumade.

M. Christian Jacob.

Il dépasse son temps de parole !

M. Gérard Saumade.

Je termine, monsieur le président (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), mais ce dernier sujet est important. Toutes les études menées sur le département de l'Hérault montrent que nous risquons d'ici à dix ans de manquer d'eau potable.

M. Christian Jacob.

Il fallait aller à l'essentiel !

M. Gérard Saumade.

Si cela ne vous plaît pas, c'est pareil ! Je dois le dire et je le dis ici.

M. Christian Jacob.

Pourquoi n'allez-vous pas le dire ailleurs ?

M. Gérard Saumade.

Or tout dépend des équipements mis en place à l'initiative de la compagnie du Bas-Rhône, comme l'avait voulu son fondateur Philippe Lamour.

Nous avons besoin d'aménageurs. Contrairement à ce que croient certains, le temps des grands investissements d'aménagement n'est pas révolu. Je sais, monsieur le ministre, que vous ferez tout ce que vous pouvez pour que l'agriculture du Languedoc-Roussillon puisse se développer et son environnement être préservé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. André Angot.

Peut-il voter ce budget après l'avoir autant critiqué ?

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, non, la forêt française n'est pas menacée de déforestation. Elle a doublé de surface en un siècle et demi et progresse deux fois plus vite qu'elle n'est récoltée.

M. Christian Jacob.

Ce sont les surfaces en bois qui progressent, nuance !

M. François Brottes.

Oui, notre filière bois doit être plus compétitive. La balance commerciale de l'ensemble de la filière est déficitiaire malgré la grande diversité du bois récolté et notre remarquable tradition de savoir-faire.

Oui, la forêt joue, comme l'agriculture, un rôle multifonctionnel ignoré. Outre la récolte du bois, la préservation des nappes phréatiques ou la protection contre les éboulements rocheux, la forêt participe à la lutte contre l'effet de serre en stockant du carbone - cela a été brillamment démontré par notre collègue Micaux à l'instant.

Elle maintient la biodiversité, elle accueille les promeneurs, les chasseurs et les ramasseurs de champignons, dont la cohabitation exige un équilibre subtil, cher à notre collègue Patriat.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'agriculture.

Merci !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. François Brottes.

Bref, la forêt occupe 27 % de notre territoire et est indipensable à 100 % de nos concitoyens.

Si j'ai éprouvé le besoin de rappeler ces quelques évidences, monsieur le ministre, c'est parce qu'un des maux dont souffrent la forêt et le bois est certainement celui de ne pas suffisamment communiquer.

M. Christian Jacob.

Il n'y a pas que cela.

M. François Brottes.

La rumeur continue à soutenir que chaque fois qu'on coupe un arbre, on abime la forêt.

Trop de réticences archaïques empêchent d'aller vers une normalisation internationale de l'écocertification, vers une traçabilité des produits forestiers, vers une caractérisation plus fine, vers un écobilan labellisé du matériau bois.

Comment mieux communiquer si ce n'est en utilisant une formule empruntée à la publicité, pour peu que vous me permettiez ce clin d'oeil sans irrévérence aucune :

« Banco pour le milliard Bianco. La forêt et la filière bois en rêvaient : Glavany l'a fait ! » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, monsieur le ministre, vous n'avez pas mis longtemps pour relever ce défi du milliard préconisé par l'excellent rapport Bianco, puisque le budget 2000, que j'ai attentivement lu, apporte, en tendance tout au moins, une réponse à la hauteur des espérances.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : votre effort budgétaire pour ce secteur s'accroît de 45 %. Près de de 2 milliards sont ainsi budgétisés dans votre périmètre.

Cette progression sans précédent mérite d'être saluée, mais aussi d'être commentée, ce que je ferai à l'adresse plus particulièrement de M. Sauvadet.

Le budget de l'Etat portera dorénavant le Fonds forestier national. Le fait que le FFN soit alimenté non plus par une taxe dédiée, mais par le budget général ne fragilise en rien, répétons-le, sa pérennité. D'autant, souvenezvous, que les modifications de l'assiette de la taxe intervenues par le passé lui avaient valu d'être sensiblement diminuée.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

M. Sauvadet est pour les taxes !

M. François Brottes.

Je veux croire au contraire que, chaque année, la vigilance de la représentation nationale, très attachée à la forêt, ainsi que votre volonté, monsieur le ministre, d'associer la profession à la gestion de ces lignes budgétaires, constitueront des garanties bien supérieures au système précédent.

M. François Sauvadet.

C'est vrai.

M. François Brottes.

Pour atteindre ce fameux milliard supplémentaire, il est logique de tenir compte de l'allégement d'impôt de 342 millions de francs dont bénéficient désormais les opérateurs tels que les scieurs qui, jusqu'à ce jour, acquittaient la taxe du FFN. On ne l'a pas dit jusqu'à présent. Les entreprises pourront d'ailleurs utiliser en partie ce réel coup de pouce pour étoffer les moyens de leur interprofession, qui, reconnaissons-le, en a bien besoin.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. François Brottes.

Avec 79 millions de francs en plus pour l'ONF au titre de sa mission auprès des communes forestières, et 50 millions supplémentaires pour reboiser et lutter contre l'effet de serre, auxquels s'ajoutent des compléments budgétaires significatifs au service de la restauration des terrains de montagne, de la modernisation de la filière, de la promotion du bois et de la démarche concertée pour la mise en oeuvre d'un dispostif de certification en Europe, votre budget marque une étape importante vers une nouvelle dynamique du secteur forêt-bois.

Nous sommes d'autant moins loin du milliard supplémentaire préconisé par le rapport Bianco, qu'il faut ajouter au budget de votre ministère toutes les autres contributions ministérielles, qu'il s'agisse de la prévention et de la lutte contre les incendies de forêt, évoquée par notre collègue Saumade, de l'aménagement du territoire, de la promotion du bois énergie, de la recherche et de l'aide au développement technologique... Au total, ce sont 945 millions de francs qui pourront être mobilisés en faveur du secteur forêt-bois,...

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

C'est un record !

M. François Brottes.

... sans oublier les 280 millions de francs de contribution européenne spécifique, en croissance notable de 25 % depuis l'an dernier.

Mme Sylvia Bassot.

Et la contribution des départements !

M. François Brottes.

Après le rapport Bianco en 1998, l'élaboration de la stratégie forestière en 1999, le troisième millénaire démarrera donc sous les meilleurs auspices : un excellent budget d'amorçage - je viens d'en p arler - « la concrétisation prochaine d'une charte construction-environnement-bois », signée entre tous les professionnels et les ministères concernés, la parution prochaine des décrets de la loi sur l'air, qui inciteront à l'utilisation du bois dans la construction afin notamment de lutter contre l'effet de serre.

M. Philippe Auberger.

Il était temps !

M. François Brottes.

Enfin, l'an 2000 verra aussi s'élaborer et j'espère se voter - je compte sur vous tous, chers collègues - une nouvelle loi d'orientation et de modernisation forestière, comme le Premier ministre l'a annoncé à Strasbourg.

Je vous signale enfin, monsieur le ministre, que nous comptons sur le soutien du Gouvernement pour surseoir à la suppression de la taxe sur le défrichement. Tant que la future loi forestière n'est pas promulguée, cette mesure risque en effet de déstabiliser gravement les équilibres existants.

Par ailleurs, l'évolution à la baisse de la TVA sur l'utilisation du bois-énergie dans les réseaux de chaleur collect ifs demeure, pardonnez-moi l'expression, un sujet

« chaud » pour l'ensemble des parlementaires.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour l'agriculture.

Très bien ! M. Jean-Michel Marchand et

M. Jacques Rebillard.

Tout à fait !

M. François Brottes.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais, lancer un appel à l'interprofession de la forêt et du bois afin que l'an 2000 soit l'occasion de commencer un nouveau cycle de sensibilisation de l'opinion aux enjeux de la forêt et à l'intérêt d'utiliser plus et mieux le matériau bois, en organisant à la fin de l'année 2000 « la semaine du bois », sur le modèle de « la semaine du goût » que le secteur agro-alimentaire réussit d'ailleurs à merveille dans tout le pays.

M. Gérard Saumade.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. François Brottes.

Cette « semaine du bois » pourrait devenir un rendez-vous annuel, à peu près en même temps que le débat budgétaire, ce qui permettrait à tout le monde de se rappeler au bon souvenir de chacun.

M. Christian Jacob.

A défaut de la « semaine du bois », c'est la « langue de bois » !

M. François Brottes.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, votre budget 2000 restera certainement un bon souvenir pour la filière, et je souhaite pouvoir vous renouveler un compliment de même nature l'an prochain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Sauvadet.

Il n'aura reculé devant rien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre, hors prise en compte de la subvention du budget annexe des prestations sociales agricoles, votre budget est orienté à la baisse. Vous le justifiez par la forte décroissance des bonifications des prêts, liée à la baisse des taux d'intérêt. So it. Vous définissez quatre priorités en rapport étroit avec la loi d'orientation agricole, que je vais essayer d'aborder dans le temps qui m'est imparti.

L'exercice 2000 sera en fait la véritable première année d e la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation.

Les CTE doivent être la traduction d'une volonté politique au service de l'emploi, de la qualité des produits et du respect de l'environnement et des territoires.

C'est la reconnaissance de la multifonctionnalité de notre agriculture. C'est aussi la réorientation des aides pour une agriculture moins productiviste et plus compatible avec un développement durable.

Après les 300 millions de francs du projet de loi de finances 1999, les 950 millions de francs de celui de 2000 abondés par des crédits équivalents de la Communauté européenne, constituent un premier pas non négligeable. Mais les CTE devront progressivement monter en puissance, parce que je reste persuadé qu'ils vont trouver preneurs dans nombre de nos régions.

M. Christian Jacob.

Vous êtes de moins en moins nombreux à le penser !

M. Jean-Michel Marchand.

Mais, monsieur le ministre, ne faut-il pas envisager également des crédits pour l'information et la formation des agriculteurs et des autres acteurs du secteur rural, en tant qu'acteurs du volet environnemental des CTE.

Je ne m'attarderai pas sur la deuxième priorité, puisque nous aurons l'occasion d'en reparler. Il s'agit de la promotion des actions en faveur de la forêt. On a tout dit à ce sujet en s'inspirant du rapport Bianco et en anticipant sur un projet de loi dont nous aurons à débattre. D'ores et déjà, 950 millions de francs financent le soutien de l'Etat à l'Office national de la forêt et, pour la forêt privée, la suppression de taxes foncières et de défrichement, ainsi qu'un renforcement des actions budgétaires.

La troisième priorité est de poursuivre les efforts d'amélioration de la qualité sanitaire des aliments.

Des crédits sont inscrits pour l'identification permanente généralisée pour une traçabilité intégrale des bovins et pour l'Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire.

Nos concitoyens sont très attentifs à la qualité et à la sûreté des produits alimentaires qu'ils consomment.

Le principe de précaution et le reversement de la charge de la preuve doivent être des règles strictes.

Alors que la semaine dernière encore, en Mayenne, un cas de vache folle a été signalé, il nous faut continuer à être ferme. Ce n'est pas l'ouverture d'une procédure d'infraction par la Commission européenne qui doit modifier notre attitude, mais seulement les assurances scientifiques que donnera l'Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire.

M. Jacques Desallangre.

Très bien !

M. Jean-Michel Marchand.

Il ne faut pas non plus laisser entrer sur notre territoire le boeuf aux hormones.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Jean-Michel Marchand.

Certes, une telle attitude suscite des mesures de rétorsion pour d'autres productions. Je pense aux difficultés que rencontrent les arboriculteurs français sur le marché anglais.

Un député du groupe socialiste.

Et les producteurs de beaujolais !

M. Jean-Michel Marchand.

Il n'y a guère de beaujolais dans ma circonscription, mais je veux bien être solidaire de ces producteurs aussi ! Monsieur le ministre, vous aviez débloqué une enveloppe de 240 millions de francs pour les difficultés liées aux fruits d'été. Quelles mesures nouvelles envisagez-vous pour soutenir les producteurs de pommes...

M. André Angot.

Mangez des pommes !

M. Jean-Michel Marchand.

... alors que la surproduction est estimée à au moins 400 000 tonnes, et que les ventes vers l'Angleterre ont baissé de 40 % et sont quasiment nulles depuis une semaine ? Quelles mesures, complémentaires cette fois, comptezvous prendre pour inciter les producteurs à s'organiser afin de maîtriser cette production ? Dernière priorité, il convient de développer la formation et l'emploi des jeunes.

L'enseignement agricole connaît un développement remarquable. Les effectifs scolarisés sont en forte progression, de 21 % depuis 1993, mais les créations d'emplois d'enseignants n'ont pas suivi, le nombre d'emplois d'ATOS a même régressé.

En fait, la précarité s'est développée, puisque un quart des enseignements sont dispensés par des professeurs sous contrats à durée déterminée et un quart grâce à des cré dits d'heures supplémentaires ou des vacations.

Une mission a été confiée par votre ministère à M. Jean Moulias, chef de service de l'inspection générale de l'agriculture, qui, dans son rapport, propose la création de près de 2 500 postes, 2 434 exactement, d'enseignants, de maîtres d'internat-surveillants d'externat, d'ATOS et d'infirmières pour l'enseignement agricole public.

L'effort nécessaire est sans précédent et impose, me semble-t-il, de prendre rapidement deux mesures.

Dès le budget 2000, il faut rétablir l'équilibre entre postes supprimés et postes créés. En effet, 324 emplois budgétaires ont disparu des établissements scolaires.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'y a aucune suppression de poste !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

C'est indiqué dans mon rapport !

M. Jean-Michel Marchand.

Il faut ensuite affirmer le principe d'un plan de rattrapage pluriannuel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

J'en viens au budget annexe des prestations sociales agricoles, qui augmente de 3,65 %, avec près de 7,3 milliards de francs.

Vous poursuivez le plan de rattrapage des retraites agricoles mais sans l'accélérer et sans mettre en place un plan de mensualisation. Pourtant, aujourd'hui encore, trop de retraites agricoles sont en dessous du seuil de pauvreté.

M. Philippe Auberger.

Bien sûr !

M. André Angot.

M. Marchand ne votera donc pas le budget ! M. Jean-Michel Marchand Pour conclure, monsieur le ministre, alors que l'agriculture sera un des enjeux des négociations qui vont s'ouvrir à Seattle pour l'organisation mondiale du commerce, les députés Verts réaffirment leur attachement au principe de précaution, à la biovigilance et à la souveraineté alimentaire, ainsi que leur refus du brevetage du vivant.

Ils veulent croire en l'avenir des CTE, pour une plus juste répartition des aides, modulées et plafonnées, qui prennent véritablement en compte les dimensions socioé conomiques et environnementales d'une agriculture s'inscrivant dans le développement durable.

Les députés Verts apprécient votre fermeté dans la gestion des dossiers de la vache folle et du boeuf aux hormones.

Ils voteront votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de défendre ce budget. Certains d'entre vous ont souligné que c'était le premier que je présentais puisque, l'année dernière, le budget que j'ai défendu avait été préparé par mon collègue et ami Louis Le Pensec.

Je voudrais, pour commencer, remercier chaleureusement les rapporteurs pour le travail qu'ils ont accompli, et tout d'abord Mme Marre. Je ne sais où elle trouve le temps de faire tant de rapports : après celui sur l'OMC, celui sur le budget et bientôt celui sur la fiscalité agricole.

Sa capacité de travail ne saurait en tout cas être mise en doute.

Je remercie M. Patriat, qui, lui aussi, collectionne les rapports, puisqu'il est l'auteur de celui sur la chasse, qui a beaucoup à voir avec la ruralité et les sujets dont nous parlons ce soir.

M. Philippe Auberger.

Il cumule !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Enfin, merci à M. Mexandeau et à M. Dupilet pour leur attachement particulier au problème de la pêche, et à M. de Courson qui rapporte, avec l'ardeur qu'on lui connaît, sur le BAPSA, même si je regrette, en tant qu'ancien rapporteur de la commission des affaires sociales pour le BAPSA, que ce dernier rapport ait disparu à la faveur de la rénovation des travaux du Parlement. Il eût peut-être permis de contrebalancer certains des arguments de M. de Courson, mais j'y reviendrai moi-même tout à l'heure.

Je voudrais remercier aussi l'ensemble des orateurs pour leurs interventions. Chacun à sa manière défend, selon ses convictions, le monde paysan et l'agriculture française. Personne, ici, ne peut être suspecté de ne pas aimer nos paysans, de ne pas respecter leur travail, de ne pas estimer les fonctions qu'ils remplissent pour la société et de ne pas défendre leur cause. Sans doute nos convictions sont-elles différentes. Mais c'est bien normal, c'est la démocratie. En tout cas, nous ne saurions nous faire de procès d'intention car, chacun à notre manière, nous essayons de défendre l'agriculture française et d'apporter, par notre engagement collectif, des réponses aux questions qu'elle se pose, aux questions qu'elle nous pose et aussi aux questions que la société se pose à son endroit.

Avant d'en venir au budget proprement dit, je parlerai du contexte dans lequel il arrive : après les accords de Berlin, avant les négociations de l'OMC. En outre - j'en dirai un mot tout à l'heure - c'est le premier budget de mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole.

L'épisode de Berlin, vous en avez tous parlé, est derrière nous. Il s'est terminé moins mal que certains ne le craignaient mais sans doute moins bien que d'autres ne l'espéraient. C'est le fruit d'un compromis qui a été assumé par l'ensemble des pouvoirs publics français.

M. Yves Deniaud.

Merci Chirac !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il a permis, dans de nombreux domaines, de sauvegarder des intérêts français fondamentaux. Je pense en particulier à notre troupeau allaitant. Pour d'autres secteurs, il nous pose des questions qui exigent, de notre part, des rectifications. Je pense à celui des oléoprotéagineux. Sujet de p réoccupation pour nous, il appelait des réponses concrètes, y compris dans ce budget.

C ette discussion budgétaire vient, disais-je, avant Seattle et la négociation de l'OMC, dont vous avez longuement débattu il y a quelques semaines. Et vous avez voté une résolution.

Je veux vous faire part de mon sentiment à quelques jours de cette négociation. Nous sommes sous une double menace. La première est celle des intégristes antisubventions du groupe de Cairns qui considèrent que toute subvention à l'agriculture est un ennemi à abattre. Cet intégrisme, à bien des égards, a quelque chose de ridicule et, sans faire preuve d'un optimisme déraisonnable, je pense qu'il ne tiendra pas la route très longtemps. Nouss ommes aussi sous la menace des Américains qui combattent, eux, les subventions européennes. Pour eux, ce n'est pas la subvention à l'agriculture qui est un mal mais la subvention européenne ! Nous dénonçons leur hypocrisie en dévoilant que les budgets américains à l'agriculture ont quintuplé en quelques années et que l'aide alimentaire, que l'on peut considérer comme un artifice, pour subventionner, a triplé en trois ans. Ainsi, les aides directes à l'agriculture par exploitant aux EtatsUnis sont presque le double des aides européennes : de l'ordre de 9 700 dollars pour les premières, de 5 300 dollars pour les secondes.

Prise dans l'étau de deux groupes de pays qui veulent essentiellement attaquer l'agriculture européenne, je pense que l'Europe s'est bien préparée : elle a eu le mérite de conclure les accords de Berlin, il y a six mois - et elle a bien fait, à l'époque, de conclure - puis de prendre le temps de négocier un mandat cohérent. A notre surprise même, c'est dans le domaine agricole que nous avons le mieux négocié et que l'accord européen s'est fait le plus vite : il a été prêt le premier.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Christian Jacob.

On verra à l'arrivée !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'Europe se présente donc à la négociation munie d'un mandat cohérent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Bien évidemment, on l'a dit à de nombreuses reprises, pour le gouvernement français, la négociation de l'OMC doit être globale. Elle ne peut faire l'objet de « récoltes précoces », c'est-à-dire de décisions partielles, partiales et plus rapides que d'autres. Tant que tout n'est pas réglé, rien n'est réglé. C'est un peu le même principe que nous avions fait prévaloir pour l'Agenda 2000. Car si nous sommes favorables à une nouvelle libéralisation des échanges, nous voulons qu'elle obéisse à des règles, à des normes et à quelques principes simples.

Au nombre de ces principes figure le principe de précaution, auquel certains d'entre vous ont fait allusion et sur lequel je reviendrai tout à l'heure. C'est un impératif de sécurité sanitaire des aliments. Les autres principes sont, entre autres, la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture, c'est-à-dire la défense d'un modèle agricole européen, d'une agriculture diverse et qui rend beaucoup de services à la société.

Ces principes, nous devrons les défendre dans la future négociation, et l'Europe s'y prépare.

Ce budget est le premier de mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole, dont nous avons débattu longuement l'année dernière, et jusqu'au mois de juin. Son application a pris un peu de retard à cause de vous, messieurs, et de votre recours devant le Conseil constitutionnel. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Voyez : c'est vous qui nous faites un procès d'intention ! Vous étiez bien parti mais vous dérapez un peu !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ça aussi, c'est la démocratie ! Nous avons perdu quelques semaines et nous avons dû batailler ferme pour rattraper ce retard, dû à un droit, que je vous reconnais.

M. Christian Jacob.

Encore heureux !

M. Philippe Auberger.

Mais les contrats territoriaux ne sont toujours pas signés !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La loi a été promulguée le 13 juillet au Journal officiel.

Nous avons depuis franchi progressivement toutes les étapes et tous les obstacles dans sa mise en oeuvre : d'abord, le décret, puis un arrêté interministériel, puis la circulaire signée ce matin, et la notification de notre plan national de développement rural a été transmis à la Commission européenne hier.

M. Christian Jacob.

Il y a eu des cafouillages dans la mise en place !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Alors que certains affirmaient que jamais un CTE ne serait conclu en 1999...

M. Philippe Auberger.

On les attend toujours !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... j'ai le plaisir de confirmer à la représentation nationale que le premier sera signé demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

A partir de là, le mouvement va s'enclencher : compte tenu des moyens budgétaires que vous vous apprêtez à v oter, nous pourrons tenir l'engagement de signer 50 000 CTE d'ici à la fin de l'an 2000.

M. Christian Jacob.

Emplois-jeunes, 35 heures, CTE...

et allez donc !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ces contrats territoriaux d'exploitation, dont je comprends bien, monsieur Jacob, qu'ils vous désolent tant il y a d'agriculteurs candidats pour les signer et tant les files d'attente s'allongeant à l'entrée des DDA (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Christian Jacob.

Ça ne se voit guère sur le terrain !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... répondent à une vraie volonté de réorientation et de redistribution des aides agricoles. Ils s'inscrivent dans une logique non pas de guichets, celle à laquelle on avait trop habitué nos agriculteurs (« Mais si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), mais dans une vraie logique de projets, puisqu'il s'agira de définir, pour chaque exploitation, des projets. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Vous avez un bien curieux sens de la démocratie, messieurs de l'opposition ! Nous vous écoutons sans dire un mot. Mais dès que nous parlons, vous éructez comme s'il était interdit de dire à la tribune des choses différentes de ce que vous pensez ! Eh bien ! vous ne m'empêcherez pas de continuer tranquillement.

Ces CTE, nous allons donc les signer. Ils correspondent, je le répète, à une vraie logique de projets, de projets d'exploitation destinés à promouvoir de meilleures pratiques agricoles, des pratiques plus respectueuses de l'environnement et de l'aménagement du territoire et plus favorables de l'emploi, mais aussi recherchant une meilleure qualité des productions pour répondre aux exigences des consommateurs.

Les CTE, je peux en parler même si cela n'a pas de rapport direct avec le budget de l'agriculture car, demain, le conseil supérieur de l'orientation du ministère de l'agriculture traitera du projet de modulation des aides directes que nous allons mettre en place à partir de l'an 2000.

Je le confirme : le Gouvernement va moduler les aides directes à partir de l'an 2000.

M. Christian Jacob. Bon courage !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

A ceux qui, comme c'est leur droit, s'opposent à ce projet de modulation, je précise que ce n'est pas un prélèvement, puisque l'argent modulé n'ira pas à l'Etat, mais qu'il sera redistribué à d'autres agriculteurs dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La modulation des aides est une autre manière de distribuer l'aide publique à l'agriculture. Ce n'est pas un prélèvement nouveau, comme vous le prétendez, messieurs. Cet argent restera dans la ferme France. Il restera aux agriculteurs.

M. Alain Néri.

Ceux qui travaillent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Simplement, il ne sera pas distribué aux mêmes, et selon les mêmes méthodes.

M. Yves Deniaud.

Le précédent de la TGAP est éloquant !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je viendrai à la TGAP, soyez patient ! S'agissant toujours de la modulation, plusieurs d'entre vous, notamment M. Patriat, m'ont demandé en quoi consisterait ce nouveau système.

J'avais, au mois de juillet dernier, soumis un premier système au débat public, notamment dans le cadre du conseil supérieur d'orientation, de façon que les organisations professionnelles s'en saisissent et soient informées officiellement de la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens.

Ce projet reposait sur deux des trois seuls critères autorisés par l'accord de Berlin : le montant des aides directes et les aides à l'emploi. Mais il ne tenait pas compte de la marge brute standard, qui est l'indicateur de la richesse potentielle de l'exploitation, dans la mesure où je considérais que celle-ci, qui repose sur soixante critères, mettrait sans doute un peu trop de contraintes administratives dans l'évaluation de cette modulation.

J'ai mis ce projet en débat. Il a fait apparaître un certain nombre d'effets pervers notamment pour les zones intermédiaires qu'on appelle les 100 % SCOPEUR, surfaces en céréales, oléagineux et protéagineux, ou pour des agricultures très spécialisées, je pense, par exemple, au tabac ou à la fécule de pomme de terre. Nous avons craint, en maintenant ce projet, de faire subir à certains agriculteurs des contraintes de revenus par trop fortes.

Dans ce débat est apparue aussi la nécessité de mieux prendre en compte le critère emploi. Beaucoup d'élus - que je remercie d'avoir participé nombreux - et les organisations professionnelles m'ont fait savoir qu'ils considéraient que cette modulation des aides devait absolument prendre en compte, et le plus possible, ce critère.

Après tout, dans deux exploitations de cent hectares chacune, celle qui a un salarié devrait être beaucoup moins affectée que celle qui n'a pas de salarié du tout. Il faut trouver, par ailleurs, un système qui encourage l'emploi.

Demain matin, le système de modulation qui sera proposé aux agriculteurs et aux organisations professionnelles tiendra compte de toutes ces demandes, renforçant considérablement le critère de l'emploi, mettant en oeuvre la marge brute standard simplement pour les exploitations potentiellement modulables de façon que tous les agriculteurs ne soient pas obligés de remplir ce formulaire.

Nous avons écouté les conseils, notamment ceux des organisations professionnelles agricoles, et précisément ceux du CNJA dont les représentants m'ont expliqué qu'il fallait faire payer moins à un plus grand nombre d'agriculteurs.

Le nouveau système modulera une petite soixantaine de milliers d'exploitations, moins de 10 % des exploitations françaises, mais avec un taux de modulation qui, pour presque les trois quarts d'entre elles, sera inférieur à 5 %. La modulation moyenne sera bien inférieure à ce qu'elle était auparavant. Le système sera, je crois, parfaitement équilibré et permettra de mettre en oeuvre la politique que nous avons voulue : une politique de redistribution des aides grâce à la modulation, une politique der éorientation des aides grâce au contrat territorial d'exploitation.

J'en viens maintenant à la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, qui a été souhaitée par la majorité parlementaire, pour mettre en oeuvre, dans tous les secteurs de l'activité économique et sociale, le principe simple pollueur-payeur.

Bien entendu, compte tenu de la situation de l'agriculture française après les accords de Berlin, les baisses de prix pas toujours bien compensées à cause de la modulation, j'ai essayé, dans les discussions au sein du Gouvernement, et avec la majorité, de faire prévaloir une méthode encourageant les pratiques vertueuses et dissuadant les pratiques excessives.

C'est ce à quoi nous sommes parvenus, monsieur Sauvadet. Le système que nous allons mettre en place pour l'an 2000 touchera uniquement les phytosanitaires. Le système proposé, qui a déjà fait l'objet d'une lecture dans cette assemblée, consiste à classer tous les produits phytosanitaires en sept catégories en fonction de leur toxicité,...

M. Christian Jacob.

S'ils sont toxiques, il n'y a qu'à les interdire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... de la catégorie 1 quasiment sans toxicité, à la catégorie 7, regroupant les produits les plus toxiques. Evidemment, les produits de la catégorie 1 ne seront pas taxés alors que ceux de la catégorie 7 le seront lourdement, avec une progression.

Je vous signale que quasiment la moitié des produits phytosanitaires utilisés aujourd'hui en France font partie de la catégorie 1 et seront donc exonérés de toute taxe.

Un tel système progressif est parfaitement dissuasif.

Selon les prévisions budgétaires, le fait de taxer les produits pourrait rapporter 300 millions de francs, mais il suffit que l'on utilise des produits moins toxiques pour que le rendement de la taxe soit moins élevé.

M. Philippe Auberger.

Comment va-t-on financer les 35 heures ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comme si nous avions besoin de ces 300 millions de francs pour équilibrer le budget de la sécurité sociale et financer les 35 heures !

M. Christian Jacob.

Pourquoi donc les mettre dans le budget de la sécurité sociale ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Un tel système tend à encourager les bonnes pratiques. Souvenez-vous de ce qui s'est passé il y a quelques années pour les premix, ces boissons scandaleuses, dangereuses pour la jeunesse. Le Parlement a institué une taxe très dissuasive sur ces boissons. On pensait qu'elle allait rapporter beaucoup d'argent. Or cela n'a rien rapporté...

M. Philippe Auberger.

Nous l'avions dit à Charasse !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... parce que, du jour au lendemain, les jeunes se sont arrêtés d'en consommer, mais l'objectif était atteint : on avait obtenu l'élimination d'une pratique dangereuse pour la santé des jeunes.

M. Christian Jacob.

S'il y a des produits toxiques, interdisez-les !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En l'occurrence, si les agriculteurs utilisent de plus en plus de produits moins toxiques, cela rapportera moins d'argent.

Et alors ? Nous aurons fait évoluer les pratiques agricoles vers une meilleure prise en compte des besoins de l'environnement agricole.

L e TGAP, loin d'être l'épouvantail que certains essaient de décrire, traduit un principe simple.

J'en viens à quelques grandes lignes du projet de budget sur lesquelles je vais essayer d'aller vite car je sais qu'il y a ensuite de nombreuses questions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Je passe sur le montant global du budget. Est-il en hausse ou en baisse de 0,3 % ? Sans aucune attaque personnelle, je vous demande, monsieur Jacob, de mettre de côté votre calculette hémiplégique ou borgne et d'essayer de me suivre dans mon raisonnement.

M. Philippe Auberger.

On ne dit pas ça à un ancien président du CNJA ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le budget, vous l'avez dit, diminue de 0,3 % si l'on retire les 900 millions de francs dus à des rebudgétisations, notamment celle du fonds forestier national, j'en dirai un mot tout à l'heure, ou à la rémunération de l'ingénierie publique.

J'ai été parlementaire, nous avons tous étudié des budgets et nous savons tous décortiquer ce qui y rentre et ce qui en sort. Effectivement c'est un gonflement artificiel du budget, mais, en même temps, le budget a été dégonflé artificiellement de 900 millions de francs avec la baisse du coût des bonifications d'intérêt des prêts. Bref, en moyens propres,...

M. Christian Jacob.

Vous ne parlez pas de la politique d'installation des jeunes agriculteurs !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais j'y viendrai, monsieur Jacob ! En moyens propres, avec 900 millions en plus et 900 millions en moins, le budget de mon ministère augmente bien de 3 %. Vous voyez, monsieur jacob, je suis tellement heureux de vous avoir comme interlocuteur que je ne cesse de vous répondre avec la plus grande précision. (Sourires.)

S'agissant du fonds d'installation en agriculture, l'essentiel de ses missions seront reprises par le fonds de financement du CTE.

M. François Sauvadet. Mais quel est l'intérêt ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Un jeune qui s'installera ne sera pas obligé de signer un CTE puisque la démarche est libre et volontaire, mais, sincèrement, on aurait bien tort de le décourager d'en signer un, puisque non seulement il touchera une DJA, mais, en plus, il sera accompagné pendant cinq ans.

Par ailleurs, et je me suis engagé publiquement sur ce point à l'égard du CNJA et de Pascal Coste en particulier, les missions qui ne seraient pas reprises en compte par le fonds de financement des CTE seront financés dans le cadre budgétaire, et, j'ai le plaisir de vous l'annoncer, les reliquats de crédits du FIA qui ne sont pas consommés ne seront pas annulés par la régulation budgétaire et permettront de poursuivre le financement des opérations.

Le fonds d'installation en agriculture était sûrement une très belle opération et un très beau projet,...

M. François Sauvadet.

Si c'est vous qui le dites !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... mais il est difficile, monsieur Sauvadet, de crier au succès et à la mort d'un si magnifique instrument quand on sait que moins de 50 % de ses crédits étaient consommés.

M. Christian Jacob.

N'importe quoi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'était pas le succès que vous croyez.

Je prends donc des dispositions rigoureuses pour que le transfert sur le FSCTE couvre l'essentiel des missions.

Pour le reste, sans régulation, le reliquat des crédits du FIA permettra de financer les opérations en cours et même des opérations ultérieures.

Un mot sur le FAC, le fonds d'allégement des charges, sur lequel certains d'entre vous m'ont interrogé. Je vous confirme que les 200 millions de francs annoncés par le Premier ministre lors de la table ronde agricole du 21 octobre seront inscrits dans la loi de finances rectificative.

J'en viens maintenant au cinquième point de mon intervention, la qualité et la sécurité alimentaire. Je rends un hommage particulier à M. Leyzour et aux travaux de la commission d'enquête parlementaire qu'il préside. Elle s'est mise au travail dans d'excellentes conditions et le Gouvernement attend beaucoup de son travail.

Le problème du boeuf britannique a évidemment capté l'actualité depuis plusieurs semaines. La France, depuis le début, n'a fait preuve dans cette affaire ni de protectionnisme commercial, ni d'agressivité à l'égard de nos amis britanniques, encore moins d'esprit anti-européen, elle n'a été guidée que par l'impératif de sécurité alimentaire. A u cours de ce long feuilleton, les décisions du Gouvernement n'ont été prises qu'en fonction de cet impératif.

Quand l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a donné un avis à la fin du mois d'août - je dirai un mot des conditions dans lesquelles elle l'a fait -...

M. François Sauvadet.

A la demande du Gouvernement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... à la demande du Gouvernement, et conformément à la loi, le Gouvernement a décidé de faire reposer l'ensemble de ses interventions, notamment à l'égard de l'Europe, sur cet avis. Nous nous sommes notamment appuyés sur son contenu quand nous avons dit à l'Europe et aux Britanniques que nous demandions des garanties supplémentaires sur cinq points : la traçabilité, les tests, les contrôles, les produits dérivés et l'étiquetage.

Sur tous ces points, nous avons obtenu que les lignes bougent, et le protocole de pré-accord auquel nous avons abouti lundi soir, qui est en train d'être précisé par les Britanniques pour la mise en oeuvre des tests, puis prendra une forme officielle du côté de la Commission, et sera transmis à la France, j'imagine, demain ou aprèsdemain au plus tard, sera aussitôt transmis à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour qu'elle nous donne un nouvel avis, sur lequel nous nous appuirons pour prendre une décision politique.

M. Jacques Desallangre.

C'est parfait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est, en effet, aux scientifiques d'évaluer le risque, mais c'est aux politiques de le gérer.

M. François Sauvadet.

Et l'agence européenne ?

M. Jacques Desallangre.

On n'en a pas besoin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je voudrais revenir sur quelques-unes des critiques légitimes que vous avez faites.

Pourquoi vous êtes-vous abstenu le 28 novembre 1998, m'a-t-on demandé. Vous auriez mieux fait de faire comme l'Allemagne qui, elle, a voté contre.

M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ayant participé à ce conseil, je préfère avoir pris la position de la France que celle de l'Allemagne, quel que soit le respect que j'ai pour cette grande puissance et ce gouvernement ami. Lors de ce conseil agricole, son représentant a expliqué que, devant la levée de l'embargo que proposait


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

la Commission, il n'avait que deux félicitations à adresser, l'une à l'égard de la Commission qui avait bâti un système de levée de l'embargo impeccable, admirable, irréprochable, et l'autre à l'égard des Britanniques qui avaient fait des efforts considérables et qui devaient être félicités.

Conclusion, a-t-il dit, je vote contre, ce qui a suscité dans la salle du conseil agricole une surprise et un désappointement qui, je vous l'assure, ne m'auraient pas donné envie de faire pareil.

La position de la France ce jour-là, qui ne s'appuyait pas encore sur l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments parce qu'elle n'existait pas,...

M. François Sauvadet.

C'est spécieux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et je peux retrouver et vous donner mon intervention au conseil car elle est publique,...

M. François Sauvadet.

Je l'ai lue !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... était de dire : « C'est trop tôt, nous n'avons pas encore assez de garanties, il faut des contrôles supplémentaires, des investigations et des enquêtes en Grande-Bretagne et vous devez en informer les Etats membres. » Le commissaire

européen m'a répondu que j'avais raison, qu'il fallait prendre notre temps, faire des enquêtes supplémentaires et complémentaires, et nous en informer. Dans ces conditions, je me suis abstenu, avec l'aval des pouvoirs publics français.

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Très bien ! C'était d'une grande honnêteté intellectuelle !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Pour de telles décisions, en effet, un ministre ne décide pas tout seul dans son coin à Bruxelles.

J'en viens à la critique sur l'absence de courage. Au fond, on me reprocherait de ne pas avoir eu de courage et de m'être abrité derrière l'avis des scientifiques.

M. François Sauvadet.

Qui a dit ça ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Une dépêche et une déclaration tout à l'heure...

M. Christian Jacob.

Je le revendique.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... de M. Jacob, qui l'assume ! Mais, mesdames et messieurs, qui a créé l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments ?

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Nous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'était une proposition de loi déposée par des sénateurs RPR et UDF et en particulier M. Huriet, et elle a été votée à l'unanimité...

M. François Patriat, rapporteur pour avis.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... à l'Assemblée et au Sénat. Elle fait obligation au Gouvernement de demander l'avis de l'agence chaque fois qu'il édicte un texte concernant la sécurité.

M. Christian Jacob.

Cela ne vous empêchait pas de voter contre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous étions obligés de saisir l'agence et de lui demander son avis. Elle donne un avis défavorable. Effectivement, le Gouvernement aurait très bien pu ne pas en tenir compte.

M. François Sauvadet.

Soyons sérieux !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'imagine le tollé sur tous les bancs de l'Assemblée, à juste titre, chez les consommateurs, dans l'opinion, sur le thème : « Des scientifiques considèrent que c'est dangereux et le Gouvernement n'en tient pas compte. » Votre

critique sur ce point ne tient pas la route.

Nous avons voulu nous appuyer sur cet avis pour obtenir des garanties supplémentaires. Je pense que nous sommes sur le point de les obtenir. L'opinion et le Parlement seront juges de cette avancée.

Pour certains d'entre vous, il est extrêmement confus et embarrassant que des scientifiques français et européens aient des avis divergents.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En l'occurrence, je me suis abstenu de faire le moindre commentaire sur la manière dont les scientifiques européens se sont prononcés.

M. François Sauvadet.

Je n'ai pas parlé de cela !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si vous le voulez, je vous dirai un jour, sous le sceau d'une confidence ou dans le secret d'une commission d'enquête parlementaire, ce que j'en pense, et je le dirai le moment venu dans les instances européennes quand on parlera des dispositifs futurs.

Mais ce que je sais, c'est que, comme l'a dit un ministre écossais, M. Thomson, quand on est en face de deux avis scientifiques divergents, le devoir des politiques est de prendre en compte le plus prudent. C'est ce que nous avons fait. Cela dit, il est évident qu'on ne va pas rester ainsi toute notre vie avec des avis divergents.

M. François Sauvadet.

C'est le sens de ma question !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous souhaitez, après d'autres, la création d'une agence européenne de sécurité sanitaire.

M. François Sauvadet.

Voilà !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le président de la commission, Romano Prodi, l'a proposé il y a quelques jours. C'est une proposition du Gouvernement français du mois de mai dernier, faite par Bernard Kouchner, quand il était encore secrétaire d'Etat à la santé, au Conseil européen de la santé. Sachez que le gouvernement français est tout à fait décidé à aider

M. Prodi à aller dans ce sens.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je viens maintenant à l'enseignement agricole.

Dans ce budget de l'enseignement agricole, 230 emplois sont créés, 160 postes d'enseignants, 70 postes d'ATOS, chiffre qui tranche singulièrement avec des années et des années sans créations de postes, plus 149 emplois de déprécarisation, puisque le ministère de l'agriculture est un ministère pilote et exemplaire j'en suis fier, même si je n'y suis pas pour grand-chose - dans l'application de ce qu'on appelle le protocole Perben de déprécarisation de l'emploi public.

J'ajoute, monsieur Marchand, qu'il n'y a aucune suppression de postes, seulement des créations.

Reste que des problèmes graves sont posés à l'enseignement agricole, sur lequel je voudrais dire des choses aussi solennelles que possible.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

A la rentrée du mois de septembre, alors que les organisations syndicales d'enseignants et de personnels de l'enseignement agricole reconnaissaient elles-mêmes en toute bonne foi que c'était le meilleur budget de l'enseignement agricole depuis vingt ans (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas ce qu'elles nous ont dit.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... - et, en termes de créations de postes, c'est incontestable -, elles ont fait grève, comme elles ont manifesté aujourd'hui.

Il faut reconnaître que l'enseignement agricole français est, si j'ose dire, victime de son succès. Comme il réussit bien, et en particulier parce qu'il a des taux d'insertion professionnelle remarquables, il attire de plus en plus de jeunes. Ses effectifs sont en hausse alors qu'ils sont en baisse dans l'éducation nationale. Or tous autant que nous sommes, droite et gauche confondues, nous n'avons pas assez pris conscience depuis dix ou vingt ans de ce mouvement et nous n'avons pas doté l'enseignement agricole de moyens suffisants pour faire face à ce succès.

Face à cet engouement de la jeunesse pour l'enseignement agricole et à ce non-engouement, si j'ose dire, des pouvoirs publics pour doter cet enseignement, le déficit de postes est considérable. D'ailleurs, le rapport de l'inspecteur général Moulias a mis clairement en évidence ce déficit.

Je voudrais dire très clairement et très solennellement que je reconnais le diagnostic global ainsi que sa conséquence naturelle mais dommageable : un taux de précarisation de l'emploi exceptionnellement mauvais et bien supérieur à celui de l'éducation nationale - il est de 25 % dans l'enseignement agricole mais nettement inférieur à 15 % dans l'éducation nationale.

Il faut donc prendre en compte à la fois ce déficit et cette précarisation excessive.

On m'a demandé un plan pluriannuel de rattrapage.

Pourquoi ne suis-je pas en mesure de mettre en oeuvre un tel plan ? Parce que nous sommes, vous comme moi, soumis à la règle de l'annualité budgétaire. Personne ne peut prendre d'engagement pluriannuel puisque cela correspondrait à des promesses qui seraient comme des chiffons de papier.

M. Christian Jacob.

C'est pourtant ce que vous avez fait pour la SOPEXA !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous mélangez tout, monsieur Jacob ! Les conventions de financement d'un organisme public n'ont rien à voir avec ce que je dis car elles ne sont pas fondées sur des emplois.

M. Christian Jacob.

Tiens donc ! A peine !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voilà qui prouve que vous ne connaissez pas du tout les dossiers.

M. Christian Jacob.

Nous en reparlerons !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En l'occurrence, un plan pluriannuel n'est pas constitutionnellement possible. J'ai moi aussi été parlementaire, et je vous ai vu voter des lois de programmation...

M. Jean-Claude Lenoir.

Lesquelles ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui, dès la première année, ont fini au panier. Je me souviens notamment de la loi de programmation sur l'éducation de M. Bayrou, qui a été discutée alors qu'un certain nombre d'entre vous n'étaient pas dans cet hémicylce.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Dès la première année, c'est moins de 10 % de la programmation qui avait été réalisé car il n'y avait aucun moyen de protéger cette loi : la Constitution ne prévoit pas de loi de programmation. Telle est la réalité.

M. François Sauvadet.

Vous êtes hors sujet !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas hors sujet car on m'a demandé de faire la même chose ! Cela dit, même si je considère qu'on ne peut mettre en place un plan de rattrapage, un rattrapage est indispensable, et je m'y suis engagé personnellement dans ce budget.

Je le dis très solennellement, la précarité excessive est insupportable. Je dis aussi très solennellement que le service de l'enseignement agricole, c'est à la fois le service public et l'enseignement privé.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'enseignement agricole public fait partie du secteur public de l'éducation et il doit lui aussi bénéficier de la priorité à l'éducation qui est affichée dans les discours politiques. Je dis ces mots à dessein, pour qu'ils soient diffusés au-delà de ces murs en direction du personnel de l'enseignement agricole et pour que nous puissions ensemble nous engager en confiance dans l'indispensable rattrapage.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'en viens maintenant à la forêt, pour répondre en particulier à M. Brottes...

Mme Sylvia Bassot.

Vous n'avez pas dit un mot sur l'enseignement privé !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si, j'en ai dit un mot et je dis ce que je veux ! Voilà tout ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce budget, venant après l'excellent rapport de JeanLouis Bianco et après qu'une stratégie forestière a été définie dans une grande harmonie avec les organisations professionnelles de la filière, vient marquer une étape de préparation puisque vous sera soumis l'an prochain un projet de loi de modernisation forestière. Ce texte, qui en est presque à la fin de son processus d'élaboration interministérielle, sera soumis au Parlement au cours du premier semestre 2000.

Nous avons voulu que, l'an 2000 devant connaître le vote de cette loi, le budget de l'an 2000 marque un engagement forestier très fort.

Monsieur Brottes, je suis très heureux que vous ayez relevé que nous soyons déjà arrivés à la moitié du chemin avec plus de 500 millions prévus dans le présent budget, sur le milliard qui était demandé non pas par les hauts pouvoirs publics, mais pour la mobilisation en faveur de la forêt. L'Etat montre donc l'exemple.

Reste le débat sur les taxes, et en particulier sur la taxe de défrichement.

Le Gouvernement a la volonté d'alléger les charges des entreprises, conformément à ce qu'elles demandaient, et de budgéter le FFN, tout en donnant des garanties à la filière pour que celui-ci reste, si j'ose dire, cogéré.

M. François Sauvadet.

Avec des garanties pluriannuelles ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, monsieur Sauvadet : je parle de la méthode.

L'Etat, dans sa volonté d'alléger les charges, a supprimé la taxe de défrichement, qui est sans doute la plus modeste puisque c'est celle qui rapporte le moins. On me dit que cette taxe serait source de problèmes pour les professionnels, dans la mesure où elle aurait des conséquences dommageables sur le défrichement. Eh bien ! parlons-en ! Je suis ouvert au dialogue, que j'ai d'ailleurs engagé. Je ne suis donc pas mandaté pour vous donner un accord sur le maintien de la taxe, décision qui serait d'ailleurs assez paradoxale compte tenu de la demande d'allégement des charges. Mais, je le répète, je reste ouvert au dialogue.

Un mot - ou plusieurs - sur la pêche, en réponse à M. Liberti, M. Leroux et MM. les rapporteurs Mexandeau et Dupilet.

Je voudrais, en guise de message aux professionnels de la pêche, dire que je crois très sincèrement qu'il y a un avenir pour la pêche française et européenne, mais à condition que cette pêche sache s'adapter à la raréfaction de la ressource.

Nous savons tous que l'avenir ne peut être dans une pêche quantitative, qui ferait que l'on chercherait à pêcher toujours plus. L'avenir de la pêche, comme celui de l'agriculture, réside dans une démarche qualitative et dans la valeur ajoutée.

Nous nous sommes engagés avec beaucoup de détermination dans cette politique. L'augmentation des crédits de la pêche - 3,6 % selon les chiffres officiels, soit plus que le budget global du ministère - marque la volonté du Gouvernement d'assurer la compétitivité de ce secteur.

La semaine prochaine, le 22 novembre exactement, se tiendra, à Bruxelles ou à Luxembourg, un Conseil européen sur la pêche.

Nous sommes engagés dans une réforme des structures de la pêche ainsi que dans l'élaboration de la future organisation commune de marché.

La représentation nationale doit être assurée de la détermination du Gouvernement français à travailler pour obtenir les meilleures garanties permettant de sauver la compétitivité de la pêche française. Ce secteur d'activité a de l'avenir, et nous devons le défendre. Pour ce faire, le G ouvernement ne ménagera pas ses efforts. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je voudrais en venir à un point particulier, évoqué notamment par M. Leroux : l'application des 35 heures dans le secteur de la pêche. Je sais qu'il y a une très forte demande des salariés du secteur et je n'ignore pas les petites difficultés d'ordre réglementaire, voire législatif.

Le Gouvernement a entrepris une concertation avec les organisations professionnelles et j'ai demandé que mon ministère appuie les parlementaires qui font de même et qu'il vienne ainsi compléter leur action. Nous avons un problème concret à régler, et nous nous y attellerons dans les semaines qui viennent. Sachez, monsieur Leroux, que je suis très déterminé à aller dans ce sens.

Je finirai par le BAPSA et les retraites.

Le Gouvernement vous propose, cette année encore, d'augmenter dans le budget les petites retraites agricoles à hauteur de 1,2 milliard de francs, ce qui fera 1,6 milliard en année pleine. Nous sommes donc dans la troisième année d'un plan de revalorisation des retraites.

Oui, monsieur Sauvadet, vous aviez entamé ce plan auparavant. Mais nous faisons plus vite que vous, puisque nous aurons fait en trois ans le double de ce qui avait été fait dans les six années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Guillaume.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Vous manipulez les chiffres !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'y a pas de manipulation des chiffres...

M. Yves Deniaud.

Parlez non de six ans, mais de quatre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Attendez. Je vais rectifer ce que je viens de dire, pour être plus précis.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous aurons fait en trois ans ce qui avait été fait en six. Nous allons donc deux fois plus vite. Telle est la précision que je devais apporter. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais ceux qui nous écoutent auront rectifié d'eux-mêmes. (Sourires.)

M. François Sauvadet.

Vous êtes imprécis, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais vous donner quelques détails sur le montage.

En recettes, il y aura un milliard de francs sur la C3S et 200 milions de francs en collectif budgétaire.

M. Philippe Auberger.

La C3S, c'est nous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En dépenses, un amendement sera défendu aujourd'hui, et un article d'équilibre du BAPSA sera proposé en fin d'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.

S'agissant des retraites, je voudrais rappeler que nous sommes face à un problème simple, que Germinal Peiro a très bien décrit dans l'excellent rapport qu'il m'a remis.

Ou bien nous allons au bout du plan de revalorisation des retraites quinquennal, en nous ménageant deux étapes supplémentaires de 1,2 milliard, soit 1,6 milliard en année pleine, en 2001 et en 2002. Après les élections de 2002, il appartiendra à un nouveau gouvernement de franchir l'étape suivante, c'est-à-dire de mettre en place le régime de retraite complémentaire obligatoire.

M. François Sauvadet.

On le fera !

M. Yves Deniaud.

Comptez sur nous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ou bien, pour s'assurer de l'achèvement de la réforme après les élections de 2002, quel que soit le gouvernement, on commence le travail auparavant.

M. Alain Néri.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est pourquoi Germinal Peiro propose que soit achevé en 2001 le plan de revalorisation de remise à niveau des retraites les plus basses de façon à franchir deux étapes en une seule. Mais 3,2 milliards en année pleine seront alors nécessaires pour commencer en 2002 de mettre en place le régime de retraite complémentaire obligatoire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

C'est là une proposition d'un parlementaire. Le Gouvernement a été saisi et il va en débattre. Nous avons le temps puisqu'il faut prendre les décisions l'année prochaine. Mais le problème est posé et je remercie Germinal Peiro de l'avoir posé en ces termes.

Mesdames, messieurs, je vous prie de bien vouloir m'excuser d'avoir été un peu long. Il me semble avoir évoqué l'ensemble des questions que je souhaitais aborder devant vous. Je m'excuse auprès de ceux auxquels je n'aurais pas répondu assez précisément ce soir, mais je m'engage à le faire par écrit dans les toutes prochaines heures.

Je vous remercie à l'avance de la confiance que vous accordez au Gouvernement pour mettre en oeuvre la politique que je viens de décrire.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions et à étudier les différents amendements que vous voudrez bien proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions.

V ous connaissez tous la règle : questions brèves, réponses brèves.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, les grandes cultures occupent environ 25 % du territoire français et 50 % des surfaces agricoles. Dans mon département, les superficies des grandes cultures dépassent 80 % de la surface agricole utile.

M. Patrick Lemasle.

C'est faux !

M. Philippe Auberger.

Ce secteur contribue fortement à la prospérité de notre économie et de notre agriculture nationale comme de celle de nos départements.

Lors de la réforme de la PAC en 1992, il avait été décidé une baisse des prix des produits agricoles. Cet alignement sur les cours mondiaux a été compensé partiellement par l'instauration d'aides économiques pour maintenir la viabilité des exploitations et leur dynamisme dans le marché mondial.

Ces exploitations sont à nouveau dans la ligne de mire puisqu'elles doivent s'adapter à un certain nombre de baisses supplémentaires dues aux accords de Berlin, ainsi qu'à la TGAP dont vous avez parlé tout à l'heure et à un certain nombre d'exigences sanitaires. Mais de surcroît, et vous l'avez admis, elles vont être frappées par un nouvel impôt qui ne veut pas dire son nom : la modulation.

M. Patrick Lemasle.

Cela n'a rien à voir !

M. Philippe Auberger.

Certes, vous nous avez dit que vous alliez changer le modèle, mais pour l'instant je ne connais que celui que vous aviez annoncé le 9 novembre, et ce sera de lui que je parlerai.

L'impact de cette modulation va être dévastateur pour les revenus des familles d'exploitants de mon département : avec la dernière version, celle du 9 novembre, plus de 70 % - et non 5 % - des exploitations seront touchées, et environ 50 millions de francs ne viendront plus alimenter l'économie du département ni les revenus des familles.

M. Patrick Lemasle.

Vous parlez des grosses exploitations !

M. Philippe Auberger.

Je vous en prie, mon cher collègue ! Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas !

M. Patrick Lemasle.

Vous tombez mal !

M. Philippe Auberger.

Pourquoi la France a-t-elle demandé la possibilité de procéder à cette modulation, alors qu'elle est le seul pays dans ce cas ? L'objectif de la modulation était une redistribution équitable des aides. Cet objectif, en tout cas en l'état actuel du système, n'est pas atteint.

Premièrement, la modulation, et vous l'avez implicitement admis tout à l'heure, ne tient pas compte des diversités géographiques ni de la possibilité éventuelle d'introduire des cultures industrielles comme têtes d'assolement.

Dans mon département, il y a beaucoup de régions où ce n'est pas possible.

Deuxièmement, les exploitations en difficulté seront affectées comme les autres. De ce fait, leurs difficultés seront aggravées.

Troisièmement, la modulation entraîne des distorsions selon le statut des exploitations. Elle risque de provoquer des pertes d'emplois pour compenser les pertes induites par son application.

Vous avez dit : « On va tenir compte de l'emploi ». Je me demande dans quelles conditions. Jusqu'à présent, le système que vous aviez annoncé le 9 novembre a continué de provoquer des pertes d'emplois.

Enfin, la modulation va encore ralentir les installations, sans freiner la course à l'agrandissement.

Ne faudrait-il pas plutôt renoncer à cette modulation, ou au moins revoir complètement ses modalités ? (

« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Auberger, vous êtes opposé à la modulation. C'est votre droit et je le respecte. Mais cela ne vous oblige pas à évoquer des cataclysmes qui n'ont rien à voir avec la réalité des choses.

Il est vrai que l'Yonne perçoit plus d'aides publiques à l'agriculture que la moyenne des départements. Elle sera donc plus frappée que la moyenne. Pour autant, le produit de la modulation tel qu'il est prévu dans l'Yonne ne s'élèvera pas à 50 millions de francs mais, d'après nos calculs, à moins de 34 millions de francs. D'autre part, ce ne seront pas 70 % des exploitations qui seront touchées, mais environ 44 %, ce qui est, je le reconnais, déjà beaucoup.

Surtout, le produit de la modulation sera en moyenne égal à 3,8 % de l'aide totale perçue par les exploitants de l'Yonne et à 4,5 % de l'aide perçue par les exploitants modulés.

Je voudrais que vous m'expliquiez comment une exonération de 150 000 francs par salarié dans l'assiette de la modulation peut inciter un exploitant à réduire son personnel. Ce serait pour moi un miracle que de découvrir comment ce serait possible. (Sourires).

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Monsieur le ministre, ma question portera sur deux points.

Vous devez savoir que, pour l'enseignement privé sous tutelle de l'éducation nationale, il existe un régime de retraite des agents contractuels qui permet une parité des conditions de départ en retraite des enseignants du privé avec leurs collègues de l'enseignement public.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Les personnels de l'enseignement privé agricole sont aussi des agents contractuels. Ils demandent à bénéficier des mêmes avantages que leurs collègues sous tutelle de l'éducation nationale. Il y a quelques semaines, ils ont fait grève - cette grève a été suivie à 80 % en Bretagne pour réclamer le bénéfice de cette mesure. Envisagezvous, monsieur le ministre, de leur accorder ce régime de retraite ? La seconde partie de ma question concernera les problèmes de l'agriculture, en particulier ceux des éleveurs de porcs et de volailles.

Vous savez que ces productions traversent une crise sans précédent. En Bretagne, où elles représentent un poids économique très important, les trésoreries des exploitations sont dans le rouge et les répercussions sur l'emploi seront très importantes. Dans le département du Finistère, par exemple, 40 % de l'emploi industriel se trouvent dans l'agro-alimentaire alors qu'il ne s'agit en moyenne que de 11 % dans l'ensemble de la France, sans compter tous les emplois de services liés à l'agriculture.

Quelles mesures allez-vous prendre pour aider les producteurs de porc et de volailles à traverser cette crise économique ? En dépit des difficultés auxquelles ils sont confrontés, le Gouvernement vient d'imposer aux agriculteurs et aux éleveurs la TGAP. Envisagez-vous de les exonérer exceptionnellement de la redevance pollution ? Envisagez-vous également de repousser la date d'application de la circulaire Voynet Le Pensec, qui oblige les éleveurs à faire des investissements très importants pour leur mise aux normes alors qu'ils n'ont actuellement pas les moyens financiers d'y procéder ? Etes-vous conscient de la chute du nombre d'installations des jeunes agriculteurs dans ces zones et donc de la mort de l'agriculture dans ces secteurs agricoles ? Monsieur le ministre, j'attends de votre part des réponses précises à ces questions.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Angot, je sais bien que vous attendez des réponses précises.

Je ne dirai pas que l'on dévoie la procédure parlementaire, mais comment pourrais-je, en deux minutes, répondre à une question posée en deux minutes et qui porte sur le régime temporaire de retraite de l'enseignement privé agricole, sur le porc, sur la volaille et sur la TGAP.

Je choisirai un point et je vous répondrai par écrit sur les autres.

Quant au régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, la loi Debré, lorsqu'elle avait été votée en 1959, n'avait pas prévu ce dispositif. Il a fallu une loi spécifique votée en 1977, la loi Guermeur, pour le mettre en place.

La loi du 31 décembre 1984 - la loi Rocard -, qui définit la situation des personnels de l'enseignement agricole privé et qui est postérieure à la loi Guermeur, ne reprend pas de façon explicite les dispositions prévues par ce texte.

Dans ces conditions, le ministère de l'agriculture a estimé qu'il n'avait pas la possibilité juridique de faire bénéficier d'une retraite les personnels de l'enseignement agricole privé. Il a toutefois constaté qu'il existait un décalage entre la situation de ses agents et celle relevant du ministère de l'éducation nationale. Aussi ai-je souhaité, dans un premier temps, saisir le Conseil d'Etat et demander à cette haute assemblée si la loi Rocard, dans sa rédaction actuelle, pouvait autoriser le Gouvernement à mettre en place une retraite pour l'enseignement agricole ou si une modification législative s'imposait.

Je ne vois pas comment cette mesure pourrait être budgétée à ce stade. Nous ne disposons pas de texte législatif. En conséquence, j'attends pour agir la réponse du Conseil d'Etat.

(

« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le ministre, le 10 novembre dernier, dans le haut pays niçois, à Pierlas, un troupeau de 1 200 brebis a été attaqué par une meute de loups : 350 bêtes sont mortes, soit égorgées, soit conduites vers le précipice voisin. Au-delà du drame humain, pour le berger, pour l'éleveur et pour la population du village, qui vit désormais dans l'angoisse, un drame sanitaire a failli se produire. En effet, les 350 brebis, entassées sur quatre mètres de hauteur, ont passé près de quatre jours avant d'être hélitreuillées et évacuées, fai sant peser un risque important sur la nappe phréatique des rivières et des fleuves.

Quelques jours plus tard, il y a quarante-huit heures exactement, dans un hameau situé à 500 mètres du coeur d'une station touristique connue du haut pays niçois, Valberg, une meute de loups a de nouveau attaqué un enclos, pourtant surveillé par des chiens patous, financés par l'Etat car ils sont supposés assurer la protection des troupeaux. Trois brebis ont été emportées.

Les éleveurs de l'ensemble de la chaîne des Alpes, depuis près de sept ans, ont été régulièrement touchés : au total, des milliers de brebis ont été perdues.

C'est pourquoi, avec mes collègues Patrick Ollier et Michel Bouvard, nous avons déposé, il y a six mois, une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions du retour du loup en France et dans les Alpes.

Au demeurant, une mission d'information, mise en place par la commission de la production et des échanges, vient de rendre son rapport : il conclut à la nécessité impérative et absolue d'appliquer l'article 9 de la convention de Berne, qui, en cas de dommages au bétail, d'atteinte à la santé, à l'hygiène ou à l'équilibre de la fau ne et de la flore, autorise à procéder à l'élimination d'un grand prédateur comme le loup, partout où il y a une activité humaine.

Et il y a quelques jours, le conseil régional de Prov ence-Alpes-Côte d'Azur, présidé par notre collègue Michel Vauzelle, à l'unanimité, a voté une motion approuvant les conclusions du rapport de la mission d'information et demandant au Gouvernement de bien vouloir en appliquer les conclusions.

Deux secondes vous suffiront pour me répondre, monsieur le ministre : le Gouvernement est-il prêt, oui ou non, à appliquer les conclusions du rapport de la mission d'information demandant l'élimination du loup partout où il y a une activité humaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Estrosi, je commencerai par vous dire qu'il faut relativiser. Les dégâts occasionnés par les loups, dans les montagnes, ne datent pas d'hier. Vous connaissez les contes et légendes montagnards : le problème remonte à la nuit des temps.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

D'autre part, de tels dégâts ne se produisent pas seulement en France. Pour l'anecdote, le ministre de l'agriculture finlandais m'a invité en Laponie à la fin de l'été et j'y ai rencontré des éleveurs de rennes. Or ceux-ci m'ont indiqué les principaux problèmes auxquels ils étaient confrontés : les loups et les ours comme dans les Pyrénées.

M. Christian Estrosi.

C'est un problème français depuis sept ans seulement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'en demeure pas moins que le problème est sérieux et grave.

Pour ma part, je ne suis un intégriste ni d'un camp ni de l'autre, mais je sais, pour être un élu de département montagnard, que la montagne compte une autre espèce en voie de disparition : les bergers. Il faut par conséquent trouver un compromis entre la protection du pastoralisme et le respect des conventions internationales, qui nous engagent.

M. Christian Estrosi.

Et l'article 9 de la convention de Berne !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Certes, monsieur Estrosi ; je le connais par coeur.

Ce compromis passe par l'élimination, le zonage et la prévention.

Le Gouvernement a entrepris de travailler avec les élus concernés, sur la base de deux rapports : celui d'une personnalité qualifiée, M. Bracque, et celui de l'Assemblée.

Dans les prochains mois, et en tout cas avant l'été prochain, soyez-en sûr, il prendra des dispositions pour limiter les accidents graves comme ceux auxquels vous venez de faire allusion.

M. Christian Estrosi.

Vous n'avez pas répondu à ma question. Les éleveurs apprécieront !

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot.

Monsieur le ministre, j'espère que vous allez me répondre directement, car je ne pose qu'une question. Cela vous évitera de m'écrire ! (Sourires.)

Le volet élevage du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole est entré dans une phase dynamique de réalisation. Les agriculteurs se sont fortement mobilisés pour la réussite de ce programme. Mais des retards se sont accumulés, malgré son étalement jusqu'à 2001, pour les élevages bovins. Ces retards ne peuvent pas être imputés aux agriculteurs, qui sont prêts à faire les efforts financiers nécessaires pour la mise au norme de leurs exploitations, mais bien à la complexité, à la longueur des procédures et peut-être aussi au manque de crédits disponibles.

M. Yves Deniaud.

Absolument !

Mme Sylvia Bassot.

Etant donné que les résultats sur la qualité des eaux ne peuvent être immédiats, que les délais de réalisation des travaux doivent être pris en compte et que de nombreux éleveurs se sont inscrits au programme mais n'ont toujours pas reçu l'autorisation de l'administration, on peut craindre qu'un certain nombre d'exploitations ne puissent pas justifier de pratiques respectueuses de l'environnement et soient donc assujetties à la redevance pollution.

Depuis 1994, la contribution des éleveurs au PMPOA est estimée à près de 2 milliards de francs. Nous ne pouvons que les féliciter pour leurs efforts, car ils sont amenés à les faire dans un contexte difficile. Aussi, monsieur le ministre, ne serait-il pas injuste d'assujettir à la redevance pollution les éleveurs qui sont inscrits au PMPOA mais qui, freinés pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne peuvent pas encore faire état de résultats probants ou n'ont pas encore achevé leur chantier ?

M. Jean-Claude Lenoir.

Notamment dans l'Orne !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, la reconquête de la qualité des eaux constitue évidemment un enjeu majeur pour notre pays, et donc pour le Gouvernement.

Un dispositif de mise aux normes des exploitations, permettant de lutter contre les sources de pollution ponctuelles, a été mis en place en 1993 par l'Etat et les organisations professionnelles. La part inscrite pour cette action dans le XIe plan, dans le cadre des contrats de plan

Etat-région, atteint 553 millions de francs pour l'Etat et au moins autant pour les collectivités territoriales, auxquelles je rends hommage pour leur engagement dans ce sens. Et les contrats de plan, dans l'ensemble, ont été honorés.

Depuis 1997, les crédits du fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, s'ajoutent pour financer des dépenses supplémentaires par rapport aux prévisions initiales. Et pour les années 1997 et 1998, une enveloppe globale de 906 millions de francs aura été apportée par l'Etat, à comparer avec les 251 millions de francs mis à disposition au cours de l'ensemble des trois premières années du programme. Cette très forte impulsion accompagnée, je le répète, à parité par les collectivités territoriales - confirme la volonté de mener à bien le programme. En 2000, la dotation budgétaire du chapitre 61-40, article 30, sera maintenue, de même que le financement du FNDAE.

Après cinq ans, un bilan de ce dispositif était toutefois nécessaire. Le rapport définitif d'évaluation, qui a été confié à l'inspection générale des finances, au conseil général du génie rural, des eaux et des forêts et au comité permanent de coordination des inspections, sera prochainement remis aux ministres intéressés.

Comme l'a indiqué le Premier ministre, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole sera poursuivi, mais il devra être adapté dans le sens d'une plus grande équité, en intégrant notamment les petits élevages, et d'une meilleure efficacité environnementale, particulièrement dans le cadre d'opérations groupées, ciblées sur les zones sensibles.

M. le président.

La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier.

Ma question porte sur les problèmes liés aux élevages industriels et plus particulièrement aux élevages de volailles.

Alors que le nombre de ces élevages semble s'être stabilisé dans l'Ouest de la France, on assiste à une multiplication des créations ou des extensions de poulaillers industriels dans les zones intermédiaires, notamment dans le département de l'Indre, parce que les éleveurs, légitimement, trouvent le moyen de se développer grâce à l'opportunité que leur offrent là les industriels du secteur.

Cependant, la multiplication de ces établissements pose des problèmes de trois ordres.

Il y a d'abord un problème de fond : les répercussions de ce type d'élevage intensif sur l'environnement, le paysage rural, la sécurité alimentaire, la qualité des produits.

Les éleveurs souhaitent de plus en plus privilégier la qua-


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lité par exemple en élevant leurs poulets dans un espace suffisant, en soixante ou soixante-dix jours au lieu de quarante-cinq jours -, mais ils ne peuvent le faire sous la contrainte des prix et les pressions des opérateurs industriels qui en découlent.

Cette question est essentielle ; elle touche à l'avenir même de l'agriculture et de nombreuses régions. Il est temps d'engager un débat constructif qui puisse déboucher sur des mesures concrètes concernant notamment la durée et les conditions d'élevage - dans un souci de qualité -, les périodes d'épandage des litières, l'intégration des bâtiments dans le paysage ou encore la répartition équilibrée des installations sur un territoire donné.

Deuxième problème : celui de la procédure observée par le préfet préalablement à l'attribution des autorisations d'exploitation, qui ne paraît pas totalement satisfaisante. Le préfet tient compte de la réglementation relative aux établissements classés, mais la procédure, je dois vous le dire, est entachée d'un peu d'hypocrisie et de manque de transparence. Il n'y a pas de véritable communication entre les acteurs concernés. Concrètement, chacun sait que, dans un village, on n'ose pas, ou même on n'a pas du tout envie de s'exprimer sur un registre d'enquête publique.

Ne pensez-vous donc pas, monsieur le ministre, qu'il soit nécessaire de revoir cette procédure ? Ainsi, pourquoi ne pas ouvrir la possibilité d'une concertation en cours d'enquête, afin de permettre des modifications importantes concernant par exemple le site du bâtiment - sans que l'éleveur soit obligé de déposer un nouveau dossier, ce qui a un coût important ? Enfin, troisième problème, plus global,...

M. le président.

Je crains que vous ne puissiez l'évoquer, parce que vous avez déjà dépassé votre temps de parole.

M. Nicolas Forissier.

Je serai très rapide. Le troisième problème est relatif à la filière agricole. Il est d'ailleurs évoqué dans le rapport Perrin. Vous connaissez ce rapport. Il est très clair : il faut ajuster la production par une réduction des surfaces de bâtiment, correspondant à 1 000 bâtiments exploités par 600 ou 700 agriculteurs...

Monsieur le ministre, que prévoyez-vous dans votre budget, et au-delà, dans l'année qui vient, dans les années qui viennent, pour apporter une réponse concrète à ces questions ?

M. le président.

Avant de donner la parole à M. le ministre, je dois, mes chers collègues, vous inviter à faire un effort de concision si vous souhaitez que notre séances'achève vers trois heures du matin plutôt qu'à cinq heures.

Le temps de parole imparti aux auteurs de questions est limité à deux minutes. Si nous voulons que le débat ait un certain rythme - un peu à l'image des « questions au Gouvernement » -, cette règle doit être impérativement respectée.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vais répondre en style télégraphique.

A ma demande, M. Perrin, ingénieur du GREF, a rédigé un rapport. J'ai souhaité que les mesures proposées fassent l'objet d'une décision en concertation avec la profession.

Un groupe de travail s'est réuni à plusieurs reprises sur l'OFIVAL. Des propositions sont en cours d'élaboration p our, premièrement, accompagner la restructuration industrielle - de façon à adapter la production au marché -, deuxièmement, développer les marchés à l'exportation, par l'aide à la promotion, et, troisièmement, ajuster les capacités de production et améliorer le statut sanitaire des élevages. Ces mesures seront arrêtées dans le détail lors du prochain conseil spécialisé volailles de l'OFIVAL.

Je partage totalement votre préoccupation en matière de contrôle de l'implantation d'élevages industriels hors sol de porcs et de volailles. La réglementation portant sur les installations classées, en matière de protection de l'environnement, dont l'application relève de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, prévoit une procédure d'enquête publique préalable à l'installation de tout élevage de ce type au-delà d'un certain seuil. Ces derniers mois, des consignes de fermeté ont été données aux préfets en ce qui concerne l'application de ces procédures, pour mettre fin aux dérives, qui ont conduit, par le passé, à de nombreux agrandissements sans autorisation.

Par ailleurs, je vous rappelle que la loi d'orientation agricole, votée il y a quelques mois seulement, à laquelle il a été fait allusion tout à l'heure, soumet dorénavant aux procédures du contrôle des structures toute implantation ou agrandissement d'élevage hors sol, quelle que soit sa taille pour un élevage de porcs sur caillebotis, et au-delà d'une certaine taille, qui doit être définie par décret, pour les autres animaux. Ces projets seront systématiquement soumis à l'avis de la CDOA avant autorisation éventuelle.

M. le président.

La parole est à Mme Sylvia Bassot qui ne pose qu'une question, mais plusieurs fois...

(Sourires.)

Mme Sylvia Bassot.

On peut le dire comme ça...

Monsieur le ministre, malgré la baisse du budget de l'agriculture, je me réjouis que les crédits concernant la promotion et le contrôle de la qualité des produits soient en augmentation.

Au moment où s'ouvrent les négociations de l'OMC, il me paraît important que soit prise en compte l'agriculture française de qualité, qui inspire le modèle européen, face aux conditions de production mondiales. En effet, le coût des produits de qualité - charges sociales, salariales et environementales - n'est en rien comparable à celui pratiqué dans le reste du monde, ce qui est à l'origine de distorsions de concurrence.

Face aux demandes de démantèlement des aides à l'exportation et à l'ouverture plus large aux importations, la fermeté des Européens s'impose. Faute de quoi tous les efforts déployés en faveur de la politique de qualité seraient vains.

Permettez-moi de prendre à titre d'exemple les AOC, comme le calvados et le camembert, auxquels ma collègue Nicole Ameline et moi-même sommes particulièrement attachées, ...

M. Jean-Claude Lenoir.

Et moi donc !

Mme Sylvia Bassot.

... qui concilient tradition et innovation. Les AOC répondent aux exigences nouvelles des consommateurs en matière de sécurité alimentaire, de qualité et de gastronomie.

Mais la qualité a un coût. Pensez-vous, monsieur le ministre, avoir les moyens, dans le cadre des négociations de l'OMC, de préserver la qualité et la valeur ajoutée à tous les stades de la transformation, en les conciliant avec les capacités de production à l'exportation de l'agriculture européenne, comme votre budget semble l'indiquer ?

M. Jean-Claude Lenoir.

La commune de Camembert est dans ma circonscription !


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M. le président.

Monsieur Lenoir, vous n'avez pas de question... (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Certes, mais j'ai du camembert ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Du camembert, il y en a partout. Figurez-vous qu'on en produit même aux Etats-Unis...

Je serai très bref, parce que j'approuve tout ce que vous avez dit, madame Bassot. La promotion des AOC, tant en France qu'à l'étranger, constitue l'un des volets mobilisant l'action conjointe des pouvoirs publics et des organisations professionnelles concernées par ces productions.

La loi d'orientation agricole, en matière de protection des appellations d'origine contrôlées et des indications géographiquement protégées, fait faire des pas considérables à la France, dans le sens d'un engagement plus volontaire, plus volontariste.

En outre, c'est l'un des sujets qui sera au coeur de la position de l'Europe et de la France lors des négociations de Seattle. Il faut absolument protéger ces appellations, qui recèlent une valeur ajoutée potentielle. Nous sommes déterminés à agir dans ce sens, soyez-en sûre.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Il y a une dizaine d'années, dans un souci de diversification agricole, un vaste programme, assorti notamment d'aides incitatives, a été mis en place à la Réunion. Des milliers d'hectares ont alors été plantés en fruits et légumes, lesquels constituent aujourd'hui la première spéculation agricole de la Réunion. Mais cette forte augmentation de la production se heurte encore trop souvent à des problèmes de distribution.

Tel est, par exemple, le cas du letchi, dont la saison commence dans quelques semaines. La production est estimée, cette année, à plus de 8 000 tonnes, bien au-delà de la demande du marché local, pourtant grand consommateur de ce fruit. La mobilisation des cantines scolaires et des restaurants administratifs ne suffira pas non plus pour limiter les pertes. Aussi, les responsables de la production souhaitent développer l'exportation vers la métropole, limitée jusqu'ici à une centaine de tonnes, alors que le marché potentiel est évalué à plus de 1 000 tonnes.

Le letchi réunionnais est apprécié, sa qualité est reconnue, mais les producteurs se heurtent aux difficultés d'acheminement. En plus du coût du fret, plus élevé en fin d'année, les volumes offerts ne sont pas suffisants.

La consolidation de la filière des fruits passe par des mesures de soutien à l'exportation et des conditions de transport moins aléatoires. Pouvons-nous, monsieur le ministre, compter sur votre soutien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, les collectivités territoriales de l'île de la Ré union ont effectivement mis en place un programme très ambitieux qui vise à diversifier les activités agricoles en développant certaines productions, notamment celle du letchi.

L'existence d'un marché porteur pour ce produit en métropole devrait en effet permettre aux producteurs locaux de trouver par ce biais un débouché prometteur, dans un contexte marqué par l'augmentation des volumes produits et les limites d'absorption du marché local. Une telle orientation suppose toutefois que des conditions attractives puissent être offertes aux opérateurs pour l'acheminement de ces produits vers la métropole, afin de préserver la compétitivité du letchi réunionnais par rapport à ses concurrents étrangers.

Atteindre cet objectif passe, selon moi, par trois types d'actions.

D'abord, il est vital pour la production réunionnaise de se regrouper afin de pouvoir développer, de manière collective, une stratégie d'organisation de la production et d e commercialisation adaptée. Elle bénéficiera ainsi, s'agissant du transport, d'économies d'échelle inaccessibles à des producteurs dispersés. Les producteurs doivent donc chercher à se regrouper sous forme d'organisations et mettre fin à l'atomisation actuelle de la production, qui est la cause des difficultés rencontrées. Les services de mon ministère agiront dans ce sens.

Ensuite, des dispositifs communautaires prévus par le règlement POSEIDOM prévoient, par exemple, des aides aux importateurs qui achètent sous contrat des productions des départements d'outre-mer. Les letchis ont bien évidemment vocation à bénéficier de ce mécanisme, qui ne concerne à l'heure actuelle que 15 % de la production et pourrait donc être développé. Alors que le règlement POSEIDOM doit être prochainement actualisé, les autorités françaises plaideront pour le maintien d'un tel mécanisme, à condition qu'il soit plus directement encore lié à la compensation des coûts de transport de ces produits et que les fonds soient versés non plus aux importateurs, mais aux organisations de producteurs dans l'esprit de l'organisation économique que j'évoquais à l'instant.

Enfin, il existe des signes de qualité - on parlait il y a quelques instants des AOC ou des IGP - qui pourraient utilement valoriser l'image du letchi réunionnais, pour peu que des producteurs s'engagent dans une telle démarche, exigeante mais qui peut contribuer au meilleur écoulement de ce produit. Là encore, je vous assure que les services de mon ministère sont prêts à y contribuer.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro.

Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la question des retraites agricoles. Nous avons bien pris acte que la revalorisation des retraites des nonsalariés agricoles faisait partie des priorités du Gouvernement. Vous avez d'ailleurs rappelé l'effort sans précédent qui a été réalisé sur les deux derniers exerciceset sur celui dont nous discutons ce soir. Sur les trois années, les augmentations de revenus qui en découlent représentent 450 francs par mois pour les chefs d'exploitation, 520 francs pour les veuves, 900 francs pour les conjoints et 1 200 francs pour les aides familiaux. Ces chiffres sont modestes, mais, rapportés au montant des retraites des non-salariés agricoles, ils traduisent une augmentation importante.

M. Alain Néri.

Et qui était nécessaire !

M. Germinal Peiro.

Néanmoins, ces revalorisations ne concernent que 700 000 des non-salariés agricoles sur les 2 100 000 qui existent dans notre pays et l'attente sociale reste extrêmement forte.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que nous atteindrons le minimum vieillesse à la fin de la législature pour les gens ayant des carrières complètes ? L'accent sera-t-il mis sur les carrières des mono-pensionnés, ceux


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qui ont uniquement travaillé en agriculture, ce qui nécessiterait d'abaisser le seuil de recevabilité des revalorisations, c'est-à-dire le seuil des trente-deux ans et demi ? Enfin et surtout, pouvez-vous confirmer que sera mis en place un régime complémentaire d'assurance vieillesse agricole ? Un tel régime existe partout ailleurs, les artisans et les commerçants ayant été les derniers à le mettre en place dans les années 70. Le secteur de l'agriculture est le seul à ne pas en avoir. Or, c'est grâce à ce régime que le revenu de remplacement minimum pourra atteindre les 75 % du SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'ai répondu tout à l'heure sur ce sujet en vous citant vous-même. Je serai donc bref. Je partage votre constat et je vous remercie de la qualité du rapport que vous m'avez remis et de la clarté de votre diagnostic.

Le problème est maintenant bien posé au Gouvernement et à la représentation nationale. Nous avons un peu moins d'un an pour y réfléchir ensemble. Ou bien nous attendons l'achèvement du plan quinquennal, auquel cas nous aurons atteint les objectifs que nous nous étions fixés et c'est la prochaine législature qui entamera la construction de ce régime de retraite complémentaire obligatoire, ou bien nous hâtons le pas, nous achevons le plan en quatre ans et le régime de retraite complémentaire obligatoire sera instauré en 2002. Le diagnostic est bien fait ; l'alternative est posée. C'est maintenant à nous d'y travailler.

M. Alain Néri.

Mieux vaut tenir que courir !

M. le président.

La parole est à M. Joël Goyheneix.

M. Joël Goyheneix.

Monsieur le ministre, après la LOA, le projet de budget pour 2000 va d'évidence dans l a bonne direction pour maintenir un maximum d'exploitations agricoles et une agriculture familiale de qualité même si - je me permets une parenthèse - certains dispositifs techniques d'application du CTE m'inquètent un peu. Je pense en particulier aux références à la SMI - surface minimum d'installation - alors que le schéma des structures n'est pas encore revu, ce qui risque de favoriser les grandes régions céréalières.

Cela dit, monsieur le ministre, permettez-moi de souligner un problème qui n'est pas encore réglé. L'actualité estivale a mis l'accent sur le malaise ressenti par de nombreux agriculteurs, lassés de voir la quasi-totalité des plusvalues réalisées sur leurs produits aller dans d'autres poches que les leurs. La grande distribution a alors rapidement été accusée, d'autant plus facilement qu'il est en effet choquant de voir les énormes bénéfices réalisés par les uns - ce n'est pas un hasard si cinq familles dirigeantes de la grande distribution figurent aujourd'hui dans les vingt plus importantes fortunes de France - alors que des milliers de petites exploitations cessent leur activité chaque année. A mon sens, il ne serait pas inutile de regarder également du côté de l'industrie agroalimentaire qui se porte certes généralement bien, mais dont la politique contractuelle, par une grande pression sur les prix d'achat et par le biais de l'intégration, transforme beaucoup d'agriculteurs en producteurs à façon, j'allais dire en métayers du

XXI E siècle.

Hier, le débat politique était clair. Il s'agissait de répartir les fruits de la production entre propriétaires et travailleurs de la terre. Aujourd'hui, il s'agit de les répartir entre les travailleurs, qui sont le plus souvent propriétaires de la terre, et l'aval de la production, transformateurs et commerçants. Le fait est que les premiers, souvent inorganisés, sont en position d'extrême faiblesse par rapport aux industriels de l'agroalimentaire et au monde de la g rande distribution. C'est pourquoi il conviendrait aujourd'hui d'inventer un cadre réglementaire qui protège les agriculteurs les plus faibles d'une loi du marché où les dés sont en fait étrangement pipés. Monsieur le ministre, envisagez-vous d'apporter des réponses aux légitimes revendications de ces agriculteurs ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je reconnais bien là votre capacité d'analyse économique et sociale du monde agricole.

Je vous rassure : si le contrat territorial d'exploitation, qui est conçu pour protéger et renforcer les chances de la petite et moyenne exploitation familiale, devait être détourné de son objet pour profiter aux très grandes exploitations céréalières, cela se saurait ! En tout cas, a priori, le risque est minime. Mais je suis sûr que, s'il était avéré, vous nous en feriez part.

Par ailleurs, vous avez raison de dire que ce problème du partage de la valeur ajoutée est au coeur de nombreux débats et même de conflits actuels. Il faut sûrement pointer du doigt telle ou telle responsabilité dans le monde la distribution ou de l'industrie agro-alimentaire, j'y viendrai. Mais il faut aussi avoir le courage de dire que les agriculteurs qui s'exposent à la bataille économique de manière isolée et inorganisée s'affaiblissent eux-mêmes. La première des solutions, c'est l'organisation collective, par le biais d'organisations de producteurs, de coopératives ou autres formes. C'est la première des réponses si l'on veut équilibrer le rapport de forces économique. Même si ce terme peut choquer, il est parlant.

Reste qu'il existe, du côté de l'industrie ou de la grande distribution, des pratiques condamnables dont nous avons eu un exemple à la fin de l'été avec le conflit ouvert qui a touché le secteur des fruits et légumes. Le Gouvernement souhaite avancer vers la solution de ces problèmes et a engagé, pour ce faire, la préparation des assises de la distribution. Il a convoqué, fin septembre, une première table ronde réunissant les professionnels, les industriels, les organisations de producteurs et de distributeurs. Depuis, sans qu'on en parle trop, ces travaux se poursuivent, semaine après semaine, et devraient aboutir, à la fin du mois de janvier, à un constat et à des propositions dont le Gouvernement se saisira, lors des assises de la distribution qui auront lieu à la fin du premier trimestre 2000 et qui déboucheront éventuellement sur des modifications législatives dont vous serez saisis. Le débat est ouvert. D'ici à quelques mois, le Parlement sera sûrement saisi des conclusions de ce travail de fond.

M. le président.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier.

Monsieur le ministre, je constate ce soir qu'il y a ceux qui sont pour les CTE et ceux qui sont contre, ceux qui sont pour la modulation des aides européennes et ceux qui sont contre.

M. François Guillaume.

C'est clair !

M. Michel Vergnier.

Je constate aussi que ceux qui sont pour les CTE et la modulation sont plutôt à gauche de l'hémicycle et ceux qui sont contre plutôt à droite.

M. Alain Néri.

Ce n'est pas très surprenant !

M. François Guillaume.

Rira bien qui rira le dernier !

M. Michel Vergnier.

Je me réjouis pour ma part que le Gouvernement ait choisi de mettre en oeuvre ces mesures.

En effet, monsieur le ministre, vous avez décidé de ne


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plus attribuer 80 % des aides directes à 20 % des exploitations et de réinvestir les économies réalisées pour contribuer au financement des CTE, outil du développement rural.

M. François Guillaume.

C'est vous qui les avez inventés !

M. Michel Vergnier.

Monsieur Guillaume, laissez-moi finir ! Vous interviendrez tout à l'heure et nous vous écouterons avec beaucoup d'attention, nous avons l'habitude.

Ces décisions ne peuvent que réjouir un élu du département de la Creuse, où les exploitations sont petites.

M. François Guillaume.

J'en connais plus que vous des exploitants là-bas !

M. Alain Néri.

Oh, ce n'est pas sûr !

M. Michel Vergnier.

Ce rééquilibrage des aides en faveur d'une agriculture plus humaine et plus en phase avec les aspirations de nos concitoyens est un message important pour les agriculteurs et les éleveurs d'une région où les revenus agricoles sont les plus bas de France.

La modulation des aides, outre qu'elle va abonder le financement des CTE, est également une mesure forte de lutte contre la politique productiviste. Sa portée symbolique permettra à ces petits exploitants de croire au CTE, de s'y engager avec confiance parce des mesures concrètes sont prises pour corriger des inégalités depuis trop longtemps installées au sein du monde agricole. Mais certains souhaitent que les CTE soient distribués de façon égale, qu'ils soient plutôt saupoudrés, qu'il y ait des enveloppes départementales. Ce serait aller là vers une politique de guichet plutôt que vers une politique de projet. J'attends donc, monsieur le ministre, que vous réaffirmiez bien qu'il n'y aura pas d'enveloppe départementale, que les CTE qui seront primés seront exemplaires et que l'on comptera non pas au niveau des départements, mais plutôt au niveau des projets eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Evidemment, monsieur Vergnier, je ne vais pas contredire votre analyse politique : il y a ceux qui ont soutenu la loi et ceux qui l'ont combattue, ceux qui soutiennent les CTE et ceux qui sont contre, ceux qui soutiennent la modulation et ceux qui sont contre. J'ai d'ailleurs souri lorsque j'ai entendu M. Sauvadet terminer son discours en disant qu'il avait fondé beaucoup d'espoirs dans la loi d'orientation agricole.

M. François Sauvadet.

Pas moi !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En effet, ce n'est pas vraiment ce que j'avais entendu lors de la discussion de cette loi.

Quant à vous, monsieur Guillaume, vous êtes toujours aussi véhément, mais à contretemps. En 1984, vour hurliez contre les quotas laitiers.

M. François Guillaume.

Absolument ! Je persiste ! C'est une erreur !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Maintenant, vous hurlez : « Touche pas à mes quotas ! » Peutêtre direz-vous dans dix ans : « Touche pas à mon

CTE ! »

M. François Guillaume.

Vous ne savez pas ce que vous allez mettre dedans ! On va bien rire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Non, monsieur Vergnier, il n'y aura pas d'enveloppe départementale. D'ailleurs, nous n'avons délégué que la moitié des crédits et c'est bien sur une logique de projet que nous allons sélectionner les CTE, que nous voulons exemplaires. D'ici à trois mois environ, nous ferons un premier bilan de leur mise en place et nous éditerons une publication les concernant pour faire tache d'huile, si je puis dire. Vous verrez dans ce document, qui sera disponible à la fin du premier trimestre de l'an 2000, que l'exemplarité que nous nous sommes fixée comme ligne de conduite sera parfaitement respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe UDF.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset.

Monsieur le ministre, au moment où les mesures agri-environnementales et agrobiologiques vont être encouragées dans le cadre des CTE, les aides à la conversion agrobiologique vont parallèlement diminuer de 20 % pour les vignes et les grandes cultures sur un certain nombre de territoires et particulièrement en Poitou-Charentes. Les agriculteurs qui s'étaient engagés dans cette voie ne comprennent pas que les engagements pris ne soient pas tenus.

En 1997, le ministère de l'agriculture met en place un ambitieux plan de développement de l'agriculture biologique. Pour ce faire, il développe un système d'indemnisation du passage d'une exploitation agricole conventionnelle au bio. Ainsi, l'agriculteur désireux de produire en agriculture biologique s'engage auprès de votre ministère pour une période de cinq ans en échange d'un soutien économique indispensable durant la période de conversion de deux à trois ans selon les types de production. Ce soutien se fait sous forme de prime à l'hectare de culture et a pour but de compenser le manque à gagner des premières années. Nous sommes bien dans le cadre d'une contractualisation de type CTE, de développement de l'agriculture biologique répondant pleinement à des exigences environnementales, mais également à des exigences socio-économiques puisqu'il s'agit d'un secteur qui doit faire face à la demande croissante des consommateurs.

Fière de l'ambition affichée et chiffrée de l'Etat par rapport à l'agriculture biologique, la profession s'est mobilisée pour structurer les filières et inciter les agriculteurs à se lancer dans la production biologique. Or, deux ans à peine après avoir mis en avant ses objectifs pour l'agriculture biologique, l'Etat se désengage. En avril 1999, le constat est fait que l'enveloppe allouée à l'appui des conversions vers l'agriculture biologique ne pourra subvenir au paiement de l'ensemble des contractualisations. Face à cette situation, il est décidé de diminuer de 20 % les aides à la conversion pour la vigne et les grandes cultures. Les représentants de l'agriculture biologique estiment que cette décision freinera considérablement le développement de ces deux secteurs, en pleine crise dans la région Poitou-Charentes, et va à l'encontre de l'équilibre économique des exploitations concernées.

Ma question sera très courte, monsieur le ministre.

Alors que vous allez signer, demain, si j'ai bien compris, le premier CTE, vous diminuez les aides décidées par convention pour le soutien de l'agriculture biologique.

Les représentants de l'agriculture biologique s'interrogent sur le crédit que les agriculteurs peuvent accorder aux contrats territoriaux d'exploitation quand ils voient les m esures de restriction prises parallèlement pour


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l'accompagnement de la filière agriculture biologique. Ils souhaitent, monsieur le ministre, que vous leur précisiez les mesures concrètes que vous pensez prendre afin de répondre à leurs attentes.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je suis en mesure d'apaiser toutes vos inquiétudes. J'ai délégué 2 millions de francs au préfet de l a région Poitou-Charentes afin de desserrer les contraintes de gestion que vous mentionnez. Les files d'attente disparaîtront donc naturellement. Quant au montant alloué aux CTE, soyez assuré qu'il est calibré pour assurer le financement des 50 000 CTE prévus d'ici à la fin de l'an 2000.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud.

Les aléas de l'ordre du jour m'amènent à enfoncer encore un peu « le clou » des retraites agricoles.

Nous avons bien noté que de nombreux députés de votre majorité attendaient, eux aussi, l'accélération de la remise à niveau des retraites, même si le devoir de soutien les amène à se satisfaire, apparemment, des propositions liées au calendrier.

Vous le savez bien, monsieur le ministre, les retraites agricoles sont faibles, beaucoup trop faibles. Vous vous êtes engagé à faire un effort sur les trois derniers budgets de la législature. Pour l'année 2000, vous nous annoncez que la retraite minimale de l'exploitant sera portée à 38 400 francs par an et celle du conjoint à 28 800 francs.

Mais trois années pour parvenir à accorder aux anciens exploitants l'équivalent d'un minimum vieillesse - qui est actuellement de 3 540 francs par mois - vous conviendrez, monsieur le ministre, que c'est bien long pour ceux qui ont travaillé dans des conditons particulièrement pénibles.

Alors que l'on constate une diminution du nombre des retraités, les excédents budgétaires dont on a largement entendu parler auraient sans doute permis d'accélérer le calendrier et d'atteindre dès 2000 le niveau de retraite agricole prévu pour 2002.

Les mesures annoncées ne peuvent pas donner satisfaction aux agriculteurs retraités de notre pays et je me fais l'écho de leurs inquiétudes.

J'espérais, monsieur le ministre, que, dans le cadre de l'examen des affectations des crédits de votre ministère, une meilleure solution serait trouvée. Pouvez-vous nous donner quelques précisions concernant les modalités d'accélération de la remise à niveau des retraites agricoles ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je crois avoir déjà répondu : 1,2 milliard, c'est-à-dire 1,6 milliard en année pleine, est prévu pour la troisième année consécutive. A la fin de la législature, nous aurons atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Puis, deux solutions que j'ai évoquées tout à l'heure se présenteront à nous.

Je rappelle que, en trois ans, nous aurons déjà fait autant que dans les six années précédentes. L'accélération est déjà là. Il n'est pas impossible qu'on aille encore plus vite, dans le cadre des discussions budgétaires de 2001.

M. le président.

La parole est à M. Roger Lestas.

M. Roger Lestas.

Monsieur le ministre, je veux traduire la très vive inquiétude des agriculteurs qui vont subir la TGAP, alors que la plupart d'entre eux ont dû investir ces dernières années des sommes très importantes pour satisfaire aux exigences du PMPOA.

Je citerai l'exemple d'un GAEC qui, en 1995, a investi 810 000 francs hors taxes pour la mise aux normes de ses installations d'élevage. L'ensemble des travaux n'étant pass ubventionnable, il lui est resté une charge de 500 000 francs, financée par emprunt.

Si les conditions de travail ont été améliorées, le revenu n'a pas évolué et la charge d'amortissement est très lourde, mais l'environnement est respecté, ainsi que cela avait été fortement conseillé afin d'échapper aux taxations à partir de l'an 2000.

Or, il y a quelques semaines, est passé dans le GAEC le comptable-conseiller financier, qui prévoit l'inscription pour l'excercice 2000 d'une somme d'environ 8 000 francs correspondant à la TGAP qui sera due par l'exploitation.

L'affectation de la TGAP au budget de la sécurité sociale s'inscrit dans une logique budgétaire et non pas dans une logique environnementale.

La contrepartie de l'allégement des charges patronales, liée à la réduction du temps de travail des salariés, n'aura aucun effet pour la grande majorité des agriculteurs.

Ceux-ci sont par ailleurs peu sensibles à un thème qui ne les concerne guère aujourd'hui, compte tenu du nombre très élevé d'heures qu'ils consacrent à leurs activités, pour un revenu encore faible. Cette profession pourrait être pourtant une source d'emplois très importante, si les produits agricoles étaient commercialisés à leur véritable prix de revient.

Les ponctions réalisées aux dépens de l'agriculture et les transferts budgétaires vont totalement à contresens d'une logique de revitalisation des campagnes. L'équité imposerait en effet d'inverser les mouvements financiers p our que l'Etat préserve enfin les équilibres sur l'ensemble du territoire. Le minimum aurait été d'affecter les sommes prélevées à des actions conduites en faveur de l'activité agricole.

Des mesures incitatives en faveur de l'environnement auraient été préférables, puisque la pollution est le prétexte utilisé pour soutirer de l'argent aux exploitants.

Ma question sera donc brève, monsieur le ministre.

Jugez-vous normal de faire supporter à une catégorie de Français qui doivent travailler sept jours sur sept, soit plus de soixante-dix heures par semaine - notamment dans le secteur de l'élevage - et ne prennent au maximum qu'une semaine de vacances par an, le coût d'une mesure concernant une autre catégorie de Français allant vers les 35 heures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je réponds brièvement à vos deux questions.

En ce qui concerne le PMPOA, je vous signale que la part de l'aide publique se situe entre 50 % et 70 %, ce qui est...

M. Roger Lestas.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comment non ? Je vous le dis !

M. Roger Lestas.

Non, et je peux le prouver !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est donc considérable.

En ce qui concerne la TGAP, je me suis expliqué sur son montant, son mécanisme et ses objectifs, moins en termes de finances publiques que d'évolution des pratiques agricoles. Comme je l'ai déjà dit, la Constitution ne prévoit pas la protection des lois de programmation.

C'est bien pourquoi, d'ailleurs, toutes celles que l'on a votées sont restées lettre morte. Il existe, en revanche, un principe de comptabilité publique que M. de Courson connaît bien et qui s'appelle la non-affectation des recettes aux dépenses. Et cette règle s'imposera à tous les gouvernements, ceux de droite comme ceux de gauche, tant que l'on n'aura pas modifié la Constitution.

M. le président.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre, vous vous êtes donné beaucoup de peine, tout à l'heure, pour nous expliquer les nouvelles modalités des prélèvements sur les aides compensatoires. En fait, ce n'était ni très clair ni très précis.

Quoi qu'il en soit, nous en connaissons le résultat : vous avez mis en place une sorte d'impôt sur le chiffre d'affaires, qui ne prend pas en compte les charges, qu'elles soient proportionnelles ou qu'elles soient de structures.

A cet impôt s'ajoutera l'impôt sur le revenu. Ainsi, des agriculteurs, bien que n'étant pas imposables sur le revenu, risqueront de se voir prélever quand même, sur les aides compensatoires, le pourcentage que vous avez indiqué tout à l'heure.

Mais je vous interrogerai plutôt sur les compensations agrimonétaires. Le taux de conversion retenu est d'environ 6,56 francs pour un euro. Il est inférieur au taux de conversion de l'écu en francs, ce qui a occasionné une perte pour les agriculteurs. Bruxelles a décidé de compenser entièrement cette perte pour l'année 1999, à hauteur de 825 millions de francs. Pour les années suivantes, il y aura cofinancement. L'Etat français est donc sollicité pour l'an 2000 à hauteur de 275 millions de francs et, pour 2001, à hauteur de 183 millions.

Premièrement, comment et quand ont donc été attribués les 825 millions de francs financés entièrement par Bruxelles ? Deuxièmement, comment se fait-il qu'on ne retrouve pas dans votre budget la provision nécessaire de 275 millions de francs pour faire face à cette compensation, dont personne ne conteste le principe ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Guillaume, sur ces problèmes agrimonétaires, vous avez dit l'essentiel. En 1999, les agriculteurs ont effectivement été remboursés à 100 % par l'Union européenne.

En l'an 2000, ils ne le seront qu'à 50 %. Les cinquante autres pour cent auraient pu, c'est vrai, faire l'objet d'une mesure nationale, qui aurait porté sur 250 millions de francs. Cela aurait représenté environ 150 francs par exploitant français. Mais c'est clair : le Gouvernement a fait d'autres choix, qui sont exposés dans le cadre de ce budget.

M. François Guillaume.

Les agriculteurs apprécieront !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Je présenterai deux petites remarques, qui seront suivies d'une question très rapide.

Vous avez cru bon, monsieur le ministre, de considérer avec beaucoup de mépris les parlementaires de l'opposition et les représentants de l'enseignement agricole en refusant le rattrapage de l'enseignement public au titre des normes constitutionnelles et au nom du principe de l'annualisation budgétaire.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous n'avez rien compris !

M. Christian Jacob.

Selon vous, nous ne connaîtrions rien au fonctionnement budgétaire...

S achez, monsieur le ministre, que rien ne vous empêche de faire adopter une grande loi sur l'enseignement - l'enseignement privé et l'enseignement public. A moins que vous ne pensiez - et ce serait intéressant de le savoir - que la loi sur les emplois-jeunes étalée sur cinq ans ou que les nombreuses lois de programmation militaire sont, elles aussi, anticonstitutionnelles ? Autre remarque, à propos de la taxe de défrichement.

Contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, ce ne sont pas les responsables professionnels forestiers qui demandent le rétablissement de cette taxe, mais les associations écologistes. Vous donnez donc un gage à l'aile verte de votre majorité ! Ma question, maintenant. C'est celle d'Eric Doligé, qui, malheureusement, a été obligé de rentrer rapidement chez lui ce soir et m'a laissé le soin de la poser.

Lors de la table ronde sur l'agriculture du 21 octobre, le Premier ministre a souligné le dynamisme des filières pilotes de production d'ETBE, dérivé d'éthanol de betterave et de blé, dans notre pays. Il s'est engagé à poursuivre l'actuel programme et à établir un bilan pour évaluer l'intérêt de nouvelles unités pilotes.

Après le plein succès des trois unités actuellement en fonctionnement à Gonfreville, à Dunkerque et à Feyzin, pour un volume global de 220 000 tonnes d'ETBE utilisant 1 300 000 hectolitres d'éthanol, le développement de cette activité est souhaité à la fois par les pétroliers, par les éthanoliers et, aussi et surtout, par les agriculteurs. En effet, le développement de l'utilisation de l'ETBE est cohérent avec les conclusions de la directive européenne sur la qualité des carburants...

M. le président.

Monsieur Jacob, je vais vous arrêter, pour deux raisons. D'une part, parce que vous avez largement dépassé votre temps de parole...

M. Christian Jacob.

Non !

M. le président.

... et, d'autre part, parce que ce que vous faites n'est pas permis par notre règlement. On ne peut pas poser la question d'un absent.

M. Christian Jacob.

Monsieur le président, consultez la

« feuille jaune », et vous verrez que c'est moi qui suis inscrit.

M. le président.

Certes, mais vous venez juste de déclarer vous-même que vous alliez lire...

M. Christian Jacob.

En y associant M. Doligé...

M. le président.

... une question de M. Doligé. J'incite donc le Gouvernement, qui fera bien sûr ce qu'il voudra, à ne pas répondre à la question de M. Doligé que vous êtes en train de lire, mais, éventuellement, à faire un commentaire sur vos propos préalables qui n'étaient pas des questions.

M. André Angot.

Dictateur !

M. le président.

Non, j'applique le règlement !


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M. Christian Jacob.

De manière très partiale !

M. le président.

Monsieur Jacob, concluez votre propos, car vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Christian Jacob.

Sur ce dossier des biocarburants, qu'il connaît très bien, le ministre jugera s'il doit apporter une réponse aux agriculteurs - à moins qu'il ne le considère comme sans intérêt.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je respecterai scrupuleusement la présidence et je me contenterai de vous répondre sur l'enseignement agricole privé.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. La parité, protégée par la loi Rocard de 1984, est strictement et rigoureusement appliquée ! Pour ce qui concerne les lois de programmation, je continuerai votre cours de droit constitutionnel. Les lois de programmation militaire ne sont pas anticonstitutionnelles, mais elles ne sont pas protégées par la Constitution, ce qui explique d'ailleurs que les lois de programmation militaire n'ont jamais été respectées. C'est tout.

Plus généralement, les lois de programmation ne sont que de beaux exercices. Aucune mesure constitutionnelle n'oblige un gouvernement à assurer, dans le cadre d'un budget, les financements nécessaires au respect de la loi de programmation. Comme elles ne sont pas protégées, elles ne sont jamais respectées. Ainsi, on se fait plaisir mais on se moque des gens et l'on aboutit au résultat inverse à celui recherché : au lieu de fixer un minimum en dessous duquel on ne devrait pas descendre, on fixe un plafond qu'on n'atteindra jamais. Avouez que ce n'est pas comme cela qu'il faut traiter l'opinion !

M. Christian Jacob.

Et sur les biocarburants ? Merci de l'intérêt que vous manifestez, monsieur le ministre !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Je poserai ma question, en espérant que vous ne m'interdirez pas d'y associer mes collègues Mariani et Martin-Lalande.

(Sourires.)

M. le président.

Si vous êtes l'auteur de la question...

M. Philippe Martin.

Ma question portera sur l'avenir de la viticulture française.

U ne perspective s'avère suffisamment inquiétante, monsieur le ministre, pour que nous nous donnions dès à présent les moyens de faire face aux nouvelles données du marché mondial : je veux parler de l'explosion de la production des vins du Nouveau monde, qui s'attaque désormais aux marchés traditionnels des vins français.

Les marchés extérieurs sont un débouché majeur des productions viticoles françaises, dont plus du quart est exporté, générant ainsi un excédent de 33 milliards de francs. Premier solde de notre balance commerciale, nos exportations ont progressé en 1998 de 8 % en volume et de 13,8 % en valeur. Toutefois, nos positions sur les marchés internationaux traditionnels sont menacées et subissent les assauts des vins du nouveau monde. Si le vignoble mondial affiche une stabilité globale, il est en réalité en progression dans les pays du Nouveau monde et en diminution dans les pays européens.

Cette évolution de la production pourrait d'autant plus affaiblir les positions françaises que le marché du vin des pays tiers est actuellement en progression. En effet, si les exportations françaises ont toujours le vent en poupe, il est révélateur de souligner que la progression de nos ventes à l'étranger est parfois moins rapide que celle du marché.

Les explications à cette situation, monsieur le minitre, sont identifiées et fréquemment dénoncées par les acteurs du monde viticole.

Il convient d'évaluer les parts de marché gagnées à partir de l'approche commerciale nouvelle déployée par les producteurs du Nouveau monde dans les pays sans tradition viticole, ainsi que la puissance des groupes financiers de dimension internationale qui investissent dans le marché des vins. A titre d'exemple, trois groupes se partagent la moitié de la production des Etats-Unis. Enfin, la stratégie d'exportation de ces pays s'appuie sur des budgets et des actions de marketing et publicitaires sans commune mesure avec les nôtres.

Monsieur le ministre, quel financement entendez-vous dégager pour insuffler une véritable stratégie collective de promotion et de communication autour de nos produits viticoles ? Quel soutien financier entendez-vous apporter à l'exportation ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour adapter notre fiscalité, afin de tenir compte des contraintes liées à la compétition mondiale ? Je vous poserai aussi une question...

M. le président.

Mon cher collègue, vous avez déjà dépassé votre temps de parole.

M. Christian Jacob.

C'est sectaire, monsieur le président !

M. le président.

Non, ce n'est pas sectaire. Mais la question dure trop longtemps.

M. Christian Jacob.

Vous avez laissé parler d'autres députés plus longtemps !

M. le président.

Pas du tout ! Je fais des remarques chaque fois que c'est le cas.

Veuillez conclure, monsieur Martin.

M. Philippe Martin.

Monsieur le ministre, pourriezvous nous informer sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, accord dange-r eux pour la viticulture française puisqu'il semble remettre en cause le principe même des accords TRIPS sur les appellations d'origine, tout en développant les importations de vins d'Afrique du Sud à taux zéro en termes de droits de douane ? La viticulture française semble inquiète, dans l'attente des mesures d'application que doit élaborer la Commission européenne, et ce conformément à la réforme de l'OCM « vin », dont j'ai été le rapporteur, et qui a été négociée dans le cadre du compromis de Berlin. A l'heure actuelle, cette inquiétude semble se focaliser sur l'attribution et la gestion des droits de plantation, plus particulièrement sur la réserve européenne non affectée. Pourriez-vous, monsieur le ministre, m'éclairer aussi sur ce sujet ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Je serai rapide, monsieur le député. Il est difficile de dire que la viticulture française vit une période difficile alors qu'elle est en pleine prospérité, que c'est un des secteurs de l'agriculture française qui a le mieux tiré son épingle du jeu des accords de Berlin.

Certes, ses parts à l'exportation sont en train de se réduire parce que la concurrence internationale se fait de plus en plus vive. Mais en même temps il y a de nom-


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breux vignobles de qualité, en France, qui achètent des vignobles à l'étranger, dans ce contexte de concurrence effrénée.

L e projet d'accord entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, que je connais bien pour en avoir parlé la semaine dernière avec la ministre de l'agriculture de l'Afrique du Sud, n'est pas bouclé. Des oppositions, françaises notamment, se sont manifestées sur la protection des appellations d'origine. Quels que soient l'amitié qu'on a pour ce pays et les encouragements que l'on entend prodiguer à la nouvelle Afrique du Sud, il faut protéger nos appellations comme on l'a fait à l'égard de la Suisse pour le champagne...

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Heureusement ! M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ... ou à l'égard de l'Argentine pour d'autres produits. Nous le faisons à l'égard de l'Afrique du Sud pour les côtes-deProvence, par exemple.

Nous avons demandé à l'Union européenne de protéger nos appellations. Ce projet d'accord bute sur cette difficulté. Nous tiendrons bon.

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Quarante Etats sur la planète interdisent encore l'entrée du boeuf britannique. Monsieur le ministre, vous avez accepté de signer un compromis qui a le mérite de ne pas affaiblir la solidarité européenne à la veille de l'ouverture des négociations de l'OMC, mais qui suscite encore de fortes inquiétudes sur la fiabilité du dispositif.

Vous avez évoqué des avancées, mais c'est une obligation de résultats que vous devez assumer. La levée de l'embargo doit s'appuyer sur des garanties réelles. Vous les avez décrites, je n'y reviendrai pas. Je concentrerai mon propos sur la fiabilité de ce dispositif en termes de contrôle, de moyens et de relais.

Ces garanties appellent, d'abord, une remise en cause des conditions d'abattage des bovins malades en Angleterre, dont le nombre demeure singulièrement alarmant lorsque l'on fait état de près de 2 000 bovins atteints depuis le début de l'année.

Ces garanties supposent, ensuite, en termes de traçabilité et, plus généralement, d'information, une transparence et un niveau de précision sur la provenance géog raphique comme sur les origines génétiques, qui n'entrent pas du tout, actuellement, ni dans la pratique ni dans la culture britanniques.

Ces garanties impliquent, enfin, que ces obligations nouvelles s'étendent à l'ensemble du secteur distributif en France, y compris la restauration.

Dans quels délais, avec quels moyens de contrôle, pensez-vous mettre en oeuvre ce dispositif et le voir appliquer en France et au Royaume-Uni ? Dois-je rappeler que c'est moins le marché du boeuf britannique que la filière viande bovine tout entière qui est en cause ? La sécurité alimentaire est une donnée permanente du marché agricole. L'avenir de ce marché est lié à la capacité que la France et ses partenaires européens auront d'assurer cette exigence nouvelle dont l'effectivité conditionne aussi la crédibilité de notre position dans le cadre de l'OMC.

J'associe à ma question Mme Nicole Ameline... sous votre contrôle, monsieur le président.

(Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Proriol, je regrette que vous n'ayez pas été là tout à l'heure car je me suis expliqué longuement sur ce sujet.

M. Jean Proriol.

J'étais là !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous aurez donc noté que j'ai déjà répondu en partie à votre question. J'ajouterai simplement deux précisions.

D'abord, ce sont non pas quarante mais quarantesept pays qui maintiennent encore l'embargo sur le boeuf britannique, dont tous les meilleurs amis de l'Angleterre : les Etats-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, et d'autres membres du Commonwealth. C'est un argument que nous n'avons cessé de répéter dans la discussion.

Par ailleurs, non, monsieur Proriol, je n'ai pas signé d'accord. Nous sommes simplement allés le plus loin possible dans la discussion pour obtenir des garanties supplémentaires. Le Gouvernement français, avant de signer un accord, c'est-à-dire avant de lever l'embargo, soumettra le nouveau dispositif, quand celui-ci aura été précisé par les Britanniques et validé par la Commission, à l'Agence française de sécurité sanitaire. Ce ne sera qu'au vu d'un nouvel avis de l'Agence française, et à condition bien sûr qu'il soit positif, que le Gouvernement lèvera l'embargo.

C'est à ce moment-là seulement qu'on pourra parler d'accord.

Pour l'instant, nous sommes parvenus à un nouveau dispositif, qui, de notre propre point de vue, renforce les garanties du premier, mais c'est aux scientifiques de nous dire s'ils considèrent que ces progrès sont notoires et suffisants.

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Monsieur le ministre, ma question porte sur le CTE et plus précisément sur les modalités de son financement.

Le CTE, dont le principe est louable, a suscité de l'espoir parmi les petits exploitants, qui espèrent que les aides de l'Etat et les aides européennes ne seront plus essentiellement dirigées vers les grandes exploitations.

Pour financer cette réorientation, vous avez annoncé, pour 1999 et 2000, une enveloppe globale d'environ 2 milliards de francs, crédits nationaux et européens compris, pour environ 50 000 CTE.

Mais la parution de l'arrêté du 8 novembre 1999, qui détaille le financement des CTE, n'est pas de nature à rassurer les petits exploitants. Tout d'abord, l'extrême complexité du dispositif va écarter, de fait, de nombreux agriculteurs. A la lecture de ce pensum, il apparaît en outre que les multiples plafonnements prévus pour les aides économiques et à l'emploi qui sont abondées par l'Etat, c'est-à-dire celles qui intéressent les petites exploitations, ne seront manifestement pas à la hauteur des investissements.

En effet, vous plafonnez le montant total des aides nationales à 100 000 francs pour couvrir les investissements matériels, la commercialisation des produits, la diversification, voire la création d'un emploi. Je pense que cela est nettement insuffisant, en particulier pour les jeunes qui s'installent.

A l'inverse, les grandes exploitations agricoles continueront de percevoir des aides européennes, dont le seul plafonnement existant à l'hectare permet d'entrevoir l'avenir avec plus d'optimisme.


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A la lecture à cet arrêté, qui témoigne concrètement du faible engagement de l'Etat français envers les exploitants agricoles les plus en difficulté, je n'ai donc pas le sentiment que vous abandonniez la logique du guichet au bénéfice d'une logique de projet. Monsieur le ministre, ne craignez-vous pas que les petits exploitants n'aient aucun intérêt à signer un CTE, compte tenu des contraintes très importantes exigées en termes d'investissement et de la faiblesse de l'engagement financier de l'Etat ? Mais ne seront-ils pas finalement obligés de le faire puisque le CTE a vocation à regrouper l'essentiel des crédits agricoles ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je crois que vous vous méprenez sur le sens du CTE - je vais y revenir. Vous déplorez par ailleurs une certaine complexité. Mais un dispositif administratif est toujours trop complexe !

M. François Sauvadet.

En l'occurrence, c'est vraiment confus !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

On ne peut pas distribuer des crédits publics sans garantie, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas ce que je souhaite !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Les règles doivent être rigoureuses, a fortiori lorsqu'il s'agit de crédits européens. N'oubliez pas le risque que court concrètement la France dans ce que nous appelons le refus d'apurement des crédits européens. Cela se chiffre en fin d'année par milliards. Nous devons donc veiller scrupuleusement à ce que les crédits publics, qu'ils soient nationaux ou européens, soient dispensés d'une manière rigoureuse, ce qui implique des contrôles et un minimum de règles administratives.

J'en reviens au CTE. Il ne s'agit pas d'un nouveau mode de financement de l'agriculture par lequel tout devrait désormais passer, et qui serait le « b.a.-ba » du financement de l'agriculture. C'est un outil de réorientation des aides, qui va aider un agriculteur à engager un projet pluriannuel visant à conforter son exploitation. Il n'est donc pas question de remplacer les aides directes à l'agriculture en termes de revenus. Il s'agit de subventionner un projet d'évolution d'une exploitation de manière pluriannuelle. Voilà ce qu'est le CTE. C'est une logique de projet à travers un certains nombre de mesures types sur lesquelles l'agriculteur s'engagera, et il sera rémunéré au prorata de ses engagements.

Ce n'est pas une solution miracle. C'est une mesure de réorientation, de redistribution des aides. C'est une logique de projet, je le confirme, qui sera gérée sur le terrain, adaptée à la réalité du terrain, et qui sera donc très différente d'un département à l'autre.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour poser une seconde question.

M. Jean Proriol.

Monsieur le ministre, plusieurs problèmes se posent à l'agriculture de montagne, qui connaît des conditions d'exploitation plus dures et se sent toujours laissée pour compte.

Tout d'abord, le budget réservé à la modernisation des exploitations qui finance le PMPOA et les bâtiments d'élevage en montagne est très en deçà de ce qui est nécessaire. Quant aux crédits supplémentaires débloqués pour ces bâtiments, leur financement est injustement imputé sur une part du PMPOA, ce qui est inadmissible.

Or, faute de moyens suffisants, il est impossible de résorber les files d'attentes ou de relever le plafond de la subvention, aujourd'hui nettement dépassé.

Par ailleurs, si les indemnités compensatoires de handicaps naturels constituent le principal soutien aux exploitations de montagne et sont à ce titre indispensables, elles doivent désormais trouver un nouveau souffle pour rééquilibrer le niveau des indemnités entre zones et entre productions et inclure dans le bénéfice de l'ICHN d'importantes productions de montagne comme l'arboriculture fruitière, la vigne à vin, et même la race asine et les cervidés dans certaines régions.

Or le projet de loi de finances prévoit une stabilisation de l'enveloppe destinée aux ICHN, alors même que le Gouvernement s'était engagé à procéder à une réévaluation supplémentaire par UGB pour compenser le retard structurel des revenus des éleveurs, en particulier des éleveurs d'ovins, et à relever l'indemnité versée au titre des autres cheptels.

Enfin, à l'heure où les problèmes de sécurité alimentaire prennent tout leur sens, comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir la qualité du lait en zone de montagne avec une enveloppe budgétaire passée de 75 millions de francs à 46 millions de francs ? Sur tous ces points, le Gouvernement avait pris des engagements. Les tiendra-t-il, monsieur le ministre ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je voudrais d'abord vous remercier, monsieur Proriol, de me donner l'occasion de m'exprimer sur l'agriculture de montagne. En effet, je n'ai pas eu l'occasion de le faire dans mon intervention générale et je souhaitais réparer cet oubli.

Les services du ministère ont réuni pendant plusieurs mois un groupe de travail sur la montagne qui comprenait tous les acteurs concernés, conformément à un engagement que j'avais pris devant les agriculteurs de montagne à Chambéry, l'hiver dernier.

M. François Brottes.

C'est exact !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La politique de la montagne, c'est d'abord une politique de valorisation des atouts des régions de montagne et, à cet égard, l'IGP-montagne, la politique de qualité, les AOC présentes dans les régions de montagne sont des éléments essentiels.

Quant à la compensation des handicaps naturels, le dispositif a été renforcé.

Pour les ICHN, la montagne bénéficie d'une politique spécifique de soutien par la voie de l'indemnité spéciale de montagne et des autres indemnités compensatoires de handicaps naturels. Ces aides sont avant tout destinées aux éleveurs. Près de 118 000 éleveurs sont concernés, dont plus de la moitié résident en zone de montagne. De plus, dans les régions de montagne sèche, plusieurs productions végétales sont également indemnisées et, en 1999, près de 2,5 milliards auront été attribuées aux exploitants agricoles de ces régions défavorisées. Les trois quarts de ces indemnités seront versées aux agriculteurs de montagne. Il en sera de même en l'an 2000.

J'ajoute que, même pour ce dispositif, les montants de financements européens étant en hausse, nous allons pouvoir renforcer ce dispositif.

Sur les bâtiments d'élevage, les subventions en faveur de la modernisation des exploitations sont réservées aux seules zones de montagne. Elles intéressent surtout les


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investissements en bâtiments d'élevage et en bâtiments d'exploitation, ainsi que l'acquisition de certains matériels spécifiques de ces zones. Compte tenu des besoins manifestés localement, le budget global s'est élevé à presque 91 millions de francs en 1999, y compris le financement communautaire. En l'an 2000, la dotation budgétaire sera reconduite et la priorité est accordée aux investissements accompagnant ou préparant l'installation d'un jeune agriculteur.

Enfin, pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, qui ne concerne, pas que la montagne, le volet élevage du PMPOA a connu une montée en puissance importante depuis son lancement. Pour les trois années 1997, 1998 et 1999 c'est une enveloppe globale de 906 millions de francs - 456 millions sur le chapitre 61-40 et 450 millions sur le FNDAE -, qui aura été apportée par l'Etat. Cette très forte impulsion, qui est accompagnée à parité par les collectivités territoriales, confirme la volonté de mener à bien ces programmes.

Pour l'avenir, le PMPOA sera poursuivi et réorienté en tenant compte de l'évaluation réalisée par les corps d'inspection des ministères de l'agriculture et de l'économie.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le dispositif sera ouvert aux petits élevages et veillera à une meilleure efficacité environnementale en mettant la priorité sur des opérations groupées dans les zones sensibles.

Voilà, monsieur le député, les précisions que je voulais vous apporter.

Rappel au règlement

M. Christian Jacob.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob.

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58.

Malgré la mauvaise foi dont on a fait preuve à mon égard tout à l'heure, je veux montrer que je n'ai pas perdu ma bonne humeur. Alors qu'il est minuit dix, nous pourrions, monsieur le président, avoir une pensée pour les producteurs de Beaujolais (Sourires) et inviter M. le ministre à les aider, notamment dans la promotion et la vente de leurs produits au Royaume-Uni.

J'espère que M. le ministre m'aura entendu.

M. le président.

On ne peut que se féliciter de votre suggestion, monsieur Jacob. Mais je laisse au Gouvernement le soin de donner son opinion sur ce point.

(Sourires.) Reprise de la discussion

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Damien Alary.

M. Damien Alary.

Monsieur le ministre, dans un monde rural qui se transforme, le renouvellement des générations agricoles constitue un enjeu et une nécessité.

Il convient donc de maintenir et d'adapter aux réalités le noyau dur du dispositif d'aide que sont la DJA et les prêts bonifiés et d'y ajouter des moyens supplémentaires pour favoriser l'installation des jeunes sans lien de parenté avec le cédant.

Devant la réalité socio-démographique d'une décroissance des reprises d'exploitation pour les enfants d'agriculteurs, il était impératif d'envisager de nouvelles perspectives. Il s'agit de compléter, sans les atténuer, les dispositifs existants. Si des inquiétudes semblaient subsister quant à l'utilisation du FIA dans le cadre du financement des CTE, vous nous avez rassurés sur ce point, monsieur le ministre.

Par ailleurs, je veux réaffirmer la nécessité d'intégrer dans les bénéficiaires des aides à l'installation les jeunes issus de divers milieux ayant des projets novateurs ou envisageant une installation progressive.

En ce sens, le projet du Gouvernement tendant à articuler le dispositif emplois-jeunes et le volet transmission des CTE favorisera le renouvellement des générations et permettra au bénéficaire de cet emploi d'obtenir une formation et un débouché sur la succession de l'exploitant qui aura été son tuteur.

Monsieur le ministre, quels sont les objectifs en la matière ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Alary, je vous remercie de me permettre de repréciser la politique du Gouvernement en matière d'installation des jeunes. C'est évidemment une priorité.

Vous avez rappelé les différentes mesures qui marquent cette priorité : la dotation aux jeunes agriculteurs portée à 4 90 millions de francs et qui permet d'installer 8 000 nouveaux exploitants, des prêts bonifiés à des taux que le Gouvernement a encore abaissés en 1999 d'un demi-point, des stages de préparation à l'installation.

Tout cela est complété, en outre, par des mesures fiscales qui font partie du dispositif d'installation aidée : abattement de 50 % sur les bénéfices agricoles pendant les soixante premiers mois, exonération de 50 % de taxe foncière sur le non-bâti pendant cinq ans, renforcée par un dégrèvement à la discrétion des collectivités locales, droit départemental réduit à 0,60 % pour les acquisitions d'immeubles ruraux.

Pourtant, en dépit de toutes ces mesures, certains n'ont pas accès aux aides et il faut trouver les moyens de permettre l'installation des jeunes non issus de milieu agricole ou de moins jeunes qui souhaitent se reconvertir. A cet égard, je veux souligner le rôle du « CTE installation » qui devrait favoriser l'installation progressive et le dispositif des emplois-jeunes articulés à un CTE de transmission. Le Premier ministre s'est montré ouvert à une proposition en ce sens du CNJA. Nous y travaillons avec les services de Mme Aubry.

M. le président.

La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Monsieur le ministre, j'ai conscience d'être un peu redondant, mais je voudrais revenir, moi aussi, sur le problème de l'enseignement agricole.

Depuis la rentrée, les personnels de l'enseignement agricole ont tenu à faire connaître leurs insatisfaction face à une insuffisante prise en compte par les pouvoirs publics de la question des effectifs enseignants et ATOS.

Cette question est d'autant plus aiguë que l'enseignement agricole, qui souffre d'un retard accumulé depuis de nombreuses années, doit aujourd'hui faire face à une demande accrue, le nombre de ses élèves augmentant régulièrement.

Aussi, je souhaite, monsieur le ministre, que vous formuliez ici l'engagement que les mesures que vous avez prises pour procéder au rattrapage indispensable, notamment depuis deux ans, seront poursuivies et même amplifiées dans les années qui viennent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Par ailleurs, j'appelle votre attention sur la situation des personnels de l'enseignement agricole privé. Face aux conditions de départ à la retraite, des disparités importantes existent entre les personnels de l'enseignement privé sous contrat et leurs collègues de l'enseignement agricole privé. Ces disparités existent évidemment avec leurs collègues de l'enseignement secondaire privé.

Actuellement, malgré la contractualisation avec l'Etat, les personnels enseignants et documentalistes de l'enseignement agricole privé ne bénéficient pas du régime temporaire de retraite. S'ils partent à la retraite à soixante ans ou avant, c'est avec une retraite minorée. Les enseignantes de l'enseignement agricole privé mères de trois enfants ne bénéficient pas, en outre, de la possibilité qui est offerte à leurs collègues de l'enseignement secondaire privé de faire valoir leurs droits à la retraite après quinze ans de service.

L a mise en place d'un système équivalent aux RETREP apparaît donc comme une mesure équitable.

Dans un courrier récent, vous m'avez répondu que vous veniez de saisir le Conseil d'Etat sur ce sujet.

M. le président.

Posez votre question, monsieur Gouriou !

M. Alain Gouriou.

Pouvez-vous, au-delà, m'indiquer vos intentions en la matière, sachant que cette question ne doit pas être, à mes yeux, exclusive d'une poursuite des efforts consentis par l'Etat en direction des personnels de l'enseignement agricole public ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, sur le système de retraite, je l'ai dit tout à l'heure, confirmant d'ailleurs en cela ce que je vous ai écrit, le Gouvernement a saisi le conseil d'Etat pour vérifier si une modification législative était nécessaire.

S'agissant de la situation de l'enseignement agricole privé par rapport à l'enseignement agricole public, je ne peux que répéter qu'une extrême parité est rigoureusement appliquée au centime près dans le budget pour respecter scrupuleusement l'équilibre voulu par les lois de 1984.

Enfin, sur la situation de l'enseignement agricole en g énéral, je redis aussi solennellement que possible, m'adressant, au-delà de cet hémicycle, au personnel, que je suis conscient du déficit trop important qui existe entre les besoins et les effectifs et de la conséquence naturelle de ces déficits, c'est-à-dire un taux de précarisation excessif et à bien des égards insupportable. Je sais qu'il faut mettre en place un rattrapage et je m'y emploie, comme l'avait déjà fait avant moi Louis Le Pensec et comme ce budget en témoigne. Encore une fois, en termes de créations de postes dans l'enseignement agricole, ce budget est le meilleur depuis vingt ans, ce qui n'est pas le cas de tous les autres postes budgétaires.

M. Christian Jacob.

Ce n'est pas suffisant !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Certes, ce n'est pas assez - mais est-ce jamais assez ? - et il faudra poursuivre cet effort. Je prends l'engagement que, tant que je serai là, je m'y emploierai.

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le ministre, le Gouvernement s'est engagé dans un plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles. Les deux budgets précédents, comme celui-là, montrent, dans leur succession, la volonté du Gouvernement d'atteindre l'objectif qu'il s'est fixé pour 2002 : 3 540 francs pour la pension à taux plein d'un exploitant agricole, et 2 800 francs pour le second membre du couple, ce qui correspond au minimum vieillesse.

Nous vous approuvons, nous vous encourageons à maintenir cette priorité, expression d'une solidarité nécessaire, tant la situation des retraités agricoles est délicate.

Car, si, des années durant, les agriculteurs en retraite se sont contentés du peu qui leur était versé, il est clair que, dans une société en évolution, les besoins sont différents.

Bien entendu, cela nous amène à poser le problème des futurs retraités. Il convient dès aujourd'hui de s'en saisir.

Je sais que notre collègue Germinal Peiro suit avec compétence et passion ce dossier. Nous sommes d'ailleurs nombreux - je pense notamment à René Leroux - à l'encourager et à vous encourager, monsieur le ministre, à poursuivre votre action.

A cet égard, où en est le régime complémentaire obligatoire de retraite ? Vous savez combien cette mesure, qui apparaît comme une nécessité absolue pour bâtir une solidarité fraternelle et digne, est attendue. Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement et selon quel calendrier ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cher monsieur Rogemont, je vais vous confirmer ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises. Après tout, cela me permet d'enfoncer le clou, comme M. Germinal Peiro m'y a invité.

Le Gouvernement a engagé un plan quinquennal de revalorisation des retraites. Pour sa troisième année d'application, il est prévu 1,2 milliard de francs - 1,6 milliard de francs en années pleines - dans le budget pour 2000.

Nous sommes décidés, avec la majorité - puisque c'est un engagement qu'elle a pris - à aller au bout de ce programme et nous souhaitons, au-delà, engager et mettre en place un système de retraites complémentaires obligatoires.

L'alternative qui s'offre à nous est donc la suivante : ou bien nous achevons ce programme de revalorisation prévu jusqu'en 2001 et, en 2002, dans la prochaine législature, nous nous attaquerons au régime de retraites complémentaires obligatoires, ou bien nous mettons les bouchées doubles l'année prochaine en inscrivant 2,4 milliards - 3,2 milliards en année pleine - dans le budget pour 2001 de façon à nous attaquer au régime de retraites complémentaire obligatoire dès le budget pour 2002, c'est-à-dire avant la fin de la législature.

C'est un sujet sérieux, grave. Cela dit, quelle que soit l'option que nous choisirons, je vous fait remarquer que nous aurons déjà réalisé la plus forte revalorisation des retraites agricoles qui s'est jamais vu, et nous aurons largement tenu nos engagements.

M. le président.

Nous revenons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le ministre, la filière volaille connaît aujourd'hui de grosses difficultés.

Je rappellerai deux chiffres : en 1998, la production f rançaise a été de 2,3 millions de tonnes, dont 900 000 tonnes destinées à l'exportation. Or, depuis cette date, les marchés se sont fortement restreints, en raison notamment de la fermeture des marchés russe et asiatique, de la dévaluation du réal brésilien et, enfin, de la diminution des restitutions à l'exportation.


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A toutes ces raisons s'ajoutent des causes conjoncturelles : je veux parler des affaires des farines animales et de la dioxine.

La conjugaison de ces divers éléments explique qu'aujourd'hui les marchés tournés vers le grand export se trouvent en réelle difficulté. Cela se traduit concrètement sur le terrain par des espacements de plus en plus importants des vides sanitaires dans les élevages et, par voie de conséquences, des pertes importantes de revenus pour les éleveurs ; par du chômage technique dans les unités agroalimentaires et par l'annonce de plans sociaux alors que, parallèlement, nous assistons à des délocalisations vers d'autres pays.

Dans ce contexte catastrophique, si rien n'est fait, cette filière sera entièrement sinistrée ! Vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, un plan d'aides de 40 millions de francs pour la restructuration de l'outil industriel et de 10 millions de francs pour soutenir l'élevage. A quel moment pourrons-nous connaître le calendrier d'octroi de ces aides et les modalités d'application de ce dispositif ? Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement défendra sans concession la clause de paix, clause qui permettrait de garantir dans le court terme les restitutions pour maintenir des débouchés vers le grand export ? Enfin, il semblerait que les budgets alloués dans le cadre des accords du GATT concernant les quotas affectés à la France n'aient pas été consommés intégralement.

Ainsi, le budget consommé durant l'année GATT 4, qui s'est terminée le 30 juin 1999, ne représente que 83 % du budget autorisé.

Le règlement GATT prévoit que le reliquat cumulé des budgets non consommés au cours des quatre premières années du GATT - à savoir 135 millions d'euros puisse être utilisé au cours de la cinquième année si les circonstances du marché le nécessitent. Or il semble que le budget du FEOGA n'ait pas prévu cette éventualité.

Cela nous semble pourtant s'imposer au regard de l'agressivité commerciale actuelle de nos concurrents, notamment des Brésiliens sur la zone du Moyen-Orient.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'apporter des réponses à ces questions.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, Daniel Perrin, ingénieur général du GREF, a, à ma demande - je l'ai indiqué tout à l'heure rédigé un rapport sur la situation et les perspectives de la filière avicole, particulièrement touchée par la crise. J'ai souhaité que les mesures d'orientation soient décidées en concertation avec la profession. Un groupe de travail s'est réuni à plusieurs reprises à l'OFIVAL. Des propositions ont été discutées avec les représentants professionnels lors de la dernière réunion qui s'est tenue le 9 novembre dernier. Elles portent sur trois axes : l'accompagnement de la restructuration industrielle, pour adapter la production au marché ; le développement des marchés à l'exportation, par une aide à la promotion et l'ajustement des capacités de production par l'incitation à la cessation d'activité ; et l'amélioration du statut sanitaire des élevages par la mise en place de contrats de progrès.

Ces mesures seront arrêtées dans le détail lors du prochain conseil spécialisé volailles de l'OFIVAL, c'est-à-dire dans les prochains jours, et auront un effet immédiat.

Enfin, il importe que puissent être engagées toutes les d émarches permettant au niveau interprofessionnel d'améliorer le dialogue entre les éleveurs intégrés et leur entreprise.

A propos de la mise en oeuvre des accords du GATT depuis 1995, je vous rappelle que les accords de Marrakech imposent des contraintes fortes au secteur de la volaille en matière d'exportations bénéficiant de restitutions. Ainsi, les volumes exportables par l'Union européenne avec subventions ont diminué de 28 % en quatre ans, pour atteindre 315 000 tonnes durant la cinquième année du GATT, en 1999. Cependant, une priorité forte a toujours été accordée aux poulets entiers congelés, majoritairement exportés par la France sur les marchés du Proche et du Moyen-Orient. Au total, plus de trois quarts des quantités exportables avec subventions et 80 % du budget FEOGA des restitutions sont affectés aux produits et aux destinations privilégiées des industriels français.

M. le président.

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Monsieur le ministre, l'achat et l'exploitation d'un étalon dépassent en général les moyens financiers d'un éleveur de chevaux.

C'est pourquoi les éleveurs se regroupent pour constituer des syndicats d'étalons. Ils sont souvent quarante associés par syndicat.

De la nature juridique reconnue au syndicat d'étalons découle son statut fiscal. Depuis la création des syndicats en 1930, les éleveurs appliquaient le statut fiscal de l'indivision. Toutefois, depuis 1987, date à laquelle un inspecteur du Calvados a estimé que ces syndicats devaient être appréciés comme une société en participation, de nombreux redressements fiscaux ont été signifiés. Le résultat économique a été et est encore aujourd'hui catastrophique. Pratiquement, aucun étalon haut de gamme n'a été syndiqué depuis, d'autant moins que des pays à fiscalité avantageuse, en particulier l'Irlande, ne demandaient qu'à accueillir ces étalons.

Le débat porte désormais sur la qualification fiscale des syndicats d'étalons : société en participation ou indivision.

Le changement de statut éventuel a des retombées importantes.

Premièrement, tous les membres appartenant au syndicat sont fiscalisables en France. Désormais, les porteurs de parts étrangers sont sous le coup de la fiscalité française, ce qui n'était pas le cas sous le régime de l'indivision, où les conventions internationales s'appliquaient.

Deuxièmement, le régime de la participation implique une solidarité fiscale entre porteurs de parts.

Enfin, les propriétaires qui syndiquent un cheval sont désormais imposés sur les parts qu'ils apportent dans le syndicat d'étalon. Ainsi, si un propriétaire qui vend dix parts en conserve quinze confiées à un syndicat, il est imposable non seulement sur les plus-values des parts vendues, mais également sur celles conservées. Ce changement pénalise les éleveurs français et fait fuir les étrangers.

De plus, l'instruction du 28 mai 1997 ne traite qu'une partie du problème.

Pourquoi ne pas revenir à la situation antérieure et établir que les syndicats d'étalons et les associations de chevaux de course ou chevaux d'élevage sont des indivisions ? N'oublions pas que ces syndicats et ces associations emploient plusieurs milliers de personnes.


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Un aménagement fiscal clair et défini permettrait de syndiquer et d'exploiter des étalons dans des conditions qui laisseraient une chance aux associations de chevaux de course et aux syndicats d'étalons, ainsi que les chevaux d'élevage, face aux régimes fiscaux de nos concurrents.

Il faut en revenir au régime des indivisions. Une telle mesure aurait de plus une incidence sur l'emploi puisqu'elle fixerait sur notre sol des chevaux qui vont pour l'instant à l'étranger.

Pour terminer, il me paraît déterminant que l'ensemble des entraîneurs de chevaux de courses puissent relever du régime des bénéfices agricoles.

M. le président.

Vous ne posez pas une question, vous faites une déclaration - trop longue, qui plus est !

M. Christian Martin.

Il me reste juste quelques lignes, monsieur le président ! Il faut que l'ensemble des entraîneurs de chevaux de course puissent bénéficier des mesures prévues pour les exploitants agricoles en matière de fiscalité locale qui contribueront à améliorer leur situation financière et permettront d'éviter de nombreuses procédures contentieuses par une bonne harmonisation fiscale de cette profession.

Excusez-moi, monsieur le ministre, d'avoir dépassé légèrement mon temps de parole.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ne vous excusez pas, monsieur Martin. Je vous remercie au contraire de m'avoir permis de réparer une lacune dans mes connaissances ! Je ne savais pas que la saillie d'étalons posait un problème fiscal (Sourires) et je suis heureux de pouvoir répondre avec précision à votre question.

Les syndicats d'étalons sont effectivement des groupements de propriétaires d'étalons qui souhaitent mettre en commun l'utilisation des saillies de ces étalons. Suivant le régime d'utilisation de ces saillies - vente, cession gratuite, attribution aux élevages des membres des groupements -, le ministère des finances a considéré d'un point de vue fiscal qu'il fallait qualifier ces structures soit d'indivisions, soit de sociétés en participation.

A la demande des intéressés et au terme d'un compromis, il a été décidé, dans le cadre de l'instruction fiscale du 28 mai 1997, que les indivisions constituées entre copropriétaires d'étalons ne seraient plus qualifiées de sociétés en participation en raison de l'attribution de saillies gratuites ou supplémentaires dès lors que le nombre de saillies exploitées en commun reste compatible avec l'affectio communionis de l'indivision conventionnelle civile.

L'évolution de ce dispositif fiscal relève bien entendu d'une décision du ministère de l'économie et des finances, puis d'un vote du Parlement : les deux ministères oeuvrent donc en concertation et ont engagé l'élaboration commune de statuts types des sociétés en participation, dont j'ai adressé, cet été, un projet au ministre de l'économie et des finances. L'ensemble des propositions est désormais connu et permet d'engager rapidement la rédaction définitive de ces statuts.

M. le président.

Nous en revenons aux questions du groupe RPR.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

La nouvelle réglementation d'épandage agricole des boues de stations d'épuration n'a pas permis de lever toute une série d'ambiguïtés.

En particulier, la profession agricole réclame toujours la mise en place d'un dispositif de garantie.

Il y a deux types de risques à couvrir.

Tout d'abord les risques immédiats pour des dommages ordinaires, par exemple en cas de mauvaise qualité des boues. Ces risques doivent être parfaitement couverts par des assurances municipales.

Ensuite les risques à long terme, pour des dommages majeurs apparaissant après dix ans. Pour ces risques, imprévisibles, la garantie classique par le système des assurances est impossible.

L'Etat ne devrait-il pas garantir ce type de risque majeur imprévisible à long terme dans la mesure où il s'agit d'un risque collectif ? Par ailleurs, pour parvenir à une bonne qualité des boues et « évacuer » dans toute la mesure du possible ce type de risque, il est nécessaire de parvenir à l'établissement d'une charte de qualité entre les collectivités locales et la profession agricole. Les services de votre ministère peuvent-ils concourir à l'élaboration et à la mise en place de cette charte de qualité ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La pratique d'épandage de boues des stations d'épuration est m aintenant strictement encadrée dans le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998. Cela étant, l'évolution à laquelle nous assistons rend nos concitoyens de plus en plus circonspects quant à la qualité des produits et de leur mode de production, et la demande sociale en faveur d'un renforcement des contrôles est de plus en plus forte.

Le comité national sur l'épandage des boues d'épuration qui a été mis en place le 5 février 1998 à l'initiative conjointe des ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture et qui réunit tous les acteurs concernés poursuit ses travaux et contribue à apaiser les inquiétudes. Les discussions se poursuivent actuellement à propos de la délicate question de l'indemnisation des éventuels dommages qui pourraient résulter de l'utilisation des boues.

L'ensemble des partenaires a intérêt à trouver des solutions satisfaisantes pour tous. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux du comité national sur l'épandage des boues puissent déboucher au plus vite sur des propositions concrètes.

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Ma question portera plus spécialement sur les cultures spécialisées, en l'occurrence le maraîchage.

Je voudrais, en effet, monsieur le ministre, que vous preniez bien conscience de l'effet de la TGAP sur les produits phytosanitaires. Vous avez expliqué que ces derniers pouvaient être classés en catégories 1 à 7. Si l'impact financier de la TGAP est faible pour les produits de catégories 1 à 3, il n'en est pas de même pour les produits classés en catégories supérieures et notamment pour le métham-sodium, que l'on appelle couramment Vapam, qui est utilisé pour la désinfection des sols destinés à la culture maraîchère et principalement à celle de la mâche nantaise. Cette taxation accroît le coût à l'hectare de 62 % alors que les maraîchers ont déjà intégré la nécessaire protection de l'environnement dans leur coût de production et ont participé à l'élaboration d'un arrêté préfectoral prévoyant des consignes de stockage et la formation des utilisateurs, ce qui représentait déjà un coût.

Cette nouvelle pénalisation financière va renchérir le coût de production de ce secteur, déjà lourdement affecté par des crises répétitives. Avez-vous, monsieur le ministre,


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mesuré l'effet de cette mesure sur les coûts de production et, par voie de conséquence, sur l'emploi ? Que comptezvous faire ? Parallèlement, les maraîchers serristes sont taxés de la même manière que ceux qui rejettent le gaz carbonique, alors que leur utilisation du gaz ou les équipements en matière de cogénération sont des facteurs de protection de l'environnement.

Lors du congrès de la fédération des producteurs de légumes, vous avez indiqué que vous aviez demandé à M. Dominique Platin, ingénieur du génie rural spécialiste des questions d'énergie, de conduire une réflexion. Qu'en est-il aujourd'hui et quelles sont les propositions que vous comptez faire ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Poignant, il est exact que le prix du produit que vous mentionnez, à base de métham-sodium, connaîtra une hausse importante. D'après mes chiffres, elle sera plutôt de 40 % que de 60 % mais elle n'en reste pas moins forte. Ce produit est classé en catégorie 5, ce qui signifie qu'il a un fort caractère polluant. Il faut donc savoir ce que l'on veut ! Je vous rappelle par ailleurs que ce produit, qui est antiparasitaire, n'est appliqué qu'une fois tous les dix ans, ce qui devrait permettre d'amortir dans le temps la hausse des coûts.

M. Serge Poignant.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En ce qui concerne la culture sous serre, j'ai effectivement chargé M. Dominique Platin d'une étude sur ce sujet. Ce travail est en cours et j'attendrai qu'il soit achevé pour vous répondre plus précisément.

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Monsieur le ministre, nous avons parlé à diverses reprises ce soir de l'installation des jeunes en agriculture. Je tiens maintenant à appeler votre attention sur l'installation des jeunes ostréiculteurs et sur les difficultés de transmission des exploitations conchylicoles, notamment en Charente-Maritime, où vous allez vous rendre samedi prochain.

Depuis une décennie, la profession ostréicole connaît une diminution continue du nombre de ses exploitations.

En effet, selon les conclusions d'une étude réalisée en 1998 par la section régionale conchylicole de MarennesOléron - l'association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles et les affaires maritimes - le nombre de concessionnaires est en forte diminution : ce secteur compte 25,4 % d'effectifs en moins depuis 1989. De surcroît, 786 concessionnaires ont plus de quarante-cinq ans et 277, plus de cinquantecinq ans. Il en résulte qu'un exploitant sur deux n'a pas de successeur.

Cette étude sur l'installation et la transmission des exploitations montre très clairement que, si aucune action volontariste n'est entreprise, cette tendance va encore s'accentuer, compte tenu de la pyramide des âges observée.

Pourtant, la plupart des entreprises démantelées par manque de successeur sont économiquement viables.

J'ajoute que les conchyliculteurs étaient jusqu'alors assujettis, pour la transmission de leurs exploitations, au même régime fiscal que les exploitants agricoles, depuis une circulaire du 22 août 1989, visée par le ministre de l'économie, des finances et du budget de l'époque, Pierre Bérégovoy. Or, depuis quelque temps, il apparaît que plusieurs services fiscaux conduisent une série de redressements en direction de conchyliculteurs. En effet, les directions départementales des impôts ont tendance à appliquer l'article 720 du code général des impôts, qui concerne les transmissions d'affaires à finalité commerciale. Il s'ensuit que les cessions et les transmissions d'exploitations sont encore plus difficiles et plus lourdes.

J'ai donc saisi votre collègue, M. Christian Sautter, de cette affaire il y a plus d'un mois. J'attends toujours ses propositions pour sortir les conchyculteurs de cette mauvaise passe.

Pour enrayer cette hémorragie et préserver le tissu socioéconomique actuel, composé majoritairement de structures artisanales et familiales, il conviendrait de développer des reprises d'exploitation hors du cadre familial, afin d'éviter, à terme, la disparition de plusieurs centaines d'exploitations ostréicoles et de plusieurs milliers d'emplois.

Monsieur le ministre, quel mécanisme d'aide envisagezvous de mettre en oeuvre pour l'installation des jeunes dans l'activité conchylicole afin d'accompagner la transmission des exploitations de cultures marines ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Quentin, je constate avec satisfaction que les conchyliculteurs marennais eux-mêmes se préoccupent activement de cette question : à l'initiative de la section régionale a été mis en place par le préfet de CharenteMaritime, au mois de juillet dernier, un volet culture marine au programme d'installation en agriculture. Ce volet ouvre aux conchyliculteurs différentes aides en matière de transmission d'entreprise et de concession, de parrainage de jeunes candidats à l'installation et d'inscription au répertoire à l'installation. Ces mesures viennent s'ajouter aux dispositifs d'aide qui existent au plan national en matière d'installation. De surcroît, les conchyliculteurs, tout comme les agriculteurs, pourront très prochainement bénéficier du contrat territorial d'exploitation en cours de mise en place. Comme vous l'avez souligné, nous en parlerons sur place samedi, dans trois jours.

S'agissant de la fiscalité des mutations de concession, j'ai moi-même saisi mon collègue Christian Sautter, le 8 novembre dernier. J'ai appelé particulièrement son attention sur les problèmes que pose le régime applicable en la matière ; je ne manquerai pas de vous faire savoir les réponses de mon collègue dès que je les connaîtrai.

M. le président.

Nous revenons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin.

Comme l'indiquait Christian Jacob dans son rappel au règlement, à l'heure où le beaujolais nouveau est débloqué dans ma circonscription, apportant un bonheur certain par sa cuisse, ses senteurs d'aubépine et sa robe pivoine, à mille lieues de la drogue, certains sujets devraient pouvoir faire l'objet de débats apaisés et constructifs, tels ceux qui touchent à la santé des Français. Malheureusement, cela ne semble pas pouvoir être le cas pour ce qui concerne l'usage de l'alcool dans notre pays.

Les professionnels de la viticulture et François Patriat, président du groupe d'étude viticole à l'Assemblée nationale, avaient vivement protesté voilà plusieurs mois contre un projet d'élargissement des compétences de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie à la consommation d'alcool, qui aurait signifié une assimilation totale de l'alcool aux drogues.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

En définitive, le comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie avait rappelé le 16 juin 1999 que l'alcool n'était pas une drogue, tout en élargissant son action à la prévention des dépendances dangereuses.

Ce faisant, il distinguait bien les comportements des produits. Mais il y a encore quelques semaines, la presse s'est faite largement l'écho du rapport confidentiel d'un économiste sur le coût social des drogues qu'il nomme drogues licites, dont l'alcool, et drogues illicites, entretenant encore la confusion.

La manipulation des données disponibles ne manque d'ailleurs pas de faire peser problème, l'auteur dudit rapport soulignant d'ailleurs lui-même que beaucoup sont inexistantes en ce qui concerne ce qu'il appelle les drogues illicites.

Monsieur le ministre, il conviendrait de s'interroger sur les effets et l'impact de telles informations dont le caractère spectaculaire risque de brouiller le message en faveur d'une consommation modérée de produits de qualité et d'une véritable politique de prévention associant acteurs de la santé et professionnels. Il ne s'agit pas de nier le problème de l'alcoolisme ni de sous-estimer son coût pour la société, bien au contraire. Il y va de l'intérêt de tous de prévenir les consommations abusives et dangereuses.

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous connaissez la volonté des viticulteurs français de s'impliquer dans cette affaire. Vous imaginez leur colère en voyant à longueur de page le produit de leur labeur désigné sous le terme de drogue. En tant que premier défenseur du vignoble français, pouvez-vous intervenir auprès de votre collègue de la santé afin que soit mis rapidement en place le groupe de travail commun entre les services du ministère de la santé et les professionnels, dont le principe a été récemment confirmé ? Vous qui avez en charge les intérêts de l'agriculture française, dont la viticulture est l'un des plus beaux fleurons, pouvez-vous nous indiquer comment, à votre avis, il pourra être possible de concilier politique de prévention et soutien aux produits de la vigne ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, élu moi-même d'une région viticole, j'ai eu l'occasion de m'entretenir souvent avec des élus intéressés à la viticulture, et notamment François Patriat que vous avez bien voulu mettre à contribution dans votre intervention. Mais permettez-moi en toute franchise de penser que vous menez un débat d'arrière-garde, car ces sujets ont été traités, et bien traités, l'an dernier.

A-t-on véritablement couru le risque de voir l'alcool assimilé à une drogue ? Une campagne l'a laissé croire (Approbations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , mais je puis vous assurer qu'il n'en a jamais été question. Les parlementaires qui s'intéressaient de près et sérieusement à ces sujets, sans chercher à susciter des peurs inutiles, ont fait leur travail. Le Gouvernement n'a jamais voulu procéder à de telles assimilations et le décret qui élargit les missions de la MILDT ne fait aucun amalgame entre les produits ; il se borne à traiter des comportements. Par conséquent, même si je suis le ministre de l'agriculture en charge de l'agriculture et donc de la viticulture, même si je suis moi-même élu d'une région viticole, je puis vous affirmer que les actions menées par la MILDT en ce domaine sont conduites de façon parfaitement responsable et ne peuvent donner lieu à aucun amalgame. Il s'agit de traiter de comportements, de problèmes qui se posent dans la jeunesse, dans nos communes, dans nos cantons, dans nos villes, qu'il est de notre responsabilité d'aborder sans démagogie ni faiblesse.

M. Gérard Voisin.

Ce n'est pas de la démagogie.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Je tiens par conséquent à vous rassurer : il n'y a aucun amalgame entre les produits. Mais il y a un vrai problème de comportement, qu'il est de notre responsabilité collective de traiter. C'est exactement ce que fait la MILDT.

M. le président.

Nous revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à Mme Jacqueline Lazard.

Mme Jacqueline Lazard.

Monsieur le ministre, je voudrais vous parler de pêche, en commençant par évoquer rapidement deux points particuliers.

Les milieux professionnels se félicitent tout d'abord de votre détermination à conduire à bon terme l'application de la loi d'orientation sur la pêche et les cultures marines que nous avons votée le 13 novembre 1997. Il y a lieu d'espérer que les derniers décrets d'application seront rapidement publiés. Lors de la discussion de cette loi, j'étais tout particulièrement intervenue sur la question des conjointes d'artisans pêcheurs ou pêcheurs associés. Un décret du 7 décembre 1998 relatif à l'abattement sur le bénéfice imposable oblige l'artisan pêcheur ou le pêcheur associé à effectuer un stage agréé de formation en vue de son installation. L'ouverture de cette formation aux conjoints constituerait une nouvelle avancée que je me permets de vous suggérer.

Mais revenons à votre budget. Les crédits d'investissement sont en hausse de 10,4 %. Il faut s'en féliciter, même si la construction de bateaux neufs ne peut masquer la pénurie en kilowatts qui subsiste dans le POP

IV. Lorsqu'elle conduit à vider nos ports de leurs navires, la gestion communautaire est difficilement acceptable.

Ma question, monsieur le ministre, a trait à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans la filière pêche. La loi incitative du 13 juin avait exclu ce secteur.

Mais la circulaire du 4 mars 1999 a prévu des dispositions spécifiques pour les entreprises de pêche qui pratiquent la rémunération à la part. Cinq ou six accords ont été conclus dans ce cadre, qui ont permis une réduction de 6 % des jours de mer pour des marins qui pouvaient travailler entre 200 et 260, voire 300 jours par an.

La réduction du temps de travail constitue une avancée sociale importante. Elle permet une présence accrue au sein de la famille, une moindre fatigue et, de ce fait, il faut en tout cas l'espérer, une diminution du nombre des accidents de mer.

Elle peut également constituer un outil supplémentaire de gestion à la ressource. En ce sens, elle rejoint les efforts que vous déployez au niveau communautaire pour initier une gestion de l'effort de pêche.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la démarche que vous entendez suivre au niveau national pour adapter ce mouvement à la pêche dans le cadre de la seconde loi sur la réduction du temps de travail, mais aussi au niveau communautaire, sous la forme, par exemple, d'arrêts biologiques ou d'arrêts dominicaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, vous estimez que l'ouverture des formations aux conjoints constituerait une nouvelle avancée. Mais


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des formations à la gestion d'entreprise ont d'ores et déjà été mises en place dans certaines régions. C'est le cas de la formation des conjointes d'exploitant d'entreprise de pêche artisanale, organisée au lycée maritime du Guilvinec, de la formation des femmes de marins pêcheurs à la gestion de l'entreprise de pêche, présentée par les comités locaux des pêches maritimes et des élevages marins des Pays de Loire, ou encore des formations à la gestioncomptabilité, expérimentées par le lycée maritime et aquacole de Cherbourg.

La deuxième partie de votre question portait sur les modalités du temps de travail, très spécifiques dans le secteur de la pêche pour deux raisons.

La première raison tient au fait que la durée du travail y est totalement imprévisible : elle varie fortement selon que le poisson est là ou non.

La deuxième provient de la nature même de la rémunération des marins à la part, qui ne dépend pas du volume horaire de travail mais du produit de la pêche.

Le Gouvernement réfléchit actuellement dans le cadre d'une concertation avec Martine Aubry et Jean-Claude Gayssot, à la manière la plus réaliste d'appliquer la réduction du temps de travail dans le secteur de la pêche. C'est un sujet complexe sur lequel, je le sais, vous vous penchez dans le cadre d'un groupe de travail du Parlement.

J'y suis très attentif car son importance ne m'a pas échappé. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur cette question. Elle ne relève pas du débat sur le projet de loi de finances, mais elle méritera notre attention commune dans les jours et les semaines qui viennent.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le ministre, la pêche thonière tropicale française est un atout essentiel de notre pêche nationale, dont elle représente quasiment le cinquième en production. Or ce secteur semble aborder, après l'embellie qui a suivi la lourde crise de 1990 à 1993, une nouvelle zone de turbulences. La vente programmée d'une partie de notre flottille, l'effondrement récent des cours et, par voie de conséquence, de la rémunération des équipages, l'immatriculation des navires sous pavillon d'accueil pour échapper aux contraintes d'un POP inadapté à ce segment sont autant de signaux qu'il ne faut pas négliger.

Aussi souhaiterais-je connaître l'action que vous entendez engager pour éviter que ne se cristallisent tous les ingrédients d'une crise. Le maintien d'un maximum de bâteaux de pêche thonière tropicale sous pavillon français suppose une forte vigilance. N'allons pas laisser dilapider ce patrimoine alimentaire au vent du libéralisme. Il convient également de favoriser l'emploi de marins français à bord d'une flotte désormais déployée sur tous les océans, ce qui n'est pas sans implications en termes de relations internationales, bi- ou multilatérales : ne laissons pas l'attractivité de ce métier disparaître au vent du moins-disant social mondial ! Nous attendons avec confiance votre réponse sur le devenir d'une pêche nécessaire à notre pays et vitale pour ma région. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

L'élu de Concarneau a évidemment « mis le paquet », si j'ose dire ! (Sourires.)

La pêche du thon tropical représente effectivement une activité essentielle pour les pêches maritimes françaises, avec 140 000 tonnes de capture chaque année et un chiffre d'affaires de l'ordre de 800 millions de francs. Elle est réalisée par vingt-neuf navires sous pavillon français dans l'océan Atlantique et l'océan Indien qui assurent l'approvisionnement du marché communautaire et dans le cadre d'une filière économique riche d'emplois, tant en métropole que dans les pays tiers. Enfin, du fait même de l'étendue de la zone couverte, la pêche thonière contribue au rayonnement du pavillon français dans le monde.

Le Gouvernement français veille à faciliter le développement de cette activité, notamment par une défense de nos intérêts au sein des organisations régionales de pêche spécialisées dans la gestion des ressources thonières - commission internationale de conservation des thonidés d e l'Atlantique ou commission thonière de l'océan Indien - mais aussi dans le cadre des négociations bilatérales entre la Communauté européenne et les pays riverains pour obtenir un accès à leurs zones économiques exclusives. S'agissant d'une ressource hautement migratoire, ces accords constituent en effet un réseau indispensable pour assurer la continuité géographique de la pêche thonière tropicale.

Enfin, la flotte française a bénéficié du soutien financier de l'Etat et de la Communauté européenne pour le renouvellement et la modernisation des navires, ce qui permet à la France de disposer d'une flotte moderne et performante, avec une moyenne d'âge proche de dix ans.

Dans ce contexte, je voudrais vous assurer, monsieur le député, que le Gouvernement suit avec une particulière attention les évolutions en cours au sein de l'armement thonier, en cherchant à maintenir la flotte sous pavillon français et en veillant à la prise en compte des préoccupations des équipages et des salariés concernés.

M. le président.

La parole est à M. Maurice AdevahPoeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Monsieur le ministre, ma question concerne tout à la fois les futurs et les anciens exploitants.

En premier lieu, je voudrais revenir en quelques mots sur la suppression des crédits de l'article 27 du chapitre 44-41, c'est-à-dire des 145 millions de francs du fonds pour l'installation en agriculture. Vous vous êtes déjà abondamment exprimé sur cette question depuis le début de la séance et vous nous avez globalement convaincus, à une réserve près, que je partage avec notre rapporteur François Patriat.

Le FIA finançait des crédits de pré-installation ou des aides aux cédants, qui ne pourront être financés, sauf erreur de ma part, au titre de l'article 10 du chapitre 44-84, c'est-à-dire des CTE.

Je ne qualifierai pas d'opération de siphonnage ; il s'agit bel et bien d'un transfert de crédits. Je suppose par conséquent que, si le chapitre 44-41 garde un article 27, c'est pour laisser la possibilité de dresser un bilan au bout d'un an et de réinscrire éventuellement des crédits au titre du FIA dès la loi de finances 2001 si la nécessité s'en faisait sentir.

S'agissant des anciens exploitants, je ne reviendrai pas sur les retraites agricoles. Je souscris aux propositions de notre collègue Germinal Peiro et aux engagements que vous avez pris, sur le plan des moyens, pour l'essentiel, mais aussi, à certains égards, sur celui des résultats. Je crois que nous sommes unanimes à vous en remercier.


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Je voudrais toutefois appeler votre attention sur le décret annuel, pris, entre autres, par votre ministère, qui détermine le calcul du coefficient de minoration. Lorsque nous parlons d'augmentation des retraites agricoles, nous raisonnons au taux plein, ce que les assujettis ne savent pas toujours. Or nous avons un système de coefficient de minoration fixé par un décret annuel. Même si une petite amélioration a été apportée en 1998 et 1999 par rapport au décret de 1997, ce dispositif n'en aboutit pas moins à ramener, quelle que soit leur catégorie de retraite, à zéro l'augmentation pour les assujettis qui ont trente et une années et demie de cotisation, voire moins. Pour six années de cotisation de moins, l'augmentation, par le jeu du coefficient de minoration, se voit en fait réduite à néant, ce qui pose évidemment des problèmes de compréhension et suscite de grandes interrogations. Il est certes facile d'expliquer qu'il y a une minoration normale, calée sur la durée de cotisation...

M. le président.

Monsieur Adevah-Poeuf, posez votre question.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si les dispositions du décret de l'an 2000 et les augmentations budgétaires que vous nous proposez pour conforter les retraites contribueront à améliorer dans un sens de plus grande justice le coefficient de minoration appliqué aux retraites agricoles ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je ne saurais vous répondre à ce stade et ne puis que prendre note de votre demande. Cette affaire du coefficient de minoration sur les retraites agricoles est un problème récurrent, puisqu'il se pose chaque année.

Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre de la préparation du décret au titre de l'an 2000. Je prends l'engagement de poursuivre la concertation avec vous sur ce sujet.

S'agissant des installations, je veux réexpliquer précisément le dispositif. La majeure partie des actions jusqu'alors financées par le FIA ont été transférées sur le CTE. Pour financer les autres actions, celles-là mêmes qui vous inquiètent parce qu'elles n'entrent justement pas dans le cadre du CTE, nous avons des reliquats de crédits du FIA. Or ceux-ci, du fait que le FIA n'a pas connu le succès que l'on dit, sont loin d'être négligeables et ils ne seront pas annulés dans le cadre de la régulation budgétaire. Un arbitrage a été rendu dans ce sens par le Premier ministre ces tout derniers jours, sinon hier. Nous disposerons largement de quoi financer pour l'année 2000, voire au-delà, les actions jusqu'alors menées par le FIA.

M. le président.

Nous revenons une dernière fois aux questions du groupe RPR.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Monsieur le ministre, il s'agit pour une fois d'une question générale ; elle porte sur le financement des CTE. Vous avez inscrit à ce titre 650 millions.

Diverses sources ont été citées. Pouvez-vous nous préciser dans le détail quelles sont dans ce financement les parts respectives des fonds qui sont entamés ou supprimés, le FIA dont on vient de parler et le FGER ? L'affaire du FIA nous inquiète, et pas seulement sur les bancs de l'opposition, compte tenu de la tendance générale à l'effondrement des nouvelles installations ; c'est le cas dans mon département de l'Orne, c'est le cas dans tous ceux de nos collègues qui se sont exprimés ce soir.

Quant au FGER, il avait son utilité, même si son existence a été chaotique.

Indépendamment de ces fonds, quelles autres ressources concourent et surtout concourront demain à financer les CTE ? D'autres sources de financement sontelles attendues en dehors de celles de l'Etat ? Auquel cas, pouvez-vous nous préciser lesquelles et pour quel montant ?

M. le président.

Je vous remercie de votre brièveté, monsieur Deniaud.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je veux redire des choses aussi clairement que possible.

D'abord, ce ne sont pas 650 millions, mais 950 millions de francs qui sont prévus dans ce budget pour le financement du CTE, au titre, s'entend, de la part nationale puisque le CTE est cofinancé. Nous avons en effet accepté ce cofinancement, car il ne s'agit pas de cofinancer des aides directes, ce que nous avions refusé à Berlin, mais de cofinancer le développement rural, comme nous le faisons depuis des années dans toutes nos circonscriptions rurales.

Il y aura donc au total les 950 millions de francs inscrits au titre de la part nationale, auxquels s'ajoutera le cofinancement des crédits européens à travers le développement rural, relayé ensuite par la modulation des aides pour assurer la montée en puissance du dispositif CTE.

Parmi ces 950 millions de francs, on trouve 350 millions de francs de crédits nouveaux qui témoignent de la volonté du Gouvernement d'infléchir sa politique et de s'engager résolument dans le financement des CTE. Les 600 autres millions sont le fruit d'un redéploiement, dont celui dont nous parlions à propos du FIA.

Mais je voudrais, pour conclure, monsieur le député, vous rappeler une chose simple : ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de crédits que l'installation a baissé, mais bien parce qu'il n'y a pas d'installations que les crédits ont baissé. Il nous appartient donc, j'en suis parfaitement d'accord, de réfléchir ensemble aux moyens de relancer l'installation. C'est ce que nous allons faire avec l'installation progressive et les CTE installation. S'il faut prendre d'autres initiatives, nous y travaillerons. J'en ai déjà parlé avec les dirigeants du CNJA. Il faut aller dans ce sens, je vous le dis sans hésiter.

En attendant, je vous le répète, ne faisons pas dire aux chiffres ce qu'ils ne disent pas. Si les crédits installation baissent dans ce budget, c'est parce que l'installation ellemême a baissé. Je ne demande qu'à la voir repartir à la hausse, et les crédits en faire autant, dans les années qui viennent. Je suis prêt à en prendre l'engagement si tel est le cas.

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Quand je me suis inscrit, je comptais interroger M. le ministre sur la revalorisation des retraites agricoles, sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises au cours de la soirée. Mais les événements de ces dernières heures m'incitent à revenir sur un dossier qu'il connaît bien, et sur lequel je l'ai interrogé le mois dernier : la situation des abattoirs de Blain, en LoireAtlantique.

Il y a quelques heures, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a prononcé la liquidation de cet abattoir, qui emploie 200 salariés. Je l'ai dit, j'attirais, il y a peu, votre attention sur la nécessité de tout mettre en oeuvre pour assurer la pérennité de cet outil de production,


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indispensable à la filière en Loire-Atlantique, et pour lequel se sont mobilisés les salariés, la population, les professionnels, les collectivités - le conseil général, par l'action de Serge Poignant ici présent, et le conseil régional. Malgré tout, la liquidation a été prononcée.

Monsieur le ministre, vous savez le coût social de la fermeture d'un tel établissement.

Ma question sera précise. Il est possible de mobiliser les interventions classiques de l'Etat. Mon collègue René Leroux était déjà intervenu auprès de vous, cet été, à plusieurs reprises, et à mes côtés, ce dont je le remercie, pour mobiliser l'aide de l'Etat, à travers l'OFIVAL et le FEOGA. Ainsi, nous pourrions envisager sérieusement un plan de restructuration - qui avait, par ailleurs, suscité une mobilisation de tous les partenaires de l'Etat.

Les services de la préfecture ont publié ce matin un communiqué - ce qui est plutôt rare - selon lequel l'Etat était toujours prêt à faire le maximum.

Plutôt que d'obtenir demain des compensations pour payer des indemnités aux salariés qui perdent leur emploi, ne pourrait-on imaginer d'accompagner d'éventuels plans de reprise - il en existe - avec des moyens de financement classiques - les lignes de crédits existent - ce qui permettra d'assurer la pérennité de cet outil, indispensable pour la filière dans un département d'élevage aussi important que la Loire-Atlantique ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Hunault, voilà déjà plusieurs mois, à l'occasion d'une visite à La Turballe, chez René Leroux, que j'ai été saisi de ce dossier.

Les responsables de l'abattoir de Blain ont été reçus à plusieurs reprises au ministère, à la fois par mon cabinet et à l'OFIVAL. Tous les dispositifs publics d'aides pos-s ibles leur ont été proposés. Malheureusement, en l'absence de repreneurs et de solutions économiques viables, ces soutiens n'ont pu être mis en oeuvre et le tribunal a dû prononcer la liquidation de la société gestionnaire de l'abattoir.

Cela dit, ces soutiens restent mobilisables à tout moment dès lors que se présenterait un repreneur et que serait trouvée une solution économique viable. Si c'était le cas, l'Etat la soutiendrait dans les mêmes termes que ceux exposés aux responsables de l'abattoir de Blain.

M. le président.

Nous revenons au groupe socialiste pour une dernière question.

La parole est à M. Michel Vauzelle.

M. Michel Vauzelle.

Monsieur le ministre, je vais aborder une question très générale, mais vous la connaissez bien. Je sais, en effet, l'attention que vous portez à l'agriculture méditerranéenne.

Celle-ci constitue une exception en ce sens que les productions principales, fruits, légumes, horticulture ou viticulture, ne bénéficient pas de dispositifs de soutien des prix ou de compensation des revenus. Pourtant, il s'agit d'un marché ouvert à la concurrence internationale.

L'existence de l'agriculture méditerranéenne est directement conditionnée par la compétitivité du rapport qualité-prix.

En outre, l'agriculture méditerranéenne constitue une composante du développement durable par son rôle dans l'entretien de l'espace rural et dans le maintien d'écosystèmes particulièrement diversifiés et fragiles.

Enfin, l'hydraulique agricole s'inscrit dans cette perspective de développement durable par sa gestion patrimoniale de la ressource en eau.

Compte tenu de ces différents éléments, il apparaît nécessaire d'apporter un soutien politique fort à l'agriculture méditerranéenne pour qu'elle puisse être prise en compte dans les politiques européennes.

Dans ce contexte, quels peuvent être l'avenir et le rôle des offices par produit qui sont déterminants pour l'amélioration de la qualité des produits et leur valorisation économique ? Je voudrais avoir votre sentiment sur cette question, monsieur le ministre, et savoir si vous apporterez des modifications allant dans le sens que nous souhaitons.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, on reconnaît bien là votre engagement total pour la défense de la cause méditerranéenne, et de votre région en particulier.

C'est vrai que les productions méditerranéennes bénéficient de soutiens directs, au plan communautaire, beaucoup moins importants que d'autres secteurs, comme celui des grandes cultures. C'est ce qui explique que les producteurs de ces régions bénéficient aujourd'hui d'aides directes moins élevées que la moyenne nationale.

Toutefois, pour ce qui concerne le secteur viti-vinicole, dans le cadre de la réforme de l'organisation commune de marché, j'ai obtenu des avancées significatives, notamment pour l'octroi de droits de plantations nouvelles et la revalorisation des aides à la restructuration du vignoble, qui est la clef du succès de cette filière dans ces régions.

Par ailleurs, pour la présente campagne, j'ai abondé la dotation de l'ONIVIN afin de pouvoir répondre à la montée en puissance de l'effort de restructuration du vignoble. Ce sont ainsi 300 millions de francs qui seront consacrés à ces mesures dont bénéficient prioritairement les départements languedociens, provençaux et corses.

Vient ensuite le secteur des fruits et légumes, qui mérite une attention particulière compte tenu de son importance en termes d'emplois, des emplois qui permettent de conserver un tissu rural actif, et parce que c'est un secteur qui a connu cet été une crise particulièrement grave.

J'inscris mon action dans ce secteur dans une double perspective.

En premier lieu, l'organisation commune de marché doit être réformée pour être plus simple et plus incitative.

Je suis intervenu dans ce sens à Bruxelles avec mes collègues italien et espagnol. J'entends obtenir des avancées significatives sur ce sujet sous la présidence portugaise, au cours du premier semestre 2000. Je suis plutôt optimiste puisque les Portugais ont d'ores et déjà fait savoir que ce sujet était pour eux prioritaires.

En second lieu, les relations avec la distribution doivent être plus équilibrées et permettre un partage plus équitable de la valeur ajoutée. J'en ai dit un mot tout à l'heure. Je vous confirme que nous continuons à travailler en ce sens.

Enfin, dans l'immédiat, les mesures de soutien aux exploitations fragilisées par la crise, qui ont été annoncées le 23 septembre dernier, vont être mises en oeuvre. Elles sont dotées de 240 millions de francs. Je viens de signer la circulaire d'application de ces mesures et de notifier aux préfets les dotations financières dont ils pourront disposer. Elles concernent prioritairement les départements méditerranéens et ceux de la vallée du Rhône qui ont été les plus touchés par la crise de l'été dernier.

Pour ce qui concerne les grandes cultures, les décisions concernent la révision du plan de régionalisation adopté en 1997 et elles sont appliquées au paiement du 15 octo-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

bre 1999. Elles se traduisent par une revalorisation substantielle des aides aux producteurs de céréales dans vos départements et une nouvelle étape est prévue pour le printemps prochain et entrera en vigueur en l'an 2001 pour conforter ce mouvement de dérégionalisation des aides.

Enfin, la politique en faveur d'une attribution plus équilibrée des soutiens publics à l'agriculture, décidée par le Gouvernement afin que toutes les fonctions de l'agriculture puissent être rémunérées, bénéficiera largement à vos départements. Ainsi, la modulation des aides directes permettra de disposer au total de deux milliards de francs l'an prochain et de financer les 50 000 contrats territoriaux d'exploitation dont nous parlons depuis le début de cette soirée. Cet instrument doit pouvoir s'appliquer prioritairement dans vos départements.

C'est pourquoi, pour marquer mon soutien aux projets innovants conduits dans ces départements, je vais signer le 13 décembre prochain des CTE symboliques...

M. Christian Jacob.

Symboliques !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... l'un dans l'Hérault, l'autre dans les Bouches-du-Rhône, afin de souligner l'intérêt de ces outils pour valoriser au mieux les spécificités et les atouts de l'agriculture méditerranéenne.

Pour conclure, monsieur Vauzelle - nous avons eu l'occasion d'en parler ensemble à plusieurs reprises - le volet agricole du contrat de plan liant l'Etat à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, que vous présidez, n'est pas définitivement arbitré, puisqu'une réunion interministérielle doit se tenir la semaine prochaine à ce sujet. Mais je peux vous dire que les conclusions des discussions que nous avons eues se présentent sous les meilleurs auspices.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

Avant d'appeler les crédits, je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le jeudi 18 novembre à une heure dix, est reprise à une heure vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

AGRICULTURE ET PÊCHE

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Agriculture et pêche ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 831 861 434 francs ;

« Titre IV : moins 4 769 176 286 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles) TITRE V. INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 81 900 000 francs ;

« Crédits de paiement : 24 570 000 francs. »

TITRE VI. SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 180 240 000 francs ;

« Crédits de paiement : 430 080 000 francs. »

Je mets aux voix les crédits du titre III.

(Les crédits du titre III sont adoptés.)

M. le président.

Sur le titre IV de l'état B, concernant l'agriculture et la pêche, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 135 et 191.

L'amendement no 135 est présenté par M. Jacob ; l'amendement no 191 est présenté par M. Angot.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Réduire les crédits de 650 000 000 F. »

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Cet amendement tend à réduire de 650 millions de francs les crédits affectés au financement des CTE.

Je vous rappelle que la plupart des agriculteurs ne veulent pas de ce monstre administratif qui va leur poser des problèmes et créer des contraintes administratives énormes. Nous sommes persuadés que cela va créer beauc oup plus d'emplois dans les DDA que dans les communes rurales. On aura besoin de fonctionnaires supplémentaires pour surveiller les conditions d'application des CTE.

Je propose donc d'affecter ces crédits à la DJA, que vous réduisez de 155 millions de francs cette année, et au FIA, que vous réduisez de 145 millions de francs.

Vous nous avez expliqué tout à l'heure que vous les réduisiez parce qu'il n'y avait pas assez de demandes et qu'ils seraient nettement suffisants. Je vous suggère, monsieur le ministre, d'augmenter la DJA des agriculteurs qui feront le choix de s'installer en agriculture, de conserver le FIA et d'augmenter les sommes versées aux jeunes agriculteurs qui voudront bien s'installer. Je pense que nous aurons alors des candidats supplémentaires à l'installation.

Si de nombreux jeunes ne s'installent plus actuellement la diminution est énorme depuis deux ans - c'est bien parce que les conditions d'installation ne sont pas suffisamment favorables.

Je propose, par ailleurs, d'utiliser le solde pour augmenter les retraites agricoles. Nous devons, en effet, assurer des retraites décentes aux personnes retraitées qui ont fait de notre agriculture l'une des meilleures du monde.

C'est la moindre des reconnaissances à donner aux anciens qui ont amené notre agriculture au niveau où elle est actuellement.

M. le président.

Monsieur Jacob, je vais vous donner la parole pour soutenir l'amendement no 135, mais j'observe que vous avez déposé douze amendements, nos 143 à 154, qui m'apparaissent comme des amendements de repli.

Peut-être pourriez-vous en faire une présentation globale.

M. Christian Jacob.

Non, monsieur le président ! Je ne souhaite pas les présenter globalement. J'aimerais en effet obtenir des réponses du ministre sur mes différents amendements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Dans ce cas, vous avez la parole pour défendre l'amendement no 135.

M. Christian Jacob.

Je suis totalement d'accord avec M. Angot. Même si l'on ne partage pas votre analyse sur le financement des CTE, monsieur le ministre, et notamment sur la modulation, tout le monde sait que, au-delà des caricatures sur les propriétés de la reine d'Angleterre ou du prince Rainier de Monaco,...

M me Béatrice Marre, rapporteur spécial.

On se demande bien qui caricature le plus !

M. Christian Jacob.

... la correction du revenu se fait par l'impôt. Pourquoi intervenir avant ? Au-delà des problèmes d'installation et de retraite, qui sont essentiels mais qui ont été évoqués par André Angot, j'en profite pour attirer votre attention sur trois points.

Les crédits destinés à soutenir la production de sucre dans les départements d'outre-mer sont en baisse. J'ai lu dans le « bleu » budgétaire que 8 millions de francs étaient supprimés. Vous savez comme moi, et comme tout le monde ici, à quel point il est nécessaire de soutenir la production sucrière dans les départements d'outremer, notamment à la veille de l'ouverture des négociations de l'OMC, d'autant que les Brésiliens veulent conquérir des parts de marché au sein de l'Union européenne en déstabilisant le secteur betteravier mais aussi l'économie de nos amis des départements d'outre-mer.

Ayant refusé d'aller suffisamment en avant dans leur plan alcool, ils ont aujourd'hui une surproduction de sucre, et leur attaque va totalement déstabiliser le marché. J'aimerais bien que vous profitiez de votre réponse pour m'éclairer sur ce point.

Deuxième point, les crédits destinés à la restructuration des abattoirs publics baissent de 1 million de francs, passant de 8,720 millions en 1999 à 7,720 millions pour 2000. Pourtant, cette restructuration n'est pas terminée, à cause de l'embargo, mais aussi des réglementations en matière d'environnement et de carcasses. Elle va se traduire par des charges nouvelles, ce qui aura des répercussions soit en amont, par une baisse du prix payé aux producteurs de viande bovine - et vous savez les difficultés qu'ils rencontrent -, soit en aval par une augmentation du coût pour les consommateurs, ce qui risque également d'entraîner une baisse de la consommation, qui se répercutera de la même façon sur les producteurs.

Troisième et dernier point...

M. le président.

Monsieur Jacob, peut-être pourriezvous évoquer ce troisième point à propos d'un autre amendement, car vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Christian Jacob.

Si vous voulez ! Mais autant que je le fasse tout de suite ! Nous gagnerions du temps !

M. le président.

Ah ! Si vous voulez nous faire gagner du temps (Sourires), allez-y !

M. Christian Jacob.

Merci, monsieur le président, de votre compréhension.

Les crédits destinés à l'aide alimentaire diminuent de 19 millions. Vous savez, monsieur le ministre, que les Américains souhaitent exclure l'aide alimentaire des négociations de l'OMC puisqu'ils s'en servent en fait comme d'une arme politique vis-à-vis des PVD. En France, nous y sommes attachés, que le gouvernement soit de droite ou de gauche. J'aimerais donc que vous nous expliquiez pourquoi vous baissez ces crédits.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 135 et 191 ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial. Ces amendements n'ont pas été examinés par la commission, mais je dirai à titre personnel que la position que vient d'exprimer M. Jacob nous est ô combien connue, puisque c'est une position purement politique de rejet du CTE.

Il en profite pour évoquer des crédits qui sont en diminution pour des raisons que je me suis efforcée d'expliquer dans le rapport. Je le remercie de n'avoir pris que trois exemples : il y en avait, je crois, douze dans les amendements qu'il avait déposés.

Il faut donc rejeter cet amendement, ainsi que celui de M. Angot, qui repose sur le même principe. Mais nous ne devons pas écouter les même agriculteurs, puisque j'en ai rencontré beaucoup qui sont très intéressés par le CTE.

M. Christian Jacob.

Sur les DOM et l'aide alimentaire, vous n'avez rien à dire ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je souhaite m'en tenir à la stricte procédure parlementaire, le Gouvernement, après le rapporteur, donnant son avis sur le contenu d'un amendement.

Ces amendements visent à réduire les crédits du ministère de l'agriculture, alors que j'ai entendu M. Jacob expliquer qu'ils n'étaient pas assez élevés. Le Gouvernement ne peut pas être favorable à la réduction des crédits du ministère de l'agriculture !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Chazal.

M. Jean-Claude Chazal.

Décidément, il faut entendre tout et son contraire, car, sur le terrain, dans nos circonscriptions, nos départements, nos régions, on craint plutôt un manque de financement des CTE. Dans certains départements comme le mien, la Lozère, socioprofessionnels et syndicalistes se disent tout prêts à jouer le jeu et attendent avec impatience la signature des premiers contrats. Je pense qu'ils apprécieront d'ailleurs la teneur de ces amendements et des suivants.

Ces amendements doivent être rejetés, car les CTE vont devenir un outil du développement rural.

A ce sujet, je voudrais vous demander, monsieur le ministre, pour répondre à une affirmation relayée récemment par un quotidien du soir selon laquelle il n'y a plus de véritable politique rurale aujourd'hui, où vous en êtes de la mise en place du plan de développement rural à la suite des accords de Berlin.

M. Christian Jacob.

Je demande la parole pour répondre au Gouvernement.

M. le président.

Brièvement, monsieur Jacob, car vous avez encore douze amendements - que je vous suggérerai d'ailleurs de présenter globalement.

M. Christian Jacob.

J'ai profité de la possibilité qui nous est donnée de déposer des amendements pour interroger le ministre et le rapporteur sur trois points précis.

Pourquoi baisse-t-on les crédits destinés à soutenir la production de sucre dans les départements d'outre-mer, les crédits destinés à l'aide alimentaire et ceux destinés à la restructuration des abattoirs publics ? Je souhaiterais simplement avoir une réponse sur ces points.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 135 et 191.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Je suis saisi, sur le titre IV de l'état B, concernant l'agriculture et la pêche, de douze amendements présentés par M. Jacob.

L'amendement no 143 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 400 000 000 F. »

L'amendement no 144 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 325 000 000 F. »

L'amendement no 146 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 275 000 000 F. »

L'amendement no 147 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 175 000 000 F. »

L'amendement no 145 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 80 000 000 F. »

L'amendement no 148 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 60 000 000 F. »

L'amendement no 149 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 50 000 000 F. »

L'amendement no 150 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 30 000 000 F. »

L'amendement no 151 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 20 000 000 F. »

L'amendement no 152 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 10 000 000 F. »

L'amendement no 153 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 8 000 000 F. »

L'amendement no 154 est ainsi rédigé :

« Réduire les crédits de 5 000 000 F. »

Il s'agit, en quelque sorte, monsieur Jacob, d'amendements de repli...

M. Christian Jacob.

Vous voulez, monsieur le président, que j'en défende quelques-uns globalement ? Je vais être « bon prince »...

M. le président.

Ils visent tous à réduire les crédits du titre IV, monsieur Jacob - mais de montants différents.

C'est votre droit absolu de les défendre.

M. Christian Jacob.

Merci !

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

L'amendement no 143 tend à réduire de 400 millions les crédits destinés à financer les CTE. Une telle somme pourrait être utilisée en faveur des zones agricoles défavorisées, les zones de montagne, par exemple. Les ICHN notamment sont un élément essentiel de soutien de ces zones.

On pourrait, par ailleurs, ouvrir une réflexion sur les critères, qui sont parfois très restrictifs. Vous savez comme moi que, dans les zones de piémont et les zones de haute montagne, les problèmes ne sont pas les mêmes et il faudrait peut-être rouvrir le débat sur la répartition des soutiens. Disposer de 400 millions de francs supplémentaires permettrait d'ouvrir cette discussion, et, à mon avis, en termes d'aménagement rural, ce serait tout aussi intéressant que les CTE.

Tel est le premier point que je voulais évoquer.

Je veux bien, monsieur le président, défendre en même temps les autres amendements si vous le souhaitez...

M. le président.

Tout à fait !

M. Christian Jacob.

... mais il n'empêche que, si je n'ai pas de réponse précise du rapporteur et du ministre, je demanderais à nouveau la parole, comme le règlement m'y autorise.

M. le président.

Comme vous pouvez en solliciter la possibilité ! (Sourires.)

M. Christian Jacob.

Certes, mais je ne doute pas que vous me l'accorderez. (Sourires.)

L'amendement no 144 vise à réduire de 325 millions de francs les crédits affectés aux CTE, pour augmenter de 50 % les crédits destinés à la prime à l'herbe.

Avec la modulation des aides, on va vraisemblablement inciter à retourner des prairies, et donc à délocaliser les productions céréalières dans des régions dont ce n'est pas la destination première. Or on connaît aujourd'hui la qualité de l'élevage à l'herbe, qui trouve aujourd'hui une valorisation sur le marché, mais avec des coûts très importants, d'où l'idée d'augmenter de 50 % la prime à l'herbe.

Je poursuis, monsieur le président ?...

M. le président.

Je vous en prie !

M. Christian Jacob.

Je veux bien les présenter tous !

M. le président.

Seuls les chiffres diffèrent.

M. Christian Jacob.

Sans doute, mais ils sont fondés sur des motivations totalement différentes.

M. le président.

Cela n'apparaît pas dans les « exposés sommaires » de ces amendements.

M. Christian Jacob.

C'est pourquoi je demande à l'Assemblée et au Gouvernement d'être attentifs à mes explications.

M. le président.

Poursuivez donc votre propos, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob.

J'en arrive à l'amendement no 146.

J'ai évoqué le problème tout à l'heure dans mon exposé, François Guillaume l'a évoqué également. Il s'agit de l'agri-monétaire et je n'ai pas été convaincu par vos explications, monsieur le ministre. Je ne reviens pas sur les 1,92 %. Je vous demande simplement de nous redonner quelques précisions.

L'amendement no 147 tend à réduire les crédits destinés aux CTE de 175 millions, pour abonder ceux quis ont destinés aux calamités agricoles, au titre de l'article 10. Le budget a un retard important en ce domaine. Ce n'est pas de votre responsabilité parce que c'est un retard accumulé. Simplement, on a là une occasion de le compenser.

La réduction de crédits proposés par l'amendement no 148 permettrait d'affecter une telle somme à l'enseignement. Je n'y reviens pas, monsieur le ministre, puisque vous avez refusé de répondre sur ce point. Cela étant, vous avez dit que les crédits du public et ceux du privé étaient proportionnels. Or il y a 60 millions d'écart.

S'agissant de l'amendement no 145, je propose d'affecter les crédits destinés aux CET au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Cela rejoint l'argumentation que nous avons eue tout à l'heure sur la TGAP. Comme vous le savez, en effet, on effectue un prélèvement sur le secteur agricole, sans aucune redistribution, ce qui veut dire que les problèmes d'environnement ne sont pas considérés comme une priorité. On avait la possibilité de réaffecter la somme prélevée sur le secteur agricole à la mise aux normes des bâtiments d'élevage, des silos de céréales, et à d'autres actions en faveur de la protection de l'environnement. En l'occurrence, c'est donc simplement une charge qui s'ajoute, sans aucun retour.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Par l'amendement no 149, je propose de réduire les crédits prévus pour les CTE de 50 millions de francs, en faveur des opérations de qualité, notamment pour le lait et le porc dans les zones de montagne.

Le choix de ces 50 millions n'est pas le fruit du h asard : avec les organisations agricoles, nous nous sommes livrés à un calcul. Dans les zones de montagne, le coût de collecte du lait est beaucoup plus élevé qu'ailleurs. S'ajoute une difficulté plus grande sur le plan de la qualité car, compte tenu de la topographie de ces régions, les investissements concernant les bâtiments d'élevage sont bien plus importants.

Les amendements nos 150 et 151 prévoient des réductions de crédits respectivement de 30 millions et de 20 millions de francs, dans le même but.

Quant à l'amendement no 152, il vise à réduire les crédits de 10 millions de francs en faveur de l'analyse et du suivi des exploitations des agriculteurs en difficulté.

Pour les agriculteurs installés depuis dix ans, l'une des difficultés les plus importantes réside dans la création du fonds de roulement.

Des mesures pourraient être prises en matière de financement et de bonification des installations. Mais on pourrait renforcer les moyens du suivi des agriculteurs par des conseillers de gestion ou différents centres issus des organisations agricoles. Or, là aussi, nous sommes à crédits constants, ce qui est paradoxal.

De plus en plus de jeunes installés rencontrent des difficultés. Je pense donc qu'il serait bon d'augmenter les crédits pour un meilleur suivi.

L'amendement no 153 tend à réduire les crédits de 8 millions de francs, en faveur de l'identification des animaux.

Vous avez augmenté les crédits d'identification de 8 millions de francs, puisqu'ils passent de 29 millions à 37 millions. Je propose tout simplement de doubler cette augmentation, dans le souci d'assurer une meilleure traçabilité.

Quant à l'amendement no 154, il vise à réduire les crédits de 5 millions de francs, en faveur de l'aide à la réinsertion professionnelle. Il renvoie à ce que j'ai dit tout à l'heure sur les agriculteurs en difficulté.

Vous voyez, monsieur le président, que je n'ai pas abusé de mon temps de parole - ce qui a évité d'entrer dans une procédure de suspension de séance ou autre - à partir du moment où vous m'avez laissé m'exprimer, ce dont je vous remercie.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les douze amendements ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Je m'exprimerai une nouvelle fois à titre personnel puisque ces amendements n'ont pas été examinés par la commission des finances.

Ma remarque précédente vaut toujours : les amendements présentés traduisent un refus des CET qui est d'ordre politique.

Pour le reste, monsieur Jacob, vous venez de nous exposer votre propre budget. C'est intéressant...

M. Christian Jacob.

L'opposition a le droit d'élaborer un contre-projet !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Si l'on additionne toutes vos propositions, on arrive à un redéploiement de 2 441 millions. Je pense que ce n'est ni le lieu ni l'heure de proposer un tel budget.

J'invite en conséquence l'Assemblée à rejeter les douze amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'en reste avec obstination à l'idée qu'il serait très mauvais de réduire le budget du ministère de l'agriculture. Je suis donc défavorable aux amendements.

M. Marcel Rogemont.

Nous sommes d'accord avec vous, monsieur le ministre !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Sans aucun esprit de polémique, madame Marre, je voudrais vous rappeler que l'opposition a encore, ne vous en déplaise, le droit d'élaborer un contre-projet.

P ar ailleurs, vous avez additionné les différentes mesures que j'ai proposées, alors qu'il s'agissait d'amendements de repli.

Cela dit, je regrette que, ne serait-ce que par respect pour la représentation nationale et l'ensemble de nos concitoyens, vous n'éprouviez même pas le besoin de répondre aux questions qui vous sont posées.

« On est majoritaire et on n'a rien à faire de vos amendements ! » : voilà ce qu'en quelque sorte vous venez de nous dire.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Ce n'est pas tout à fait cela, monsieur Jacob !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits du titre IV est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

En accord avec la commission des finances, je vais appeler plusieurs amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 64.

Avant l'article 64

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 62, ainsi libellé :

« Avant l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. Le I de l'article 1121-6 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2000, le minimum de retraite proportionnelle mentionné à l'alinéa précédent est relevé par décret. La majoration totale qui en résulte n'est pas cumulable avec celle prévue au II qui s'applique en priorité. »

« II. Le II de l'article 1121-6 du code rural est ainsi modifié :

« - Le troisième alinéa est rédigé comme suit :

« Au titre de l'année 1999, cette majoration n'est pas cumulable avec la majoration prévue au I qui s'applique en priorité. »

« - Il est inséré un quatrième alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2000, le montant minimum mentionné au deuxième alinéa est relevé par décret. »

« III. Le III de l'article 1121-6 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2000, pour les personnes remplissant les conditions fixées au premier alinéa, le montant, tel que prévu au deuxième alinéa, de cette majoration, est relevé par décret. »

« IV. L'article 1121-5 du code rural est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour l'application des dispositions du troisième alinéa, les personnes qui avaient au 31 décembre 1998 la qualité de conjoint définie à l'article 1122-1 ne sont considérées comme conjoint collaborateur que si elles ont opté avant le 1er juillet 2000 pour le statut mentionné à l'article L.

321-5 et ont conservé ce statut de manière durable. Un décret fixe les modalités selon lesquelles est apprécié le caractère durable susmentionné.

« A compter du 1er janvier 2000, le niveau différencié prévu au troisième alinéa est relevé par décret. »

Sur cet amendement, M. de Courson a présenté un sous-amendement, no 120, ainsi libellé :

« Compléter l'amendement no 62 par le paragraphe suivant :

« V. L'article 1121-6 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« IV. Les majorations de retraite résultant de l'application du dernier alinéa du I, du dernier alinéa du II et du dernier alinéa du III du présent article, ainsi que celles résultant de l'application du dernier alinéa de l'article 1121-5, ne peuvent avoir pour conséquence de porter le montant global des avantages de vieillesse acquis par les bénéficiaires au titre de leurs droits propres dans l'ensemble des régimes obligatoires au-dessus du chiffre limite prévu par l'article L.

815-8 du code de la sécurité sociale pour les personnes seules. »

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no

62.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le président, si vous le voulez bien, je ferai, pour gagner du temps, une présentation globale des quatre amendements du Gouvernement avant l'article 64.

M. le président.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Par les quatre amendements nos 62, 61 rectifié, 59 et 60, il s'agit de mettre en oeuvre le dispositif de revalorisation des retraites, dont nous nous sommes longuement entretenus ce soir et sur lequel je ne reviendrai donc pas.

Ces amendements traduisent la mise en place de la mesure de revalorisation des retraites agricoles pour l'an 2000. Tel est précisément l'objet de l'amendement no

62. Il est aussi nécessaire de prendre en compte la parution tardive de la loi d'orientation agricole par rapport au calendrier initialement prévu et, par conséquent, de façon à ne pas pénaliser de ce fait les titulaires du nouveau statut de conjoint collaborateur, de prévoir une rétroactivité sur 1999 des nouvelles dispositions qui leur sont applicables. Tel est l'objet de l'amendement no 61 rectifié.

Il est, également, proposé de ne pas limiter aux chefs d'exploitation disposant d'une carrière brève en tant que chefs, le bénéfice de la revalorisation de 1999 et de décompter les périodes revalorisables en fonction de la qualité dans laquelle elles ont été effectuées et non plus en fonction de la qualité qu'avait l'assuré au jour de sa retraite. Tel est l'objet de l'amendement no

59. Enfin, il est proposé de réintégrer dans le champ de la mesure de revalorisation applicable en 1998 ceux des chefs d'exploitation retraités en 1997 qui disposaient de trop brèves carrières en tant que chefs d'exploitation pour être éligibles. Tel est l'objet de l'amendement no

60. Ces mesures sont conformes au dispositif général décrit tout à l'heure par le Gouvernement. Elles répondent à un souci d'équité, que chacun peut comprendre.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement no 120.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Ce sousamendement a pour objet de reposer, pour la troisième ou quatrième année consécutive, le problème de la revalorisation des petites pensions.

Jusqu'à présent, nous avons revalorisé les petites pensions sans tenir compte de l'existence des polypensionnés.

Or 40 % des retraités agricoles sont dans ce cas. Ainsi, certains retraités agricoles reçoivent d'autres pensions agri-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

coles, soit parce qu'ils ont eu simultanément une autre activité, soit parce qu'ils en ont eu d'autres successivement, ou parfois les deux.

C omme la représentation nationale est dans son ensemble favorable à la revalorisation des petites retraites, i l faudrait que nous mettions sous condition de l'ensemble des avantages vieillesse en droits propres l'ensemble des revalorisations car, sinon, on verra, comme on le voit déjà, des personnes bénéficiant des revalorisat ions, toucher une retraite agricole de 2 000 ou 2 500 francs par mois tout en recevant 5 000 ou 6 000 francs d'une retraite du régime général ou même d'un autre régime spécial.

M. Marcel Rogemont.

Six mille francs, ce n'est pas beaucoup ! M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Mon cher collègue, contrairement à ce que vous pourriez croire, 40 % des exploitations agricoles sont polypensionnés.

Si, par exemple, vous aviez 10 000 francs de retraite en tant qu'ancien militaire, et qu'on vous fasse bénéficier d'une revalorisation de 400 francs alors que vous auriez une exploitation agricole, vous souririez.

Que veut la représentation nationale, toutes tendances confondues ? Revaloriser les petites pensions.

Le Gouvernement a tenu compte, pour une petite part, des suggestions que j'avais faites l'année dernière : il réserve l'abaissement de trente-deux années à vingt-sept aux monopensionnés, pour lesquels le problème ne se pose pas.

Je propose, je le répète, de tenir compte de l'ensemble des avantages vieillesse en droits directs, et non en droits dérivés. Cela présenterait l'avantage d'introduire une plus grande justice sociale, de faire des économies sur les mesures prévues et d'opérer un redéploiement, comme je l'avais proposé l'année dernière, soit pour accélérer la revalorisation, soit pour récupérer un certain nombre de personnes au-dessous des seuils.

Cette récupération avait été demandée l'année dernière

Le Gouvernement la propose cette année, mais il y aura toujours des personnes qui seront juste au-dessous des seuils fixés.

Comme je suis aussi rapporteur du BAPSA, je voudrais dire au ministre qu'il n'est pas conforme à la vérité d'affirmer qu'il y a une accélération des revalorisations.

Les chiffres figurent à la page 31 de mon rapport. Y compris la mesure que nous allons, je l'espère, tous voter tout à l'heure, l'ensemble des revalorisations depuis 1994 - nous en sommes à la sixième mesure - représentera, en coût net, 6 233 millions de francs en 2000.

Vous citez souvent le coût brut, monsieur le ministre.

Mais il faut citer le coût net car, à chaque fois qu'on réaugmente, on réduit le FSV.

Les revalorisations se partagent entre l'ancienne majorité et la nouvelle de la façon suivante : 2 967 millions sont dus à l'ancienne majorité et 3 266 millions à la nouvelle, y compris la mesure que nous allons voter.

M. François Sauvadet.

C'est tout à fait équilibré !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Vous voyez donc que, chaque année, nous progressons grosso modo , d'un milliard.

Il y a suffisamment de motifs de discussion pour que nous ne polémiquions pas sur ce point : nous sommes tous d'accord pour continuer ainsi, à raison d'un milliard par an.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 62 et sur le sous-amendement no 120 ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Le sousamendement n'ayant pas été examiné par la commission des finances, je donnerai un avis personnel.

Ce sous-amendement soulève une bonne question.

Néanmoins, monsieur de Courson, votre proposition, si je l'ai bien comprise, serait techniquement très compliquée.

Vous affirmez que 40 % des retraités sont polypensionnés. C'est vrai, mais il n'y en a pas 40 %, et beaucoup s'en faut, qui atteignent le seuil de l'article L. 815-8 du code de la sécurité sociale. Ces cas-là sont plutôt rares.

Compliquer autant un dispositif qui est clairement lisible pour les agriculteurs me paraîtrait difficile. Je propose donc à l'Assemblée de rejeter le sous-amendement.

M. le président.

Et qu'en est-il de l'amendement no 62 du Gouvernement ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Cet amendement est la traduction littérale de l'engagement pris au regard de la revalorisation des petites retraites à hauteur de 1,2 milliard pour le budget de 2000 et de 1,6 milliard en année pleine. Je ne peux donc, à titre personnel, qu'être pleinement d'accord.

M. le président.

Que pense M. le rapporteur spécial pour le BAPSA de l'amendement no 62 ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Monsieur le président, je suis rapporteur spécial pour le BAPSA, Mme Marre est rapporteur spécial pour le budget de l'agriculture. Or l'amendement no 62 concerne le BAPSA et non le budget de l'agriculture. Cela dit, ce n'est pas très important.

Comme l'a dit Mme Marre, l'amendement du Gouvernement n'ayant pas été examiné en commission, elle n'a pu donner qu'un avis personnel. Je regrette, alors que la décision était prise dès le 21 octobre, qu'il n'ait pas été déposé en commission, d'autant qu'il n'était pas trop tard pour ce faire. Cela aurait permis de l'examiner sous l'angle de certains éléments techniques dont nous reparlerons tout à l'heure.

A titre personnel, je donnerai moi aussi un avis favorable à l'amendement, sous réserve des arguments que j'ai formulés en soutenant mon sous-amendement.

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Une précision : s'il est exact que je ne suis pas rapporteur spécial pour le BAPSA, l'amendement no 62 tend à introduire un article additionnel avant l'article 64. Il ne concerne donc pas le BAPSA.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 120 ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames, messieurs, je suis soucieux de répondre systématiquement à M. de Courson, encore qu'il se fasse tard et qu'il ne me paraisse pas souhaitable d'engager à cette heure un débat.

Je reconnais en votre éminent collègue le constant souci de trouver des astuces pour essayer, jouant entre les coûts nets et les coûts bruts, de minimiser l'engagement du Gouvernement.

Chacun comprendra, monsieur de Courson, car nous ne sommes pas complètement idiots, que, plus on élève le niveau des retraites, plus le coût des économies sur le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

FSV est important. Il reste que, en termes de coûts bruts, l'effort budgétaire en faveur des retraités s'est singulièrement accéléré. Je tiens à votre disposition un tableau qui le montre de manière assez spectaculaire.

Quant au sous-amendement, il vise à restreindre le champ des revalorisations des pensions de retraites agricoles aux seuls retraités de l'agriculture dont l'ensemble des droits aux retraites, y compris ceux qui sont éventuellement liquidés dans un autre régime que le régime agricole, est inférieur au minimum vieillesse.

Ce sous-amendement s'inscrit dans une logique d'attribution des revalorisations sous condition de ressources, alors que le choix fait par les différents gouvernements, notamment par celui-ci, en matière de revalorisation des retraites agricoles, consiste à se placer dans une logique de revalorisation des retraites contributives du régime agricole, laquelle n'a pas à tenir compte des autres éléments de retraite auxquels les intéressés ont par ailleurs parfaitement droit compte tenu des cotisations qu'ils ont versées aux autres régimes.

Quelle serait la portée concrète de la mesure ? Un certain nombre de personnes seraient exclues de la revalorisation proposée au seul motif qu'elles bénéficieraient de quelques centaines de francs, peut-être même de quelques dizaines de francs de retraite d'un autre régime.

Le sous-amendement n'est donc pas acceptable et le Gouvernement y est défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 120.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

62. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 61 rectifié, ainsi libellé :

« Avant l'article 64, insérer l'article suivant :

« Le quatrième alinéa du I de l'article 1122-1-1 du code rural est modifié comme suit :

« 1o A la première phrase, les mots : "dans un délai de deux ans suivant la publication de la loi no 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole et" sont supprimés ;

« 2o Il est inséré après la première phrase une phrase ainsi rédigée : "Les conjoints dont la situation était régie au 31 décembre 1998 par les dispositions de l'article 1122-1 et qui n'ont pas opté avant le 1er juillet 2000 pour le statut de conjoint collaborateur mentionné à l'article L. 321-5 en conservant ce statut de manière durable dans les conditions fixées par l e décret prévu au quatrième alinéa de l'article 1121-5, ne peuvent effectuer de rachat au titre du présent alinéa". »

Sur cet amendement, M. de Courson et M. Sauvadet ont présenté un sous-amendement, no 119, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'amendement no 61 rectifié, substituer à la date : "1er juillet 2000" la date : "1er janvier 2001". »

M. le ministre a déjà présenté l'amendement no 61 rectifié.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement no 119.

M. Charles de Courson rapporteur spécial.

Comme l'a expliqué rapidement le ministre tout à l'heure, l'amendement no 61 rectifié du Gouvernement tend à « rattraper » certaines personnes afin de ne pas les pénaliser.

Je propose de reporter de six mois la date limite où l'option pour le statut de conjoint collaborateur pourrait donner droit au rachat de points car le délai de six mois après la promulgation de la loi de finances prévu par le texte du Gouvernement paraît insuffisant pour diffuser une large information sur les modifications d'un dispositif qui concerne potentiellement plus de 100 000 personnes.

Le texte de la loi d'orientation prévoit actuellement un délai de deux ans après sa publication pour le rachat de points, soit jusqu'en juillet 2001.

Mon sous-amendement éviterait des situations que l'on a déjà connues : le temps que l'on diffuse l'information, les personnes concernées ne procèdent pas à toutes les démarches et l'on prend une nouvelle mesure l'année suivante parce que ces personnes n'ont pas eu assez de temps pour réfléchir et choisir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Le sousamendement no 119 n'a pas non plus été examiné par la commission des finances.

La proposition de M. de Courson est séduisante, mais il se trouve que la date-butoir ne s'applique pas que pour le report de points. Dans un souci de cohérence, il est donc difficile de l'adopter.

J'invite en conséquence l'Assemblée à rejeter le sousamendement.

Quant à l'amendement no 61 rectifié, j'y suis personnellement favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comme vient de le rappeler Mme Marre, la date fixée au 1er juillet 2000 pour que l'option produise le maximum de ses effets ne s'applique pas seulement au rachat des points, monsieur de Courson. De l'option avant le 1er juillet 2000 résulte, pour l'ex-conjoint participant aux travaux, l'ouverture d'un triple droit : le droit à la rétroactivité du statut de conjoint collaborateur sur 1999 et 2000, le droit au rachat des points et le droit au montant maximum de revalorisation en cas de départ à la retraite.

Il s'agit donc d'un ensemble cohérent destiné à encourager le conjoint à opter au plus vite, de manière à pouvoir bénéficier des trois avantages que je viens de rappeler et dont l'existence lui sera, en tout état de cause, rappelée par les pouvoirs publics et sans ancun doute aussi par les organisations professionnelles. Modifier la date d'effet pour un seul de ces droits créerait une complexité inutile et entraînerait l'incompréhension des assurés sans produire pour eux un avantage réel.

Avis défavorable, donc.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 119.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 61 rectifié.

(L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 59, ainsi libellé :

« Avant l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. L'article 1121-5 du code rural est modifié ainsi qu'il suit :

« 1o La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Les personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet après le 31 décembre 1997 bénéficient, à compter de sa date d'effet, d'une attribution gratuite de points de retraite proportionnelle. »

« 2o Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le nombre de points attribué au titre du présent article afin d'assurer à ces personnes un niveau minimum de pension de retraite proportionnelle est déterminé en fonction de l'année de prise d'effet de la retraite selon des modalités fixées par décret en tenant compte des durées d'assurance justifiées par l'intéressé et des points de retraite proportionnelle qu'il a acquis ou, lorsqu'il s'agit d'un conjoint d'exploitant agricole retraité après le 31 décembre 1999, qu'il aurait pu acquérir par rachat à compter du 1er janvier 2000 s'il avait opté pour la qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise mentionnée à l'article 1122-1-1. »

« 3o A la première phrase du troisième alinéa, les mots : "en 1998" sont remplacés par les mots : "en 1998 ou 1999" et la date du "31 décembre 1998" est remplacée par la date du "31 décembre 1999" ; à la même phrase les mots : "différencié selon la qual ité de conjoint, d'aide familial ou de chef d'exploitation ou d'entreprise" sont remplacés par les mots : "différencié selon que les années sur lesquelles porte la revalorisation ont été exercées en qualité de conjoint ou d'aide familial".

« 4o A la deuxième phrase du troisième alinéa, après les mots : "s'agissant des conjoints collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise" sont ajoutés les mots : "ou des chefs d'exploitation ou d'entreprise" et après la référence au "quatrième alinéa du I de l'article 1122-1-1" est ajoutée la référence "ou du II du même article".

« 5o La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée.

« 6o Il est inséré, in fine, un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'obtention d'une pension de réversion mentionnée au premier alinéa postérieurement à l'attribution de points de retraite proportionnelle gratuits, le nombre de points gratuits est plafonné à compter du 1er janvier de l'année qui suit cette obtention, au niveau atteint durant l'année au cours de laquelle a pris effet la pension de réversion. »

« II. L'article L.

321-5 du code rural est modifié ainsi qu'il suit :

« Après le troisième alinéa sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L'option prend effet à compter du 1er janvier de l'année en cours si l'intéressé remplissait à cette date les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article et si elle est formulée avant le 1er juillet. Dans le cas contraire, elle prend effet au 1er janvier suivant.

« Par dérogation, l'option formulée avant le 1er juillet 2000 prend effet au 1er janvier 1999 si le conjoint remplissait, à cette dernière date, les conditions fixées à l'article 1122-1 du code rural. Pour les personnes bénéficiant du statut de conjoint collabo-r ateur d'exploitation ou d'entreprise agricole à compter du 1er janvier 1999, la cotisation prévue au b de l'article 1123 du code rural, due pour l'année 2000, est majorée au titre de l'année 1999 dans des conditions fixées par décret. »

« III. Les dispositions du I et du II prennent effet rétroactivement à la date d'entrée en vigueur de la loi d'orientation agricole no 99-574 du 9 juillet 1999. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Avis favorable aux deux amendements nos 59 et 60.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 60, ainsi libellé :

« Avant l'article 64, insérer l'article suivant :

« Après l'article 1121-5 du code rural, il est inséré un article 1121-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 1121-5-1. - Les personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet au cours de l'année 1997 et qui justifient avoir acquis, en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise, un nombre de points de retraite proportionnelle supérieur à un minimum fixé par décret, peuvent prétendre, à compter de l'année 1998, à l'attribution gratuite de p oints de retraite proportionnelle prévue à l'article 1121-5 si elles remplissent les autres conditions mentionnées au premier alinéa dudit article. »

Cet amendement a déjà été soutenu et la commission s'est exprimée.

Je mets aux voix l'amendement no

60. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

J'appelle l'article 64 rattaché à ce budget.

Article 64

M. le président.

« Art. 64. I. - Au 1o de l'article 361-5 du code rural, les mots "Pour 1999" sont remplacés par les mots "Pour 2000".

« II. A l'antépénultième alinéa du même article, les mots "jusqu'au 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots "jusqu'au 31 décembre 2000". »

Les trois amendements déposés sur cet article - nos 198, 168 et 169 - ont été retirés par leurs auteurs.

Je mets aux voix l'article 64.

(L'article 64 est adopté.)

M. le président.

En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant plusieurs amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 64.

Après l'article 64

M. le président.

Mme Marre, rapporteur spécial, et M. Bonrepaux ont présenté un amendement, no 73, ainsi libellé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. Le premier paragraphe de l'article 1028 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. Toutes les cessions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

au titre de l'article L.

141-1 du code rural, dont la destination répond aux dispositions dudit article et qui sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants-cause de conserver cette destination pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.

« Le présent article ne s'applique qu'aux cessions de biens acquis postérieurement à la date de publication de la loi no 90-85 du 23 janvier 1990. »

« II. Les pertes éventuelles de recettes pour les collectivités locales résultant de l'application du paragraphe I sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation générale de fonctionnement.

« III. Le tarif des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts est majoré à due concurrence des pertes de recettes résultant de l'application du paragraphe II. »

La parole est à Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Cet amendement, présenté par le président Bonrepaux et moi-même, a été adopté par la commission des finances.

Dans la logique de l'amendement, voté par notre assemblée en première partie de loi de finances, qui a introduit un article 4 bis exonérant de TVA toutes les opérations réalisées par les SAFER, l'amendement no 73 étend à l'ensemble de ces mêmes opérations, sous des conditions identiques, l'exonération de droits d'enregistrement accordée par la loi de finances pour 1999 aux acquisitions et cessions d'immeubles ruraux à destination agricole. Les cessions réalisées sous forme de parts de sociétés et les parcelles boisées de plus de 10 hectares pourront donc aussi bénéficier du dispositif.

En complément de l'amendement voté en première partie, celui-ci permettra de placer toutes les opérations réalisées par des SAFER sous le même régime, qu'il s'agisse de la TVA ou des droits de mutation.

C'est un amendement de cohérence avec les décisions prises l'an dernier. Je vous propose donc de suivre la commission des finances et de l'adopter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement est très favorable à cet amendement, et lève le gage.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 73, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

M. de Courson et M. Sauvadet ont présenté un amendement, no 121, ainsi libellé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. L'article 1624 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 1624. Le taux de la taxe prévue à l'article 1622 est égal au taux de la taxe prévue à l'article 1624 bis. »

« II. Dans le deuxième alinéa de l'article 1624 bis du code général des impôts, le taux "10 %" est remplacé par le taux "12,5 %". »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Il s'agit d'un amendement d'appel au Gouvernement, soulevant le problème du fonds commun des accidents du travail agricole, que j'ai évoqué dans mes rapports écrit et oral.

Le FCATA est l'exemple à ne pas suivre. Pour le financer, on a constamment augmenté les taux de la taxe sur l'assurance complémentaire contre les accidents du travail, qui, sur les deux produits, atteignent maintenant respectivement 65 et 87 %.

Que s'est-il passé ? Le nombre de souscripteurs s'est effondré, de 200 000 en 1985 à 32 000 en 1997, selon le vieux principe « trop d'impôt tue l'impôt ».

Le taux d'assurance de base est de 10 %. Je propose d'instaurer un taux unique de 12,5 %, correspondant au taux moyen pondéré, en attendant la réforme inéluctable de la branche et du FCATA. En effet, on ne pourra pas continuer indéfiniment à financer le FCATA à coup d'impôts dont le produit baisse et, en compensation, à accroître les subventions versées par l'Etat.

C'est un système complètement aberrant et nuisible, puisqu'il pousse les assureurs à contourner le dispositif en créant de nouveaux produits : rassurez-vous, ils substituent à l'assurance complémentaire, dont nous préconisons la quasi-disparition, de nouveaux produits échappant à toute taxation.

M. le président.

Quel est l'avis de la la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Cette proposition entre dans le champ du rapport qui a été confié à deux parlementaires, Jérôme Cahuzac et moi-même, en vue d'émettre des propositions de révision des charges sociales et fiscales dans l'agriculture.

Je propose donc de rejeter cet amendement, en attendant que le rapport soit remis au Gouvernement, au mois d'avril.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai le même avis que Mme Marre. Je partage le souci de l'auteur de l'amendement, M. de Courson, qui propose de revaloriser la couverture des accidents du travail des agriculteurs. C'est pourquoi le Gouvernement a inclus cette problématique dans le champ du rapport qu'il a demandé à Mme Marre et M. Cahuzac.

Mais comme ce rapport sera remis en avril, il convient, je pense, de disposer de l'examen d'ensemble de la couverture des accidents du travail des agriculteurs avant de prendre des mesures.

L'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson et M. Sauvadet ont présenté un amendement, no 122, ainsi rédigé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 1003-7-1 du code rural est ainsi modifié :

« dans la première phrase du IV, les mots : ", d'assurance vieillesse et d'assurance maladie" sont remplacés par les mots : "et d'assurance vieillesse" ;

« la dernière phrase du IV est supprimée.

« II. - L'article 1106-8 du même code est abrogé.

« III. - La taxe visée à l'article 1609 unvicies du code général des impôts est majorée à due concurrence de la perte de recettes résultant du I.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

« IV. - Les dispositions du I, du II et du III s'appliquent à compter du 1er janvier 2001. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

L'amendement no 122 pose le problème de la compatibilité entre la CMU et les cotisations minimales. On ne peut pas maintenir les cotisations minimales, qui atteignent environ 290 francs par mois dans le régime agricole et 340 francs par mois dans le régime artisans et commerçants. Il y a donc un vrai problème d'équité entre les bénéficiaires de la CMU et les non-salariés soumis à la cotisation minimale, qui représente parfois un pourcentage très élevé de leur revenu.

Pour tenir compte de la CMU, il va bien falloir supprimer la cotisation minimale et passer au système en vigueur dans tous les autres régimes - notamment les régimes de salariés -, généraux ou spéciaux : le système tout bête de la cotisation au premier franc. Sinon, certains seront assurés gratuitement alors que d'autres auront à payer 4 100 francs par an, dans le régime des indépendants, ou 3 500 francs, dans le régime agricole, pour des revenus à peine supérieures.

Cet amendement, lui aussi, monsieur le ministre, a pour objet, de vous conduire à nous donner votre avis.

Ne faut-il pas supprimer les cotisations minimales ? Je ne vous demande pas de vous prononcer tout de suite, parce que vous avez d'autres contraintes, mais de reconnaître qu'il faudra mener une concertation et répondre favorablement à cette question dès l'année prochaine.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Avis défavorable, pour la même raison que sur l'amendement no 121 : il convient d'attendre la remise du rapport.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson et M. Sauvadet ont présenté un amendement, no 123, ainsi libellé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. La dernière phrases du VI de l'article 10037-1 du code rural est ainsi rédigée : "Le taux de cette cotisation est fixée à 9 %".

« II. - Le taux visé à l'article 1609 unvicies du code général des impôts est majoré à due concurrence.

« III. - Les dispositions du I et du II s'appliquent à compter du 1er janvier 2001 ».

Je vous suggère, monsieur de Courson, de défendre en même temps l'amendement no 124.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Si vous le désirez, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 124, présenté par M. de Courson et M. Sauvadet, est ainsi libellé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. - Le VII de l'article 1003-7-1 du code rural est abrogé à compter du 1er janvier 2001.

« II. - Le taux visé à l'article 1609 unvicies du code général des impôts est majoré à due concurrence. »

Monsieur de Courson, vous avez la parole.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Vous le savez tous, mes chers collègues, puisque c'est extrêmement simple : il y a trois cotisations de solidarité. La principale d'entre elles, visée par l'amendement no 123, porte sur les exploitations dont la superficie se situe juste en-dessous du seuil. L'agriculture n'a alors pas droit à des prestations, mais il s'acquitte de la cotisation de solidarité - impôt dont le statut, pour votre culture personnelle, est complètement irrégulier puisque son taux est fixé par un texte réglementaire.

L'année dernière, vous vous en souvenez, dans la loi de financement de la sécurité sociale, nous avons assujetti les revenu agricoles à la CSG, à la CRDS et au double 1 %, soit un prélèvement de 10 %. Or chaque fois qu'on a soumis un revenu supplémentaire à ces trois taxations, on a baissé la cotisation à due concurrence. Mais dans ce cas précis, cela n'a été fait qu'à hauteur de deux points, de 19 % à 17 %. Cet amendement propose par conséquent de passer à 9 %.

L'amendement no 124 concerne une toute petite cotisation, puisqu'elle ne doit produire que sept millions.

C'est encore le même problème : il y a trois ans, une erreur a conduit à assujettir des revenus à la CSG, à la CRDS et au double 1 % tout en maintenant le taux de 3,4 %. A la limite, dans le cadre du basculement, il serait logique de supprimer cette taxation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M me Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Même remarque que pour les amendements précédents. Je propose leur rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson et M. Sauvadet ont présenté un amendement, no 126, ainsi libellé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« Il est inséré dans le code rural un article 1241-1 ainsi rédigé :

« Art. 1241-1. La caisse centrale de la mutualité sociale agricole est chargée d'assurer la gestion commune de la trésorerie des caisses de mutualité sociale agricole.

« Elle assure l'individualisation de la situation de la trésorerie de chaque caisse par un suivi permanent en prévision et en réalisation comptable, ainsi que par l'établissement d'un état prévisionnel.

« Les intérêts créditeurs et débiteurs résultant de la gestion définie au premier alinéa sont répartis entre les caisses en fonction du solde comptable quotidien de leur trésorerie.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du présent article. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Ceux, nombreux sur ces bancs, qui ont examiné le BAPSA ont constaté que 273 millions de francs d'intérêts sont bud-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

gétisés. Pourquoi autant d'intérêts ? Tout simplement parce que l'Etat, théoriquement, par le biais du BAPSA, s'endette. Mais en fait, ce n'est pas lui qui s'endette, c'est la caisse centrale.

Souvenez-vous du rapport de la Cour des comptes : au départ, il n'y avait pas eu de concurrence. La mise en concurrence a permis de réduire quelque peu les taux d'intérêts servis.

Mais le vrai problème, c'est que le système est aberrant, parce que le BAPSA, techniquement, n'est qu'un compte écran. Les prestations, bien entendu, ne sont pas payées à partir du BAPSA, mais par les caisses. Et du fait de l'absence de centralisation de la trésorerie, on s'endette au niveau central alors que chacune des caisses dispose d'excédents. Ceux-ci sont placés, mais à des taux inférieurs au taux de l'emprunt tiré au niveau central.

Face à ce problème, qui est fort classique, la réaction normale serait de charger la caisse centrale, la CCMSA, de la centralisation de la trésorerie. Cela ne signifie pas qu'elle garderait pour elle la trésorerie, mais tout simplem ent qu'elle rémunérerait les caisses excédentaires, lesquelles seraient obligées de recentraliser la trésorerie, et qu'elle ferait payer les déficits de trésorerie - tout comme aujourd'hui, d'ailleurs.

L'amendement no 126 s'inspire donc de ce qui a déjà été fait dans toutes les branches des différents régimes, disposant de caisses locales et d'une caisse centrale : la CCMSA serait tout simplement chargée de la gestion commune de la trésorerie des caisses de mutualité sociale agricole. Cela permettrait probablement d'économiser une cinquantaine de millions, peut-être même davantage.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

L'amendement no 126 n'ayant pas été examiné par la commission des finances, je m'exprimerai en mon nom propre.

A première vue, cela me semble être une proposition de réforme assez profonde de la MSA et de la caisse centrale.

Je suggère, là aussi, que nous étudiions la question plus tard. Mais je m'en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. Christian Jacob.

La sagesse du Gouvernement ?...

M. le président.

En général, on s'en remet à la sagesse de l'Assemblée (Sourires), mais le Gouvernement, lui aussi est peut-être très sage... (Sourires.)

Que pense-t-il de l'amendement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La sagesse du Gouvernement ne s'exprimera pas par un vote.

(Sourires.)

C omme le dit Mme Marre, la proposition de M. de Courson tend à modifier radicalement la gestion de trésorerie du régime agricole, en la centralisant fortement.

Vous le savez très bien, monsieur de Courson, la caisse centrale de mutualité sociale agricole n'est pas une caisse nationale, mais une tête de réseau, gérée par les représentants des agriculteurs et des salariés agricoles. L'existence de 81 caisses départementales ou pluri-départementales est adaptée à la diversité de l'agriculture et au service de proximité qu'attendent les adhérents, même si nous sommes tous d'accord pour souhaiter des rapprochements et des mises en commun de moyens.

M. Joseph Parrenin.

Nous sommes tous d'accord !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La gestion commune de la trésorerie des caisses du régime par la caisse centrale constituerait un changement de fond de l'organisation de la mutualité sociale agricole, puisque les caisses sont actuellement gérées de façon autonome.

Du reste, il ne me semble pas possible d'affirmer avec certitude que votre proposition suffise à réduire de 50 millions de francs les charges en intérêts du BAPSA. Cela reste à prouver.

Je suis tout à fait prêt à examiner cette question, mais je préfére en discuter préalablement avec les représentants des caisses, qui vont être prochainement désignés, pour un mandat cinq ans, à l'issue du processus électoral entamé par le scrutin du 27 octobre dernier. La moindre des sagesses est en effet d'attendre la mise en place du n ouveau conseil central, qui doit intervenir le 5 février 2000, afin que l'on puisse le consulter. Je veux bien prendre l'engagement de le solliciter sur votre proposition. En attendant, je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi nous émettrions un avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

M. le ministre faisant, pour une fois, preuve d'ouverture, j'aurais mauvaise grâce à maintenir mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 126 est retiré.

M. de Courson et M. Sauvadet ont présenté un amendement, no 125, ainsi libellé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« I. Le début du 1er alinéa de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Au titre de chaque exercice, le montant de contribution sociale de solidarité versé au régime de sécurité sociale des non salariés agricoles est égal au produit de la contribution sociale de solidarité dû par les redevables dont plus de la moitié des salariés sont affiliés aux assurances sociales agricoles ou dont plus de la moitié des associés ou administrateurs non salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale des non salariés agricoles ; puis, le reste du produit de la contribution, minoré des frais de recouvrement et abondé du solde éventuel de l'exercice précédent... »

(le reste sans changement).

« II. Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées par l'instauration à due concurrence de taxes additionnelles aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts.

« III. Les dispositions du I et du II entrent en vigueur au 1er janvier 2001. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

L'amendement no 125 pose le problème du financement de la revalorisation, dont le coût net, cette année, comme l'an dernier, dépasse légèrement 1 milliard.

Souvenez-vous du débat de l'année dernière : le problème avait été réglé par des amendements. Il a bien fallu trouver le milliard nécessaire. Nous avons prélevé cette somme sur le produit de la C3S, mais en nous engageant à ce que ce soit la « der des der ». J'avais pourtant prévenu M. le ministre qu'il s'était fait avoir par son collègue des finances : financer une revalorisation pérenne par une recette qui ne l'est pas, cela reporte inéluctablement le problème sur l'année suivante. Et cette année,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

nous recommençons effectivement, dans des conditions un peu discutables, sur lesquelles je reviendrai peut-être un peu plus tard.

Le secteur agricole, en pratique, ne payait pas la C3S.

Dorénavant, toutes les coopératives s'en acquittent - le Crédit agricole en tête, qui en est l'un des plus gros contributeurs.

Grosso modo, on estime que le produit de la C3S venant des structures agricoles est de l'ordre de 500 millions de francs.

Je propose donc de maintenir le retour sur le financement du BAPSA d'au moins l'estimation du montant qui est prélevé sur les structures agricoles. Sinon, mes chers collègues, vous aurez du mal, quand vous serez invités à une assemblée générale de coopérative, à expliquer à ses adhérents qu'ils paient la C3S au profit des autres régimes, alors qu'on l'avait précisément étendue dans ce but !

M. Joseph Parrenin.

Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Charles de Courson, rapporteur soécial.

Vous devez être très doué, mon cher collègue ! Moi, je ne saurais pas faire.

M. Christian Jacob et

M. François Sauvadet.

C'est un amendement de bon sens !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Cet amendement a été rejeté par la commission des finances pour deux raisons.

D'abord, M. de Courson, qui l'avait déjà présenté l'an dernier, je crois, nous parle de pérennisation. Nous savons pourtant qu'il s'agit d'une mesure ponctuelle prise l'an dernier, cette année et peut-être l'année prochaine.

Au demeurant, des propositions ont déjà été formulées dans l'excellent rapport de notre collègue Germinal Peiro.

Le Gouvernement sera appelé, je pense, à prendre position. M. le ministre va sans doute le confirmer.

Je propose donc de suivre la commission des finances et de rejeter l'amendement no 125.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je serai bref. Monsieur de Courson, l'an dernier, je n'ai jamais prétendu que ce serait la « der des der ».

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'était dans le texte !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

D'ailleurs, monsieur de Courson, vous qui avez été un membre éminent de la Cour des comptes, vous savez bien qu'avec l'administration des finances, on ne peut jamais affirmer que c'est la « der des der ».

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Eh voilà !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ajoute que, jusqu'à maintenant, le financement des régimes de retraite n'a pas posé de problème. Ne nous imposons pas de telles contraintes supplémentaires. D'année en année, l'Etat assume ses responsabilités et les engagements qui ont été pris. D'année en année, les financements sont trouvés. Ne vous inquiétez pas.

Je demande le rejet de cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 125.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 128 deuxième correction, ainsi rédigé :

« Après l'article 64, insérer l'article suivant :

« La faculté ouverte par l'article 4 du règlement (CE) no 1259/1999 du Conseil du 17 mai 1999 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune n'est pas utilisée. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Il s'agit d'un amendement essentiel. Il porte sur l'utilisation par le gouvernement français, de l'article 4 du règlement communautaire no 1259/1999 qui permet la mise en place de la

« modulation » - tout en l'encadrant, d'ailleurs, d'une façon extrêmement étroite.

Je ne voudrais pas être de ceux qui n'auront pas averti le Gouvernement de ses trois erreurs fondamenales.

Première erreur : contrairement à ce que vous nous aviez laissé entendre dans la loi d'orientation agricole, monsieur le ministre, la France sera bien le seul pays à utiliser la modulation en l'an 2000.

M. François Sauvadet.

Exactement !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Or je vous mets en garde contre les recours qui ne manqueront pas d'être déposés devant la Cour de justice des communautés européennes. Car les perturbations que cela induira dans les relations intracommunautaires sont évidentes. Je vous en donnerai des exemples très concrets lors de l'examen des sous-amendements.

La deuxième erreur a trait aux objectifs que vous poursuivez dans cette affaire, monsieur le ministre. Officiellement, il y en a deux, le premier consistant à freiner la concentration des terres. Mais, pour cela, la modulation n'est pas le bon outil, tout simplement parce que toute une partie de l'agriculture n'est pas aidée qui est, par parenthèse, majoritaire dans beaucoup d'endroits. La vigne, par exemple, n'est absolument pas concernée par les aides communautaires modulées. Par conséquent, votre argument ne sera valable que pour une petite partie de l'agriculture.

M. Patrick Lemasle.

Non, pour une grosse partie !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Votre second objectif, plus politique, est de faire payer les riches. Mais vous allez aboutir au résultat inverse, monsieur le ministre. En effet, je vous rappelle que, même s'il le voulait, le Gouvernement ne pourrait pas aller au-delà des marges brutes standard régionales, car il est tenu par l'article 4 du règlement communautaire. Des marges brutes standard par filière calculées au niveau des régions, vous voyez ce que ça donne ! On aura une moyenne, mais la dispersion sera telle que les résultats seront extrêmement différents. Dans mon département, par exemple, 60 % du revenu agricole provient de la viticulture, qui n'est absolument pas concernée par la modulation. Or ce sont les exploitations qui ont, de loin, les revenus les plus élevés.

M. Patrick Lemasle.

La viticulture n'est pas aidée de la même façon !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Mais elle n'est pas aidée du tout ! Si vous connaissiez les réalités viticoles champenoises, vous sauriez qu'elle ne touche pas un sou d'aide, et c'est très bien d'ailleurs !

M. Félix Leyzour.

Elle n'en a pas besoin, c'est vrai !


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M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Elle vit sa vie. Elle vend ses produits à un prix élevé. Mais les propositions que vous allez faire demain au CSO, monsieur le ministre, vont aboutir, dans mon département, à une modulation pour 51 % des exploitations et pour 60 % d'entre elles dans le département voisin de l'Aube. Ces chiffres viennent de m'être communiqués sur la base de ce que vous proposerez demain, pas sur des bases antérieures. Il en résultera une catastrophe économique, car les entreprises des secteurs les plus fragiles, dont les conditions de production sont les plus difficiles - je pense aux céréales et aux oléoprotéagineux - et dont les revenus ne dépassent pas 1 000 ou 1 200 francs verront ceux-ci baisser de 20 % à 25 %. Pourquoi ? Tout simplement parce que, contrairement à ce que l'on croit quant on ne connaît pas bien les filières, il n'y a aucune corrélation entre le montant des aides et le niveau des revenus.

En effet, le montant des aides européennes par filière est extrêmement varié. Prenons deux exemples. Pour les céréales ou les oléprotéagineux, il tourne autour de 2 300, 2 400 ou 2 500 francs. Mais, pour la fécule de pomme de terre, on est à 5 000 francs par hectare alors que le revenu moyen n'est que de 1 000 francs - 1 300, 1 400 pour ceux qui gèrent le mieux. Vous le voyez, il n'y a aucune corrélation entre l'un et l'autre, et vous croyez à tort frapper les hauts revenus.

Votre troisième erreur concerne les équilibres internationaux. Dans l'Union européenne, nous serons les seuls à agir ainsi. Il est un exemple aux conséquences extraordinaires, celui de la fécule de pomme de terre.

M. Patrick Lemasle.

Baratin !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Vous ne semblez par connaître la réalité agricole, mon cher collègue !

M. Patrick Lemasle.

Je la connais certainement mieux que vous !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Je ne pense pas, mon cher collègue ! Pour la fécule, l'aide communautaire se monte à 5 000 ou 6 000 francs par hectare. Et vous savez quel est le revenu net ? Ce n'est pas du tout une activité rentable.

On arrive à 1 000, 1 200, 1 300, 1 400 francs ! Avec un taux de modulation de 20 % - on va jusqu'à 25 % dans les propositions -, vous arrivez à 1 000 francs.

M. le président.

Monsieur de Courson, je vais moduler votre temps de parole (Sourires), parce que, là, vous avez atteint le maximum !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

J'ai presque fini, monsieur le président, mais c'est une affaire centrale ! Vous allez, monsieur le ministre, modifier complètement les choix économiques sur les assolements d'un certain nombre d'exploitations.

M. Patrick Lemasle.

Pas forcément !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

L'exemple de la fécule est à cet égard typique, mon cher collègue !

M. Patrick Lemasle.

Vous ne connaissez pas le dossier ! C'est du baratin !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Mais écoutez les syndicats de professionnels ! Ils ont fait le sondage.

Prenez la fécule ! Vous savez ce qui se passe ? Voulez-vous que je vous lise les courriers de la fédération ?

M. le président.

Non, monsieur de Courson ! Veuillez terminer, s'il vous plaît !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. En deux ans, le secteur connaîtra un effondrement des deux tiers, c'est-à-dire que trois usines fermeront, celle d'Haussimont, celle de Vic-sur-Aisne et celle de la Somme. Vous laisserez ainsi 3 000 personnes sur le carreau ! Ne venez pas dire après : « de Courson s'est tu ! » Je vous aurai avertis.

Dernier point,...

M. le président.

Monsieur de Courson, vous dites parfois que trop d'impôt tue l'impôt, mais là c'est : trop d'argument tue l'argument ! (Sourires.)

Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Charles de Courson rapporteur spécial.

Vous n'avez même pas besoin de ces sommes, monsieur le ministre.

En effet, vous avez budgeté 300 millions dans le budget de 1999, plus 175 millions de retours communautaires.

V ous dites vous-même qu'il y aura maximum 10 000 francs, et vous ne les ferez pas d'ici à la fin de l'année ! Même si l'on prend vos chiffres, à 10 000 francs, ça fait 100 millions, et, l'année prochaine, vous aurez 950 millions, plus 950 millions de modulation, soit 1,9 milliard. Vous n'avez donc nul besoin de ces sommes !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

La commission des finances a rejeté cet amendement...

M. François Sauvadet.

C'est bien dommage !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

... car il repose sur des considérations politiques. En effet, il vise tout simplement à empêcher la mise en oeuvre de la modulation des aides communautaires, mécanisme permis par la réforme de la politique agricole commune, qui plus est en partant de l'hypothèse selon laquelle cette modulation serait un impôt supplémentaire, ce qui est faux - M. le ministre l'a excellemment démontré tout à l'heure. Monsieur de Courson, vous venez de nous expliquer magistralement que, selon vous, nous voulions créer un nouvel impôt, alors que nous avons toujours dit que nous ne modulions que ce qui était modulable, c'est-à-dire les aides.

M. Patrick Lemasle.

Bien sûr !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Evidemment, les exploitations qui ne touchent pas d'aides ne seront pas modulées, cela ne nous avait pas échappé.

Par ailleurs, cet amendement constitue une injonction au Gouvernement dans un domaine où il est seul compétent pour décider s'il convient ou non d'utiliser une possibilité ouverte par un règlement communautaire.

Enfin, la modulation est un élément tout à fait essentiel de la politique que nous avons souhaitée dans la loi d'orientation agricole et que le Gouvernement est en train de mettre en oeuvre avec le contrat territorial d'exploitation. On ne pourra y parvenir au-delà de 2001 sans cette modulation, qui présente en outre des aspects positifs.

Il convient donc de rejeter cet amendement, ainsi d'ailleurs que les sous-amendements qui suivent qui ont le même objet, à savoir empêcher la mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je comprends tout à fait qu'il y ait des adversaires de la modulation dans cet hémicycle. M. de Courson en est


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un. On comprend bien pourquoi ! C'est son droit, mais les arguments qu'il emploie sont contestables. Monsieur de Courson, Mme Marre a dit la réalité. Il s'agit non pas de créer un nouvel impôt, mais de distribuer autrement les aides publiques puisque cet argent ira dans la poche d'autres agriculteurs.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

C'est aberrant !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il s'agit d'une redistribution des aides publiques. Ce n'est pas aberrant, c'est une réalité objective ! Premier point.

Deuxième point, au plan international, la France sera p robablement la seule à appliquer ce système en l'an 2000, mais le mouvement est engagé. L'Italie, l'Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède travaillent sur la modulation et l'exemple français fera sûrement tache d'huile parce que ces pays nous interrogent et nous demandent des coopérations sur le sujet. Il est arrivé souvent, dans l'histoire de l'Europe agricole, que la France donne l'exemple et je suis sûr que cet exemple sera suivi.

Troisième point : la fécule de pomme de terre. Soyez assuré, monsieur de Courson, que le Gouvernement n'a pas pour ambition de fermer des usines et de provoquer du chômage ! Je peux vous dire que le système que je présenterai au CSO tient compte de ces situations particulières et que la quasi-totalité des exploitations de fécule de pomme de terre seront exclues de la modulation grâce aux critères que nous avons mis en place et qui seront annoncés demain.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est la réalité. Maintenant, vous pouvez toujours penser le contraire ! M. le président Sur l'amendement no 128 deuxième correction, je suis saisi de seize sous-amendements présentés par M. Sauvadet, qui connaît bien le secteur agricole - notamment celui de la fécule de pomme de terre (Sourires) - et à qui je suggère de faire une présentation globale de ses sous-amendements.

M. François Sauvadet.

Depuis le début de notre discussion, monsieur le président, vous faites des commentaires d'opportunité sur les amendements de l'opposition.

Il me semble que le rôle du président est de présider.

Je ne veux pas faire de rappel au règlement. Mais il s'agit là d'un sujet extrêmement important. Nous sommes en train de débattre d'un budget de l'agriculture dans lequel sont faits par le Gouvernement des choix que nous ne partageons pas et à propos desquels nous voulons développer un certain nombre d'arguments. Ce n'est pas parce qu'il est deux heures et demi du matin que nous allons cesser brutalement un débat et que nous allons nous contenter d'entendre ici ou là des réflexions du président.

Le débat doit se dérouler. Je souhaite qu'il se déroule dans des conditions normales.

M. le président.

J'indiquais simplement que vos seize sous-amendements pourraient faire l'objet d'une présentation commune. C'est tout ! Le premier de ces sous-amendements, no 172, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des grandes cultures". »

Vous avez la parole, monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Le sous-amendement no 172 concerne le secteur des grandes cultures.

Je ne reviendrai pas en détail sur les arguments que vient de présenter M. de Courson et que nous avons exposés tout au long de ce débat. Ce n'est pas seulement une question de redistribution qui se pose, contrairement à ce que vous prétendez. D'ailleurs, vous employez le mot

« aide », alors qu'il faudrait parler de « compensation économique ». Moi, je n'écarte pas d'un revers de main les questions de distorsion de concurrence en disant que d'autres pays vont s'engager dans cette voie. Lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, vous aviez déjà utilisé cet argument. Or j'observe que la France est aujourd'hui la seule à s'engager dans cette voie de la modulation dans des secteurs qui vont être très lourdement pénalisés, notamment les zones intermédiaires.

Certains de nos collègues semblent dire que nous ne connaissons pas le sujet. Mais j'étais récemment au congrès de la fédération des oléoprotéagineux et j'ai entendu les responsables professionnels. J'ai examiné les chiffres ! M. le ministre de l'agriculture y était et il a d'ailleurs reconnu qu'un problème pouvait se poser pour certaines filières et dans certaines zones. Alors, ne dites pas que les uns connaissent le sujet, les autres pas ! Ce ne serait pas placer le débat au bon niveau.

Maintenant, il faut répondre à des questions fondamentales qui risquent de désorganiser certaines filières, en tout cas de concerner des zones intermédiaires. Croyezmoi, sur les 60 000 ou 70 000 exploitations qui vont être modulées, les conséquences économiques ne seront pas aussi négligeables que vous voulez bien le laisser entendre, car, comme l'a excellemment démontré Charles de Courson, il ne faut pas confondre compensation économique et revenu. Si tel était le cas, quelle aurait été la légitimité de ce qui s'est produit depuis 1992 avec la réforme de la PAC ? S'il y a eu compensation économique, c'est en effet précisément parce que les baisses de prix ne pouvaient pas être compensées par la productivité dans la mesure où vous vouliez de la qualité. Vous ne vouliez compenser ces baisses ni par la productivité ni par la baisse des charges. J'espère d'ailleurs que le rapport de Mme Marre permettra enfin d'engager la démarche de baisse des charges si attendue. Voilà ce que c'est qu'une compensation économique.

Qu'il faille mettre un terme à la course à l'hectare, bien sûr, nous en sommes d'accord, mais c'est le rôle d'une politique des structures. En effet, n'oublions pas que des exploitations existantes vont se trouver dans une situation d'extrême fragilité, alors que les accords de Berlin vont avoir des conséquences sur la vie même des exploitations !

M. le président.

Monsieur Sauvadet, puis-je considérer l'ensemble de vos sous-amendements comme défendus ?

M. François Sauvadet.

Non, monsieur le président ! Je me suis seulement exprimé sur le sous-amendement relatif aux grandes cultures.

Mes autres sous-amendements sont de nature différente. Nous passerons extrêmement vite sur certains, mais sur d'autres je souhaiterais avoir des réponses très précises - je pense notamment au secteur ovin.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 172 ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Ce sousamendement, comme tous ceux qui suivent, a le même objet que l'amendement sur lequel il porte, à savoir éviter


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la mise en oeuvre de la modulation. C'est un choix politique, que nous ne partageons pas. Aussi, je propose de le rejeter, ainsi que ceux qui suivent.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le débat politique est traditionnel dans cet hémicycle. Ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre, j'ai suffisamment donné ! Il est normal que vous soyez opposés à un projet politique de redistribution des aides. De notre côté, nous voulons, également pour des raisons politiques, redistribuer les aides, les réorienter, les moduler par le biais du CTE.

C'est un projet politique cohérent de redistribution et de réorientation. Vous êtes conservateurs, vous ne voulez pas que l'on touche à ce système. Très bien ! C'est votre droit.

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Vous vous y opposez par tous les moyens, c'est votre droit !

M. François Sauvadet.

Nous nous opposons à la modulation !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Que, dans ce débat, vous utilisiez des arguments de caractère partisan, c'est également votre droit, mais, à certains égards, ces arguments sont complètement fallacieux. Vous parlez en effet d'impôt, de prélèvement, alors que ce n'est qu'une autre manière de redistribuer des aides, et rien que cela.

Je sais que ce sont des compensations pour des baisses de prix. Je ne suis pas né de la dernière pluie, ni aveugle, ni sourd. Mais quand elles ont été conçues, elles n'ont pas été perçues comme des compensations éternellement versées en contrepartie de baisses de prix ponctuelles. Il s'agit d'un système qui consiste à redistribuer ces aides publiques. C'est un projet politique. Quoi qu'il en soit, tous ces sous-amendements sont anticommunautaires. Je vous le dis comme je le pense ! Le règlement européen prévoit en effet qu'aucun produit ne peut échapper à la modulation. Vous pouvez toujours vous amuser, voter ces sous-amendements, ils sont tous anticommunautaires. On voit bien que vous faites de la politique, ici !

M. François Sauvadet.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, je vous connais ! Moi aussi, j'en fais, de la politique, mais je l'assume, alors que vous, vous vous cachez derrière votre petit doigt ! Même si l'un de vos sous-amendements était adopté, la Communauté l'annulerait. Donc, prenez vos responsabilités !

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre, vous affirmez que nos sous-amendements sont anticommunautaires, et nos arguments fallacieux, mais, par respect pour la politique, acceptez que nous ne soyons pas du même avis et que nous développions nos arguments ! C'est à cela que sert ce débat.

Bien entendu, nous ne prétendons pas, contrairement à ce que vous laissiez entendre tout à l'heure, que votre seule ambition soit de faire disparaître des emplois. Nous affirmons simplement que la première conséquence de la politique que vous êtes en train de mener sur ce sujets era une perte d'emplois importante. Cela a déjà commencé pour l'installation ! Je ne voudrais pas être désagréable en revenant sur les chiffres que nous avons évoqués tout à l'heure, mais on peut faire le même constat pour deux années de politique sur l'installation.

Pour en revenir à la modulation, vous avez parlé à juste titre d'une compensation économique accordée à la suite d'une baisse de prix. Comme Charles de Courson l'a fait remarquer il y a quelques instants, la modulation ouvrira des recours, dans la mesure où l'on utilise des fonds communautaires pour créer une distorsion nationale au sein de l'Union européenne. La France est le seul pays de l'Union européenne à avoir adopté ce système de modulation qui impose des contraintes extrêmement lourdes à certains secteurs. Ceux-ci vont perdre de leur compétitivité par rapport à nos partenaires et concurrents de l'Union européenne. D'où leur affaiblissement par volonté politique française ! C'est tout de même un comble qu'un gouvernement et qu'un ministre de l'agriculture proposent de diminuer la compétitivité de certains secteurs agricoles ! Comment s'en sortir ? C'est là que le système est complètement pervers. Les agriculteurs devront trouver des économies à la marge pour encaisser ce coût supplémentaire. Car tout a déjà été fait en matière de charges proportionnelles. Le nombre de créations de CUMA est en augmentation vertigineuse depuis ces cinq dernières années. On constate la baisse des intrants et la mise en commun du matériel au-delà des CUMA.

Or les économies à la marge se traduiront par un agrandissement des exploitations.

De fait, les exploitations les plus durement touchées sont les exploitations moyennes dans les zones intermédiaires qui n'ont pas d'autres secteurs de production...

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

C'est faux !

M. Christian Jacob.

C'est tout à fait exact ! Quels sont les départements et les régions où les exploitations ont la plus grande taille ? Pas le mien. Ni celui de Charles de Courson. D'ailleurs, madame Marre, vous qui contestez, connaissez-vous la taille moyenne des exploitations en Seine-et-Marne ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Donnez-moi les chiffres ! Cette taille moyenne est de 115 hectares. Dans la Meuse, elle est bien plus importante. Tout simplement parce que les agriculteurs meusiens n'ont eu que la solution de mener une politique d'agrandissement.

Ce système de modulation va faire disparaître un certain nombre d'exploitations moyennes. Et ce ne sont pas les 20 000 francs de compensation alloués à l'occasion de la conclusion d'un CTE qui vont les sortir de là. Seules subsisteront des unités de plus en plus importantes, qui auront la capacité de résister.

Vous menez donc une politique qui va à l'inverse des intérêts agricoles franco-français et dont vous ne mesurez pas les conséquences. C'est là-dessus que nous voulons appeler votre attention. Nous ne prétendons pas, bien entendu, que vous voulez délibérément massacrer l'agriculture. Mais vous faites un mauvais choix politique qui conduira inexorablement à ce même résultat.

M. le président.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le président, notre débat, qui est intéressant, révèle l'état d'esprit de l'oppo sition parlementaire.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce projet de budget est excellent. Or l'opposition le combat. Elle fait son travail, certes. Mais elle traduit ainsi sa volonté de continuer de défendre ce que l'ensemble de l'opinion a condamné, à savoir l'inégale répartition de l'aide publique au sein du monde paysan, entre les paysans eux-mêmes, suivant les régions et suivant les productions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Monsieur Jacob, vous avez été un syndicaliste et vous avez eu besoin de tous les agriculteurs - y compris des petits - pour leur faire jouer un rôle de mercenaires,...

M. Christian Jacob.

Je suis dans un syndicat qui représente 70 % des agriculteurs ! Vous militez dans un syndicat qui n'en représente que moins de 10 % ! Je n'ai pas de leçon de représentativité à recevoir de vous !

M. Joseph Parrenin.

Vous dévoilez aujourd'hui vos intentions, qui consistent à défendre des privilèges. Pour notre part, nous avons fait le choix, depuis deux ans et demi, de rétablir la justice dans le monde paysan en France.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Le débat est pipé. Nous essayons de vous dire tout simplement qu'il y a des réalités économiques. Contrairement à ce que vous croyez, mon cher collègue, vous n'allez pas du tout obtenir ce que vous pensez, à savoir qu'on va prélever les aides sur les gros. Parce que les gros ne sont pas là où vous l'imaginez. Parce que les gros sont ceux qui ont des revenus élevés et pas ceux qui reçoivent des aides élevées.

Je me tue à vous le répéter ! Mes viticulteurs, qui sont des gens aisés et gagnent fort bien leur vie ne sont pas concernés par votre affaire. Et, contrairement à ce que vous croyez, ceux qui paieront les pots cassés, ce ne sont pas les gros.

Par ailleurs, les effets des taux progressifs en fonction du montant des aides seront d'une totale perversité. C'est comme si, dans l'industrie de l'automobile, vous moduliez le montant des aides en fonction de la taille de l'usine. Ce serait complètement aberrant ! Voilà ce que je veux vous dire. Et vous vous trompez même par rapport à vos objectifs.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 172.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Monsieur Sauvadet, connaissant votre esprit de synthèse, je vous suggère de nous faire une présentation d'ensemble de l'ensemble de vos autres sousamendements.

M. François Sauvadet.

Puisque vous le souhaitez, monsieur le président, je vais les regrouper. Mais j'aimerais que M. le ministre réponde plus particulièrement à quelques questions que nous avons à lui poser au fil de ces sous-amendements, car il s'agit là d'un sujet essentiel.

M. le président.

Je donne lecture des sous-amendements nos 173 à 184, 185, 186 et 187 présentés par

M. Sauvadet.

Le sous-amendement no 173 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur de la fécule de pomme de terre". »

Le sous-amendement no 174 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur de l'huile d'olive". »

Le sous-amendement no 175 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des légumineuses à grain". »

Le sous-amendement no 176 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur du chanvre". »

Le sous-amendement no 177 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur du lin". »

Le sous-amendement no 178 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des vers à soie". »

Le sous-amendement no 179 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des bananes". »

Le sous-amendement no 180 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des raisins secs". »

Le sous-amendement no 181 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur du tabac". »

Le sous-amendement no 182 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des semences". »

Le sous-amendement no 183 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur du houblon". »

Le sous-amendement no 184 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur du riz". »

Le sous-amendement no 186 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur du lait et des produits laitiers". »

Le sous-amendement no 185 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur de la viande bovine". »

Le sous-amendement no 187 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 128 deuxième correction par les mots : ", en ce qui concerne le secteur des ovins et caprins". »

Monsieur Sauvadet, vous avez la parole pour défendre ces sous-amendements.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je ferai d'abord une remarque. Vous avez dit tout à l'heure que nos arguments étaient fallacieux. Or un argument est un argument. Vous avez présenté les vôtres pour justifier la modulation que vous concevez, nous présentons les nôtres. Nous voulons nous aussi que notre agriculture soit présente sur le territoire. Mais nous voulons aussi prendre en considération la dimension économique de l'agriculture. Je rappellerai d'ailleurs que, dans une loi d'orientation agricole, la vocation économique et exportatrice de la France a été réaffirmée par le biais d'un amendement que nous avions déposé.

Certes, nous divergeons sur le fond. Je considère, pour ma part, que la dimension économique est importante pour l'avenir de notre agriculture, même si la dimension territoriale et sociale l'est aussi. Et je crois que la modulation est une mauvaise réponse à un vrai problème qui aurait mérité une réflexion plus aboutie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

Vous me disiez que nous nous cachions derrière notre petit doigt pour faire de la politique. Eh bien, non ! Nous sommes élus. Nous avons des engagements. Vous avez les vôtres, nous avons les nôtres. Et mon intention est de vous confronter à certaines réalités économiques.

Je passerai donc en revue ces sous-amendements pour bien vous montrer l'incongruité du système que vous nous proposez.

Sur la fécule de pomme de terre, je ne reviens pas.

Notre collègue de Courson a parfaitement résumé les conséquences qu'aura la modulation.

Je ne parlerai pas plus de l'huile d'olive, secteur qui sera aussi « modulé ». C'est également un élément d'aménagement du territoire auquel nous souhaiterions vous rendre attentif.

Passons aux légumineuses à grain et au chanvre.

Lorsque, dans le nord de la Côte-d'Or ou dans le sud de l'Aube, on s'interroge à propos de la modulation, on risque de tirer un trait sur des cultures de diversification comme le chanvre. Je tiens à appeler votre attention làdessus. Il suffira d'ailleurs de faire, ensuite, le bilan pour constater ce qui sera arrivé.

Il en sera de même pour le secteur du lin et celui des vers à soie.

Autre secteur qui va être concerné par la modulation : celui de la banane. S'il y a un secteur qui a beaucoup souffert, et pour lequel vous êtes intervenu encore récemment, c'est bien lui.

Mais il y a aussi les raisins secs. Je continue la liste mes chers collègues, pour que vous l'ayez bien présente à l'esprit, parce que c'est le règlement communautaire...

Vous nous avez rappelé fort opportunément, monsieur le ministre, que tous ces éléments-là allaient entrer conjointement dans la modulation.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mais non !

M. François Sauvadet.

Mais si, vous venez de nous le rappeler ! V ous pourrez réintroduire certains critères, mais l'ensemble de ces aides sera concerné.

Je continue avec le secteur du tabac. Si mon collègue Germain Gengenwin était là, il pourrait vous dire l'importance des conséquences qu'aura la modulation sur ce secteur. Les aides représentent près de 80 % du produit aidé et 600 % du revenu ! Vous allez être tentés de préserver certains secteurs. Il n'en reste pas moins qu'en touchant un tant soit peu par la modulation au système des aides, vous toucherez directement le revenu. Et l'erreur que vous commettez, c'est de croire que les secteurs les plus aidés sont ceux qui sont les plus « gros » - terme qui vous est cher.

Je poursuis - et vous allez voir l'incongruité du système que vous nous proposez.

Le secteur des semences... Je n'allongerai pas mon propos.

Le secteur du houblon : voilà une production qui est extrêmement importante, pas seulement pour la Bourgogne, mais aussi pour l'Alsace. Elle nécessite des investissements très lourds, des coûts élevés, que seules les aides permettent d'assumer sur une exploitation. C'est une production qui souffre de nombreuses difficultés en raison de la concurrence exacerbée des Américains, qui sont eux aussi fortement aidés.

Le secteur du riz va entrer dans la modulation.

Comme le secteur du lait et des produits laitiers ! Vous irez l'expliquer dans certaines régions de France !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le lait ? Vous dites n'importe quoi !

M. Joseph Parrenin.

Il n'y a pas d'aides directes pour le lait !

M. François Sauvadet.

C'est dans le règlement communautaire, que j'ai là. Vous regarderez, monsieur le ministre ! Je continue sur la modulation, pour passer à un secteur qui va très fortement vous intéresser, monsieur le ministe, ainsi que beaucoup d'éleveurs : c'est celui de la production ovine.

Le mécanisme actuel de l'OCM ovine aboutit à une situation pratiquement absurde : la prime conservatrice ovine est liée au marché. Les éleveurs seront d'autant plus soumis à la modulation que le marché sera déprimé, puisque la PCO sera plus élevée. Et je renverrai celui de nos collègues qui a prétendu que nous ne connaissions pas les problèmes à ce que disait la Fédération nationale ovine. Il n'y a pas que des « gros » éleveurs dans cette fédération, il y en a aussi des petits.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

Ceux-là ne seront pas touchés !

M. François Sauvadet.

La FNO a alerté sur les dangers d'une telle situation pour l'avenir de la filière ovine en affirmant que de nombreux agriculteurs soumis à la modulation seront tentés de diminuer, voire de supprimer, leur atelier ovin, du fait de la combinaison d'une mauvaise conjoncture et d'un montant de prime dépassant les planchers en raison de l'augmentation de la PCO. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Fédération nationale ovine ! Cela mériterait une explication.

Je continue avec le secteur de la viande bovine. Certaines exploitations seront directement frappées. Dire qu'elles seront épargnées est absolument faux ! J'ai regardé certains départements. Ce sont, en tout cas pour la deuxième tranche, selon les modalités que vous allez présenter demain au CSO, 6 à 9 % des exploitations bovines qui seront touchées par la modulation.

Je termine là cette longue liste pour attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'importance du choix que vous être en train d'opérer et sur la confusion que vous être en train de faire entre « présumée richesse » et « aides compensatrices ». Et je crois que l'exemple ovin méritera d'être médité.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements ?

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial.

M. Sauvadet vient de nous faire un inventaire « à la Prévert » - en moins drôle -, inventaire plutôt confus puisqu'on y trouve même le lait. Je me garderai d'allonger le débat à cette heure tardive, mais je constate, encore une fois, qu'en feignant de croire qu'il s'agit d'un impôt nouveau, M. Sauvadet crée lui-même la confusion. Après tout, c'est son droit. Mais c'est aussi le nôtre que de refuser ces sous-amendements qui visent à empêcher la mise en oeuvre de la politique que nous avons voulue.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, le Gouvernement et la majorité ne font pas d'amalgame entre la présupposée richesse et le montant des aides puisque le système combine montant des


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aides, marge brute standard et emploi. Nous avons procédé ainsi pour aboutir à un système équitable. D'ailleurs, ce sont les organisations professionnelles agricoles qui nous ont demandé unanimement d'ajouter la marge brute standard, précisément pour qu'il soit équitable.

Si le mot « fallacieux » vous a choqué, je le retire.

Mais, honnêtement, en nous faisant cet inventaire « à la Prévert », vous avez dit n'importe quoi ! Vous avez même inventé des aides directes ! Il n'y a pas d'aides directes sur le lait. Ce sont des « quotas » ! Il n'y aura donc pas de modulation des aides directes sur le lait.

M. Christian Jacob.

Les producteurs de lait sont tout de même concernés.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'y en aura pas non plus, monsieur Sauvadet, sur la banane, je vous l'assure. Le système fait que, dans l'état actuel des choses, nous ne savons pas calculer la MBS dans les DOM-TOM. Il n'y aura donc pas de modulation sur les producteurs de bananes.

Il n'y aura pas un élevage ovin « modulé ».

Et cetera.

Donc, vous inventez, monsieur Sauvadet !

M. François Sauvadet.

Absolument pas !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vous dis que vous « inventez » ! U n dernier argument simple, maintenant. Nous sommes engagés dans un débat politique et nous avons le sentiment que vous voudriez nous dire que nous sommes tombés dans un égalitarisme forcené qui va amputer les capacités économiques de nos agriculteurs.

Je vais prendre un des départements, celui de M. Jacob, la Seine-et-Marne, où le taux de modulation va être un des plus forts - si ce n'est le plus fort. Aujourd'hui, avant cette modulation, ce département reçoit, pour l'ensemble de ses exploitations, un montant d'aides moyen 3,55 fois supérieur à la moyenne nationale. Pour les exploitations qui vont être soumises à la modulation, ce montant représente 5,6 fois plus que la moyenne nationale. Après la modulation, c'est-à-dire après le désastre que vous avez annoncé, ces montants ne seront plus respectivement que 3,4 et 5,3 fois supérieurs à la moyenne nationale. Quel drame pour la Seine-et-Marne ! C'est épouvantable !

M. Joseph Parrenin.

C'est épouvantable, en effet ! Sortons nos mouchoirs !

M. Christian Jacob.

Je vous invite en Seine-et-Marne, monsieur le ministre.

Vous y serez reçu !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je conçois que vous défendiez de telles marges. Simplement, avec cela, de petits agriculteurs qui n'ont jamais touché d'aide ou quasiment pas d'aides directes - notamment des producteurs d'ovins, monsieur Sauvadet - vont signer des CTE et vont recevoir ces aides directes auxquelles ils n'avaient pas droit ou quasiment pas. Dans le secteur des maraîchages, aucune aide directe ! Pour les cultures méditerranéennes dont parlait M. Vauzelle, aucune aide directe ! C'est cela qui est en cause. Je comprends que cela vous choque. Mais c'est un projet politique de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vais donner la parole à M. Jacob et à M. de Courson, après quoi nous passerons au vote,...

M. François Sauvadet.

J'ai été mis en cause, monsieur le président !

M. le président.

... l'Assemblée étant, me semble-t-il, suffisamment informée sur ces sous-amendements. J'applique, en cela, le règlement ! La parole est à M. Christian Jacob, que je prie d'être bref.

M. Christian Jacob.

Je regrette, monsieur le président, que M. François Sauvadet ne puisse pas s'exprimer car le ministre l'a mis directement en cause en disant qu'il

« inventait ». Or il vous a lu une déclaration de la FNO !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'y a pas d'aides directes pour le lait ! Les quotas sont de 600 000 litres.

M. Christian Jacob.

Sur le secteur laitier, c'est exact, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voilà !

M. Christian Jacob.

Mais j'en touche sur l'ensemble de mon exploitation.

Et puisque vous aimez, monsieur le ministre, citer mon exploitation, je vais en dire un mot. Cette exploitation, je la dois au travail de mes grands-parents, à celui de mes parents et au mien. Et de cette exploitation, cinq familles tirent un revenu.

Mais, vous, monsieur le ministre, qui m'avez mis en cause personnellement, vous qui avez été nommé grâce à des amitiés préfet hors cadre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), expliquez-moi en quoi vous contribuez, individuellement, à l'économie de ce pays ! Combien d'emplois avez-vous créés ? (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Germinal Peiro. Vos propos sont lamentables ! Ils sont indignes de cette assemblée ! M. Christian Jacob. Des emplois, j'en ai créé cinq. Je n'accepte pas une mise en cause directe de la part du ministre, à qui quatorze ans d'amitiés mitterrandiennes ont permis d'obtenir un certain nombre de nominations et d'affectations - je me permets de le rappeler.

M. le président.

Monsieur Jacob...

M. Christian Jacob.

En ce qui concerne les chiffres qui ont été donnés sur la Seine-et-Marne, il est facile, monsieur le ministre, de mélanger les choux et les carottes.

Vous comparez un département qui a 80 % en SCOP avec l'ensemble des départements français, qui ne sont pas uniquement sur ce secteur de production. Si vous comparez la Seine-et-Marne avec un département laitier ou viticole, les chiffres que vous avez avancés ne signifient rien.

Vous parlez de 5 à 20 % de modulation sur une aide qui intervient pour plus de 100 % du revenu. Dans un tel cas de figure, l'incidence est autrement plus élevée.

Prenons un secteur de production qui n'est pas dans mon département, celui du tabac. L'aide représente 600 % du résultat. Cela veut dire que 5 % de modulation auront six fois plus d'incidence directe sur le revenu.

Voilà un cas de figure qui va occasionner des disparitions d'exploitations ! Mais vous avez délibérément voulu faire de la démagogie, comme vous en avait fait en citant certains chiffres à propos de mon département.

Quant à mon activité, j'en suis fier, je le répète, parce qu'elle crée directement des emplois et que cinq familles en vivent. Et encore une fois, je serais curieux de savoir combien vous en faites vivre. (« C'est minable ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour une dernière et brève intervention.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

On peut toujours dire que les politiques n'y comprennent rien. De toute façon, il n'y a plus grand monde qui écoute ce qui


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se passe dans cet hémicycle. En tout état de cause, le plus important, c'est ce qui se passe à la base. Or, lors de la conférence agricole du 21 octobre, le président Guyau, qui, chacun en conviendra, n'est pas un excité, a tenu des propos pleins de bon sens.

Voici, par exemple, ce qu'il a dit sur la modulation :

« Pendant la discussion de l'Agenda 2000, la FNSEA avait proposé un plafonnement européen et une modulation à la marge sur l'ensemble du budget européen pour pouvoir financer des politiques plus horizontales. Mais comment expliquer aux agriculteurs français que, à partir de 66 hectares, ils sont modulés alors que le voisin d'Allemagne de l'Est ne l'est pas avec une taille moyenne de 666 hectares ? » C'est l'héritage communiste, pour ceux qui ne le savent pas ! Où est la justice ? Il ajoutait : « En plus, ces exploitants font partie du même marché commun... » - la France n'est pas entourée

d'un mur du type de celui qui entourait les régimes communistes ! Et il poursuivait : « La preuve est faite des effets pervers de la modulation décidée par le ministre de l'agriculture. Confusion entre les aides et le revenu, pénalisation d'exploitants dont les revenus sont inférieurs auxr éférences nationales, mauvaise prise en compte de l'emploi familial : tout cela, nous l'avons dit. Nous a-t-on seulement écoutés ? Alors, il est grand temps de corriger le tir, C'est ce que nous attendons des pouvoirs publics. »

M. Joseph Parrenin.

Monsieur le président, passons au vote !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Sur la fécule (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. le président.

Vous vous êtes déjà exprimé sur ce sujet, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

... vous avez reçu, monsieur le ministre, une multitude de courriers de la Fédération nationale des producteurs de pommes de terre industrielles, dont nous avons d'ailleurs reçu copie.

M. le président.

Tout a été dit, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

Vous ne pouvez donc pas prétendre, monsieur le ministre, qu'il s'agisse là simplement de cogitations de parlementaires.

C'est la base qui s'expriment, et les problèmes sont bien réels.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 173.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 174.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 175.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 176.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 177.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 178.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 179.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 180.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 181.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 182.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 183.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 184.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 186.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 185.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 187.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 128 deuxième correction.

(L'amendement n'est pas adopté.)

BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

M. le président.

J'appelle les crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles.

« Crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés : 94 879 700 000 francs. »

M. de Courson a présenté un amendement, no 132, ainsi rédigé :

« Réduire de 50 millions de francs les crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés au budget annexe des prestations sociales agricoles. »

Il s'agissait là d'un amendement de conséquence. Il n'a plus d'objet.

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 42 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

« Crédits inscrits au paragraphe II de l'article 43 au titre des mesures nouvelles : moins 1 387 700 000 francs. »

Je les mets aux voix.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche et du budget annexe des prestations sociales agricoles.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1999

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 novembre 1999, de M. François d'Aubert et plusieurs de ses collègues, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les redressements fiscaux abusifs.

Cette proposition de résolution, no 1935, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 17 novembre 1999, de Mme Claudine Ledoux, un rapport, no 1936, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (no 1868).

J'ai reçu, le 17 novembre 1999, de M. Gaëtan Gorce, un rapport, no 1937, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la réduction négociée du temps de travail.

4 DÉPÔT DE RAPPORTS EN APPLICATION DE LOIS

M. le président.

J'ai reçu, le 17 novembre 1999, de M. le Premier minsitre, en application de l'article 8 de la loi no 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, un rapport dressant un bilan de la politique de l'emploi et de l'insertion dans les départements d'outremer.

J'ai reçu, le 17 novembre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 14 de la loi no 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, un rapport sur la responsabilité et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, jeudi 18 novembre 1999, à onze heures, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 1861).

C ommunication ; lignes 39 et 40 de l'état E ; article 55 : M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 10 au rapport no 1861) ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome IV).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : Jeunesse et sports : vote sur les crédits : M. Alain Barrau, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 34 au rapport no 1861) ; M. Alain Néri, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome XIII).

Communication ; lignes 39 et 40 de l'état E ; article 55 (suite) : Aménagement du territoire : M. Alain Rodet, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 6 au rapport no 1861) ; M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome III).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à trois heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Retrait Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre, en date du 17 novembre 1999, qu'a été retiré par les instances communautaires, le 5 novembre 1999, le texte suivant : No E1330. (COM [1999] 521 final). Proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinanc ière supplémentaire à la Bulgarie, déposée le 5 novembre 1999 sur le bureau des Assemblées.