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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie) - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9813).

INDUSTRIE,

POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'industrie.

M. Claude Billard, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'industrie.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances, pour La Poste et les télécommunications.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour La Poste et les télécommunications.

MM. Franck Borotra, Yves Nicolin, Christian Bataille, Claude Gaillard, Roger Meï, Alain Gouriou,

MM. Jean-Claude Lefort, François Brottes, Jacques Guyard, Jean-Pierre Kucheida.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Réponse de M. le secrétaire d'Etat à la question de M. Henry Chabert.

ÉCONOMIE,

FINANCES ET

INDUSTRIE

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 9842)

Etat C

Titres V et VI. - Adoption (p. 9842)

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9842).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRESIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIEME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

INDUSTRIE, POSTE ET TELECOMMUNICATIONS

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits de l'industrie, de la Poste et des télécommunications.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'industrie.

M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, mes chers collègues, en deux ans et demi, le Gouvernement a su accompagner la croissance retrouvée en permettant à nombre de nos concitoyens de reprendre le chemin de l'emploi - ce qui reste la priorité des priorités. Certes il reste encore beaucoup à faire en la matière mais le budget du secrétariat à l'industrie pour 2000 contient l'effort engagé. Il y a lieu de s'en réjouir, monsieur le secrétaire d'Etat, car c'est d'une croissance soutenue que dépendra la résolution durable du problème du chômage.

A périmètre constant, les crédits progressent de 2,3 %, soit 15,645 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Cette augmentation notable au regard de celle de 0,9 % du budget total de l'Etat, symbolise l'ambition gouvernementale en matière de politique industrielle, ambition accompagnée d'une budgétisation annuelle nouvelle pour un montant de 645 millions de francs.

Elle se caractérise par une forte augmentation des dépenses en capital qui renforce ainsi le rôle d'intervention du ministère dont le budget, clairement tourné vers l'avenir, privilégie l'innovation, la formation et le développement des PMI. Il montre également la volonté d'inscrire l'action du ministère au plus près du tissu industriel - en privilégiant par exemple, les contrats de plan Etat-régions, les crédits déconcentrés et le personnel des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement - même s'il reste encore beaucoup à parcourir dans un pays trop marqué par des structures très centralisées et donc peu adaptées à l'émergence d'activités nouvelles de proximité.

Le budget pour 2000 marque d'abord une priorité confirmée en faveur de l'innovation et de la recherche industrielle.

Face à la concurrence, l'innovation constitue l'arme décisive. C'est de la capacité à innover sans cesse, à créer de nouveaux produits que dépend essentiellement la pérennité des entreprises françaises et le développement de l'emploi. Pour l'avoir compris trop tard, la France comme l'Europe avaient pris du retard dans le domaine des transferts de technologies entre recherche, industrie et services.

Pour redresser la situation, il fallait une volonté politique forte fondée sur un projet ambitieux. Le Gouvernement a, depuis deux ans, cette volonté et cette ambition.

Ce budget en est la traduction, et je m'en félicite.

Ainsi, la procédure de l'appel à propositions « technologies clés » sera dotée de 400 millions de francs. Ainsi, le soutien aux grands programmes de recherche industrielle ou à de grands projets portera essentiellement sur le développement de la société de l'information, mais également sur les sciences du vivant - et notamment les biotechnologies - sur les transports ou sur les composants.

Au total, 1836 millions de francs seront consacrés en 2000 au soutien à ces filières porteuses.

Le développement de l'accès à la société de l'information est déclaré grande priorité avec près de 1 500 millions de francs. La mobilisation de crédits supplémentaires à travers la procédure EUREKA permet en outre de donner aux entreprises françaises les réseaux et la dimension européenne indispensables pour la mise en place de l'euro et le développement des activités.

Ces nouvelles dispositions sont essentielles pour des technopoles comme celle de Grenoble - si vous me permettez de prendre cet exemple qui m'est cher - qui ont fondé leur développement sur le triptyque universitérecherche-industrie. Désormais, nous allons pouvoir poursuivre, amplifier, pérenniser les initiatives que nous avons réussi à multiplier depuis un peu plus d'un an avec les incubateurs, les fonds d'amorçage, les agences de développement régional pour le numérique et les biotechnologies.

Agir sur l'environnement des entreprises, sur la modernisation des PME et sur le développement local, telle est, monsieur le secrétaire d'Etat, votre deuxième priorité.

Outre l'action de l'ANVAR à hauteur de 1 400 millions de francs au profit de la diffusion technologique et de l'innovation, le soutien au tissu des PME-PMI s'incrira dans le cadre des prochains contrats de plan Etatrégions. Il faut s'en réjouir car l'on ne répètera jamais assez que les PME-PMI jouent un rôle moteur en termes de création d'emplois, d'intégration sociale et d'aménagement du territoire. Il convient aussi de noter l'accent mis


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sur l'amélioration de la qualité dans les entreprises, puisque l'enveloppe consacrée aux normes de qualité atteindra 365 millions de francs, soit une augmentation de près de 4 % par rapport à l'exercice précédent.

La formation des entrepreneurs est pour sa part valorisée puisque les dispositifs de formation, dont le secrétariat d'Etat assure la tutelle, bénéficient de douze créations d'emplois et d'une progression substantielle des crédits d'investissement en faveur des écoles des mines et du groupe des écoles des télécommunications.

Toutes ces actions, monsieur le secrétaire d'Etat, vont dans le bon sens.

J'en viens à quelques points sur lesquels je souhaite appeler votre attention.

Nous devons anticiper davantage sur les nouveaux besoins de la société et être plus à l'écoute des demandes de citoyenneté. Si, en effet, l'innovation est d'abord technologique, elle doit aussi avoir une dimension sociale et humaine. En associant plus en amont les chercheurs en sciences sociales, les écoles de commerce et de management, nous inverserons cette tendance bien française qui favorise la logique de l'offre au détriment de la logique de la demande, donc du marché, donc de l'emploi.

De même, pour améliorer le soutien aux PMI et aux filières émergentes, structures les plus créatrices d'emplois, je propose que soit envisagée en leur faveur la mise en place d'un crédit d'impôt innovation et non pas simplement d'impôt-recherche. C'est en effet dans les PMIPME que se créent aujourd'hui l'essentiel des nouveaux emplois avec la création de services et de produits innovants.

Gardons-nous par ailleurs de la tentation jacobine.

C'est du bassin d'emploi, c'est-à-dire du terrain, que doivent partir les initiatives. Cela signifie qu'il faut encourager le travail en réseau des grandes villes et des agglomérations, comme nous avons décidé de le faire, par exemple, en Rhône-Alpes. Mais il nous faut aussi imposer une nouvelle conception de la politique européenne dans ce domaine. Il n'est plus acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat, que des régions urbaines de haute technologie, les mieux placées pourtant pour développer l'emploi dans les nouvelles activités économiques soient quasiment exclues de l'éligibilité aux fonds communautaires. Cela reste, à mes yeux, une aberration, aussi bien sur le plan économique que sur le plan social.

Enfin, pour gagner en crédibilité et en efficacité, il conviendrait de procéder à une évaluation des aides de l'Etat tant en quantité qu'en qualité. Il faut en effet parvenir à un équilibre réel entre les aides à la reconversion et le soutien aux filières d'avenir, qui favorisent le plus la création d'emplois durables. Peut-être pourrait-on confier cette tâche d'évaluation et de contrôle au Parlement dont c'est, au fond, l'une des missions.

Le troisième objectif de votre politique inscrite dans le budget, monsieur le secrétaire d'Etat, concerne l'accompagnement des mutations industrielles.

Les moyens mobilisés à cet effet en 1999 sont consolidés pour 2000. Une attention particulière sera apportée au fonds d'industrialisation de la Lorraine, au fonds d'industrialisation des bassins miniers et aux études relatives aux risques d'affaissement minier. L'équipement naval bénéficiera d'un soutien particulier, puisque ses crédits connaîtront une progression de plus de 50 % pour atteindre près de 1,3 milliard de francs.

J'en viens, pour terminer, aux questions énergétiques, non pour reprendre le débat de fond que nous avons eu lors des deuxièmes rencontres parlementaires sur l'énergie, organisées il y a un mois, ici même et auxquelles vous nous avez fait l'honneur de participer, monsieur le secrétaire d'Etat, mais pour noter d'abord que l'effort de diversification et de maîtrise de l'énergie sera poursuivi.

Tout ce qui peut économiser des énergies a priori épuisables ou polluantes doit être pris au sérieux, d'autant que l'essor des énergies renouvelables représente pour nos industriels un potentiel de développement important.

Pour combattre l'effet de serre, les politiques doivent s'inscrire dans la durée. Dans un domaine où les temps de réponse sont longs, notre devoir est d'anticiper. Il s'agit de définir, pour le demi-siècle qui vient, nos choix de vie, en particulier nos choix de ville, en matière d'urbanisme, de transports et de logement, en ayant pleinement conscience qu'ils déterminent nos besoins énergétiques.

Dans notre pays, le secteur des transports est responsable à lui seul de près de 50 % des émissions d'oxyde de carbone. Ce sont celles qui, de loin, augmentent le plus rapidement. C'est donc dans ce secteur que la mutation la plus ambitieuse doit être engagée grâce à une forte mobilisation de tous les acteurs - Etat, collectivités locales, entreprises, citoyens - et à un accroissement substantiel des moyens.

En augmentant de 500 millions de francs le budget de l'ADEME en 1998, le Gouvernement a fait un pas sensible dans la bonne direction. Il maintient aujourd'hui le cap pour permettre à la France de quitter sa dernière place en matière de recherche et développement dans ce domaine.

Cette politique doit permettre d'aider au développement de techniques innovantes favorisant l'efficacité énergétique. Je pense à la cogénération - et j'apprécie à ce titre, monsieur le secrétaire d'Etat, la confirmation des contrats d'achat - aux offres d'énergie multiservices, aux réseaux de chaleur, à la pile à combustible ou au photovoltaïque.

Par ailleurs, la sûreté nucléaire doit demeurer prioritaire, car même si l'heure n'est plus au tout nucléaire dans la production d'électricité, notre politique énergétique repose pour une bonne part sur cette énergie qu'il ne faut ni sanctifier, ni diaboliser, comme certains pourraient être tentés de le faire aujourd'hui.

Le nucléaire doit répondre aux défis auxquels il est aujourd'hui confronté. L'achèvement de l'aval du cycle du combustible doit tout d'abord apporter des solutions à la gestion de l'ensemble des déchets radioactifs en poussant les feux sur la recherche. Il faut également prendre nos responsabilités à l'égard des générations futures en maintenant le nucléaire à un haut niveau de performancess et de sécurité, dans l'intérêt économique, social et écologique de notre pays à l'image de nombreux pays dans le monde. Il s'agit enfin de maintenir notre capacité t echnologique et industrielle pour laisser l'option nucléaire ouverte.

Aussi, à l'horizon du renouvellement du parc français, je plaide pour qu'un site approprié soit déterminé et que, à la suite d'un grand débat scientifique et démocratique, soit décidée la réalisation de l'EPR, qui constitue une nouvelle génération de réacteurs, plus sûrs et plus efficaces.

Le Commissariat à l'énergie atomique, monsieur le secrétaire d'Etat, recueille, je le sais, toute votre attention.

Cet établissement, qui bénéficie d'une rebudgétisation partielle, ne doit en effet pas être fragilisé à un moment où l'on exige de lui de poursuivre des objectifs précis et


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exigeants en matière de recherches sur l'aval du cycle combustible comme dans le domaine des technologies avancées.

M. Yves Nicolin.

Très juste !

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Il ne faut pas que son équilibre budgétaire dépende de façon excessive de concours d'opérateurs dont la politique industrielle doit être suffisamment autonome pour relever les défis de la concurrence internationale.

M. Yves Nicolin.

C'est vrai !

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'assurer que les ressources de cet établissement seront suffisamment abondées pour 2000, soit en répartissant équitablement entre le ministère chargé de la recherche et le ministère chargé de l'industrie la provision nécessaire à la transformation de l'institut de protection et de sûreté nucléaire en établissement public autonome, soit en procédant à une augmentation des crédits courants pour 2000 ? Pour l'heure, le compte n'y est pas tout à fait et le personnel du CEA le ressent vivement au moment où l'on négocie les accords de solidarité, accords qui sont liés à la réduction du temps de travail.

Le service public - ce sera mon dernier commentaire ne peut être réduit au seul secteur national. La loi de nationalisation de 1946 sur l'électricité et le gaz a été nécessaire, utile et s'est révélée parfaitement adaptée. Mais avec la construction de l'Europe et le développement de la décentralisation, symbolisés par l'émergence des régions et des grandes agglomérations, il est indispensable que les opérateurs électriciens et gaziers adoptent une position offensive pour tirer profit de leurs atouts sur le plan international tout en développant le partenariat avec les collectivités locales. Quinze ans après les grandes lois de décentralisation, le rôle de ces dernières dans le secteur électrique est enfin précisé dans le projet de loi sur l'électricité. Elles sont reconnues comme des acteurs qui permettent à la fois de promouvoir des solutions rationnelles adaptées, proches du terrain et plus respectueuses des préoccupations environnementales. Il faut toutefois s'assurer qu'il en sera de même pour le gaz avec la transposition de la directive communautaire prise en la matière.

Mes chers collègues, le budget de l'industrie est, au total, l'un des meilleurs budgets que nous ayons à voter.

M. Yves Nicolin.

On a du mal à ne pas sourire !

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Le Gouvernement se donne en 2000 les moyens de tenir le cap de la croissance retrouvée, de l'ouverture et de l'innovation, ce qui permettra de conforter la France dans son rôle de grande puissance industrielle, prête à affronter la concurrence internationale, au service de l'emploi et de la solidarité, et cela au bénéfice, notamment, des plus jeunes de nos concitoyens.

La commission des finances a adopté les crédits du budget de l'industrie à l'unanimité. Je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'industrie.

M. Claude Billard, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1998 l'industrie a joué un rôle moteur dans la croissance et l'économie de notre pays. Dans un environnement international demeuré favorable malgré la crise asiatique, les exportations industrielles françaises ont été le principal soutien de la croissance. On peut, en conséquence, se féliciter du maintien à un rythme soutenu du développement de notre production industrielle et relever que les premiers chiffres connus pour 1999 indiquent un redémarrage de la croissance.

On peut également se féliciter que la croissance économique retrouvée ait eu quelques conséquences positives sur l'emploi industriel. Ainsi, en 1998, le total des emplois permanents de l'industrie manufacturière a progressé de quelque 18 000 unités, permettant aux effectifs salariés de l'industrie de retrouver leur niveau de 1996 et de franchir à nouveau la barre des 3 millions de postes.

Néanmoins ces quelques effets positifs s'inscrivent sur un fond de structure de l'emploi qui est largement caractérisé par la précarité et l'ampleur des plans de licenciement.

Le recours aux emplois précaires est, en effet, en plein développement. Ainsi, en 1998, le nombre des emplois intérimaires a augmenté de 21,8 %, taux considérablement élevé si on le compare à la progression des emplois permanents qui n'a été que de 0,5 %. Il existe aujourd'hui en France 183 000 emplois précaires ou à durée déterminé, dans le secteur industriel. Ces chiffres sont particulièrement révélateurs de la conception que les directions d'entreprise se font de l'emploi : une simple variable d'ajustement aux fluctuactions de la demande.

Les plans de licenciements, même quand ils sont rebaptisés plans sociaux dans le langage administratif, continuent d'exercer leurs ravages et d'alourdir l'addition sociale. Il faut observer que, dans la dernière période, ils ont directement résulté de la vague de concentrations, de fusions-acquisitions et autres échanges d'actions qu'a connue l'industrie mondiale.

L e rapprochement de Total-Fina et de Elf, pare xemple, a provoqué la suppression de plus de 2000 emplois. La réorganisation de l'industrie de défense européenne, avec la fusion des groupes Thomson-CSF, Dassault électronique et des filiales d'Alcatel dans le domaine de la défense, a eu pour conséquence l'annonce de la suppression, en deux ans, de 4000 emplois, dont 3000 dans notre pays.

Au total, plus de 250 000 emplois ont été supprimés en 1998 dans le cadre des plans sociaux.

Cette année, outre les Ateliers et chantiers du Havre et Michelin, qui ont fait la une de l'actualité, 1 500 salariés chez DMC, 3 000 chez Usinor, un peu plus de 1 000 chez Bull, 1 150 à IBM France et 2 000 chez Philips ont perdu ou vont perdre leur travail.

Telle est aussi la réalité de notre industrie.

On ne peut que regretter que l'embellie de la croissance retrouvée n'ait pas connu de traduction significative en termes de créations d'emplois durables dans le secteur industriel et n'ait pas donné naissance à une véritable politique de soutien à la consommation, gage de croissance solide et de modernisation de notre appareil productif.

C'est à l'aune de ce contexte et en fonction de la réalité que je viens de décrire qu'il convient d'apprécier le budget de l'industrie.

Sa vocation affichée est de promouvoir et d'accompagner l'adaptation de nos entreprises industrielles à la modernisation des modes de production et de consommation et d'encourager leur développement. Notre indus-


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trie est, en effet, appelée à relever des défis majeurs dans les années qui viennent : mondialisation des marchés et de la concurrence, achèvement du marché unique avec le passages à l'euro, création d'emplois, utilisation des nouvelles technologies.

Pour contribuer à assurer et à conforter la place de l'industrie française dans le cadre d'une économie mondialisée il faut promouvoir et stimuler la modernisation de nos entreprises, favoriser le développement de leurs productions et des services à l'industrie, tous objectifs qui devraient être bénéfiques pour l'emploi. Pourtant, dans la réalité de l'action gouvernementale, le budget n'est pas toujours l'instrument privilégié d'une véritable politique industrielle.

Avec 15,6 milliards de francs de crédits - dont 12,9 milliards de francs strictement affectés à l'industrie si l'on retranche les lignes budgétaires consacrées aux postes et télécommunications - ce budget ne peut avoir que de modestes ambitions. Sa hausse modérée - 2,3 % pour l'ensemble des crédits et 1,9 % pour les crédits Industrie proprement dits - condamne l'Etat à ne mener que des actions ponctuelles qui s'apparentent plus à du saupoudrage budgétaire qu'à une véritable stratégie publique pour le secteur industriel.

Dans ce cadre limité, deux priorités le caractérisent.

La première est la préparation de l'avenir avec un effort particulier pour les dépenses en faveur de la formation et de l'innovation, ainsi que pour les dépenses en capital qui progressent de 4,5 % en crédits de paiement et de 3 % en autorisations de programme.

La seconde concerne le soutien au développement local ; les 703 millions de francs qui lui sont consacrés traduisent une augmentation de 7 % en crédits de paiement.

Il faut relever, de façon positive dans ce domaine, d'une part, que des emplois vont être créés dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement qui jouent, nous le savons, un rôle essentiel dans la bataille pour l'emploi en région, et, d'autre part, que les procédures d'aide au développement industriel qu'elles pilotent seront simplifiées.

Néanmoins l'essentiel du budget de l'industrie consiste à donner aux entreprises un cadre favorable à leur développement.

Dans cet esprit, un effort important est consacré à l'aide à l'innovation qui, avec 2,85 milliards de francs, représente 18 % de l'intégralité des crédits consacrés à l'industrie, aux postes et aux télécommunications. L'importance en volume des crédits alloués à la recherche et à l'innovation est tout à fait satisfaisante. En revanche, leur évolution sur plusieurs années est préoccupante puisque les crédits qui financent des actions essentielles à la modernisation de notre appareil productif et à la pérennité de notre indépendance industrielle ont une très nette tendance à s'éroder au fil des ans.

Je me félicite par ailleurs que les programmes de soutien aux technologies clés soient poursuivis, que la procédure ATOUT, qui joue un rôle déterminant dans la diffusion des nouvelles technologies, soit confortée et que la dotation de l'ANVAR soit maintenue.

Je relève également l'attention particulière accordée au soutien aux nouvelles technologies de l'information et de la communication auxquelles est consacré plus d'un milliard de francs à travers différents programmes.

Enfin, une grande priorité de ce budget est l'aide à la qualité et à la sécurité, essentielle à la compétitivité de notre industrie, puisque la métrologie bénéficie d'un soutien particulièrement fort et que les moyens consacrés à la sécurité des mines seront doublés pour mettre en oeuvre la loi « après-mines ».

Dans le domaine de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables, votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, tient ses promesses puisque les crédits de l'ADEME sont consolidés. Pour ce qu'il est convenu d'appeler les mutations industrielles, appellation qui recouvre en fait les dégâts causés par les restructurations et les abandons de productions, le budget de l'industrie joue un rôle d'amortisseur et d'ambulancier social.

Ces dotations qui visent à la fois à aider les secteurs en crise, à financer les dépenses à caractère social dans le secteur minier et à soutenir la reconversion des zones industrielles en difficulté, représentent 37,3 % des crédits de l'industrie. Au sein de cet ensemble, au titre du soutien aux secteurs en crise, la subvention à Charbonnages de France, les moyens du fonds d'industrialisation de la Lorraine et du fonds d'industrialisation des bassins miniers prennent une place importante.

A cet égard, la dotation allouée à Charbonnages de France a tendance à stagner, ce qui traduit le désengagement progressif de l'Etat dans l'exploitation charbonnière.

Cela est pourtant contradictoire avec la fermeture des mines qui provoque une augmentation des charges spécifiques en mettant brutalement à la retraite des salariés encore jeunes et en créant des charges supplémentaires liées à la remise en état des sites.

Quant aux aides à la construction navale, si elles connaissent un bond spectaculaire de 51 %, celui-ci ne doit pas occulter les énormes difficultés de ce secteur puisqu'il s'agit en grande partie d'aides à la fermeture, à la reconversion ou à la restructuration de chantiers devant réduire leurs effectifs.

Je ne voudrais pas terminer la présentation de ce rapport pour avis sans vous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, d'interrogations sur la politique énergétique du Gouvernement, plus particulièrement dans sa dimension nucléaire.

Le secteur de l'énergie est un domaine stratégique pour l'industrie car il est situé en amont de toute l'activité économique. Votre département ministériel y joue un rôle décisif tant par l'élaboration de la politique énergétique du Gouvernement, par la tutelle qu'il exerce sur les écoles des mines, sur Charbonnages de France et sur l'EDF, que par les moyens dont il dote certains établissements.

Or, dans un paysage énergétique en plein bouleversement, essentiellement caractérisé par la déréglementation et la soumission stricte aux seules lois du marché, des éléments de votre budget, qui traduisent la politique du Gouvernement en la matière, sont inquiétants. Je pense notamment aux crédits alloués au Commissariat à l'énergie atomique, lequel, par son rôle et par les missions qui lui sont confiées, conditionne toutes les décisions futures en matière d'énergie nucléaire.

En effet, ce budget laisse la désagréable impression que l'on va priver le CEA des moyens indispensables pour lui permettre d'atteindre ses objectifs stratégiques, puisque, en l'absence de perspectives industrielles à court et moyen termes, les ressources extérieures du CEA diminuent. Sa subvention globale de fonctionnement est simplement reconduite et l'Etat ne tient que très partiellement ses engagements de couvrir le solde de cette baisse de recettes.


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Cet équilibre financier, difficile à maintenir, conduit l'établissement public à emprunter et, pour garantir ses emprunts, à opérer des cessions d'actifs, c'est-à-dire à se séparer d'une partie de son potentiel scientifique et humain.

Il faut ajouter à cette impasse financière le cadre impossible à respecter donné à la direction du CEA pour réaliser le passage aux 35 heures, puisque l'Etat lui demande de l'autofinancer sous la forme d'une modération salariale et d'économies de productivité. Autant dire qu'il s'agit d'une mission impossible et que cela va susciter l'hostilité des salariés déjà inquiets de l'avenir incertai n de l'établissement auquel ils sont fortement attachés.

Cette situation délicate qui perdure a fatalement amené, et amènera encore, le CEA à abandonner des programmes de recherche qui sont pourtant la justification de son existence. Si le Commissariat n'était plus en mesure de remplir ses missions, notamment lorsque viendra le moment de la prise de décision de la construction de la tête de série de l'EPR, ou quand il s'agira des recherches nécessaires à l'application de la loi sur le stockage des déchets nucléaires, on pourrait légitimement s'interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la sincérité de vos déclarations quant à la nécessité de maintenir l'option nucléaire ouverte. Comment y croire si le principal outil scientifique et technique sur lequel devront s'appuyer les pouvoirs publics est ainsi voué au déclin ? Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que votre conception de la politique industrielle n'est plus, si elle l'a jamais été, celle d'un instrument de gestion directe par l'Etat du secteur productif, mais qu'elle vise à donner aux entreprises un cadre favorable à leur développement. Il s'agit non plus d'élaborer et d'appliquer de grandes stratégies industrielles abstraites mais plutôt de favoriser la mise en oeuvre des stratégies définies par les entreprises ellesmêmes.

Je crains que cette conception ne se résume à un simple appui stratégique aux entreprises et qu'elle ne soit pilotée, en dernière instance, que par les objectifs que celles-ci déterminent. L'expérience montre pourtant que, lorsque les pouvoirs publics désertent le champ de l'industrie, c'est le marché qui étend sa loi avec tous les dégâts que l'on connaît. Quand la politique le cède trop à l'économique, cela donne l'impuissance face à Michelin.

Quand la politique est peu présente, les entreprises privées ont tout loisir de regrouper leurs forces, à n'importe quel prix, afin de survivre dans un environnement soumis à une concurrence sauvage, et de répondre à la seule logique financière. Cette logique explique les mégafusions auxquelles nous assistons et qui n'ont d'autre vocation que celle de rassurer les actionnaires sur les capacités de croissance des entreprises et leurs profits. Le résultat est toujours une augmentation du cours des actions et une diminution du nombre des emplois. Les perdants sont toujours les salariés. Cela démontre bien qu'une croissance non maîtrisée par la puissance publique est forcément contraire à l'emploi.

Le budget de l'industrie devrait justement être l'un des instruments permettant de maîtriser ce type d'évolution, de corriger ses effets pervers pour l'emploi. C'est la raison pour laquelle je déplore, cette année encore, que, au lieu d'être le levier d'une réelle politique industrielle, le budget de l'industrie se borne à occuper les vides laissés par le marché, et que l'Etat n'intervienne que lorsque le secteur privé n'y trouve pas son intérêt égoïste.

Toutefois, sous le bénéfice de ces observations, la commission de la production et des échanges a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'industrie pour l'an 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour La Poste et les télécommunications.

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances de l'économie générale et du Plan, pour La Poste et les télécommunications.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le budget de La Poste et des télécommunications que vous nous proposez est, dans la conjoncture actuelle, un très bon budget : de manière globale, ses crédits sont en augmentation de 4,12 % et atteignent 2 775 millions de francs. A structure égale, le budget de 1999 n'avait crû que de 1,35 % par rapport à celui de 1998.

Permettez-moi d'en rappeler quelques lignes principales.

D'abord, les crédits de l'agence de régulation des télécommunications passent de 87,51 millions en 1999 à 91 millions en 2000, soit une progression de 4,03 %. A cet égard je suis heureux de constater que l'enveloppe des indemnités et allocations diverses n'augmente que de 1,53 %. En effet, je vous avais exprimé mon désaccord il y a un an quand l'évolution de ces mêmes rétributions traduisait une augmentation de plus de 7 %. Cela provoquait un fort décalage entre la progression de la masse salariale et celle des indemnités et allocations qui ne correspondait pas à la rigueur de gestion de la fonction publique à laquelle je vous sais attaché. Je vous remercie donc pour cette année.

Ensuite le transfert des activités radio-maritimes de France Télécom à l'agence nationale des fréquences ne peut que satisfaire l'esprit de cohésion et d'utilisation optimale des ressources.

Enfin je formule une observation identique en faveur du groupement des écoles des télécommunications qui reçoit une dotation de 494,5 millions contre 459,5 millions en 1999. Cette progression de 7,62 % prend en compte le transfert de vingt-six chercheurs du centre national d'études des télécommunications.

A ces observations budgétaires rapides, je souhaite ajouter quelques commentaires.

En ce qui concerne La Poste, la quête de sécurité financière et sa traduction - l'équilibre budgétaire méritent beaucoup d'attention. Il convient cependant de veiller à ce que ces impératifs louables ne limitent pas le montant des investissements nécessaires. A cet égard, il faut rappeler de manière constante aux autorités européennes qu'une juste politique tarifaire doit permettre de dégager des marges pour l'investissement en faveur du développement.

La réduction de la dette, si elle est opérée au détriment d'emprunts utiles à des investissements de bonne rentabilité, n'a pas systématiquement, dans cette hypothèse, les effets positifs escomptés. En effet, La Poste doit maintenir, renouveler et équiper son patrimoine et il est de la responsabilité du Gouvernement d'honorer les obligations de service public qu'il impose.

Vous savez que cela fait l'objet d'un débat. Pourtant, si l'on additionne le coût de la présence territoriale de La Poste avec le déficit provoqué par les frais de transport de la presse restant à sa charge, on obtient un total de quelque 5 milliards de francs. Je suis persuadé que le président Guyard saura commenter ces chiffres qu'il connaît particulièrement bien.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

J'ajoute que les activités de l'opérateur en secteur concurrentiel devraient lui ouvrir droit aux mêmes règles que celles applicables aux autres opérateurs. Sinon il y aurait une discrimination négative qui serait dommageable au service public.

Pour ce qui est de France Télécom je m'en tiendrai à certains aspects financiers principaux en présentant cinq observations.

En 1998, le chiffre d'affaires de France Télécom a atteint plus de 161 millions de francs contre 153 en 1997. Selon les résultats enregistrés au cours du premier semestre de 1999, le chiffre d'affaires de France Télécom devrait augmenter cette année de 9,2 %. L'entreprise est donc dans une excellente situation.

Si les produits de services de téléphonie fixe ont enregistré une baisse de 5,5 % entre 1997 et 1998, le chiffre d'affaires des mobiles, durant la même période a, lui, augmenté de 48,6 %, ce qui s'explique, en partie, par la très forte hausse du nombre des abonnés à Itinéris.

Troisième observation : en 1998, France Télécom a procédé à un rééquilibrage de ses tarifs pour des raisons de stratégie commerciale.

Quatrième observation : la croissance des frais commerciaux traduit la poursuite du redéploiement des effectifs vers les fonctions commerciales dans un contexte de pression concurrentielle généralisée.

Enfin, cinquième observation : l'évolution du cours de l'action - France Télécom est la première capitalisation boursière de la place de Paris - ne doit pas faire oublier les investissements importants, nationaux et internationaux à réaliser.

C'est alors, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'il nous faut évoquer deux aspects fondamentaux de la stratégie de France Télécom : le premier concerne la recherche, le second intéresse les choix internationaux.

La recherche, tout d'abord ! Il est fondamental que notre pays conserve et enrichisse son capital recherche. Nous avons salué la mise en place du Réseau national de recherche en télécommunications. C'est la démarche la plus positive pour rechercher la mobilisation optimale des ressources qui existent sur tout le territoire.

Les différents appels à projet que vous avez lancés sont très positifs. Il serait souhaitable qu'un bilan global et transversal des efforts français de recherche en télécommunications soit réalisé : je suis certain que votre ministère facilitera cet objectif. Dans ce cadre, il serait très important que nous nous penchions sur la nécessaire mobilisation des équipes de recherche publique ou privée s'intéressant aux autoroutes de l'information. Ce type de recherche aurait un avantage : encourager France Télécom à accroître ses rapports contractuels avec l'industrie. Je suis heureux de constater que la récente loi sur l'innovation, d'une part, et l'existence des technopoles dont notre collègue Destot a parlé, technopoles qui ont fait leurs preuves, d'autre part, constituent pour notre société une disponibilité évidente.

Second aspect fondamental : les choix internationaux.

France Télécom est présent dans près de cinquante pays, dont quinze européens. En 1998, son chiffre d'affaires à l'étranger a progressé de 39 %. Il correspond à peu près à 10 % de son chiffre d'affaires global.

Le choix d'une bonne stratégie ne met pas nécessairement à l'abri de déconvenue : nous avons en mémoire la rupture avec Deutsche Telekom. Il n'en demeure pas moins que l'implantation de bureaux à l'étranger se révèle pertinente. Je pense tout spécialement aux Etats-Unis, à la Chine, à l'Inde, à l'Indonésie et, bien sûr, au Japon.

Pour terminer, je ferai une remarque générale.

Pour pleinement réussir, pour pleinement mobiliser toutes les structures et les équipes, il est important qu'il y ait une coordination très forte. Il faut en particulier que nous évitions qu'il y ait concurrence entre différents ministères. Je pense par exemple au ministère des transports, par l'intermédiaire de la SNCF.

Je sais que c'est un secteur sur lequel vous veillez. Si j'évoque ce point c'est parce que vous avez posé une série d'actes qui rendent possible cette puissante coordination publique à laquelle les usagers, tout comme l'industrie, ont droit.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les remarques que je voulais présenter. A la suite de la commission des finances je vous invite à voter cet excellent budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour La Poste et les télécommunications.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges pour La Poste et les télécommunications.

Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à périmètre budgétaire constant, les crédits proposés pour 2000 seront en hausse de plus de 4 % par rapport à ceux votés pour 1999, qui étaient eux-mêmes en progression de 1,34 % par rapoort à l'année précédente.

La croissance des crédits de l'autorité de régulation des télécommunications, de l'Agence nationale des fréquences et du groupe des écoles des télécommunications témoigne de votre volonté d'affirmer la présence de l'Etat, et le rapporteur pour avis ne peut qu'être satisfait de l'affirmation de cette présence tout en regrettant, monsieur le secrétaire d'Etat, la stagnation des moyens des services placés sous votre autorité.

Votre projet de budget traduit aussi le respect des engagements pris vis-à-vis de La Poste, notamment par le contrat d'objectifs et de progrès.

Les charges de pension supportées par La Poste en 2000 seront stabilisées à leur niveau de 1997 grâce au versement d'une contribution de 600 millions de francs.

Je souligne à nouveau que la stabilisation des charges de retraite est nécessaire pour La Poste et que c'est un apport essentiel du contrat d'objectif et de progrès.

J'ai aussi noté avec satisfaction que la contribution de l'Etat au transport postal de la presse augmente de 50 millions et atteint le montant fixé dans l'accord sur le financement du transport de la presse, soit 1,9 milliard.

Cependant, s'agissant des deux opérateurs publics, l'essentiel est dans leur capacité à répondre à leurs missions de service public dans un environnement où la concurrence est, chaque jour, plus vive.

Globalement ces missions continuent à être bien remplies.

Les commissions départementales de présence postale font un travail utile qui serait encore beaucoup plus efficace si, dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, des crédits avaient permis de résoudre certains problèmes de présence postale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

En revanche, il faut noter les efforts faits par La Poste pour renforcer sa présence dans les zones urbaines sensibles. Ainsi, en 1998, 80 opérations de création ou de délocalisation de bureaux de postes ont été lancées ou achevées, alors qu'une convention portant sur la politique de la ville a été signée avec l'Etat en décembre 1998.

Il serait bon qu'une convention du même type soit signée avec France Télécom afin que cet opérateur ne ferme pas, sans concertation préalable, des agences dans les zones urbaines sensibles.

Il faut déplorer que le décret relatif aux tarifs sociaux en matière de télécommunications n'ait pas encore reçu d'application. Ce retard conduira à restituer aux opérateurs les sommes versées à ce titre les années passées au fonds de service universel.

La négociation pour les 35 heures vient de s'engager à France Télécom. L'opérateur public ne témoigne pas, c'est le moins que l'on puisse dire, d'une hâte excessive à s'engager dans la réduction du temps de travail...

M. Jean-Claude Lefort.

Oh là, là !

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

... alors que le Gouvernement a fait des 35 heures un objectif essentiel de sa politique.

M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !

M. Yves Nicolin.

Malheureusement !

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

La négociation est engagée à La Poste depuis l'accord du 17 février 1999. La procédure décentralisée qui a été mise en place à cet effet, dans laquelle chaque agent est consulté, ainsi que les clients, tandis que se tiennent de nombreuses réunions syndicales, est certainement novatrice mais elle génère des retards dans la conclusion des a ccords. L'accord-cadre prévoit le recrutement de 20 000 personnes pour remplacer les 20 000 départs annoncés, ainsi qu'une réduction significative de la précarité de l'emploi.

Alors que La Poste sera la plus grande entreprise de France, en termes d'effectifs, à passer aux 35 heures et que la moitié de son chiffre d'affaires est réalisé dans le secteur concurrentiel, il faut, une fois de plus, regretter qu'elle n'ait pu bénéficier de l'aide de l'Etat.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

La Poste se porte bien et ses bons résultats témoignent de sa bonne santé. Les activités courrier, colis, logistique sont en progrès très sensible alors que les activités financières sont conformes aux prévisions.

La qualité de ces résultats n'est pas due qu'à la conjoncture. Elle est également le fruit des progrès considérables accomplis par La Poste en une dizaine d'années et donc des efforts, eux aussi considérables, du personnel de La Poste. Ce constat conduit à relativiser tous les discours qui présentent La Poste comme une entreprise en grand péril qu'il conviendrait de sauver de toute urgence au risque de perdre ce qui fait la nature même de cette entreprise.

Entrée dans un cercle vertueux, La Poste doit affronter des difficultés et doit pour cela recevoir le soutien de l'Etat. A cet égard, il faut saluer la qualité à laquelle vous avez beaucoup contribué, monsieur le secrétaire d'Etat, des accords obtenus lors du congrès de l'Union postale universelle. Non seulement la notion de service universel y a été affirmée, mais il a été aussi affirmé que les fra is t erminaux de distribution du courrier transfrontière devaient être rémunérés sur les coûts.

Nous connaissons, monsieur le secrétaire d'Etat, votre fermeté sur la dérégulation du publipostage et du courrier transfrontière. Nous savons aussi le prix que certains

Etats de l'Union européenne attachent à cette dérégulation qui mettrait en péril l'équilibre de La Poste et donc l'accomplissement de ses missions de service public. Cette question sera un test significatif de la volonté de l'Union européenne de permettre l'existence d'un service public postal fort, répondant aux attentes des populations.

Le monde postal est en évolution rapide et les opérations de rachat se multiplient.

La Poste ne peut rester à l'écart de ce mouvement car l'isolement ou le confinement sur le territoire national serait à terme mortel.

La Poste a besoin de fonds propres pour se donner les atouts de sa pérennité dans un environnement qui se mondialise. Des solutions existent qu'il faut rechercher, soit en utilisant l'immobilier de La Poste, soit en apportant à celle-ci une dotation en fonds propres, ce qui n'a jamais été fait depuis la création du budget annexe.

Depuis cinq ans, la croissance du marché des télécommunications est telle que les estimations même les plus optimistes ont été constamment démenties. Les secteurs réunis de l'informatique et des télécommunications forment le moteur de la croissance mondiale. Nous assistons à l'émergence d'un nouveau marché porteur, phénomène que les économies développées n'avaient plus connu depuis l'automobile et l'électroménager. Cela se traduit par des opérations de prises de contrôle dont le montant ne cesse de croître vertigineusement. Ainsi, un client d'un opérateur de téléphonie mobile se valorise sur le marché boursier à hauteur de 40 000 francs alors qu'il ne génère en moyenne qu'un chiffre d'affaires de 2 500 francs par an. Dans ce domaine des télécommunications, en croissance constante, en plein dynamisme, en proie à des opérations boursières souvent extravagantes, l'action des pouvoirs publics est particulièrement difficile à définir et à conduire.

Le monde des télécommunications est agité par deux grands débats : celui du dégroupage et celui de l'attribution des licences UMTS.

La mission dont j'ai rapporté les travaux a affirmé son opposition au dégroupage en raison des risques potentiels de dysfonctionnements préjudiciables à l'ensemble du secteur que cette technique comporte. La mission a dit ses préférences pour des choix privilégiant l'investissement comme la mise à niveau des réseaux câblés, actuellement très sous-utilisés, ou l'établissement de boucles locales radio. Ces deux techniques, comme le dégroupage, permettent l'accès à de hauts débits sans lesquels il ne saurait y avoir de généralisation d'Internet.

Les fréquences radios sont des ressources rares dont l'allocation temporaire doit être soigneusement définie. La mise aux enchères de fréquences ne saurait cependant être satisfaisante. Elle fait peser des risques sur la possibilité de récupérer la fréquence à l'expiration de la licence et mobilise des capacités financières qui feront défaut pour réaliser les investissements considérables que requiert l'établissement d'un réseau mobile.

Ajoutons - et ce n'est pas un aspect négligeable qu'elle fait courir le risque à la France de voir s'y implanter un géant américain des télécommunications alors que, jusqu'ici, la prééminence des capitaux français dans les grands opérateurs de réseaux a été préservée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez compétence dans deux domaines - La Poste et les télécommunications - qui sont essentiels pour les Français et pour le développement de notre économie. Les modifications réglementaires, le développement rapide de l'innovation, les intérêts économiques nés de la révolution des télé communications ne simplifient pas votre tâche. Nous vous faisons confiance pour garder le bon cap : promouvoir un service public fort et performant, favoriser l'innovation et l'investissement, accompagner et amplifier le mouvement de notre pays dans l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Aussi la commission de la production et des échanges a-telle émis un avis favorable au projet de budget que vous lui avez proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Franck Borotra, premier orateur inscrit.

M. Franck Borotra.

Monsieur Pierret, vous êtes un ministre à la fois sympathique et habile. Il est en effet assez habile de faire passer son budget un vendredi soir.

J'avoue que je n'y aurais pas pensé.

Cela dit, j'espère que vous ne croyez pas tous les compliments que l'on vous adresse. (Sourires.)

Votre budget serait le budget du siècle. Celui de la fin du siècle, c'est sûr...

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

Du millénaire !

M. Franck Borotra.

Il serait le meilleur de l'histoire.

Cela reste à prouver. On a dit aussi de vous que vous êtes un habile négociateur, quelqu'un qui défend mordicus ses convictions. Si vous croyez tous ces compliments, vous êtes mal parti. En tout cas, n'attendez pas de moi que j'en rajoute.

M. François Brottes.

Vous êtes jaloux !

M. Franck Borotra.

Le budget que vous présentez est en fait assez conforme à celui de l'année dernière.

Comme, du reste, tous les budgets de l'industrie précédents, il est sans grand effet parce que les services votésr eprésentent une part extrêmement importante et consomment l'essentiel des crédits budgétaires.

Je vais, bien évidemment, donner mon avis sur ce budget, mais je m'attacherai surtout à essayer de déterminer si le Gouvernement conduit véritablement une politique industrielle.

Pour prolonger les réflexions que j'avais faites l'année dernière, je dirai que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait été taillé sur mesure, non pas pour défendre l'intérêt de l'industrie, mais pour Dominique Strauss-Kahn.

M. Michel Destot, rapporteur spécial.

Ça commence bien !

M. Franck Borotra.

Aujourd'hui, après son départ, le comble est atteint : c'est un préfet qui est ministre de plein exercice de l'industrie (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), même si je vous concède, pour le connaître, que c'est un bon préfet.

Le budget de l'industrie est, aujourd'hui, noyé, dilué dans l'océan de Bercy. Il n'a pas de réel rôle fédérateur des intérêts industriels. Il est dépourvu d'impulsion nouvelle.

Vous entendez donner, paraît-il, la priorité à lar econversion et aux restructurations industrielles. Je constate, quant à moi, que les crédits de paiement prévus à cet effet sont en baisse, comme d'ailleurs ceux prévus pour le développement de la recherche industrielle et de l'innovation. Pourtant, les besoins ne sont-ils pas plus importants que jamais ? Concernant l'ADEME, après la budgétisation et l'effort important qui a été engagé, l'année dernière, pour résorber le déficit des crédits de paiement, nous risquons, avec les 127 millions inscrits cette année, de rencontrer de nouveaux problèmes de trésorerie compte tenu de la montée en puissance des objectifs de l'agence.

Ainsi, le volet environnement de l'ADEME, même s'il ne relève pas de la responsabilité budgétaire du ministère de l'industrie, n'est aujourd'hui pas suffisant malgré une augmentation des crédits, pour faire face à la demande d'investissement des collectivités locales pour remplir leurs obligations en matière du traitement des déchets.

Concernant le CEA, Claude Billard a dit ce qu'il fallait en dire. Alors que vous affichez des crédits en hausse, c'est tout le contraire qui se passe car il s'agit en réalité d'un jeu d'écritures.

L'année dernière, vous aviez inscrit 300 millions de recettes à charge des industriels qui faisaient appel à la recherche appliquée et au CEA. Vous aviez, par ailleurs, pris par écrit l'engagement de compenser le manque à gagner par des crédits budgétaires.

Il y a eu pratiquement 160 millions de manque et l'engagement que vous avez pris n'a pas été respecté.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Non !

M. Franck Borotra.

Vous ne pouvez pas le nier. C'est la vérité, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je vous répondrai.

M. Franck Borotra.

Au bout du compte, ce sont quelque 240 millions de crédits qui vont manquer. Qui plus est vous n'aurez même pas assez des recettes issues des ventes des filiales du CEA pour couvrir les obligations de mise aux normes des laboratoires du CEA.

Je constate que, face à cette situation vous poursuivez l'affaiblissement de la filière nucléaire et vous précarisez le CEA en transférant des charges du CEA vers des entreprises privées. Et vous comptez prochainement, probablement au début de l'année prochaine, présenter un projet de loi sur la transparence. S'il reste en l'état, vous pouvez être sûr que nous nous y opposerons avec la plus grande fermeté.

Un mot sur les Charbonnages de France. Claude Billard en a parlé tout à l'heure et il a eu raison. Le montant d'aides prévu pour 2000, quoique légèrement en baisse, reste à peu près équivalent à celui de 1999 : 5 milliards 340 millions, alors que le déficit net de Charbonnage de France dépasse les 6 milliards... La conséquence, c'est que vous allez encore alourdir un endettement qui atteint déjà 32 milliards de francs, partie des 700 milliards que représente la dette cumulée de l'ensemble des entreprises publiques.

Pouvez-vous en tirer fierté ? Je ne crois pas que vous puissiez en être fier, pas plus que vous n'avez à vous en sentir totalement responsable. Tous les ministres de l'industrie ont présenté des budgets de ce genre. Mais puisque j'appartiens à l'opposition, il est de mon devoir de vous le rappeler.

Votre budget est en fait assez classique ; le problème est qu'il s'appuie sur des structures d'intervention qui ne permettent pas à notre pays de mettre en oeuvre une vraie politique industrielle, et c'est bien là le comble. Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

voilà des pays que l'on dit libéraux, et pourtant, ils disposent de structures autonomes, puissantes, écoutées et de régimes d'aides parmi les plus sophistiqués qui soient, et qui leur donnent les moyens de développer une politique industrielle.

Je me souviens d'avoir entendu le Premier ministre se vanter, au moment où Dominique Strauss-Kahn est parti, de notre politique industrielle en direction des entreprises. J'ai plutôt l'impression d'une politique à la godille, qui joue habilement entre ce qui relève de la conjoncture et ce qui relève de la politique : d'un côté, on a engagé ou poursuivi, avec raison, un cycle important de restructurations et de privatisations, sans cependant pousser la logique à son terme. De l'autre côté, on a contribué à accroître les charges qui pèsent sur les entreprises, malgré l'engagement de la réforme de la taxe professionnelle qui pénalisera du reste nombre d'entreprises industrielles. On a persisté dans la course folle de la fiscalité en imposant de surcroît la réforme archaïque des 35 heures.

On ne peut dire qu'il y ait toujours une convergence spontanée entre Claude Billard et moi,...

M. Claude Billard, rapporteur pour avis pour l'industrie.

Pas toujours ! C'est même assez rare !

M. Franck Borotra.

... mais celui-ci a raison de souligner que le contexte économique est favorable à la création d'emplois. Et pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, force est de constater que la création d'entreprises ne décolle pas, que l'emploi précaire se développe fortement, que le nombre des salariés payés au SMIC s'est accru de plus de 50 % en quatre ans et que les plans sociaux, loin de diminuer en cette période de croissance, se multiplient.

Le Gouvernement n'a pas pris la pleine dimension des évolutions en cours ; il croit pouvoir y répondre par des rodomontades ou de nouvelles contraintes. En faisant ce choix, vous vous trompez, monsieur le secrétaire d'Etat.

Il est toutefois certaines choses à porter au crédit du Gouvernement, en premier lieu le fait d'avoir engagé les restructurations nécessaires.

Dans le cas de Thomson-CSF - on me pardonnera si je couvre parfois des secteurs industriels qui ne relèvent pas directement de votre responsabilité propre -, le Gouvernement est bien sorti des incertitudes qui avaient été créées par son prédécesseur dans le processus de privatisation, et de l'échec, qui pouvait devenir dangereux, du rapprochement avec Marconi. Je le dis avec d'autant plus de sérénité que je n'étais pas d'accord avec la solution retenue à l'époque par le Gouvernement auquel j'appartenais.

M. Jean-Claude Lefort.

Il ne va pas être content, le Borotra ministre !

M. Franck Borotra.

Regardez-nous ! Si vous votiez à chaque fois contre le Gouvernement quand vous êtes en désaccord avec lui, vous ne voteriez pas souvent pour lui !

M. Yves Nicolin.

Vous, au moins, vous êtes franc !

M. Franck Borotra.

L'entrée dans le capital d'Alcatel est un bon choix. Il faut continuer à réduire la participation de l'Etat comme cela a été fait par deux fois, afin d'engager la coopération nécessaire avec EADS et le développement de Thomson en Grande-Bretagne.

Je me réjouis de la même manière de la réussite de Thomson Multimédia et je félicite Thierry Breton et toute son équipe de la stratégie qu'il a mise en oeuvre pour engager la privatisation de TMM. Je m'en félicite d'autant plus que c'est moi-même qui, après l'échec de l'ancienne procédure, avait choisi Thierry Breton pour engager une démarche du même type que celle adoptée par Bull en direction de Thomson Multimédia. Thomson Multimédia a renoué avec les profits, grâce à la clarté de sa stratégie et à la crédibilité de ses dirigeants.

M. Roger Meï.

Il va voter le budget !

M. Franck Borotra.

De la même façon, la sortie d'Alcatel de Framatome était hautement souhaitable. Il conviendra toutefois de rester vigilant sur la valorisation exacte de la participation d'Alcatel qui s'est jusque-là comporté au mieux en actionnaire dormant, parfois en actionnaire hostile à l'égard de Framatome. La restructuration du capital engagé était nécessaire ; malheureusement, elle ne débouche pas sur une réelle perspective industrielle. L'inconvénient majeur en revanche, c'est le risque d'une renationalisation, à nos yeux inacceptable. Le pôle Framat ome-COGEMA-EDF est sans doute une étape transitoire utile ; mais un réel rapprochement industriel, peut-être avec Siemens, et une privatisation sont indispensables pour lever les incertitudes qui pèsent sur le devenir de Framatome.

L'entrée de l'ERAP, enfin, aux côtés de CEA-Industrie, Technip et Totalfina dans COGEMA et l'entrée de COGEMA dans Eramet clarifient une situation qui en avait bien besoin. Il faut aller plus loin en regroupant tous les actifs miniers français dans COGEMA, y compris ceux du BRGM - ce qui permettrait d'éviter un scandale comme celui de Yanacocha - et ouvrir davantage le capital de COGEMA en direction de capitaux privés.

Dans un excellent article du journal Le Monde, Milton Friedman a écrit : « S'il faut privatiser ou élaguer une activité publique, ne cherchez pas un compromis dans une privatisation partielle ou une réduction partielle du contrôle étatique. » Dans pareil domaine, la troisième

voie est en effet sans issue. Il faut continuer à privatiser Air France, France Telecom, à rendre totalement Renault au secteur privé, à engager l'ouverture dans une première étape du capital de Gaz de France.

M. Jean-Claude Lefort.

Seulement ?

M. Franck Borotra.

Malheureusement, à côté de ces quelques points positifs, il y en a d'autres, totalement inacceptables, en premier lieu votre folle politique de la fiscalité des entreprises.

Je ne reviens pas sur la réforme de la taxe professionnelle. Elle pénalisera, je l'ai dit, nombre d'entreprises dans la sidérurgie, la mécanique, le textile...

M. Yves Nicolin.

Très juste !

M. Franck Borotra.

... qui vont même subir des hausses de leurs cotisations en 1999, voire en 2000 et en 2001, en attendant une baisse qui n'interviendra pas avant 2003. Mais en même temps, vous étendez la taxe générale sur les activités polluantes et vous préparez une taxe sur les consommations intermédiaires d'énergie, avec une taxe minimale sur la consommation d'électricité supportée une nouvelle fois par des industries lourdes vulnérables.

Après la suppression de la surtaxe 1997, vous instaurez une taxe sociale sur les bénéfices, une taxe sur les heures supplémentaires, sans parler de la taxe sur le gazole : tout le monde sait pourtant qu'un véhicule de plus de six ans pollue bien plus qu'un véhicule diesel neuf et que le problème de la qualité de l'air serait résolu si tout le parc automobile respectait dès aujourd'hui les normes 2000.

Le problème no 1, c'est l'élimination des véhicules anciens - problème, je le reconnais, à forte composante économique et sociale - et non le niveau des taxes qui ne sont plus pour vous qu'un gisement de recettes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Le deuxième aspect inacceptable à mes yeux, c'est le désintérêt que vous portez aux secteurs traditionnels industriels. Yves Nicolin parlera sûrement de la situation que vous avez créée dans le domaine du textile, de l'habillement, de la chaussure. Non seulement vous avez accablé ce secteur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais le plan que vous avez établi avec

Mme Aubry est un cautère sur une jambe de bois.

Mme Hélène Mignon.

N'importe quoi !

M. François Brottes.

Nous avons réparé vos erreurs !

M. Franck Borotra.

Vous l'avez accablé, dis-je, parce que vous avez stoppé l'extension du dispositif d'abaissement des charges qui aurait permis aux entreprises du textile de se mettre à l'abri des contestations technocratiques de Bruxelles.

Mme Hélène Mignon.

Arrêtez de dire n'importe quoi !

M. Franck Borotra.

N'allez pas nous dire que c'est illégal : il suffisait de le légaliser en l'élargissant. N'est-ce pas du reste ce que vous faites aujourd'hui dans le conflit du boeuf britannique ? Quand des intérêts vitaux sont en cause, on commence par les défendre. Ensuite, on cherche une solution. C'est ce que vous êtes en train de faire pour le boeuf, mais vous n'avez pas su le faire quand il s'agissait du textile ! Mais vous ne vous êtes pas arrêtés là. La deuxième loi Aubry a pour conséquence de remettre en cause l'accord de branche signé et notamment le quota d'heures supplémentaires en cas de modulation du temps de travail et sa contrepartie en termes de rémunération d'heures supplémentaires.

Du coup, après que vous ayez supprimé les allégements de charges, augmenté le SMIC induit, géré un prélèvement sur les heures supplémentaires, il manque au bout du compte deux mille francs sur la base du SMIC de compensation par rapport au dispositif d'allégement des charges.

Encore si le textile était le seul secteur en cause ! Je n'ai malheureusement pas le temps de les évoquer tous et je vois que le président Cochet me fait les gros yeux.

J'aurais pu citer la construction navale, que Bruxelles a abandonnée en rase campagne, à la veille de la fin des aides. Vous souvenez-vous de ce rapport présenté au Conseil des ministres du 9 novembre, qui mettait en évidence la quasi-faillite des constructeurs coréens, et le prêt miraculeux de 57 milliards de dollars du FMI pour les sortir de là ? Quelle a été la réponse du Conseil des ministres de l'Europe ? « Nous n'avons pas voulu lancer une procédure à l'OMC, il faut éviter les menaces, mais faire preuve de fermeté dans le cadre d'un dialogue ouvert. »

Comment croyez-vous que la Corée ait traduit ce message ? « Nous pouvons continuer à exercer notre concurrence en toute déloyauté, l'Europe ne fera rien ! » Enfin, votre immobilisme par rapport au secteur public a atteint, en particulier avec cette affaire de l'électricité, un niveau lui aussi inacceptable. Vous avez fait fort, monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'interview que vous avez donnée au Figaro, publié ce matin. Décidément, vous ne manquez pas d'air !

« Le retard, avez-vous dit, est lié à la concertation qui n'a pas été engagée par votre prédécesseur. » Votre pré-

décesseur, c'était moi !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Absolument !

M. Franck Borotra.

Puis-je me permettre de faire observer que vous oubliez l'incroyable situation dans laquelle mes prédécesseurs à moi, c'est-à-dire vos amis, avaient complètement laissé s'embourber ce dossier depuis sept ans, dont il a bien fallu le sortir ? Vous parlez de concertation. Vous avez donné à M. Dumont, député socialiste, l'occasion de rédiger un remarquable rapport de concertation. Mais qu'en avezvous fait ? A voir la loi qui en est finalement sortie, on se rend compte que, chez vous, la concertation n'est qu'un mot. L'échec de la CMP d'hier montre que le Gouvernement s'en tient à une transcription idéologique de la directive, qui fait courir un gros risque à EDF. Vous avez fait un choix de nature politique, totalement inadapté ; pour vous, l'apparence d'unité de votre majorité est plus importante que les perspectives ouvertes à EDF - au nom de quoi ? De l'intangibilité de la loi de 1946, vieille de 53 ans et qui a davantage sa place à mon avis dans un musée d'antiquités que dans l'environnement industriel du XXIe siècle.

Vous avez pris le risque de retarder l'évolution d'EDF, du secteur électrique et des différentes formes de production. La position de la gauche plurielle s'est exclusivement fondée sur des critères partisans pour donner satisfaction au parti communiste...

M. Jean-Claude Lefort.

Merci !

M. Franck Borotra.

... sans prendre en compte les intérêts de l'Etat ni ceux d'EDF. Cela aura des conséquences très graves : risque d'un recours en manquement de la Commission contre la France, durcissement des services de la Commission vis-à-vis d'EDF...

M. Jean-Claude Lefort.

Bruxelles, au secours !

M. Franck Borotra.

... sans oublier le fait que cela pourra servir de base juridique pour des actions de rétorsion de la part de gouvernements étrangers, au nom du principe de réciprocité.

M. le président.

Je vous invite à conclure, mon cher collègue.

M. Franck Borotra.

A titre d'exemple, l'Italie a inséré une clause de réciprocité dans la transposition de la directive. L'autorité de régulation vient de publier une délibération précisant les conditions d'importation d'électricité pour les clients éligibles sur la base de la réciprocité en Italie ; elle dispose qu'un consommateur italien éligible ne pourra importer d'électricité de France que si le seuil d'éligibilité est identique en France et en Italie. Dans le cas contraire, le seuil d'éligibilité retenu sera celui le plus élevé des deux pays. La directive n'étant pas transposée en France, seuls les consommateurs éligibles italiens supérieurs à 100 gigawattheures pourront s'approvisionner en France, alors que ceux dont les besoins dépassent 30 gigawattheures pourront le faire dans les autres pays. Il semble que votre conseiller ne soit pas au courant ; je lui transmettrai le texte de l'autorité de régulation.

Ce faisant, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez pris une responsabilité majeure, fondée sur des critères partisans, au détriment de la France, d'EDF et des grandes entreprises consommatrices.

Une politique à la godille, vous avais-je dit : je ne crois pas m'être trompé. Le groupe RPR votera contre cette politique et donc contre votre budget.

M. Yves Nicolin et M. Claude Gaillard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

M. Yves Nicolin.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le grand écart finit par faire mal... A force de vouloir donner des gages aux différentes composantes de votre majorité, vous vous retrouvez à vous débattre dans un flou artistique et je vous crois de bonne foi -, tant et si bien que notre pays n'a malheureusement plus de politique industrielle.

Et cela est grave, très grave car bon nombre d'emplois dépendent de notre industrie, qu'il s'agisse de PMI ou de grandes entreprises. Or les unes comme les autres ne savent plus comment elles sont dirigées.

Franck Borotra vient d'évoquer des problèmes que nous connaissons bien tous les deux pour vivre dans des territoires fortement marqués par cette industrie. On compte encore dans ma région, le Rouennais, près de 6 00 entreprises textiles qui représentent environ 8 000 emplois. Et s'il est une chose dont toutes ces entreprises soient sûres, c'est bien que le Gouvernement ne les aide pas, mais qu'il est en train de brader nos activités de main-d'oeuvre au profit d'autres industries.

Mais revenons à votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat. Il convient d'abord de vous en féliciter, car il mérite à coup sûr de se voir décerner une palme, la palme de l'anachronisme... C'est bel et bien un budget tourné vers le passé que vous nous présentez. Alors qu'EDF et GDF doivent s'adapter à la concurrence, que les énergies vont être mises en concurrence, que les secteurs du pétrole et du gaz sont touchés par de multiples fusions, que nombre de PMI sont soumises à une concurrence internationale intense, vous nous proposez une planification dépassée de l'industrie.

Votre politique est à l'image de ce qui reste du ministère de l'industrie : inexistante. Phagocyté par le ministère de l'économie et des finances, votre secrétariat d'Etat n'est plus que l'ombre de ce que fut le ministère de l'industrie, victime d'un changement de périmètre, pour reprendre l'euphémisme usuel... La plus grande partie des crédits de personnel, de fonctionnement et d'équipement administratifs ont été transférés vers les services financiers du ministère de l'économie. On pourrait croire qu'il s'agit d'employer moins de fonctionnaires - ce qui, en tant que libéral, me ferait plutôt plaisir -, mais il n'en est rien, puisque les crédits de personnel sont simplement transférés. Vrais transferts budgétaires et fausse réduction des effectifs : le secrétariat d'Etat à l'industrie est devenu un ministère fantôme, entièrement mis sous tutelle.

Que vous proposez-vous donc d'accomplir avec les 16,5 milliards de francs des crédits de votre secrétariat d'Etat ? Un saupoudrage de subventions à des organismes de reconversion industrielle, mais est-ce vraiment une politique ? des subventions à l'innovation, mais pour la plupart absorbées par l'ANVAR qui ne dépense même pas tout ; toujours la mauvaise gestion du secteur public, avec la recapitalisation d'année en année de Charbonnages de France notamment ; une politique énergétique toujours étatisée, dont la mise aux normes européennes reste largement insuffisante. C'est donc un budget entièrement tourné vers le secteur public et très peu ouvert aux entreprises privées, à l'innovation, aux industries de main-d'oeuvre et aux nouvelles technologies.

Certes, par souci de communication et pour paraître un peu moderne, vous évoquez, monsieur le secrétaire d'Etat, la « nouvelle économie ». Mais quelle aide votre budget peut-il accorder aux industries qui développent de nouvelles technologies quand, sur 16,5 milliards de francs, vous ne leur consacrez que 1,8 milliard de francs, soit 11 % de vos dotations ? Si l'on examine ces crédits d'un peu plus près, on se rend compte que près de 800 millions de francs sont absordés par l'ANVAR. Or non seulement l'Agence n ationale pour la valorisation de la recherche ne consomme pas tous les crédits dont elle est dotée, mais elle a pris l'habitude de les attribuer aux grandes entreprises industrielles nationales comme SGS Thomson, Matra ou Alcatel.

Il est évidemment naturel d'aider les dépenses de recherche des grandes entreprises industrielles, mais vous finissez par ne subventionner que les secteurs très liés à la puissance publique : les transports et l'armement. Cette politique, qui ressemble à celle des « champions nationaux » pratiquée dans les années 80, n'a plus aucun rapport avec la nouvelle économie. Les nouvelles technologies touchent à Internet, aux télécommunications, aux biotechnologies et sont davantage développées par de petites structures que par les grandes entreprises.

Par ailleurs, le financement de l'innovation pèche en France par de nombreux aspects. Le Conseil d'analyse économique de Matignon avait, en 1998, dans son rapport Innovation et croissance , souligné les trois grandes faiblesses du système d'innovation français.

Premièrement, celui-ci est marqué par une confusion intellectuelle entre recherche et innovation. En effet, alors que la recherche concerne le scientifique, l'innovation concerne l'entrepreneur. Résultat, la France souffre d'une pénurie de brevets. En 1999, elle en a déposé sept fois moins que la moyenne européenne, quinze fois moins que les Etats-Unis.

Autre faiblesse : le quasi-monopole public du financement de l'innovation. L'ANVAR y occupe une bonne place, dans une politique tout en agréments et subventions. La faiblesse congénitale des financements privés, via notamment le capital-risque, est préoccupante. Et de cela, il n'est pas question. Il en résulte qu'à défaut de financements privés suffisants, la France risque de rater le train des nouvelles technologies.

Vous affirmez ensuite, monsieur le secrétaire d'Etat, que « la politique industrielle ne doit plus être un instrument de gestion directe par l'Etat du secteur productif mais qu'elle doit désormais offrir aux entreprises un cadre favorable à leur développement ». Excellente intention, mais elle n'est pas du tout suivie d'effets. Comment pouvez-vous affirmer que vous offrez un cadre au développement des entreprises industrielles, quand vous allez faire appliquer les heures ? De nombreuses entreprises seront ainsi touchées de plein fouet par la désorganisation interne et les coûts de gestion supplémentaires qu'une telle loi occasionnera. Vous le savez, mais vous ne voulez pas le dire.

Je crois surtout qu'il convient de distinguer les entreprises qui sont soumises à la concurrence internationale et celles qui ne le sont pas. Mettre en application les 35 heures dans les grandes entreprises publiques comme EDF ou GDF ne pose pas beaucoup de problèmes. Disposant d'un monopole public, à peine égratigné par le projet de loi sur l'électricité, elles sont à l'abri de la concurrence internationale et peuvent tenir le choc d'une augmentation de leurs coûts. En revanche, pour une entreprise soumise à la concurrence internationale, voir ses coûts salariaux augmenter, c'est perdre des parts de marché. Alors que pour de grandes entreprises publiques à l'abri de la concurrence, la compétitivité est une notion assez lointaine, pour les autres entreprises industrielles, c'est une réalité de chaque instant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Par ailleurs, votre budget reste complètement muet sur certains secteurs en difficulté, notamment les industries de main-d'oeuvre.

L'exemple de l'industrie du textile-habillement est plus q ue significatif. Deuxième secteur de main-d'oeuvre derrière l'automobile - on l'oublie un peu trop souvent d ans notre pays -, le textile perd chaque mois 1 500 emplois - qui s'en préoccupe ? - sans qu'aucune mesure sectorielle ne soit envisagée pour le soutenir. Ce n'est pas leur accorder un léger avantage par rapport aux autres entreprises dans le cadre de l'application des 35 heures qui pourra aider les entreprises textiles dans l'avenir. En réalité, vous ne faites rien pour résoudre les problèmes qu'elles connaissent aujourd'hui. Fragilisé par la guerre des prix, supportant un coût du travail trop élevé par rapport aux Etats à bas salaires, le secteur du textile ne peut décemment pas résister à la libéralisation du commerce mondial.

Il y avait bien eu, en son temps, le plan Borotra, mais depuis, les choses n'ont pas seulement stagné, elles ont reculé.

Cette inertie en face de secteurs pourvoyeurs de nombreux emplois révèle un budget autocentré sur les problèmes du secteur public. Loin d'initier une quelconque novation, votre budget reconduit les crédits d'année en année.

Sur les grands sujets qui touchent l'industrie de notre pays - je pense à l'avenir du service public de l'électricité, et à celui du nucléaire - vous êtes complètement muet aussi.

On ne peut plus se contenter d'une planification stratégique qui date des années 50. L'Europe nous impose des adaptations. Dernier pays de l'Union européenne à transposer la directive électricité, nous le faisons a minima et nous ne respecterons pas les délais de transposition parce que les communistes qui composent votre majorité ont délibérément fait échouer hier la CMP sur le texte.

Les autorités de Bruxelles ont d'ailleurs d'ores et déjà annoncé qu'elles lanceront le 24 novembre la procédure d'infraction contre Paris. Quelle admiration j'ai pour vous, de faire partie d'un Gouvernement qui a maille à partir avec une majorité toujours aussi plurielle ! Dans l'optique du projet de loi de modernisation du service public de l'électricité, il est même très étonnant que le projet de loi de finances ne prévoie pas de crédits pour assurer le fonctionnement de la commission de régulation de l'électricité, prévue par le texte. Comment interpréter cette carence : simple oubli ou mauvaise volonté délibérée ? On peut donc se demander si la « mise aux normes » européenne du secteur de l'énergie laisse encore une place pour une politique de l'énergie étatisée.

Vous avez annoncé hier que, pour la transposition de la directive européenne sur le gaz, « la France se devait d'être exemplaire ». Cela signifie-t-il que vous vous rangez sans état d'âme à la mise en concurrence du secteur public, alors que vos alliés communistes continuent toujours à confondre service public et monopole public ? M. Franck Borotra. Non ! Il a voulu dire que nous n'étions pas exemplaire sur l'électricité ! Nous allons nous rattraper sur le gaz ! (Sourires.)

M. Yves Nicolin.

Le sort de GDF sera même exemplaire : cette entreprise publique devra opérer une mutation ultra-rapide en passant du monopole public à la concurrence, aux fusions, au marché. En effet, avec seulement 60 milliards de francs de chiffre d'affaires, GDF pèse peu de chose face au géant Totalfina Elf, qui représente 200 milliards de francs.

Autre contradiction de votre majorité plurielle : le projet de loi de votre collègue Dominique Voynet, qui, à l'instar de ses amis Verts allemands, tente d'instaurer un démantèlement du nucléaire.

A l'entrée dans le nouveau millénaire, la question du nucléaire est donc d'une actualité pressante. Nos voisins allemands, autres grands fabricants de centrales nucléaires, ont décidé la fermeture de dix-neuf centrales nucléaires, et ont annoncé la sortie complète de l'énergie nucléaire d'ici à 2016. Le principal constructeur de centrales nucléaires en France, Framatome, se reconvertit sur d'autres marchés, en laissant de côté les commandes de centrales.

N'est-il pas difficile, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir à gérer au jour le jour les problèmes du nucléaire alors que votre collègue ne souhaite que voir disparaître cette source d'énergie ? Quelle politique comptez-vous développer pour le nucléaire dans de telles conditions ? Enfin, je tiens à mettre en lumière les conséquences extrêmement négatives de la taxe générale sur les activités polluantes en 2001 sur les entreprises industrielles, et particulièrement sur les entreprises pétrolières.

Avec l'extension cette annnée de la TAGP au prélèvement sur l'eau dans le cadre du projet de loi de finances, aux lessives, aux produits phytosanitaires et aux granulats dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre écotaxe nationale devrait rapporter 4 milliards de francs en 2000. Mais faites le compte : p uisque la TGAP est affectée au financement des 35 heures, il reste à trouver entre 8 et 9 milliards de francs pour surmonter la montée en puissance de l'allégement des charges sociales. C'est Martine Aubry qui l'a annoncé : la TGAP doit rapporter entre 12 et 13 milliards de francs en 2003. Son assiette sera donc élargie à l'énergie et à l'émission de CO 2 dans l'atmosphère. L'élargissement de l'assiette et la montée en puissance de cette taxe va fortement pénaliser de nombreux secteurs industriels : chimie, sidérurgie, cimenterie, ce qui pourrait se traduire p ar de nombreuses délocalisations d'entreprises, qui constituent un mal bien français.

Au lieu de limiter autant que possible les effets pervers et contre-productifs de cette taxe, le Gouvernement tente de nous faire croire qu'une écotaxe finançant des allégements de charges sociales génère un « double dividende ».

Le premier est évident, il s'agit du dividende écologique, c'est-à-dire qu'en taxant le pollueur on aboutit à moins de pollution. Le deuxième serait un dividende social. En appliquant le principe du pollueur-payeur, mais en partic ipant au financement d'un allègement de charges sociales, la TGAP permettrait de créer des emplois.

C ette logique du double dividende est pourtant absurde, car cela revient à dire qu'il faut polluer plus pour créer des emplois. Ce qui prouve bien que la fiscalité écologique, c'est plus d'impôts mais pas d'écologie.

Ainsi, avec 16,5 milliards de francs, le budget de l'industrie représente moins de 1 % des dépenses de budget général. Plus que de subventions sectorielles qui profitent à certaines entreprises publiques structurellement déficitaires, c'est de mesures générales et fortes en direction de l'innovation et des industries de main-d'oeuvre dont l'industrie française a besoin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Budget déstructuré, puisque la politique industrielle touche en réalité trois secrétariats d'Etat et deux ministères différents, anachronique et doté de faibles moyens, ce budget n'est pas à la mesure des enjeux majeurs que notre industrie connaîtra en 2000.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indép endants ne votera pas les crédits de l'industrie pour 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale, du groupe du Rassemblement pour la République et de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec ce projet de budget pour 2000, nous arrivons à la fin du processus de regroupement des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en une section unique « économie, finances et industrie ». C'est un profond changement comptable pour ceux qui suivent depuis longtemps ce budget, mais aussi la confirmation du « pôle économicoindustriel », avec les avantages mais aussi les limites que cela peut comporter. Je souhaitais le souligner.

L'ancienne section « industrie » à laquelle nous nous référions est donc fondue dans une section unique, et les dépenses du secrétariat d'Etat à l'industrie sont regroupées en quatre agrégats : innovation et recherche industrielle, modernisation des entreprises, mutations industrielles, indépendance énergétique et diversification des sources d'énergie. La mise en place de ces agrégats s'accompagne de la création d'un « tableau de bord » permettant leur suivi à travers un ensemble d'indicateurs d'exécution et de consommation.

Le budget de l'industrie s'élèvera à un peu plus de 15 milliards de francs, en augmentation de 2,3 % par rapport à 1999, à périmètre constant. L'exercice 2000 enregistrera la rebudgétisation de 745 millions de francs : 498 millions de francs sont des crédits d'étude de la direction de la sécurité des installations nucléaires - la DSIN - et 247 millions de francs résultent de la suppression de l'allégement des taxes parafiscales versées par certains secteurs professionnels pour le financement de leurs centres techniques industriels. Il faut saluer cette réforme qui était attendue et qui sera poursuivie en 2001, en accord avec les professions concernées.

Le projet de budget, s'articule autour de quatre orientations principales qui recoupent les agrégats de comptabilité : l'innovation et la recherche industrielle, le soutien à la modernisation des entreprises, l'accompagnement des mutations industrielles, la consolidation de l'indépendance énergétique française et la diversification des sources d'énergie.

L'innovation et la recherche industrielle, tout d'abord, bénéficient de 2,85 milliards de francs, hors dotation au CEA. L'un de ses principaux axes est le soutien de la recherche industrielle. Dans ce cadre, les crédits d'interv ention progressent en autorisations de programme de 1 %.

Les actions en matière de technologies de l'information et de la communication restent une priorité, principalement à travers l'appel à propositions sur la « société de l'information », le réseau national de recherches en télécommunications et les programmes européens tels que MEDEA ou ITEA. En 2000, les programmes nationaux mettront l'accent sur l'expérimentation de nouvelles technologies de réseaux et de services : préparation de l'Internet de la nouvelle génération.

S'agissant des autres technologies clés, les appels à propositions lancés en 1999 - productique, après-séquençage génomique - développeront aussi en 2000 leurs effets.

Ces appels à propositions porteront également sur la participation du ministère aux nouveaux réseaux de développement technologique progressivement mis en place en liaison avec le ministère de la recherche.

Les dotations de l'ANVAR sont stabilisées à leur niveau de 1999 : 800 millions en autorisations de programmes.

La deuxième priorité est l'accompagnement de la modernisation des entreprises. Cette action emprunte cinq canaux.

Tout d'abord, la poursuite de la reconquête de l'emploi à travers les PME. Dans ce domaine, le soutien aux projets de développement des PMI progresse de 7 % en crédits de paiement. La majeure partie de ces crédits figurera au nouveau contrat de plan Etat-régions 20002006, dans les volets concernant les investissements immatériels, la diffusion des technologies et le recours aux nouveaux instruments d'information et de communication.

Deuxième levier auquel je sais que vous tenez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'accentuation des actions en faveur de la qualité, et notamment la métrologie. Dans ce domaine, les chapitres « normes-qualité » progressent de 7 % en autorisations de programmes. Cette progression est renforcée par certains redéploiements.

Enfin, en application du programme gouvernemental d'action dans le domaine de la métrologie adopté à la fin de 1998, le GIP « bureau national de la métrologie » connaît une nouvelle progression spectaculaire de ses moyens de 14 % en autorisations de programmes et de 18 % en crédits de paiement.

Troisième levier : l'enseignement et la formation. Le secrétariat à l'industrie est le tuteur des écoles du réseau consulaire, des écoles des mines et du groupe des écoles de télécommunications. Il assure donc une mission d'enseignement et de formation à part entière en s'efforçant de respecter les attentes des entreprises à travers les coopérations entre écoles et industrie.

Dans le cadre de cette mission, vous avez proposé à l'ensemble des écoles d'adhérer à une charte de qualité.

Le budget futur prévoit une sensible progression des crédits aux écoles.

Quatrième levier de la modernisation de l'industrie : l'exercice des missions de régulation. Un projet de loi nous conduira prochainement à nous pencher sur les nouvelles régulations économiques. Ce budget y prend sa part. L'autorité de régulation des télécommunications bénéficie de créations d'emplois et d'une progression de crédits.

Les services publics tels que La Poste apportent leur contribution à la modernisation industrielles dans le cadre régissant les relations financières entre l'Etat et La Poste.

La troisième grande orientation de ce budget est l'accompagnement des mutations industrielles. Une large part des moyens correspondants figure au budget : ces crédits sont consolidés à leur niveau de 1999. Je ne m'étendrai pas sur ce point, notre collègue Jean-Pierre Kucheida y reviendra en détail.

La dernière priorité de ce budget est aussi celle qui nous projette sur l'actualité la plus immédiate. Il s'agit de la mise en oeuvre de la politique énergétique, déjà évoquée par certaines interventions. Dans la ligne des engagements du comité interministériel sur les questions éner-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

gétiques de février 1998 en vue d'un financement pérenne du soutien aux énergies renouvelables, l'ADEME bénéficie dans ce budget d'une subvention stabilisée, de 242 millions de francs consolidant la très forte hausse intervenue en 1999. Cette dotation s'accompagne d'une réorganisation de l'agence, qui est dotée d'un plan d'entreprise et d'orientation stratégiques.

Point supplémentaire dans le budget, une dotation particulière est provisionnée pour l'IPSN, la nouvelle organisation du contrôle de la sûreté nucléaire dont nous aurons à débattre au cours de l'année qui vient.

Je terminerai d'ailleurs mon intervention sur l'énergie.

Certains orateurs ont dramatisé à l'excès la volonté affirmée par l'Assemblée nationale, au cours de la CMP d'hier sur la loi électricité, de débattre plus avant sur ce sujet. Le délai ne sera que de quelques semaines : il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! D'autant qu'il y a quelques années déjà que nous réfléchissons à ce projet de loi.

Enfin, sur l'énergie, grand dossier politique s'il en est, je voudrais vous exposer ma conception profonde de l'intérêt supérieur de notre pays, qui dépasse les clivages politiques. Nous devrons faire des choix énergétiques dans l'année qui vient. Cela ne saurait se faire à coup de slogans fantaisistes mais à partir d'analyses économiques.

Il faut se rendre à l'évidence : le baril de pétrole, qui formait la base de nos discussions de l'an dernier, est aujourd'hui à 25 dollars, évolution considérable qui ne peut que renforcer la thèse de la nécessaire indépendance énergétique. Nous ne pouvons pas jongler avec cela, et nous devons trouver des réponses. Certaines sont expérimentales, au nombre desquelles les énergies renouvelables.

Elles ne sauraient sérieusement être considérées comme une alternative à l'énergie nucléaire pour l'avenir.

Une autre solution existe : c'est le gaz. C'est, je l'ai dit à plusieurs reprises à cette tribune, la seule alternative sérieuse à l'énergie nucléaire...

M. Franck Borotra.

Vous auriez dû commencer par là !

M. Christian Bataille.

... mais, qu'on le veuille ou non, elle reste liée au cours du baril de pétrole à 25 dollars, même si elle en a un peu décroché.

L'enjeu est donc bien l'indépendance énergétique du pays.

Il nous faut donc avoir une approche scientifique, essayer de déterminer quelle est l'énergie la plus moderne, celle qui peut répondre aux enjeux de demain. Je crois comprendre, aux déclarations du gouvernement allemand - mais peut-être le chancelier Schrder, qui doit bientôt venir dans cette enceinte, nous en dira-t-il davangage -, que ni le lignite ni le charbon ne sont une réponse possible. Mais il nous faut également une approche écologique, prenant en compte l'effet de serre, et une approche économique.

Le Gouvernement a déjà apporté des réponses précises et concrètes à certains problèmes, mais d'autres subsistent.

M. le président.

Je vous incite à conclure, monsieur Bataille.

M. Christian Bataille.

Je conclus, monsieur le président.

Qu'en est-il du passage au MOX de tranches supplémentaires ? De l'avancée des recherches sur l'EPR et sur sa concrétisation ? Des recherches sur le stockage éventuel des déchets nucléaires ? S'agissant de cette dernière question, des recherches sur l'argile ont apporté un élément de réponse. Mais qu'en est-il de celles sur le granit ? Ces recherches ne doivent pas être effectuées uniquement dans un but géologique, même si nous savons que M. le ministre de la recherche y tient beaucoup. Sur tous ces points, nous attendons des réponses industrielles.

Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que nous attendons de vous. Je suis persuadé que les réponses apportées à toutes ces questions et l'action de votre secrétaire d'Etat permettront à l'Etat de continuer à jouer un rôle essentiel sur ces problèmes fondamentaux et d'avoir une vision à long terme. Car ne s'en tenir qu'à la conjoncture et à l'éphémère constituerait une faute politique. Je suis convaincu que les choix planificateurs que le Gouvernement et vous-même avez réaffirmés à plusieurs reprises finiront par l'emporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de reprendre là où M. Bataille a terminé, c'est-à-dire sur la politique énergétique, je tiens à saluer deux de vos qualités : la première, c'est que vous êtes un homme d'entreprise, ce qui n'est pas si fréquent dans vos rangs, et la seconde, c'est que vous êtes loyal à votre camp. Toutefois, il me semble que ces deux qualités sont difficiles à concilier à la place qui est la vôtre.

Votre budget représente 1 % du budget global de la France, soit à peu près l'équivalent de ce que l'Etat va consacrer aux contrats de plan Etat-régions. C'est tout un symbole ! Mais nous avons déjà eu ce débat dans la région qui nous est commune : la Lorraine. Cela dit, je n'attache pas d'importance à ce chiffre car je fais partie de ceux qui souhaitent que la dépense publique soit mieux maîtrisée. Or on ne peut pas, d'un côté, souhaiter une meilleure maîtrise de la dépense publique et, de l'autre, juger un ministre en fonction de sa capacité à dépenser toujours plus.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis, et

M. Jacques Guyard.

Très bien !

M. Claude Gaillard.

Je ne m'attarderai donc pas sur ce sujet, et aborderai maintenant les différents points de mon intervention.

J'examinerai d'abord la politique énergétique. Celle-ci se situe en amont de l'ensemble du processus économique et influe sur le développement de notre tissu industriel et sur l'emploi. Or ce qui vient de se passer lors de la CMP sur le texte concernant la transposition de la directive

« Electricité » - M. Bataille et d'autres orateurs en ont parlé - est révélateur de ce que j'appellerai la faiblesse structurelle du gouvernement pluriel.

Etant donné que la cohésion de ce gouvernement lui impose de faire régulièrement le grand écart, cela lui interdit de définir une véritable politique énergétique.

Ainsi, l'impossible accord sur le nucléaire a des effets sur la transposition de la directive « Electricité » : il est en train d'engendrer un loi inadaptée et pénalisante, d'affaiblir considérablement EDF dans son développement et pire - dans son image, d'isoler de nouveau la France en Europe. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter les éditorialistes parler de ce dossier.

Franck Borotra nous a indiqué quelle était la position des Italiens à ce sujet. Celle des Espagnols est également claire : votre collègue espagnol, monsieur le secrétaire d'Etat, a indiqué que l'Espagne retirerait à EDF la licence lui permettant de vendre de l'électricité en Espagne, si nous ne libéralisons pas notre marché d'ici à un mois.

Autrement dit, au lieu de profiter du savoir-faire des hommes d'EDF, de la puissance financière et des références de cette société, de s'ouvrir sur l'extérieur et d'atta-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

quer franchement le marché, nous allons avancer à petits pas, en donnant l'impression que nous avons peur, et nous mettre nos amis européens à dos. Or s'il y a un dossier sur lequel nous pourrions y aller franchement, c'est bien celui-là. Une telle attitude évoque un repli sur soi. Drôle d'ambition ! S'il en allait de même pour le gaz, ce serait dramatique.

De surcroît, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas le projet de loi sur la transparence que vous préparez en commun avec Mme Voynet, et dont l'objectif serait plus ou moins le démantèlement du nucléaire, qui va arranger les choses.

Tant que le Gouvernement ne parviendra pas à trouver un accord sur la politique énergétique et sur le nucléaire, tout le reste sera fragilisé. L'image que nous donnons de nous m'apparaît de plus en plus catastrophique, et ce à un moment où nous aurions les moyens et la possibilité d'en renvoyer une autre totalement différente.

M. Franck Borotra et M. Yves Nicolin.

Très juste !

M. Claude Gaillard.

Pendant ce temps, l'évolution suit son cours : les pétroliers fusionnent avec succès, à l'inverse des groupes bancaires ; les offres de services aux entreprises changent de nature et prennent de plus en plus la forme d'offres globales prix-services ; les technologies évoluent ; le développement de la cogénération c'est heureux, mais c'est encore insuffisant - modifie progressivement la donne. Mais deux de nos entreprises ne savent pas exactement quel sort leur sera réservé et se trouvent donc pénalisées dans leur réflexion stratégique.

Cela est grave. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que le gouvernement auquel vous appartenez - et je ne doute pas de votre volonté professionnelle - finisse par prendre une décision.

Enfin, toujours dans le domaine de la politique énergétique, je n'ai pas bien distingué dans le projet de budget les crédits destinés à la maîtrise de l'énergie et au dév eloppement des énergies renouvelables. Nous devons toujours avoir en tête les efforts qui s'imposent en matière de maîtrise de l'énergie.

Le deuxième volet de ma courte intervention concernera la recherche, l'innovation et le transfert de technologie.

En ce qui concerne le CEA, nous partageons les légitimes inquiétudes du rapporteur Claude Billard, en particulier pour ce qui est du manque de lisibilité de cette structure. Il ne faut pas trop jouer avec ce type de structure « pointue » et avec ses personnels compétents.

S'agissant des crédits de recherche, qui sont surtout utilisés par les grandes entreprises, il y aurait, me dit-on une sous-consomation évidente. Est-ce vrai, monsieur le secrétaire d'Etat ? Si c'est le cas, comment cela peut-il s'expliquer ? Le partage entre trois ministères des secteurs de l'innovation technologique, de l'industrie, de la recherche et des PME complique les choses. J'étais totalement opposé à la création d'un grand ministère à Bercy, mais je me disais que si tout était placé sous l'autorité de Bercy, nous parviendrons peut-être à avoir une cohérence globale de l'ensemble des actions, celles-ci s'imbriquant les unes dans les autres, qu'il s'agisse d'innovation, de recherche, de transfert, de financement, de fonds d'amorçage, de garantie SOFARIS. On a l'impression qu'après avoir rassemblé, on a par la suite saucissonné, le ministre Allègre récupérant un certain nombre de choses, ce qui, à mon avis, complique non seulement la lecture que l'on peut faire de l'action conduite - ce qui n'est pas encore trop grave mais peut-être aussi l'efficacité de celle-ci.

Pour ce qui est des nouvelles technologies, elles participent à hauteur de 15 % du PIB pour la France, contre 50 % aux Etats-Unis. Comment pourrait-on modifier les actions que nous conduisons pour permettre à l'innovation, au transfert et au développement des nouvelles technologies d'être plus opérants et plus efficaces ? Lorsque je vous écoute, monsieur le secrétaie d'Etat, j'ai le sentiment que vous avez, comme moi, la volonté de développer ces technologies nouvelles et d'en assurer le transfert. Pourtant, il vous manque toujours un maillon : ou l'effort n'est pas suffisant ; ou il manque les fonds propres, ou les fonds d'amorçage, ou les garanties ; ou les procédures sont trop longues. Mais comment pourriezvous trouver, dans le contexte de Bercy, la réponse permettant à la France d'être efficace en cette matière et d'être à la hauteur des autres pays ? On voit bien qu'il y a beaucoup moins de start up en France qu'ailleurs.

De surcroît, quand des étudiants français vont poursuivre leurs études aux Etats-Unis, ils ont tendance à y rester. Mais quand, nous, nous ouvrons une université pour accueillir des étudiants étrangers, comme c'est le cas avec Goergia Tech en Lorraine, on a du mal à les attirer.

Il serait peut-être intéressant d'essayer de comprendre les raisons de ce dysfonctionnement pour y remédier.

Aujourd'hui, l'intelligence économique devient un axe majeur dans le cadre de la définition d'une politique industrielle. Il faut disposer de l'information nécessaire au bon moment, afin d'en faire un usage offensif. Je n'ai pas décelé dans le budget l'importance que vous souhaitiez accorder à ce concept. Quels efforts comptez-vous faire pour qu'il se développe ? S'agissant des fonds de reconversion et des fonds de restructuration, ils seraient, semble-t-il, à hauteur des besoins. Si c'est le cas, je vous en remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.

Je terminerai en évoquant deux sujets.

Le premier concerne les fonds de pension. Un grand entrepreneur, le président de l'entreprise Suez-Lyonnaise des Eaux, a expliqué qu'il avait dû, pour rassurer les représentants des fonds de pension américains, « plancher » devant eux, d'une part, pour leur expliquer les raisons justifiant les acquisitions qu'il avait faites en afin de fusionner les numéros un, trois et cinq mondiaux du conditionnement de l'eau, et, d'autre part, pour exposer sa stratégie sur dix ou vingt ans. Mais a-t-il, en France, la possibilité d'engager le même type de réflexion à long terme, sur dix, quinze ou vingt ans pour asseoir sa stratégie industrielle ? Ne serait-il pas possible de faire évoluer la réflexion sur les fonds de pension pour que ce type d'exercice ait lieu devant des représentants de fonds de pension de notre pays plutôt que devant ceux de fonds de pension nord-américains ?

M. Franck Borotra.

C'est vrai !

M. Claude Gaillard.

Je tiens à saluer les efforts faits en matière de métrologie et de normalisation, ils m'apparaissent déterminants.

J'en viens au TGAP. Les prélèvements opérés sur les consommations intermédiaires d'énergie vont rapporter près de 8 milliards. Je crains que les effets négatifs d'une t elle disposition soient assez considérables, d'autant qu'elle va frapper des entreprises qui travaillent beaucoup pour diminuer les gaz à effet de serre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Quand je vois que le rapport entre le coût de la baisse des charges sur les entreprises pour passer aux 35 heures et ce qu'elles vont devoir payer au titre de la TGAP est de un à quinze, il y a là une logique elle est sans aucun doute de gauche - qui m'échappe. On diminue les charges des entreprises pour les aider à passer aux 35 heures, mais pour combler le manque à gagner qui en résulte, on leur reprend de l'argent ! On prend d'un côté et on le redonne de l'autre ! J'ai l'impression qu'on est en train de mettre en place un système très compliqué dont l'efficacité m'échappe.

Je partage ce qui a été dit sur La Poste.

Quant aux télécommunications, pour lesquelles j'ai aussi un intérêt tout particulier, j'aimerais savoir s'il est vrai que le prix de la communication locale en France figure parmi les plus élevés au monde, ce qui constituerait un frein au développement d'Internet.

Pour toutes ces raisons, l'UDF ne votera pas votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat. Il ne peut pas être solidaire d'un gouvernement dont il désapprouve la politique.

M. Franck Borotra et M. Yves Nicolin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis trois années, votre budget marque une rupture avec les reculs enregistrés auparavant.

Cependant, et malgré la hausse enregistrée 16,6 milliards dont 12,9 milliards consacrés à l'industrie -, ce budget ne permet d'affirmer qu'une ambition modeste, très éloignée de ce qui serait à notre sens nécessaire pour mener une politique résolument volontariste et réellement capable d'infléchir les logiques dominantes, et d'inverser fondamentalement ce mouvement de désindustrialisation engagé depuis plus de deux décennies.

Certes, en 1998, l'industrie a vu le nombre de ses emplois permanents progresser, pour atteindre 3,3 millions d e postes de travail, soit un accroissement de 18 000 postes, retrouvant ainsi le niveau de 1996. Quant à l'application des 35 heures, elle devrait jouer de façon significative en 2000.

Mais les plans sociaux, même s'ils sont moins nombreux, n'ont pas disparu, entraînant des conséquences dramatiques pour des dizaines de milliers de salariés : 250 000 salariés ont été concernés par des plans en 1998.

Cette situation souligne l'urgente nécessité de prendre des dispositions législatives pour obliger à rechercher toutes les solutions alternatives aux licenciements, pour contrôler et pour pénaliser le recours abusif à l'emploi précaire.

Ces évolutions sociales et économiques conduisent à s'interroger sur la politique industrielle mise en oeuvre en France et en Europe. Si tous les pays développés, en particulier européens, connaissent des évolutions similaires, nous n'en tirons pas pour autant la conclusion qu'il s'agit là des conséquences de la mondialisation ou de l'entrée dans une société post-industrielle. Nous affirmons au contraire que l'industrie, dans sa réalité la plus contemporaine, demeure le socle de notre économie.

La santé globale de notre industrie s'est améliorée dans la toute dernière période, mais la reprise de l'investissement ne peut occulter le handicap que constitue le retard pris dans les années antérieures dans nombre de secteurs.

Ce budget, compte tenu de ses moyens limités, ne permettra pas une vraie stratégie économique et industrielle.

Lors de votre audition en commission, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez précisé les intentions de votre département en expliquant que la politique industrielle n'est plus un instrument de gestion directe par l'Etat du secteur productif mais qu'elle doit assurer aux entreprises un cadre favorable à leur développement.

Je déplore que les Etats assistent avec résignation à ce phénomène de désindustrialisation. Or loin de corriger cette tendance, le budget de l'industrie ne fait que l'accompagner.

Des réflexions nouvelles mériteraient d'être engagées sur le rôle des entreprises publiques dans la construction d'une nouvelle mixité favorisant une autre conception de l'efficacité économique et sociale.

L'Etat, par les participations qu'il continue à détenir dans nombre de grands groupes industriels, a la capacité de peser sur les choix de gestion de ceux-ci. Je reviendrai sur ce sujet, pour évoquer le cas précis d'EDF dans le secteur énergétique.

Aujourd'hui, le marché a toute latitude pour étendre sa loi. Au nom du libéralisme, on assiste à une attaque frontale des services publics que les Etats sacrifient au mépris de l'intérêt collectif.

Nous sommes dans l'ère des mégafusions. Aucun secteur de notre industrie n'est épargné : la pétrochimie, la construction automobile, l'équipement industriel, l'aluminium, le secteur pharmaceutique pour n'en citer que quelques-uns. Ces mégafusions répondent à une logique financière qui vise à optimiser les coûts de production et à contenter les principaux actionnaires au détriment de l'emploi.

Que dire de l'alliance entre Nissan et Renault qui s'inscrit dans une logique de guerre économique en Europe ? C'est une option à hauts risques pour le tissu industriel et l'emploi. Renault sera en effet dans l'obligation de trouver de nouveaux produits financiers pour faire face aux charges financières liées à l'endettement ainsi contracté, avec le risque de nouvelles cessions d'actifs ou de transferts accrus vers la sous-traitance. Le désengagement total de Comeau, filiale commune avec Fiat dans la robotique, n'en est-il pas la première illustration ? Comment ne pas s'interroger sur l'avenir de Renault Véhicules Industriels, alors que les décisions concernant Nissan Diesel sont tenues secrètes ? Pourtant, d'autres solutions existent : il est nécessaire de mettre en place un mode de financement alternatif permettant la baisse des charges financières des entreprises en contrepartie d'un développement réel de l'emploi.

Une politique industrielle ambitieuse doit pouvoir prendre appui sur ce levier indispensable que pourraient constituer des crédits bonifiés sélectifs, incitant les entreprises à préférer aux placements financiers l'emploi qualifié, la recherche, les dépenses de formation.

C'est dans cette perspective que nous revendiquons la mobilisation sur des bases nouvelles du service public de l'épargne et du crédit et la mise en oeuvre rapide de fonds régionaux de coopération pour le développement et l'emploi.

Permettez-moi d'évoquer plus précisément la répartition des crédits soumis à notre examen, les aspects positifs, mais aussi ceux qui suscitent interrogations et inquiétudes.

Avec un budget en progression de 2,3 % - 1,9 % si l'on ne prend pas en compte les crédits consacrés à la communication -, nous constatons que les moyens accordés à votre ministère augmentent plus que la moyenne du budget général.


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Ainsi, nous sommes satisfaits de l'effort en faveur du soutien à la recherche industrielle et à la diffusion de l'innovation technologique, et de l'importance des crédits consacrés à ce pôle, même s'ils ont tendance à s'éroder, puisqu'ils sont en baisse de 0,7 %.

La progression de la dotation budgétaire allouée aux écoles des mines, qui se traduit par une augmentation des crédits de fonctionnement de 2,5 % et des subventions d'investissement de 8,6 %, mérite elle aussi d'être soulignée.

Les crédits accordés à l'école supérieure d'électricité vont dans le même sens.

De même, nous ne pouvons qu'apprécier la progression de 6,5 % des moyens qui seront consacrés à améliorer l'environnement des entreprises industrielles ou à les moderniser.

Je note aussi l'action positive que mène le fonds de développement des PME en faveur de l'élévation technologique et de la compétitivé.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 reconduit à hauteur de 242 millions de francs les autorisations de programmes attribuées à l'ADEME, confirmant ainsi l'engagement du Gouvernement en faveur des économies d'énergie et du développement des énergies renouvelables.

J'apprécie aussi les efforts consentis par votre ministère en vue de répondre aux besoins de plusieurs milliers de personnes victimes ou potentiellement victimes de l'affaissement de terrains en zones minières, après la révision du code minier intervenue cette année. Et j'en profite pour saluer le travail effectué par le président de l'association des communes minières de France, notre collègue JeanPierre Kucheida.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Bravo, monsieur Kucheida !

M. Roger Meï.

Comment vous pouvez le constater, les motifs de satisfaction sont réels et nous tenions à les souligner.

Cependant nous sommes inquiets quant au devenir de certaines branches industrielles.

Je dirai quelques mots sur la survie de la construction navale dans notre pays.

Si l'ensemble des chantiers ont reçu trente commandes de navire en 1998 et quatre au cours du premier trimestre 1999, qu'en sera-t-il demain, lorsque les subventions à la commande ne seront plus conformes ? Cette décision européenne est tout à fait inacceptable, particulièrement dans un contexte où la concurrence des chantiers asiatiques devient plus lourde.

Ce dossier renvoie de manière plus générale aux discussions en cours dans le cadre de l'OMC ; M. Lamy, seul représentant pour l'Europe, va-t-il défendre la légitimité des aides publiques dans les secteurs structurants pour le développement économique des nations ? Que dire du textile, qui perd actuellement un nombre d'emplois considérable ? Va-t-on abandonner ce secteur d'activité, porteur de milliers d'emplois, et qui a fait la démonstration que la rentabilité existe quand il y a de l'investissement et une volonté industrielle forte ? Je terminerai mon intervention en évoquant deux sujets qui me tiennent particulièrement à coeur et qui concernent directement votre ministère : notre indépendance énergétique et les problèmes spécifiques de la réindustrialisation des bassins miniers.

S'agissant de notre indépendance énergétique, je ne peux oublier d'évoquer la libéralisation en cours du marché français de l'électricité, qui modifie de manière considérable le paysage énergétique lui non plus ne résiste pas aux dogmes ultra-libéraux et aux pressions des directives européennes.

Vous connaissez ma position : je pense que la déréglementation du marché de l'électricité est dangereuse pour notre indépendance énergétique. Alors que la transposition de la directive est encore en discussion, on peut déjà noter les effets pervers de la libéralisation du marché sur 22 % du secteur.

Je suis inquiet des appétits financiers du nouveau mastodonte pétrolier Total-Fina-Elf, qui présente un chiffre d'affaires deux fois supérieur à celui d'EDF.

Que penser de l'émergence de pôles privés de production qui visent une rentabilité à court terme par le développement de la cogénération au gaz, source énergétique noble dont les réserves sont estimées à soixante ans ? Dans ce contexte de concurrence accrue, que peut faire

EDF ? L'entreprise publique s'est engagée à réduire ses coûts pour rester compétitive vis-à-vis de ses clients dits

« éligibles ». Pouvez-vous m'expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat, comment atteindre cet objectif sans incidence sur l'emploi des agents de ce service public ? Enfin, dans cette logique libérale, comment expliquer qu'il soit demandé à EDF, au détriment de ses missions de service public, de subventionner les producteurs privés en cogénération par le rachat de mégawatts, pour un coût de 3,7 milliards de francs par an, aux dires mêmes du président Roussely, comme le relate le rapport Bataille ? Revenons sur le constat de désaccord intervenu lors de la CMP.

Les amendements adoptés par le Sénat dénaturent profondément le texte voté par l'Assemblée nationale. Alors que les députés de la majorité plurielle s'étaient efforcés de protéger le service public et de le renforcer, les sénateurs ont fait le choix de l'affaiblir et d'engager le système français dans une libéralisation qui va au-delà des exigences de la directive.

Aucun des arguments avancés pour faire pression sur les membres de notre assemblée, afin qu'elle renonce aux dispositions adoptées en première lecture en acceptant un texte édulcoré pour plus de libéralisation, n'était recevable ou fondé techniquement. Ces dispositions, qui ne sauraient occulter les effets pervers et les dangers du processus même de libéralisation du marché de l'électricité, d oivent être intégralement confirmées en deuxième lecture.

Une fois n'est pas coutume, Franck Borotra, je suis d'accord avec vous : il faut se battre, comme on le fait à propos de la vache folle, pour que les diktats de Bruxelles ne soient pas appliqués dans ce domaine.

(M. Franck Borotra applaudit.)

M. Franck Borotra.

Messieurs les députés socialistes, enfin, il faut applaudir !... La majorité n'est pas bien solidaire avec vous, monsieur Meï !

M. Roger Meï.

En ce qui concerne l'énergie, j'évoquerai le budget et les orientations confiées au CEA.

Derrière les données brutes augmentation de 1 % à périmètre constant -, se cachent un mode de fonctionnement complexe et plusieurs sources de financement : le complément qui émane des principaux partenaires industriels du CEA - programmes d'intérêt commun -, les d ividendes de CEA-Industrie, les redevances enrichissement et retraitement, les conventions assainisse-


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ment, qui concernent le retraitement des déchets propres au CEA. Or ces deux dernières sources de financement sont limitées dans le temps et arrivent à échéance.

Dans ce contexte incertain, le CEA a fait face à un déficit de 300 millions de francs. De ce fait, il a dû réaliser 100 millions d'économie, faire appel à ses partenaires industriels, EDF et FRAMATOME, pour 140 millions de francs, et il est toujours dans l'attente de la subvention que l'Etat s'était engagé à verser à titre de complément.

Il n'est pas besoin d'être un expert économique pour mettre en évidence la faible capacité d'investissement de ce groupe. Pourtant, des décisions concrètes sont nécessaires pour pérenniser ses atouts.

En effet, le CEA doit poursuivre l'équipement du parc électronucléaire, par la construction de deux tranches par an du nouveau palier N4, lequel permet, tout en répondant aux besoins économiques, sociaux et industriels, d'assurer notre indépendance énergétique et de préserver nos ressources naturelles tout en luttant contre l'effet de serre.

Il doit aussi construire le réacteur EPR. J'ai bien pris note de vos remarques sur la durée de vie des réacteurs et les économies considérables susceptibles d'être dégagées.

Je pense cependant que la veille technologique en matière de nucléaire n'existe pas et qu'il est important de s'engager dès aujourd'hui vers des solutions nouvelles qui améliorent la sûreté et font baisser les coûts de production du kilowatt. Ne pas prendre de décision remettrait en cause notre capacité à renouveler le parc nucléaire, notre indépendance énergétique et notre potentiel de recherche et de savoir-faire.

Il me faut aussi aborder la décision interministérielle du 9 décembre 1998 relative à la nouvelle organisation de la sûreté nucléaire. Les salariés du nouvel IPSN, établissement public, sont inquiets. De nombreuses questions restent à ce jour sans réponse, sur l'effectif, le statut, les passerelles avec le CEA, le passage aux 35 heures et les conditions de son financement. Vous avez prévu une majoration de 63 millions ; mais sera-t-elle suffisante pour répondre aux besoins du nouvel établissement ? La réponse ne peut plus être différée.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, d'aborder un sujet qui me tient à coeur, la politique charbonnière, et, à partir de la diminution des crédits affectés au bassin minier, de dénoncer encore une fois le pacte charbonnier.

Signé par l'un de vos prédécesseurs, M. Longuet, vous en poursuivez la mise en application, alors que ce fut l'acte de décès de la production charbonnière française.

Mettre à la retraite des hommes jeunes, de cinquante, quarante, voire trente-sept ans, cela règle les problèmes de l'entreprise. Mais quels dégâts pour l'économie locale, avec l'encouragement que cela signifie pour le travail au noir, sans jeu de mots. Et quels dégâts sur le plan social ! Les mineurs profitent des conditions exceptionelles, comment ne pas les comprendre ? On a acheté leur silence.

Vous faites état de l'écart entre les coûts d'extraction de la tonne de charbon français, 750 à 1 000 francs, et de la tonne de charbon d'importation, 270 francs. Il y a quelques années, dans le bassin minier de Provence, on produisait à moins de 400 francs la tonne et l'activité extraction et production électrique étaient en équilibre.

Avec la poursuite du démantèlement des houillères, les coûts vont encore croître, vous aurez encore plus raison l'année prochaine, car le déficit par tonne sera encore plus important.

Une autre politique charbonnière pourrait s'inscrire dans la perspective du développement durable : nous avons du charbon, nous en avons besoin, nous en importons plus de 20 millions de tonnes ; menons donc une politique de développement, même au prix de subventions ! Quand on prend en compte le coût social, il est plus rentable de payer des hommes au travail qu'au chômage.

D'ailleurs combien va coûter la fermeture des houillères ? Plus de 100 milliards, davantage que le trou du Crédit lyonnais ! Permettez-moi d'être un peu plus précis à propos du bassin de Provence.

M. le président.

Pourrais-je vous inciter à conclure, monsieur Meï ?

M. Roger Meï.

Oui, monsieur le président, mais auparavant, je tiens à m'exprimer sur un problème, que rencontre le bassin de Provence et qui n'est pas rien pour les élus que nous sommes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avec M. Dominique Strauss-Kahn, le 16 mars dernier, vous avez redonné espoir au bassin minier de Provence. Une partie des engagements que vous avez pris est en cours d'application - emplois-jeunes, formation de jeunes en alternance, mise en place de la mission économique.

Par contre, deux promesses ne sont pas encore tenues.

Je vous les rappelle. D'une part, vous deviez fixer une réunion avec les mineurs pour faire le point sur l'étude relative aux coûts de l'exploitation charbonnière en Provence et les propositions qu'elle émet. D'autre part, la décision de construction de la centrale thermique promise tarde, ce qui provoque l'inquiétude des maires du bassin minier, qui vous demandent un rendez-vous ainsi qu'au ministre de l'économie et au Premier ministre. Dans les quinze jours, tous les conseils municipaux des communes du bassin minier vont se réunir en vue d'adopter une motion demandant l'application de cette promesse.

Dans un climat apaisé, ne pas tenir votre engagement reviendrait à remettre le feu aux poudres, car la centrale thermique est la clé de voûte de l'ensemble des engagements.

Les moyens financiers existent, aussi bien pour les investissements que pour le fonctionnement. J'ai évoqué les fonds publics mobilisés chaque année pour subventionner les cogénérateurs privés ; je pourrais évoquer aussi les économies considérables liées à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, qui atteignent 500 millions par an et par tranche.

J'espère que vous m'excuserez de m'être exprimé sur des problèmes locaux.

Le groupe communiste approuve votre budget, eu égard aux engagements qui ont été pris, et parce qu'il pense que vous ne resterez pas insensibles aux remarques que nous avons formulées. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Franck Borotra.

Il faut tenir vos promesses, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier.

Sortez votre agenda !

M. le président.

La parole est à M. Alain Gouriou.

M. Alain Gouriou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je commencerai par vous remercier chaleureusement au nom des chercheurs en télécommunication des centres de recherche de Bretagne. Vous avez en effet inscrit dans votre projet de budget les moyens nécessaires au maintien


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en Bretagne de trois laboratoires qui faisaient partie intégrante du CNET et que France Télécom souhaitait redéployer.

La création de 26 postes d'ingénieurs de recherche et de techniciens, qui figure au budget, ajoutée aux créations de postes inscrites au budget de la recherche, permet de maintenir l'activité de ces laboratoires, travaillant dans le domaine de l'opto-électronique, pour les besoins des futurs réseaux de télécommunication. Ces chercheurs seront désormais rattachés à l'ENSTB de Brest, à l'INSA et à l'ENSSAT, c'est-à-dire à l'université Rennes-I.

La reconduction des moyens du réseau national de la recherche et de la technologie nous paraît également positive. Ses crédits, qui participent au financement de programmes de recherche présentés par les centres de recherche, les industriels, les PME et les PMI, ont un effet multiplicateur extrêmement intéressant. Nous souhaitons évidemment que le RNRT consolide ses positions dans le domaine de la recherche publique. Il faudra sans doute envisager de renforcer ses moyens dans les années à venir.

L'enjeu essentiel, pour notre pays, si nous voulons accéder à la société d'information et si nous ne voulons pas être distancés ou subir la loi des grandes puissances extra-européennes, est en effet de modifier l'ensemble dess tructures et des services que sont les centres de recherche, les réseaux performants, les équipementiers, les fabricants de composants et les concepteurs de logiciels.

La situation présente est contrastée ; l'Europe, et particulièrement la France, sont encore très fortes et conquérantes dans le domaine des télécommunications mais sans doute plus faibles dans celui du matériel informatique, dominé par les Etats-Unis.

Les Européens, champions du cellulaire numérique avec le GSM, n'ont pu cependant pénétrer les marchés américain et japonais, qui ont organisé une résistance, par protectionnisme industriel tout à fait excessif, en même temps que le réseau Internet était fortement promu en Europe.

La troisième génération de mobiles UMTS risque de donner un avantage décisif aux Américains et aux Japonais si les Français et les Européens ne mobilisent pas les moyens nécessaires en recherche et développement, en équipements et en marketing. Il ne s'agit évidemment pas de s'opposer, en France et en Europe, à l'usage des nouvelles technologies, sous prétexte qu'elles seraient développées à l'étranger. L'encadrement législatif annoncé par le Premier ministre nous paraît cependant urgent et indispensable.

Mais on ne peut s'employer à faciliter l'usage des services et produits de la société de l'information sans s'interroger sur la part que l'on prend dans la dynamique de l'offre. Quelle part la France et l'Europe vont-elles tenir dans la création de valeurs, que ce soit pour les équipements, les services ou les contenus ? Quelles seront leur place dans l'informatique, équipements et logiciels, les télécommunications, systèmes et services, et les contenus, production et diffusion ? L'Europe a été rayée de la carte informatique, où le leadership est détenu par Microsoft, Sun, Compaq et IBM. Subsiste-t-il une seule compagnie européenne de dimension mondiale ? Olivetti Computer a disparu ; on assiste aujourd'hui à la création de Fujitsu-Siemens. Seul Bull, en pleine restructuration de capital, tente de survivre. Il est essentiel que le domaine des télécommunications ne suive pas le même sort, soit conforté, et que nous regagnions des positions dans l'informatique et les logiciels.

L'ouverture des services à la concurrence, la baisse des coûts, les tendances dessinées par l'OMC ont entraîné une multiplication des opérateurs. La compétition est ouverte pour la conquête des principaux réseaux à haut débit des grands centres d'affaires du monde. On peut s'interroger sur la stratégie des grands opérateurs européens, British Telecom, France Télécom, Deutsche Telekom, face aux énormes regroupements d'outre-Atlantique.

S'il n'appartient pas aux Etats d'agir directement, ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre pays doive prendre des initiatives pour développer une nouvelle stratégie et favoriser une véritable politique européenne ? La société d'information est un avenir pour la France et l'Europe. Son développement est un moteur pour la croissance et la création d'emplois. Les atouts existent.

Persuadé que vous avez la volonté, monsieur le ministre, d'utiliser ces atouts et de les valoriser, le groupe socialiste, en confiance, votera votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Merci !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si nous approuvons et votons les crédits - en hausse - de votre ministère, nous voudrions insister sur les questions nouvelles que posent les bouleversements considérables qui affectent les télécommunications aux plans européen et mondial.

Ces bouleversements ne sont ni neutre, ni univoques, mais dominés par le libéralisme mondialisé et mondialisant.

Ne pas prendre en compte la réalité contemporaine, c'est se condamner à l'impuissance. Mais s'y résigner, ce serait aller à l'encontre du progrès humain. La gauche ne peut se retrouver dans le camp des résignés.

S'agissant de France Télécom, cette affirmation conduit à la suivante : comment assurer à la fois à cette entreprise u ne efficacité économique et une efficacité sociale, lesquelles supposent et la préservation de l'emploi et l'amélioration du service public ? Cette question est d'autant plus pertinente que France Télécom est parmi les toutes premières entreprises françaises. Elle dispose de moyens. L'Etat est par ailleurs largement présent dans son capital. Il convient donc, pour la gauche, d'en faire une entreprise exemplaire qui ne rogne pas sur l'efficacité sociale, au seul profit de la rentabilité économique.

Cette conception doit conduire à améliorer le service public. Le développement des nouvelles technologies comme la téléphonie mobile ou Internet, dont l'accès ne fait pas partie du service universel, pose des questions nouvelles : celles de l'adaptation et de l'élargissement de la notion de service public.

Par exemple, la téléphonie mobile ne concerne aujourd'hi que les zones à fort trafic. Les zones dites « hors réseau », comme les régions montagneuses, n'obtiennent pas une vraie couverture de l'opérateur public parce qu'elles ne sont pas rentables au sens libéral du terme. Or nous voulons, nous, une société de solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Autre exemple, le service public doit reposer sur une politique de recherche qui sorte, là encore, de la logique de rentabilité à court terme. La déréglementation pousse à des abandons néfastes pour l'avenir et pour l'efficacité de l'entreprise. Court terme et courte vue sont les deux facettes d'une même logique, d'un même mal.

C'est ainsi que tous les opérateurs en viennent à réduire le rôle du centre national d'études sur les télécommunications le CNET - et à le rendre directement dépendant des choix de financement de chaque branche d'activité.

L'existence d'un grand centre national d'études et de recherches du secteur des télécommunications se justifierait plus que jamais. Or nous constatons l'insuffisance des moyens qui lui sont consacrés. La France dispose pourtant du plus grand centre de recherches publiques en Europe, et donc d'un levier permettant d'innover, d'expérimenter pour satisfaire les besoins collectifs. Là encore, efficacité sociale et efficacité économique doivent créer une dynamique et un équilibre.

Autre exemple : la mise en place d'une tarification sociale, qui répond également à une mission de service public, est attendue depuis 1997. Or le décret d'application n'est toujours pas publié. Cela conduit à cette situation absurde, déjà évoquée, où l'Etat doit restituer aux opérateurs les fonds correspondants qu'ils ont versés les années passées, à titre de provisions, pour alimenter ce service universel.

L'efficacité sociale et économique de France Télécom repose sur sa politique de l'emploi. Or les négociations sur la réduction du temps de travail paraissent cristalliser dans l'entreprise un malaise croissant.

La direction envisage de supprimer 4 500 emplois et de recruter seulement 900 personnes, alors que cette entreprise devrait montrer l'exemple en matière de réduction du temps de travail et de recrutement proportionné de personnels. Le Gouvernement ne peut accepter pareille déviation de l'objet et de l'esprit de la RTT. Il doit veiller aussi à ce que tous les syndicats de France Télécom soient bien associés aux négociations.

De même, comment accepter dans pareille entreprise que la direction n'applique pas les jugements des tribunaux des prud'hommes relatifs à la transformation des

CDD en CDI ? Autre point : la question de l'imposition locale, qui sort un peu de mon propos précédent. Celle-ci fait l'objet d'un régime dérogatoire puisque c'est l'Etat qui détermine un taux moyen, applicable à tous les établissements de France Télécom. Mais de plus, le produit de l'imposition locale est directement « capté » par l'Etat, et cela depuis 1994. C'est absolument anormal ! Quand, monsieur le ministre, envisagez-vous le retour au droit commun ? J'en viens maintenant, toujours dans le même esprit, à la situation de La Poste. Une nouvelle phase de libéralisation de ce secteur se profile pour 2003 du côté de l'Union européenne. Les personnels ne devraient pas manquer de se le rappeler.

La direction a déjà procédé à l'éclatement de SOFIPOST en deux holdings distinctes, ouvrant la voie à des prises de participation financière. Elle accélère le processus de filialisation, voire de privatisation de certaines activités.

Quatre à cinq mille bureaux de poste sont menacés de fermeture en zone rurale. L'idée est même avancée de transformer des bureaux de poste ruraux en agences communales, dont la gestion serait supportée par les collectivités.

Tout cela est sujet à caution, nous le disons clairement.

Concernant la situation des personnels, alors que l'activité postale s'est fortement développée dans tous les domaines, l'accord-cadre signé par La Poste et des organisations syndicales minoritaires ne prévoit aucune création d'emplois.

Des mouvements de grève éclatent ou perdurent. En Corse, nous en sommes au cinquante-deuxième jour de grève. Comment ne pas comprendre ces mouvements ? Mais comment ne pas agir pour que, là aussi, réduction d u temps de travail soit synonyme de créations d'emplois ? Il est vrai, mais c'est un paradoxe qui n'est qu'apparent, que La Poste, qui sera la plus grande entreprise de France à passer aux 35 heures, ne recevra pas d'aides de l'Etat.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de faciliter le passage aux 35 heures à La Poste et de faire en sorte que le service public soit à égalité avec les entreprises privées ? Je l'ai dit en commençant, monsieur le ministre, nous avons noté les évolutions positives de votre budget, que nous voterons. Mais il était difficile pour moi de ne pas saisir l'occasion d'affirmer que nous attendons de l'Etat qu'il s'agisse pour garantir l'évolution des missions de service public de ces deux entreprises. Et non dans un cadre minimum, mais dans un cadre porteur de progrès social répondant aux besoins de citoyens.

En vérité, c'est un défi pour tous, je veux dire un défi pour toute la gauche. Nous entendons bien qu'elle le relève avec succès. Chaun aura compris que tel est bien notre volonté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en allant prendre mon train ce matin vers cinq heures trente, je n'ai croisé qu'un seul cycliste dans les rues de cette bonne ville de Grenoble, chère au coeur de Michel Destot. L'énergie du coup de pédale de ce cycliste lui permettait de défier la densité des flocons de neige qui, dans nos régions de montagne et de sports d'hiver, lorsqu'ils arrivent en même temps que le Beaujolais nouveau, sont plutôt vécus comme une excellente nouvelle. (Sourires.) Cet homme qui bravait le froid, avec sa casquette et sa tenue assortie, vous le connaissez tous, chers collègues. Il est partout et tous les jours ; il est entré dans la légende, dans la littérature, le cinéma et la poésie. Il est le maillon terminal indispensable du service public du courrier. Il assure à lui seul la « boucle locale » du contact avec tous les possesseurs de boîtes à lettres. Il ne leur demande pas d'être abonnés pour les desservir, il ne les traite pas comme des numéros. Il leur parle, lorsqu'il les rencontre. Et ils le savent bien, dans les villes comme dans les campagnes les plus reculées, ils peuvent lui demander beaucoup, parce que sur sa casquette, « y a bien marqué La Poste ».

M. Yves Nicolin.

C'est de la pub !

M. François Brottes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cet hommage à tous les facteurs, ou plus exactement aux préposés, se veut modestement un hymne au service public


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postal, qui vient d'être conforté dans le cadre de la tranposition de la directive européenne effectuée cette année dans la loi sur l'aménagement du territoire, comme je l'avais d'ailleurs souhaité dès novembre 1998. Désormais, la définition législative du service universel postal apporte des garanties de péréquation tarifaire, de prix abordables et de distribution chaque jour ouvrable sur l'ensemble du territoire pour les envois jusqu'à vingt kilos.

Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, le service réservé du courrier, comme La Poste en général, subissent des agressions multiples.

Elles sont dues à une concurrence pas toujours très loyale ; je pense au repostage ou à la distribution illégale de plis de moins de 350 grammes. A ce propos, transposons vite la seconde partie de la directive pour mieux le contrôler.

Elle viennent aussi des pays européens, obsédés par la dérégulation et la libéralisation à outrance. Je ne sais plus, d'ailleurs, qui disait que c'est souvent dans les plus petits pays qu'il y a les plus grands prédateurs...

Ces agressions résultent aussi du phénomène de fusionconfusion auquel n'échappe pas le secteur du courrier et du colis, comme tous les secteurs qui fonctionnent en réseau.

Cependant, ces types d'agression, qui sont le lot commun de l'économie de marché mondialisée, ont le mérite d'être clairs. Et je voudrais profiter de ce temps de parole pour m'insurger contre les faux amis de La Poste.

J e parle de ceux qui prétendent vouloir « sauver La Poste », comme l'appelle de ses voeux un trop célèbre rapport rédigé par un sénateur.

Il s'agit là en réalité d'une flèche lancée contre La Poste, et je voudrais ici dénoncer les intentions de l'archer...

celui qui lance les flèches, évidemment. (Sourires.)

Alors que les comptes de La Poste, dans tous ses métiers, sont en train d'opérer une progression très nette ; alors que La Poste a pris à bras le corps le défi des nouvelles techniques de communication, qui la positionne en première ligne d'une mutation industrielle extrêmement rapide ; alors que le secteur du colis et de la logistique, comme celui du courrier, n'ont de sens qu'à l'échelle de la planète et que La Poste a fait de l'international un axe prioritaire de son développement ; alors que le secrétaire d'Etat en charge du secteur, vous-même, monsieur Pierret, fait considérablement avancer, au niveau mondial, et encore à Pékin récemment, la question centrale du service universel, qui n'a d'autres racines que l'exemple français du service public ; alors que La Poste et son personnel sont totalement engagés dans l'innovation sociale de la réduction du temps de travail, même si, ici ou là, l'écoute et le dialogue ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux d'une telle négociation ; alors que La Poste - j'inaugurais encore hier soir un bureau de poste tout neuf dans une commune de deux mille habitants - continue avec minutie à moderniser son réseau de points de contact, même si on peut parfois regretter une qualité de concertation avec les élus inégale selon les régions ; alors que les postiers font un effort constant de formation, d'adaptation aux exigences de qualité et aux évolutions permanentes de leurs métiers ; alors que La Poste a désormais une stratégie d'anticipation sur l'évolution des marchés et des attentes de ses usagers ; compte tenu de toute cette dynamique, je voudrais dire mon exaspération face au harcèlement des prétendus « sauveurs de La Poste ». La Poste n'a pas besoin de leur charité ! Ceux qui veulent aujourd'hui sauver La Poste aujourd'hui sont les mêmes que ceux qui voulaient hier vendre pour un franc symbolique Thomson Multimédia à Daewoo. Je trouve que cela frise la provocation. En réalité, c'est une campagne de déstabilisation pour accréditer la thèse de la privatisation de La Poste. Et un récent point de vue dans Les Echos a fait tomber les masques.

Ce sont d'ailleurs les mêmes, monsieur le secrétaire d'Etat, qui vous disent qu'il y a urgence à mettre en place une autorité de régulation postale, ce qui n'est pas du tout imposé par Bruxelles. Cette proposition a pour objectif de donner le signal seul d'une libéralisation accélérée et débridée du secteur.

Ce sont encore les mêmes qui plaident avec virulence pour une transparence analytique des comptes de La Poste, sans l'imposer d'ailleurs à ses concurrents, comme ils plaident pour un grand débat sur le secteur postal. Ces autres propositions risquent d'avoir pour effet de casser l'unité de La Poste, qui a absolument besoin de rester performante y compris sur son secteur des services financiers, ce dernier demeurant à la base du maintien de la présence postale territoriale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi, mais je suis soulagé d'avoir dénoncé le langage des « faux amis » de La Poste. Je vous remercie de bien vouloir nous confirmer les actions que le Gouvernement entend continuer à mener pour que La Poste puisse poursuivre son développement, avec le souci de satisfaire ses usagers, ses clients et de maintenir l'implication d'un personnel animé d'une irremplaçable culture de service public.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Quel discours !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Guyard.

M. Jacques Guyard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce budget est bon. Mais nous savons tous que la politique industrielle passe par un pilotage réglementaire national et européen, et par le pilotage d'entreprises dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire ou le maître absolu.

Sans revenir sur ce que vient de dire excellemment François Brottes à propos de La Poste, je prendrai l'exemple du secteur des télécommunications. Celui-ci connaît depuis quelques années une formidable expansion q ui en a bouleversé l'organisation. L'explosion des mobiles a permis, à côté de l'opérateur historique luimême en fort développement, la naissance et l'affirmation de deux puissants opérateurs nationaux. La concurrence dans les télécommunications a permis une baisse des prix longue distance et, je rassure mon collègue Gaillard, nos prix de communications locales sont dans une honnête moyenne.

La loi de réglementation des communications de 1996, qui a provoqué des discussions parmi nous, avait réuni, au-delà des divergences sur les modalités de contrôle de la concurrence, une très large majorité pour privilégier les entreprises qui investissaient fortement en France, dans les infrastructures comme dans la recherche. Ce choix, trois ans après, a porté ses fruits.

Pour autant, l'avenir n'est pas garanti. L'échec de l'alliance avec Deutsche Telekom contraint notre opérateur national à des réorientations stratégiques urgentes. Ses deux principaux challengers ne sont pas à l'abri d'OPA agressives ou négociées. Notre effort de recherche souffre, à long terme, de la séparation avec l'opérateur national.

Aujourd'hui, c'est dans la politique du Gouvernement


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que doivent se trouver les réponses à cette situation, qu'elles soient négociées avec nos amis européens ou prises au plan local. Il faut aujourd'hui conforter nos champions et encourager l'amélioration du service rendu aux usagers.

C'est l'ouverture de la boucle locale, fixe de manière marginale, radio à coup sûr, qui doit être maîtrisée pour ne pas déstabiliser France Télécom, mais qui est nécessaire pour faire baisser le coût des communications locales, car il reste un peu de marge de manoeuvre. A ce niveau, il nous faut expérimenter et évaluer les résultats.

C'est aussi l'ouverture de nouvelles fréquences pour les mobiles et la mise en oeuvre de la norme UMTS, gros défi d'aujourd'hui et de demain. Je rejoins Gabriel Montcharmont à ce sujet : attention à l'entrée de grands concurrents internationaux, singulièrement américains, plus fortement capitalisés que nos propres entreprises, celles-ci étant de surcroît handicapées par les lourds investissements qu'elles ont consentis pour les mobiles. La mise brutale aux enchères est, à coup sûr, un mauvais moyen d'assurer la pérennité.

Ainsi se trouve posé le problème principal, celui d'un large secteur industriel regroupant l'énergie, la poste et les télécommunications. Le service public est un élément essentiel non seulement de ce secteur, mais aussi de la République. Il est assuré par des entreprises dont l'Etat est propriétaire en totalité ou en grande partie et dont il oriente parconséquent l'activité.

L'ouverture des marchés a exigé une adaptation que les gouvernements successifs ont facilitée depuis dix ans en faisant évoluer le statut des entreprises. La loi de 1990 a ouvert dans ce domaine un nouveau champ de l'action publique quand la poste et les télécoms ont cessé d'être gérés comme des budgets annexes de l'Etat. Vous avez effectué, monsieur le secrétaire d'Etat, un travail comparable pour l'énergie, même si l'Etat reste, là aussi, un actionnaire dominant. La SNCF s'est scindée en deux établissements, ce qui a permis de clarifier ses comptes et de décentraliser sa gestion. Elle investit aujourd'hui dans les transports routiers, bref elle diversifie son activité.

Cette évolution était nécessaire. Elle pose néanmoins deux questions.

La première est celle du contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement puisque nous ne voyons plus, en tant que parlementaires, les comptes de ces entreprises.

La deuxième est celle du maintien et de la modernisation du service public à la française. Le concept européen de service universel, même si vous avez fortement contribué à l'enrichir, ne couvre pas tout le champ du service public.

Pour combler ce vide, la loi a institué des structures nouvelles à forte représentation parlementaire, comme la commission supérieure du service public des PTT et les institutions que vous venez de créer dans les domaines de l'énergie et du chemin de fer. Ces organes permettent au Parlement d'avoir une information directe, précise, et d'être consulté sur les décisions réglementaires les plus importantes. Cela répond bien, à mon sens, à la nécessité du contrôle de l'action gouvernementale.

Reste la garantie d'étendue et de qualité du service public. Dans ce domaine, la situation est un peu floue, car l'éclatement en secteurs séparés ayant des évolutions très différenciées ne permet plus d'avoir une vue générale de la situation du service public, que notre histoire place au coeur de la République. C'est pourquoi il me paraît nécessaire qu'une réflexion soit menée entre le Parlement et le Gouvernement sur le périmètre souhaitable du service public. J'ai le sentiment qu'à défaut d'accord, dans cette assemblée, sur les modalités de gestion de service public, il existe en revanche un assez large consensus sur le périmètre. Le Parlement et le Gouvernement ont donc un travail de fond à mener en ce domaine, car l'affirmation de ce consensus permettrait de conforter la confiance des Français dans la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Jean-Pierre Kucheida.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez un bon budget, un budget en progression. J'ai donc été très étonné par les foucades de M. Borotra.

M. Franck Borotra.

Je connais le budget mieux que vous !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Je me souviens d'ailleurs, monsieur Borotra, de vous avoir entendu, à la commission de la production de des échanges, intervenir contre le budget de votre ami M. Galland. Quelques semaines plus tard, vous deveniez ministre et vous l'avez complètement assumé ! Alors, quand on voit un budget comme celui de cette année, on a la décence de reconnaître qu'il est correct et traduit de réels efforts. Pour l'ADEME, par exemple, je n'ai pas vu ses crédits progresser autant depuis les années 80. A cette époque, j'avais pu installer un réseau de chaleur dans ma commune. Aujourd'hui, je crois que je vais pouvoir réaliser de nouveaux agencements dans ce domaine.

M. Franck Borotra.

Vous savez toujours trouver les financements, même là où ils ne sont pas !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Gardez donc vos critiques pour ce qui les mérite et épargnez ce budget qui les mérite d'autant moins que certains de ses aspects vous incombent directement.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a deux ou trois points qui me tiennent à coeur.

Ainsi le Fonds d'industrialisation du bassin minier, largement réduit par les équipes précédentes, justifierait, je vous le dis très franchement, un effort supplémentaire. Il est vrai que tous les crédits ne sont pas consommés mais peut-être faut-il élargir leur grille de lecture. Vous l'avez déjà fait, pour les régions minières du sud notamment, en autorisant leur affectation en faveur du tourisme. Mais il faut aller plus loin, il faut pouvoir les inscrire sur des lignes de formation professionnelle, car nous avons un énorme travail de reconquête des esprits à réaliser dans nos régions minières.

Dans ce cadre, il faut prendre en compte des secteurs comme celui que représente Roger Meï. Il plaidait avec vigueur et émotion pour la transformation de sa région.

Il n'est pas contre la fermeture de Gardanne. D'ailleurs, toute la mécanique a été mise en place par M. Longuet et M. Borotra et on ne peut plus y échapper, hélas ! EDF, par exemple, qui devait investir sur ce site devrait montrer moins de morgue et s'engager plus fortement dans une politique d'aménagement du territoire au service de la nation. Je comprends qu'elle veuille investir à l'extérieur, mais il serait bien aussi que, de temps en temps, elle accepte de venir à la rescousse d'une région française en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Roger Meï.

Très bien !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Pour ce qui est du patrimoine minier, monsieur Borotra, nous avons, grâce à C hristian Pierret, réalisé des avancées considérables.


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Regardez ce titre de journal : « Des réponses satisfaisantes ». Vous, vous vouliez l'assassiner ! Vous aviez créé la SAS pour récupérer tout le fric au niveau national et ne pas le laisser utiliser dans le bassin minier ! Les mineurs se souviendront parfaitement et de vous, et de ce scandale !

M. Franck Borotra.

Vous êtes gonflé ! Le scandale, c'est vous qui l'aviez provoqué ! Il était temps de remettre de l'ordre !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Aujourd'hui, nous sommes sur une autre voie, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des efforts que vous êtes en train de faire.

Très rapidement, je l'espère, la nouvelle société sera constituée et permettra de rendre leur dû aux mineurs, à leurs enfants et à leurs petits enfants, tout en laissant aux ayants droit ce qu'ils doivent conserver.

Quant au code minier, j'en ai déjà entendu parler sous le gouvernement Borotra ou plutôt, ne lui donnons pas plus qu'il ne mérite, sous le ministère Borotra !

M. Franck Borotra.

Quelle confusion mentale ! Vous êtes vraiment dans votre état normal ? ...

M. Jean-Pierre Kucheida.

On en parlait alors, certes, mais pour les chercheurs d'or de Guyane ! Sur le territoire national, là où les gens étaient vraiment en difficulté à cause des affaissements de terrain et des problèmes hydrologiques, il n'y avait rien ! Rien du tout ! On nous disait d'attendre l'automne, de ne pas mélanger la métropole et la Guyane.

Grâce à votre politique, monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons maintenant où nous allons pour le code minier. Jamais nous n'étions allés aussi loin depuis qu'ACOM a posé le problème en 1990. Certes, il faut être juste, un effort réel avait été consenti par M. Longuet en 1994. Mais celui que vient d'accomplir le Gouvernement est considérable. Il reste bien quelques décrets d'application à prendre, mais les choses ont beaucoup évolué depuis quelques mois. Quand vont-elles réellement aboutir ? J'attends des précisions sur ce point.

Je veux également saluer, pour conclure, les positions prises par le gouvernement sur les lois de transposition, puisque j'y suis un peu mêlé, en ce qui concerne EDF et Gaz de France. Et si l'on a pris autant de retard pour EDF, il faut regarder un peu dans le rétroviseur, n'est-ce pas, monsieur Borotra ?...

M. Franck Borotra.

Sept ans de perdus par les gouvernements socialistes !

M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Juppé ne voulait surtout pas prendre de décision. Et si on a des problèmes avec Bruxelles, ce n'est pas le gouvernement de Jospin et de Pierret qui en est la cause, ce sont ceux qui ont traîné et qui hésitaient à prendre leurs responsabilités, juste avant que nous ne reprenions le pouvoir en 1997.

M. Franck Borotra.

Après l'avoir perdu en 1993 et avant de le reperdre en 2002 !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Alors, monsieur Borotra, je vous laisse méditer sur ce que le budget de l'industrie est aujourd'hui par rapport à ce qu'il était hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Claude Lefort.

Quel punch !

M. François Brottes.

Quel talent !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Franck Borotra.

Ah ! On revient à des choses sérieuses !

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, plusieurs orateurs de la majorité l'ont souligné, le budget 2000 s'inscrit dans la continuité d'un effort résolu : l'action conduite depuis plus de deux ans sous l'autorité du Premier ministre, aux côtés de Dominique StraussKahn - auquel je veux rendre ici un hommage personnel et très sincère -, puis aux côtés de Christian Sautter, dans la continuité de la même politique et des mêmes succès.

Une politique cohérente, n'en déplaise à MM. Borotra et Nicolin.

M. Henry Chabert.

N'en rajoutez pas !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les perspectives de production des industries sont à un niveau jamais atteint depuis 1980, presque vingt ans. L'évolution de la compétitivité industrielle est favorable alors qu'on constate une régression en Allemagne et en Grande-Bretagne, pour ne prendre en compte que deux exemples au sein de l'Union européenne. En 1998, on note un renversement de tendance en matière d'emploi : pour la première fois depuis presque quinze ans, des emplois - 50 000 - ont été créés dans l'industrie. Si elle ne peut pas tout - d'ailleurs, elle n'y prétend pas - je suis convaincu que l'action de l'Etat n'est pas pour rien dans ces bons résultats : nous mettons en oeuvre une véritable stratégie industrielle.

Stratégie qui peut être résumée d'un mot, celui dont a usé Lionel Jospin, notre Premier ministre : la régulation.

Au service de l'innovation ; en faveur du développement industriel ; enfin et surtout, pour l'emploi et la cohésion sociale : ce seront les trois axes de mon intervention.

Nous ne faisons pas de concession à la fatalité, que fustigeait à juste titre M. le rapporteur Billard. Nous devons mettre en oeuvre avec volonté les éléments d'une véritable politique dans les domaines qui sont ceux de ma responsabilité au sein du Gouvernement.

Dans l'exercice de sa fonction régulatrice, le Gouvernement consacre un effort tout particulier au secteur industriel. Ce budget - M. Kucheida s'en félicitait - est en progression ; il se recentre sur des dépenses d'intervention et bénéficie d'une présentation plus transparente. Il atteint, pour la première fois, 16,6 milliards de francs de crédits, soit une progression de 2,3 %, quand l'évolution globale du budget de l'Etat est de 0,9 %. A périmètre constant - M. Hervé le notait - la progression est encore plus élevée en pourcentage. Le secteur secondaire - M. Billard, je l'espère, en conviendra - a désormais un budget prioritaire, dans son évolution et dans ses actions.

Depuis 1997, les crédits à l'industrie ont progressé de 7 %, chiffre à rapprocher des 17 % de baisse continue pendant les deux années de responsabilité de nos immédiats prédécesseurs : la comparaison est éloquente.

Ce budget est donc en progression, je le dis loin des vaines polémiques, car le débat de ce soir est d'une excellente qualité. Vous avez, mesdames, messieurs les députés, honoré l'industrie française d'interventions de fond et de propositions enrichissantes.

Ce budget se recentre aussi sur des dépenses d'interv ention. Si les dépenses ordinaires n'évoluent que de 1,2 %, les dépenses en capital progressent de 4,5 % pour les crédits de paiement et de 8 % pour les autorisations de programme.

Enfin, ce budget bénéficie d'une présentation plus transparente. Nous vous présentons désormais quatre agrégats, comme M. Bataille l'a relevé, qui retracent


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l'activité du secrétariat à l'industrie. Pour chaque action, conformément à la demande d'évaluation que vous aviez formulée les années précédentes, des indicateurs d'activité et de performance ont été établis, avec des objectifs annuels qui améliorent très sensiblement la qualité de l'information parlementaire, donc le contrôle politique que vous exercez sur les crédits et leur utilisation. Ces précisions répondent aux souhaits de vos rapporteurs, même si M. Montcharmont a eu à souffrir de quelques retards - et j'en suis désolé - dans certaines réponses techniques, retards dus à cette nouvelle présentation.

Premier point central de l'approche sur laquelle doit se focaliser l'attention, mon budget soutient l'innovation pour un montant de 2 850 millions de francs. En témoignent la poursuite du programme technologies clés, le maintien de la capacité d'engagement de l'ANVAR à un niveau de 1 400 millions de francs, crédits plus remboursements dus en cas de succès. Ces 1 400 millions de francs disponibles ont été et seront entièrement consommés, monsieur Nicolin. Je n'ai pas très bien compris votre critique.

A ttestent également le soutien à l'innovation les 1 836 millions de francs d'autorisations de programme du chapitre 66-01, chapitre stratégique au ministère de l'industrie, qui augmente de 1 %, avec des aides réorientées vers les entreprises médianes dont le nombre et la vigueur industrielle ne sont pas suffisants si on fait la comparaison, par exemple, avec l'Allemagne. On note également une montée en puissance des avances remboursables.

Ce budget a donc bien une priorité : l'innovation. Elle va, dans ce chapitre 66-01, aux technologies et à la société de l'information, pour 1,5 milliard de francs environ, avec un impact très net sur le décollage d'Internet en France.

M. Gouriou a souligné à juste titre l'importance du développement d'Internet et de la modernisation de cet outil avec le haut débit, en direction des entreprises et pour les entreprises entre elles.

Je pense à l'appel à proposition UCIPE pour les petites et moyennes entreprises, ouvert depuis 1999 à l'ensemble des actions collectives des PME pour utiliser Internet : 50 millions de francs par an.

Je pense au Réseau national de recherche en télécommunications, doté de 150 millions de francs, qui a engendré en 1998 un milliard de francs de recherche dans ce secteur.

Je pense à la création, à mon initiative, du PRIAMM programme de recherche pour les industries de l'audiovisuel et du multimédia - nouveauté de 1999 dotée de 115 millions de francs, dont la vocation est d'inciter les industries culturelles à s'approprier la révolution numérique et de leur permettre, dès 2000, de mieux lutter contre le piratage.

En 2000, monsieur Gouriou, la priorité sera accordée au haut débit sur Internet, avec notamment la loi sur la société de l'information annoncée par M. le Premier ministre lors du séminaire d'Hourtin, texte important qui permettra de bien traiter, comme j'ai déjà commencé à le faire, la question du dégroupage.

J'ai entendu tout à l'heure des critiques sur le tarif d'Internet : il est de cent francs pour vingt heures, soit le deuxième tarif le plus bas en Europe.

M. Jacques Guyard.

Exactement.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il est vrai qu'un certain retard existait. Mais nous donnons aux entreprises - qui trouveront avec Internet un outil de promotion leur permettant de nouer des relations fructueuses avec les autres agents économiques et avec leurs clients - un outil de modernisation interactif sans précédent. Il placera bientôt la France qui, aujourd'hui, a rattrapé son retard, au premier ou au deuxième rang des nations européennes pour son utilisation.

L'innovation industrielle est cruciale dans une économie mondialisée et à haute valeur ajoutée. Quelques chiffres surprenants : en France, 95 % de la croissance supplémentaire en 1998 est liée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le chiffre d'affaires des secteurs innovants a augmenté de 18 % en deux ans. Au premier semestre 1999 - autre chiffre qui éclaire la dynamique de notre secteur industriel - on enregistre 16 % de brevets supplémentaires par rapport à la même période de 1997. Il n'y avait pas moins de 1 000 sites de commerce électronique en France en septembre, soit une augmentation d'un tiers en quatre mois.

Comme le disait Dominique Strauss-Kahn, l'émergence d'une nouvelle économie fondée sur une croissance high tech élevée, fortement créatrice d'emplois et ne laissant aucun secteur au bord du chemin est notre grand dessein. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner les crédits affectés par ce ministère et par plusieurs autres à l'action très dynamique menée dans ce domaine par le Gouvernement. Il en va ainsi du capital-risque - terme qui n'a pas encore été prononcé à cette tribune - dont le dynamisme est remarquable. La création de petites entreprises innovantes - les start up, pour ne pas les nommer connaît en effet depuis un an et demi environ une accélération fulgurante : en 1998, par exemple, la collecte de capital-risque s'est élevée à 11,5 milliards de francs, triplant ainsi en deux ans. Or c'est grâce à la création d'entreprises innovante que l'on pourra trouver une solution à la problématique de l'emploi.

La régulation en faveur du développement industriel constitue le deuxième point sur lequel je souhaite insister.

L'industrie ne se réduit pas, en effet, aux nouvelles technologies. Ce budget vise le développement de l'industrie tout entière : son environnement, les grands groupes aussi bien que les petites et moyennes industries.

En premier lieu, son environnement. En matière fiscale, d'abord, le crédit impôt-recherche, créé il y a quelques années, est reconduit en 2000.

M. Claude Gaillard.

Mais pas étendu !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je l'ai étendu l'année dernière aux dépenses d'innovation en matière de design externe dans des secteurs importants de notre industrie !

M. Yves Nicolin.

Pas celui du textile !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Au-delà de cet environnement fiscal favorable, la formation des entrepreneurs est l'une de mes priorités. C'est ainsi que les crédits en faveur des écoles - écoles des Mines, groupe des écoles des télécommunications, Ecole supérieure d'électricité évoluent de 6 % par rapport à 1999, compte tenu notamment de la reprise par le GET de certaines équipes du CNET à Lannion - que M. Gouriou a évoqué - et à Bagneux.

De même, ce budget encourage la qualité et la sécurité de l'environnement, essentiels pour la compétitivité mot que l'on doit avoir constamment à l'esprit lorsque l'on parle d'industrie. Par exemple, les crédits pour la métrologie - je remercie M. Gaillard de l'avoir souligné augmentent de 18,5 %, soit un doublement en cinq ans.


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La petite et moyenne entreprise de mesure, située en amont de toute une chaîne, est un gage de qualité et de développement de technologies, et l'on aurait tort de s'en moquer.

M. Franck Borotra.

Personne ne s'en moque !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cette action ciblée que nous menons peut sans doute paraître très technique.

Elle est en réalité essentielle pour la qualité du processus industriel.

Les moyens pour la sécurité des mines, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi « après-mines » - adoptée à l'unanimité - vont eux-mêmes doubler, ce qui permet de renforcer les actions de prévention des affaissements miniers.

Enfin, 171 millions de francs supplémentaires sont dégagés pour la scission entre l'IPSN et le CEA, sujet auquel je sais M. Destot très attaché avec raison. La transparence et la sécurité nucléaires sont au coeur de la politique énergétique du Gouvernement. Comme l'est, et nous en sommes fiers, le maintien d'une option nucléaire ouverte. Celle-ci suppose que nous soyons en mesure de prendre d'ici à quelques années des décisions structurantes, concernant par exemple l'EPR, et donc de conserver intactes les compétences technologiques nécessaires.

En second lieu, l'année 1999 a vu la constitution, dans le secteur industriel, de ce que l'on peut appeler des champions français, capables d'affronter la concurrence internationale. Je pense à l'entreprise d'aviation EADS, issue d'un rapprochement entre sociétés françaises et allemandes et pour laquelle j'ai beaucoup oeuvré au niveau européen. Je pense également à Aventis, deuxième groupe mondial dans le domaine de la pharmacie, à RenaultNissan et à Total-Elf-Fina, tous deux quatrième groupe mondial dans leur secteur. Je pense aussi à la constitution, l'année prochaine, du cinquième groupe mondial dans le domaine de la chimie, sans oublier le magnifique succès que nous avons obtenu après la recapitalisation par l'Etat, à hauteur de 11 milliards de francs, de Thomson Multimédia qui aujourd'hui vaut près de 25 milliards de francs contre le franc symbolique en 1996, ...

M. Jean-Pierre Kucheida.

Un franc, monsieur Borotra !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... selon un ancien Premier ministre.

Bref, le secteur industriel évolue et permet à la France de s'attribuer, dans le concert européen et mondial, la place décisive qui témoigne vraiment de ses capacités à

« performer ».

Et si M. Billard et M. Lefort sont très vigilants à ce propos, je tiens à les rassurer. La satisfaction de voir ainsi la France prendre toute sa place dans l'industrie mondiale ne doit entraîner chez nous aucune fascination pour ces

« méga-fusions ». J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le souligner la semaine dernière en réponse à une question d'actualité sur ce sujet. Nous devons veiller, dans ces processus de rapprochement ou de fusion, à l'emploi mais aussi au maintien des centres de décision et de nos capacités de recherche et développement dans l'Hexagone ou en Europe.

Notre économie doit disposer de champions nationaux et internationaux, tout en préservant l'emploi et l'aménagement du territoire. Concilier ces deux objectifs est certes un pari difficile, mais l'Etat n'est pas sans arme pour atteindre des objectifs qu'il s'est fixés. Tel est bien l'objet de la régulation que nous souhaitons.

En troisième lieu, ce budget, en se voulant de proximité et donc plus performant, vise plus que jamais la modernisation des PMI, en particulier dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, auxquels le secrétariat d'Etat à l'industrie participe pleinement. Les crédits augmentent à cet égard de 7 %. On ne peut donc accuser mon budget d'être passif à l'égard des PMI.

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas une question de chiffres, c'est une question de volonté !

M. Franck Borotra.

Diminuez les charges !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est ainsi que 703 millions de francs sont inscrits au chapitre 64-92 en crédits de paiement, que 47 emplois sont créés au sein du secrétariat d'Etat à l'industrie, essentiellement au niveau régional, et que 12 emplois le sont dans les DRIRE.

Nous avons besoin de mettre en place dans nos régions des emplois de développement industriel...

M. Dominique Baert.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... pour permettre le développement endogène des entreprises.

M. Franck Borotra.

Endogène, endogène...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Les experts des directions régionales de l'industrie peuvent parfaitement participer au renforcement de l'emploi dans les PMI.

M. Yves Nicolin.

Plus de monde dans les DRIRE ? Les entreprises vont être contentes !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous l'aurez compris, je cherche à accroître l'efficacité de l'Etat dans son action en faveur de l'industrie et de l'emploi.

J'en viens à la question de M. Destot sur l'évaluation de l'aide de l'Etat. C'est une très bonne question, car il faut en effet mieux connaître les circuits pour rendre cette aide la plus efficace possible. Il faut rompre avec une logique de reconduction systématique afin, à partir de la mesure des performances prévues dans les agrégats dont je parlais tout à l'heure, de réorienter s'il en était besoin le système d'incitations et d'aides. J'indique à cet égard que 25 % des aides prévues dans le chapitre 66-01 seront affectés en 2000 aux entreprises médianes. Nous opérons dans ce chapitre un certain retrait à l'égard des t rès grandes entreprises qui, pendant des années - M. Borotra avait critiqué cette situation -, y étaient en quelque sorte abonnées, pour nous tourner vers les petites et moyennes industries.

L'efficacité de l'Etat passe par cette évaluation mais aussi par des programmes mieux ciblés et des procédures simplifiées. C'est ainsi que pas moins de dix taxes industrielles ont été supprimées parmi les 49 suppressions annoncées dans le projet de loi de finances.

Trois autres chantiers sont ouverts.

D'abord, la simplification des aides avec un contrat unique de l'Anvar dès 1999, la simplification de la procédure ATOUT, le contrat unique pour les DRIRE dans les semaines à venir, sans oublier la réflexion en cours sur un rapprochement entre les DRIRE, les directions régionales du commerce extérieur et les directions régionales du commerce et de l'artisanat, pour disposer d'un véritable pack offensif dans chacune de nos régions, au service du développement, de l'investissement et de l'innovation.

Ensuite, l'orientation des aides vers les PMI, que je viens d'illustrer : 25 % des incitations à l'innovation seront consacrées aux entreprises médianes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

Enfin, la priorité donnée aux aides structurantes nous permet de dire non au saupoudrage et de nous tourner plutôt vers le développement des technologies clés de demain, qui s'appuient sur les points forts de nos régions.

En prenant en compte les caractéristiques spécifiques à chacune, c'est une politique régionalisée et fine de l'incitation qui est ainsi menée.

Le troisième objectif concerne l'emploi et la cohésion sociale que l'aide à l'innovation et le soutien au développement industriel ont évidemment pour but ultime de favoriser.

Des difficultés peuvent apparaître dans certains secteurs ou certaines régions et je ne manque alors jamais de vous rencontrer pour vous aider individuellement car surmonter les difficultés parfois lourdes - je le sais pour l'avoir vécu dans ma région - requiert de l'Etat un véritable accompagnement des mutations industrielles tout en évitant, comme le disait M. Destot, tout déséquilibre avec l'action en faveur des nouvelles technologies. C'est ainsi que 4,8 milliards de francs sont destinés aux mutations industrielles, soit une hausse de 9,5 % par rapport à 1999 ; 2 840 millions sont consacrés à Charbonnages de France tandis que les autorisations de programme pour l'équipement naval augmentent de 50 %. Cette mesure traduit l'engagement du Gouvernement à favoriser, dans le respect des règles communautaires, le développement de la construction navale que M. Billard appelait de ses voeux.

Je veux saluer à cet égard le remarquable succès des Chantiers de l'Atlantique qui ont à la fois consenti un effort très important de rationalisation de la production et rénové leur gamme de produits, ce qui les place aujourd'hui parmi les premiers chantiers européens. Ils ont pu enregistrer, il y a quelques mois, un nombre de commandes que personne ne pouvait attendre il y a deux ou trois ans et qui leur permet d'envisager l'avenir avec beaucoup d'optimisme.

Les moyens du fonds d'industrialisation de la Lorraine, du fonds d'industrialisation des bassins miniers, des crédits de politique industrielle et du CIRI sont enfin consolidés à hauteur de 305 millions de francs en autorisations de programme.

Vous avez, s'agissant du FIBM, manifesté, monsieur Kucheida, quelque inquiétude. Je vous rappelle que les reliquats des années passées viennent abonder en cours d'année les crédits initiaux. En l'an 2000, ce ne seront ainsi pas moins de 150,5 millions de francs qui seront disponibles. Je suis prêt à étudier vos propositions, qui me semblent très intéressantes. J'ajoute que j'ai assoupli, en décembre 1998, les procédures de gestion de ce fonds.

La nation a une dette à l'égard des mineurs, et elle entend l'honorer.

Puisque j'évoque les bassins miniers et les difficiles problèmes, notamment les affaissements auxquels nous avons été confrontés, j'indique à tous les parlementaires concernés, et particulièrement à vous, monsieur Kucheida, qui êtes le secrétaire général de l'association des communes minières, que trois séries de décrets sont prévues en la matière. Ils sont relatifs à l'indemnisation des victimes d'affaissement, aux plans de prévention, aux conditions de renonciation aux concessions minières et à l'Agence de prévention des risques miniers. La première série sera transmise très prochainement au Conseil d'Etat. Par ailleurs, les dispositions de la loi sur l'indemnisation s'appliqueront, ainsi que je l'ai promis, aux victimes de tous les affaissements à partir de 1997.

Enfin, ce qui tranche avec tout ce que ces régions minières en grave difficulté ont connu précédemment, les associations de sinistrés ont été reçues le 18 octobre à mon cabinet.

Puisque j'évoque le cas des mines, monsieur Roger Meï, je tiens à souligner que le groupe de travail présidé par M. Guillaume, chargé d'évaluer et d'analyser le coût de production du charbon de Gardanne, en concertation avec les mineurs et leurs organisations, a rendu ses conclusions, et l'action a été engagée au niveau de la région.

Un nouveau plan d'entreprise, plus ambitieux, a été présenté par les Houillères du bassin du Centre et du Midi. Une mission d'industrialisation du bassin minier de Gardanne a été mise en place en accord avec le conseil régional, le conseil général, la chambre de commerce et d'industrie. L'objectif qui lui a été donné est de créer deux à trois cents emplois par an pendant la durée du plan, c'est-à-dire pendant sept ans.

Nous avons ainsi procédé à de nouveaux essais sur un contingent de 160 000 tonnes de charbon d'Afrique du Sud pour assurer le maintien de l'emploi et le fonctionnement normal des centrales de Gardanne. Nous f inançons, par l'intermédiaire de Charbonnages de France, deux cents emplois-jeunes, dont l'embauche a commencé et qui seront employés par des structures locales. Nous avons créé deux BTS.

Le pôle énergétique de Gardanne fait également l'objet d'un projet de création d'une tranche supplémentaire de centrale électrique à lit fuidisé circulant, lequel est étudié , à ma demande - nous en avons déjà souvent parlé -, par le directeur général de la SNET, filiale électrique de Charbonnages de France. Les études ont déjà fait apparaître qu'une nouvelle tranche électrique ne pourrait être réalisée que si EDF s'engageait à acheter au moins 40 % de la production nouvelle et si la SNET était en mesure de vendre le reste à des clients éligibles. Il faut donc réaliser une étude de marché en prenant en compte plusieurs paramètres, dont le coût du transport et la définition des clients éligibles. C'est pourquoi nous devons attendre, pour mettre en oeuvre ce projet, que la loi de développement et de modernisation du service public de l'électricité soit votée. Je ne doute pas qu'elle le sera dans les meilleurs délais.

Sur ces crédits essentiels pour faire face à des situations de crise, une volonté de transparence et de vérité sur les coûts m'anime. Je tiens également à gérer ces aides au quotidien en accordant la priorité aux actions tendant à préserver et à consolider l'emploi.

La politique en faveur de l'industrie textile tient lieu d'illustration à cet égard. Nous sortons en effet progressivement du plan dit Borotra...

M. Yves Nicolin.

Très bon plan !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... sans fuite en avant, sans politique du paon, monsieur Borotra...

M. Franck Borotra.

En matière de paon, vous êtes orfèvre !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... en accompagnant ce secteur parfois en difficulté.

J'ai négocié, parfois durement, avec la Commission européenne des conditions qui permettront aux entreprises de sortir de ce plan sans trop de difficultés.

M. Franck Borotra.

Le manque de courage est bien ce qui caractérise votre attitude !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Un petit nombre seulement de l'immense majorité des 5 500 entreprises ayant perçu ce type d'aide ou d'incitation reste concerné par ce remboursement, étalé sur plusieurs années et qui ne commencera que l'année prochaine.

M. Franck Borotra.

Scandaleux ! L'Etat ne respecte même pas sa parole !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous mettons en oeuvre la régulation non seulement pour l'emploi, mais aussi en faveur de la cohésion sociale.

M. Franck Borotra.

Belle cohésion sociale pour le textile !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je pense aux services publics tant dans le domaine des communications, avec France Télécom et La Poste, que dans celui de l'énergie, avec EDF et GDF. Remarquables réussites techniques et économiques, nos services publics doivent en effet être exemplaires aussi sur le plan social.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

D'ailleurs ils le sont, qu'il s'agisse des emplois-jeunes, de l'aménagementréduction du temps de travail, de la lutte contre l'emploi précaire, notamment à La Poste où le nombre des CDD est en réduction, où les CDI sont consolidés et où 20 000 personnes seront recrutées.

M. Yves Nicolin.

Tout va bien.

M. Jacques Guyard.

Eh oui, ça va mieux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Puisqu'ils doivent être exemplaires, il faut répondre à la question posée sur les tarifs sociaux de France Télécom.

En ce qui concerne d'abord la réduction du prix de l'abonnement téléphonique...

M. Yves Nicolin.

Il augmente !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... pour les titulaires de certains minima sociaux, la mise en place d'un dispositif particulier nécessite l'adaptation des systèmes informatiques de plusieurs organismes sociaux.

M. Yves Nicolin.

Ben voyons !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Or celle-ci est plus longue que prévu.

J'ai demandé à mes services d'étudier, pour l'année 1999, une solution concrète qui consisterait à fournir à tous les bénéficiaires de tarifs sociaux des cartes prépayées en utilisant, si possible, le réseau de La Poste pour les distribuer. Cela répondrait, de façon évidemment transitoire, à la demande, formulée de façon unanime en 1997, de traduire dans les faits les dispositions de la loi relative au traitement des cas sociaux les plus difficiles.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le secteur postal a été l'objet de plusieurs interventions. A ce sujet, j'ai fait état hier matin, auprès du commissaire Bolkestein, de notre fermeté quant à la nécessité de préserver un large secteur d'activité à La Poste et de renforcer - et non pas seulement d'amodier - le service universel.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je sais que MM. Montcharmont, Hervé, Guyard et Brottes sont très sensibles à cet enjeu. Monsieur le président Guyard, je compte d'ailleurs sur le soutien de la commission supérieure du service public de La Poste et des télécommunications.

M. Jacques Guyard.

Vous l'avez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il faut en effet nous aider dans cette tâche car, en la matière, il n'y a pas forcément toujours une grande convergence de vues avec l'ensemble de nos partenaires européens. Or vous savez que j'ai l'intention de défendre, comme je l'ai déjà fait, le service public, le service universel et un certain contenu du service universel, sans concession aucune à l'égard du libéralisme ambiant au sein de certains Etats membres de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

La majorité des gouvernements européens est socialiste ! Comment pouvez-vous tenir de tels propos ? Quelle honte !

M. Yves Nicolin.

Ce sont vos amis !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je compte aussi sur la commission de la production et des échanges dans son ensemble pour m'aider, le moment venu, au travers d'une résolution élaborée en commun avec la délégation pour l'Union européenne, afin de défendre et de promouvoir le service public.

M. Franck Borotra.

Comme pour le textile !

M. Yves Nicolin.

Nous en reparlerons l'an prochain et nous verrons combien de couleuvres vous aurez avalées !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. François Brottes, véritable ami de La Poste, lui, a trouvé dans ce budget la confirmation de notre engagement en faveur d'une poste de service public. Puisqu'il a posé la question, je répète à la tribune de l'Assemblé nationale qu'elle est et demeurera un établissement public. Cela est clair et net. Aucun archer n'adressera une mauvaise flèche à l'établissement public La Poste.

M. François Brottes.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La gestion des entreprises responsables d'un service public ne s'apprécie pas, pour l'essentiel, lors du vote du budget. Il faut d'ailleurs s'en féliciter, car cela est la preuve, s'il en fallait vraiment une, de leur bonne santé économique.

Dans le domaine des télécommunications, les moyens de l'autorité de régulation des télécommunications, si utile et si experte en la matière, sont augmentés de 3,5 millions de francs, et ceux de l'agence nationale des fréquences, avec le transfert des activités radio-maritimes de France Télécom vers l'Etat, souligné par plusieurs d'entre vous, progressent de 21 millions de francs.

Pour La Poste, l'effort de l'Etat en faveur du transport de la presse, est porté, comme je m'y étais engagé personnellement, de 1 850 à 1 900 millions de francs, conformément au contrat d'objectifs et de progrès signé avec l'établissement en 1998.

En matière de retraites, la participation de l'Etat sera de 3 milliards de francs pour La Poste sur la durée du contrat d'entreprise, dont 600 millions de francs dès le projet de loi de finances pour 2000.

Enfin, dans le domaine de l'électricité, la loi de finances rectificative dotera la commission de régulation de l'électricité d'environ 50 millions de francs en 2000,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

ce qui lui permettra, grâce à cinquante embauches dès la première année, d'assurer les missions de régulation de l'électricité et, sans doute demain, du gaz.

A ce propos, je souhaite revenir sur le déroulement de la commission mixte paritaire relative à la loi concernant l'électricité. En effet, l'opposition y a montré qu'elle défendait, sur trois ou quatre points décisifs, des thèses que ni la majorité plurielle ni le Gouvernement ne pouvait retenir, car elles compromettaient l'équilibre du texte souhaité par l'Assemblée nationale.

M. Henry Chabert.

A tort !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il ne faut cependant pas dramatiser le retard qui va en découler.

M. Franck Borotra.

Bien sûr, ce n'est pas vous qui payez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En effet, sur la base du texte de votre assemblée, la France pourra mettre le dispositif législatif en place d'ici au printemps.

Pour ce qui est du gaz, je proposerai évidemment au Parlement d'examiner le projet de loi de transposition avant la date limite du 10 août 2000.

Cela devrait être de nature à rassurer M. Gaillard.

M. Franck Borotra.

Pas vraiment si c'est comme pour l'électricité !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je défendrai alors une ligne pragmatique pour développer le service public et assurer l'avenir industriel de Gaz de France, comme le suggère excellemment M. Charles Fiterman dans le remarquable rapport qu'il a présenté au conseil économique et social.

M. Franck Borotra.

Il vient d'inventer le pragmatisme idéologique !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La politique énergétique que je conduis s'appuie précisément sur des entreprise de service public. Quels sont ses principes ? D'abord, monsieur Gaillard, je vous indique qu'il y a bel et bien une politique énergétique du Gouvernement.

Elle est aussi bien celle de ma collègue et très chère amie,

Mme Voynet, que la mienne.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Oh non !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En effet, elle est celle qui a résulté des arbitrages opérés par M. le Premier ministre.

M. Franck Borotra.

Et soutenue par toute la majorité ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Absolument !

M. Franck Borotra.

Regardez M. Cochet derrière vous.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Cochet m'approuve naturellement. (Sourires.)

M. Yves Nicolin.

Il n'a pourtant pas vraiment un sourire épanoui.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le premier principe de notre politique énergétique est la transparence, a vec l'application, monsieur Bataille, de la loi du 3 0 décembre 1991, remarquablement défendue à l'époque, au nom du Gouvernement, par M. Strauss-Kahn - auquel je tiens à rendre hommage - et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée. Portant sur l'aval du cycle n ucléaire, elle a déterminé trois axes essentiels de recherche qui font tous l'objet d'une attention budgétaire particulière. Chacun sait aussi qu'a été opéré le rééq uilibrage nécessaire pour que chacune des voies de traitement du problème de l'aval soit considérée à l'égal des deux autres.

Des décisions importantes ont été prises à cet égard le 9 décembre 1998, et elles sont appliquées. Les ayant rappelées lors du débat du 21 janvier 1999, je me bornerai à souligner que j'ai mis en place, avec l'approbation unanime de l'Assemblée, le comité d'information et de suivi du laboratoire de Bures dont les travaux vont commencer dans les prochains jours. Il s'agit d'une première illustration, dans les terrains argileux - un autre laboratoire travaillera prochainement sur les terrains granitiques - de notre volonté d'étudier les trois possibilités retenues par la loi du 31 décembre 1991.

Le deuxième principe est la recherche des économies d'énergie et la diversification des sources d'énergie au travers des crédits de l'ADEME notamment. Après une très forte hausse en 1999, ils seront consolidés en 2000, avec 242 millions de francs d'autorisations de programme.

Sur le troisième principe, la recherche et l'innovation au travers du CEA, je peux rassurer MM. Destot, Billard et Nicolin. Nous considérons en effet que le CEA est un remarquable outil scientifique. Avec plus de 11,1 milliards de francs de crédits, ses moyens progressent de 1,1 %, à périmètre constant. Je tiens d'ailleurs, au nom du Gouvernement et sans doute aussi au vôtre, à rendre hommage à la qualité de ses chercheurs.

Je dois également indiquer à M. Borotra que le «trou», qu'il a décelé - je reprends la mauvaise expression qu'il a employée - est, à ma connaissance, non pas du montant qu'il a avancé, mais d'une cinquantaine de millions de francs sur les 11,1 milliards de crédits dont bénéficie le CEA civil, soit moins de 0,5 %.

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas ce que disent les intéressés !

M. Franck Borotra.

Ils ont fait 100 millions d'économies pour compenser les engagements que vous n'avez pas tenus !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Par ailleurs, je vous indique que toutes les installations du CEA sont aux normes. Ils n'est donc nullement question de leur démantèlement, car les dotations prévues lui permettront de faire face à ses obligations en temps et en heure. Soyez donc rassurés quant au budget et aux missions du CEA, car le Gouvernement porte une considération extrême à ce remarquable centre de recherche.

Enfin nous tenons à conserver des services publics inscrits dans le durée par une transposition vigilante et concertée des directives européennes -, dotés de stratégies offensive de développement, ayant une réelle ambition sociale. Telle est ma vision des entreprises publiques dans le domaine de l'énergie et des communications.

Mesdames, messieurs, ce budget est bon, même si vous l'abordez sans euphorie, parce que demeurent des difficultés. Ainsi nombre de nos concitoyens doivent affronter des situations difficiles. Néanmoins nous pouvons considérer que, d'une manière générale, la conjoncture industrielle, est bonne. Nous pouvons donc envisager 2000 avec un optimisme raisonnnable pour notre industrie, d'autant qu'il est fondé sur une forte volonté politique.

Elle anime notre action et elle a présidé à l'élaboration de ce budget.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

La croissance est désormais établie sur des bases claires et saines. L'aide à l'innovation est développée. Les services publics sont renforcés avec la volonté, à chaque instant manifestée et concrétisée, de servir les objectifs sociaux et d'assurer l'égalité entre les citoyens.

Les pouvoirs publics et l'Etat ont un rôle régulateur à jouer dans la stratégie industrielle du pays. Ce budget en est l'illustration et le Gouvernement entend bien en assumer la responsabilité. Il est fier de pouvoir agir en faveur d'une industrie française conquérante dans le monde et dont les succès dans le domaine de l'innovation sont chaque jour plus importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous abordons maintenant les questions.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Selon la plaisante sagesse lyonnaise, on n'est jamais si bien servi que par soi-même.

M. Franck Borotra.

Ce n'est pas seulement lyonnais !

M. Henry Chabert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez d'en donner une brillante illustration. Je suis désolé de troubler ainsi le discours d'autosatisfaction que vous avez prononcé, mais, comme vous n'avez pas de boules Quies, vous devez tout de même entendre les récriminations des industriels qui se plaignent,...

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

Comme toujours !

M. Henry Chabert.

... en particulier de la mise en oeuvre des 35 heures, qu'il s'agisse de la première ou de la seconde loi.

Ainsi, dans l'industrie textile, cette dernière remettra en cause l'accord du 16 octobre 1998 et posera de sérieux problèmes qui s'ajouteront à ceux que vous avez évoqués dans votre intervention, nés de la suppression de ce qui avait représenté un fabuleux ballon d'oxygène pour ce secteur ; je veux parler de la loi Borotra.

M. Franck Borotra.

C'est dramatique !

M. Henry Chabert.

Vous savez pourtant que cette industrie est confrontée à une concurrence internationale extrêmement rigoureuse. Vous savez aussi que notre expansion actuelle tient essentiellement à la conjoncture internationale qui a des effets positifs pour l'industrie française. Or nous avons le sentiment, partagé par de nombreux industriels, que les différentes lois que vous voulez mettre en oeuvre vont casser les ressorts de cette embellie.

Quelles mesures comptez-vous concrètement mettre en oeuvre pour éviter soit la fermeture de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur textile car, en tant q ue Lyonnais, j'en connais en effet beaucoup qui subissent de graves difficultés à cause de vos lois -, soit, ce qui est une autre façon pour elles de régler le problème, les délocalisations dans ce secteur traditionnel de notre économie ?

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Confronté à une crise internationale d'une forte intensité, le secteur du textile, de l'habillement, de la chaussure, des cuirs et peaux connaît, à certains moments, des difficultés.

Face à cette situation, j'ai pris un certain nombre de dispositions concrètes pour lutter contre le problème posé par la disparition massive d'emplois qui a eu lieu à certaines périodes de l'année 1999, notamment dans les petites et moyennes entreprises, dans l'ensemble des régions : à certains moments c'était, comme l'a dit un orateur, entre 1 000 et 1 500 emplois par mois qui disparaissaient ! Nous avons plusieurs moyens d''intervenir.

Le premier est la baisse du coût du travail. Celle quie st prévue dans la deuxième loi de ma collègue Mme Aubry sera particulièrement efficace dans le secteur du textile et de l'habillement ...

M. Franck Borotra et M. Yves Nicolin.

Non !

M. Henry Chabert.

Il y a de nouvelles taxes !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... où beaucoup de personnes ont des salaires égaux ou proches du SMIC.

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis.

Mais oui.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pour un salarié payé au SMIC, la réduction de charges sociales qui accompagne la réduction du temps de travail est de 21 000 francs. Cette somme est, comme Mme Aubry l'a souligné plusieurs fois, supérieure au coût instantané d'application des 35 heures.

M. Yves Nicolin.

Pas du tout.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cela veut dire que l'entreprise qui paye un salarié au SMIC est, en net, bénéficiaire lorsqu'elle passe aux 35 heures.

M. Franck Borotra.

C'est faux. Il n'y a que dans les ministères qu'ont croit cela ! Allez voir comment fonctionne une entreprise.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Deuxième moyen d'intervention : le fort allégement des charges sociales s'accompagnera d'une modernisation du tissu industriel.

Beaucoup a déjà été fait. L'Etat accorde des aides ciblées aux petites et moyennes industries à travers le FDPMI.

Des aides sont prévues dans les contrats de plan Etatrégions. Le nouvel engagement pour le développement de la formation est assorti d'une subvention supplémentaire de 70 millions de francs de l'Etat.

Une aide systématique est accordée aux technologies et, comme vous le savez puisque vous êtes spécialiste de cette question, le textile technique qui se développe bien en France - je rappelle qu'il y a en moyenne trente kilos de textile dans une automobile - bénéficie d'une aide à l'innovation et à la technologie très importante.

M. Yves Nicolin.

Elle est très faible !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Troisième moyen d'intervention : l'action menée conjointement avec ma collègue Marylise Lebranchu en ce qui concerne la distribution. Les rapports entre le textile-habillement, d'une part, et la grande distribution, d'autre part, demandent à être mieux régulés et le dialogue que nous avons réussi à nouer est - la réunion qui aura lieu dans quelques jours le montrera - très positif. Elle a pour but de faire en sorte que le secteur du textile-habillement soit moins soumis à la pression de la grande distribution pour les prix, les coûts de référencement, et, d'une manière générale, dans les relations qui les lient.

Quatrième moyen d'intervention : une position ferme de la France et de l'Union européenne au sein des négociations de l'OMC à Seattle. Il faut que nous défendions le textile comme nous l'avons fait récemment, pour ne prendre qu'une illustration parmi beaucoup d'autres,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1999

lorsque nous avons demandé et obtenu de Bruxelles des mesures de sauvegarde pour l'importation des cotons d'Ouzbékistan. Comme je le fais très régulièrement à Bruxelles en liaison avec les organisations syndicales et les organisations professionnelles du type Euratex, nous affirmerons la nécessité de défendre ce secteur dans les relations économiques internationales.

Comme vous le voyez, nous ne sommes pas dépourvus d'armes et une approche offensive à l'OMC, comme dans nos relations avec les autres membres de l'Union européenne, permet de colmater un certain nombre de brèches et d'armer ce secteur par l'investissement et l'innovation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Franck Borotra.

C'est consternant !

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

ECONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Economie, finances et industrie. »

Etat B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 4 805 315 457 francs ;

« Titre IV : 6 119 200 900 francs ».

Etat C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 1 607 450 000 francs ;

« Crédits de paiement : 1 158 870 000 francs ».

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 7 383 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 2 113 280 000 francs ».

Personne ne demande la parole ? ... Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre IV.

(Le titre IV est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits de l'économie, des finances et de l'industrie.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Lundi 22 novembre 1999, à dix heures trente, première séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805.

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

Articles non rattachés : articles 52, 53, 54 et 56 à 63.

Articles « services votés » et articles de récapitulation: articles 37, 38, 39, 42 et 43.

Eventuellement, seconde délibération.

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 20 novembre 1999, à zéro heure quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION TRANSMISSIONS

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 18 novembre 1999 No E 1339. - Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement en cas de pertes résultant de prêts en faveur de projets pour la reconstruction des régions de la Turquie frappées par le séisme (COM [99] 498 final).

No E 1340. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le Royaume du Cambodge sur le commerce de produits textiles (COM [99] 547 final).

No E 1341. - Proposition de règlement du Conseil relatif aux contributions financières de la Communauté au Fonds international pour l'Irlande (COM [99] 549 final).