page 10056page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 10057).

CORSE (p. 10057)

M. Dominique Dord, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

TITRE D'IDENTITÉ RÉPUBLICAIN (p. 10058)

MM. Bernard Roman, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

SPORT PROFESSIONNEL ET SPORT AMATEUR (p. 10058)

M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

CONFÉRENCE DE L'OMC (p. 10059)

Mme Béatrice Marre, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ENCOMBREMENTS DANS LA VALLÉE DU RHÔNE (p. 10060)

MM. Eric Besson, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

LOGEMENT (p. 10061)

MM. Patrice Carvalho, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

MINIMA SOCIAUX (p. 10062)

M. Patrick Braouezec, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RAPPORT PATRIAT (p. 10063)

M. Jean-Claude Lemoine, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

SIÈGE SOCIAL D'EADS (p. 10064)

M M. Philippe Briand, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

FISCALITÉ DES PERSONNES SEULES (p. 10064)

M M. Pierre Morange, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

A

CCORDS INTERNATIONAUX SUR LES MÉDICAMENTS (p. 10065)

M. Guy Hascoët, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

35 HEURES (p. 10066)

M. Léonce Deprez, Mme Martine Aubry, ministre de l'emloi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 10066)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 10066).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 10071)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : MM. Bernard Accoyer, Jean-Luc Préel, Marcel Rogemont, François Goulard, Mme Muguette Jacquaint,

M. Patrick Delnatte. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 10076)

Question préalable de M. José Rossi : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, Jean Bardet, Mme Muguette Jacquaint, MM. François Goulard, Marcel Rogemont, Germain Gengenwin. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10082)

M.

Jean-Luc Préel, Mme Hélène Mignon,

MM. Jean Bardet, François Goulard, Jean-Paul Bacquet, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia,

MM. Pascal Terrasse, Pierre Morange.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10096).


page précédente page 10057page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Il n'est pas là !

M. Dominique Dord.

Alors que notre pays traverse, avec l'affaire corse, une crise institutionnelle grave, que des conflits internes paralysent les services de police, que des hauts magistrats en appellent au Président de la République, hier, à l'occasion de la séance des questions au Gouvernement, notre collègue Philippe Houillon a interrogé solennellement le Premier ministre sur les propos blessants et méprisants de Jean-Pierre Chevènement à l'encontre de la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Mais, alors que la question lui était adressée personnellement, il a préféré désigner Mme la garde des sceaux pour y répondre, et c'est d'ailleurs à elle que le président avait donné la parole, comme en atteste le Journal officiel. Quelle ne fut donc pas notre surprise - et celle du Premier ministre - de voir M. le ministre de l'intérieur se ruer sur le micro. (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Ce curieux scénario - je salue votre arrivée dans l'hémicycle, monsieur le Premier ministre - montre que les dysfonctionnements atteignent désormais tous les rouages de l'Etat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Malgré son empressement, contre votre volonté, monsieur le Premier ministre, Jean-Pierre Chevènement n'a pas cru devoir répondre à notre collègue Houillon. Il a jugé bon de ne rien dire sur les conflits internes au sein même de son ministère et a tenté un dégagement sur une autre vraie question d'ailleurs, celle de la séparation des pouvoirs judiciaire et législatif. Cette question légitime est aujourd'hui soulevée, en effet, par un certain nombre de magistrats, notamment antiterroristes, mais n'était pas celle de Philippe Houillon.

Aussi, monsieur le Premier ministre, c'est à vous et à vous seul que je repose la même question à laquelle JeanPierre Chevènement n'est évidemment pas qualifié pour répondre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

A moins qu'il ne souhaite, par hasard, présenter quelques excuses aux parlementaires de la majorité et de l'opposition qui ont siégé au sein des commissions d'enquête et qu'il a insultés dimanche sur TF 1. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Monsieur le Premier ministre, sans argumenter à votre tour sur la séparation des pouvoirs judiciaire et législatif encore une fois, c'est une autre question que ne manqueront sans doute pas de soulever nos collègues au cours de cette séance de questions - dites-nous très simplement si vous regrettez et condamnez les propos méprisants et, pour tout dire, pas du tout à la hauteur de la crise, de votre ministre de l'intérieur à l'égard de nos collègues de la majorité et de l'opposition, propos qui nourrissent l'antiparlementarisme et portent atteinte à la crédibilité et à la respectabilité de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je suis très heureuse de répondre à votre question. Sachez d'abord que Jean-Pierre Chevènement et moi travaillons ensemble (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance) et que, lorsqu'un membre du Gouvernement s'exprime, c'est au nom de l'ensemble du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

S'agissant du travail des commissions parlementaires, je veux souligner, ce qui n'a peut-être pas été suffisamment fait, notamment par la presse dont on sait qu'elle ne signale jamais les trains qui arrivent à l'heure (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Applaudissements sur quelques bancs du


page précédente page 10058page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

groupe socialiste), que le fonctionnement des services publics, et, en particulier, du service public de la justice, faisait l'objet de louanges dans ces deux rapports.

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas la question !

M. Michel Meylan.

Baratin !

Mme la garde des sceaux.

Le rapport du Sénat, où la majorité n'est pas favorable au Gouvernement et dont je loue l'objectivité, fait observer que, dans le domaine de la justice en Corse, on est passé de « l'inertie » au « sursaut ».

M. Michel Meylan.

Ces propos sont inadmissibles !

Mme la garde des sceaux.

Il souligne encore un changement bienvenu dans l'attitude des juges depuis deux ans.

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas la question !

Mme la garde des sceaux.

Il constate aussi une fermeté nouvelle de la justice en Corse.

M. Michel Meylan.

Baratin !

Mme la garde des sceaux.

Aucun des deux rapports parlementaires ne met en cause la centralisation du traitement des affaires terroristes à Paris. Et tous deux soulignent à quel point la répartition du travail se fait harmonieusement entre les magistrats corses et les magistrats parisiens.

Bien entendu, monsieur le député, le Gouvernement tiendra le plus grand compte des propositions des rapports parlementaires car certaines choses peuvent être améliorées.

Sachez que j'ai demandé pour le début de l'an prochain un rapport au procureur général de Corse sur le fonctionnement de la justice criminelle en Corse. J'ai également demandé aux magistrats parisiens et corses de réfléchir, au vu des suggestions du rapport de l'Assemblée nationale, sur la façon d'améliorer encore la répartition des compétences entre magistrats parisiens et corses.

Enfin, sur la question très importante de la criminalité organisée qui est abordée dans le détail par le rapport de l'Assemblée, j'ai demandé que soit mise en place une commission de réflexion comprenant des magistrats corses et des représentants des services fiscaux, des douanes, des banques ainsi que du TRACFIN, afin de cerner de plus près les contours de la criminalité organisée en Corse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

TITRE D'IDENTITÉ RÉPUBLICAIN

M. le président.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

M. Yves Nicolin.

Il ne répondra pas !

M. Bernard Roman.

Monsieur le ministre, nous avons fêté, le samedi 20 novembre, le dixième anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant. En cette fin de siècle, nous pouvons tous nous féliciter d'avoir entrepris un combat trop souvent délaissé, celui des droits de l'enfant, de sa liberté, de son droit de parole, de son droit à la citoyenneté.

Cet anniversaire nous donne l'occasion de revenir sur une avancée considérable, votée par cette assemblée lors de l'adoption de la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, en décembre 1997. Je veux parler du titre d'identité républicain. Jusqu'à cette date, les enfants nés en France de parents étrangers étaient des sans-papiers.

Seuls le passeport et le titre de séjour de leurs parents témoignaient de leur identité.

Français à dix-huit ans, mais étrangers et sans pièce d'identité jusqu'à cet âge, et donc presque toujours privés de voyages scolaires à l'étranger, interdits de visite dans les bâtiments officiels, ces enfants de l'immigration ont trop souvent connu la discrimination et le sentiment cruel de la différence.

M. Jean-Pierre Michel.

Très juste !

M. Bernard Roman.

Grâce à la gauche et malgré le vote opposé de la droite parlementaire (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) , ces enfants aujourd'hui ne sont plus différents. Comme les autres, ils ont des papiers d'identité. Comme les autres, ils sont des enfants de la République. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, je serais heureux de connaître le premier bilan de cette mesure qui fut un petit pas pour le législateur mais un grand pas pour la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, vous avez tout à fait raison de rappeler l'innovation qu'a constituée, dans la loi RESEDA du 11 mai 1996, l'institution du titre d'identité républicain.

Ce titre d'identité met fin à un vide juridique choquant et va dans le sens de l'égalité entre les enfants nés de parents étrangers et les enfants français. Tous sont les enfants de la République.

Il s'agit là d'une avancée en faveur de l'intégration voulue par le Gouvernement. Il en est de même de la réforme du code de la nationalité, qu'a portée devant le Parlement ma collègue Mme Elisabeth Guigou, et qui a permis de réaffirmer le droit du sol, lequel avait connu précédemment quelques atteintes. Il en est ainsi également des actions que je m'efforce de promouvoir en vue de l'accès à la citoyenneté des jeunes Français nés des dernières vagues de l'immigration. Ils méritent que l'on s'occupe d'eux et qu'on leur donne leur chance, à égalité avec les autres enfants de notre pays.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

S'agissant du bilan du titre d'identité républicain, une circulaire du 5 février 1999 a prévu un suivi statistique. Les données précises seront connues au premier trimestre 2000. D'ores et déjà, je peux vous indiquer qu'une étude, fondée sur le nombre de titres délivrés par la préfecture de police et par la préfecture de la Seine-Saint-Denis, permet d'évaluer à 25 000 ou 30 000 le nombre de titres d'identité républicains délivrés annuellement en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

SPORT PROFESSIONNEL ET SPORT AMATEUR

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud.

M. Jean-Claude Beauchaud.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.


page précédente page 10059page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Madame la ministre, les sportifs et équipes de haut niveau de notre pays obtiennent de brillants résultats dans de nombreuses disciplines, mais chacun s'accorde à reconnaître que, sans le sport de masse, ces résultats ne susciteraient pas le même engouement chez nos concitoyens. Cependant, les bénévoles qui animent nos petits clubs ressentent de l'amertume face aux conditions dans lesquelles ils exercent ce bénévolat, voire de l'écoeurement, parfois, devant les tourbillons financiers qui agitent le sport professionnel.

Le projet de loi de finances pour l'an 2000 prévoit, dans son article 31 bis nouveau, qu'il est institué un prélèvement sur les contrats relatifs aux retransmissions audiovisuelles signés par les fédérations sportives. Le produit de ce prélèvement alimenterait le fonds national de développement du sport, avant d'être redistribué aux petits clubs.

Néanmoins, madame la ministre, un certain nombre d'instances sportives professionnelles se sont émues de ce qu'elles ressentent comme une nouvelle taxe. Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les principes et les objectifs de cette mesure, ainsi que sur ses mécanismes d'application ? A quelle date cette mesure entrera-t-elle en application, et à partir de quand les petits clubs pourront-ils en bénéficier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, il s'agit là d'une mesure de solidarité entre les différentes pratiques sportives et entre les différents niveaux du sport. Vous avez parlé des brill ants résultats des équipes de France. Mais cela commence par l'accueil d'un enfant au sein d'un club local et son initiation à la pratique sportive par des bénévoles et des éducateurs.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) L'argent prélevé sur les contrats de retransmission audiovisuelle des événements sportifs n'ira pas dans les caisses de l'Etat. Il sera directement versé au fonds national de développement du sport, et immédiatement redistribué en cogestion avec le mouvement sportif.

Certes, quelques voix se sont élevées. Elles sont toutefois très peu nombreuses. En tout cas, le débat continue et je tiens à dire à ces personnes que le gouvernement et la majorité ont entendu le sport professionnel. Ils ont reconnu son rôle économique, sportif et même social.

Une proposition de loi devrait être examinée dans les prochains jours. Elle vise à donner aux clubs différentes possibilités de statut, à protéger les clubs formateurs et les sportifs mineurs et à maintenir les subventions publiques aux clubs professionnels.

M. Jean-Pierre Soisson.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mais il faut également que le sport professionnel pense au sport amateur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Oui !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Chacun, chacune d'entre nous ici le sait de par son activité d'élu, les bénévoles ont plus l'impression d'être ponctionnés qu'aidés. Le Gouvernement a donc décidé de leur fournir une assistance en relevant de 37 % la part régionale du FNDS, en versant les bénéfices de la Coupe du monde aux clubs amateurs et en instaurant aujourd'hui ce fonds de mutualisation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CONFÉRENCE DE L'OMC

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ce mardi 30 novembre s'ouvre à Seattle la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce qui définira le contenu, la durée et les modalités du prochain cycle de négociations commerciales internationales.

Chacun connaît aujourd'hui l'enjeu central de cette conférence. Il s'agit de conforter l'OMC dans son rôle de régulateur du commerce mondial, car l'absence de règles, c'est la loi du plus fort, en rendant celui-ci plus transparent et plus équitable et de définir la place de cette organisation au sein des autres instances internationales.

Trois conditions semblent nécessaires pour cela. Il faut un cycle large portant sur toutes les questions qui, à travers les échanges, ont une incidence sur notre modèle de société lui-même, qu'il s'agisse de l'agriculture, de notre volonté de préserver la diversité culturelle ou encore de défendre les prérogatives de la puissance publique en matière de santé ou d'éducation, par exemple. Il faut aussi un cycle global, excluant tout accord partiel qui mettrait en péril l'équilibre des négociations. Il faut enfin une négociation véritablement multilatérale, c'est-à-dire dans laquelle tous les pays, et en particulier ceux en voie de développement, puissent s'exprimer, et qui ne se résume pas à un affrontement euro-atlantique.

La position de l'Union européenne dont il faut souligner, et nous nous en félicitons, qu'elle est très largement inspirée par la France, a fait pour la première fois l'objet d'un mandat de négociation clair et précis qui met l'Europe en position centrale dans cette négociation, c'est-à-dire in fine en position de refuser d'ouvrir un cycle sur la base étroite - agriculture et services seulement défendue par les Etats-Unis d'Amérique.

Monsieur le ministre, pensez-vous que l'accord bilatéral signé la semaine dernière entre les Etats-Unis et la Chine ouvrant à celle-ci, à bref délai, les portes de l'OMC constitue une avancée au regard de la conception multipolaire que nous nous faisons de cette instance internationale ? Considérez-vous que l'absence de compromis constatée hier à Genève au niveau des ambassadeurs constitue une preuve du caractère original de ce nouveau cycle, plus politique ? En effet, l'irruption des opinions publiques et de leurs élus dans ce débat interdit désormais des négociations d'experts diplomatiques hors de tout contrôle démocratique.

Enfin, quel est votre sentiment sur l'alternative devant laquelle se trouve l'Union européenne, et qu'exprimait hier Pascal Lamy : soit convaincre suffisament d'Etats membres de l'OMC de la nécessité d'ouvrir ce cycle sur les bases que je viens d'évoquer, soit refuser purement et simplement de l'ouvrir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


page précédente page 10060page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la députée, dans le rapport que vous avez rédigé sur l'OMC, et qui est devenu un document de référence (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), vous préconisez le passage de la mondialisation subie au développement contrôlé. Cette conception est exactement celle du Gouvernement qui entend oeuvrer pour qu'une logique de régulation se substitue à une logique de libéralisation et pour que l'opacité soit remplacée par la transparence.

C'est le point de vue que je défendrai à Seattle avec François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, où nous serons accompagnés par dix-sept parlementaires car il est important que la représentation nationale soit associée pleinement à ces négociations.

Sur la Chine, madame la députée, la perspective de l'adhésion de ce pays à l'OMC est un progrès, dans la mesure où elle permettra de mieux équilibrer l'Organisation mondiale du commerce en accordant une place plus importante aux pays en voie de développement. Des questions restent à négocier - environ 20 % des points entre l'Europe et la Chine, mais cela n'enlève rien à l'aspect positif de cette perspective.

Par ailleurs, l'absence de compromis à Genève est due à la fois à des raisons tactiques et à des raisons de forme.

Pour le moment, les conditions du lancement ne sont pas réunies mais j'espère qu'elles le seront à Seattle. En tout cas, la France n'acceptera pas n'importe quoi.

L'approche européenne, que vous avez rapidement résumée, est la bonne, car elle correspond aux attentes des citoyens du monde entier. Faire prévaloir un modèle agricole multifonctionnel, préserver les ressources naturelles, appliquer le principe de précaution, notamment dans le domaine alimentaire, favoriser le respect des normes sociales fondamentales, faire émerger une nouvelle alliance entre les pays développés et les pays en voie de développement, tels sont les nouveaux enjeux pour l'avenir de l'OMC que la France défendra la semaine prochaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

ENCOMBREMENTS DANS LA VALLÉE DU RHÔNE

M. le président.

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le ministre, à présent que la situation s'est normalisée, permettez-moi de revenir sur les raisons de la paralysie de la vallée du Rhône, samedi dernier.

Contrairement à ce qui a été suggéré hier dans cette enceinte, les éléments naturels ne suffisent pas à expliquer que des milliers d'usagers de l'autoroute se soient retrouvés coincés dans une nasse. Certes, la neige est tombée.

Elle était prévisible, était prévue et son abondance a probablement été sous-estimée. Mais, comme il y a trois ans, ce sont d'abord des erreurs humaines, ce qu'il faut bien appeler des fautes lourdes, qui ont transformé un incident en cauchemar pour les familles.

Il y a trois jours, comme il y a trois ans, la Société des autoroutes du sud de la France s'est révélée incapable d'assumer ses responsabilités de concessionnaire, sousestimant dès le début de l'après-midi la gravité de la situation, incapable de filtrer l'accès à l'autoroute et d'organiser des convois de camions derrière un chasse-neige ce que, dans le jargon des salariés de l'autoroute, on appelle des « ateliers », incapable d'informer clairement les usagers, comme en témoignent les informations débiles diffusées des heures durant par Radio Trafic, se contentant finalement, ce week-end, comme il y a trois ans, d'ouvrir toutes ses issues pour laisser ses clients s'embourber sur les nationales et les départementales.

Il y a trois jours, comme il y a trois ans, la coopération interdépartementale et interrégionale entre les services de l'Etat s'est révélée déficiente. Une nouvelle fois, nous avons laissé, pendant des heures, des milliers de véhicules se heurter au mur de poids lourds en perdition. Nous n'avons pas été capables de dire à ceux qui remontaient du sud de l'Europe en passant par Avignon que la vallée était bouchée.

Ce week-end encore, nous avons évité le pire grâce à la mobilisation spontanée de centaines de bénévoles, de pompiers, de gendarmes, d'agents de la DDE et des élus.

Nous avons eu, aussi, beaucoup de chance. Il y a trois ans, comme ce week-end, les nuits que les usagers ont passées sur l'autoroute ou à errer au bord des routes ont été paradoxalement d'une température clémente. Le sort ne sera pas toujours aussi favorable. Nous voulons en finir une bonne fois pour toutes avec la litanie des bouchons et des accidents de l'été dans la vallée du Rhône, et nous sommes déjà lassés du feuilleton hivernal des naufragés de la neige.

Messieurs les ministres concernés, nous vous demandons de bien vouloir faire procéder par vos services à l'examen détaillé des carences de notre sécurité collective.

M. Lucien Degauchy.

Que fait le ministre ?

M. Eric Besson.

Nous souhaitons que si, d'aventure, la vallée du Rhône devait à nouveau se retrouver bouchée, le préfet de région ou le préfet de la Drôme ait clairement le pouvoir d'en limiter, voire d'en interdire l'accès.

Nous voulons que l'accès des poids lourds qui assurent les liaisons grandes distances entre le nord et le sud de l'Europe soit réglementé lors des grands départs, aux retours de vacances ou lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises.

M. René André.

Démagogie ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

La question !

M. Eric Besson.

Nous souhaitons, comme vous l'avez annoncé cette semaine, que la coopération entre le rail et la route soit rapidement renforcée.

Nous vous demandons d'accorder une attention particulière à ce cordon vital, mais fragile, qu'est la vallée du Rhône. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, pour une réponse rapide.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, vous revenez sur les conséquences des récentes chutes de neige, et vous élargissez le débat, ce que je crois tout à fait utile.

Le plan « neige » décidé après 1997 prévoit explicitement le stationnement forcé des poids lourds, vous l'avez dit. Cette mesure a permis d'éviter une paralysie du réseau parallèle dans la zone de la vallée du Rhône.

Mais comme vous l'avez également souligné, des dysfonctionnements ont été constatés, qu'il s'agisse du moment où la décision de fermeture a été prise ou de


page précédente page 10061page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

l'information fournie aux usagers. Aussi Jean-Pierre Chevènement et moi-même avons-nous décidé la mise en place d'une inspection conjointe, pour tirer les enseignements et prendre les décisions utiles afin qu'une telle situation de crise ne puisse se reproduire.

Vous suggérez par ailleurs, monsieur le député, de restreindre l'accès des poids lourds aux autoroutes lors des grandes migrations ou en fonction des aléas météorologiques. Vous le savez, le Gouvernement, d'ailleurs soutenu, je crois, par le Parlement unanime, est déterminé à s'opposer aux velléités de la Commission européenne ou de certains pays de remettre en cause les restrictions de circulation des poids lourds lors des grands week-ends.

Enfin, vous évoquez, plus généralement, la saturation du couloir rhodanien et posez le problème du transfert de la route vers le rail. Cela correspond tout à fait à la démarche du Gouvernement. La mise en service du TGV Méditerranée va permettre de libérer des sillons, mais il ne faut pas se leurrer : si nous ne désengorgeons pas ces noeuds de difficultés que sont Dijon, Lyon, Montpellier et Nîmes, notre action sera vaine. Le contrat de plan, qui traduit les efforts du Gouvernement en la matière, permettra une amélioration. Il faut renforcer le transport des marchandises par voie ferroviaire, le transport combiné et le ferroutage.

M. Jacques Desallangre.

Très bien ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Il en va de même pour les voies routières structurantes, qu'il s'agisse de l'A 75, avec la réalisation du viaduc de Millau et la liaison avec l'autoroute A 9 à hauteur de Béziers, ou de l'A 51 avec la fin de la concertation avant la prise des décisions.

Le Gouvernement, dans le débat sur le transport routier et le transport des marchandises, est décidé à changer la donne dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

LOGEMENT

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat au logement.

La loi de lutte contre les exclusions a permis une importante réforme de cet impôt injuste que constituait le surloyer. Néanmoins, nous étions convenus que nous poursuivrions la démarche engagée pour aboutir à la suppression de cette contribution. L'enjeu est important : il s'agit de combattre la logique de ghetto et de permettre que nos cités redeviennent des lieux de mixité sociale.

L'amendement du groupe communiste déposé à ce sujet dans le projet de loi de finances a été repoussé. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, comment vous envisagez de traduire cet engagement.

De la même manière, il me semble que d'autres adaptations sont nécessaires dans la loi contre les exclusions.

Ainsi, les dispositifs existent pour faire face aux impayés de loyer. Parallèlement, les familles à faibles revenus se heurtent toujours à la nécessité de trouver un garant pour accéder au logement social. Il serait temps, je crois, de revenir sur cette mesure qui, le plus souvent, met deux familles en difficulté au lieu d'une.

Enfin, faute d'une autonomie financière suffisante, les enfants quittent le domicile familial de plus en plus tard.

Pourtant, si un jeune demeurant au domicile de ses parents exerce un petit boulot précaire et à faible revenu, ses ressources dérisoires sont prises en compte pour le calcul global des aides au logement versées à sa famille. Là aussi, il nous faut adapter le dispositif.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir votre avis sur ces trois questions.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement, pour une réponse courte, car nous sommes un peu en retard sur l'horaire.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Je vais m'y efforcer, mais M. Carvalho m'a posé trois questions et je ne voudrais pas trop le décevoir.

Le logement HLM est aidé par la collectivité nationale.

On y entre donc sous conditions de ressources. Quand les ressources s'améliorent, il n'est pas illégitime que s'opère un retrait de solidarité nationale. Ce qui n'est pas acceptable, c'est que ce retrait puisse être l'occasion d'organiser une éviction du locataire et, surtout, la ségrégation dans des quartiers ghettoïsés, avec tous les problèmes que nous connaissons.

Vous avez donc raison, monsieur le député, d'engager le débat sur cette question de principe. Le Gouvernement - et tout particulièrement Jean-Claude Gayssot et moimême - s'est efforcé, dans ce contexte, de supprimer les causes des effets pervers que l'on pouvait redouter. Ainsi, les plafonds de ressources ont été augmentés à trois reprises, et mieux indexés. Le seuil à partir duquel le surloyer est mis en recouvrement à été relevé. Enfin, le montant du surloyer a été encadré. Grâce à l'ensemble de ces mesures, seule la moitié environ des assujettis initiaux se trouvent encore concernés par le surloyer, mais pour une participation globale ramenée à peu près au tiers de ce qu'était à l'origine le produit des surloyers.

Sur ce point, ma réponse va tout à fait dans votre sens, favorisant la mixité sociale. Le nouveau financement du logement locatif social admet, d'ailleurs, que dès la livraison des programmes, des locataires soient accueillis en dépassement de ressources, ce qui n'avait jamais été le cas.

Votre deuxième question concerne les garants que des organismes HLM demandent, parfois, aux candidats.

Aucune disposition, législative ou réglementaire, ne prévoit cette pratique. Pour la faire reculer, le Gouvernement est intervenu dans deux directions. Il a tout d'abord augmenté les moyens d'intervention des fonds de solidarité logement. Le décret du 22 octobre 1999...

M. le président.

Il faudrait conclure, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... d'application de la loi contre les exclusion permet maintenant au FSL d'apporter des cautions pour l'accès au logement. Vous le savez, en deux ans, ces fonds ont été doublés, ce qui n'est pas négligeable. De plus, il existe un produit nouveau financé par la participation des entreprises à l'effort de construction, le Loca Pass. Il intervient sous forme d'avance de garanties des loyers pour les salariés en mobilité et pour les jeunes de moins de trente ans, tant qu'ils n'ont pas signé un contrat à durée indéterminée.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?

M. le secrétaire d'Etat au logement.

La troisième et dernière question concerne les jeunes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 10062page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Je conçois que le rappel de toutes ces mesures, prises par la majorité, soit désagréable à une opposition qui n'a pas soutenu la loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Permettez-moi du moins de répondre aux questions !

M. Lucien Degauchy.

Vous parlez pour ne rien dire !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Carvalho a évoqué la question des jeunes qui prennent leur autonomie plus tardivement qu'auparavant. Ce problème a été l'un des points centraux de la conférence de la famille du 7 juillet dernier. M. le Premier ministre a annoncé, ce jour-là, une mesure qui prendra effet le 1er janvier 2000 : le report à vingt et un ans de l'âge auquel les jeunes ne seront plus pris en compte dans le calcul des allocations logement de leurs parents.

M. Lucien Degauchy.

Vous aviez promis de supprimer les surloyers !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Vous le voyez, ces trois questions figurent parmi les soucis prioritaires du Gouvernement et ont déjà reçu une réponse à travers des mesures législatives ou financières. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Besson !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

L'Assemblée nationale les a approuvées et je l'en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Rudy Salles.

C'est scandaleux !

MINIMA SOCIAUX

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans plusieurs villes de France, les chômeurs et les personnes en grande difficulté ont récemment manifesté, comme aujourd'hui encore au Havre, où notre collègue Daniel Paul est aux côtés des manifestants. Malgré le retour de la croissance, la volonté, partagée par toute la majorité, de réduire les inégalités ne se traduit pas dans les faits pour les chômeurs et les personnes les plus démunies. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Les minima sociaux n'étant pas indexés sur la croissance, et surtout pas sur celle de la Bourse, les inégalités continuent à se creuser. En effet, alors que la Bourse et les profits des grands groupes atteignent des records, une partie importante de la population vit dans la précarité, sous la menace permanente de l'exclusion, quand elle n'y est pas déjà entrée.

Alors que les chiffres du chômage confirment une évolution positive de l'emploi, les mêmes statistiques font état de l'augmentation du travail précaire et intérimaire, ou du travail à temps partiel.

M. Lucien Degauchy.

Ce sont les statistiques socialistes !

M. Patrick Braouezec.

Vous n'avez pas fait mieux, loin de là ! Derrière les statistiques, il y a des centaines de milliers de familles, ce qui représente plusieurs millions de personnes qui connaissent chaque jour des difficultés quasi insurmontables pour simplement survivre et qui ne peuvent faire face avec les montants actuels des minima sociaux.

Vous savez combien les députés communistes ont bataillé pour obtenir la revalorisation de ces allocations.

Nous continuons à demander cette mesure de simple justice et le partage de la croissance des richesses. Il faut combattre l'idée que la revalorisation des minima « désinciterait » à la recherche du travail. Bien au contraire, cette revalorisation va de pair avec la possibilité concrète de recherche d'emploi ou de formation, qui suppose des conditions de vie dignes.

Les comparaisons internationales démontrent que la France est loin de se distinguer par la générosité de ses prestations de revenu minimum, notamment pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans. A nos yeux, l'action des chômeurs et l'écho qu'elle rencontre dans l'ensemble de la société constituent une aide objective à la réussite d'une politique de gauche et au Gouvernement chargé de la mettre en oeuvre. Ils demandent aujourd'hui une allocation de 3 000 francs, car ils veulent, eux aussi, recueillir une partie des fruits de la croissance à l'occasion symbolique du passage à l'an 2000.

Q uelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre, madame la ministre, pour que les chômeurs et les personnes percevant des minima sociaux profitent également de l'amélioration de la santé de l'économie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse brève.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez raison, quand la situation s'améliore - et elle s'améliore en effet, avec 850 000 emplois créés, 440 000 chômeurs en moins (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Yves Nicolin.

Baratineuse !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... c'est encore plus dur pour ceux qui restent au bord de la route. C'est sur eux que nous devons porter toute notre attention, puisqu'ils nous disent leurs attentes...

M. Lucien Degauchy.

M. Braouezec a dit tout le contraire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et combien ils ont hâte d'être intégrés dans notre société.

Le Gouvernement intervient par trois voies, vous le savez. Je ne reviens pas sur les mesures qui ont été prises dès le 1er janvier 1998, peu après notre arrivée aux affaires, et qui revalorisaient l'allocation de solidarité spécifique comme l'allocation d'insertion. Il s'agissait de faire en sorte que ces deux allocations aient un pouvoir d'achat garanti. Cette mesure a permis aux minima sociaux, l'an dernier, de participer aux fruits de la croissance par une augmentation de 3 %, avec effet rétroactif au 1er janvier.

D'autre part, cette grande réforme qu'est la couverture


page précédente page 10063page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

maladie universelle va permettre, à tous ceux qui n'ont pas les moyens de se soigner, de pouvoir le faire à partir du 1er janvier prochain.

Nous devons continuer à oeuvrer dans l'esprit que vous avez défini, d'aider ceux qui, pour survivre, comptent essentiellement sur ces minima...

M. Yves Nicolin.

Baratin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... tout en faisant en sorte de les aider à retrouver un emploi, grâce aux règles de cumul emploi-salaire, mais surtout à toute l'action que nous menons dans le cadre de la loi contre les exclusions pour que ceux qui sont en difficulté puissent retrouver un emploi.

Depuis onze mois, le chômage de longue durée baisse quasiment sans discontinuer.

M. Yves Nicolin.

Baratin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est l'effet de l'action menée par l'ANPE sur le nouveau départ accompagnant dans le long terme les RMIstes et les chômeurs de longue durée.

Enfin, nous avons mis en place des commissions d'urgence, pour lesquelles l'aide de l'Etat est passée de 400 millions de francs en 1997 à 720 millions en 1999.

C ela dit, beaucoup d'attentes restent insatisfaites.

Croyez bien toutefois que le Gouvernement est attentif à ces revendications relatives à l'insertion des publics en cause dans notre société, c'est-à-dire dans l'emploi, et qu'il est disposé à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à leur satisfaction. Comme il l'a toujours fait, il prendra ses responsabilités en la matière.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

RAPPORT PATRIAT

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Ma question s'adresse à

Mme Dominique Voynet.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Didier Quentin vous a posé hier quatre questions relatives au rapport Patriat sur la chasse, mais vous n'avez apporté aucune réponse. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratique française-Alliance et du groupe Démocratique libérale et Indépendants.)

Je vous demande donc à nouveau aujourd'hui de nous dire ce que vous pensez...

M. Jean-Michel Ferrand.

Rien !

M. Jean-Claude Lemoine.

... du réaménagement proposé de la loi Verdeille, de la légalisation de la chasse de nuit, de l'interdiction de la chasse le mercredi. Surtout, dans l'attente du projet de loi promis pour la fin du mois du juin par M. le Premier ministre, quelle sera votre attitude à l'égard de la proposition de réduire la période de chasse aux oiseaux migrateurs, avec fermeture le 10 ou le 28 février ? Merci beaucoup, madame la ministre, de nous donner quatre réponses précises à ces quatre interrogations précises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Lucien Degauchy.

Elle a mis son habit de chasseur ! (Sourires.)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, je croyais avoir été extrêmement précise hier.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Nous n'avons donc pas compris ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Après avoir travaillé sur ce sujet à la demande du Premier ministre, François Patriat a formulé des propositions qui me paraissent constituer d'excellents compromis entre les positions des tenants d'une chasse responsable et de ceux qui représentent les autres usagers des milieux naturels.

M. Yves Fromion.

Quatre questions ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En ce qui concerne la reconnaissance du droit de non-chasse préconisée par M. Patriat, je tiens à souligner que l'obligation qui nous incombe est la conséquence non pas d'actions irrationnelles qui auraient été menées par des écologistes urbains méconnaissant la nature, mais d'une initiative des agriculteurs de la Creuse dont le bien-fondé a été reconnu par la Cour de justice européenne.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Murmuress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je confirme aussi ma conviction que des avancées doivent être réalisées prochainement. C'est la condition indispensable si l'on veut protéger la chasse en France et garantir une chasse durable.

M. René André.

Qu'est-ce qu'une chasse durable ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le projet de loi qui sera préparé dans les prochaines semaines par le Gouvernement nous donnera l'occasion de présenter un ensemble de mesures de nature à répondre aux questions que se posent depuis longtemps non seulement les chasseurs mais aussi les protecteurs de l'environnement.

M. Jean-Michel Ferrand.

Vous ne répondez pas ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il devrait nous permettre de mettre un terme au contentieux communautaire...

M. René André et M. Yves Fromion.

Quatre questions ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et de déterminer le cadre d'une gestion pacifiée de la chasse dans un pays où les utilisateurs de l'environnement comprennent très bien les contraintes auxquelles nous sommes exposés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 10064page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Nul ! Nul !

M. Thierry Mariani.

On en reparlera ! SIÈGE SOCIAL D'EADS

M. le président.

La parole est à M. Philippe Briand.

M. Philippe Briand.

J'observe que, depuis qu'elle est devenue ministre, Mme Voynet a perdu sa franchise coutumière. Pour la seconde fois, elle n'a pas répondu aux questions posées ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En octobre, nous nous sommes tous réjouis du rapprochement qui a été opéré entre Aerospatiale et DASA afin de constituer une société européenne capable d'être un formidable instrument de développement et prenant place au deuxième ou troisième rang mondial de son secteur d'activités.

Dans cette nouvelle société, l'Etat français est actionnaire à 50 % du noyau dur. Au moment où l'on célèbre ce rapprochement d'entreprises, on aurait espérer que le siège social serait établi à Paris, ce qui aurait pu fait plaisir à tous ici. On aurait également pu comprendre que l'on choisisse Berlin, puisqu'il s'agissait d'un rapprochement avec les Allemands. Or le siège n'a été fixé ni à Berlin, ni à Paris, ni à Toulouse : curieusement, il a été installé aux Pays-Bas.

Nous avons cherché à savoir pourquoi ce pays avait été choisi et nous avons trouvé la réponse dans une déclaration de M. Philippe Camus, directeur général d'Aerospatiale, indiquant que le siège avait été fixé en Hollande parce que la société avait privilégié le pays dans lequel la fiscalité était la moins lourde. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Monsieur le Premier ministre, une telle position est inacceptable. Constitue-t-elle la reconnaissance que la politique fiscale du Gouvernement français est intolérable ou un encouragement à toutes les sociétés françaises à aller s'implanter aussi en Hollande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Exactement !

M. Lucien Degauchy.

Et ce n'est pas fini !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, j'ai retenu de votre question le fait que vous vous êtes réjoui de la constitution de ce qui est devenu le premier constructeur aéronautique européen et l'un des tout premiers mondiaux.

M. Jean-Louis Debré.

Répondez à la question ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Merci, monsieur Debré ! Il pourra ainsi faire jeu égal avec ses concurrents américains. Il s'agit d'une évolution dont nous devons tous nous féliciter, pour le développement des industries de haute technologie, pour l'emploi, en France, en Allemagne et en Europe.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas la question ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comme vous le savez sans doute, la société aura deux sièges opérationnels, l'un en France, l'autre en Allemagne, où se prendront les décisions. La structure installée aux Pays-Bas chapeautera le tout mais elle n'aura aucun rôle de direction. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Mais répondez à la question !

M. Lucien Degauchy.

Où seront payés les impôts ?

M. le président.

Un peu de silence ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Puisque vous avez posé le problème de la concurrence fiscale, j'ajoute que le Gouvernement français est très attaché à ce qu'un minimum de règles soit établi pour ce qui est des implantations d'entreprises. La France a été au premier rang du combat en faveur de l'établissement d'un code de bonne conduite en matière de fiscalité d'entreprises. Vous en verrez bientôt les résultats au sommet d'Helsinki. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

FISCALITÉ DES PERSONNES SEULES

M. le président.

La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Monsieur le Premier ministre, 7,2 millions de Français vivent seuls aujourd'hui dans notre pays. Ils représentent environ 12 % de la population, mais 23 % des contribuables et leur effort financier en faveur de la solidarité nationale est estimé à 35 % du produit de l'impôt sur le revenu.

M. Lucien Degauchy.

C'est ça, la gauche !

M. Pierre Morange.

Ils ne bénéficient en effet que d'une seule part fiscale. Or l'INSEE et les sociologues s'accordent à reconnaître que, à revenu égal, une personne seule a un niveau de vie inférieur de 30 % à celui d'un couple. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme nos prélèvements obligatoires ont atteint, grâce à vous, le record historique de 45,3 % du produit intérieur brut, les personnes seules qui ne sont pas riches, mais aussi les familles et, finalement, l'ensemble des foyers sont victimes d'un véritable matraquage fiscal.

Etant farouchement opposé à l'augmentation systématique des impôts et des dépenses publiques, je ne comprends pas pourquoi vous refusez d'alléger leurs impôts alors que vous dépensez sans compter pour financer les 35 heures ou le PACS.

M. Jean-Michel Ferrand.

Très bien !

M. Pierre Morange.

Visiblement, les personnes seules ne se retrouvent pas dans votre pacte social. N'ont-elles pas chèrement gagné le droit à un peu de solidarité nationale ? La vie en solo est un phénomène récent et qui se développera, puisque le nombre de personnes seules a doublé en moins de vingt ans. Or vous pourriez dès à présent alléger nos impôts, puisque vous bénéficiez des efforts du passé et d'une croissance mondiale qui vous permet de remplir les caisses de l'Etat.


page précédente page 10065page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Monsieur le Premier ministre, quand votre gouvernement, qui se gargarise de justice sociale, prendra-t-il des mesures fiscales de nature à corriger le déséquilibre dont sont victimes les personnes seules ? Quelles seront précisément ces mesures dont je me plais à espérer qu'elles reposeront enfin sur des efforts de réduction des dépenses inefficaces et non sur l'augmentation globale de la pression fiscale que subissent les Français ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Yves Fromion.

Le Hollandais volant ! (Sourires.)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous prenez, c'est votre droit, la défense des contribuables célibataires.

M. Charles Cova.

Des veufs et des veuves ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Or, pour l'impôt sur le revenu, notre fiscalité est fondée sur un système favorable à la famille. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il repose sur le quotient familial et sur le nombre de parts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il est en effet essentiel que, au travers de l'impôt sur le revenu, l'ensemble de la collectivité apporte aux familles qui ont des enfants le soutien dont elles ont besoin.

Vous me donnez ainsi l'occasion de préciser que le Gouvernement va travailler sur la réforme des impôts directs - impôt sur le revenu et taxe d'habitation - , afin de présenter des propositions à cet égard dans les budgets pour 2001 et 2002. L'objectif sera d'alléger ces impôts directs, comme l'a indiqué le Premier ministre, afin de favoriser l'activité des Français et d'améliorer la justice fiscale. Dans ce cadre, peut-être vais-je réfléchir à votre proposition.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

ACCORDS INTERNATIONAUX SUR LES MÉDICAMENTS

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Ma question s'adresse à Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. A la veille de l'ouv erture des négociations de l'OMC à Seattle, elle concerne des préoccupations majeures en matière de santé.

En effet, nous sommes confrontés, depuis quelques années, à une crise sanitaire internationale majeure avec l'épidémie du sida. Au cours de la seule année 1999, plus de cinq millions de personnes ont été contaminées. Leur nombre atteint désormais quelque 34 millions, dont 95 % vivent dans les pays du Sud.

Chacun sait que les accords internationaux sur la proriété intellectuelle, dits accords AIPIC, conclus à Marrakech, prévoient la possibilité pour un Etat, confronté à une situation d'urgence nationale, de faire fabriquer directement par une industrie locale des versions génériques de médicaments. Il s'agit, par exemple, du recours aux licences obligatoires pour l'AZT. L'Inde l'a fait, ce qui lui a permis de le produire au trentième du prix du marché dans les pays occidentaux.

Le lobby pharmaceutique espère obtenir, lors des prochaines renégociations de l'OMC à Seattle, la disparition de ces dispositions, afin de garantir son monopole sur les traitements. Comment la France et l'Union européenne envisagent-elles de défendre le principe des licences obligatoires obtenu à Marrakech ? Peut-on imaginer un système de conventionnement avec l'industrie pharmaceutique qui permettrait une prise en charge réelle des grandes épidémies dans les pays les plus fragiles sur le plan de la santé publique ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le député, l'accès aux soins et aux traitements fait partie d'un droit fondamental, celui du droit à la santé, lequel fonde la politique que nous développons au bénéfice de nos concitoyens. Cette préoccupation doit être prioritaire dans tous les pays et nous nous attachons à les convaincre dans nos relations internationales.

L'exemple de l'épidémie VIH démontre cruellement cette nécessité puisque 40 millions de personnes vivent avec le virus du sida, dont malheureusement une grande majorité dans des pays en voie de développement. Notre solidarité et notre engagement doivent être forts. Ils le sont et nous continuerons à amplifier notre effort dans ce domaine.

Un programme ambitieux, le fonds de solidarité thérapeutique international, a été lancé en direction des pays les plus durement touchés par cette épidémie et qui ne peuvent pas y faire face. Il s'agit de mobiliser sur ce programme l'ensemble de la communauté internationale autour du renforcement de la prise en charge et de la dispensiation de thérapeutiques de nature à faire régresser la maladie. Cette proposition a reçu un accueil très favorable des pays du Sud et des associations de lutte contre le sida.

Les premiers projets sont orientés sur la prévention de la transmission du virus de la mère à l'enfant et sur la prise en charge médico-sociale du couple mère-enfant.

Des programmes permettront de suivre plusieurs milliers de femmes dans tous les pays détectés. Le premier a d'ailleurs été lancé en Côte d'Ivoire, au mois d'avril. Un autre a été engagé au Maroc en juillet dernier et d'autres projets sont en cours de préparation en Afrique.

En 2000, la France consacrera 40 millions de francs à ce fonds de solidarité thérapeutique international.

En ce qui concerne les accords internationaux pris en matière de protection de la propriété intellectuelle, vous craignez que les prochaines renégociations de l'OMC n'aboutissent à rendre plus difficile l'accès aux traitements dans les pays en voie de développement. Or il convient de veiller à ce que le droit des brevets s'articule avec les efforts à déployer en vue de réduire le fossé entre les pays du Nord et ceux du Sud en matière d'accès aux soins. La législation internationale sur la propriété intellectuelle doit prendre en compte les intérêts en jeu dans une perspective à long terme.

De ce point de vue, les accords AIPIC que vous avez cités permettent d'assurer un équilibre puisque, en cas d'urgence, si les détenteurs de brevets ne consentent pas des prix raisonnables, les pays membres de l'OMC peuvent recourir à des licences obligatoires pour fabriquer ou faire fabriquer les médicaments dont ils ont besoin. A défaut, et si ces pays reconnaissent l'épuisement inter-


page précédente page 10066page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

national des droits, ils peuvent procéder à des importations parallèles pour se les procurer à des prix correspondant aux moyens qu'ils peuvent y consacrer.

L'Union européenne n'a pas proposé que ces accords soient rediscutés. Pour notre part, nous sommes favorables à leur application stricte et intégrale, y compris dans leurs dispositions d'urgence pour les pays en voie de développement, d'autant que ces dernières ne dérogent pas aux règles multilatérales sur la contrefaçon, pratique dangereuse en matière de fabrication médicamenteuse à propos de laquelle nous sommes très vigilants.

Nous poursuivrons avec détermination notre action dans les pays concernés, avec les associations qui nous accompagnent. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues pour faire avancer cette reconnaissance d'un droit international.

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, nous sommes nombreux, dans nos rangs, à entendre l'inquiétude monter à propos de l'application des 35 heures. Nous l'avons d'ailleurs entendu concrètement avant cette séance à l'entrée du Palais-Bourbon. En fait elle est surtout manifestée par les responsables de petites et moyennes entreprises et par leurs salariés.

En effet, les salariés des entreprises privées se rendent compte qu'ils risquent de perdre, à cause de la suppression d'heures supplémentaires, le complément de gain qu'ils pouvaient obtenir de leur travail jusqu'à présent, et ils s'en inquiètent.

Mais l'inquiétude gagne aussi les salariés du secteur public et du secteur parapublic. Nous avons déjà entendu à ce sujet les représentants du secteur hospitalier et ce sont maintenant les responsables de la formation professionnelle pour adultes qui s'inquiètent. Certes ils vont avoir un temps de travail réduit de 10 %, mais l'ampleur de leurs tâches professionnelles sera accrue par le développement des stages dans les centres de formation professionnelle. Or, pour faire face à cet accroissement, il n'est prévu d'augmenter le nombre des personnels que de 1 ou 2 %. Ils se demandent donc, madame la ministre, pourquoi vous ne mettez pas en oeuvre dans le secteur public et parapublic les propositions que vous faites aux entreprises privées, pourquoi les négociations sont bloquées alors que vous ne cessez de recommander leur engagement dans les entreprises privées et comment vous allez financer les emplois nouveaux qui seront nécessaires pour faire face aux nouvelles charges de la formation professionnelle et pour permettre à de très nombreux jeunes, dans nos régions, d'accéder à l'emploi.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, nous n'avons à l'évidence pas entendu la même chose. Ainsi, je n'ai pas entendu, à côté d'ici, s'exprimer de l'inquiétude contre les 35 heures, mais au contraire le souhait de passer aux 35 heures, et je m'en réjouis ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Je me réjouis également, d'ailleurs, que vous défendiez les salariés de l'Association pour la formation professionnelle des adultes qui, eux aussi, comme 92 % des Français, attendent de travailler 35 heures.

M. Pierre Lequiller.

Baratin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Croyez bien que je suis tout aussi attentive que vous à la façon dont les négociations se déroulent dans cette entreprise.

Néanmoins, comme vous le savez, l'AFPA est une association de la loi de 1901. Les négociations ont actuellement lieu entre la direction et les organisations syndicales.

Je suis effectivement leur progression et je crois pouvoir vous dire qu'elles sont bien engagées et qu'un accord devrait intervenir dans des délais relativement brefs. En tout cas, je le souhaite comme vous.

Votre question me permet aussi de réaffirmer que les accords continuent à intervenir au rythme de cent à deux cents par semaine, pour cinq cents à mille créations d'emplois.

M. Edouard Landrain.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela démontre combien l'attente est grande dans notre pays.

C'est pourquoi je souhaite que tout le monde s'associe au vote de la loi dont nous allons reprendre ensemble l'examen la semaine prochaine.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Pierre-André Wiltzer.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 23 novembre 1999

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 18 novembre 1999.


page précédente page 10067page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nos 1943, 1946).

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous entamons la seconde lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, toujours avec le même objectif de maintenir et d'améliorer notre système de protection sociale pour qu'il réponde aux besoins de nos concitoyens.

Pour ce faire, il faut d'abord rétablir les comptes. La présente loi de financement prévoit un excédent de 2 milliards pour l'année prochaine. Je ne reviendrai pas sur les causes de ce redressement, nous en avons abondamment parlé, me contentant de les rappeler : recettes en augmentation, résultats d'un certain nombre de mesures prises cette année ainsi que des réformes structurelles engagées.

Cette loi de financement de la sécurité sociale propose de continuer ces politiques structurelles, de consolider nos régimes par répartition, d'améliorer la prise en charge des maladies professionnelles, de poursuivre la rénovation de la politique familiale et, enfin, de réformer le financement de la protection sociale afin de favoriser l'emploi. C'est dire que ce texte entend davantage encore couvrir les risques de la vie et pallier l'incertitude du lendemain.

Tel qu'il arrive du Sénat, il est très différent de celui qui est sorti des débats de votre assemblée. Ainsi toutes les mesures structurelles qui donnaient un sens aux actions non seulement de redressement des comptes mais d'amélioration de la situation de nos concitoyens ont été abandonnées.

Le plus notable, dans un premier temps, est que les mesures d'allégement de charges sur les bas salaires proposées par le Gouvernement aient été annulées par la suppression des articles 2, 3 et 4. C'est difficile à comprendre quand on sait que la majorité sénatoriale comme l'ensemble de l'opposition nationale défendent depuis longtemps des mesures d'allégement des charges, même si elles n'avaient pas réalisé de réforme aussi importante que celle que nous proposons qui exonère 85 % des cotisations patronales au SMIC, qui concerne les deux tiers des salariés et, après prise en compte du coût des 35 heures, conduira à une baisse du coût du travail de 5 % pour les salaires inférieurs à 10 000 francs par mois.

Il est vrai que nous y avons mis deux conditions majeures : premièrement, que ces réductions de charges soient accompagnées de contreparties en matière d'emploi et, deuxièmement, que leur financement ne se fasse plus sur les ménages, mais par des prélèvements sur les entreprises, notamment capitalistiques. Nous avons, pour cela, prévu deux taxes. Je le répète, il est difficilement compréhensible que ces articles aient été annulés.

Un amendement du Gouvernement tendant à l'allégement des bases de calcul des cotisations et contributions sociales pesant sur les créateurs d'entreprise a toutefois été accepté par le Sénat. Il relève du même esprit que celui voté sur proposition de M. Cahuzac en première lecture par votre assemblée concernant les jeunes agriculteurs et permettra d'alléger de 30 % les cotisations demandées aux artisans, commerçants et professions libérales durant la première année d'activité, de 15 % la seconde année, et de ne pas exiger de versement de cotisations avant le quatrième mois d'activité. Il s'inscrit dans la volonté du Gouvernement d'encourager la création d'entreprise et donc les créations d'emplois.

Les dispositions annulées par le Sénat sont loin d'être compensées par ses propositions sur la maîtrise des dépenses de santé. Là encore, j'ai beaucoup de mal à comprendre qu'en même temps qu'elle réclame plus de rigueur, la majorité sénatoriale s'oppose à toute mesure sérieuse de régulation des dépenses, et même à toute mesure visant à développer une maîtrise médicalisée.

Quelle cohérence y a-t-il dans une telle attitude ? Ainsi a-t-elle supprimé les contrats de bonne pratique, les accords de bon usage de soins ainsi que l'ensemble des dispositions visant à développer la politique conventionnelle entre la CNAM et les médecins.

Nous entendons réformer profondément l'assurance maladie par la loi, en proposant que la régulation de la médecine de ville soit sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de santé, comme cela avait d'ailleurs été demandé par le plan stratégique de la CNAM. L'Etat, lui, travaillera à rapprocher le mode de gestion des hôpitaux et des cliniques, tout en prenant en compte la spécificité des premiers et, bien évidemment, poursuivra la politique du médicament que nous avons engagée depuis deux ans et sur laquelle je ne reviendrai pas.

Il est un peu étonnant, au moment où chacun parle du paritarisme, que l'on ait souhaité annuler cette confiance accordée aux partenaires sociaux dans la régulation des soins de ville.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Autre incohérence, le Sénat a décidé de supprimer le fonds de réserve destiné au financement des retraites. Je rappelle qu'il était favorable au principe l'année dernière mais avait trouvé le montant symbolique. Ce n'est pas au moment où celui-ci devient certain, avec 20 milliards de francs à la fin de 2000...

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a rien dedans !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si ! Il y a deux milliards !

M. Bernard Accoyer.

Il a été créé le jour de la discussion du texte !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

D'accord, mais vous, vous n'avez rien créé ! Ce fonds existe, il y a 2 milliards et il y en aura 20 en fin d'année.

M. Alain Cacheux.

Ils n'ont jamais rien fait !

M. Denis Jacquat.

Un peu tout de même !

M. le président.

Laissez parler Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La sécurité sociale sera en excédent l'année prochaine et rien que cela mérite le respect ! Je ne reviens pas sur les maladies professionnelles et les accidents du travail, nous en avons largement parlé.

Je voudrais terminer par la politique familiale. La politique que nous avons menée avec les associations familiales et les organisations syndicales a entraîné des progrès certains depuis deux ans, dans le sens d'une meilleure prise en charge des familles, non seulement en termes d'allocations mais aussi en termes de services. Les priorités que nous avons mises en place l'ont été en accord avec la grande majorité des associations familiales.


page précédente page 10068page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Le Sénat a souhaité introduire une disposition prolongeant toutes les prestations familiales jusqu'à vingt-deux ans. Ce n'est pas la priorité qui a été avancée par les associations familiales. Cette mesure, outre le fait qu'elle est très coûteuse, et nous ne savons pas d'ailleurs comment elle pourrait être financée, me semble confondre ce qu'est un enfant et ce qu'est un jeune. Nous préférons, en ce qui nous concerne, faire en sorte que les jeunes de vingtdeux ans retrouvent un emploi, car c'est bien aujourd'hui le problème majeur des familles concernées. Nous ne pouvons donc pas non plus suivre le Sénat sur ce point.

Aussi, mesdames et messieurs les députés, sans revenir sur l'ensemble des chapitres que nous aurons à discuter à nouveau pendant ce débat, je vous invite tout simplement à redonner à ce texte, essentiel pour les Français, sa cohérence, celle que vous avez souhaitée lors de la première lecture. Nous devons lui rendre ses vertus initiales, l'amélioration et la rénovation de notre système de protection sociale, pour en garantir la pérennité et le rendre plus juste et plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, ces débats que nous avons à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 doivent aller au-delà de la nécessaire discussion sur les équilibres budgétaires pour rattacher ces derniers aux thématiques de santé publique et d'action sociale qui en constituent le fondement.

J'ai noté moi aussi avec intérêt que de nombreux sujets évoqués lors de la première lecture de ce texte se rapportaient directement à des politiques de santé publique, qu'il s'agisse de prévention, de réduction de la mortalité évitable, ou encore d'actions en matière de handicaps, qui constituent les priorités que le Gouvernement entend mettre en oeuvre. Cela confirme l'intérêt de ce rendezvous annuel, qui permet un débat certes partiel, mais néanmoins indispensable, à l'occasion de l'examen de l'article 1er du PLFSS.

Je ne vais pas développer à nouveau les différents points, mais seulement m'arrêter sur trois d'entre eux que l'actualité récente a mis en lumière et qui illustrent bien nos priorités, tant sanitaires, en matière de prévention, que sociales, en matière de lutte contre les exclusions.

En matière de prévention, les principaux axes de notre politique reposent, je vous le rappelle, sur la prévention des pratiques addictives, la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques, la diminution du nombre de grossesses non désirées, notamment par le renforcement d'une politique de contraception, la diminution des morts dues au suicide, associée à une promotion de la santé mentale, et, enfin, une action dans le domaine de la nutrition.

Lors de la première lecture du PLFSS, vous avez introduit un amendement tendant à préciser les engagements du Gouvernement en matière de lutte contre le tabagisme. Les orientations définies reposent notamment sur une hausse des prix du tabac, sur un meilleur accès aux substituts nicotiniques utilisés dans le sevrage tabagique, ainsi que sur la mise en place d'une concertation sur l'intérêt de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans.

M. Bernard Accoyer.

Et vous prenez l'argent de la taxe sur les alcools pour financer les 35 heures ! C'est un détournement ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ces orientations se trouvent d'ailleurs aujourd'hui utilement complétées par le rapport d'évaluation de la loi du 10 janvier 1991, dite loi Evin. Le commissariat général au Plan vient d'achever ses travaux d'évaluation, et il souligne, nous devons nous en réjouir, les avancées considérables que cette loi a permis de réaliser dans la lutte contre le tabagisme, en particulier dans la protection des non-fumeurs et la baisse de la consommation, par une politique volontariste d'augmentation des prix. Il montre également l'intérêt, mais aussi la limite des interdits.

Nous le savons, il s'agit d'une oeuvre de longue haleine, et la lutte contre le tabagisme reste pour le Gouvernement une priorité de santé publique. Cette politique, mise en place depuis trois ans, sera poursuivie et amplifiée en l'an 2000, prenant en compte en particulier les recommandations du précieux rapport Recours, qui renforce d'ailleurs également les principales recommandations du commissariat général au Plan.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la lutte contre l'alcoolisme, l'évaluation est plus contrastée, ce qui ne vous surprend pas. Le rapport souligne une certaine incohérence dans le domaine de l'interdiction de la publicité sur l'alcool, mais la lutte contre la dépendance provoquée par l'alcool ne saurait reposer sur la seule interdiction de la publicité. Il faut, dans ce domaine, avoir une démarche globale, associant une information du public sur les dangers de l'abus d'alcool, la prévention des comportements à risque et le renforcement du système de prise en charge et de soin.

C'est bien là la démarche déterminée que nous entendons poursuivre, en renforçant l'année prochaine les moyens des 259 structures spécialisées assurant la prise en charge sanitaire et psychosociale des personnes ayant un problème avec l'alcool, en améliorant, par un effort significatif, à hauteur de 5 millions de francs, le travail en réseau des structures de prévention, et, dans le cadre de la MILDT, en luttant pour prévenir les dépendances dues à l'usage abusif de l'alcool.

Tous ces éléments se confortent les uns les autres et renforcent ainsi l'évidence qui, peu à peu, se fait jour, que seule une démarche de prévention coordonnée et reposant sur l'ensemble des acteurs du système de santé et de la société tout entière, peut aboutir à éviter durablement les comportements néfastes pour la santé.

Je voudrais, pour conclure, rappeler l'action déterminée du ministère en faveur des personnes handicapées et de leurs familles, action qui s'exprime tout à la fois dans le cadre du PLFSS 2000 et dans celui du PLF. Il faut, en effet, dans ce domaine comme dans d'autres, mais peutêtre plus encore dans celui-ci, une lecture coordonnée du PLFSS et du PLF pour bien mesurer l'ampleur et la cohérence des mesures adoptées, ainsi que les actions réalisées depuis deux ans, qui se traduisent déjà par des résultats tangibles.

Il s'agit notamment du programme pluriannuel 19992003 de création de 16 500 places dans les établissements spécialisés pour adultes handicapés, de la poursuite et de l'amplification du plan de rattrapage en faveur des personnes autistes, de la mise en oeuvre conjointe avec le ministère de l'éducation nationale, de vingt mesures en faveur de l'intégration scolaire de jeunes handicapés, de la relance de la politique de l'emploi en faveur des travail-


page précédente page 10069page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

leurs handicapés, avec, cette année, une première diminution du nombre de demandeurs d'emploi de cette catégorie - frémissement porteur d'espoirs s'il en est, que nous devons soutenir grâce aux contrats d'objectifs signés avec l'AGEFIPH -, des expérimentations innovantes et une réflexion concertée avec les associations pour une stratégie globale en faveur de l'accès aux aides techniques et du soutien à domicile, ainsi que la définition d'une politique pour la reconnaissance du droit des personnes sourdes, à laquelle, vous le savez, je reste personnellement très attachée.

M. Pascal Terrasse.

C'est vrai !

M. Marcel Rogemont.

Excellent rapport ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Martine Aubry et moi-même voulons que cette politique engagée, résolue et méthodique, s'inscrive dans la durée. Elle résulte de l'effort conjoint de l'Etat, de la sécurité sociale et de l'AGEFIPH, et devrait permettre de mobiliser dès l'année prochaine plus d'un milliard de francs d'actions nouvelles.

Le montant des mesures inscrites à ce titre dans l'ONDAM pour 2000 progressera de plus de 24 %. Il permettra de développer significativement les services ambulatoires d'accompagnement précoce des familles, et d'appui à l'intégration scolaire des enfants handicapés. Il permettra aussi d'augmenter les capacités d'accueil en faveur des adultes handicapés, des personnes autistes et des traumatisés crâniens.

En parallèle, la prochaine loi de finances prévoit notamment le renforcement des moyens des commissions d'orientation et de reclassement professionnel, qui souffrent d'un déficit de fonctionnement fréquemment rappelé.

Le succès de cette politique, aux premiers résultats encourageants, reste déterminé par la rénovation des instruments de l'action et la mobilisation de tous les partenaires.

Au chapitre de la rénovation des instruments de l'action figure, bien sûr, la poursuite des travaux pour une réforme à l'échéance 2000 de la loi sur les institutions sociales et médico-sociales, n'est-ce pas, monsieur Terrasse ? La mobilisation de tous les partenaires, caisses de sécurité sociale et collectivités territoriales tout spécialement, est une autre condition indispensable à la réussite de cette politique nationale en matière de handicap. Elle requiert également la rénovation et le renforcement du dialogue entre pouvoirs publics et associations, lesquelles ont un rôle essentiel pour inciter la société dans son ensemble à faire preuve de davantage de solidarité en faveur des personnes handicapées.

L'intégration de la différence est plus difficile dans notre pays que dans d'autres, en particulier dans les pays anglo-saxons. Nous devons en avoir conscience et agir conjointement pour combler ce déficit. Il est là encore de notre responsabilité collective, par-delà les clivages qui peuvent exister, d'unir nos forces dans ce but commun.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il fallait, sous cette législature, réformer les cotisations d'assurance maladie des salariés, et nous l'avons fait il y a deux ans en les faisant basculer sur la CSG. Ce faisant, nous avons élargi l'assiette des cotisations puisque, par le biais de la CSG, sont maintenant taxés...

M. Bernard Accoyer.

Les retraités !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... les revenus du patrimoine et les revenus financiers.

Il fallait aussi une réforme des cotisations patronales.

Nous l'avions réclamée il y a deux ans et nous avions même été un peu déçus de ne pas pouvoir la réaliser dès l'année dernière. La voilà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000.

Nous élargissons également l'assiette des cotisations.

D'abord, en effet, suivant d'ailleurs un rapport que citait Mme Gillot tout à l'heure, le Gouvernement fait passer dans les recettes de la sécurité sociale 37 milliards de francs représentant les droits de consommation du tabac, ce qui permettra à l'Etat de ne plus être dans cette situation schizophrénique où il était responsable de la politique de santé tout en bénéficiant des droits de consommation sur le tabac. Il fallait le faire, madame la ministre, vous l'avez fait.

M. François Goulard.

En affectant cette somme aux 35 heures !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je vais y venir et on pourra en discuter !

M. Bernard Accoyer.

Comptez sur nous !

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est une recette supplémentaire qui vient du budget de l'Etat. Ce n'était pas le cas auparavant !

M. Bernard Accoyer.

Quelle est son affectation, monsieur le rapporteur ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Deuxièmement, les recettes de la sécurité sociale et de la protection sociale en général augmentent grâce à l'institution d'une contribution sur les bénéfices des entreprises capitalistiques,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission, des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... bien que cela touche un nombre limité d'entreprises.

Troisièmement, figure une nouvelle recette dans cette loi de financement de la sécurité sociale, la TGAP.

M. Bernard Accoyer.

Encore un nouvel impôt !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Elle est d'ailleurs basée pour l'essentiel, il faut le reconnaître, sur les machines.

M. Bernard Accoyer.

Non ! Sur les produits phytosanitaires !

M. Alfred Recours, rapporteur.

On a longtemps considéré, c'est vrai, qu'une telle taxation était plus intelligente que celle des salaires.

Nanti pour l'avenir, dans ces conditions, de 105 à 110 milliards de francs environ en année pleine, il était normal que le Gouvernement se demande quoi en faire.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marcel Rogemont.

Très bonne analyse !

M. François Goulard.

Quelqu'un a une idée ? On pourrait les rendre aux contribuables !


page précédente page 10070page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Denis Jacquat.

Cela tombe du ciel !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Quand vous aviez la majorité, mes chers collègues, vous n'avez jamais eu la chance de pouvoir vous poser une telle question !

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Bernard Accoyer.

Et si vous aviez baissé les impôts au lieu d'en créer encore deux ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous avons la chance de pouvoir le faire grâce à des recettes nouvelles et à un élargissement des assiettes, et il me paraissait nécessaire de le souligner.

En première lecture, sur proposition du Gouvernement, nous avons décidé d'affecter cet excédent à l'allégement des charges patronales.

M. Marcel Rogemont.

Très bonne analyse !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Pour ce faire, nous créons un fonds d'allégement des charges patronales et nous y affectons un certain nombre des recettes que je viens d'évoquer.

Nous pouvons ainsi diminuer toutes les charges patronales sur les salaires les plus bas, mais aussi sur les salaires allant jusqu'à 1,8 fois le SMIC, contrairement aux dispositions précédentes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! C'est magistral !

M. Alfred Recours, rapporteur.

L'objectif étant l'emploi, a urait-il été normal que nous fassions bénéficier l'ensemble des entreprises de cette baisse des charges, y compris celles qui refusent de jouer le jeu sur un autre grand projet que nous votons et qui est la réduction du temps de travail ? La réponse est non !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est carré !

M. Alain Cacheux.

Lumineux !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Dès lors, nous réservons cette mesure aux entreprises qui réalisent la réduction du temps de travail, puisque, second dividende, cela leur permet d'embaucher.

M. Denis Jacquat.

Nous n'avons plus qu'à dire merci !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Au bout du compte, contrairement à ce qui a beaucoup été dit, l'objectif du fonds d'allégement des charges sociales est peut-être davantage l'emploi, avec un double dividende, comme je viens de l'expliquer, que la simple réduction du temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

C'est donc pour les 35 heures !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Et voilà comment on peut présenter un certain nombre de choses sur cette question.

M. Bernard Accoyer.

Y aura-t-il un rapport avec les 35 heures ?

M. François Goulard.

Cela nous ouvre des horizons !

M. Bernard Accoyer.

La rapporteur n'a pas parlé de santé !

M. François Goulard.

Ni de retraite !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous aurons ainsi rapidement la possibilité d'équilibrer, et même de « suréquilibrer » les recettes de la protection sociale par rapport aux dépenses, comme le disait Mme la ministre tout à l'heure.

M. François Goulard.

C'est un suréquilibriste ! (Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous pourrons également mieux ventiler les excédents et agir par anticipation.

Ceux-ci pourront ainsi contribuer à permettre aux entreprises qui mettent en oeuvre la réduction du temps de travail d'embaucher.

M. Denis Jacquat.

La messe est dite !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Le Sénat, bien entendu, n'a pas tenu compte de ce raisonnement que j'avais déjà développé en première lecture.

M. Bernard Accoyer.

Pas tellement, à vrai dire !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je vous proposerai dans la suite des débats, cela va de soi, de ne pas tenir compte de son raisonnement.

M. Bernard Accoyer.

Ça coûte cher !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Pas du tout ! Cela contribue à un allégement des charges sociales des entreprises tout en créant de l'emploi. Voilà une motivation forte pour revenir au texte voté en première lecture.

M. Laurent Cathala.

Très bien !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Deuxième motivation forte, le fait que le Sénat ait rayé d'un coup de plume le fonds de réserve des retraites.

M. Alain Cacheux.

Incompréhensible !

M. Marcel Rogemont.

C'est parce qu'ils sont déjà à la retraite !

M. Bernard Accoyer.

Il n'y avait rien dedans ! C'est une structure inutile, avec des frais de fonctionnement !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous ne l'avions certes abondé que de 2 milliards en 1999, mais il sera abondé de 20 milliards au terme de l'exercice 2000,...

M. Bernard Accoyer.

Hypothétiquement !

M. François Goulard.

On verra !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... dont 3 milliards qui viendront de la Caisse des dépôts et consignations.

Nous avons effectivement la volonté d'abonder ce fonds année après année, en fonction des disponibilités,...

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez rien rien fait depuis deux ans et demi !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... et avant même que nous ne commencions à discuter des retraites. Il sera plus facile, en effet, d'en discuter le moment venu s'il existe un tel fonds. C'est donc la voie qu'il faut suivre.

M. Denis Jacquat.

Il faut tout de même augmenter les sommes qui lui sont destinés !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Revenir au texte voté par l'Assemblée nationale, c'est rétablir les 20 milliards de francs destinés, pour 2000, au fonds de réserve pour les retraites.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a rien !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ne pas y revenir, c'est refuser aux futurs retraités ces 20 milliards de francs.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Le raisonnement est impeccable !

M. Alain Cacheux.

Très juste, monsieur le rapporteur !


page précédente page 10071page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez rien fait pour les retraites. Quel culot !

M. François Goulard.

La situation sera catastrophique en 2006 !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Voilà une deuxième raison de revenir au texte voté par l'Assemblée nationale.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il est normal que nous revenions au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture pour « acter » un certain nombre de progrès concernant la famille, la durée pendant laquelle est ouvert le bénéfice de certaines allocations, puisque celle-ci est allongée, ou encore l'assurance maladie - je pense à la délégation que la CNAM devra assurer dans l'avenir.

Si l'Assemblée revient en seconde lecture au texte qu'elle a adopté en première, il sera dès lors possible d'assurer l'équilibre de nos régimes de protection pour l'avenir, de commencer à assurer, par le biais du fonds de réserve pour les retraites, les équilibres futurs en matière de retraites, et de faire en sorte que, année après année, contrairement à ce que certains ont prétendu au cours des deux années précédentes, la majorité et le Gouvernement continuent d'appliquer leur politique de réforme, loin de tout immobilisme. De la sorte, ces questions seront résolues pour l'avenir et les Françaises et les Français pourront continuer à bénéficier d'un dispositif de protection sociale qui ne risque pas d'être remis en cause p ar des volontés de privatisation, de libéralisation, d'« assurancisation », que sais-je encore.

M. Bernard Accoyer.

Fantasme total !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Non, ce n'est pas un fantasme. C'est un point de vue très politique qui a été longuement développé en séance durant la première lecture et par certains plus que par d'autres. Je conviens, monsieur Accoyer, que M. Goulard en a parlé plus que vous, mais vos positions étaient tout de même assez proches.

Mes chers collègues, au terme de cette intervention, je vous signale que je vous recommanderai, tout au long de cette deuxième lecture, d'en revenir le plus souvent possible à l'excellent travail que nous avons fait en première lecture.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'était parfait ! Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour une durée qui ne peut, selon notre règlement, excéder trente minutes.

M. François Goulard.

C'est peu !

M. Marcel Rogemont.

Ce sera largement suffisant !

M. Bernard Accoyer.

Si j'ai bien compris, mesdames les ministres, nous allons assister au rétablissement du texte qui avait été adopté ici en première lecture...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

On ne peut rien vous cacher !

M. Bernard Accoyer.

... et dont nous avons dénoncé un certain nombre des perversités.

M. François Goulard.

Mme Aubry s'en va !

M. Bernard Accoyer.

Je comprends que Mme la ministre quitte l'hémicycle,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Moi, je suis là !

M. Bernard Accoyer.

... car elle n'aime pas qu'on lui rappelle que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale se caractérise par un détournement d'objet. D'ailleurs, notre excellent rapporteur, Alfred Recours, qui vient de faire une intervention tout à fait...

M. Marcel Rogemont.

Remarquable !

M. Bernard Accoyer.

... sincère, n'a pas dit un mot de la santé des Français ! Cela montre bien le détournement auquel se livre le Gouvernement pour élaborer un montage financier visant à prendre en charge une partie du surcoût des 35 heures : en réduisant le temps de travail de 11,4 %, il est bien évident que l'on augmente le coût du travail du même pourcentage !

M. Marcel Rogemont.

Mais non ! Tout le monde n'est pas rémunéré au SMIC !

M. François Goulard.

Ce n'est pas lié au SMIC !

M. Bernard Accoyer.

Nous pourrons en parler.

De toute manière, cette compensation est très partielle.

Le Gouvernement, qui prétend abaisser les charges sur les salaires représentant jusqu'à 1,8 SMIC, oublie que Alain Juppé, en 1995, avait déjà procédé à un allégement des charges sur les salaires allant jusqu'à 1,3 SMIC.

M. Jean-Luc Préel.

Et, à l'époque, il avait été très critiqué par la gauche !

M. Bernard Accoyer.

La nouveauté apportée par le Gouvernement est donc insignifiante et très partielle.

Pourtant, elle occupe l'essentiel de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

De surcroît - et c'est cela qui est particulièrement grave -, le PLFSS est l'occasion d'un véritable détournement des fonds sociaux. Certes, le Gouvernement a dû céder à la pression des partenaires sociaux, qui refusaient que les organismes sociaux financent la réduction du temps de travail, mais il s'est livré à une manipulation en organisant un prélèvement à la source sur les recettes de la sécurité sociale.

Le financement provient en effet d'un détournement d'une partie du produit de la taxe sur les alcools, qui, jusqu'à présent, était destinée au fonds de solidarité vieillesse, et d'un détournement de la moitié du produit de la taxation de l'épargne, qui était jusqu'alors affectée aux branches vieillesse et famille. Et ce n'est qu'un début, car si, pour 2000, il n'y a que 25 milliards de financements nouveaux, l'année suivante, la somme devrait atteindre 65 milliards, aux dires mêmes du Gouvernement.

Une telle confusion entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale constitue, à n'en point douter, comme le Conseil d'Etat l'a déjà fait remarquer, un point de faiblesse au regard de la Constitution.

M. Arthur Dehaine.

Un détournement !


page précédente page 10072page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Pars ailleurs, le texte que nous examinons élargit l'assiette de la TGAP - taxe générale sur les activités polluantes -, ce nouvel impôt institué par la loi de finances de 1999. Il est vrai que les socialistes ont l'habitude de créer de nouveaux impôts ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et l'augmentation de la TVA !

M. Bernard Accoyer.

Et cette année, vous étendez ce nouvel impôt, vous inscrivant ainsi dans une dynamique qui vous est propre et qui devrait se poursuivre l'année prochaine. Je vous fais confiance pour cela !

M. Marcel Rogemont.

Vous, vous avez augmenté la TVA !

M. Bernard Accoyer.

Mais ce qui est préoccupant, c'est que la TGAP ne sera pas affectée à la lutte contre la pollution, tout comme la contribution sociale sur les bénéfices ne servira pas à la protection sociale. C'est tout simplement un moyen de financement d'une dépense de l'Etat en faveur de l'emploi, et c'est d'ailleurs ainsi que vous la concevez. Il y a donc bien confusion entre dépenses sociales et dépenses de l'Etat.

On peut aussi s'interroger sur le respect du principe d'égalité devant les charges publiques au regard des conséquences de la future TGAP. Son mode de calcul, qui consiste en une taxation des produits en fonction du tonnage des matières actives vendues, est porteur de fortes distorsions propres à modifier les conditions de la concurrence.

M. Marcel Rogemont.

Elle est faite pour cela !

M. Bernard Accoyer.

Ecoutez bien, mes chers collègues de gauche : il apparaît nettement que les dix grandes multinationales de l'industrie des produits phytosanitaires présentes sur le marché français seront nettement moins taxées - jusqu'à dix fois moins - que les douze autres entreprises du secteur, lesquelles ont une taille plus réduite et une activité surtout tournée vers les produits génériques. Probablement que le lobbying de ces derniers auprès des pouvoirs publics aura-t-il été moins efficace.

Alors que quelque 1 000 emplois sont menacés sur l'ensemble du territoire, notamment en Aquitaine, dans l'Aude et dans l'Hérault, pourquoi ne pas leur accorder le bénéfice de la jurisprudence créée en première lecture et selon laquelle sont exclues de l'élargissement de l'assiette de la TGAP les activités qui dépendent d'usines situées dans la circonscription du président de l'Assemblée ou dans celle de Mme Aubry ? Vous devriez regarder cela attentivement. En tout cas, je me fais l'interprète auprès de vous des salariés en question.

M. Francis Hammel.

Ça, c'est un argument !

M. Bernard Accoyer.

En somme, vous avez mis en place une fiscalité à géographie variable.

Mais le plus choquant, c'est de faire financer la réduction du temps de travail par les agriculteurs, car, en définitive, ce sont eux qui supporteront le surcoût des produits phytosanitaires.

M. Marcel Rogemont.

Et les 110 milliards pour l'agriculture !

M. Bernard Accoyer.

En effet, le mode d'établissement des prix en agriculture fait que les agriculteurs ne peuvent pas répercuter les coûts de production sur les prix de vente. Vous êtes en train de faire payer la réduction du temps de travail à ceux qui travaillent deux fois 35 heures chaque semaine de l'année ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arthur Dehaine.

Très juste !

M. Bernard Accoyer.

Cela est proprement inacceptable ! Les mesures en faveur de la branche famille sont insignifiantes, voire quasi nulles. Pourtant, vous avez bien réservé 8 milliards pour le PACS. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La revalorisation des bases de calcul des prestations familiales est misérable : 0,3 %. A tel point qu'elle a motivé l'abstention du groupe communiste en première lecture.

Quant au principe de l'extension du droit aux prestations familiales jusqu'à vingt-deux ans inscrit dans la loi du 25 juillet 1994, il a été purement et simplement abrogé. Pour le million et demi de jeunes entre vingt et vingt-deux ans et pour leurs parents, le problème de leur prise en charge restera donc entier. Si le Gouvernement relâchait, pour une fois, son acharnement anti-famille,...

M. Marcel Rogemont.

Il y a une heure, vous attaquiez les familles !

M. Bernard Accoyer.

... il accepterait, comme le proposent les associations familiales, de ne pas abroger l'article 22 de la loi du 5 juillet 1994, mais d'en prolonger l'application jusqu'en 2002 ! Du reste, le Gouvernement devrait le faire d'autant plus volontiers qu'il est coutumier du report des problèmes, qu'il s'agisse de la sortie des emplois-jeunes, de l'application des 35 heures dans les petites entreprises ou, plus grave encore, de l'avenir des retraites.

Malheureusement, il y a de fortes probabilités que nous assistions, au détour d'un amendement gouvernemental de dernière minute, à un nouveau coup de force contre les familles - ce qui inquiète d'ores et déjà les associations familiales et ce qui, je le pense, doit inquiéter fortement nos collègues du groupe communiste. En effet, la Cour de cassation a annulé hier la disposition incluse dans la convention collective de l'AGIRC, qui diminuait de 20 % les bonifications familiales - encore les familles de 400 000 cadres retraités ayant élevé une famille nombreuse.

M. François Goulard.

La Cour de cassation a bien fait !

M. Francis Hammel.

M. Accoyer ne va pas tarder à prendre sa carte du PC !

M. Bernard Accoyer.

Les sommes en jeu sont considérables. Je ne doute pas que nos collègues communistes seront attentifs à la disposition qu'adoptera le Gouvernem ent en ce domaine, puisque nous avions cru comprendre qu'ils en faisaient la condition de leur vote sur le texte.

M. Bernard Outin.

De quoi je me mêle ?

M. Bernard Accoyer.

Etant donné qu'une nation doit consacrer toute son attention à la solidarité entre les générations, il faut souligner combien la régression de la politique de l'aide aux familles est non seulement choquante mais aussi dangereuse pour l'avenir : l'avenir de la protection sociale en général, l'avenir du financement des retraites en particulier et surtout l'avenir de la nation tout entière.

Cette loi de financement aurait dû être l'occasion pour le Gouvernement d'apporter enfin des réponses aux difficultés que rencontrera notre système de retraite. Toutes les études ont démontré que le pic de démographie que nous connaîtrons en 2005 conduira progressivement à un


page précédente page 10073page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

déséquilibre du rapport retraités-actifs, lequel passera de quatre actifs pour dix retraités actuellement à sept actifs pour dix retraités d'ici à 2040.

Cette évolution de la pyramide des âges avait conduit le gouvernement précédent à prendre des mesures courageuses, même si elles étaient impopulaires. A l'inverse, la gauche et ce gouvernement n'ont strictement rien fait, s'agissant de l'avenir des retraites.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Oh !

M. Bernard Accoyer.

Voilà deux ans et demi que le Gouvernement, mois après mois, année après année, repousse les décisions, car il ne veut pas toucher aux régimes spéciaux de retraites de peur de susciter des mouvements de mécontentement dans une partie de la population. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Le Président de la République a préféré dissoudre !

M. Bernard Accoyer.

Mais le courage et le devoir des gouvernants, c'est avant tout d'assurer l'avenir de la nation,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et de garder la confiance de l'opinion publique !

M. Bernard Accoyer.

... ainsi que la cohésion entre les générations.

Vous avez pris vos responsabilités. Pourtant, les rapports successifs que vous avez vous-mêmes commandés vous suggéraient de prendre des mesures. Mais vous n'avez rien fait. Cette attitude de renoncement porte en elle - et il est particulièrement triste de le dire -, les germes d'un grave conflit de générations.

A ce moment-là, vous ne serez peut-être plus là,...

M. Arthur Dehaine.

J'espère bien !

M. Bernard Accoyer.

... mais la conception qu'un gouvernement doit se faire de son devoir est tout autre.

Il s'agit d'une véritable bombe à retardement. Nous la dénonçons une nouvelle fois. Car le fonds de réserve que vous évoquez à grand renfort d'effets de manche n'est que symbolique. Aujourd'hui, il n'y a pas un centime dans ce fonds de réserve, qui, il y a quinze jours, n'existait pas encore,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mais si, il y a 2 milliards !

M. Bernard Accoyer.

... alors que, à partir de 2015, les besoins de financement seront de 300 milliards par an ! Voilà où se situe votre niveau d'irresponsabilité ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pourtant, les propositions de l'opposition pour assurer l'avenir des retraites ont été nombreuses. Nous tentons de vous proposer, année après année - c'est tout de même la troisième loi de financement que vous présentez -, des amendements propres à rétablir un peu d'équité entre les différentes catégories de salariés en France, mais vous les refusez systématiquement.

En vérité, ce renoncement montre que vous ne voulez pas assurer l'avenir de la protection sociale. Vous ne prenez pas de décisions de nature à assurer l'avenir des retraites, mais votre attitude en ce qui concerne la politique de santé est tout aussi condamnable.

Parce que la loi de financement devrait être l'occasion privilégiée de parler du financement de la sécurité sociale et de sa branche maladie, de débattre des priorités retenues en la matière et des moyens qui leur sont accordés, nous ne pouvons accepter qu'à peine le quart du texte soit consacré à la branche maladie.

Au demeurant, les premières dispositions du texte vont totalement à l'encontre d'une politique de santé, puisque les crédits de l'Etat en matière de santé ne représentent que 0,5 % du total du budget de l'assurance maladie, ce qui en dit long sur les intentions du Gouvernement en matière de santé publique. Au reste, on peut se demander comment la grande loi annoncée sera financée.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Attendez encore quelques mois !

M. Bernard Accoyer.

Les premières décisions constituent une décharge de responsabilité financière du Gouvernement en direction de l'assurance maladie, notamment pour les centres de dépistage anonyme et gratuit du sida.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il s'agit de prévention secondaire, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Il en va de même pour la prise en charge des campagnes de désintoxication à l'égard de certaines dépendances, notamment de la toxicomanie.

Par de telles mesures, qui illustrent bien que l'on veut faire supporter par l'assurance maladie ce qui relève du budget de l'Etat - et ce n'est pas le seul domaine où l'on observe ce genre de manipulation de la part du Gouvernement -, ce texte participera à la désorganisation et, surtout, à la fragilisation de la sécurité sociale, ainsi qu'à l'étatisation de la branche maladie.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

S'agissant de soins, la prise en charge par l'assurance maladie est donc normale !

M. Bernard Accoyer.

Les nouveaux avantages offerts aux centres de santé illustrent ce renoncement dans deux domaines. Je ne vous ferai pas l'insulte, madame la secrétaire d'Etat, de vous rappeler le contenu du rapport de l'IGAS concernant les centres de santé,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je n'ai pas attendu après vous pour en prendre connaissance !

M. Bernard Accoyer.

... mais il est utile d'avoir en mémoire, car c'est de notoriété publique, que ces centres de santé, dont il faut tout de même reconnaître qu'ils rendent des services dans le domaine social, pratiquent une certaine confusion des genres entre dépenses sociales et dépenses de santé, ce qui n'est pas sans créer certains problèmes.

Or les mesures que vous prenez ne feront qu'accentuer le phénomène. Les subventions accordées par les caisses et, plus grave encore, l'absence de mécanisme de contrôle des dépenses de ces centres de santé mettent en évidence le fait que tous les professionnels de santé ne sont pas soumis au même traitement.

M. Jean Bardet.

Deux poids, deux mesures !

M. Bernard Accoyer.

Les professionnels de santé qui travaillent dans les centres de santé étant des salariés, le Gouvernement s'est refusé - et la CNAM a dénoncé cette situation - à instaurer un système de régulation. Du reste, vous ne pourriez pas réduire les salaires des médecins salariés en fonction des dépenses qu'ils génèrent pour soigner ceux qui viennent dans les centres de santé.


page précédente page 10074page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

En revanche, dans le présent texte, vous instaurez des lettres clés flottantes. Autrement dit, plus les professionnels libéraux de santé travailleront, moins ils gagneront !

M. Jean Bardet.

Deux poids, deux mesures !

M. Bernard Accoyer.

Où se trouvent l'égalité et l'équité ?

M. Jean Bardet.

Il n'y en a pas !

M. Bernard Accoyer.

Bien entendu, une telle situation ne manquera pas d'interpeller le Conseil constitutionnel, que d'ailleurs nous ne manquerons pas de saisir.

M. Didier Boulaud.

Si vous avez le même succès que pour le PACS !

M. Jean-Luc Préel.

L'an dernier, le Conseil constitutionnel nous a suivis en ce qui concerne les sanctions collectives !

M. le président.

Mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer.

Monsieur Accoyer, veuillez poursuivre, ne vous laissez pas interrompre.

M. Bernard Accoyer.

En réalité - et les interventions du rapporteur et de Mme la ministre l'ont démontré -, ce texte est un texte purement budgétaire, qui ne fait aucun cas des priorités sanitaires, des priorités de santé publique.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ce n'est pas juste de dire cela, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

La hausse de l'ONDAM est effectuée, comme on dit, « à la louche ».

M. Alfred Recours, rapporteur.

Elle a été approuvée par le Sénat.

M. Bernard Accoyer.

De surcroît, les références sont modifiées. Jusqu'à présent, la hausse de l'ONDAM était calculée à partir de l'objectif de l'année précédente ; cette fois-ci, elle est établie en fonction de l'objectif atteint. Or nul ne peut dire aujourd'hui quel sera l'objectif atteint, puisque l'année n'est pas encore terminée ; il ne sera connu que le 31 décembre prochain.

Une telle imprécision nuit gravement à la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie, donc à sa pérennité même. Cette imprécision constitue, bien entendu, un point de faiblesse considérable.

Les modifications apportées par le PLFSS au contenu des conventions passées entre l'assurance maladie et les professionnels de santé - chirurgiens-dentistes, sagesfemmes, auxiliaires médicaux - ont pour objet de donner aux partenaires conventionnels la possibilité de déroger de façon habituelle aux principes de la sécurité sociale, les contraignant à signer systématiquement un avenant tarifaire dès la première année de la convention, le tout pour développer les filières de soins hors de l'avis du conseil d'orientation précisément créé à cet effet.

De telles dispositions méconnaissent l'article 34 de la Constitution, qui dispose que le Parlement « détermine les principes fondamentaux » du droit de la sécurité sociale. Or les textes concernant le paiement direct, le paiement à l'acte, le champ de la prise en charge des soins par l'assurance maladie font assurément partie de ces principes.

L'esprit des lois de 1996, c'était l'évaluation du système sur le mode de la diversification en usant de l'expérimentation. Le Gouvernement tourne le dos aux expérimentations. Il impose un nouveau système en refusant de poursuivre sur la voie conventionnelle.

De ce fait, plusieurs paragraphes de l'article 17, concernant les conventions conclues avec les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes et les laboratoires d'analyses médicales, ne sont pas conformes à la Constitution.

L'instauration des tarifs flottants, dits « lettres clés flottantes », pour les médecins, par exemple, mais également, si l'on en croit quelques amendements d'origine parlementaire, pour toutes les professions de santé, bafoue la décision du Conseil constitutionnel du 18 décembre 1998 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 annulant le mécanisme des sanctions collectives.

En effet, on se souvient que le Conseil, saisi par l'opposition, avait annulé ce mécanisme, considérant que, pour faire peser une charge sur les médecins, le législateur doit fonder son appréciation « sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif de modération des dépenses médicales qu'il s'est assigné ».

Le projet de loi qui nous est soumis porte également atteinte au secret médical en donnant aux services du contrôle médical un rôle de censeur pour les arrêts de travail, les transports sanitaires et, ce qui est tout à fait insupportable, le rôle de modifier et même de piloter une prise en charge thérapeutique au seul prétexte que le montant des dépenses d'assurance maladie déclenchées pour un assuré serait excessif.

Ce point suffira, n'en doutons pas, après avoir suscité, comme on le voit déjà, une émotion, à attirer l'attention du Conseil constitutionnel.

Le contrôle médical n'est pas une structure habilitée à dispenser des soins ni des orientations thérapeutiques. De surcroît, les dispositions proposées ne seraient pas sans conséquence sur la responsabilité médico-légale ou pénale de ses services, comme l'a souligné avec beaucoup de pertinence Jean-Paul Bacquet.

On voit donc bien que ce texte fait peu de cas des grands principes de notre système médico-social.

Le secret médical, le respect des principes fondamentaux de liberté ne sont pas respectés. Il s'agit là de la même attitude que celle imposée par le Gouvernement à l'article 57 de la loi de finances, unanimement condamné par les institutions professionnelles car il méconnaît le secret professionnel. Les amendements de dernière minute n'ont strictement rien changé au fond à ce grave problème.

En détournant le projet de loi de financement de la sécurité sociale de son objet, en détournant les recettes sociales pour financer les 35 heures obligatoires, en confondant loi de financement de la sécurité sociale et budget de l'Etat, ainsi que l'a souligné le Conseil d'Etat lui-même, en méconnaissant les principes fondamentaux de liberté et de responsabilité, le texte qui nous est soumis est contraire à notre Constitution. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe de l'UDF.

M. Jean-Luc Préel.

Bien entendu, le groupe de l'UDF v otera l'exception d'irrecevabilité qu'a excellemment défendue Bernard Accoyer avec sa fougue, sa passion et sa compétence habituelles.

M. Bernard Accoyer.

Merci !


page précédente page 10075page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Luc Préel.

Comme notre collègue l'a rappelé, la partie financement du projet de loi concerne essentiellement la création d'un fonds de financement des 35 heures. Ce financement est d'ailleurs divers puisqu'il fait intervenir la taxe sur les alcools, la taxe sur les tabacs, la taxe générale sur les activités polluantes, l'impôt sur les bénéfices et la taxe sur les heures supplémentaires. Ces t axes et impôt seront mobilisés pour financer les 35 heures. Nous considérons, comme le Sénat l'a établi par son vote, que ce fonds n'a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Je ne dirai rien sur les 35 heures, dont je rappellerai cependant qu'elles pénaliseront les entreprises françaises au regard de la concurrence internationale.

Le projet de loi de financement qui nous est soumis ne propose quasiment rien pour la famille - alors que nous avons besoin d'une politique familiale volontariste afin de préparer l'avenir du pays - en dehors de l'abrogation de la loi de 1994 qui prévoyait justement l'allongement du b énéfice des prestations familiales jusqu'au vingtdeuxième anniversaire des enfants, quand ceux-ci coûtent le plus cher aux familles. Nous regrettons que ce soit la proposition principale du projet de loi.

Le texte ne prévoit rien non plus pour le financement des retraites, dont on connaît pourtant l'urgence. Si nous souhaitons, comme nous le disons tous ici et comme vous le dites vous-même, madame la secrétaire d'Etat, sauvegarder la retraite par répartition, il est urgent de prendre des mesures.

S'agissant de la santé, vous évoluez à grands pas, hélas ! vers l'étatisation, sans vous préoccuper des problèmes de santé publique.

M. Laurent Cathala.

Fantasmes !

M. Jean-Luc Préel.

Vous ne proposez rien pour améliorer la prévention et l'éducation de la santé.

J'ai trouvé quelque peu choquant que notre rapporteur n'ait parlé ni de la santé, ni de la famille, ni de lar etraite, bornant son propos au financement des 35 heures.

Vous nous proposez de revenir au texte voté en prem ière lecture, avec un ONDAM essentiellement comptable ne prenant pas en compte les besoins de la population, et des sanctions collectives dont Bernard Accoyer vient de rappeler tout le mal que nous en pensions.

Ce projet de loi mérite effectivement d'être rejeté.

C'est pourquoi le vote de l'exception d'irrecevabilité s'impose.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur Accoyer, nous vous avons écouté. Par l'essentiel de vos propos, vous avez essayé, vainement, d'attaquer la présentation qu'a faite Alfred Recours des équilibres financiers de la sécurité sociale.

Fallait-il rénover les cotisations sociales ouvrières ? Oui, et nous l'avons fait.

Fallait-il rénover les cotisations patronales ? Oui, et nous l'avons fait.

Fallait-il diminuer les cotisations sur les bas salaires ? Oui, et c'est ce que nous proposons.

Nous raisonnons donc sur des bases qui devraient être consensuelles.

Vous avez parlé de la famille. Soit ! Mais il est un peu curieux qu'un de vos collègues représentant le RPR ait tapé, il y a à peine une heure, sur la famille pour dénoncer les impôts des célibataires ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons un système par répartition : ce qui n'est pas payé par les uns est payé par les autres.

M. André Schneider.

Et les divorcés ? Et les veufs ? Vous êtes odieux !

M. Marcel Rogemont.

Je pense que vous êtes, vous et vos amis, au sein de l'opposition, désorientés au point de ne pas savoir exactement quelle est la politique que vous pouvez nous proposer.

M. André Schneider.

N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer.

Parlez-nous du PACS !

M. Marcel Rogemont.

Vous avez également parlé, monsieur Accoyer, de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes. Fallait-il la créer ? Oui et, d'ailleurs, l'Europe nous le demandait...

M. Jean Bardet.

Vous êtes à la botte de l'Europe !

M. Marcel Rogemont.

C'est une bonne taxe et elle doit être mise en place.

Elle est, de plus, une taxe d'incitation à ne pas polluer, ce qui signifie qu'elle prend en compte la santé de nos concitoyens.

M. Bernard Accoyer.

Pas du tout !

M. Marcel Rogemont.

C'est là une façon comme une autre de reposer la question au niveau où elle se pose.

En ce qui concerne les retraites, nous prévoyons un fonds de réserve à hauteur de 20 milliards de francs en l'an 2000. C'est très significatif.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a rien dedans !

M. Marcel Rogemont.

Si 20 milliards, ce n'est rien, c'est que rien, c'est déjà quelque chose ! Il y a donc des éléments dans le texte ! Et que vous les critiquiez, mes chers collèges, fait simplement penser que nous sommes déjà entrés dans le débat. Mais si nous sommes déjà entrés dans le débat, c'est que nous nous situons après l'exception d'irrecevabilité, et plus précisément après son rejet.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est spécieux.

M. Marcel Rogemont.

Je suis donc persuadé que M. Accoyer souhaite que l'exception d'irrecevabilité soit rejetée, et j'invite l'Assemblée à le suivre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe DL.

M. François Goulard.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la démonstration qu'a faite Bernard Accoyer et qui nous a, s'il en était besoin, convaincus de voter l'exception d'irrecevabilité, qui se fonde sur de nombreux motifs. Pour ma part, je n'en retiendrai que deux.

D'abord, le financement de la politique des 35 heures dans une loi de financement de la sécurité sociale constitue une anomalie, sur laquelle M. Accoyer s'est abondamment exprimé. Il faut bien considérer qu'il y a là une déviation, un détournement de l'esprit des textes orga-


page précédente page 10076page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

niques sur le financement de la sécurité sociale. En effet, le financement des 35 heures n'a strictement rien à faire avec le financement de la sécurité sociale. Pour cette seule raison, il y a motif d'inconstitutionnalité : le dispositif proposé viole l'esprit et la lettre des textes organiques.

Ensuite, le texte qui nous est soumis comporte une disposition qui reprend, à peu de choses près, celle qui, l'année dernière, a fait l'objet d'une annulation du Conseil constitutionnel : je veux parler des sanctions collectives à l'égard des professions de santé.

M. Jean-Luc Préel.

Absolument !

M. François Goulard.

Cette fois-ci, la ministre de l'emploi et de la solidarité nous propose, au nom du Gouvernement, un texte « habillé », qui reprend le dispositif annulé. On appelle « baisse de tarifs » ce qui était l'an passé un « reversement », mais le mécanisme est exactement le même.

Surtout, les critiques qui avaient été émises par le juge constitutionnel et qui l'avaient conduit à annuler une partie du texte sont tout aussi pertinentes à l'endroit du dispositif proposé cette année : en effet, la baisse de tarifs est bien une sanction collective quand elle est décidée exclusivement pour que les dépenses ne dépassent pas une enveloppe globale.

Pour ces deux raisons au moins, nous pensons qu'il y a des motifs très sérieux d'inconstitutionnalité à l'encontre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l'importance, je le rappelle, est considérable eu égard aux montants financiers qui sont en jeu et au rôle qu'il sera conduit à jouer dans la protection sociale dont bénéficient les Français.

En conséquence, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Lors de la première lecture, nous avons déjà exposé les raisons pour lesquelles nous nous opposerions à l'exception d'irrecevabilité déposée par l'opposition. Je vais à nouveau les évoquer.

En réalité, ce que souhaite la droite, c'est une diminution des dépenses consacrées à la protection sociale. Au contraire, tout l'argumentaire du groupe communiste et apparentés a visé à démontrer qu'il fallait faire plus concernant la protection sociale.

L'examen du texte au Sénat a montré que l'opposition persistait dans son attitude de réduction des dépenses, à l'opposé, je le répète, de ce que défend le groupe communiste et apparentés.

Nous avons là une raison supplémentaire pour rejeter, en nouvelle lecture, l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

C'est dommage.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe du RPR.

M. Patrick Delnatte.

Je dirai à notre collègue socialiste, qui a voulu faire ressortir une contradiction dans la position du RPR, qu'en matière de politique familiale et de promotion de la famille, nous connaissons nos repères ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Patrick Delnatte.

Nous sommes sûrs de ces repères.

Mais je ne suis pas certain que le groupe socialiste connaisse les siens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Vos repères datent du

XIXe siècle !

M. Patrick Delnatte.

Vous ne réussirez pas à nous mettre en difficulté car nous souhaitons que la politique sociale s'applique à tous les Français, y compris aux célibataires.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Patrick Delnatte.

J'en viens à l'exception d'irrecevabilité.

M. Accoyer a montré, à la faveur d'une argumentation très solide, à quel point les principes et les dispositions contenues dans le texte qui nous est soumis étaient en contradiction avec la Constitution.

Il est bien évident que le groupe du RPR votera l'exception d'irrecevabilité.

Je tiens néanmoins à rappeler que la réforme du gouvernement Juppé, sur laquelle un très large consensus s'était dégagé, a permis à la représentation nationale d'avoir à la fois le contrôle et la décision des dépenses de sécurité sociale, dans un souci de transparence et de responsabilité.

Par rapport à cette réforme, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est proposé marque un véritable recul car vous y introduisez de la confusion et des tours de passe-passe.

D'abord, que vient y faire le financement des 35 heures ? Ensuite, vous détournez la fiscalité, notamment celle qui concerne les activités polluantes.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Patrick Delnatte.

Enfin, vous procédez à un tour de passe-passe avec le fonds de réserve sur les retraites.

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il y a matière à voter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour une durée maximale de trente minutes.

M. Gilbert Gantier.

Madame la secrétaire d'Etat, je commencerai, tout en vous saluant respectueusement, par regretter l'absence de Mme Martine Aubry, qui a quand même été, permettez-moi de le dire, la mère porteuse de toute notre législation sociale depuis l'installation de ce


page précédente page 10077page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Nicole Bricq.

Propos sexistes !

Mme Muguette Jacquaint.

Soyez élégant, monsieur Gantier !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il est vrai qu'il vous est arrivé d'être plus élégant !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Gilbert Gantier.

On ne peut que regretter l'absence de Mme Aubry au moment où l'Assemblée discute du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je n'oserai pas dire qu'il s'agit d'un manque de considération pour la représentation nationale, mais je le pense quelque peu.

Comme l'ont dit certains orateurs, ce texte est étrange, car la sécurité sociale, dont nous débattons du financement - 1 800 milliards de dépenses, excusez du peu, c'est-à-dire beaucoup plus que l'ensemble du budget de l'Etat -, passe finalement en second, derrière la promotion des 35 heures, qui est un autre problème.

Ce projet de loi ressemble ainsi davantage à un projet de loi portant diverses mesures d'ordre gouvernemental qu'à un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Gilbert Gantier.

On pourrait même parler d'un véritable détournement de projet de loi réalisé par le Gouvernement.

M. Arthur Dehaine.

Exact !

M. Gilbert Gantier.

Il s'agit d'une sorte de Meccano fiscal et social, d'un genre un peu nouveau.

M. Bernard Accoyer.

Plutôt un Lego !

M. Gilbert Gantier.

Les comptes de l'Etat et de la sécurité sociale se trouvent en effet de plus en plus imbriqués, et donc illisibles, du fait des interactions, des opérations de débudgétisation et de la création d'un grand nombre de fonds.

Compte tenu de la complexité croissante des finances publiques, Mme la ministre devrait accepter la proposition du Sénat : présenter annuellement des comptes consolidés de la sécurité sociale et du budget de l'Etat.

Cela nous permettrait d'y voir un peu plus clair.

En ce qui concerne les comptes sociaux, la France se distingue de ses voisins européens sur deux points au moins, et d'abord par le véritable capharnam de taxes affectées à une ou plusieurs branches des assurances sociales, taxes d'une rare complexité et bien souvent d'un faible rendement. A l'inverse de la politique menée par l'actuel gouvernement, nos partenaires européens - l'Espagne, la Grèce, l'Irlande ou l'Italie - clarifient et simplifient leurs systèmes de financement en supprimant des recettes dites « de poche », qui compliquent sans rapporter beaucoup.

Autre particularité française : la multiplication des fonds spéciaux gérés en dehors du budget de l'Etat et en dehors même de la sécurité sociale. Dans cette catégorie, nous trouvons le fonds de solidarité vieillesse, la caisse d'amortissement de la dette sociale - CADES -, le fonds pour les victimes de l'amiante, le fonds de financement des 35 heures, et j'en oublie certainement. Cette multiplication de caisses et de fonds ne facilite évidemment pas le contrôle, mais elle permet de masquer les dérapages des dépenses au moment où nos partenaires rebudgétisent au contraire des fonds similaires à ceux que vous créez.

Cela dit, la multiplication des fonds a un objectif : rendre impossible la comparaison des budgets d'une année sur l'autre. En affectant des recettes, on essaie en effet de cacher la hausse des prélèvements obligatoires aux Français. Si l'on rapproche les lois de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, on constate que le gouvernement de M. Jospin a créé - tenez-vous bien ! plus de quatorze nouveaux impôts ou nouvelles taxes.

M. François Goulard.

Oh là là !

M. Gilbert Gantier.

Ce gouvernement a pris plus de quarante mesures d'augmentation des prélèvements obligatoires. Depuis juin 1997, le montant des prélèvements a ainsi augmenté de plus de 420 milliards de francs. C'est une somme énorme qui a porté le taux des prélèvements obligatoires à 45,3 % du PIB.

M. Bernard Accoyer.

C'est le record du monde !

M. Gilbert Gantier.

En ce qui concerne la sécurité sociale stricto sensu, le Gouvernement a créé ou augmenté plus de douze impôts ou taxes et les prélèvements sociaux se sont accrus, à eux seuls, de plus de 240 milliards.

M. Bernard Accoyer.

C'est vertigineux !

M. Gilbert Gantier.

Ce projet de loi, tout comme le projet de loi de finances que la majorité a voté hier, remet en cause deux principes budgétaires fondamentaux qui nous ont été légués par les pères fondateurs des finances publiques : l'universalité budgétaire et la nonaffectation des recettes.

Les impôts, les taxes et les contributions passent, d'un coup de baguette magique, du code général des impôts au code de la sécurité sociale, ou simplement ils ne sont rattachés à aucun code. Ils passent d'un projet de loi de finances à un projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans même que l'on s'en rende compte. Ainsi la fameuse CSG est-elle passée du stade de contribution fiscale à celui de contribution sans définition fixe. Créée par une loi de finances, elle dépend maintenant entièrement des affaires sociales. Elle est à moitié sociale, du fait de son caractère partiellement déductible, et en partie fiscale par son mode de calcul et de perception. Une chose est certaine : la CSG ressemble désormais beaucoup à un impôt proportionnel sur le revenu qui, avec ses 330 milliards de francs de produits, est d'un rapport supérieur à celui de l'impôt sur le revenu lui-même.

Avec la CSG, comme avec les droits sur les tabacs ou sur les alcools, on assiste à un découpage en tranches fines des impôts et des taxes. La CSG finance à la fois l'assurance maladie, les allocations familiales, le Fonds de solidarité vieillesse. Avec l'article 29 du projet de loi que nous examinons, les droits de consommation sur les tabacs manufacturés sont affectés à 85,5 %, et dans la limite de 39,5 milliards de francs, au financement des 35 heures - nous y revoilà ! Une fraction égale à 7,58 % est affectée à l'assurance maladie et 0,43 % servira à alimenter le fonds pour les victimes de l'amiante. Il faut, convenez-en, de la compétence et de la persévérance pour s'y retrouver ! Pour ne pas lasser l'auditoire, j'éviterai de parler des droits sur l'alcool, sur lesquels il y aurait pourtant beaucoup à dire.

En matière de complexité fiscale et sociale, je dois l'avouer, le Gouvernement est imbattable. Il bat même tous les records avec la taxe générale sur les activités pol-


page précédente page 10078page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

luantes. Cette taxe, instituée en loi de finances pour 1999 et versée au budget général, remplaçait cinq taxes affectées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Un an plus tard, elle relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son assiette est élargie et elle sert désormais à financer les 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Très partiellement !

M. Gilbert Gantier.

Quelle instabilité, quelle hypocrisie vis-à-vis de la lutte contre la pollution que vous affirmez vouloir mener ! Avec la taxe générale sur les activités polluantes, on prend conscience qu'en réalité le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000 sert de béquille au projet de loi sur les 35 heures. En effet, les articles 2, 3 et 4, en créant un fonds de plus, débudg étisent le douloureux et coûteux financement des 35 heures. Or, en première lecture, nous avons pu constater combien le bois de la béquille était fragile. A la recherche de plus de 100 milliards de francs pour financer les 35 heures - nous y revoilà ! -, vous avez dû revoir votre copie en cours de route et à la dernière minute.

Vous vous êtes aperçue que la ponction sur les organismes sociaux était à la fois non seulement socialement inéquitable - cela va de soi -, mais aussi inconstitutionnelle. Votre marche en arrière ne vous empêche pourtant pas de persévérer dans le bricolage et dans l'erreur.

Premièrement, l'erreur porte une fois de plus sur le nom. Le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales devrait s'appeler « Fonds de financement des 35 heures ».

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Tout à fait !

M. Gilbert Gantier.

Ce serait plus logique, moins hypocrite et plus clair, ...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Mais ce serait faux !

M. Gilbert Gantier.

... car, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ne trouvons pas la moindre réforme des cotisations patronales. Il y a simp lement un mécanisme supplémentaire d'allégement conditionné de cotisations qui s'ajoutent à bien d'autres.

Ensuite, le Gouvernement monte une superbe « usine à gaz ». Pour essayer de nous y retrouver nous devrions demander à nos questeurs de doter la salle de séance d'unr étroprojecteur pour expliquer le circuit infiniment complexe du financement des 35 heures par une série de schémas. Ainsi le gouvernement de M. Jospin a-t-il décidé d'affecter 85,5 % des droits sur les tabacs et la contribution sociale sur les bénéfices au fonds pour les 35 heures. Il faut noter au passage que la contribution sociale sur les bénéfices remplace la majoration de 10 % sur les bénéfices créée par le collectif budgétaire de juill et 1997. Encore un tour de passe-passe ! A ces prèlèvements, il faut ajouter la taxe sur les heures supplémentaires - une taxe de plus ! - et l'affectation des droits sur l'alcool, qui finançaient, jusqu'à maintenant, le fonds de solidarité vieillesse. A terme, ce fonds perdra ainsi 12 milliards de francs. Malgré tous ces tuyaux, le financement des 35 heures n'est toujours pas assuré à hauteur de 8 milliards de francs et à terme ce trou pourrait même atteindre, dit-on, plus de 20 milliards de francs. Ce qui est choquant dans ce montage, c'est que le Gouvernement ment. Il ment au pays ! Il ment à la représentation nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il essaie de faire croire qu'à travers le mécanisme d'allégement des charges sociales il fait un cadeau aux entreprises. C'est doublement faux.

Premièrement, les entreprises devront supporter le choc des fameuses 35 heures qui - tous les économistes sont d'accord maintenant - majoreront leurs coûts de 10 % environ.

Deuxièmement, le Gouvernement fera payer aux entreprises ce prétendu cadeau à travers trois taxes : la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe générale sur les activités polluantes et la taxe sur les heures supplémentaires. C'est un peu comme si, allant chez des amis, après leur avoir offert une bouteille de vin, vous leur demandiez à la fin du repas de vous la rembourser.

(Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Après avoir déposé votre projet de loi, vous avez renoncé à taxer directement les régimes sociaux mais, avec votre usine à gaz, il n'en demeure pas moins que vous persistez en organisant un ponctionnement qui pour être indirect n'en est pas moins réel.

En rackettant le fonds de solidarité vieillesse, vous fragilisez cet organisme. La perte de recettes est évaluée à 5,6 milliards de francs pour ce fonds. Or, la loi de financement de la sécurité sociale avait prévu d'affecter une partie des excédents du fonds de solidarité vieillesse au fonds de réserve pour les retraites, ce qui avait une certaine apparence logique. Cette possibilité devient maintenant virtuelle. En privilégiant les 35 heures, le Gouvernement a contredit sa priorité de sauvegarder les régimes de retraite par répartition. La politique sociale du Gouvernement manque donc de la plus évidente cohérence.

Elle se caractérise également par son immobilisme, surtout en ce qui concerne l'épineux problème du financement des retraites. Le fonds de réserve créé l'année dernière sert d'alibi. Maigre alibi ! Votre politique se limite à la publication sans fin de rapports et à des reports sans limite des décisions à prendre.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Gilbert Gantier.

Depuis deux ans, le Gouvernement promet une réforme des retraites tous les six mois. Ce peu de volontarisme se conclut toujours par la commande d'un nouveau rapport. Ainsi, vous avez à votre disposition pas moins de trois rapports du Conseil d'analyse économique, un rapport du Conseil économique et social, un rapport rédigé par Dominique Taddei, ancien député, et, bien évidemment, le rapport Charpin. Au moins, une chose est certaine : vous ne pouvez pas affirmer que vous n'êtes pas informés !

M. Bernard Accoyer.

Ils vont bientôt faire un rapport sur les rapports !

M. Gilbert Gantier.

Nous savons tous que, dans cinq à dix ans, c'est-à-dire demain, notre système de retraite devra faire face à un double choc démographique : celui de l'arrivée des classes d'âge du baby-boom à la retraite et l'allongement de la durée de la vie. Sur ce sujet, Michel Rocard n'écrivait-il pas, en 1990 - il y a déjà neuf ans :

« Dans vingt ans, le système de retraite va exploser ; il y a de quoi faire sauter les cinq ou six gouvernements qui seront amenés à s'en charger » ?

M. Bernard Accoyer.

Ils l'ont lu et ils le savent !

M. Gilbert Gantier.

Apparemment, cela ne vous fait pas peur. La seule initiative du Gouvernement en ce domaine a été...

M. Bernard Accoyer.

D'abroger la loi Thomas !

M. Gilbert Gantier.

... de créer un fonds de réserve pour le régime général. D'ici à 2001, ce fonds devrait être doté d'environ 15 milliards. Or ce ne sont pas 10,


page précédente page 10079page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

20 ou 40 milliards de francs qu'il faudrait pour le doter convenablement, c'est 300 ou 400 milliards ! Nous sommes donc très loin du compte ! Mettons en parallèle le montant de 15 milliards annoncé pour le fonds de réserve et les 5 000 milliards de francs de dette publique accumulés !

M. Didier Boulaud.

Par qui ?

M. Gilbert Gantier.

Par vous essentiellement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Didier Boulaud.

C'est Balladur qui a doublé la dette de l'Etat de 1993 à 1995 !

M. Gilbert Gantier.

Ne reprenons pas le débat ! En 1981, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, la dette de l'Etat représentait 20 % du PNB !

M. Didier Boulaud.

C'est faux !

M. le président.

Un peu de calme, s'il vous plaît ! Laissez l'orateur poursuivre !

M. Gilbert Gantier.

Ce n'est pas l'objet du débat mais, si vous voulez qu'un jour nous discutions de l'endettement, je suis prêt à le faire quand vous voudrez !

M. Didier Boulaud.

Nous sommes prêts aussi !

M. Gilbert Gantier.

Mais revenons au sujet qui nous occupe ! Dans les faits, pour ce qui concerne les retraites, votre immobilisme s'apparente à une coupable imprévoyance.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Gilbert Gantier.

Il aura pour conséquence l'augmentation d'au moins 30 % des cotisations retraite dans vingt ans, ainsi qu'une baisse du pouvoir d'achat des retraités qui est déjà envisagée.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est vous qui l'envisagez !

M. Gilbert Gantier.

Pour les historiens, il ne sera pas dit que vous n'aurez pas été prévenus.

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est sûr !

M. Gilbert Gantier.

Pour masquer votre immobilisme, vous passez d'une concertation à une autre. Il s'agit avant tout d'une incapacité à imposer une réforme à la majorité et d'un refus d'assumer des décisions difficiles.

M. Bernard Accoyer.

Trahison !

M. Gilbert Gantier.

Et plus on se rapprochera des échéances électorales, plus l'inaction sera de règle. Pourtant, selon M. Charpin, « le principal danger serait précisément de refuser d'affronter le problème en temps utile ».

P our le moment, votre seul accomplissement en matière de retraite a été de supprimer la loi Thomas, loi adoptée par la précédente majorité et qui visait à permettre la création de fonds de pension au profit des salariés du secteur privé.

M. Bernard Accoyer.

C'était pour que les communistes votent la dernière loi de financement !

M. Gilbert Gantier.

Cette loi était restée sans objet du fait de votre refus de publier les décrets d'application.

M. Marcel Rogemont.

Du fait de la dissolution !

M. Gilbert Gantier.

Mais qui vous empêchait de les prendre ces décrets ?

M. Marcel Rogemont.

Les Français n'en voulaient pas ! Ils vous l'ont dit lors des élections !

M. Gilbert Gantier.

Quelle stupide soumission à des idéologies dépassées !

M. José Rossi.

Très bien !

M. Gilbert Gantier.

Tous les pays ont adopté des législations favorables aux fonds de pension, sauf la France.

Pouvez-vous avoir raison contre la terre entière ?

M. Bernard Accoyer.

C'est comme les 35 heures !

M. Gilbert Gantier.

Grâce à vous, mes chers collègues de la majorité, les retraités étrangers touchent les dividendes du succès des entreprises françaises, alors que les retraités français devront se contenter de voir les entreprises françaises passer petit à petit - cela a déjà bien commencé - sous le contrôle de fonds de pension anglosaxons.

M. Bernard Accoyer.

Et voilà !

M. Gilbert Gantier.

Il n'y a pas de quoi se réjouir ! Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, le Chili, le Canada, les pays scandinaves disposent de fonds de pension. Pourquoi pas la France ? Ce n'est certainement pas parce que les Français n'en veulent pas !

M. Jean-Pierre Pernot.

Ils ne veulent pas de vous, surtout !

M. Gilbert Gantier.

Année après année, tous les sondages disent le contraire. Un sondage tout à fait récent a ainsi confirmé que 78 % des Français étaient favorables à des fonds de pension. Cette proportion s'élève même - tenez-vous bien ! - à 88 % chez les dix-huit vingtquatre ans. Ces chiffres sont sans appel. Lors de l'adoption de la loi Thomas, aucune manifestation de grande ampleur n'a eu lieu, malgré le souhait de la gauche, ce qui prouve que le pays y était tout à fait favorable.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Les Français vous ont renvoyés !

M. Gilbert Gantier.

Une autre voie mérite aussi d'être prise en considération si l'on veut s'occuper des retraites, une voie de liberté et de responsabilité : il faut mettre un terme à la retraite guillotine. Le départ du jour au lendemain des salariés à soixante ans, voire à cinquante-cinq ou cinquante ans, est un véritable gâchis pour les personnes concernées, pour la société et pour l'économie nationale. Il conviendrait de permettre à ceux qui le souhaitent de quitter progressivement la vie professionnelle, soit avant soixante ans s'ils le désirent, soit après s'ils le souhaitent, comme cela se fait dans de nombreux pays.

L'argument selon lequel le départ précoce à la retraite permet de lutter contre le chômage est faux, vous le savez bien. Ce sont les pays qui ont le plus fort taux d'activité entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans qui ont les taux de chômage les plus bas.

M. Marcel Rogemont.

Forcément !

M. Gilbert Gantier.

En conclusion à cette question préalable, j'évoquerai la branche famille qui sert de plus en plus à financer des choses qui n'ont rien à voir avec la politique familiale.

Ainsi, en contrepartie de la ponction que vous opérez sur le fonds social de vieillesse qui devait initialement financer le fonds de réserve des retraites, vous affectez à


page précédente page 10080page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

ce dernier 1 milliard de francs issu de la branche famille.

De ce fait, indirectement, la branche famille finance les 35 heures. Il fallait y penser. Un détournement de plus !

M. Didier Boulaud.

On nous a dit tout à l'heure que c'étaient les agriculteurs ! Il faudrait savoir !

M. Gilbert Gantier.

Par ailleurs, vous effectuez une débudgétisation de 2,5 milliards de francs pour financer la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui était jusqu'à présent à la charge de l'Etat. Les mesures nouvelles en faveur des familles ne représentent, de leur côté, que 1,1 milliard de francs. De ce fait, nous pouvons constater que le Gouvernement s'en prend une nouvelle fois aux familles, et je le regrette.

Lorsque la branche famille est en déficit, le Gouvernement prend des mesures drastiques pénalisant les familles.

Lorsqu'elle est en excédent, on prive la branche famille de cet excédent.

Le Gouvernement utilise donc ce projet pour abroger l'article 22 de la loi de 1994, renonçant ainsi ouvertement au relèvement progressif, jusqu'à vingt-deux ans, de l'âge limite d'ouverture du droit à l'ensemble des prestations familiales, relèvement qui avait été promis.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Fausse promesse, non financée !

M. Gilbert Gantier.

Après l'adoption du PACS qui constitue un mauvais coup porté à la famille, vous persistez dans une politique anti-familiale manifeste.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Cela n'a aucun rapport !

M. Gilbert Gantier.

Votre politique ne prend aucunement en compte l'exigence démographique. Or vous n'ignorez pas que notre pays n'assure pas le renouvellement des générations.

Il conviendrait, comme l'avait fait la Chambre des députés du Front populaire en 1938, en créant le code de la famille, d'aider les familles à avoir le deuxième ou le troisième enfant.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est ce que nous faisons !

M. Gilbert Gantier.

Or, depuis deux ans, vous avez diminué l'AGED, la réduction d'impôt pour emploi de proximité et le quotient familial.

M. Didier Boulaud.

Quelle horreur !

M. Gilbert Gantier.

Oui, quelle horreur, mon cher collègue.

M. Bernard Outin.

Moins d'argent pour les riches !

M. Gilbert Gantier.

Je suis prêt à en discuter avec vous.

Nous demandons la mise en oeuvre d'une politique familiale moderne, intégrant le fait que 80 % des femmes souhaitent travailler, politique qui doit être axée sur la responsabilité des parents, l'éducation et le renouvellement des générations.

Faute d'avoir intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale des dispositions en faveur des retraites et des familles, et du fait du détournement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de financer les 35 heures, il convient d'adopter la question préalable.

Sur le plan juridique, ce projet de loi s'éloigne de l'esprit de l'article 34 de la Constitution qui dispose, dans son dix-neuvième alinéa, que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». On est très loin de cette obligation.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Pas du tout !

M. Gilbert Gantier.

Nous sommes aussi très loin de l'esprit de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale qui dispose que « les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des disposit ions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ». Je crois, mes chers collègues, vous avoir démontré tout à l'heure que tel n'était pas le cas de ce texte.

Voilà pourquoi il n'y a pas lieu d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 tel qu'il nous est présenté par le Gouvernement. Ce texte n'améliore en aucun cas l'information du Parlement et n'assure pas la transparence, pourtant souhaitable, des comptes sociaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais apporter deux précisions.

La première concerne l'équilibre financier de la sécurité sociale qui nous est maintenant imposé par la Constitution.

Il est inexact de parler, comme vient de le faire notre collègue Gantier, d'inconstitutionnalité parce que nous délibérerions en réalité sur le financement des 35 heures qui n'ont rien à voir avec la sécurité sociale.

Je l'ai expliqué et développé tout à l'heure, nous avons voulu une réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, qui font institutionnellement partie des recettes de la sécurité sociale. Et cette réforme donne à la sécurité sociale des recettes supplémentaires provenant du tabac, de la TGAP et de la CSG.

Comme vous l'indiquiez, mon cher collègue, la Constitution nous fait obligation d'équilibrer. Nous équilibrons en allégeant les charges patronales.

M. Bernard Accoyer.

C'est un exercice d'équilibriste !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous répondons donc à cette obligation d'équilibre. On peut arriver à l'équilibre de deux façons : soit en jouant sur les recettes déjà obtenues, soit, comme vous le suggériez, en jouant sur les dépenses. Et de ce point de vue, il n'y a rien à dire.

Sur les retraites, vous avez longuement exposé votre point de vue, point de vue intéressant, que nous connaissons d'ailleurs déjà, car vous l'avez exposé depuis plusieurs années et récemment encore, à l'occasion de nos débats. Vous nous dites que rien n'est fait. Mais des choses seront faites.

M. Bernard Accoyer.

On a donc raison ! Rien n'est fait ! Nous seront tous morts...

M. Jean-Luc Préel.

Il est urgent d'attendre !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Le Premier ministre a a nnoncé plusieurs propositions pour le début de l'an 2000. Vous aurez le temps de les critiquer.

M. Jean Bardet.

Il est criminel de ne rien faire !


page précédente page 10081page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Didier Boulaud.

Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Mais, de grâce, ne nous obligez pas à adopter exclusivement vos propositions concernant les retraites. Un débat aura lieu. Nous aurons aussi des propositions à faire. Certes, ce ne seront pas celles que vous attendez. Ce seront celles qu'attendent les Français, celles qui correspondent au programme vers lequel ils ont demandé de s'orienter quand le Président de la République a dissous l'Assemblée nationale, alors qu'on craignait de ne pas pouvoir financer certaines dépenses.

Concernant la loi Thomas que vous aviez votée sous la législature précédente, il est tout à fait normal, en démocratie, qu'une nouvelle majorité envisage de nouvelles propositions.

M. Bernard Accoyer.

Mais vous ne faites rien ! Cela fait trois ans d'immobilisme !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Elle n'est pas obligée, comme vous l'indiquiez dans votre discours, d'appliquer les lois que vous aviez votées sous une majorité précédente.

Concernant les retraites, nous aurons des propositions à faire. Les Français nous sauront alors gré de ne pas nous être précipités vers les fausses solutions que vous préconisiez et qui ne concernent que les plus riches d'entre eux.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Gilbert Gantier, avec beaucoup de talent, a défendu cette question préalable que, bien sûr, le groupe RPR votera.

Les principaux points développés par M. Gantier sont, chacun pris individuellement, une raison suffisante pour voter cette motion préjudicielle. Vous les connaissez tous, mais la majorité ne veut pas les entendre.

Il y a, tout d'abord, la création de fonds sans fonds pour financer diverses actions du Gouvernement qui échappent, ensuite, au contrôle du Parlement. Il y a aussi la création d'impôts comme la CSG, dont l'affectation est variable d'une année à l'autre.

Les 35 heures sont financées par la sécurité sociale, bien que vous affirmiez le contraire. Vous ne trompez personne, le dévoiement de la taxe sur les alcools qui devait normalement être affectée au financement des retraites en est la preuve. Toujours pour financer les 35 heures, vous taxez les entreprises.

Il y a la taxe générale sur les activités polluantes créée à l'initiative de l'Europe, mais pour financer la dépollution selon la formule « pollueur-payeur ».

Il y a aussi une taxe sur le travail basée sur les heures supplémentaires, ce qui est tout de même un comble ! Voilà ce que vous faites ! Mais ce que vous ne faites pas n'est guère mieux ! Je me contenterai d'évoquer brièvement le problème des retraites. Vous ne prenez aucune mesure pour y remédier, sinon en publiant rapport sur rapport et en repoussant les véritables questions aux calendes grecques.

Enfin, M. Gantier a dénoncé la politique familiale du Gouvernement qui, malgré ses promesses, ne prend aucune mesure en faveur des familles ni de la démographie.

Pour toutes ces raisons, le RPR votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Nous nous opposerons à cette motion pour les mêmes raisons qu'à la précédente.

Il n'y a aucun doute, nous n'avons pas du tout les mêmes orientations que l'opposition. Nous voulons faire plus, elle veut faire moins !

M. Bernard Accoyer.

Vous ne faites rien !

M. Jean Bardet.

Nous voulons faire mieux !

Mme Muguette Jacquaint.

Le plan Juppé vous convenait très bien et on a vu à quoi cela vous avait menés, de le soutenir avec tant de force ! Nous ne vous suivrons donc pas et nous nous opposerons à la question préalable de l'opposition.

M. Bernard Outin.

Très bien !

M. Jean Bardet.

Quelle déception !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe DL.

M. François Goulard.

Vous comprendrez que l'orateur du groupe Démocratie libérale et Indépendants soit d'accord avec l'ensemble de ce qui vient d'être exposé par Gilbert Gantier. Si un texte mérite d'être rejeté sous la forme d'une question préalable, c'est bien celui-là, parce que ses lacunes sont considérables.

Gilbert Gantier a parlé longuement et avec beaucoup de compétence du financement des 35 heures et des très grands inconvénients que comportent les solutions retenues sur le plan fiscal. Il a évoqué les retraites, qui sont un des grands chapitres oubliés de ce projet de loi. Mais on aurait pu aussi parler de l'assurance maladie, dont les problèmes ne sont pas traités dans le projet du Gouvernement.

Bref, toutes les raisons existent de ne pas examiner ce texte et le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste.

M. Marcel Rogemont.

Je reconnais l'intérêt de votre propos, monsieur Gantier.

M. Jean Bardet.

Bravo !

M. Marcel Rogemont.

Vous avez commencé en mettant en avant le poids de la sécurité sociale : 1 800 milliards ! C'est important de le dire. De même, il est i mportant de préciser qu'il faudra - au moins 1 800 milliards de recettes pour financer la sécurité sociale. Chacun en a bien conscience.

M. Bernard Accoyer.

Encore ne faut-il pas lui faire payer les 35 heures !

M. Marcel Rogemont.

Vous nous dites que c'est compliqué ? Certes ! Mais certainement moins compliqué que le budget de l'Etat, qui est pourtant inférieur au budget de la sécurité sociale.


page précédente page 10082page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Vous évoquez à nouveau la TGAP, qui est une incitation à ne pas polluer. Cela signifie que nous fondons une partie du financement de la sécurité sociale sur une recette dont nous espérons qu'elle connaîtra une évolution négative.

M. François Goulard.

Et après, comment fera-t-on ?

M. Bernard Accoyer.

Comment fera-t-on, l'année prochaine, pour financer les 35 heures ?

M. Marcel Rogemont.

C'est que nous faisons le pari d'une gestion économe de la sécurité sociale, qui constitue le fer de lance de la proposition qui nous est faite.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

S'agissant des retraites, vous nous rappelez que dans certains pays le taux d'activité des personnes d'un certain âge est plus élevé qu'ailleurs. Bien sûr. C'est une réalité objective qui relève de la démographie. Vous pourriez tout aussi bien dire que les pays dont le nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail est beaucoup plus élevé que celui de ceux qui en partent ont un taux de chômage un peu plus important.

M. Bernard Accoyer.

C'est faux !

M. Marcel Rogemont.

On peut analyser les problèmes sur le plan démographique. Car la démographie joue énormément sur le marché du travail.

Vous parlez de la famille. Permettez-moi de faire quelques rappels. Grâce à qui les allocations familiales ontelles été touchées pour tous les enfants jusqu'à dix-neuf ans ? Grâce à nous ! Et le projet de budget vous propose le versement des allocations familiales jusqu'à l'âge de vingt ans.

Mme Véronique Neiertz.

Et l'année prochaine, jusqu'à vingt et un ans !

M. Marcel Rogemont.

Tout à l'heure, le secrétaire d'Etat au logement a parlé des allocations logement. Qui a repoussé jusqu'à vingt-deux ans l'âge des enfants pris en compte pour les allocations logement ? C'est nous !

M. Bernard Accoyer.

Et l'AGED, c'est qui ?

M. Marcel Rogemont.

Tout cela pour rappeler que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte, en faveur de la famille, des mesures significatives qui vont dans le bon sens.

Et puis, arrêtez à propos de la fiscalisation ! Qui, alors, préférait à la réduction du plafond du quotient familial la suppression des allocations familiales qu'avait proposée et adoptée le Gouvernement ?

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que vous aviez fait !

M. Marcel Rogemont.

Des remarques avaient été faites par les associations familiales. On a repris les choses. Cela s'est traduit dans le quotient familial, naturellement, parce que ce qui n'est pas payé par les uns est évidemment payé par les autres.

Mais surtout, et ce sera ma conclusion, notre collègue Gantier a fait une description très sympathique du budget de la sécurité sociale. C'est bien gentil, mais cela ne justifie absolument pas la question préalable. C'est pourquoi je vous encourage, mes chers collègues, à ne pas la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour le groupe UDF.

M. Germain Gengenwin.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale vient à point pour permettre au Gouvernement de pratiquement dissimuler le financement des 35 heures.

M. François Goulard.

Exactement !

M. Germain Gengenwin.

Gilbert Gantier l'a excellement démontré.

Vous créez un fonds pour financer les 35 heures, à l'intérieur du budget de la sécurité sociale, alors qu'il devrait figurer, en toute bonne logique, dans le budget général. C'est comme si on voulait soustraire à la connaissance de l'opinion publique le coût important du financement des 35 heures ! A elle seule, une telle opération justifierait cette question préalable.

Il n'est pas cohérent que ce projet de loi de financement prévoie l'origine des recettes qui serviront à financer la réduction du temps de travail. Ce montage, artificiel et subtil, ne permet pas au Parlement de se prononcer en toute connaissance de cause sur un dispositif non équilibré. Et le financement de ce fonds est basé sur des hypothèses hasardeuses.

Prenez seulement, mes chers collègues, la taxation des heures supplémentaires. Croyez-vous que les entreprises vont payer deux fois, et des heures supplémentaires, et une taxation sur ces heures supplémentaires ? Les chefs d'entreprise sont assez malins. Comme me le disait l'un d'entre eux, ils trouveront la parade. Je vous mets donc au défi de trouver les 7 milliards que vous prévoyez.

Prenez aussi la TGAP. Vous voulez faire payer les agriculteurs, qui sont précisément une catégorie qui travaille deux fois 35 heures dans la semaine ! (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocrat ie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mes chers collègues du milieu rural, lors des assemblées de la fédération des exploitants de votre circonscription, vous aurez à expliquer pourquoi les agriculteurs auront à financer la réduction du temps de travail à travers une taxe sur la TGAP ! Croyez-vous qu'ils sont les pollueurs ? Ce n'est pas leur intérêt de polluer en mettant un gramme d'engrais de plus, un gramme de produit pesticide en plus ! Et vous savez très bien que, dans ce domaine, d'énormes progrès ont été faits.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 revient donc en deuxième lecture devant notre assemblée.

Il a été heureusement modifié, amélioré par la sagesse sénatoriale. Les sénateurs ont notamment rejeté la création du fonds pour les 35 heures que vous proposez.


page précédente page 10083page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Ils ont également réécrit, en le simplifiant, l'article 17 en remplaçant les sanctions collectives et les lettres clés flottantes par une prise en compte des pratiques individuelles dans un cadre régional.

D'autres améliorations ont été apportées par le Sénat.

Aussi, dans sa forme actuelle, ce texte nous paraît beaucoup mieux et nous serions très heureux de l'adopter.

Hélas ! la commission mixte paritaire a échoué. Et le rapporteur nous propose le retour au texte adopté en première lecture par notre assemblée. Le Gouvernement et le rapporteur rejetant toutes les améliorations apportées par le Sénat, nous ne pouvons que reprendre nos critiques contre un texte qui présente de graves défauts. En effet, il ne prépare pas l'avenir du pays. Rien n'est fait pour la famille ou pour les retraites, en dépit pourtant de l'urgence. De plus, il est dangereux pour la branche santé, qui évolue vers l'étatisation.

Surtout, pour financer les 35 heures, vous nous proposez la création d'un fonds, alimenté par des recettes qui devraient avoir pour chacune d'elles une destination plus appropriée. Je ne reviendrai pas sur l'improvisation du premier mode de financement et sur votre reculade à la veille du débat qui a abouti à un bricolage ingénieux.

En réalité, et les sénateurs sont d'accord avec nous, votre tort principal est de revenir sur la loi de 1994, qui prévoyait que, pour ne pas pénaliser la protection sociale, l'Etat devait compenser intégralement les exonérations qu'il décidait. Dès lors, point n'était besoin de créer un fonds de financement. Mais vous reniez ce principe, ce qui constitue, à nos yeux, un retour en arrière condamnable.

Afin de financer le fonds en question, vous faites appel à diverses taxes. D'abord, la taxe sur les tabacs, à hauteur de 39,5 milliards, pour financer les 35 heures. Or ces milliards devraient, selon nous, être affectés à la CNAM, pour soigner les victimes du tabac, et surtout financer la prévention. Aujourd'hui, 60 000 décès annuels sont liés au tabagisme. Ne serait-il pas juste que la taxe perçue soit utilisée à financer les soins des malades présentant un cancer de la gorge, du poumon, de la vessie, des insuffisants respiratoires ou des artéritiques ? Demain, c'est 120 000 Français et Françaises qui décéderont chaque année du tabac. Nous ne pouvons donc pas rester passifs devant ce drame. Alors que la taxe perçue sur la vente du tabac devrait être utilisée à financer une prévention active, vous préférez l'affecter aux 35 heures. Nous le regrettons.

Ensuite, vous affectez au fonds destiné à financer les 35 heures 5,6 milliards provenant des droits sur les alcools. Là encore, ils seraient mieux utilisés à financer les soins et la prévention de l'alcoolisme.

Enfin, pour financer les exonérations de charges, vous créez un impôt sur les bénéfices des entreprises qui rapporte 4,3 milliards en 2000, pour s'élever, à terme, à 12,5 milliards.

Par ailleurs, vous affectez également la taxe sur les activités polluantes au financement des 35 heures. Son produit devrait représenter 3,2 milliards en 2000 et 12,5 à terme.

M. Marcel Rogemont.

En année pleine !

M. Jean-Luc Préel.

Contrairement à ce que vous avez indiqué tout à l'heure, mon cher collègue, cette taxe ne va pas diminuer. Je vous renvoie à la page 15 du rapport de M. Recours.

Sans revenir sur son principe, comment ne pas s'interroger sur le mode de calcul de cette taxe sur les activités polluantes ? Il est d'une complexité redoutable et ses conséquences semblent mal maîtrisées. En effet, le produit le plus polluant ne sera pas forcément le plus taxé puisque vous ne tenez pas compte du poids de la molécule active. Surtout, cette taxe devrait, à notre sens, servir à améliorer la qualité de l'environnement, la qualité de l'eau, la qualité de l'air. Par exemple, vous pourriez l'affecter à la mise aux normes des élevages. Comme vous le savez, cette ligne budgétaire est sous-dotée. Les agriculteurs, qui souhaitent mettre aux normes leurs exploitations, ne peuvent le faire faute de financement de la part de l'Etat...

M. Marcel Rogemont.

Non ! C'est un problème d'étude des dossiers !

M. Jean-Luc Préel.

... ce qui est regrettable. Dans les pays de Loire, un contrat a été signé, que l'Etat refuse d'abonder.

M. Marcel Rogemont.

C'est faux !

M. Jean-Luc Préel.

En fait, vous instituez un droit à polluer pour améliorer la santé. Ainsi, plus nous utiliserons de lessive, mieux la sécurité sociale se portera, ce qui est un comble !

M. Jean Bardet.

Et plus les malades seront malades !

M. Jean-Luc Préel.

Par ailleurs, vous avez prévu de t axer les heures supplémentaires pour 7 milliards - M. Gengenwin vient d'y faire allusion. Les salariés ne seront donc pas payés pour les heures effectivement travaillées. Voilà pour le moins un curieux système ! Sur près de 64 milliards, la contribution de l'Etat en 2000 sera seulement de 4,3 milliards et, à terme, de 8 milliards. Mais sur un coût final estimé à 105 milliards, i l reste encore, comme le précise le rapport de M. Recours, 20 milliards à trouver. Comment le serontils ? Là est toute la question.

Ainsi, les 35 heures ne sont pas encore financées, par plus d'ailleurs que la CMU, contrairement à ce qu'a déclaré Mme la ministre tout à l'heure.

Les syndicats ont été satisfaits de votre reculade lorsque vous avez voulu ponctionner l'UNEDIC. Mais je crains que, dans les négociations encore en cours avec l'UNEDIC et portant sur des dizaines de milliards, vous ne leur fassiez payer leur résistance.

S'agissant de la protection sociale, vous avez maintenu le prélèvement de 5,6 milliards, réparti sur les trois branches, que vous avez affecté au FSV, par l'intermédiaire d'un prélèvement sur les recettes.

Vous l'aurez compris, le financement des 35 heures avec la création de ce fonds ne nous convient pas. Nous souhaitons vivement que vous en restiez au texte du Sénat qui est bien meilleur que le vôtre.

Plus grave, ce projet de loi ne prépare pas l'avenir, alors que vous devriez profiter de la croissance pour entreprendre des réformes indispensables.

Ainsi, pour la famille, et contrairement à d'autres pays, vous n'avez pas engagé une réelle politique volontariste.

Vous souhaitez même abroger la loi de 1994 qui prévoyait l'extension des prestations familiales à vingtdeux ans, à l'âge où les enfants coûtent le plus cher. Bien qu'au pouvoir depuis deux ans et demi, vous n'avez pas pu ou pas voulu appliquer la loi.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Elle n'était pas financée !

M. Jean-Luc Préel.

Le Gouvernement est en place depuis deux ans et demi !


page précédente page 10084page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et alors ?

M. Jean-Luc Préel.

Vous avez eu le temps de trouver un financement !

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et l'action sociale.

On a fait d'autres choses !

M. Jean-Luc Préel.

Si votre priorité avait été d'aider les familles au moment où les enfants coûtent le plus cher, vous auriez financé cette mesure.

M. Marcel Rogemont.

On a augmenté les allocations familiales que vous aviez bloquées pendant quatre ans !

M. Jean-Luc Préel.

Aujourd'hui, vous profitez de l'examen de ce texte pour abroger cette disposition qui constituait un progrès. C'est regrettable.

Le Sénat, dans sa sagesse, a prévu de vous accorder un délai supplémentaire de deux ans pour vous permettre d'assurer son financement. Si, en dépit de cette possibilité, vous abrogez cette mesure, c'est que vous ne voulez vraiment pas financer les enfants lorsqu'ils coûtent le plus cher.

M. Jean-Pierre Pernot.

C'est faux !

M. Jean-Luc Préel.

C'est la réalité !

M. Jean-Pierre Pernot.

C'est la vôtre !

M. Jean-Luc Préel.

Non, c'est le texte !

M. Claude-Jean Perez.

C'est votre interprétation du texte !

M. le président.

Monsieur Préel, poursuivez.

M. Jean-Luc Préel.

Que cela vous plaise ou non, vouloir abroger la loi de 1994 qui prévoyait d'accorder les prestations familiales jusqu'à 22 ans constitue un recul.

Vous n'entreprenez aucune simplification des vingtcinq prestations et des quinze mille références existantes.

Or, elles sont totalement ingérables et incompréhensibles pour les bénéficiaires. Vous vous bornez à accorder une modeste augmentation de 0,5 %, alors que l'inflation sera de 0,9 % et que le prix implicite du PIB comprenant le loyer doit augmenter de 1,2 %. Donc, bien loin d'un coup de pouce, il s'agit d'une perte de pouvoir d'achat programmée pour les familles.

Pour la retraite, les données démographiques sont connues de tous et le rapport Charpin les a confirmées. A législation constante, il nous manquera en 2015 quelque 350 milliards de francs par an. Mais vous ne décidez rien.

Vous nous proposez simplement d'attendre que M. Jospin ait réfléchi aux conséquences électorales de ses éventuelles décisions.

M. Patrick Lemasle.

Non, ça c'est Chirac !

M. Jean-Luc Préel.

Non, c'est M. Jospin qui propose d'attendre encore un peu. Et je pense que ses décisions tiendront compte de ses préoccupations électorales.

M. Jean-Pierre Pernot.

Vous supputez !

M. Jean-Luc Préel.

Nous verrons bien ce qu'il proposera pour les régimes spéciaux, pour la CNRACL, pour la SNCF, pour EDF.

M. Jean-Pierre Pernot.

Vous êtes trop impatient !

M. Jean-Luc Préel.

Mais il va sans doute surseoir aux décisions les plus importantes.

Alors que la branche est excédentaire, que le pouvoir d'achat des retraités a diminué ces dernières années, surtout depuis l'application de la CGS, vous ne proposez qu'une augmentation de 0,5 %, là encore, inférieure à l'inflation prévue à 0,9 % et au prix implicite du PIB de 1,2 %. Vous programmez ainsi une baisse du pouvoir d'achat des retraités.

L'UDF souhaite conforter la retraite par répartition en accroissant l'autonomie de la branche, en renforçant le paritarisme. Elle demande, dans un esprit de transparence, la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires, gérée paritairement et l'harmonisation progressive des règles applicables aux divers régimes.

L'UDF réclame également la mise en place effective d'un troisième étage, l'épargne retraite, en souhaitant d'ailleurs, comme Laurent Fabius, notre président qui, je crois, siège encore dans vos rangs, que l'épargne salariale soit investie à 50 % en actions françaises.

J'en viens à la branche maladie. La situation de cette branche est aujourd'hui très sérieuse. Nous sommes probablement à la croisée des chemins. Le paritarisme est remis en cause.

M. Jean-Paul Bacquet.

Par qui ?

M. Jean-Luc Préel.

Par vous ! Et nous nous dirigeons à grands pas vers l'étatisation.

M. Jean-Paul Bacquet.

C'est faux !

M. Jean-Luc Préel.

Je le démontrerai tout à l'heure.

Oui, le paritarisme est remis en cause.

M. Bernard Outin.

Par le MEDEF !

M. Jean-Luc Préel.

Parce que vous n'avez pas voulu discuter avec eux ! Nous nous dirigeons à grands pas vers l'étatisation, en étant menacés, à terme, d'une privatisation et donc d'une assurance maladie à plusieurs vitesses.

M. Jean-Pierre Pernot.

C'est excessif !

M. Jean-Luc Préel.

Beaucoup d'hôpitaux, ceux dont l'activité augmente, parce que les malades, pour diverses raisons, affluent aux urgences, sont aujourd'hui financièrement étranglés. Les établissements privés qui ont investi connaissent une situation financière délicate. Plusieurs ferment chaque jour. Pour la première fois en 1999, il n'y a pas eu d'accord conventionnel, et vous les avez pénalisé de 2 %.

Les professionnels libéraux sont inquiets, désabusés.

Or, comme l'a dit Martine Aubry, aucune réforme ne sera possible sans eux et a fortiori contre eux. Vous avez choisi de saucissonner le représentation des professionnels - un amendement déposé en première lecture a renforcé ce dispositif - pour court-circuiter les syndicats. Or ce n'est pas une bonne méthode.

Des spécialités, pourtant indispensables pour soigner la population et permettre l'application des textes que vous avez publiés sur la sécurité, sont aujourd'hui sinistrées.

Nous aboutirons demain à des restructurations hospitalières, non pas pour des raisons de santé publique mais par manque de spécialistes.

Vous envisagez des mesures timides, alors qu'il faudrait revoir le statut du praticien hospitalier et prendre en compte réellement la pénibilité et la responsabilité.

Les besoins d'investissements dans les établissements des anté sont aujourd'hui considérables. Alors que les SROSS de deuxième génération sont publiés, il apparaît que des restructurations importantes sont nécessaires pour permettre aux établissements de répondre aux besoins, notamment au niveau de l'accueil des urgences, d'adapter l'hébergement aux souhaits de la population - chambres à un lit, par exemple - et de rendre effectives les mises aux normes de sécurité.


page précédente page 10085page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Or, l'Etat se désengage, les subventions de votre ministère disparaissent. Seul le fonds voté avec l'ONDAM est prévu. Mais il est modeste, ses modes d'attribution ne sont pas clairement définis et les crédits ne sont pas consommés. Pourtant, dans le même temps, l'Etat perçoit la TVA sur les travaux, sa subvention est donc globalement négative. Un effort de l'Etat paraît justifié et indispensable.

Madame la secrétaire d'Etat, alors que je vous ai interrogé lors de l'examen du budget de votre ministère, vous ne m'avez pas répondu sur les besoins d'investissements des établissements de santé. Tous ceux qui siègent au sein des conseils d'administration d'hôpitaux savent bien ce qu'il en est.

Dans ce texte, vous nous proposez trois mesures principales. La première consiste à confier en apparence la gestion de l'ambulatoire à la CNAM. En apparence, car vous avez prévu tellement de garde-fous qu'en réalité vous gardez la main et rien ne sera décidé sans votre accord. Comme dans le même temps, vous conservez les hôpitaux et le médicament, et vous récupérez les cliniques, nous assistons, en fait, à un renforcement de l'étatisation. Il y a cependant un effet pervers, le renforcement des barrières entre les enveloppes allant à l'encontre du souhait de tous d'aller vers une fongibilité des enveloppes - établissements, ambulatoire, médico-social.

L'UDF s'élève donc contre cette étatisation de la branche maladie avec renforcement des rigidités.

Dans le même temps, nous assistons à une autre évolution qui a été amorcée avec la CMU, avec la remise en cause de la frontière entre le régime de base et le régime complémentaire. Ainsi, les deux piliers de notre protection sociale à la française sont grandement fragilisés, le paritarisme et la séparation entre les deux régimes.

Par ailleurs, la définition laborieuse du panier de soins de la CMU, le non-remboursement de médicaments indispensables conduisent tout droit à une médecine à plusieurs vitesses, ce que nous refusons.

M. Jean Bardet et Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Très bien !

M. Jean-Luc Préel.

L'UDF, en effet, ne veut pas de sélection des malades, ni des professionnels. Elle souhaite au contraire conforter notre protection sociale par une réelle responsabilisation de chacun des acteurs dans le cadre d'une régionalisation véritable.

Par ailleurs, nous rejetons la deuxième mesure que vous nous proposez et qui consiste à introduire des sanctions collectives par le système de lettres clés flottantes.

Après avoir été sanctionné l'année dernière par le Consei l constitutionnel, le Gouvernement récidive cette année en proposant la plus perverse des sanctions collectives, puisque le praticien consciencieux sera sanctionné si ses collègues dérivent.

Alors que le Sénat a supprimé cette mesure, vous souhaitez la réintroduire dans le texte, ce que nous regrettons. En effet, l'UDF est très attachée à la responsabilisation individuelle et à la liberté de chaque praticien, contrôlées au niveau régional. Nous sommes donc opposés à cette mesure de sanction collective.

M. Germain Gengenwin.

Oui !

M. Jean-Luc Préel.

Je n'insisterai pas sur l'augmentation des crédits de l'ONDAM que vous portez à 658,3 milliards contre 629,8 pour 1999. Vous annoncez une progression de 2,5 %. En réalité, chacun constate qu'elle est bien supérieure à 4 %, voire 4,5 %. Pourquoi cette hypocrisie ? Que vous preniez en compte ce qui a été fait est sans doute réaliste, mais gardons les mêmes bases d'une année sur l'autre pour pouvoir comparer et juger de la maîtrise ou non des dépenses, de leur évolution par rapport à l'inflation et au PIB, et de leur financement.

A l'UDF, nous souhaitons que l'on sorte d'une gestion purement comptable et que l'on puisse prendre en compte les besoins de la population au niveau régional pour juger de l'adéquation de l'offre aux besoins.

Enfin, nous souhaitons développer une réelle politique de prévention et d'éducation de la santé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Ainsi, l'année dernière, vous avez annoncé la généralisation du dépistage des cancers du sein, première cause de mortalité prématurée évitable des femmes. Dans les faits, où en êtes vous ? Dans combien de départements ce dépistage généralisé est-il effectif ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Beaucoup de conseils généraux n'ont pas joué le jeu ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Les radiologues ne sont pas prêts, vous le savez bien !

M. Jean-Luc Préel.

Madame la secrétaire d'Etat, alors que je vous ai interrogé sur ce point lors de l'examen de votre budget, vous ne m'avez pas répondu.

Nous demandons la création d'une agence nationale pour coordonner chacun des acteurs, puis d'agences régionalisées et le vote par le Parlement conjointement avec l'ONDAM d'une enveloppe dédiée à la prévention.

Pour toutes ces raisons, dont vous conviendrez qu'elles ne sont pas mineures, l'UDF votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nos débats en première lecture ont permis à la majorité de cette assemblée de définir pour l'an 2000 une politique de la famille prenant résolument en compte les mutations de notre société et leurs conséquences sur ce qui en constitue le coeur, à savoir la cellule familiale. Pour y répondre, nous devons donc nous appuyer sur deux convictions : d'une part, la reconnaissance du rôle des familles dans la cohésion sociale, comme lieu de solidarité et de construction de repères pour l'enfant et, d'autre part, la politique d'appui aux familles fondée sur la volonté de répondre à leurs besoins et de conforter leurs capacités à exercer leurs obligations parentales.

Ces convictions doivent animer une politique familiale ambitieuse s'inscrivant dans la durée et soutenant en priorité les familles qui en ont le plus besoin. Tout en assainissant les comptes et en sécurisant les recettes, nous nous en donnons les moyens. Le Gouvernement s'est fixé une méthode pour la mettre en oeuvre. Celle-ci tient à deux principes : l'exercice d'une concertation permanente et le respect des engagements. Je veux ici saluer le travail effetué au sein de la mission interministérielle à la famille et rappeler que les engagements pris l'an dernier ont été tenus.

Je voudrais donc, madame la secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur de nouvelles perspectives en mettant l'accent sur deux grands chantiers qui animent le travail préparatoire de la prochaine conférence de la famille :


page précédente page 10086page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

l'aide à l'accueil de la petite enfance et la remise à plat de toutes les prestations dans un souci de cohérence, de simplification et d'équité.

La simplification, n'en doutons pas, aidera grandement les salariés des CAF et leur permettra de rendre un meilleur service.

En ce qui concerne la garde des jeunes enfants, je voudrais vous soumettre deux problèmes qui devraient faire l'objet d'une attention particulière. D'une part, la contribution financière des collectivités locales aux crèches municipales ne cesse d'augmenter depuis plusieurs années.

D'autre part, la part croissante dans les effectifs d'enfants appartenant à des familles à revenus modestes, la pratique de tarifs modulés en fonction des revenus, mais aussi l'aide uniforme de la CAF, entraînent forcément des déficits de fonctionnement.

Par contre, des structures associatives qui ne remplissent pas un rôle de service public, qui ne jouent pas le jeu de la solidarité, sélectionnent les enfants qu'elles accueillent en fonction des revenus de leurs parents. C'est sans nul doute un effet pervers des aides forfaitaires.

Ce système ghettoïse donc certains enfants dès leur plus jeune âge, rejetant telle ou telle famille, alors que la crèche, premier lieu de socialisation, doit être, en bon reflet de la société, le cadre d'une mixité sociale. L'exclusion ne doit pas commencer là.

Autre conséquence de ces difficultés à boucler des budgets, les crèches se trouvent dans l'impossibilité de garder une ou deux places vacantes pour répondre à des demandes urgentes, par exemple lorsqu'une mère trouve un stage ou un emploi et doit occuper rapidement son poste de travail. Ce problème doit être abordé et résolu dans le cadre de la prochaine conférence de la famille.

Je voudrais également évoquer le problème, heureusement peu fréquent, mais bien réel, de la présence, dans l es centres de détention, dans les maisons d'arrêt, d'enfants de moins de dix-huit mois qui vivent là avec leur mère incarcérée. Les structures de la petite enfance, installées dans la commune, doivent pouvoir les accueillir, pour qu'ils retrouvent, deux ou trois jours par semaine, des enfants de leur âge. Il faut aussi préparer le moment où ces enfants seront séparés d'avec leur mère, ou espérer qu'elle sortira en même temps qu'eux. Ces enfants pourraient trouver sur place des familles d'accueil et ne pas subir leur changement de situation comme une rupture trop brutale.

Mme Raymonde Le Texier.

Très bien.

Mme Hélène Mignon.

Encore faut-il que les responsables des crèches ou haltes-garderies en aient la volonté, et ils ne l'auront sans doute pas spontanément partout.

Aussi, ne pourrait-on envisager à la fois des financements spéciaux et des circulaires fortement incitatives pour les élus ? Je me suis certainement éloignée du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, mais je peux vous assurer, madame la secrétaire d'Etat, que, tout au long de la discussion qui débute, le groupe socialiste vous apportera son soutien.

Un sondage réalisé par la SOFRES et publié récemment montre à quel point la famille est importante pour 82 % des jeunes. Cette réalité est au coeur de l'action du Gouvernement qui reconnaît à la cellule familiale un rôle irremplaçable : espace de solidarité, d'apprentissage de la vie, de l'amour, fixant les repères indispensables qui aideront l'enfant à conquérir son autonomie et à marcher vers la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Madame la secrétaire d'Etat, nous nous connaissons depuis longtemps et avons mené, ensemble, dans le Val-d'Oise, plusieurs actions, dont certaines en faveur du dépistage du cancer du sein.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Cela nous a rapprochés.

M. Jean Bardet.

Aussi, ne voyez pas dans ce qui va suivre une attaque personnelle. Mais je suis étonné que, pour un texte de loi aussi important, qui concerne un budget supérieur à celui de l'Etat, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ne nous ait pas fait l'honneur d'être présente. Ce texte, en effet, dépasse largement le simple champ de la santé.

Nous sommes donc réunis ce soir pour discuter, en deuxième lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le texte sur lequel nous devons nous prononcer est fort éloigné de celui qui avait été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Certes, le Sénat a voté conformes seize articles et en a légèrement modifié quelques autres, mais il en a également supprimé huit, parmi les plus importants, et en a rajouté cinq.

D'autres ont été fondamentalement modifiés, tel l'article 17.

Je me félicite d'ailleurs que les modifications que, dans sa grande sagesse, le Sénat a apportées recoupent bien souvent les amendements, notamment ceux de suppression, que l'opposition avait proposés à l'Assemblée nationale, sans succès. Je pense en particulier aux articles portant sur le financement des 35 heures, qui avaient donné lieu à près de trois jours et trois nuits de discussion, sans que nous n'obtenions une seule fois satisfaction sur les différents points que nous avions soulevés.

Pourtant, qui, aujourd'hui, peut encore penser que cette loi aura un effet quelconque sur le chômage ? Personne, en dehors de ses inspirateurs, et certainement pas les salariés intéressés, si j'en juge par les grèves qui éclatent ici et là, dans diverses catégories professionnelles.

Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu en première lecture : le Gouvernement a-t-il, dans son dispositif actuel de financement des 35 heures, accompli une reculade ou un tour de passe-passe ? Je pense qu'il a fait les deux. Les escrimeurs connaissent bien cette technique, qui font deux pas en arrière pour mieux préparer leur riposte. Certains appellent cela un « coup de Jarnac ».

Le Sénat n'est pas tombé dans le piège. Il a dénoncé, comme l'opposition l'avait fait précédemment à l'Assemblée, l'attitude qui consiste à faire croire que les organismes de sécurité sociale ne seront pas ponctionnés pour financer les 35 heures.

Certes, ils ne le seront pas directement, mais en amont, de façon indirecte, puisque c'est par l'intermédiaire d'un détournement de la taxe sur les alcools que le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale sera alimenté.

M. Bernard Accoyer.

Encore un hold-up !

M. Jean Bardet.

D'ailleurs, sur la création de ce fonds, qui se situe à la croisée des chemins de la loi de finances, de la loi sur les 35 heures et de la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement à une position extrêmement ambiguë, puisque, d'un côté, il affirme qu'il ne s'agit pas de financer les 35 heures, mais d'alléger les charges sociales patronales et que, de l'autre, il sait pertinemment que ce n'est pas vrai, qu'il s'agit bien de financer les 35 heures, puisqu'il feint de faire machine arrière sous la pression de l'opposition et des syndicats.


page précédente page 10087page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Je regrette que les articles 2 à 4 aient été réintroduits en commission. Cela montre que le Gouvernement ne tient nul compte des suggestions qui lui sont faites. Je le comprends à la rigueur lorsque, à l'Assemblée nationale, elles viennent de l'opposition, à qui l'on a reproché - à tort - d'être systématique. Mais lorsque ces suggestions viennent d'une assemblée aussi sérieuse et raisonnable que le Sénat, je ne comprends plus.

De même, la commission a rétabli hier la taxe générale sur les activités polluantes, ainsi que la contribution sur les bénéfices des entreprises, malgré les remarques extrêmement pertinentes qu'avait formulées le Sénat.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Jean Bardet.

Je ne reviendrai pas non plus sur les arguments qui ont été développés en première lecture : de toute façon, c'est un parti-pris, l'opposition n'est pas entendue. Mais, enfin, tout le monde comprend qu'une taxe sur les activités polluantes doit servir à des activités de dépollution, conformément au principe « pollueurpayeur », dont je ne suis pas l'auteur, la paternité en revenant à un membre du Gouvernement.

Est-il utile de rappeler que la taxation des heures supplémentaires, qui est une des sources de financement du fonds, est non seulement injuste, puisqu'elle pénalise ceux qui travaillent plus au profit de ceux qui travaillent moins, et qu'elle va à l'encontre du principe, jusqu'ici généralement admis, selon lequel tout « travail mérite salaire », mais qu'elle est aussi non pérenne, puisque les heures supplémentaires sont appelées, à terme, à disparaître.

Je me félicite que le Sénat ait supprimé les articles 14 et 15, qui entraînent un désengagement de l'Etat, lequel se décharge sur le dos de l'assurance maladie de quelquesunes de ses missions de santé publique. Le processus avait déjà été amorcé l'an dernier, mais il est aujourd'hui amplifié. J'espère que notre assemblée suivra le Sénat et laissera à la charge de l'Etat les dépenses relatives au dépistage de certaines maladies réalisé par les consultations de dépistage anonyme et gratuit et par les centres de planification ou d'éducation familiale.

De même, l'Etat, voulant se désengager de la lutte contre la toxicomanie...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Allons donc !

M. Jean Bardet.

... j'avais souligné en première lecture les risques de ce processus, étant donné les interactions complexes, sur les plans médical, social et pénal, de cette lutte, qui ne peut être coordonnée que par les services de l'Etat.

Il est regrettable que l'Etat se décharge de ces missions de santé publique. Le budget de la santé, qui est déjà un des plus faibles de la nation, sera bientôt réduit à une peau de chagrin, et je me demande si, à terme, le but du Gouvernement n'est pas de l'intégrer totalement dans celui de la sécurité sociale...

M. François Goulard.

Si, bien sûr !

M. Bernard Accoyer.

Oui, c'est ce que veut le Gouvernement !

M. Jean Bardet.

... ce qui renforcerait encore sa vision comptable des problèmes de santé.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Jean Bardet.

Bien évidemment, la commission de l'Assemblée nationale a rétabli ces articles.

A l'Assemblée nationale, l'opposition avait souhaité supprimer l'article 16 ayant trait aux centres de santé. Je conçois que cet amendement ait pu paraître un peu provocateur. Il avait été proposé un amendement de repli : que les centres de santé se voient fixer un objectif de dépenses, comme les autres partenaires dispensant des soins, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers. C'est ce qu'a fait le Sénat.

Là encore, la commission de l'Assemblée nationale a rétabli le texte initial. Je ne comprends vraiment pas au nom de quels principes les centres de santé pourraient engager, sans aucun contrôle, des dépenses remboursées par la sécurité sociale.

L'article 17, qui est l'un des plus importants, avec ceux ayant trait au financement des 35 heures, avait été profondément remanié par le Sénat, dans le sens de la simplicité. N'oublions pas que cet article, qui faisait quatorze pages, était pour le moins indigeste. Il a été ramené à des proportions beaucoup plus raisonnables.

Sur le fond, le texte du Sénat insiste sur la « maîtrise médicalisée », s'appuyant en particulier sur les références médicales opposables. Bien sûr - est-il encore besoin de le préciser ? - cet article a été rétabli par la commission dans son texte initial.

Je regrette que le Sénat ait voté conforme l'article 18, d'autant plus que, sur tous les bancs de l'hémicycle, des voix s'étaient élevées pour dire qu'il comportait un risque d'atteinte grave au secret médical...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean Bardet.

... et que, de plus, les dispositions prises seraient totalement inopérantes.

C es problèmes, cependant, n'ont pas totalement échappé au Sénat, qui a voté un article 19 bis demandant que la CNAM présente chaque année au Parlement un bilan de l'application de l'article 18.

J'ai l'impression de me répéter...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

En effet !

M. Jean Bardet.

... en vous disant que l'article 19, supprimé par le Sénat et rétabli par la commission, avait rencontré aussi de vives réticences sur tous les bancs de cette assemblée. Je me souviens des propos assez véhéments de M. Gremetz à ce sujet.

Cette énumération d'articles, supprimés par le Sénat et rétablis par la commission de l'Assemblée nationale, est bien fastidieuse. De même que serait fastidieuse l'énumération des articles nouveaux introduits par le Sénat et supprimés par la commission de l'Assemblée nationale.

On a l'impression d'un jeu de massacre purement politicien, où la raison n'a aucun droit et où règnent uniquement le sectarisme et la polémique.

Je prendrai pour exemple l'article 1er bis introduit par le Sénat, relatif au mode de fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale. Il précise en effet que cette commission « est assistée par un secrétariat général permanent, qui assure l'organisation de ses travaux ainsi que l'établissement de ses rapports. Le secrétariat général de la commission des comptes de la sécurité sociale est placé sous l'autorité d'un secrétaire général, nommé pour trois ans renouvelables une fois, par le ministre chargé de la sécurité sociale, sur proposition conjointe des présidents des deux assemblées ».

Cela me semble aller dans le sens d'un meilleur contrôle par le Parlement des comptes de la sécurité sociale, comme le vote par le Parlement du projet de loi


page précédente page 10088page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

de financement de la sécurité sociale. Cet article a été supprimé en commission, et je ne comprends pas pourquoi.

Cette façon de faire pose, bien évidemment, le problème du fonctionnement de notre démocratie.

Certes, la Constitution veut que l'Assemblée nationale ait le dernier mot. Encore faudrait-il que les propositions du Sénat, qui sont le plus souvent raisonnables, soient examinées avec un peu plus de nuance et moins de sectarisme.

Je m'arrêterai là dans l'analyse du texte tel qu'il nous a été transmis par le Sénat et tel qu'il a été rétabli par la commission de l'Assemblée nationale - ce qui laisse augurer de son adoption définitive - pour parler plus largement des problèmes de protection sociale en France.

Aucun des problèmes, aucun des grands défis que la France devra affronter dans les années à venir n'est abordé dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Jean Bardet.

La famille, cellule fondamentale de notre société, n'est pas reconnue comme telle et n'est pas aidée comme elle devrait l'être. Ce n'est pas l'aumône d'une augmentation de 0,3 % qu'accorde le Gouvernement aux prestations familiales...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et l'allocation de rentrée scolaire ?

M. Jean Bardet.

... qui améliorera les conditions des familles les plus démunies. Il en est de même pour les avantages vieillesse.

Cela est d'autant plus scandaleux qu'il n'est pas un jour sans que les médias se fassent l'écho de recettes exceptionnelles liées à la reprise de l'activité économique mondiale.

Je sais que le Gouvernement est en train de se constituer un bas de laine pour les prochaines échéances électorales. Mais tout cela est-il bien sérieux ? On remet toujours au lendemain de s'attaquer au problème des retraites. Le Premier ministre annonce une concertation en 2000. Mais, si l'on songe aux prochaines échéances électorales, on peut gager qu'elle n'aura lieu qu'après 2002. Ainsi le Gouvernement aura-t-il une chance de voir le problème réglé par une autre majorité.

Mais il sera alors bien tard.

M. Alain Calmat.

Vous rêvez !

M. Jean Bardet.

Comme pour d'autres problèmes, une certaine ambiguïté marque les actes du Gouvernement.

Mme la ministre de l'emploi nous dit, en effet, au cours de la première lecture, que le problème des retraites est résolu grâce à l'abondement du fonds de réserve des retraites sur lequel vient d'être effectué un versement bien insuffisant, puisqu'il faudrait 200 milliards par an, et le Premier ministre, lui, propose une concertation.

Mais c'est la santé qui constitue le problème le plus grave. Par ce qu'il dit et par ce qu'il ne dit pas, et donc par ce qu'il laisse faire, ce projet de loi est en train de casser notre système de protection sociale.

L'article 17, pour lequel a été rétabli in extenso le texte de l'Assemblée nationale, détruit le système conventionnel, en laissant à la CNAM le rôle de juge et d'arbitre pour l'établissement des conventions. Cela revient à couper court à toute discussion, puisque, en définitive, c'est la CNAM qui imposera sa loi.

Certes, dès la première lecture, vous avez rétabli l'obligation de la prise en charge d'une partie des cotisations sociales pour les médecins, mais cette concession tardive n'a que partiellement rassuré les syndicats médicaux.

La suppression programmée du secteur II, qui correspond à certains besoins de distribution de soins, est une décision de nature purement idéologique. Les primes que les médecins ayant signé des accords de bons soins pourraient obtenir s'ils respectent des objectifs quantifiés constituent une insulte à toute une profession à laquelle vous assignez comme principal objectif de réaliser des économies sans aucun critère de résultats médicaux.

Des choses très graves se passent actuellement, que le Gouvernement connaît mais dont il ne semble pas ou ne veut pas mesurer les conséquences. Vous nous dites, madame la secrétaire d'Etat, que vous êtes contre tout mode alternatif de prise en charge des dépenses maladie.

Pourtant, il en existe et vous laissez faire.

En première lecture, je vous avais interrogée sur le coût du vaccin contre la grippe comparé au coût des arrêts de travail. Nos questions sont restées sans réponse - ou plutôt sans réponse de vous, car AXA a annoncé, la généralisation du remboursement du vaccin contre la grippe, le 15 octobre, ainsi que le remboursement du Relenza, médicament qui devrait réduire les arrêts de travail et donc les coûts.

La France s'engage donc dans une médecine à deux vitesses.

Je terminerai en parlant de l'hôpital, car je veux vous placer, encore une fois, en face de vos responsabilités.

L'hôpital public est exsangue. Il ne peut plus accomplir sa mission de service public. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'appeler votre attention sur ce problème avant qu'il n'éclate au grand jour.

Dans votre vision comptable, l'hôpital est dans les clous, dites-vous. Mais le rôle de l'hôpital n'est pas d'être dans les clous, pas plus que celui des médecins. Il est de soigner les malades. Actuellement, ils le peuvent encore.

Demain, ils n'en auront plus la capacité, et le Gouvernement en portera la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, madame le rapporteur, chers collègues, je remercie le groupe Radical, Citoyen et Vert, dont l'orateur est absent, de me donner l'occasion d'intervenir un peu plus tôt dans le débat. Nous avons pu le constater dès le début de la discussion, ce groupe manifeste un intérêt soutenu pour la sécurité sociale. (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

La TGAP n'empêchant pas de polluer, ils ont jugé inutile de se déranger !

M. François Goulard.

Madame la secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas que vous le preniez en mauvaise part, mais je regrette que Mme Aubry ne soit pas présente pour la deuxième lecture.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je suis là, moi !

M. François Goulard.

Une deuxième lecture est, certes, moins passionnante que l'examen en première lecture.

Néanmoins, Mme la ministre pourrait montrer son intérêt pour notre assemblée et ses travaux en étant présente tout au long de la discussion. Nous regrettons qu'elle ne l'ait pas jugé opportun.


page précédente page 10089page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est un peu désobligeant pour moi !

M. François Goulard.

Nous l'avons entendue tout à l'heure, très brièvement, se livrer à un de ses exercices favoris, qui consiste à caricaturer les propos de ses adversaires politiques. Elle parlait alors des travaux du Sénat.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Vous étiez là quand elle l'a fait. Vous, vous dites du mal d'elle hors de sa présence !

M. François Goulard.

Croyez bien que je le déplore, madame la secrétaire d'Etat.

Mme Aubry a, je crois, travesti la pensée et les idées exprimées par la majorité sénatoriale. Les sénateurs ont proposé d'abroger certains articles de ce projet de loi pour manifester leur désaccord d'ensemble avec la politique qui nous est proposée. C'est détourner cette expression que de la présenter, comme l'a fait tout à l'heure

Mme Aubry, en ironisant.

Le premier sujet traité dans ce projet de loi, est celui du financement des allégements de cotisations sociales.

En l'occurrence nous sommes obligés de souligner une nouvelle fois qu'il ne s'agit en réalité que d'une compensation partielle du surcoût engendré par les 35 heures. En effet le discours gouvernemental et majoritaire tend à masquer les réalités. Il nous appartient donc de répéter inlassablement qu'une augmentation des coûts salariaux de 11,4 % ne sera pas compensée, pour les entreprises, par les allégements de charges prévus tant dans le projet de loi relatif aux 35 heures que dans celui-ci, sans parler - mais nous y reviendrons la semaine prochaine en reprenant la deuxième loi sur les 35 heures - des graves distorsions de concurrence entre entreprises qui seront introd uites et dont certaines auront des conséquences dramatiques.

Je tiens à souligner l'anomalie profonde que constitue l'affectation d'une longue liste de recettes parfaitement hétéroclites au financement de l'allégement des charges sociales. Il est d'ailleurs pour le moins osé et audacieux de présenter, ainsi que l'a fait Mme la ministre tout à l'heure, ce financement bricolé et improvisé, comme la première étape d'une grande réforme des cotisations sociales avec un transfert de leur assiette des fruits du travail vers ceux du capital. En réalité, nous savons très bien, les uns et les autres, comment on est arrivé à ce financement de l'allégement des cotisations sociales.

Il est d'abord le résultat d'arbitrages ministériels difficiles. On peut ainsi voir, par exemple, dans l'affectation de la taxe générale sur les activité polluantes à ce financement une idée assez malicieuse de l'ex-ministre de l'économie et des finances, M. Strauss-Kahn, qui a en quelque sorte mis face à face Mme Voyet et Mme Aubry.

Pourtant la TGAP n'a strictement rien à faire dans cette histoire, mais il y a eu un arbitage, conflictuel, difficile, entre le ministère des finances et celui de l'emploi et de la solidarité.

En la matière nous avons aussi entendu des réserves du Conseil d'Etat, dont nous avons fait état lors de la première lecture et il y a aussi de sérieuses réserves constitutionnelles.

Le Gouvernement a également dû affronter les protestations des partenaires sociaux devant lesquels il a fini par reculer sagement pour modifier en dernière minute, son plan de financement.

M. Bernard Accoyer.

En apparence !

M. François Goulard.

De même comment justifier l'affectation des droits sur les tabacs et de ceux sur l'alcool au financement des 35 heures, dans des proportions dont la justification n'échappe sans doute à personne : respectivement 85,5 % et 47 % ? Tout cela obéit à une logique évidente ! Je veux aussi souligner que, contrairement au discours gouvernemental, il s'agit d'impôts sur les ménages.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Certes, il a été avancé que les allégements de charges sociales seraient financés par des prélèvements sur les entreprises. A tout le moins, tel n'est pas le cas pour cette partie non négligeable du financement, car elle est constituée de taxes qui sont essentiellement supportées par les ménages. Or elles vont fortement augmenter en fonction des besoins au cours des prochaines années.

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

M. François Goulard.

Le prélèvement de 10 % sur les heures supplémentaires frappera également les ménages.

On va ainsi demander à ceux qui travaillent le plus, souvent volontairement, mais parfois parce qu'ils sont contraints de faire des heures supplémentaires, de financer la réduction du temps de travail dont bénéficieront les autres travailleurs.

M. Bernard Accoyer.

C'est inique !

M. Pascal Terrasse.

Cela s'appelle la solidarité !

M. François Goulard.

Bel exemple de solidarité, mais telle que vous l'entendez, mon cher collègue ! Nous persistons à estimer, avec certains membres de votre majorité d'ailleurs, qu'il est spécialement choquant d'imposer ainsi les salariés qui font des heures supplémentaires.

M. Pascal Terrasse.

Ce qui est choquant, c'est le chômage !

M. François Goulard.

Le financement des 35 heures sera également obtenu par une majoration de l'impôt sur les bénéfices. Entre parenthèses, rien ne prouve que ce dernier, qui sera majoré, est payé davantage par les entreprises capitalistiques que par celles qui font surtout appel aux salariés pour la formation de la valeur ajoutée. Le prétendre relève de la pétition de principe.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Il y a évidemment, j'y reviens, la taxe générale sur les activités polluantes, devenue, comme par miracle, un impôt sur le capital, un impôt aussi justifié sur un plan théorique qu'absurde dans l'usage que vous voulez en faire.

M. Bernard Accoyer.

Parlez-en aux agriculteurs !

M. François Goulard.

Je rappelle, après Gilbert Gantier, que cette taxe est un peu baladeuse ! En effet, après avoir très logiquement été affectée à l'ADEME, elle a été incluse, l'année dernière, dans le budget général. Cela était encore admissible mais, désormais, elle sera utilisée pour le financement des 35 heures.

L'un de nos collègues socialistes a affirmé, cet aprèsmidi, que le produit de cette taxe était normalement appelé à baisser au fur et à mesure du recul des pollutions. Malheureusement, comme cette recette est nécessaire pour financer une très coûteuse politique de réduction du temps de travail, il est clair, pour toutes les activités concernées, que cette taxe ne baissera pas. En


page précédente page 10090page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

effet, quels que soient les efforts pour recourir à des techniques moins polluantes, les entreprises concernées seront toujours appelées à financer davantage les 35 heures.

Ainsi la TGAP, telle que vous la concevez avec cette affectation absurde au financement des 35 heures, constituera-t-elle en fait, contrairement à votre discours, une incitation à continuer à polluer et non pas à réduire les pollutions.

Je pense que si Mme Voynet a bien compris le mécanisme d'affectation de la TGAP, elle ne peut qu'être ulcérée de cet arbitrage du Gouvernement auquel elle appartient.

J'ajoute qu'il n'existe strictement aucune corrélation entre le caractère plus ou moins polluant des activités et l'existence ou l'importance de la taxe telle que vous nous la proposez.

Au bout du compte, avec cet inventaire hétéroclite de recettes affectées aux 35 heures, force est de constater que, contrairement à ce qu'a prétendu Mme la ministre en première lecture, il y aura bien un prélèvement sur la sécurité sociale. Il sera même lourd puisqu'il atteindra 5,6 milliards de francs.

Malgré le flou qui a été entretenu, il n'échappe désormais à personne que, malgré les affirmations du Gouvernement, 5,6 milliards seront prélevés sur la sécurité sociale pour financer les 35 heures.

Dans ce qui devrait être l'objet exclusif de cette discussion, les grandes têtes de chapitre appellent autant de critiques de notre part.

Pour ce qui est d'abord des retraites, vous promettez 20 milliards de francs à la fin de l'année 2000. Or vous savez, mes chers collègues, que le déficit le plus sérieux du régime de retraite des travailleurs salariés apparaîtra en 2005-2006 et que, selon les prévisions, il sera de l'ordre de 300 milliards en 2007. Cela signifie que les 20 milliards que vous vous proposez d'affecter à ce fonds de réserve au cours de l'année 2000 représenteront moins d'un mois de déficit en 2007. Est-ce une réponse sérieuse face au déficit prévisible ? Votre réponse n'est que cosmétique. Vous proposez de la poudre non pas sur le nez, mais aux yeux ! A propos des régimes spéciaux et des retraites dans le secteur public, je vais vous présenter une suggestion.

Vous allez, volens nolens , être contraints d'engager une négociation sur la réduction du temps de travail dans le secteur public. On comprendrait mal que vous ne le fassiez pas. Nous vous suggérons de profiter de cette occasion pour commencer à discuter de l'avenir des retraites dans le secteur public, singulièrement dans la fonction publique. Puisqu'une négociation s'ouvre avec l'ensemble des partenaires syndicaux dans la fonction publique, profitez-en pour commencer à réformer les régimes spéciaux.

Vous pourrez affirmer à bon droit que vous vous attaquez enfin à l'avenir de nos retraites.

En ce qui concerne l'épargne retraite, les fonds de pension, la capitalisation, vous devriez admettre que le recours à une formule de ce type est aujourd'hui une nécessité absolue. Il ne s'agit pas d'engager à ce sujet un débat idéologique du genre de ceux que vous aimeze ntretenir : l'épargne retraite est une nécessité, un complément d'autant plus nécessaire qu'il s'agit de petits salaires.

En effet les salariés privilégiés dans notre pays, les catégories les plus fortunées n'ont strictement aucune difficulté à se constituer une épargne pour leur retraite. De m ultiples formules le permettent : utilisation des articles 83 ou 39 du code général des impôts, plans d'épargne d'entreprise qu'ont mis en place la plupart des grandes entreprises, assurance-vie, PREFON pour les fonctionnaires. Bref, ceux qui sont déjà mieux protégés que les autres ont les moyens d'épargner pour leur retraite. En revanche ceux qui ne les ont pas, ceux pour lesquels il faudrait une incitation forte et un discours gouvernemental clair sont les moins favorisés dans ce pays. Or ce sont eux que vous privez d'un complément de retraite qui sera pourtant absolument indispensable dans les années à venir.

Mme Muguette Jacquaint.

Comment vont-ils épargner ?

M. François Goulard.

Ce problème des retraites va se présenter à relativement court terme, mais il durera plusieurs décennies. Les financements que nous mettons en place aujourd'hui ne suffiront pas dans vingt-cinq ans.

Dès 2005 la démographie accentuera les déséquilibres et, dans vingt-cinq ans, il faudra bien avoir trouvé des réponses. Il est donc urgent que notre politique des retraites tienne compte de ce facteur démographique.

Aujourd'hui on réalise que ce sont nos enfants qui paieront nos retraites demain. Par conséquent il faudrait intégrer ce facteur familial tant en matière de cotisations que de prestations servies, afin que nous ayons une politique favorable au développement démographique dans notre pays.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. François Goulard.

A cet égard je me réjouis de la décision de la Cour de cassation qui a rétabli un avantage pour ceux qui ont eu trois enfants et plus. Il est en effet normal que ceux qui ont ainsi préparé notre avenir collectif soient privilégiés dans l'attribution des retraites.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe du l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

La politique familiale devrait être une préoccupation essentielle mais tel n'est pas le cas. Il conviendrait d'avantager délibérément les familles, en particulier celles comptant plus de deux enfants. A l'évidence vous ne l'admettez pas, puisque, quand nous vous parlons de redistribution en faveur des familles, vous comprenez redistribution entre niveaux de revenus.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. François Goulard.

Vous devriez pourtantr econnaître que deux types de redistribution nous incombent lorsqu'il s'agit de budgets sociaux. Il y a certes une redistribution légitime entre ceux qui ont des revenus élevés et ceux qui ont des revenus faibles, mais il existe aussi une autre redistribution, tout aussi légitime et indispensable à l'avenir de notre pays, en faveur des familles ayant plusieurs enfants, en particulier les familles nombreuses.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. François Goulard.

Le dernier grand volet de la loi de financement de la sécurité sociale est probablement celui dont vous parlez le moins. J'ai d'ailleurs été frappé par le fait que le rapporteur, qui s'exprimait pour l'ensemble de ses collègues, n'ait pratiquement pas abordé la question de l'assurance maladie.

M. Bernard Accoyer.

Ils ne s'occupent pas de la santé !

M. François Goulard.

En ce domaine pourtant, rien n'est réglé et rien ne le sera demain avec les projets du Gouvernement.


page précédente page 10091page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Ainsi les dépenses médicales ne sont toujours pas maîtrisées. Vous ne faites, en effet, que bénéficier d'un équilibre imputable à deux facteurs extérieurs.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Le premier réside dans l'élargissement considérable de l'assiette des cotisations que vous avez décidée il y a deux ans, en particulier avec le transfert vers la CSG. Le second est constitué par l'importance des rentrées dues à la croissance économique. En réalité, le problème de l'équilibre de l'assurance maladie n'a absolument pas été réglé depuis deux ans et demi.

Revenons sur ce que vous nous proposez en la matière à l'occasion de ce projet de loi.

Vous parlez de confier la responsabilité de la maîtrise des dépenses de santé à l'assurance maladie. Or cela n'est pas possible puisque la délégation donnée à la Caisse nationale d'assurance maladie implique une obligation de méthode.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

En effet le Gouvernement confie à la CNAM un mandat impératif avec la manière d'agir.

Il aurait sans doute été positif de donner mission à l'assurance maladie de réguler les dépenses de santé, mais sûrement pas en lui imposant, comme vous le faites, la méthode de la sanction collective.

Certes, après l'annulation par le Conseil constitutionnel des dispositions que vous aviez proposées l'année dernière, vous avez choisi une autre voie, mais la réduction d'un tarif, quand une enveloppe globale nationale a été dépassée est-elle autre chose qu'une sanction collective ? Dans son principe, la méthode proposée cette année est semblable à celle de l'année dernière. Elle est donc tout aussi inacceptable.

L'assurance maladie est actuellement dans une impasse dont il faudra bien la sortir en mettant en oeuvre d'autres solutions que ce contrôle comptable national, administratif, dépourvu de tout fondement rationnel, inacceptable par les professions de santé parce que revêtant le caractère de sanction collective. Tant que vous n'aurez pas admis que cette voie est une impasse, nous n'aurons pas pérennisé l'assurance maladie dans notre pays, ce qui est pourtant impératif.

Par ailleurs, vous placez les cliniques et les établissements d'hospitalisation privée sur le même plan que l'hôpital. Cela peut paraître logique, mais il l'est moins de couper totalement la médecine de ville de l'hospitalisation privée.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Absolument !

M. François Goulard.

Ainsi que je l'ai déjà souligné lors de la première lecture, il est parfaitement anormal de scinder en deux la tutelle qui s'exerce sur l'offre de soins dans notre pays. D'un côté, l'Etat impose un carcan à l'hospitalisation avec le système très commode des budgets globaux qui, s'il donne l'assurance qu'ils ne seront pas dépassés, ne permet pas d'affirmer que les soins seront de qualité et que l'offre de soins pour nos compatriotes sera optimale. De l'autre l'assurance maladie est chargée, par délégation, par le Gouvernement d'encadrer la médecine de ville. Cela est contraire à l'intérêt bien compris des patients, car la collaboration entre la médecine de ville et l'hospitalisation est indispensable.

Je ne traiterai que brièvement d'un sujet pourtant grave : la couverture maladie universelle. A une question tout à fait pertinente qu'a posée hier Bernard Accoyer, Mme la ministre a naturellement évité d'apporter la moindre réponse. Néanmoins nous savons tous que la mise en place de la couverture maladie universelle rencontre des difficultés considérables dans nos départements. La plupart des caisses primaires d'assurance maladie se disent incapables d'accueillir les futurs assurés de la CMU dans les premiers jours de l'an 2000.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Or, à cette époque, les départements n'auront plus les financements nécessaires pour continuer d'apporter l'aide médicale qu'ils accordaient d'ailleurs dans des conditions sur lesquelles le Gouvernement ne s'exprime jamais mais qui étaient le plus souvent fort convenables et très appréciées par les intéressés. Elles étaient même souvent meilleures que celles qu'ils auront avec la CMU.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Il était important de le souligner.

Si le dossier de la CMU a été traité sur le plan législatif, il a surtout été l'objet d'un beau plan médiatique car, dans ce domaine, le Gouvernement a un incontestable savoir-faire.

M. Bernard Accoyer.

Pour cela il est fort !

M. François Goulard.

En revanche les problèmes pratiques, les modalités d'application, celles qui vont conditionner la vie de nos compatriotes, en particulier pour les plus défavorisés d'entre eux, ont été très largement oubliées malgré les promesses gouvernementales.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

M. François Goulard.

Le projet de loi n'apporte aucun élément nouveau à propos de graves lacunes souvent dénoncées en matière de santé publique. Il ne prévoit rien non plus pour compenser les pénuries constatées dans certaines spécialités médicales.

Ni sous l'angle fiscal, auquel est fait une large part dans ce projet, ni sous l'angle financier, ni en matière de retraites, ni au regard de la politique familiale, ni pour l'assurance maladie, le projet de loi ne nous paraît acceptable parce qu'il ne permet pas d'atteindre ce qui devrait être l'objectif premier d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale : assurer la pérennité de notre protection sociale dans ce pays. Votre projet de loi est de très court terme. Il se contente de tenter de faire durer les solutions existantes sans rien préparer pour notre avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

J'interviendrai uniquement sur l'assurance maladie.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez refusé les discours alarmistes qui nous annonçaient, pour 1999, un déficit très supérieur à celui que nous aurons. Vous avez refusé le langage démagogique selon lequel toute politique de santé, actuellement, ne peut qu'être une politique de rationnement des soins. Vous avez refusé, courageusement, de suivre les recommandations de M. Johanet qui consistaient en mesures brutales, totalement inadaptées, inacceptables, déstructurantes pour les professions de santé, et inquiétantes.

M. Bernard Accoyer.

Mais qui donc l'a nommé ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Il n'est pas le seul à avoir été nommé dans pareilles conditions !


page précédente page 10092page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. François Goulard.

Il a sa carte pourtant !

M. Jean-Paul Bacquet.

Je ne retiendrai que quelques points forts de l'assurance maladie.

Premièrement, le refus des inégalités régionales. L'Etat interviendra directement au niveau de l'hôpital pour qu'il y ait plus de cohérence, plus de complémentarité et une adaptation réelle aux besoins.

Deuxièmement, la solidarité, avec la CMU, même si nous avons conscience que sa mise en place sera difficile.

M. Bernard Accoyer.

Surtout, elle ne sera pas en place à la date prévue !

M. Jean-Paul Bacquet.

Troisièmement, la maîtrise, avec une meilleure évaluation, une accréditation, une concertation, un partenariat renouvelé, et avec de bonnes pratiques. A cet égard, je me félicite de la suppression par le Conseil d'Etat des RMO en tant que méthode de sanction. Je souhaiterais que, de la même manière, on supprime les CMR qui ont fait l'unanimité contre eux, mais dont vous n'êtes pas responsable puisque ce sont d'autres, qui aujourd'hui s'expriment haut et fort dans l'opposition, qui avaient créé les RMO et mis en place les CMR.

M. Bernard Accoyer.

Et les lettres flottantes, vous les supprimez aussi ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Autres points forts, des priorités de santé publique données à la périnatalité, à la cancé rologie, en particulier dans le domaine préventif...

M. Jean Bardet.

Rien n'est fait ! Ce ne sont que des mots !

M. Jean-Paul Bacquet.

... à la lutte contre l'alcoolisme, avec la mise en place de réseaux.

M. Jean Bardet.

Vous avez oublié le diabète !

M. Jean-Paul Bacquet.

Et vous savez combien - je profite de l'occasion pour vous le rappeler - je souhaite le financement de celui que j'ai demandé pour mon secteur !

M. Jean Bardet.

C'est beau la flatterie !

M. Jean-Paul Bacquet.

Priorité aussi aux soins palliatifs, dont je souhaite qu'ils ne soient pas seulement dispensés en secteur hospitalier mais aussi en ambulatoire.

M. François Goulard.

Quelques ministre auraient besoin de soins palliatifs !

M. Bernard Accoyer.

A moins que ce ne soit l'assurance maladie plutôt ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Vous dérapez un peu, messieurs !

M. Jean-Paul Bacquet.

Certains ont dénoncé un certain manque de courage. Pourtant, je le souligne, vous acceptez nombre de contraintes.

M. Jean Bardet.

Et c'est nous qui serions démagogues !

M. Jean-Paul Bacquet.

Mais vous constatez des dérives : sur les transports, sur les prescriptions et sur les indemnités journalières.

Dans ce domaine, vous avez choisi la substitution - avec le médicament générique -, une démarche analytique permettant de mieux connaître les pratiques, avec la responsabilité de chacun. Je le répète, il serait souhaitable que celle-ci soit définie, car on ne peut pas concevoir un contrôle médical qui n'interviendrait que comme un élément de sanction et n'assumerait pas sa responsabilité professionnelle. Je refuse que le contrôle médical soit le fait de potentats locaux, mis en place par cooptation, qui n'aient qu'un rôle de sanction, refusant toute politique épidémiologique et une meilleure connaissance des pratiques.

Dans ce domaine, madame la secrétaire d'Etat, il reste encore beaucoup à faire. En particulier, pour que ce service soit plus performant en matière de santé publique, il faut qu'il soit formé et sélectionné différemment.

Vous optez pour la participation des professionnels et leur responsabilisation. La responsabilité est d'ailleurs partagée puisqu'il y aura des accords directs entre les caisses et les professions. Mais, bien sûr, cela requiert un respect mutuel, ce qui n'est pas le cas dans la pratique des CMR que je dénonçais tout à l'heure.

Il est indispensable, même si c'est difficile, que cette politique soit parfaitement lisible : les directives de la CNAM doivent dont être appliquées sur le terrain par les caisses primaires et aucune ne doit rester à la traîne.

L'objectif de santé publique, dont vous avez rappelé les priorités, est un des points forts de votre projet.

Vous insistez également sur la nécessaire responsabilité des acteurs : que ce soient les acteurs gouvernementaux avec les hôpitaux, les caisses, dans la pratique avec les professionnels de santé, les organisations professionnelles dans les conventions et, bien sûr, les usagers, qu'il ne faut pas oublier.

S'agissant de la maîtrise des dépenses, nous pouvons être optimistes car nous savons que le déficit est passé de 67,5 milliards de francs en 1995 à 53 milliards de francs en 1996, 33 milliards de francs en 1997, 17 milliards de francs en 1998 et 4 milliards de francs cette année. L'excédent sera au rendez-vous l'année prochaine, j'en suis persuadé.

M. François Goulard.

Question de croissance !

M. Jean-Paul Bacquet.

J'ai entendu, de part et d'autres, formuler des critiques, parfois contradictoires.

Ainsi on vous a accusé de vouloir à la fois l'étatisation et la privatisation. Il faut savoir de quoi l'on parle ! De même, il faudrait que ceux qui disent que vous instaurez une médecine à deux vitesses...

M. Jean Bardet.

C'est la politique de Gribouille !

M. Jean-Paul Bacquet.

... se souviennent que le secteur II qui, lui, induit une médecine à deux vitesses, a été créé en 1979 ! C'est un vrai problème de société.

M. Jean Bardet.

Et la suppression du remboursement de certains médicaments, que vous laissez les assurances prendre en charge, ce n'est pas une médecine à deux vitesses ?

M. Jean-Paul Bacquet.

Incontestablement, vous faites le choix d'une société où la médecine est basée sur la solidarité nationale et non sur une politique assurantielle, qui n'apporte que des contraintes supplémentaires tant aux assurés qu'aux professionnels de santé.

M. Jean Bardet.

Vous ne croyez pas à ce que vous dites !

M. Jean-Paul Bacquet.

Nous avons choisi la solidarité et je m'honore de soutenir ce projet, même si j'ai formulé contre lui quelques critiques.

M. Jean Bardet.

On ne les a pas vraiment ressenties !

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.


page précédente page 10093page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je ne me plaindrai pas que Mme Aubry ne soit pas là, parce que je constate, madame Gillot, que vous nous écoutez et que vous nous regardez quand nous parlons, ce qui est fort agréable.

M. Jean Bardet.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous vous regardons aussi !

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je voudrais, une fois encore, tirer la sonnette d'alarme et mettre en garde tous mes collègues : les propositions contenues dans le projet de financement de la sécurité sociale vont faire exploser le système conventionnel sur lequel repose, depuis près de trente ans, notre système médical. Que celui-ci n'ait pas été parfait, soit. Il n'en est pas moins incontestable qu'il a apporté une réponse efficace en termes de qualité de soins. Il était fondé sur la demande de soins - voilà pourquoi il y répondait, cela semble naturel ! - et surtout sur une entente conventionnelle entre les caisses de sécurité sociale, d'une part, et les professionnels de la santé, d'autre part.

Mais les dépenses de santé augmentant, le législateur intervient. Et la vision devient tout autre désormais, s'orientant vers l'étatisation, même si nous n'en sommes pas encore là.

Trois exemples me suffiront pour démontrer que la santé devenant un objectif comptable, nous allons vers l'étatisation. Le premier, heureusement annulé par le Conseil constitutionnel, est le reversement d'honoraires que vous vouliez, dans un premier temps, imposer aux médecins.

Deuxième exemple, les lettres-clés flottantes, utilisées si les dépenses augmentent, et qui peuvent réduire jusqu'à 20 % le montant et la valeur des actes médicaux - sont une autre forme de sanctions, collectives cette fois, tout aussi inacceptable et que les professionnels n'accepteront pas. Nous espérons qu'elles subiront le même sort que le reversement d'honoraires.

Troisième exemple, plus récent, les assauts menés contre le secret professionnel, lequel est la condition même de la confiance entre patient et médecin.

M. Jean Bardet.

Très bien ! M. Jean-Claude Perez Très juste !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Ces assauts n'ont qu'un seul but : le contrôle fiscal. A cet égard, je ne peux laisser affirmer, comme l'a fait le ministre des finances,

M. Christian Sautter, que le secret médical est déjà levé...

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... pour les médecins affiliés aux centres de gestion agréés. C'est faux.

M. Bernard Accoyer.

C'est un gros mensonge !

M. Bernard Outin.

Ce n'est pas ce qu'il a dit ! Mme Jacqueline Mathieu-Obadia Si, il a dit que le nom des patients était déjà mentionné. Or, moi qui suis médecin, je vais vous dire comment cela se passe. Il y a d'ailleurs beaucoup de médecins ici !

M. Jean Bardet.

Et ils savent comment ça se passe !

M. Bernard Accoyer.

Il y a aussi beaucoup de malades, ici !

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

Nous sommes tenus, nous médecins, de mentionner quotidiennement les recettes qui entrent dans nos cabinets, et en face d'inscrire, non pas les noms des patients, mais des codes.

Ceux-ci, bien sûr, peuvent permettre de retrouver les noms des malades...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ça n'intéresse pas les services fiscaux !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... mais, en aucune façon, le secret n'est divulgué. Je voulais rétablir la vérité sur ce point, c'était important.

Le présent projet ne convient ni aux professionnels de santé ni aux caisses d'assurance maladie.

Le médecin que je suis mesure combien le système nouveau que vous préconisez fera peu à peu disparaître tout ce qui fait la qualité de l'acte médical : la liberté d'aller trouver son médecin quand on en a besoin, la relation de confiance qui s'instaure entre lui et son patient, la chaleur et l'humanité de cet échange. Toutes ces caractéristiques indispensables à l'acte de soigner subsisterontelles dès lors que l'objectif fixé sera purement comptable ? Il ne faudra surtout pas dépasser l'enveloppe permise, le nombre d'actes, de prescriptions et autres examens paramédicaux permis. Comment un médecin digne de ce nom pourra-t-il, un seul instant, envisager de refuser à un malade une médication ou un examen dès lors que, en toute conscience, ceux-ci lui sembleront indispensables, et au seul motif qu'ils seraient trop coûteux ou que l'enveloppe des dépenses serait déjà dépassée ? M. Jean Bardet C'est là le véritable problème ! Mme Jacqueline Mathieu-Obadia Est-ce là donner, comme vous l'avez dit et répété, la priorité à la santé ? Vous donnez en fait la priorité à la comptabilité de la santé, c'est tout à fait différent.

Plus grave encore, ceux qui vont souffrir de cette médecine comptable et de ce rationnement comptable, ce seront les plus pauvres. C'est là le grand danger et la grande tristesse. En effet, les plus pauvres, les plus démunis, ne pourront pas se permettre d'aller voir un autre médecin que celui qui doit les soigner gratuitement. Ils n'auront pas les moyens de payer une véritable consultation comme celle que l'on attend quand on en a besoin.

Dans ce cas-là, qui pénalisez-vous ?

M. Jean Bardet.

Mais nos collègues de gauche savent bien, eux, quels médecins aller voir !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous pénalisez les plus pauvres et les plus démunis, ceux-là mêmes à qui vous avez dit que vous donniez des droits à la santé. En réalité, vous leur retirez les moyens de les faire valoir.

Voilà un point sur lequel il y a lieu de réfléchir, car vous ouvrez la voie à une médecine à deux vitesses,...

M. Jean Bardet et M. Bernard Accoyer.

Bien sûr ! Les parlementaires et les ministres, d'un côté, les pauvres de l'autre !

M me Jacqueline Mathieu-Obadia.

... celle pour laquelle les personnes fortunées pourront payer, et celle des pauvres. Cela ne convient pas aux médecins.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Démagogie !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Pas du tout ! Vous n'êtes sans doute pas médecin. Moi, je le suis et c'est pourquoi j'en parle avec plus de coeur que vous ne vous y attendiez !

M. Alfred Recours, rapporteur.

On a tout de même le droit d'être député sans être médecin !

M. Jean-Paul Bacquet.

Qui a inventé l'enveloppe globale ? C'est Jacques Barrot !


page précédente page 10094page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Mes chers collègues, laissez

Mme Mathieu-Obadia conclure.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Oui, écoutez-moi jusqu'au bout ! Ce texte ne convient pas non plus aux caisses.

M. Spaeth, lui-même, le président de la caisse nationale d'assurance maladie, l'a qualifié d'ubuesque.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il est revenu sur ce commentaire !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

En outre, il considère que la somme de travail et de contrôles qui est imposée le quatrième, le huitième et le douzième mois de chaque année est totalement inapplicable. Il pense, qui plus est, qu'il est dommageable pour les liens conventionnels qui ont été tissés progressivement entre les médecins et les caisses depuis quelques années.

Alors, qu'attendez-vous du système que vous préconisez ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est vous qui l'avez mis en place !

M. le président.

Il va falloir conclure, ma chère collègue.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Voulez-vous faire naître un professionnel de santé type, idéal ? Celui-ci qui se conformera à la codification, aux maladies évaluées selon un barème, comptable évidemment, qui dispensera les soins donnés en fonction de leur coût et qui - récompense suprême ! - pourra obtenir une prime s'il a réalisé des économies sur les traitements de ses malades ?

M. Jean Bardet.

C'est scandaleux !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Pense-t-on encore un peu au malade, qui souffre et dont la confiance sera trompée ?

Mme Raymonde Le Texier.

C'est caricatural !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Elle se trompe de législature : elle parle de Juppé !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il y a là matière à réflexion.

Je ne souhaite à personne, madame la secrétaire d'Etat, surtout pas aux plus pauvres, de connaître une telle m édecine. Malheureusement, nous risquons de la connaître.

M. Jean Bardet.

Voilà du vécu ! Notre collègue connaît ce qu'elle décrit !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est d'ailleurs ce qu'ont voulu nous dire, vous dire, les 20 000 professionnels de santé qui ont parcouru les rues de notre capitale, le 17 octobre dernier. Il reste encore une toute petite chance : que vous écoutiez ceux qui sont les plus compétents en matière de santé, les médecins, et ceux-là seulement.

M. Claude Evin.

Et les malades !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Bien évidemment, puisqu'on ne parle que d'eux ! Mais les médecins savent comment réussir une réforme de santé.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je les rencontre régulièrement !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Les médecins ne sont ni sots ni fermés. Ils savent parfaitement que le système actuel n'est pas parfait, qu'on dépense trop, mais ils ont réfléchi et ils ont des propositions à vous faire.

Je ne demande qu'une chose, madame la secrétaire d'Etat : que vous les écoutiez et que vous travailliez avec eux.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est ce que je fais !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Avec eux, et surtout pas contre eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'ayant pu aboutir à un accord, nous examinons ce texte en nouvelle lecture.

Lors de la commission mixte paritaire, Alfred Recours, en tant que rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a souligné à juste titre qu'un accord sur un texte de cette nature était toujours difficile. Il a indiqué que seize articles avaient cependant été adoptés conformes par nos collègues de la Haute Assemblée.

Si l'on peut se satisfaire de quelques points positifs, il n'en demeure pas moins que le projet, comme l'ont dit Mme Aubry et Mme Gillot, a été profondément dénaturé par la Haute assemblée.

M. Jean Bardet.

Vous voulez dire : amélioré !

M. Pascal Terrasse.

Les mesures structurelles tendant à pérenniser notre système de protection sociale, notamment grâce aux outils de régulation, de bonne pratique médicale ou encore de politique conventionnelle, ont toutes été abandonnées par le Sénat.

M. Bernard Accoyer.

C'est vous qui supprimez les conventions !

M. Pascal Terrasse.

Nous ne pouvons que le regretter.

Cela dit, c'est le rôle de l'opposition de faire des propositions. Mais en lisant le rapport du Sénat et le texte de loi qu'il nous renvoie, on n'en trouve aucune.

(« Mais si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Vous avez mal lu !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous avez sauté des pages !

M. Pascal Terrasse.

J'ai l'impression de me retrouver en 1996 ou 1997, quand la droite tenait des discours sympathiques en matière de protection sociale, qu'on retrouve d'ailleurs aujourd'hui dans cet hémicycle. Mais si nous avions continué dans la voie qu'ils traçaient, nous nous retrouverions aujourd'hui dans une situation que nous avons connue dans le passé, à savoir un déficit de 37 milliards de francs !

M. Jean Bardet.

Mais non, c'est votre politique qui a mené à ce déficit !

M. Bernard Accoyer.

C'est un peu fort ! Vous avez maintenant la croissance pour vous ! Doit-on vous rappeler l'évolution des déficits ? En 92-93, il était de 70 milliards !

M. Pascal Terrasse.

En fait, ce déficit, il est voulu par la droite, qui se dit que si on va dans le mur...


page précédente page 10095page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

C'est vous qui poussez la protection sociale dans le mur !

M. Jean Bardet.

C'est vous qui êtes au Gouvernement, pas nous !

M. Pascal Terrasse.

... on cassera le système à la française conçu après la guerre et on le remplacera par un système privatisé ! Telle est sa logique ! Que disent, aujourd'hui, nos responsables politiques et la majorité plurielle dans son ensemble ? Qu'il faut équilibrer les comptes de la sécurité sociale si on veut pérenniser notre système de protection sociale.

Le Gouvernement s'est engagé dans la bonne voie, d'autant que les mesures prises prennent en compte les besoins exprimés par les malades. C'est une réalité et je n'ai, pour ma part, jamais entendu dire, dans ma circonscription, qu'une personne se soit vu refuser des soins.

M. Jean Bardet et Mme Mathieu-Obadia.

La CMU est donc inutile, c'est pourquoi elle n'est pas encore appliquée !

M. Pascal Terrasse.

Merci d'évoquer la CMU, j'y reviendrai dans un petit instant.

M. Jean Bardet.

Elle n'existe pas encore !

M. Bernard Accoyer.

Et, surtout, elle n'est pas financée !

M. Pascal Terrasse.

Effectivement, nous allons même plus loin puisque nous permettons à près de six millions de Français qui n'étaient pas couverts par un système de protection sociale de disposer d'une protection sociale globale. Cela me paraît tout à fait pertinent.

M. Jean Bardet.

Vous n'avez pas les moyens de pérenniser le système !

M. Pascal Terrasse.

J'ai noté une certaine incohérence dans les positions du Sénat. Depuis un certain nombre d'années, j'entends la droite expliquer que le coût du travail est relativement élevé par rapport à d'autres pays.

Cela a encore été dit cet après-midi lors des questions d'actualité. Or ce gouvernement, pour la première fois depuis des années, s'est engagé profondément dans la réduction du coût du travail. Cela me paraît très important.

M. Bernard Accoyer.

Cela a commencé en 1995 !

M. Pascal Terrasse.

Non ! En 1993, déjà, Pierre Bérégovoy avait mis en place des dispositifs d'allégement des charges sociales sur les bas salaires, qui ont été conservés par M. Balladur, mais les charges ont ensuite été augmentées sensiblement par M. Juppé.

Nous revenons, nous, à des dispositions qui sont d'abord conjoncturelles, qui touchent un public beaucoup plus large. Les bas salaires sont concernés, mais aussi les salaires moyens. C'est très intéressant, car, si l'on baisse le coût du travail, il y aura demain plus de salariés et donc plus de ressources pour l'assurance maladie.

Autre incohérence, le Sénat affirme que ce gouvernement ne prend pas ses responsabilités en matière de retraites.

M. Bernard Accoyer.

Il a raison ! Vous n'avez rien fait sur les retraites !

M. Pascal Terrasse.

Je vais vous prouver le contraire.

M. le président.

Mon cher collègue, n'engagez pas de dialogue. Vous avez déjà épuisé votre temps de parole.

M. Pascal Terrasse.

Un fonds de réserve à été créé l'année dernière, il est doté de 2 milliards de francs, et le Sénat supprime tout.

M. Bernard Accoyer.

Vous ne vous en servez pas !

M. Pascal Terrasse.

Concrètement, que propose-t-il ? Rien ! Nous proposons, nous, un fonds de réserve permettant de pérenniser nos systèmes de retraites.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas sérieux. Il n'y a pas un sou dedans !

M. Pascal Terrasse.

Il sera doté de 20 milliards de francs en 2000, ce qui devrait nous permettre de passer ce fameux cap.

M. Bernard Accoyer.

C'est dans cinq semaines !

M. Pascal Terrasse.

Le texte adopté par l'Assemblée était donc beaucoup plus conforme au système que nous souhaitons.

Madame la secrétaire d'Etat, vous souhaitez engager une réforme de la prestation spécifique dépendance, et d es dispositions seront prises dans le courant de l'année 2000. Le Gouvernement a également pris des engagements à propos de la réforme de la tarification. La PSD et la réforme de la tarification étaient intégrées dans un même et unique texte de loi qui remonte à 1997. En principe, la réforme de la tarification devrait entrer en application à compter du 1er janvier prochain. Dans la mesure où le dispositif de la prestation spécifique dépendance va être amélioré et aménagé, serait-il possible d'envisager de geler l'application de cette réforme ?

M. Bernard Accoyer.

N'importe quoi !

M. Pascal Terrasse.

Les professionnels sont inquiets, en effet, de manière globale. Par ailleurs, M. Brunetière, qui a conduit la mission MARTHE, met en évidence un certain nombre de dysfonctionnements,...

M. Bernard Accoyer.

Cela fait trois ans que la loi est votée !

M. Pascal Terrasse.

... qui vont vraisemblablement déboucher sur des augmentations sensibles pour les personnes hébergées en établissement. Par conséquent, il serait peut-être sage d'annoncer un gel de cette réforme...

M. Bernard Accoyer.

Après les retraites, la réforme de la tarification ! Courage, fuyons !

M. Pascal Terrasse.

... et de revoir dans six mois si l'on peut engager une véritable réforme.

J'ai naturellement bien noté votre souhait de réformer la loi sur les institutions sociales et médico-sociales.

M. Jean Bardet.

Des souhaits, il n'en manque pas !

M. Pascal Terrasse.

Je ne peux que m'en réjouir. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de la session, qui s'annonce intéressante. En tout cas, vous pouvez compter sur le groupe socialiste pour améliorer, si besoin est, ce texte en l'amendant, et pour le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Madame la secrétaire d'Etat, le projet de loi que vous nous soumettez, pardonnez-moi d'être très direct, ne peut nous satisfaire ni dans sa forme, ni, surtout, sur le fond.

Ayant organisé des réunions de travail sur ce texte avec les professionnels de santé et des assurés sociaux d'horizons professionnels divers, je voudrais exposer ici ses faiblesses et les propositions qui sont ressorties de ces travaux.

Je serai bref, compte tenu des excellentes interventions de mes collègues de l'opposition, dont je partage totalement les analyses.


page précédente page 10096

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1999

S'agissant de la branche santé, les objectifs sanitaires de ce projet ne sont pas précisément établis et quantifiés, si bien qu'il est impossible de définir exactement le panier de soins et les services nécessaires, tant pour la qualité que pour la quantité, et d'y adapter le budget correspondant.

E ntre autres faiblesses, nous regrettons d'ailleurs l'absence de définition d'une véritable enveloppe consacrée à la médecine curative et préventive.

Votre plan de financement de la sécurité sociale organise la partition du système de soins : d'une part, les soins de ville, dont vous confiez la gestion à la Caisse nationale de l'assurance maladie, afin de ne pas avoir à assumer l'impopularité des mesures qu'elle préconise ; d'autre part, le secteur hospitalier, relevant du Gouvernement, pour lequel vous n'affichez pas d'autre ambition que de l'opposer au secteur privé.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non !

M. Pierre Morange.

Par ailleurs, pour réguler l'évolution des honoraires, les caisses disposeront d'une enveloppe englobant l'ensemble des rémunérations des professionnels de ville. Des objectifs seront définis, profession par profession, avec un bilan effectué tous les quatre et huit mois. En cas de dérapage, les caisses pourront agir sur la nomenclature ou sur les actes.

Ce système de régulation comptable à travers les lettres clefs flottantes va placer la profession dans un état de dépendance financière et surtout morale. C'est une situation inacceptable, qui va démobiliser les professionnels de santé et risque de conduire à une baisse de la qualité des soins et à une médecine à deux vitesses.

La menace de déconventionnement des professionnels de santé pour non-application de critères économiques et administratifs constitue une atteinte intolérable au principe de liberté de prescription et de choix du professionnel de santé.

La revalorisation de la branche famille ne suit pas l'inflation, programmant ainsi la baisse du pouvoir d'achat des familles. De plus, l'excédent généré par cette branche sera dans l'avenir affecté en grande partie à d'autres bénéficiaires.

Quant au financement des retraites, il est le grand oublié de ce budget. Il ne suffit pas d'instaurer un fonds, encore faut-il l'alimenter ! Vous l'avez crédité de 2 milliards, vous lui promettez 20 milliards supplémentaires, alors que nous savons tous que 60 milliards de francs seront nécessaires dès 2005, et plus encore par la suite.

Ce budget n'est ni sincère ni crédible.

Il n'est pas sincère parce qu'il organise la confusion et les transferts entre différents secteurs. En effet, il ne comporte pas de démarcation claire entre ce qui relève de la maladie, c'est-à-dire de l'assurance, et ce qui dépend du social, de la solidarité, d'où une confusion permanente avec le financement, notoirement insuffisant d'ailleurs, de la couverture médicale universelle et des 35 heures par la création de taxes sur les bénéfices des entreprises, les heures supplémentaires et les activités polluantes, qui ne sont pas utilisées conformément à leur objet.

De fait, ce budget n'est pas crédible puisqu'il repose sur un exercice d'équilibrisme financier comme l'indiquait mon excellent collègue M. Accoyer en défendant l'exception d'irrecevabilité du président Jean-Louis Debré.

De surcroît, votre projet n'est pas porteur d'avenir parce qu'il ne répond pas aux évolutions de notre société.

Je pense à l'allongement de la durée de la vie, aux progrès médicaux et au nombre de cotisants.

En conclusion, en dépit des critiques de tous bords que votre projet a suscitées chez les professionnels de santé et les assurés sociaux, en dépit des efforts conjoints du Sénat et de l'opposition à l'Assemblée nationale pour améliorer ce texte, Mme Aubry, dont la représentation nationale regrette l'absence, et nous vous remercions de votre présence, madame la secrétaire d'Etat, refuse une fois de plus la concertation et le consensus.

Ainsi que le rappelait fort justement M. Bardet, nous attendions autre chose en matière de santé publique qu'un projet strictement comptable, mal ficelé, car la santé des Français, comme leur droit à la sécurité et à l'éducation, ne peut être réduite à des calculs de rentabilité et à des tours de passe-passe budgétaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1943, de financement de la sécurité sociale pour 2000 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1946).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT