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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

1. Questions au Gouvernement (p. 10279).

CONFÉRENCE DE SEATTLE (p. 10279)

MM. Alain Clary, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

CONDAMNATION DU RESPONSABLE DU MOUVEMENT BRÉSILIEN DES TRAVAILLEURS RURAUX SANS TERRE (p. 10280)

MM. Patrick Malavieille, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

CORSE (p. 10280)

MM. Henri Plagnol, Lionel Jospin, Premier ministre.

MM. Christian Paul, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

DIMINUTION DU CHÔMAGE (p. 10282)

M. Gérard Terrier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PILULE DU LENDEMAIN (p. 10283)

Mmes Conchita Lacuey, Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

SITUATION DE LA PÊCHE (p. 10283)

MM. René Leroux, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

PARENTS EN DÉTENTION (p. 10284)

M. Alain Tourret, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

ORGANISATION DE LA CHANCELLERIE (p. 10285)

M. Pascal Clément, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

STATISTIQUES DU CHÔMAGE (p. 10286)

M. Robert Lamy, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

APPLICATION DES 35 HEURES AU TRANSPORT ROUTIER (p. 10287)

MM. Thierry Lazaro, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

CORSE (p. 10288)

M. Roland Francisci, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 10289)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 10289).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 10291)

MM. Jean-Luc Préel, Gérard Terrier, Jean Bardet, Jean Pontier, François Goulard, Mme Jacqueline Fraysse.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10296)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

3. Réduction négociée du temps de travail. - Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 10296).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Fin de la mission d'un député (p. 10304).

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10304).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que M. Schrder, Chancelier de la République fédérale d'Allemagne, sera reçu dans l'hémicycle à seize heures trente. Je vous demande donc de regagner vos places, après la suspension de séance, à seize heures vingt au plus tard.

Nous entendrons le Chancelier, une réception est ensuite prévue. La reprise de la séance, pour les explications de vote et le vote sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, interviendra à dix-sept heures trente.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe communiste.

CONFÉRENCE DE SEATTLE

M. le président.

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

L'ouverture aujourd'hui de la conférence ministérielle de l'OMC devrait consacrer le tiercé perdant de cette fin de siècle : mondialisation-libéralisation-uniformisation.

On assiste à la montée en puissance de mouvements de la société civile pour rejeter le principe de la dictature des marchés. Ainsi, des millions de personnes se mobilisent au niveau national et international autour de l'idée simple et fondamentale que le monde n'est pas une marchandise.

Ce phénomène constitue une remarquable prise de conscience collective et citoyenne des enjeux du sommet de Seattle, prise de conscience d'autant plus nécessaire que les objectifs affichés par les multinationales américaines sont dignes des pires scénarios pour l'humanité au X XIe siècle. Cela confirme aussi le sondage CSAMarianne : face à la mondialisation, les Français sont inquiets, pas fatalistes.

Derrière la mondialisation économique et financière, se dissimule, en effet, une supercherie selon laquelle la libéralisation du commerce international serait de l'intérêt de t ous. Tous les rapports, même les plus officiels, confirment les uns après les autres l'aggravation des inégalités sociales et économiques sur la planète et du fossé Nord-Sud.

Vous avez affirmé hier, monsieur le Premier ministre, devant l'Académie des sciences, que la France ferait de la reconnaissance explicite du principe de précaution une priorité. Dès lors, la France ne doit-elle pas, au sein de l'Union européenne, contribuer à construire une autre alternative à la domination de la finance, qui passe notamment par la multiplication des exceptions au libreéchange dans les domaines culturel ou agricole, dans celui des services ou celui de la santé ? Avec les centaines d'associations du monde entier manifestant aujourd'hui à Seattle, avec la délégation française, plurielle et combative, nous renouvelons notre engagement en faveur d'échanges internationaux fondés sur la coopération, la solidarité et le développement durable, car l'enjeu réel de ces négociations réside finalement dans la confrontation entre les nations souveraines et les multinationales, entre l'intérêt général et les intér êts financiers, entre l'être humain et l'argent. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, la conférence ministérielle de Seattle va s'ouvrir officiellement ce soir, et c'est vrai que beaucoup y participeront : les gouvernements, bien sûr, mais aussi des syndicalistes et des organisations non gouvernementales. Les médias de la planète entière seront tournés vers Seattle.

Cette réunion est importante. Je crois que l'Union européenne l'a préparée dans de bonnes conditions, en fixant au commissaire Pascal Lamy, qui va négocier en son nom, un mandat précis et très politique.

Vous avez parlé de mondialisation, de libéralisation, d'uniformisation. Ce que nous attendons de Seattle, c'est autre chose : c'est de la régulation.

L'Union européenne a intérêt au développement des échanges extérieurs - c'est, on le sait bien, une condition pour préserver ses emplois et sa croissance - mais, en même temps, nous souhaitons que ce libre-échange soit maîtrisé et régulé.

C'est pourquoi, à Seattle, l'Union européenne demandera que soient inscrites à l'agenda du prochain cycle les questions relatives à une meilleure prise en compte par l'OMC des accords multilatéraux sur l'environnement - c'est une dimension essentielle -, la création d'un forum conjoint entre l'OIT, l'Organisation internationale du travail, et l'OMC, sur les normes sociales fondamentales, l'application du principe de précaution pour les échanges, dont vous parliez, le respect de la diversité culturelle par le biais de l'exception culturelle, la transparence des marchés publics internationaux, la promotion de politiques agricoles qui restent fortes.

Je crois donc que nous avons des objectifs communs dans cette négociation. Soyez certain que nous resterons fidèles au mandat adopté il y a un mois, que nous n'entendons pas nous engager dans un cycle de pure libéralisation des marchés et des échanges.


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C'est dans cet esprit que la délégation française, représentée par Christian Sautter, Dominique Voynet, Catherine Trautmann et François Huwart, s'est rendue à Seattle. Elle veillera avec une extrême attention au déroulement de cette conférence. Nous savons que ce sera difficile, mais nous sommes, croyez-le, très déterminés à faire valoir ce point de vue tout en étant solidaires des pays en développement.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CONDAMNATION DU RESPONSABLE DU MOUVEMENT BRÉSILIEN DES TRAVAILLEURS RURAUX SANS TERRE

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Le 5 juin 1989, monsieur le ministre, dans l'Etat d'Espirito Santo au Brésil, à l'issue d'une fusillade déclenchée par le propriétaire d'une ferme improductive contre de petits paysans qui l'occupaient pacifiquement, le propriétaire terrien et un policier trouvent la mort.

L'enquête se dirige très vite vers le responsable du mouvement brésilien des travailleurs ruraux sans terre,

M. José Rainha.

Par jugement du 10 juin 1997, le tribunal de l'Etat d'Espirito Santo condamne M. Rainha à vingt-six ans et six mois de prison alors que preuve a été apportée que l'accusé se trouvait, le jour des faits, à 2 000 kilomètres du lieu des événements et que l'arme du crime ne correspondait pas à celle présentée par l'accusation.

De toute évidence, l'action de M. Rainha en faveur des sans terre et pour la réforme agraire au Brésil a pesé lourdement dans cette décision de justice aux sous-entendus politiques.

Le 13 décembre prochain, M. Rainha doit comparaître en appel devant le même tribunal de la ville de Victoria, où il risque une peine d'emprisonnement de vingt-six à quarante ans. Compte tenu des circonstances du premier procès, celui-ci risque de ne pas répondre non plus aux exigences fondamentales d'un procès équitable et impartial.

Nombreux sont ceux qui, conscients de l'injustice dont est victime M. Rainha, lui ont exprimé leur solidarité, témoignages d'origine nationale et internationale. Quelles initiatives le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour faire respecter les droits de l'homme et les normes juridiques auxquelles le Brésil a consenti à adhérer, et pour empêcher que M. Rainha ne soit condamné pour son action politique visant au partage des terres et des richesses dans son pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, je ne reviens pas sur les circonstances de cette condamnation, en effet choquante, vous en avez rappelé les termes. Nous allons saisir la possibilité qu'offre ce procès en appel, qui doit commencer le 13 décembre, pour faire valoir notre émotion et notre préoccupation auprès des autorités brésiliennes. Elles les partagent d'ailleurs jusqu'à un certain point puisque le président Cardoso lui-même et le secrétaire d'Etat brésilien aux droits de l'homme ont déclaré publiquement qu'ils espéraient qu'il s'agissait d'une erreur du jury. Ils attendent donc, manifestement, que cette erreur soit corrigée en appel.

J'ajoute que M. Rainha était de passage en France récemment. Il a été reçu le 17 novembre au sein de mon ministère par le directeur compétent, chargé des Amériques. J'ai ensuite demandé à notre ambassade d'assurer les représentations qui s'imposaient. J'ai même demandé qu'un représentant de notre ambassade assiste au procès.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les deux attentats qui se sont produits à Ajaccio en plein jour auraient pu entraîner des dizaines de morts. Cette nouvelle escalade dans la violence traduit, hélas !, l'impuissance de votre gouvernement à rétablir l'autorité de l'Etat en Corse.

M. Christian Bourquin.

Et vous, qu'avez-vous fait ? Rigolos !

M. Henri Plagnol.

Plus grave, face à une situation qui apparaît totalement bloquée, un nombre de plus en plus i mportant de nos concitoyens, sur l'île ou sur le continent, commencent à douter qu'il y ait une solution pour rétablir l'autorité de la République en Corse.

Cette situation est un défi à l'ensemble de la nation. Il n'est pas question que l'Etat cède au chantage ou dialogue avec ceux qui recourent à une terreur aveugle.

Mme Odette Grzegrzulka.

Dites-le à M. Debré !

M. Henri Plagnol.

Encore faut-il que le choix de la fermeté, que nous partageons sur tous les bancs de cette assemblée (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) , repose sur l'exemplarité de l'Etat.

Or deux rapports parlementaires ont démontré qu'il y avait de très graves dysfonctionnements au coeur même de l'Etat, effectant la justice et la police, dans la lutte contre le terrorisme en Corse.

Ces dysfonctionnements sont tellement graves qu'ils ont entravé la recherche de la vérité sur les assassins du préfet Claude Erignac. Pour ne prendre que cet exemple, il semble que, sur instructions de votre cabinet, les données que possédait le préfet Bonnet ont été transmises non pas directement au juge d'instruction chargé de la lutte contre le terrorisme en Corse, mais au procureur de la République, sans que l'on sache pourquoi.

Avec beaucoup de dignité, la veuve du préfet Erignac a déclaré récemment qu'elle était triste de constater que de médiocres querelles de personnes et des rivalités de corps l'emportaient sur la recherche de la vérité.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple.

C'est celle que se posent tous les Corses qui souhaitent rester français : quand allez-vous tirer les conclusions des deux missions parlementaires pour remettre la police et la justice en ordre de marche et restaurer l'autorité de l'Etat en Corse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plu-


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s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, deux très graves attentats ont été commis en Corse. Leurs auteurs ont délibérément pris le risque de tuer. Il vaudrait mieux, à cet égard, stigmatiser ces auteurs anonymes plutôt que le Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Répondez à la question !

M. le Premier ministre.

Je vais répondre.

J'exprime à nouveau ma sympathie aux personnes qui ont été frappées et ma solidarité avec les Corses qui ont exprimé leurs protestations et leur rejet de la violence.

Il n'y a pas de solution au problème de la Corse par la violence. La violence est, en vérité, une maladie mortelle pour la Corse. Ce sont les Corses qui en sont les victimes, quelles qu'en soient les cibles.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Exact !

M. le Premier ministre.

Garantir l'Etat de droit est une priorité du Gouvernement. Les commissions d'enquête parlementaires ont d'ailleurs reconnu la clarté de la politique qui est menée à cet égard et la nécessité d'en poursuivre la mise en oeuvre.

Certes, ces commissions ont mis en lumière des dysfonctionnements anciens ou plus récents qui compliquent l'application de cette politique. Le Gouvernement analyse les propositions de ces rapports pour en tirer les conséquences qui lui apparaîtront appropriées.

Encore faut-il - c'est un point de détail mais il est important - ne pas appeler dysfonctionnement ce qui est une procédure normale. Effectivement, la note d'information transmise par le préfet Bonnet a été transmise au procureur de Paris, mais où est le dysfonctionnement puisque, dès le lendemain, elle était sur le bureau du juge d'instruction ? C'est une procédure juridique normale n'ayant entraîné aucun retard.

Notre politique en Corse est fondée, bien sûr, sur le développement économique de l'île et la reconnaissance de son identité culturelle. Le contrat de Plan Etat-région pour la Corse traduit d'ailleurs cet engagement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas le problème !

M. le Premier ministre.

... la Corse étant la région de métropole dont les crédits de l'Etat augmentent le plus.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Hunault.

Cela n'a rien à voir !

M. le Premier ministre.

Des propositions ont été transmises tout récemment à l'assemblée de Corse pour tenir compte des spécificités de sa fiscalité sur les successions.

M. Christian Estrosi.

Langue de bois !

M. le Premier ministre.

Par ailleurs, l'Etat dégage des moyens pour le développement de la langue et de la culture corses.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) Cependant, j'ai toujours également insisté notamment lors de mon déplacement dans l'île en septembre, sur le fait que cette politique devait être accompagnée par une attitude de dialogue. Celui-ci, à mes yeux, et c'est sans doute la question essentielle aujourd'hui, appelle une prise de responsabilité de la part des élus de la Corse.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Face au sentiment de malaise et de crispation qui persiste, les élus de l'île doivent dire ce qu'ils souhaitent en toute clarté, quelles sont leurs propositions, leurs réponses aux attentes de la population dont ils tiennent leur mandat.

Je suis prêt à recevoir à l'hôtel Matignon très rapidement, dès que possible, les élus de la Corse ensemble...

M. Guy Teissier.

Il était temps !

M. le Premier ministre.

... pour en débattre avec eux.

Je suggère que participent à cette réunion les parlementaires, le président de l'exécutif, le président de l'assemblée de Corse, deux représentants des groupes qui constituent aujourd'hui cette assemblée, et les présidents de conseil général.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République :

« Et Colonna ! »

M. le Premier ministre.

Au-delà, les Corses aussi ont besoin de dialoguer entre eux de manière démocratique et au grand jour. Ces débats concernent les élus de la Corse au premier chef, mais aussi les représentants de la société civile. Il faut que les Corses prennent la parole pour dire ce qu'ils rejettent et ce à quoi ils aspirent.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ma proposition, mesdames, messieurs les députés, est un acte de confiance. Il appartient maintenant aux élus de Corse d'exercer leurs responsabilités. Le Gouvernement assumera celles qui lui incombent pour concourir à cette démarche et en tirer les conclusions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Et Colonna ?

M. Michel Hunault.

Où est-il ?

M. le président.

Nous passons au groupe socialiste.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, une violence aveugle a frappé une nouvelle fois la Corse, atteignant directement la population de cette île. Cette violence est, pour la Corse, une voie sans issue. Personne ne peut, à Ajaccio comme ailleurs regarder ces actes sans les condamner avec force et sans ambiguïté. En tout cas, ni le Parlement ni le Gouvernement, j'en suis sûr, ne sauraient s'y résigner.

M. Francis Delattre.

Zuccarelli va répondre !

M. Christian Paul.

Depuis deux ans, le Gouvernement a rappelé sans répit que le respect de la loi par tous, y compris par les représentants de l'Etat, était la première


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

condition pour que la Corse puisse trouver enfin de vraies réponses à ses difficultés économiques et à sa demande d'identité.

En agissant ainsi, le Gouvernement a donné à l'action de l'Etat en Corse un cap, un sens qu'aucun groupe politique ne m'a paru contester jusqu'ici sur le fond.

M. Francis Delattre.

Qu'en pense M. Zuccarelli ?

M. Christian Paul.

Dans ce moment difficile, pour tous ceux qui ne désespèrent pas qu'une issue soit trouvée durablement à cette crise, pouvez-vous exposer devant l'Assemblée nationale les priorités concrètes que vous vous assignez pour que le droit de chacun à la sécurité soit assuré en Corse ? Quelles mesures concrètes comptezvous prendre pour compléter l'action globale en faveur de la Corse que vous avez réaffirmée il y a quelques instants devant nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, le Premier ministre vient de rappeler ce qu'était la politique du Gouvernement en Corse. Il l'avait déjà très clairement exprimée au cours du déplacement qu'il a effectué dans l'île au mois de septembre.

Je tiens à dire que les lâches attentats qui auraient pu endeuiller la Corse et faire de nombreuses victimes ne feront pas dévier le Gouvernement de la ligne qu'il a affirmée avec continuité depuis juin 1997.

Ces attentats témoignent de l'impasse dans laquelle s'enferment de petits groupes violents dont on peut se demander s'ils ont véritablement une stratégie ou si, au contraire, ils ne vivent pas de la violence qu'ils organisent. Ce faisant, ils s'isolent encore plus de la population, qui condamne avec indignation ces actions criminelles.

Je crois que, comme l'a dit le Premier ministre, il serait temps que tous les démocrates, quelle que soit leur famille d'opinion, unissent leurs voix pour stigmatiser cette terreur aveugle. Je le répète : ceux qui persévèrent dans la voie du crime auront des comptes à rendre à la justice.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et Colonna ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je rappelle que, récemment, ont été déférées à la justice des personnes soupçonnées d'assassinat ou d'actes de terrorisme datant de 1994, 1996 et 1998.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Et Colonna ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'attentat de jeudi dernier fait d'ores et déjà l'objet d'une enquête approfondie.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ses auteurs seront poursuivis avec résolution.

La seule voie qui puisse ouvrir à la Corse un avenir démocratique et pacifique est celle que le Premier ministre a rappelée continûment, et encore à l'instant : c'est celle du dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

DIMINUTION DU CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le nombre des demandeurs d'emploi a diminué en octobre de 1 %, soit une baisse de 26 400 par rapport à septembre. Ce recul fait suite à la baisse record de 3 % enregistrée en septembre et s'inscrit dans une tendance quasi continue depuis juillet 1997. Naturellement, nous nous réjouissons de ce très bon résultat. La baisse du chômage bénéficie à tout le monde, et, depuis plus d'un an, bénéficie aussi aux chômeurs de longue durée, ...

M. Lucien Degauchy.

Le nombre des chômeurs diminue, mais celui des RMistes augmente ! Ce sont des vases communiquants ! M. Gérard Terrier ... tout en continuant de profiter aux jeunes.

L'emploi salarié augmente à un rythme rarement atteint. M. Christian Sautter vient d'annoncer le franchissement historique du cap des 14 millions d'emplois salariés marchands. Enfin, le moral des ménages, mesuré par l'INSEE, est à son plus haut niveau historique. La France est ainsi placée dans un cercle vertueux : croissance, créations d'emplois, confiance.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous vous rassurez à bon compte !

M. Gérard Terrier.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer la poursuite de ce mouvement sans précédent ? Peut-on espérer une société du plein emploi ? Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, la baisse du chômage se poursuit en effet à un rythme accéléré et, malgré le repli quasiment sans précédent du mois de septembre - moins 83 000 chômeurs - nous avons de nouveau enregistré une diminution de 26 000 du nombre des chômeurs en octobre. Plusieurs éléments très intéressants doivent être notés. Le nombre des chômeurs jeunes a baissé de 25 % depuis juin 1997. Celui des chômeurs adultes a diminué également et s'établit à 470 000. Mais, surtout, depuis plusieurs mois, l'application de la loi contre les exclusions porte ses fruits et le nombre des chômeurs de longue durée a diminué de 150 000. Depuis plusieurs mois également, le chômage des plus de cinquante ans comme le nombre de ceux qui sont au chômage depuis plus de trois ans baissent de manière permanente : il était temps.

Bien sûr, nous savons qu'il y a encore beaucoup de chômeurs, beaucoup d'hommes et de femmes qui voient passer la croissance et les résultats de notre économie, et qui souhaiteraient monter dans le train. C'est pour eux que nous approfondissons l'ensemble des actions, en faveur notamment des chômeurs de longue durée. Je pense aux nouveaux départs mis en place par l'ANPE, qui fait un travail remarquable pour s'occuper de chaque personne et la conduire jusqu'à l'emploi. Je pense aussi au développement des emplois-jeunes déjà 210 000 embauches - et à la poursuite de la réduction du temps de travail ; le rythme des conclusions d'accords est comparable à celui des mois précédents.

On commence donc à repenser au plein emploi sans sourire, et les Français recommencent à y croire. Ainsi, malgré une population active qui continue de croître de plus de 200 000 personnes par an, la France connaît aujourd'hui une diminution du chômage plus importante


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que la quasi-totalité de ses concurrents, car l'ensemble de la politique que nous menons nous reparlerons tout à l'heure de la réduction du temps de travail et de la baisse des charges sociales - a fait véritablement de l'emploi, comme le Premier ministre s'y est engagé, la priorité du Gouvernement, dans les faits et pas seulement dans les discours.

Si nous sommes capables de redonner à chacun sa chance, en reconnaissant que cela prendra parfois du temps pour ceux qui sont sur le bord de la route, nous pouvons concevoir une situation de plein emploi, où les chômeurs ne représenteraient plus que 4 % à 5 % de la population active, ne resteraient que peu de temps au chômage et retrouveraient rapidement un emploi.

Ces résultats nous montrent que la politique a un sens, q ue le volontarisme et l'ouverture de marges de manoeuvre sont possibles dans un pays comme le nôtre, même dans un contexte de mondialisation, une mondialisation dont, chacun le sait, nous souhaiterions qu'elle soit mieux régulée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

PILULE DU LENDEMAIN

M. le président.

La parole est à Mme Conchita Lacuey.

Mme Conchita Lacuey.

Madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, vous avez récemment annoncé, au salon de l'éducation, la possibilité que la pilule du lendemain soit délivrée dans les collèges et les lycées par les infirmières scolaires à de jeunes adolescentes en difficulté.

Nous savons qu'en France, chaque année, il y a près de 10 000 grossesses non désirées chez les adolescentes, dont 6 700 donnent lieu à une IVG. En Gironde, le chiffre est supérieur à la moyenne nationale. La persistance de ce phénomène traduit l'échec de l'information et une maîtrise très imparfaite, voire l'ignorance des moyens de prévention chez les jeunes.

Depuis le 1er juin, la pilule du lendemain est en vente libre et délivrée sans ordonnance dans les pharmacies.

Elle est sans effets secondaires graves et efficace à 95 % si on la prend dans les 24 heures qui suivent le rapport sexuel. Mais, nous devons le reconnaître, l'information reste incomplète.

Votre proposition, madame la ministre, prend en compte ce constat. Cependant, des réserves ont été formulées par les parents d'élèves. En effet, certains parents s'inquiètent de voir l'éducation nationale se substituer à leur responsabilité et craignent une banalisation des rapports sexuels sans protection.

Pour rassurer les parents et mieux prévenir les grossesses non désirées, quelles précisions pouvez-vous apporter sur cette délicate question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Madame la députée, je sais que cette décision, dont j'ai précisé les conditions la semaine dernière lors d'une réunion sur les problèmes de santé des adolescents à laquelle participaient trois cents infirmières scolaires, peut susciter des interrogations, voire des résistances et des oppositions.

J'insiste sur le fait qu'elle a été mûrement réfléchie : d'abord, elle répond à une urgence ; ensuite, elle est accompagnée d'un certain nombre de conditions ; enfin, elle s'inscrit dans une démarche globale d'éducation à la santé et à la sexualité.

Elle répond d'abord à une urgence. Comme vous l'avez rappelé, il y a 10 000 grossesses non désirées chaque année, chez les jeunes filles de moins de dix-huit ans, qui donnent lieu à 6 500 avortements, ceux-ci révélant d'ailleurs souvent des violences sexuelles. Il m'apparaît humainement nécessaire de mettre à la disposition de ces adol escentes en détresse les progrès scientifiques et médicaux, ...

M. Lucien Degauchy.

Et l'éducation que donnent les parents ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

... surtout lorsque ces moyens contraceptifs d'urgence sont en vente libre dans les pharmacies.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais cette mesure s'accompagne d'un certain nombre de conditions. En effet, elle est décidée dans le cadre du système scolaire, et nous avons une responsabilité éducative à cet égard. Le protocole national que je mets en place prévoira donc explicitement qu'il s'agit de répondre aux cas d'extrême urgence ou de détresse ; les parents seront informés, sauf si l'adolescente s'y oppose ; enfin, l'adolescente sera mise en contact avec un centre de planning familial ou un service hospitalier spécialisé, afin d'être accompagnée, soit parce qu'il y a eu violence, soit parce qu'il y a eu une mauvaise information sur la contraception.

Cette décision s'inscrit également dans une action globale d'éducation à la sexualité. J'ai décidé de relayer dans les lycées et les classes de troisième des collèges la campagne que Martine Aubry lancera au mois de janvier, et sur laquelle nous avons travaillé ensemble. J'estime en effet que le système scolaire peut apporter beaucoup aux a dolescents en ce qui concerne la prévention des conduites à risques, pour rappeler un certain nombre de valeurs comme l'estime de soi, le respect des autres, le refus des rapports sexuels contraints ou imposés, aux filles comme aux garçons, pour rappeler aussi que la sexualité précoce n'est pas forcément un progrès, bref, pour faire aussi de l'information sexuelle une éducation au respect mutuel.

En tout état de cause, je fais confiance aux infirmières scolaires pour faire face à cette mission de dialogue, d'information des adolescentes, en particulier des plus démunies, des plus isolées, des plus abandonnées, afin que, pour elles aussi, la naissance d'un enfant soit toujours un bonheur désiré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SITUATION DE LA PÊCHE

M. le président.

La parole est à M. René Leroux.

M. René Leroux.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, lors du dernier conseil des ministres de la pêche de l'Union européenne à Bruxelles, un compromis sur le règlement d'application de l'instrument financier d'orientation de la pêche, communément appelé IFOP, et sur l'organisation commune des marchés a été adopté.

Vous avez obtenu un certain nombre de modifications par rapport aux propositions de la Commission. Ces avancées doivent permettre de consolider un secteur qui a connu de graves difficultés et qui se redresse peu à peu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Pourriez-vous préciser à la représentation nationale les différentes propositions françaises qui ont été retenues, en particulier sur les sorties de flotte et les aides aux organisations professionnelles, pour la valorisation des produits et l'amélioration de la qualité, afin d'assurer un avenir à cette profession confrontée en permanence à la réglementation européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, lors du conseil « pêche » qui s'est réuni le 22 novembre, un compromis, long à se dessiner, est intervenu sur les deux dossiers importants pour l'avenir de ce secteur que vous avez évoqués : la réforme des politiques de strutures, c'est-à-dire l'instrument financier d'orientation de la pêche, et l'organisation commune des marchés.

Pour ce qui concerne la réforme de la politique des structures, la proposition de la Commission prévoyait, sur les catégories de bateaux en avance sur leurs objectifs, le retrait systématique de 130 % de la capacité pour chaque construction neuve, et elle excluait tout renouvellement pour le reste de la flotte.

Lors de la négociation, la délégation française a obtenu une modification radicale de l'économie de cette proposition.

D'abord, la suppression du régime individuel des entrées et sorties de navires ; ainsi, le calcul des capacités se fera de façon globale sur chaque segment, sur chaque catégorie de navires.

En second lieu, la possibilité d'un renouvellement à l'identique jusqu'en 2006 sur les segments à jour par rapport à leurs objectifs annuels.

En troisième lieu, la faculté de renouveler les navires, mêmes sur les segments en retard, avec une contrepartie supplémentaire - c'est là, et là seulement, que jouera la règle des 130 % jusqu'en 2001 - et un régime adapté à la spécificité des DOM-TOM, car nous n'avons pas les mêmes problèmes de ressources dans ces départements.

Enfin, et c'est un point essentiel, j'ai obtenu la mise en place d'une mesure spécifique d'aide à l'installation des jeunes pêcheurs, alors que la France était le seul Etat demandeur.

C'est là un message fort d'espoir qui est donné au secteur de la pêche.

J'en viens à la réforme de l'organisation commune des marchés. Le Conseil a adopté plusieurs propositions de la France : d'abord, la mise en place d'un étiquetage obligatoire des produits jusqu'à la vente au consommateur ; ensuite, des aides aux organisations professionnelles pour les actions de valorisation des produits et d'amélioration de la qualité.

Quant au régime d'intervention, il a fait l'objet de plusieurs améliorations : retour à un dispositif à deux niveaux pour le retrait, augmentation des taux d'indemnisation, augmentation du taux maximum de report et mise en place d'un dispositif spécifique d'intervention en cas de crise.

Je considère que l'organisation commune des marchés ouvre la possibilité d'une reconnaissance des organisations interprofessionnelles, ce qui répond à notre souhait.

Il y a donc toutes raisons d'être satisfait de la conclusion de cette négociation car elle assure un cadre stable pour la politique structurelle et donne de réels moyens pour l'organisation de la production et sa valorisation.

Bref, ces avancées ouvrent un avenir à la pêche française et représentent un message d'espoir, notamment pour les jeunes qui veulent s'installer dans ce secteur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

PARENTS EN DÉTENTION

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Madame la garde des sceaux, ma question concerne un sujet douloureux, la situation des mères de famille détenues dans les établissements pénitentiaires. La situation des femmes en prison dans les centres de détention est déjà, il faut le souligner, plus dure que celle des hommes, pour une raison bien simple : les femmes représentent environ 6 % du nombre des détenus et sont réparties sur le territoire national dans trois prisons. Or chacun sait que la réinsertion des détenus dépend pour l'essentiel de la proximité de leur famille.

L'éloignement a pour conséquence la rareté des visites familiales, notamment lorsque les prisons se trouvent à plus de 500 kilomètres du domicile ; il y a là un obstacle réel à la réinsertion.

Mais que dire de la situation des enfants vis-à-vis de leur mère incarcérée ? Votre circulaire du 10 août 1999 prévoit que l'accueil de l'enfant âgé de moins de dix-huit mois doit rester exceptionnel. Il n'existe d'ailleurs en France que soixante-six places susceptibles d'accueillir la mère et son bébé. Or aucun enfant de plus de dix-huit mois ne peut être gardé auprès de sa mère détenue.

Certes, votre circulaire, en application de l'article D. 400 du code de procédure pénale, prend en compte la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, entrée en vigueur le 6 septembre 1980. Mais ne faudrait-il pas aller plus loin et s'inspirer de la législation italienne, notamment la loi du 26 juillet 1975 concernant l'exécution des mesures privatives de liberté, et de son article 47 ter , qui prévoit, pour les peines de réclusion inférieures à quatre années, même consituant une partie résiduelle d'une peine plus élevée, la possibilité, pour les femmes enceintes ou pour les mères de jeunes enfants de moins de dix ans, d'éduquer leurs enfants chez elles pendant la fin de leur peine ? La loi italienne étend d'ailleurs cette mesure aux pères exerçant la puissance paternelle sur des enfants de moins de dix ans dont la mère est morte, lorsqu'ils ne peuvent assurer une assistance aux enfants.

Ainsi prendrait-on en compte la situation des femmes et celle des jeunes enfants. Une telle mesure ne peut-elle être envisagée, notamment dans le cadre des lois que vous allez nous soumettre en deuxième lecture, alors même qu'elle donne toute satisfaction en Italie depuis plus de vingt ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, la situation des détenus, hommes et femmes, qui ont de jeunes enfants est au coeur de ma politique pénitentiaire.

J'ai souhaité, dans une circulaire du 10 août dernier que vous avez bien voulu citer, améliorer notamment la prise en charge et l'accueil des enfants de moins de dix-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

huit mois qui sont avec leur mère dans les établissements pénitentiaires. Mais vous avez raison de dire que l'on ne peut généraliser cette mesure car il est quand même préférable pour un enfant d'être socialisé et donc au contact d'autres enfants.

Il me semble très important de maintenir entre l'enfant et son parent détenu un lien étroit et régulier, non seulement dans l'intérêt de l'enfant lui-même, qui a besoin d'une relation avec ses deux parents, mais aussi dans le souci de faciliter son accueil. J'ai en conséquence engagé des actions spécifiques pour maintenir ce lien.

Il s'agit d'abord du développement de l'accueil des familles auprès des établissements pénitentiaires, avec l'installation de parloirs adaptés à l'accueil des enfants - j'ai obtenu un budget spécifique de 2 millions de francs cette année. Nous créerons des parloirs spécifiques pour les enfants dans les nouveaux établissements pénitentiaires dont j'ai annoncé la construction.

Il s'agit ensuite de subventions aux associations de relais parents-enfants, qui accompagnera les enfants qui visitent leurs parents détenus et, enfin, de la création d'unités de visite familiale pour lesquelles je prévois, pour l'année prochaine, trois expérimentations, dont une dans un établissement accueillant des femmes. A la faveur de ces expérimentations, les détenus pourront passer plusieurs jours avec leurs familles.

Vous vous demandez si les parents qui ont en charge des enfants de moins de dix ans ne pourraient pas voir la purge de leur peine en dehors de la prison facilitée. Je vous rappelle que les juges de l'application des peines accordent déjà des mesures de libération conditionnelle, de semi-liberté ou de placement à l'extérieur aux per-s onnes condamnées à des peines d'emprisonnement courtes. Quant à celles qui n'ont plus qu'un court reliquat de peine à effectuer, les mêmes juges accordent des mesures de libération conditionnelle, notamment en considération des enfants à charge.

Je ne suis pas opposée à ce que nous allions plus loin danc ce sens. J'ai d'ailleurs demandé à une commission présidée par M. Farge de réfléchir à ces mesures de libération conditionnelle, notamment dans les cas que vous avez évoqués. Si vous le souhaitez, cette commission pourra vous entendre.

J'ajoute que deux nouveaux dispositifs peuvent nous permettre de mieux maintenir le lien entre les parents détenus et leurs enfants : le bracelet électronique et la création de centres pour peines aménagées, établissements d'un type nouveau destinés aux courtes peines et orientés vers les mesures alternatives à la détention. Les deux premiers établissements seront ouverts en l'an 2000, à Metz et à Marseille.

C omme vous le voyez, notre approche n'est aucunement systématique : des enfants sont avec leur mère dans les établissements pénitentiaires jusqu'à dixhuit mois, et d'autres sont placés dans des familles d'accueil. Nous souhaitons que, lorsqu'ils ne sont pas avec leur mère, les enfants puissent avoir un lien avec elles et leur autre parent, car il est très important pour un enfant de maintenir un lien avec ses deux parents.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

ORGANISATION DE LA CHANCELLERIE

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.

Depuis plusieurs mois, madame la garde des sceaux, l'opinion publique dévouvre votre vrai visage politique.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous êtes comme le Janus Bifrons.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Votre visage officiel est le visage serein de celle qui mène la réforme de la justice, qui n'intervient pas dans le cours des affaires et qui défend comme une priorité la lutte contre la délinquance, en particulier financière.

Mme Véronique Neiertz.

Et c'est très bien !

M. Didier Boulaud.

Ça nous change !

M. Pascal Clément.

Vous présentez ce visage comme un visage de transparence, d'impartialité, en un mot de vertu, comme l'exige du reste le nom du ministère que vous dirigez.

Votre autre visage est plus caché, mais il se révèle dans une reprise en main autoritaire de la magistrature dont je voudrais donner quelques exemples.

Cette reprise en main s'exerce surtout au niveau des nominations. Le critère de nomination est d'une fidélité totale à vos directives et à votre personne. Ainsi, tous les directeurs de la Chancellerie, depuis votre arrivée au ministère, ont été changés et sept officiers de police judiciaire ont été retirés au parquet financier de Paris. Cette situation de déficit d'OPJ est-elle durable ? D'autres nominations on eu lieu. Ainsi, à la direction des affaires criminelles, vous avez nommé responsable de l'action publique un membre de votre cabinet, contre l'avis du directeur des affaires criminelles lui-même.

Quelles sont les raisons de cette nomination ? C'est ma deuxième question.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vicieux !

M. Pascal Clément.

De la même manière, vous avez supprimé la sous-direction des affaires financières, qui permettait jusqu'à présent aux procureurs de France d'harmoniser leurs décisions. Est-ce que cela veut dire que, demain, les procureurs devront s'adresser directement à votre cabinet ? C'est ma troisième question.

Enfin, le Syndicat de la magistrature, a priori classé à gauche et donc proche de vous, fait savoir qu'il se révolte contre vos menaces de sanctions disciplinaires qui pourraient être prises à l'encontre des magistrats qui ne suivraient pas vos directives concernant l'action pénale, et contre votre exigence d'une remontée d'informations heure par heure concernant les questions dites « sensibles ».

La confiance est aujourd'hui rompue avec l'ensemble des magistrats, une bonne partie des parlementaires et beaucoup de Français.

Nous sommes convoqués au mois de janvier à une réunion du Parlement en congrès, afin de nous prononcer sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Ne serez-vous pas la cause personnelle de l'échec de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je vous permets tout à fait de porter des appréciations sur mon visage...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Pierre Brard.

Il est jaloux !

Mme la garde des sceaux.

... et de penser ce que vous voulez de l'organisation interne du ministère de la justice.

Cela dit, il se trouve qu'au sein de ce ministère, que j'ai l'honneur de diriger depuis deux ans et demi...

M. Jacques Myard.

Ce n'est pas un honneur pour ceux que vous dirigez !

Mme la garde des sceaux.

... certains directeurs sont partis. Mais ils ne sont pas tous partis, contrairement à ce que vous prétendez et, lorsqu'ils l'ont fait, c'est parce qu'ils souhaitaient un changement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils ont retrouvé des postes qui correspondaient pleinement à leurs capacités.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mensonges !

Mme la garde des sceaux.

Je citerai, par exemple, M. Marc Moinard, l'ancien directeur des affaires criminelles et des grâces, qui est resté près de deux ans à son poste après mon arrivée...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mensonges !

Mme la garde des sceaux.

... et que le Gouvernement a nommé procureur général à Bordeaux.

Je citerai M. Gilbert Azibert, directeur de l'administration pénitentiaire, qui, lui aussi, est parti deux ans après mon arrivée et qui a été nommé président de la chambre d'accusation à la cour d'appel de Paris.

Naturellement, toutes les règles du Conseil supérieur de la magistrature ont été respectées, et son avis a été demandé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour ce qui touche à la restructuration interne du ministère, permettez au ministre compétent de décider ce qui doit être fait pour que l'organisation interne de ce ministère reflète la politique menée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Quant à la direction des affaires criminelles et des grâces, elle ne donne plus d'instructions. Il fallait donc en tirer les conséquences et réorienter son action, d'une part, sur la législation et, d'autre part, sur les directives de politique pénale ainsi que sur l'évaluation de l'application de cette politique par les parquets.

Vous avez évoqué des pressions qui seraient exercées...

M. Laurent Dominati.

Comme pour Mme Fulgeras ?

Mme la garde des sceaux.

Je rappelle que, dans ce pays, il y a des règles pour la nomination des magistrats.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quelle mauvaise foi !

M. Laurent Dominati.

C'est le moins qu'on puisse dire !

Mme la garde des sceaux.

Ces règles sont très simples : chaque fois qu'un poste devient vacant, mais seulement lorsqu'un poste devient vacant, il y a publication d'une liste envoyée à tous les tribunaux de France deux mois avant la nomination et que l'on appelle la

« liste de la transparence ».

(« Fulgeras ! Fulgeras ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), dans laquelle sont publiées toutes les candidatures - je dis bien : toutes les candidatures. Le garde des sceaux indique sa proposition et le Conseil supérieur de la magistrature donne son avis conforme.

Aucune nomination, depuis que ce gouvernement est en place, ne s'est faite contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, contrairement à ce que vous avez pu pratiquer dans le passé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - « Fulgeras ! Fulgeras ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si le Président de la République soumet au Congrès la loi constitutionnelle que le Parlement a massivement approuvée il y a un an - 700 voix pour et 60 contre, dont, il est vrai, la vôtre, monsieur Clément -...

M. Pascal Clément.

Non, pas moi !

Mme la garde des sceaux.

... c'est précisément pour inscrire dans la Constitution que les procureurs généraux, qui sont aujourd'hui nommés, comme les préfets, en conseil des ministres, le soient dorénavant après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Ne cherchez pas des prétextes ou des alibis, monsieur Clément ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ceux qui nous écoutent sauront faire la différence entre les procès d'intention et la volonté très ferme du Gouvernement,...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Et la chasse aux sorcières ?

Mme la garde des sceaux.

... qui est de faire en sorte que les politiques n'interviennent plus dans la justice (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et que cela soit inscrit dans la loi et la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

STATISTIQUES DU CHÔMAGE

M. le président.

La parole est à M. Robert Lamy.

M. Robert Lamy.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, les chiffres du chômage (« Excellents ! » sur les bancs du groupe socialiste) que vous énonciez il y a quelques instants et dont nous aimerions pouv oir nous féliciter ne sont-ils pas suffisamment satisfaisants pour que vous ayez besoin de manipuler les statistiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Faut-il que votre politique - 35 heures, TGAP, suppression des allégements de charge du plan Borottra, entre autres - soit négative pour l'emploi pour qu'en dépit des effets de la croissance vous éprouviez encore le besoin de maquiller les chiffres ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bourquin.

Rigolo !

M. Robert Lamy.

Or les chiffres que la presse a révélés il y a quelques jours sont particulièrement inquiétants : toutes catégories confondues, le nombre de chômeurs serait passé de 4 170 000 en 1996 à 4 310 000 au mois de septembre 1999.

Mme Odette Grzegrzulka.

Indécent !

M. Robert Lamy.

Deux explications sont possibles : soit votre périmètre d'analyse n'est plus le même que celui de 1996 et il est alors facile d'obtenir des chiffres présentables, soit vos communiqués s'appuient sur un mode de comptage pratiquant la radiation à très grande vitesse.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Robert Lamy.

Un article paru dans un grand hebdomadaire dénonce, témoignages à l'appui, les multiples manipulations de statistiques auxquelles se livrent votre cabinet.

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Et ne nous dites pas, madame la ministre, que nous n'avons rien compris ou que nous sommes de mauvaise foi ! (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vos fonctionnaires et, parmi eux, les spécialistes nationaux des statistiques, ceux de l'INSEE,...

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Robert Lamy.

... dont vous ne contesterez pas la compétence en ce domaine, vous accusent dans une lettre ouverte de manipuler les chiffres du chômage.

(Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Madame la ministre, qui devons-nous croire ? Les communiqués de victoire de votre cabinet ou les agents de l'Etat, qui dénoncent la manière dont on leur fait remplir leur mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je pense que vous devez d'abord croire les Français qui, tous les jours, constatent que la situation de l'emploi s'améliore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et qui n'ont pas besoin de lire un article paru dans un grand hebdomadaire pour se rendre compte que, depuis que la gauche est là, la croissance a repris (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), que le chômage des jeunes baisse et même, comme je le disais tout à l'heure, que le chômage de longue durée diminue.

Qui devez-vous croire ? L'OCDE, le BIT, Le New York Times ou JP Morgan, tous ces organismes de natures diverses et variées qui reconnaissent aujourd'hui que le taux de chômage baisse davantage en France que dans les autres pays. Voilà la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dès que je suis arrivée à mon ministère, j'ai rétabli ce qu'avait supprimé le gouvernement que vous avez soutenu, c'est-àdire la publication des trois catégories de chiffres du chômage : vous aviez en effet voulu cacher le nombre de chômeurs à temps partiel.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Dorénavant, les Français peuvent vérifier chaque mois combien il y a de chômeurs à temps plein qui demandent un emploi.

M. Lucien Degauchy.

Ce ne sont que des magouilles !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce sont eux dont le nombre a baissé de 465 000 depuis que nous sommes là. Les Français peuvent aussi savoir combien il y a de chômeurs à temps partiel qui demandent un emploi et quel est le taux de chômage au sens du BIT, qui, je vous le rappelle, n'est pas calculé par nous mais à partir de questions posées directement aux Français.

M. Lucien Degauchy.

Dans quelle catégorie sont les RMIstes ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Disons un mot des radiations. Au cours des derniers mois, 17 000 ont été constatées alors que près de 400 000 personnes sont sorties du chômage, soit environ 4 %. La moitié de ces radiations concerne des personnes qui ont été convoquées à l'ANPE pour se voir proposer un emploi et qui ont reconnu à cette occasion en avoir déjà retrouvé un. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la réalité ! Elle vous dérange, mais elle est telle que je viens de la décrire. Il est vrai que vous ne l'avez pas souvent rencontrée car vous n'avez pas eu une croissance qui a créé 830 000 emplois, comme c'est le cas depuis notre arrivée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Enfin, permettez-moi de vous dire d'une manière très claire que les agents de l'ANPE, qui travaillent tous les jours pour sortir chaque demandeur d'emploi du chômage, méritent un peu mieux que la suspicion que vous avez à leur égard.

M. Gilbert Meyer.

Ce n'est pas eux qui sont visés !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement ne leur a fait aucune demande, ni orale, ni écrite, de quelque nature que ce soit.

Croyez bien que le Gouvernement est plus intéressé par le règlement des problèmes structurels du chômage par le biais des emplois-jeunes, de la réduction de la durée du travail, de la baisse des charges sociales, d'une politique économique favorable à l'emploi et des nouvelles technologies créatrices d'entreprises, que par la

« manipulation » des chiffres.

Vous êtes d'abord de mauvais joueurs. Voilà tout ce qu'il y a à dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) APPLICATION DES 35 HEURES AU TRANSPORT ROUTIER

M. le président.

La parole est à M. Thierry Lazaro.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Thierry Lazaro.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (« Ah » ! sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la ministre, je me permettrai d'abord de vous dire que nous ne sommes pas sur le même petit nuage que vous. Nous vous invitons à écouter plus attentivement vos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le couperet autoritaire des 35 heures va frapper de plein fouet les entreprises françaises, en particulier les plus petites d'entre elles, au détriment de l'emploi, alors que vous nous avez présenté votre loi comme un remède, si ce n'est comme le remède au fléau du chômage.

Mme Odette Grzegrzulka.

Qu'en savez-vous ? Vous n'êtes jamais là ! Vous êtes un intermittent du Parlement !

M. Thierry Lazaro.

Son effet sur la compétitivité des entreprises est désastreux. C'est un mauvais coup pour la France. J'en veux pour preuve que la Fédération des t ransports et logistique de France, qui représente 5 000 entreprises et plus de 230 000 salariés et qui regroupe plus de la moitié de l'activité du transport et de la logistique en France, vous a lancé un véritable cri d'alarme lors de son congrès qu'elle a tenu la semaine dernière à Marseille. Elle a dénoncé « le cauchemar des 35 heures qui va entraîner la mort du pavillon français ».

Paradoxalement, les conditions de travail des chauffeurs routiers français vont s'aggraver. Comment leurs entreprises pourront-elles résister face à une concurrence européenne très vive, qui ne respecte pas les mêmes règles qu'elles ? L'application brutale des 35 heures signifierait une baisse de cinquante heures par mois - cinquante heures de moins que dans le reste de l'Europe ! Cette année, le transport combiné a déjà perdu 10 % de son trafic, faute de conditions économiques compétitives.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Thierry Lazaro.

Ma question sera simple : qu'allezvous faire pour éviter que le transport routier français disparaisse, ou bien allez-vous admettre qu'il n'y ait bientôt plus que des camions étrangers en France et 230 000 chômeurs de plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, pour une réponse courte.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, vous connaissez mon attachement et celui du Gouvernement à l'amélioration des conditions de vie et de travail des salariés du transport routier, qui a été particulièrement malmené par le dumping économique et social des dernières décennies.

La branche du transport routier a retrouvé une démarche paritaire après les actions revendicatives de 1996, sous un gouvernement que vous souteniez, et celles de 1997, année où nous sommes arrivés.

Depuis lors, le dialogue social, notamment les discussions au niveau de la convention collective de branche, ont permis la signature de nombreux accords, ce qui prouve que cette voie est la voie praticable et souhaitable.

En ce qui concerne la réduction de la durée du travail, notre attention a été attirée dès le début sur la spécifi cité, due notamment aux horaires, du transport routier. Dans ce secteur, la situation est totalement différente de celle que l'on trouve ailleurs.

Avec Martine Aubry, nous avons tenu compte de cette spécificité puisque, dès la première loi sur les 35 heures, des aides financières ont été prévues pour les entreprises qui pratiquaient réellement la réduction de la durée du travail tout en s'inscrivant dans la démarche de contrats de progrès avec des créations d'emplois.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le député, non seulement on embauche dans ce secteur mais, depuis le 1er septembre 1999, quatre-vingts accords d'entreprise ont été signés sur la réduction de la durée du travail dans les transports routiers de marchandises et que ces accords couvrent à peu près 20 000 salariés.

M. le président.

Concluez, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Je vais conclure, monsieur le président.

Les accords que je viens de citer ont permis la création de 1 200 emplois.

La deuxième loi est en discussion. Il faut que le Parlement débatte des perspectives qu'elle ouvre. Je suis favorable à ce qu'un dialogue s'ouvre non seulement entre les partenaires sociaux, mais aussi entre ceux-ci et le Gouvernement afin d'examiner les meilleures conditions d'application de cette loi.

Enfin, vous savez les efforts que nous menons, avec le soutien des transporteurs routiers professionnels, que vous n'avez pas cités, et des syndicats, en faveur d'une harmonisation sociale par le haut et d'une directive européenne en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Roland Francisci, pour une question courte.

M. Roland Francisci.

Monsieur le Premier ministre, b ien qu'appartenant à l'opposition nationale, j'ai approuvé publiquement, le 6 septembre dernier, les déclarations que vous avez faites devant l'assemblée de Corse : oui, le vrai problème de la Corse n'est pas son statut - elle en a déjà eu deux - mais la violence, dont l'arrêt total et définitif doit demeurer le préalable à toute discussion.

M. Daniel Vachez.

Ecoutez bien, monsieur Rossi !

M. Roland Francisci.

La solution à ce problème existe : c'est la solution démocratique, conforme aux voeux et aux aspirations de l'immense majorité de mes compatriotes.

La France est une grande puissance, unanimement respectée. En Corse comme ailleurs, l'Etat se doit de ne pas céder au chantage des terroristes. Il ne doit discuter ni avec eux ni avec ceux qui cautionnent leurs méthodes.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Rossi !

M. Roland Francisci.

Le 16 novembre dernier, alors qu'une nouvelle vague d'attentats et de séquestrations venait de se produire, j'avais ici même appelé votre atten-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

tion sur l'escalade de la violence en Corse. Jeudi dernier, vous le savez, une étape inquiétante, de nature criminelle, a été franchie, semant la consternation non seulement sur l'île, mais aussi sur l'ensemble du territoire national. Ces actes odieux sont le fait de quelques irresponsables qui défient la Corse et la République en voulant substituer la loi des armes au dialogue démocratique.

Seul l'Etat, garant de la sécurité des personnes et des biens, a le pouvoir et les moyens de les en empêcher, et il en a aussi le devoir. Est-il raisonnable, monsieur le Premier ministre, de continuer à affirmer qu'il le fait quand le rapport de la commission d'enquête de notre assemblée indique que le taux d'élucidation des crimes et délits liés au terrorisme en Corse est de 3 % ? Aujourd'hui, les Corses se sentent abandonnés. Ils ont peur. Nombreux sont ceux qui pensent à quitter l'île.

A lors que des événements aussi dramatiques se déroulent sous nos yeux sur une partie du territoire national, à une heure et demie de Paris, les déclarations de bonnes intentions ne suffisent plus. Ne laissez pas la Corse ressembler au Liban des années 80. N'attendez plus pour agir.

Ma question ressemblera à celle que je vous ai posée le 16 novembre, et à laquelle, hélas ! vous n'avez pas répondu. Monsieur le Premier ministre, que comptezvous faire pour combattre la terrorisme en Corse ? Que comptez-vous faire pour assurer aux habitants de l'île la paix et la sécurité auxquelles ils ont droit et qu'en votre qualité de chef du Gouvernement, vous leur devez ? Avec l'ensemble de mes compatriotes, inquiets et désemparés, j'attends aujourd'hui de vous des engagements clairs (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour une réponse très courte.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, tout à l'heure, le Premier ministre nous a fait part de son émotion - je pense que tout le monde ici la partage - à la suite du très grave attentat perpétré récemment et qui aurait pu tuer plusieurs dizaines de personnes.

Au-delà de l'indignation que chacun, ici, j'en suis sûre, éprouve, il est essentiel de continuer à appliquer avec fermeté la politique définie par le Gouvernement et approuvée par le Président de la République. Elle consiste, le Premier ministre l'a rappelé, d'abord à faire appliquer la loi, mais avec détermination et résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Elle vise ensuite à prendre des décisions pour le développement de la Corse. A cet égard, je souligne que le dernier contrat de plan Etat-région fait de celle-ci la région la plus aidée par l'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Elle passe en effet de la cinquième à la première place quant au volume de l'aide par habitant. Enfin, cette politique tend à favoriser l'expression de l'identité culturelle de la Corse. (Même mouvement.)

Cette politique, nous le savons, est la seule possible.

Dès lors, il est indispensable que les élus, lorsqu'ils s'expriment, ne renvoient pas dos à dos le terrorisme et l'Etat.

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

On ne peut pas les mettre sur le même plan, même s'il reste, nous en sommes bien conscients, des dysfonctionnements à corriger et des progrès à accomplir pour faire face à des bandes armées qui, en réalité, n'ont qu'un seul but : terroriser les Corses.

Il faut, de plus, encourager les Corses qui se prennent en charge et dénoncent déjà cette situation, ces actes racistes, en espérant que la société corse dans son ensemble s'élèvera contre le terrorisme.

Telle est la politique suivie par le Gouvernement et le Premier ministre vient d'annoncer qu'il était prêt à ouvrir à nouveau un dialogue avec les élus de Corse sur les moyens de l'améliorer encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à d ix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Nicole Catala.)

PRÉSIDENCE DE MME NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 en nouvelle lecture.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la présidente, madame la rapporteuse...

M. Jean-Luc Préel.

La rapportrice !

M. Jean Bardet.

Rapporteuse, paquet sans ficelle !

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Vous n'allez pas recommencer !

Mme la présidente.

Ne vous laissez pas interrompre, madame la secrétaire d'Etat ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... mesdames, messieurs les députés, poursuivre avec détermination l'effort engagé depuis plus de deux


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

ans pour pérenniser notre système de sécurité sociale, voilà bien l'enjeu du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis et auquel vous avez rendu sa cohérence.

Là est bien l'essentiel. Le Sénat avait beaucoup transformé le texte, se concentrant, à tort je crois, sur la suppression du financement des allégements de charge et de la réduction du temps de travail. Il avait également supp rimé les dispositions relatives à la régulation des dépenses de ville sans construire de dispositif alternatif dont on puisse attendre une efficacité quelconque. Vous avez rétabli ces dispositions. C'est une bonne chose pour l'emploi, pour les entreprises, pour notre système de santé et pour notre économie.

L'équilibre financier est la première condition d'une sécurité sociale efficace et protectrice. On ne peut laisser vivre celle-ci à crédit, au risque de mettre en péril notre cohésion sociale. En 1999, le régime général devrait être proche de l'équilibre avec un déficit prévu de 4 milliards de francs, soit - je le rappelle - 0,3 % de ses dépenses et 1,5 % de l'ensemble des déficits publics. L'évolution depuis trois ans révèle l'ampleur du chemin parcouru : de 1997 à 1999, le déficit a été divisé par sept.

Ce redressement a été obtenu - je vous le rappelle, car nous y tenons - sans augmentation des cotisations ou b aisse des remboursements. Trois raisons que vous connaissez expliquent ce redressement.

Tout d'abord, la bonne tenue des recettes, grâce au retour de la croissance et au rééquilibrage des contributions respectives du capital et du travail dans le financement de la sécurité sociale.

Ensuite, les mesures correctrices prises le plus souvent en accord avec les professionnels concernés pour maîtriser les dépenses de santé.

Enfin, les politiques structurelles conduites depuis deux ans, dont l'accentuation des recompositions hospitalières et la mise en oeuvre d'une politique du médicament ambitieuse sont parmi les mesures les plus fortes.

En 2000, le régime général doit dégager un excédent d'environ 2 milliards de francs. Pour la première fois depuis quatorze ans, il va connaître une situation excédentaire. Il s'agit tout simplement de la fin du fameux

« trou de la sécu ». (M. Aloyse Warhouver applaudit.)

M. Jean Bardet.

Applaudissements fournis ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il y a, me semble-t-il, dans ces résultats et ces prévisions, matière à nous réjouir tous ensemble, au-delà de nos différences politiques, que la sécurité sociale sorte enfin de la zone rouge. L'excédent de l'ensemble des administrations sociales devrait donc s'élever à 20 milliards de francs environ en 2000. Ces résultats, aussi encourageants soient-ils, ne doivent en rien infléchir notre détermination à poursuivre la politique impulsée depuis plus de deux ans.

Cinq orientations majeures ont été retenues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Première orientation : la poursuite des réformes structurelles engagées pour une meilleure maîtrise des dépenses de santé. Nous avons, dans ce cadre, engagé une rénovation profonde du cadre conventionnel régissant les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Une étape nouvelle et décisive est franchie dans ce projet de loi. Le Gouvernement vous propose que la régulation de la médecine de ville soit désormais placée sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de santé. Il privilégie les mécanismes incitatifs visant à associer les professionnels de santé à une véritable maîtrise médicalisée des prescriptions.

C oncernant le médicament, trois orientations se dégagent.

D'abord, le développement du médicament générique.

Ensuite, la réévaluation des médicaments et la réforme du remboursement - les décisions en matière de remboursement et de prix seront maintenant fondées sur le service médical rendu par le médicament.

Enfin, le développement de l'approche conventionnelle dont témoignent les accords déjà passés avec l'industrie pharmaceutique et avec les pharmaciens.

Pour l'hôpital, la poursuite de l'adaptation de notre système hospitalier aux besoins de la population est indispensable. Nous avons décidé de mettre en avant la promotion de la qualité et de la sécurité des soins, notamment grâce à la poursuite de la politique d'accréditation.

Nous voulons aussi engager une politique volontariste de réduction des inégalités dans l'accès aux soins. La CMU est un volet majeur de cette politique à laquelle contribue l'hôpital, qui reste le principal point d'accueil des populations les plus fragiles. Nous poursuivons également la réduction des inégalités entre les régions comme entre les établissements.

La révision des SROS de deuxième génération qui s'achève actuellement permettra d'adapter l'offre de soins aux besoins de la population. L'élaboration de ces schémas a permis de repérer les insuffisances, de promouvoir les coopérations entre établissements, de planifier les reconversions. Un travail très important a été conduit depuis deux ans, dans la concertation. Il démontre, s'il en était besoin, la capacité d'évolution et d'adaptation de notre système hospitalier et de ses personnels.

En outre, les évolutions de tarif des cliniques privées seront dorénavant différenciées entre régions et, au sein de chaque région, entre établissements, pour mieux prendre en compte l'activité médicale réelle des établissements,...

M. François Goulard.

Pour mieux les étrangler ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... à partir des indications données par les points ISA.

Vous avez régulièrement exprimé le souhait de débattre de l'avenir de notre système de santé en général. Le débat ouvert à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale se poursuivra donc, dès le printemps prochain, avec la présentation de la loi de modernisation de notre système de santé.

Deuxième orientation : la consolidation des régimes par répartition.

Evoquons rapidement la question des retraites. Je ne vais pas revenir une nouvelle fois sur la méthode du Gouvernement ; elle repose sur un triptyque simple, qui vous a été décrit plusieurs fois : diagnostic, dialogue, décision.

M. Jean Bardet.

Enfin, on parle de médecine : diagnostic, pronostic, traitement ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Après l'établissement d'un diagnostic concerté par le Commissariat général au Plan, des consultations ont été lancées auprès des partenaires sociaux afin d'aboutir, au début 2000, à la définition des principes directeurs pour la réforme des régimes de retraite. Notre objectif est avant tout la consolidation du système par répartition et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

le maintien de la garantie du droit à la retraite pour tous.

Ce système est le seul garant de la justice sociale et de la solidarité entre générations.

Vous avez rétabli l'abondement du fonds de réserve par les excédents de la CNAV, par une partie des prélèvements sur les revenus du capital, et vous avez introduit dans le texte, grâce à un amendement du président Le Garrec, le principe d'une dotation en provenance de la Caisse des dépôts et consignations. Le fonds de réserve est aujourd'hui doté de 2 milliards de francs. Dès 2000, il sera abondé des excédents 1999 de la CNAV, pour 4,4 milliards de francs, et d'une partie de l'excédent prévisionnel 2000, à hauteur de 2,9 milliards de francs, ainsi que d'une fraction, 49 %, des prélèvements sur les revenus du capital, soit 5,5 milliards de francs. A cela s'ajoutent les 3 milliards de francs en provenance de la Caisse des dépôts et consignations et les 4 milliards de francs en provenance du fonds de mutualisation des caisses d'épargne. Au total, 22 milliards de francs seront ainsi mis en réserve, fin 2000, pour le financement des retraites futures.

Cette dotation significative, deux ans seulement après la création du fonds, montre la détermination du Gouvernement à tout mettre en oeuvre pour assurer aux futurs retraités une retraite convenable. Peu de gouvernements ont ainsi constitué des réserves au profit des futures générations. Au contraire, les gouvernements précédents n'ont fait qu'accumuler des dettes, que l'ensemble des Français seront obligés de payer jusqu'en 2014.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Hélas ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Les dettes transférées à la CADES correspondant aux déficits des années 1994 à 1997 s'élèvent en effet à plus de 200 milliards de francs.

Troisième orientation : l'amélioration de la prise en charge des maladies professionnelles.

Nous avions ouvert, dans le PLFSS pour 1999, une possibilité de cessation anticipée d'activité pour les salariés victimes de l'amiante. Nous avons décidé, cette année, d'aller plus loin : ce dispositif sera étendu aux salariés des entreprises de flocage et de calorifugeage, aux secteurs de la construction et de la réparation navale ainsi qu'aux dockers ayant travaillé dans des ports où transitait l'amiante.

Enfin, répondant à votre demande, nous avons introduit une réforme visant à éviter que les victimes d'accidents successifs aient, pour un même taux d'incapacité, une indemnisation inférieure à celle obtenue dans le cas d'un accident unique.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Quatrième orientation : la rénovation de la politique familiale.

Je reviens en quelques mots sur les trois axes principaux d'action que nous avons retenus : L'aide aux familles, pour leur permettre de mieux prendre en charge les jeunes adultes, en relevant à vingt et un ans l'âge limite pris en compte pour le calcul des allocations logement et le versement du complément familial ; Le soutien aux parents dans leur rôle éducatif, notamment à travers la création d'un réseau d'écoute et d'appui, et une plus grande attention accordée aux familles dans tous les services publics, en premier lieu à l'école ; L'amélioration de l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle, via la réduction du temps de travail, le soutien à la reprise d'activité des femmes et le renforcement des dispositifs d'accueil des enfants.

Pour permettre la conduite de cette action importante du Gouvernement, la pérennité des ressources consacrées à la politique familiale est garantie par ce projet de loi.

Enfin, la réforme du financement de la protection sociale pour favoriser l'emploi est en cours.

Vous avez rétabli le nouveau dispositif d'allégement de c harges unifié proposé par le Gouvernement, qui comporte un nouveau mécanisme d'allégement sur les bas et moyens salaires, en remplacement de la ristourne dégressive dite « ristourne Juppé », à la fois plus ample que cette dernière pour supprimer la trappe à bas salaires - les allégements vont jusqu'à 1,8 SMIC, alors qu'ils s'arrêtent à 1,3 SMIC aujourd'hui - et plus puissant. Cette partie de l'allégement représentera en régime de croisière 65 milliards de francs, soit 25 milliards de plus que la ristourne Juppé. Elle sera complétée par une aide pérenne aux 35 heures de 4 500 francs par salarié dans les entreprises passées à 35 heures.

Cette réforme des cotisations patronales était, de l'avis de tous, essentielle pour enrichir la croissance en emplois.

En finançant ainsi un allégement supplémentaire de cotisations sociales de 25 milliards de francs en faveur des entreprises, nous respectons une nouvelle fois la priorité à l'emploi que s'est fixée le Gouvernement.

Pour satisfaire cette exigence, aucune piste ne doit être négligée. C'est pourquoi, à l'occasion de ce texte, nous poursuivons la baisse du coût du travail sur les bas et les moyens salaires. Une telle réforme pour l'emploi mérite, je le crois, le soutien de tous.

Mesdames et messieurs les députés, nous voulons remercier une fois encore, le président de la commission des affaires sociales, Jean Le Garrec, et les rapporteurs, Marie-Françoise Clergeau, Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Jérôme Cahuzac, pour le travail qu'ils ont accompli sur ce texte.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale engage un nouveau train de réformes qui vient prolonger et amplifier celles engagées depuis deux ans et demi.

Vous avez rétabli sa cohérence et lui avez redonné une ambition. Cette ambition est simple : pérenniser notre système de protection sociale, qui est fondé sur la justice sociale, l'égalité des droits et la solidarité entre les individus et les générations.

Un tel projet mérite, je crois, la mobilisation de tous.

Une fois encore, celle de votre assemblée n'a pas manqué.

Je vous en remercie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de regretter l'absence de Martine Aubry, que nous croyions très attachée à ce projet et avec qui, comme chacun sait, nous aimons débattre.

Ce projet de loi, que nous avions critiqué en première lecture, avait été heureusement amélioré par la sagesse sénatoriale. Les sénateurs avaient notamment revu le volet


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

financement, rejetant la création du fonds pour les 35 heures. Ils avaient également réécrit en le simplifiant l'article 17, remplaçant les inadmissibles sanctions collectives et les lettres clés flottantes par une prise en compte des pratiques individuelles dans le cadre d'une régionalisation.

Le Gouvernement et sa majorité ont souhaité balayer ces améliorations et en revenir tout simplement au texte que nous avions refusé en première lecture. Dès lors, nous ne pouvons que reprendre nos critiques et appeler à voter contre.

Le financement des 35 heures occupe une place très importante dans ce projet de loi qui devrait être consacré aux problèmes de la santé, de la famille, de la retraite.

Pour financer les 35 heures, vous proposez la création d'un fonds avec conseil d'administration et conseil de surveillance. Il aurait été beaucoup plus simple d'appliquer le principe de la loi de 1994 qui prévoit que, pour ne pas pénaliser la protection sociale, l'Etat compense intégralement les exonérations qu'il décide et les verse à l'ACOSS.

Vous alimentez ce fonds par des recettes dont chacune devrait avoir une destination plus appropriée.

Je ne reviens pas sur l'improvisation du premier mode de financement, ni sur votre reculade à la veille du débat en raison d'un front uni des partenaires sociaux, mais cet épisode a abouti à un bricolage étonnant.

Pour financer les 35 heures, vous faites appel à la taxe sur les tabacs, pour 39,5 milliards qui devraient servir à soigner les victimes du tabagisme et surtout à financer la prévention.

Vous faites appel à la taxe sur les alcools, pour 5,6 milliards qui seraient eux aussi mieux utilisés à financer les soins et la prévention.

Vous affectez la taxe sur les activités polluantes au financement des 35 heures : 3,2 milliards qui devraient servir à améliorer la qualité de l'environnement, de l'air et de l'eau, en permettant par exemple la mise aux normes des élevages.

Vous créez un nouvel impôt sur les bénéfices des entreprises, 4,3 milliards, et prenez 7 milliards dans la poche des salariés qui ne seront plus rémunérés pour les heures supplémentaires.

Malgré tout ce bricolage de taxes et d'impôts, il manquera, en 2001, 20 milliards. Donc les 35 heures ne sont pas financées, pas plus d'ailleurs que la CMU.

De plus, critique majeure, ce projet ne prépare pas l'avenir du pays. Vous ne profitez pas de la croissance pour entreprendre les réformes indispensables.

Pour la famille, d'abord. Contrairement à d'autres pays, vous n'avez pas de politique familiale. Bien plus, vous abrogez la loi de 1994 qui prévoyait l'extension du versement des prestations au-delà de vingt ans. Vous n'entreprenez aucune simplification des 25 prestations et des 15 000 références totalement ingérables et inexplicables. Vous accordez une augmentation limitée à 0,5 % alors que l'inflation prévue est de 0,9 %. Bien loin d'un coup de pouce, il s'agit d'une perte de pouvoir d'achat programmée pour les familles.

Pour les retraites, alors que les données démographiques sont connues de tous, confirmées par le rapport Charpin et qu'il y a urgence, vous ne décidez rien et demandez encore d'attendre.

Le fonds de réserve est demeuré virtuel pendant un an.

L'augmentation des retraites de 0,5 %, avec une inflation de 0,9 %, sera perçue à juste titre comme une baisse du pouvoir d'achat.

Vous proposez pour la CNRACL une augmentation des cotisations, que les collectivités apprécieront comme il se doit.

L'UDF souhaite conforter la retraite par répartition en accroissant l'autonomie de la CNAV. Elle demande, dans un esprit de transparence, la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires gérée paritairement, l'harmonisation progressive des règles appliquées aux divers régimes et la mise en place effective de l'épargne retraite.

P our la santé, votre gestion est essentiellement comptable. Vous ne prenez pas comme base les besoins de la population, mais les dépenses de l'année précédente.

Vous n'améliorez en rien la prévention et l'éducation à la santé, alors que notre pays est dramatiquement en retard.

Vous réalisez le tour de force de ne pas consacrer un seul article aux hôpitaux, alors qu'ils jouent un rôle majeur dans notre système de soins et que beaucoup, malgré la compétence et le dévouement de leur personnel, connaissent de grandes difficultés.

Mais les deux reproches majeurs que nous vous adressons concernent l'évolution programmée vers l'étatisation et l'instauration de sanctions collectives par les lettres clés flottantes.

Certes, vous confiez en apparence la gestion de l'ambulatoire à la CNAM, mais vous l'encadrez strictement et gardez la main en dernier ressort. Dans le même temps, vous conservez bien sûr les hôpitaux et le médicament, et récupérez les cliniques. Vous renforcez donc l'étatisation du système. Pire, à une époque où chacun réclame la fongibilité des enveloppes, vous renforcez les barrières et les rigidités : ce n'est pas un progrès.

Vous instituez les lettre clés flottantes. Après avoir été sanctionnés l'année dernière par le Conseil constitutionnel, vous nous proposez la plus perverse des sanctions collectives. Nous allons donc déférer à nouveau cette loi au Conseil constitutionnel.

L'UDF réclame un « Grenelle de la santé » pour que chacun puisse participer à la sauvegarde et à l'amélioration de notre système. Nous pensons que la solution réside dans la responsabilisation de chacun des acteurs, et surtout dans la régionalisation, qui permet une politique de santé de proximité et l'adéquation de l'offre aux besoins, avec un développement de la prévention adaptée et une responsabilité de la gestion.

Comme vous pouvez le constater, l'UDF rejette ce projet de loi. Nous désapprouvons le volet recettes et le financement ubuesque des 35 heures. Vous ne préparez pas l'avenir du pays : nous dénonçons l'absence de politique familiale, l'absence de l'indispensable réforme desr etraites ; nous réfutons l'évolution prévisible de la branche santé vers une étatisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Terrier, pour le groupe socialiste.

Madame la secrétaire d'Etat, avec l'amélioration de la qualité des soins et l'abondement du fonds de réserve des retraites, une étape supplémentaire est franchie grâce à ce projet de loi.

Quel bilan pouvons-nous tirer des deux lectures ? Nous y trouvons plusieurs points de satisfaction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Le premier - et il a son importance - est que sera assuré, en fin d'année 2000, l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il y a là, me semble-t-il, matière à donner satisfaction à tous les députés, où qu'ils siègent. En effet, force est de constater que tous les gouvernements, depuis de nombreuses années, appellent de leurs voeux ce retour à l'équilibre qui garantira l'avenir et la pérennité de la sécurité sociale. Tous ont connu un échec et aujourd'hui, pour la première fois depuis bien longtemps, ce gouvernement y parvient. Ce constat devrait recueillir l'approbation de tous.

Le deuxième point de satisfaction qui devrait être partagé par tous tient au fait que cet équilibre est obtenu sans augmentation des contributions...

M. François Goulard.

Evidemment, c'est déjà fait !

M. Gérard Terrier.

... et sans aucune diminution des dépenses de santé. Cela prouve, monsieur Goulard, que mon argumentation est assise sur des bases sérieuses et non pas volatiles, comme c'est bien souvent le cas des vôtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Bien au contraire, l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie est en augmentation de 2,5 %.

J'ajoute, ce qui est encore plus significatif, que cette augmentation a été demandée l'année dernière par vousmêmes, messieurs de la minorité ! Troisième point de satisfaction : pour la première fois, nous abondons le fonds de réserve des retraites. A la fin de l'exercice 2000, plus de 20 milliards de francs y seront inscrits. Bien sûr, ce montant, nous le savons, est encore insuffisant.

M. Jean Bardet.

Quand même !

M. Gérard Terrier.

Mais l'essentiel, monsieur Bardet, c'est que ce fonds soit enfin créé, qu'il soit doté et qu'il doive encore être alimenté afin de répondre aux attentes de nos concitoyens.

Enfin, un dernier motif de satisfaction - pour nous en tout cas, car l'opposition n'est sûrement pas décidée à partager notre analyse, - réside dans la poursuite d'un chantier indispensable, la modification de l'assiette des charges patronales, amorcée avec le basculement sur la CSG des contributions salariales. Cette orientation, qui n'a pas été suffisamment soulignée dans nos débats, est pourtant d'une importance capitale. Les fruits du travail sont en effet en recul par rapport aux fruits du capital.

En outre, le progrès technologique se substitue au travail des hommes, ce qui, en soi, est une bonne chose, à condition de prendre en compte l'impact de cette donnée sur le plan social, c'est-à-dire sur l'emploi et les financements s'y rapportant.

Ce projet de loi constitue une avancée sociale et économique. En effet, en y intégrant, comme vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'Etat, la baisse des cotisations patronales sur les bas salaires et en l'appliquant aux salaires atteignant jusqu'à 1,8 SMIC, il réconcilie la justice sociale, en évitant l'effet de trappe à bas salaires, et l'efficacité économique, en diminuant le coût des charges patronales, ce qui permettra aux entreprises d'améliorer leur compétitivité...

M. Jean-Luc Warsmann et M. André Angot.

C'est faux !

M. Gérard Terrier.

... et de poursuivre le retour vers le plein emploi.

M. Arthur Dehaine.

Un rêve !

M. Gérard Terrier.

Au chapitre de la famille, des avancées également significatives sont soit maintenues, soit réalisées. Je pense, entre autres, au maintien de l'allocation de rentrée scolaire qui est appréciée, si ce n'est par nos collègues de l'opposition,...

M. Arthur Dehaine.

Bien sûr que si !

M. Gérard Terrier.

... du moins par les familles qui en bénéficient et qui savent que notre politique de la famille ne se paie pas de mots, mais opère de réels progrès.

L'ensemble des Français peuvent être rassurés quant aux objectifs poursuivis par le Gouvernement. Car nous avons, dans ce projet de loi, inscrit très fortement les orientations qui sont les nôtres. C'est pourquoi le groupe socialiste le votera.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet, pour le groupe RPR.

M. Jean Bardet.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une nouvelle fois, je regrette que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ne nous fasse pas l'honneur de participer à nos débats.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Mais elle est bien représentée !

M. Jean Bardet.

Je comprends votre lassitude, parce que cela devient une habitude.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je suis là, monsieur Bardet.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Bien sûr ! C'est d'une incorrection !

M. Jean Bardet.

La messe est dite. Depuis la volte-face du parti communiste en première lecture, il n'y a plus de suspense : le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera voté. Je reviendrai rapidement sur les raisons pour lesquelles le groupe RPR votera contre.

Financement des 35 heures par les prestations sociales, même si c'est de façon indirecte.

Toujours pour financer les 35 heures : taxe sur les bénéfices des entreprises ; taxe sur le travail par l'intermédiaire des heures supplémentaires ; taxe sur les activités polluantes, qui devait servir à la dépollution.

Aucune politique familiale à long terme.

Aucune décision pour adapter nos régimes de retraite lorsque les générations d'après-guerre arriveront à l'âge de la retraite.

R isque grave d'atteinte au secret médical avec l'article 18, qui a été dénoncé sur tous les bancs de cette assemblée. Il s'agit d'ailleurs d'une volonté délibérée du Gouvernement, encore aggravée par l'article 57 de la loi de finances.

Abandon de la politique contractuelle puisque, dans les discussions avec les professionnels de santé, la CNAM aura toujours le dernier mot.

Institution de lettres clés flottantes - reprise sous une autre forme des sanctions collectives -, agrémentées d'une ristourne pour les médecins qui auront respecté des engagements purement comptables de bons soins.

Responsabilité entière de la CNAM pour la médecine de ville et de l'Etat pour l'hospitalisation publique et privée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Enfin, pour terminer cette énumération catastrophique, je voudrais dénoncer la vision purement économique et comptable de ce PLFSS, puisque l'ONDAM a été fixé sur la base d'objectifs de recettes et non pas d'objectifs sanitaires.

Mais, au-delà de ces critiques, je soulignerai deux points.

Tout d'abord, je déplore le mépris dans lequel a été tenue l'opposition au cours de ce débat. Même lorsque celle-ci a fait des propositions constructives, que ce soit dans cet hémicycle ou au Sénat, même lorsque ces propositions recevaient sur les bancs de cette assemblée un accueil favorable, elles ont été repoussées, le plus souvent sans le début d'une explication. La raison en est simple : pendant que l'opposition s'exprimait, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité soit n'écoutait pas, soit discutait avec les rapporteurs, soit plaisantait avec ses conseillers.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Outin.

C'est petit !

M. Albert Facon et M. Didier Boulaud.

C'est nul !

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Bardet est un petit rapporteur !

Mme la présidente.

Poursuivez, monsieur Bardet.

M. Jean Bardet.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister est beaucoup plus grave.

Par ce projet de loi, aucun des défis qui se présentent à nous pour les années à venir n'est relevé. Notre système de protection sociale est en danger.

Vous vous vantez cette année de résultats proches de l'équilibre, mais vous savez qu'ils sont liés à la reprise économique mondiale. Qu'il y ait une inversion de tendance, et le déficit sera de nouveau au rendez-vous.

En effet, vous n'avez résolu aucun des problèmes majeurs qui sont de votre responsabilité, qu'il s'agisse du chômage - reportez-vous, chers collègues, à l'article paru dans le Point de la semaine dernière car les explications de Mme la ministre, cet après-midi, ne nous ont pas convaincus - qu'il s'agisse de la famille, des retraites, de la médecine de ville ou des hôpitaux.

En fait, vous êtes en train de créer une médecine à plusieurs vitesses en ouvrant, en catimini, une voie royale aux assurances privées dans la plus grande déréglementation. Celles-ci s'empressent de rembourser les médicaments que la CNAM ne rembourse pas, ce qui ne peut que favoriser les plus nantis, alors que nous, nous voulons une expérimentation au grand jour, limitée dans le temps et sans sélection des risques, pour pouvoir juger.

Vous prenez, madame la secrétaire d'Etat, une lourde responsabilité car au cours de ce débat l'opposition vous a posé de vraies questions. Mais vous n'avez pas voulu l'entendre et encore moins lui répondre.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Pontier.

M. Jean Pontier.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'objectif du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 se veut à la fois clair et ambitieux. Mais il peut aussi paraître hors d'atteinte aux yeux des sceptiques, avec un déficit, en 1999, de 4 milliards de francs, dû au déficit de 12 milliards de sa branche maladie, alors que les autres sont excédentaires. Et d'autres pourront regretter la nonparution des décrets relatifs à la couverture maladie universelle devant entrer en vigueur au 1er janvier 2000.

M. Jean-Luc Warsmann.

Bonne remarque !

M. Jean Pontier.

Ambitieux, ce budget l'est, puisqu'il souhaite présenter un excédent du régime général de 2 milliards de francs en 2000, compte tenu des fonds spéciaux relatifs au financement des 35 heures : droits sur les tabacs et les alcools par exemple, fonds de réserve pour les retraites.

A cet égard, et pour améliorer la clarté du dispositif, il sera opportun, au-delà des cycles conjoncturels, d'ouvrir ultérieurement le débat sur l'affectation des réserves si la sécurité sociale devait continuer à présenter des excédents durables.

Ce retour annoncé à une meilleure santé des comptes sociaux vous permet, madame la secrétaire d'Etat, de chercher à conforter les sept points suivants de la politique de protection sociale : Une meilleure régulation de la médecine de ville par les caisses et les professionnels de santé comme de la maîtrise des dépenses de médicaments, de prothèses et d'appareils, en souhaitant que les remboursements se maintiennent à un niveau convenable, s'agissant notamment de l'optique et de la dentisterie ; L'adaptation aux besoins de l'offre hospitalière, en particulier par la mise en réseau des établissements de proximité, y compris entre les secteurs public et privé à partir des schémas régionaux d'organisation sanitaire même si, fort souvent, les remises en cause sont difficiles à avaliser et risquent de toucher à l'emploi local ; L'amélioration de la sécurité au travail, dont la prise en charge des victimes de l'amiante me paraît être un bon exemple, même si elle intervient un peu tardivement, ou l'éradication du saturnisme et l'information sur le radon ; Le renforcement de la politique familiale, qui passe par les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de parent isolé, l'allocation parentale d'éducation, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de soutien familial, l'aide à l'emploi d'assistantes maternelles, l'allocation pour jeune enfant, et par la notion d'enfant à charge jusqu'à vingt et un ans pour les aides au logement et le complément familial ; L'adaptation des régimes de retraite par répartition pour répondre au vieillissement par la constitution d'un fonds de réserve d'environ quinze à vingt milliards de francs en 2001 et par l'amélioration des réponses s'agissant de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. A cet égard, vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, les modalités d'attribution de la prestation spécifique dépendance, comme la réforme de la tarification, ne sont pas, tant s'en faut, pleinement satisfaisantes ; L'intégration des personnes handicapées par l'effort soutenu de création de structures adaptées aux besoins, notamment en matière de handicap mental, de CAMSP et de SESSAD, par la mise en place du plan pluriannuel de maisons d'accueil spécialisées pour les adultes et de foyers à double tarification ; Enfin, la réforme des cotisations patronales assises sur les salaires, notamment ceux des moins qualifiés, pour favoriser l'emploi. Le fonds peut être évalué à une somme comprise entre 62 et 67 milliards de francs pour 2000.

Si l'on peut regretter que le rôle de proposition de la Caisse nationale d'assurance maladie n'ait pas donné lieu, concernant son premier vrai plan de refondation du système de soins, à meilleure concertation pour une collaboration fructueuse, si l'on ne peut qu'espérer enfin le déblocage des relations conventionnelles avec la majorité des professionnels de santé, si l'on peut, à juste raison,


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redouter le danger d'une certaine fin du paritarisme comme l'offensive assurantielle des dispositifs nouveaux dans tous les domaines de risques de l'existence conduisant à une forme de sécurité sociale minimale, on doit, en revanche, se féliciter de ce que ce projet de budget conforte encore la protection sociale.

Ce redressement prometteur, s'il est dû à la croissance et à la baisse du chômage, est aussi le fruit des mesures correctrices que vous avez, madame la secrétaire d'Etat, prises en cours d'année, et des réformes structurelles conduites depuis deux ans. C'est pourquoi, le groupe RCV votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de manière assez curieuse, le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale a porté, en deuxième comme en première lecture, d'abord et avant tout sur le financement des 35 heures. Or, nous contestons la méthode qui veut que vous imputiez désormais les dépenses de la politique de l'emploi sur le financement de la sécurité sociale. C'est là un mélange des genres difficilement acceptable, et qui nous amène, de manière parcellaire, à parler de fiscalité des entreprises ou de lutte contre les pollutions au lieu de discuter du financement de la sécurité sociale. Nous considérons que cela constitue une infraction grave au principe d'unité budgétaire. Nous estimons également que le budget de l'Etat, tout comme celui de la protection sociale, y perd en lisibilité. C'est particulièrement regrettable.

Pour financer l'impact considérable du passage aux 35 heures, vous mettez en place des allégements de charges sociales qui sont à la fois conditionnels, partiels et inégalitaires. Le coût de cette mesure, qui dépasse 10 % pour l'ensemble des entreprises, ne sera pas, globalement, compensé par ces allégements. De plus, la charge va peser de manière aveugle sur certaines entreprises, sans qu'il y ait de raison qu'elles supportent plus que d'autres le coût des 35 heures. L'exemple de l'agriculture est spécialement choquant : elle va supporter le poids de la taxe générale sur les activités polluantes, alors même que les agriculteurs travaillent souvent deux fois 35 heures par semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Démago !

M. François Goulard.

Ce sont eux qui vont payer le coût des 35 heures.

Naturellement, il n'y a pas dans ce projet de loi de financement la moindre réponse au lancinant problème des retraites et de leur avenir. Vous préférez reporter la décision de débat en débat, de rapport en rapport. Vous affectez quelque malheureux 20 milliards à ce fonds de réserve. Mais nous savons bien que cette somme ne représente pas le dixième du déficit prévisible de notre régime de retraite générale à l'horizon 2006 ou 2007.

Madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur ce dossier fondamental pour la protection sociale des retraites, la seule réponse, à terme, est démographique. Et il va falloir que nous prenions conscience que notre système de retraite par répartition, tel qu'il est et qu'il doit être consolidé, est néanmoins parfaitement inégalitaire.

En effet, les actifs d'aujourd'hui paient des retraites globalement convenables à d'anciens actifs qui eux-mêmes ont assez peu cotisé car les retraites étaient il y a vingt ou trente ans relativement faibles dans notre pays. Mais ces mêmes actifs qui paient cher pour les retraités d'aujourd'hui ont l'assurance que leurs lourdes cotisations correspondront à des prestations indigentes demain.

Il est nécessaire aujourd'hui d'introduire le paramètre familial dans les retraites, ne serait-ce que pour corriger l'inégalité dont souffrent les femmes qui, généralement, ont beaucoup moins cotisé et touchent des pensions de réversion particulièrement faibles. Il faut revoir notre régime de répartition pour y introduire davantage d'égalité.

Mais, naturellement, ces considérations familiales vous sont étrangères. En effet, s'il y a un chapitre totalement oublié dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est bien celui de la politique familiale. Les ambitions de la loi de 1994 ont été passées par pertes et profits. Vous n'avez strictement aucune politique familiale.

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quant à l'assurance maladie, à part une hausse considérable des cotisations, ce dossier n'a strictement pas progressé depuis trois ans. Vous en êtes toujours à ce principe des sanctions collectives totalement inapplicable et injuste. Que vous les appeliez lettres flottantes ou reversements, elles subiront probablement le même sort devant le juge constitutionnel et ne constitueront pas une réponse satisfaisante à la maîtrise des dépenses de soins.

Mme la présidente.

Je vous invite à conclure, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Enfin, madame la secrétaire d'Etat, vous instaurez une scission entre l'assurance maladie et les agences régionales d'hospitalisation, entre la médecine de ville et les hôpitaux, qu'ils soient publics ou privés, au moment où chacun s'accorde à penser qu'il conviendrait de les faire coopérer.

Mme la présidente.

Il faut conclure, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Bref, en enfermant cette discussion du financement de la sécurité sociale dans une routine sans vous attaquer aux dossiers de fond qui sont devant nous, vous confirmez que la sécurité sociale n'est pas la préoccupation de votre gouvernement et que, décidément, vous préférez le court terme à l'avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

M me Jacqueline Fraysse.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes conduits à voter en deuxième lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dont nous avons beaucoup débattu.

Ce texte s'inscrit à mi-mandat du gouvernement de gauche. En 1997, des attentes fortes ont été exprimées et un changement est attendu notamment dans le domaine


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de la santé et de la protection sociale, sujet auquel les Françaises et les Français sont particulièrement attachés.

Nous avons la responsabilité de ne pas les décevoir.

A l'issue de la première lecture, nous avions exprimé des réserves importantes et noté des insuffisances certaines sur le texte initialement proposé. La droite sénatoriale a amplifié ou validé ces insuffisances en approuvant, par exemple, la non-indexation sur l'évolution prévisionnelle des prix, des pensions de retraite et des prestations familiales. Elle a également tenté de nous resservir le plan Juppé que nous avions combattu et qui l'a conduite là où nous savons.

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je vous demande d'écouter Mme Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous aurions pu penser que des enseignements en auraient été tirés. Certes, cette année l'ONDAM a été calculée en fonction des dépenses réalisées et non en fonction de l'objectif précédent, ce qui est positif. Cependant, le procédé qui consiste à imposer des enveloppes sans avoir préalablement et démocratiquement déterminé les besoins sanitaires et sociaux, demeure.

Force est de constater que cette logique n'est malheureusement pas remise en cause.

Mme la présidente.

Un peu de silence, mes chers collègues.

Mme Jacqueline Fraysse.

Concernant le financement, nous souhaitions une véritable réforme des cotisations patronales qui tienne réellement compte de l'activité des entreprises en pénalisant celles qui spéculent et qui licencient, en favorisant celles qui créent des emplois. Or nous nous retrouvons avec une amplification des exonérations, la création de taxes sur les heures supplémentaires et sur les lessives qui pénaliseront salariés et consommateurs, et la réaffectation de celles qui existent déjà comme sur les tabacs et les alcools.

Seule la contribution sur les bénéfices des sociétés va impliquer les entreprises dans le financement de la sécurité sociale. Cette mesure est bonne mais elle ne constituera que 0,23 % des recettes seulement. Cela reste donc très modeste au regard des sommes brassées et jouées tous les jours à la bourse.

La nature du financement proposé ne permet pas d'envisager sereinement la pérennité du financement de notre protection sociale ni de dégager les moyens supplémentaires pour répondre aux importants besoins exprimés. Ainsi, faute de ressources suffisantes, les mesures qui s'imposent pour répondre aux exigences légitimes de la population et des professionnels ne peuvent être entreprises, alors que nous avons tous les jours des exemples d'insatisfaction sur le niveau de certains remboursements, mais aussi dans les CAF, dans les hôpitaux, comme de la part des professionnels ou des retraités dans leur ensemble qui manifestent leur désapprobation.

Mme la présidente.

Veuillez faire silence, mes chers collègues.

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous partageons leurs préoccupations, car nous sommes nous-mêmes insatisfaits des mesures proposées et des moyens dont disposent les représentants de la nation pour faire évoluer ce projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le texte voté en première lecture ayant été rétabli, vous comprendrez que les réserves émises lors du premier examen demeurent aujourd'hui. L'augmentation du minimum vieillesse et des pensions de réversion ainsi que la reconnaissance des centres de santé ne suffisent pas à apaiser nos préoccupations alors que baisse le pouvoir d'achat des allocations familiales et celui des pensions et retraites.

(Mêmes mouvements.)

Les assurés sociaux sont en droit d'attendre un système de protection sociale efficace qui réponde à leurs exigences, qui prenne en compte leurs préoccupations en matière d'accès aux soins, de politique familiale ou de retraite.

Cela exige une réorientation des richesses créées, notamment dans les entreprises, afin de les mettre au service de l'ensemble des citoyens.

En conséquence, pour les mêmes raisons qui les ont amenés à s'abstenir une première fois, les députés communistes s'abstiendront de nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme la présidente.

Je voudrais saluer le mérite de Mme Fraysse qui a parlé dans un brouhaha certainement très pénible pour elle.

M. Maxime Gremetz.

En effet, c'est scandaleux ! Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

Mme la présidente.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

538 Nombre de suffrages exprimés .................

507 Majorité absolue .......................................

254 Pour l'adoption .........................

272 Contre .......................................

235 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

3 RÉDUCTION NÉGOGIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

Mme la présidente.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 17 novembre 1999.

« Monsieur le président,

« J'ai été informé que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.


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« J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte que je vous ai transmis le 5 novembre 1999.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi (nos 1889, 1937).

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'interviens devant vous pour présenter une nouvelle fois les objectifs poursuivis par le Gouvernement avec ce texte majeur, relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Depuis deux ans, vous le savez, le Premier ministre a fait de l'emploi la priorité du Gouvernement. Aucune piste n'a été négligée. Nous commençons d'ailleurs à en voir les résultats avec le recul du chômage.

S'agissant de la réduction de la durée du travail, que nous avons toujours présentée comme une piste parmi d'autres pour réduire le chômage, nous avons retenu une méthode : la négociation.

La loi du 13 juin 1998 a lancé un appel à la négociation, qui, je crois pouvoir l'affirmer, a été entendu. Plus de 18 000 accords d'entreprise et 112 accords de branche ont été signés. Le tiers des salariés des entreprises de plus de 20 salariés sont d'ores et déjà à 35 heures ou sur le point d'y passer. Sur de nombreux points, les accords, en particulier les accords d'entreprise, ont innové pour organiser une réduction sur mesure de la durée du travail, seule à même de prendre en compte les caractéristiques de chaque entreprise, de répondre aux aspirations des salariés et de générer un effet sur l'emploi le plus important possible.

La seconde loi a été bâtie en s'inspirant de ces avancées. Mais elle a également pu innover parce que, préalablement, les 50 000 négociateurs des accords d'entreprise et les partenaires sociaux l'avaient fait eux-mêmes.

Le pré-bilan réalisé fin avril et le bilan effectué miseptembre ont d'ailleurs été examinés avec les organisations patronales et syndicales ; ils ont pu ainsi constituer une base objective pour préparer cette loi.

Et pourtant, j'ai entendu encore tout récemment des propos qui ne rendent pas compte de la vérité et que je ne peux donc laisser sans réponse. La seconde loi, à les croire, n'aurait pas été soumise à toutes les consultations qui s'imposaient. Or, je le répète, avant même le conseil des ministres du 28 juillet, toutes les organisations patronales et syndicales ont été entendues à plusieurs reprises, je pense en particulier aux cinquante plus grandes branches professionnelles, aux syndicats de salariés, aux réseaux de professionnels, au centre des jeunes dirigeants, a ux experts-comptables, à l'association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel.

A l'automne, avant même la première lecture, nous avons recommencé à travailler, parallèlement à votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Nous avons à nouveau discuté avec le MEDEF, avec les principales branches professionnelles. Nous avons rencontré l'ensemble des organisations syndicales et avec certaines organisations que vous avez vous-mêmes entendues ou reçues - je pense à l'Union professionnelle artisanale et qui ont soulevé les problèmes auxquels pouvaient se trouver confrontées les petites entreprises. Les organisations syndicales ont présenté leurs demandes à la représentation nationale comme au Gouvernement, sur les durées maximales, sur les astreintes ou sur les contreparties en matière de modulation et de temps partiel. Vous vous en êtes d'ailleurs largement inspirés lors de la première lecture à l'Assemblée.

Or le texte adopté par le Sénat ne tient compte ni de cette dynamique, ni de cette concertation, ni de l'appui que nous avons obtenu en reprenant largement le contenu des accords signés. Il conduirait d'ailleurs, s'il était adopté, à stopper totalement le processus de réduction et de négociation sur le temps de travail. Ainsi, le Sénat a décidé de maintenir le calendrier des aides de la loi du 13 juin 1998, tout en supprimant l'aide structurelle, sans même réintroduire le dispositif de Robien qu'il avait pourtant voté voilà quelques années. Ce choix se double de la suppression de l'allégement des charges sociales, ce qui peut sembler étonnant quand on sait que le Sénat a adopté une proposition de loi en juin dernier sur le même sujet. Il est difficile d'y trouver une cohérence... Il en est une en revanche dans le fait que le Sénat n'ait maintenu que les seules dispositions tendant à aménager le temps de travail, en les amplifiant d'ailleurs largement, sans prévoir la moindre contrepartie en termes de garantie ou d'encadrement par le législateur. Aussi le texte, tel qu'il ressort du Sénat, fait-il la part très large aux souplesses de toutes natures, aux flexibilités, à la précarisation, laissant totalement de côté la réduction de la durée du travail, les contreparties et les garanties que pouvaient attendre les salariés. La proposition de modulation sans contrepartie prend donc totalement à contrepied la lettre et l'esprit des accords jusqu'alors conclus.

S'agissant des cadres, je ne puis davantage être d'accord avec la solution adoptée par le Sénat, qui consiste à renvoyer à la négociation de branche les modalités excluant l'application du droit commun, mais sans laisser à la loi le soin de définir les règles applicables à cette catégorie.

Nous nous retrouverons donc dans la situation antérieure où le code du travail ne s'appliquait pas directement aux cadres.

Il me paraît donc essentiel de rétablir le projet de loi dans son ordonnancement initial, tel que vous l'avez adopté en première lecture.

Cette seconde loi a une ambition : la réussite des 35 heures. Nous nous le sommes déjà dit très clairement : nous ne sommes pas là pour plaire ou déplaire à quelques-uns ou quelques-unes, mais bien pour réussir, pour faire en sorte que, grâce à la négociation, seule capable de définir les moyens, entreprise par entreprise, les 35 heures apportent de meilleures conditions de travail, mais aussi des créations d'emplois.

Le projet de loi s'appuie donc sur l'ensemble des accords signés. A cet égard, il convient de rappeler que, contrairement à ce que l'on prétend ici ou là, les accords d'entreprise sont d'ores et déjà applicables. Nous en voyons du reste d'ores et déjà les résultats en termes de créations d'emplois. En démocratie, les faits sont toujours plus importants que les slogans, aussi voudrais-je redires olennellement devant l'Assemblée nationale que les accords de branche sont d'ores et déjà applicables pour les quatre-vingt-quatorze d'entre eux qui ont été étendus, alors que vingt-trois autres restent en examen. Une seule convention, qui s'était d'elle-même située en dehors du cadre de la loi, reste encore en dehors de l'épure ; son extension avant le 1er janvier 2000 n'avait du reste pas été demandée. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit, je reste évi-


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demment ouverte à toutes les propositions de modification qui pourraient rendre cette convention applicable, pour peu qu'elle s'inscrive dans le cadre de notre réglementation.

Pour le reste, toutes les clauses étendues dans ces accords de branche sont et seront applicables. Que l'on n'aille pas faire croire aux chefs d'entreprise qu'ils ont négocié pour rien : c'est totalement faux. Seules les clauses explicitement exclues des conventions collectives lors de l'extension, parce que contraires au droit, nes eront pas applicables. Elles étaient du reste déjà contraires à la loi avant même la loi de 1998 : je pense notamment à une ou deux conventions qui tendaient à banaliser le travail le dimanche, ou encore à certaines autres qui souhaitaient que la formation soit totalement prise en compte en dehors du temps de travail ou à telles autres qui cherchaient à généraliser le forfait tous horaires au-delà des cadres dirigeants. Nous ne pouvions bien évidemment accepter de telles dispositions. Aussi avons-nous étendu les accords de branche en excluant ces dispositions qui, je le répète, étaient contraires à la réglementation avant même la loi de 1998. Ainsi, contrairement à ce que certains prétendent, non seulement les accords sont respectés et validés par la loi, mais ils auront servi de base à sa construction.

En misant sur la négociation, la loi reconnaît l'entreprise comme le lieu privilégié d'élaboration de solutions sur mesure. Mais elle remplira tout son rôle de garantie, d'encadrement et de protection des salariés. Et c'est bien là-dessus que nous avons travaillé.

Je ne reviens pas sur le fait que nous avons renvoyé à l'accord d'entreprise la possibilité de négocier des dispositions qui jusqu'à présent restaient essentiellement du domaine de la loi. Ainsi en est-il de la contrepartie des heures supplémentaires, qui pourra dorénavant être fixée, sous forme de financement ou de récupération d'horaires, par l'accord d'entreprise ou l'accord de branche.

Dans le même esprit, nous avons élargi les portées de la négociation en définissant le recours au temps choisi, les régimes applicables aux cadres, la répartition du temps libéré, notamment en demi-journées. Le but est d'étendre davantage encore le champ de la négociation et de vivifier un dialogue social qui s'est largement développé grâce au débat sur la réduction de la durée du travail.

Certains observateurs s'inquiètent de quelques conflits en cours qui, remarquons-le, affectent le plus souvent le secteur public et ont effectivement trait dans certains cas aux 35 heures. Je ne crois pas qu'il faille s'en inquiéter outre mesure. Je ne suis évidemment pas totalement favorable aux conflits permanents, mais la confrontation est parfois un moyen de débloquer une négociation mal engagée. Au demeurant, il ne s'agit que de cas très limités, dont on ne saurait faire une règle.

Au-delà du rôle donné à la négociation, il était égale ment très important que la loi protège et encadre, notamment par les clauses d'ordre public et social, la baisse des durées maximales ou les nouvelles règles concernant, par exemple, la modulation, la définition du temps partiel, les garanties apportées aux salariés en termes de contrepartie aux souplesses désormais permises.

Pour les entreprises comme pour les salariés, la loi, en tirant le bilan des innovations d'une année de négociations, a confirmé un certain nombre d'avancées et apporté des garanties réciproques nécessaires afin de permettre une application dans les meilleures conditions.

Ajoutons que, pour les salariés, la loi confirmera la nécessité de la prise en compte par l'entreprise de la vie personnelle et familiale. C'est une première dans la négociation, mais également dans la réglementation. La répartition du temps libre, telle qu'elle pourra être organisée notamment par le compte épargne-temps, permettra d'instaurer dans l'entreprise de nouveaux cadres mais également de nouvelles souplesses et marges de discussions, que les salariés eux-mêmes réclamaient.

Plusieurs problèmes ont été soulevés, et pour commencer celui des cadres.

Les cadres ne sauraient être tenus à l'écart du processus de réduction du temps de travail. Il y a un an, alors même que nous discutions de la réduction de la durée du travail, de nombreuses organisations de cadres, dont la principale, se déclaraient opposées aux 35 heures, considérant que les cadres resteraient à l'écart de ce dispositif.

Au demeurant, si cela avait été vrai, cela aurait été une erreur ; nous avons bien vu combien les cadres aspiraient à une réduction de la durée du travail. Nous avions tout intérêt, nous le savions, à saisir l'opportunité de cette nouvelle réglementation sur la durée du travail pour l'étendre aux cadres dont la situation restait jusqu'à présent pour le moins complexe et, en dehors de quelques jurisprudences, peu claire sur ce qui s'appliquait ou ne s'appliquait pas à eux.

Nous avons donc souhaité que les cadres entrent totalement dans le champ de la réduction de la durée du travail en distinguant trois catégories ; vous les connaissez et vous avez d'ailleurs défini de manière beaucoup plus précise, et fort utilement, celle des cadres dirigeants.

Nous avons ainsi considéré, reprenant les accords, que les cadres intégrés dans une équipe de travail collectif devaient se voir appliquer la même réglementation que l'ensemble des salariés, à savoir les 35 heures, la durée maximale et les repos compensateurs. Cela est dorénavant inscrit dans notre texte.

Se pose ensuite le problème de la catégorie intermédiaire, c'est-à-dire de ces cadres pour lesquels il est difficile de prédéterminer les horaires en raison de leurs fonctions, de leurs responsabilités, de leur autonomie.

Pour certains d'entre eux, les horaires peuvent néanmoins être décomptés ; nous devons insister pour que la réduction de la durée du travail par accord, en termes d'heures de travail ou de réduction hebdomadaire et mensuelle, puisse donner lieu à tous les contrôles nécessaires. C'est ce que prévoit d'ailleurs le texte ; les dispositions relatives aux durées maximales s'appliqueront à leur cas.

Reste en revanche une catégorie de cadres, nous la connaissons bien, pour laquelle il est impossible de décompter les horaires. Au demeurant, si l'on souhaitait à toute force le faire, cela donnerait lieu, on le sait, à des contournements et du même ordre que ceux que l'on a connus jusqu'à présent. Aussi, pour ces cadres-là et seulement pour ceux-là, caractérisés par des fonctions très spécifiques et une certaine place dans la hiérarchie, nous avons accepté le principe du forfait annuel. Ce dispositif marque bien évidemment une avancée dans le code du travail car nous inventons, en nous appuyant sur les accords d'entreprise, une nouvelle durée maximale du travail : la durée maximale annuelle de jours travaillés de deux cent dix-sept jours. Il nous faudra du reste aller plus loin en termes de contrôles et de sanctions en cas de non-respect de ces jours de repos.


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Remarquons toutefois, pour que les choses soient claires, qu'il n'y a pas beaucoup de pays où les cadres supérieurs aient droit à cinq semaines de congés, dix jours fériés, plus dix à douze jours de repos.

M. Hervé Morin.

Ça, c'est clair !

M. François Goulard.

Nous ne vous le faisons pas dire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans ce cas, n'allez pas soutenir les organisations syndicales de cadres, comme vous l'avez fait la semaine dernière, lorsqu'elles viennent faire part de leurs malheurs devant l'Assemblée ! Cela dit, je suis, pour ma part, je l'avoue, ravie de voir les cadres commencer enfin à réagir et à souhaiter se voir appliquer certaines dispositions du code du travail. Je crois leurs organisations attentives à ce qu'attendent notamment les jeunes cadres soucieux de conjuguer vie professionnelle et vie familiale, ce qui était bien loin d'être le cas général jusqu'à présent.

J'ajoute que, pour l'ensemble des cadres, et particulièrement pour ceux qui sont au forfait, il sera toujours possible d'aller devant les tribunaux pour faire constater que leur rémunération ne correspond pas au minimum prévu par la convention collective, auquel devront s'ajouter les heures supplémentaires, évidemment majorées comme il se doit.

M. Maurice Leroy.

Voilà qui témoigne d'une parfaite connaissance du terrain !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai peut-être, en effet pour avoir une certaine connaissance du terrain, assez longuement travaillé dans une entreprise où j'ai justement géré les cadres - et pas seulement les cadres, d'ailleurs -, ce qui m'a donné l'occasion de vérifier quelles étaient leurs conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

C'est vrai.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et comme il se trouve que cette entreprise avait une filiale aux Etats-Unis, j'ai pu constater que, même dans ce pays que vous citez souvent en exemple, on ne trouvait plus personne dans les bureaux passé dix-sept heures. J'aimerais bien que, dans ce domaine aussi, on regarde ce qui se fait de positif chez les Américains.

La diversité des solutions que nous avons trouvées pour les cadres correspond aussi à la diversité de leurs situations. Mais il est très important que, dans chaque cas, pour chaque catégorie, nous distinguions bien les protections et, si nécessaire, les moyens de recours à mettre en oeuvre. Là comme ailleurs, je souhaite vivement que nous parvenions à définir les règles à appliquer en termes de durée du travail.

Il est facile d'introduire des dispositions qui nous feraient plaisir à court terme mais qui ne s'appliqueraient pas. Mais il est temps, pour la durée du travail, de passer à un véritable contrôle, que ce soit dans les petites entreprises ou pour certaines catégories. Je me permettrai, en l'occurrence, de citer Richelieu : « faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose même qu'on veut défendre ». Pensons-y dans ce débat !

M. Yves Durand.

C'est une vertu cardinale !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous sommes ainsi en train d'accomplir une petite révolution en matière de durée du travail pour les cadres. Je me réjouis de constater, d'ailleurs, que dans 90 % des accords signés, leurs problèmes aient été traités.

Des questions ont aussi été posées sur les conditions de travail des salariés autres que les cadres ; de nombreux amendements adoptés en première lecture permettent d'y répondre.

J'en arrive au problème des allégements de charges que nous avons souhaité, je le répète ici, lier à la réduction de la durée du travail, pour la raison simple que nous voulons qu'ils aient une contrepartie en matière d'emploi. Et je me réjouis que vous ayez adopté des amendements visant à ce que, chaque année, nous fassions un bilan des résultats sur l'emploi des fonds publics mis à la disposition des entreprises par la baisse des charges. Ainsi, entreprise par entreprise, branche par branche, nous serons capables de contrôler ce qu'apporte la réduction de la durée du travail en termes de création d'emplois.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire au moment de commencer cette nouvelle lecture. J'émets le voeu que nous gardions le même état d'esprit que nous avions en première lecture pour soutenir l'ambition de ce texte ; un texte qui dépasse le cadre de l'entreprise et nous pousse à nous interroger sur l'organisation même de la société, une société où le temps libre serait plus important, où l'on intégrerait la dimension familiale dans les discussions au sein de l'entreprise.

Nous n'en devons pas moins être réalistes si nous voulons que la loi s'applique. Car, je le redis encore une fois, nous ferons un progrès considérable si, au-delà de la réduction de la durée du travail, nous faisons en sorte que nos textes, dans un domaine très compliqué, puissent concerner toutes les entreprises et tous les salariés, et qu'ils puissent être appliqués dans de bonnes conditions.

J'ajoute que je fais confiance aux organisations syndicales à qui nous avons donné, par cette loi et notamment par les baisses des charges qu'elle prévoit, un poids important dans les négociations pour que, s'agissant des conditions de vie des salariés, la diminution de la durée du travail touche l'ensemble des catégories et pour que les créations d'emploi soient les plus nombreuses possibles.

L'analyse des accords signés jusqu'à présent nous montre que nous avons raison de leur faire confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

En deux ans et demi, l'économie française aura créé plus d'un million d'emplois et le chômage aura reculé de plus de deux points.

La dynamique engagée laisse entrevoir que le taux de chômage pourrait passer au-dessous du seuil de 10 % bien avant la fin de cette législature. Cette évolution ne doit rien au hasard. Elle est le résultat d'une politique qui a su tirer les leçons du passé en appuyant la relance de la consommation et de l'environnement. Nos concitoyens ne s'y trompent pas qui l'approuvent massivement, y discernant à la fois une perspective et une volonté.

Ces résultats doivent désormais nous permettre de n ous attaquer à des réformes en profondeur qui commandent le retour au plein emploi. Ces réformes passent par une nouvelle politique du marché du travail prenant mieux en compte les exigences de qualification et de formation comme celles de mobilité professionnelle.

Elles passent également par de nouvelles stratégies locales pour l'emploi, mobilisant les acteurs autour d'objectifs concrets identifiés à partir des réalités du terrain, c'est-à -


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dire les bassins d'emploi. Elles passent aussi par une politique des territoires prenant en compte, pour les combler, les inégalités qui les séparent et qui se font particulièrement sentir dans le domaine de l'emploi. Elles supposent, enfin, un enrichissement de la croissance en emplois.

A cet égard, la réduction négociée du temps du travail constitue sans doute la tentative la plus forte de modernisation de nos relations économiques et sociales jamais engagée depuis la Libération, non seulement parce qu'elle remet au coeur des politiques économiques la question de l'emploi mais aussi, et surtout, parce qu'elle s'appuie sur la relance sans précédent de la négociation collective ; non seulement parce qu'elle fera reculer la taylorisation du travail mais aussi parce qu'elle ouvre la voie à une société du temps libéré à la fois facteur d'épanouissemen t personnel mais aussi source de développement d'activités nouvelles, de nouveaux emplois et donc de croissance.

On comprendra, dans ces conditions, la détermination de la majorité, et de votre rapporteur, à faire aboutir ce projet que je vous proposerai de rétablir, pour l'essentiel, dans sa version issue de la première lecture, non sans commenter auprès de vous les altérations que le Sénat a cru nécessaire d'y apporter et les interrogations que suscite par ailleurs l'opposition systématique d'une partie du MEDEF.

Le texte adopté par notre assemblée en première lecture est, en effet, parvenu à un équilibre dynamique entre la prise en compte des contraintes des entreprises, les aspirations des salariés et l'objectif prioritaire de création d'emplois. C'est à cet équilibre, obtenu notamment grâce aux amendements présentés par l'ensemble des groupes de la majorité et à la concertation approfondie que vous avez su conduire, madame la ministre et monsieur le président de notre commission, que je vous proposerai de revenir.

A quelques très rares exceptions près, que je mentionnerai tout à l'heure, nous ne partageons pas, en effet, avec le Sénat, la même conception de la réduction du temps de travail - cela ne vous étonnera pas - mais peutêtre plus encore de la négociation et du droit du travail.

Sur ce dernier point, je ne peux m'empêcher de mettre en relation les dispositions votées par le Sénat avec certaines des propositions d'amendements déposées par nos collègues de l'opposition en première lecture, qui vont le plus souvent dans le sens de plus de flexibilité et d'un affaiblissement des droits des salariés.

M. Maurice Leroy.

Caricature !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Mon rapport détaille, point par point, les principales modifications introduites par le Sénat et qui ont conduit à l'échec naturel de la CMP.

Je ne reviendrai donc que sur les plus significatives.

Le Sénat n'a d'abord pas hésité à supprimer les garanties apportées aux salariés en matière de calcul du temps de travail effectif, d'équivalence ou d'astreinte. S'agissant du temps partiel, il a rejeté le progrès que constituait la mise en place d'un délai de prévenance de sept jours en cas de modification de la répartition de la durée du travail,...

M. Gilbert Mitterrand.

Scandaleux !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... et il a également supprimé le droit reconnu aux salariés de refuser cette modification, s'il pouvait faire valoir, notamment, des obligations familiales impérieuses.

Il a supprimé toute rémunération des heures supplémentaires. Il est même allé, finalement, à rebours des conceptions qu'il affiche par ailleurs, jusqu'à remettre en cause les facilités offertes pour organiser un temps partiel choisi, c'est-à-dire les dispositions qui doivent figurer dans les accords prévoyant le passage du temps plein au temps partiel, ou du temps partiel au temps plein.

S'agissant des cadres - dont nous avons déjà discuté et dont nous discuterons naturellement tout au long de ces débats -, il a posé le principe, bien éloigné des questions que nous nous posons nous-mêmes, d'une dérogation systématique pour tous les cadres au droit commun du temps de travail, supprimant ainsi toute protection légale.

Il a enfin exprimé une curieuse conception de la négociation, pourtant supposée être sa référence absolue. Les mêmes, en effet, qui opposent sans cesse les vertus de la négociation à l'intervention de la loi ont, par exemple - et je prends cet exemple parmi d'autres - voté un amendement permettant à un chef d'entreprise de déroger unilatéralement, en cas de modulation, aux maxima horaires, journaliers et hebdomadaires.

Qu'il me soit permis de faire observer que cette attitude lève sans doute toute ambiguïté sur la réalité de certaines intentions. N'est-il pas regrettable que les discours, utiles en eux-mêmes, sur l'esprit d'initiative, la simplification des procédures, le primat de la négociation ne servent en réalité que d'alibi à une vision étrangement pessimiste et passéiste des relations de travail ? Nos préoccupations sont bien différentes, qui visent à favoriser la modernisation de nos relations sociales en prenant en compte l'entreprise comme une communauté de travail, associant les salariés à son organisation et à son développement par la représentation et la négociation.

Deux articles ayant été votés conformes, le 8 et le 12 bis , je vous proposerai donc de rétablir le texte de l'Assemblée nationale, sous réserve de quelques modifications et d'une rédaction nouvelle de l'alinéa de l'article

L. 212-4 relatif au temps d'habillage et de déshabillage.

A cet égard, la préoccupation qui a animé votre commission a été à la fois de prendre en compte le problème spécifique lié à des secteurs d'activités extrêmeme nt variés, qui vont du nucléaire aux transports en passant par l'agro-alimentaire, sans rien retrancher - et c'est là l'important - des acquis de la négociation et des usages les plus favorables, que nous avons eu le souci de valider, et en introduisant - élément nouveau par rapport à l'état du droit - l'exigence d'une contrepartie, financière ou en repos, lorsque ces temps ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif.

Enfin, je vous proposerai de reprendre une disposition du Sénat relative aux conséquences financières pour les établissements sociaux et médico-sociaux de la jurisprudence de la Cour de cassation relative au régime des équivalences.

S'agissant enfin des cadres, pour lesquels la réduction du temps de travail représente une perspective et suscite une nouvelle attente, nous aurons le souci, en respectant le principe du forfait-jour qui est exclusif, me semble-t-il, de tout décompte horaire, d'éviter qu'il puisse être appliqué de façon abusive.

Une fois ces questions prises en compte, nous serons en mesure, je le crois, de confirmer notre vote de première lecture sur une loi qui a été, à juste titre, qualifiée de réduction négociée du temps de travail. Car tel est bien, au fond, le coeur du sujet. Une partie de l'opposition s'accordant, en effet, avec nous pour considérer que la réduction du temps de travail est potentiellement créa-


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trice d'emplois, le débat ne porte plus, me semble-t-il, que sur la place faite respectivement à la loi et à la négociation.

Je voudrais à cette occasion revenir quelques instants sur l'objection formulée par l'opposition, et aussi plus systématiquement par le président du MEDEF, selon laquelle la deuxième loi ne respecterait pas les accords de branche ou les accords d'entreprise déjà signés, à la fois pour démonter cette objection, ce qui ne sera pas très difficile, mais aussi et surtout pour m'interroger sur les motivations et les buts de ceux qui la formulent.

Je voudrais tout d'abord, et sans qu'il soit nécessaire d'y insister trop longuement, démontrer que la deuxième loi respecte totalement la parole des partenaires sociaux.

Permettez-moi, en premier lieu, de m'interroger sur ce paradoxe qui voudrait qu'une loi qui a déclenché un mouvement de négociation sans précédent ne pourrait avoir d'autre objet que de venir aussitôt en contredire les conclusions. Faut-il rappeler que toute notre démarche a été engagée dès l'origine pour favoriser une nouvelle articulation entre la loi et la négociation ? C'est la première loi, à laquelle ses opposants d'alors trouvent aujourd'hui bien des mérites, qui a enclenché ce processus de négociation. C'est ce processus qui a servi d'inspiration au contenu et aux dispositions de la seconde loi, dont nous débattons. C'est la seconde loi qui renvoie, enfin, à la négociation la mise en oeuvre de ses principales dispositions.

On ne peut à la fois chercher à prendre appui sur la négociation et critiquer les deux lois sur la réduction du temps de travail, puisque l'une et l'autre sont inséparables, puisque ces négociations sont la conséquence même de la loi et que la seconde loi tire justement les conséquences de cette négociation.

Ce rappel effectué, observons par ailleurs que l'objection qui nous est faite ne repose concrètement sur aucun fondement. La loi, comme nous nous y étions engagés, valide des innovations utiles mais qui ne reposaient jusqu'alors sur aucun support juridique. Il en va ainsi de la réduction du temps de travail sous forme de jours, des nouvelles modalités d'alimentation du compte épargnetemps, de la modulation individualisée des horaires, de la possibilité d'organiser des actions de formation sur le temps libéré par la partie, ne correspondant pas à l'obligation légale naturellement, du décompte annuel pour les cadres et, en particulier, des forfaits-jour. Toutes ces dispositions sont directement issues de la négociation et des accords signés.

Le projet qui vous est présenté les valide désormais, contrairement à la position adoptée par le Sénat qui, dans son élan et son enthousiasme à reprendre les propositions du MEDEF, a voté un amendement qui, s'il était confirmé, contraindrait à une renégociation de tous les accords signés comportant des clauses non conformes à l'état du droit à la date de leur signature. Il est vrai que le mieux est souvent l'ennemi du bien.

La loi respecte ainsi la parole donnée aux partenaires sociaux comme celle qu'ils se sont donnée.

Je voudrais ici m'arrêter quelques instants sur la quest ion des contingents d'heures supplémentaires sur lesquelles s'est concentrée la polémique menée par le MEDEF. On nous reproche, en effet, d'avoir méconnu la volonté des partenaires sociaux de relever le contingent libre d'heures supplémentaires. Il existe, en effet, deux types de contingents d'heures supplémentaires. Les débats de première lecture nous ont permis de le rappeler, mais il faut répéter encore, puisque l'on nous ressasse les mêmes critiques.

Le premier contingent, dit libre, est celui en deçà duquel les entreprises peuvent recourir aux heures supplémentaires sans avoir à en référer à l'inspection du travail.

Il est fixé depuis 1982 à 130 heures. Le second contingent est celui au-delà duquel le recours aux heures supplémentaires est possible mais avec l'accord de l'inspection du travail, et sous réserve de respecter, dès la 131e heure, un repos compensateur de 100 %. Si le droit permet à une convention collective ou à un accord de branche d'élever le seuil du contingent libre au-delà de 130 heures, donc de s'exonérer de l'autorisation de l'inspection du travail, il n'a, à aucun moment, prévu la possibilité de déroger au principe du repos compensateur à 100 %. Le projet de loi qui vous est soumis ne modifie donc en rien l'état du droit applicable au moment où ces accords ont été signés. Cette règle est, par ailleurs, bien connue des négociateurs, pour la bonne raison qu'elle est elle-même issue de la négociation, puisque les dispositions que je viens de décrire sont le résultat d'un protocole interprofessionnel signé en 1981, repris par l'ordonnance de 1982, et sur lesquels les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord.

Les organisations syndicales ont, d'ailleurs, rappelé qu'elles ne s'étaient engagées que sous réserve du respect de ce dispositif. En somme, ne sont écartées par la loi dont nous débattons que les clauses des accords, peu nombreuses, qui sont contraires à l'ordre public social, qu'il s'agisse du repos compensateur, du non-respect des règles du travail le dimanche ou du forfait tous horaires.

C'est bien le moins ! Il est clair, par conséquent, que les critiques faites au projet à ce sujet sont totalement et explicitement dépourvues de fondement. On peut donc se demander s'il ne s'agit pas là que d'un prétexte servant d'autres desseins que ceux ouvertement affichés. Nous ne devons pas, en effet, nous laisser abuser : la réalité sur laquelle je me dois d'insister est que nous assistons aujourd'hui à ce qu'il faut bien appeler une sorte de dérive politique et idéologique du MEDEF. Celui-ci semble désormais motivé par une tentative de déstabilisation consciente et systématique de notre système de relations sociales, que l'un des viceprésidents de cette organisation vient d'ailleurs de théoriser récemment dans la revue Commentaires. Pour ceux qui auraient encore des doutes, je les invite à s'y reporter.

Il s'agit d'abord de saper les fondements mêmes de notre droit social en récusant la vocation de la loi à en garantir le progrès et l'équilibre. Il s'agit ensuite, en remettant en cause la gestion paritaire des organismes de sécurité sociale, de préparer la voie à la mise en place d'un système d'assurances privées.

Dans les deux cas, l'approche du président du MEDEF repose sur cette idée que, soumise à la mondialisation, notre économie ne pourrait assurer son efficacité qu'en s'affranchissant des règles de droit et de protection sociale héritées des quarante dernières années et dénoncées systé matiquement comme autant d'entraves. Cette conception n'est pas la nôtre : nous refusons de séparer progrès économique et progrès social et d'admettre que la compétitivité économique puisse se faire au détriment du progrès social et sur la régression sociale.

Le MEDEF propose une nouvelle constitution sociale de la définition de laquelle la nation et ses représentants seraient exclus. C'est le schéma d'un néo-corporatisme où


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les entreprises et les salariés fixeraient eux-mêmes les règles qui leur seraient applicables et les financements qui leur seraient nécessaires. Je n'insisterai pas sur le paradoxe selon lequel cet hymne à la négociation est lancé par ceux-là même qui aujourd'hui la récusent, dans le cadre des 35 heures ou de l'UNEDIC par exemple ; ni sur celui qui veut que des représentants patronaux, le plus souvent issus du giron de l'Etat ou des grandes institutions, se fassent les chantres de la libre entreprise et de l'esprit d'initiative, en changeant un peu leur culture, sans doute.

Je préférerai relever l'enjeu, qui n'est pas mince et qui porte sur l'avenir de notre système de relations sociales.

Nous faisons, pour notre part, le choix d'une société contractuelle, celui de la négociation, impulsée, confortée, encadrée par la loi.

Nous considérons la négociation comme le principal vecteur de la modernisation économique et sociale. La réduction du temps de travail en fournit l'illustration qui appelle à revoir l'organisation du travail au sein de l'entreprise, la répartition des effectifs, le rôle de la hiérarchie, la question des salaires et de l'emploi, le partage des gains de productivité.

Elle suppose, pour être efficace, de reconsidérer - ce sont les chantiers qui sont devant nous -, la légitimité et la représentativité des acteurs, question qui ne s'adresse pas qu'aux organisations de salariés et à laquelle la loi de réduction du temps de travail apporte une première réponse à travers la notion d'accord majoritaire.

Elle implique un renforcement de la représentation du personnel dans les entreprises et de la présence syndicale.

Elle est indissociable, enfin, du dialogue interprofessionnel et de l'intervention de la loi qui permet de mettre en perspective, de relier entre elles, des revendications ou des contraintes vécues différemment selon les entreprises ou les catégories de salariés. La modernité n'est pas du côté de ceux qui nient la complexité des enjeux et masquent mal, en le faisant, leur refus du changement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Avons-nous raison de vouloir favoriser la dynamique du dialogue et de la négociation ? Avons-nous raison de remettre au coeur du débat social la question du partage des gains de productivité en faveur de l'emploi ? Avons-nous raison de vouloir bâtir un nouveau droit du temps de travail qui fasse du progrès économique le vecteur du progrès social ? Avons-nous, au fond, raison de refuser de céder aux oukases d'une organisation professionnelle, entrée dans un autre rôle, qui est désormais un rôle politique ? Nous sommes ici et, je crois, dans le pays une majorité à penser que oui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelque chose de quelque peu répétitif dans nos débats.

Ayant exprimé nos divergences, nous avons bien du mal à nous convaincre les uns les autres. Néanmoins, j'ai le profond sentiment, aujourd'hui, que le débat a eu lieu. Il a été très souvent de grande qualité, tout particulièrement en commission. Je pense que c'est le temps qui arbitrera nos divergences et je fais confiance au temps.

J e me contenterai de présenter rapidement cinq remarques, après les interventions de grande qualité de Martine Aubry et de Gaëtan Gorce.

La première remarque porte sur la cohérence de nos politiques. Je rappellerai - il est bon quelquefois de le faire -, trois évidences, et d'abord que le chômage n'est pas seulement conjoncturel mais structurel.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Chacun le sait, le dit, mais a parfois du mal à en tirer les conséquences.

Une deuxième évidence, c'est la théorie intéressante de Schumpeter sur la destruction créatrice. On peut se demander aujourd'hui si l'équilibre théorisé par Schumpeter n'est pas rompu et si la destruction ne l'emporte pas sur la construction. C'est ça le véritable débat que nous avons entre nous.

Je terminerai par un théorème, deux égale un : pour faire diminuer le chômage d'une personne, il faut créer deux emplois.

Il faut toujours avoir ces trois principes de fond en tête pour justifier notre action et celle du Gouvernement que nous soutenons.

Croissance, emplois-jeunes, lutte contre l'exclusion, nouveaux départs, TRACE, ARTT, soutien à la création : c'est une politique d'ensemble en cohérence que nous défendons.

L'OCDE a d'ailleurs publié en 1998 un texte extrêmement intéressant sur le développement durable, où il est démontré qu'on ne peut se contenter d'additionner des données macro-économiques même si c'est nécessaire. Il faut considérer l'humain comme la variable fondamentale, l'humain dans son rapport au travail, à la société, à l'environnement.

C'est ce que nous efforçons de faire, en n'oubliant jamais cette question fondamentale qui est au centre de toutes les réflexions philosophiques et politiques : la destruction est-elle aujourd'hui aussi créatrice qu'elle pouvait l'être dans les années soixante et soixante-dix ? C'est ça le véritable débat. Tout le reste n'est qu'épiphénomène, discussions de peu d'intérêt si nous ne reposons pas le véritable problème au centre de nos réflexions.

Deuxième remarque, il est nécessaire de soutenir les chefs d'entreprise. Je n'ai jamais confondu les interventions, souvent politiques, de certains, comme les représentants du MEDEF, avec la réflexion et la situation des chefs d'entreprise. Ils sont légitimistes et appliqueront une loi, mais ils sont souvent, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises, des maîtres Jacques de tous les travaux. Il faut les aider à passer ce cap difficile, y compris pendant la période d'adaptation.

Les statistiques de l'ANACT sont tout à fait intéressantes. Il y a eu sur un an 14 000 demandes d'appui conseil, 1 000 intervenants directs auprès des entreprises, un coefficient de satisfaction extrêmement important, et je suis persuadé que l'effet économique sera l'un des vecteurs essentiels du développement durable.

C'est ne pas connaître l'entreprise que de réfléchir autrement. Pour maîtriser l'ensemble de ces variables, ce qui est très difficile, il faut un regard sur l'entreprise que, bien souvent, pour des raisons que l'on peut comprendre, le petit chef d'entreprise n'a ni le temps ni les moyens d'avoir. Il faut donc l'aider. C'est l'une des conditions de notre réussite.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Vous aurez du mal !


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M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non madame, nous n'aurons pas de mal. Les statistiques de l'ANACT le prouvent, et il faudra, madame la ministre, lui donner encore davantage de moyens.

Troisième remarque, il est nécessaire de réfléchir à la transformation du rapport au travail.

Aujourd'hui, on parle de plus en plus de polyvalence.

On voit même revenir des termes que j'ai bien connus comme l'enrichissement des tâches ou l'élargissement des compétences, théories un peu oubliées, crise aidant. Cela a d'ailleurs tendance à me rajeunir, ce qui est plutôt bien.

Attention cependant à ne pas laisser s'aggraver l'intensité du travail.

M. Yves Cochet.

Eh oui !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

N'oublions pas qu'un autre risque apparaît, la montée de ce qu'on appelle le travail pauvre, pour reprendre l'expression utilisée en particulier aux Etats-Unis.

Lorsque nous évoquons la baisse des charges sur les bas salaires, lorsque nous parlons de la manière dont on peut desserrer l'étau, c'est à ce problème que nous nous efforçons de répondre.

Quatrième remarque, on en a largement débattu et le rapporteur en a parlé avec beaucoup de talent et d'intelligence, c'est la nécessité d'élargir le dialogue social.

Je trouve totalement hypocrite le discours tenu depuis presque vingt ans par ceux qui parlent d'atonie du dialogue social, se désolent de l'absence d'articulation entre le dialogue social et le dialogue entrepreneurial, se plaigent du fait que l'Etat légifère trop et, en même temps, ne voient pas qu'à travers la RTT, c'est une révolution tranquille qui est en cours.

A travers le dialogue qui s'engage, à travers la négociation qui se met en place, remontent des tas de problèmes, bien souvent enfouis, qui ne sont pas uniquement liés à la réduction du temps de travail. On a discuté par exemple du temps d'habillage.

Le mouvement qui est en train de s'amorcer chez les cadres est à ce titre extrêmement significatif. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les conditions de travail des cadres se dégradent, que leur positionnement dans l'entreprise est fragile, que les compétences ne sont pas utilisées. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on pratique la « politique Kleenex » et que l'on se sépare, éventuellement très rapidement, de certains collaborateurs quand on considère qu'ils ne sont plus utiles, parfois à cause de leur âge, parfois même dès cinquante ans, ce qui me fait doucement sourire. Ce n'est pas d'aujourd'hui que certains, tout en affirmant qu'il faut allonger la durée du travail pour financer les retraites, n'ont qu'une idée en tête : se séparer de leurs collaborateurs, parfois les plus compétents, lorsqu'ils atteignent l'âge de cinquante ans. Je connais des entreprises qui le font très souvent.

Des tas de problèmes remontent donc, qui étaient enfouis profondément, qui ne donnaient plus lieu à un dialogue. C'est en cela que notre action permet une extraordinaire dynamique.

Cependant, toute dynamique a ses difficultés, et ne croyons pas, car ce serait une erreur fondamentale, que nous pourrions les résoudre par un texte législatif. Elles doivent être prises en compte par ceux qui les vivent, sur le terrain de la négociation, la loi devant se borner à prévoir les garanties indispensables. Si nous commettons l'erreur de sortir de ce cadre, nous passerons à côté de l'objectif que nous recherchons.

Personnellement, je considère que les organisations syndicales sont prêtes à jouer le jeu plus largement même que nous ne pouvions l'imaginer il y a encore deux ans, a fortiori avant.

Quelque chose est en train de se passer, et cela va déborder le MEDEF, qui ne pourra pas tenir longtemps sur ses positions, qui ne pourra pas se contenter d'évoquer le projet d'une constitution sociale, ce qui relève des représentants de la nation, qui ne pourra pas longtemps faire croire qu'il veut négocier en prenant le paritarisme en otage, particulièrement au sein de l'UNEDIC. Un moment donné, les masques tomberont, et il faudra donc savoir de quoi l'on parle, avec qui et sur quel sujet. En tout état de cause, le Parlement continuera à jouer son rôle, en rencontrant tous les interlocuteurs et en prenant toutes les initiatives nécessaires.

Dernière remarque : l'important, madame la ministre, et vous le savez très bien, sera le suivi de l'application du texte.

Je crois qu'il n'y a jamais eu pour un débat de préparation aussi importante. Echanges très intéressants lors du débat sur la loi d'incitation, rapports préalables de M. Gorce, très nombreux contacts avec les organisations syndicales, et patronales et avec les chefs d'entreprise, cela fait très longtemps que la préparation d'un débat législatif n'avait pas représenté un tel travail de conception et de réflexion. Il faudra faire preuve de la même volonté lorsque la loi sera votée. La commission des affaires sociales devra non seulement préparer les documents d'application - questions et réponses - mais aussi travailler sur le suivi du texte, avec un rapport. Nous le faisons pour les grandes lois, nous le ferons encore plus pour celle-ci. Nous le faisons pour les grandes lois, nous le ferons encore plus pour celle-là.

M. Hervé Morin.

Gaëtan Gorce a déjà fait plus de 35 heures ! M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas votre problème. C'est à la commission de poser des questions et d'obtenir des réponses.

M. Maurice Leroy.

Ce n'est pas notre problème. Je rêve. On peut sortir, si vous voulez.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bien évidemment, nous rencontrerons des difficultés. Il nous faudra les prendre en compte et être à l'écoute.

Mme la présidente.

Le problème de la présidence, c'est de faire respecter l'horaire, monsieur Le Garrec.

M. Jean Le Garrec, président de la commission. Je termine, madame la présidente.

Des difficultés existent, il est vrai, et nous serons à l'écoute, mais, devant la gravité des problèmes que nous vivons, devant les périls - ce n'est pas moi qui ai inventé l'expression de fracture sociale -, rien ne serait pire que de manquer de volonté politique pour y faire face. C'est cette volonté politique que vous exprimez, madame la ministre, et que nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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4 FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

Mme la présidente.

Par lettre du 26 novembre 1999, M. le Premier ministre m'a informée que la mission temporaire précédemment confiée à M. François Patriat, député de la Côte-d'Or, avait pris fin le 18 novembre 1999.

M. Maurice Leroy.

Voilà qui fera plaisir aux chasseurs ! 5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi no 1889, relatif à la réduction négociée du temps de travail.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1937).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 30 novembre 1999 SCRUTIN (no 216) sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nouvelle lecture).

Nombre de votants .....................................

538 Nombre de suffrages exprimés ....................

507 Majorité absolue ..........................................

254 Pour l'adoption ...................

272 Contre ..................................

235 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (251) : Pour : 240. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , JeanClaude Bateux , Jean-Claude Beauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Maxime Bono , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre B ourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle B ousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mme Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Jean-Yves Caullet , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , JeanJacques Denis , Mme Monique Denise , MM. Bernard D erosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. Jean-Louis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , C laude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean Gaubert , Mme Catherine Génisson , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël Goyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Serge Janquin , Jacky Jaulneau , Armand Jung , Jean-Noël K erdraon , Bertrand Kern , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François L amy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern ,

M ichel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou ,

M M. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Guy Menut , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Michel Pajon , J oseph Parrenin , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Pierre Pernot , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Per-r in-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , MM. Patrick Rimbert , Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , R ené Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mme Catherine Tasca , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe RPR (136) : C ontre : 126. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Richard Cazenave , Henry Chabert , JeanPaul Charié , Jean Charroppin , Jean-Marc Chavanne ,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

François Cornut-Gentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , G uy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas Dupont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , JeanPierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques Lafleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Jean-Claude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raim ond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , R oland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe UDF (70) : Contre : 62. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme MarieThérèse Boisseau , M. Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Dominique Caillaud , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe Daubresse , JeanClaude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Renaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Jean-Jacques Jégou , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin et Pierre-André Wiltzer

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (45) : Contre : 40. - Mmes Nicole Ameline , Sylvia Bassot , MM. Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Georges Colombier , Bernard Deflesselles , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , JeanPierre Soisson , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin

Groupe communiste (35) : Contre : 5. - MM. Patrice Carvalho , Maxime Gremetz , Georges Hage , Mmes Muguette Jacquaint et Janine Jambu Abstentions : 30. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , C laude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Guy Hermier , Robert Hue , André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 32. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Claude Hoarau , Elie Hoarau , Robert Honde , Guy Lengagne , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte MarinMoskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret , Emile Vernaudon et Aloyse Warhouver.

Abstention : 1. - M. Noël Mamère

Non-inscrits (6).

Contre : 2. - MM. Marc Dumoulin et Philippe de Villiers