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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 10351).

BREVETABILITÉ DES LOGICIELS (p. 10351)

M. Yves Cochet, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE (p. 10351)

M. Jacques Rebillard, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

LUTTE CONTRE LE SIDA (p. 10352)

M. Roger Meï, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

RÉVISION DES LOIS SUR LA BIOÉTHIQUE (p. 10353)

M. Jean-François Mattei, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

DIFFICULTÉS DES AGRICULTEURS BRETONS (p. 10354)

MM. Jacques Le Nay, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

RÉVISION DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE (p. 10355)

M. Patrick Delnatte, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

RETRAITES DE LA FONCTION PUBLIQUE (p. 10355)

MM. Charles Miossec, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

PRESSION FISCALE (p. 10356)

M. Jean-Claude Guibal, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

REVENDICATIONS DES MINEURS DE CHARBON DE MOSELLE (p. 10357)

M. Roland Metzinger, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

LUTTE CONTRE LE SIDA (p. 10358)

M. Philippe Nauche, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

FORMATION AUX MÉTIERS DU BÂTIMENT (p. 10359)

M. Maxime Bono, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

EMPLOI DES HANDICAPÉS (p. 10360)

M. Damien Alary, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Suspension et reprise de la séance (p. 10360)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

2. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la d iscussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 10360).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 10360)

Motion de renvoi en commission de M. José Rossi : MM. Laurent Dominati, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Jean Pontier, François Goulard, Arthur Dehaine, Germain Gengenwin, Bernard Outin, Yves Rome. - Rejet.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance (p. 10376)

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10376)

Avant l'article 1er A (p. 10376)

Amendement no 2 corrigé de la commission des affaires culturelles : M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre. - Adoption.

Article 1er A (p. 10377)

MM. François Goulard, Bernard Accoyer, Hervé Morin.

Amendement de suppression no 3 de la commission : M. le rapporteur, Mmes la ministre, Roselyne Bachelot-Narquin, M. Maxime Gremetz. - Adoption.

L'article 1er A est supprimé.

Article 1er B (p. 10379)

M. François Goulard, Mme Odile Saugues, M. Bernard Accoyer.

Amendement de suppression no 4 de la commission : M. le rapporteur, Mmes la ministre, Roselyne Bachelot-Narquin. - Adoption.

L'article 1er B est supprimé.

Article 1er (p. 10382)

MM. Bernard Accoyer, François Goulard, Claude Billard, Philippe Martin, Yves Cochet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Fait personnel (p. 10385).

MM. Maxime Gremetz, le président, François Goulard.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10386).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

BREVETABILITÉ DES LOGICIELS

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, ma question est liée aux négociations de l'OMC qui s'ouvrent à Seattle.

Les 24 et 25 juin dernier s'est tenue à Paris une conférence sur la révision de la convention des brevets européens. Curieusement, le Gouvernement français et les autres gouvernements de l'Union européenne ont laissé sans réponse la question de la brevetabilité des logiciels.

Or vous savez que les négociations au sein de l'OMC porteront aussi sur les fameux accords TRIPS relatifs à la propriété intellectuelle. Selon l'article 10 de ces accords, les logiciels, les programmes ou les méthodes sont considérés comme des oeuvres de l'esprit qui relèvent du droit d'auteur et non comme des procédés techniques qu'il serait possible de breveter. J'estime qu'il s'agit d'une garantie pour nous. En revanche, aux Etats-Unis, Microsoft commence à breveter à tour de bras des logiciels pour accroître son empire.

Alors que se développent l'internet, le multimédias, l'informatique en général, une brevetabilité mondiale des logiciels aurait des conséquences aussi bien pour les entreprises en Europe que pour les citoyens.

Pour ce qui est, par exemple, des logiciels libres tel que le système d'exploitation Linux, les éditeurs indépendants européens seraient menacés par la brevetabilité mondiale des logiciels. Je vous pose donc la question très directement : les représentants du Gouvernement français à Seattle vont-ils s'opposer catégoriquement à la brevetabilité des logiciels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Monsieur le député, lors de la première réunion qui aura trait à l'agenda, nos représentants n'auront pas le loisir de s'opposer catégoriquement à une telle proposition puisqu'elle ne sera pas à l'ordre du jour.

Cela étant, je partage votre souci, ainsi que Christian Pierret : il faut que nous soyons extrêmement vigilants tant sur l'application des accords TRIPS dont vous avez parlé, que lors de la préparation de la directive communautaire qui doit être déposée début 2000 pour fonder la position européenne lorsque cette question viendra en discussion au cours des négociations de Seattle. Tel sera forcément le cas, ne serait-ce qu'au détour de l'examen de certains dossiers, ceux relatifs aux sociétés mondiales d'information, ou au commerce électronique par exemple.

Nous allons donc préparer cette échéance en privilégiant deux orientations.

D'abord, depuis la signature, à Munich, des accords sur ce sujet, il n'existe ni en France ni dans aucun des pays membres de l'organisation européenne des brevets de possibilités de breveter la technique logicielle proprement dite. En revanche, il est possible de déposer un brevet, comme ailleurs - il y a 13 000 brevets européens - pour un système complexe comprenant un logiciel. Nous nous étions tous mis d'accord sur ce sujet.

D ans la mesure où les Etats-Unis et le Japon accordent, eux, des brevets pour les logiciels proprement dits, nous avons trouvé une première parade intéressante en droit : il suffit de publier l'écriture du logiciel en question pour que l'on ne puisse plus le récupérer au niveau mondial. Il s'agit d'une première sécurité.

E nsuite, Christian Pierret, Catherine Trautmann, Claude Allègre et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont ouvert, depuis le mois d'octobre 1999, une concertation avec toutes les parties concernées par ce dossier afin que, avant le dépôt de la directive 2000, ait été affirmée une position française sur la logique des brevets. En tout cas, nous sommes a priori favorables, comme vous, à autoriser le dépôt de brevets pour tout ce qui est complexe, mais à le refuser pour des projets qui ne constituent que de nouvelles écritures.

Il est donc indispensable d'ouvrir largement les portes de la concertation afin de pouvoir donner, avant la fin du mois de janvier, une réponse collective que nous défendrons dans le cadre de la préparation de la directive à Bruxelles. Ensuite, M. Lamy, en notre nom, aura une position forte à défendre à Seattle.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyens et Verts.)

RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Rebillard.

M. Jacques Rebillard.

Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, vous avez décidé une réforme de la justice commerciale en deux temps : réforme du fonctionnement des tribunaux avec l'introduction de la mixité, associant magistrats professionnels et juges élus ; modification de la carte judiciaire. Seule la seconde partie de votre réforme a été engagée, et partiellement. Six cours d'appel sont concernées et trente-quatre tribunaux de commerce seront supprimés.


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Pour autant, de nombreux problèmes restent en suspens : le fonctionnement des nouveaux tribunaux regroupés n'est pas réformé ; la mise en place de greffes détachés n'a pas été précisée ; et, surtout, le sort des greffiers et des personnels qui vont perdre leur situation n'est pas réglé à trente jours des échéances.

Si des avant-projets de décrets d'accompagnement ont pu être présentés aux organes représentant la profession, aucun n'a été adopté à ce jour. Cela signifie qu'au 1er janvier 2000, ces greffiers vont cesser leur activité, leurs collaborateurs perdront leur emploi et devront effectuer une reconversion professionnelle dans des conditions excessivement difficiles.

Madame la ministre, quelles mesures la chancellerie envisage-t-elle d'adopter ? A quelle date seront-elles présentées ? Quelles modalités financières choisirez-vous pour p ermettre tant l'indemnisation des charges que les mesures d'accompagnement liées au reclassement de ces officiers ministériels et de leur personnel.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyens et Verts.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, vous savez que l'importante réforme des tribunaux de commerce voulue par le Gouvernement pour assurer un meilleur fonctionnement et une meilleure déontologie inclut la réforme de la carte judiciaire. A cet égard, il faut savoir que nous n'en avons connu que deux en ce siècle - celle de Poincaré et celle de Michel Debré en 1958 -, et que la carte judiciaire des tribunaux de commerce n'a plus été modifiée depuis deux cents ans. C'est dire si elle est nécessaire.

Il faudra évidemment prendre en considération la situation des greffiers, officiers ministériels disposant d'une charge, dont les greffes disparaîtront.

A ce propos je peux vous indiquer que ceux dont la c harge sera supprimée seront indemnisés par leurs confrères du tribunal auquel aura été rattaché le tribunal de commerce supprimé. Par ailleurs, dans vingt-cinq des trente-six tribunaux de commerce supprimés, en juillet dernier, le greffier était titulaire d'au moins deux offices.

Par conséquent, les intéressés ne perdront pas tout puisqu'ils récupéreront les affaires dont ils s'occupaient dans un autre tribunal.

Il est néanmoins exact que, dans quelques cas, les greffiers devront envisager une reconversion professionnelle, faute principalement d'avoir conclu une association avec le greffier du tribunal auquel sera rattaché la juridiction supprimée. Pour leur faciliter la tâche, j'ai présenté ce matin même, en conseil des ministres, un décret leur permettant d'accéder, après dix ans d'expérience professionnelle, aux professions d'avocat, d'avoué, d'huissier de justice, de notaire, de commissaire-priseur, d'administrateur judiciaire et de mandataire-liquidateur, dans des conditions dérogatoires au droit commun.

Quant aux personnels des greffes supprimés, ils bénéficieront évidemment des protections offertes par le code du travail, notamment par l'article L.

122-12, qui prévoit l a poursuite du contrat de travail avec le nouvel employeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. le président.

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé, c'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre le sida.

En France, le nombre de personnes infectées par le VIH s'élève à 120 000 et la progression relative de la maladie représente 5 000 à 6 000 cas par an, ce qui constitue une diminution par rapport à la décennie précédente. L'application de nouvelles thérapies a considérablement reculé l'échéance fatale et, selon un sondage récent, 12 % des personnes interrogées pensent que l'on peut guérir définitivement. L'opinion est rassurée et nous baissons la garde. C'est dire combien la situation est dangereuse, car on ne guérit pas encore du sida.

Madame la secrétaire d'Etat, les campagnes d'information et de prévention doivent continuer au niveau où elles étaient il y a quelques années. Que comptez-vous faire en la matière ? A Paris, après Lusaka, s'ouvre la quatrième conférence mondiale sur le VIH, présidée, soit dit en passant, par le Dr Lapiana, directeur de la maison de soins palliatifs que ma commune a accueillie. Elle permettra de dresser un bilan, de lancer un cri d'alarme, un appel à la solidarité.

Les pays les plus pauvres d'Europe de l'Est, d'Asie, d'Amérique du sud et, surtout, d'Afrique, connaissent une situation catastrophique avec une progression aggravée de la maladie. Ils n'ont ni les structures ni les moyens pour faire face à l'épidémie. Les coûts des traitements ne sont pas à leur portée, malgré quelques accommodements. La loi du marché prédomine. Les grands groupes pharmaceutiques, avec leurs brevets garantis par l'OMC, bloquent la recherche, la production, la distribution de remèdes moins chers. C'est la loi de l'argent.

Aussi, madame la secrétaire d'Etat, au moment où s'ouvrent les négociations de l'OMC à Seattle, la France ne se doit-elle pas de peser pour que la solidarité et l'intérêt de l'humain l'emportent sur la loi du marché, ce qui, soit dit en passant, serait également conforme à notre intérêt ? Enfin, il y a deux ans, à Abidjan, à l'initiative de M. le Président de la République et de votre prédécesseur, M. Bernard Kouchner, avait été avancée la promesse d'un fonds de solidarité thérapeutique pour aider les pays pauvres à accéder aux médicaments, idée généreuse s'il en est. Malheureusement les bonnes intentions ne suffisent pas. Qu'en est-il, deux ans après, de son application et que comptez-vous faire à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Douste-Blazy.

Très bonne question !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, vous avez raison de souligner que, depuis 1996, grâce à l'apparition de nouvelles thérapies et de nouveaux médicaments, l'épidémie de sida a considérablement évolué. La mortalité a diminué et davantage de personnes porteuses du virus ne sont pas hospitalisées et vivent aujourd'hui en milieu ordinaire. Les progrès sont donc conséquents.

Malheureusement, nous constatons parallèlement une d iminution de la vigilance et un changement des comportements au regard de la prévention, ce qui est fort


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

préoccupant. Ainsi il faut encore déplorer chaque année des contaminations par le virus, ce qui préoccupe beaucoup les pouvoirs publics.

La maladie n'est absolument pas vaincue et nous devons continuer à inciter à la protection individuelle.

Rassurez-vous, les campagnes d'information seront poursuivies, comme les années précédentes, avec les moyens conséquents mobilisés à cet effet dans le budget de l'Etat.

Pour tenir compte de l'évolution de l'épidémie, ces campagnes s'adresseront particulièrement aux populations les plus vulnérables, à savoir les jeunes, les femmes, les personnes en situation de grande précarité. La coopération avec les associations, les élus et les partenaires locaux sera indispensable à leur réussite. La visite que j'ai effectuée ce matin dans une boutique qui vient d'ouvrir ses portes à Colombes montre bien que la mobilisation de l'ensemble des partenaires est indispensable pour poursuivre cette sensibilisation.

Par ailleurs, les progrès réalisés dans la connaissance de la maladie et dans la maîtrise de son développement montrent bien la différence entre nos pays et ceux du Sud, sur laquelle vous avez fait part de votre inquiétude.

Nous devons développer la solidarité avec eux comme le message des organisateurs de la quatrième conférence internationale de prise en charge extra-hospitalière de l'infection par le VIH nous y engage. Je serai d'ailleurs à leurs côtés, prochainement, lors de l'ouverture de cette conférence.

En ce qui concerne les accords internationaux sur la propriété intellectuelle des brevets, j'ai déjà répondu, la semaine dernière, à une préoccupation de cette nature.

En effet, nous sommes bien conscients qu'il faut à la fois protéger la propriété intellectuelle et donner les moyens à la communauté internationale de répondre aux besoins de soins et de favoriser la diffusion des médicaments.

L'Union européenne ne remet évidemment pas en cause les accords intervenus sur ce sujet. Au contraire, elle souhaite qu'ils soient renforcés.

Pour ce qui est, enfin, du fonds de solidarité thérapeutique international, dont l'idée a été lancée il y a deux ans, nous avons montré notre capacité à nous mobiliser et à agir. Deux programmes sont déjà en cours en Côted'Ivoire et au Maroc, qui concernent essentiellement la transmission du virus de la mère à l'enfant et la prise en charge médico-sociale du couple mère-enfant. D'autres programmes sont en préparation et seront développés très rapidement. L'année prochaine, la France consacrera 41 millions de francs à ce programme.

Nous poursuivons nos efforts dans ce domaine et il nous appartient maintenant de mobiliser très largement la solidarité internationale. La mobilisation de tous étant nécessaire, je compte aussi sur vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

RÉVISION DES LOIS SUR LA BIOÉTHIQUE

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le temps est venu de réviser ensemble les lois sur la bioéthique, de 1994, comme le prévoient d'ailleurs certaines de leurs dispositions. Le processus a été bien engagé par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, par le comité éthique, par l'Académie de médecine et, tout récemment, par le Conseil d'Etat.

Leurs avis nous seront extrêmement précieux. Néanmoins, la révision de ces lois doit tenir compte de deux éléments importants.

D'une part, l'appréciation en est parfois difficile car certains décrets d'application sont parus très tardivement, et d'autres n'ont jamais paru.

D'autre part, la France doit prochainement ratifier la convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine. Or, cette dernière sera bientôt complétée par divers protocoles additionnels, dont l'un sur l'embryon et la recherche embryonnaire. Il serait donc difficile de débattre d'un sujet sur lequel nous aurions éventuellement à revenir dans le cadre de la ratification. Harmonisation et coordination s'imposent.

En fait, les lois de 1994 comportent des dispositions de portée extrêmement différente. S'il semble que certaines questions puissent être réglées sans grande difficulté au cours des prochains mois, d'autres, telle l'éventualité du recours à la vie humaine débutante comme objet de recherche, voire comme matière première à finalité thérapeutique, nécessitent que l'on prenne du recul, du temps, et que l'on travaille dans la sérénité. Chacun comprend la gravité de l'enjeu.

Sans entrer dans l'argumentation de fond, je souhaiterais que le Gouvernement nous informe de la méthode de travail qu'il envisage et du calendrier qu'il établira. En effet notre assemblée ne saurait, comme cela a été récemment le cas pour plusieurs problèmes de société, être placée devant l'urgence et saisie de projets d'une portée telle qu'il faille laisser le temps indispensable à la délibération des consciences.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, les lois bioéthiques ont été effectivement votées en 1994. Je ne vous apprends rien puisque vous en étiez l'éminent rapporteur.

Le législateur avait prévu, dans la loi, sa révision, en précisant qu'elle devait être engagée dans un délai maximum de cinq ans. C'est pourquoi le Gouvernement a, depuis plus d'un an déjà, commandé des travaux préparatoires dont vous avez d'ailleurs fait état.

Aujourd'hui, toutes les réflexions préliminaires sont disponibles, y compris le rapport commandé par le Gouvernement au Conseil d'Etat - lui a été remis il y a quarante-huit heures. Reste maintenant à préparer le débat parlementaire et à le programmer dans un calendrier que vous savez particulièrement chargé.

Il me semble que nous ne sommes guère en retard sur les délais annoncés puisque le processus de réflexion a déjà été engagé. Vous y participez ainsi qu'un certain nombre de parlementaires et de chercheurs à travers différents colloques ou communications.

La révision prévue par le législateur se révèle, d'ores et déjà, à l'examen de ces travaux préliminaires, nécessaire.

En effet, il s'agit d'un domaine dans lequel les progrès de la science sont particulièrement rapides et où il est indispensable de revoir régulièrement la question du bon équilibre entre la protection des droits fondamentaux de la personne, auxquels nous sommes tous très attachés, et la non-entrave aux progrès de la recherche et de la science.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Il s'agit également d'un domaine où l'interdépendance des pays est grande, à l'échelle européenne, comme à l'échelle mondiale. Il est donc indispensable de tenir compte de l'évolution des législations étrangères sur la question.

Enfin, depuis cinq ans, le départ a pu être fait entre les dispositions de la loi qui se révèlent appropriées et celles qui nécessitent quelques amendements ou compléments, au-delà même des raisons que je viens d'évoquer, du fait de l'évolution des mentalités ou des connaissances.

Les enjeux précis de cette révision concernent trois chapitres : premièrement, l'assistance médicale à la procréation, la question centrale étant de savoir ce que l'on souhaite autoriser en matière de recherche sur l'embryon ; deuxièmement, le don et l'utilisation des produits du corps humain - il s'agit notamment de savoir si l'on peut et comment élargir les possibilités de greffes d'organes à partir d'un donneur vivant pour aider au développement de la transplantation - et, enfin, la médecine prédictive, qui est probablement le secteur qui a le plus évolué depuis 1994 et qui soulève le plus de questions nouvelles, par exemple celle de savoir si l'on souhaite encadrer le marché des tests génétiques ou s'il ne faut pas imposer aux assureurs de respecter la non-discrimination en raison des caractéristiques génétiques.

Même éclairée par les travaux récents qui nous ont été remis, la réponse à ces questions, vous en conviendrez, est difficile. Il convient d'engager le débat mais il convient aussi de ne pas le précipiter. Je sais que vous partagez ce sentiment.

Chacun doit prendre le temps de répondre comme il faut à la complexité de ces sujets qui, au-delà des questions techniques qu'ils soulèvent, sont, comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, d'importants sujets de société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française.

DIFFICULTÉS DES AGRICULTEURS BRETONS

M. le président.

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, des milliers d'emplois sont en péril en Bretagne, en particulier dans la filière volaille, qui représente 50 % de la production française.

Lundi dernier, les dirigeants d'un groupe industriel sont venus m'annoncer leur projet de mettre fin à l'activité d'un de leurs sites. Dans ma commune de Plouay, 230 emplois sont concernés. Nous recevons chaque semaine dans nos permanences des éleveurs qui se disent au bord de la faillite.

Ils se sentent sacrifiés et lancent un véritable cri de détresse. Or nous avons le sentiment, monsieur le ministre, que vous n'avez pas pris la mesure de l'ampleur de la crise, de l'ampleur du désastre.

Hier matin, vous avez reçu les parlementaires bretons pour évoquer la situation dramatique de l'agriculture dans cette région, la filière porcine étant également concernée.

Nous avons tous ressenti une grande déception à la sortie de cette réunion.

Au-delà du diagnostic, qu'entend porter le Gouvernement pour faire face à cette crise structurelle d'une gravité exceptionnelle, qui exige des mesures exceptionnelles, et avez-vous vraiment l'intention, monsieur le ministre, de poursuivre une politique agricole offensive sur le grand export ? Si oui, nous vous demandons instamment le maintien des restitutions dans les négociations de l'OMC.

C'est un enjeu vital pour des milliers d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, puisque vous étiez à la réunion d'hier, nous avons eu le plaisir de dialoguer ensemble !

M. Thierry Mariani.

Il a dit qu'il avait été déçu !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement s'emploie, vous le savez, à avoir une approche globale des problèmes de l'agriculture bretonne. Pour ce qui concerne l'aviculture en particulier, ...

M. Jean-Michel Ferrand.

Le secteur des fruits et légumes est également concerné.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... nous ne restons pas les mains dans les poches, sans agir ni faire de propositions concrètes. Nous entendons bien évidemment donner suite à celle que vous venez d'évoquer, c'està-dire le maintien des restitutions dans les négociations internationales.

Que les choses soient claires entre nous : nous devons, je le répète, avoir une approche globale des problèmes de l'agriculture bretonne. C'est ce que nous avons essayé de faire hier avec l'ensemble des parlementaires bretons, toutes tendances politiques confondues.

L'agriculture bretonne se trouve à un tournant. Elle s'est beaucoup développée, ces dernières années, sur un modèle hors sol, très productiviste et elle se trouve aujourd'hui face à une crise de compétitivité sur les marchés à l'exportation, à une crise de l'emploi et à une crise euvironnementale compte tenu des dégâts constatés sur l'ensemble du territoire breton.

M. André Angot.

A quand les 35 heures dans l'agriculture ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Angot, vous pouvez protester mais vous ne pouvez pas contester ce constat.

Ce qui importe donc, c'est de mettre en oeuvre une reconversion stratégique du modèle agricole breton. Nous avons entrepris de le faire, tranquillement, sereinement, mais avec volonté, tant dans le domaine avicole auquel vous faites allusion que dans le secteur porcin et celui des fruits et légumes.

Nous avons entamé le dialogue hier d'une manière consensuelle. Je le poursuivrai dans les mois qui viennent avec beaucoup de détermination, parce que, je le pense -, c'est là un enjeu majeur qu'il nous faut traiter avec beaucoup de sérieux à la fois pour la Bretagne et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Goulard.

C'est du baratin !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.


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RÉVISION DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Le 25 février 1998, le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de loi sur la prestation compensatoire.

S'il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause le régime du divorce, ce texte qui tente de remédier à certaines des conséquences négatives de l'actuel régime de la prestation compensatoire est, vous le savez, madame la ministre, attendu par de nombreux Français.

Lors de ce débat, vous avez déclaré approuver cette initiative, mais vous avez depuis obstinément refusé d'en saisir notre assemblée. Derrière le motif d'une nécessaire réforme globale du droit de la famille, réforme que vous nous annoncez depuis plus de deux ans, semble en fait se cacher votre refus de reconnaître le bien-fondé d'une proposition émanant de l'opposition.

Mme Odette Grzegrzulka.

Parano !

M. René André.

Non, c'est la réalité !

M. Patrick Delnatte.

Aujourd'hui, face aux demandes pressantes de nombre de nos concitoyens, vous nous annoncez un texte spécifique sur la prestation compensatoire. Cette annonce est la preuve de la légitimité de nos craintes. Comme pour les chèques vacances, l'accès à la nationalité française des légionnaires, la participation, le droit au bail, votre gouvernement préfère encore une fois perdre du temps et placer l'intérêt partisan avant l'intérêt général.

Madame la ministre, pour quelles raisons avez-vous perdu deux ans sur ce dossier ?

M. Jacques Myard.

PACS oblige !

M. Patrick Delnatte.

Si votre souhait de régler les problèmes liés à la prestation compensatoire est bien réel, quand allez-vous inscrire la proposition de loi du Sénat à l'ordre du jour de notre assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, la révision de la prestation compensatoire est une question extrêmement importante.

Cette prestation a pour objectif, en cas de rupture du mariage, de compenser autant qu'il est possible la disparité entre les situations matérielles de chacun des époux.

Alors qu'elle doit être, en principe, attribuée sous forme de capital, elle l'est de plus en plus sous forme de rente, parce que beaucoup des ménages qui divorcent ne disposent évidemment pas d'un patrimoine. Comme il est très difficile d'en obtenir la révision, même lorsque l'on est au chômage, et qu'elle est, de surcroît, transmissible aux héritiers, il s'avère nécessaire de changer la loi.

M. Jacques Myard.

Qu'attendez-vous ?

Mme la garde des sceaux.

C'est la raison pour laquelle j'ai accueilli de façon très positive l'initiative prise au Sénat, conjointement, je le souligne, par M. About et par M. Pagès, c'est-à-dire par un membre du groupe Républicains et Indépendants et par un membre du groupe communiste, ce qui montre bien qu'au Sénat, en tout cas, les parlementaires sont capables de ne pas céder à la tentation partisane. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René André.

Le Premier ministre ne semble pas d'accord !

Mme la garde des sceaux.

J'ai indiqué cependant qu'il faudrait, lors de son examen à l'Assemblée nationale, en améliorer encore les dispositions, parce que, pour moi, le texte voté par le Sénat ne va pas encore assez loin dans les révisions possibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

J'ai indiqué également que, dès lors que j'avais demandé un rapport sur la réforme du droit de la famille à une commission, je souhaitais pouvoir situer la révision de la prestation compensatoire dans le cadre plus global de cette réforme.

M. Richard Cazenave.

Pour quand ?

Mme la garde des sceaux.

Ce rapport m'ayant été remis, je souhaite désormais que l'Assemblée nationale puisse examiner le plus rapidement possible la proposition de loi votée par le Sénat, enrichie le cas échéant des améliorations que les commissions de l'Assemblée nationale estimeront utile d'y apporter.

En tout cas, soyez sûrs que le Gouvernement est tout à fait prêt à détacher ce point particulier de la réforme globale du droit de la famille pour entreprendre la révision qui s'impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

Dépêchez-vous !

RETRAITES DE LA FONCTION PUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Charles Miossec.

M. Charles Miossec.

Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, de l'avis de tous les experts du ministère des f inances, le choc démographique dans la fonction publique s'accentuera en 2005 pour culminer en 2010.

Ce sont 95 000 fonctionnaires qui partiront à la retraite chaque année, contre 56 000 actuellement. Plus de la moitié des fonctionnaires en activité aujourd'hui auront pris leur retraite d'ici à 2012.

Face à cette situation, sur laquelle nous vous avons interrogé vainement pendant la discussion budgétaire, vous ne dites toujours rien. Il s'agit pourtant d'un problème éminemment important ; crucial même non seulement pour les finances publiques, mais aussi pour l'avenir des fonctionnaires eux-mêmes et de leurs retraites.

Le rapport Charpin, que vous avez commandé, a clairement défini les enjeux. Et pourtant, depuis, il ne se passe rien. Vous gardez le silence le plus total et le plus obstiné.

Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cette évolution et à nous en inquiéter. Vos amis socialistes vont même jusqu'à se demander s'il faut continuer à accorder aux retraités les mesures statutaires accordées aux fonctionnaires en activité.

Monsieur le ministre, face aux interrogations qui émanent de tous les bancs de notre assemblée et aux inquiétudes légitimes des fonctionnaires, que répondez-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Rien !

M. le président.

Nous allons le savoir tout de suite.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, je me demande bien pourquoi vous voulez saucissonner le problème des retraites. Celui-ci a été posé en termes généraux par le Gouvernement et le Premier ministre a demandé, vous le savez très bien puisque vous l'avez vous-même évoqué, au Commissariat général du Plan une étude sur ce sujet. Il fera connaître prochainement les orientations qu'il a arrêtées à partir de celle-ci pour rétablir l'équilibre à long terme de nos retraites.

M. Charles Miossec.

Il n'y a toujours rien !

M. Thierry Mariani.

On attend ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Les choses viendront donc en leur temps et ne manifestez pas une telle nervosité : elle me semble à la mesure des déboires que vous avez connus en d'autres temps, lorsque vous avez abordé ces questions avec la maladresse que l'on sait... (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous n'aimez pas qu'on vous le dise. C'est un simple rappel. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Messieurs les députés, au lieu de vociférer, vous devriez écouter ma réponse.

M. Bernard Accoyer.

Démago !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Thierry Mariani.

Nous voudrions un ministre compétent ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il n'est pas très courageux de hurler dans un hémicycle. J'ai été, en d'autres temps, à votre place. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pas tout à fait ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Mais je ne vociférais pas comme vous le faites.

Vous avez évoqué, monsieur Miossec, un autre aspect du problème.

Il va, en effet, y avoir un grand renouvellement de personnel dans la fonction publique...

M. Charles Miossec.

Il est temps ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... en raison des très nombreux départs en retraite qui vont avoir lieu dans les dix prochaines années. Il nous faudra, afin de nous y préparer, mener un important travail de prospective.

M. Thierry Mariani.

C'est nul ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Le Gouvernement se dote des moyens de prospective nécessaires pour prévoir les besoins en qualification et en formation pour l'horizon 2000. Nous nous y préparons et nous apporterons les réponses appropriées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Zéro !

M. Charles Miossec.

Il n'y a toujours rien. Le silence perdure !

PRESSION FISCALE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et du budget, depuis deux ans et demi, vous gratifiez les Français d'une production fiscale débordante. (« Oh » ! sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Et même délirante !

M. Jean-Claude Guibal.

Depuis deux ans et demi, nous dénonçons votre activisme fiscal.

M. Gérard Bapt.

Vous allez nous donner des cours du soir !

M. Jean-Claude Guibal.

Quand vous ne créez pas un nouvel impôt, vous alourdissez ceux qui existent déjà.

Je citerai pour mémoire, sans prétendre être exhaustif, le doublement de la CSG sur les produits de l'épargne, l'amputation du quotient familial, la surtaxe de l'impôt sur les sociétés,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

N'oubliez pas la baisse de la TVA ?

M. Jean-Claude Guibal.

... l'écotaxe, la contribution sociale sur les sociétés,...

M. Arnaud Lepercq.

Et la taxe sur les heures supplémentaires ! M. Jean-Claude Guibal. ... et j'en passe.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et la TVA ?

M. Jean-Claude Guibal.

Je comprends mal vos exclamations. Ce que je perçois c'est que les Français sont excédés et qu'ils n'en peuvent plus de l'accroissement de cette pression fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les Français sont, par ailleurs, pour le moins déroutés parce qu'ils voient la croissance reprendre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Gérard Bapt.

Ils devraient s'en réjouir, au contraire !

M. Jean-Claude Guibal.

La croissance est enfin retrouvée après les vagues venues d'outre-Atlantique et votre mérite en la matière est mince. Vous savez, comme chaque Français, que vous bénéficiez d'un retour mécanique de la croissance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

M. Francis Hammel.

Il ne fallait pas dissoudre !

M. Jean-Claude Guibal.

Les Français attendaient que vous les en fassiez bénéficier par des réductions significatives d'impôts.

M. Bernard Accoyer.

Même M. Fabius le dit !

M. Jean-Claude Guibal.

Au lieu de cela, vous ne cessez de créer des impôts supplémentaires et d'alourdir ceux qui existent déjà.

Je citerai pour seul exemple la taxe sur les logements vacants, une invention tellement brillante que votre administration a adressé récemment un grand nombre de formulaires pour des locaux qui n'avaient rien à voir avec des logements vacants. Certains de nos concitoyens en ont reçu pour des parkings dans lesquels ils garent leurs véhicules ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il n'y a à cela qu'une seule explication : vos services eux-mêmes n'arrivent pas à suivre le train d'enfer que vous leur imposez, comme aux Français, en matière de création d'impôts.

M. Francis Hammel.

La question ?

Mme Odette Grzegrzulka.

On s'ennuie !

M. Jean-Claude Guibal.

Ils reconnaissent d'ailleurs euxmêmes qu'ils ne s'y retrouvent pas et qu'ils ne sont pas en mesure de gérer ces textes.

Ma question est simple. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je ne doute pas que la réponse sera plus agréable à vos oreilles, mesdames, messieurs, que ne doit l'être le constat que je viens de faire de ce petit dysfonctionnement, par ailleurs révélateur de votre créativité.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire, d'une part, pour aider vos services à assumer leurs charges et assurer leurs missions et, d'autre part, pour rassurer les Français et leur démontrer que vous êtes enfin devenus sages en matière fiscale ? Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Je sens que le sujet que je viens d'évoquer fait partie de vos préoccupations les plus fortes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Hammel.

C'est mal !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Monsieur le député, j'avoue avoir eu un peu de mal à comprendre où vous vouliez en venir. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) tant votre exposé liminaire était éloigné de la question technique que vous avez fini par poser. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je note au passage que vous avez toujours pris soin de rester extrêmement sélectif en prenant le cas de quelques impôts qui ont effectivement un peu bougé à la marge, mais en vous gardant bien de parler de la grande réforme de la taxe professionnelle, saluée tant par les salariés que par les collectivités territoriales et les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), en oubliant également la récente baisse de la TVA sur le logement, elle aussi saluée par la grande majorité de nos entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), tout comme la diminution de l'impôt sur les sociétés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), et en omettant enfin de rappeler que la croissance américaine qui expliquerait, selon vous, la croissance française par un simple effet mécanique, était rigoureusement de même nature et d'une évolution comparable sous le gouvernement antérieur...

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est pas vrai ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Auquel cas, cet effet mécanique aurait dû jouer autrefois, comme il joue aujourd'hui sous le gouvernement de M. Jospin.

A vous entendre, nous ne servirions pas, tout compte fait, à grand-chose puisqu'il suffirait d'un effet mécanique de la croissance américaine pour que notre pays fonctionne... Si cela était vrai, ce serait terrible.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous croyons, nous, à la régulation économique. Nous croyons à la juste répartition de l'impôt sur la croissance, monsieur le député,...

M. Jean Auclair.

Mais votre répartition est injuste ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

... et c'est bien la raison pour laquelle nous avons décidé, entre autres, de créer une taxe sur les logements vacants.

Des dispositions de fiscalité immobilière avaient en effet conduit nombre de propriétaires à geler des mètres carrés alors que d'autres personnes ne pouvaient se loger.

M. Jean Auclair.

Et les parkings ? Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Devant un problème aussi difficile pour nos villes, il fallait mettre au point une taxe sur les logements vacants.

M. Lucien Degauchy.

Pour prendre un peu plus ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a du reste reporté de trois mois sa mise en oeuvre pour des raisons techniques. Je vous rappelle au passage que le Président de la République, qui connaît bien les problèmes de certains quartiers de Paris, a reconnu que, en dehors de la taxe sur les logements vacants, il ne voyait pas d'autres moyens pour relancer le marché de la location, particulièrement déprimé dans les grandes villes de France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

REVENDICATIONS DES MINEURS DE CHARBON DE MOSELLE

M. le président.

La parole est à M. Roland Metzinger.

M. Roland Metzinger.

Ma question, à laquelle s'associe mon collègue et ami Jean-Marie Aubron, s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Depuis le 8 novembre, les mineurs de charbon de Moselle font entendre leur voix pour obtenir des négociations salariales et la compensation de la perte de la déduction fiscale de 10 % spécifique aux mineurs de fond.

Avant d'entendre la position du Gouvernement sur ces revendications, je voudrais souligner que, depuis le 8 novembre, j'ai été en permanence en contact avec les autorités de tutelle sur ces questions. J'ai en partie été entendu puisqu'une délégation de mineurs syndicalistes a été reçue au ministère de l'industrie dès le 14 novembree t à la direction de Charbonnages de France le 25 novembre.

La rencontre avec CDF ayant échoué, la tension est très rapidement et fortement montée au sein de la corporation minière. Les informations précises que j'ai pu transmettre sur les effets de la mobilisation des mineurs sont hélas avérées ! Aujourd'hui, force est de se rendre à l'évidence : les manifestations du 30 novembre à Metz et à Forbach ont provoqué des dégradations extrêmement importantes. Personne ne peut cautionner de tels agissements que je suis le premier à déplorer. C'est pourquoi il me paraît indispensable de tirer les leçons du passé et de la journée d'hier, car ce n'est pas la première fois que des événements d'une telle gravité se produisent.

J'ai été, avec Jean-Marie Aubron, reçu aujourd'hui même, à midi, par Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Nous sommes conscients des difficultés que pose la gestion de la récession charbonnière et des efforts consentis par la nation dans le cadre de son budget. Je souhaite néanmoins que le dialogue entre les partenaires sociaux de CDF ait un contenu réel, que la négociation annuelle puisse tenir compte de l'inflation et qu'elle soit rendue possible à l'avenir en dehors de toute pression.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Monsieur le président, j'ai omis tout à l'heure d'excuser Christian Sautter qui, chacun le sait, est actuellement à Seattle.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Il n'a pas démissionné ? Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Aussi Christian Pierret, occupé à défendre en son nom le budget au Sénat, me demande, monsieur le député, après votre rencontre de ce matin, de vous réaffirmer qu'il est tout comme vous désolé de ce qui s'est produit hier. De la manière la plus solennelle, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, il tient à vous faire savoir que nous comprenons la grande détresse des mineurs qui ont apporté beaucoup à notre pays. Mais même s'ils ont connu et connaissent encore des conditions de vie extrêmement difficiles, s'ils souffrent parfois d'une concurrence déloyale - sur ce point, ils ont parfaitement raison -, ils ne doivent pas pour autant se laisser aller à la v iolence. Pour commencer, la destruction de biens publics n'a jamais rien apporté à la démocratie. De surcroît, les manifestants courent le risque de se couper d'une population jusqu'à présent solidaire avec eux. J'espère qu'ils comprendront, avec la négociation que Christian Pierret a réouverte immédiatement après votre entretien, dès quatorze heures, que le Gouvernement est à leurs côtés et non contre eux et qu'il est possible de sortir de cette impasse dans la sérénité d'une salle de négociation.

Pourquoi une impasse ? Parce qu'il est vrai que Charbonnages de France aura connu cette année un déficit de 6 milliards de francs. Il est vrai également que les 0,3 % d'augmentation de salaire accordés la semaine dernière ne font que 500 francs. Nous sommes tous capables de comprendre que ce n'est finalement pas énorme, même s'il convient de les ajouter au 0,8 % déjà accordés.

En revanche, Christian Pierret, après s'être concerté avec Christian Sautter, s'est engagé à ce que l'abandon de c ertaines dispositions fiscales, qui représentent entre 1 000 et 3 000 francs par mineur, soit bien pris en compte dans la négociation. Le président de Charbonnages de France a reçu mandat pour ouvrir le dialogue dans ce sens, alors que les sommes en cause deviennent, reconnaissez-le, nettement plus élevées.

Au-delà, Christian Pierret souhaite que soient réaffirmés, avec le soutien du président de Charbonnages et l'engagement de Christian Sautter, le principe d'une prise en compte des carrières mixtes dans le décompte des droits à retraite des mineurs - ce qui relève de la simple solidarité -, le caractère non contraignant des modes de mobilité et la nécessité enfin d'une réflexion sur l'aprèsmines. Tout en insistant fortement sur l'importance de la reconversion dans le traitement d'ensemble de ces problèmes industriels, la réflexion suppose le respect d'une condition : que les mineurs se sentent non exclus mais parties prenantes dans le processus de reconversion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, ma question, dans le prolongement de celle que notre collègue Meï a posée tout à l'heure, a trait à la politique du Gouvernement en matière de lutte contre le sida.

M. Bernard Accoyer.

Il s'est défaussé sur la CNAM !

M. Philippe Nauche.

Une récente étude, menée sous la direction du professeur Delfraissy et rendue publique ce mois-ci, a recensé le nombre total des cas de sida en France depuis 1993, qu'elle estime à 49 000 personnes au 30 juin 1998. Or l'évolution de ce chiffre soulève certaines inquiétudes. En effet, si l'on observe une diminut ion annuelle des cas déclarés de séropositivité depuis 1994, on ne peut que s'inquiéter de l'affaiblissement de cette tendance depuis deux ans.

De surcroît, ce phénomène s'accompagne d'une évolution sociologique du public touché, puisque l'on relève une proportion de plus en plus élevée de sujets en forte situation de précarité.

Certaines recommandations ont été faites à l'occasion de ce rapport, telles que l'extension de la déclaration obligatoire de la séropositivité au VIH, l'étude des relations entre précarité et VIH ou le développement des estimations contribuant à l'évaluation des programmes de lutte contre l'infection. Pouvez-vous nous faire part, madame la secrétaire d'Etat, de votre sentiment sur ces recommandations ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Enfin, une étude du programme ONU-sida a montré les ravages de l'épidémie dans les pays en voie de développement - notre collègue l'a rappelé tout à l'heure. Le 3 décembre prochain, à votre initiative, se tiendra à

M ontpellier la première conférence interministérielle euro-méditerranéenne sur les maladies transmissibles, qui réunira les quinze pays de l'Union européenne et douze pays méditerranéens. Cette réunion peut constituer une première approche pour une coopération internationale plus forte dans le domaine de la santé.

P ouvez-vous nous informer, madame la secrétaire d'Etat, des attentes liées à cette réunion et, plus largement, des actions françaises en matière de coopération internationale contre ce fléau que constitue le sida ?

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je l'ai rappelé tout à l'heure, l'épidémie de sida a considérablement évolué depuis 1996 avec la découverte et la mise à disposition de nouvelles molécules et de nouvelles thérapies, notamment la trithérapie. La mortalité a diminué, tout comme le nombre de cas déclarés de sida. De plus en plus de personnes parviennent dorénavant à vivre presque normalement tout en étant porteuses du virus.

Il faut malheureusement déplorer, corrélativement à cette situation, un affaiblissement des comportements de prévention alors même que la maladie n'est pas vaincue.

C'est ainsi que nous déplorons régulièrement chaque année 5 000 à 6 000 nouvelles contaminations, ce qui reste très préoccupant.

C'est pour mieux prendre en compte cette évolution, la connaître et l'appréhender qu'un dispositif de déclaration obligatoire des nouvelles contaminations d'infections à VIH a été décidé, qui devrait se mettre en oeuvre rapidement. Ce dispositif, je vous le rappelle, a été élaboré en concertation avec les associations de lutte contre le VIH et les associations de défense des droits de l'homme, dans une volonté commune de protéger l'anonymat des personnes concernées et de mieux connaître l'évolution de l'épidémie.

Les relations entre infections à VIH et précarité sont bien évidemment mieux connues aujourd'hui, même si l'on ne sait pas encore bien faire la part des choses dans la réciprocité de la relation entre précarité et sida - ou sida et précarité. Cela dit, le travail de terrain mené par les associations devrait nous permettre de mieux appréhender cette problématique et de diligenter une action plus précise dans ce domaine.

Les migrants, les usagers de drogue, les femmes, les jeunes en errance, particulièrement vulnérables, sont souvent les premiers touchés par l'épidémie. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'amplifier les programmes de prévention en direction de ces populations, dans une démarche associant pouvoirs publics, responsables associatifs et professionnels de santé, sans oublier l'indispensable adhésion des élus locaux. Nous nous employons donc à réduire les inégalités devant la maladie dans notre pays ; mais, ainsi que je l'indiquais tout à l'heure, nous sommes également très engagés dans la lutte contre les inégalités entre pays du Nord et pays du Sud face à l'évolution de cette épidémie.

L'initiative française en direction des pays les plus démunis est et restera, je le réaffirme solennellement, une de nos priorités dans le cadre d'un partenariat avec les autorités sanitaires des Etats concernés. Il s'agit d'agir non d'une manière inconsidérée, mais en partenariat avec elles.

C'est dans cet esprit que se tiendra vendredi prochain à Montpellier la conférence ministérielle euroméditerranéenne sur les maladies transmissibles, qui réunira les ministres de la Communauté et les ministres des pays méditerranéens.

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Du fait même de la globalisation des échanges de marchandises, de la circulation des populations, de l'industrialisation des filières alimentaires, les risques infectieux menacent et débordent fréquemment les frontières nationales. D'où la nécessité d'une surveillance épidémiologique et de dispositifs d'alerte efficaces au-delà de la Communauté européenne. C'est l'objet de cette conférence euro-méditerranéenne.

M. le président.

Nous en venons aux questions des députés non inscrits.

FORMATION AUX MÉTIERS DU BÂTIMENT

M. le président.

La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono.

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Une récente enquête de la chambre de commerce et d'industrie de Paris sur l'affectation que les ménages entendent donner à leur épargne montre que la baisse de la TVA conforte nettement les intentions d'entreprendre des travaux de restauration dans les logements.

Lors du salon du bâtiment, les professionnels réunis à Paris ont tous confirmé que les mesures récentes de baisse de TVA sur les travaux de restauration portent leurs fruits. Ils constatent chaque jour une forte demande et y voient, bien évidemment, la perspective de conforter et développer l'emploi dans ce secteur.

Cette forte demande risque néanmoins de créer des tensions sur le marché de l'emploi ; certains artisans s'inquiètent d'ores et déjà de la difficulté à trouver des compagnons formés.

Ma question, madame la secrétaire d'Etat, sera la suivant : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin de permettre au plus vite à nos jeunes de se former et de s'orienter vers les métiers du bâtiment qui, aujourd'hui, leur offrent de réels débouchés ? (Applaudissements sur plusieurs les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Ma réponse sera courte et tiendra en deux points.

Premièrement, il est vrai que le travail reprend, avec un tout petit bémol, cependant : les organisations patronales devront prendre garde à la dérive des prix. Tel est le message que M. Jean-Noël Kerdraon, au nom du groupe, nous a apporté ce matin.

Deuxièmement, face à l'absence d'employés qualifiés, Martine Aubry a proposé, via la signature d'une convention avec l'UPA à ce sujet, d'engager dès le mois de jan-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

vier une campagne active en direction des jeunes afin de les inciter à s'orienter vers ces qualifications. Nous avons avec Claude Allègre et Nicole Péry revu le contenu de l'apprentissage afin que des jeunes déjà nantis d'une qualification ou d'un niveau suffisants puissent être formés en un an. Des moyens financiers, un contenu d'apprentissage revu, 100 contrats départementaux, 5 000 contrats en un an avec la mobilisation des services publics sous l'autorité de Mme Aubry : ce dispositif devrait fonctionner, pour peu que tout le monde nous rejoigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

EMPLOI DES HANDICAPÉS

M. le président.

La paroles est à M. Damien Alary.

M. Damien Alary.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, les handicapés aspirent, comme tous nos concitoyens, à une vie professionnelle et sociale.

Or le monde du travail leur est encore malheureusement trop souvent fermé. La semaine passée, la Ligue pour l'adaptation des diminués physiques au travail a organisé, en partenariat avec les grands médias nationaux et régionaux, une opération visant à mobiliser 2 000 offres d'emplois spécifiques. De son côté, le Gouvernement a récemment confirmé sa détermination à promouvoir l'intégration des personnes handicapées dans la société.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre, alors que chacun s'accorde à constater une réelle décrue du chômage, afin que les handicapés soient mieux intégrés dans le monde du travail, tant dans le secteur public que dans les secteur privé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, les chiffres que vous avez cités montrent les difficultés d'accès à l'emploi auxquelles se heurtent les personnes handicapées. Il est vrai qu'une politique de relance globale et résolue est nécessaire. Elle a été engagée par Martine Aubry, voilà déjà quelque temps, en définissant un cadre général d'intervention qui repose sur plusieurs axes : privilégier d'abord l'accès à l'emploi direct dans le respect et l'activation de l'équilibre général de la loi du 10 juillet 1987 ; lever ensuite les obstacles stucturels à l'embauche des personnes handicapées en développant l'accompagnement individualisé proposé à 90 000 demandeurs d'emplois supplémentaires sur trois ans dans le cadre d'un dispositif

« nouveau départ » ; mieux assurer enfin la complémentarité et la continuité entre le milieu de travail ordinaire et le milieu de travail protégé.

Par ailleurs, la convention pluriannuelle entre l'AGEFIPH et l'Etat, qui va s'étendre sur 1999 et 2003 et mobilisera 1,5 milliard de crédits supplémentaires sur trois ans, a fixé un cadre rénové pour le partenariat entre les acteurs de la politique publique de l'emploi.

De nombreuses actions et réflexions sont engagées tant au plan local qu'au plan national sur ces nouvelles bases.

Les premiers chiffres, qui montrent une baisse significative du chômage des personnes handicapées, attestent du bon démarrage des actions menées dans ce cadre depuis ces derniers mois. Il nous faut, bien évidemment, persévérer dans cette voie par la mobilisation de tous, surtout des entreprises.

M. Bernard Accoyer.

Et les administrations ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Elles doivent prendre conscience que l'embauche d'un salarié handicapé a des effets tout à fait bénéfiques tant pour l'entreprise que pour l'équipe qui l'intègre.

M. Bernard Accoyer.

Est-ce valable pour les administrations ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

L'administration participera elle aussi à cet effort conséquent ...

M. Bernard Accoyer.

Merci ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

... en développant un accueil privilégié, adapté aux personnels handicapés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Pierre-André Wiltzer.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1889, 1937).

Hier soir, la discussion générale a été close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Laurent Dominati, qui dispose de trente minutes.

M. Laurent Dominati.

Au terme de la discussion générale et après de nombreuses heures de débat, voici en quelque sorte l'intervention de la dernière chance. En effet, je n'ai aucune chance de renouveler les arguments avancés durant de longues heures au cours de longs mois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Pour cette dernière plaidoirie contre votre projet, madame la ministre, je me suis demandé comment réussir à vous convaincre. Comment, sinon en m'adressant personnellement à vous, presque à huis clos, oserai-je dire.

Comme si nous n'étions pas dans un débat public, politique et, naturellement, polémique. Comme s'il n'y avait personne - d'ailleurs, nous en sommes bien près ! - et en vous faisant seule juge des arguments que je vais développer devant vous. Pour le faire avec bonne foi, la meilleure foi possible, il faut non seulement que je vous rende arbitre de mes arguments mais que je reprenne les vôtres.

Je vais essayer de voir si vous avez raison ou si, au contraire, les résultats déjà entrevus et les comparaisons internationales peuvent vous convaincre, non pas de retirer ce projet de loi - je sais bien que vous ne pouvez pas y renoncer - mais, au moins, d'assouplir votre position, peut-être lors d'une nouvelle lecture en commission, lors de la discussion sur les amendements, ou tout simplement en prenant les décrets d'application. Je vais essayer d'introduire quelques doutes dans votre esprit.

Cette loi, disiez-vous lorsque vous l'avez annoncée, notamment lors de la campagne électorale, est destinée avant tout à créer des emplois. Pour nous, l'idée de partager le travail, comme si c'était un gâteau, pour mieux le répartir, est une idée fausse, mais on peut comprendre le raisonnement si l'on croit que le travail est effectivement un gâteau et qu'il faut en redistribuer les parts plus équitablement.

Nous pensons, nous, que l'économie est une matière vivante, faite par les hommes et par les femmes. Tout l'enjeu de la politique économique, toute la responsabilité d'un gouvernement, c'est d'agrandir le gâteau : de le répartir le plus justement possible certes, mais d'abord de l'agrandir. Il y a donc un vice de forme initial dans la théorie même de la répartition du temps de travail. On ne répartit pas du temps de travail, on crée du travail. Je dirai même que, plus il y a de travail, plus le travail en crée lui-même, plus on le réduit, plus la somme totale de travail diminue.

Peut-on considérer qu'il y a une relation entre la création d'emplois et la durée du temps de travail ? Regardons ce qui se passe à l'échelle internationale. S'il y a un lien entre la durée du travail - la durée hebdomadaire, mensuelle, annuelle ou la durée de travail sur toute une vie - et le chômage, c'est un rapport inverse. Plus il y a d'heures travaillées dans une vie ou dans une année, moins il y a de chômage. C'est ce que nous montrent des exemples pris dans différents pays du monde. Je n'en parle pas, d'autres orateurs l'ont fait.

Nous pourrions disserter sans cesse sur la théorie économique sous-tendue par des comparaisons internationales. Je comprends que vous restiez fidèle à votre théorie, mais je me devais de rappeler que, selon nous, vous partez d'un principe biaisé, ce qui va vous conduire à faire voter une loi biaisée et faussée, d'amendement en amendement, de réglementation en réglementation.

Regardons maintenant les effets de la diminution du temps de travail sur le chômage et sur la création d'emplois.

Vous vous êtes félicitée de la baisse des chiffres du chômage, et vous avez raison car c'est un bienfait pour notre pays que le chômage diminue. Vous l'avez attribuée en partie à la réduction du temps de travail. La réalité de la baisse du chômage correspond-elle à votre pensée politique et à votre action économique ? Quelle est la part de la baisse de la durée du travail, des 35 heures ? C'est vrai qu'il y a une baisse du chômage, au sens du Bureau international du travail, et il est tout à fait naturel qu'un ministre quel qu'il soit s'appuie sur des comparaisons internationales et sur la définition officielle du chômage, mais vous devez aussi être inquiète, comme tout le monde, car cette baisse du chômage cache des situations de sous-emploi, de mauvais emploi, de sous-rémunération de l'emploi, ou d'emploi contraint à temps partiel. Les statistiques du ministère de l'emploi, de l'UNEDIC ou de l'ANPE montrent que le nombre de personnes « mal employées » est passé de 4 170 000 en septembre 1996 pour choisir, vous l'avez noté, une référence politiquement neutre - à 4 310 000 aujourd'hui. Je ne vous en rends pas responsable, j'essaie simplement d'introduire quelques doutes dans votre esprit. Oui, bien sûr, le chômage statistique baisse, mais il demeure un certain nombre d'éléments extrêmement inquiétants. Je ne parlerai pas des sorties du fichier de l'ANPE, pour 700 000 demandeurs d'emploi de longue durée notamment, les radiations ayant augmenté de 43 % en un an. Cela, qui est tout à fait légal, mérite tout de même que l'on s'interroge.

Autre signe encore plus inquiétant, alors que nous sommes dans une période de croissance formidable, que nous n'avons jamais connue, le nombre de créations d'entreprises baisse.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est un vrai problème !

M. Laurent Dominati.

Merci, monsieur le président de la commission ! Alors que nous devrions avoir une vraie décrue du chômage dans tous les domaines et assister à un boom des créations d'entreprises, des signes sont inquiétants. D'autant plus que la croissance, qui est formidable, fondée notamment sur les échanges internationaux, le moteur américain ou les nouvelles techn ologies, ne durera peut-être pas toujours. C'est maintenant qu'il faut engranger les recettes et engager des réformes de fond.

Pour être juste, il faut voir aussi quelle est la part des 35 heures dans ce succès ou ce relatif échec. Qu'il s'agisse de la croissance ou de la baisse du chômage, on ne peut pas dire que les 35 heures ont eu un effet : tout simplement parce que nous n'en sommes qu'au début du processus. On ne peut pas dire que la baisse du chômage est due aux 35 heures, on ne peut pas le dire non plus de la persistance de signes inquiétants. Nous sommes donc quittes, en quelque sorte : vous ne pouvez pas vous appuyer sur les 35 heures pour dire que la baisse du chômage est le résultat de la politique que vous menez. Que l'on soit inquiet ou optimiste, les 35 heures n'y sont pour quasiment rien, pour l'instant.

Ainsi, il faudrait s'en remettre aux hypothèses que vous avez établies pour bâtir votre loi ? Non pas les hypothèses de départ, celles du rapport de la Banque de France, du ministère des finances ou du ministère de l'emploi qui avaient présidé à l'élaboration de la première loi. Le Gouvernement lui-même ne les reprend pas pour la seconde loi. A l'époque, si ma mémoire est bonne, on prévoyait entre 350 000 et 400 000 créations d'emplois grâce aux 35 heures.

M. Francis Delattre.

800 000 !

M. Laurent Dominati.

Je n'irai pas jusque-là ! Pour ma part, je m'en tiendrai à une hypothèse optimiste, la création de 250 000 emplois. Ce n'est déjà pas mal ! Vous estimez le coût de leur financement à 65 mil-


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liards pour 2000, et entre 105 et 110 milliards pour 2001. Le Rexecod parle de 135 milliards à terme. Là encore, je vais être mesuré et prendre l'hypothèse de 100 milliards. Cela permet de faire des calculs assez ronds et assez simples : 400 000 francs par emploi créé. Diable ! Avec une telle somme, n'importe qui peut créer des emplois. C'est largement supérieur au salaire moyen et aux charges correspondantes. Je ne suis donc pas sûr que l'on puisse justifier cette loi de réduction autoritaire du temps de travail par la création d'emplois. J'observe d'ailleurs que vous n'avez pas repris cet argument à votre compte lorsque vous avez déposé ce projet.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qu'est-ce qu'il raconte ?

M. Laurent Dominati.

On peut alors considérer que si, finalement, la réduction ne crée pas d'emplois, elle permet une redistribution sociale. Après tout, on prendrait aux riches, ou aux entreprises, pour donner aux salariés les plus démunis. Même si elle n'était pas formidable du point de vue économique, la loi aurait alors un effet bénéfique ! Cette loi est-elle faite effectivement pour les plus démunis ? Commençons par les salariés. Un sondage réalisé par la CFDT auprès de 10 000 salariés d'entreprises ayant déjà conclu des accords sur les 35 heures,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sondage très intéressant !

M. Laurent Dominati.

... sondage passé trop inaperçu à m on sens, donne deux renseignements intéressants d'abord, les salariés sont favorables aux 35 heures, ce qui vous conforte. Entre 15 et 20 % d'entre eux considèrent qu'il y aura des baisses de salaire, et plus de 20 % qu'il y aura de toute façon un gel des salaires. Plus de 40 % des salariés d'entreprises ayant déjà signé des accords considèrent donc que cette loi aura pour effet un gel ou une baisse des salaires. Ils ont peut-être tort, mais c'est ce qu'ils pensent et ce qu'ils constatent au vu des accords déjà signés.

Je ne pense pas en tout cas que l'évolution améliorera leur revenu. Or, si j'en crois les déclarations syndicales, de FO ou d'autres, c'est ce qui est important pour eux, notamment pour les plus pauvres : ce n'est pas l'augmentation du temps de loisir. Ce qui leur manque généralement, ce sont des moyens d'existence et les moyens pour utiliser au mieux leur temps de loisir.

J'ajoute que le principe même de la loi entraîne une hausse du coût du travail qui, en dépit des compensations et des exonérations de charge, s'applique aux plus bas salaires. C'est dans les industries de main-d'oeuvre, dans les industrie dans lesquelles les salaires sont un petit peu supérieurs au SMIC, que la hausse du coût du travail est la plus importante et que les chefs d'entreprise seront de moins en moins incités à travailler.

Peut-on donc affirmer que, dans ses effets sociaux, la loi profite aux plus faibles des salariés ? J'ai plutôt le sentiment que c'est l'inverse ! Vous l'avouez, d'une certaine façon, puisque, en taxant les heures supplémentaires, vous empêchez ceux qui veulent travailler plus d'avoir de l'argent supplémentaire dans leurs poches.

Je pourrais comprendre qu'il soit interdit de travailler plus de 35 heures, que, si les chefs d'entreprise veulent faire travailler davantage leurs salariés, après avoir passé un accord d'entreprise avec eux, ils doivent payer beaucoup plus cher. C'est le cas avec la législation actuelle pour le travail de nuit ou le travail le dimanche. Les travailleurs choisissant de travailler plus en verraient les effets dans leurs poches. Ce serait une incitation au travail, avec une pénalité pour les chefs d'entreprise, la durée légale du travail étant une espèce de référence. Là, pas du tout. Vous taxez ceux qui ont envie de travailler ! C'est tout de même paradoxal parce que vous taxez des salariés qui considèrent, eux, qu'ils ont besoin de travailler davantage.

On pourrait alors considérer que, si cette loi n'est pas bonne pour les salariés, avec, dans un premier temps, un gel des salaires, ce n'est pas grave car elle permettra de moderniser les relations sociales dans l'entreprise et d'aménager le temps de travail. Cela a été écrit ici et là dans les journaux, et c'est en partie vrai. Votre loi facilite l'aménagement du temps de travail dans les grandes et les très grandes entreprises et une chance s'offre aux grands groupes, au grand patronat.

Mme Odette Grzegrzulka.

Comment cela se fait-il alors que le MEDEF ne soit pas content ?

M. Laurent Dominati.

Qu'il s'agisse du travail posté, ou du travail industriel, vous financez d'une certaine façon l'aménagement du temps de travail des très grands.

Les très grands peuvent s'en tirer.

M. Germain Gengenwin.

C'est même intéressant pour eux.

M. Laurent Dominati.

Ils sont suffisamment souples pour pouvoir s'adapter, ils ont des DRH qui savent y faire, une forte capacité de négocier, et ils ont aussi la possibilité de délocaliser pour surmonter les obstacles.

D'une certaine façon, il est paradoxal de voir l'Etat aider les très grandes entreprises.

Ce n'est pas le cas pour les petites entreprises, et j'ai été frappé au cours de ces derniers mois et très récemment encore de constater l'incrédulité des petits chefs d'entreprise. Quand on leur parle des 35 heures, les petits patrons, c'est-à-dire les commerçants, les artisans, les dirigeants des petites entreprises, haussent les épaules en expliquant que, de toute façon, cela ne sera pas appliqué.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous ne devons pas voir les mêmes !

M. Laurent Dominati.

Je crois que vous voyez surtout le grand patronat...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas du tout !

M. Laurent Dominati.

... et vous n'êtes peut-être pas souvent dans la rue pour voir les petits.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, justement !

M. Laurent Dominati.

Moi, je les vois, et je les verrai encore ce soir dans les cafés du centre de Paris. Ils ont l'air totalement surpris. Tout cela leur paraît si absurde qu'ils sont persuadés qu'il n'y aura jamais d'application.

Je vous mets en garde à ce sujet. Vous avez le sentiment que l'opinion est en votre faveur, et c'est sans doute vrai : parce qu'elle n'y croit pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On verra.

M. Laurent Dominati.

Je vous mets donc en garde contre un éventuel retournement de l'opinion...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous remercie.

M. Laurent Dominati.

Je suis sincère. Je crois qu'il est de mon devoir de vous mettre en garde...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais je vous en remercie !

M. Laurent Dominati.

... contre la surprise qui va saisir un certain nombre de salariés et de chefs d'entreprise lorsque la loi sera appliquée. Ce n'est pas possible, se diront-ils ! Comment ont-ils pu faire une chose pareille ? Si mon devoir est de vous mettre en garde, le vôtre est tout de même d'accepter d'accueillir le doute dans votre esprit, car il ne faut pas être aussi sûr de soi. Vous pouvez l'être en public, bien sûr, mais mon objectif est de vous faire réfléchir lorsque vous serez seule.

On pourrait aussi considérer que rien de tout cela n'est très grave puisque cette loi permettra de renforcer le dialogue social qui était en panne. Dans la mesure où elle oblige tout le monde à négocier, même si elle n'est pas bonne, elle aura des effets positifs à l'avenir. Le fait que le dialogue social redémarre sera bon pour l'ensemble du pays : entreprises, chefs d'entreprise, salariés et syndicats.

Je ne suis pas sûr que le meilleur moyen d'engager le dialogue social soit de mettre 35 000 chefs d'entreprise dans la rue. C'est une première, mais on peut considérer que c'est de la polémique politique et que cela n'a pas grande importance sur le long terme : ils ne seront pas toujours dans la rue, ils seront au travail.

On peut aussi passer outre le fait que cette loi déclenche un certain nombre de grèves, dans les services publics ou dans les entreprises privées, dans la grande distribution ou ailleurs. On sera bien obligé, en effet, de cesser la grève et le dialogue social sera renoué.

Il me paraît cependant profondément vicieux ou malhonnête de croire que le dialogue social sur les 35 heures peut s'engager avec un pistolet sur la tempe, avec en expliquant que, de toute façon, cela sera imposé. Il y a même un certain culot à considérer les accords signés comme autant d'approbations. Ceux qui signent ne vous approuvent pas, mais pensent qu'il est de leur intérêt de signer. C'est un petit peu une méthode policière : on oblige un malheureux à avouer puis on explique qu'il est d'accord puisqu'il a avoué.

M. Yves Durand.

C'est un peu excessif.

M. Laurent Dominati.

C'est même un procédé un petit peu stalinien : vous avez tout intérêt à signer, même si vous n'êtes pas d'accord, car, sinon, ce sera pire ! N'utilisez donc pas un tel argument ! Chaque semaine, à l'Assemblée nationale, vous expliquez que ça marche puisque des accords sont signés. Non ! Ceux qui signent le font parce qu'ils sont obligés. Autant y passer tout de suite, se disent-ils, et faire semblant d'être content ! Voilà pourquoi je ne pense pas que cette loi soit une chance réelle pour le dialogue social.

Cherchons maintenant à qui profite vraiment cette loi.

Il faut regarder qui la finance parce qu'elle a un coût : 105 ou 110 milliards, mais cela n'a pas d'importance.

M. Hervé Morin.

Beaucoup plus !

M. Laurent Dominati.

Qu'importent les chiffres ! L'an prochain, 65 milliards. Qui va les payer ? Personne ! Ils ne sont pas pris à la sécurité sociale puisque vous avez renoncé à la ponction partielle que vous vouliez opérer.

M. Hervé Morin.

Reste 5,6 milliards !

M. Laurent Dominati.

On ne va parler d'une si petite somme par rapport à ce qui était initialement prévu ! Qui paie ? De toute façon, ce sont les contribuables car tout est alimenté par des taxes et par des impôts. Ce sont essentiellement les gros qui vont payer, explique-t-on, mais les grosses entreprises sont matérielles.

Derrière les entreprises, il y a des hommes. De toute façon, si son bilan doit être positif, une entreprise fait payer ses coûts de production aux hommes, aux travailleurs, aux chômeurs, aux sous-traitants, aux consommateurs. L'entreprise n'est jamais qu'une caisse qui produit et dépense.

Du reste, les entreprises ne seront pas seules à payer ; tous les contribuables s'y mettront : fumeurs, nonfumeurs, ménages, retraités. Ce sont eux qui paieront les 35 heures, en déboursant 65 milliards de francs l'année prochaine, et 135 milliards de francs à terme. Cela fait une sacrée somme. Ces milliards pourraient être utilisés à bien autre chose, ou tout simplement pour des baisses d'impôt, ce qui provoquerait un développement considérable de l'économie, et de vraies créations d'emploi.

Mais on me reprochera d'être bassement matérialiste, on me demandera s'il est bon de compter quand on aime...

M. Germain Gengenwin.

Quand on aime, on ne compte pas !

M. Laurent Dominati.

... quand on a une véritable vocation, une véritable ambition pour la société française.

Certes, on peut se dire : peu importe les milliards, l'économie et le pays sont capables d'encaisser le coup, car cette loi aboutira à une véritable mobilisation de la société française autour d'un projet collectif.

Mais, au-delà des considérations économiques - qui sont tout de même importantes - et sociales - qui le sont diablement -, la question la plus grave est de savoir si cette mobilisation n'est pas, en fait, une démobilisation.

Lorsque l'on observe le monde qui nous entoure, la mondialisation, le développement des échanges, la nouvelle croissance fondée sur les nouvelles technologies, comme l'a rappelé hier François Goulard, quand on sait les besoins que crée le monde moderne - besoins de modernisation, d'accès des jeunes à l'emploi, de libération des énergies, de différenciation des modes de travail et de production -, on se dit qu'il faut au contraire laisser la place à la souplesse, à l'initiative et à la diversité.

Or cette loi entreprend d'exercer une surveillance réglementaire, poussant l'ensemble de la société à une sorte de socialisation autoritaire sous le regard bienveillant, ou contraignant, de l'Etat, jusqu'au sein des entreprises. Cela ne me semble guère propice à l'épanouissement, qu'il soit individuel ou collectif. Qu'on songe aux deux SMIC, aux trois statuts de cadres, aux divers régimes d'heures supplémentaires, aux différents modes de taxation, bref, à ces innombrables complications juridiques qui vont transformer chaque Français au travail en petit juriste.

Mais surtout, au-delà de ces artifices juridiques et de ces mensonges - fussent-ils mensonges par omission -, je rappelle qu'une loi prévoyait qu'aucun projet de loi ne pouvait être débattu à l'Assemblée nationale sans qu'aient été réalisées au préalable une étude d'impact et une é tude de financement. Or, pour les 35 heures, il n'y a eu ni étude d'impact ni étude de financement.

M. Yves Cochet.

Si, il y a eu une étude d'impact !

M. Laurent Dominati.

Monsieur le vice-président de l'Assemblée nationale, vous devriez être beaucoup plus regardant, car, vous le savez, les informations qui ont été données à l'Assemblée nationale, au début de la discussion de cette loi, sur son financement, ne sont plus valables.


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M. Hervé Morin.

En effet !

M. Laurent Dominati.

Mais passons là-dessus et demandons-nous simplement si le discours qui est tenu appelle à la mobilisation générale ou à la démobilisation.

Le Droit à la paresse , de Paul Lafargue, était l'oeuvre d'un contestataire : en aucun cas il ne peut être un devoir d'Etat. L'Etat, c'est l'Etat. Il n'a pas à récupérer les contestataires, car, s'il fait sa propre contestation, que leur restera-t-il à contester ? Or, le Gouvernement fait du droit à la paresse une sorte de devoir d'Etat, en disant aux Français : soyez de bons citoyens, faites un effort, travaillez moins ! Mme Raymonde Le Texier Allez-vous finir de vous écouter parler ?

M. Laurent Dominati.

Le discours qui consiste à dire : soyez généreux, soyez bons pour votre prochain, travaillez moins, appelle-t-il à la mobilisation ?

M. Patrick Rimbert.

C'est chrétien ! Mme Raymonde Le Texier Quel cabotin !

M. Laurent Dominati.

Imagine-t-on le gouvernement coréen dire aux Coréens : nous traversons de graves difficultés, nous devons affronter la crise asiatique, Coréens, travaillez moins !

M. Yves Rome.

Quelle vision !

M. Yves Cochet.

Mais nous n'avons pas de crise asiatique, nous !

M. Laurent Dominati.

Il serait évidemment liquidé tout de suite. Imagine-t-on un gouvernement allemand dire à sa population : soyez bons, soyez généreux, et sutout laissez un peu de votre travail aux autres ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Arrêtez votre cinéma !

M. Laurent Dominati.

De même, l'éducation nationale va-t-elle appliquer ce principe d'Etat, de gouvernement, l'inscrire au fronton des écoles et dans les salles de classes, derrière le tableau noir ?

M. Yves Rome.

Il vaudrait mieux le mettre devant que derrière ! (Sourires.)

M. Laurent Dominati.

Va-t-on dire aux écoliers : enfants, travaillez moins, laissez-en un peu à votre voisin ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.).

Mme Raymonde Le Texier.

Vous êtes ridicule ! Votre discours est grotesque !

M. Laurent Dominati.

De faussetés en faussetés, on aboutit forcément à des paradoxes de ce type.

Dans l'inversion des valeurs que vous pratiquez - en contestant simplement la valeur du travail en soi, la valeur de l'effort...

M. Yves Durand.

Travail, famille, patrie ?

M. Laurent Dominati.

... vous fixez d'étranges priorités aux actions gouvernementales. Lorsque nous examinons le budget de l'Etat - tout faussé qu'il soit, puisque le coût des 35 heures n'y apparaît pas -, nous passons des heures à étudier les budgets alloués aux différentes politiques publiques. Ainsi, la politique publique du « travaillez moins » coûte 100 milliards. Que peut-on faire avec une telle somme ? Les crédits du budget du ministère de l'intérieur alloués à la police et à la sécurité s'élèv ent à 30 milliards. Le budget de la justice, dont on parle tant et dont Mme Guigou se préoccupe tant en demandant une réforme de la justice, se monte à 26 milliards.

Combien de tribunaux de commerce, civils, pénaux, pourrait-on créer pour assurer, plus vite, un meilleur fonctionnement de la justice,...

M. Yves Durand.

Ce n'est pas démagogique, ça ?

M. Laurent Dominati.

... et réformer la justice pour de bon avec 100, 110, 135 milliards ? Quelle est la priorité de l'Etat lorsqu'il prend de l'argent au contribuable ? Faire en sorte qu'on travaille moins ou assurer les fonctions régaliennes de l'Etat : l'enseignement, la culture, la représentation diplomatique ? Le budget des affaires étrangères est de l'ordre de 11 ou 12 milliards, celui de la culture légèrement supérieur. Que de culture on pourrait faire avec 100 milliards ? On pourrait restaurer l'ensemble du patrimoine national et faire en sorte qu'aucun artiste, aucun acheteur, aucun consommateur d'art n'ait plus jamais rien à payer.

Voilà ce qu'on pourrait réaliser...

Mme Odette Grzegrzulka.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Laurent Dominati.

... avec les sommes mobilisées pour une loi qui ne joue véritablement au profit de personne.

On peut d'ailleurs s'interroger. Pourquoi s'en tenir à cette loi ? A-t-elle seulement un caractère idéologique ? Si c'était le cas, on pourrait, à la rigueur, tenter l'aventure.

Socialistes ou libéraux, nous avons un idéal à défendre.

On a le droit de penser que, à terme, dans cinquante ans peut-être - certains, dont je ne suis pas, l'on pensé -, malgré toutes les erreurs possibles, l'horizon s'ouvrira devant nous, grâce à cette loi. On a le droit de se dire : c'est une loi idéologique, et c'est pour ça qu'il faut la faire ; ce n'est pas bien, mais il faut en passer par là. Mais ce n'est même pas le cas. Je constate en effet que d'autres gouvernements socialistes s'y sont opposés et n'ont jamais revendiqué cela.

Cette loi va au contraire dans le sens de la facilité. Elle n'est pas idéologique, mais démagogique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Voilà les grands mots !

M. Laurent Dominati.

J'ai cité plusieurs chiffres. Un seul plaide en votre faveur. Selon le sondage de la CFDT en effet, malgré le gel ou la baisse des salaires, malgré l'inefficacité économique et sociale, les salariés se disent que, après tout, cette loi est plutôt bonne à prendre.

C'est vrai, chaque fois que je participe à des réunions - et elles sont nombreuses - avec des salariés et des gens communs...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme vous êtes méprisant !

M. Laurent Dominati.

... Oh non, je ne voulais pas l'être. Vous connaissez cette expression, l' uomo qualunque , qui désigne les gens communs, les gens comme vous et moi, les gens du métro...

Mme Raymonde Le Texier.

Dans le métro ? Ils sont en grève...

Mme Odette Grzegrzulka.

On n'est pas chez les saltimbanques, on est au Parlement !

M. Laurent Dominati.

Je suis tout sauf méprisant. Je parle des gens qu'on croise dans la rue, ceux que je vais rencontrer ce soir dans un café, comme toutes les semaines.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Je comprends que la majorité soit


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embêtée par mes paroles. Elle est persuadée qu'elle défend les plus faibles, malgré ce qu'ils veulent et demandent.

Voilà qui est paradoxal.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous venez de dire l'inverse.

M. Laurent Dominati.

Il reste qu'un sondage traduit l'adhésion populaire à la loi des 35 heures.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça vous ennuie !

M. Laurent Dominati.

Mais, quand la CFDT interroge les salariés d'entreprises où des accords ont été signés, ils répondent que, en dépit de la baisse ou du gel des salaires, ils sont favorables aux 35 heures, car ils pourront travailler moins, avoir davantage de vacances, et que c'est toujours bon à prendre. C'est vrai. D'ailleurs, les députés pourraient en prendre de la graine et s'appliquer à euxmêmes les 35 heures. Ils feraient sans doute moins de lois stupides ou d'impasses. Ce serait une excellente réforme du règlement de l'Assemblée.

Madame la ministre, vous auriez dit - on vous prête en tout cas ces paroles - que cette loi était un bonheur politique et une catastrophe économique. J'ajoute : une catastrophe économique et sociale. Mais je conçois que, pour conserver une certaine base populaire, un Gouvernement privilégie le bonheur politique au détriment des intérêts du pays ou des salariés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vraiment le paradoxe poussé à l'extrême !

M. Laurent Dominati.

Je crois toutefois que, même si cette loi était vraiment populaire, même si elle devait le rester, le devoir du Parlement et de l'opposition serait de continuer à la combattre pour les raisons que je viens d'énoncer : on ne peut pas conduire une nation en tenant un discours de démobilisation ; on ne peut pas conduire une nation en recourant à certains trucages. Ce n'est pas parce que ce n'est pas bien, mais tout simplement parce que, au bout d'un certain temps, la vérité se fera jour.

Alors, quand ils découvriront les effets de cette loi, les salariés, les travailleurs indépendants, les chefs d'entreprise les créateurs d'entreprise se sentiront non seulement déçus, mais trompés, désespérés. C'est ce qui est malsain pour le pays et pour l'avenir. On ne peut faire une loi à crédit, aussi dangereuse pour l'avenir du pays.

Mme Raymonde Le Texier.

Ils disaient déjà cela en 1936 !

M. Laurent Dominati.

Ce serait aller au-devant de graves désillusions.

Madame la ministre, je n'ai pas parlé dans un esprit de polémique, mais dans l'espoir d'une dernière chance.

Puisse ma plaidoirie introduire un petit doute dans votre superbe détermination...

M. Bernard Outin.

Pas du tout !

Mme Raymonde Le Texier.

C'est raté !

M. Laurent Dominati.

... et dans votre superbe aveuglement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur Dominati, je ne vous reproche pas d'utiliser une motion de renvoi en commission pour délivrer un plaidoyer, comme vous l'avez dit. Tout le monde l'a fait un jour, c'est normal. Je préfère vous répondre sur le fond, en reprenant quelques-unes de vos remarques.

Le premier point concerne la création d'emplois. Mme la ministre et moi-même avons toujours clairement annoncé entre 350 000 et 400 000 créations. Ces chiffres viennent d'ailleurs d'être confirmés par un rapport du Sénat, fondé sur une étude du cabinet Arthuis. Il s'agit pour le moment d'une amorce. Il faut du temps pour que la dynamique s'enclenche.

Cela dit, un chiffre me paraît extrêmement important : alors qu'il fallait, il y a quelques années, 2,5 points de croissance pour assurer l'équilibre du marché du travail, il faut aujourd'hui 1,5 point. Cela signifie que notre croissance a une capacité de création d'emplois plus importante. C'était un de nos objectifs, ce résultat est fondamental.

M. Laurent Dominati et M. Hervé Morin.

Les 35 heures n'y sont pour rien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je ne réussirai peut-être pas à vous convaincre, mais je vous demande de m'écouter avec autant d'attention que j'en ai accordée à votre intervention. Je suis, quant à moi, convaincu que la réduction du temps de travail participe de cette croissance plus riche en emplois.

Vous avez, d'autre part, évoqué ce qu'on peut appeler les « emplois pauvres ». J'ai fait part, hier à la tribune, de mon inquiétude à ce sujet. Le débat que nous aurons sur la précarité nous permettra de recadrer ce problème en fonction des engagements du Premier ministre et de Mme Aubry. Il y a bel et bien un risque, dont on voit les conséquences dans plusieurs pays. Je songe par exemple aux analyses qui sont faites aux Etats-Unis.

La troisième remarque porte sur la dimension sociale.

Je n'ai pas la même lecture que vous du sondage de la CFDT.

Lorsqu'on analyse tous les accords qui ont été signés - et ils sont suffisamment nombreux pour que l'étude soit significative -, on ne constate de baisse de salaire dans aucun cas. Nous nous y étions engagés.

M. Laurent Dominati.

Mais...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Dans un certain nombre de cas, on note une modération salariale, parfois étalée sur deux ou trois ans...

M. Hervé Morin.

Sur quatre ans.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... et qui concerne 1 à 2 % de la masse salariale.

Moi aussi, comme M. Dominati, j'ai mené ce débat avec des organisations syndicales, dans des entreprises : elles sont conscientes que cette faible modération salariale permet de passer le cap d'adaptation, que ce gel ou cette modération salariale ne sauraient être que provisoires, et que l'effet emplois, lui, est visible très rapidement.

J'ai même visité des entreprises, par exemple Samsonite, où les salariés percevaient remarquablement bien que, grâce aux 35 heures, on allait embaucher de jeunes chômeurs.

J'ajoute que l'effort extrêmement important que nous consentons sur la baisse des charges, en évitant ce qu'on a appelé « la trappe à bas salaires », c'est-à-dire la ristourne, en allant jusqu'à 1,8 SMIC, devrait permettre une évolution des masses salariales, grâce à l'acceptation des salariés et à une véritable négociation d'entreprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Vous avez raison, monsieur Dominati, on constate un manque de créations d'entreprises.

M. François Goulard.

Il y a même une baisse du nombre de créations !

M. Hervé Morin.

40 000 en moins !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est u ne baisse relative, monsieur Goulard, mais, nous sommes d'accord, c'est tout de même une baisse.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Une baisse très significative !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je suis très attentif aux chiffres et je n'ai pas pour habitude de dissimuler la réalité. Aussi devons-nous nous interroger sur ce phénomène qui, hélas, n'est pas nouveau, même s'il s'est un peu accentué ces derniers temps. Quelles sont les précautions et les garanties à prendre, par exemple pour le statut de créateur d'entreprise ? Bien souvent, celui-ci prend un risque considérable, consent des efforts énormes, pour échouer au bout d'un ou deux ans.

Il existe également un problème d'accompagnement à la création d'entreprise, sur lequel j'ai beaucoup travaillé en d'autres temps, ou un problème d'adaptation de la recherche aux applications sur le terrain. Il y a donc de multiples facteurs.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il y a aussi le problème de la transmission des entreprises !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je m'engage à poursuivre la réflexion sur ce sujet.

Pour ce qui concerne l'intérêt des entreprises, je suis en désaccord total avec M. Dominati. Contrairement à ce qu'il affirme, ce ne sont pas les grands groupes qui ont le plus intérêt à adopter cette démarche, à poser le problème de l'organisation, ce sont les petites et moyennes entreprises. Là aussi, je peux donner des chiffres. L'an dernier, 18 000 conseils en ingénierie ont été fournis par l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Mille spécialistes travaillent sur le terrain et apportent à l'entreprise un regard sur son fonctionnement. Le dirigeant, qui est le « Maître Jacques » de son entreprise, qui remplit à peu près toutes les tâches, qui est souvent seul, ne peut pas ou n'a pas le temps de mener cette réflexion.

Du reste, lors de nos auditions, le plus fort soutien aux 35 heures a été apporté par le responsable de la branche du bâtiment de l'Union des professions artisanales, qui disait : si nous voulons recruter... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas vrai !

M. Alain Cacheux.

Laissez parler le président de la commission !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Messieurs, moi, j'écoute M. Dominati dans le silence.

Lorsque je m'efforce de lui répondre, cela vous gêne.

M. Bernard Accoyer.

Non !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Alors, écoutez mes réponses, libre à vous d'en penser ce que vous voudrez.

Le président de la branche du bâtiment de l'Union des professions artisanales, dans une défense pro domo à propos de la baisse du temps de travail, a fait cette étonnante déclaration : si nous voulons recruter des jeunes, il nous faut avoir une autre vision de l'organisation du travail, un autre regard sur l'entreprise et une autre approche de la formation. On ne saurait être plus précis.

Quant aux conséquences de cette loi, une excellente étude d'impact est en distribution. Je vous conseille de la lire attentivement, monsieur Dominati.

M. Laurent Dominati.

Elle n'est plus valable !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je voudrais terminer en évoquant le dialogue social. Vous vous demandez si le slogan « travailler moins » est porteur. Si un slogan est porteur, c'est « travailler mieux », j'en suis convaincu. Telle est la clé de l'avenir. C'est cet aspect que nous devrons développer.

Je me souviens, parmi d'autres entreprises, d'une imprimerie implantée près de Lille, que j'ai visitée alors qu'elle venait de passer aux 35 heures. Le délégué syndical - un délégué CGT - avec qui je dialoguais en compagnie de l'ingénieur et du chef d'entreprise me dit : « Tout compte fait, on apprend à travailler autrement. »

M. Francis Delattre.

Chez Michelin, ils travaillent même le dimanche !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Dominati, au nom d'une expérience en entreprise assez longue - cela ne me rajeunit pas -, je puis vous dire que le véritable enjeu des années à venir réside dans le

« travailler mieux », conception à la faveur de laquelle le travail doit être considéré, au sein de l'entreprise, comme élément de création.

Je suis élu d'une région où les hommes et les femmes savent ce que sont la valeur et le coût de l'effort, où les hommes et les femmes se souviennent de la manière dont ils ont supporté cet effort et savent combien seront accrues les inégalités en matière de santé et devant la mort. Ces hommes et ces femmes ont beaucoup apporté au pays et, quand je leur dis que la réflexion doit s'engager sur le « travailler mieux », à savoir sur l'utilisation des compétences et de l'intelligence, bref, sur l'acte créateur, ils n'ont pas besoin d'être convaincus de l'importance de la loi que nous allons voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean Pontier, au nom du groupe RCV.

M. Jean Pontier.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Radical, Citoyen et Vert voteront bien évidemment contre la notion de renvoi en commission.

Depuis le vote en première lecture, plusieurs étapes ont été franchies. Le texte est passé par le Sénat, qui l'a totalement vidé de sons sens et, logiquement, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un accord. Le texte nous revient donc en nouvelle lecture.

L'examen de la loi de financement de la sécurité sociale a permis d'assurer le financement d'allégements de charges à hauteur de 62 milliards de francs environ. Ces mesures n'ont pas affecté l'équilibre du budget, dont le déficit a encore été réduit à 215 milliards de francs.

M. Bernard Accoyer.

A 215 milliards ?

M. Jean Pontier.

Les principales critiques de l'opposition sur le financement des 35 heures sont donc tombées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Le texte voté par le Sénat a été examiné par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Le rapporteur a fait voter par celle-ci le rétablissement du texte dans sa version initiale.

En dehors des amendements du rapporteur, aucun amendement n'a été adopté. Nous comprenons, madame la ministre, que vous n'ayez pas voulu modifier un texte voté à l'unanimité par la majorité parlementaire. Cela dit, le temps écoulé entre les deux lectures a aussi été celui de la réflexion. Vous l'avez d'ailleurs compris puisque vous avez précisé la notion de travail effectif à propos des temps d'habillage et de déshabillage.

Pour notre part, nous aurions aimé que vous acceptiez d'assouplir le régime des heures supplémentaires pour les très petites entreprises.

M. Germain Gengenwin.

Vous appuyez notre demande !

M. Jean Pontier.

Nous considérons que les entreprises de trois et de moins de trois salariés, qui sont très nombreuses en France, auront du mal à réduire leurs horaires, qu'elles ne pourront pas embaucher et qu'elles devront recourir systématiquement aux heures supplémentaires.

Nous aimerions avoir votre sentiment sur l'application de la loi à ces très petites entreprises, l'« amendement Wolber » ayant été repoussé.

Entre nos deux lectures, le MEDEF a eu l'occasion de poursuivre sa guérilla contre la réduction du temps de travail et contre le Gouvernement. Opposé au mode de financement des allégements de charges liés aux 35 heures, il a menacé de se retirer de la gestion paritaire de l'UNEDIC et de celle de la sécurité sociale. Il a maintenu sa position, en dépit des avancées réalisées par le Gouvernement sur ce financement dans la loi de finances et sur le remboursement d'un prêt de 10 milliards de francs en faveur de l'UNEDIC - cela fait partie de l'héritage laissé par l'opposition.

M. Bernard Accoyer.

Tiens donc !

M. Jean Pontier.

La trêve avec le MEDEF sera sans doute de courte durée. Celui-ci revient à la charge à propos des conventions et accords de branches signés dans le cadre de la loi du 13 juin 1998.

Nous aimerions, madame la ministre, que vous redisiez très clairement à la représentation nationale qu'il n'est pas question de revenir, dans la très grande majorité des cas, sur ces accords ou conventions.

Entre nos deux lectures, de bonnes nouvelles sont v enues conforter l'action gouvernementale. Je pense d'abord à l'appréciation portée par des organisations internationales, comme l'OCDE, sur la politique économique conduite par la France.

Nous constatons que les critiques se font plus mesurées sur la réduction du temps de travail.

La croissance française, qui est l'une des plus élevées d'Europe, crée des emplois et fait reculer le chômage : moins de 26 000 chômeurs en octobre 1999.

Cette loi sur la réduction du temps de travail ouvre de nouvelles perspectives sur une évolution de la part du travail et du temps de loisirs, comme sur une évolution profonde du marché du travail par la création d'emplois.

Il semble que le spectre du chômage, qui avait miné las ociété française et fait perdre espoir aux jeunes, commence à s'éloigner.

Une croissance constante, riche en emplois, serait de nature à inverser durablement la tendance, engendrant ainsi un cercle vertueux.

La loi sur la réduction du temps de travail ne saurait, à elle seule, régler tous les problèmes. Mais elle permettra de poursuivre la politique de réduction des charges. La loi sur la formation professionnelle, en gestation, et la réforme de l'enseignement professionnel l'accompagneront.

La seule chance de nos sociétés de faire face à la concurrence des pays à bas salaires est d'introduire plus de qualité, d'innovation et de technicité dans nos produits et nos services. On peut penser que la réduction du temps de travail, accompagnée d'une élévation du niveau de formation, répondra à ce défi.

Enfin, la loi sur la réduction du temps de travail est, sans doute, l'occasion de revaloriser les métiers manuels qui sont pénibles et qu'une diminution des horaires pourrait rendre plus acceptables.

Il appartient aux responsables d'entreprise de savoir saisir ces occasions.

Cette loi, madame la ministre, est plus qu'une loi : c'est un changement de société que nous préparons en cette fin de siècle.

Les Radicaux de gauche, Citoyens et Verts sont favorables à votre loi. Ils ont déjà eu l'occasion de le dire en première lecture. Ils attendent cependant des explications sur les TPE, les accords de branche et l'amendement Wolber.

L'examen du texte qui s'engage sera vraisemblablement l'occasion de lever toutes ces ambiguïtés.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale.

M. François Goulard.

En défendant sa motion de procédure, Laurent Dominati a placé la question sur le bon plan, c'est-à-dire sur le plus élevé. (Rires.) Je vois, madame la ministre, que cela vous fait rire...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai tout de même le droit de rire ! Nous sommes en démocratie !

M. François Goulard.

Les questions posées par notre collègue sont effectivement celles que nous devons toujours avoir à l'esprit, alors même que, parfois, lors des longues discussions que nous avons sur les articles techniques du projet, nous nous perdons dans les détails.

La seule question qui vaille est celle de la réalité des créations d'emplois que vous avez annoncées lors de l'examen de votre premier texte, mais dont vous parlez sensiblement moins lors de l'examen du deuxième.

Le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, poussé dans ses retranchements alors que Laurent Dominati avait fait part de notre scepticisme quant aux créations d'emplois, a rappelé quelques chiffres tirés des études présentées l'année dernière par le Gouve rnement : il s'agissait de 350 000 ou de 400 000 créations d'emplois.

Je vois une preuve évidente que vous ne croyez pas à la faculté de créer des emplois par la réduction du temps de travail dans votre réticence, pour ne pas dire plus, à diminuer la durée du travail dans le secteur public...

M. Yves Cochet.

N'avez-vous pas entendu ce qu'a dit à ce propos M. Zuccarelli ?

M. François Goulard.

... eu égard au coût budgétaire que représenterait inévitablement cette mesure. Or, pour l'économie française tout entière, la réduction du temps


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

de travail a un coût considérable du fait de l'augmentation du coût de l'heure travaillée. Ainsi, l'augmentation d'impôts pour créer des emplois supplémentaires dans le secteur public et l'augmentation des charges pour l'économie française qu'induisait la réduction de la durée du travail portent en germe une réduction d'emplois qui l'emporte sans doute sur les créations apparentes que vous pouvez escompter.

M. Bernard Accoyer.

Assurément !

M. François Goulard.

C'est la question de fond. Nous nions absolument, et nous continuerons de le faire, que cette réforme soit susceptible d'améliorer les créations d'emplois.

M. Maxime Gremetz.

Votre discours est répétitif ! Vous pratiquez la méthode Coué !

M. François Goulard.

Monsieur Gremetz, vous permettrez que je m'exprime ! M. Dominati a bien fait de mettre en avant le coût prohibitif de chaque création d'emploi même en retenant vos hypothèses, que nous considérons comme erronées.

Il a bien fait également de mettre en lumière la contradiction pour ne pas dire plus - entre le fait de considérer le non-travail, ou le moins de travail, comme une valeur...

M. Maxime Gremetz.

Vous n'avez rien compris !

M. François Goulard.

... et le fait d'affirmer que moins travailler est préférable à l'effort.

Sur un plan strictement moral, il y a dans votre loi quelque chose de fondamentalement dangereux, qui revient à dire à nos compatriotes qu'en travaillant moins, ils servent l'intérêt général.

M. Maxime Gremetz.

C'est vrai car ils seront plus nombreux à travailler !

M. François Goulard.

Pour notre part, nous sommes convaincus du contraire.

M. Bernard Accoyer.

C'est sûr !

M. Maxime Gremetz.

Vous pensez aux chômeurs ?

M. François Goulard.

Au-delà, d'autres points méritent amplement que la commission se réunisse de nouveau car, malgré deux ans de discussions et de longues discussions ; ils ne sont toujours pas réglés.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. François Goulard.

Ce matin encore, vous parliez entre vous du traitement réservé aux cadres et un grand quotidien du soir nous apprend que des arbitrages internes à la majorité ont été rendus pour essayer d'apporter une réponse à la lancinante question de l'application de la réduction du travail aux cadres.

M. Maxime Gremetz.

Vous devriez être content !

M. François Goulard.

Vous n'avez pas été capables, en deux ans et plus de discussions, d'apporter à cette question une réponse satisfaisante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

A la veille du début de la discussion des articles en nouvelle lecture, il y a encore des arbitrages internes à votre majorité.

M. Arthur Dehaine.

M. Goulard a raison !

M. Maxime Gremetz.

C'est le dialogue !

M. le président.

Monsieur Gremetz, je vous en prie !

M. François Goulard.

Pourquoi ces arbitrages n'ont-ils pas lieu au grand jour, devant la commission compétente de notre assemblée ? Reste la question du SMIC, sur laquelle nous reviendrons pour la énième fois et qui sera certainement le fondement principal de notre recours devant le Conseil constitutionnel.

M. Hervé Morin.

Ce ne sera pas le seul !

M. François Goulard.

Ce ne sera pas le seul, mais ce sera celui sur lequel nous espérons avoir raison car, et nous le déplorons depuis deux ans, vous avez créé plusieurs SMIC, ce qui est intolérable.

Bref, pour des raisons de principe comme pour des raisons techniques, le renvoi en commision est largement motivé. En conséquence, le groupe Démocratie libérale votera la motion de renvoi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Maxime Gremetz.

On s'en doutait !

M. le président.

La parole est à M. Arthur Dehaine, pour le groupe du RPR.

M. Maxime Gremetz.

M. Dehaine est plus raisonnable : il est picard ! (Sourires.)

M. Arthur Dehaine.

Nous sommes en effet tous deux picards, monsieur Gremetz. Le fait qu'il n'y ait pas de métro dans ma circonscription ne m'empêche pas de déplorer les mêmes choses que M. Dominati.

En quelques mots, je dirai que le texte est mal ficelé, que ses dispositions ne sont pas financées et qu'il est inapplicable. Il créera des inégalités, notamment au niveau des SMIC.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la notion de renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Merci, mon cher collègue, de votre concision !

M. Maxime Gremetz.

Un picard, ça va vite ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour le groupe de l'UDF.

M. Germain Gengenwin.

Madame la ministre, Laurent Dominati, avec beaucoup de verve, a expliqué beaucoup mieux que je ne saurais le faire pourquoi il est nécessaire de renvoyer le texte en comission.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Ne soyez pas modeste !

M. Germain Gengenwin.

Bien qu'il ait annoncé qu'il ne voterait pas ce renvoi, notre collègue Pontier a posé tellement de questions qu'il l'a en réalité justifié.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Germain Gengenwin.

Certes, tout n'est pas négatif.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maxime Gremetz.

Voilà un homme raisonnable !

M. Germain Gengenwin.

Mais sur la balance, les aspects négatifs sont beaucoup plus lourds que les aspects positifs.

Pourquoi isoler la France en faisant le seul pays d'Europe à imposer les 35 heures alors que tous les autres préfèrent une attitude incitative, laissant libres leurs entreprises et les partenaires sociaux ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

En outre, les conséquences financières de cette obligation ne sont pas prévues. Or les 60 milliards nécessaires devront bien venir de quelque part.

Je ne parlerai pas du secteur public, que François Goulard a évoqué. Je dirai cependant que, dans les hôpitaux et les collectivités locales, on sent déjà une certaine agitation. Très rapidement, les demandes viendront et nous parlerons alors du coût réel des 35 heures.

Les entreprises ne seront plus sur un pied d'égalité, et je ne parle pas de celles des régions frontalières. Il y aura de toute façon une augmentation des charges du travail et, là où il y aura un appel vers l'extérieur, comment ces entreprises pourront-elles rester compétitives ? Le texte qui nous est soumis sera un handicap pour les entreprises en général, mais surtout pour les PME. J'ai rencontré, samedi dernier, le chef d'une très grande entreprise de ma circonscription qui m'a dit : « On n'est pas concernés par les 35 heures. » Cela vient confirmer les

propos de M. Dominati.

Pourquoi les grandes entreprises ne sont-elles pas concernées ? Parce que le travail continu, le travail de nuit et celui des samedis et des dimanches sont inclus dans le débat sur les 35 heures.

J'ai cependant répondu au chef d'entreprise que j'ai rencontré que nous en reparlerions quand nous aurions fini de débattre - j'ai en effet, bien peur qu'il soit quand même intéressé.

Aux raisons d'un renvoi en commission déjà évoquées, je voudrais en ajouter une autre : la complexité du système. Si je me mets à la place d'un chef d'entreprise de trente, quarante ou cinquante salariés, j'imagine qu'il lui faudra une ou deux personnes de plus rien que pour gérer le système, notamment pour ce qui touchera aux heures supplémentaires - celles qui seront pénalisées et celles qui seront reprises -, à la modulation du travail annuel et aux journées de congé des cadres. Il faudra pouvoir compter les jours où les cadres ramèneront du travail à leur domicile.

Il s'agit là d'éléments importants qui justifient le renvoi en commission.

Pour conclure, je souhaite de bonnes fêtes de fin d'année aux chefs d'entreprise qui verront venir, un jour, le bogue de l'an 2000 et le lendemain, les 35 heures.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin, pour le groupe communiste.

M. Bernard Outin.

Je m'en tiendrai à quelques remarques, puisque nous en sommes à la deuxième lecture de la deuxième loi sur les 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Oui, mais c'est la première fois que l'on parle de son financement !

M. Bernard Outin.

L'opposition voulait accréditer l'idée selon laquelle la majorité ne connaissait rien aux entreprises. Je signale qu'avant d'être ici, j'étais responsable d'une entreprise de 150 salariés, avec quatre comités d'établissement, un comité central d'entreprise. Alors, la gestion du personnel, je sais ce que c'est ! Cette entreprise vient de passer aux 35 heures à la faveur des mesures incitatives et elle s'en porte bien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maxime Gremetz.

Du côté de l'opposition, il n'y a pas de chefs d'entreprise ! Ils sont de notre côté, les chefs d'entreprise... et les ouvriers !

M. Bernard Outin.

Nous en sommes à la deuxième lecture de la deuxième loi et deux ou trois petits amendements restent en suspens. Alors, ne tardons pas trop pour les aborder dans cet hémicycle. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste ne votera pas le renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Rome, pour le groupe socialiste.

M. Yves Rome.

Nous avons vu dans quelles difficultés se débat l'opposition, qui cherche depuis bientôt deux ans des arguments pour prouver que les 35 heures, ça ne marche pas ! M. Dominati s'est essayé à ce paradoxe terme qu'il a souvent employé - tout en tentant de se faire passer pour le défenseur des travailleurs et, qui plus est, des travailleurs qui prennent le métro ! Monsieur Dominati, comme vous l'a dit mon collègue Dehaine, - nous sommes élus du même département, l'Oise - il n'y a pas de métro chez nous ! Mais franchement, je vous le dis, nous ne portons pas sur la société le même regard que vous. Et vous devriez parfois revenir à la surface pour regarder comme vivent les gens ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Laurent Dominati.

Ça, c'est un argument !

Mme Odette Grzegrzulka.

Il faut se mettre à votre niveau. Sinon, vous ne comprenez pas !

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Messieurs les présidents, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je me félicite de la qualité des débats tenus dans le cadre de cette nouvelle lecture. Je tenterai de répondre à certaines questions ou remarques, sans pouvoir, bien sûr, atteindre le niveau auquel nous a amenés notre remarquable président de la commission des affaires sociales (Sourires) dont l'intervention fut, une fois de plus, tout à fait pertinente.

La première lecture, tout en maintenant ce que M. Gaëtan Gorce a appelé « l'équilibre dynamique entre la prise en compte des contraintes des entreprises, des aspirations des salariés et de l'objectif prioritaire de création d'emplois », a apporté de nombreuses et substantielles améliorations au texte. Vous avez été nombreux à le rappeler, à la suite du rapporteur. Je pense notamment à MM. Gremetz, Cochet, Rome et Terrier.

Je me félicite que beaucoup d'entre vous aient poursuivi dans cette voie, en s'attachant à souligner les améliorations possibles pour cette nouvelle lecture, dans un esprit constructif, comme en témoignent les amendements déposés. Le Gouvernement donnera un avis favorable à ces amendements, du moins à la plupart de ceux de la majorité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

J'ai même cru percevoir sur les bancs de l'opposition un certain changement de ton. Les mêmes arguments sont peut-être avancés avec un peu plus de prudence, un peu moins d'assurance qu'il y a un an et demi. Nous n'entendons plus dire que la réduction de la durée du travail va mettre notre économie à terre. Il faut dire que ce serait plus difficile dans le contexte actuel. Nous entendons moins dire que les salariés seront les grands perdants, encore que M. Dominati s'y soit essayé sans nous convaincre beaucoup.

M. Laurent Dominati.

Peut-être un peu, tout de même !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est évidemment beaucoup plus difficile de dire que les 35 heures ne créeront aucun emploi quand les premiers résultats sont là.

Il est sage, devant les résultats déjà obtenus et, surtout, devant l'adhésion des Français à la réduction de la durée du travail, de préserver l'avenir. Mme Bachelot-Narquin a dit, avec un bon sens que j'espère partagé : « Le temps nous départagera ». Le temps commence déjà à nous départager et il achèvera de le faire dans les mois qui viennent.

Mon premier point portera sur les conséquences pour l'emploi et sur les effets indirects pour l'économie qui qu'aura la réduction du temps de travail.

Monsieur Dominati, je me suis exprimée très longuement, dans mon intervention préliminaire de première lecture, sur l'emploi. C'est la raison pour laquelle je n'y suis pas revenue hier.

Il y a un an, l'opposition disait que le chiffre même de 100 000 ne pourrait être atteint à la fin du processus de réduction de la durée du travail. Or nous en sommes déjà à 138 000 emplois créés ou préservés - dont 85 % d'emplois créés - avant même le vote de cette seconde loi et avant même le passage de la durée légale à 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'effet sur le chômage commence - de l'avis de la majorité des experts - à se faire sentir très nettement.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comment expliquer, sinon, que le nombre des chômeurs ait baissé de 250 000 dans les dix premiers mois de l'année, soit deux fois plus que l'année dernière...

M. Bernard Accoyer.

C'est la croissance !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... alors que la croissance est moins élevée - 2,7 % au lieu de 3,4 % ?

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Peutêtre est-ce l'effet d'un air ou d'un environnement particuliers ? Si tel est le cas, alors, la réduction de la durée du travail et les emplois-jeunes y sont pour quelque chose.

Monsieur Dominati, vous avez tenté, avec un certain talent et avec un sens du paradoxe jamais atteint avant vous, de nous expliquer une chose et son contraire. Vous nous avez dit que ces « pauvres salariés », ceux qui prennent le métro, seraient victimes des 35 heures. Vous nous avez dit aussi qu'il était surprenant de constater, à la lecture d'un sondage de la CFDT, qu'ils ne s'en rendaient même pas compte ! Heureusement, monsieur Dominati, vous savez mieux que les gens eux-mêmes ce qu'ils pensent...

M. Laurent Dominati.

Je me suis borné à répéter la même phrase que vous !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La SOFRES et l'IFOP ont fait deux sondages. Ce n'est pas le ministère du travail qui les a faits. Et je ne reprendrai pas les chiffres « manipulés » que vous avez cités tout à l'heure, témoignant par là même que le respect de la démocratie ne constitue pas pour vous une règle majeure dans cet hémycicle.

Ces deux sondages montrent que les chefs d'entreprise, qui ne comprennent décidément rien au fonctionnement de l'économie - mais peut-être ne vous ont-ils pas entendu ? -, estiment à 86 % que le passage aux 35 heures a été favorable à leur entreprise. Vous dites qu'ils ont signé parce qu'ils y étaient obligés ? Mais n'est-il pas étonnant que, quelques mois après la signature des accords, ils répondent encore à 85 % que leur entreprise s'en trouve mieux ? Monsieur Dominati, vous qui savez mieux que les chefs d'entreprise ce qui est bon pour leur entreprise, vous leur dites : Non, la réduction du temps de travail est mauvaise pour votre entreprise ! »

M. Laurent Dominati.

Que faisaient-ils alors dans la rue ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous me dites que tous les commerçants et les artisans que vous rencontrez vous expliquent que les 35 heures sont la catastrophe des catastrophes. Or M. Delmas, président de l'Union professionnelle artisanale (Exclamations sur divers bancs) explique que cette loi, avec l'allégement des charges patronales, était attendue depuis trente ans !

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Laurent Dominati.

Mais il est contre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est sans doute, monsieur Dominati, que vous savez mieux que le président de l'Union professionnelle artisanale qui ne représente, il est vrai, que 850 000 entreprises...

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

M. Delmas a condamné les 35 heures !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De leur côté, les salariés se déclarent à 86 % satisfaits lorsque la réduction de la durée du travail a eu lieu. Mais là encore, M. Dominati, dont le goût du paradoxe est toujours aussi grand, leur dit : « Réveillez-vous ! Non, vous n'êtes pas satisfaits. Vous travaillez moins ? Vous voyez plus souvent vos enfants ? Vous avez réussi à faire rentrer des gens dans l'entreprise ? Prenez conscience que cela ne va pas ! » Eh bien, nous, monsieur Dominati, nous ne considérons pas que nous savons mieux que les Français. Nous considérons que les 50 000 négociateurs qui, du côté des entreprises ou du côté des salariés, ont signé des accords, sont plus à même d'apprécier ce qui est bon et pour leur entreprise et pour eux-mêmes.

Quant aux chômeurs qui commencent à rentrer dans les entreprises grâce aux 35 heures, ils ont sans doute une appréciation encore bien différente de la vôtre.

La façon dont vous interprétez les chiffres du chômage témoigne encore de votre sens du paradoxe. Vous avez essayé de nous démontrer que le chômage était plus important aujourd'hui qu'en 1996. Il fallait oser ! Pourtant, la majorité des Français considèrent, pour la première fois depuis la première crise pétrolière, que le chômage va continuer à baisser. C'est même la première fois qu'ils reprennent confiance !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

C'est que les Français n'ont rien compris ! Selon vous, et contrairement à ce que disent tous les experts, qui doivent aussi être manipulés, il y a plus de chômeurs aujourd'hui qu'hier.

M. Laurent Dominati.

Mais madame, ce sont les chiffres ! Ce n'est pas moi qui le dis.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais je vous les donne, les chiffres ! Il ne suffit pas de reprendre sans les analyser les chiffres d'un hebdomadaire...

M. Laurent Dominati.

Mais non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais si ! Tous les gens un peu sérieux considèrent que le chômage baisse. Interrogez n'importe quelle personne dans la rue et vous verrez quelle est son appréciation. Il n'y a vraiment que vous pour considérer que ce n'est pas le cas.

D'ailleurs aucun de vos amis ne s'est livré au même jeu que vous.

Tous les indicateurs vont dans le même sens. Et je vise aussi bien la catégorie 1 - les chômeurs qui recherchent un travail à temps plein - que la catégorie 1 + 6, que vous aviez renoncé à produire. J'ai rétabli ce dernier indicateur dès mon arrivée, pour que l'on prenne en compte ceux qui ont travaillé à temps partiel. Car il est exact qu'il y a des problèmes en matière de temps partiel, et jes uis heureuse, monsieur Dominati, de vous l'avoir entendu dire. Je vise aussi le chômage au sens du BIT, qui est calculé non par nous-mêmes mais à partir d'une enquête prenant en compte des critères internationaux.

Tous ces chiffres disent la même chose : le chômage baisse dans notre pays à un rythme auquel il n'a jamais baissé ! Je voudrais vous dire aussi, monsieur Dominati, mais peut-être contestez-vous les chiffres de l'OFCE, ceux d'Eurostat et ceux de l'OCDE, que la France est aujourd'hui le pays où le chômage baisse le plus avec l'Espagne.

Plus qu'en Allemagne, qu'en Belgique, qu'aux Etats-Unis, qu'au Canada, qu'aux Pays-Bas et bien sûr qu'au Japon où le chômage augmente. Ce sont les chiffres de l'OCDE.

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Décidément, vous tenez à vos propres coyances ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, n'interrompez pas je vous en prie !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lisez les chiffres de l'OCDE, lisez ceux d'Eurostat : vous constaterez qu'il en est ainsi !

M. François Goulard.

Eurostat démontre que le chômage a davantage reculé aux Etats-Unis qu'en France !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, ce n'est pas vrai !

M. le président.

Monsieur Goulard.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'étais encore à un « jumbo » européen lundi dernier ! Chacun a pu prendre connaissance des constatations faites par la Commission concernant le chômage dans les différents pays. Seulement, là encore, monsieur Dominati est contre. Comme il est contre ce que pensent les chefs d'entreprise d'eux-mêmes et de leur entreprise, contre ce que pensent les salariés sur la durée du travail, contre ce que pensent les organismes internationaux de la situation en France et en Europe...

M. Bernard Outin.

M. Dominati est un idéaliste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La baisse du chômage est d'autant plus remarquable dans notre pays, qu'elle y est plus rapide qu'ailleurs et que notre population active s'accroît d'environ 200 000 par an en moyenne depuis ces deux dernières années. En Allemagne, comme dans la plupart des pays du sud de l'Europe, cette population active baisse.

Il faudrait prendre en compte ces chiffres pour mesurer la teneur du repli du chômage dans notre pays.

Il est vrai aussi que nous connaissons beaucoup mieux les chômeurs qu'on ne les connaît dans des pays comme la Grande-Bretagne, par exemple, où personne n'a intérêt à s'inscrire au chômage. Nous avons également un taux d'activité, notamment féminin, et nous nous en réjouissons, beaucoup plus élevé que dans la plupart de ces pays.

M. Hervé Morin.

Pas chez les jeunes !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne confondez pas le taux de chômage et le taux d'activité, monsieur Morin.

M. Hervé Morin.

J'entends bien...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le taux d'activité s'applique à des personnes qui veulent travailler, ce qui ne veut pas dire qu'elles ont un emploi.

Malgré cela, notre taux de chômage baisse beaucoup plus rapidement.

Néanmoins, et j'ai été la première à le dire, et à le redire hier lors de la séance des questions d'actualité, nous avons dans notre pays beaucoup de chômeurs qui sont au chômage depuis longtemps. C'est la raison pour laquelle nous avons fait du recul du chômage de longue d urée, la priorité des priorités. Une baisse de 150 000 chômeurs de longue durée en un an, c'est insuffisant.

C'est pourquoi, monsieur Dominati, vous auriez dû voter la loi contre les exclusions. Vous nous auriez aidés à relancer un mouvement qui ne s'était pas produit depuis la première crise pétrolière.

Il est vrai aussi qu'il y a trop de précarité. J'espère, monsieur Dominati, que vous voterez le projet de loi destiné à la combattre. Les emplois précaires ne sont pas de bons emplois. Vous avez dit qu'il y avait vous-même des « emplois pauvres ». Je suis d'accord avec vous. J'espère que vous voterez l'article sur le travail à temps partiel, qui sera encore amélioré au cours de cette lecture.

M. Alain Cacheux.

Ça m'étonnerait qu'il le vote !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Car si vous croyez réellement ce que vous avez dit, il vous faut voter ces articles qui vont dans le sens de votre analyse que, sur ce point, je partage.

M. Alain Cacheux.

Ils ne sont pas à une contradiction près !...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai...

M. Maxime Gremetz.

C'est de la mauvaise dialectique !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Goulard, vous nous dites que tous ces résultats ne sont dus qu'à la seule croissance, elle-même trouvant son


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

origine dans la diffusion, par le biais du commerce international, de la croissance des pays les plus libéraux de l'OCDE et, notamment, des Etats-Unis. Mais la croissance américaine ne date pas d'hier. Entre 1993 et 1997 elle était au même niveau que ces dernières années. Comment se fait-il que, pendant que vous étiez au pouvoir, elle ne s'est diffusée en Europe ? Je ne vois qu'une réponse : quand la droite est au pouvoir, la diffusion de la croissance internationale se fait moins bien que lorsque la gauche est au pouvoir.

Si nous avons effectivement bénéficié - comme le gouvernement Balladur en 1994 - d'une reprise internationale en 1997, nous avons subi les conséquences d'un ralentissement, à l'été 1998, dû aux crises asiatique et russe. Et pourtant, nous avons maintenu un taux de croissance élevé. Car nous avions pris la précaution de relancer la croissance par la consommation. Il faut dire qu'à la suite des prélèvements que vous aviez faits pendant quatre ans, de nombreuses catégories n'avaient pas pu consommer, que la confiance n'était pas là et que ceux qui auraient pu consommer avaient épargné.

Bien sûr, la reprise internationale est là. Encore fallait-il savoir l'accompagner et préparer l'avenir par les emplois sur les nouvelles technologies, par l'aide à la création d'entreprises, par les emplois-jeunes et par cette réduction de la durée du travail, qui commence à se traduire dans les chiffres.

Nous avons donc su, comme l'ont dit Gaëtan Gorce, Gérard Terrier et Yves Rome, enclencher ce cercle vertueux : consommation, confiance, croissance, création d'emplois, etc. Cela explique nos résultats.

Je ne saurais cependant pas m'en glorifier. Car ceux qui restent au chômage le supportent encore moins qu'il y a quelques mois. Même si notre pays s'enrichit et va mieux, je continuerai avec la même détermination à tout mettre en oeuvre pour créer des emplois et aider ceux qui sont sur le bord de la route.

M. Alain Cacheux.

Merci !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le diagnostic n'est pas celui de la seule majorité plurielle, monsieur Goulard. Vous pouvez dire que nous sommes un peu pitoyables, en recherchant quelque article isolé.

Mais c'est bien l'ensemble des organismes de conjoncture et de prévision qui placent aujourd'hui la France en tête.

Vous devriez vous en réjouir ! Venons-en aux effets indirects sur l'économie de la réduction du temps de travail. Certains prétendent qu'aujourd'hui les entreprises s'en vont « par paquets », que les chefs d'entreprise sont catastrophés. Mais enfin, je voudrais vous rappeler que la confiance des industriels est au plus haut depuis vingt ans et que nous sommes le troisième pays au monde pour l'accueil des investissements étrangers ; et nos progrès ont été considérables, ces deux dernières années.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les faits, là encore, parlent d'eux-mêmes. Mais peutêtre, là encore, monsieur Dominati, savez-vous mieux que les chefs d'entreprise étrangers qui viennent sur notre territoire ce qui serait bien pour eux...

Comme l'a très bien dit Yves Cochet, notre croissance était « contingentée ». Non pas par le contingent d'heures supplémentaires, monsieur Goulard, monsieur Mariani, mais par le chômage. Car dans un pays qui n'a pas confiance à l'avenir, on ne consomme pas, on ne vit pas, on ne nourrit ni la croissance ni l'emploi.

Travailler moins en gagnant autant, nous y parviendrons sans doute. Parce qu'il y a des centaines d'hommes et de femmes, aujourd'hui au chômage, qui demain participeront à la production nationale et à l'alimentation de la croissance.

Madame Bachelot, non seulement les 100 000 emplois que vous jugiez inaccessibles il y a un an sont déjà là, mais c'est bien 100 000 emplois supplémentaires par an que les organismes qui ont publié les derniers chiffres attendent de ce dispositif de réduction du temps de travail. Certains parlent de 400 000, certains de 500 000 emplois. Et je ne parle pas de l'étude du patronat, qui donne un chiffre beaucoup trop ambitieux pour que j'ose même le rappeler dans cet hémicycle.

Concernant l'emploi, la démonstration de l'utilité de la réduction du temps de travail est en train de se faire. Et nous pouvons nous donner rendez-vous, mois après mois, pour procéder ensemble à un bilan.

J'en arrive au deuxième point : le dialogue social, la négociation et l'élaboration de la deuxième loi.

Madame Bachelot, vous ne pouvez pas nous dire à la fois que beaucoup de temps et de salive ont été dépensés pour les négociations, ce qui est vrai, et que nous procédons au « dynamitage du dialogue social ».

M. Bernard Accoyer.

Si, puisque vous annulez ce qui a été fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Là encore, ne reprenez pas les thèses du MEDEF sans travailler sur les dossiers !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

M. Maire l'a dit également !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Analysez donc l'ensemble des accords de branche et vous verrez ce qu'il en est. Du reste, quand je vous ai demandé hier des exemples, vous n'avez pas été capables d'en donner.

C'est qu'il n'y en a pas.

M. Bernard Accoyer.

Si ! Le bâtiment !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas vrai ! L'accord du bâtiment est tout à fait applicable si cette loi est votée en l'état. Et, il en va de même pour le textile.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous le savez bien, un seul accord est en dehors de l'épure, parce qu'il s'y est mis volontairement. Vous n'allez tout de même pas nous le reprocher.

La réalité, c'est que, grâce à 50 000 négociateurs, il y a aujourd'hui 18 000 accords d'entreprise et 112 accords de branche, et que le tiers des salariés des entreprises de plus de vingt salariés sont d'ores et déjà à 35 heures ou sur le point de l'être. Pour certaines entreprises, d'ailleurs, cette discussion avec les salariés sur l'organisation du travail est une première. Comme l'a dit Odile Saugues, cela revient à passer directement du

XIXe au

XXIe siècle. Oui, la qualité du dialogue social s'améliore dans les entreprises grâce à la réduction de la durée du travail.

Mme Dumont m'a interrogée à propos de l'amendement Michelin, qui lie les plans sociaux à une négociation sur les 35 heures, sur ce qu'il faut entendre exactement par « avoir engagé loyalement et sérieusement des négociations sur les 35 heures ». Comme l'a souligné Odile Saugues, concrètement, l'affirmation de la notion de négociation sérieuse et loyale dans notre droit positif


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engage le juge, éventuellement saisi, à vérifier la volonté des parties de s'orienter vers la recherche d'un accord et de s'accorder sur les informations nécessaires à la négociation. Il doit s'assurer qu'il y a eu de réelles propositions sérieuses de la partie patronale et une réelle motivation par rapport aux contre-propositions. C'est ainsi, d'ailleurs, que la jurisprudence est déjà constituée sur les obligations de négocier, et qu'elle s'appliquera s'agissant de l'obligation de négocier la durée du travail avant tout plan social.

Sur de nombreux points, les accords, notamment d'entreprise, ont innové pour organiser une réduction sur mesure de la durée du travail, qui prenne en compte à la fois les caractéristiques de chaque entreprise et les aspirations des salariés. Cette seconde loi a été bâtie en s'inspirant de ces avancées.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des consultations auxquelles il a été procédé pour préparer la loi, ni sur le travail accompli par la commission des affaires sociales, qui a, elle aussi, consulté énormément avant d'apporter u n certain nombre d'amendements. D'ailleurs, Jean Le Garrec le disait hier, aucun texte n'a jamais fait l'objet d'une telle préparation.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De fait, depuis la première loi, nous sommes restés en contact permanent avec les organisations patronales et syndicales, et nous avons eu une expérimentation grandeur nature, si je puis dire, sur 18 000 entreprises et un peu plus d'une centaine de branches.

Je salue, à cet égard, sa proposition de publication de documents d'information dès le vote de la deuxième loi et souscrit entièrement à sa proposition d'un suivi parlementaire régulier de l'application de la loi.

M. Alain Cacheux.

Très bonne idée !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un mot, maintenant, sur la négociation et les grèves, auxquelles vous avez fait allusion. M. Gengenwin voit dans ces mouvements sociaux un réveil de l'ardeur des salariés.

Cela ne me dérange pas en soi. Quant à M. Morin, il parle d'une grogne croissante. Je partage pour ma part le sentiment d'Yves Rome qui voit dans ce réveil du mouvement social l'hommage rendu au législateur d'avoir assumé pleinement ses responsabilités sans pour autant confisquer le débat dans l'entreprise.

M. Maxime Gremetz.

C'est une intervention citoyenne !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quand on discute, il arrive parfois qu'on ne soit pas d'accord.

Sans souhaiter le conflit pour le conflit, je considère donc que celui-ci peut être aussi l'élément qui permettra de trouver une issue positive.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je remarque d'ailleurs, comme l'a dit Mme Notat, que vous aimez beaucoup citer ces temps-ci,...

M. Hervé Morin.

Elle n'est pas la seule !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, cela peut être aussi M. Spaeth ou M. Maire.

J'ai donc noté que Mme Notat et vous n'avez pas rapporté ses propos sur ce point - avait dit hier qu'il fallait ramener ces conflits à leur juste mesure. Beaucoup ont lieu dans le secteur public. Pour les autres, il s'agit simplement, à un moment donné, de montrer certains désaccords, mais dans un nombre limité d'entreprises par rapport aux mouvements de négociations.

M. Francis Delattre.

Attendez le printemps !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'en arrive au respect des accords. Là encore, je mets au défi ceux qui reprennent certains slogans de répéter ici que les accords de branche ne sont pas applicables. Je vais d'ailleur faire la démonstration du contraire, si tant est qu'ils soient perméables à une démonstration de bonne foi...

M. Alain Cacheux.

Non ! Ils sont d'une mauvaise foi évidente !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je tiens tous les documents à votre disposition, messieurs.

D'ores et déjà, les accords d'entreprise s'appliquent. En ce qui concerne les accords de branche, quatre-vingt-huit d'entre eux ont déjà été étendus, dix-neuf sont encore en cours d'examen et huit n'ont pas demandé l'extension.

Toutes les clauses étendues dans ces accords sont et seront applicables, de même que celles que nous avons réservées comme la loi nous l'imposait tant que la seconde loi ne reconnaissait pas légalement un certain nombre de dispositions qui avaient été retenues.

Seules trois dispositions et j'espère que ce n'est pas ce que vous souhaitiez légaliser dans la loi, car sinon votre plaidoyer pour la défense des salariés paraîtrait assez étonnant - ont été exclues de ces extensions parce qu'elles étaient contraires à la réglementation du travail, avant même d'ailleurs le vote de 1998. Il s'agit de l'extension du travail le dimanche, qui était prévue dans certains cas, de l'exclusion totale des formations du temps de travail, et de la généralisation du forfait tous horaires à tous les cadres et parfois même aux agents de maîtrise. Si vous voulez légaliser ces dispositions, il faut le dire et déposer des amendements en ce sens. Les salariés apprécieront.

Ayez le courage d'aller au bout de votre pensée, messieurs !

M. Alain Cacheux.

Ils n'en ont pas beaucoup, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Voilà en tout cas les clauses qui ont été exclues. Il n'y en a pas d'autres. Et les accords seront directement applicables, contrairement à ce que vous avez prétendu.

M. François Goulard.

Et les 1 645 heures ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'y viens, monsieur Goulard.

L'organisation syndicale qui a signé le plus grand nombre d'accords a rappelé elle-même hier que, au vu de la seconde loi, les accords de branche sur les 35 heures sont respectés à 95 % je viens de faire allusion aux 5 %.

Alors, où est « le pied de nez inqualifiable aux négociateurs » de M. Mariani, sauf à reprendre les propos de M.

Seillière. En effet, non seulement la loi valide et respecte les accords, mais elle est construite sur les acquis et les avancées de ces accords.

Le Gouvernement a donné une base juridique à plusieurs dispositifs attendus de longue date par les entreprises et négociés dans certaines branches et entreprises dans le cadre de la première loi. Il s'agit, pour ne citer que les plus importants, de la définition du « cadre » et de l'intégration de cette notion dans le code du travail nous y reviendrons, Yves Rome en a parlé longuement. Il s'agit aussi de la possibilité d'organiser sur le temps libéré,


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mais de manière très limitée, des actions de formation qui permettent la progression personnelle des salariés. Il s'agit encore de la modulation individualisée des horaires pour arriver à une annualisation contrôlée du temps de travail, et de la réduction du temps de travail, sous forme de jours sur le mois ou sur l'année. Cette innovation a été mise en oeuvre par 29 accords de branche et 48 % des accords RTT conventionnés. Il s'agit enfin de nouvelles modalités d'alimentation et d'utilisation du compte épargne-temps.

Avant la seconde loi, le recours à ces dispositifs était impossible car ceux-ci n'avaient pas de base légale. Après l'entrée en vigueur de cette loi, les partenaires sociaux pourront donc valablement conclure des accords utilisant ces possibilités nouvelles, et ceux qui les ont déjà conclus pourront les appliquer.

J'en arrive à l'exemple de M. Mariani sur la durée annuelle de 1 600 heures qui semble montrer une incompréhension de la loi. Je vais d'abord redonner les chiffres. Il n'y a que 7 %, des salariés concernés par des accords de réduction de la durée du travail dont l'accord a prévu une durée dépassant 1 600 heures. Cela implique donc que, pour 93 % d'entre eux, il n'y a aucun problème. Et, pour 5 % des 7 %, la durée sera comprise entre 1 600 et 1 603 heures, ce qui veut dire que l'accord est directement applicable.

M. François Goulard.

Ah bon ? Nous n'avons pas les mêmes chiffres !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les chiffres sont à votre disposition, monsieur Goulard ! Tous les accords de branche ont été analysés, et je peux vous communiquer les tableaux qui ont été effectués.

Lorsque la durée annuelle du travail sera comprise entre 1 600 et 1 603 heures, il suffira à l'entreprise de payer une, deux ou trois heures supplémentaires, si elle ne veut pas la ramener à 1 600 heures. Mais les accords seront applicables. Dans la plupart des cas, il semble que l'ajustement sera fait.

S'agissant des accords de branche, 90 % n'ont pas fixé de durée annuelle ou ont fixé une durée inférieure ou égale à 1 600 heures. Et six branches ont fixé une durée comprise entre 1 600 et 1 610 heures - je peux vous en donner la liste si vous le souhaitez. Seules treize branches ont fixé un seuil supérieur à 1 645 heures, c'est-à-dire prenant en compte les jours fériés. Mais il faut préciser que beaucoup de ces branches prennent en compte les jours fériés dans les conventions collectives. Il faudrait donc retirer des 1 645 heures les jours fériés prévus comme chômés et fériés dans les différentes conventions collectives. C'est ce que nous avons fait directement dans le code du travail. Donc, même pour ces branches-là, il n'y a pas de désaccord avec la loi.

M. Alain Cacheux.

C'est très clair !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si tel n'était pas le cas, elles pourraient appliquer tout de suite la réglementation puisque, je le rappelle, 130 heures supplémentaires peuvent être réalisées dans l'année.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Hervé Morin.

Les heures supplémentaires ne sont pas faites pour cela !

M. François Goulard.

Un accord, c'est un équilibre, sinon il ne vaut plus !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous rappelle que ces entreprises ont accepté l'extension en connaissant la deuxième loi. Certes, vous pouvez prétendre savoir mieux que les présidents des fédérations patronales ce qu'ils souhaitent, mais ne vous mettez tout de même pas trop à leur place.

(Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

Vous êtes plus patron que les patrons, monsieur Goulard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La vérité, c'est que vous reprenez un slogan sans avoir analysé les choses. En fait, en dehors de celles dont nous venons de parler, vous ne trouverez pas d'exemple de branche qui ne puisse appliquer son accord au lendemain du vote de la loi. Alors sortons des slogans et parlons de la réalité. C'est ce qu'attendent les salariés auxquels, comme M. Dominati, nous devons être très attentifs.

Tous les accords de modulation conformes au droit existant sont validés, y compris ceux stipulant une durée annuelle supérieure à 1 600 heures. Il n'y a aucun impact sur l'équilibre économique des accords. Pour une entreprise ayant un accord avec une durée annuelle de 1 650 heures, et non 1 600, l'écart représente en 2000 une demi-heure de repos sur l'année ou moins de 8 secondes par jour travaillé.

S'agissant des contingents d'heures supplémentaires, les choses sont claires et les syndicats se sont exprimés. Les c ontingents d'heures supplémentaires supérieurs à 130 heures nécessitent soit l'autorisation de l'inspecteur du travail - c'est dans la loi -, soit elle donne lieu à un repos compensateur - c'est la législation en vigueur depuis 1982. Aucun syndicat n'a voulu signer autre chose. Ils l'ont d'ailleurs rappelé à la suite de l'intervention du président de la fédération patronale du textile qui avait laissé penser qu'il en était autrement. Le projet de loi donc reconnaît l'ensemble des accords tels qu'ils ont été signés.

J'en viens maintenant aux cadres. Beaucoup se sont exprimés sur les dispositions relatives aux cadres, non sans une certaine hypocrisie parfois. En effet, ceux-là mêmes qui souhaitent donner un pouvoir au cadres par la loi crient au scandale lorsque nous voulons consolider les pauses, les astreintes et les jours fériés chômés. Ils manifestent une soudaine inquiétude pour cette catégorie de personnel. Mme Boisseau craint que les cadres ne deviennent taillables et corvéables à merci, comme si ce n'était déjà pas le cas aujourd'hui dans beaucoup d'entreprises.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Gengenwin nous parle de dose de stress supplémentaire.

M. Germain Gengenwin.

Je le maintiens !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En revanche, plusieurs intervenants de la majorité plurielle ont fait des propositions très sérieuses et responsables d'amélioration du texte. Je pense notamment à MM. Gremetz et Cochet, à Alain Vidalies, Laurence Dumont, Catherine Picard, Yann Galut, Jean-Pierre Pernot et, bien sûr, Gérard Terrier et Yves Rome.

M. Bernard Accoyer.

Qu'est-ce qu'ils sont bons ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils sont tous très bons, en effet. Ils ont travaillé à partir de la réalité et non des fantasmes, pour essayer d'améliorer les choses.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Voilà !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Yves Rome l'a très bien dit, les cadres n'auraient rien à gagner à un durcissement de la loi, mais ont tout à gagner des opportunités qui leur sont offertes par le texte adopté par votre commission. Quant à Gérard Terrier, il nous a rappelé que les cadres bénéficient, pour la première fois, d'une définition juridique qui prend en compte les mutations intervenues ces dernières années. Ce n'est donc pas un hasard si les cadres se réveillent. Ils ont compris, alors que l'opposition le niait il y a encore un an, que la réduction de la durée du travail pouvait également s'appliquer à eux. Personnellement, je me réjouis que, eux aussi, soient impatients de voir arriver les 35 heures.

Enfin, j'en viens au financement. Sur ce point aussi, j'ai parfois du mal à comprendre l'opposition. Ainsi, Mme Bachelot, même si cela ne lui ressemble pas beaucoup, nous a expliqué, dans une formule tardive peutêtre, qu'il faudra fumer, boire et polluer pour pouvoir travailler moins. Je lui rappellerai que la taxe sur les tabacs n'est absolument pas augmentée, pas plus que la taxe sur l'alcool. Il y a simplement un transfert d'une taxe sur les tabacs, que vous aviez d'ailleurs vous-même utilisée pour la ristourne dégressive.

M. Bernard Accoyer.

Elle est détournée de son objet !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sentant que vous devez regretter d'avoir tenu de tels propos, je n'insisterai pas. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Les droits sur l'alcool sont transférés du FSV vers la baisse des charges sociales sans augmenter en rien ni la taxe sur les alcools ni la taxe sur les tabacs. Alors ne faites pas croire aux Français qu'ils vont être taxés pour payer les 35 heures ! (« Mais si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Dominati l'a dit, cette taxation existe déjà et vous l'aviez utilisée pour baisser les charges sociales, mais sans aucune contrepartie pour les salariés et l'emploi.

M. Bernard Outin.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous, nous avons prévu ces contreparties.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cacheux.

Bien répondu !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous nous attaquons à la baisse des charges sociales pour favoriser l'emploi. Alors que cela fait trente ans que vous dites que les charges sociales - et je partage ce point de vue pèsent trop sur les salaires, vous ne pouvez pas nous reprocher de faire enfin ce que vous n'avez pas pu ou pas su faire. Oui, nous réduisons les charges sur les salaires, mais en prévoyant des contreparties en termes d'emplois et avec un contrôle démocratique de ces fonds publics.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et nous faisons financer la sécurité sociale par des ressources sur les entreprises capitalistiques et sur les profits. Finalement, c'est peut-être ça qui vous gêne le plus.

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Laurent Dominati.

Pourquoi cela nous gênerait-il ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est à vous de répondre !

M. Laurent Dominati.

Vous semblez avoir une idée sur la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'avais cru comprendre que la seule proposition de l'opposition sur la baisse du chômage, c'était la réduction des charges sociales.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Hervé Morin.

Oui, mais une vraie réduction !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous la mettons en oeuvre.

Le président de l'UPA - mais je ne voudrais pas vous faire mal -...

Mme Odile Saugues.

Mais si !

M. Bernard Outin.

Ils aiment ça !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ne les brutalisez tout de même pas trop ! (Sourires.)

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... a déclaré le 22 octobre que cette réforme répond enfin à l'urgence de réduire le coût du travail dans les entreprises de main-d'oeuvre.

M. Hervé Morin.

Qui a dit cela ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Delmas.

M. Bernard Accoyer.

Vous instrumentalisez l'UPA !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pourquoi êtes-vous contre la réduction des charges sociales que nous proposons ?

M. Bernard Accoyer.

Nous l'avons engagée les premiers, et vous étiez contre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En fait, vous y êtes opposés parce que nous la finançons sur les entreprises, et non sur les salariés comme vous, et parce que nous lions la durée du travail à la création d'emplois, ce qui implique des contreparties. Reconnaissez-le ! A moins que ce ne soit tout simplement parce que nous faisons ce que vous n'avez pas été capables de faire.

Mais cela est effectivement plus difficile à dire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Outin.

C'est qu'ils ne connaissent rien à l'entreprise !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je terminerai en répondant à deux questions précises.

Mme Dumont m'a demandé quel régime d'aide était applicable aux entreprises ayant conclu un accord de Robien. Eh bien, la loi prévoit, dans son article 12, que les accords Robien ouvrent droit, même si l'accord a été conclu dans des conditions différentes de la première et de la seconde loi, au bénéfice des allégements de charges sur les salaires inférieurs à 1,8 SMIC.

A MM. Gremetz et Birsinger, je répondrai que leur appel sur la nécessité de réaffirmer dans ce texte que les fonctions publiques ne resteront pas à l'écart du mouvement de la réduction du temps de travail a l'accord du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

En conclusion, permettez-moi de me réjouir d'une sorte de convergence progressive dans le discours de l'opposition sur la réduction du temps de travail.

Le Président de la République n'a-t-il pas dit, il y a quelque temps, qu'il s'agissait d'une idée moderne ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Francis Delattre.

Il n'est pas dans l'opposition !

M. Hervé Morin.

Il est le Président de tous les Français !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans un an, peut-être estimera-t-il, au vu des résultats, que la forme adoptée était, elle aussi, moderne ? Pour l'instant, vous n'approuvez pas la méthode.

M. Alain Cacheux.

Ils n'approuvent rien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans un an peut-être reconnaîtrez-vous qu'il fallait agir ainsi ? Si les discours ont un intérêt, il faut surtout tenir compte des actes. En l'occurrence la réalité est moins réjouissante.

Ainsi que l'a très justement souligné Alain Vidalies, l'intérêt du texte adopté par le Sénat est de montrer ce que ferait l'opposition si elle était au pouvoir : retour sur la réduction de la durée légale, suppression des aides incitatives et structurelles ainsi que des allégements de charges - les entreprises apprécieront ! -, modulation sans accords, sans contreparties, sans garanties pour les salariés,...

M. Maxime Gremetz.

C'est la loi Balladur !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... suppression de la garantie de salaire que constitue le SMIC.

M. Alain Cacheux.

Quel retour en arrière !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Dominati, vous qui soutenez tant les salariés pauvres et faibles, voilà ce que propose le Sénat. A cet égard, je vous renvoie à l'excellente intervention de Jean-Luc Mélenchon sur ce que vous feriez si vous étiez au pouvoir.

Avec Jean Le Garrec, Yves Cochet, Bernard Birsinger, nous sommes fiers d'engager une réforme qui vise à modifier la société en profondeur et à changer la façon dont nous allons vivre dans notre pays et dans les entreprises.

M. Hervé Morin.

Seuls au monde !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous voulons réformer l'organisation du travail, faire admettre par les entreprises les souplesses requises par les salariés pour mieux vivre et aider un certain nombre de chômeurs à rentrer dans les entreprises.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il s'agit d'un véritable projet de société et ceux qui ne monteront pas dans le train aujourd'hui seront bien obligés de le prendre demain, car les Français décideront à leur place.

Monsieur Dominati, il ne faut jamais penser que l'on sait mieux que les Français eux-mêmes.

M. Laurent Dominati.

C'est ce que vous faites depuis une heure !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A cet égard, les leçons du passé devraient vous servir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maxime Gremetz.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Pour un rappel au règlement ?

M. Maxime Gremetz.

Si vous voulez...

M. le président.

Bon, sur quel article ?

M. Maxime Gremetz.

Celui que vous choisirez, monsieur le président.

(Rires.)

M. le président.

Je vous en prie !

M. Maxime Gremetz.

Beaucoup d'articles peuvent être invoqués. Lequel voulez-vous ?

M. le président.

Ce n'est pas une blague, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, je demande simplement une suspension de séance pour pouvoir étudier sérieusement les propos de Mme la ministre.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je suis persuadé que l'opposition en sera d'accord parce que les éléments qu'elle a apportés en parlant de réflexions sur l'avenir et de projet de société, méritent que l'on y porte une attention particulière.

Je demande donc un quart d'heure de suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président.

La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique, dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er A

M. le président.

Je donne lecture de l'intitulé du chapitre Ier : C HAPITRE Ier Développement de la négociation collective et temps de travail M. Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a présenté un amendement, no 2 corrigé, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'intitulé du chapitre Ier :

« Durée légale du travail et régime des heures supplémentaires » La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Il s'agit de rétablir dans sa rédaction initiale le titre du chapitre Ier

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 2 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.

Article 1er A

M. le président.

« Art. 1er A. Les organisations syndicales d'employeurs et les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelées à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective ayant pour objet d'étendre le champ de la négociation collective, de promouvoir à travers des moyens adaptés la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises et d'améliorer la représentation des salariés. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'article 1er A, introduit par le S énat, tend à appeler les organisations syndicales d'employeurs et les organisations syndicales de salariés à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective chargée de promouvoir la négociation collective et d'en étendre le champ.

Il est essentiel, dans les discussions que nous avons, de savoir quelle place est donnée à la négociation collective.

Comme vous le savez - nous l'avons suffisamment répété en première lecture -, nous pensons que, d'une façon générale, le droit du travail français réglemente de manière trop précise les relations entre les partenaires sociaux et, en particulier, l'organisation du travail. Une rencontre au plus haut niveau entre les organisations d'employeurs et les organisations de salariés serait à même de mieux définir ce que doit être le champ de la négociation collective et son extension. Ainsi, un plus grand nombre de points pourraient être réglés par la discussion, et donc par la convention et par l'accord, et non plus par la réglementation et le pouvoir du législateur. C'est une question de fond. Nous sommes persuadés, quant à nous, que c'est une voie d'avenir et que l'on ne pourra pas s'opposer à la volonté qui commence à se manifester chez les partenaires sociaux de se voir reconnaître un champ réel de négociation protégé de l'intervention du législateur.

Telle a été l'intention du Sénat en proposant et en adoptant cet article 1er A, qui recueille naturellement notre faveur.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 1er A, introduit par les sénateurs, pose effectivement le vrai problème, celui du développement du dialogue social, de la négociation collective. Il ouvre la porte à l'aménagement-réduction, librement négocié dans les entreprises, du temps de travail, solution à laquelle nous sommes favorables depuis toujours. En proposant l'organisation d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective, il a pour but d'offrir une voie de la raison, du dialogue et de la modernité.

N otre rapporteur s'est déclaré défavorable à cet article 1er A, mais les deux arguments qu'il a invoqués nécessitent des explications de sa part. Je ne doute pas qu'il nous les donnera lorsqu'il défendra l'amendement qu'il a fait adopter par la commission.

Premier argument : cet article devrait être supprimé parce qu'il reprendrait les arguments des organisations patronales. Il a peut-être raison mais, vous en conviendrez, l'explication est un peu courte.

Second argument : l'article méconnaîtrait le rôle de la commission nationale de la négociation collective. Cette commission est précisément chargée, aux termes de l'article L.

136-2 du code du travail, d'émettre un avis sur les projets de loi et de décret relatifs à la négociation collective. Quel avis cette commission a-t-elle donc émis, que devrait nous transmettre notre rapporteur ? Quel a été l'avis du Conseil économique et social sur ce point ? Visiblement, le Gouvernement refuse toute concertation avec les acteurs concernés. C'est pourquoi nous pensons que l'article introduit par le Sénat doit être maintenu.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Je tiens à rectifier une inexactitude prononcée tout à l'heure par Mme la ministre concernant le taux d'activité en France. Elle s'est vantée de ce que, grâce à la politique menée par le Gouvernement, la France connaissait aujourd'hui un taux d'activité extraordinaire. Alors que je lui faisais remarquer que le taux d'activité des jeunes comme celui des personnes âgées de plus de cinquante ans étaient parmi les plus faibles de l'Union européenne,...

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Hervé Morin.

... elle m'a répondu qu'il ne fallait pas confondre taux d'activité et taux de chômage, précision dont je la remercie.

Je me suis procuré à la fois les sources de l'OCDE et celles de l'INSEE parce que j'ai pensé que l'OCDE pouvait paraître un peu suspecte...

M. François Goulard.

Elle est un peu trop libérale !

M. Hervé Morin.

... parce qu'un peu trop libérale ! (Sourires.)

Selon l'OCDE, le taux d'activité des 15-24 ans est de 29,8 % en France, de 38,8 % en Italie, de 47,6 % au Japon, de 52,5 % en Allemagne, de 63,7 % au Royaume-Uni et de 66,3 % aux Etats-Unis.

Selon l'INSEE, le taux d'activité des jeunes en France est le plus faible d'Europe. Seule la Belgique fait pire.

Par ailleurs, la France se situe à l'avant-dernier rang en ce qui concerne le taux d'activité des 55-64 ans ou des 50-60 ans. Par conséquent, le Gouvernement ferait bien d'arrêter d'expliquer que, grâce à la politique qu'il mène, le taux d'activité en France est extraordinaire puisque les chiffres émanant soit de l'INSEE, soit de l'OCDE montrent exactement le contraire.

Je tenais à ce que cette rectification figure au Journal officiel

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er A. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Accoyer.

Il va certainement répondre aux questions que je lui ai posées !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'amendement no 3 vise à supprimer les dispositions introduites par le Sénat tendant à l'organisation d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective.

Outre les raisons qui sont rappelées très rapidement dans l'exposé des motifs de l'amendement, il paraît un peu surprenant qu'une organisation patronale, qui refuse la négociation, non seulement sur la réduction du temps de travail, mais également, par exemple, sur le renouvellement de la convention UNEDIC, se drape dans les habits de la probité et appelle à la négociation pour essayer de faire valoir une position qui est radicalement différente.

Notre position est connue de tous et il ne sera pas nécessaire de la justifier chaque fois que nous serons pris à parti par l'opposition : nous voulons faire en sorte que la négociation puisse se développer dans notre pays. C'est le sens des deux lois sur la réduction du temps de travail.

Je fais d'ailleurs remarquer que la négociation sur le temps de travail était, depuis plusieurs années, particulièrement atone. Les partenaires sociaux, eux-mêmes, avaient tenté de la relancer via l'accord de 1995. Ils avaient été ensuite relayés par le législateur, via la loi Robien, et, en 1998, poursuivant notre objectif de créer des emplois, nous avons pu offrir à la négociation les bases, les moyens et les incitations nécessaires pour lui permettre d'aboutir.

Est-il encore besoin de rappeler les résultats obtenus ? Pas moins de 16 000 accords ont été signés concernant entre 100 000 et 120 000 emplois. A aucun moment la démarche que nous engageons n'est contradictoire, bien au contraire, avec la volonté de négociation. Nous voulons que celle-ci soit complète et, comme je l'ai indiqué hier, lors de nos échanges concernant les débats au Sénat et l'échec de la commission mixte paritaire, équilibrée.

Quand on demande une négociation, c'est pour que les partenaires, disposant de droits égaux, puissent engager des discussions et aboutir à des compromis. Or des amendements du Sénat, comme certaines de vos propositions, prévoient que, lorsqu'elle n'a pas abouti, la négociation pourrait se voir substituer une décision unilatérale du chef d'entreprise sur des sujets aussi importants que la mise en place de la modulation ou la dérogation aux maxima horaires quotidiens ou hebdomadaires. Une telle conception de la négociation m'apparaît plutôt comme un voile visant à masquer une conception plus autoritaire du droit du travail et de l'aménagement du temps de travail que celle que nous défendons.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le rapporteur, en supprimant cet article, nous laissons passer une véritable chance. En effet, dans le préambule de la Constitution de 1946, il est rappelé que tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la déte rmination collective de ses conditions de travail et à la gestion des entreprises.

M. Maxime Gremetz.

Si cela pouvait être vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Or nous ne pouvons que le constater avec regret, pour des raisons historiques, que M. Cochet aurait pu nous rappeler mais sur lesquelles nous ne reviendrons pas, il y a une véritable anémie du syndicalisme dans notre pays.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, les efforts certes timides, mais réels, des partenaires sociaux qui ont abouti à l'accord interprofessionnel du 30 octobre 1995.

Je reconnais qu'il s'agissait là d'un accord très important : il prévoyait déjà la possibilité de recourir aux délégué s du comité d'entreprise, voire au référendum.

Cela dit, ce qui nous préoccupe, c'est l'atonie, l'anémie du syndicalisme dans notre pays. Et ne croyez pas que ce qui s'est passé là va résoudre tous les problèmes. Bien d'autres restent en suspens. La réunion d'une conférence donnant lieu à un véritable débat sur la négociation collective aurait permis de les aborder.

Le monde syndical lui-même a regretté l'absence de dialogue sur des articles aussi importants que l'article 10, relatif à l'utilisation de la formation professionnelle sur le temps non travaillé, ou encore l'article 11. Le chèque syndical, dont nous parlons depuis si longtemps, aurait pu, lui aussi, faire l'objet d'une négociation collective.

Les paroles d'Edmond Maire vous irritent, madame la ministre, je le sais, car elles ne sont pas très agréables à votre égard, mais, plutôt que de citer à tout propos M. Seillières, je préfère me référer aux déclarations de M. Edmond Maire et de Mme Notat...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... parce qu'ils ont une vision certes ferme, un peu rugueuse et pas toujours agréable, mais intéressante du dialogue social. Ils ont souffert des conditions dans lesquelles votre loi a été négociée avec eux, et ils l'ont dit.

Cette conférence est une occasion à ne pas laisser passer.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je partage tout à fait l'opinion de Mme Bachelot.

M. Francis Delattre.

Elle n'en demande pas tant !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je ne me fais pas de souci. Ça va se gâter !

M. Maxime Gremetz.

Vous ne savez même pas ce que je vais dire !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est bien ce qui nous inquiète !

M. le président.

Mes chers collègues, ne prolongeons pas les débats ! Laissez parler M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je suis d'accord avec Mme Bachelot quand elle parle de l'anémie du syndicalisme.

M. Hervé Morin.

Ça, c'est vrai !

M. Maxime Gremetz.

Cela dit, nous divergeons sans doute...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Sur les solutions !

M. Maxime Gremetz.

... sur les causes de cette anémie.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Sans doute !

M. Maxime Gremetz.

Mais, madame Bachelot, pour pouvoir négocier, il faut être deux, avoir la même volonté de progrès social, de diminution du temps de travail et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

d'amélioration des conditions de travail, et, enfin, être prêts à passer des accords, à accepter des compromis, et à les respecter.

Savez-vous que, alors que nous sommes à la veille du troisième millénaire, 14 600 syndicalistes, délégués du personnel ou délégués de comité d'entreprises ont encore été licenciés l'année dernière par des employeurs qui ne pouvaient pas supporter qu'ils se battent pour la défense des intérêts des salariés et de leur entreprise ? Cela mérite d'être rappelé, madame Bachelot ! Pour ne pas me cantonner à des généralités, je vais vous citer un exemple. J'ai reçu hier des salariés de la Compagnie générale des eaux, le pôle « eau » bien connu de Vivendi.

M. Hervé Morin.

Ils sont en grève !

M. Maxime Gremetz.

Evidemment, ils ne sont pas très contents parce qu'on veut un grand service public de l'eau. Cela se conçoit.

Un accord sur les 35 heures a été signé le 20 janvier 1998 dans ce grand service public de l'eau qui, je le rappelle, compte 14 000 salariés répartis dans 14 sociétés.

Trois syndicats l'ont signé : la CGC, la CFDT et la CFTC. Les autres syndicats - CGT, UNSA, FO - qui sont majoritaires, puisqu'ils représentent 70 % des salariés, ont fait jouer leur droit d'opposition. Or celui-ci n'a pas été pris en compte et l'accord est passé.

Pis, un an après la signature de cet accord, qui prévoyait, noir sur blanc, le maintien et même la progression des effectifs par la création de 100 emplois, on constate aujourd'hui une baisse des effectifs.

M. François Goulard.

Nous parlons de l'article 1er A, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Vivendi ne connaît pourtant pas de difficultés financières. Ce n'est pas une PME. Vous voulez que je vous donne sa capitalisation boursière et ses profits ? Ces derniers sont les plus forts du marché aujourd'hui.

Une baisse des effectifs, une diminution des salaires, voilà par quoi s'est soldé l'accord qui a été signé !

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que nous ne cessons de vous dire ! C'est ça, les 35 heures !

M. Maxime Gremetz.

La loi n'est pas encore votée, et regardez ce qui se passe !

M. Bernard Accoyer.

Vous auriez dû nous écouter !

M. Maxime Gremetz.

A cela s'ajoute une perte de congés pour les flexibles ! Vous voyez, madame Bachelot, quand vous parlez d'anémie du syndicalisme et de la négociation, il faut voir un peu plus loin. Nous sommes pour la négociation, mais, pour que celle-ci réussisse il faut être deux à la vouloir.

Il faut écouter les salariés, parce qu'ils ont des idées, y compris sur l'efficacité économique et sociale de l'entreprise.

M. Bernard Accoyer.

Dans ce cas, laissez l'article du Sénat !

M. Maxime Gremetz.

Mais aujourd'hui, c'est toujours la politique du droit divin. Le patron de Vivendi, c'est Dieu...

M. Bernard Accoyer.

Pour vous, c'est l'Etat !

M. Maxime Gremetz.

... puisqu'il peut tout décider à sa guise. Eh bien, ce temps-là, c'est terminé, comprenezle ! Vous êtes toujours à vous plaindre des 35 heures, à répéter que ça ne marche pas. Et pourtant, je sais que les salariés se battent pour l'application des 35 heures, je le lis tous les jours dans la presse de ma région. Et sitôt que la loi sera signée, patrons et organisations syndicales se retrouveront face à face. Et à ce moment-là, vous penserez souvent à moi ! Car, croyez-moi, les salariés, les représentants syndicaux, tous les mandatés se battent, d'autant qu'ils auront davantage de moyens de se faire respecter.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Cela vous plaît de mettre de l'huile sur le feu !

M. Maxime Gremetz.

Je me félicite que, dans mon département, chez Whirlpool, qui n'est pas non plus une petite entreprise, les jeunes intérimaires qui viennent de faire grève aient réussi, à ma grande surprise, à mettre à genoux la direction. Elle ne voulait pas les entendre, elle ne voulait pas négocier. Eh bien ! en vingt-quatre heures de grève, ils ont eu ce qu'ils voulaient : augmentations de salaire, transformation d'emplois précaires en emplois stables et durables ; mais surtout, ils ont obtenu le respect de leur dignité. Et c'est bien là, à mon avis, que les 35 heures vont nous amener.

M. Philippe Martin.

Certainement !

M. le président.

Mes chers collègues, je me suis jusqu'à présent montré très tolérant sur les temps de parole, mais si vous rouvrez la discussion à chaque amendement, nous y serons encore la semaine prochaine ! Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er A est supprimé.

Article 1er B

M. le président.

« Art. 1er B. - Les clauses des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, sous réserve des prescriptions de l'article 6 du code civil, continuent à produire leur effet jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant ou, à défaut, jusqu'à leur terme dans la limite de cinq ans après la date de promulgation de la présente loi. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'article 1er B introduit par le Sénat touche à une question qui a longuement opposé majorité et opposition dans cet hémicycle, il y a quelque temps. Il s'agit de savoir ce qu'il adviendra des accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998 et s'ils seront respectés par le présent projet de loi. Le Sénat propose que ces accords continuent de produire leur effet jusqu'à la conclusion d'un autre accord ou durant une période de cinq ans.

Madame la ministre, vous avez tenté de nous démontrer tout à l'heure que, dans leur immense majorité, ces accords étaient parfaitement conformes à votre texte.

Nous ne le pensons pas. Nous constatons tout au contraire que nombre d'accords signés dans des branches importantes sont, sur des points non négligeables, en contradiction avec le projet de loi. Sans épiloguer sur le pourcentage que représentent ces cas de non-conformité, permettez-moi de vous faire observer que lorsqu'un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

a ccord se réfère à une durée annuelle de travail de 1 645 heures, quand bien même la convention collective prévoit que les jours fériés seront chômés, une telle durée n'est pas sans conséquences sur l'équilibre futur du contrat ainsi passé. Dans l'hypothèse par exemple, d'une annualisation de la durée du travail, c'est bien cette référence qui sera utilisée ; or, entre 1 600 et 1 645 heures, l'écart n'est pas mince. Dans un cas comme celui-là, sachant qu'une clause, et non des moindres, n'est pas conforme à la loi, comment pouvez-vous prétendre que l'accord pourra s'appliquer dans les respect de l'équilibre qui a présidé à son élaboration ? A l'évidence, ce n'est pas possible. A chaque fois que la loi va à l'encontre de ce qu'a stipulé le contrat conclu entre l'employeur et les organisations de salariés, l'équilibre qui avait présidé à son élaboration sera bel et bien rompu, quoi que vous disiez. Nous ne pouvons que nous inscrire en faux contre votre manière de présenter la réalité.

Il y a bien plus d'accords que vous ne le dites, tant au niveau des entreprises qu'au niveau des branches, qui se retrouveront en contradiction avec le projet de loi, après avoir été signés en toute bonne foi par les partenaires sociaux. A ce réel problème, la réponse que nous avions proposée en première lecture et que le Sénat a reprise nous paraît une solution de bon sens. Et nous souhaitons que vous suiviez la sagesse du Sénat. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Maxime Gremetz.

Vous voulez dire le conservatisme du Sénat ! Ah non alors !

M. le président.

La parole est Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues.

Je voudrais, à l'occasion de l'examen de cet article, vous dire quelques mots sur la relation établie en première lecture entre la présentation d'un plan social et l'obligation de négocier un accord sur la réduction du temps de travail, sachant que ces dispositions ont été supprimées par le Sénat.

Il est bon que le législateur, pour remplir sa mission, précise son intention afin d'éclairer l'avenir. Et si demain l'on s'interrogeait, et l'on s'interrogera sûrement, sur les termes de « négociations sérieuses et loyales », préalables de tout plan social, que l'on retrouve dans l'amendement que j'avais présenté,...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas l'objet de l'article 1er B.

M. le président.

N'interrompez pas l'oratrice, s'il vous plaît !

M. François Goulard.

Elle se trompe d'article, monsieur le président.

M. le président.

Nous en sommes à l'article 1er B.

M. Bernard Accoyer.

C'est déjà assez compliqué comme ça ! Si l'on parle d'autre chose...

Mme Raymonde Le Texier.

Et si cela nous intéresse, nous ?

M. le président.

Je vous prie, mes chers collègues.

Soyez courtois et laissez terminer Mme Saugues.

Mme Odile Saugues. Je tiens à apporter quelques précisions sur ce que dut être une négociation sérieuse et loyale. M. Maxime Gremetz en a lui-même donné quelques éléments tout à l'heure.

M. Bernard Accoyer.

Lui aussi, il a parlé d'autre chose ! Pourquoi ne pas revenir sur les légionnaires, pendant qu'on y est ?

Mme Odile Saugues.

Le but est de donner à tous et à toutes les moyens et les informations nécessaires pour travailler et préparer les conditions de la négociation en élaborant un ordre du jour, en présentant des propositions et des contre-propositions et en permettant de procéder à une analyse. L'objectif est de rechercher manifestement un accord, à l'opposé d'une attitude hostile et même passive.

Etre sérieux et loyal signifie que l'on n'entend pas fausser les termes et le déroulement des négociations. Je ne m'étendrai pas sur l'aménagement prévu à cette disposition pour les entreprises en situation de redressement judiciaire. Il témoigne à tout le moins de la portée réelle de l'amendement, que certains avaient remis en cause.

Une question s'était posée en première lecture et que l'on retrouve en seconde lecture : doit-on interdire la présentation d'un plan social si un accord n'est pas signé ? Cette idée, au premier abord séduisante, paraît difficilem ent applicable et surtout relativement dangereuse, notamment pour les organisations syndicales qui risquent de se retrouver dans une situation difficile. Elle ferait peser sur elles une très lourde responsabilité puisque, de fait, la présentation du plan social serait liée à leur signature. Ce serait par ailleurs faire fi de la réalité : la plupart des plans sociaux, particulièrement dans les PME, sont dictés par l'urgence, alors que la signature d'un accord est le fruit de longs mois de travail et de concertation. Voilà pourquoi je crois préférable de maintenir les deux possibilités : signature d'un accord ou ouverture de négociations sérieuses et loyales visant à la conclusion d'un tel accord.

Telles sont les précisions que je tenais à apporter sur cette disposition particulière, attendue par certains,...

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, pourra-telle ensuite parler d'un projet de loi sur les légionnaires, par exemple ?

Mme Odile Saugues.

...dénoncée par d'autres, commentée par beaucoup et pas toujours dans des termes exacts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Si Mme Saugues a éventuellement anticipé sur d'autres aspects du texte, eh bien ! elle ne sera pas amenée à se répéter, pour peu que vous ayez gardé son intervention en mémoire...

M. Alain Vidalies.

Au moins, ce qu'elle a dit était intéressant.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, dernier orateur inscrit. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Raymonde Le Texier.

Lui, il répète toujours la même chose !

M. Bernard Accoyer.

Si j'appliquais la jurisprudence Gremetz et Saugues, je parlerai d'une proposition de loi sur la chasse ou sur la viticulture. Mais comme l'opposition est composée de gens sérieux, j'en resterai à l'article 1er B...

Cet article propose de valider les accords pris à la suite de la première loi sur la réduction du temps de travail.

Les dispositions contenues dans l'article 14 du projet de l oi que nous avons examiné en première lecture reviennent sur l'application des accords conclus. Cette situation est particulièrement préoccupante : en fait, par la voix du Gouvernement, l'Etat revient sur sa parole.

Comment les rapports sociaux, la vie des entreprises, la vie même d'une nation pourraient-ils se développer, s'épanouir si la parole même de l'Etat devait être remise


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en cause de manière réitérée ? Une telle attitude est tout à fait surprenante ; il n'y a vraiment que ce gouvernement pour se laisser aller à de tels dérapages...

M. Gérard Bapt.

Et vous dites cela sans rire !

M. Bernard Accoyer.

Je me contenterai d'illustrer ce qu'a excellemment dit, comme d'habitude, mon collègue François Goulard tout à l'heure à propos de la durée maximale du travail et en particulier du contingent d'heures supplémentaires arrêté dans plusieurs accords.

A entendre la présentation du ministre, on aurait pu croire que nous n'avions rien compris et qu'il n'y avait aucun problème. Il est une chose, il est vrai, que j'ai du mal à comprendre : comment peut-on tout à la fois évoquer un plafond parfaitement arrêté et défini, et dans le même temps laisser s'appliquer des accords de branche prévoyant des contingents d'heures supplémentaires nettement supérieurs aux 130 heures fixées par le Gouvernement : 175 heures dans l'accord de branche sur le textile, 180 heures dans la métallurgie, 182 heures dans les services dans l'automobile, 190 heures dans les services de propreté ? Quel régime leur réservera-t-on ? Quel sera leur sort ? Autant de questions qui justifient l'article 1er B tel qu'introduit par le Sénat, qui propose que ces accords continuent de s'appliquer pendant cinq ans.

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, a présenté un amendement no 4, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er B. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Votre commission propose de revenir implicitement à la rédaction de l'article 14 en supprimant la disposition introduite par le Sénat.

Celle-ci laisse entendre que la loi, telle que nous l'aurons débattue et votée, remettra en cause les accords de branche. Nous avons eu ce débat à de nombreuses reprises et encore hier à l'occasion de la discussion générale.

Certes, une règle de pédagogie élémentaire veut qu'il faille sans cesse répéter pour arriver à se faire comprendre pour que l'argument puisse au moins être entendu, à défaut d'être forcément admis.

Aussi répétons-le : la loi telle qu'elle vous est présentée ne remet pas en cause les accords de branche signés ni aucun de leurs éléments, à quelques exceptions près qui contiennent des dispositions contraires à l'ordre public social, en particulier sur les contingents d'heures supplémentaires.

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Un protocole interprofessionnel de 1981 a distingué un contigent libre en d eçà de 130 heures et un contingent au-delà de 130 heures soumis à l'intervention ou non de l'inspecteur du travail. Cette règle est susceptible de dérogation par un accord de branche. En revanche, le principe du repos compensateur de la cent trente et unième heure n'a jamais souffert d'exception. C'est le résultat même d'une négociation de 1981, que le législateur lui-même a validée par voie d'ordonnance en 1982.

Par conséquent, les partenaires sociaux qui pourraient faire état d'une éventuelle modification de la loi en la matière en seraient pour leurs frais. Dès lors, l'argument tombe de lui-même puisque nous ne modifions en rien ces dispositions d'ordre public social, toujours appliquées.

Mais nous avons une autre bonne raison de vous proposer de ne pas maintenir l'article 1er B : emporté par son enthousiasme, le Sénat en vient à remettre en cause des dispositions d'accords qui n'auraient pas à être renégociées avec le texte tel que nous le proposons. En effet, la rédaction proposée par le Sénat aboutirait en fait à devoir renégocier dans un délai de cinq ans toutes les dispositions non pas contraire à l'ordre public social, mais seulement illégales, en l'état actuel du droit, parce qu'innovantes, tels les forfaits-jour ou le décompte en jours. Que diriez-vous si nous proposions une telle disposition ? Tout au contraire, nous validons l'ensemble de ces innovations dès lors qu'elles restent conformes à l'ordre public social.

Par conséquent, dans l'intérêt même de la thèse que vous défendez, je vous invite à voter l'amendement no 4 présenté par la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Excellente intervention !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable après ces excellentes explications.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, ces accords que contestent le rapporteur et le Gouvernement au motif qu'ils contiendraient des clauses illégales résultent, je veux le rappeler, d'une négociation, d'un équilibre subtil pour reprendre l'expression de M. Accoyer, qui correspondait aux nécessités de l'entreprise. Le Gouvernement décide de ne pas en tenir compte ; le problème est que les entreprises qui avaient néanmoins signé ces accords seront bien obligées de s'y plier.

Le texte du Sénat est évidemment une position de repli, du fait que certains accords, notamment ceux qui prévoyaient un volumineux contingent d'heures supplémentaires, posaient effectivement des difficultés pratiques de gestion sur le terrain. Nombre d'entreprises vont par exemple se heurter à des difficultés pour embaucher des salariés compétents dans certaines fonctions. Voyez le secteur du BTP : essayez par exemple de trouver des maçons, des plâtriers ou des charpentiers dans certaines régions !

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Dans la pratique, ces entreprises devront faire avec les contingents qu'elles avaient fixés. Car la formation de tels personnels exige des plans de formation dans les chambres de commerce, dans les centres d'apprentissage, du reste souvent dirigés par les professionnels du bâtiment eux-mêmes. La période de cinq ans imaginée par le Sénat leur laissait le temps nécessaire.

M. Maxime Gremetz.

Vous voulez dire : imaginée par le MEDEF !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Sans contrevenir à vos objectifs, cette position de repli aurait permis à ces entreprises de faire face à ce qui, dans leur gestion, va entraîner un véritable séisme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

On aurait pu croire que vous défendriez les femmes !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. En conséquence, l'article 1er B est supprimé.


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Article 1er

M. le président.

« Art.1er I et II. Supprimés

« III. Non modifié

« IV. Supprimé

« V. Dans l'article 2 de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 précitée, les mots : "à l'article 1er " sont remplacés par les mots : "à l'article 3" ».

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Les dispositions que vous proposez de réintroduire constituent l'article fondamental du texte du Gouvernement : votre article 1er dispose en effet que la durée légale du travail sera de 35 heures par semaine pour les entreprises de plus de vingt salariés, et ce dès le 1er janvier prochain.

En répondant tout à l'heure aux différentes interventions et à la motion de renvoi en commission, Mme la ministre a asséné, avec la tranquillité et l'audace qui la caractérisent, plusieurs contrevérités qui me conduisent, par simple souci d'honnêteté, à rétablir la vérité sur un certain nombre de faits.

Pour commencer, force lui a été d'admettre la réalité de la relation entre les effets de la croissance et les créations d'emplois et la baisse du chômage, comme le montrent les chiffres dont nous nous réjouissons tous.

Ensuite, la conversion de Mme la ministre à la théorie selon laquelle la réduction généralisée du temps de travail créera des emplois, reste somme toute récente. Je la renverrai, même si cela ne lui fera probablement pas très plaisir, à ses propres déclarations publiques à la Mutualité, en 1991, où elle affirmait - je cite de mémoire que des dispositions générales tendant à une réduction du temps de travail ne pouvaient créer des emplois. Dois-je ajouter que la gauche a toujours été, jusqu'à un passé extrêmement récent, opposée aux baisses de charges sur le travail, prétextant qu'il s'agissait d'avantages offerts aux entreprises sans contrepartie ? Et je rappellerai à nos collègues de la majorité les débats particulièrement longs et houleux, ainsi que l'obstruction systématique pratiquée par l'opposition de l'époque, à coup de milliers d'amendements, lorsqu'a été introduite en 1995 la ristourne Juppé qui instaurait des réductions de charges sur les bas salaires à concurrence de 1,33 SMIC ! Cette opposition a d'ailleurs continué, puisque vous-même, madame la ministre, avez ramené ce taux de 1,33 à 1,3, au motif que ces baisses de charges, ainsi que le disaient vos alliés communistes, n'étaient pas efficaces pour lutter contre le chômage. Souvenez-vous : cela ne date pas de si longtemps... Vous vous êtes rendue depuis à notre opinion ; nous vous en félicitons et nous nous en réjouissons.

Mais vous avez également fait état de l'efficacité prétendue de la première loi sur la réduction du temps de travail, sur un ton qui nous fait de la peine. Nous espérons toujours que vous nous parlerez plus aimablement ; nous avons été quelque peu déçus tout à l'heure.

Je voudrais vous rappeler les résultats obtenus, d'ailleurs commentés par certains d'entre vous.

J'ai ici des coupures de presse qui exposent que les 500 entreprises du centre des jeunes dirigeants ont rencontré d'énormes difficultés pour appliquer les 35 heures sur le terrain. Pourtant volontaires, ceux-ci manifestent leurs vives inquiétudes. D'autres articles expliquent que Laurent Fabius se démarque du PS, le président de notre assemblée déclarant qu'il faut respecter les accords de branche.

Quant à votre illustre ex-collègue, madame la ministre, qui était sur ces bancs il n'y a pas si longtemps, ...

M. Yves Rome.

Et Mme Alliot-Marie, qu'en penset-elle ?

M. Gérard Bapt.

Et M. Delevoye ?

M. Bernard Accoyer.

... le ministre délégué au commerce extérieur, auprès de l'ex-ministre de l'économie et des finances, je veux parler de M. Jacques Dondoux, selon Le Dauphiné libéré , lorsque DSK veut l'envoyer faire une tournée en province pour expliquer que les 35 heures vont créer 700 000 emplois, il rechigne : « J'ai simplement dit que je n'étais pas sûr que ces emplois seraient créés. La suite a montré que j'avais raison. »

Ce sont vos propres collègues et amis qui ont tenu ces propos ! Enfin, quand vous affirmez que le premier texte a créé 100 000 emplois, madame la ministre, sauf le respect - immodéré - que je vous dois, vous proférez un mensonge, et même plusieurs.

Vos affirmations ont d'ailleurs été contestées par le rapporteur lui-même le 10 mars 1999, lorsqu'il s'exprime sur l'application de la loi d'incitation à la réduction du temps de travail.

Mais venons-en à ces mensonges, pour abréger un exposé...

M. le président.

Vous devez, en effet, conclure, mon cher collègue !

M. Bernard Accoyer.

... qui, je pense, ne vous est pas très agréable.

Premier mensonge : vous faites un amalgame entre emplois créés et emplois préservés. Les entreprises avaient intérêt à présenter les plans de suppression d'emplois les plus dramatiques possibles, afin que le nombre d'emplois préservés soit surévalué et, en conséquence, les aides ég alement. Ces emplois créés ne sont en réalité que des intentions d'embauches.

M. François Goulard.

Eh oui !

M. Bernard Accoyer.

Deuxième mensonge : l'effet d'aubaine. Et M. Gorce abonde dans ce sens : « Les résultats prometteurs actuels ne valent que pour les entreprises en général les plus dynamiques et les plus performantes qui ont conclu des accords. »

M. le président.

Vous nous avez habitué à plus de concision, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Troisième mensonge : les chiffres officiels des accords de réduction du temps de travail non aidée.

Dernier mensonge, du moins de ceux que j'ai pu déceler : le renfort demandé aux entreprises publiques.

M. Maxime Gremetz.

Vous montrez trop de tolérance à l'égard de M. Accoyer, monsieur le président !

M. Bernard Accoyer.

Vous comprendrez, madame la ministre, que le ton sur lequel vous avez fait votre exposé liminaire, donnant une leçon à l'opposition qui ne dirait que des inepties, méritait cette mise au point. J'ai dû la faire avant l'article 1er , puisqu'il contient la substance même de votre texte.

M. Maxime Gremetz.

C'est laborieux ! M. le président La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Comme vient de le dire mon excellent collègue, Bernard Accoyer...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

M. Maxime Gremetz.

Vous pourriez parler ensemble, on gagnerait du temps !

M. Gérard Bapt.

Concluez donc un PACS !

M. François Goulard.

J'espère, monsieur le président, que vous m'accorderez un petit dépassement de mon temps de parole en raison des vociférations des membres de la majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) L'article 1er , qui introduit le principe du passage aux 35 heures, appelle des réflexions d'ordre général. Les miennes s'adresseront à vous, madame la ministre, en réponse aux propos que vous avez tenus tout à l'heure à la tribune, à vos arguments et à vos objections.

Vous nous avez dit que la croissance que nous connaissons aujourd'hui et qui, incontestablement, crée des emplois, était à mettre au crédit de l'actuel gouvernement, arguant du fait que, avant 1997, la croissance existait aux Etats-Unis et qu'elle n'avait pas fait connaître ses effets heureux sur le continent européen, en particulier en France.

Dois-je vous rappeler quelques vérités d'évidence ? A savoir que beaucoup de pays européens, et le nôtre le premier, étaient engagés, jusqu'en 1996-97, dans la construction de l'euro, de la monnaie commune européenne, et, de ce fait, contraints d'adopter des politiques fiscales visant à réduire les déficits publics pour se mettre en accord avec le traité de Maastricht. En outre, ils ont été obligés d'opter pour des politiques de taux d'intérêt contraires au libre développement de la croissance. La France a connu, dans les années 90, jusqu'en 1996, des taux d'intérêts réels extraordinairement élevés, de sept, voire huit points hors inflation. Des niveaux aussi élevés ont empêché, au début et au milieu des années 90, la croissance de se développer normalement dans notre pays.

Quant à l'augmentation des impôts, elle s'explique par le fait qu'il fallait ramener le déficit de 6 % à 3 % du PIB pour se qualifier pour l'euro.

Toutes ces grandes politiques, qui étaient nécessaires, qui étaient justifiées, parce que nous voulions les uns et les autres construire la monnaie unique, ont eu un effet négatif sur la croissance.

Dès lors que le plus gros de l'effort avait été fait sur le plan fiscal et que les taux d'intérêt étaient redescendus à un niveau parfaitement normal depuis plusieurs mois, il n'est pas étonnant qu'au début de 1997 la croissance se soit accélérée. Les courbes sont d'ailleurs éloquentes : c'est au mois d'avril et au mois de mai 1997 que la croissance est redevenue forte dans notre pays.

Alors, je vous en prie, un peu plus de modestie !

M. Yves Cochet.

Il ne fallait pas dissoudre !

M. François Goulard.

Monsieur Cochet, l'objection est classique...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Elle est tout de même vraie !

M. François Goulard.

... mais il ne vous aura pas échappé, d'abord, que le droit de dissolution n'appartient pas aux parlementaires...

M. Yves Cochet.

C'est exact !

M. François Goulard.

... ensuite, que le Gouvernement de l'époque n'avait pas vu venir de manière très nette cette croissance...

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)

M. Maxime Gremetz.

Quel aveu !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quel manque de clairvoyance !

M. François Goulard.

... qui n'a été constatée, dans les séries économiques, qu'à partir du mois de juillet puisqu'il s'écoule toujours quelques mois entre un mouvement économique et sa constatation dans les chiffres.

M. Maxime Gremetz.

Vous écoutez trop les experts et les technocrates !

M. François Goulard.

Monsieur Gremetz, nous connaissons vos antécédents ! Si vous vouliez bien respecter la loi de la démocratie dans cet hémicycle et laisser parler les orateurs, j'en serais personnellement très heureux !

M. Maxime Gremetz.

Que voulez-vous dire par « mes antécédents » ?

M. François Goulard.

Il y a d'autres correctifs à apporter aux propos de Mme Aubry.

Ainsi elle a analysé les votes et les propositions du S énat d'une manière toute particulière. Elle a cru comprendre que la Haute Assemblée annonçait que l'opposition avait désormais pour projet de revenir aux 39 heures.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est bien ce que les sénateurs ont dit !

M. François Goulard.

La réalité est évidemment tout autre. Dès lors que la durée légale du travail sera, si cette loi est adoptée, abaissée définitivement à 35 heures, il sera impossible de faire une loi la portant à 39 heures. Le droit commun des contrats pour les rémunérations vaudra pour une durée de 35 heures et personne ne pourra, à moins de violer un principe fondamental du droit, remettre en question la teneur de ces contrats de travail.

Nous l'avons dit plusieurs fois de la manière la plus nette possible en première lecture, le projet des trois groupes de l'opposition est de faire en sorte, demain, que la convention collective puisse régler les questions de durée du travail et, plus largement, d'organisation du travail...

M. Alain Vidalies.

Vous avez essayé en 1995, cela n'a rien donné !

M. François Goulard.

... et que la durée légale figurant au code du travail s'applique dans le cas où un accord n'a pas été trouvé entre les partenaires sociaux. C'est extrêmement différent de ce que vous avez prétendu tout à l'heure, madame la ministre. Je me devais de rétablir la vérité. Car s'il est une chose que l'opposition peut encore faire, c'est s'expliquer clairement sur ses projets pour demain.

Enfin, quand vous prétendez, madame la ministre, que ce qui provoque notre hostilité à l'encontre de la baisse des charges prévue dans votre texte, c'est que vous réussissez là où nous avons échoué, je vous invite à un peu plus de sérieux. Car votre baisse des charges ne compense pas la hausse des coûts pour les entreprises, loin s'en faut.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Dominati a dit l'inverse tout à l'heure, mettez-vous d'accord !

M. François Goulard.

Vous le dites vous-même, la baisse des charges devrait, d'après vos chiffres, s'élever à environ 120 milliards en régime permanent.


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Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, 105 milliards !

M. François Goulard.

Or l'augmentation du coût horaire induite par la diminution de la durée du travail, portant sur l'ensemble de la masse salariale française, représentera une augmentation de charges pour les entreprises de notre pays de 250 milliards de francs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz.

N'importe quoi !

M. François Goulard.

Au vu de ces deux chiffres, je maintiens qu'il est abusif de parler d'allégement des charges sociales. En réalité, vous êtes en train de compenser partiellement le coût des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Maxime Gremetz.

Je comprends que le gouvernement que vous souteniez se soit trompé, avec des raisonnements pareils !

M. le président.

Mes chers collègues, ne rouvrez pas la discussion générale à chacune de vos interventions !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce que M. Goulard vient pourtant de faire, monsieur le

président

!

M. le président.

Je le dis à tous les orateurs, sans exclusive ! La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard, L'article 1er du projet de loi pose le principe de la réduction du temps de travail sur la base de 35 heures par semaine et de 1 600 heures pour l'année. La définition de la durée effective du temps de travail est donc un élément essentiel de cet article.

En première lecture, nous appuyant sur l'expérience acquise grâce aux accords conclus, nous avons amélioré la prise en compte des temps de pause, de restaurant et d'habillage. En effet, quand la loi ne fixe pas clairement les limites, il y a toujours des employeurs pour s'engouffrer dans la brèche ainsi ouverte et pour en tirer profit.

Nous sommes favorables au développement de la négociation. Nous n'en devons pas moins tenir compte du contexte. Il existe encore trop d'entreprises pas, ou peu organisées, parfois faute de représentants du personnel ; c'est alors l'employeur lui-même qui prend les décisions.

Ce sont ces considérations qui nous amènent à proposer des amendements sur l'article 1er

L'un, dit « Michelin », prévoit la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail avant l'établissement d'un plan social ou, à défaut, l'engagement de négociations. Nous demandons la suppression de cette dernière mention qui, nous semble-t-il, ôte toute efficacité à la première.

N ous proposons également de mieux garantir le recours aux astreintes, notamment en imposant un avenant au contrat de travail en l'absence de négociation collective.

Des employeurs du secteur de l'agroalimentaire ont demandé qu'une partie du temps consacré à l'habillage et au déshabillage ne soit pas comptée dans le temps de travail effectif, en raison de la durée de celui-ci imposée par les règles sanitaires.

La commission des affaires sociales propose d'inscrire dans le texte des contreparties financières ou sous forme de repos. Nous préférons ne pas modifier le texte issu de la première lecture sur ce point et accorder quelques dérogations. Mais le Gouvernement s'y refuse. S'il ne changeait pas d'avis, nous proposerions un amendement visant à étendre les contreparties aux accords de branche et d'entreprise.

Telles sont les modifications que nous suggérons pour améliorer cet article.

M. Maxime Gremetz.

Voilà du concret, du constructif !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

L'article 1er fixe bien à 35 heures la durée légale du travail, qui sera mise en aplication au 1er janvier 2000. La commission, à notre grand regret, a rétabli, pour l'essentiuel, le texte adopté en première lecture, faisant fi des avancées incontestables proposées par nos collègues sénateurs.

Je le dis une fois de plus, le principe de réduction autoritaire est mauvais pour nos entreprises. Il convient de privilégier une réduction basée sur une démarche volontaire, négociée et adaptée à la situation de chaque secteur, de chaque activité, de chaque entreprise.

Nous le savons tous, les incidences de la réduction du temps de travail ne seront pas identiques dans tous les secteurs. Les secteurs industriels en sureffectif seront les moins touchés, contrairement aux petites entreprises qui sont pourtant les plus créatrices d'emplois - Mme la m inistre l'a assez dit ! - mais dans lesquelles les embauches seront quasi impossibles en raison du faible volume d'heures libérées.

Au surplus, il ne s'agit en aucun cas d'une réduction négociée puisque, quoi qu'il advienne, toutes les entreprises seront aux 35 heures pour 2002.

Enfin, vous entretenez la confusion entre la politique de l'emploi et le financement de la sécurité sociale, laissant dans un flou artistique le financement à terme du dispositif de réduction du temps de travail et la ponction indirecte sur les caisses de sécurité sociale.

Je veux, d'ailleurs, attirer l'attention sur la mesure qui consiste à affecter une part importante des produits des droits de circulation sur les alcools au financement des 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Scandaleux !

M. Philippe Martin.

Les professionnels de la viticulture, et moi le premier, en sont extrêmement inquiets au moment où se multiplient de toutes parts les attaques contre le vin. Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient financer les 16 à 20 milliards de francs qui manquent sur les 65 milliards d'allégements de cotisations sociales liés aux 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Philippe Martin.

Cette préoccupation est d'autant plus légitime que l'on peut craindre que cette affectation ne soit la porte ouverte à de futures augmentations des droits de circulation...

M. Bernard Accoyer.

Ils ont amorcé la pompe !

M. Philippe Martin.

... vu les difficultés que vous éprouvez à boucler le financement de la réduction du temps de travail.

Pour conclure, je rappelle que de nombreux rapports européens - vous n'êtes pas sans le savoir - soulignent que le coût du travail entrave le développement des petites entreprises, qui sont essentiellement des entreprises de main-d'oeuvre. Ce texte alourdira encore ce coût.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah bon ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

M. Philippe Martin.

Bien sûr, madame la ministre, et moi qui ai une entreprise, je sais de quoi je parle ! Votre texte mettra en difficulté les entreprises et les salariés. Quant à la mise en place de vos faux emplois, de vos sous-emplois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) elle aura rapidement des effets néfastes pour la France et pour notre jeunesse. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Je veux faire brièvement deux remarques pour répondre aux contrevérités proférées par nos collègues de l'opposition.

L a première est d'ordre linguistique. Je m'irrite d'entendre parler de baisse des « charges ». Car c'est de baisse des cotisations sociales patronales qu'il s'agit !

M. Bernard Accoyer.

Donc, de « charges » sociales !

M. Yves Cochet.

Or les cotisations, mes chers collègues, participent à la solidarité nationale, qu'elles soient patronales ou salariales, pour financer les retraites, la maladie et les caisses d'allocations familiales la CSG aussi, un peu, c'est vrai. Et cela me semble tout à fait normal. Le mot « charges », lui, a une connotation négative.

Pourtant, le coût du travail est bien inférieur en France à ce qu'il est en Allemagne. Que je sache, ce pays ne s'en tire pas trop mal non plus du point de vue économique.

Ma seconde remarque concerne l'efficacité de la première loi du 13 juin 1998. J'assistais, la semaine dernière, à une réunion publique sur les 35 heures dans les Pays de la Loire. Les employés de l'ANPE de cette région m'ont appris que, entre janvier 1998 et septembre 1999, ont été créés 24 000 emplois ventilés de la manière suivante : 5 000 emplois-jeunes, 6 000 induits par la réduction du temps de travail et 13 000 dus à la croissance.

Ce sont donc 11 000 emplois sur les 24 000 créés dans les Pays de Loire que l'on doit au volontarisme politique du Gouvernement. On pourrait faire de pareils constats dans les autres régions.

On ne peut donc pas prétendre que la politique du Gouvernement ne crée pas d'emplois, et c'est cela qui gêne l'opposition !.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Excellent !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 FAIT PERSONNEL

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un fait personnel.

M. Maxime Gremetz.

Aux termes de l'article 58, alinéa 6, monsieur le président, « toute attaque personnelle, toute interpellation de député à député, toute manifestation ou interruption troublant l'ordre sont interdites ».

Or M. Goulard, vous l'avez noté comme moi, et c'est sans aucun doute au Journal officiel , a parlé de mes antécédents.

M. François Goulard.

Oui !

M. Maxime Gremetz.

Eh bien, monsieur Goulard, je suis fier de mes antécédents ! Je suis d'une famille ouvrière de neuf enfants, j'ai été délégué du personnel, puis licencié par un ministre du travail qui n'était pas

Mme Aubry...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oh non, je n'aurais pas fait ça ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

...mais M. Fontanet, à l'époque, en 1963.

M. François Goulard.

Non ! C'était M. Grandval !

M. Maxime Gremetz.

Si ce n'est lui, c'est donc son frère ! Puis, j'ai été élu député. Finalement, me licencier a été la plus grave bêtise qu'aient faite les patrons. Je ne vous aurais pas embêtés comme je vous embête aujourd'hui !

M. Philippe Martin.

Ça, c'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela aurait été dommage ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Redevenons sérieux ! Moi, j'ai la conscience tranquille, monsieur Goulard. Mes antécédents sont très clairs.

M. Francis Delattre.

Stalinien, clair et net !

M. Maxime Gremetz.

On peut fouiller. Je n'ai pas été dans le cabinet de M. Balladur, je vous l'accorde.

M. François Goulard.

Moi non plus !

M. Maxime Gremetz.

Non, mais vous étiez un de ses conseillers spéciaux.

M. François Goulard.

Ah non !

M. Maxime Gremetz.

Si ! Il me l'a dit ! (Rires.)

M. le président.

N'ouvrez pas de dialogue !

M. Bernard Accoyer.

Nous pouvons peut-être les laisser entre eux ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Goulard est très bien, m'a-t-il dit, il m'a expliqué que ce serait une très bonne chose de dissoudre l'Assemblée nationale. Il vous a écouté un petit peu, il s'est trompé.

Je ne suis pas encore allé en prison. J'aurais pu y aller, car j'ai lutté contre la guerre d'Algérie. J'ai été en prison cinquante-deux jours à l'armée, parce que je distribuais des tracts paix en Algérie, retour aux dix-huit mois, et d'autres -, et que c'était interdit à l'époque. Pour la première fois, grâce à vos amis, je suis convoqué à Lille le 6 décembre au tribunal correctionnel. Je n'avais pas encore subi cette épreuve. Ce n'est pas une rude épreuve, vous savez ! C'est tout simplement parce que nous sommes allés manifester contre la première sortie de M. Baur, élu par le Front national président du conseil régional de Picardie. Croyez-moi, je suis fier d'être convoqué au tribunal correctionnel pour ce motif, la plainte ayant été déposée par un commissaire de police, et deux volontaires désignés d'office, parce qu'ils n'ont trouvé personne d'autre !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 1 E R DÉCEMBRE 1999

Mes antécédents sont donc clairs et je voulais supprimer toute ambiguïté.

M. le président.

Avant de lever la séance, je vais donner la parole à M. Goulard, s'il souhaite dire un mot.

Vous avez la parole, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Je ne pensais pas vous avoir heurté, monsieur Gremetz. En tout cas, telle n'était pas mon intention.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous êtes maladroit alors ?

M. François Goulard.

Dans le feu de la discussion, alors que vous m'interrompiez, ce qui n'est pas un crime puisqu'il nous arrive aux uns et aux autres de manquer ainsi de courtoisie - je m'accuse moi-même et je ne suis pas le seul à devoir le faire ! -, je vous ai dit que je ne souhaitais pas être interrompu et que je connaissais vos antécédents. Je ne faisais naturellement pas allusion à votre vie personnelle, à votre passé, sur lequel je n'ai strictement aucun commentaire à faire ni aucune appréciation à porter. Simplement vous êtes un membre du parti communiste,...

M. Maxime Gremetz.

Je ne suis pas français ?

M. François Goulard.

... ce que vous ne pouvez pas nier. Le parti communiste, même si ce n'est plus le cas aujourd'hui, à une époque qui n'est pas encore historique, qui n'est pas extrêmement lointaine, ne se signalait pas par son goût pour la démocratie telle que nous la concevons !

M. Maxime Gremetz.

Ah bon ?

M. Daniel Paul.

Vous peut-être !

M. François Goulard.

En particulier, il soutenait très fidèlement un Etat totalitaire dont nous nous réjouissons, je l'espère, les uns et les autres, qu'il ait aujourd'hui disparu.

C'est à cet antécédent strictement politique que je faisais allusion. Je pense que nous avons le droit de ne pas être d'accord avec les idéologies des uns et des autres.

Vous m'accusez fréquemment d'être un ultralibéral. Je vous dis que vous êtes un communiste.

M. Maxime Gremetz.

J'en suis fier ! Je suis fier de Guy Môquet ! Les « collabos » ne sont pas de mon côté !

« Plutôt Hitler que le Front populaire », ce n'est pas chez moi !

M. François Goulard.

Je vous dis aussi que le parti communiste, il n'y a pas si longtemps, n'était pas à mon avis irréprochable sur le plan de la démocratie telle que nous la concevons ! Ce n'était que cela et non une mise en cause personnelle, mais, naturellement, si je vous ai blessé, je le regrette profondément !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1889, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1937).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT