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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Proclamation d'un député (p. 10626).

2. Questions au Gouvernement (p. 10626).

MESURES EN FAVEUR DES PLUS DÉFAVORISÉS (p. 10626)

Mmes Marie-Françoise Clergeau, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

OMC (p. 10627)

MM. Bruno Le Roux, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

FUSION DES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES DE FRAMATOME ET DE SIEMENS (p. 10628)

MM. Michel Destot, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PÊCHE EN MÉDITERRANÉE (p. 10628)

MM. Alain Fabre-Pujol, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CRISE DE L'AGRICULTURE BRETONNE (p. 10629)

MM. André Angot, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE (p. 10630)

MM. Pierre Lellouche, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

RÉFORME DE LA JUSTICE (p. 10631)

M. Pierre Albertini, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

PILULE DU LENDEMAIN (p. 10632)

M. Pascal Clément, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

OMC (p. 10633)

MM. Jean-Claude Lefort, François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

SECOURS AUX SPÉLÉOLOGUES (p. 10634)

MM. Bernard Charles, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

EMBARGO CONTRE L'IRAK (p. 10634)

MM. Jacques Desallangre, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE (p. 10635)

M. Jean Bardet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

3. Réduction négociée du temps de travail. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 10636).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MM. Yves Rome, François Goulard, Maxime Gremetz, Mme Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Georges Sarre, Germain Gengenwin.

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 10645)

4. Mauvais traitements à enfants. - Discussion d'une proposition de loi (p. 10645).

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10648)

Mme Bernadette Isaac-Sibille,

MM. Pierre Carassus, Bernard Perrut, Mmes Marie-Françoise Clergeau, Martine Aurillac,

M.

Bernard Birsinger, Mmes Marie-Hélène Aubert, Françoise Imbert.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10658)

Article 1er (p. 10658)

Amendement no 1 de Mme Clergeau : Mme Marie-Françoise Clergeau, M. le rapporteur, Mmes la ministre, Bernadette Isaac-Sibille. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 10658)

M. le rapporteur, Mme la ministre.

Rejet de l'article 2.

M. le président.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10658)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

5. Activités physiques et sportives. - Transmission et disc ussion du texte de la commission mixte paritaire (p. 10659).


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M. Jean-Claude Beauchaud, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10661)

MM. Patrick Leroy, Henri Nayrou, Dominique Dord, François Rochebloine, Mme Catherine Picard,

M.

Alain Rodet.

Clôture de la discussion générale.

Mme la ministre.

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (p. 10668)

EXPLICATION DE VOTE (p. 10670)

M. Guy Drut.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10670)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

6. Dépôt d'un rapport (p. 10670).

7. Dépôt d'un avis (p. 10670).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10670).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le président.

J'ai reçu, en application de l'article LO 179 du code électoral, une communication d e M. le ministre de l'intérieur, en date du 6 décembre 1999, m'informant que M. Michel Charzat a été élu, le 5 décembre 1999, député de la vingt et unième circonstription de Paris. (Mmes et MM. les membres du groupe socialiste se lèvent et applaudissent. Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent que la séance ne sera pas suspendue à la fin de ces questions.

Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, en nouvelle lecture. (Mme Michèle Alliot-Marie entre dans l'hémicycle. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous commençons par le groupe socialiste.

MESURES EN FAVEUR DES PLUS DÉFAVORISÉS

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le Gouvernement et notre majorité ont voulu faire de la lutte contre le chômage une priorité nationale au coeur de toutes les décisions et au centre de l'action politique. Nous pouvons tous nous féliciter des résultats obtenus : 830 000 emplois ont été créés depuis juin 1997. Le taux de chômage, qui était de 12,6 % en 1997, est évalué par l'OCDE à 10,3 % pour 2000. La baisse du chômage concerne toutes les populations, même les plus fragiles, comme les demandeurs d'emploi de longue durée, les jeunes ou les femmes.

L es grandes réformes que nous avons votées ici connaissent donc un premier succès.

Ces résultats sont encourageants mais ne doivent pas masquer l'importance de ce qui reste à accomplir, notamment en faveur des plus défavorisés. La loi de lutte contre les exclusions et la création de la couverture maladie universelle constituent les bases solides d'une réponse à ceux qui n'ont eu d'autre choix que de subir la crise de plein fouet. Comme le rappelait notre collègue Francis Hammel dans son rapport sur le budget 2000 de la solidarité, le soutien aux plus fragiles se manifeste clairement par l'évolution considérable des crédits de ce secteur, qui passeront de 80 à 91 milliards de francs. Nous le savons, il s'agit d'un travail de longue haleine nécessitant patience et respect des parcours personnels. La méthode que nous soutenons s'appuie sur la capacité à retrouver une insertion professionnelle en encourageant toute démarche personnelle de retour à l'emploi.

Vous avez annoncé hier, madame la ministre, un certain nombre de mesures : revalorisation des minima sociaux, prime exceptionnelle, abandon de dettes fiscales.

Elles répondent à notre volonté d'assurer un plus large partage des fruits de la croissance et de soutenir nos concitoyens exclus du marché du travail.

Vos propos ont suscité un grand espoir. Vous serait-il possible de nous préciser qui seront les bénéficiaires de ces mesures, quelles conditions de ressources ont été fixées, quand et par qui les primes seront versées, enfin à quelle date les revalorisations des minima entreront en vigueur ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, vous avez raison de relever que l'action menée par le Gouvernement a entraîné une baisse du chômage sans précédent, deux fois supérieure au rythme de l'année dernière alors que la croissance est plus faible, tout en insistant sur le fait que, lorsque la situation de l'emploi s'améliore, c'est peut-être encore plus difficile pour tous ceux, notamment les chômeurs de longue durée et les titulaires de minima sociaux, qui restent sur le bord de la route et sont victimes d'une situation d'exclusion en matière de revenus, de conditions matérielles et de santé, mais aussi sur le plan psychologique.

C'est la raison pour laquelle, comme le Premier ministre s'y était engagé, le Gouvernement a pris plusieurs mesures en leur faveur. Dans le contexte favorable que connaît aujourd'hui notre pays, il a décidé de faire participer les titulaires des minima sociaux aux fruits de la croissance en relevant de 2 % le RMI et l'allocation de solidarité au 1er janvier, rythme d'augmentation égal à celui des salaires au cours des douze derniers mois. Dans cette période de fin de siècle, une prime exceptionnelle allant de 1 000 francs à 2 900 francs, par exemple, pour


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une famille de quatre enfants leur sera également attribuée, pour leur permettre sinon de voir la vie en rose, car c'est loin d'être le cas, du moins de participer aux réjouissances de cette fin d'année avec l'ensemble de nos concitoyens. Enfin, il a été décidé d'étendre la remise de dettes fiscales, qui va de l'impôt sur le revenu à la taxe d'habitation en passant par la redevance audiovisuelle, à tous ceux qui peuvent avoir recours aux fonds d'urgence, c'est-àdire notamment aux titulaires des minima sociaux. Ils ont jusqu'à la fin janvier pour s'adresser à l'une des structures habilitées à attribuer les fonds d'urgence.

Mais l'objectif du Gouvernement, vous l'avez rappelé, est d'abord d'aider toutes ces personnes à sortir de l'assistance et donc à retrouver un travail. L'incitation que représente la possibilité de cumul entre le RMI, pare xemple, et le salaire marche bien, puisque 180 000 RMIstes sont aujourd'hui dans cette situation de cumul. L'action de l'ANPE visant à accompagner le chômage de longue durée obtient enfin des résultats puisque l'on dénombre 150 000 chômeurs de longue durée en moins. Quant à la mise en place de la couverture maladie universelle à partir du 1er janvier, elle réduira les frais de santé des familles concernées, qui pourront ainsi beaucoup mieux se soigner.

Je vous rassure donc - mais vous en êtes déjà convaincue - sur la volonté du Gouvernement, et plus encore dans cette période de croissance, de s'efforcer d'abord de reconduire les plus défavorisés vers un accès aux droits de tous, même si nous devons aussi répondre aux situations d'urgence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

OMC

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la conférence ministérielle de Seattle n'a pas abouti à l'ouverture d'un nouveau cycle de négociations. La France y a défendu des positions réfléchies et claires. Celles-ci avaient été préparé es par une collaboration étroite entre le Gouvernement et notre assemblée, qui a permis l'écoute mutuelle et l'expression de toutes les composantes du mouvement social.

Ce travail conjoint entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement va d'ailleurs se poursuivre jeudi matin avec l'audition de François Huwart et de Pascal Lamy par la délégation pour l'Union européenne.

L'Union européenne avait, elle aussi, un mandat qui lui a permis de négocier, de prendre des initiatives et, au final, de faire preuve d'une grande solidité.

Tous les partenaires n'étaient pas dans le même état d'esprit, et les Etats-Unis, tiraillés entre l'objectif de lancer le cycle et les problèmes de politique intérieure, n'ont pas été capables d'accepter l'ouverture d'un cycle large, permettant de donner un véritable contenu au concept de multipolarité. Dans ce contexte, mieux valait ne pas avoir d'accord que d'accepter un mauvais accord.

Néanmoins des constats s'imposent : les négociations futures ne pourront plus se dérouler comme avant et Seattle est un pas vers plus de transparence et plus d'efficacité. Ceux qui y ont fait entendre leur voix ont exprimé des souhaits qui recoupent largement les nôtres et la délégation parlementaire qui vous accompagnait a été audevant d'eux pour discuter et pour expliquer la position française.

La nécessité d'une véritable régulation demeure. De fait, le commerce mondial croît, les technologies évoluent et, en l'absence de règles, c'est la loi du plus fort qui s'impose. Ce n'est pas acceptable. La mise en place de mécanismes de transparence et de règles de comportement pour l'ensemble du commerce mondial est un besoin ressenti par la quasi-totalité des Etats et des opinions publiques, qui y sont désormais très attentives.

S'y ajoutent d'ailleurs, et c'est la position que nous défendons, les questions d'environnement, de normes sociales ou de précautions sanitaires.

Il faut maintenant préparer les futures discussions.

L'OMC va devoir évoluer dans son fonctionnement. Une meilleure préparation s'impose, et l'on peut notamment penser à des réunions par zone géographique.

Quant à nous (« La question ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), il nous semble aussi très important de resserrer les liens avec les pays en voie de développement et les pays les moins avancés, qui ont été heurtés par l'attitude américaine.

Monsieur le ministre, quels enseignements tirez-vous personnellement de Seattle et comment envisagez-vous la poursuite des discussions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La question était trop longue, cher collègue.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, ma première conclusion, après Seattle, c'est que nous avons bien travaillé ensemble, avant et pendant la conférence, à l'émergence d'une mondialisation citoyenne. La position française et la position européenne ont été préparées par le Parlement d'une façon particulièrement soigneuse. La délégation parlementaire qui nous a accompagnés à Seattle, François Huwart et moi-même, et qui réunissait des députés et des sénateurs de toutes tendances politiques, a travaillé avec nous, ainsi que les forces socioprofessionnelles, pour faire progresser et clarifier ces positions.

Ma deuxième conclusion, c'est que l'Europe, avec un projet clair, a été bien défendue par Pascal Lamy. Il y a eu unité, de bout en bout, entre les Quinze. Malgré les tentations de certains grands pays de nous diviser, l'Europe a tenu bon, l'Europe est sortie renforcée d'une conférence mal préparée, mal dirigée et qui s'est mal conclue.

Ma troisième conclusion, c'est que, comme vous l'avez dit, nous devons garder à l'égard des pays en voie de développement, et notamment des pays les moins avancés, une attitude ouverte, caractérisée par le triptyque : aide, abolition de la dette et ouverture commerciale d'ici à la fin du prochain cycle.

Enfin, sans vouloir être trop long, monsieur le président, j'ajouterai que les considérations que nous avons voulu faire émerger à l'OMC - l'environnement, les normes sociales, le principe de précaution - nous devons aussi les mettre en avant auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. L'année 2000 sera celle de la lutte contre l'absence de règles dans le domaine financier, et notamment contre les centres financiers off shore. C'est un combat que je mènerai personnellement, avec votre appui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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FUSION DES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES DE FRAMATOME ET DE SIEMENS

M. le président.

La parole est à M. Michel Destot, pour une question courte.

M. Michel Destot.

Ma question, à laquelle je veux associer Christian Bataille, s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et concerne l'annonce faite par le groupe français Framatome et le groupe allemand Siemens de la fusion de leurs activités n ucléaires. La nouvelle entité européenne, qui sera contrôlée à 66 % par Framatome, va devenir leader mondial dans ce secteur industriel. Après le rapprochement Aerospatiale-DASA dans l'aéronautique, c'est un nouveau succès pour la coopération franco-allemande, et je me plais à féliciter ceux qui ont contribué à ces accords, en premier lieu vous-même, monsieur le ministre, ainsi que les dirigeants et les salariés de ces entreprises.

Ce nouveau succès prouve que l'Etat actionnaire, quand la volonté politique est forte, est capable de favoriser les coopérations industrielles permettant de défendre les intérêts nationaux et la construction européenne au profit de l'emploi dans notre pays, et ce quelles que soient les régions concernées, qu'il s'agisse de RhôneAlpes ou du Nord Pas-de-Calais, avec les usines de Jeumont en particulier.

Que pouvons nous attendre, monsieur le ministre, de cette nouvelle société, sur le plan de l'activité industrielle comme sur celui de l'emploi ? Que pouvons-nous en espérer pour ce qui concerne les marchés internationaux, notamment en direction des pays de l'Europe de l'Est, où la sûreté nucléaire doit être préservée, sinon renforcée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous avez eu raison de dire que l'annonce faite hier de la fusion par Framatome et Siemens de leurs activités nucléaires dans une filiale commune - 66 % Framatome, 34 % Siemens - est une bonne nouvelle pour notre pays, pour notre industrie et pour l'emploi dans ce secteur de très haute technologie. Alors que la concurrence y est très vive aussi bien pour la construction des chaudières nucléaires que pour les services apportés aux centrales nucléaires existantes, nous disposons maintenant de la première société mondiale.

Cette décision importante fait suite à un premier accord passé au mois de juillet, qui avait permis de constituer un pôle public unique et ordonné de l'électronucléaire français. Le Gouvernement a favorisé une solution en deux étapes : d'abord un pôle français, puis un pôle européen d'envergure mondiale.

Je dirai en conclusion que c'est un triple succès : un succès pour notre industrie ; un succès pour l'Europe puisque, à nouveau, comme dans le secteur aéronautique, c'est autour d'un couple franco-allemand que nous allons jouer en première division dans la concurrence mondiale ; un succès pour la méthode gouvernementale grâce à laquelle le secteur public, traité un temps comme un handicap, peut être une chance pour la croissance et pour l'emploi dans notre pays au début du siècle prochain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PÊCHE EN MÉDITERRANÉE

M. le président.

La parole est à Alain Fabre-Pujol, pour une question courte.

M. Alain Fabre-Pujol.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, les pêcheurs de Méditerranée ont manifesté leur inquiétude et leur mécontentement en bloquant les ports jeudi dernier. Ce mouvement est consécutif au constat d'une hausse importante du prix du carburant, qui atteint pratiquement 100 % d'une année sur l'autre. Or, un 25 mètres, navire très répandu en Méditerranée, consomme en moyenne dix tonnes par semaine.

Cette augmentation du coût du carburant grève donc très lourdement les comptes d'exploitation, et ce dans un secteur déjà touché par les difficultés de vente de certaines pêches : anguille, bar, daurade, poisson bleu.

Au-delà de cette revendication, les pêcheurs réclament surtout la reconnaissance du caractère artisanal des activités de pêche en Méditerranée. Aussi s'opposent-ils de façon quasi unanime à leur inscription au registre du commerce et des sociétés, inscription prévue par la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines. Ils demandent qu'elle ait un caractère facultatif et qu'on leur laisse le libre choix en fonction de la réalité de leurs activités.

Une délégation des pêcheurs méditerranéens a été reçue à votre ministère vendredi dernier. A la suite de cette rencontre, nous souhaiterions connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour répondre à leurs inquiétudes et à leurs difficultés.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour une réponse également brève.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, le mouvement des pêcheurs méditerranéens repose, comme vous l'avez dit, sur deux revendications.

La première tient au prix du gazole qui, il faut le reconnaître, a connu, ces derniers mois, une hausse considérable. Je vous ferai cependant remarquer qu'il était tombé l'année dernière à un niveau plus bas qu'avant la crise pétrolière de 73 et que le prix actuel correspond finalement au niveau moyen des années 1996-1997, qui n'avait pas provoqué de manifestations.

Nous surveillons évidemment le prix du gazole, qui représente une des charges les plus importantes pesant sur les équilibres comptables des pêcheurs, mais vous devez avoir conscience que ce n'est pas le Gouvernement qui le fixe.

L'autre revendication, plus ponctuelle, est le refus des pêcheurs méditerranéens de s'inscrire obligatoirement au registre du commerce. Mais il faut rappeler l'histoire.

C'est bien parce que cette inscription était naguère une revendication unanime des pêcheurs que le Parlement, il y a quelque temps, en a voté à l'unanimité le principe à l'article 14 de la loi sur la pêche.

Aujourd'hui, il semble qu'il y ait une différence d'appréciation entre les pêcheurs de Méditerranée et ceux de l'Atlantique. Les pêcheurs de l'Atlantique tiennent toujours à cette inscription, car ils l'avaient réclamée pour pouvoir participer à l'élection des chambres de commerce qui gèrent les ports dont ils sont les utilisateurs. En revanche, les pêcheurs méditerranéens veulent que l'on revienne sur le caractère obligatoire de cette disposition.

Je suis en train d'examiner avec Mme Guigou, garde des sceaux, dans quelles conditions nous pourrions retarder l'échéance de cette inscription obligatoire pour nous donner le temps de la réflexion. Mais il est clair que, si nous voulons revenir sur cette disposition législative, il


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faudra un vote du Parlement. C'est en tout cas ce à quoi nous nous préparons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

CRISE DE L'AGRICULTURE BRETONNE

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Ma question était destinée à M. le Premier ministre qui, malheureusement, n'est pas présent aujourd'hui. Si je voulais m'adresser à lui, c'est que, selon moi, son ministre de l'agriculture n'a pas mesuré la gravité de la crise dont souffre l'agriculture bretonne.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Toutes les productions sont touchées, porcines, avicoles ou légumières : 30 % des éleveurs de porcs sont en situation de dépôt de bilan ; 50 % des producteurs de volailles et d'oeufs.

La situation est dramatique pour beaucoup d'éleveurs qui, en deux ans, ont perdu le fruit du travail de toute leur vie. Déjà un certain nombre n'ont trouvé comme solution que le suicide.

Face à cette crise, la position du ministre de l'agriculture consiste à ne rien décider sauf à nommer un chargé de mission.

M. Glavany a reçu les parlementaires bretons il y a une semaine. Il a confirmé la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement, qu'il n'envisageait aucune autre solution que de conseiller aux agriculteurs bretons de changer de métier ou de s'orienter vers un autre type d'agriculture.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. André Angot.

Le problème est que, dans quelque temps, 80 % des agriculteurs seront en situation de faillite et n'auront pas d'autre perspective que la saisie de leur exploitation.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René André.

Il a raison !

M. Christian Bourquin.

La question !

M. André Angot.

Le Gouvernement n'a pas mesuré l'ampleur de la crise économique actuelle. S'il continue à ne rien faire, ce ne sont pas seulement les agriculteurs qui vont perdre leur emploi et leur patrimoine,...

M. Christian Bourquin.

La question !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Angot.

Quant à vous, monsieur Bourquin, nous avons remarqué que vous n'étiez pas enroué. Ne vous faites donc plus remarquer !

M. Gilbert Meyer.

Bien dit !

M. André Angot.

Les salariés des sociétés de service qui travaillent pour l'agriculture, ceux des secteurs du transport et de l'équipement des bâtiments d'élevage, sont également menacés. Les commerçants et artisans seront touchés dans toutes les communes rurales et dans les villes.

Des milliers d'emplois vont disparaître.

M. le président.

Concluez.

M. André Angot.

La situation est très grave et vous ne faites rien, monsieur le ministre de l'agriculture ! (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faudrait pourtant prendre des mesures d'urgence. Or je constate que le Gouvernement est incapable de débloquer quelques millions de francs pour toute une économie régionale (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste) en aidant des agriculteurs qui travaillent au moins soixante-dix heures par semaine (« Très bien » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) alors que, pendant ce temps, pour la réduction du temps de travail des salariés à 35 heures, il accorde 120 milliards de francs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, la crise de l'agriculture bretonne est suffisamment sérieuse pour que vous ne vous livriez pas à ce genre de caricature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Si vous avez un point de vue, libre à vous d'en faire état. En revanche, je vous dénie le droit de vous exprimer à ma place et de travestir mes propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Que les choses soient claires.

La crise profonde - vous avez eu raison de le souligner - qui frappe de plein fouet l'agriculture bretonne est à la fois conjoncturelle parce que sont concentrées en Bretagne plusieurs productions en crise - porcs, volailles, légumes - et structurelle parce que la plupart de ces productions sont confrontées à une concurrence internationale très rude. Il y a aussi une crise environnementale que les élus bretons sont les premiers à subir.

M. René André.

Parce que vous ne les aidez pas !

M. Jean-Luc Reitzer.

Quels sont les remèdes ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En aucune manière et à aucun moment je n'ai accusé l'agriculture bretonne. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Non ! L'agriculture bretonne s'est développée sur un modèle qui lui avait été indiqué comme étant le bon il y a vingt ou trente ans par les pouvoirs publics.

M. Christian Bataille.

Par le RPR !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Elle s'est développée sur ce modèle et elle a participé à l'enrichissement de l'agriculture française et à son dynamisme à l'exportation.

M. René André.

Absolument ! Vous ne le dites pas assez !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Aujourd'hui, elle doit affronter une crise grave. A cet égard, on peut estimer qu'il suffirait de prendre des mesures conjoncturelles, mais on peut aussi penser qu'il conviendrait de mettre en oeuvre des mesures structurelles pour le moyen et le long terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est dans cet esprit que, plutôt que de m'en référer à vos caricatures, j'ai préféré me rendre moi-même à Rennes hier (Protestations sur les bancs du groupe du


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Rassemblement pour la République) afin de rencontrer les organisations professionnelles agricoles de Bretagne et de dialoguer directement avec elles.

Je leur ai présenté le chargé de mission que j'ai mis en place au niveau régional. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Soyez patients, le reste vient ! Il s'agit de M. Gérondeau, homme d'expérience et de grande écoute, auquel j'ai confié trois missions.

La première est, à très court terme - c'est-à-dire cette semaine, vendredi au plus tard -, d'arrêter, en concertation avec mes services et avec les organisations professionnelles, les mesures d'urgence attendues par les professionnels bretons. Il est en effet évident que la solidarité nationale doit jouer à nouveau en faveur de certains professionnels qui sont dans la désespérance. Je l'ai dit et je le confirme : ces mesures seront arrêtées dans les trois jours.

M. Marcel Rogemont et M. Jean-Yves Le Drian.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Sa deuxième mission sera de tester, avec les professionnels et avec les collectivités territoriales, des mesures à caractère fiscal et social que nous pourrions soumettre au Parlement. Vous en seriez saisis dès les premiers mois de l'année 2000.

Enfin, il devra travailler avec les collectivités territoriales pour élaborer un plan d'adaptation à moyen et à long terme. Je suis d'ailleurs heureux que le président du conseil régional, M. de Rohan, se soit exprimé en ce sens.

Monsieur Angot, notre responsabilité politique, en cas de crises, est certainement de les traiter dans l'urgence.

Mais elle commande aussi que nous agissions pour qu'elles ne se reproduisent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Ma question s'adressait également à M. le Premier ministre, mais je note qu'il a préféré les charmes du congrès du SPD à Berlin aux questions d'actualité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela montre en quelle estime il tient notre assemblée, en tout cas dans les priorités de son agenda. (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste.)

La question que je vais poser est pourtant grave, car elle touche à la décision que doit prendre le Gouvernement français demain quant à la levée de l'embargo sur le boeuf britannique. Elle intéresse tous les Français et je vous serais reconnaissant de me la laisser poser dans le calme. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les données du problème sont connues. D'un côté, le comité scientifique directeur de l'Union européenne considère que le boeuf britannique est sans danger ; une injonction est donc en cours contre la France pour que nous levions cet embargo. De l'autre, les experts français de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, que nous avons auditionnés ici même, à l'Assemblée nationale, dans le cadre de notre commission d'enquête,s ont unanimes, qu'il s'agisse du Pr Dormont, de Mme Burger ou du Pr Carlier.

Les faits sont établis : environ 180 000 cas de vache folle ont été recensés en Angleterre depuis 1986 ; cette maladie est passée à l'homme il y a trois ans, en 1996 ; elle incube pendant trente ans chez l'homme - par conséquent, nous ne connaissons pas le nombre de personnes contaminées - et cinq ans chez l'animal. Or il nous est demandé d'importer des animaux britanniques nés après 1996.

Sur ces bases, je voudrais poser deux questions au Premier ministre.

D'abord, le Gouvernement français va-t-il abdiquer ses responsabilités politiques devant un groupe d'experts européens, ce qui ne serait conforme ni à notre conception du rôle du politique, ni à celle de la construction européenne ? Ensuite, comment le gouvernement Jospin définit-il le principe dit de précaution ? On nous parle beaucoup, depuis quelques semaines, de la traçabilité et de l'étiquetage. Or, les Français doivent le savoir, ils ne constituent que des éléments d'une méthode de contrôle qui permet de s'assurer de la filière alimentaire.

M. Alain Calmat.

Vous n'y connaissez rien, rien du tout !

M. René Lellouche.

Ils ne devraient pas suffire pour permettre la mise sur le marché d'aliments potentiellement dangereux. Pourtant tel sera bien le cas. Allonsnous voir le Gouvernement français se réfugier derrière l'étiquetage pour mettre sur le marché des aliments dont les experts français admettent qu'ils sont potentiellement dangereux ? Telles sont les questions que je voulais poser au Premier ministre. J'attends avec intérêt la réponse du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Provocateur !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, après la caricature vient le temps de la provocation ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Si le Premier ministre n'est pas présent cet après-midi, c'est qu'il a répondu à l'invitation du chancelier Schrder. Cela ne constitue en aucun cas un signe de défiance à l'égard du Parlement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

J'ai parlé du congrès du SPD à Berlin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Premier ministre est présent toutes les semaines, deux fois par semaine, pour montrer sa considération à l'égard de l'Assemblée.

M. Didier Boulaud.

Lui au moins, il reste jusqu'à la fin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vous indique d'abord, monsieur Lellouche, que le Gouvernement qui, depuis le début de cette affaire, s'est toujours appuyé sur l'impératif de sécurité alimentaire et sur la défense du principe de précaution, n'est pas prêt à abdiquer devant un comité d'experts, fût-il européen. Bien au contraire, il se bat pied à pied, depuis trois mois, pour obtenir des garanties supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Quelles sont-elles ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Lellouche, nous n'abdiquerons pas davantage devant vous en obéissant à vos injonctions, le sujet est trop sérieux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Le deuxième avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été rendu hier soir, en fin d'aprèsmidi. Il fait l'objet d'un document de douze pages, sérieux et balancé à bien des égards. Le Gouvernement va l'étudier, engager une réflexion collective et il prendra sa décision dans les jours qui viennent, sans doute demain soir.

A nos yeux, il est essentiel que les impératifs de sécurité alimentaire et de santé publique l'emportent sur le débat politicien. A cet égard je me permets une petite réflexion.

Hier après-midi, j'ai lu qu'un parlementaire de l'opposition, généralement connu pour sa mesure, sa sagesse et sa formation scientifique, avait déclaré : « Dans ces conditions, je ne vois pas comment on peut lever l'embargo. »

Or il a tenu ces propos avant que l'avis dont je viens de parler ait été rendu public. L'impératif politique l'emportait donc, en la circonstance, sur l'impératif de précaution sanitaire. (Protestations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faut donc prendre le temps d'étudier le rapport et aviser dans la sagesse. C'est ce que le Gouvernement fera.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

RÉFORME DE LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je veux interroger Mme Elisabeth Guigou sur la tournure, que je trouve personnellement inquiétante et dangereuse, que prend, depuis quelques semaines, le débat sur la réforme de la justice.

La justice, madame le ministre (« La ! » sur les bancs du groupe socialiste)... madame la ministre, si cela vous fait plaisir, je vous le concède volontiers. J'espère que l'importance des femmes ne se mesure pas simplement à la nature de l'article qui précède leur titre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur divers bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Madame la ministre, ce débat mérite beaucoup de sérénité. En effet, dans notre pays, la justice remplit une fonction de régulation irremplaçable. Or j'ai le sentiment, depuis quelques semaines, que l'ampleur des débats est inversement proportionnelle à l'importance des questions à résoudre. En l'occurrence le débat sur la justice prend de plus en plus l'allure d'un affrontement entre le pouvoir politique et les juges. Cela est absurde, cela est dangereux d'abord pour la démocratie, ensuite pour l'Etat de droit, enfin pour les libertés publiques.

La réforme de la justice va très au-delà de la question du statut des 6 200 magistrats. Ces derniers ne doivent en aucun cas devenir des boucs émissaires, mais il est indéniable que l'institution a besoin d'une profonde modernisation.

Pour nous, deux priorités s'imposent.

La première est le maintien du dialogue, comme le demandait le rapport Truche, disons le maintien du lien entre le parquet qui a la responsabilité de poursuivre, non celle de juger, et le pouvoir politique, seul responsable devant le peuple.

La seconde priorité est la réforme de la procédure pénale. En effet, chacun sait qu'elle est actuellement très déséquilibrée et qu'elle n'assure pas la protection des droits de la défense. Si l'on en voulait une preuve récente, il suffirait de se reporter à ce qu'écrivait, il y a seulement quelques jours, Jean-Denis Bredin : « Nous savons tous que notre système pénal, héritier de la tradition inquisitoriale, n'est guère compatible avec la présomption d'innocence. »

Madame la ministre, pour que le vote du 24 janvier au Congrès soit clair, cohérent et qu'il soit possible d'en mesurer toutes les conséquences, nous vous faisons une suggestion très simple : inscrivez à l'ordre du jour de notre assemblée en seconde lecture, au début du mois de janvier, les deux projets de loi sur l'action publique et sur la procédure pénale. Ainsi la réforme du CSM ne sera pas un prélude ou un préalable. Elle constituera simplement l'aboutissement d'une justice modernisée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir accepté de féminiser mon titre parce que je crois, en effet, que le langage structure la société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Murmures sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'apprécie donc que vous disiez : « la ministre », comme nous devrions dire « la présidente », par exemple ! (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas la question ! Quel amalgame !

Mme la garde des sceaux.

Je suis également d'accord avec vous pour reconnaître qu'il convient d'élever le débat sur la réforme de la justice.

Il s'agit en effet d'une grande réforme de société par laquelle nous devons montrer à nos concitoyennes et à nos concitoyens - quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons - que nous voulons rendre confiance dans la justice, tout simplement parce qu'elle constitue l'un des piliers de notre démocratie.

Cette confiance nous la devons d'abord aux justiciables parce qu'une Française ou un Français a le droit de savoir, le jour où il se trouve devant un juge, que ce dernier est impartial et ne sera soumis à aucune influence.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, il nous appartient de montrer que les élus de la nation ont confiance dans la magistrature. Autant il faut pouvoir mettre en jeu, lorsque cela est nécessaire, c'est-à-dire lorsqu'ils ont commis des fautes, la responsabilité des magistrats, autant je considère que l'immense majorité d'entre eux accomplit avec beaucoup de compétence et de dévouement un travail très difficile.

Mme Christine Boutin.

La question !

Mme la garde des sceaux.

Nous devons donc tenir cet équilibre pour assurer l'impartialité de la justice. Tel est notre objectif. Nous devons cela à nos concitoyennes et à nos concitoyens.

Mme Christine Boutin.

Répondez à la question !

Mme la garde des sceaux.

Nous devons donc maintenir l'équilibre entre les garanties d'indépendance, d'une part, et la mise en jeu de la responsabilité, d'autre part,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

laquelle ne doit pas être vue seulement du point de vue des sanctions disciplinaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il convient, en effet, de l'examiner sous l'angle des contre-pouvoirs à mettre en place dans la procédure juridictionnelle.

Sur tous ces points, le Gouvernement s'est engagé.

Ainsi le projet de loi relatif à la présomption d'innocence a déjà fait l'objet d'une lecture dans chacune des deux assemblées. J'aurai donc l'occasion de revenir sur tous ces sujets connexes à la réforme du 24 janvier. En effet la question qui sera posée ce jour-là est celle de savoir si les 687 députés et sénateurs qui ont voté pour la loi constitutionnelle, il y a un an, confirmeront leur vote ou pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Mme Christine Boutin.

Scandaleux !

Mme la garde des sceaux.

La question est aussi celle de savoir si nous sommes prêts à donner le signe fort que nous voulons instaurer l'équilibre entre les garanties d'indépendance et la responsabilité des magistrats.

Les sujets connexes à cette réforme ont déjà fait l'objet de débats approfondis dans votre assemblée. Le Gouvernement a déjà répondu, par la voix du Premier ministre, sur la responsabilité des décideurs publics, devant l'Association des maires de France. J'ai envoyé le texte de l'avant-projet de loi sur la responsabilité des magistrats.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas la question !

Mme la garde des sceaux.

Sur la procédure pénale, je ferai connaître, au plus tard en début de semaine prochaine, les améliorations que le Gouvernement accepte d'apporter encore au projet de loi sur la présomption d'innocence qui comporte déjà des avancées importantes.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

PILULE DU LENDEMAIN

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Ma question s'adresse à Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.

Madame la ministre, une infirmière dans un établissement scolaire pourra désormais délivrer elle-même la pilule dite du lendemain.

Mme Huguette Bello.

Très bien !

M. Pascal Clément.

Je ne veux pas, ici, défendre une morale plutôt qu'une autre. Tel n'est pas l'objet de mon propos. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je tiens simplement à établir une distinction entre une telle mesure et le caractère privé, personnel et même familial quand il s'agit de mineurs, de la décision à prendre.

En effet, n'est-il pas extravagant, pour un ministre, de décider, sans concertation...

Mme Yvette Roudy.

Non !

M. Pascal Clément.

... sans avis du corps médical, s'agissant d'une pilule à haute dose de progestérone et, surtout, sans avis des familles ? Madame le ministre, n'est-il pas extravagant de considérer que l'on peut banaliser les relations sexuelles sans prendre de précautions alors que l'Etat lui-même lutte contre une maladie endémique et mortelle ? Enfin, madame le ministre, n'est-il pas extravagant aussi que, au sein d'une démocratie moderne, dans une affaire privée, une morale privée puisse être tout d'un coup mise à bas par une morale publique ? Alors, je voudrais aller plus loin, avec vous.

Chacun a, sur ce point, sa conviction. Quelle qu'elle soit, elle est en tout cas respectable. Qu'il nous soit permis de défendre cette conviction auprès de nos enfants. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de voler au secours d'enfants sans références familiales - ce dont nous ne contestons pas l'utilité - on impose une morale d'Etat, que vous seriez en train d'établir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) L a morale est l'affaire des familles. L'instruction publique doit délivrer de l'enseignement et non pas de la morale. On ne doit pas passer de la sphère privée à la sphère publique s'agissant de la morale.

La morale d'Etat, madame, est inacceptable.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député, vous qui affectionnez le genre masculin, je vous rappelle que les infirmiers - et pas seulement les infirmières ! - auront l'autorisation de délivrer le Norlevo dans les établissements scolaires.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Vous appartenez à un groupe parlementaire qui s'appelle Démocratie libérale. Pourtant, curieusement, chaque fois qu'il s'agit du droit de tout être humain en général, et des femmes en particulier...

M. François d'Aubert.

Il s'agit de mineures ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

... à maîtriser leur procréation, vous êtes contre toutes les libertés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vous, et le courant politique que vous représentez, vous avez été contre la loi Neuwirth sur la contraception.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et indépendants.

Répondez à la question ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Vous avez été contre la loi Veil sur l'IVG.

(Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Vous avez été contre la loi Roudy sur le remboursement de l'IVG et contre la loi Aubry.

(Mêmes mouvements.)

Vous vous êtes opposés à ce que le système scolaire puisse éduquer les élèves à la sexualité et à la contrace ption (Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Et vous avez été hostiles - je me souviens des débats parlementaires sur ce sujet - à ce que l'on prévoie systématiquement, dans le système scolaire, des procédures de signalement pour protéger les élèves contre toutes les formes d'abus sexuels, y compris quand elles venaient des adultes qui en avaient la responsabilité. (Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Autrement dit, vous avez un mot d'ordre : ignorons le malheur des autres dès lors qu'il met en cause un ordre hiérarchique établi. (Claquements de pupitres sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'actualité devrait pourtant vous faire réfléchir. La justice, en rendant son verdict dans l'affaire Cottard, a montré qu'aucun ordre établi n'était incontestable. Dans cette affaire, deux femmes se sont levées. L'une a surmonté ses convictions religieuses, tout en leur restant fidèle, pour demander justice.

M. François d'Aubert.

Vous dites n'importe quoi ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

L'autre a refusé que son enfant soit sacrifié face au drame qui est arrivé. (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La justice a tranché aucun ordre établi n'est incontestable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous n'avons pas en effet, monsieur le député, la même vision des choses.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Heureusement ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je considère que la morale universelle nous commande d'agir pour soulager les souffrances humaines, là où nous le pouvons et partout où nous le devons, et c'est ce que nous ferons.

(Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

OMC

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

A Seattle, la ville de Boeing et de Microsoft, cinq jours d'une conférence interministérielle viennent d'ébranler le monde libéral. Grâce à notre présence, grâce à l'attitude de la France au sein de l'Union européenne, grâce à la conjugaison d'une forte volonté politique et d'un mouvement social, le projet visant à ce que l'ensemble des activités humaines soient considérées comme de simples marchandises vient de connaître un échec retentissant. Et avec cette vision libérale, c'est également, et fort logiquement, le fonctionnement de l'OMC qui a été fondamentalement remis en cause.

Après Seattle, rien ne sera plus comme avant. Il est décisif, et positif, que nos responsables politiques, l'opinion publique, tous les citoyens se mêlent de la mondialisation libérale. Preuve est ainsi apportée qu'elle n'est pas fatale.

Dans ce contexte nouveau, il convient de continuer d'avoir une attitude offensive.

A cet égard, trois questions essentielles se posent aujourd'hui.

Tout d'abord, la décision de reprendre en janvier 2000 à Genève les négociations de l'OMC sur le seul dossier agricole pose problème. Genève ne doit pas permettre ce que Seattle a refusé.

En deuxième lieu, la situation inacceptable des pays en voie de développement n'a pas évolué après Seattle. Il convient maintenant que la France et l'Union européenne dans son ensemble envoient un message clair, concret et rassembleur vers ces pays. C'est un problème humain autant que politique. Ces pays devraient être nos alliés naturels.

Enfin, concernant le fonctionnement de l'OMC, la question de sa réforme profonde est désormais posée. Il convient de faire des propositions concrètes visant à rendre transparente et démocratique cette organisation dont le commissaire Lamy a pu dire qu'elle était de nature féodale.

Devant les parlementaires présents à Seattle - et le gouvernement français a montré l'exemple en la matière le directeur général de l'OMC, M. Mike Moore, s'est déclaré énervé à la pensée que ceux qui avaient réussi à faire échouer l'AMI pourraient faire échouer Seattle.

Eh bien ! nous, cela nous réjouit. Et cela nous incite à continuer à adopter une attitude offensive. Tel est le sens de mes trois questions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

Monsieur le député, vous faites un constat et vous posez trois questions.

Je suis d'accord avec vous, la leçon à tirer de Seattle, c'est qu'il faut davantage de démocratie et une meilleure prise en compte des préoccupations de la société civile.

Le Gouvernement français l'avait compris. Il avait, à la demande du Premier ministre, organisé le dialogue avant Seattle, il l'a poursuivi pendant la conférence et, bien entendu, il le prolongera après. Mais il faut aussi faire en sorte que ce dialogue soit désormais organisé au niveau de l'OMC.

Bien entendu, dans la préparation du nouveau cycle, nous veillerons à ce qu'à Genève, on ne fasse pas ce qu'on n'a pas voulu à Seattle. Néanmoins, s'ouvriront, à partir de janvier 2000, les négociations sur l'agriculture et sur les services, sans calendrier, sur la base - pour l'agriculture - de l'article 20 des accords de Marrakech. Làdessus aussi, nous serons fermes.

S'agissant de la place des pays en voie de développement, l'Union européenne a montré à Seattle qu'elle était capable de prendre des initiatives, d'être une passerelle entre eux et les pays industrialisés. Il faut que nous poursuivions dans cette voie. Je regrette que la proposition de Pascal Lamy en direction des pays les moins avancés n'ait pas été suivie par les Etats-Unis. En effet, dans les mois qui viennent, nous devrons travailler à ce dialogue. Car il faut bien comprendre que la question transatlantique ne fait plus l'essentiel des négociations commerciales internationales.

Pour ce qui est du fonctionnement de l'OMC, plus de transparence est nécessaire, c'est vrai. L'OMC est déjà un organe de régulation. Nous n'avons pas obtenu à Seattle le surcroît de régulation que nous souhaitions. Il faut que nous y travaillions mais sans consentir à abolir la règle

« un pays, une voix », parce que c'est une garantie de légitimité pour les gouvernements et une garantie de souveraineté pour chacun des pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.


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SECOURS AUX SPÉLÉOLOGUES

M. le président.

La parole est à M. Bernard Charles.

M. Bernard Charles.

Ma question, à laquelle s'associe Jean Launay, s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Le Lot a été le théâtre d'opérations sans précédent pour retrouver dix spéléologues. Après onze jours de recherche, avec des moyens exceptionnels, les secours ont pu les remonter sains et saufs. C'était l'essentiel. Et il faut saluer le travail immense des bénévoles et leur dévouement.

Cependant, à la lumière de ces événements, il est nécessaire de faire un bilan et de préparer l'avenir.

Tout d'abord, il faut signaler les problèmes de coordination entre les autorités préfectorales et les membres de la fédération de spéléologie, ainsi que certaines pratiques peu éthiques. Aujourd'hui, si nous nous accordons, bien sûr, à dire que la vie n'a pas de prix, les secours, eux, ont un coût. Pour le seul service de secours du département du Lot, ce sont plus de 5 millions de francs, c'est-à-dire u ne augmentation de 15 % des prélèvements sur l'ensemble des communes.

Ma question sera double, monsieur le ministre.

Compte tenu de l'ampleur nationale de cette opération de secours en milieu souterrain, le département du Lot peut-il compter sur la solidarité nationale ? Enfin, la spéléologie, comme d'autres sports à risques, ne devrait-elle pas faire l'objet d'une assurance obligatoire avec la licence de la fédération ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, les sept spéléologues bloqués dans le gouffre de Vitarelles, près de Gramat, dans le Lot, du 13 au 22 novembre dernier, ont pu être sauvés grâce à la mise en place d'un plan de sauvetage exceptionnel qui a mobilisé plus d'une centaine de spécialistes.

Comme vous-même, comme chacun d'entre nous, je me félicite de la réussite de cette opération, qui représente le plus important plan de sauvetage en sous-sol jamais conduit sur notre territoire.

Vos questions sont très précises ; elles appellent, de ma part, les réponses suivantes.

Il est clair, au plan juridique, que dans chaque département, dès lors qu'un plan de secours est déclenché, c'est bien le préfet qui est directeur des opérations de secours.

La loi du 22 juillet 1987, le décret de 1988 sur les plans d'urgence sont parfaitement clairs à cet égard, de même que le code général des collectivités territoriales. C'est d'ailleurs un gage d'efficacité sur le terrain.

En deuxième lieu, s'agissant des dépenses occasionnées, le service départemental d'incendie et de secours du Lot doit évidemment en supporter une part, puisque son intervention est bien liée à sa mission de secours et d'assistance aux personnes, telle qu'elle est prévue par la loi du 3 mai 1996, que je m'efforce d'appliquer par ailleurs, je vous le rappelle.

Si son orifice, comme vous l'avez relevé, est bien sur le domaine militaire, le gouffre s'étend sur un espace beaucoup plus vaste. C'est seulement lorsqu'un SDIS intervient à titre de renfort dans un autre département qu'il peut se faire rembourser des dépenses occasionnées par le SDIS bénéficiaire. Ce n'est pas le cas pour l'opération menée par le SDIS du Lot, même si je demande à être éclairé plus précisément sur ses incidences financières. Et je me réserve d'examiner la situation avec vous.

Enfin, s'agissant d'une éventuelle intervention des assurances dans la pratique des sports à risques, c'est un débat qui peut être ouvert mais il présente des aspects à la fois complexes et contradictoires. Si on met à part la spéléologie, qui concerne des personnes spécialement entraînées et équipées, le débat général sur la pratique des sports à risques et la responsabilité financière des pratiquants, soit directement, soit par le biais des fédérations, nécessite un large débat. Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce débat. Je crois savoir que le Sénat a prévu de l'aborder bientôt. Rien n'empêche l'Assemblée nationale de le faire pour son compte.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

EMBARGO CONTRE L'IRAK

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Une nouvelle résolution relative à la crise irakienne devrait être prochainement examinée par le Conseil de sécurité. Il est temps d'apporter une réponse globale à cette situation, caractérisée par de fréq uents bombardements américano-britanniques qui violent les principes régissant le droit des gens, mais aussi par les effets dévastateurs pour le peuple irakien des dix années d'embargo, effets ravageurs dénoncés lors d'un récent colloque organisé à l'Assemblée nationale par M. Von Sponeck et M. Halliday, représentant et exreprésentant de l'ONU.

Les informations parues récemment dans la presse laissent entendre que la France pourrait approuver la résolution du Conseil de sécurité, préparée avec les EtatsUnis et la Grande-Bretagne. Cette résolution viserait à reporter la levée des sanctions infligées à l'Irak et poserait de nouvelles conditions.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez, à de nombreuses reprises, réaffirmé votre volonté de favoriser, aux Nations unies, la suspension de l'embargo, lequel a fait la preuve de son échec, a déjà conduit à la mort des milliers d'Irakiens par manque de nourriture et de médicaments et hypothèque gravement l'avenir de ce peuple, tout en confortant ses dirigeants.

La position américaine vise à poser sans cesse de nouvelles conditions à l'arrêt des sanctions. Est-elle dénuée d'arrière-pensées économiques ? N'évite-t-elle pas l'arrivée du brut irakien sur le marché mondial ? Cette attitude doit être relevée et condamnée par la France.

Quelle est donc, monsieur le ministre, la position de la France ? Comment allez-vous poursuivre votre action pour obtenir la levée de l'embargo, en associant à cette cause les autres membres du Conseil de sécurité qui y sont favorables.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, la position de la France reste très claire dans ce travail au sein du Conseil de sécurité pour élaborer une nouvelle résolution. La situation actuelle de l'Irak est extrêmement mauvaise. En effet, la population continue à souffrir des ravages provoqués par l'embargo


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

dont j'ai dit à plusieurs reprises que c'était un procédé primitif et inutilement cruel. La sécurité régionale n'est pas pour autant assurée puisqu'il n'existe aucun contrôle d'éventuels programmes de réarmement du régime irakien.

L'embargo est donc mauvais sur les deux plans.

C'est pourquoi depuis un an, nous avons fait des propositions, qui ont au moins le mérite d'avoir débloqué la discussion au sein du Conseil de sécurité. Nous avons accepté de travailler sur la base d'un projet de résolution britannique parce que celui-ci inclut une grande partie de nos propositions. Ce débat se poursuit avec les Américains, les Britaniques, les Russes, les Chinois, ainsi qu'avec les membres non permanents. L'objectif demeure le même : rétablir un système de contrôle qui garantirait la sécurité régionale, ce qui nous permettrait de suspendre l'embargo dans des conditions sur lesquelles nous sommes encore, à l'heure où je vous parle, en train de discuter.

C'est cette semaine seulement que nous saurons si nous aboutissons à un texte que nous pourrons accepter.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Maurice Leroy.

Il faut lever l'embargo, pas le suspendre !

M. le président.

Nous revenons au groupe du Rassemblement pour la République, pour une dernière question.

POLITIQUE HOSPITALIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle sera contre car je l'ai déjà posée mais, malheureusement, je n'ai jamais obtenu de réponse.

Aussi bien lors du débat sur la sécurité sociale que lors du débat sur le budget de la santé, j'ai demandé à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale quelle était leur politique pour les hôpitaux. J'ai signalé qu'il y avait actuellement un mouvement dans les hôpitaux, que le service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine était en grève et que ce mouvement risquait fort de s'étendre. Et c'est le cas maintenant puisqu'il s'est étendu à l'hôpital Saint-Louis et à l'hôpital Bichat.

J'ai parlé du problème des infirmières, qui manquent cruellement dans tous les services, de celui du matériel qui, bien qu'obsolète, n'est pas remplacé faute de crédits.

J'ai parlé des hôpitaux vétustes qui ne pouvaient pas être remis en état. Je n'ai pas obtenu de réponse.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ne vous contentez pas, aujourd'hui, de me répondre que

« l'hôpital est resté dans les clous » et que 2,5 % d'augmentation du budget des hôpitaux à l'échelon national, c'est suffisant ! Je vous demande de façon solennelle de répondre à la représentation nationale et de prendre vos responsabilités devant tous les personnels qui, dans les hôpitaux, rencontrent des problèmes majeurs, malgré leur dévouement aux malades.

Je vous demande une réponse nette, précise : c'est làdessus que vous serez jugée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je voudrais rappeler - très rapidement, car je vous l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises - que la politique hospitalière du Gouvernement est d'abord axée sur la qualité et la sécurité. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

C'est l'objectif assigné aux schémas régionaux d'organisation de la santé, dont plusieurs députés de l'opposition ont eu la gentillesse de reconnaître, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qu'ils avaient été bien menés par les directeurs d'agences régionales hospitalières, en concertation avec les personnels hospitaliers et avec les élus. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) D'autre part, nous souhaitons réduire les inégalités hospitalières entre les régions.

Vous avez évoqué, monsieur le député, les mouvements de grève à l'Assistance publique de Paris. Peut-être serons nous jugés sur ce que nous faisons ; mais l'opposition l'a déjà été sur ce qu'elle a fait ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En 1997, le budget de l'Assistance publique de Paris était en baisse de 0,34 %. Nous l'avons augmenté de 1 % en 1998, de 1,5 % en 1999 et de plus de 1 % en l'an 2000. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Il n'en est pas moins vrai qu'il nous faut réduire les inégalités en Ile-de-France et que l'Assistance publique doit participer à ce mouvement.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'ai dit, la France entière connaît l'excellence des équipes de l'Assistance publique de Paris.

M. Lucien Degauchy.

Alors pourquoi sont-elles en grève ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais nous savons aussi que les inégalités au sein de l'Ile-deFrance nécessitent des recompositions.

En ce qui concerne les urgences, le Gouvernement a également pris ses responsabilités, l'an dernier, en apportant plusieurs réponses. Je partage le point de vue des urgentistes de Saint-Antoine, qui, aujourd'hui, travaillent dans des conditions extrêmement difficiles.

M. Jean Bardet.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a un directeur général de l'Assistance publique. J'ai délégué les crédits depuis un certain temps pour que les mesures soient prises, pour que les locaux soient améliorés et pour que le directeur de l'hôpital Saint-Antoine applique les décisions qui sont prises. En effet, pour répondre à la demande des urgentistes, nous avons décidé de créer 1 70 postes de praticiens hospitaliers aux urgences en 1999, soit 20 % de plus que l'année précédente.

M. Jean Bardet.

170 postes !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'avez rien fait lorsque vous étiez au Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous, nous avons assoupli les conditions d'accès au concours de praticien hospitalier et publié 256 postes a u concours de praticien hospitalier en médecine polyvalente.


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d'urgence, 122 postes complémentaires d'assistants. De nombreux postes seront à nouveau attribués en 2000 et en 2001.

M. Jean Bardet.

Un poste par département, c'est ridicule !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

N'oublions jamais que c'est par le biais des urgences que beaucoup de nos concitoyens rentrent à l'hôpital, alors qu'ils sont souvent dans une situation extrêmement difficile.

N'oublions pas que les urgentistes sont payés à la vacation. Nous travaillons à changer leur statut, mais la situation actuelle ne rend pas justice au personnel hospitalier (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ,...

M. Philippe Auberger.

Qu'avez-vous fait depuis 1981 ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui accomplit pourtant une tâche difficile.

Je souhaite que le plan adopté par le Gouvernement soit appliqué partout, y compris à l'Assistance publique de Paris. Croyez bien que je suis la situation à SaintAntoine et à Saint-Louis avec la plus grande attention. Je me suis d'ailleurs entretenu avec le directeur général de l'Assistance publique.

M. Lucien Degauchy.

Il n'a jamais été aussi démuni !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous devrions voir la situation évoluer dans les heures qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

(M. Pierre-André Wiltzer remplace M. Laurent Fabius au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

3 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail en nouvelle lecture.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu, par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mesdames, messieurs les députés, la nouvelle lecture qui s'achève aujourd'hui a permis, grâce à votre travail et à vos propositions, d'enrichir encore le projet de loi sur la réduction du temps de travail et je tiens àr emercier tout particulièrement le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et son rapporteur, M. Gaëtan Gorce.

M. François Goulard.

C'est vrai, il a bien travaillé !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A l'issue de cette nouvelle lecture, il n'est pas inutile de faire le point, de rappeler l'objectif central de la loi et, surtout, de revenir sur les points clés et sur la méthode.

L'objectif central de la loi, vous le savez, c'est l'emploi.

La première étape qu'a constituée la mise en oeuvre de la loi du 13 juin 1998 a permis la création ou la préservation de 140 000 emplois à ce jour. Au cours de nos débats, nous nous sommes naturellement demandés comment cette seconde loi pourrait aider, dans chaque entreprise, les négociateurs à optimiser l'effet emploi.

C'est pourquoi nous avons affirmé clairement que chaque accord devra créer ou préserver des emplois et que les embauches prévues devront en principe se réaliser dans l'année. Je rappelle également que l'utilisation des fonds publics sera contrôlée.

Cet objectif emploi est en passe d'être atteint. Je l'ai rappelé lors des questions au Gouvernement, malgré une croissance moins forte, le chômage baisse deux fois plus vite que l'année dernière grâce aux emplois-jeunes et aux premiers effets de la réduction de la durée du travail.

D'ailleurs, la presse étrangère le remarque, ainsi que nombre d'organismes internationaux.

N'en déplaise à certains, c'est bien l'action du Gouvernement et notamment le fait que l'emploi soit placé au coeur de ses priorités qui, aujourd'hui, expliquent en grande partie les bons résultats sur le front du chômage, même si nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire, tant sont nombreux ceux qui sont au chômage de longue durée.

Nous voulons persévérer dans cette voie, et, grâce aux 35 heures, souhaitons créer environ 100 000 emplois supplémentaires par an durant la période de négociation - telle est du moins l'hypothèse communément retenue aujourd'hui. Ces négociations aboutiront d'autant mieux à des succès économiques et sociaux que nous y avons adjoint la réforme des cotisations patronales. La généralisation des 35 heures va ainsi de pair avec un système d'allégement structurel des charges sociales, qui va réduire le coût du travail et, surtout, pour la première fois, financer la sécurité sociale par des cotisations patronales qui ne seront plus seulement assises sur les salaires, mais sur les revenus financiers des entreprises, notamment des entreprises polluantes.

Le processus de réduction négociée du temps de travail a pu susciter, pour certains, des questions et des inquiétudes. Mais, depuis deux ans, les opinions ont considérablement évolué, et j'ai pu remarquer que notre débat avec l'opposition a changé de nature si l'on veut bien le comparer à celui que nous avons eu pour la première loi. Ainsi, certains avaient d'abord craint de voir baisser le pouvoir d'achat des salariés. Je rappelle que, l'année dernière, il a augmenté de 2 %, que c'est le chiffre le plus important depuis vingt ans.

On s'est aussi inquiété de la répercussion de la réduction du temps de travail sur les conditions de vie des salariés, ce qui est bien naturel, car on ne peut toucher à


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l'un sans modifier l'autre, l'organisation du travail et ce qui, pour les salariés, est un lien intime, les relations entre vie familiale et vie professionnelle. On peut de même craindre de voir augmenter le stress généré par les conditions de travail.

Or, une fois que leur entreprise a réduit la durée de travail, 85 % des salariés déclarent que leurs conditions de travail se sont améliorées. Quant à leurs conditions de vie, ils considèrent, bien sûr, dans la quasi-totalité des cas, qu'elles sont aujourd'hui meilleures qu'hier.

Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas rester vigilants, comme le sont d'ailleurs les comités d'hygiène et de surveillance des conditions de travail, qui, de plus en plus nombreux, surveillent l'organisation du travail.

Nous l'avons tous dit, la réduction de la durée du travail n'est pas chose facile ; c'est un processus complexe, qui touche à la fois au fonctionnement de l'entreprise, à l'organisation du travail, aux conditions de travail, aux souhaits des salariés. Si l'on veut que l'effet emploi soit important, il convient de trouver un moyen de financer correctement cette réduction de la durée du travail.

Cependant, malgré les interrogations et les inquiétudes légitimes avant le passage aux 35 heures, on se rend compte que, pour les entreprises comme pour les salariés, une fois la réduction passée, les incertitudes deviennent des certitudes, et les craintes sont apaisées, comme nous le montrent les derniers sondages.

Le président Le Garrec l'a rappelé il y a quelques jours, cette loi a été soumise à des consultations d'une ampleur sans précédent. A cet égard, la période comprise entre l'entrée en vigueur de la première loi et le débat sur la seconde loi a permis une expérimentation en grandeur nature, à laquelle se sont livrées 16 000 entreprises et 120 branches.

L'action menée par votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales et par la mission d'information animée par Gaëtan Gorce, qui a suivi les négociations, parallèlement au travail de l'administration, nous a permis de nous saisir à tout moment des avancées de la négociation, et d'en tenir compte dans la préparation de la seconde loi. L'ensemble des organisations patronales et syndicales ont participé à la discussion mais aussi les réseaux de professionnels comme les experts-comptables, l'ANDCP, le CJD.

A l'automne, enfin, avant la deuxième lecture, le Gouvernement et les membres de la commission des affaires sociales ont de nouveau rencontré les organisations syndicales, ainsi que le MEDEF, l'UPA, la CGAD, afin de répondre aux dernières inquiétudes ou attentes qui se faisaient jour.

Finalement, grâce aux contacts avec les branches et les entreprises, grâce aux salariés qui ont signalé certains problèmes, la nouvelle lecture a permis d'affiner encore le texte, d'améliorer la définition du temps de travail ou le mode de calcul du seuil des 20 salariés. C'est bien cette d émarche de concertation, appuyée sur les accords conclus entre les chefs d'entreprise et les syndicalistes, qui a conduit au texte d'aujourd'hui.

Une autre avancée importante est la création d'une section spécifique du code du travail concernant les cadres.

Les dispositions qui y figurent illustrent parfaitement les principes qui ont guidé notre démarche : prendre en compte les acquis de la négociation pour définir de nouvelles règles qui, parce qu'elles sont adaptées à la diversité des situations, sont applicables et de nature à assurer à cette catégorie de salariés une réduction réelle du temps de travail. Nous connaissons la situation actuelle des cadres, et nous connaissons leurs souhaits. Le Gouvernement entend mettre un terme à un écart entre la norme et le droit, d'un côté, et la réalité, de l'autre. Nous voulons faire mentir le vieil adage de Montesquieu selon lequel, « en France, la règle est dure et l'application est molle ». Si nous souhaitons qu'elle soit appliquée, la règle doit être à la fois ambitieuse et réaliste. C'est là, me semble-t-il, ce qu'attendent les salariés, et particulièrement les cadres dont le moins que l'on puisse dire est que, jusqu'à présent, ils ne se voyaient pas appliquer la règle.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les modifications apportées au cours de la nouvelle lecture ont ainsi permis de préciser et d'enrichir le texte, en distinguant trois catégories : celle des cadres dirigeants, celle constituée par des cadres occupés selon l'horaire collectif - entre 55 % et 60 % d'entre eux - qui se verront appliquer les mêmes règles que l'ensemble des salariés, et, enfin, une catégorie intermédiaire de cadres dont la nature des responsabilités rend impossible un passage mécanique aux 35 heures. Pour ceux-là, en effet, la durée du travail ne peut être prédéterminée. Toutefois, la nouvelle lecture a permis de leur offrir deux possibilités : celle du forfait en heures et celle du forfait en jours.

Le forfait en heures, tout d'abord, pourra être hebdomadaire, mensuel ou annuel. Dans ce dernier cas, l'application est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif qui ne soit pas frappé d'opposition.

Outre les règles concernant les congés payés et les congés particuliers, comme le congé maternité, deux garanties s'appliquent à ces cadres. Premièrement, les durées maximales sont applicables, sauf si l'accord en dispose autrement en fixant d'autres limites. C'est compte tenu de ces durées que l'accord ou le contrat de travail fixera la durée du travail hebdomadaire, mensuel ou annuel. La durée journalière est actuellement fixée à 10 heures, avec possibilité d'aller jusqu'à 12 heures, par accord de branche ou d'entreprise ; la durée hebdomadaire de 44 heures sur 12 semaines, sauf accord de branche validé par décret jusqu'à 46 heures, et éventuellement au-delà par dérogation administrative. De la même manière, les repos quotidien et hebdomadaire s'appliquent à ces cadres.

Ces salariés disposent - c'est une deuxième protection de voies de recours devant le juge, qui sont précisées par le nouvel article L. 212-15-4 du code du travail, pour faire valoir leurs droits. Ils pourront obtenir du juge le versement d'une rémunération au moins égale à celle qu'ils recevraient compte tenu du salaire conventionnel applicable et des bonifications ou majorations prévues par la loi pour les heures supplémentaires.

En second lieu, le projet de loi institue, pour cette catégorie intermédiaire de cadres, une autre option, celle du forfait en jours. Sa conclusion est subordonnée à un accord collectif susceptible d'être frappé d'opposition par les organisations syndicales non signataires. Le régime du forfait en jours définit, pour des cadres pour lesquels la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait de la n ature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, une nouvelle durée maximale, exprimée en jours. Elle se substitue aux durées maximales horaires, quotidiennes et hebdomadaires, qui ne sont pas pertinentes pour ces cadres. Cette nouvelle durée ne pourra pas dépasser 217 jours par an. Un décret en Conseil d'Etat précisera les sanctions pénales applicables


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en cas de violation des règles définies au dernier alinéa du nouvel article L. 212-15-3, relatives au dépassement du plafond du nombre de jours travaillés. Ces salariés concernés disposent de voies de recours devant le juge qui sont précisées par le nouvel article L. 212-15-4 leur permettant de faire valoir leurs droits. Ainsi, les salariés pourront obtenir du juge une indemnité réparant le préjudice lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre les sujétions qui leur sont imposées et le niveau de la rémunération.

De la même manière, l'article sur le SMIC et les rémunérations a été amélioré, notamment pour préciser les conditions d'application de la garantie mensuelle aux salariés à temps partiel en place dans l'entreprise. Ils pourront ainsi bénéficier de cette garantie, s'ils n'ont pas eu le choix concernant leur durée du travail et si, bien entendu, un salarié travaillant sur un emploi équivalent en nature et en durée en bénéficie déjà. Tous les cas de figure sont ainsi traités clairement dans la loi et sont cohérents, car c'était notre objectif, avec l'application dans l'entreprise du principe « A travail égal, salaire égal ». Il y a donc bien égalité de traitement dans la loi, contrairement à ce que certains prétendent.

Je veux enfin revenir sur un point essentiel pour le Gouvernement et pour la commission : la méthode adoptée, celle du recours à la négociation, en cohérence avec le principe de la liberté contractuelle. J'ai été amenée à le dire devant vous, la première loi était un appel à la négociation. Nous l'avons tous remarqué, cet appel a été entendu.

La seconde loi a été bâtie en fonction des avancées réalisées par la négociation. Si elle a pu innover, c'est parce que, préalablement, les partenaires sociaux l'avaient fait eux-mêmes. Le pré-bilan réalisé fin avril, le bilan effectué mi-septembre, ceux de votre commission ont été examinés avec tous les partenaires sociaux et ont créé une base objective permettant la modernisation de notre code du travail. Construite à partir de ces accords, la seconde loi les respecte, bien évidemment, comme le Gouvernement s'y était engagé. Tous les accords d'entreprise sont applicables et sont en train d'être appliqués, produisant d'ailleurs leurs premiers effets sensibles sur l'emploi et le chômage. Les accords de branche sont déjà applicables pour 88 d'entre eux, et les 19 restants sont en cours d'examen.

Seul un accord, qui s'était placé de lui-même en dehors du champ de la loi, et dont les signataires n'ont d'ailleurs pas demandé l'extension à ce jour, ainsi que 8 autres accords dont les signataires n'ont pas demandé l'extension, ne sont pas aujourd'hui concernés. Toutes les clauses étendues dans ces accords sont d'ores et déjà a pplicables, et la quasi-totalité des clauses réservées deviendront applicables dès la promulgation de la seconde loi, puisque nous avons légalisé ces clauses, qui étaient une innovation de la négociation.

Seules trois dispositions - la banalisation du travail du dimanche, la prise en compte de la formation hors du temps de travail, la généralisation du forfait tous horaires pour les cadres -, illégales avant même le vote de la loi du 13 juin 1998, et d'ailleurs très minoritaires dans les accords signés, ont été exclues. Elles étaient illégales ava nt le vote de la loi du 13 juin 1998, elles l'étaient après et le seront encore après le vote du présent texte.

Non seulement le texte valide et respecte les accords, mais il est également construit sur les acquis et les avancées que ceux-ci ont permis. Il était donc logique que les accords qui n'étaient pas conformes au droit existant à la d ate de leur signature mais qui sont aujourd'hui conformes aux dispositions du projet de loi soient effectivement validés et que les partenaires sociaux ne soient pas tenus de les signer de nouveau - c'est l'objet du premier alinéa de l'article 14.

La première loi sur les 35 heures a permis de vivifier le dialogue social en France. Parmi les entreprises qui n'ont pas abouti à un accord, une sur deux est en négociation aujourd'hui. De la même manière, la seconde loi, étant donné les modernisations du code du travail qu'elle introduit et les allégements de charges sociales qu'elle prévoit, suscitera une nouvelle vague de négociations et d'accords sans doute très importants.

Le projet de loi, en effet, élargit l'espace conventionnel.

Ainsi, en matière d'heures supplémentaires, la loi renverra à l'accord d'entreprise le choix de la nature de la bonification pour les salariés, en temps ou en argent.

De nombreuses modalités ont été reprises des accords : la répartition du temps libéré, notamment par la prise de journées ou de demi-journées ; le régime applicable aux cadres ; le recours au temps choisi ou au compte épargnetemps ; le développement de la formation.

Ainsi, dans tous les cas, la loi permettra des souplesses nouvelles mais conditionnera leur exercice à l'accord d'entreprise ou de branche.

Le projet de loi prévoit plusieurs dispositifs de sécurisation des accords. Pour reconnaître explicitement toute l'importance de la négociation, le projet de loi prévoit sur différents points - modulation, réduction en jours, contrat à temps partiel, contrat à temps partiel annualisé une disposition spécifique de pérennisation des accords au sein même de chaque article concerné. Cette disposition permet aux accords et conventions valablement conclus de demeurer en vigueur. Bien entendu, les dispositions d'ordre public concernant les heures supplémentaires ou complémentaires doivent être appliquées.

Enfin, le projet de loi prévoit, au deuxième alinéa de l'article 14, une mesure qui complète les précédentes dispositions en apportant une garantie supplémentaire. Les éventuelles clauses conventionnelles non couvertes par les précédentes dispositions - hors, bien entendu, les dispositions concernant les heures supplémentaires, qu'il s'agisse de bonification ou de contribution - continuent de produire effet pendant un an après la date d'entrée en vigueur de la loi. Cette disposition additionnelle joue le rôle d'une clause-balai et permet donc d'insister sur le rôle majeur de la négociation, même si sa portée pratique est bien limitée, puisque, comme je l'ai indiqué, la quasitotalité des éléments des accords ont été repris dans le texte. Mais pour celles qui ne l'auraient pas été - et, en fait, elle sont très peu nombreuses : il s'agit de certaines règles relatives au compte épargne-temps -, nous accordons un an aux négociateurs pour se remettre dans l'esprit et dans la lettre de la loi.

Ainsi, par sa démarche originale, par l'élargissement de l'espace conventionnel qu'il organise, par la sécurisation des accords et des conventions valablement conclus qu'il prévoit en reconnaissant la quasi-totalité des dispositions, ce texte sur la durée du travail vise à donner toute sa mesure au principe de liberté contractuelle auquel le Gouvernement est très attaché.

Mesdames et messieurs les députés, il faudrait peut-être prendre un peu de recul pour mesurer la portée du travail accompli, mais nous savons déjà que nous avons défini un nouveau droit du temps de travail - nombre d'entre vous l'ont dit -, tracé une nouvelle piste majeure pour réduire le chômage et, enfin, créé un droit à la maîtrise de son temps. Ce projet concerne la société tout entière.

Celle-ci sera sans doute modifiée par le temps libre, qui,


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nous l'espérons, sera utilisé par chacun, pour lui-même, pour sa famille, mais également pour les autres, dans un siècle, le

XXIe , que l'on présente comme devant être celui de la fraternité. C'est aussi un des enjeux de cette loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Rome, pour le groupe socialiste.

M. Yves Rome.

« Le sage n'est opiniâtre ni dans ses souhaits ni dans ses refus », disait Confucius.

(Sourires.)

La majorité de gauche a donc fait preuve de sagesse en ne remettant pas à plus tard la réalisation des engagements qu'elle avait pris devant les électeurs en mai 1997.

Le souhait massif exprimé par nos concitoyens en faveur de la réduction du temps de travail et d'une meill eure répartition de l'emploi ne pouvait longtemps demeurer sans réponse. Il était sage, sans en différer le moment, de « mettre en marche cet espoir » et de la concrétiser avant le terme de ce siècle.

A l'inverse, le refus opiniâtre des élus de droite et des représentants du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) de voir s'instaurer la réduction négociée du temps de travail est véritablement déraisonnable.

M. Jean Auclair.

Ben voyons !

M. Yves Rome.

L'opinion française adhère majoritairement à l'idée de réduction négociée du temps de travail.

M. Christian Jacob.

On verra !

M. Yves Rome.

A défaut d'être raisonnables, mesdames et messieurs de l'opposition, vous auriez eu au moins le mérite de la cohérence si vous aviez pris clairement et unanimement l'engagement devant l'opinion publique que, dans l'hypothèse d'un retour aux affaires, vousr eviendriez sur cette avancée sociale majeure des 35 heures.

M. Jean-Paul Bacquet.

Ça c'est bien dit !

M. Francis Delattre.

On le fera !

M. Yves Rome.

Crispés sur les valeurs tayloristes d'une société industrielle moribonde, les adversaires de cette loi semblent effrayés d'avoir à tenir la plume devant cette page blanche que nous offre le troisième millénaire. Ils n'acceptent d'écrire que des histoires qu'ils connaissent déjà et se refusent à inventer le scénario du futur. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cacheux.

Ce sont des conservateurs !

M. Yves Rome.

L'opposition parlementaire s'abrite derrière des arguments séculaires qui ont vécu et qui étaient déjà surannés en 1840 ou en 1936, comme Jean Delobel l'a rappelé avec talent lors de la discussion générale. Ces arguments ont été balayés par le mouvement social. La droite et une certaine partie du patronat n'ont pas voulu voir que les vieilles fondations de l'organisation de la production et du temps de travail étaient dépassées.

M. Yves Nicolin.

Grotesque !

M. Yves Rome.

Elles ont été balayées par la révolution économique et technologique en cours qui substitue la vitesse à la lenteur, la souplesse à la rigidité, l'universalisme aux barrières et aux frontières.

Le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail soumis à notre approbation est un texte résolument moderne, tourné vers l'avenir...

M. Christian Jacob.

Ben voyons !

M. Yves Rome.

... et qui entend libérer notre société et nos entreprises des archaïsmes hérités du passé. Il traduit un saut qualitatif et quantitatif rarement égalé dans l'histoire parlementaire. Le contrat se substitue enfin à des modèles hiérarchiques autoritaires hérités du passé. Le présent texte permet un véritable changement de l'organisation du travail. De plus, il répond de manière audacieuse et novatrice, ainsi que l'a rappelé Mme Aubry, à la demande des cadres, qui, eux aussi, comme la très grande majorité des salariés, aspirent à l'application effective de la réduction du temps de travail.

Face aux conservatismes qui toujours échouent à gripper durablement à la marche de l'Histoire, il était sage de prendre en main notre avenir et de mettre en chantier la société solidaire et l'économie créatrice d'emplois que nous appelons de nos voeux.

Ce texte de la fin du siècle empiète réellement sur le troisième millénaire.

M. Yves Nicolin.

C'est un vrai roman !

M. Yves Rome.

Il est, comme d'autres lois adoptées récemment, un message de fraternité adressé à nos enfants en forme de mode d'emploi pour la préparation du

XXIe siècle.

M. Jean-Paul Bacquet.

Bravo !

M. Yves Rome.

Texte moderne par son dispositif, il est aussi innovant par son élaboration, à laquelle la société tout entière a été invitée à contribuer.

M. Daniel Marcovitch.

Bravo !

M. Yves Rome.

Premier du genre, ce texte interactif a certes été écrit par le législateur, mais ce sont les partenaires sociaux qui en ont largement inspiré le contenu.

Plus qu'un chapitre supplémentaire du code du travail, nous avons en réalité conçu une forme de logiciel souple et ouvert des relations du travail et l'avons remis aux acteurs économiques et sociaux afin qu'ils le mettent en oeuvre effectivement et l'enrichissement d'apports nouveaux que la négociation ne manquera pas de faire émerger.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Yves Rome.

Ce texte d'avenir a également un passé qui plaide déjà pour lui. Il y a deux ans, alors que la réduction négociée du temps de travail entrait en phase d'expérimentation, les pessimistes nous promettaient au mieux l'inefficacité et au pire des destructions d'emplois.

Au lieu de cela, 120 000 emplois nouveaux ont vu le jour. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela vous gêne !

M. Bernard Outin.

Ils sont jaloux !

M. le président.

N'interrompez pas l'orateur, mes chers collègues.

M. Francis Delattre.

Mais il dit n'importe quoi !

M. Yves Rome.

Malgré quelques soubresauts de la croissance en 1997, le rythme des créations d'emplois s'est maintenu, voire amplifié.


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M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Yves Rome.

La réduction négociée du temps de travail a véritablement prouvé qu'elle tirait l'emploi vers le haut, au-delà même des effets mécaniques de la croissance.

M. Jean Auclair.

On voit que vous n'êtes pas salarié ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Rome.

La conviction qui nous animait en mai 1997, lorsque nous prenions devant les Français, avec Lionel Jospin, l'engagement de la réduction négociée du temps de travail...

M. Francis Delattre.

Bouffon !

M. Yves Rome.

... est aujourd'hui renforcée par les assurances que les 50 000 négociateurs, employeurs ou salariés, ont bien voulu nous apporter.

Aujourd'hui, par notre vote, nous donnerons à nos concitoyens cette garantie pour l'avenir que la croissance ne se fera pas contre eux et que le développement économique servira l'emploi et la solidarité.

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Yves Rome.

Ainsi, nous accompagnerons le retour remarqué chez les Françaises et les Français de la confiance en l'avenir de notre société.

M. Francis Delattre.

Ben voyons !

M. Yves Rome.

En adoptant avec les membres de la majorité plurielle votre texte, madame la ministre, nous écrirons une des plus belles pages de l'histoire des avancées sociales de notre République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. François Goulard.

Madame la ministre, nous continuons à penser et à dire qu'au départ de cette politique des 35 heures, qui n'est suivie par aucun autre pays dans le monde, il y a une profonde erreur économique.

M. Francis Delattre.

Très juste !

M. François Goulard.

Le travail, contrairement à ce que vous pensez, ne se partage pas. Après les 35 heures, nous n'aurons pas plus d'emplois mais moins d'emplois ! J'admire, madame la ministre, votre talent qui consiste à faire croire que la croissance de l'emploi est imputable à une loi qui n'est pas encore applicable. Il y aurait là un miracle peu commun en économie.

M. Yves Nicolin.

La multiplication des pains ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Certes, les entreprises qui avaient avantage à profiter des subventions prévues par la première loi de 1998 se sont empressées de signer des conventions et de créer quelques emplois - moins que vous le dites d'ailleurs : pas 120 000, mais 30 000 ou 40 000, tout au plus ! Mais toutes les autres entreprises ont renoncé à profiter de ces subventions pour une raison extrêmement simple : elles savaient dans quelles difficultés l'application de la réduction du temps de travail les placerait. Et toutes ces entreprises, vous allez les handicaper dans leur marche quotidienne, les pousser à avoir moins d'emplois qu'aujourd'hui.

De surcroît, les Français vont devoir supporter une baisse de leurs revenus. En effet, vous ne pouvez pas faire croire qu'en travaillant moins on peut conserver les mêmes revenus.

La réduction du temps de travail aura un coût formidable pour l'économie française : elle va augmenter le coût de l'heure travaillée de 11,4 %. Vous pouvez présenter les choses comme vous le voulez, vous ne pouvez pas nier cette réalité : vous allez imposer à toutes l'économie française, à toutes les entreprises de ce pays, une charge considérable de l'ordre de 250 milliards de francs.

A côté de cela, l'allégement de charges sociales de 110 ou de 120 milliards, dont vous nous rebattez les oreilles, n'apportera qu'une compensation partielle, dont la charge incombera d'ailleurs à toutes les entreprises et à tous les Français. Vous allez pénaliser l'économie française dans son ensemble car tout cela se traduira par moins de revenus et, au bout du compte, par moins d'emplois.

Avec ce débat, vous avez aussi ouvert la boîte de Pandore. Votre majorité comprend deux groupes extrémistes qui ont profité de cette discussion pour vous obliger à adopter des amendements qui durcissent de manière considérable notre droit du travail, lequel est déjà extraordinairement contraignant. Vous avez versé dans votre péché habituel qui est celui de la manie de la réglementation.

De la sorte, nous allons avoir, à partir du 1er janvier ou du 1er février 2000, un droit du travail proprement inapplicable durant au moins trois ou quatre ans. Ce droit du travail va devenir totalement incompréhensible pour ceux-là mêmes qu'il concerne au premier chef, salariés et employeurs. Il sera à géométrie variable, évoluant année après année. Il ne sera pas fixé avant plusieurs années par la jurisprudence, puisque votre texte, très complexe, sans être pour autant clair, sera contesté dans son application.

Vous avez mis en cause, avec des conséquences que nous n'avons pas encore pu mesurer, le principe de la représentativité syndicale dans notre pays en prévoyant, à l'article 11, le vote majoritaire des salariés. Cette réforme f ondamentale d'un principe qui régit nos relations sociales a été introduit de manière subreptice, sans aucune concertation avec les partenaires sociaux. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La réduction du temps de travail va créer des difficultés génératrices de conflits qui n'iront qu'en augmentant. Ces conflits n'épargneront naturellement pas le secteur public. Du reste, vous n'avez pas avancé sur la difficile question - difficile pour vous - de l'application des 35 heures dans la fonction publique. Il est probable que, étant donné les difficultés budgétaires qu'une telle application soulève, vous tenterez de reporter celle-ci audelà des échéances électorales.

Madame la ministre, mesdames, messieurs de la majorité, la voie que vous avez suivie avec les deux textes sur les 35 heures n'est évidemment pas une voie d'avenir. La voie de l'avenir n'est certainement pas celle qui consiste à multiplier les réglementations, des réglementations de plus en plus inadaptées à une réalité mouvante, à une réalité évolutive qui demande de la souplesse là où vous mettez de la rigidité. Au contraire, la voie de l'avenir est celle de la négociation collective, de l'accord d'entreprise, de la convention collective, et c'est cette voie-là que, le m oment venu, l'opposition proposera aux Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Francis Delattre.

Un grand démocrate !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, madame l a ministre, mes chers collègues, bien entendu, je comprends tout émoi de M. Goulard, car je l'ai écouté des nuits et des nuits, pendant lesquelles il m'a empêché de dormir ! (Sourires.)

Bref, aujourd'hui, nous passons à l'acte !

M. Yves Nicolin.

Il restera toujours la pilule du lendemain ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Dès la première lecture du texte sur la réduction du temps de travail, nous avions réaffirmé notre volonté de voir réussir ce grand projet de société. Notre vote positif traduisait le fait que déjà des améliorations importantes avaient été obtenues, qu'il s'agisse de la réinscription dans le texte du principe de la conditionnalité des aides financières à la création ou à la préservation d'emplois, du contrôle à tous les niveaux de l'entreprise au niveau national -, de l'utilisation des fonds publics, de l'amélioration de la définition de la durée du temps de travail effectif, ou de la fixation du plafond horaire du travail posté à 33 heures 36, cette dernière mesure concernant quelques millions de salariés.

Notre vote favorable n'était pas pour autant un chèque en blanc, et nous avions annoncé que nous déposerions de nouveau des amendements afin de rendre la loi plus efficace pour atteindre des objectifs de création d'emplois et de temps libéré.

Nous arrivons aujourd'hui au terme de la deuxième lecture, laquelle a donné lieu, je tiens à le souligner, à un débat d'un niveau politique et démocratique élevé, jamais connu jusqu'alors pour une seconde lecture.

M. François Goulard.

C'est un expert qui parle !

M. Maxime Gremetz.

Les mouvements sociaux, dont vous avez peur, monsieur Goulard, qui se sont développés dans le pays, ont contribué au contraire à enrichir le débat...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pas à enrichir les salariés, en tout cas !

M. Maxime Gremetz.

... et à lui donner toute sa dimension.

Les nombreuses manifestations unitaires des cadres ont notamment rendu incontournable la prise en compte de leurs revendications. Il est indéniable que les avancées obtenues sur les dispositions relatives aux cadres sont le résultat conjugué du mouvement social et du travail des députés qui ont su traduire ces aspirations non satisfaites en première lecture.

Nous nous félicitons que ces avancées aient été obtenues, qu'il s'agisse de la restriction de la définition du cadre dirigeant ; des nouvelles conditions posées pour le forfait jours - la plupart des cadres en sont exclus ; des itinérants non cadres, qui ne sont pas soumis au forfait jours ; des accords de forfait jours, qui sont considérés comme dérogatoires et qui ouvrent le recours au droit d'opposition des syndicats majoritaires ; du fait que l'employeur devra pendant trois ans tenir à la disposition de l'inspection du travail les documents comptabilisant les heures des cadres soumis au forfait jours ; du fait que, si le nombre de jours travaillés dépasse ceux prévus dans l'accord de forfait jours, ces jours doivent être récupérés dans les trois mois de l'année suivante ; du fait, enfin, qu'un cadre pourra déposer individuellement une requête devant le conseil de prud'hommes s'il estime que les conditions du forfait jours sont abusives.

Les délibérations de la nouvelle lecture ont permis de progresser. Je me félicite qu'aujourd'hui les organisations syndicales, qui, toutes tendances confondues, s'interrogeaient sur ces points, se réjouissent de ce progrès manifeste.

La loi, et vous le savez bien, madame la ministre, n'est pas parfaite.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ah !

M. Maxime Gremetz.

Elle n'est d'ailleurs pas faite pour l'être.

Il reste des insatisfactions. Je pense, par exemple, à la mesure qui prévoit un prélèvement de 10 %, au détriment du salarié,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est inadmissible !

M. Maxime Gremetz.

... sur les quatre premières heures supplémentaires dans le cas où l'entreprise n'a pas signé d'accord de réduction du temps de travail. C'est, il faut le dire, du jamais vu dans la législation française !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Eh oui !

M. Maxime Gremetz.

Nous aurions également souhaité que notre amendement prévoyant l'application du principe majoritaire pour la validation des accords de branche soit retenu. Nous sommes pour la négociation, mais nous souhaitons également que celle-ci soit le reflet réel de la volonté de la majorité des salariés. C'est là un principe démocratique élémentaire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais les liens sont rompus avec la CGT, non ?

M. Maxime Gremetz.

Concernant les amendements dits Wolber, l'ensemble de la gauche plurielle, je le rappelle avec tristesse, s'était engagé à les défendre, mais...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Trahison !

M. Maxime Gremetz.

... mais seuls, malheureusement, le groupe communiste et le groupe RCV les ont proposés, défendus et votés. Cela est grave pour l'emploi et les salariés de chez Wolber. Cela est grave pour l'ensemble des salariés et pour tout le pays. Cela est grave, surtout, pour la crédibilité politique de ceux qui se sont engagés et qui n'ont pas tenu leurs engagements.

Cela ne remet cependant pas en cause, madame la ministre, les avancées appréciables que j'ai indiquées.

En ce qui concerne la fonction publique, l'adoption de l'un de nos amendements a pour conséquence que le Gouvernement devra présenter annuellement au Parlement un bilan de l'application de la réduction du temps de travail dans les secteurs et fonctions publics : il n'y a pas deux poids deux mesures, il n'y a pas les privés d'un côté et le secteur public de l'autre.

Nous nous réjouissons que l'amendement que nous avons cosigné avec nos amis Verts et qui prend en compte la situation des salariés atteints de maladies graves permette à ceux-ci de bénéficier d'autorisations d'absences pour suivre des traitements adaptés.

Enfin, le SMIC a été aussi l'objet de débats. Nous avons pu convaincre que le complément différentiel destiné à maintenir le niveau du SMIC mensuel devait s'appliquer aux apprentis, aux personnes handicapées,...

M. le président.

Il va falloir conclure, mon cher collègue !

M. Maxime Gremetz.

Je termine, monsieur le président !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

... aux travailleurs des ateliers protégés et aux titulaires de contrats de qualification ou d'orientation.

Je vais conclure, monsieur le président, en vous remerciant de votre patience.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le comportement de M. Goulard est intolérable !

M. François Goulard.

Mais je n'ai rien dit ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Vous n'êtes pas tellement interrompu, monsieur Gremetz ! (Sourires.)

M. François Goulard.

Suis-je intolérant ?

M. Maxime Gremetz.

Les améliorations sont significatives. La preuve est faite que la conjugaison de l'intervention des salariés et l'action des députés est efficace.

Mais nous savons bien, monsieur le président, que tout ne se gagne pas à l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, monsieur Goulard, la colère du MEDEF qui, ici avec la droite, a tout fait pour imposer son diktat...

M. Yves Nicolin.

Pas encore !

M. Maxime Gremetz.

... est significative et ne nous surprend pas !

M. Franck Borotra.

Les spécialistes du diktat, c'est vous !

M. Maxime Gremetz.

Le groupe communiste va voter cette grande loi (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui s'inscrit dans un processus historique.

Ce sont les salariés qui vont s'en emparer pour lui donner vie.

M. le président.

Monsieur Gremetz, concluez, je vous en prie !

M. Maxime Gremetz.

Cela va donner lieu, et vous avez raison, monsieur Goulard,...

M. le président.

N'interpellez pas M. Goulard !

M. Maxime Gremetz.

... à un formidable affrontement de classes.

Quand le mouvement social se développe, c'est bon pour le progrès social et la démocratie ! Nous sommes pleinement confiants dans l'intervention citoyenne et dans sa créativité. En votant cette loi, le groupe communiste entend y prendre toute sa part.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour le groupe du RPR.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le moins que l'on puisse dire est que votre texte sur l'aménagement et la réduction du temps de travail ne soulève plus l'enthousiasme des salariés. La période transitoire a en effet permis de tordre le cou à un certain nombre de slogans qui avaient justifié votre démarche.

Vous nous aviez dit que ce dispositif créerait des emplois, relancerait le dialogue social et qu'il améliorerait les conditions de vie des salariés. Or que voyons-nous ? Non, ce dispositif ne crée pas d'emplois, comme la période transitoire nous l'a démontré.

Les 120 000 emplois que vous avez annoncés triomphalement ne sont plus, dans le secteur marchand, que 85 000, dont 55 000 relèvent strictement d'effets d'annonce, des emplois qui seront peut-être créés, des emplois virtuels.

Sur les 30 000 emplois qui restent, 15 000 relèvent de l'effet d'aubaine selon les chiffres mêmes de votre ministère. Et sur les autres 15 000, 7 000 sont en fait des emplois requalifiés, c'est-à-dire des emplois qui existaient, ceux de salariés qui étaient déjà dans l'entreprise sous contrat à durée déterminée, en intérim ou en stage.

En fait, le bilan de cette première phase n'est que de quelques milliers d'emplois. Encore faut-il défalquer les emplois délocalisés ou les emplois détruits.

Nous savons bien, mes chers collègues, que la baisse du chômage n'est due qu'à un fait et à un seul : la reprise d'une croissance soutenue dans l'ensemble des pays occidentaux.

Vous nous avez dit, madame la ministre, que votre dispositif relancerait le dialogue social. Oui, peut-être, dans c ertaines entreprises. Mais que nous montrent les chiffres ? Qu'il n'y a eu en fait aucune négociation dans 80 % des entreprises de plus de vingt salariés. Pourtant, dans quelques semaines, dans quelques jours, ces entreprises seront obligées de passer au système des 35 heures.

Elles y seront obligées car, pour toucher les aides, elles auront dû avoir entamé une négociation qui dure pourtant de six à neuf mois.

Alors, comment expliquez-vous que cette merveille de mécanisme, qui doit relancer le dialogue social, n'intéresse ni les salariés ni les entreprises ? Enfin, vous avez dit, pour le justifier, que votre dispositif serait un progrès social. Peut-être, pour certains salariés, pour ceux qui travaillent dans les entreprises prospères où il n'y a pas de problèmes. Mais ils auraient sans doute, même sans ce dispositif, obtenu les avantages considérés.

Quant aux autres, qu'ont-ils eu ? Le gel de leurs rémunérations, une flexibilité accrue qui nuit à la vie personnelle et à la vie familiale, et la remise en cause des avantages acquis.

Le bilan de cette phase transitoire est bien maigre, m adame la ministre. La nouvelle lecture de cette deuxième loi aurait pu être une occasion - l'occasion est manquée - de simplifier un texte bien complexe, que M. Dupeyroux qualifie, dans la revue Droit social, d'« un réseau de règles d'une complexité accablante ».

Mme Nicole Catala.

M. Dupeyroux a raison !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oui, madame la ministre, il y aura bien, quoi que vous en disiez, un double SMIC possible entre les salariés à temps partiel et ceux à temps complet.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il y aura bien un double SMIC possible entre les salariés nouvellement embauchés et ceux déjà dans l'entreprise.

Oui, le régime des heures supplémentaires comprend bien deux périodes transitoires - l'une concernant le contingent et l'autre la rémunération -, trois systèmes de rémunération et quatre taux de majoration.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Oui, ce texte est bien une machine de guerre contre le temps partiel (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) avec la multiplication des demandes, des dossiers, des procédures diverses et la suppression de l'abattement de 30 %. Pour combattre le temps partiel subi, vous tuez le temps partiel choisi, un des moyens de lutte majeurs contre le chômage et un moyen d'équilibrer sa vie personnelle, sociale et familiale.

M. Bernard Accoyer, C'est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oui, ce dispositif est coûteux, ainsi que mon collègue Bernard Accoyer l'a magnifiquement démontré lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Son financement est complexe, incertain et incomplet. Vous avez mis en avant une baisse des charges. Mais il ne s'agit pas de cela : il s'agit simplement d'une compensation partielle du surcoût du travail impliqué par votre dispositif.

La « deuxième » lecture du deuxième projet de loi a même été l'occasion - pardonnez la trivialité de l'expression - de passer une « deuxième » couche de complexité.

Il est vrai que les députés de la majorité, confrontés aux difficultés du terrain, ont fait surgir des amendements parfois sympathiques, mais qui ont multiplié les régimes d'exception. On a vu ainsi un amendement déposé à l'initiative d'un député de Bourgogne et destiné aux salariés représentants en vins pour les exclure de l'effectif pris en compte pour la date de mise en oeuvre de la RTT. On croit rêver.

M. Yves Nicolin et M. Bernard Accoyer.

Cauchemarder plutôt !

M. Jean-Claude Beauchaud.

N'interrompez pas Mme Bachelot !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous avez raté l'occasion de simplifier un texte bien difficile.

Le groupe du RPR ne pourra donc pas voter ce dispositif, madame le ministre.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais vous vous en doutiez.

M. Didier Boulaud.

C'est pourtant une bonne loi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il ne pourra pas voter un texte qui a renoncé à la création d'emplois, ainsi que M. Gremetz vient de le dire.

Il ne pourra pas voter un texte qui brouille le dialogue social.

Il ne pourra pas voter un texte qui refuse aux salariés de choisir le progrès social qui les concerne.

(« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Avec vous, le progrès social n'a aucune chance !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de la nouvelle lecture du projet de loi sur les 35 heures. C'est une étape importante.

D'ici à huit jours, nous aurons ainsi donné corps au principal engagement que nous avions pris devant les Français lors de la dernière campagne légistative : la France sera passée aux 35 heures.

M. Francis Delattre.

Hélas !

M. Georges Sarre.

Cette réforme a été portée par le Gouvernement comme par les partis de la majorité plurielle, au nom de la bataille pour l'emploi.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin et M. Guy Teissier.

Non !

M. Francis Delattre.

Certainement pas !

M. Georges Sarre.

Aussi, je tiens une fois encore à souligner notre satisfaction d'avoir vu ce texte confirmé dans son objectif initial, grâce au maintien du principe essentiel de contreparties en termes de création ou de préservation d'emplois pour l'obtention des aides publiques.

M. François Goulard.

Quel charabia !

M. Georges Sarre.

A présent, cette loi sera d'autant plus efficace contre le chômage que les salariés et les syndicats saisiront l'occasion pour occuper le nouvel espace contractuel qui vient d'être ainsi ouvert.

Ils vont pouvoir déployer une démarche revendicative appuyée sur des attentes concrètes, diversifiées selon les catégories de salariés, dans les entreprises et les branches, et orientées sur l'objectif de création d'emplois stables avec de fortes garanties collectives.

Ils vont pouvoir s'emparer de cette réforme pour renouer de façon dynamique avec un syndicalisme porteur de conquêtes sociales. A eux d'avoir une approche offensive de la négociation, d'inclure l'emploi dans leurs objectifs stratégiques, de « mettre leur nez » dans l'organisation du travail, qui ne doit pas rester le domaine exclusif des chefs d'entreprise.

La RTT a d'ores et déjà permis d'ouvrir la porte des PME, réputée infranchissable pour le syndicalisme. Elle a réussi à mobiliser des salariés que l'on croyait jusqu'alors imperméables à tout mode d'action collective. Des potentialités immenses existent pour les salariés et leurs syndicats. Je veux croire que nous n'en sommes qu'au début de la rénovation des relations professionnelles dans notre pays.

Qualifiée d'avancée importante par tout le syndicalisme européen, la loi sur les 35 heures a relancé incitations et débats en Europe sur la réduction du temps de travail.

Elle ouvre des perspectives revendicatives nouvelles chez beaucoup de nos voisins.

En France, et nous les entendons encore, les vents contraires auront été nombreux. Inutile de le cacher. Je déplore notamment que le MEDEF se soit à ce point lancé dans une politique de dénigrement et de retardement systématique. Grands discours de la menace par la faillite, ultimatum : il n'aura eu de cesse de vouloir entraîner dans son scepticisme les entrepreneurs, les salariés et une partie des acteurs économiques, heureusement sans y parvenir.

Déréglementation, flexibilité, réduction du coût du travail et du montant des impôts : son credo, trop souvent relayé, au sein de cet hémicycle, par la droite, n'en fini pas de récuser la question sociale ! Eh bien, nous, nous la posons ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Bien sûr, nous n'avons jamais pensé que la réduction du temps de travail serait à elle seule la solution

« miracle » pour l'emploi. Cependant, nous avons toujours défendu qu'elle était devenue une exigence dans un pays où le chômage de masse faisait encore des ravages.

Nous avons toujours soutenu qu'il nous fallait agir sur le long terme en actionnant tous les leviers de l'emploi.

Trois ans de travail, trois ans de réflexion, trois ans de polémique : mais nous voilà presque arrivés au bout du chemin.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Après les emplois-jeunes, la loi relative à la lutte contre les exclusions, la réforme des 35 heures fera date.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Ça oui !

M. Georges Sarre.

Elle illustrera, une fois encore, s'il en était besoin, (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. le président.

Encore un peu de patience, chers collègues !

M. Georges Sarre.

... notre volonté commune de voir se construire, dans notre pays, une société dans laquelle l'économie et le progrès sont davantage au service de l'homme et dans laquelle le politique ne se résigne pas à laisser agir seules les forces du marché.

C'est pourquoi le groupe RCV votera le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour le groupe de l'UDF.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Assemblée est réunie pour un vote solennel, à l'issue de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Au moment, madame la ministre, où votre majorité s'apprête à voter ce texte, à l'extérieur de l'hémicycle les tensions sociales se font de plus en plus vives, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, lequel en est simplement à la phase de concertation.

Que vous disent ces Français, salariés, chefs d'entreprise, représentants syndicaux ? Les salariés vous disent qu'ils veulent bénéficier des fruits de la croissance et que les 35 heures ne leur laissent malheureusement pas beaucoup d'espoir à cet égard.

Les chefs d'entreprise vous disent qu'ils ne veulent pas d'une obligation autoritaire et uniforme de la réduction du temps de travail qui ne tient compte ni des réalités internes, ni de la spécificité de leurs branches d'activité.

M. le président.

Monsieur Gengenwin, permettez-moi de vous interrompre.

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir suspendre vos conversations particulières. Je prie ceux d'entre vous qui pénètrent dans l'hémicycle pour participer au scrutin de le faire en silence afin que M. Gengenwin puisse s'exprimer dans un calme relatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Poursuivez, monsieur Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Les représentants syndicaux réclament le respect des accords passés.

Quant aux partenaires sociaux, ils vous disent qu'ils ne veulent plus être les financeurs de l'opération.

Non, personne ne peut prédire aujourd'hui ce que sera la portée de cette loi pour l'économie de notre pays, de cette loi qui n'existe nulle part, sauf à Monaco, je vous l'accorde ! (Sourires.)

Réduire obligatoirement le temps de travail ne sera pas sans conséquences sur l'économie de notre pays.

La première conséquence sera la perte mécanique de compétitivité de nos entreprises face à la concurrence mondiale car, désormais, toute heure de travail au-delà des 35 heures coûtera plus cher. Ce n'est pas par la productivité que la compensation pourra se faire.

Le deuxième élément négatif sera le blocage du pouvoir d'achat de tous les salariés et la progression notoire du pourcentage des salariés payés au SMIC.

Le troisième sera la complexité accablante du système avec son réseau de règles.

Le quatrième aspect négatif, que je veux souligner, réside non seulement dans le coût de l'opération 110 milliards de francs - mais aussi dans l'incertitude du financement. D'ailleurs M. Cahuzac affirme dans son rapport que les ressources apparaissent plus qu'incertaines, à moins d'augmenter à nouveau les impôts. Quoi qu'il en soit, ce sont des fonds publics qui manqueront, soit au budget, soit aux organismes sociaux.

Certes, tout n'est pas négatif. L'indispensable dialogue social a été relancé dans les entreprises. Et nous ne pouvons qu'espérer qu'il ne soit pas confisqué au niveau des branches.

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues, écoutez l'orateur ! Vous savez qu'il est très désagréable de parler avec un tel bruit de fond !

M. Germain Gengenwin.

Mais le négatif pèse plus lourd que le positif.

Nous nous sommes efforcés d'apporter notre contribution à ce débat. A cet égard, je tiens à saluer, au nom de notre groupe, le travail d'Hervé Morin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Mais comme vous avez été obligée de jongler avec votre majorité plurielle, madame la ministre, aucune place n'a été laissée à nos propositions. Il en a été de même pour tout le travail du Sénat car cette nouvelle lecture n'est en réalité qu'un retour à la case départ.

L'application de ce texte aboutira à un renversement des positions. Le patronat, notamment celui des grandes entreprises, tirera satisfaction d'aspects tels que la modulation annuelle du temps de travail, l'inévitable modération des salaires ou les exonérations des charges patronales. En revanche, les salariés qui espèrent travailler moins avec le même salaire risquent, dans leur grande majorité, d'être déçus.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Eh oui !

M. Germain Gengenwin.

Je terminerai mon intervention sur la formidable contradiction de votre projet de loi : d'un côté vous annoncez aux Français qu'il leur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

faudra travailler plus pour financer les retraites, de l'autre, vous leur dites de travailler moins. Les enjeux politiques d'aujourd'hui tournent décidément le dos aux véritables enjeux sociaux de demain.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous avons terminé les explications de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je vous rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

555 Nombre de suffrages exprimés .................

554 Majorité absolue .......................................

278 Pour l'adoption .........................

306 Contre .......................................

248 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

4 MAUVAIS TRAITEMENTS A

ENFANTS Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Charles de Courson visant à améliorer la détection d'enfants maltraités (no 1797, 1998).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, mes chers collègues, il était une fois un élève de la classe de CM1 CM2 du Mesnil-sur-Oger qui apprend qu'un enfant de son entourage est victime de violences physiques. Il en parle à ses camarades qui sont tous choqués, scandalisés et cherchent à en savoir davantage. Ils discutent, lisent des articles de journaux et s'aperçoivent que de tels cas ne sont pas rares. Alors, les enfants s'interrogent. La société, les adultes font-ils réellement tout ce qu'ils peuvent pour empêcher ce phénomène ? Les enfants martyrisés peuvent-ils parler, se confier, et à qui ? Accuser quelqu'un de maltraiter un enfant est un acte grave : comment prouver des violences qui ne se voient pas toujours ? Les enfants du Mesnil-sur-Oger décident alors d'élaborer un texte sur cette question en vue de la réunion du Parlement des enfants, le 5 juin dernier. C'est leur proposition qui a été finalement retenue, à l'issue des travaux attentifs et sérieux menés par les 577 députés juniors réunis dans notre hémicycle.

Il m'appartient, en tant qu'élu de la 5e circonscription de la Marne dont fait partie la commune du Mesnil-surOger, de veiller sur la destinée du texte adopté par les enfants, que j'ai déposé sous forme de proposition de loi.

Ainsi, pour la quatrième fois, une proposition conçue par les enfants et débattue au sein du Parlement des enfants peut devenir une loi de la République.

Je ressens ma fonction de rapporteur comme un honneur et une fierté. J'ai été frappé par la pertinence de la réflexion des enfants et par la maturité qui s'y exprime.

La proposition de loi pose un problème dont nul ne peut sous-estimer la gravité et elle met de manière très judicieuse l'accent sur le rôle de l'école dans la lutte contre la maltraitance.

Que recouvre exactement cette notion de maltraitance, et quelle est l'ampleur de ce phénomène ? Je regrette qu'un sujet de cette nature, qui a une dimension affective aussi forte n'échappe pas à un travers répandu dans notre société, la très technocratique tendance à établir des catégories, des rubriques, comme si la maltraitance pouvait se réduire à une approche statist ique. « Enfants maltraités », « enfants en risque »,

« enfants en danger », tous sont en réalité des enfants malheureux, des enfants en détresse, que nous devons entendre et protéger.

Nous ne sommes d'ailleurs pas, en France, bien armés pour mesurer le phénomène de la maltraitance. Les rapports de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée n'existent que depuis cinq ans. Ils contiennent des données très globales et l'information qui remonte des conseils généraux n'est pas toujours d'égale qualité. De plus, ils ne portent que sur les maltraitances révélées, celles qui ont fait l'objet d'un signalement administratif ou judiciaire.

Or, le texte des députés juniors le souligne, il y a en la matière une large part de non-dit, de refoulé. Il y a ce qui se sait et ne se dit pas, il y a aussi ce qui ne se sait pas. Comment aller au-delà des apparences ? Il est dommage que nous ne disposions pas d'études comparables à celles menées dans certains pays anglo-saxons, dont m'ont parlé plusieurs responsables d'associations de protection de l'enfance rencontrés à l'occasion de la préparation de ce rapport. Ces travaux consistent à interroger a posteriori un échantillon d'adultes appartenant à une même génération sur les mauvais traitements qu'ils ont subis dans leur enfance : 10 % auraient été victimes d'actes de violences sexuelles, physiques ou psychologiques, dont la moitié environ aurait donné lieu à signalement.

Peut-on transposer ces résultats en France ? Les médecins que j'ai rencontrés m'ont fourni des réponses cohérentes, quel que soit leur lieu d'exercice. Chacun a signalé


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dans son secteur scolaire deux à six cas d'enfants maltraités chaque année. Il y aurait, dans chaque classe, un ou deux enfants maltraités, peut-être le double dans les zones défavorisées. Si l'on considère que le taux de violences est à peu près le même en France que dans les pays anglosaxons, on peut estimer que le taux de révélation dans notre pays se situe bien au-dessous de 50 %, plutôt entre 25 et 30 %. L'augmentation des violences révélées est donc susceptible de tenir à deux causes : une amélioration des taux de révélation, mais aussi un accroissement du nombre des actes eux-mêmes.

Nous avons davantage d'intuitions que de véritables certitudes sur l'évolution réelle des violences sur les enfants et leurs origines. Méfions-nous des clichés et des idées reçues.

L'image de l'enfant battu inventant des mensonges pour expliquer à ses camarades que les traces de coups qu'il porte ne sont pas liées à des maltraitances correspond hélas à une réalité, mais elle n'est pas toute la réalité. De même, le retentissement médiatique de certaines affaires ne doit pas conduire à surestimer la part des abus sexuels. Dans l'ensemble des violences et des maltraitances, la première place revient aux négligences graves, aux carences de toute sorte, matérielles, mais aussi morales et affectives.

En outre, la maltraitance a différentes formes parce qu'elle a des origines diverses. Il existe - on l'oublie trop souvent - une violence entre enfants, entre jeunes, et ce phénomène ne fait que s'aggraver, toutes les personnes auditionnées l'ont dit. En revanche, il est plus difficile d'apprécier l'évolution des violences familiales et extrafamiliales, même s'il est plus que vraisemblable, malheureusement, qu'elles s'accroissent elles aussi.

Comment réagir face à ce phénomène ? Il existe de grands textes internationaux, parmi lesquels la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, dont nous avons célébré le dixième anniversaire il y a quelques jours. Il existe aussi - et c'est à l'honneur de notre pays un impressionnant dispositif législatif et réglementaire, ordonné autour de la loi du 10 juillet 1989, relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance. Le bilan de ces diverses mesures est positif, mais il peut certainement être amélioré, car la maltraitance demeure une réalité.

La démarche proposée par le Parlement des enfants est utile, tous les responsables d'organismes de protection de l'enfance que j'ai rencontrés en ont approuvé le principe.

Il n'est pas vrai qu'il n'y aurait plus, en France, besoin de légiférer sur le sujet. Toute législation est perfectible, et tout ce qui peut conduire à mieux lutter contre le fléau de la maltraitance des enfants doit être fait. C'est notre devoir de législateurs.

Les enfants ont eu raison d'insister sur le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de maltraitance. Son action est loin d'être négligeable, mais on pourrait s'attendre à mieux étant donné que c'est le lieu, où, en dehors de sa famille, l'enfant passe le plus de temps. Le système scolaire n'est à l'origine que d'un faible nombre de signalements d'enfants maltraités : 8 % dans le département de la Marne, sans doute autour de 10 % en moyenne à l'échelon national - toutefois les chiffres transmis par les conseils généraux sont difficilement agrégables.

Les instruments juridiques d'une participation effective de l'éducation nationale à la lutte contre la maltraitance existent pourtant. Mais certains éléments jouent à l'évidence un rôle de frein. Les enseignants font preuve d'une prudence bien légitime, car ils ne veulent pas se placer dans une situation difficile vis-à-vis des familles. Quant aux médecins scolaires, dont j'ai reçu les différents syndicats, ils craignent de plus en plus de faire l'objet de condamnations pour dénonciation abusive, comme cela s'est produit récemment.

Les deux mesures que nous vous proposons aujourd'hui, dont l'initiative revient au Parlement des enfants, peuvent améliorer les choses sans pour autant mettre en difficulté les enseignants ou les médecins.

La première idée, dont tous mes interlocuteurs ont souligné l'intérêt, c'est l'instauration, dans tous les établissements scolaires, de séances d'information et de sensibilisation consacrées à l'enfance maltraitée. Il s'agit en fait de généraliser une pratique qui existe déjà dans 5 % à 10 % des établissements d'après ce que m'ont indiqué les responsables de ces syndicats, mais qui n'est pas assez répandue. Les enseignants, les associations disposent de supports pédagogiques, de films, d'une grande qualité et adaptés à l'âge des enfants. Ces séances doivent, à mon sens, être organisées au moins une fois par an par le chef d'établissement. Le texte initial de la proposition évoquait une séance annuelle mais, de l'avis général, pour être efficaces, les actions de prévention doivent s'appuyer sur plusieurs - deux ou trois - réunions dans l'année.

Il convient également d'être attentif à la nature du message dispensé lors de ces séances. Il s'agit non pas de présenter tous les adultes, spécialement les parents, de manière négative, mais de faire comprendre aux enfants que la maltraitance conserve, heureusement, un caractère rare, voire exceptionnel. Le message doit être positif.

C'est pourquoi il importe d'associer au déroulement de ces séances non seulement les familles, mais aussi les enseignants et, très largement, l'ensemble des services publics, les collectivités locales qui jouent souvent un rôle important en la matière et les associations intéressées à la protection de l'enfance.

La seconde suggestion consiste à renforcer le rôle de la médecine scolaire dans la prévention et la détection des maltraitances. Actuellement, les visites médicales en cours de scolarité sont peu nombreuses. Après les contrôles au titre de la PMI effectués en maternelle, la loi impose un contrôle en présence des parents, au cours de la sixième année qui s'applique en pratique à 95 % des enfants. Les contrôles ultérieurs, « périodiques » selon la loi, sont en fait rarissimes. Les examens lors de l'orientation en troisième ne touchent que deux tiers des élèves et les examens intermédiaires se raréfient.

La médecine scolaire n'est donc pas en mesure d'assurer un véritable suivi médical d'élèves qui ne sont examinés que par intermittence. Elle pourrait, en revanche, devenir un instrument plus efficace dans la politique de lutte contre les maltraitances. Cela passe-t-il, comme l'avaient initialement envisagé les enfants, par l'instauration de visites médicales annuelles à l'école ? Après réflexion, je n'en suis pas convaincu. De telles visites ne permettraient de déceler ni les abus sexuels, ni les maltraitances psychiques, et il n'est pas sûr qu'elles seraient très efficaces pour détecter les violences physiques. Au demeurant, peut-on envisager de multiplier par sept les effectifs de la médecine scolaire pour un résultat très hypothétique, en tout cas pour ce qui concerne la révélation des maltraitances ? Il paraît plus opportun d'affirmer plus nettement dans la loi que la prévention et la détection des maltraitances figurent au nombre des missions importantes de la médecine scolaire. Certes, cette idée est déjà contenue dans des circulaires, mais la lutte contre les mauvais traitements


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apparaît, dans ces textes, comme une fonction un peu marginale de ce service. Il est important de donner à cette affirmation la force de la loi. Ainsi, l'école dans son ensemble pourra jouer un rôle cohérent et utile. Les enseignants reçoivent une formation initiale en IUFM et une formation continue sur la maltraitance. Ils sont donc en mesure de déceler chez certains enfants, qu'ils voient tous les jours, des signes inquiétants, des changements d'attitude, qui peuvent révéler des maltraitances. L'enseignant qui a un doute, des interrogations, doit pouvoir s'en ouvrir au médecin scolaire, qui effectuera alors un examen ciblé, approfondi, plus efficace que le contrôle systématique, un peu routinier, de tous les enfants.

Ainsi conçue, cette proposition de loi représente une contribution modeste, mais utile. Loin d'être, comme on l'a parfois dit, un « gadget », l'élaboration de propositions inspirées par le Parlement des enfants fait progresser le droit sur des points particuliers. Les enfants qui ont eu cette idée, qui nous écoutent aujourd'hui, peuvent en être légitimement fiers. Ils doivent aussi avoir conscience - et c'est un député qui le leur dit - que la loi ne peut pas tout. Elle est appliquée par des hommes et des femmes qui ont leurs défauts, leurs faiblesses, mais aussi leurs qualités et leurs forces. Changer la loi n'est pas tout, il faut aussi et surtout faire évoluer les mentalités. Un débat comme celui qui nous réunit aujourd'hui peut, en tout cas, y contribuer.

Les députés juniors nous appellent à la vigilance.

L'action contre la maltraitance ne souffre aucune pause, aucun relâchement. C'est, pour chacun d'entre nous, une grande cause de tous les instants. La protection de l'enfance avait été déclarée « grande cause nationale » en 1997. Elle doit le demeurer à l'aube du prochain millénaire (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis particulièrement heureuse que la proposition de loi issue des débats du Parlement des enfants, qui s'est tenu en mai 1999 dans ce même hémicycle, soit en discussion aujourd'hui.

L'initiative vient des enfants de la classe de CM1-CM2 de l'école primaire publique du Mesnil-sur-Oger de l'académie de Reims que je salue ici. Ces élèves ont su décrire avec justesse la douloureuse situation des enfants maltraités, la difficulté pour les victimes de dire leur souffrance et la complexité de la détection de la maltraitance pour leur entourage.

Je voudrais ici citer l'exposé des motifs de leur proposition :

« Des enfants de notre classe ont apporté des articles de journaux très choquants sur des enfants martyrisés. En nous renseignant davantage, nous nous sommes aperçus qu'il y en avait beaucoup. De plus, certains de notre classe connaissent des enfants battus et retirés de leur famille.

« Ce problème est grave car la plupart des enfants maltraités n'osent pas parler et les violences ne se voient pas toujours physiquement. Et si quelqu'un a un doute sur un enfant, il peut difficilement le dénoncer parce que l'on n'en est jamais sûr.

« Ainsi, nous avons pensé qu'il fallait faire prendre conscience aux enfants maltraités qu'il faut parler. Pour que ce sujet ne soit plus tabou, il faut en parler dans les écoles. »

Tout est dit dans cette analyse : L'insuffisance d'information des enfants témoins ou victimes de maltraitance ; L'impossibilité de communiquer, de parler parce qu'on a peur de ne pas être cru - on a peur de passer pour un menteur, alors, on se tait par peur ou par honte ; L'existence de différentes formes de maltraitance qui ne se voient pas forcément : il y a aussi des maltraitances psychologiques ou sexuelles ; L'inquiétude de dénoncer à mauvais escient, le souci de ne pas accuser sans savoir ou injustement ; Enfin, et c'est peut-être le plus important, la nécessité de briser la loi du silence dans les écoles. C'est d'ailleurs ce souci de briser la loi du silence qui guide mon action depuis deux ans et demi et je rappellerai brièvement comment j'ai procédé.

Pour lutter contre les violences sexuelles j'ai fait publier, le 26 août 1997, une importante instruction faisant obligation à tous les adultes de l'école de signaler les cas de mauvais traitement en général et de violence sexuelles en particulier, y compris lorsque ces violences sont commises dans le cadre scolaire, je veux parler des problèmes de pédophilie. En effet, si l'école peut être un lieu où l'on subit de la violence - heureusement c'est très rare -, c'est surtout un lieu où l'on protège, puisque les enfants peuvent y parler des violences qu'ils subissent dans leur famille. Il faut savoir que 90 % des enfants maltraités le sont dans leur famille et qu'il leur est difficile d'en parler parce qu'ils ont envie d'être aimés de leurs parents, de leurs grands-parents, de leurs proches. Il est toujours difficile de briser la loi du silence.

J'ai donc demandé aux personnels des écoles d'écouter et de respecter la parole de l'enfant, car l'on considérait trop souvent que l'enfant affabulait, qu'il ne disait pas la vérité ou l'on avait peur des conséquences qu'aurait pu avoir la prise au sérieux de sa parole. Désormais, les procédures sont claires. Les adultes qui sont témoins d'abus ou de violences commis sur un enfant ou qui en ont connaissance sont obligés de les signaler. Ils sont protégés et la justice se met en route. L'éducation nationale et la justice travaillent maintenant main dans la main pour que les auteurs de ces crimes, parce qu'il s'agit de crimes, ou de ces délits soient réellement punis.

Mais il faut aussi travailler sur la prévention. C'est pourquoi j'ai fait distribuer à quatre millions d'élèves de CE 1 un document intitulé « Passeport pour le pays de prudence ». Cette opération a été renouvelée cet automne pour la troisième année consécutive afin d'apprendre aux enfants à ne pas se placer dans des situations à risques, à savoir dire non aux manoeuvres de séduction de certains adultes et à savoir discerner lorsqu'ils sont victimes de véritables violences. De même, la diffusion de documents pédagogiques tels que « Mon corps, c'est mon corps » ont permis de renforcer la sensibilisation des enfants à ce thème de la maltraitance.

Une campagne contre le racket a été lancée, car la maltraitance existe aussi entre élèves. Les élèves se font du mal les uns aux autres. Et en cas de racket, c'est là encore la loi du silence qui s'applique parce que les enfants ont un peu honte et, s'ils se sont fait racketter plusieurs fois sans avoir rien osé dire, ils ne veulent plus en parler du tout. Cette campagne de sensibilisation vise aussi à faire reculer toutes les formes de violence entre élèves.

Pour améliorer la détection d'enfants maltraités, vous proposez de renforcer le rôle de la médecine scolaire.

Vous avez raison, parce que ce rôle est irremplaçable. Il f aut en particulier accroître le nombre de visites


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médicales. Il y a la maltraitance que l'on voit et celle dont on parle. Or il est souvent plus facile de parler à une infirmière scolaire, à un médecin scolaire qu'au professeur qui met les notes. En même temps, c'est tout le système scolaire qu'il faut mobiliser autour de cet objectif : les adultes de la communauté éducative, les enseignants qui voient tous les jours la maltraitance, en particulier, à l'école maternelle, les agents spécialisés des éco les maternelles, les ASEM, ces dames qui sont souvent les premières à constater de telles violences.

Je voudrais rappeler qu'en trois ans, le Gouvernement a créé 1 400 emplois d'infirmière, de médecin et d'assistante sociale, précisément parce qu'il est tout à fait conscient du rôle très important de ces personnels médico-sociaux. Par ailleurs, les « rencontres éducatives sur la santé » ont été inscrites à l'emploi du temps des élèves.

Ce travail va dans le sens que vous souhaitez. Au nom du Gouvernement, je soutiens la démarche que vous avez engagée en essayant de lui donner un contenu opérationnel. Un temps particulier pourrait en effet être réservé dans les emplois du temps pour sensibiliser les élèves aux phénomènes de la maltraitance. Il faut multiplier les visites médicales et l'attention portée aux élèves au quotidien pour bien informer les enfants concernés qu'ils ne sont pas seuls à subir des abus et qu'ils ont droit à la protection des adultes qui les entourent, à savoir les parents, les enseignants, les éducateurs et les personnels de santé.

Il faut aussi que les enfants commencent dès l'école à comprendre quels parents ils seront demain. J'ai donc l'intention d'instaurer une éducation à la parentalité, c'est-à-dire à la vie, une réflexion sur ce qu'est l'enfant.

Les plus jeunes doivent en effet apprendre très tôt qu'un enfant est une personne à part entière qu'il convient de protéger et qu'ils devront être des parents responsables à cet égard.

Je vous adresse ce message tout simple, parce que vous êtes les auteurs de cette proposition de loi. Je veux d'ailleurs souligner l'excellent travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Grâce à vous, nous sommes aujourd'hui réunis pour faire progresser les droits de l'enfant, pour améliorer la protection qui leur est due, donc l'efficacité du système scolaire de ce point de vue. Cela dit, rien ne pourra être fait sans une formation de l'ensemble des enseignants. C'est pourquoi des stages sont organisés à cet effet dans les académies et les départements. Ces stages portent sur la prévention de la maltraitance et l'enfance en danger et sur la façon de recueillir la parole d'un enfant qui a envie de se confier.

Cette proposition de loi, avec les améliorations que l'Assemblée nationale va y apporter, s'inscrit parfaitement dans le cadre de la Convention internationale des droits de l'enfant puisque celle-ci proclame, dans son article 19, le droit des enfants à être protégés contre les mauvais traitements. Je suis personnellement convaincue que la maltraitance reculera lorsque les enfants oseront parler parce qu'ils sauront qu'ils ont face à eux un adulte qui les croit, qui les écoute, qui va faire quelque chose et qui ne laissera pas retomber la loi du silence.

Je remercie donc tous les élèves et les enseignants qui ont permis la rédaction de ce texte, et au-delà toutes les classes qui avaient déposé des propositions de loi allant en ce sens. Elles sont aujourd'hui à l'écoute de ce que le Parlement fera à la suite de vos travaux. Merci beaucoup.

(Applaudissements.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Monsieur le président, chers collègues, cette proposition de loi porte sur la question particulièrement délicate et dramatique de la maltraitance des enfants. Je voudrais élargir un peu le sens de la maltraitance qui ne se limite pas aux mauvais traitements physiques au sens où on l'entend.

L'enfance en difficulté est le premier problème de notre société. Aucun pays du monde n'y échappe. C'est un problème de notre civilisation matérialiste. En France, le nombre d'enfants à risque ne cesse d'augmenter : de 53 000 en 1996, il est passé à 64 000 en 1998. Leur santé physique et mentale, leur sécurité et leur développement sont en danger. Les causes en sont variées et je pense notamment à la multiplication des familles précarisées, déstructurées, restructurées.

Le Gouvernement ne peut à la fois se plaindre de cette situation et promulguer des lois mettant à bas les fondements mêmes de notre société en déresponsabilisant les parents. Les enfants sont le bien le plus précieux de la nation. Nous devons tout faire pour qu'ils gardent toutes leurs chances. Ils doivent pouvoir vivre leur enfance dans un climat de confiance.

Nous demandons instamment au Gouvernement d'être attentif à toutes les formes de maltraitance : violence en tout genre à la télévision, à la radio, ou sur les affiches dans les rues. La pornographie violente à laquelle on assiste sur les sites Internet, par exemple, incite les adolescents à reproduire ces comportements. Notre époque est en effet marquée par la présence de la violence chez les très jeunes entre eux.

Dans le département du Rhône, qui n'est pas sinistré dans tous les domaines, s'est ainsi produit un drame.

Deux petites filles de trois ans ont été violées par des adolescents de quinze ans, les fils des assistantes maternelles qui gardaient les fillettes. Malgré l'interdiction qui est faite à ces assistantes de quitter les enfants, elles étaient allées en chercher d'autres à l'école, car c'était a u mois de décembre et il faisait très froid. Leurs fils de quinze ans ont profité du quart d'heure pendant lequel elles s'étaient absentées pour violer ces gamines de trois ans. Ils ont reproduit la violence qu'ils ont vue à la télévision, dans les films, ou entendue à la radio. Nous devons donc être très attentifs à cette violence entre enfants.

Dans le texte qu'ils ont adopté, les enfants ont montré qu'ils avaient bien vu que le meilleur lieu de détection de ces malheurs était l'école. Notre rapporteur souhaite que la réflexion qu'ils ont entamée soit poursuivie et approfondie au sein de notre assemblée. Nous devons réfléchir sur ce sujet alarmant.

Les deux propositions essentielles concernent l'obligation d'une visite médicale à l'école et la collaboration étroite entre services publics de l'Etat, collectivités locales et associations pour sensibiliser et informer tous les enfants d'âge scolaire.

Madame la ministre, je vais répéter ce que je dis depuis dix ans. Je ne m'en lasse pas. Je l'ai dit avant vous et le dirai peut-être encore après : la médecine scolaire est le meilleur outil de détection. Mais une médecine scolaire comme celle que nous avons commencé à instituer dans le département du Rhône, c'est-à-dire une médecine scolaire adaptée à chaque académie. Nous devons reprendre


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et signer à nouveau des conventions sur ces bassins de santé qui permettent à l'école de voir les enfants au plus près. C'est essentiel.

Encore une fois, il faut absolument que les conseils généraux soient associés de très près à ces actions, car ils sont les mieux placés, tout comme les services de la PMI et de l'ASE. Mais il faut aussi, et je remercie M. le rapporteur de l'avoir signalé, les dédommager en augmentant leur dotation globale de fonctionnement. Car toutes ces actions finissent par coûter très cher.

Si, en outre, les conseils généraux s'associent aux rectorats dans le domaine de la médecine scolaire, tous ces crédits, sur lesquels on ne doit pas lésiner quand il s'agit de l'enfance, seront utilisés au mieux.

Le groupe UDF, au nom de qui je parle, a toujours été partisan d'une famille responsable, à même d'assurer la protection des enfants. Il votera bien évidemment ce texte, tout en souhaitant que l'on porte attention à l'environnement global des enfants et pas seulement à la maltraitance physique dont nous parlons aujourd'hui.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

La violence à l'égard des enfants, c'est-à-dire des plus faibles, est insupportable et ne peut être tolérée ou passée sous silence dans quelque société que ce soit. Malheureusement, il n'est pas une semaine sans que l'actualité ne se fasse l'écho de situations dramatiques qui mettent en lumière, même en France, des cas d'enfants martyrisés. Néanmoins, la loi du silence qui continue de régner dans ce domaine, est souvent dure à briser ; vous l'avez évoqué.

La question du droit des enfants et de leur protection n'est pourtant pas une idée nouvelle. Dès 1924, la Société des nations avait ouvert une réflexion sur la nécessité d'accorder une protection spéciale à l'enfant. En 1959, avait été adoptée par les Nations unies la première déclaration des droits de l'enfant.

Le 20 novembre dernier, nous avons célébré le dixième anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfants, ratifiée par la France le 2 juillet 1990. Grâce à ce texte, les enfants sont non seulement reconnus comme sujets de droit : droit à l'éducation, droit à la protection contre les maltraitances, droit à la liberté d'expression et droit à participer - vous avez insisté là-dessus - aux dé cisions les concernant. Mais ils sont également reconnus dans leurs particularités, leur fragilité physique et affective.

Tous les droits de l'enfant sont essentiels. Pourtant, comment ne pas être plus sensibles encore au sort des enfants maltraités qui font l'objet de violences familiales ou institutionnelles ? Notre assemblée avait adopté, le 10 juillet 1989, la loi relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance. Cette loi a donné naissance au service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée et à la mise en place d'un

« numéro vert » dont le but est d'écouter, de fournir une assistance et une information à la fois aux enfants victimes de mauvais traitements, aux parents et aux professionnels et, enfin, à toute personne confrontée à des situations de maltraitance.

En 1997, lors du lancement de la grande cause nationale sur l'enfance maltraitée, 82 000 cas d'enfants victimes de mauvais traitements avaient été signalés en France. Dans mon département de Seine-et-Marne, le nombre de dossiers jugés par la cour d'assises avait alors doublé par rapport à 1995 ; sur 59 dossiers, 32 concernaient des affaires de moeurs, viols et incestes. Toujours en 1997, les services sociaux avaient reçu 1 400 signalements de cas de maltraitance à enfants.

Depuis la création du Parlement des enfants, et en dépit de la législation existante, nos jeunes concitoyens ont présenté plusieurs textes visant à renforcer leur protection et, notamment, celle des enfants victimes de maltraitance. Certains de ces textes sont devenus des lois de la République. En rappelant régulièrement ces propositions, les enfants ne cherchent-ils pas à nous faire comprendre que l'arsenal juridique est, la plupart du temps, mal ou insuffisamment appliqué ? Aujourd'hui, la proposition de loi qui est présentée, et qui s'inspire du texte qui avait été adopté le 5 juin dernier par le Parlement des enfants, reprend en grande partie - mais c'est important - des dispositions qui existent dans la loi de juillet 1989.

En mai 1998, madame la ministre, votre collègue

Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait, elle aussi, insisté sur le combat prioritaire contre ce qu'on appelle de façon impropre les violences « institutionnelles » - celles qui s'observent dans les écoles ou les institutions spécialisées.

En un an, plus de cent cas ont été révélés, qui faisaient auparavant l'objet d'un tabou puissant : violences physiques, sexuelles, mais aussi et surtout, de façon plus pern icieuse, violences psychologiques qui plongent des enfants, notamment des enfants handicapés, dans la plus profonde des solitudes.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

M. Pierre Carassus.

Malheur à ceux qui osent dire l'indicible, qui osent parler des violences institutionnelles et qui osent porter secours à ces enfants ! Considérés parfois comme de véritables parias, ils s'exposent à des mesures disciplinaires d'une extrême sévérité.

Ainsi, un éducateur qui avait osé dénoncer, en 1995, les pratiques qui régnaient dans un IME, avait été condamné pour diffamation à trois mois de prison avec sursis et 20 000 francs d'amende. Aujourd'hui, deux éducatrices de cet établissement ont décidé à leur tour de parler. Vous devez sans doute connaître le cas, madame la ministre. Malgré ces révélations, et un rapport de l'IGAS plutôt accablant, en 1997, il semble que la justice vienne, hélas ! de classer l'affaire sans suite.

Le statut emprunté par certains des établissements prête à confusion. Est-il encore admissible de faire appel à ceux-ci pour répondre aux besoins du secteur social et médico-social ? Pourquoi les textes réglementaires, qui prévoient des conditions techniques à respecter, ne s'appliquent-ils pas dans certains de ces établissements ? Pourquoi certaines directions départementales des affaires sanitaires et sociales ne jouent-elles pas leur rôle de tutelle et de contrôle des établissements ainsi incriminés ? Autant de questions qui doivent nous interpeller et interpeller le Gouvernement.

Il est important, comme cela est proposé, d'affiner notre connaissance du nombre d'enfants maltraités et de la nature des violences commises pour répondre de façon efficace à ces situations. Hélas ! nous déplorons des manques criants en personnel compétent et formé : assistantes sociales, éducateurs spécialisés - même si vous avez annoncé des créations de postes -, psychologues et infirmières scolaires, juges pour enfants.

Depuis la loi du 10 juillet 1989, l'Etat a confié la protection de l'enfance à chaque président de conseil général. Il est à craindre que cela engendre, ici ou là, des


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inégalités de traitement entre départements. Il est donc normal que, comme le prévoit l'article 2 de la proposition de loi de notre collègue M. de Courson, les charges supportées par les départements soient compensées par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

En conclusion, bien que nous pensions qu'il serait d'abord judicieux de faire appliquer et respecter la législation existante pour renforcer la protection des enfants maltraités, les députés du Mouvement des citoyens voteront la présente proposition de loi. Ils souhaitent qu'elle contribue à permettre de mieux détecter les cas d'enfants maltraités dont le nombre, bien que sous-estimé, est encore trop important dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Charles de Courson, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi, sujet de notre discussion cet après-midi, mérite notre attention pour deux raisons essentielles. Tout d'abord, parce qu'elle est le fruit du travail des élèves d'une école et qu'elle a été adoptée par le Parlement des enfants. Elle est ainsi l'expression d'une citoyenneté que nous voulons ici même saluer et encourager. Mais ensuite et surtout parce que cette proposition de loi présentée par M. de Courson pose une question dont nul ne peut sous-estimer la gravité : la maltraitance des enfants.

Les enseignants sont les mieux placés pour détecter les situations difficiles et pour comprendre les enfants. Ils perçoivent les attitudes inhabituelles, révélatrices d'une forme de mal-être. Ils ont un rôle d'écoute privilégié.

Mais on constate que moins de 10 % des signalements judiciaires intervenus en 1998 ont trouvé leur origine dans le système éducatif.

Incontestablement, madame la ministre, l'école n'est qu'un acteur encore timide de la politique de lutte contre la maltraitance infantile et l'on ne peut que regretter l'insuffisance du nombre des infirmières et des médecins un pour 7 000 élèves dans les écoles - qui nous empêche aujourd'hui de répondre favorablement aux attentes des auteurs de cette proposition de loi.

La détection des maltraitances n'apparaît d'ailleurs pas encore comme une priorité de la médecine scolaire. L'intervention de cette dernière, conçue à travers des procédures d'urgence, peut se révéler tardive et ne s'insère pas dans une politique systématique de prévention que l'organisation actuelle des contrôles médicaux ne permet pas.

Quant aux psychologues, leur rôle est important. Mais, par manque de reconnaissance statutaire de leurs fonctions, leur travail est occulté. Leur nombre est très insuff isant. On en compte officiellement un pour 1 000 enfants. Mais souvent un pour 2 000, voire plus ! Que comptez-vous faire justement, madame la ministre, pour donner un véritable statut aux psychologues et multiplier leur nombre ? Je voudrais évoquer la maltraitance psychologique. Car si elle est moins perceptible, elle n'en est pas moins très d angereuse. Elle regroupe différentes modalités de communication parents-enfants, susceptibles d'être préjudiciables au bien-être de l'enfant. Six formes de mauvais traitements ont été individualisés : le rejet, l'indifférence, la corruption, le terrorisme parental, l'isolement-confinement et le dénigrement.

Les conséquences de la maltraitance psychologique sont graves. Le développement psycho-affectif de l'enfant est perturbé. L'enfant peut alors exercer de la violence sur autrui, s'isoler ou trouver refuge dans le mensonge et dans la fugue. Selon les médecins, la violence psychologique a un effet plus destructeur sur le développement de l'enfant que la violence physique elle-même.

En cette période de crise profonde que traverse notre société et, par conséquent, notre école : échec scolaire, violence, marginalisation, malaise des enseignants, nous devons élargir notre réflexion à partir de cette proposition de loi. La prévention et la détection des mauvais traitements passent par un dispositif d'action adapté au véritable mal que nous voulons enrayer.

Votre plan de relance de la santé scolaire, madame la ministre, mériterait de ne pas en rester au stade des bonnes intentions. Quelles actions précises allez-vous mettre en place ? Pourriez-vous faire afficher dans toutes les écoles, le numéro vert « Allô, enfance maltraitée » qui ne l'est pas toujours, alors que pourtant son efficacité est connue et reconnue ? Les départements, parce que la loi en a fait les principaux animateurs de l'action sociale en faveur de l'enfance, ont mis en place des dispositifs chargés de recueillir les informations relatives aux mineurs maltraités.

Je voudrais aussi citer le travail des associations qui, par leurs actions de terrain, agissent pour sensibiliser les enfants comme les adultes aux violences physiques, psychologiques, sexuelles. « Personne n'a le droit de faire subir un mauvais traitement à un enfant, pas même son père ou sa mère », lit-on dans ces plaquettes qui sont distribuées dans les boîtes aux lettres de nos villes et auprès des écoles.

Pourtant, en dépit des textes existants et des efforts entrepris, les résultats de la politique de lutte contre la maltraitance infantile demeurent décevants. Selon les instituteurs que j'ai rencontrés, de plus en plus d'enfants subissent des maltraitances et de plus en plus d'enfants font subir des violences à d'autres enfants. Certains sont ainsi engagés, dès l'école primaire, sur le chemin de la délinquance.

Si l'on prend en compte l'ensemble des enfants en danger, le nombre de signalements, selon la DASS, s'élèvait à 83 000 en 1998, qu'il s'agisse des enfants maltraités ou des enfants à risques, c'est-à-dire ceux qui, sans être maltraités, connaissent des conditions d'existence mettant en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité ou leur éducation.

Ces chiffres, hélas ! ne reflètent qu'une part de la réalité, car le signalement n'est pas toujours facile ; beaucoup hésitent. Et, cela a déjà été dit, les médecins et les tr availleurs sociaux qui signalent les cas de maltraitance sont souvent victimes de représailles. Plusieurs centaines sont interpellés dans le cadre de leur activité professionnelle, font l'objet de plaintes, de sanctions disciplinaires, d'assignations devant le tribunal. Que pourriez-vous faire, madame la ministre, pour remédier à cette situation ? Il est en tout cas judicieux - c'est le but de cette proposition de loi - de renforcer la prévention des maltraitances par des actions d'information et de sensibilisation à l'intérieur de l'école, une, deux, trois fois par an - et pourquoi pas plus ? A mon sens, il faut y associer les parents et les associations compétentes, qui ont souvent des difficultés à intégrer le système scolaire. Que pourrions-nous faire pour les y aider ? Certains parents ne savent pas comment élever leurs enfants et ont besoin d'être soutenus. Ne faut-il pas m ettre en place de véritables projets « d'école des parents » ? Vous aviez indiqué, madame la ministre,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

vouloir mettre en place des cellules d'écoute et des réseaux d'aide spécialisée aux enfants en difficulté. Où en sommes-nous aujourd'hui ? J'avais moi-même déposé, il y a deux ans, une proposition de loi pour qu'une véritable éducation à la santé et à l'hygiène alimentaire soit mise en place dans les écoles.

Quelles sont vos intentions sur ce sujet pour l'école primaire ? Mais quelle que soit ici même, sur les différents bancs, toute notre bonne volonté, je m'interroge. A quoi bon éduquer, informer, prévenir, si, dans le même temps, des scènes de violence sont livrées sans mesure par la télévision aux jeunes téléspectateurs ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Exactement !

M. Bernard Perrut.

A ma connaissance, aucun recensement des scènes de violence diffusées par les chaînes n'est régulièrement effectué et il faut le regretter. Je rappellerai cette enquête d'un hebdomadaire, qui, il y a quelque temps, a recensé pendant une semaine, sur toutes les chaînes, 670 meurtres, 15 viols, 848 bagarres, 419 fusillades ! Que penser, mes chers collègues, quand on sait que la télévision sert de baby-sitter, que les parents soient là où le plus souvent absents, du fait de leur activité ? Face à la carence des parents, l'enfant n'a pour tout repère que la télévision qui devient sa référence morale essentielle.

Dans les familles défavorisées, le problème est encore aggravé, car la télévision est souvent la seule source de loisirs et de références. « La télé m'a donné des idées », entend-on dire de la part de jeunes, et un certain mimétisme est observé dès le plus jeune âge. La relation de dépendance qui s'installe entre l'enfant et la télévision risque d'avoir des conséquences tout à fait préjudiciables.

En conclusion, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je rappellerai combien la famille a été pendant très longtemps le lien privilégié où l'enfant pouvait trouver le regard d'amour et le soutien nécessaire pour grandir et s'affirmer. Ce n'est plus toujours le cas aujourd'hui, hélas ! pour un certain nombre de raisons. Or le Gouvernement, et je ne suis pas convaincu qu'il en soit conscient, ne fait qu'aggraver cette situation avec la mise en place du PACS. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mais cela n'a rien à voir !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Jusqu'à maintenant, c'était bien. Mais là, vous avez déraillé !

M. Bernard Perrut.

L'école a un rôle essentiel à jouer.

Mais il en est de même de tous les citoyens engagés dans la vie associative, sportive ou culturelle. Une prise de conscience générale est indispensable. C'est pourquoi il est urgent, mes chers collègues, qu'au-delà même de ce texte qui nous est présenté par des enfants et dont la discussion n'aurait d'ailleurs pas eu lieu s'ils ne nous l'avaient pas proposée aujourd'hui, nous apportions des vraies réponses.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants y est particulièrement attentif, conscient que le monde de demain sera à l'image de nos enfants d'aujourd'hui.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si je souhaite intervenir dans le débat sur la proposition de loi visant à améliorer la détection des enfants maltraités ; c'est que la protection de l'enfance doit constituer une priorité nationale nécessitant la mobilisation de tous. Il s'agit bien, aujourd'hui, de donner un signe susceptible de renforcer le poids de la contrainte sociale et d'encourager les victimes à parler.

Ce signe est d'autant plus fort qu'il vient des enfants eux-mêmes. Le Parlement des enfants a, en adoptant ce texte, montré l'intérêt de cette démarche citoyenne visant à permettre aux enfants de notre pays de s'exprimer et de nous interpeller sur les questions qui les concernent au quotidien.

Les députés juniors ont insisté sur le fait qu'il était nécessaire de « faire prendre conscience aux enfants maltraités qu'il faut parler ». Nous avons, je crois, tous bien reçu ce message. A nous de le relayer, de redonner confiance à ces enfants en détresse et de montrer à ceux qui les persécutent qu'ils ne disposent pas d'un droit esclavagiste sur leurs enfants, mais que la société reste plus que jamais vigilante pour que les droits et l'intégrité physique et morale de l'enfant soient respectés.

La protection de l'enfance maltraitée était « la grande cause nationale » en 1997. Dans ce cadre ont été organisés de multiples rendez-vous d'analyse, de débat, de réflexion et de proposition. Ainsi, la rencontre de BelleIle, intitulée « Les enfants contre la maltraitance », a permis aux enfants de s'exprimer sur ce sujet. Leur témoignage est particulièrement poignant.

A la question « Pour toi, c'est quoi la maltraitance ? » ont été données les réponses suivantes : « C'est la violence morale et physique. C'est la négligence. C'est quand les adultes traitent les enfants comme des esclaves. »

A l'interrogation « Si un élève est maltraité dans ton établissement, que fais-tu ? », les enfants ont répondu :

« Je le dirai à un adulte en qui j'ai confiance. Je demanderai à mon camarade si c'est vrai et je lui dirai qu'il faut en parler. Je le dis à une assistance sociale et je lui raconte tout pour aider mon camarade. J'essaie de le persuader d'en parler. »

Leur expression est la meilleure illustration de leur engagement sur ce fléau qui les touche directement, de la solidarité qui les anime à l'égard de leurs camarades, mais aussi de la confiance qu'ils ont dans les adultes.

Devant l'ampleur du phénomène, il convient de se montrer digne de cette confiance. Ainsi, d'après l'Observatoire décentralisé de l'action sociale, 83 000 enfants étaient en danger en France en 1998 et 19 000 étaient directement maltraités : 7 000 étaient victimes de violences physiques, 5 000 d'abus sexuels ; 5 300 de négligences graves ; 1 700 de violences psychologiques. A chaque cas, une réponse particulière doit être apportée.

Pour que les enfants soient respectés dans leurs droits, la mobilisation de tous est nécessaire : membres de la famille, amis, personnels enseignants, travailleurs sociaux.

Apprendre à détecter les signes de souffrance chez les enfants, passer le relais aux autorités compétentes sont des notions qui doivent se diffuser largement Ce texte y contribuera, en mettant en avant l'importance de la prévention et en favorisant la libération de la parole.

Nous fêtons cette année le dixième anniversaire de l'adoption par les Nations unies de la convention internationale des droits de l'enfant. Il est particulièrement intéressant, à cette occasion, de faire le bilan de son application dans notre pays.


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Plus largement, de grands progrès ont été accomplis depuis cette année 1989.

Tout d'abord, la loi du 10 juillet 1989 a renforcé la politique en faveur de l'enfance maltraitée en nommant la maltraitance et en imposant l'obligation de signaler à l'autorité judiciaire toute situation de maltraitance ou de mauvais traitements. La même loi a institué le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, devenu le 119, qui reçoit plus d'un million d'appels par an, offrant vingt-quatre heures sur vingt-quatre information et soutien. Elle contenait aussi les premières dispositions relatives au statut du mineur victime.

La loi que nous avons votée en juin 1998 a renforcé la répression des infractions sexuelles. Elle a instauré le suivi socio-judiciaire, développé les mécanismes d'écoute et amélioré encore le statut du mineur victime.

De nombreuses campagnes de prévention et d'information, soutenues par de multiples associations particulièrement actives et efficaces, ont complété ce dispositif législatif. La grande cause nationale de 1997 a ainsi permis une plus grande mobilisation des professionnels de l'enfance et conduit à une nouvelle prise de conscience de nos concitoyens.

Très récemment, de nouvelles mesures ont été présentées dans le cadre de la journée du 24 septembre, destinée à mobiliser les professionnels de l'enfance et, au-delà, à sensibiliser l'opinion. Ces mesures se déclinent en six principaux aspects : le renforcement de la prévention ; l'accueil et le suivi des enfants victimes de maltraitance ; l'amélioration des outils statistiques et épidémiologiques ; une meilleure évaluation des situations ; le renforcement de la lutte contre les violences en établissement ; la nécessaire protection des professionnels.

Cette sensibilisation sur l'enfance maltraitée doit couvrir l'ensemble des aspects et des lieux de la vie de l'enfant, afin d'aller vers une maîtrise progressive de ce phénomène inacceptable. L'effort doit porter tout particulièrement sur l'école, lieu où l'enfant passe le plus clair de son temps hors de la cellule familiale.

Je veux à ce propos signaler le travail engagé par Mme la ministre déléguée à l'enseignement scolaire, le 20 novembre dernier, à l'occasion du dixième anniversaire de l'adoption par les Nations unies de la convention des droits de l'enfant.

L'école est un lieu d'éducation, de prévention et de protection. Elle a pour mission de sensibiliser les enfants à la prise en compte des risques qu'ils peuvent encourir dans la vie quotidienne. Il lui appartient aussi d'aborder les sujets qui concernent la sécurité des enfants, en particulier la lutte contre la maltraitance et les violences physiques.

Deux actions ont été engagées dans ce cadre : une présentation générale de la convention et la distribution du

« passeport pour le pays de prudence ». Ce document a pour objectif d'apprendre aux enfants à se protéger sans devenir méfiants. En effet, se protéger du danger, ce n'est pas douter du monde mais prendre confiance en soi. Le corps d'un enfant n'est pas un jouet. L'enfant doit respecter son corps, respecter celui des autres et les adultes doivent le respecter.

Pour améliorer encore le rôle de l'école dans la lutte contre les violences à enfants, en lui permettant de mieux contribuer à la détection des enfants maltraités, la proposition de loi nous fournit deux moyens : le renforcement du rôle joué à cet égard par les visites médicales obligatoires au cours de la scolarité et l'organisation d'une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée.

Je me félicite que soit confiée à la médecine scolaire la mission de prévenir et de détecter les cas de maltraitance.

Cette responsabilité devra s'exercer en liaison avec l'enseignant afin de bien détecter les signes de mauvais traitements. La complémentarité entre médecin et enseignant apparaît évidente au regard de ces signes, aujourd'hui connus.

Ainsi, l'enfant victime de maltraitance physique présente des traces de brûlures, des ecchymoses ; il souffre de perte de poids, de chute des cheveux, de manifestations régressives ou de désinvestissement de la scolarité.

L'enfant victime de maltraitance psychologique ou délaissé est triste, craintif, replié sur lui-même ou provocateur.

L'enfant victime d'abus et sévices sexuels est triste, d'attitude changeante, dépressif, souvent atteint dans des fonctions créatrices ; des attributs sexuels peuvent apparaître dans ses dessins.

Il s'agit donc bien d'une complémentarité à trouver entre l'examen médical à un moment donné, orienté sur la détection des maltraitances, et le suivi quotidien, étalé dans le temps, assuré par l'enseignant, susceptible de noter les bouleversements du comportement de l'enfant.

L'école est un lieu priviligié de détection et d'action des enfants en danger. Les enseignants, les personnels éducatifs de santé ont un rôle à jouer dans ce domaine.

Je me félicite que nous puissions le renforcer.

Le second volet de la proposition de loi est relatif à la séance annuelle d'information et de sensibilisation.

J'ai souhaité amender ces dispositions en précisant que c ette réunion devrait être clairement inscrite dans l'emploi du temps des élèves, afin qu'elle ait une plus g rande portée et qu'elle constitue un rendez-vous incontournable.

Il me paraît également important que ces séances soient organisées à l'initiative du chef d'établissement et qu'elles associent l'ensemble des personnels de l'équipe éducative, mais aussi les familles et les associations investies dans la lutte contre la maltraitance.

Cet outil permettra à l'école de se placer à la tête de cette mission empreinte de gravité, tout en faisant preuve de l'ouverture nécessaire à la libération de la parole.

Les actions en faveur des familles devront être au coeur de ce travail dans une dynamique collective d'échanges.

Les parents doivent pouvoir rencontrer d'autres parents et, le cas échéant, des professionnels qui se mettent à leur écoute et les aident à surmonter leurs difficultés afin qu'ils ne basculent pas du comportement à risque aux actes de maltraitance.

Les réseaux de parentalité constituent des outils privilégiés de prévention qu'il convient d'associer, avec les associations, à la détection des sources potentielles de violences, de mauvais traitements et de maltraitance.

L'enfant maltraité et son entourage restent bien souvent dans le non-dit, dans une situation malsaine où les victimes endossent une certaine culpabilité. En libérant la parole, en informant les enfants sur leurs droits, en dénonçant les maltraitances, en renforçant la pression de la société sur les bourreaux, nous donnerons aux enfants maltraités le courage de se libérer de leur fardeau.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.


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Mme Martine Aurillac.

Monsieur le président, madame la ministre, cette année encore, le Parlement des enfants a choisi une proposition de loi d'une excellente inspiration puisqu'elle vise à améliorer la prévention et la détection des mauvais traitements à enfants, plus particulièrement au sein des écoles.

Cette proposition de loi, reprise par notre collègue Charles de Courson, député de la circonscription des élèves du CM2 initiateur de ce texte, est inscrite à l'ordre du jour de ce 7 décembre, quelques jours après le dixième anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant de l'ONU, signée en 1990 par la France, qui ainsi faisait sienne une nouvelle approche de l'enfant.

Peu de temps avant cette entrée en vigueur, le droit f rançais avait commencé à subir des modifications notables. Ainsi, la France s'était dotée, le 10 juillet 1989, d'une loi relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance, permettant notamment aux autorités d'être mieux armées pour prendre la mesure de la maltraitance et ajuster les politiques de prévention et de protection.

Cette loi a également décidé la création d'un service national d'accueil téléphonique, le SNATEM, devenu en mars 1997 un numéro d'appel simplifié, le 119, plus facilement mémorisable par les enfants et n'apparaissant pas sur les factures de téléphone. Depuis l'installation de ce service, on a assisté, au fil des ans, à une accélération des signalements d'enfants en risque, due à l'impact de la crise sociale sur la famille mais aussi, bien sûr, à un meilleur taux de signalement.

Pour compléter les dispositifs mis en place en 1989, un programme national d'action contre les atteintes à la dignité et à l'intégrité des enfants, intitulé « Agir pour la protection des enfants maltraités », a été mis en place par le gouvernement d'Alain Juppé, le 20 novembre 1996.

L'année suivante, la protection des enfants maltraités a été déclarée grande cause nationale. Dans ce cadre, un très large dispositif de communication a été mis en place pour sensibiliser l'opinion publique et développer de nouvelles initiatives concrètes de prévention, mais aussi de formation des professionnels. Un comité interministériel a été créé cette année-là afin de définir la politique d e lutte contre les maltraitances d'enfants. Parallèlement, toujours sous l'impulsion du gouvernement d'Alain Juppé, un groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée a été installé le 24 avril 1997.

Cet effort a été poursuivi, notamment par trois circulaires : celle du 27 mai 1997 coordonnant la prise en charge dans chaque région des victimes d'abus sexuels ; celle du 26 août 1997 rappelant les textes qui définissent les différents abus et attirant l'attention sur l'assistance psychologique à apporter, sous forme de cellule d'écoute, à la communauté scolaire en cas de procédure judiciaire ; enfin, celle du 5 mai 1998 rappelant aux préfets leur obligation de vigilance et de saisine de l'autorité judiciaire dans les divers cas de maltraitance.

Il serait en effet fort utile, comme l'a souligné l'un des intervenants, de savoir où en est exactement l'application de ces circulaires.

Un guide de méthodologie à l'attention des médecins inspecteurs de santé publique et des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales a été réalisé sur cette lancé e. Dans le domaine de la prévention et de l'information sur l'enfance maltraitée, des progrès restent à faire, car chacun sait que la chape du non-dit est encore bien lourde et que le taux de révélation reste encore très faible.

Notre rapporteur a donné à cet égard des chiffres intéressants.

Certaines mesures supplémentaires ont été préconisées dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur l'état des droits de l'enfant en France, présidée par Laurent Fabius. Il s'agissait notamment de multiplier les points d'affichage du numéro vert du SNATEM dans les écoles, de lancer à intervalles réguliers sur les grands médias, dont M. Perrut a rappelé l'importance en ce domaine, des campagnes nationales d'information sur la maltraitance, mais également d'augmenter le nombre d'infirmières en milieu scolaire et de moderniser les concepts d'intervention de la médecine scolaire en développant les pratiques de diagnostic fondées sur la parole de l'enfant.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui n'arrive donc pas en terrain vierge ; elle va dans le même sens que les initiatives antérieures en utilisant le milieu scolaire pour tenter d'aller un peu plus loin. C'est ainsi qu'elle prévoit deux mesures très simples : l'organisation, tout au long de la scolarité, d'une visite médicale annuelle ayant notamment pour objet de détecter les différents cas de maltraitance ; l'instauration d'une séance d'information annuelle sur l'enfance maltraitée, dans l'ensemble des établissements scolaires, à l'intention des élèves. Un certain nombre de collectivités locales ont déjà donné l'exemple : je pense en particulier à Paris.

Les charges supplémentaires qu'entraîne cette mesure sont compensées à l'article 2.

Notre commission, sur proposition de son rapporteur, a adopté de judicieuses modifications à ce texte, afin d'en renforcer encore la finalité et d'apporter quelque réalisme dans son exécution. Il s'agit essentiellement d'insister sur le rôle de la médecine scolaire et de l'école dans la prévention des maltraitances physiques, sexuelles ou psychologiques des enfants en danger, de prévoir « au moins » une séance annuelle de sensibilisation, car une seule ne suffit pas, et d'associer les familles aux actions de prévention. C'est essentiel car, dans une matière aussi sensible, il faut bien entendu toujours privilégier le dialogue.

Ainsi modifiée, la présente proposition de loi permet d'ajouter aux divers dispositifs existants un moyen supplémentaire d'information et de détection des cas d'enfants maltraités. Même si elle relève plus du règlement que de la loi, nous ne bouderons pas pour autant l'initiative sympathique de nos jeunes collègues d'un jour.

Ce texte consensuel s'inscrit très largement dans l'adaptation du droit français à la convention sur les droits de l'enfant. Il va dans le sens de l'une de ses stipulations les plus emblématiques : le droit à l'expression de l'enfant.

Nous devons continuer à mettre en oeuvre des moyens pour briser cette loi du silence qui a trop longtemps étouffé la parole de l'enfant. Les premiers pas ont été franchis. Même s'il nous faut sûrement aller plus loin encore, cette proposition de loi ne peut que contribuer à renforcer les droits de l'enfant. C'est pour cette raison que le groupe RPR la votera volontiers.

M. Bernard Perrut.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez, avant de développer mon propos, de rendre hommage aux 577 enfants qui, le 5 juin dernier, occupaient les bancs de cet hémicycle et décidaient d'adopter une proposition de loi visant à améliorer la détection des enfants


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maltraités. Vous noterez qu'après leurs aînés de 1997, les enfants ont à nouveau adopté un texte relatif au droit à la santé.

Bien entendu, je me félicite qu'il nous soit demandé de faire de cette proposition une loi de la République. Ce moment m'apparaît important, car c'est une manière de dire aux enfants qu'on prend en compte leur avis, qu'on les considère comme des personnes à part entière. A travers les choix effectués par leur Parlement depuis plusieurs années, je les vois surtout poser la question de leur rôle dans la société. Ils souhaitent être protégés, mais pas seulement : ils souhaitent aussi être acteurs, être partenaires à part entière des efforts entrepris. Avec cette proposition de loi, ils nous disent : « Vous pouvez compter sur nous pour lutter contre la malveillance envers certains d'entre nous. »

Les enfants ont certes besoin d'instruction civique, mais ils attendent aussi qu'on les incite à exercer leur citoyenneté. Il me semble que si les parlementaires donnent l'exemple de la prise en compte de la parole des enfants et des jeunes, ils enverront un message fort à toute la société et à tous les adultes, dans cet effort d'éducation à la citoyenneté.

A partir d'un constat responsable de la gravité de ces violences, les enfants contribuent à rompre un préjugé qui a longtemps prévalu, selon lequel les maltraitances envers les enfants n'existaient pas au quotidien. C'est pourtant une réalité récurrente dans notre société, et pas seulement quand l'actualité s'en empare.

Mais les enfants, enfermés dans une dépendance totale, ignorant souvent tous leurs droits et craignant les conséquences de leur témoignage, hésitent à dénoncer les violences dont ils sont victimes ou se taisent. Trop souvent, les voisins ferment un peu les yeux, peut-être par peur des représailles, peut-être parce qu'ils pensent que les autorités jugeront, sanctionneront, condamneront naturell ement. Quant aux professionnels, aux médecins, peuvent-ils alerter sans risquer d'être injustement pénalisés, comme nombre de leurs confrères tombés sous le coup de procédures de licenciement pour avoir signalé des sévices envers des enfants ? La protection des enfants doit être l'affaire de tous. A l'image de ces enfants qui nous ont fait l'honneur de siég er à l'Assemblée nationale, chacun doit se sentir concerné. Educateurs, parents, juges, policiers, enseignants, pouvoirs publics, collectivités, tous doivent conjuguer leurs efforts pour briser la loi du silence.

Prévenir ces gâchis d'enfance, ces crimes et ces blessures n'est pas impossible, et peut-être le peut-on d'abord en s'attaquant aux raisons profondes du malheur des familles. N'y a-t-il pas lieu de rechercher aussi dans la pauvreté, le chômage, la désespérance, le mal-vivre, ces tensions qui font payer aux enfants le lot de rancoeurs, d'angoisses et de déséquilibres imposés aux adultes, tensions qui compromettent leur vie ou leur développement ? Je tiens à souligner combien je me félicite que nous abordions la discussion de cette proposition de loi quelques jours après avoir débattu, ici même, des droits de l'enfant. Je considère, en effet, que leur promotion est un moyen de mieux nous armer contre la maltraitance dont certains sont victimes.

En cette année 1999, année anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant, année anniversaire, aussi, de la loi de prévention des mauvais traitements contre des enfants mineurs, il nous revient de légiférer afin de faire progresser réellement ces droits.

Au premier rang d'entre eux figure incontestablement le droit des enfants à être protégés contre toute atteinte à leur intégrité physique et morale. Bien que les sources statistiques aient des limites objectives et ne nous permettent pas d'évaluer le nombre de mineurs en danger, nous savons que les juges pour enfants traitent, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de dossiers. La complexité des situations nécessite une multiplicité d'interventions dans la prise en charge de l'enfance maltraitée.

Si les coups administrés aux enfants par les adultes, dans les familles ou, plus rarement, dans les institutions, sont les violences les plus fréquentes, nous devons nous montrer également attentifs aux maltraitances psychiques - humiliations, abus d'autorité, vexations ou brimades ou, plus grave encore, aux agressions à caractère sexuel.

Conscients que la détection de ces actes graves se heurtaient à des blocages réels, les 577 enfants réunis en juin ont souhaité donner à l'école une place et un rôle particuliers. Ils ont donc proposé l'organisation obligatoire d'une visite médicale annuelle dans chaque classe à partir de la maternelle en précisant que l'information ne devait être donnée que la veille. Ils ont ainsi recherché l'efficacité.

Bien évidemment, ces mesures induisent des moyens en termes de personnel médico-scolaire et nous interpellent sur la nécessité de prendre acte des insuffisances en la matière. J'aurais d'ailleurs préféré que nous abordions cette question autrement qu'en adoptant un amendement du rapporteur lui-même supprimant cet aspect important de la proposition des enfants, au motif que

« cela représenterait une dépense publique inutile au regard des résultats espérés ».

En fait, on risque d'en rester à la situation actuelle qui ne prévoit que trois contrôles au cours de la scolarité : l'un dans le cadre de la protection médicale infantile, l'autre au cours de la sixième année, et un dernier en fin de collège.

L'objectif de la loi risque donc d'être insuffisamment atteint. Je pense qu'on ne peut pas dire en même temps aux enfants qu'on les écoute et, ensuite, ajouter que ce soit à condition que cela ne coûte rien. Cela constitue un double langage qui porte atteinte à l'efficacité du Parlement des enfants.

D'ailleurs, sur la question du rôle de l'école en matière de santé, je rappelle que la proposition adoptée par les enfants en 1997, qui prévoyait la création d'un poste d'infirmière par groupe scolaire, n'a toujours pas étér eprise par les parlementaires. Nous ferions bien d'entendre vraiment les enfants qui ont compris combien l'école peut jouer un rôle majeur pour avancer vers l'égalité de tous devant le droit à la santé.

Notre assemblée pourrait faire preuve de plus de volonté et mettre ses actes en conformité avec les bonnes intentions affichées, d'autant qu'il reste énormément à faire en matière de santé scolaire. Nous n'en sommes plus aux années de stagnation qui ont précédé l'arrivée d'une nouvelle majorité dans le pays.

Cependant, si les efforts entrepris depuis 1997 sontr éels, ils demeurent insuffisants pour répondre aux besoins. Récemment, les infirmières, les médecins, les assistantes sociales, les psychologues scolaires ont encore fait valoir, de façons diverses, leurs exigences d'une médecine scolaire efficace. Tant que nous n'aurons pas décidé d'abonder fortement les moyens mis à la disposition de la médecine scolaire, nous ne pourrons pas vraiment avancer sur cet important chantier.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Le deuxième volet de la proposition prévoit l'organisation d'une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée associant les familles, les représentants des services publics de l'Etat, des collectivités locales et des associations intéressées. Cette disposition est d'autant plus opportune que, selon certaines études, 80 % des parents qui maltraitent leurs enfants ont euxmême subi des mauvais traitements durant les premières années de leur vie. N'y aurait-il donc pas lieu, pour éviter que le phénomène ne se perpétue, d'envisager, avec les enfants victimes, un suivi particulier de longue durée ? Bien entendu, les députés communistes voteront cette proposition de loi en étant persuadés que la lutte contre la maltraitance des enfants doit aussi s'accompagner de diverses autres mesures. J'ai en tête les efforts accomplis par le Gouvernement dans le combat contre les abus sexuels. Je pense aussi à la distribution à tous les élèves, d'un niveau scolaire déterminé, de plaquettes d'information sur les droits de l'enfant et sur la maltraitance, adaptées aux jeunes enfants, et tenant compte des travaux de la commission parlementaire d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, qui avait rendu son rapport au mois de mai 1998.

Outre le constat qu'il est indispensable d'augmenter le nombre de professionnels de santé au sein des établissements scolaires, enjeu que je viens d'évoquer, il y était précisé un certain nombre de propositions dont certaines ont trait à la lutte contre les maltraitances et qui demeurent toujours d'actualité.

Il est évident que cette lutte passe par l'information et p ar la détection. Aussi était-il notamment proposé d'étendre l'obligation d'affichage du numéro vert du SNATEM dans les lieux publics, en particulier dans les salles de cours. Cette mesure peu onéreuse permettrait de lutter efficacement par l'information.

Les enfants nous avaient également proposé un film. Il faudrait aussi travailler sur cette possibilité, car chacun sait combien l'audiovisuel peut être efficace auprès des jeunes.

Permettez-moi d'évoquer également la formation des personnels enseignants et soignants de l'éducation nationale. Guère plus de 4 % des infirmières et des assistances sociales sont en effet formés au problème de la maltraitance, ce qui constitue un chiffre catastrophique, pour reprendre votre terme, madame la ministre.

J'ai aussi relevé que, lors de votre audition par la commission d'enquête, vous nous aviez informés de la décision du Gouvernement d'intégrer des modules sur le sujet dans la formation des stagiaires en IUFM.

L'école est un lieu privilégié pour détecter les maltraitances. Généraliser la scolarisation dès l'âge de deux ans permettrait d'avancer sur le défi qui nous rassemble aujourd'hui, comme cela avait été le cas l'an dernier avec le texte adopté à l'initiative des députés communistes sur l'obligation scolaire, car il avait aussi pour but d'éviter une maltraitance particulière, celle dont sont victimes les enfants vivant à l'intérieur d'une secte.

Nous voterons donc cette proposition de loi.

Les enfants peuvent compter sur moi - et j'invite, en cette occasion, l'ensemble des députés à agir de même pour rendre compte de nos débats aux enfants de ma circonscription afin de leur permettre d'être actifs dans le combat contre la maltraitance des enfants.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer cette initiative consensuelle. Etant, pour la plupart, père ou mère de famille, nous ne pouvons qu'être sensibles à cette proposition qui procède d'un constat extrêmement inquiétant : dans un pays aussi riche que le nôtre, doté d'autant de moyens, un nombre croissant d'enfants est victime de mauvais traitements et de sévices de la part de leurs parents, d'autres adultes, voire d'autres enfants. En la matière nous devrions réaliser de notables progrès.

Il ne faut pas oublier, pour autant, que, dans d'autres pays, comme nous le montrent des images terribles sur nos écrans, des enfants sont transformés en soldats pour faire la guerre ou sont victimes de famines. Nous devons donc penser aussi à la situation de ces enfants dans les pays du Sud et ne pas seulement considérer ce qui se passe chez nous.

Selon les rapports qui ont été présentés par différents organismes, 19 000 enfants maltraités ont été signalés en France en 1998 et 83 000 enfants seraient en danger, sans parler de tous ceux qui sont déjà placés dans des instituts ou qui font l'objet de mesures de suivi. Ces chiffres sont accablants et pourtant ils ne comprennent que les cas signalés. Il faut encore affiner nos outils d'évaluation pour avoir une idée plus précise de l'importance des maltraitances.

Cette réalité choquante, intolérable, exige que soient prises rapidement des mesures concrètes : cette initiative en fait partie. Néanmoins, il faut qu'elle soit perçue non pas comme une simple bonne action de fin d'année, mais comme un élément positif dans une démarche globale et volontariste pour traiter non seulement des effets, c'est-àdire de la maltraitance telle que nous pouvons la constater, mais également des causes de ce phénomène.

L'accès à un numéro vert a beaucoup aidé à rendre plus performant le repérage des enfants maltraités, mais c ette disposition n'est pas suffisante, car beaucoup d'enfants n'osent pas encore se manifester.

Je tiens donc à saluer cette initiative et à y féliciter les enfants qui l'ont prise. Je souhaite d'ailleurs que l'on puisse progresser en matière de citoyenneté des enfants eux-mêmes. Le cadre scolaire apparaît bien adapté à cette initiative qui recouvre deux mesures : les visites médicales obligatoires et les réunions de sensibilisation et d'information.

A ce propos je veux formuler quelques remarques et poser des questions sur le rythme des visites.

Chacun connaît le grand désarroi, la grande misère, dirais-je même, de la médecine scolaire. Il faudra donc bien organiser ces visites chaque année. En l'occurrence les visites inopinées, même si elles ne sont pas faciles à m ettre en oeuvre, seraient préférables à des visites rituelles. En effet les parents, informés, pourraient ne pas envoyer les enfants concernés à l'école ce jour-là. Entre le droit légitime des familles à être informées et le souci d'efficacité, il faudra trouver un juste milieu.

Nous avons également besoin de relais institutionnels, les instituteurs, les enseignants, les travailleurs sociaux, les personnels de la justice, devant tous travailler en cohérence. En effet la détection des enfants maltraités relève non seulement du domaine de la médecine scolaire, mais aussi des travailleurs sociaux, des psychologues, de toute sorte de personnels dont il faut renforcer les rangs et mieux coordonner le travail.

Par ailleurs, quid des adolescents ?


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La proposition, excellente, qui nous est présentée paraît mieux convenir à des enfants assez jeunes, mais la maltraitance des adolescents, même si les lycées sont concernés, présente un certain nombre de caractéristiques qu'il faudra également prendre en compte.

Nous nous interrogeons aussi au regard des moyens financiers.

J'ai bien relevé, madame la ministre déléguée, les efforts que vous consentez pour relancer la santé scolaire, pour augmenter le nombre de postes d'infirmière scolaire et d'assistance sociale en milieu scolaire. Néanmoins, élue d'une circonscription rurale, je crains que n'apparaissent des disparités entre les départements et entre les écoles selon qu'elles seront situées en milieu urbain ou en zone rurale. Il ne faudrait pas que les écoles les plus isolées et les plus éloignées ne puissent bénéficier de la visite de ces personnels, qui seraient trop concentrés dans les milieux urbains, pour des raisons financières évidentes. Toutes les écoles, tous les collèges et lycées doivent être concernés par ces mesures et pas seulement les départements ou les agglomérations les mieux dotés en moyens.

Il est également indispensable de s'attaquer de façon très volontariste aux causes de ces maltraitances et insister, encore et toujours, sur la prévention et l'information.

Ainsi que cela a été souligné, en effet, nombre de ces maltraitances sont le fait de parents qui ont eux-mêmes été maltraités. Ainsi que le relèvent tous les rapports, il faut mettre l'accent sur la situation des familles monoparentales, notamment lorsqu'il s'agit de femmes extrêmement démunies, en plein désarroi, sans travail, ou ayant beaucoup de mal à se déplacer et à faire garder leurs enfants. Nous devons accentuer nos efforts en leur faveur.

Il convient également de s'interroger sur notre modèle de développement, extrêmement consumériste, individualiste, dans lequel l'argent et le rapport de force sont exaltés en permanence, notamment dans certains médias. A cet égard, il me paraît nécessaire de renforcer et de promouvoir les initiatives prises dans plusieurs départements, avec la création de véritables écoles des parents, de maisons de la famille, de lieux de rencontre et de dialogue où les parents peuvent exposer leurs difficultés et rencontrer des personnels à même d'améliorer leur situation. Veillons aussi à éviter une judiciarisation excessive des cas de maltraitance.

Enfin, il nous faudra toujours, dans cette démarche globale, accroître les capacités d'action des associations. A cet égard le statut de la loi de 1901 est obsolète aujourd'hui, nous le savons tous. Si nous voulons réaliser des progrès en la matière il sera indispensable de doter les associations de capacités et de moyens tant juridiques que financiers, afin de leur permettre de mener à bien la mission essentielle qu'elles exercent, dans ce domaine comme dans tant d'autres.

Bien sûr, les députés Verts voteront sans aucune hésitation ce texte qui traduit un effort volontariste qu'il faut poursuivre. Nous voulons, nous aussi, contribuer à assurer le bien-être des générations d'aujourd'hui, par solidarité avec les générations futures.

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert.

Madame la ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné les orateurs précédents, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui fait suite au travail réalisé par le Parlement des enfants en 1999. Depuis plusieurs années maintenant, nous transformons en loi de la République les préoccupations des enfants.

En 1999, les députés juniors ont mis en avant un problème que l'on a parfois encore du mal à évoquer : la maltraitance des enfants. Les mauvais traitements infligés aux enfants sont des maux qui résultent d'une action ou d'une inaction humaine proscrite et qu'il est possible d'empêcher.

Que met-on sous le terme de maltraitance à enfant ? Il s'agit, en premier lieu, des mauvais traitements physiques. On y distingue les enfants battus par leurs parents, les enfants martyrs, les enfants battus dans les institutions et les homicides d'enfants pour raisons économiques, religieuses, culturelles ou personnelles.

En second lieu, cela vise la privation de soins physiques. Elle peut être la conséquence de la pauvreté, de l'ignorance, ou du fait que des parents sont incapables, par retard mental ou difficultés psychologiques, d'apporter les soins nécessaires à leurs enfants.

Ensuite, je citerai la cruauté mentale qui est avant tout une violence psychologique.

Enfin, j'en terminerai en évoquant les mauvais traitements à caractère sexuel, au premier rang desquels figure l'inceste.

Le texte adopté par le Parlement des enfants souligne qu'ils avaient été choqués par la lecture d'articles dans divers journaux. Ils ont ainsi constaté qu'ils connaissaient des camarades battus ou retirés de leur famille.

En 1998, plus de 80 000 enfants en danger ont été signalés et 20 000 cas de maltraitance à l'encontre de mineurs ont été relevés. Ces chiffres s'appuient sur le nombre de signalements faits à l'aide sociale à l'enfance, mais ils ne traduisent pas complètement l'ampleur du phénomène dans une société où prévaut encore, à ce sujet, la loi du silence et où il est difficile de mettre en évidence de tels comportements.

Comment peut-on, alors, interpréter ces chiffres, en hausse constante, de cas signalés ? Faut-il y voir l'effet des campagnes de sensibilisation de ces dernières années, dans les écoles notamment, de la forte médiatisation des phénomènes de maltraitance, de l'amélioration de la formation des travailleurs sociaux, du recours plus usuel au serv ice national d'accueil téléphonique de l'enfance maltraitée ? Dans la quasi-totalité des cas, les auteurs des maltraitances sont des membres de la famille et les familles socialement exclues, précarisées et déstructurées sont surreprésentées.

Dans 30 % des cas, les enfants maltraités ont moins de cinq ans, 36 % ont entre six et onze ans.

Elus, associations, éducateurs, parents, ce problème est de notre responsabilité.

Un enfant qui subit des sévices, quelle que soit leur nature, se sent coupable, coupable de ne pas savoir se faire aimer, coupable du mécontentement de l'adulte.

Souvent, il a peur, et laisse perdurer les actes dont il est la victime.

Comment mettre en évidence de tels comportements ? Comment sensibiliser et alerter les enfants ? Il faut reconnaître à l'enfant le droit d'être entendu comme victime, lui faire comprendre que la loi est là pour le protéger ; c'est un enjeu capital pour son développement. Il est primordial aussi de lui faire admettre que l'on n'a pas le droit de le battre et qu'il ne doit pas laisser faire un adulte qui porte atteinte à son intégrité physique et morale.

L'enfant doit recevoir des informations sur ce qu'il est normal d'accepter ou pas, quand il s'agit de son corps.


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Mais comment transmettre ces messages ? Protéger l'enfant exige attention et écoute de la part des professionnels qui l'entourent.

Quel peut être le rôle de l'institution scolaire ? A la demande des enseignants, je vais régulièrement à la rencontre des élèves, dans le premier comme dans le second degré. Déjà, l'an passé, j'ai été étonnée de certaines questions relatives au problème que nous évoquons a ujourd'hui. Les enfants de plusieurs classes m'ont demandé où s'adresser, que faire pour aider un camarade qui souffre. A ma grande surprise, l'un d'entre eux m'a cité le numéro d'appel « de SOS Violences ».

Il m'apparaît donc que l'ensemble de la population scolaire manque d'information, car le premier geste de l'enfant maltraité serait de contacter un adulte dans son entourage, éducateur, voisin, enseignant, assistante sociale.

S'il n'ose pas le faire, on doit lui signaler les numéros de téléphone qu'il peut joindre gratuitement et où, anonymement, il recevra les conseils adéquats.

Mais qui peut apporter l'information ? Des assistants sociaux, des médecins, des policiers, des gendarmes, et, bien sûr, des enseignants car ils sont, semble-t-il, susceptibles de repérer plus facilement un enfant en souffrance, puisqu'ils le côtoient au quotidien.

Or, les enseignants n'ont pas reçu de formation adéquate qui leur permette de répondre à une attente, parfois muette d'un enfant. Il serait peut-être souhaitable, s'ils le désirent, de la leur dispenser.

Il est vrai qu'un fait isolé peut être suffisant pour révéler une maltraitance mais, le plus souvent, c'est un faisceau d'indices qui alerte l'attention de l'adulte. Il arrive qu'un enseignant remarque des traces de blessure ou des ecchymoses sur le corps d'un élève, notamment au cours des activités sportives. Il peut être aussi mis en éveil par des difficultés relationnelles. En effet, l'enfant ou l'adolescent peut exprimer sa souffrance dans son rapport au travail scolaire.

Toutefois, tiraillés entre le respect du secret professionnel, le souci de la transparence avec les parents et l'indispensable protection de l'enfant, ils ne savent plus très bien ce qu'il faut dire ou pas. Or, l'article 434-3 du nouveau code pénal fait obligation à toute personne ayant connaissance de mauvais traitement infligé à un mineur de moins de quinze ans, d'informer les autorités judiciaires ou administratives sous peine de sanction pénale.

Les enseignants s'interrogent parfois sur un droit moral de réserve vis-à-vis de l'enfant, qui peut vivre comme une trahison la révélation d'une confidence. Il est donc nécessaire de dire à l'enfant ce que ses confidences peuvent entraîner et l'amener à y consentir.

L'enseignant se doit alors d'informer l'infirmière ou le médecin scolaire.

L'infirmerie est, à cet égard, un lieu d'observation privilégié dans les écoles primaires et les collèges. Les infirmières reconnaissent que lorsqu'elles sont averties, elles se renseignent auprès des professeurs, des conseillers pédagogiques d'éducation, des assistantes sociales, parfois même du substitut des mineurs. C'est bien, disent-elles, de connaître l'avis des personnes concernées pour ne pas commettre d'erreur.

Ces professions médicales ou sociales sont déliées du secret professionnel en cas de découverte de sévices ou de privations sur un mineur et sont tenues d'alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives, mais malgré les efforts budgétaires consentis depuis deux ans, ces personnels sont encore en nombre insuffisant dans les établissements scolaires.

Ces professions soulignent aussi leurs difficultés à franchir le pas du signalement à l'administration et à la justice. Elles sont prises entre le risque de commettre une dénonciation abusive et le risque d'abandonner un enfant en danger.

Si l'obligation de révéler est fermement énoncée, elle n'est pas pour autant facile à assumer. On le voit bien, pour tous les intervenants de la communauté scolaire, il n'est pas aisé de trouver la meilleure solution à la maltraitance.

La proposition de loi qui nous est soumise répond en partie au problème.

Une visite médicale annuelle pourrait, en effet, permettre de détecter certains enfants en souffrance physique. Mais c'est en donnant l'information la plus large et la plus complète possible que nous arriverons à faire prendre conscience aux enfants de la réalité de la maltraitance.

Ce sont tous les intervenants de la communauté éducative et les parents qui doivent se retrouver pour participer à cette information, avec les services de la protection maternelle et infantile.

A cet égard, la circulaire du 4 novembre 1999, parue au Bulletin officiel de l'éducation nationale , marque bien la volonté de faire prendre conscience aux enfants du problème de la maltraitance.

Ce « passeport pour le pays de la prudence » sera remis aux élèves de CE 1. C'est un code de conduite de l'enfant au cas où il serait victime de mauvais traitements ou de violences sexuelles.

Cette démarche, voulue par le ministère de l'éducation nationale, fait bien de l'école un lieu d'éducation, de prévention et de protection.

D ans l'académie de Toulouse, les professeurs de l'équipe mobile de remplacement pédagogique, qui interviennent lorsque les professeurs sont en stage, ont développé des ateliers qui traitent, durant une journée, de la maltraitance. Cette expérience, qui recueille un très vif succès auprès des élèves et des professeurs, relève que ce problème de la maltraitance est aussi présent dans le monde rural que dans les secteurs urbains, même s'ils ne sont pas toujours du même ordre.

Il y a dix ans, la convention internationale des droits de l'enfant était adoptée. La France s'est engagée depuis cette date, comme 190 pays dans le monde, à assurer aux enfants leurs droits, dans ces domaines vitaux que sont la santé, l'éducation, l'alimentation et la protection contre toutes les formes de violences.

En dix ans, même si des progrès considérables ont été réalisés dans l'application de cette convention, ce qui reste à accomplir est immense.

Des dispositifs existent donc. La demande du Parlement des enfants, qui se traduit par la proposition de loi de notre collègue de Courson, montre bien que dans ce domaine délicat, il est encore nécessaire de faire plus, de faire mieux.

Madame la ministre, aujourd'hui, nous allons voter cette proposition de loi. Demain, nous devrons travailler encore, non seulement pour détecter la maltraitance, mais aussi pour la prévenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. le président.

La discussion générale est close.


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J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Après le titre II du livre II du code de la santé publique, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

«

TITRE II bis

« PRÉVENTION ET DÉTECTION DES FAITS DE MAUVAIS TRAITEMENTS À ENFANTS

« Art. L.

198-1. Les visites médicales effectuées en application du troisième alinéa (2o ) de l'article L.

149 et du deuxième alinéa de l'article L.

191 ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants maltraités.

« Art. L.

198-2. Au moins une séance d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée, associant les familles, les services publics de l'Etat, les collectivités locales et les associations intéressées à la protection de l'enfance, est organisée chaque année à l'intention des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

« Art. L.

198-3. Un décret fixe les conditions d'application du présent titre. »

Mme Clergeau a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article

L. 198-2 du code de la santé publique :

« Art. L.

198-2. Au moins une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée est inscrite dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

« Ces séances, organisées à l'initiative des chefs d'établissement, associent les familles et l'ensemble des personnels, ainsi que les services publics de l'Etat, les collectivités locales et les associations intéressées à la protection de l'enfance. »

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Si nous inscrivions l'obligation d'organiser des séances d'information et de sensibilisation dans l'emploi du temps des élèves, elle aurait, me semble-t-il, une plus grande portée.

Je crois, en outre, qu'il convient de préciser dans la loi que ces séances sont organisées à l'initiative du chef d'établissement et qu'elles associent l'ensemble des personnels de l'équipe éducative.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles de Courson, rapporteur.

La commission a donné un avis favorable à cet amendement qui, comme le rappelait son auteur, apporte deux innovations que d'ailleurs la commission avait déjà approuvées lors du premier examen en commission. La première consiste à inscrire dans l'emploi du temps des enfants les séances d'information et de sensibilisation. La deuxième est de préciser que ces séances sont organisées à l'initiative des chefs d'établissement, afin de respecter le principe hiérarchique, sans lequel il n'y a plus de fonction publique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Je suis tout à fait d'accord pour inscrire dans la loi ce que propose cet amendement. En effet, nous rencontrons souvent des difficultés avec le personnel même du rectorat quand nous voulons organiser dans les lycées des réunions d'information sur la drogue. On nous objecte entre autres que ce n'est pas dans le règlement... Il y a donc souvent des réticences.

Cet amendement est une excellente chose et nous voterons pour.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

1. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - I. - Les charges supportées par les départements pour l'application de la présente loi sont compensées par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

« II. - Les pertes de recettes et charges supportées par l'Etat pour l'application de la présente loi sont compensées par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles de Courson, rapporteur.

Mes chers collègues, l'article 2 avait pour but, dans la proposition de loi initiale, de gager la dépense supplémentaire qui résultait de l'article 1er pour les départements. C'est pourquoi il prévoyait un système de double gage, de majoration de la DGF, elle-même compensée par une augmentation d'impôt.

Dans la mesure où l'examen en commission a abouti à modifier l'article L.

198-1, il semble bien que l'article 2 devienne inutile. Nous pourrions donc, mes chers collègues, que nous pourrions voter contre.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Tout à fait !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur.

L'article 2 est devenu sans objet, puisque le dispositif dépendra du système scolaire et, pour assurer son efficacité, les séances d'information seront intégrées à l'emploi du temps des élèves.

M. Jean-Claude Beauchaud.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 n'est pas adopté.)

M. le président.

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé : « Proposition de loi visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants ».

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

M. le président.

Le vote est acquis à l'unanimité.

Je pense que cette adoption fera le plus grand plaisir non seulement à ceux qui sont à l'origine de cette idée mais à tous les membres du Parlement des enfants.

(Applaudissements.)

5 ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (no 1972).

La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Claude Beauchaud, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Monsieur le président, madame la ministre de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, réunie le 1er décembre à l'Assemblée nationale sous la présidence de M. Jean Le Garrec, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi présentée par M. Jean-Marc Ayrault - et adoptée par notre assemblée le 18 juin dernier, portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.

En ce qui concerne le chapitre 1er relatif aux sociétés sportives, elle a adopté les deux premiers articles dans la rédaction du Sénat.

Il est prévu à l'article 1er que les associations sportives susceptibles de constituer des sociétés commerciales sont les associations affiliées à une fédération sportive, telle que définie par la loi du 16 juillet 1984, et que les sociétés commerciales ainsi constituées sont à la fois régies par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et par la présente loi, puisqu'il s'agit de sociétés à statuts bien particuliers.

A l'article 2, il est précisé que les sociétés anonymes sportives professionnelles ne peuvent faire appel publiquement à l'épargne.

Au chapitre II, dispositions diverses, la commission mixte paritaire a adopté la rédaction du Sénat à l'article 6, qui précise le dispositif prévu par l'Assemblée nationale pour la protection des sportifs mineurs. Elle a accepté l'article 6 bis , introduit par le Sénat, qui prévoit le blocage des rémunérations perçues par les sportifs de moins de seize ans jusqu'à leur majorité, par assimilation aux règles applicables aux jeunes mannequins et qui complète ainsi utilement l'article 6.

L'Assemblée nationale avait adopté deux articles, les 7 bis , relatif au droit d'exploitation des manifestations sportives, et le 7 ter , prévoyant un avis du CSA sur les projets d'acquisition d'un club sportif par un service de télévision. Le Sénat les avait supprimés et la commission mixte paritaire a maintenu cette suppression, considérant qu'ils soulevaient des problèmes réels, mais qu'il serait cependant plus opportun d'en traiter lors de l'examen, très proche d'ailleurs, du projet réformant la loi de 1984.

La présente proposition de loi a un objet limité auquel il convient de se tenir.

En revanche, deux articles additionnels adoptés par le Sénat ont leur place dans ce texte, puisqu'ils tendent à résoudre deux problèmes urgents ayant un lien avec la lutte contre le dopage.

Faisant suite à un contrôle de dopage positif pour lequel la fédération concernée a prononcé une décision de non-lieu, l'article 10 a pour objet de donner au conseil de prévention et de lutte contre le dopage la capacité de se saisir, pour réformer éventuellement une décision et non pas seulement pour appliquer une sanction, comme le prévoit la rédaction actuelle de l'article 15 de la loi du 23 mai 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

L'article 11 tend à légaliser le pouvoir confié aux commissions spécialisées mises en place par le Comité olympique et sportif français à la demande du Gouvernement pour organiser les activités de certaines disciplines sportives qui ne sont pas dirigées par une fédération agréée. Ces compétitions ne seront plus susceptibles d'échapper aux dispositions de la loi du 23 mars, notamment en ce qui concerne l'interdiction du dopage.

La commission mixte paritaire a adopté ces deux articles.

En réalité, le principal débat entre les deux assemblées portait sur l'article 7. L'Assemblée nationale avait adopté un dispositif protégeant les intérêts des centres de formation face aux transferts abusifs de jeunes joueurs, en prévoyant que l'accès d'un sportif à un tel centre soit subordonné à la conclusion d'un premier contrat d'une durée de trois ans au maximum. Le Sénat avait adopté une approche différente. Afin d'assurer la protection des jeunes sportifs, il envisageait un système de remboursement des frais de formation au club formateur en cas de transfert. La commission mixte paritaire a adopté un amendement présenté en commun par les deux rapporteurs, qui ont souhaité concilier ces deux conceptions.

Le contenu de l'article voté par la commission est donc le suivant : Les centres de formation ne pourront bénéficier du régime protecteur instauré par la loi qu'à la condition d'avoir été agréés par le ministre des sports, sur proposition de la fédération compétente et après avis de la commission nationale du sport de haut niveau. Pourquoi cette précision ? Les centres français de formation, notamment ceux des clubs de football, servent d'exemple à de nombreux pays. Ils constituent un modèle de détection et de formation unique en son genre, qui a contribué largement aux récents succès du sport français, en particulier de notre équipe nationale de football.

Il ne faut pas nier pour autant qu'un petit nombre de ces centres ont des pratiques douteuses, dont la révélation a suscité une vive émotion dans les milieux sportifs et a entraîné la mise en place d'une procédure d'inspection par le ministère de la jeunesse et des sports. Face à ces dérives, marginales certes, mais réelles, la procédure d'agrément représentera une garantie forte.

Avant l'accès à la formation, sera conclue une convention qui permet au club formateur d'avoir une priorité d'embauche du jeune sportif à l'issue de la formation : si


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le club le souhaite, il pourra proposer au jeune qu'il a formé un contrat de travail de trois ans au maximum. A défaut, il devra lui fournir un programme d'accompagnement, d'insertion scolaire ou professionnelle.

Le texte réserve au jeune la faculté de ne pas conclure de contrat de travail avec son club, s'il ne souhaite pas poursuivre de carrière sportive.

Enfin, la loi renvoie à un décret pris après avis du Conseil d'Etat le soin de définir les stipulations types des conventions d'accès aux centres de formation, qui seront ensuite adaptées à chaque discipline sportive.

Nous sommes ainsi parvenus à un texte à la fois réaliste et équilibré, qui tient compte aussi bien des intérêts des centres que des droits des jeunes sportifs. Certes, il est appelé à jouer, on l'a dit, dans le cadre francofrançais, mais il n'en est pas pour autant dépourvu de portée. Son adoption sera, pour nos partenaires européens, un signe que la France est résolue à aller vers une réglementation européenne en ce domaine. Il vous sera précieux, madame la ministre, dans les négociations à venir, comme l'a été le texte sur la lutte contre le dopage.

Plus généralement, je crois que la proposition de loi que notre assemblée est appelée à adopter est un bon texte, qui répond bien à l'objet de l'initiative parlementaire.

Il pourrait paraître surprenant que nous réformions sur quelques points la loi du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives, alors même que le projet de loi qui en refonde globalement le dispositif a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, qu'il doit être prochainement soumis à notre examen et qu'un groupe de travail a été créé, à cet effet, au sein de la commission des affaires culturelles.

En réalité, sans attendre le vote de la grande loi sur le sport, cette proposition permet de régler plusieurs problèmes ponctuels qui appelaient une solution urgente : l'adaptation des statuts des clubs sportifs professionnels, la pérennisation des subventions des collectivités locales aux sociétés sportives, à la suite du décret Pasqua, la protection des mineurs et celle des centres de formation, enfin la mise en oeuvre de la loi sur le dopage. En revanche, les autres questions qui ont été soulevées à l'occasion de nos débats sur cette proposition gagneront à être traitées de manière plus approfondie lors de l'examen du prochain projet de loi.

Je voudrais, pour conclure, souligner l'esprit constructif qui a prévalu au sein de la commission mixte paritaire, en particulier grâce à la collaboration que j'ai pu avoir, en amont, avec le rapporteur du Sénat. Je souhaite également vous remercier, madame la ministre, pour le soutien que vous avez constamment apporté à cette proposition de loi et à remercier le président Jean Le Garrec pour l'attention avec laquelle il a suivi nos travaux préparatoires, les conseils précieux qu'ils nous a prodigués et pour sa contribution au succès de la commission mixte paritaire qu'il présidait.

Je demande donc à notre assemblée d'adopter aujourd'hui les conclusions de cette commission, car il s'agit d'un texte, certes limité, mais utile, qui sera reçu comme tel dans le monde sportif.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, après l'adoption à l'unanimité, en mars dernier, de la loi sur la lutte contre le dopage, une nouvelle fois, un texte législatif sur le sport fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées.

Je m'en réjouis, car cet accord n'a rien d'un consensus minimum. Le nouveau texte issu de la commission mixte paritaire défend des options fortes, novatrices, et une éthique du sport. On y retrouve les fondements de la politique du Gouvernement dans ce domaine.

Les mesures préconisées ont donné lieu à un débat de qualité sur des questions tout à fait essentielles, et je tiens à féliciter votre commission, son président, son rapporteur, pour le travail remarquable de consultation et d'écoute qui a été mené.

De ce débat, je retiens en particulier trois points, qui m'apparaissent significatifs des changements qui vont intervenir.

Le premier concerne le sport professionnel. Son existence est une réalité. Son apport à l'activité économique est reconnu. Sa capacité à cultiver l'imaginaire, à donner du plaisir, à susciter des vocations sportives est incontestables.

En même temps, nous mesurons les effets désastreux de l'affairisme, ou de l'argent facile.

A partir de ce constat, une évolution de la loi était devenue indispensable. C'est l'objet de cette proposition.

Elle permet un développement et une gestion transparente des activités économiques liées au sport, et elle doit absolument contribuer à maintenir le secteur professionnel dans l'organisation fédérale. Elle permet aux clubs professionnels de se doter d'un statut juridique adapté à leur spécificité, à la diversité de leurs situations, et elle fixe des limites conformes au respect des règles sportives.

Cette proposition refuse tout autant l'immobilisme que la fuite en avant. Elle répond à une demande justifiée en créant le statut de société anonyme sportive professionnelle. Elle refuse de soumettre le sport à la seule logique de l'argent, en interdisant la cotation en bourse et la possession de plusieurs clubs par un même actionnaire.

C'est un choix responsable et équilibré.

Le deuxième dossier qui a donné lieu à un véritable débat d'idées concerne les subventions des collectivités aux associations et sociétés sportives visées par le texte.

Pour un grand nombre d'élus, il est clairement apparu que la position consistant à priver une ville, un département, une région, de la possibilité de contribuer à l'action d'un club professionnel, était devenue intenable.

On ne peut, à la fois, s'inquiéter du risque d'un sport professionnel organisé en circuit privé et fermé et, en même temps, obliger les clubs à trouver la totalité de leur financement dans la sphère privée.

Pour autant, la mesure préconisée ne revient pas à rétablir simplement le droit aux subventions publiques, je tiens à le souligner. Il s'agit avant tout de déterminer à quoi vont servir ces fonds publics, et de procéder à un véritable contrôle de cette utilisation.

Je souhaite donc vous faire part, comme je m'y étais engagée, des principales orientations que contiendra le décret d'application de la loi.

En premier lieu, il sera indiqué que les subventions des collectivités ne pourront être utilisées à d'autres fins qu'au financement de missions d'intérêt général. Ces missions seront clairement identifiées. Il s'agira de la formation des jeunes et de leur insertion professionnelle ; de la participation du club à des actions d'éducation, de solidarité sociale, de lutte contre la violence dans le sport ; de la création d'emplois visant à l'amélioration des conditions


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d'accueil et de sécurité du public ; de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage ; du développement des pratiques sportives associatives, en particulier de l'accès des jeunes filles et des femmes à ces pratiques.

En second lieu, le décret fixera un montant maximum des subventions à partir de la situation actuelle des clubs.

Ce montant devra bien évidemment prendre prioritairement en compte la réalité économique des clubs dont la part de ressources privées est la plus faible.

Enfin, il sera indiqué dans le décret que le montant cumulé des fonds publics - ce qui englobe les subventions et contrats de partenariat - ne pourra en aucun cas être supérieur au montant du sponsoring privé.

Je souhaite que ces dispositions, qui donneront aux c ollectivités un levier nouveau dans leurs relations contractuelles avec les clubs, répondent aux interrogations et réserves qui s'étaient exprimées ici même.

Contrairement à une idée trop répandue, les clubs qui attendent cette mesure avec le plus d'impatience ne sont pas les quelques clubs à très gros budgets, mais les autres.

C'est pourquoi nous veillerons à ce que ce décret d'application soit pris le plus vite possible.

Le troisième et dernier point que je veux évoquer concerne la protection des sportifs mineurs et le soutien aux clubs formateurs. Là encore, le dispositif retenu en commission mixte paritaire répond à cette double ambition de manière équilibrée, intelligente et novatrice.

Le respect de la dignité et des intérêts des sportifs mineurs sera une avancée considérable.

Depuis la première lecture de ce texte en juin dernier, une série de faits a confirmé, en effet, le développement de pratiques qui font peu de cas de l'avenir des jeunes et beaucoup de l'argent à gagner. Il faut arrêter d'urgence ces pratiques. Les mesures qui vous sont proposées comblent un vide juridique et donnent aux sportifs mineurs des droits nouveaux.

La formation et la qualité des éducateurs sportifs sont les meilleurs atouts du sport français face à ceux qui rêvent d'une hiérarchie sportive uniquement fondée sur la grosseur des budgets. Sachons préserver cet acquis. Il est donc indispensable de donner aux clubs formateurs les moyens juridiques de résister aux tentatives de pillage de talents dont ils sont l'objet.

La convention qui liera ces clubs aux jeunes sportifs comportera des droits et des devoirs réciproques. La possibilité pour le club d'obtenir le premier contrat professionnel d'un jeune qu'il a formé répond à cet objectif.

En même temps, le texte introduit deux innovations importantes. D'une part, les jeunes qui ne se verront pas proposer un premier contrat avec le club formateur bénéficieront d'un dispositif d'accompagnement social et d'orientation professionnelle. D'autre part, les centres de formation feront l'objet d'un agrément ministériel, qui devra notamment prendre en compte la place et la qualité de la formation générale des jeunes, les conditions d'accueil et d'encadrement, le respect de leurs droits.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les raisons qui fondent le soutien entier du Gouvernement à la proposition de loi qui vous est présentée.

J'ajoute que le contenu des mesures que vous adopterez est pleinement cohérent avec le projet de loi que je vous présenterai au début de l'année 2000.

Loin d'isoler la France, l'ensemble de ces dispositions contribue à une construction européenne positive dans ce domaine. Je peux vous indiquer, à ce propos, que le rapport qui sera présenté dans quelques jours, au Conseil de l'Union européenne par le président de la Commission, M. Prodi, développera une série d'orientations que nous avons souhaitées et défendues à plusieurs reprises.

Il s'agit, en tout premier lieu, de la reconnaissance de la spécificité du sport dans l'application des règles économiques concurrentielles. Bref, le président Prodi va dire que le sport n'est pas une marchandise.

Je note également, avec beaucoup d'intérêt, que la C ommission préconise « une action des autorités publiques nationales afin de sauvegarder les structures actuelles et la fonction sociale du sport ».

Dans ce cadre, la Commission propose « un socle commun » de la politique sportive européenne, fondé notamment sur l'encadrement de l'acquisition des clubs sportifs par des entités commerciales - ce que prévoit cette proposition en empêchant la multipropriété - la lutte contre l'achat des jeunes sportifs que nous entreprenons avec les dispositions nouvelles ; l'inscription, dans les missions des fédérations, d'une relation structurelle et solidaire entre sport amateur et sport professionnel ce que le projet de loi de février 2000 accentuera, avec la mutualisation des droits de télévision ; la redistribution d'une part de ces droits. Comme vous le constatez, le traitement du sport au niveau européen a connu une évolution spectaculaire. Je crois pouvoir dire, sans exagération, que la France a pris une part certaine à cette évolution. Avec votre soutien, nous continuerons d'agir en ce sens, parce que nous aimons le sport quand il s'identifie à plaisir, à liberté, à solidarité.

Je tiens à remercier les membres de la commission pour leur travail excellent qui, et qui, je crois, va nous permettre d'agir rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Leroy.

M. Patrick Leroy.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'actualité nous informe régulièrement des fabuleuses sommes d'argent investies par des sociétés commerciales dans les disciplines, événements et clubs sportifs les plus médiatisés. Des banques, des compagnies d'assurances, des sociétés commerciales françaises ou étrangères, des multinationales, des magnats se livrent une guerre sans merci à coup de milliards de francs pour emporter ce marché très juteux : OPA sauvages lancées pour le rachat de clubs, rachats de compagnies organisatrices de grands prix automobiles et de médias pour détenir l'exclusivité des droits commerciaux de ces manifestations, liens troubles entre des sociétés et certaines fédérations internationales, comme l'automobile épinglée par la Commission européenne pour « abus de position dominante », entrée de sociétés audiovisuelles dans le capital de certains clubs, clubs côtés en bourse, commerce de joueurs qui sont achetés à coups de millions et parfois revendus peu de temps après pour un prix encore plus faramineux, transactions commerciales sur les sportifs mineurs réalisées par des intermédiaires sans scrupules, clubs appartenant à la même société et qui doivent s'affronter dans la même compétition, ce qui peut affecter l'équité des résultats sportifs.

Je me limite à ces quelques exemples : la liste des dérives serait trop longue. Face à cette loi de la jungle financière, qui laisse des clubs sur le carreau, que reste-t-il de l'éthique sportive ?


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On ne peut accepter de laisser nos clubs et nos associations pas plus que ceux d'autres pays, car cette question n'est pas, à l'instar de celle du dopage, uniquement franco-française - à la merci des fluctuations boursières et des OPA agressives.

Le législateur a donc estimé urgent d'intervenir, sans attendre la grande loi sur le sport prévue pour février prochain, afin d'édicter des règles permettant à nos clubs et associations d'être mieux armés pour affronter cette concurrence déloyale au niveau européen et mondial, tout en évitant que la chape de plomb de la spéculation ne pèse sur le sport.

C'est le but de cette proposition de loi et c'est dans ce sens que je suis intervenu lors de son examen en première lecture.

En dehors des modifications rédactionnelles et de quelques articles additionnels sur le dopage et sur le blocage des salaires des mineurs, sur lesquels les députés communistes sont d'accord, ce texte du Sénat n'a changé profondément que l'article 7 : la nouvelle rédaction dénature l'esprit de cet article et celle de toute la proposition de loi initiale.

Celle-ci visait en effet à protéger les centres de formation qui investissent dans la formation des jeunes sportifs, futurs espoirs qui sont, une fois la formation dispensée et financée par le club formateur, achetés par des clubs riches à la recherche de nouveaux champions, clubs qui font ainsi l'économie des frais de formation.

Le texte initial permettait aux clubs formateurs de s'assurer les services les jeunes formés par eux pendant une durée maximale de trois ans.

Le Sénat avait supprimé cette possibilité d'obligation de conclure un premier contrat, la remplaçant par la possibilité, pour le jeune, de refuser le contrat de travail ou de signer avec un autre club moyennant remboursement du coût de la formation.

Autant dire que ces dispositions sénatoriales n'assuraient plus aucune protection aux centres de formation.

De telles mesures auraient donc eu une incidence très grave sur l'avenir du sport.

La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 1er décembre, est heureusement parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion, notamment sur celles contenues à l'article 7.

La CMP propose donc une nouvelle rédaction de cet article, qui s'inspire du texte initial tout en l'améliorant et en tenant compte des soucis exprimés par les sénateurs.

Selon cette nouvelle rédaction, la Convention conclue préalablement à la formation prévoit qu'à son issue un contrat de travail d'une durée n'excédant pas trois ans est signé entre le sportif et l'association formatrice.

Cet article 7 prévoit également l'obligation, pour l'association ou la société formatrice n'ayant pas proposé de recrutement, de dispenser un « programme d'accompagnement », de manière à garantir l'insertion scolaire ou professionnelle du jeune sportif.

Par contre, le jeune sportif qui renonce à poursuivre une carrière sportive pourra refuser le contrat de travail qui lui est proposé. Cette nouvelle version recueille, en raison de son équilibre, toute notre approbation. Dans le domaine de la formation, comme dans celui des transferts de sportifs, à la suite notamment de l'arrêt Bosman, la France fait figure de pionnière. Au lieu de dire, comme le fait souvent la droite, que cela ne sert à rien de légiférer en France quand la réglementation internationale est en retrait sur certains points, nous disons : faisons en sorte que la législation européenne et mondiale évolue dans le bon sens. Mme la ministre a démontré, en ce qui concerne le dopage, qu'une réelle volonté politique permet de faire bouger l'opinion internationale.

Je ne reviendrai pas sur les propos que j'ai tenus lors de la première lecture, relatifs aux craintes que nous exprimions à l'égard de certaines dispositions de ce texte qui, soit par leur insuffisance quant au pouvoir de contrôle de l'association sur la société anonyme sportive professionnelle, soit par l'ouverture laissée à des évolutions futures en matière financière, peuvent instaurer le règne de l'argent dans le sport.

Nous serons, comme vous, madame la ministre, très vigilants sur cette question, afin de préserver l'éthique et l'exception sportives, et d'empêcher que nos clubs professionnels ne se transforment en entreprises de spectacle.

Notre pays présente la particularité de disposer d'un très important et actif réseau associatif, bénéficiant, plus qu'ailleurs, de subventions publiques. Car si nous considérons le sport dans ses aspects professionnels, nous le voulons également éducatif, sanitaire, social, culturel et ludique.

Le futur projet de loi sur le sport et la présente proposition de loi étant complémentaires, nous comptons, lors des débats en février prochain, réaffirmer l'interdépendance des secteurs amateur et professionnel, renforcer la reconnaissance du sport pour tous et du bénévolat, et appuyer fortement les dispositions instituant le prélèvement de 5 % sur les droits de retransmission télévisée en faveur des petits clubs.

En attendant ce prochain et grand débat, le groupe communiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas soliloquer sur les vertus éternelles du sport, élément structurant, lien social, facteur de solidarité, d'animation, de communication, d'actes économiques. Tout le monde les connaît.

Le sport est à tous, mais chacun le fait sien. Il y a les professionnels et les amateurs. Je ne suis pas de ceux qui estiment qu'il y a les riches et les pauvres, les bons et les mauvais. En effet, je sais des amateurs très professionnels dans leur tête. Je connais aussi des « pros » qui sont des amateurs, hormis quant il s'agit du tiroir-caisse. Le dispositif législatif est identique. Pour l'heure, il y a cette proposition de loi qui traite du statut des clubs professionnels. Plus tard, il y aura le projet de loi sur le sport qui va revisiter la loi de 1984. Proposition de loi ou projet de loi, le citoyen n'en a cure ; après tout, cela débouche sur des règles à connaître et à respecter. Le sport forme un tout.

La passerelle entre ces deux types de sports, d'esprits, de moyens et de textes, c'est la taxe de 5 % sur les droits télévisés, qui va prendre un tout petit peu aux uns pour donner beaucoup aux autres. Même si ce n'est pas l'objet de ce débat, nous savons que cette mesure, que vous avez fait prendre, madame la ministre, ne plaît pas à quelquesuns mais elle est du goût du plus grande nombre. Colluche disait : « Il faut taper sur les pauvres parce que ce sont les plus nombreux ». Il avait raison car les pauvres sont les plus nombreux pour jouer, pour payer... mais, aussi pour voter, comme on l'a vu au printemps 1997.

(Sourires.)

Je reviens sur cette proposition de loi émanant du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, votée ici même au printemps dernier, revue en octobre au Sénat et


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débouchant sur un accord de la commission mixte paritaire la semaine dernière. Cet accord consacre notamment l'entrée des sociétés anonymes dans les compétitions sportives. Il permet la distribution de dividendes, mais non l'introduction en bourse. Il assure également un équilibre que je résumerai ainsi : oui à l'économie de marché avec dividendes, rétribution des dirigeants et suppression des 34 % de blocage de l'association dans le capital social ; non à la loi des marchés avec la non-cotation en bourse et l'abrogation du décret Pasqua.

Il est tout à fait plaisant de constater que le Sénat, dans sa grande sagesse et dans sa relative diversité, a suivi la position de la majorité plurielle de l'Assemblée nationale sur des sujets aussi exemplaires que l'intoduction en bourse des clubs français ou l'abrogation du décret Pasqua.

A propos du décret, et contrairement à certains de leurs amis politiques de l'Assemblée nationale, nos collègues sénateurs ont, de manière unanime, désamorcé la bombe à retardement imprudemment allumée par M. Balkany en 1993. En effet, il était insensé d'empêcher les collectivités territoriales de contribuer à la bonne marche de leurs clubs, y compris professionnels, qui, bien que n'ayant pas la chance, de par leur taille et de par leurs résultats, d'avoir accès aux télévisions et aux investisseurs, n'en remplissaient pas moins au sein de la cité des fonctions d'intérêt général. Cela mérite considération ce d'a utant plus que, contrairement à des idées reçues, l'Europe n'interdit pas de telles dispositions, pour peu qu'elles ne servent ni à la surenchère sur le marché des joueurs ni à augmenter les dividendes autorisés par l'article 1er

A cet égard, s'il n'en avait tenu qu'à moi, j'aurais exclu du champ d'application de cette abrogation les clubs ayant choisi de fonctionner en SASP, car on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre ! Vous avez eu raison d'indiquer, madame la ministre, que les décrets seront stricts au niveau des seuils d'éligibilité afin de ne pas mélanger argent public et argent privé.

En amont de ce système professionnel, il y avait, point sensible du désaccord entre les deux assemblées, le problème récurrent de la formation des jeunes, lequel vient d'être évoqué par notre excellent rapporteur, M. Beauchaud. Il est admis que notre assemblée avait peut-être trop pris en compte les intérêts des clubs alors que le Sénat penchait plutôt vers ceux des jeunes sportifs. Les deux rapporteurs sont parvenus à trouver un équilibre qui a été entériné par les membres de la CMP. Il ne reste plus à espérer qu'après le « coup de gueule » de Guy Roux dans la presse, le calme revienne pour garantir l'efficacité de cette spécificité française qu'est la formation et qui conduit parfois à des titres de champions du monde.

Madame la ministre, il ne restera plus alors qu'à profiter de votre dynamisme positif, symbolisée par la croisade que vous menez contre le dopage, pour inscrire dans l'espace européen cette nécessité de parvenir à un équilibre entre les clubs et les jeunes prodiges. De tout coeur, nous souhaitons que vous parveniez à revenir sur l'arrêt Bosman, qui va finir un jour par se retourner contre ceux dont il était au départ censé défendre les intérêts.

La présente proposition de loi aurait toutefois pu aller plus loin qu'elle ne le fait s'agissant du dispositif lié à la gestion du sport professionnel. A mon humble avis, et dans le respect de la partition que j'évoquais précédemment - le sport « pro » dans la proposition de loi, le sport tout court dans le projet de loi -, ce texte aurait pu traiter également du statut des agents, du statut fiscal en général et des pluri-actifs en particulier et surtout des relations entre le sport professionnel et son partenaire désormais le plus puissant : la télévision.

Je n'évoquerai qu'à la marge la question de l'achat de clubs par les sociétés audiovisuelles, laquelle n'est toujours pas réglée, en dépit des menaces que fait peser cette prat ique consistant à vouloir contrôler les gisements d'images. Qui doit régler cette question, madame la ministre : le pouvoir sportif ou le pouvoir audiovisuel ? Je dirai maintenant un mot sur le CSA dont le principe de l'intervention, prévu par texte initial, n'a pas été retenu par le Sénat et la CMP. Je n'estime pas que les appels incantatoires à l'arbitrage du CSA constituent la meilleure formule pour contrôler un marché aux incidences perverses par nature. On n'a jamais vu des Casques bleus gagner une guerre ; ce n'est d'ailleurs pas ce qu'on leur demande.

La problématique est simple : statut des clubs professionnels égale argent égale ressources. Or, aujourd'hui, qui dit ressources, répond télévision.

La question de fond est donc de savoir à qui appartiennent les droits sur les spectacles télévisés ?

M. François Rochebloine.

Absolument !

M. Henri Nayrou.

J'avais déposé lors de la première lecture un amendement qui prévoyait expressément que les droits sur les spectacles de sport appartenaient bien aux fédérations ou, par sub-délégation, aux ligues, selon le principe de la gestion collective. Cet amendement avait été accepté par le Gouvernement et était devenu l'article 7 bis du texte. Or nos collègues sénateurs ont jugé bon de le supprimer et cette suppression a été confirmée en CMP, les uns et les autres s'appuyant sur le fait que les termes figurent dans l'article 18-1 de loi du 1984 étaient amplement suffisants.

Pour ma part, je n'ai pas la même lecture que nos collègues sénateurs, et même que certains membres de la CMP. La loi de 1984 fait référence à la notion d'organisateur ; or il ne faut pas être sorti de la Sorbonne par la grande porte pour établir le distinguo entre l'organisateur juridique que sont les fédérations ou les ligues et l'organisateur matériel, notion réservée désormais aux clubs ainsi qu'à leurs propriétaires et renforcée par l'article 1er de la présente proposition de loi, qui incite les investisseurs à maîtriser et à optimiser l'exploitation financière de leurs activités.

Je fais également remarquer qu'entre 1984 et 2000, il se sera passé plus de choses qu'il ne s'en est passé entre l'époque de Coubertin et celle de Samaranch. Ce laps de temps s'est certes traduit par des progrès, mais il s'est aussi caractérisé par des dérives qui impliquent de mettre très rapidement en place des garde-fous - dans tous les sens du terme - afin de garantir la mutualisation de la ressource financière essentielle.

On m'a répondu que ce problème serait réglé au cours de l'examen du projet de loi sur le sport. Soit. Mais il me paraissait préférable d'inscrire en priorité dans ce premier texte le principe de la gestion collective des droits de télévision. En revanche, le problème de formation des jeunes aurait eu toute sa place dans le projet de loi parce qu'il se situe précisément à la charnière de deux formes de sport que l'on voudrait opposer et qui ne doivent former qu'un tout.

Aussi quand j'entends des capitaines d'industrie, des investisseurs et des managers crier au hold-up quand on leur parle de propriété collective des droits de télévision ou de taxe de 5 % sur des produits qui se multiplient


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comme des petits pains, j'ai envie de leur poser la seule question qui vaille : à qui appartient le titre mondial de nos footballeurs qui a fait exploser les tarifs du produit à la télévision ? Il appartient aux vingt-deux joueurs, à leur encadrement, à leurs dirigeants, aux présidents de leurs clubs qui les rémunèrent tout au long de la saison, aux passionnés qui payent eux aussi tout au long de la saison, mais il appartient également à tous ces éducateurs admirables qui ont, les premiers, façonné ces champions, comme celui de Lavelanet qui a découvert Fabien Barthez ou celui du quartier de la Castellane à Marseille qui a formé Zinedine Zidane. Ce titre, il est aussi à eux, à ces travailleurs de l'ombre qui méritent, après les honneurs, d'avoir une part du gâteau. Il témoigne de cette réalité dont vous avez fait votre credo, madame la ministre : il n'y a pas le sport professionnel d'un côté et le sport amateur de l'autre, il n'y a qu'un sport, indivisible et rassembleur, porteur de valeurs universelles et d'espérances nouvelles.

En définitive, il n'y aura qu'une loi sur le sport, qu'elle soit d'origine gouvernementale ou parlementaire. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce texte de la tête, des deux pieds et des deux mains.

(Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la première lecture de ce texte en juin dernier, l'actualité nous a malheureusement fourni de nouveaux et éloquents exemples de la progression irrationnelle des sommes engagées dans le sport-spectacle, de la course à l'argent et des comportements mercantiles en tout genre qui empoisonnent le sport professionnel.

Contrairement à ce que certains affirment, ces phénomènes ne sont pas seulement le résultat de la dérégulation - mais c'est une maladie bien française que de tout mettre sur le dos de la dérégulation - ou de la soumission du sport aux seules règles de la concurrence. Si je poussais le bouchon un peu loin, je me demande même si je ne pourrais pas dire que, bien au contraire, c'est parce que, à ce niveau, le sport n'est plus concurrentiel ou presque plus concurrentiel - on est arrivé à des situations de quasi-monopole de quelques grands clubs - que nous nous trouvons dans une telle situation. C'est aussi la conséquence de la fermeture du marché des droits audiovisuels, généralement vendus en exclusivité et pour de longues périodes à des chaînes de télévision.

Nous pouvons d'ailleurs nous demander si nous parlons vraiment de sport ou si nous n'avons pas purement et simplement basculé dans le spectacle. A cet égard, les salaires touchés par certains sportifs de très haut niveau s'apparentent plus aux cachets que perçoivent de grands artistes internationaux de la chanson ou du cinéma. Le problème n'est donc pas exclusivement celui du sport.

C'est d'ailleurs peut-être une des raisons qui font que la présente proposition de loi suscite une sorte de malaise.

On a bien cerné un certain nombre de problèmes, mais on ne leur apporte que des demi-solutions ; c'est en tout cas notre sentiment.

De tels développements ne peuvent que nous faire craindre que les mesures, à notre sens un peu timides, de cette proposition de loi ne soient pas à la hauteur du problème qu'elles prétendent traiter. On peut s'étonner aussi, alors que le Gouvernement a annoncé un grand projet de loi sur le sport, que cette proposition de loi s'inscrive dans la même ligne et soit soumise à l'urgence. Cela conduit à un examen en « pièces détachées », si vous me permettez cette expression, de la réforme d'ensemble de la législation du sport que nous attendions sur tous les bancs de cet hémicycle. Je ne suis pas sûr que cette discussion morcelée contribue à rendre les dispositions de ce texte plus compréhensibles.

Le texte tente de timides ouvertures par rapport à celui de 1984. Mais, fidèle à vos méthodes et à vos valeurs v ous l'avez d'ailleurs dit vous-même, madame la ministre -, vous ajoutez aussitôt de nouvelles contraintes, dressez de nouvelles barrières et établissez des règles nouvelles dans un domaine qui, à notre avis, souffre déjà d'un trop-plein de réglementation.

Certes, si vous percevez bien les dysfonctionnements moralement scandaleux et les réalités quelquefois choquantes du sport-spectacle - il faudrait être aveugle pour ne pas les percevoir -, mais on a le sentiment que vous ne savez pas trop comment vous y prendre par rapport à ce sport-spectacle qui ne correspond évidemment pas à la vision que vous avez des choses.

Mais, au-dela de cette critique un peu politique, je voudrais être sûr que les mesures proposées vont changer quelque chose à la situation actuelle ; or je crois qu'il est permis d'en douter.

Dans certaines disciplines, le football en particulier, le sport se pratique aujourd'hui davantage dans le cadre de vraies entreprises à caractère fondamentalement commercial, qui mettent en jeu des sommes considérables. Ce phénomène tient à l'extraordinaire médiatisation d'un certain nombre de sports-spectacle et à l'intérêt que lui porte un public toujours plus large. Aujourd'hui, un certain nombre de grandes manifestations sportives sont devenues, qu'on le veuille ou non, des manifestations ou des événements de type planétaire. Les droits de télévision dépassent largement le cadre de nos petites exceptions françaises ! A l'évidence, cette commercialisation du sport, cette mutation de certains grands clubs en véritables entreprises ne résume pas tout le sport aujourd'hui, et c'est heureux.

Nous sommes un certain nombre d'élus, de tous bords, a avoir dans nos circonscriptions un grand nombre d'associations sportives et d'animateurs sportifs - et on a raison de mettre ces derniers en avant -, qui n'ont strictement rien à voir avec ce qui se passe dans le sport spectacle, dans le sport business.

Parmi les timides ouvertures de ce texte, la création de la SASP - société anonyme sportive professionnelle - a presque éclipsé les autres dispositions. La SASP apparaît en fait comme la principale novation du texte.

Les avantages qu'on peut attendre de la SASP, bien que non négligeables, doivent cependant être relativisés.

La SASP a été présentée comme le moyen d'assurer le développement économique des clubs sportifs et de leur permettre de « pouvoir jouer à armes égales avec les meilleurs clubs européens ». Certes, la SASP constitue a priori une formule plus séduisante pour les investisseurs privés que les autres sociétés sportives. Toutefois, en dépit de l'autonomie assez large dont elle disposera, elle ne sera pas l'instrument qu'elle aurait pu être. En effet, les statuts ne sont pas tout et la situation économique des clubs français continuera de justifier certaines réticences des investisseurs.

Les grands clubs de football, par exemple, ne disposeront pas au même degré que de nombreux clubs étrangers de l'atout essentiel que représente, notamment en termes de recettes de billetterie, d'abonnements et de vente de produits dérivés, un public de supporters nombreux et


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fidèles. Au Royaume-Uni, par exemple, les recettes directement liées aux matchs représentent près de 40 % des recettes des clubs contre seulement 23 % dans notre pays.

Cette petite « modernisation » des statuts des clubs ne changera pas fondamentalement les handicaps concurrentiels qui résultent en fait des divergences entre notre législation, nos exceptions françaises, et les réglementations nationales dans un certain nombre d'autres pays. Je ne referai pas un topo sur le poids des charges sociales ou de l'impôt, mais c'est évidemment à ce type de handicap que je pense en priorité.

La SASP ne pourrait être un instrument véritablement efficace du développement économique du sport professionnel que si elle était autorisée à lever des fonds sur les marchés financiers, mais j'ai bien compris que vous ne partagiez pas cette idée, madame la ministre. Pour ma part, je ne crois pas, contrairement à certains ici, qu'il existe une incompatibilité entre appel aux marchés financiers et éthique sportive.

J'entends bien les arguments de ceux qui souhaitent maintenir, au nom de la protection des épargnants, l'interdiction pour les sociétés sportives de faire publiquement appel à l'épargne. Il ne faudrait pas, selon eux, que l'introduction en bourse favorise des investissements spéculatifs et rende ainsi l'actionnariat des clubs instable. Ces clubs ont en effet besoin de partenariats durables pour bâtir et mener à bien des plans de développement. J'entends ces arguments, mais, je regrette que la procédure d'examen de ce texte en urgence ne nous ait pas permis de nous arrêter plus longtemps sur cette question et de la régler.

Cette question est renvoyée, je l'ai bien compris, au prochain projet de loi sur le sport, dont on peut déjà prévoir que la discussion pourra biaisée par des considérations de type politique.

Le rétablissement des subventions publiques aux clubs professionnels constitue lui aussi un des volets très attend us de ce texte. La date butoir est prévue dans trois semaines et la suppression des subventions publiques aurait des conséquences catastrophiques...

M. Henri Nayrou.

C'est vrai !

M. Dominique Dord.

... en raison de la situation très inégale des clubs professionnels, laquelle, malgré tout, persistera, notamment dans certaines disciplines où l'on peut considérer que les clubs, compte tenu de l'état du marché, sont dans la quasi-incapacité de trouver des financements privés suffisants.

Madame la ministre, il y a quelques minutes, vous nous avez communiqué, conformément à vos engagements, le contenu du décret fixant le niveau de subvention, ce dont je vous remercie. Mais il nous manque peut-être le recul nécessaire.

Vous nous avez dit que le montant de la subvention sera au plus égal à celui des financements issus de partenariats privés. Il ne pourra donc pas leur être supérieur.

Vous nous avez précisé aussi qu'il devra être utilisé pour un certaines nombre de fonctions bien particulières qui, pour certaines d'entre elles, sont nouvelles par rapport à l'activité actuelle des clubs, ce qui veut dire que, de toute façon, un problème de financement se posera puisque, avec le même montant de subventions, les clubs devront assumer ces nouvelles responsabilités.

Mon temps de parole étant écoulé, je serai très bref, monsieur le président, et je passerai sur les quelques avanc ées en dépit desquelles nous nous abstiendrons. (Sourires.) Je mentionnerai cependant les articles 6, 6 bis et 7.

En dépit de ces avancées, le texte nous paraît quelque peu timide, il ne nous semble pas vraiment adapté au sport d'aujourd'hui et nous apparaît comme un peu décalé par rapport au grand projet que nous attendons pour le mois de février. Certaines de ses dispositions nous semblent restrictives et contraignantes alors que nous pensons - mais il s'agit là d'une différence d'appréciation politique conforme au jeu de cette assemblée - qu'un appel plus large au marché aurait permis de régler certains problèmes.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale et Indépendants sollicitera de ses membres une position d'abstention.

M. le président.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine.

En tant que porte-parole du groupe de l'UDF, je voudrais revenir quelques instants sur les conditions dans lesquelles le texte qui nous est soumis a été élaboré.

Ainsi que mon excellent collègue Dominique Dord l'a rappelé, c'est dans la plus grande précipitation que le débat a été conduit, ce qui a empêché l'examen approfondi qu'exigeaient pourtant les modifications proposées.

Il est dommage que vous n'ayez pas laissé le temps de la réflexion. Cela n'a pas manqué d'affaiblir le texte, dont les nombreuses insuffisances révèlent pour le moins une certaine impréparation.

Permettez-moi de regretter le rejet systématique des différents amendements que nous avions proposés avec mon collègue et ami Edouard Landrain en première et unique lecture, comme en commission mixte paritaire.

Si l'accord intervenu au cours de la réunion de la CMP, fruit d'un travail mené dans un esprit constructif, mérite sans doute d'être salué à sa juste valeur, il n'en est pas moins vrai que la recherche d'un compromis a conduit à l'abandon de deux dispositions importantes, la première étant relative aux droits d'exploitation des manifestations sportives et la seconde prévoyant un avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur les projets d'acquisition d'un club sportif par un exploitant de service de télévision.

Il est regrettable que ces deux dispositions, que notre assemblée avait fort opportunément adoptées en première lecture, ne puissent être reprises. Je rappellerai que nous avons clairement demandé leur rétablissement par deux amendements. Considérons que nous avons lancé le débat et qu'il est très probable que nous serons amenés à le reprendre très rapidement dans les mois à venir.

Nous avions également proposé, à l'article 1er , d'élargir la gamme des formes juridiques offertes aux besoins des clubs sportifs, notamment en ouvrant à ceux-ci l'accès à la société par actions simplifiée, qui semble promise à un fort développement dans les autres secteurs d'activité économique. Cette proposition n'a pu être discutée au fond. Mais, là encore, je suis persuadé qu'il y aura d'autres occasions de travailler ce thème, ne serait-ce que dans l'intérêt du développement du sport professionnel français.

Autre hypothèse malheureusement laissée sans suite : notre amendement relatif à l'entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée. Il n'était pas inconcevable d'autoriser l'EUSRL à distribuer, comme la société anonyme sportive professionnelle, ses bénéfices éventuels dès lors que, par définition, c'est l'association sportive et elle seule qui bénéficierait de l'intégralité de ces distributions.


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Par ailleurs, le texte initial de la proposition de loi laissait ouverte, tout en excluant la cotation des actions, la possibilité du placement des titres, voire d'emprunts obligataires, par un appel public à l'épargne. Considérant qu'une telle possibilité reste très hypothétique en l'état actuel des choses et qu'elle ne saurait être mise en oeuvre sans l'accord de l'autorité régulatrice qu'est la Commission des opérations de bourse, il n'y avait pas lieu de légiférer sur ce point alors qu'au demeurant la loi no 85-698 du 11 juillet 1985 autorise les associations ayant une activité économique à émettre des obligations et à faire un appel public à l'épargne.

Mais rassurez-vous : il n'est pas dans mes intentions de relancer le débat. Je m'en tiendrai donc à une dernière série de remarques sur l'ensemble du texte.

A aucun moment, nous n'avons perçu une réelle cohérence dans votre approche de la réglementation sur le statut des clubs sportifs. Il est à craindre que la succession de mesures proposées, puis votées, ne pose à terme plus de problèmes qu'elle n'en résolve. Et c'est seulement la perspective de la réouverture du chantier, au printemps, dans le cadre de la discussion du votre projet, madame la ministre, qui peut nous inciter à relativiser l'impact de ces dispositions, dont certaines sont reléguées d'office au rang de mesures transitoires, sur un sujet où il aurait été judicieux à la fois de prendre du temps et de laisser de côté les présupposés idéologiques les plus dépassés.

Il y a lieu de s'interroger également sur la cohérence même de la rédaction du dispositif.

Certaines améliorations introduites par le Sénat, qui ne seraient, à vous entendre, monsieur le rapporteur, que de simples modifications rédactionnelles, vous ont pourtant conduit à devoir renoncer à des dispositions attendues par le monde sportif.

Nous sommes donc passés à côté de la vraie réforme que les clubs sportifs français attendaient.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, madame la ministre, que, dans l'attente du projet de loi qui viendra prochainement en discussion, le groupe de l'UDF s'abstiendra sur la proposition de loi, comme il l'a fait en commission mixte paritaire.

M. Guy Drut et M. Dominique Dord.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

Mme Catherine Picard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on pourrait s'étonner et se demander où est l'urgence ou la nécessité qu'il y a à discuter d'un nouveau texte relatif aux activités physiques et sportives.

D'aucuns considèrent, au mieux, que le sport est l'objet d'inoffensives activités associatives et d'autres, au pire, qu'il est un champ d'activités économiques qui doivent être envisagées en fonction d'une logique simple, celle de la création de richesses.

Faut-il donc voir dans cette proposition de loi déposée par le groupe socialiste une manifestation du désoeuvrement de parlementaires portés à légiférer encore là où il n'y a pas lieu de le faire ? Je ne le crois pas et le résultat des travaux de la commission mixte paritaire qui a vu députés et sénateurs tomber d'accord sur un texte commun, fait suffisamment rare pour être salué ici, est la preuve que les préoccupations des députés du groupe socialiste ont été largement partagées, loin des habituelles rivalités partisanes.

Car c'est bien de l'intérêt général qu'il s'agit et de la survie du sport tel que nous l'aimons et non tel que certains l'instrumentalisent.

Faut-il y voir la nouvelle manifestation d'une foucade bien française, qui nous pousserait à nous distinguer, une fois de plus, de nos voisins et amis européens en proclamant l'existence d'une « spécificité » sportive, comme nous croyons en une « exception » culturelle ? Non, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit simplement de permettre aux clubs sportifs qui ont des équipes engagées dans des compétitions professionnelles d'adapter leurs structures financières et juridiques à leurs besoins, sans tomber dans des mesures faciles, démagogiques et dangereuses à terme pour les clubs eux-mêmes. Je pense notamment à la fausse bonne idée de l'introduction des clubs en bourse. A ce propos, j'engage les sceptiques à se reporter à l'exemple de la Lazio de Rome, qui, laissant échapper le titre de champion d'Italie lors de la dernière journée de championnat 1998-1999, avait perdu 130 millions. Autre exemple, le club Real de Madrid qui, malgré de somptueux achats de joueurs et une dette estimée par certains observateurs à 2 milliards de francs, se traîne aujourd'hui à la dix-septième place de son championnat.

M. Dominique Dord.

C'est la « glorieuse incertitude » du sport !

Mme Catherine Picard.

On ne peut que trop bien imaginer ce qu'il adviendrait si, à la crise sportive s'ajoutait une crise boursière, donc financière.

M. Dominique Dord.

Cela n'a rien à voir !

Mme Catherine Picard.

C'est toujours ce que l'on dit quand on parle d'opérations boursières ! Il s'agit aussi de reconnaître que le sport est un formidable vecteur de médiation sociale, dont les collectivités auraient tort de se priver, et qu'il est bon de lever l'hypothèque d'un décret de 1996 quelque peu irresponsable.

Dorénavant, ces collectivités pourront financer les activités d'intérêt général et non le fonctionnement du club.

Ainsi, l'argent public ne s'évaporera pas en profits privés.

Enfin, parce qu'il n'y a pas de grands sports sans bon système de formation, parce que le système de formation français est exemplaire à bien des égards mais non exempt de défauts, parce que les valeurs du terrain ou de la piste ne sont pas toujours respectées par les dirigeants des clubs étrangers, il nous a semblé important de donner aux clubs la garantie de pouvoir conserver pendant une période maximale de trois ans les sportifs qu'ils ont formés.

Réciproquement, les travaux de la commission mixte paritaire ont permis d'étudier avec soin la difficile condition des jeunes qui ne se voient pas, à l'issue de la formation, proposer de contrat professionnel. Afin qu'ils ne soient pas les perdants du système, la loi impose aux clubs de leur proposer une aide à l'insertion professionnelle ou scolaire.

Enfin, félicitons-nous, et ce n'est pas un hasard, de l'occasion qui nous est donnée de parfaire le texte de la loi relative à la lutte contre le dopage.

Ces mesures sont loin d'être anodines.

Le sport ne peut être considéré comme une marchandise. L'Union européenne elle-même commence à en convenir. Dans un document de travail, elle identifie cinq fonctions du sport : une fonction éducative, une fonction de santé publique, une fonction sociale, une fonction culturelle et une fonction ludique.


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A ces fonctions s'ajoute la dimension économique, qu'il ne faut pas repousser et dont bénéficient les villes, les départements et les régions, mais aussi, bien entendu, les sportifs eux-mêmes quand ils ont la chance et le talent nécessaires pour devenir professionnels.

Afin de préserver ses vertus au sport, il convient de maintenir la « glorieuse incertitude » des résultats en s'assurant que nul ne puisse avoir des intérêts dans deux clubs concurrents.

Il faut s'assurer que, sur leur seule valeur sportive, des équipes ou des sportifs puissent être promus. Le corollaire est donc que nul ne peut être maintenu au sommet d'une compétition pour d'autres motifs que la seule valeur sportive. Et il faut évidemment éviter que des déséquilibres financiers trop importants ne faussent les résultats des compétitions. C'est un des points auxquels répond notre proposition de loi.

Nous sommes aujourd'hui rejoints par Mme Redding, commissaire européen chargé des sports, du moins en ce qui concerne les principes et le diagnostic qu'un « laisserfaire » serait destructeur pour le sport et les sportifs.

Citons aussi le rapport d'information de notre collègue Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne : « L'arrêt Bosman a méconnu le rôle éducatif, culturel, moral du sport, et notamment du football ».

Par « arrêt Bosman », il faut comprendre « ultra-libéralisme ».

M. Dominique Dord.

Le mot est lâché.

Mme Catherine Picard.

Ce constat, nous l'avons fait.

Avec cette proposition de loi, madame la ministre, nous en tirons les conséquences.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Rodet, dernier orateur inscrit.

M. Alain Rodet.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le retour du texte devant notre assemblée, après le travail positif réalisé en CMP, marque une étape importante. Ce texte répond, certes, à des situations d'urgence, mais il s'inscrit aussi sur le long terme puisqu'il prend nettement en compte le fait de société que représente le sport professionnel.

D'après un proverbe bavarois, quand on place les principes suffisamment haut, on peut passer dessous sans se baisser. (Sourires.) Dans le domaine qui nous occupe, nous étions précisément dans ce cas de figure : d'un côté, les grandes déclarations sur l'éthique sportive et la dénonciation du professionnalisme et de l'argent dans le sport et, de l'autre, un monde opaque, propice aux aventures les plus extravagantes, avec des tentations marquées en direction de l'argent roi et des dessous de table.

Le Comité international olympique lui-même est un peu l'illustration de cette ambivalence, et même de cette duplicité. Au moment où il réunit, à Lausanne, ses instances, comment ne pas se rappeler les déclarations d'un de ses anciens présidents, l'Américain Avery Brundage, qui était le propagandiste ardent, mais inefficace, de l'amateurisme ? Et quand on regarde la situation telle qu'elle est aujourd'hui sous la présidence du Catalan Juan Antonio Samaranch, on est surpris de l'écart marqué entre ces deux périodes.

M. Guy Drut.

Trente ans !

M. Alain Rodet.

Certes, en France, la loi Avice de juillet 1984 avait ouvert des pistes et avait permis de prendre en compte un certain nombre de situations. Mais à l'examen et le temps passant, elle a révélé certaines lacunes qu'il fallait impérativement corriger.

Et puis il y a eu le fameux DDOEF de 1994, fortement inspiré par M. Pasqua mais beaucoup moins par la ministre des sports de l'époque, dont on a récemment parlé, mais à propos d'autre chose. (Sourires.)

M. Pasqua, aujourd'hui souverainiste, était à l'époque un partisan, plus qu'ardent, allais-je dire, de l'interprétation des règles européennes dans ce qu'elles avaient d'excessif. Pour, paraît-il, régler les problèmes sportifs en Ilede-France, voire dans les Hauts-de-Seine, il avait bâti un système qui risquait, à terme, d'être fatal à une grande partie du sport professionnel français.

Madame la ministre, j'ai en mémoire une déclaration très claire que vous avez faite ici même, quelques semaines après votre nomination au ministère de la jeunesse et des sports : vous indiquiez que, si l'on en restait aux dispositions « Pasqua » du DDOEF de 1994, il n'y aurait rapidement plus en France de sport professionnel, ni de seconde division, ni de première division, que ce soit en football, en basket-ball, en rugby, en volley-ball ou en handball. Il fallait que cela fût dit.

En fait, la proposition de loi qui nous revient, issue de la CMP, marque l'aboutissement d'un travail en profondeur.

Il faut saluer la création, l'entité juridique nouvelle que constitue la société anonyme sportive professionnelle. Cet instrument juridique, nouveau,...

M. Dominique Dord.

C'est sûr !

M. Alain Rodet.

... est sans doute plus pertinent et mieux adapté que la société d'économie mixte ou que la société anonyme à objet sportif, qui, dans un certain nombre de situations, ont tout de même révélé leurs insuffisances.

M. Henri Nayrou.

Vous parlez en connaisseur, monsieur Rodet !

M. Alain Rodet.

Je crois en effet que la SASP permettra une gestion plus rigoureuse, plus responsable en tout cas, car les responsabilités seront beaucoup mieux identifiées.

Les dispositions relatives aux centres de formation et aux jeunes sportifs vont également dans le bon sens : elles protègent les clubs qui, avec beaucoup d'abnégation, d'altruisme, ont décidé d'investir dans la formation.

L'article 5, qui rétablit et encadre les subventions sportives dans le cadre de conventions, va permettre une utile remise en ordre de ce qui se passait souvent dans l'incertitude et, parfois, dans les tâtonnements.

Cela dit, au-delà de la proposition de loi que nous a llons voter dans quelques instants, un problème demeure, que ma collègue Mme Picard a évoqué : je veux parler des instances européennes et des championnats européens, qui prennent de plus en plus d'importance.

Aujourd'hui, les supporters, les sponsors, bref, tous ceux qui s'intéressent au sport professionnel, tout en s'intéressant aux championnats nationaux, regardent avec de plus en plus d'attention ce qui se passe lors des compétitions européennes. De ce point de vue, les clubs français restent encore désavantagés.

Que se passe-t-il ? L'Europe, dans bien des domaines, nous impose ses réglementations et édicte des directives parfois un peu extravagantes. Mais dans le domaine du sport, en dépit de quelques frémissements ici ou là, son intervention reste très insuffisante. On peut en effet considérer que, si l'on veut avoir des championnats européens dignes de ce nom, si l'on veut avoir une compétition européenne dans


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les différentes disciplines sportives qui aient vraiment toutes les caractéristiques d'une vraie concurrence, il faut que les règles sociales et fiscales, dans le domaine du sport, puissent être harmonisées (M. Dominique Dord applaudit) ; certes progressivement. Il demeure que nous avons besoin de règles claires, car, dans des pays qui nous sont voisins, - que l'on songe à Arsenal, au Real de Madrid, au FC Barcelone ou à la Juventus de Turin - on se trouve confronté à des pratiques qui ne peuvent pas s'harmoniser avec une véritable directive européenne concernant le sport.

M. Dominique Dord.

Sur qui devons-nous alors nous aligner ?

M. Alain Rodet.

Puisque nous venons de renouveler l'Assemblée de Strasbourg, puisque nous avons voté, au printemps dernier, pour de nouveaux députés européens, souhaitons que nos excellents collègues,...

Mme Catherine Picard.

Ils ne sont pas tous excellents !

M. Alain Rodet.

... qui savent se manifester et qui ont parfois plus le sens de la communication que les parlements nationaux, s'attaquent sans retard à ce problème épineux.

Pour ce qui me concerne, j'apprécie les propositions qui ont été faites par nos collègues de la majorité et par la commission mixte paritaire. Il s'agit pour moi d'une étape importante dans la vie sportive en général et dans la vie des clubs sportifs professionnels en particulier, dont notre pays a, quoi qu'on dise, impérativement besoin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Je m'en tiendrai à quelques mots, monsieur le président.

Le problème des droits de télévision est réel et très sérieux. Je suis personnellement convaincue qu'il est nécessaire de renforcer le pouvoir des fédérations et, par délégation, des ligues, pour qu'elles maîtrisent les contrats passés avec les télévisions.

Vous n'ignorez pas la tentative de quatre ou cinq clubs français, par l'intermédiaire de la Commission européenne, de négocier directement leurs droits.

Il s'agit ici du pouvoir des fédérations, sur lequel nous pourrons tranquillement travailler à la faveur du projet de loi de février 2000 qui traitera des associations sportives, et donc des fédérations. Nous pourrons donc avancer.

Y a-t-il une concurrence déloyale au niveau de l'Union européenne ! Oui, bien évidemment ! On vient d'apprendre que le Real de Madrid accuse un déficit de 1 611 millions. En France, et cela est très positif, la Ligue de football a mis en place une commission de contrôle chargée de vérifier que les clubs ont bien une gestion financière saine.

M. François Rochebloine.

Merci de le reconnaître !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Le futur projet de loi généralisera cette vérification à tous les sports professionnels.

Il faut des dispositions à l'échelon européen. J'ai ainsi proposé - l'idée fait son chemin dans le mouvement sportif - la création de commissions de contrôle de gestion des clubs au niveau de l'Union européenne. Nous disposons d'ailleurs des instruments - je pense à l'UEFA pour imposer une telle décision, avec, bien sûr, l'aide des

Etats. Les avancées du rapport Prodi sur la reconnaissance de la singularité sportive permettront de faire progresser fortement l'homogénéisation à l'échelle européenne afin d'éviter la concurrence déloyale. Nous pourrons mettre à profit la présidence française de l'Union européenne, au second semestre 2000.

Enfin, vous parlez de sport-spectacle, monsieur Dord.

Mais, vous savez, des enfants qui jouent sur un terrain, c'est parfois un magnifique spectacle.

M. Dominique Dord et M. François Rochebloine.

Bien sûr !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Le geste sportif est beau et agréable à voir. Je ne vois donc pas bien ce qu'est le sport-spectacle.

Ce qui est sûr et certain - et je pense que tel était le sens de vos propos, monsieur le député - c'est qu'il faute mpêcher que certaines pressions financières fassent prendre au spectacle le dessus sur les règles sportives et nuisent à l'incertitude inhérente au sport. Là est l'essentiel. La proposition de loi, dont je remercie le groupes ocialiste et la commission, permettra de préserver l'éthique du sport.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président.

Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

PROPOSITION DE LOI

PORTANT DIVERSES MESURES RELATIVES A L'ORGANISATION D'ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES C HAPITRE Ier Dispositions relatives aux sociétés sportives à statut particulier

« Art. 1er L'article 11 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi modifié : 1o Le premier alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« Toute association sportive affiliée à une fédération sportive régie par le chapitre III du titre Ier de la présente loi qui participe habituellement à l'organisation de manifestations sportives payantes procurant des recettes d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ou qui emploie des sportifs dont le montant total des rémunérations excède un chiffre fixé par décret en Conseil d'Etat constitue pour la gestion de ces activités une société commerciale régie par la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et par les dispositions de la présente loi.

« Cette société prend la forme :

« soit d'une société à responsabilité limitée ne comprenant qu'un associé, dénommée entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée ;

« soit d'une société anonyme à objet sportif ;

« soit d'une société anonyme sportive professionnelle.

« Les sociétés d'économie mixte sportives locales constituées avant la date de publication de la loi no du portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives peuvent conserver leur régime juridique antérieur.


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« Les statuts des sociétés constituées par les associations sportives sont conformes à des statuts types définis par décret en Conseil d'Etat. »

« 1o bis Dans le deuxième alinéa, les mots : "et qui poursuit l'objet visé à l'article 12" sont supprimés ;

« 2o Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« L'association sportive et la société qu'elle a constituée définissent leurs relations par une convention approuvée par leurs instances statutaires respectives. Un décret en Conseil d'Etat précise les stipulations que doit comporter cette convention et notamment les conditions d'utilisation par la société de la dénomination, marque ou autress ignes distinctifs appartenant à l'association. Cette convention entre en vigueur après son approbation par l'autorité administrative. Elle est réputée approuvée si l'autorité administrative n'a pas fait connaître son opposition dans un délai de deux mois à compter de sa transmission. La participation de la société à des compétitions ou des manifestations inscrites au calendrier d'une fédération sportive agréée relève de la compétence de l'association. »

« 3o Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« L'association sportive qui constitue la société anonyme sportive professionnelle est destinataire des délibérations des organes dirigeants de la société. Elle peut exercer les actions prévues aux articles 225 à 226-1 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 précitée. »

« Art. 2. L'article 13 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 précitée est ainsi modifié : 1o Les trois premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Le capital de la société d'économie mixte sportive locale et de la société anonyme à objet sportif est composé d'actions nominatives.

« Les membres élus des organes de direction de ces sociétés ne peuvent recevoir, au titre de leurs fonctions, que le remboursement de frais justifiés.

« Le bénéfice, au sens de l'article 346 de la loi no 66537 du 24 juillet 1966 précitée, de la société d'économie mixte sportive locale, de l'entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée et de la société anonyme à objet sportif est affecté à la constitution de réserves qui ne peuvent donner lieu à aucune distribution. »

« 2o Supprimé

« 3o Il est complété par une alinéa ainsi rédigé :

« Les sociétés anonymes mentionnées à l'article 11 ne peuvent faire appel publiquement à l'épargne. »

....................................................................

C HAPITRE II Dispositions diverses

« Art. 6. - Après l'article 15-2 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, il est inséré un article 15-3 ainsi rédigé :

« Art. 15-3. - La conclusion d'un contrat relatif à l'exercice d'une activité sportive par un mineur ne donne lieu à aucune rémunération ou indemnité, ni à l'octroi de quelque avantage que ce soit, au bénéfice :

« d'une personne exerçant l'activité définie au premier alinéa de l'article 15-2 ;

« d'une association sportive ou d'une société mentionnée à l'article 11 ;

« ou de toute personne agissant au nom et pour le compte du mineur.

« Toute convention contraire aux dispositions du présent article est nulle. »

« Art. 6 bis. - Le premier alinéa de l'article L. 211-4 du code du travail est complété par les mots : ", ou d'une activité sportive". »

« Art. 7. - Après l'article 15-2 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, il est inséré un article 15-4 ainsi rédigé :

« Art. 15-4. - Les centres de formation relevant d'une a ssociation sportive ou d'une société mentionnée à l'article 11 sont agréés par le ministre chargé des sports, sur proposition de la fédération délégataire compétente et après avis de la commission nationale du sport de haut niveau prévue à l'article 26.

« L'accès à une formation dispensée par un centre mentionné au premier alinéa est subordonné à la conclusion d'une convention entre le bénéficiaire de la formation ou son représentant légal et l'association ou la société.

« La convention détermine la durée, le niveau et les modalités de la formation. Elle prévoit qu'à l'issue de la formation, et s'il entend exercer à titre professionnel la discipline sportive à laquelle il a été formé, le bénéfic iaire peut être dans l'obligation de conclure, avec l'association ou la société dont relève le centre, un contrat de travail défini au 3o de l'article L. 122-1-1 du code du travail, dont la durée ne peut excéder trois ans.

« Si l'association ou la société ne lui propose pas de contrat de travail, elle est tenue d'apporter à l'intéressé une aide à l'insertion scolaire ou professionnelle, dans les conditions prévues par la convention.

« Les stipulations de la convention sont déterminées pour chaque discipline sportive dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, et conformément à des stipulations types. »

« Art. 7 bis et 7 ter. - Supprimés. »

....................................................................

« Art. 10. - La loi no 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage est ainsi modifiée :

« 1o Au premier alinéa de l'article 15, le mot : "sanctions" est remplacé par le mot : "décisions" ;

« 2o Dans la première phrase du 3o du I de l'article 26, les mots : "sanctions disciplinaires" sont remplacés par le mot : "décisions" ;

« 3o Dans la seconde phrase du 3o du I de l'article 26, le mot : "sanctions" est remplacé par le mot : "décisions". »

« Art.

11. Après l'article 19 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, il est inséré un article 19-1 A ainsi rédigé :

« Art.

19-1 A. Lorsque dans une discipline sportive a ucune fédération n'a reçu la délégation prévue à l'article 17, les compétences attribuées aux fédérations délégataires par les articles 17 et 18 peuvent être exercées, pour une période déterminée et avec l'autorisation du ministre chargé des sports, par une commission spécialisée mise en place par le comité national olympique et sportif français.

Les compétitions et manifestations sportives organisées ou agréées par une commission spécialisée sont assimilées à celles organisées ou agréées par une fédération sportive pour l'application des dispositions de l'article 17 de la loi no 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.


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Les dispositions du premier alinéa sont applicables à compter du 1er juin 1998. »

Explication de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Drut, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Guy Drut.

Monsieur le président, madame la ministre, je voudrais d'abord vous demander d'excuser l'absence inopinée de Christian Estrosi, qui a dû repartir dans sa circonscription.

Mes collègues Dord et Rochebloine ont pratiquement tout dit. Oui, il y a eu une succession de compromis - on pourrait presque dire sur des coins de table - qui ne sont pas dignes du sport français.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mon excellent collègue Nayrou connaît, à n'en point douter, très bien le sport, à tous les niveaux. Mais je suis en désaccord avec lui sur la taxation des droits de retransmission télévisée. Distribuer aux pauvres ce que gagnent les riches est purement et simplement démagogique.

M. Bernard Outin.

Ah bon !

M. Jean-Pierre Dufau.

Il vaudrait mieux faire l'inverse d'après vous ?

M. Guy Drut.

Chers collègues, si, comme moi, vous respectiez l'adversaire,...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais vous n'êtes pas notre adversaire, vous êtes un député de l'opposition !

M. Guy Drut.

... je pourrais m'exprimer.

Si vous aviez fait un peu de sport, peut-être auriezvous appris ce respect sur les stades ! Pourquoi, plutôt que de taxer d'office certaines fédérations, ne pas leur accorder la possibilité d'aider volontairement les fédérations et les sports qui gagnent le moins d'argent, la taxation ne leur étant imposée que lorsqu'elles ne le font pas ? Une telle mesure donnerait une autre image de la taxation, à laquelle, vous le savez bien, madame le ministre, l'ensemble du mouvement sportif est opposé.

Ensuite, monsieur Rodet, le Comité international olympique ne se réunit pas demain, mais samedi et dimanche prochains, afin de préparer la charte du

XXIe siècle. Puisque vous semblez un peu connaître le CIO mais juste un peu -, je vous dirai que la grande différence entre M. Brundage et M. Samaranch, c'est que trente ans les sépare.

M. Alain Rodet.

Non, vingt ans !

M. Guy Drut.

Entre-temps, le sport, comme le reste, a évolué. Même si vous, vous en êtes toujours aux préceptes de Jaurès...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Jaurès est irremplaçable !

M. Guy Drut.

... le sport, lui, évolue, et il faut faire avec.

Enfin, je suis favorable à la cotation des clubs en bourse car elle garantit la transparence. Manifestement, Mme Picard y est opposée. Pourtant M. Strauss-Kahn qui, même s'il n'est plus ministre, est toujours socialiste, ne semble pas de votre avis, madame la députée. Vous devriez en parler entre vous ! Il faut donner aux clubs français les mêmes armes que les clubs européens. D'après Mme la ministre, nous pourrons nous engager dans cette voie dès le mois de février 2000. En prenant le temps de la réflexion, de la discussion et de l'écoute peut-être même serez-vous prêts à accepter quelques-uns de nos amendements -, nous pourrons en débattre beaucoup plus sérieusement que cela n'a été fait avec ce texte qui ne règle aucun problème.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du Rassemblement pour la République s'abstiendra.

M. Dominique Dord.

Démocratie libérale aussi !

M. François Rochebloine.

L'UDF également ! Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

6 DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président.

J'ai reçu, le 7 décembre 1999 de M. Renaud Muselier, un rapport no 1999, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi relative à la création d'une prestation parentale d'assistance (no 1232).

7 DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président.

J'ai reçu, le 7 décembre 1999, de M. Jean-Noël Kerdraon, un avis no 2000, présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi autorisant l'approbation d e la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvenement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de GrandeBretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (no 1916).

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 8 décembre 1999, à quinze heures, première séance publique.

Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999, no 1952 ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1992) ; M. François Lamy, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1991).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ Par une communication du 6 décembre 1999, faite en application de l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a informé M. le président de l'Assemblée nationale que M. Michel Charzat a été élu, le 5 décembre 1999, député de la 21e circonscription de Paris.

MODIFICATION À LA COMPOSITION DES GROUPES

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (8 au lieu de 7) Ajouter le nom de M. Michel Charzat.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communications du 3 décembre 1999 No E 1356. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République tunisienne concernant le régime à l'importation dans la Communauté d'huile d'olive originaire de Tunisie, fixant les règles générales d'importation et abrogeant le règlem ent (CE) no 906/98 (procédure d'urgence) (COM [1999] 595 final).

No E 1357. - Proposition de décision du Conseil portant attrib ution d'une aide financière exceptionnelle de la Communauté au Kosovo (COM [1999] 598 final).

Communications du 6 décembre 1999 No E 1358. - Projet de décision-cadre sur l'échange des résultats des analyses d'ADN : note de la présidence au groupe coopération policière (ENFOPOL 65/99).

No E 1359. - Proposition de règlement du Conseil portant reconduction en 2000 des mesures prévues au règlement (CE) no 1416/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 p our certains produits agricoles transformés (COM [1999] 542 final).

No E 1360. - Proposition de règlement du Conseil adoptant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Pologne et de Bulgarie (COM [1999] 607 final).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mardi 7 décembre 1999 SCRUTIN no 223 sur l'ensemble du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nouvelle lecture).

Nombre de votants .....................................

555 Nombre de suffrages exprimés ....................

554 Majorité absolue ..........................................

278 Pour l'adoption ...................

306 Contre ..................................

248 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (250) : Pour : 241. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude B eauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-

M arie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Maxime Bono , Augustin Bonrepaux , André Borel , JeanMichel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boul aud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul B ret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , A lain Calmat , Jean-Christophe Cambadélis , André C apet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mme Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , JeanYves Caullet , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteg uet , Guy-Michel Chauveau , Jean-Claude Chazal , D aniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Jean-Jacques Denis , Mme Monique D enise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Jean-Louis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , JeanPaul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mme Catherine Génisson , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël G oyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunst ler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuc lin , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Serge Janquin , Jacky Jaulneau , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , PierreClaude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou , MM. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , JeanPaul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Marius Masse , Gilbert Maurer , Guy Menut , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Jean-Pierre Pernot , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette Peulvast-Bergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , René Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , JeanClaude Viollet et Philippe Vuilque.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale). Groupe R.P.R. (136) : C ontre : 132. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Jean-Charles


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1999

Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François CornutGentille , Alain Cousin , Jean-Michel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick Deln atte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas D upont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques L afleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Thierry Mariani , Franck

M arlin , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann . Groupe U.D.F. (70) : Contre : 67. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme MarieThérèse Boisseau , M. Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe Daubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Renaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes AnneMarie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry JeanBaptiste , Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin et JeanJacques Weber.

Non-votant : M. Pierre-André Wiltzer (président de séance).

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (45) : Contre : 43. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Bernard Deflesselles , Francis Delattre , Franck Dhersin , Domin ique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , JeanClaude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , JeanFrançois Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Jean-Pierre Soisson , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin . Groupe communiste (35) : Pour : 33. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , Claude B illard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gérin , Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Guy Hermier , Robert H ue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu ,

M M. André Lajoinie , Jean-Claude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malav ieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard O utin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila . Contre : 2. - MM. Patrice Carvalho et Georges Hage . Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 31. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Jean-Pierre Defontaine , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Claude Hoarau , Elie Hoarau , Robert Honde , Guy Lengagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pont ier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver . Abstention : 1. - M. Jacques Desallangre.

Non-inscrits (8).

Pour : 1. - M. Marcel Cabiddu.

Contre : 4. - MM. Marc Dumoulin , Jean-Jacques Guillet , Charles Millon et Philippe de Villiers . Mises au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) Mme Nicole Catala, MM. Alain Marleix et Jean Marsaudon, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».