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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 10679).

2. Questions au Gouvernement (p. 10679).

V

IOLENCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES (p. 10679)

Mmes Jacqueline Mathieu-Obadia, Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

PRIX DU GAZOLE (p. 10680)

MM. Yves Deniaud, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DÉSAMIANTAGE DE LA FACULTÉ JUSSIEU (p. 10680)

M. Pierre Morange, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 10681).

4. Questions au Gouvernement (suite) (p. 10681).

MOYENS DE LA JUSTICE (p. 10681)

M. François Goulard, mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

ASSURANCE MALADIE (p. 10682)

M. Georges Sarre, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

TCHÉTCHÉNIE (p. 10683)

MM. François Loncle, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

LAINIÈRE DE ROUBAIX (p. 10683)

MM. Dominique Baert, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

OMC ET DÉVELOPPEMENT (p. 10684)

Mme Béatrice Marre, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE (p. 10685)

Mmes Odette Grzegrzulka, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

POLITIQUE FISCALE (p. 10685)

MM. Charles de Courson, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

EMPLOIS-JEUNES (p. 10687)

M. Jean Vila, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

HÔPITAUX PUBLICS (p. 10687)

M. Félix Leyzour, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 10688)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

5. Réunion du Parlement en Congrès (p. 10689).

6. Loi de finances rectificative pour 1999. - Discussion d'un projet de loi (p. 10689).

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 10697)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy : MM. Charles de Courson, le président, le ministre, Gérard Fuchs, Marc Laffineur, Gilles Carrez, Jean-Jacques Jégou. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 10709)

Question préalable de M. José Rossi : MM. Gilbert Gantier, le ministre, Raymond Douyère, Pierre Hériaud, Arthur Dehaine. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10715)

M. Marc Laffineur.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

7. Déclaration d'urgence d'un projet de loi (p. 10717).

8. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 10717).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Eliher Sau l Flores-Prieto, membre de la chambre des députés des Etats-Unis du Mexique. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Nous allons montrer à nos visiteurs à quel point nos séances sont calmes ! (Sourires.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

VIOLENCE DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, qui n'est pas encore arrivé. Je vous prie donc de m'excuser de la poser en son absence. Au risque de lui déplaire en posant encore une fois le problème de l'insécurité, je voulais lui rappeler qu'une étudiante a été rouée de coups dans un amphithéâtre de l'université ParisTolbiac le 23 novembre dernier ou bien encore que le principal et un surveillant du collège Guy-Môquet de Gennevilliers ont été brutalisés, après l'intrusion d'un a dolescent dans la cour de l'établissement, le 18 novembre. Ces faits montrent que, malheureusement, la violence et l'insécurité ne cessent de s'enraciner dans nos établissements scolaires et universitaires et qu'elles transforment le quotidien des enseignants et des élèves en un véritable parcours du combattant.

D'après une enquête récente, sur une année, la violence scolaire serait à l'origine de 350 000 incidents. C'est un constat accablant et dramatique pour notre système éducatif que Mme Royal elle-même voudrait « accueillant et attentif à chacun, ancré dans le réel et fort d'une véritable identité ». Malheureusement rien n'a changé depuis l'annonce des plans anti-violence et l'idée si chère à M. le ministre de l'intérieur, de recourir systématiquement à la logique quantitative, donc de dégager des personnels supplémentaires, n'a pas porté ses fruits. Le Gouvernement fait actuellement payer au prix fort aux enseignants, aux élèves et à leurs parents, son entêtement à utiliser en permanence le système éducatif à des fins idéologiques et politiques. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, quand allez-vous réellement prendre conscience de ce qui se passe dans nos établissements scolaires...

M. Jacques Myard.

Jamais !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

... et quand allezvous vous rallier enfin à une vision de l'école qui ne soit qu'un lieu de vie et d'apprentissage du savoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Madame la députée, le Gouvernement, vous le savez, a pris à bras-le-corps la question de toutes les violences. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) D'ailleurs, pas plus tard qu'il y a deux jours, le Premier ministre présidait un conseil de sécurité intérieure où la lutte contre les violences en milieu scolaire a précisément fait l'objet non seulement d'un bilan des actions déjà entreprises, mais aussi d'une mise au point de mesures nouvelles.

Je vous rappelle que dix zones anti-violence ont été créées, auxquelles des emplois ont été affectés, et que nous commençons à observer les résultats de ces efforts puisque dans le département des Bouches-du-Rhône, par exemple, madame la députée, les faits de violence ont diminué de 35 %. Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est faux ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Par ailleurs, nous mettons en place des classesrelais, ce que vous n'aviez pas fait : 250 classes de ce type seront ouvertes au mois de juin prochain, 135 fonctionnent déjà. Ces classes-relais ont pour objectif de recevoir des élèves en rupture scolaire qui perturbent les classes et sont désormais encadrés dans des structures leur permettant de reprendre pied dans le système scolaire.

Nous avons également mis en place une action de division des gros collèges. Seize gros collèges de plus de mille élèves ont été divisés grâce à des subventions


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exceptionnelles de l'Etat. Les conseils généraux se sont d'ailleurs engagés dans des opérations de cofinancement, quelle que soit leur sensibilité politique, ce qui prouve que les actions du Gouvernement sont unanimement reconnues. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je considère, en effet, qu'il est très difficile de maintenir la discipline dans un collège qui compte plus de six cents élèves, c'est-à-dire où le chef d'établissement ne peut pas connaître individuellement les élèves. Les nouveaux collèges ne comprendront donc désormais pas plus de 600 à 700 élèves.

Par ailleurs, une opération réalisée en liaison avec le ministère de la défense et à laquelle sont étroitement associés sur le terrain des gendarmes présents aux abords des établissements scolaires se met actuellement en place.

Enfin, le renforcement de l'éducation civique, de la maternelle au lycée, par le biais d'un parcours citoyen, p ermettra d'améliorer non seulement l'éducation citoyenne, mais aussi l'éducation au comportement. C'est en effet à tous les adultes, parents d'élèves, enseignants, personnels non éducatifs du système scolaire, aux responsables politiques, à la télévision de donner l'exemple.

C'est la société tout entière qui doit faire mieux et plus pour réduire la violence des plus jeunes.

Cela dit, on parle souvent de ces jeunes lorsque des violences sont commises, mais sachons porter sur eux un regard bienveillant, positif, parce qu'ils ont aussi beaucoup de qualité et qu'ils ont d'abord envie de réussir leur cursus scolaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PRIX DU GAZOLE

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Hier, dans un grand élan de générosité et de solidarité envers les pêcheurs, M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, répondant à une question du groupe socialiste sur le prix du gazole, indiquait que celui-ci avait simplement rejoint son niveau de 1996-1997 et il s'étonnait qu'à l'époque il n'y ait pas eu de manifestation pour en réclamer la baisse.

Aujourd'hui, bien d'autres professions sont concernées par la hausse du prix du gazole. Les routiers, les agriculteurs, les pêcheurs, les taxis, les commerciaux d'entreprise et bien d'autres utilisent en effet à des fins professionnelles le gazole dont le prix a augmenté de 28 % environ depuis le début de l'année. Qu'envisagez-vous de faire, monsieur le ministre de l'économie, pour en réduire le coût pour les professionnels concernés ? A moins que vous ne leur suggériez, comme votre collègue hier, de manifester pour se faire entendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous m'interrogez sur le prix du gazole. (« Oui ! Bravo ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous le savez, dans un souci écologique, le Gouvernement mène une politique dont l'objectif est d'organiser, sur sept ans, c'est-à-dire très progessivement, une diminution de l'écart entre le prix du gazole et celui du super sans plomb de 49 centimes par rapport à la moyenne européenne.

M. Bernard Accoyer.

Alors baissez le prix de l'essence ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons entamé cette démarche progressive en 1999, et vous l'avez peut-être votée dans le projet de loi de finances pour 2000. (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je voudrais faire deux commentaires.

D'abord, les sept centimes de hausse, auxquels vous faites sant doute allusion, auraient pu s'ajouter à une hausse éventuelle du carburant sans plomb. Or nous sommes le seul pays de l'Union européenne à ne pas avoir alourdi la fiscalité sur le super sans plomb en 1999 et en 2000. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous remercie de m'avoir permis de souligner ce point.

Ensuite, mon collègue Jean-Claude Gayssot et moimême avons fait en sorte que les professionnels de la route puissent supporter cette hausse relative sans dommage pour leur activité professionnelle.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Il n'a pas compris la question ! DÉSAMIANTAGE DE LA FACULTÉ DE JUSSIEU

M. le président.

La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

A la fin de l'année 1996, le précédent gouvernement avait prévu un plan de désamiantage des locaux de l'université de Jussieu, qui devait s'étaler sur trois ans. Or, depuis deux ans et demi, et sous votre autorité, monsieur le ministre, ces travaux sont interrompus.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est nul !

M. Pierre Morange.

Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans la situation suivante. Certains locaux restent inaccessibles du fait de l'arrêt des travaux avant leur achèvement. Les risques pour la santé publique du fait de l'amiante demeurent et justifient l'inquiétude des étudiants et des enseignants. Quant à vous, vous ne faites rien, comme vous l'avez d'ailleurs reconnu devant nos collègues du Sénat à l'occasion du débat budgétaire. Or, que vous choisissiez de faire reprendre les travaux ou de procéder au déménagement de cette université dans le cadre du programme « Les Grands Moulins », ce retard ne sera pas rattrapé. Dans les deux cas, votre décision ne sera effective pour les étudiants que dans trois ans.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite obtenir une réponse précise à deux questions. Quelles sont les raisons qui peuvent justifier l'arrêt de ces travaux ? Par votre attentisme, vous négligez à un risque de santé publique.

Comment votre gouvernement peut-il défendre le principe de précaution sur certains dossiers et le bafouer aussi


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manifestement sur d'autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. (« Encore ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député, Claude Allègre étant en déplacement aux Etats-Unis pour traiter de questions relatives à la recherche, je vais répondre à sa place.

Vous savez quelles sont ses préoccupations, en tant que grand scientifique (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), s'agissant de la sécurité et du désamiantage de Jussieu en particulier. Les expertises continuent. Les travaux sont programmés. Le Gouvernement a dégagé sept milliards de francs pour assurer la sécurité de l'ensemble des établissements scolaires et universitaires et Jussieu est inscrit dans cette programmation.

Soyez donc rassuré, monsieur le député, comme peuvent l'être tous les étudiants qui fréquentent ou fréquenteront Jussieu ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

3

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. John Marek, membre de la Chambre des communes du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Merci d'avoir rejoint le continent ! (Sourires.)

4 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Nous poursuivons les questions au Gouvernement.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

MOYENS DE LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Tout récemment, à Marseille, deux jeunes de quinze ans, qui avaient agressé et volé des personnes âgées, ont été remis en liberté faute de place dans les établissements pour les accueillir.

M. Lucien Degauchy.

C'est un scandale !

M. François Goulard.

A Nantes, quelque 160 dossiers concernant des affaires graves ne pourront probablement être traités du fait de l'engorgement du tribunal.

Les problèmes de la justice aujourd'hui résultent de l'invraisemblable manque de moyens de l'administration pénitentiaire - on compte aujourd'hui quelque dix mille détenus de plus qu'il n'y a de places dans nos prisons -, de l'insuffisance dramatique du nombre d'établissements pour accueillir les jeunes délinquants, de l'encombrement des tribunaux mis dans l'impossibilité de traiter les affaires les plus quotidiennes.

Comme l'a dit le procureur général de Colmar : « Le procureur n'est plus l'instigateur ou l'ordonnateur d'une politique pénale adaptée. Il gère des flux et des stocks dans un sens contraire à l'intérêt public. Il devient, en fait, le magasinier de la justice. »

Face à l'explosion de la délinquance, que nie votre collègue de l'intérieur mais que constatent tous les Français, la justice ne fait plus face. Or vous êtes en train de focaliser l'attention des médias sur votre réforme, d'ailleurs très contestable, de la justice. C'est un arbre que vous tentez de planter pour mieux cacher la forêt, celle d'une justice dépassée dans son rôle le plus élémentaire, là où elle devrait être au service de tous les Français.

Mme Odette Grzegrzulka.

Qu'a fait Debré ? Qu'a fait Toubon ?

M. François Goulard.

Le Gouvernement est-il prêt à doter la justice des quelques milliards de francs nécessaires à la remise à niveau de ses moyens, au moment où il s'apprête à gaspiller 120 milliards pour les 35 heures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, vous citez un exemple à Marseille, je pourrais vous en donner un autre à PontaultCombault) où deux jeunes viennent d'être condamnés en comparution immédiate à huit mois fermes d'incarcération. Cela signifie qu'il faut laisser les magistrats apprécier, en toute indépendance, ce qu'il convient de faire sur des cas particuliers, car notre démocratie fonctionne sur le principe de l'individualisation de l'appréciation des dossiers judiciaires.

Par ailleurs, je m'étonne que vous ayez le front de donner des leçons à ce gouvernement, qui a fait plus qu'aucun autre pour les moyens de la justice ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je vous rappelle, monsieur le député, qu'en trois ans, ce gouvernement aura créé 2 937 postes de magistrat au ministère de la justice, c'est-à-dire trois fois plus que pendant les dix années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous rappelle aussi que nous avons entrepris un programme, également sans précédent,


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de rénovation des équipements, non seulement des tribunaux, mais aussi des prisons. En outre, s'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, c'est-à-dire des éducateurs et des structures destinées à accueillir les jeunes délinquants ou les jeunes en danger, le budget de l'année prochaine nous permettra de faire un saut historique, puisque nous allons recruter 680 personnes, alors que, lorsque vos amis étaient au pouvoir, le rythme était de 40 par an, c'est-à-dire que nous faisons plus de dix fois plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, le Premier ministre a fait, il y a deux jours, le bilan des décisions prises par le conseil de sécurité intérieure. Nous aurons, d'ici à la fin de l'année, quinze centres de placement immédiat destinés à accueillir dans l'urgence, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de la semaine, y compris le week-end, les jeunes qui ne doivent pas être renvoyés dans leur quartier. Nous disposerons également d'une soixantaine de centres éducatifs renforcés l'an prochain. Nous en avons d'ores et déjà le double de ce que nous avions au début de l'année.

Je pourrais allonger ce bilan, mais je vous ferai grâce de la liste de toutes les réalisations auxquelles nous avons procédé en trois ans et que les gouvernements que vous avez soutenus ont été incapables de faire, alors même qu'ils ne respectaient pas l'indépendance de la justice.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons à une question du groupe Radical, Citoyen et Vert.

ASSURANCE MALADIE

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le MEDEF pourrait annoncer dans quelques semaines son départ de la gestion paritaire de l'assurance maladie. C'est désormais une quasi-certitude.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est irresponsable et lâche !

M. Georges Sarre.

Au même moment, certaines compagnies d'assurance annoncent qu'elles veulent proposer le remboursement de certains médicaments qui ne seront pas pris en charge par l'assurance maladie. Ces médicaments, qui traitent aussi bien des effets de la grippe, de la chute des cheveux, en passant par la lutte contre l'obésité, présentent la particularité d'être classés dans la catégorie des médicaments de bien-être, alors même qu'ils sont exactement à mi-chemin entre le médicament de confort et la lutte efficace contre des pathologies.

Au moment donc où le patronat semble plus que jamais vouloir s'affranchir du paritarisme, des assurances privées, qui espèrent depuis longtemps trouver l'ouverture pour tenter une OPA sur la sécurité sociale, lancent l'offensive. Elles sont en passe de trouver un formidable ticket d'entrée pour investir le secteur de la santé et ses 800 milliards de dépenses annuelles.

Il est des engrenages dans lesquels il ne faut pas mettre le doigt. Remise en cause de la cogestion de l'assurance maladie, d'un côté, privatisation rampante du risque maladie, de l'autre, la sécurité sociale se trouve aujourd'hui prise en tenaille.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour ériger des garde-fous contre les appétits des assurances privées, barrer le chemin à une quelconque privatisation de la sécurité sociale et éviter l'installation d'une santé à plusieurs vitesses ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le Gouvernement a dit à de multiples reprises combien il est attaché à la fois au paritarisme et à la politique contractuelle. Ce serait d'ailleurs un paradoxe de voir une grande organisation patronale quitter les caisses de sécurité sociale au moment même où nous avons pris les décisions qui nous étaient demandées sur le financement des charges sociales, au moment même où nous apportons à la CNAM, comme elle nous l'avait demandé, avec l'appui du MEDEF, lors de la présentation de son plan stratégique, la liberté de contrôle et de régulation de la médecine de ville. A moins que certains ne craignent d'avoir à prendre des décisions dont ils nous ont eux-mêmes réclamé la responsabilité...

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Je remarque d'ailleurs que chaque fois que le Gouvernement a été amené, faute pour la CNAM de pouvoir le faire sur le plan juridique, à prendre des décisions vis-à-vis des radiologues, de l'industrie pharmaceutique ou des laboratoires biologiques, cette même organisation n'a pas souhaité accompagner une politique de rigueur pourtant nécessaire à la pérennisation de la sécurité sociale.

Ce retrait serait d'autant plus paradoxal que nous sommes sur la voie d'un redressement de la sécurité sociale et d'un excédent de ses comptes l'année prochaine.

A moins que, là encore, ceux qui nous disent vouloir partir ne préfèrent un autre système, qui s'éloigne pourtant de plus en plus car la pérennisation de la sécurité sociale passe, nous en sommes convaincus, par son équilibre financier.

En tout état de cause, si une telle décision était prise - ce qu'évidemment le Gouvernement ne souhaite pas les conseils d'administration ne seraient pas pour autant paralysés. Les organisations syndicales, de même que l'Union professionnelle artisanale, ont d'ailleurs déjà fait savoir qu'elles resteraient pour faire fonctionner les conseils.

Le Gouvernement continuera à consolider la sécurité sociale pour éviter ce que refusent les Français, c'est-àdire un régime privé, régime dont les débats qui se déroulent actuellement aux Etats-Unis ont abondamment montré les méfaits en termes de sélection des personnes et de sélection des risques. Le CREDES nous a montré il y a quelques jours qu'aucun système privé n'est plus efficace ni financièrement ni a fortiori socialement qu'un système collectif comme celui que nous défendons.

Quant au médicament, dans ce domaine comme dans d'autres, le Gouvernement ne se laissera pas dicter sa conduite par les politiques marketing de l'industrie pharmaceutique et de certaines sociétés d'assurances. Il vient d'ailleurs de m'être rendu un avis selon lequel le vaccin pour la grippe qui serait remboursé par une compagnie d'assurances ne doit pas l'être et ne le sera pas par la sécurité sociale, car les experts considèrent, en France comme en Grande-Bretagne, qu'il n'améliore pas le service médical rendu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Nous continuerons à poursuivre un seul objectif : améliorer la santé des Français, faire en sorte, comme c'est le cas avec la CMU, que chacun ait accès aux soins.

L'action que nous menons depuis deux ans pour pérenniser la sécurité sociale va dans ce sens. Peut-être est-ce cela qui gêne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

TCHÉTCHÉNIE

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Monsieur le président, ce qui se déroule en Tchétchénie atteint et dépasse probablement les horreurs que nous avons connues ces dernières années dans les Balkans. Le Kremlin menace de raser Grozny, la capitale. Les 50 000 habitants restés sur place subissent des bombardements depuis trois semaines. Le pouvoir russe, dont on observe l'évolution nationaliste et autoritaire, mène cette guerre avec cynisme et en grande partie avec des objectifs électoraux.

Face à cette situation déplorable, les Etats-Unis et l'Union européenne émettent des protestations, condamnent verbalement.

Certes, M. Clinton affirme que la Russie « paiera cher ses actes dans le nord du Caucase ». Mais, dans le même temps, les Etats-Unis maintiennent leur aide financière à la Russie.

Certes, l'Europe et notamment la France ont haussé le ton. Mais, jusqu'à présent, rien n'a fait reculer Moscou.

En outre, les Tchétchènes détiennent en otage, depuis plusieurs semaines, un photographe français, M. Brice Fleutiaux, et les organisations humanitaires ne peuvent avoir accès au territoire tchétchène.

Dans ces conditions, beaucoup d'entre nous estiment qu'il faut passer aux sanctions économiques et financières et que les pressions de la communauté internationale doivent se faire plus fortes.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, quelles sont les intentions de la France, quelles actions compteelle mener dans les prochains jours sur cette tragique question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, l'action de la France est claire et forte à ce sujet : elle demande depuis plusieurs semaines une solution politique. Ainsi, au sommet de l'OSCE à Istanbul, elle a pris l'initiative de déclarer qu'il n'était pas concevable de signer avec la Russie une charte de sécurité censée apporter un « plus » aux relations entre les pays de cette organisation, si la Russie ne prenait pas l'engagement d'aller, précisément, vers une solution politique.

Certes, nous reconnaissons, comme tous les pays au monde, la souveraineté russe dans cette région. Certes, nous ne contestons pas la nécessité de lutter contre le terrorisme, qui est une réalité attestée aussi bien en Tchétchénie que dans l'ensemble de la région. Mais, nous le disons solennellement, non seulement nous ne croyons pas à une solution purement militaire aussi brutale, aussi disproportionnée, avec les conséquences insupportables qu'elle a sur les populations, mais nous exigeons que la Russie laisse agir les organisations humanitaires pour porter secours à tous ceux qui ont dû se réfugier en Ingouchie ou ailleurs. Nous demandons que la mission du ministre norvégien, président de l'OSCE, puisse se rendre sur place : elle doit enfin pouvoir le faire grâce aux pressions que nous avons exercées lundi et mardi. Nous demandons qu'elle débouche sur un mécanisme de solution politique. Nous demandons aux Russes de renoncer aux actions militaires qu'ils ont annoncées.

Sachez que ce problème sera traité au plus haut niveau en Europe par le Conseil européen d'Helsinki, les chefs d'Etat et de gouvernement ayant l'intention de s'en saisir pour voir comment il est possible de modifier le cours de cette politique russe.

M. Pierre Lellouche.

Il serait temps !

M. le ministre des affaires étrangères.

Les Russes doivent savoir que nous ne pourrons pas continuer longtemps à coopérer avec eux comme si de rien n'était, alors qu'ils refusent d'entendre les pressions croissantes de la c ommunauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LAINIÈRE DE ROUBAIX

M. le président.

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Ma question s'adresse a priori à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La liquidation judiciaire de la Lainière de Roubaix vient d'être prononcée, entraînant avec elle 215 licenciements. Hier vitrine mondiale de l'industrie textile française que l'on venait visiter et que l'on vantait, cette entreprise emblématique avait encore 7 000 salariés dans les années 60. Sa disparition est une douleur pour tous les habitants.

Le choc est d'autant plus rude pour l'agglomération de Roubaix Tourcoing Wattrelos qu'elle subit l'annonce simultanée - ce qui la rend cynique et provocante - de la suppression de 150 emplois à la Filature Saint-Liévin.

Plutôt que d'envisager une reprise de la Lainière, cette autre entreprise licencie et veut délocaliser une partie de sa production en Pologne. C'est inacceptable ! Ma question, qui sera double, est un cri de tous les élus du secteur, de chaque foyer, de chaque maison.

M adame la ministre, les salariés de la Lainière peuvent-il compter sur votre soutien et celui du Gouvernement pour des dispositifs sociaux exemplaires, à la hauteur des efforts qu'ils ont consentis et des combats qu'ils ont menés, dispositifs qui devront permettre un retour rapide à l'emploi ? Les salariés de la Filature Saint-Liévin peuvent-ils compter sur votre refus des licenciements décidés par un patronat tenté d'être politicien et qui oublie d'être solidaire, et même citoyen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, le Gouvernement, vous vous en doutez, est totalement solidaire de votre « cri » et du désarroi des salariés de la Lainière de Roubaix, ainsi que de la Filature Saint-Liévin.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Depuis plusieurs années, plusieurs plans ont été mis en oeuvre. Malgré ces plans, malgré l'effort des dirigeants et celui, remarquable, des salariés, qui ont littéralement créé l'industrie du textile-habillement dans cette région, il n'a pas été possible de redresser durablement la Lainière.

Ainsi, en 1998, sur un chiffre d'affaires de 120 millions de francs, l'entreprise a perdu 20 millions.

Début 1999, nous avons encore une fois tout tenté, avec Mme Martine Aubry, pour la remettre sur les rails.

Nous attendions d'ailleurs plus de compréhension, de mobilisation et d'intérêt de la part des opérateurs du textile, car la Lainière est en bonne position sur des produits d'avenir comme le lycra et les fils de carbone. Mais aucune offre de reprise n'a pu être enregistrée, et c'est ainsi que le tribunal de commerce de Roubaix a prononcé la liquidation au 31 décembre prochain.

Avec Mme Aubry, nous mettons néanmoins en oeuvre le plus d'actions possible pour faire face à cette situation, et pour affirmer ainsi concrètement notre solidarité avec les travailleurs de cette entreprise.

Nous faisons d'abord le maximum pour un accompagnement personnalisé et un reclassement individuel de chacun des 210 salariés concernés.

Ensuite, après les décisions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du mois de juillet, le prochain CIADT, qui se réunira l'année prochaine, arrêtera de nouvelles mesures favorables à cette zone géographique si durement touchée par les restructurations industrielles, en particulier dans le textile-habillement.

Je vous recevrai très rapidement, monsieur Baert, pour étudier avec vous l'ensemble des mesures que nous pouvons mettre en oeuvre pour sauver l'activité, l'emploi et les salariés de ces entreprises.

Mais je vous demande, mesdames et messieurs les députés, de ne pas perdre confiance dans le textilehabillement. Le Gouvernement le défend. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il le défend en France par l'innovation, par l'investissement, par une politique globale en faveur d'un secteur qui compte, vous le savez, 285 000 salariés.

Il le défend au plan international dans toutes les négociations multilatérales,...

M. Franck Borotra.

C'est faux !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... où le textilehabillement est pour lui une préoccupation constante.

Il le défend par une action continue qui devra déboucher sur une modernisation. Nous comptons sur l'aide de tous les députés pour que cette grande industrie française puisse se moderniser et perdurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Franck Borotra.

Pas une entreprise ne vous croit !

OMC ET DÉVELOPPEMENT

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la France, dans le cadre mais aussi aux côtés de l'Union européenne, a fait entendre sa voix à Seattle dans le sens d'une réorientation de l'Organisation mondiale du commerce et de ses travaux vers davantage de régulation et vers la prise en compte du développement. L'unité européenne sur ce projet politique cohérent, plus solidaire, moins libéral, n'a toutefois pas réussi à entraîner l'adhésion d'un nombre suffisant de pays pour permettre l'ouverture d'un cycle global et équilibré de négociations.

Nous, parlementaires, avons pu, et nous en remercions le Gouvernement, avoir de nombreux entretiens à Seattle avec des élus, des délégations et des journalistes des autres pays membres de l'OMC. Il en ressort un élément central : l'intérêt croissant que suscite la position européenne se heurte encore à des réticences quant à la sincérité de ses propos et à la solidité de son engagement. En clair, nous a-t-il été dit fréquemment, il faut que l'Union européenne prouve que sa résistance aux pressions, en particulier américaines et notamment en matière agricole, n'a plus pour unique objet, comme ce fut le cas au cours du cycle de l'Uruguay, la défense de son propre marché : il faut des actes concrets en faveur des pays en dévelopopement.

Quelles orientations la France peut-elle proposer au sein de l'Union européenne et quel type de décisions peut-elle envisager au niveau français pour favoriser l'accession de ces pays au statut auquel ils aspirent, celui d'acteurs à part entière de la croissance et du développement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la députée, le constat de l'échec d'une conférence mal menée, celle de Seattle, a été fait par le Gouvernement et par les parlementaires qui l'ont accompagné. Vous avez donc raison de poser aujourd'hui la question : qu'allons-nous faire pour ne pas en rester là ? Vous évoquez en particulier le problème des pays en voie de développement. A cet égard, je crois que nous pouvons progresser dans deux directions.

Premièrement, puisque, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, la décision finale appartient à 135 pays ayant chacun une voix, il faut que les pays en voie de développement n'aient pas seulement une voix au moment du vote mais puissent aussi faire entendre leur voix dans la préparation des documents. Bref, il faut améliorer le fonctionnement de l'OMC pour la rendre plus démocratique en donnant la parole à tous ceux qui la souhaitent.

Deuxièmement, l'Union européenne a un projet généreux pour les pays en voie de développement, et notamment pour les pays les moins avancés. Il comprend trois dimensions : L'attribution d'aides, qui est dans la tradition européenne ; L'allégement de la dette, et l'Europe vient de voter un allégement d'un milliard d'euros en faveur des pays les moins avancés, alors que les Etats-Unis avaient pris un engagement que le Congrès n'a pas honoré ; L'ouverture commerciale : dans le projet européen, qui a été bien défendu par le commissaire Pascal Lamy, figure l'ouverture de l'Union européenne à la plupart des produits des pays les moins avancés à l'horizon du prochain cycle, c'est-à-dire pour 2003.

Aussi bien sur le fonctionnement de l'OMC que sur la popularisation du projet européen, nous avons beaucoup à faire. Au nom du Gouvernement, j'invite les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

parlementaires de tous les groupes qui ont activement préparé la conférence de Seattle avec le Gouvernement, à continuer de travailler pour faire mieux entendre la voix de la France et la voix de l'Europe dans ce débat fondamental.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. le président.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

Mme Odette Grzegrzulka.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question concerne les 10 % de nos concitoyens qui déclarent renoncer à se soigner faute d'argent, parce qu'ils ne disposent d'aucune protection sociale ou n'ont pas de couverture complémentaire.

Au moment où le Gouvernement relève avec succès le défi du chômage, au moment où il décide d'accorder aux plus démunis une augmentation des minima sociaux et une prime de Noël, six millions de nos concitoyens attendent avec impatience le 3 janvier, date d'entrée en vigueur de la couverture maladie universelle.

Six mois après le vote du Parlement, pouvez-vous nous indiquer si les moyens que vous avez déployés depuis l'été garantiront la mise en oeuvre de la loi et l'application immédiate de la couverture maladie universelle ? Tous les partenaires qui garantissent le succès de ce dispositif - je pense à la sécurité sociale, aux centres communaux d'action sociale, aux mutuelles et aux associations - disposeront-ils effectivement des moyens qui leur sont nécessaires pour réussir leur noble mission ? Enfin, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l'état d'avancement des négociations que vous avez engagées avec les partenaires médicaux et paramédicaux qui délivreront les prothèses et assureront les examens et les soins ? Je souhaiterais surtout que vous nous assuriez que l'on n'aboutira pas à une santé à deux vitesses...

M. Bernard Accoyer.

C'est justement cela !

Mme Odette Grzegrzulka.

... et que les plus démunis bénéficieront de prestations de qualité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée,...

M. Lucien Degauchy.

Merci de la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... je vous remercie en effet de votre question car, depuis le vote de la loi fin juillet, six millions de nos concitoyens attendent d'être enfin soignés gratuitement. Depuis cette date, nous avons mené une grande concertation avec les associations, les élus, les caisses de sécurité sociale, les mutuelles et les assurances. Les décrets sont pratiquement tous sortis ; certains seront encore publiés avant la fin de la semaine et les derniers le seront de toute façon dans les délais.

Je veux rappeler les trois principes essentiels sur lesquels repose la couverture maladie universelle.

D'abord, les six millions de personnes qui en bénéficieront auront accès à la même santé que tous : mêmes soins, mêmes hôpitaux, mêmes médecins, mêmes médicaments. Ils seront même mieux couverts pour l'optique, la dentisterie, les prothèses et les appareils médicaux que ne le sont aujourd'hui l'ensemble des Français, même si je souhaite, bien sûr, que nous fassions à l'avenir des progrès pour tous.

Ensuite, les démarches seront simples. Pour les usagers, puisque ceux qui bénéficient de l'aide médicale gratuite vont basculer directement sur la couverture maladie universelle et que les autres auront un simple document à remplir avec l'aide de personnes-relais venant des CCAS, des conseils généraux ou des associations. Pour les professionnels aussi, puisqu'ils auront un seul interlocuteur : les caisses primaires d'assurance maladie.

Enfin, je voudrais dire que la couverture maladie universelle ne marchera que si l'on peut compter sur le partenariat de tous : des caisses - et je me réjouis, comme l'a rappelé le directeur de la CNAM, que les agents des caisses primaires d'assurance maladie soient très mobilisés et voient là une tâche de service public vis-à-vis des plus démunis ; des assurances - et je me félicite de l'initiative de la FNMS et de la FMF tendent à faire de la semaine prochaine la grande semaine de la couverture maladie universelle, pour informer tout un chacun ; des fédérations d'assurance, qui ont lancé des appels dans le même sens ; enfin, de l'ensemble des élus qui, j'en suis convaincue, rempliront aussi ce rôle d'information. Je reçois d'ailleurs demain les représentants des maires, des conseils généraux et des CNAF. Nous verrons ensemble comment agir pour joindre tous ceux qui ont le droit de bénéficier de la CMU. Dans la foulée, je ferai de même avec les associations.

Dès lundi prochain, 10 millions d'exemplaires d'une brochure à destination des usagers seront à disposition dans tous les points où les personnes les plus démunies vont rechercher des informations. Et un numéro vert sera mis en place. Dès le 15 décembre, les caisses primaires seront à même d'analyser l'ensemble des documents et un recueil pour les personnes relais est d'ores et déjà prévu.

Nous terminons les négociations avec les dentistes, que je rencontrerai le 16 décembre, les opticiens que nous avons encore vus hier, les fabricants de prothèses auditives et de l'ensemble des matériels médicaux. J'ai bon espoir, dans la quasi-totalité des cas, de parvenir à des accords pour que les plus démunis soient, non seulement bien soignés, mais aussi mieux remboursés que les autres Français. Et nous avancerons pour tous les autres.

Madame la députée, nous avons besoin de chacun pour faire connaître à tous les Français concernés leurs droits. C'est une fierté pour la majorité plurielle d'entrer dans le

XXIe siècle avec un accès aux soins gratuits ouvert à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

POLITIQUE FISCALE

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la fin du mois d'octobre 1999, la hausse des recettes fiscales nettes de l'Etat a atteint 8,7 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La poursuite de ce mouvement jusqu'à la fin de l'année va faire passer la masse des impôts


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

encaissés par l'Etat de 1 452 milliards de francs en 1998 à 1 578 milliards en 1999, soit une hausse de 126 milliards. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

Pourquoi nos collègues socialistes n'applaudissent-ils plus ?

M. Charles de Courson.

D'après l'annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale portant sur les recettes et les dépenses, la hausse des cotisations et des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale va croître de 4,2 % cette année, passant de 1 563 milliards en 1998 à 1 629 milliards en 1999, soit une hausse de 66 milliards.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est de l'épicerie, CharlesAmédée !

M. Charles de Courson.

Enfin, d'après les informations disponibles, la hausse des recettes fiscales des collectivités locales atteindra 4,9 % en 1999, passant de 452 milliards en 1998 à 475 milliards cette année, soit une hausse de 23 milliards.

M. Rudy Salles.

Pourquoi nos collègues socialistes n'applaudissent-ils plus ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Posez donc votre question, monsieur de Courson ! M. Charles de Courson Au total, la hausse des prélèvements obligatoires va atteindre au minimum 215 milliards de francs. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'année 1999 va donc connaître une véritable explosion de la pression fiscale de l'Etat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Or la croissance de la richesse nationale en valeur est estimée d'après le Gouvernement à 2,9 %, soit 251 milliards. D'après ces chiffres officiels, la sphère publique devrait prélever 215 de ces 251 milliards, soit 85 % de la richesse créée cette année dans notre pays.

Alors que toutes les enquêtes d'opinion montrent que nos concitoyens sont exaspérés par cette très forte croissance des prélèvements obligatoires (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), le taux de prélèvements obligatoires va passer de 44,9 % du PIB en 1998, à 46,1 % cette année. Pourtant, vous aviez promis une baisse de 0,2 point.

M. Maxime Gremetz.

Parlez-nous de Mme Bettencourt ! C'est la plus grande fortune d'Europe !

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre, confirmez-vous cette hausse de l'ordre de 215 milliards des prélèvements obligatoires en 1999 ?

M. Bernard Outin.

Parlez-nous du CAC 40 !

M. Charles de Courson.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, pour la troisième année consécutive, le Gouvernement ne tiendra pas ses promesses en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, à votre question compliquée, je vais apporter une réponse simple. (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je rappellerai d'abord que les revenus taxables de 1998, ceux des entreprises et ceux des particuliers, notamment en raison de la belle création d'emplois, seront plus élevés que prévu. C'est vrai, des plus-values de recettes sont concentrées sur l'impôt sur les bénéfices des sociétés et sur l'impôt sur le revenu.

Cela dit, les chiffres que vous avez cités sont ceux que le Gouvernement a publiés fin octobre. Il reste donc deux mois, (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) novembre et décembre, au cours desquels, monsieur de Courson, des recettes importantes sont attendues par l'Etat et les collectivités locales dont on ne peut pas préciser le montant à l'avance. Il y en a pour plus de 250 milliards de francs.

Nous allons précisément débattre dans un instant du projet de loi de finances rectificative pour 1999. Vous pourrez constater que le Gouvernement a réévalué à la hausse les impôts de 13 milliards de francs. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Enfin, monsieur le député, vous agitez des statistiques abstraites de prélèvements obligatoires. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais, ce qui importe aux Français - les enquêtes le montrent, tout comme la confiance exceptionnelle des consommateurs et des ménages - ce sont les mesures concrètes. Et les Français ont bien noté, contrairement à vous, peut-être, que, depuis le 15 septembre dernier, la TVA sur les travaux d'entretien des logements a baissé (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et que les frais de notaire ont diminué. Ils savent aussi que dès le 1er janvier prochain, et à l'initiative de M. Jean-Claude Gayssot, le droit de bail de 2,5 % sur les loyers de moins de 3 000 francs par mois sera supprimé. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Alors, monsieur le député, il y a les savants d'un côté, et les personnes qui regardent les faits de l'autre. Je me range, quant à moi, du côté de nos concitoyens plutôt que de vos calculs incompréhensibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Verts. - Protestations et huéess ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

EMPLOIS-JEUNES

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Hier, le Gouvernement a annoncé des mesures qui vont dans le bon sens en faveur des chômeurs et des RMIstes. Celles-ci, toutefois, restent très insuffisantes au regard des besoins comme du montant des recettes fiscales provenant de la croissance qui devraient profiter en premier lieu aux chômeurs et aux travailleurs précaires. Je v oudrais plus spécialement vous interroger sur les emplois-jeunes.

Le groupe communiste est d'accord avec les principes qui ont motivé la loi sur les emplois-jeunes. Il s'agit d'allier la recherche d'emplois nouveaux et de nouveaux métiers tout en offrant un contrat de travail de cinq ans prévoyant une formation qualifiante en vue de pérenniser ces emplois et d'intégrer les jeunes dans la vie active. Ce dispositif a permis de faire reculer le chômage des jeunes et c'est une bonne chose. A ce propos, que vont devenir les emplois-jeunes dans l'éducation nationale ? Trop souvent aussi, dans les collectivités territoriales et pour des raisons budgétaires, ces emplois-jeunes sont détournés de leur finalité. Dans ce cas, ils se substituent à des emplois qui ne correspondent pas à de nouvelles activités et l'employeur bénéficie d'avantages financiers alors qu'il favorise la précarité.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Eh oui !

M. Jean Vila.

Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour faire cesser ces abus ? Quels moyens emploirez-vous pour la formation nécessaire à la pérennisation de ces emplois ? Comment comptez-vous engager, dès le 1er janvier 2000, le processus de transformation des emplois-jeunes en emplois stables, comme le souhaiteraient le groupe communiste et tous les jeunes bénéficiant de ces emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Il est bien tard pour le faire !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous l'avez dit, monsieur le député, les emploisjeunes ont très certainement contribué au recul du chômage des jeunes, puisque le taux de chômage des jeunes a baissé de 25 % depuis juin 1997. Aujourd'hui, 211 000 des 221 000 emplois-jeunes sont d'ores et déjà recrutés.

En outre, à la suite d'un sondage effectué par la SOFRES, il apparaît que neuf jeunes sur dix se sont déclarés très intéressés par leur travail. La CFDT vient également de sortir une enquête montrant que 85 % des jeunes se disent bien intégrés chez leur employeur et que 77% considèrent leur emploi comme une activité nouvelle ou qui n'était pas assurée précédemment.

A cet égard, je partage totalement votre point de vue sur la nécessité de continuer à faire de la qualité dans les emplois-jeunes et non du nombre, afin qu'aucun de ces emplois ne se substitue, par exemple, à des emplois publics ou ne fasse concurrence à des emplois privés existants. A chaque fois qu'un tel cas est signalé, je prends les mesures nécessaires.

Le conseil national de la vie associative vient de rendre au Premier ministre un avis. Il reconnaît dans ce programme une capacité d'innovation inégalée, une grande souplesse et un grand potentiel de développement pour la vie associative.

Comme vous l'avez dit, nous entrons actuellement dans une seconde phase, celle de la professionnalisation et de la pérennisation. Les rencontres que nous allons avoir avec plusieurs milliers de jeunes et d'employeurs les 10 et 11 décembre à Lille où se rendront Marie-George Buffet, Michelle Demessine, Dominique Voynet, Claude Bartolone et moi-même, nous permettront précisément de travailler en ce sens.

D'ores et déjà, cent accords-cadres ont été signés avec les grandes fédérations associatives nationales. Les ministères s'investissent aussi : par exemple, celui de la jeunesse et des sports, particulièrement exemplaire, rénove actuellement ses filières afin de faciliter l'accès aux carrières du sport à ces jeunes éducateurs. Des organismes de formation, comme l'AFPA, mettent en place des formations à la médiation sociale avec les collectivités locales.

Les moyens financiers sont maintenant assurés, puisque les régions, dans leur ensemble, ont décidé d'y participer, que nous venons d'obtenir l'accord du fonds social européen pour 700 millions de francs et que les organismes paritaires collecteurs agréés, avec lesquels nous négocions l e PROMOFAF, Habitat, formation, Uniformation, l'AFDAS pour la culture - sont d'ores et déjà engagés.

Au total, plus de 2 milliards de francs sont maintenant dégagés pour la professionnalisation de ces jeunes.

S'agissant de la pérennisation des emplois, nous avons déjà des exemples très intéressants de jeunes ayant réussi à vendre leurs services, si je puis dire ; c'est comme s'ils finançaient leur propre rémunération. Nous allons favoriser l'échange des expériences et je suis convaincue que les rencontres entre ministres, qui auront lieu en fin de semaine, nous permettront d'entrer de plain-pied dans cette seconde phase. Nous montrerons que les emploisjeunes sont certes utiles à la société - chacun le sait désormais -, mais, surtout, nous prouverons aux jeunes que ces métiers, auxquels ils ont consacré toute leur énergie et tout leur enthousiasme, sont bien des métiers d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

HÔPITAUX PUBLICS

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et porte sur les moyens permettant de répondre aux besoins qui s'expriment dans les hôpitaux.

La discussion sur la loi de financement de la sécurité sociale s'est achevée ici, le 2 décembre dernier, par l'adoption du budget. Le groupe communiste, qui aurait souhaité tirer le budget vers le haut en lui donnant un contenu social plus marqué,...

M. Thierry Mariani.

Vous l'avez voté !

M. Félix Leyzour.

... s'est abstenu pour ne pas mêler ses voix à celles de la droite, qui voulait tirer vers le bas les dépenses de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Dans le débat qui a eu lieu, nous avons fait part de nos vives préoccupations concernant un maillon essentiel de notre système de soins : les hôpitaux. Et nous avons défendu des propositions pour augmenter les ressources de la sécurité sociale, et notamment celles des établissements publics hospitaliers.

La discussion de la loi de financement a eu lieu mais on doit constater que le débat sur le financement des h ôpitaux reste ouvert. On aurait tort, madame la ministre, de ne pas prendre la mesure de ce qui se passe dans les hôpitaux, ceux de l'assistance publique, dans la capitale, mais aussi ceux de nos régions, CHU et autres hôpitaux. Je pense notamment à l'hôpital Saint-Antoine, à l'hôpital Saint-Louis, mais aussi à celui de Vierzon, à celui de Guingamp,...

M. Maxime Gremetz.

Et celui d'Amiens !

M. Félix Leyzour.

... et à combien d'autres. Celles et ceux d'entre nous qui font partie des conseils d'administration des établissements de nos villes mesurent combien le malaise est profond face à l'accumulation des difficultés de tous ordres.

La situation résulte de la superposition de deux problèmes aussi graves l'un que l'autre : d'une part, l'insuffisance notoire des enveloppes budgétaires, ce qui ne permet pas, au niveau des personnels, de faire face à une charge croissante de travail en quantité et en intensité ; d'autre part, les restructurations, et pas seulement dans les urgences, qui se traduisent trop souvent par des suppressions de lits pas toujours justifiées.

Les propositions que nous avons faites pour augmenter les ressources - taxer les revenus financiers des entreprises, réduire le taux de la TVA pour les hôpitaux, consentir des prêts à taux zéro pour les investissements hospitaliers, notamment - ne sont pas hors du temps. De la même façon que nous les avons versés au débat dans cette enceinte, nous les apportons à celui qui s'instaure dans le pays autour du mouvement social naissant.

Madame la ministre, comment appréciez-vous ce mouv ement en profondeur dans les hôpitaux ? Quelles réponses entendez-vous apporter aux besoins réels qui s'expriment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, nous savons tous ici, même ceux qui l'ont moins soutenu que nous, combien l'hôpital en France est un lieu d'excellence. Mais c'est aussi et surtout un lieu où ceux qui y travaillent remplissent des tâches extrêmement difficiles avec énergie, professionnalisme et parfois même en prenant sur leurs propres forces.

Depuis trois ans, le Gouvernement a mis l'hôpital au coeur de son système de soins et de la réorganisation de celui-ci, qui était nécessaire dans notre pays. Les objectifs sont clairs.

Il s'agit tout d'abord de promouvoir la qualité et la sécurité des soins. Et lorsque cette dernière est absente, je serai toujours la première à dire qu'il faut fermer tel ou tel service.

Il faut ensuite accorder la priorité à la sécurité sanitaire et faire en sorte que chacun de nos concitoyens, quelle que soit sa catégorie sociale, quel que soit le lieu où il habite, ait accès aux secteurs et aux services les plus performants eu égard à l'état de gravité et d'avancée de sa maladie.

Il importe, par ailleurs, de réduire les inégalités dans l'accès aux soins. A cet égard, nous venons de parler de la CMU, mais nous pourrions également évoquer les permanences d'accès aux soins dans lesquelles les hôpitaux se sont lancés avec enthousiasme pour aider les plus démunis. Bien sûr, nous devons aussi veiller à réduire les inégalités entre les régions - cette année encore les dotations hospitalières varient de 1,25 % à 3,80 % - et au sein même des régions, entre les établissements, car c'est bien là que les difficultés perdurent.

L'adaptation aux besoins de la population nécessite aussi que l'hôpital et la population hospitalière évoluent.

Nous disposons pour ce faire des crédits de formation et des crédits de mobilité.

Enfin, il faut donner à l'hôpital les moyens de son développement. Après avoir connu une augmentation de 1 % en 1997 - la précédente majorité avait, quant à elle, voté une réduction de 0,34 % - le budget de l'hôpital public a crû de plus de 7 % ces trois dernières années.

Rien que pour l'année 2000, 6,5 milliards supplémentaires sont consacrés à l'hôpital public.

Monsieur le député, croyez bien que je suis très attentive aux mouvements sociaux qui ont lieu actuellement.

Cet après-midi même, une négociation a lieu à SaintAntoine où la situation des urgences est inacceptable : les locaux sont trop étriqués et quatorze postes sont vacants.

Après les 6 millions complémentaires que j'avais alloués à l'AP de Paris, il y a quelques semaines, j'ai apporté hier 5 millions de plus pour que les urgences soient traitées correctement. C'est vrai de Saint-Antoine comme du SAMU 93 où il est temps d'appliquer l'accord que j'ai signé avec les urgentistes afin de faire en sorte que ses vacataires deviennent, comme ils l'ont demandé, des praticiens contractuels. Le directeur général de l'Assistance publique m'a confirmé ce matin que cela serait fait.

Vierzon, Guingamp...

M. Maxime Gremetz.

Et Amiens ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... voilà deux cas sur lesquels j'ai récemment travaillés à la demande des élus. Nous avons d'ores et déjà pris un certain nombre de décisions.

Je le dis très simplement, l'hôpital doit évoluer. C'est une nécessité par rapport aux besoins de la population.

Mais il doit le faire dans le respect des personnes, en améliorant encore leur professionnalisme et en prévoyant les mesures d'accompagnement indispensables.

Monsieur le député, croyez bien que je suis attentive à toutes vos propositions, et notamment à celles complémentaires que vous venez de faire, car, à gauche, nous sommes tous convaincus que l'hôpital public est le coeur de notre système de soins et nous le soutiendrons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Raymond Forni.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

5 RÉUNION DU PARLEMENT EN CONGRÈS

M. le président.

Au cours de la première séance du mercredi 3 novembre, il a été donné connaissance à l'Assemblée du décret par lequel M. le président de la République a convoqué le Parlement en Congrès, le lundi 24 janvier 2000, pour le vote de deux projets de loi constitutionnelle.

Le bureau de l'Assemblée nationale, lors de sa réunion de ce matin, a examiné, en sa qualité de bureau du Congrès, les modalités de déroulement de cette session, qui comportera deux séances, à neuf heures trente et à quatorze heures quarante-cinq.

Le bureau a décidé qu'il serait procédé, pour les deux votes inscrits à l'ordre du jour de ce congrès, selon les modalités déjà mises en oeuvre en juin dernier.

6 LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1999 Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999 (nos 1952, 1999, 2000).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et du budget.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative pour 1999 confirme, en les améliorant, les grandes orientations de la loi de finances initiale.

En premier lieu, la dépense publique est maîtrisée.

M. Marc Laffineur.

Oh ! C'est un peu vite dit ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'objectif de progression des dépenses de l'Etat que nous avions fixé, monsieur Laffineur, à 1 % en volume, est respecté, malgré une hausse des prix plus faible que prévue.

Deuxièmement, la bonne tenue de la conjoncture économique a engendré des surcroîts de recettes, dont une bonne part a immédiatement été rendue aux Français, sous forme de baisses d'impôts.

Troisième orientation à être confirmée : le déficit annoncé en loi de finances initiale est tenu, et même diminué de 2,4 milliards de francs. Ce collectif marque donc une nouvelle étape dans la voie de l'assainissement de nos comptes publics.

Comme vous le verrez, les priorités du Gouvernement en faveur de l'emploi et de la justice sociale sont renforcées par ce projet.

Premièrement, les allégements d'impôts, anticipés au 15 septembre, dont je parlais à l'instant, sont la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements, et la baisse des frais de notaires, deux mesures favorables aux familles, aux ménages et à la création d'emplois. Il faut bien évidemment inscrire dans ce projet de budget rectificatif les sommes correspondantes.

Deuxièmement, les ouvertures de crédits accentuent l'effort de solidarité du Gouvernement.

Il s'agit par exemple des 3,5 milliards supplémentaires au profit des bénéficiaires du RMI ouverts pour tenir compte notamment de la revalorisation exceptionnelle de 3 %, décidée à la fin de l'année 1998 pour 1999. Ces crédits, inscrits dans le décret d'avances du 3 septembre dernier, sont présentés dans le collectif, pour recueillir votre approbation.

Il s'agit encore des 7 milliards de francs prévus au titre de la prise en charge par l'Etat de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, décidée l'automne dernier.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions qui étaient très attendues depuis déjà très longtemps, à savo ir l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes.

M. Marc Laffineur.

Effectivement ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vais développer rapidement chacune des trois grandes orientations de ce collectif.

Premier point : la dépense de l'Etat est maîtrisée.

Les ouvertures de crédits s'élèvent à 30,8 milliards de francs. Ce montant, similaire à celui de l'an dernier, est équivalent à ce qui est traditionnellement constaté.

En outre, ces ouvertures comprennent 10 milliards de francs au profit de la mise en jeu de la garantie de l'Etat pour rembourser un emprunt souscrit par l'UNEDIC, cette opération exceptionnelle résultant d'un engagement pris en octobre 1995 par le précédent Gouvernement, et que nous avons dû honorer.

Les ouvertures de crédits des opérations courantes sont donc ramenées à 20,8 milliards de francs. Outre la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire - pour 7 milliards de francs - dont j'ai déjà parlé, i l convient de mentionner : 5,1 milliards de francs au profit des interventions économiques, notamment pour Charbonnages de France - 1,3 milliard - et les services régionaux de voyageurs de la SNCF - 500 millions de francs ; 1,4 milliard de francs au titre des dépenses de coopération internationale, en particulier pour financer l'allégement de la dette en faveur des pays pauvres très endettés, auquel s'est engagé notre pays au sommet de Cologne ; 1,6 milliard de francs au titre de la compensation par l'Etat aux collectivités locales de la baisse des droits de mutation sur l'immobilier d'habitation dont j'ai parlé tout à l'heure.

S'y ajoutent diverses dépenses de moindre montant mais d'égale importance. Par exemple, 350 millions de francs sont prévus pour la construction de l'Etablissement français du sang.

Les annulations de crédits permettant de financer les ouvertures s'élèvent à 25,4 milliards. Elles ont été réal i-s ées dans le cadre de l'arrêté d'annulation du 24 novembre 1999 qui est annexé, comme de coutume, au présent projet de loi.

D'où viennent ces annulations de crédits ? D'abord de la réduction du service de la dette à hauteur de 8,2 milliards de francs. Les intérêts versés par l'Etat pour le service de sa dette sont ainsi ramenés à 229 milliards de francs,...

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est encore beaucoup !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... ce qui reste une somme très importante, mais d'un niveau similaire à celui de 1998. Cette économie de 8,2 milliards s'explique par le mouvement des taux d'intérêt et par la réduction des déficits. On ne peut que se réjouir qu'une économie sur une dépense passive, comme celle des intérêts de la dette, permette de financer une dépense de solidarité, comme l'allocation de rentrée scolaire.

Les crédits d'équipement militaire sont, pour leur part, réduits de 5,3 milliards de francs, dont 800 millions sont immédiatement réaffectés au fonctionnement des armées.

Je précise que cette réduction de crédits d'investissement n'entame en rien la capacité d'engagement du ministère de la défense, c'est-à-dire ses autorisations de programme, et n'affecte pas la réalisation des programmes en cours, nous l'avons vérifié avec mon collègue de la défense nationale. Il apparaîtra, en fin d'année, que le montant des crédits non utilisés sera équivalent à celui constaté à la fin de l'année dernière. C'est bien la preuve que les investissements du ministère de la défense ne souffriront pas de tensions du fait de ces économies sur les crédits d'équipements militaires.

Enfin - dernière économie - les crédits de l'emploi sont réduits de 4,4 milliards. Cela résulte du fait que, la conjoncture étant bonne, les créations d'emplois étant nombreuses, certains dispositifs, qui sont sensibles à l'activité économique, ont pu être moins mobilisés que par le passé.

Il y a 30,8 milliards de francs d'ouvertures de crédits et 25,4 milliards de francs d'annulations. Le solde, c'est-àd ire les ouvertures nettes de crédits, s'élève, par conséquent, à 5,4 milliards de francs. Et si l'on retire la prise en charge exceptionnelle des 10 milliards de francs de l'UNEDIC, vous constaterez que la progression des dépenses de l'Etat, qui était de 2,4 % en loi de finances initiale, est ramenée à 1,5 % - soit 0,5 % de hausse des prix et 1 % de progression en volume, objectif que nous nous étions fixé il y a un an, et qui est donc tenu.

M. Gilles Carrez.

Non, c'est tout le contraire et nous vous dirons pourquoi tout à l'heure ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Carrez, vous aurez la parole le moment venu pour présenter vos propres analyses.

M. Philippe Auberger.

Pas des analyses, des réalités ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces économies doivent beaucoup à l'adoption d'une démarche nouvelle, celle des « contrats de gestion » qui a permis, ministère par ministère du fait que la hausse des prix était moins forte, de faire des économies d'une façon intelligente, sans recourir à des méthodes brutales et forfaitaires. Cela confirme, monsieur de Courson, que la modernisation des méthodes de gestion publique à laquelle appelle la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement est une des clés de la maîtrise de la dépense publique.

J'en viens maintenant aux surcroîts de recettes qui, je l'ai dit tout à l'heure, sont rendus pour moitié aux Français sous forme de baisses d'impôts.

M. Charles de Courson.

C'est faux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les plus-values de recettes enregistrées en collectif par rapport à la loi de finances initiale s'élèvent à 13,1 milliards de francs...

M. Philippe Auberger.

Personne, aucun observateur ne le croit !

M. Gilles Carrez.

30 milliards ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... parce que les recettes fiscales relatives aux impôts directs montrent qu'il y a un progrès prévisible.

D'après les calculs que j'ai faits et qui, semble-t-il, ne recoupent pas les vôtres, nous aurons aussi une importante plus-value, d'environ 18,1 milliards de francs, au titre de l'impôt sur les bénéfices des sociétés.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ça, c'est sûr ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Elle s'explique par le fait que les résultats des sociétés en 1998 - taxés en 1999 - ont été particuliè rement bons.

Quant aux plus-values observées sur l'impôt sur le revenu, 4,7 milliards de francs, par rapport à ce qui avait été inscrit dans la loi de finances initiale, elles résultent des créations d'emploi plus nombreuses et des gains de pouvoir d'achat des ménages en 1998.

On note cependant - ce que l'opposition semble oublier - des moins-values...

M. Alain Barrau.

Eh oui !

M. Philippe Auberger et M. Charles de Courson.

Lesquelles ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... sur les autres impôts, que j'ai estimées à 11,6 milliards de francs, en particulier sur la TVA.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dès lors que la hausse des prix est plus faible, la TVA, qui est en quelque sorte indexée sur la production en valeur, en subit le contrecoup. Cela vous aura peut-être échappé.

M. Philippe Auberger et M. Charles de Courson.

Les documents témoignent du contraire ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La moitié de ces 13 milliards de francs de recettes supplémentaires financera les baisses d'impôts anticipées au 15 septembre et l'autre moitié le surcroît des dépenses que j'ai indiqué tout à l'heure.

Au total, et j'en viens à mon troisième point, on constate une amélioration du déficit par rapport au budget voté il y a un an. J'insiste sur le fait que c'est la troisième année consécutive que le déficit réalisé ou anticip é au moment du collectif est plus faible que celui qui avait été prévu.

Le déficit prévu à 236,6 milliards en loi de finances initiale est ramené à 234,2 milliards de francs en collectif.

Cela nous permettra de tenir les engagements que nous avons pris devant nos partenaires européens, au mois de septembre dernier, de nous en tenir à un maximum de 2,2 % du produit intérieur brut pour l'ensemble des déficits des administrations publiques. Il y a un an ce chiffre était de 2,3 %. Je ne peux pas exclure, aujourd'hui, que le résultat final soit meilleur encore que ces 2,2 %, qui est déjà un chiffre remarquable compte tenu de la situation que nous avons trouvée en 1997.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Il faut le dire !

M. Charles de Courson.

Parlez-nous de 1993 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous parlerez de 1993, et même de la Révolution française si vous le souhaitez !


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J'en viens maintenant à quelques dispositions légilatives importantes, et notamment l'article 24 prévoyant l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes. Dès l'an prochain, seront indemnisés 9,1 millions de titres qui ont été recensés au prix d'un travail patient, minutieux et très consciencieux des fonctionnaires de mon ministère. L'indemnisation se fera sur la base des versements effectués par la Russie à partir de juin 1997. Bien sûr, les intérêts qu'ils auront produits seront ajoutés aux sommes initialement versées. Les porteurs d'emprunts recevront le capital plus lesdits intérêts. Normalement, au mois d'août prochain, nous devrions avoir encore à redistribuer une somme dépassant 2,5 milliards de francs.

Nous avons réfléchi aux règles d'indemnisation. Elles sont fondées sur le principe d'équité et s'inspirent du travail remarquable réalisé par la commission de suivi des accords entre la France et la Russie, présidée par M. JeanClaude Paye, conseiller d'Etat. Celui-ci a largement consulté les associations de porteurs avant de rédiger son rapport.

Notre objectif, vous le verrez, est de ne pas introduire de trop fortes disparités entre les sommes versées aux ayants-droit. Je pense que nous aurons l'occasion d'analyser ce dispositif, peut-être aussi de l'améliorer, dispositif dont je n'ai pas besoin de rappeler qu'il constitue la solution que l'on attendait depuis 1917.

Quelques mesures fiscales figurent également dans ce collectif budgétaire. Il s'agit d'abord de mesures qui ont pour but de mettre notre droit en conformité avec la règle communautaire. Votre délégation aux affaires européennes y est très attentive. Je pense d'abord à la transposition en droit français de la directive relative à la TVA sur l'or, ou encore à l'adaptation des règles applicables aux opérateurs qui réalisaient, avant le 1er juillet de cette année, des ventes hors taxes. Vous le savez, bien que le G ouvernement se soit battu avec acharnement à Bruxelles, avec le soutien de parlementaires, et tout particulièrement de M. André Capet, le principe des ventes hors taxes au sein de l'Union européenne a été supprimé à partir du 1er juillet. Le texte qui vous est proposé permettra d'assurer une transition vers la taxation de ces ventes en simplifiant et en allégeant les obligations des opérateurs. M. Cuvilliez y est sensible.

M. Christian Cuvilliez.

J'y suis opposé ! (Sourires).

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'article 14 de ce projet de loi est important aussi, parce qu'il va permettre de moderniser l'organisation de nombreuses professions libérales, je pense notamment à celle d'avocat, en atténuant les obstacles fiscaux qui constituaient autant de freins à la restructuration de ces professions. Et là encore, un de vos collègues a joué un rôle important, Henri Nallet, qui a formulé un diagnostic et conduit une concertation qui nous ont permis, à Elisabeth Guigou et à moi-même, de vous présenter un texte qui est très positif pour les professions non commerciales.

Vous sont encore proposées deux nouvelles étapes dans l'amélioration entre l'administration fiscale et les usagers, qui sont très différentes mais qui ont le même objectif : faciliter la vie des contribuables. Dès l'an prochain il sera possible de déclarer ses impôts, notamment l'impôt sur le revenu, par Internet. La France compte quelque cinq millions d'abonnés à Internet. Jusqu'à présent seuls les professionnels avaient accès à cette possibilité. Je suis assez fier d'être le ministre qui étendra cette facilité à tous les contribuables abonnés à Internet ! La deuxième disposition intéresse aussi de nombreux contribuables. L'article 19 - il s'agit là aussi d'une première - fait obligation désormais à l'administration fiscale de motiver toutes les pénalités fiscales mises à la charge des contribuables. C'est là un progrès de la démocratie et de l'Etat de droit. Les contribuables pourront connaitre les motifs des pénalités qui les frappent.

Enfin, le texte qui vous est proposé comprend une disposition importante touchant aux contrats d'assurance vie investis en actions, ceux que l'on appelle familièrement les contrats DSK. Elle autorisera désormais à investir en actions non seulement d'entreprises françaises mais aussi d'entreprises cotées ayant leur siège dans l'Union européenne.

Une autre disposition modernisera le plan d'épargne en a ctions afin que les petits actionnaires français ne subissent pas trop les effets des restructurations intraeuropéennes.

Le collectif qui va être soumis à votre vote présente une gestion des finances publiques maîtrisée et comprend des dispositions qui ont un intérêt pour nos concitoyens dans leur vie quotidienne, qu'ils soient contribuables ou porteurs d'emprunts russes. Je vous recommande de l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment de l'adoption de la loi de finances pour 1999, l'économie française était encore confrontée au fort ralentissement de l'activité, lié aux effets de la crise des pays émergents.

L'affaiblissement de la croissance des exportations, encore sensible au premier trimestre 1999, a été assez rapidement neutralisé par la croissance autonome de la demande intérieure, stimulée par les créations d'emplois et par une politique budgétaire adaptée.

Finalement, la reprise s'accélérant en cette fin d'année, on revient à la probabilité d'un taux de croissance du PIB, pour 1999, proche de celui retenu pour l'élaboration du projet de loi de finances, avant le « trou d'air », selon l'expression heureuse de Dominique Strauss-Kahn, soit 2,6 %, selon les dernières prévisions de l'OFCE.

A l'heure où nous examinons ce projet de loi de finances rectificative pour 1999, la vigueur de la consommation des ménages ne se dément pas et l'investissement productif est en nette progression. Autant de résultats qui nous conduisent à considérer que les choix effectués dans la loi de finances pour 1999, tant en ce qui concerne les recettes que les dépenses, maîtrisées, mais venant à l'appui d'une politique volontariste, étaient les bons.

Le collectif budgétaire de fin d'année, souvent négligé parce qu'éclipsé par le projet de loi de finances de l'année suivante et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, est justement l'occasion de faire un bilan de ces choix budgétaires et doit, pour cette raison, être considéré comme un temps fort du contrôle parlementaire.

Contrairement à un passé pas si lointain, la loi de finances rectificative n'est plus et ne devrait plus être, en raison de l'engagement pluriannuel sur les finances publiques, l'occasion pour le Gouvernement, de s'affranchir, discrètement, des conditions de l'équilibre budgétaire adoptées au moment du vote de la loi de finances initiale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

C'est ainsi d'ailleurs que, comme l'an passé, la première partie de ce collectif, ne comporte pas de mesures nouvelles destinées à procurer des recettes pour boucler l'exercice.

Si le contrôle de l'exécution du budget et du bienfondé des mesures prises en cours d'exercice doit s'exercer tout au long de l'année, il passe aussi par cet examen en fin d'exercice, permettant de confronter les prévisions initiales à des résultats qui se rapprochent de l'exécution finale.

La première partie de ce collectif, donc, comporte, outre le tableau d'équilibre retraçant l'évolution des recettes et fixant de nouveaux plafonds de charges, un article qui tend à reconduire, pour l'année 1999, l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers en faveur des biocarburants. Même si on peut regretter la méthode qui consiste chaque année, en fin d'exercice, à donner un « coup de pouce » fiscal rétroactif à ces carburants, la mesure va tout à fait dans le bon sens.

Quant à l'article d'équilibre, il traduit un ajustement mineur des recettes et un supplément de charges également très limité.

Le niveau global des dépenses reste très proche des prévisions initiales, et les modifications apportées aux crédits votés confirment une anticipation correcte des besoins de fianncement. Cette exécution budgétaire, respectueuse des engagements, a nécessité un unique décret d'avance qui a ouvert des crédits intégralement gagés par des annulations. Elle est affectée par une dépense exceptionnelle de 10 milliards de francs correspondants à la reprise par l'Etat d'un emprunt souscrit par l'UNEDIC en 1993 et garanti par l'Etat dans des conditions qui, je crois, devraient conduire nos collègues de l'opposition à quelques réflexions, voire autocritiques.

Mme Béatrice Marre et M. Gérard Bapt.

Exactement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le collectif 1999 propose d'ouvrir 32,1 milliards de francs de crédits nets, dont 31,4 milliards de francs pour le budget général, soit une augmentation de 1,9 %, y compris le remboursement de l'emprunt contracté par l'UNEDIC.

Ce montant se situe nettement en deçà des ouvertures qui ont pu être effectuées lors des exercices 1994, 1995 ou 1996. L'exercice 1997 avait été très spécifique, avec des ouvertures limitées à moins de 30 milliards de francs.

Il faut remonter à 1991 pour trouver un montant d'ouvertures plus faible : 23,2 milliards de francs. Nul ne pourra contester qu'il n'y a aucun dérapage et que les rênes de l'exécution budgétaire sont mieux tenues qu'elles ne l'étaient sous la précédente législature, où la vertu et le volontarisme affichés dissimulaient mal une aboulie chronique.

Outre les 10 milliards au profit de l'UNEDIC, ces ajustements correspondent, tout d'abord, à une mesure sociale forte qui est la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Près de 5,9 millions d'enfants bénéficient de l'allocation de rentrée scolaire, dont 420 000 du fait de l'extension au premier enfant, adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Les crédits ouverts correspondants, d'un montant de près de 7 milliards de francs, sont destinés à rembourser la Caisse nationale d'allocations familiales pour les dépenses résultant de cette extension.

Les autres crédits ouverts correspondent pour l'essentiel à des mesures d'intervention économique : la compensation de la réduction des droits de mutation, pour 1,61 milliard de francs ; des dépenses diverses de coopération internationale pour 1,5 milliard ; une dotation en capital à Charbonnages de France pour 1,1 milliard, en vue de respecter une exigence communautaire ; une dotation aux provinces néo-calédoniennes pour l'achat de titres Eramet et SLN, 1,04 milliard ; l'apurement des dépenses du FEOGA et le préfinancement des aides européennes, 910 millions de francs ; enfin, une subvention à la SNCF pour les transports régionaux de voyageurs à hauteur de 500 millions de francs.

Les ouvertures de crédits demandés pour les comptess péciaux du Trésor, soit 700 millions de francs, concernent le fonds pour l'aménagement de l'Ile-deFrance, pour 200 millions, et les prêts du Trésor à des

Etats étrangers et à l'Agence française de développement pour 500 millions.

Les annulations de crédits associées au collectif, représentent, pour leur part, 26,6 milliards de francs de crédits nets. Elles sont plus élevées qu'en 1998.

Les deux mouvements les plus notables sont, d'une part, les économies enregistrées sur la charge de la dette et, d'autre part, les annulations effectuées sur le budget de l'emploi. Il s'agit dans les deux cas, en grande partie, des conséquences heureuses de la politique menée depuis juillet 1997 par la majorité plurielle.

La charge nette de la dette, évaluée à 237 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1999, serait réduite de 8 milliards de francs environ pour s'établir à 229 milliards de francs. L'effet « boule de neige » de la charge de la dette se réduit et, bientôt, notre situation budgétaire sera telle que le poids de l'endettement se réduira enfin.

Quant aux annulations effectuées sur le budget de l'emploi, elles traduisent la poursuite de l'amélioration de la conjoncture économique en 1999, notamment pour les dispositifs d'accompagnement des restructurations et de lutte contre le chômage. Elles s'élèvent à 4,4 milliards de francs et concernent cinq chapitres de ce budget.

Il faut enfin signaler les annulations de crédits pratiquées sur le budget de la défense - sur lequel reviendront le président de la commission de la défense et François Lamy -, d'un montant total de 9,3 milliards de francs.

Elles traduisent une remise en ordre de la gestion budgétaire du ministère de la défense et ne devraient pas affecter les capacités de nos armées, d'autant que les autorisations de programme sont d'une certaine façon « sanctuarisées ».

M. Charles de Courson.

C'est une plaisanterie !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ces résultats sont le reflet d'un réel effort de maîtrise des dépenses publiques, concrétisé par l'adoption, pour la première fois, de contrats de gestion passés entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et les ministères dépensiers. En rendant possible une surveillance du rythme des dépenses, ces contrats permettent de financer les besoins nouveaux apparus en cours d'année, sans pratiquer la régulation budgétaire autoritaire et aveugle à laquelle recouraient très souvent les gouvernements précédents et qui, finalement, pesait essentiellement sur les dépenses d'investissement, c'est-à-dire la préparation de l'avenir.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On ne saurait mieux dire !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Merci !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

S'agissant des ressources, comme à l'accoutumée, la révision des évaluations de recettes fiscales a été effectuée en s'appuyant, notamment, sur les recouvrements constatés au 31 août dernier.

M. Charles de Courson.

Non !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La révision porte sur de très faibles montants, par rapport aux prévisions de recettes associées à la loi de finances initiale comme par rapport à la révision associée au projet de loi de finances pour 2000.

Les plus-values de recettes fiscales nettes seraient ainsi de 5,9 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale, soit une augmentation de 0,4 %. Cette réévaluation paraît prudente. En effet, lorsqu'on la confronte aux résultats constatés à la fin d'octobre 1999 et à ceux de l'exercice 1998 à la même époque, l'éventualité d'une plus-value plus forte à la fin de l'année ne peut pas être totalement exclue.

A cet égard, il faut souligner que l'opposition, comme

M. de Courson l'a fait tout à l'heure et je l'en remercie, rend à la gestion du Gouvernement un bel hommage, avec ses remarques sur les plus-values de recettes qui seraient, selon elle, dissimulées. Nous étions plutôt habitués, lorsque nous étions dans l'opposition, à devoir critiquer les expédients, voire les dissimulations, qui tendaient à une réduction optique du déficit !

M. Charles de Courson.

C'est faux !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En la matière, comme en d'autres, prudence est mère de sûreté,...

M. Philippe Auberger.

Oh Oh ! Et la cassette ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et, en tout état de cause, nous avons rendez-vous dans quelques mois, puisque nous avons adopté un amendement en ce sens, pour dresser un bilan définitif appuyé non pas sur des fantasmes, monsieur de Courson, mais sur des données réelles.

M. Charles de Courson.

Je vous sortirai les chiffres !

M. Philippe Auberger.

C'est sur Internet, ce ne sont pas des fantasmes !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En effet, selon les chiffres publiés hier, les rentrées fiscales affichent un essoufflement en octobre, par rapport à la première moitié de l'année.

Il reste que ces recettes, nettes de remboursements et dégrèvements, sont en hausse de 8,7 % par rapport à l'année précédente, soit 1 305,9 milliards de francs au 31 octobre 1999, contre 1 201,9 milliards à la même époque en 1998. Pourquoi devrait-on s'en plaindre ? Les prévisions de recettes fiscales brutes du présent projet n'ont pas été modifiées par rapport à celles figurant dans les évaluations révisées associées au projet de loi de finances pour 2000, à l'exception d'une moins-value, mineure, de 31 millions de francs, sur les recettes de TIPP.

On notera cependant que tous les grands impôts connaissent, pour l'instant, une nette progression par rapport à l'année précédente.

Alors que la loi de finances initiale pour 1999 prévoyait une augmentation de 7,9 % du produit net de l'impôt sur les sociétés, l'augmentation constatée le 31 octobre par rapport au résultat du 31 octobre 1998 est de 28,1 %. Cette tendance se poursuivra-t-elle jusqu'à la fin de l'exercice 1999 ? Il est possible que le tassement prévu pour décembre, en raison des versements de soldes importants au début de l'année et, surtout, de l'effet de la baisse de 15 à 10 % en 1999 du taux de la contribution introduite par la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier de novembre 1997, conduise à se rapprocher des prévisions initiales.

La progression de l'impôt sur le revenu décélère en octobre par rapport au mois précédent, mais le produit de cet impôt est néanmoins en progression de 10,1 % par rapport aux recouvrements d'octobre 1998. L'estimation révisée pour 1999 du produit de l'impôt sur le revenu, y compris la contribution annuelle représentative du droit de bail, s'élèverait à 326 milliards de francs, soit une progression de 7,2 % par rapport aux résultats constatés en 1998. La plus-value attendue par rapport aux évaluations de la loi de finances initiale serait de 3,2 milliards de francs, du fait des créations d'emplois et des gains de pouvoir d'achat des ménages. Cette estimation est peutêtre un peu faible, mais il ne faut pas oublier que le dernier pic de recouvrement de cet impôt a lieu en septembre et que la décélération devrait se poursuivre.

S'agissant enfin de la TVA, le présent projet ne modifie pas l'évaluation révisée du produit brut, qui avait été minoré de 60 millions par rapport à l'évaluation de la loi de finances initiale. Avant l'incidence de l'anticipation au 15 septembre de la baisse de TVA sur les activités à forte intensité de main-d'oeuvre, la prévision de recettes tendancielles de TVA brute s'élevait à 835 milliards de francs en 1999, contre un montant de 830,1 milliards de francs prévu en loi de finances initiale pour 1999 et confirmé dans le collectif. Les recettes attendues de TVA nette étaient de 673,1 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1999. Si l'on prend en compte de cette baisse de la TVA, les recettes nettes tendancielles progresseraient de 4,5 % par rapport à 1998 et seraient de 666 milliards en 1999. Cette évaluation est cohérente avec les résultats du mois d'octobre qui sont de 567,4 milliards de francs pour la TVA nette, soit une progression de 4,5 % par rapport au mois d'octobre 1998.

E n résumé, les recettes fiscales nettes, pour l'année 1999, s'établiraient à 1 540,8 milliards, soit une augmentation de 0,4 % par rapport à la loi de finances initiale. Les ressources non fiscales, quant à elles, réévaluées à la baisse au moment du projet de loi de finances pour 2000, ne diminueraient finalement que de 0,8 % pour atteindre 181,7 milliards de francs, dont 14,4 milliards de recettes liées à la gestion de la dette.

Enfin, les prélèvements sur recettes devraient être légèrement réduits par rapport aux dernières évaluations, en raison d'une réduction de 1,2 milliard de la contribut ion aux Communautés européennes. Ils seront de 269 milliards de francs, dont 177 milliards versés aux collectivités locales et 92 milliards aux Communautés européennes.

Au total, les ressources nettes du budget général progresseraient de 0,4 % par rapport à la loi de finances initiale, soit une plus-value de 6,2 milliards de francs. Si l'on raisonne hors recettes d'ordre, cette croissance est de 0,5 %, soit une plus-value de 7,8 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale.

Par rapport à l'évaluation révisée associée au projet de loi de finances pour 2000, qui, selon la méthode habituelle, a servi de base pour l'évaluation des recettes associée au projet de loi de finances rectificative, la plus-value des ressources nettes totales du budget général serait de 2 milliards de francs.


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En définitive, le déficit général serait ramené de 236,55 à 234,16 milliards de francs, soit une diminution de 2,4 milliards.

La part du déficit de l'Etat dans le PIB reviendrait de 2,9 % en 1998 à 2,7 %, ce qui devrait permettre à la France, en fin d'année, de faire état d'un besoin de financ ement de l'ensemble des administrations publiques légèrement inférieur à l'objectif de 2,2 % du PIB fixé par le programme pluriannuel des finances publiques.

Les engagements pris en matière de maîtrise des dépenses publiques, à savoir une progression limitée à 1 % en volume, sont donc tenus et, pour la troisième année consécutive, le déficit budgétaire initialement prévu est réduit en cours d'exercice. Ce déficit se rapproche ainsi progressivement, sans paralyser pour autant l'action du Gouvernement, du seuil qui permettra de réduire le poids de l'endettement.

Quant aux dispositions permanentes proposées dans le présent projet, elles sont très diverses et, renvoyant à l'analyse de chacun des articles qui figure dans mon rapport écrit, je n'évoquerai ici que deux d'entre elles.

Je soulignerai tout d'abord l'importance de l'article 24, qui organise l'indemnisation des porteurs de valeurs représentatives de créances vis-à-vis de la Fédération de Russie et des victimes de dépossessions visées dans les accords entre le gouvernement français et le gouvernement russe. Il s'agit de mettre un terme, et je m'en réjouis, à une situation de spoliation qui n'a que trop duré.

Ce texte opère des choix. Il suscite donc ici ou là des insatisfactions. Il reste que, dans le cadre de la seule logique possible, celle de l'indemnisation, le mécanisme proposé est, pour reprendre une formule célèbre, le pire de tous les systèmes, à l'exclusion de tous les autres : le forfait identique pour tous et le plafonnement répondent à une volonté de solidarité et d'équité qui ne paraît pas contestable.

J'évoquerai une seconde série de dispositions, celles de l'article 13, relatives à la modernisation et à la simplification des contributions indirectes, pour regretter tout d'abord qu'un texte de cette ampleur n'ait pu faire l'objet d'une discussion autonome, comme cela était initialement prévu puisqu'un projet de loi a été déposé en 1998.

Les délais très courts enserrant l'examen des projets de lois de finances n'ont sans doute pas permis de consacrer tout le temps qu'il aurait fallu à un dispositif techniquement complexe. Pour autant, les dispositions proposées, dont la commission propose de modifier certaines formulations, représentent une réelle avancée vers la clarification et la simplification de la réglementation des contributions indirectes.

En définitive, ce collectif confirme la capacité de la majorité plurielle et du Gouvernement à tenir leurs engagements, s'agissant de réduire les déficits publics, sans renoncer à financer les priorités choisies par les Français, et la première d'entre elles qui est la création d'emplois.

Dans ces conditions, la commission des finances, sous réserve des amendements, en nombre limité et essentiellement techniques qu'elle vous propose, a adopté le projet de loi de finances rectificative pour 1999 et invite l'Assemblée à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Charles de Courson.

Cela ne va pas être triste !

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances rectificative par la commission de la défense est devenu maintenant un exercice traditionnel qui, je le sais, ne suscite pas spontanément l'enthousiasme, ni du côté du ministère des finances ni même du côté des parlementaires de la commission des finances, tous bancs confondus.

Pourtant, la discussion du collectif est le seul moment de la vie parlementaire où il est possible d'examiner, et donc de contrôler, ce qui constitue une des missions principales de nos armées, à savoir les opérations extérieures.

Les députés, dans leur grande majorité, se sont plaints à juste titre de ne pas avoir été consultés a priori lors de la guerre du Kosovo. Il en est de même pour toutes les autres opérations de moindre ampleur politique, budgétaire ou médiatique.

M. Charles de Courson.

C'est sans doute trop sérieux pour le Parlement !

M. François Lamy.

rapporteur pour avis.

Pas forcément pour nous ! En l'état actuel de la législation, c'est donc à l'occasion du financement des surcoûts engendrés par les opérations extérieures que nous pouvons jeter un regard sur les missions effectuées par nos armées. Vous me pardonnerez donc par avance de sortir un peu du cadre budgétaire à la fin de mon intervention pour présenter dans les grandes lignes les opérations extérieures auxquelles participe la France, seule ou à côté de forces alliées.

S'agissant d'abord des ouvertures de crédits, le collectif ratifie l'ouverture de 4,05 milliards de francs en décret d'avances et ouvre 798 millions de francs de crédits de fonctionnement au titre III de la défense. En cours d'année, le titre III aura ainsi été abondé de 4,85 milliards de francs.

Pour 2,9 milliards de francs, ces ouvertures concernent le financement des surcoûts au titre des opérations extérieures. Ceux-ci, qui se répartissent entre 2,1 milliards pour les dépenses de personnel et 860 millions pour les dépenses de fonctionnement, sont ainsi intégralement couverts par des crédits supplémentaires et non financés par redéploiements internes au titre III.

La gestion 1999 du ministère fait ensuite apparaître des insuffisances de crédits de personnel liées à la montée en puissance de la professionnalisation. La commission de la défense a noté avec satisfaction que les dépenses supplémentaires ainsi exposées, 1,7 milliard de francs, étaient intégralement couvertes par des crédits supplémentaires, ouverts en décret d'avance ou par décret de virement.

L'abondement des crédits de fonctionnement est la troisième caractéristique de ce projet de collectif. Outre 132 millions de francs inscrits au décret d'avance, près de 800 millions de francs de crédits sont ouverts par le collectif, 375 millions de francs de remboursements à la SNCF et 423 millions de francs de crédits pour le fonctionnement des armées.

Enfin, 560 millions de francs du décret d'avance viennent apurer la gestion de l'année 1998, au titre des opérations extérieures notamment.

La commission de la défense se félicite donc que le collectif permette ainsi à la fois de couvrir les surcoûts causés par les opérations extérieures, d'assurer la bonne fin de la gestion 1999, de purger les reports de charges de


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la gestion 1998, et qu'il garantisse pour le début de la gestion 2000 le plus bas niveau de report de charges de la décennie.

L'évolution du titre V appelle des commentaires d'une autre nature. En effet, il est marqué par 5,3 milliards de francs d'annulations, qui s'ajoutent aux 4 milliards annulés par l'arrêté du 2 septembre. Les annulations au titre V sont donc de 9,3 milliards de francs pour un budget initial de 86 milliards de francs et un ensemble de crédits disponibles de 92,8 milliards de francs.

M. Charles de Courson.

12 % !

M. François Lamy, rapporteur pour avis.

Quelles sont les raisons de ces annulations ? En fait, aussi surprenante que soit cette explication, il apparaît bien qu'elles sont d'abord dues à l'insuffisante consommation des crédits ouverts.

L'examen du taux de consommation des crédits, établi mensuellement par le ministère des finances, montre, en effet, que, au 31 octobre 1999, 48 seulement des 81 milliards de francs de crédits ouverts aux titres V et VI avaient été ordonnancés, soit un taux de consommation moyen de 59,2 %, les taux les plus bas correspondant non pas aux grands programmes, convenablement menés, mais à des achats banalisés, comme ceux du chap itre 54-41, relatif à l'infrastructure, ou du chapitre 55-11, relatif au soutien des forces.

Plusieurs raisons nous ont été fournies par le ministère de la défense : la forte diminution des autorisations de programme en 1995 et 1996, qui a pour conséquence une diminution des paiements à régler quatre années plus tard ; la réforme des procédures d'engagement et de la nomenclature budgétaire ; enfin, la longueur des opérations de passation de contrats, qui a doublé ces dernières années.

S'il faut se réjouir du fait qu'il n'y ait aucune annulation d'autorisations de programmes cette année, ce qui est de nature à garantir la bonne exécution des lois de finances pour les années à venir, la situation du titre V oblige à être très attentif à la bonne conduite de la modernisation de la gestion du ministère et à l'articulation des modalités particulières de celle-ci avec la réalisation de la loi de finances initiale. Sinon, la difficulté restera sans solution.

J'évoquerai maintenant plus en détail la première cause des demandes de crédits supplémentaires, c'est-à-dire les opérations militaires extérieures. L'année 1999 aura été marquée par un doublement de leurs surcoûts. Ceux-ci passent de 2 milliards de francs en 1998 à 4,5 milliards de francs cette année. Cet accroissement est intégralement lié à la participation au conflit du Kosovo, qui aura causé 2,9 milliards de francs de surcoûts, partagés à peu près équitablement entre le titre III et le titre V.

S'agissant des autres opérations, la plus importante reste la participation française à la SFOR en BosnieHerzégovine. Elle aura représenté un peu plus d'un milliard de francs de surcoûts, imputés quasi intégralement au titre III, les surcoûts de dépenses en capital ne représentant que 121 millions de francs.

Les Balkans auront ainsi mobilisé 80 % environ de l'effort militaire de la France en matière de maintien de la paix. Ces chiffres révèlent bien une priorité de l'action internationale de notre pays.

Deuxième poste des opérations extérieures, l'Afrique, avec 1 660 militaires et 432 millions de francs de surcoûts, aura représenté 12 % des effectifs et 9 % des surcoûts. Les opérations sur ce continent présentent cependant une originalité. En effet, plus de 90 % de l'effort français tient à trois opérations bilatérales mises en oeuvre dans le cadre d'accords de coopération et de défense, les opérations Khor-Angar à Djibouti, Epervier au Tchad et Aramis au Cameroun.

L'opération Khor-Angar a pour objet, au moyen de 500 hommes environ, de garantir la protection des installations portuaires et aéroportuaires de Djibouti, eu égard au conflit entre l'Ethiopie et l'Erythrée, et en tenant compte que Djibouti est en fait le débouché naturel de l'Ethiopie.

L'opération Epervier est bien connue, au moins dess pécialistes : c'est une quasi-force prépositionnée au Tchad, dont la présence a plusieurs fois garanti la souveraineté de ce pays.

Enfin, l'opération Aramis est une opération d'assistance au Cameroun face au Nigéria dans le conflit sur la délimitation des frontières de la presqu'île de Bakassi, opération beaucoup plus limitée que les deux autres puisqu'elle n'est inscrite que pour soixante-six militaires et 17 millions de francs de surcoûts.

Pour le reste, les opérations extérieures en Afrique traduisent la nouvelle politique de la France envers ce continent.

En effet, notre pays participe désormais en Afrique à des opérations multilatérales, sous l'égide de l'ONU ou d'organisations régionales, que ce soit en Centrafrique ou en Guinée Bissao.

La France participe, enfin, à plusieurs missions d'observation, en général directement gérées par l'ONU, que ce soit au Liban, avec la FINUL, ou en Irak, dans le cadre de l'opération Alysse de surveillance aérienne de ce pays.

Cette dernière mission est pour l'instant suspendue pour les raisons que l'on connaît.

La présentation de l'action militaire extérieure de la France à partir des seuls surcoûts financés en loi de finances rectificative ne rend cependant pas totalement compte de celle-ci. En effet, la France entretient également en Afrique des forces prépositionnées. Leur financement étant prévu en loi de finances initiale, elles n'apparaissent pas lors de l'examen du collectif. Or, aux termes des présentations du ministère de la défense, elles représentent 6 300 hommes, l'équivalent de la présence française au Kosovo. Ces forces mènent également des opérations extérieures.

Sur la base des surcoûts de l'opération Epervier, on peut risquer l'hypothèse que l'ensemble du dispositif prépositionné représente environ 2,23 milliards de francs. Le total des effectifs en mission extérieure est alors de près de 20 000 hommes et les surcoûts totaux de 6,5 milliards de francs.

De manière générale, les crédits votés pour ces forces en loi de finances initiale n'ont pas d'autre objet que de permettre à ces forces prépositionnées d'accomplir ces missions prévues par les accords de défense en application desquelles elles sont stationnées. Il ne valent pas autorisation de mener, sans autre forme de contrôle, toutes autres opérations, y compris - pourquoi pas ? -, des opérations qui ne relèveraient pas d'accords de défense dûment signés ou ratifiés.

C'est pourquoi la commission de la défense a adopté une observation tendant à ce que, pour les opérations de ce type menées par les forces prépositionnées, le Gouvernement indique systématiquement les effectifs et les moyens requis, même si aucun surcoût n'est occasionné, les crédits votés en loi de finances initiale n'ayant pas pour objet la conduite de ces opérations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Pour le reste, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années déjà, la commission de la défense se saisit, pour avis, du projet de loi de finances rectificative. Il faut dire qu'il a, sur la politique de défense, des incidences tout à fait particulières, que je souhaiterais présenter brièvement.

D'abord, le collectif de fin d'année modifie sensiblement l'architecture de la loi de finances initiale, pour le ministère de la défense comme pour les ministères civils, mais, il faut le reconnaître, souvent nettement plus pour la défense.

Il soulève donc le problème de l'adéquation entre la programmation militaire, dont la loi de finances initiale devrait être normalement une annuité d'application, et les contraintes de la gestion budgétaire. En règle générale, le titre III est accru - cette année, il est augmenté de 4,85 milliards de francs - et les crédits d'équipement font l'objet d'un abattement : cette année, il atteint 9,3 milliards de francs. Ces mouvements de crédits montrent sans doute que, par rapport aux prévisions de la programmation, l'enveloppe du titre III est étroite. Les d épenses liées à la professionnalisation des armées entraînent une insuffisance struturelle de crédits de l'ordre du milliard de francs.

Quant aux crédits d'équipement, leur consommation a été difficile en 1999, ce qui a donné lieu à un niveau d'annulations élevé, les autorisations de programme étant, quant à elles, maintenues à leur niveau initial.

Ces modifications sont importantes, mais elles ne suffiraient pas à elles seules à justifier que, chaque année, la commission de la défense émette un avis sur le collectif de fin d'année, dans la mesure où elles soulèvent des problèmes qui relèvent de la gestion ordinaire des crédits et qui peuvent être largement abordés au cours de la discussion de la loi de finances initiale.

Si le collectif revêt une importance majeure pour la politique de défense, c'est pour une autre raison : c'est parce qu'il enregistre a posteriori les conséquences budgétaires des opérations extérieures. De ce fait, étant donné le cadre institutionnel - le carcan, devrais-je dire - dans lequel le Parlement aborde les questions de défense, c'est la seule occasion où l'ensemble des interventions des forces françaises hors du territoire de la République peuvent faire l'objet d'un débat et sont soumises au vote des assemblées.

Le Parlement se prononce bien sur les crédits de la défense en loi de finances initiale et engage à leur sujet avec le ministre un dialogue - et ces trois dernières années, il a pu être fructueux -, mais il n'est alors question que des moyens de fonctionnement et d'équipement d'une armée qui n'est pas supposée agir. C'est bien là que réside l'extraordinaire paradoxe.

La loi de finances initiale a pour objet de maintenir en état, de moderniser et de développer l'outil militaire en fonction des besoins de sécurité du pays. Le Parlement débat donc à ce moment-là des seuls crédits qui conditionnent l'état de préparation des forces. Mais dès lors que les forces militaires interviennent, et même, comme on l'a vu cette année, qu'elles combattent, les dépenses qui en résultent ne sont plus soumises à un débat et à un vote spécifiques. Le Parlement n'a pas la possibilité de leur consacrer ne serait-ce que quelques heures de discussion, alors que l'intervention de crise ou de guerre constitue la raison d'être même et la justification de l'outil militaire.

Cette pratique doit toutefois évoluer un peu cette année : comme je l'ai demandé au Premier ministre, le ministre de la défense devrait présenter, à l'occasion de l'examen des articles relatifs aux crédits militaires, un état détaillé des opérations extérieures. Ce serait déjà un pr ogrès.

Mais il me semble qu'il faut aller plus loin et s'orienter vers un changement plus profond de la pratique et même des règles constitutionnelles qui régissent le contrôle parlementaire des opérations extérieures.

Si nous pouvions consacrer, dans le cadre du collectif de fin d'année, quelques heures aux conséquences budgétaires des opérations des forces hors du territoire de la République, ce serait certainement déjà une avancée.

Mais il ne s'agirait encore que d'un examen global, a posteriori , de l'engagement militaire de la France. Nous devons reconnaître que, dans ce domaine aussi, la France souffre, en comparaison de ses partenaires européens et, plus largement, de ses alliés, d'un « déficit démocratique ». Le ministre de la défense a récemment déclaré que, pour donner à l'Europe les moyens d'une défense autonome, il fallait d'abord convaincre les Parlements. Il pensait sans doute aux Parlements de nos partenaires, car il faut reconnaître que le rôle du Parlement français dans la détermination du niveau des crédits de la défense, comme dans l'emploi des forces, est fortement contraint, ne serait-ce, monsieur le ministre, que par l'irrecevabilité financière opposable au titre de l'article 40 de la Constitution.

Il est donc d'autant plus nécessaire que l'action militaire du pays fasse l'objet d'un débat public et contradictoire dans un cadre spécifique lorsqu'elle devient politiquement significative et qu'elle engage gravement nos intérêts et la vie de nos soldats.

M. Christian Cuvilliez.

Tout à fait !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

Ce débat, mes chers collègues, ne peut pas avoir lieu seulement dans les médias. Il faut qu'il puisse se dérouler aussi devant la représentation nationale.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Charles de Courson.

Eh oui !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

Ce serait une garantie de légitimité, une manifestation non équivoque du soutien de la nation à ceux qui exposent leur vie pour elle. Ce serait donc un appui pour le Gouvernement dans son action militaire,...

M. Gilles Carrez.

Vous avez raison !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

... dans ses relations avec les gouvernements des pays alliés et donc, en dernière analyse, un facteur d'efficacité.

C'est pourquoi j'ai déjà proposé que l'on réfléchisse à une modification de l'article 35 de la Constitution pour l'étendre à d'autres hypothèses que celle, dépassée et d'ail leurs exclue par le droit international actuel, de la déclaration de guerre. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

On ne déclare plus la guerre aujourd'hui. Ça fait longtemps que la France n'a pas déclaré la guerre. Le Parlement ne s'exprime donc jamais sur ce sujet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Les interventions extérieures des armées, dès lors qu'elles entraînent le recours à la force, devraient donc être autorisées par le Parlement dans des conditions tenant compte, bien sûr, des contraintes de l'urgence et du degré d'engagement militaire du pays.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

La loi de finances rectificative a d'abord pour objet d'ajuster l'équilibre global de la loi de finances initiale en fonction de la situation économique, des besoins de nature civile apparus en cours de gestion et du niveau desr ecettes fiscales. Mais, dans les dispositions qui concernent les crédits militaires, elle vaut également approbation a posteriori des opérations conduites par les forces françaises, en particulier, et François Lamy l'a rappelé tout à l'heure, dans le conflit du Kosovo.

M. Christian Cuvilliez.

Absolument !

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

C'est le seul acte par lequel l'Assemblée nationale approuvera formellement ces opérations. Il y a là, vous le voyez, mes chers collègues, une ambiguïté dans le débat d'aujourd'hui, qui résulte notamment de notre Constitution.

Je dis « notamment », parce que ce n'est pas seulement la Constitution qui est en cause ; en l'occurrence, c'est aussi la pratique. Les propositions que fera prochainement la commission de défense dans ce domaine viseront justement à mettre fin à cette ambiguïté qui ne sert pas la démocratie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Martine Aurillac.

Très bien ! Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre, la loi de finances rectificative pour 1999 illustre les trois critiques fondamentales que nous adressons à votre gouvernement : les prélèvements obligatoires augmentent, alors que vous vous êtes engagé chaque année à les faire baisser ; les dépenses publiques ne sont pas réellement maîtrisées, contrairement à ce que vous avez indiqué tout à l'heure ; par voie de conséquence, la baisse du déficit est tout à fait insuffisante.

J'examinerai d'abord les recettes.

Les prévisions de recettes n'ont pas été réévaluées depuis la fin du mois de juillet. Certes, vous avez révisé l'estimation pour 1999 à la fin du mois de juillet, dans le cadre de la préparation de la loi de finances initiale pour 2000, mais depuis, vous n'avez rien changé, alors que, de votre propre aveu, le contexte économique et financier s'est quelque peu modifié. Nous sommes le 8 décembre, et vous n'avez toujours pas réévalué vos chiffres depuis quatre mois.

Or nous constatons, mois après mois - nous consultons tous les documents publiés sur Internet par la comptabilité publique - que, contrairement à ce que vous prétendez, les plus-values des recettes fiscales nettes de l'Etat ne cessent d'augmenter, pour atteindre de l'ordre de 45 milliards.

A la fin du mois d'octobre, les recettes fiscales nettes, après prélèvements et remboursements, avaient augmenté de 9,7 % - avant prélèvements et remboursements, l'augmentation est de 8,7 %. Or vous nous annoncez une croissance de 6,1 %. Par conséquent, fin octobre, il y avait un écart de 3,6 points de recettes fiscales nettes en plus par rapport à vos évaluations révisées pour 1999.

Les recettes fiscales nettes de prélèvements et de remboursements étaient évaluées à 1 263,6 milliards dans la loi de finances initiale pour 1999 et vous les estimez à 1 271,4 milliards dans le collectif budgétaire pour 1999.

Mais, fin octobre, elles s'établissaient déjà à 1 085,1 milliards contre 989,2 milliards en 1998, soit une hausse de 9,7 %. Si l'on extrapole, les recettes fiscales en fin d'année devraient atteindre à peu près 1 314 milliards, soit un excédent de 43 milliards auxquels s'ajouteront 2 milliards d'économies sur les prélèvements.

M. Jean-Pierre Kucheida.

Vous relisez votre question au Gouvernement !

M. Christian Cuvilliez.

En tout cas, pour comprendre, un décodeur s'impose !

M. Charles de Courson.

Le surplus de recettes fiscales nettes de prélèvements et de recettes est donc de l'ordre de 45 milliards par rapport à ce qui était prévu et non de 8 milliards, comme vous l'affichez dans la loi de finances rectificative.

Cette sous-évaluation manifeste trompe les Français et déroge à l'article 1er de la loi organique selon lequel l'évaluation des ressources de l'Etat est faite compte tenu d'un équilibre économique et financier.

D'où proviennent ces 45 milliards en plus de recettes fiscales nettes ? C es recettes fiscales supplémentaires proviennent d'abord de l'impôt sur le revenu. Vous avez prévu qu'il rapporte 22 milliards en plus par rapport à 1998, soit 7,1 % de hausse. Or, fin octobre, nous étions déjà à 10,1 % de hausse par rapport à octobre 1998, donc, grosso modo, trois points de plus. Par rapport à la prévision de recettes de 304 milliards, il y a environ 9 milliards de plus-values fiscales. Vous ne pourrez plus, monsieur le ministre, tenir le langage qui était le vôtre depuis deux à trois mois, c'est-à-dire depuis que nous vous avons expliqué que vous sous-évaluiez volontairement les recettes.

Les recettes fiscales supplémentaires proviennent également de l'impôt sur les sociétés. Vous avez tout de même reconnu du bout des lèvres que c'était dans ce domaine qu'avaient été réalisées les plus-values fiscales les plus extraordinaires. Vous avez évalué le rendement net de l'impôt sur le sociétés à 34 milliards de plus par rapport à 1998, soit une hausse de 18,5 %. Or, à la fin du moins d'octobre, la hausse était de 28,1 %, soit 9,6 points de plus que vos estimations révisées. En appliquant ce taux à la base réalisée en 1998, cela fait 17 milliards supplémentaires.

Ces recettes fiscales supplémentaires proviennent aussi de la TIPP, même si l'écart entre les prévisions de recettes et les recettes réellement perçues n'est pas sensible. En effet, fin octobre, la hausse n'était supérieure que de 0,7 point à celle que vous affichez dans la loi de finances rectificative. L'écart est de l'ordre d'à peine 1 milliard, soit l'épaisseur du trait, puisque vous avez déjà tenu compte dans vos estimations révisées de l'allégement de fiscalité sur les biocarburants - il s'agit de l'article 1er du projet de loi - et qui représente à peu près 700 millions.

Les recettes fiscales supplémentaires proviennent également de la TVA. A cet égard, on ne peut pas laisser sans réponse ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre. Selon vos estimations révisées, le montant de la TVA nette serait supérieur de 24 milliards par rapport à


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celui de 1998, soit une hausse de 3,8 %. Mais, fin octobre, la hausse était de 4,5 %, soit 0,7 point en plus. Les plus-values sur la TVA ne sont pas très importantes, mais elles sont tout de même de l'ordre de 4,5 milliards par rapport à vos évaluations révisées, lesquelles intègrent l'i ncidence de la baisse du taux de TVA sur les travaux immobiliers.

Pour ce qui est des autres impôts directs, des droits d'enregistrement, des remboursements et dégrèvements hors TVA, il m'est difficile de donner des informations détaillées, puisque, malheureusement, le document publié chaque mois par le ministère agrège trois lignes de recettes et une ligne de remboursement. Cela étant, j'ai comparé le montant des estimations révisées de ces quatre lignes à la situation réelle à la fin du mois d'octobre. Or, alors que, selon les évaluations révisées, la hausse ne serait que de 0,1 %, celle-ci atteignait 6,5 % fin octobre, soit envirion 11milliards supplémentaires ! Au total, les recettes fiscales seraient supérieures de 43 milliards à ce que prévoit le ministre dans la loi de finances rectificative.

On pourrait me rétorquer que mes extrapolations sont hasardeuses. Mais ce n'est pas le cas, car les chiffres que j'ai cités datent de la fin du mois d'octobre et il n'y a donc pas de raison qu'il y ait un écart important dans un sens ou dans un autre, d'autant que la consommation est assez régulière et que l'on observe une accélération de la rentrée de TVA en fin d'année. En définitive, il pourra peut-être y avoir une différence de trois ou quatre milliards en plus ou en moins, mais là je parle tout de même d'une plus-value fiscale de 43 milliards et non de quelques milliards.

Je voudrais évoquer maintenant le problème du respect du principe de l'annualité. La loi de finances révisée pour 1999 pose un problème dont nous avions déjà fait état lors du vote de la loi de règlement de 1998 : comment expliquez-vous, monsieur le ministre, la forte augmentation des remboursements et dégrèvements, alors que vous aviez déjà accentué le processus l'année dernière ? Ils se chiffrent à plus de 51 milliards en 1998, soit une augmentation de 19,3 %, alors qu'ils n'avaient progressé que de 2 % en 1997.

On s'en souvient, monsieur le ministre, vous vous étiez attiré de vifs reproches de la part de la Cour des comptes, qui, dans son rapport sur la loi de règlement et dans le style inimitable qui est le sien, vous accusait implicitement d'avoir procédé, comme aiment à le faire les gouvernements, à une petite opération dite de fin d'année, consistant à fortement accélérer les remboursements de fin d'année...

M. Philippe Auberger.

Coup classique !

M. Charles de Courson.

... -, la Cour des comptes estime les montants entre 10 et 15 milliards -, de façon à ne pas faire apparaître une hausse supplémentaire des prélèvements obligatoires. Je rappelle que, en 1998, vous aviez promis une baisse de 0,2 point de PIB, et qu'il n'y a eu en définitive aucune baisse.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'habitude, les opérations de fin d'année ne se font pas dans ce sens-là, quand il y en a !

M. Charles de Courson.

Pourquoi le Gouvernement commet-il un délit de dissimulation ?

M. Philippe Auberger.

Il cache sa cassette ! C'est Harpagon, mâtiné de Tartufe !

M. Charles de Courson.

Voyons d'abord de combien vont effectivement augmenter les prélèvements obligatoires. Ce que je peux vous dire, mes chers collègues, c'est qu'ils vont augmenter fortement, mais de combien ? Pour répondre à cette question, je commencerai par démonter ce qui est au fond le troisième mensonge du Gouvernement depuis qu'il est au pouvoir. Il s'était engagé, en 1998 comme en 1999, à baisser de 0,2 point de PIB les prélèvements obligatoires. Et en 1997, il nous avait expliqué que l'augmentation de 0,2 point qu'il nous demandait de voter dans le cadre des mesures d'urgence était destinées à compenser les moins-values fiscales. Or, la réalité fut tout autre. Et, en cette année 1999, on atteint l'apothéose, malgré votre habileté, monsieur le ministre, à dissimuler pendant deux ans la vérité à nos concitoyens.

Je rappelle que Lionel Jospin s'était engagé, en 1997, à baisser les prélèvements obligatoires, « pour la première fois », disait-il, depuis 1992. Avec le recul, cela ne manque pas d'humour ! Car, au lieu de la diminution annoncée, vous détenez le record du pourcentage des prélèvements obligatoires par rapport au PIB.

M. Dominique Baert.

Ça vous va bien de dire ça !

M. Charles de Courson.

Vous avez raison de cacher cette hausse : elle vous gêne !

M. Philippe Auberger.

Elle est honteuse !

M. Charles de Courson.

Toutefois, malgré l'insincérité de votre budget, vous êtes pris, et je l'avais déjà dit lors de l'examen de la loi de finances pour 2000, la main dans le pot de confiture.

M. Philippe Auberger.

C'est la poisse ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est bientôt fini, ces sermons de Père Fouettard ?

M. Charles de Courson.

Je vous rappelle que votre première décision fiscale a été, en novembre 1997, d'accroître de plus de 23 milliards l'impôt sur les sociétés, au prétexte que les recettes étaient sous-évaluées du même montant dans la loi de finances initiale pour 1997.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'était vrai !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président de la commission des finances, il faut regarder les statistiques.

Il n'en a rien été, car l'exécution pour 1997 des recettes a été strictement conforme aux prévisions. Ces 23 milliards ne sont donc pas venus compenser une diminution des recettes fiscales,...

M. Philippe Auberger.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

... mais ils ont augmenté les recettes fiscales, qui ont été, je le répète, conformes aux prévisions. Ce n'est pas moi qui le dis, mais lisez le rapport de la Cour des comptes sur la loi de règlement, et je ne crois pas qu'on puisse accuser cette institution d'un quelconque parti pris en ce domaine.

M. Philippe Auberger.

Absolument ! Ce sont des magistrats indépendants !

M. Charles de Courson.

Vous avez donc commencé très fort, par une augmentation de 23 milliards, soit un peu plus de 0,2 point du produit intérieur brut. Mais je vous rassure, mes chers collègues : ce n'était qu'un commencement ! L'année suivante, en 1998, vous nous avez dit : « Plus jamais ça ! Nous allons baisser les prélèvements obligatoires de 0,2 point du PIB. Ils représenteront 45,1 %


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dans l'ancienne base, contre 45,3 % en 1997 ». Quel a été le résultat ? Officiellement, pas de baisse. Vous avez en effet, par une manipulation évoquée dans le rapport de la Cour des comptes, dissimulé 10 à 15 milliards de francs en accélérant les remboursements, ce qui veut dire que non seulement il n'y a pas eu de baisse, mais qu'il y a eu en fait une légère hausse, de 0,1 à 0,2 point du PIB.

En 1999, vous avez fait encore plus fort. Vous avez à nouveau annoncé - je tiens vos déclarations et celles de M. Strauss-Kahn à votre disposition - une nouvelle baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point du PIB, affirmant que nous serions à 45 % en 1999, contre 45,2 % en 1998. Mais, dès la présentation de la loi de finances initiale pour l'an 2000, il vous a fallu avouer qu'il n'y aurait pas une baisse de 0,2 point, mais une hausse de 0,4 point, soit une aggravation de la pression fiscale d'à peu près 35 milliards de francs, ce qui a conduit au taux record de 45,3 % du PIB pour les prélèvements obligatoires.

Mais le Gouvernement mentait encore.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Il n'y a que vous qui dites la vérité !

M. Charles de Courson.

Ce sont les chiffres ! M. Gilles Carrez. Ils sont irréfutables !

M. Philippe Auberger.

Il n'y a que la vérité qui blesse !

M. Charles de Courson.

La hausse des prélèvements obligatoires, qui passent de 45,9 % du PIB en 1998 à 45,3 % en 1999, dans la nouvelle base comptable, n'intègre pas les différentes sous-estimations, telles celles dont j'ai parlé tout à l'heure, qui représentent au total 45 milliards de francs, sur un PIB de 8 800 milliards de francs en 1999 ; on aboutit en fin de compte à 0,5 point de plus. Nous allons donc finir l'année...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est sûr, que nous allons la finir ! Charles de Courson.

... avec une hausse de 0,5 point qui s'ajoute à celle de 0,4, soit 0,9 point de PIB au total,...

M. Philippe Auberger.

Un point !

M. Charles de Courson.

... peut-être même un point, alors que vous aviez promis une diminution de 0,2 point.

A votre place, monsieur le ministre, je serais extrêmement gêné.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Franchement, je préfère Paco Rabanne ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

On peut mentir une fois : 0,2 point, c'est l'épaisseur du trait du mensonge. On peut mentir une deuxième fois, et ramener une progression de 0,4 point à 0,2 point par un artifice comptable.

Mais là, alors que vous annonciez une diminution de 0,2 point, la hausse sera de 0,9, et peut-être même d'un point de PIB. Vous faites vraiment très fort ! Je vous lance donc un défi.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ah !

M. Charles de Courson.

Vous savez que je suis élu de Champagne.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ça, pour être pétillant !...

M. Charles de Courson.

Il est dommage que M. Pierret ne soit pas là, car j'avais fait un pari avec lui. Il est venu participer à une manifestation dans ma circonscription. Je l'ai pris à part et je lui ai dit : « Vous qui êtes plutôt un garçon honnête, vous savez bien que cette diminution de 0,2 point annoncée pour 1999 sera en fait une augmentation de 0,5 point. » Et nous sommes presque,

maintenant, à un point ! Je lui ai demandé s'il pariait une bouteille de champagne.

M. Philippe Auberger. Une caisse, plutôt ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ça va augmenter les prélèvements obligatoires !

M. Charles de Courson.

M. Pierret m'a répondu :

« Honnêtement, je crois que c'est vous qui gagnerez », et vous pouvez lui demander à M. Pierret si ce que je dis est vrai. Nous avons eu cette conversation à Vitry-leFrançois, dans ma circonscription.

J'ai ajouté : « Je ne veux pas faire de pari si je suis sûr de gagner, car ce n'est pas drôle, mais je prends le pari pour l'année prochaine. »

Mais nous examinons aujourd'hui la loi de finances rectificative pour 1999.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous pourrions peut-être y revenir ! M. Charles de Courson. Le pari est perdu. L'écart entre la réalité et vos promesses n'est pas de 0,6 point, mais de l'ordre de 1,2 point.

Je crois qu'il faut aller un peu plus loin et se demander : « Mais pourquoi diable font-ils cela ? » M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous cherchez vraiment tout au fond de la bouteille !

M. Charles de Courson.

Je rappellerai donc ce que disait l'ancien ministre des finances, votre prédécesseur :...

M. Philippe Auberger.

Feu DSK !

M. Charles de Courson.

« La hausse des prélèvements obligatoires en 1999 ne s'explique pas par évolution du numérateur de la fraction - les recettes fiscales -, mais par une progression moins forte que prévu, en valeur, du dénominateur, la richesse nationale. »

En clair, la hausse serait seulement due au ralentissement en valeur de la croissance en 1999. Je résume cela d ans une expression simple que tout le monde comprend : c'est la faute à la base.

Eh bien, monsieur le ministre, il ne faut pas vivre audessus de ses moyens, c'est l'inverse qu'il faut faire. Or vous vous acharnez à faire croire que le PIB croît plus vite en valeur que vos prévisions. Vous affichez sur cette base fausse une hausse considérable des recettes fiscales, et vous dites après : « Comme c'est bizarre, les prélèvements obligatoires augmentent ! » M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comme c'est bizarre ! Comme c'est étrange ! M. Charles de Courson. Pourtant, la loi de finances initiale prévoyait déjà une augmentation des recettes fiscales nettes de 4,2 %. Cette anticipation était fondée sur une prévision de croissance de l'économie française de 3,8 % en valeur. La loi de finances rectificative prévoit une augmentation des recettes fiscales nettes - vous avouez 6,1 % - contre une croissance en valeur de 2,9 %. Cela signifie que la croissance des recettes fiscales que vous avouez est deux fois supérieure à la croissance en valeur de la richesse nationale.


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M. Jean-Jacques Jégou. La cagnotte !

M. Charles de Courson.

Certes, la croissance en valeur a été plus faible que prévu, mais l'augmentation des recettes fiscales a été beaucoup plus forte que l'estimation initiale. En conséquence, la progression moins forte de la croissance a été moins importante que la progression plus forte des recettes fiscales. Donc le ratio croît, même si on tient compte de l'effet de décalage ; ce paradoxe inventé pour cacher votre politique ne tient pas. La preuve est faite que la hausse record des prélèvements obligatoires résulte de l'augmentation des impôts.

Quel est le montant de ces impôts ? Les recettes fiscales nettes avant prélèvements augmentent de 8,7 %. Vos services, qui encaissent, ne peuvent pas mentir. Ces recettes vont passer de 1 452 milliards en 1998 à 1 578 milliards, soit 126 milliards de plus. Ce n'est pas mal ! De combien vont augmenter les recettes fiscales et les cotisations sociales affectées à la sécurité sociale ? J'ai lu le document, publié par votre collègue Mme Aubry, intitulé : « Annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale : recettes et dépenses ». Pour les comptes c onsolidés, vos prévisions révisées pour 1998-1999 indiquent que les prélèvements obligatoires affectés à las écurité sociale augmentent de 4,2 %, passant de 1 563 milliards à 1 629 milliards en 1999, soit 66 milliards d'augmentation.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous vous embrouillez !

M. Charles de Courson.

J'en arrive aux collectivités locales.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N'oubliez pas les organisations internationales !

M. Charles de Courson.

Vous nous expliquez chaque année que la pression fiscale qu'elles exercent diminue grâce à une prise en charge progressive des impôts locaux par l'Etat.

Vous connaissez la note de conjoncture du Crédit local de France-Dexia. Il est assez facile de prévoir les recettes fiscales des collectivités locales parce que, pour les impôts directs, les réalisations sont pratiquement conformes aux prévisions. Quant aux recettes non directes, elles font l'objet d'une bonne estimation. Mais savez-vous de combien elles vont augmenter l'année prochaine ? De 4,9 %, puisqu'elles vont passer de 452 milliards de francs en 1998 à 475 milliards en 1999, soit 23 milliards d'augmentation.

Voilà les réponses que M. le ministre, très gêné par les questions que je lui ai posées tout à l'heure (M. le ministre rit), n'a pas voulu donner.

Or la somme de ces trois éléments est égale à 215 milliards. Nous qui sommes dans l'opposition...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et pour longtemps !

M. Charles de Courson.

Ne dites jamais cela, monsieur le ministre !

M. Charles Cova.

Ça va, ça vient !...

M. Charles de Courson.

... et qui sommes des libéraux, nous nous demandons ce que cette somme de 215 milliards de prélèvements obligatoires supplémentaires représente par rapport à la croissance de la richesse nationale.

Celle-ci est estimée, pour l'année prochaine, dans vos prévisions révisées, à 2,9 %, soit 251 milliards de francs.

Le message que je veux faire passer est donc celui-ci : 215 milliards de prélèvements supplémentaires pour une augmentation de la richesse nationale de 251 milliards, c'est énorme ! Et même si le PIB, au lieu d'augmenter de 2,9 %, augmente en définitive de 3,1 % ou de 3,2 %, ça ne changera pas fondamentalement l'analyse.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous oubliez la hausse des prix !

M. Charles de Courson.

Pas du tout, monsieur le ministre, elle est incluse dans le calcul. Le pourcentage de 2,9 % tient compte de l'augmentation des prix, de 0,5 % ou 0,6 % dans vos estimations révisées, et de l'augmentation du PIB en volume, de 2,3 % ou 2,4 %. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous aurons peut-être une surprise en ce qui concerne la croissance !

M. Charles de Courson.

Le taux de croissance sera peut-être de 3,1 % ou 3,2 % et l'augmentation de la richesse nationale sera alors grosso modo de 260 à 270 milliards, mais le montant de 215 milliards représentera encore entre les deux tiers et les trois quarts de la richesse additionnelle.

M. Philippe Auberger.

Sautter meilleur que Juppé !

M. Charles de Courson.

Nous ne sommes pas à quelques milliards près et, ce que je veux faire comprendre, c'est que la politique que vous menez depuis trois ans accable le pays d'impôts.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voilà la réalité !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

C'est vous qui êtes responsables de cette situation. Vous l'oubliez un peu !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président de la commission des finances, si vous voulez m'affronter sur ce terrain, je vais vous accabler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense.

C'est déjà fait !

M. Bernard Outin.

Ce que vous dites est effectivement accablant !

M. Charles de Courson.

Car la différence entre le gouvernement que vous soutenez et celui que j'ai soutenu, c'est que ce dernier a trouvé en arrivant aux responsabilités un déficit des finances publiques qui avoisinait 6,3 % du produit intérieur brut ! Jamais, depuis la Libération, un gouvernement n'avait laissé les finances publiques dans un tel état, et vous devriez avoir honte de dire que nous avons augmenté les impôts ! Effectivement, nous les avons augmentés...

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Vous le reconnaissez enfin !

M. Charles de Courson.

... mais en partie pour réduire le colossal, l'abyssal déficit que vous aviez laissé, mes chers collègues, à la majorité suivante !

M. Bernard Outin.

Relisez ce que disait Juppé à propos de Balladur !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Et l'augmentation de deux points du taux de la TVA ?

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

C'est vous qui êtes responsables de la hausse !

M. le président.

Monsieur de Courson, vous pouvez mettre en cause le président de la commission des finances, car votre parole est totalement libre, mais


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j'aimerais néanmoins que vous ne perdiez pas de vue que nous sommes en train de débattre d'une exception d'irrecevabilité.

M. Charles de Courson.

Et de l'article 1er de la loi organique !

M. le président.

Je souhaite donc que nous poursuivions ce débat dans le calme.

M. Charles de Courson.

Qui m'a interrompu, monsieur le président ?

M. le président.

Evitons les interpellations, monsieur de Courson - mais ma remarque s'adresse aussi à M. le président de la commission des finances -...

M. Charles de Courson.

Je n'ai interrompu personne !

M. le président.

... car cela ne rend pas forcément plus clair un débat qui est déjà suffisamment compliqué !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, je vous serais reconnaissant de rappeler cette règle au président de la commission des finances.

M. le président.

C'est ce que je viens de faire. Poursuivez.

M. Charles de Courson.

Je lui ai répondu alors qu'il m'avait interrompu sans y être autorisé.

En bref, j'ai voulu démontrer que les évaluations du Gouvernement n'étaient absolument pas sérieuses. Mais quelles sont les vraies raisons politiques de tout cela ? Il y en a trois.

La première, c'est que le Gouvernement, comme l'opposition, sait lire les sondages, et que les Français expriment leur exaspération face à la croissance continue des impôts et des prélèvements obligatoires.

Vous vous êtes dit : « Même en inventant l' "effet base", on aura bien du mal à expliquer l'évolution. Donc dissimulons, puis, quand les comptes seront publiés, en février, mars ou avril 2000...

M. Gilles Carrez.

Ils auront oublié !

M. Charles de Courson.

Ils auront oublié ! On sera passé à autre chose, l'actualité présentera d'autres sujets d'intérêt. »

Eh bien, non : l'opposition vous rappelle la vérité, elle vous lance un défi. Les estimations que nous donnons, tant au Sénat qu'à l'Assemblée, sont tout à fait cohérentes : elles montrent que vous dissimulez une hausse des prélèvements obligatoires de l'ordre d'un point de PIB.

La deuxième raison est politique. Cette sous-estimation vous évite le débat sur l'affectation des fruits de ce que vous appelez la croissance, et qui est, en fait, des plusvalues fiscales.

Vous vous souvenez que M. Strauss-Kahn parlait du triangle d'or, et je lui avais répondu que son triangle finirait dans le triangle des Bermudes. C'est bien le cas puisque votre action se résume en une augmentation des dépenses publiques et une augmentation des prélèvements obligatoires.

Vous voulez éviter d'aiguiser les appétits de vos amis politiques, et à peine a-t-on affiché une réduction de 2,4 milliards du déficit qu'on donne immédiatement 2,9 milliards de francs, dont vous n'avez d'ailleurs pas parlé.

J'espère que vous allez tout de même déposer un amendement pour financer ce que certains ont appelé des

« cadeaux de Noël » et que vous n'allez pas financer des dépenses de 1999 sur le budget de 2000 ! Le fait que la sphère publique capte l'essentiel de l'augmentation de la richesse nationale pose le vrai problème du train de vie et de la taille de la sphère publique.

Mais il y a une troisième raison, qui est liée à la politique très politicienne que mène le Gouvernement. La raison essentielle de cette stratégie, c'est que vous voulez garder quelques noisettes pour baisser les impôts juste avant des échéances électorales décisives. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Pierre Kucheida.

Heureusement que vous êtes là pour nous le dire !

M. Charles de Courson.

D'ailleurs, vous vous en cachez à peine !

M. Philippe Auberger.

C'est un peu gros !

M. Charles de Courson.

Au fond, vous mettez en pratique la célèbre technique espagnole du garrot : vous étranglez le contribuable et vous espérez que, quand vous desserrerez un peu, il se sentira si bien qu'il oubliera qu'il demeure garrotté. Mais méfiez-vous du peuple, car il a plus de bon sens que beaucoup de gouvernements !

M. Jean-Pierre Kucheida.

Comme en 1789 !

M. Charles de Courson.

Ne parlez pas de 1789 ! Vous ne savez pas où étaient mes ancêtres. L'un d'eux a voté la mort du roi, mais il a été le premier à être assassiné ; il s'appelait Le Peletier de Saint-Fargeau.

M. Bernard Outin.

On n'était pas là !

M. Charles de Courson.

Vous pourriez au moins connaître l'Histoire ! Au lieu de diminuer les prélèvements obligatoires de 0,2 point du PIB par an depuis 1997, vous les avez augmentés. L'écart par rapport à ce qu'aurait été la situation en 1999 si vous aviez tenu vos engagements est de 160 milliards de francs environ ; c'est énorme ! Monsieur le ministre, je vous le dis tout net : de la technique du garrot, qui consiste à serrer pour mieux desserrer, vous subirez les conséquences.

J'en viens à la deuxième partie de mon propos.

Les dépenses affichées dans le projet de loi de finances rectificative sont-elles sincères ?

M. Philippe Auberger.

Non !

M. Charles de Courson.

Sont-elles gagées par des économies réelles ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

J e voudrais vous démontrer que les dépenses connaissent en fait une forte hausse, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, si l'on change les bases de calcul.

D'après les documents de votre propre ministère, les dépenses vont augmenter en 1999 de 5,2 %. Permettez-moi de vous donner les chiffres précis puisqu'il semble que vous les ignoriez : les dépenses du budg et général « révisé » augmenteront grosso modo de 83,5 milliards entre l'exécution de 1998 et le collectif de 1999, sans compter les petits cadeaux de Noël qui, semble-t-il, n'ont même pas été budgétés.

En dehors du fait qu'une fois de plus vous ne tenez pas les engagements que vous avez pris dans le programme pluriannuel des finances publiques, ces dépenses sont financées, pour une partie, par des économies de constatation et, pour une autre, par des économies qui dégradent l'avenir. En effet, vous financez les dépenses nouvelles, dont les deux tiers sont permanentes, par de fausses économies.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Certes, les 10 milliards de francs versés à l'UNEDIC sont, je vous le concède, des dépenses exceptionnelles non reconductibles. Mais pensez-vous qu'il soit de bonne politique de budgéter la majoration de l'allocation de rentrée scolaire en loi de finances rectificative ? Vous me répondrez sans doute que vous n'êtes pas les premiers à le faire, mais cela n'excuse rien : nemo auditur propriam turpitudinem allegans ! Budgétez donc anormalement l'allocation de rentrée scolaire puisque tous les gouvernements, depuis le gouvernement Balladur, l'ont majorée par rapport à ce qui était prévu dans les textes concernant les prestations familiales.

Il y a plus grave : vous annulez des dépenses actives en matière d'emplois pour financer des dépenses passives.

Mais, contrairement à ce que vous nous avez expliqué tout à l'heure, l'amélioration de la situation de l'emploi ne nous fait pas faire des économies. Et tous les députés, de quelque bord qu'ils soient, connaissent parfaitement les ordres qu'a donnés Mme Aubry pour réduire fortement le nombre de CES, voire de CEC. Ne mettez donc pas en avant la situation économique car les couches sociales les plus fragiles bénéficient beaucoup moins de l'amélioration de l'emploi que les autres.

Le décret d'avances du 2 septembre 1999 vous permet d'annuler 4,8 milliards de dépenses d'investissement contre 3,1 milliards. Par contre, vous ouvrez 7,5 milliards de dépenses de fonctionnement contre 0,2 milliard de dépenses d'investissement. Qu'est-ce que cela veut dire ? Il s'agit, comme l'a dit notre collègue de la commission des finances, bien qu'il appartienne à la majorité, d'une politique de Gribouille.

En effet, s'agissant des dépenses d'investissement militaire, vous annulez, par l'arrêté d'annulation et le décret d'avances, 9,3 milliards - chiffre rappelé par nos collègues - c'est-à-dire que vous réduisez d'à peu près 12 % les crédits d'investissement militaires. Je rappelle que cette baisse succède à une baisse d'un montant similaire en 1998 par rapport à 1997.

Sur ce point, monsieur le rapporteur pour avis de la commission de la défense, permettez-moi de contester totalement votre analyse. Vous êtes victime de la technocratie du ministère des finances, qui vous explique que cette annulation n'est pas grave puisque les crédits ne sont pas consommés.

Savez-vous, mon cher collègue, comment l'on procéde ? M. le ministre des finances ici présent donne des ordres au contrôleur financier du ministère de la défense pour bloquer les crédits. On dit alors que l'on « régule ».

M. Philippe Auberger.

Bien sûr !

M. François Lamy, rapporteur pour avis.

Mais pour une fois, ce n'est pas le cas !

M. Charles de Courson.

Par la suite, le ministère des finances explique au bon parlementaire qui ne connaît pas la cuisine interne que, les crédits n'étant pas consommés, ils peuvent être annulés.

La vérité est tout à fait différente : pour la deuxième année consécutive, on essaie de gager des dépenses de fonctionnement pérennes supplémentaires par des annulations de crédits d'investissement sur la défense. Et l'on se dit : basta ! car, comme chacun sait, l'armée ne sert à rien, sauf en période de guerre. Mais à la veille d'une guerre, il est, comme la France en a malheureusement fait la démonstration en 1939-1940, trop tard pour réarmer un pays.

Que se passe-t-il donc dans le domaine militaire ? Les programmes d'armement sont décalés.

M. François Lamy, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas vrai !

M. Charles de Courson.

Telle est la conséquence de votre politique.

Mon cher collègue représentant la commission de la défense, vous auriez pu aller jusqu'au bout de vos analyses en la matière.

Par ailleurs, l'utilisation du décret d'avances de septembre est-elle respectueuse de la Constitution française ? Ne pouvait-on pas financer des mesures d'urgence sans prendre un décret d'avances ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est pas le premier décret de ce type que l'on prend !

M. Charles de Courson.

Pour ce qui concerne le ministère de l'emploi, on a annulé des crédits d'insertion pour augmenter ceux du RMI. Vous auriez pu procéder autrement et attendre le collectif.

Pour l'essentiel, ce sont des opérations militaires qui sont concernées. Ainsi que l'a rappelé notre collègue, on a fait payer à la défense les opérations extérieures, c'est-àdire que l'on fait payer à l'investissement militaire, qui sert à doter notre armée de moyens de combat modernes, les opérations décidées, à juste titre d'ailleurs, par le Gouvernement. Ce n'est pas sérieux ! Il fallait, pour financer des dépenses de fonctionnement, faire des économies sur le fonctionnement.

La grande critique que vous a adressée, dans son rapport sur la loi de règlement, la Cour des comptes, trouve d'année en année de plus en plus d'échos : le budget de l'Etat se rigidifie année après année, mais la part des dépenses de fonctionnement progresse constamment.

Je voudrais vous donner, mes chers collègues, une illustration de ce mécanisme.

A fin octobre, d'après les statistiques de la comptabilité publique, les dépenses civiles ordinaires augmentent de 4,5 %, mais les dépenses civiles en capital baissent de 4 %.

M. Marc Laffineur.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Les dépenses militaires ordinaires augmentent quant à elles de 3,8 %, mais les dépenses militaires en capital diminuent de 3,6 %.

Cet indicateur est typique d'un gouvernement qui ne maîtrise absolument pas la dépense publique...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous dites n'importe quoi !

M. Charles de Courson.

Les chiffres le montrent, monsieur le ministre ! Vous ne pouvez pas contester que vous réduisez les dépenses d'investissement et que, dans le même temps, vous continuez d'augmenter les dépenses de fonctionnement. Ce que j'ai dit est exact et fondé sur les statistiques de votre ministère ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous ne réduisons pas les programmes !

M. Charles de Courson.

C'est-à-dire que vous les différez !

M. Philippe Auberger.

Oui, c'est du bluff !

M. Charles de Courson.

Une arme atomique qui intervient dix ans après le moment où elle était technologiquement au point, cela n'a plus de sens !

M. François Lamy, rapporteur pour avis.

Vous dites n'importe quoi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

M. Charles de Courson.

Donc, les économies budgétaires dont vous nous parlez - 25,4 milliards résultent pour un bon tiers de la réduction mécanique de la charge de la dette. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? La Banque centrale européenne vient de relever ses taux et, manifestement, ce n'est qu'un début. A toute période de développement économique succède une période où l'on « freine » par la hausse des taux d'intérêt.

Au surplus, vous faites des choix d'annulations de crédits électoraux. Vous savez bien que les militaires ne descendront pas dans la rue, monsieur le ministre ! D'ailleurs, ils n'ont pas le droit de grève.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vous en prie !

M. Charles de Courson.

Alors tapons sur la défense ! Tapons sur l'avenir ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quel est le rapport avec la Constitution ?

M. Charles de Courson.

Je vous l'ai expliqué tout à l'heure : votre décret d'avances n'est pas conforme à la définition du décret d'avance figurant dans la loi organique. Si vous ne suivez pas, je peux vous en rappeler les termes...

M. Louis Mexandeau.

Quelle arrogance !

M. Charles de Courson.

Voilà donc pour les dépenses ! C'est une bien triste politique : forte hausse, redéploiement de l'investissement vers le fonctionnement, c'est-àdire l'inverse de ce que doit faire un pays dynamique. Et vous osez parler, dans votre exposé des motifs, monsieur le ministre, de la modernisation de l'Etat ? En fait, vous affaiblissez celui-ci un peu plus.

J'en viens à la troisième partie de mon intervention : la réduction du déficit affiché est tout à fait insuffisante.

Quant à cette baisse du déficit, vous ne tenez pas vos p romesses. L'ancien ministre de l'économie et des finances expliquait que vous aviez choisi une logique des trois tiers, en 1999. Ainsi, les ressources supplémentaires étaient partagées en trois : un tiers d'augmentation des dépenses, un tiers de baisse des impôts et un tiers de baisse de déficit. C'est ce qu'il appellait le « triangle d'or de la politique des finances publiques ». Je vais quant à moi vous démontrer, mes chers collègues, qu'en fait de

« triangle d'or », il s'agit plutôt du triangle des Bermudes !

M. Bernard Outin.

Celle-là, il l'a déjà faite ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est du comique de répétition !

M. Charles de Courson.

D'abord, on ne peut que relever la faible réduction supplémentaire du déficit dans le collectif, puisque ce déficit est ramené de 236 milliards à 234 milliards. Soit 2 milliards de mieux, mais en fait zéro, puisque vous n'avez pas budgété les cadeaux de fin d'année.

Les fruits de la croissance permettent d'obtenir en 1999 un déficit des administrations publiques inférieur à celui prévu - de l'ordre de 2,2 % contre 2,3 %.

Or un tiers des 88,4 milliards correspondant à vos estimations de recettes supplémentaires dans la loi de finances initiales de 1999 représente 29 milliards. Le déficit aurait donc dû être de 29 milliards. Or ce n'est pas ce que l'on constate.

Je vous rappelle au passage que c'est ce qui a été fait en 1996 et en 1997 dans un contexte économique beaucoup plus difficile que l'actuel.

Si l'on intègre le surplus caché - les 43 milliards - on atteint 131 milliards. Vous n'avez affecté en apparence que 10 % des ressources supplémentaires à la réduction du déficit. On est donc très loin des trois tiers.

On comprend que M. Zalm, qui est chargé de l'examen du budget de la France, ait émis quelques réserves, c'est le moins que l'on puisse dire, sur votre politique budgétaire. En effet, la baisse est faible comparativement à celle de nos principaux partenaires européens. La France reste la lanterne rouge de la zone euro pour l'ampleur de son déficit : 1,8 % du PIB en 2000, après 2,2 % en 1999.

A cet égard, je formulerai trois critiques.

D'abord, cet effort budgétaire repose seulement sur les recettes budgétaires, ce qui le rend très dépendant de la c onjoncture. Seule une réduction significative des dépenses permettrait de réduire durablement le déficit quelle que soit la conjoncture.

Ensuite, cet effort est faible, compte tenu de la conjoncture favorable et de l'ampleur de la baisse en 1996 et en 1997. En 1996, le Gouvernement avait réduit de 28 milliards le déficit et, en 1997 de nouveau de 28 milliards. Quant à vous, vous affichez 13 milliards en 1999 et 21 milliards en 2000. Qu'est ce que cela veut dire ? Grosso modo , vos prédécesseurs, avec un environnement économique beaucoup plus difficile, sont allés presque deux fois plus vite que vous ! Enfin, la France restera le plus mauvais élève de la zone euro en ce qui concerne le déficit budgétaire. Je vous rappelle que l'Allemagne s'est fixé pour objectif un plan d'économies de 30 milliards de deutschemarks, soit 100 milliards de francs, afin de ramener son déficit public à 1,2 % en 2000 puis à moins de 1 % en 2001.

La croissance et les augmentations de prélèvements servent donc à financer votre gestion coûteuse des finances publiques et les dépenses augmentent de la loi de finances rectificative pour 1999 à la loi de finances rectificative de 1999 de 73 milliards de francs.

Rien n'a changé depuis le gouvernement Rocard, où le débat se faisait entre rénovation et revalorisation. Finalement, l'arbitrage s'était opéré en faveur de M. Jospin pour la revalorisation, contre M. Rocard. M. Jospin a gardé de cette époque une tendance à la gestion dispendieuse des finances publiques, à la différence près que les échéances électorales arrivent.

Au passage, on voit bien que la hausse des dépenses ajoutée aux misérables 13 milliards affectés à la baisse du déficit absorbe la totalité des ressources fiscales supplémentaires. Mais où est passé le « triangle d'or » ? Il est tombé dans les Bermudes ! Dans une quatrième et dernière partie, je développerai deux autres motifs d'inconstitutionnalité.

Deux dispositions fiscales posent de sérieux problèmes constitutionnels.

Je parlerai d'abord de l'article 24, qui concerne les conditions d'indemnisation des porteurs d'actifs russes.

Le dispositif complexe imaginé par M. Paye porte-t-il ou non atteinte au principe d'égalité ? Quand on lit l'intéressant rapport de M. Migaud, on s'aperçoit que son auteur fait preuve à cet égard d'une prudence de serpent.

M. Gilles Carrez.

De montagnard plutôt ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Sa prudence est grande. Sa position pourrait se résumer ainsi : la proposition faite est la pire de toutes, à l'exception de toutes les autres.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Il s'agit là d'un argument politique, pas d'un argument juridique.

Je ne suis pas de ceux qui encouragent les spéculateurs, ceux qui ont ramassé en Bourse ou, parfois, dans les greniers, des emprunts russes, prétendant qu'ils voulaient en décorer leur chambre. Mais je dis simplement qu'on ne peut distinguer dans cette affaire le bon grain de l'ivraie.

Comment allez-vous faire, au regard du principe d'égalité, pour justifier un système par lequel on octroie une somme forfaitaire plus un pourcentage dégressif par palier plafonné ? Dans votre rapport, monsieur Migaud, vous écrivez que le système prévu est plus juste. Pour ma part, je n'en suis pas sûr car affirmer cela procède d'une approche un peu primaire. En effet, ce n'est pas parce que vous avez 30 000, 50 000 ou 100 000 francs de titres russes que vous êtes quelqu'un de riche : vous pouvez les avoir hérités de vos parents, qui ont pu être ruinés dans l'affaire.

C'est vrai qu'il y des spéculateurs. C'est vrai qu'il y a des gens qui ont ramassé des titres. Mais avons-nous le droit, en équité et au regard du principe d'égalité qui figure sur les frontons de la République, d'adopter un tel dispositif ? Je n'en suis pas certain. Je suis comme le rapporteur général, qui, dans son rapport, est d'une très grande prudence. (Sourires.) Oui vous êtes d'une très grande prudence, monsieur le rapporteur général ! Je pourrais d'ailleurs citer votre rapport. Cela dit, ce n'est pas moi qui vous reprocherai d'être prudent.

Dans cette affaire, ce sera, comme toujours, au Conseil constitutionnel de trancher.

Je voudrais, mes chers collègues, attirer votre attention sur une autre disposition de l'article 24.

Etes-vous certains que l'on puisse renvoyer à un décret les modalités de répartition détaillée ? L'article 34 de la Constitution est-il compatible avec une délégation donnée au pouvoir réglementaire en la matière ? Là encore, je serai de ceux qui vous diront : attention ! Toujours en ce qui concerne l'article 24, je relèverai que vous n'avez pas appliqué le système anglais - le recours au fameux stock d'or.

Comme l'explique le rapporteur général dans son rapport, le montant de l'indemnisation - un peu plus de 2 milliards - représente à peu près 2 % du montant des c réances, lequel est de l'ordre de 125 milliards.

Reconnaissez qu'indemniser 125 milliards avec un peu plus de 2 milliards, cela ne fait pas beaucoup ! Une idée avait été avancée : recourir aux dizaines de tonnes d'or qui avaient été évacuées de la Russie - elle n'était alors plus tsariste - et qui sont toujours à la Banque de France. Cet or aurait permis grosso modo de doubler le montant de l'indemnisation. On en serait alors à 4 %. Vous me direz que 4 %, c'est mieux que 2 %, mais cela reste modeste. Pourquoi ne pas affecter ce stock d'or à l'indemnisation ? C'est ce qui a été fait, monsieur le ministre, pour l'indemnisation des porteurs de titres russes dans d'autres pays. L'idée pouvait être intéressante.

Il est une autre disposition dont la constitutionnalité est probablement douteuse. Je veux parler des contrats d'assurance vie dits «

DSK », qui, il est vrai, étaient en infraction par rapport à la législation communautaire.

Sous la pression de la Commission de Bruxelles, saisie d'une plainte, le Gouvernement a concédé une ouverture aux investissements sur les marchés de l'Espace économique européen. Il sera donc désormais possible d'investir au moins 50 % des sommes en actions européennes, et non plus uniquement en actions françaises. De même, le quota d'au moins 5 % investi en actions de valeurs de croissance pourra être investi sur tous les marchés européens de valeurs de croissance.

Il en est également ainsi pour les PEA. Il est vrai que vous allez en tenir compte en proposant, par voie d'amendement, d'intégrer les fusions européennes en permettant aux épargnants de garder dans leurs PEA les titres reçus en échange d'une offre.

Mais les dispositions proposées dans le texte, d'une part, et par voie d'amendement, d'autre part, sont-elles compatibles avec le droit européen ? Nous sommes plusieurs, au groupe UDF et dans toute l'opposition, à penser qu'elles ne le sont probablement pas. Nous avions d'ailleurs tendu une perche puisque nous avions déposé des amendements pour élargir le système : comme nous faisons maintenant partie d'un espace européen, nous devrions en tirer toutes les conséquences, y compris pour les produits d'épargne français, et ne pas faire de discrimination.

Nous avons eu, sur cette question, un débat fort intéressant en commission. Nous avons fait valoir que, notamment pour les PEA, le raisonnement franco-français ne tient plus dans les cas où il y a des fusions, des scissions, des échanges d'actions.

Si, à part quelques extrêmes, en particulier le parti communiste, c'est pratiquement toute cette assemblée qui est en faveur de la poursuite de la construction européenne, il me semble, monsieur le ministre, que nous faisons là preuve d'un excès de prudence, et je crains que la position française ne soit pas conforme à nos engagements internationaux.

Vous me direz que, de toute façon, le Conseil constitutionnel - et c'est malheureux - ne contrôle pas encore la conformité des lois françaises à nos engagements européens. J'espère bien qu'un jour, que je souhaite proche, la jurisprudence du Conseil changera.

Le groupe de l'UDF, très attaché à la construction européenne, a voulu, à la faveur de cette exception d'irrecevabilité, poser le problème.

Pour conclure, on ne saurait accepter cette incroyable hausse des prélèvements obligatoires et leur dissimulation, la dérive de la dépense publique, l'insuffisante baisse des déficits publics et le risque d'inconstitutionnalité qui pèse sur deux articles de ce projet de loi de finances rectificative. La seule solution est donc de voter cette exception d'irrecevabilité comme vous y invitent le groupe UDF et toute l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je viens d'entendre deux exposés successifs : l'un court et convaincant, celui du rapporteur général, l'autre long et pesant de chiffres, celui de M. de Courson ! Quel contraste, monsieur de Courson, entre la vision stratégique, limpide, élevée, du rapporteur général et cet empilement de chiffres que vous avez énumérés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Comme un alchimiste, vous avez voulu transformer le plomb des chiffres en sagesse dorée, mais vous avez malheureusement échoué et je vais le démontrer.

Je ne peux que souscrire à l'argumentation serrée de M. le rapporteur général, qu'il a d'ailleurs développée par écrit, selon laquelle les rênes de la dépense sont mieux


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

tenues par ce gouvernement que sous la précédente législature. Vous avez omis de préciser, monsieur de Courson, mais sans doute est-ce faute de temps, que si l'Etat a dû verser 10 milliards de francs à l'UNEDIC au motif que celle-ci aurait pu être en cessation de paiement au mois d'octobre 1999 - cela ne me semble pas correspondre exactement à la réalité des choses, mais l'accord passé en 1995 par le gouvernement de l'époque était très flou juridiquement -, c'est parce que nous n'avons pas voulu engager une polémique avec l'UNEDIC.

M. Raymond Douyère.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Je n'ai pas critiqué cela ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le rapporteur général a regretté que l'on traite du vaste sujet des contributions indirectes dans ce collectif budgétaire. Nous avions élaboré un projet de loi beaucoup plus complet que nous avions déposé en juin 1998, mais vous n'avez pu l'examiner, faute de place d ans le calendrier parlementaire. Nous avons donc décidé, à contrecoeur, d'introduire de telles dispositions dans ce projet de loi, car elles sont très attendues par les professionnels dans la mesure où elles visent à simplifier une paperasserie fiscale très pesante pour eux.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'en viens maintenant au raisonnement de M. de Courson sur la réévaluation, que je qualifierai de fantaisiste, des recettes à laquelle il s'est livré. Point n'est besoin d'Internet pour obtenir ces chiffres. En effet, depuis un peu plus de deux ans - nous n'en avons donc pas le mérite - le Gouvernement publie tous les mois une situation budgétaire détaillée et la dernière, qui date du 6 décembre, est effectivement relative aux recettes et aux dépenses des dix premiers mois de l'année. Ces informations, utiles à la représentation nationale comme à l'ensemble des citoyens, évitent que l'on découvre un jour, comme un certain Premier ministre en 1995, une situation budgétaire qu'il avait à l'époque qualifiée de

« calamiteuse ».

M. René Mangin.

Absolument ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quelle est donc la situation fin octobre ? Sur les dix premiers mois de l'année, les recettes sont en effet plus importantes qu'en 1998...

M. André Vauchez.

Tant mieux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... si l'on s'en tient à une exécution linéaire, si je puis dire - je sais que vous aimez les mathématiques, monsieur de Courson - du chiffre qui était inscrit dans la loi de finances de 1999. Mais l'on a beau retourner les chiffres dans tous les sens, on ne peut trouver l'augmentation de 45 milliards de francs dont vous avez parlé car nous ne savons pas encore ce qui rentrera en novembre et en décembre. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Enfin, monsieur le ministre !

M. Charles de Courson.

Arrêtez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comme l'a fort bien dit le rapporteur général, nous avons une inconnue, pour les deux derniers mois de l'année, sur les rentrées d'impôt sur le bénéfice des socié tés tout simplement parce que nous avons modifié le barème et supprimé un tiers de la surtaxe exceptionnelle de 1997. Lorsque le Gouvernement évoque une plusvalue fiscale de 13 milliards par rapport à ce qui figurait dans la loi de finances de 1999, votée l'année dernière,...

M. Philippe Auberger.

C'est faux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... cela me paraît une estimation prudente.

J'accepte volontiers ce qualificatif. En effet, il vaut mieux estimer les recettes prudemment qu'avoir la mauvaise surprise, comme à la fin de l'année 1996 - vous vous en souvenez, monsieur de Courson ! -, de découvrir qu'il manque 15 milliards de francs de recettes budgétaires.

Nous sommes prudents en matière d'évaluation des recettes fiscales et je l'assume en tant que membre du Gouvernement. Cette prudence n'est pas inutile. J'ai pris l'engagement devant le président et le rapporteur général d e la commission des finances, ainsi que devant l'ensemble de la représentation nationale, de faire le point au mois d'avril lorsque nous aurons les vrais chiffres de 1999, c'est-à-dire lorsque nous connaîtrons les recettes des mois de novembre et décembre. S'il apparaît à ce moment-là que le Gouvernement a été trop prudent, nous pourrons alors envisager une baisse de la taxe d'habitation pour l'an 2000. C'est une démarche qui me semble correcte.

M. Charles de Courson.

On fera un collectif en avril ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'en viens à quelques points plus précis. Vous avez parlé des rentrées supplémentaires d'impôt sur le revenu, monsieur de Courson. Je laisse de côté le fait que nous avons agrégé à l'impôt sur le revenu le droit de bail et la contribution additionnelle au droit de bail. Vous n'y avez pas fait référence très nettement. En fait, les revenus des ménages, des familles françaises, ont connu, en 1998, une hausse un peu supérieure à ce que nous avions prévu.

Je trouve que c'est bon signe. C'est le signe que la croissance de l'économie française a été plus forte en 1998 que nous ne l'avions prévu, que l'emploi s'est développé, c'est-à-dire qu'il y a eu plus de salariés, donc plus de contribuables. C'est la preuve que 1998 a été une bonne année et nous devons nous en réjouir.

Vous avez aussi attiré mon attention sur les remboursements et dégrèvements de TVA.

M. Charles de Courson.

J'ai cité la Cour des comptes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En l'occurrence vous êtes à côté de la question pour deux raisons.

D'abord, le délai moyen de remboursement de la TVA à quelqu'un qui exporte ou qui investit est actuellement de deux mois et, pour répondre au souhait des entreprises, qui s'adressent d'ailleurs certainement autant aux élus de droite qu'aux élus de gauche, nous avons pu quelque peu réduire ce délai, l'administration fiscale étant plus efficace.

Ensuite, la croissance est supérieure aux 3 % que nous avions prévus au début de l'automne - là nous ne parlons plus de 1998 puisque la TVA est assise sur l'activité de 1999 - parce que la demande internationale est plus forte, que les exportations progressent davantage et que les entreprises, apparemment plus confiantes dans l'avenir que vous, ont accéléré leurs programmes d'investissement.

Or, plus il y a d'exportations, plus il y a d'investissements, et plus il y a matière à remboursements et à dégrèvements. C'est pourquoi, monsieur de Courson, je


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préfère, et j'ai le sentiment que c'est aussi le cas du rapporteur général, une estimation des recettes pour l'année 1999 réévaluée de façon prudente, avec une règle de conduite consistant à en rendre une partie aux Français si l'exécution se révèle supérieure, à vos calculs qui me paraissent quelque peu tirés par les cheveux.

M. Charles de Courson.

Ce sont les calculs de M. Marini ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

Ce n'est pas parce que vous rejoignez M. Marini que la sagesse y gagne !

M. Dominique Baert.

Très bien !

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas une réponse ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je suis désolé que le fait de vous avoir comparé à M. Marini vous ait vexé !

M. Charles de Courson.

Je n'ai pas dit ça ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'en viens maintenant à la question des prélèvements obligatoires. Depuis 1997, vous scrutez leur niveau à la décimale près, et c'est votre droit. Laissez-moi simplement vous rappeler qu'ils ont progressé de deux points entre 1993 et 1997 ! Vous avez d'ailleurs eu l'honnêteté de reconnaître à la tribune les fortes hausses d'impôts alors concentrées sur les familles.

M. Philippe Auberger.

Jamais les impôts n'ont augmenté de un point ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La TVA avait augmenté de deux points à cette époque. Sur la période 1997-2002, notre performance en matière de prélèvements obligatoires sera beaucoup plus honorable.

M. Philippe Auberger.

Vous allez faire mieux que Juppé ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ensuite, pour montrer que les dépenses n'étaient pas maîtrisées, vous les avez mélangées au lieu de raisonner à périmètre constant. Or, à la demande de la Cour des comptes, le Gouvernement a réintégré dans le budget 46 milliards de francs de dépenses. Si l'on compare des dépenses dont le périmètre s'est élargi en 1999 à celles de 1998, il est donc normal que l'on obtienne des chiffres supérieurs à ceux que j'ai cités. J'ai quant à moi comparé, à même périmètre, les dépenses de 1999 à celles de 1998. Vous n'avez qu'à consulter le rigoureux rapport du rapporteur général et vous verrez que la progression entre le projet de loi de finances rectificative pour 1999 et la loi de finances exécutée de 1998 est de 1,5 %, soit 1 % de progression en volume plus 0,5 % de hausse des prix.

J'évoquerai maintenant brièvement deux points sur lesquels vous avez attiré mon attention, monsieur de Courson.

Il est normal que l'allocation de rentrée scolaire figure dans le collectif puisqu'elle a connu une majoration exceptionnelle, le Gouvernement l'ayant quadruplé pour la porter à 1 600 francs par enfant. Mais l'année prochaine la question ne se posera pas, puisqu'elle sera entièrement financée par la Caisse nationale d'allocations familiales.

S'agissant des crédits militaires, je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler les 11,9 milliards de francs de crédits annulés en 1995. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Il y avait alors plus de 100 milliards d'investissements militaires ! Ce n'était pas du tout le même ordre de grandeur ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous pouvez faire du brouhaha, cela ne donne pas de la force à vos arguments ! Là encore, monsieur de Courson, je vous dis : chiche ! Les crédits de report du budget d'investissement du ministère de la défense seront, à la fin de l'année 1999, supérieurs ou égaux à ceux de 1998.

S'agissant des emprunts russes, question importante sinon du point de vue constitutionnel du moins pour les Français qui nous écoutent, je vous rappelle qu'après un recensement ayant impliqué 3 300 trésoreries, donc de nombreux fonctionnaires, qui ont bien travaillé, on a dénombré 316 000 porteurs d'emprunts russes détenant à eux tous 9 200 000 titres d'emprunts russes. Vous qui êtes si habile avec les chiffres, vous aurez tout de suite calculé que cela fait une moyenne de 29 titres par porteur. Après les avoir soigneusement examinés, nous avons constaté que ces titres avaient été recensés en 1918. Le nombre de spéculateurs, s'il y en a, doit donc être très faible.

Vous évoquez la règle que nous avons choisie en nous appuyant sur les travaux de la commission Paye, que j'assume d'ailleurs au nom du Gouvernement. Nous avons en effet proposé à la représentation nationale de donner un peu plus aux 60 % de petits porteurs possédant moins de dix titres et un peu moins aux 2 % de porteurs qui détiennent plus de 200 titres. Plutôt qu'une répartition proportionnelle, nous avons décidé, au nom d'un certain sens de l'équité, de donner plus à ceux qui ont moins de titres et un peu moins à ceux qui en ont plus. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit d'inconstitutionnel en la matière.

Vous avez évoqué en passant la somme de 2,5 milliards de francs. Je vous rappelle que cette somme avait été négociée 400 millions de dollars par le précédent gouvernement et que nous lui avons joint les intérêts qui ont été capitalisés depuis ! Et je pourrais être cruel, mais cela n'est pas dans mon tempérament, monsieur de Courson ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger et M. Arthur Dehaine.

Alors taisez-vous ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela dit, j'ai trouvé que vous aviez poussé le bouchon un peu loin lorsque vous avez pris l'exemple la Grande-Bretagne, c'est-à-dire d'un pays qui n'a pas de constitution écrite, pour illustrer un motif d'inconstitutionnalité en France ! Pour conclure, je pourrais citer un adage que chacun connaît : la prévision est un art difficile, surtout quand elle s'applique à l'avenir. Il me semble que vous en avez fourni une très belle illustration. En matière de fiscalité, nous préférons quant à nous la prudence à l'imprudence, la transparence à l'opacité. Nous préférons remplir les caisses de l'Etat plutôt que dépenser abusivement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ça a bien changé !


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M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous préférons diminuer les impôts. Je ne dresserai pas ici la liste de ceux qui ont baissé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Pas ça !

M. Charles Cova.

C'est de la poudre aux yeux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je sais que cela vous gêne, monsieur de Courson, mais la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien à partir du 15 septembre ou la diminution des frais de notaire, ce sont de vraies baisses d'impôts, que chacun d'entre vous peut constater dans sa circonscription.

M. Louis Mexandeau.

Oui, les gens le savent !

M. Philippe Auberger.

Ils savent que tout le reste augmente ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez évoqué la sagesse du peuple, monsieur de Courson. Je ne pense pas que vous en ayez le monopole, loin de là !

M. Charles de Courson.

Vous non plus ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Moi non plus, en effet. Je regarde simplement les enquêtes et elles montrent que la confiance des Français en l'avenir économique de notre pays comme en leur avenir personnel n'a jamais été aussi grande.

M. Charles Cova.

Cela ne va pas durer ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les motifs d'inconstitutionnalité que vous avez avancés ne sont donc pas valables, et c'est pourquoi je demande à l'Assemblée de rejeter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Verts.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Gérard Fuchs, au nom du groupe socialiste.

M. Gérard Fuchs.

Si j'ai bien compris l'argumentation de M. de Courson,...

M. Dominique Baert.

Vous avez bien du mérire !

M. Gérard Fuchs.

Oui, je me suis accroché. (Sourires.)

... il a d'abord reproché au Gouvernement que les rentrées fiscales de 1999 aient été supérieures aux prévisions.

Le Gouvernement lui a répondu : oui, d'environ 13 milliards.

Mme Nicole Bricq.

Tant mieux !

M. Gérard Fuchs.

Nous connaissons tous les raisons de cet excédent : la croissance de 1998 avait battu, avec 3,2 %, un record vieux de dix ans ; celle de 1999 a été supérieure à nos propres prévisions - et je ne parle pas des vôtres, messieurs, qui étaient, en début d'année, catastrophistes ; enfin, l'inflation a été plus basse que prévu.

Pour ces trois raisons, donc, nous avons des recettes supérieures aux prévisions. Mais je voudrais interroger l'hémicycle : est-il inconstitutionnel qu'un gouvernement mène une bonne politique économique ? Je réponds que non.

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas la question !

M. Gérard Fuchs.

Votre deuxième argument, monsieur de Courson, a consisté à dire que les dépenses, notamment en capital, ont été réduites. Vous avez eu l'honnêteté de reconnaître que l'élément essentiel de cette réduction était une baisse de 8 milliards de la charge de la dette, recul lui-même dû pour une bonne part, nous le savons tous, à l'appartenance de la France à la zone euro.

Or, je le dis avec une certaine solennité, si nous n'étions pas revenus aux affaires en juin 1997, je ne suis pas sûr que notre pays aurait pu, avec la politique économique suivie à l'époque, entrer dans la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

N'importe quoi !

M. Gérard Fuchs.

Est-il inconstitutionnel, monsieur de Courson, d'avoir réduit la charge de la dette ? Je réponds que non.

Troisième argument, vous prétendez que le déficit public n'a pas été réduit autant que chez nos partenaires.

C'est une contre-vérité. Nous sommes partis de 3 à 3,5 % en 1997, selon que l'on comptait ou non la soulte de France Télécom ; nous sommes à moins de 2,1 % en 1999. Les Allemands, partis de 2,6 points, en sont à 1,6.

Ils ont donc réduit d'un point leur déficit public, tandis que nous avons réduit le nôtre de 1,4 point, si l'on excepte France Télécom.

M. Philippe Auberger.

Mais le déficit allemand est plus faible !

M. Gérard Fuchs.

Là encore, c'est du bon travail et il n'y a rien d'inconstitutionnel à avoir réduit le déficit public comme nous l'avons fait.

Je passe sur votre quatrième argument : la conformité au droit européen. C'est un débat intéressant. Je pense que des juristes s'y consacreront et peut-être le Conseil constitutionnel aura-t-il un jour à juger sur ces bases.

Mais vous savez très bien que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Charles de Courson.

Pas encore !

M. Gérard Fuchs.

Enfin, sur les emprunts russes, monsieur de Courson, je vous lance un défi. Personnellement, je considère que la modalité d'indemnisation retenue est la plus équitable parce qu'elle favorise les petits porteurs : 90 % des 316 000 Françaises et Français répertoriés par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si vous considérez que tel n'est pas le cas, si vous préférez un remboursement proportionnel, eh bien, déposez un recours devant le Conseil constitutionnel. On verra comment il tranchera. On verra aussi ce que penseront les Françaises et les Français, petits porteurs d'emprunts russes, de ceux qui soutiendront qu'il est plus équitable de rembourser à la proportionnelle du nombre de titres que de rembourser au forfait plus quelque chose à la proportionnelle. Ce sera une joute politique intéressante. Je vous mets au défi d'oser ce recours ! Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il me semble que M. de Courson s'est trompé de copie. Il a présenté des chiffres, mais n'a rien prouvé en matière d'inconstitutionnalité. Au nom du groupe socialiste, j'invite donc l'Assemblée à rejeter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

M. Marc Laffineur.

Un mot, tout d'abord, pour répondre à M. Fuchs sur la qualification de notre pays à l'euro. Si l'on doit cette qualification à des gouvernements, c'est bien à ceux qui se sont succédé entre 1993 et 1997.

Mme Nicole Bricq.

Alors pourquoi avoir dissous ?

M. Marc Laffineur.

Nous avons trouvé un déficit à plus de 6 % en 1993 et c'est même la volonté de respecter les critères qui nous a sans doute coûté les élections de 1997.

S'il y a eu un certain courage à faire en sorte que notre pays soit qualifié pour l'euro, il faut donc le mettre à l'actif de nos gouvernements.

Quant aux raisons pour lesquelles nous allons voter l'exception d'irrecevabilité, je serai bref, car j'aurai l'occasion d'y revenir longuement. Comme l'a très bien montré M. de Courson, il est évident que ce collectif n'est sincère ni sur les recettes, ni sur les dépenses, ni sur le déficit. Cela justifie amplement le vote du groupe Démocratie libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La paroles est à M. Gilles Carrez, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le ministre, je serai moins manichéen que vous. J'ai trouvé l'exposé du rapporteur général intéressant et j'ai apprécié qu'il retienne « l'éventualité d'une plus-value générale en fin d'exercice plus forte que prévu ». Quant à l'exposé de M. de Courson, que vous avez jugé « long et pesant », je l'ai trouvé, moi, lumineux et captivant. (« Oh ! sur les bancs du groupe socialiste.)

Et j'ai surtout trouvé sa démonstration implacable.

M. Dominique Baert.

Attila-Courson !

M. Gilles Carrez.

Implacable parce qu'elle s'est appuyée sur des données et des chiffres irréfutables...

Mme Nicole Bricq.

On n'a pas les mêmes !

M. Gilles Carrez.

... dans la mesure, monsieur le ministre, où ils proviennent de vos propres services.

Ces chiffres, que montrent-ils ? A l'évidence que les recettes fiscales de 1999 sont très largement sous-estimées.

En comparant aux chiffres des années précédentes l'état d'exécution du budget fin octobre, on aboutit mécaniquement, quelles que soient vos explications embarrassées, à une plus-value d'une trentaine de milliards de francs.

M. Gérard Fuchs.

M. de Courson a dit 45 milliards !

M. Gilles Carrez.

Je raisonne en brut.

S'y ajoute une minoration des recettes de référence. Il y a deux moyens de sous-estimer les recettes fiscales nettes : minorer les recettes fiscales brutes ou majorer lesr emboursements et dégrèvements. Or, monsieur le ministre, vous partez d'un niveau extrêmement élevé de remboursements et de dégrèvements - plus de 300 milliards - et vous y rajoutez encore 13 milliards dans le collectif.

Comme vous cumulez ces deux artifices, j'estime, car je serai plus prudent que M. de Courson, que la sousestimation des recettes se situe dans une fourchette de 30 à 40 milliards de francs, ce qui n'est pas rien ! Pourquoi avez-vous absolument besoin de cette sousestimation ? Pour deux raisons.

La première, c'est que vous ne voulez pas faire apparaître un nouveau dérapage des prélèvements obligatoires.

C'était déjà le cas en 1998. Vous ne voulez pas le reconnaître pour 1999, mais je prends rendez-vous avec vous dans quelques mois.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'accord !

M. Gilles Carrez.

Nous ferons le constat ensemble.

M. Charles de Courson.

Champagne !

M. Gilles Carrez.

Par avance, nous pouvons aussi mettre en jeu quelques bouteilles, voire quelques caisses de champagne sur le renouvellement du phénomène en 2000.

Mme Nicole Bricq.

C'est vous qui payerez !

M. Gilles Carrez.

La deuxième raison, monsieur le ministre, c'est la cagnotte électorale que vous voulez constituer. Et là, je vous félicite de votre franchise, car vous venez de reconnaître que cette réserve, vous allez l'utiliser pour réformer la taxe d'habitation, de telle sorte que les feuilles d'impôt qui seront envoyées à l'automne 2000, quelques mois avant les élections municipales, soient substantiellement allégées.

M. François Lamy, rapporteur pour avis.

Jaloux !

Mme Nicole Bricq.

Vous ne le faites pas dans votre commune, vous ?

M. Gilles Carrez.

Pas du tout !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de calme ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est un procès d'intention !

M. Philippe Auberger.

Non ! Ce que vous faites est purement politicien !

M. Gilles Carrez.

Le reproche de comportement politicien à l'égard du ministre me paraît injuste, car il est parfaitement honnête. Il a sincèrement reconnu que ces recettes supplémentaires serviraient à réformer la taxe d'habitation. A l'évidence, il n'avait pas envisagé qu'il puisse y avoir des élections municipales dès l'année suivante.

(Sourires.)

J'ai trouvé l'intervention de M. de Courson, tout aussi lumineuse et irréfutable, sur les dépenses.

Quand vous avez, en économie de constat, 10 milliards de francs sur la dette et que vous les redéployez totalement en majoration des dépenses générales, des frais généraux de l'Etat ; quand vous comptez à part c'est bien sûr une dépense exceptionnelle - les 10 milliards de francs de l'UNEDIC ; quand vous n'utilisez pas les bases de référence correctes, il est évident que vous avez une présentation insincère qui vous permet de limiter la progression à 1 % en volume. Mais si vous réintégrez dans le calcul ces différentes opérations, le dérapage des dépenses est de l'ordre de 2 % au minimum. Donc, votre objectif n'est absolument pas tenu. C'est d'autant plus dommage que, de surcroît, vous sacrifiez l'investissement : 10 milliards de francs annulés sur les équipements militaires.

C'est d'autant plus certain que diverses dépenses les cadeaux de Noël, disait M. de Courson - semblent ne pas figurer dans le collectif.

Enfin, il est très clair que vous ne voulez pas afficher une réduction du déficit qui soit telle que le déficit réel de 1999 se trouve très voisin, voire inférieur à celui que vous avez prévu pour 2000, soit 215 milliards de francs.

Cet enchaînement d'un déficit faiblement révisé à la


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baisse dans le collectif et d'un déficit lui aussi faiblement réduit pour 2000 montre bien que la France est le plus mauvais élève de la classe européenne dans sa politique de déficit de l'Etat.

Tout à l'heure, vous avez eu l'habileté de nous répondre sur les déficits publics en général car - Dieu merci ! - il y a les collectivités locales et le budget de la sécurité sociale pour venir au secours d'un déficit de l'Etat qui n'est pas maîtrisé.

M. le président.

Voulez-vous conclure, monsieur Carrez ?

M. Gilles Carrez.

Je conclus, monsieur le président.

Compte tenu de cette démonstration lumineuse de M. de Courson,...

M. Pierre Forgues.

Lumière noire !

M. Gilles Carrez.

...le groupe RPR ne peut que voter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Afin que toute la lumière soit faite, je donne la parole à un quatrième et dernier orateur,

M. Jégou.

(Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Je ne suis pas un spécialiste de l'enluminure, monsieur le président, mais je tiens, au nom du groupe UDF, à répondre à M. le ministre. Il nous a dit qu'il ne voulait pas être cruel dans sa réponse à M. de Courson. Cruel peut-être pas, mais fortement injuste. En tout cas, il aura mis plus de vingt minutes pour répondre à ses questions pertinentes.

Les chiffres cités par Charles de Courson sont en effet i rréfutables, singulièrement ceux qui concernent les dépenses ordinaires de l'Etat, dont la progression d'octobre à octobre s'établit à 4,5 %. Ce sont les chiffres de vos services, monsieur le ministre, et ils ne font aucun doute.

Vous les assumez, et c'est très bien. Vous êtes au Gouvernement et vous prenez vos responsabilités. D'ailleurs, sur l'augmentation des dépenses, vous seriez bien en peine de répondre à Charles de Courson que ses chiffres ne sont pas exacts.

Dans cette explication de vote, je me contenterai de donner trois raisons pour lesquelles le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Quel scoop !

M. Jean-Jacques Jégou.

Premièrement, le principe de l'annualité n'est pas respecté, car il y a dissimulation de recettes. Nous sommes convaincus - et le rapporteur général avec nous - qu'il y aura indéniablement, en fin d'année, des recettes qui, bien que connues, ne figurent pas dans le collectif.

Deuxièmement, selon la loi organique, les recettes et les dépenses doivent être évaluées en fonction du contexte économique et financier. Vous en avez tenu compte pour réévaluer la croissance et pour l'inflation mais pas dans les mêmes proportions en ce qui concerne les recettes.

Troisièmement, enfin, sur l'article 24, s'il est clair qu'il faut respecter les petits porteurs, ce ne sont pas forcément eux, mes chers collègues de la majorité plurielle, qui sont aujourd'hui les plus pauvres. Le nombre des titres dépend en effet de la situation de ceux qui, autrefois, ont souscrit aux emprunts. L'article 24 introduit une rupture d'égalité. Je rappelle à cet égard l'article 2279 du code civil :

« En matière de meubles, possession vaut titre. »

Pour ces trois raisons, le groupe UDF votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et indépendants u ne question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous adresser mes félicitations, car vous venez de faire la une de ce qu'il est convenu d'appeler un

« journal satirique paraissant le mercredi ».

M. Bernard Outin.

Le Figaro ? (Sourires.)

M. Gilbert Gantier.

Il y est dit que le rendement fiscal a beaucoup progressé : 13 % pour tel impôt, 18 % pour tel autre, 40 % et même 52 % pour d'autres encore. Je laisse à ce journal la responsabilité de ces chiffres, mais tout cela fait une moyenne - ce n'est pas au brillant élève d'une de nos plus brillantes écoles scientifiques que je l'apprendrai - et cette moyenne atteint 8,7 %, ce qui est assez étonnant. Ce chiffre-là, comme tous ceux de M. de Courson, vient de vos services et je suis donc surpris que vous nous en ayez donné d'autres, qui ne correspondent pas à ceux que nous a fournis aujourd'hui même votre propre administration.

Ce projet de loi de finances rectificative manque donc peut-être de sincérité - et nous allons en discuter -, il manque aussi d'imagination.

Qu'y voyons-nous ? Un déficit à peine réduit, aucune baisse d'impôt, un bonus fiscal en partie caché : nous sommes loin de ce qu'on pourrait appeler le collectif du siècle ! Alors que le Gouvernement affiche un optimisme grandiloquent en toutes matières, je crois qu'il n'y a pas lieu de se réjouir.

La réalité économique est en effet assez peu flatteuse.

Entre 1990 et 1997, le chiffre d'affaires des cent premières entreprises américaines a, d'après un journal du soir très sérieux, augmenté de 9 % par an, alors que les grandes entreprises européennes n'ont vu progresser le leur que de 5,6 %. Un déséquilibre préoccupant est en train de s'établir dans la répartition des profits au sein des 500 plus grosses entreprises mondiales. Un tiers de ces entreprises est situé aux Etats-Unis et un tiers en Europe, mais le tiers américain, d'après le même journal, capte à lui seul 54 % des profits totaux, contre 35 % seulement pour le tiers européen. Il y a donc en matière de rentabilité un gap considérable.

On pourrait rétorquer que les entreprises américaines ne créent pas d'emplois. C'est tout le contraire : elles sont à la fois plus rentables et plus créatrices d'emplois. Cela montre bien que l'augmentation des profits des entreprises ne se traduit absolument pas par moins d'emplois pour les salariés, bien au contraire. Cela contredit complètement les politiques de réduction autoritaire du temps de travail, qui rigidifient l'embauche et les conditions de travail au lieu de les fluidifier.


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Si nous continuons à placer des entraves sur la route des entreprises, notre pays court un risque réel d'appauvrissement, les délocalisations n'étant pas en la matière un risque imaginaire.

Pour ce qui est des comptes publics, la France reste très en retard par rapport à ses partenaires européens.

Pourtant, le Gouvernement n'engage aucune réforme de structure. La croissance dont nous bénéficions au même titre que d'autres pays européens et que personne ne peut nier...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous en doutiez avant !

M. Gilbert Gantier.

... - il s'agit d'une croissance mondiale - est gâchée à des fins purement démagogiques et électorales.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oh !

Mme Nicole Bricq.

Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Gilbert Gantier.

Avec 54 % du PIB, nous avons le niveau de dépenses publiques le plus élevé d'Europe. Avec un déficit qui représente encore 2,2 % du PIB, nous sommes hélas ! les derniers de la classe européenne en matière de réduction des déficits. Avec 45,3 % du PIB, nous avons l'un des taux de prélèvement obligatoire les plus élevés d'Europe. Et avec 60,5 % du PIB, nous avons une dette publique qui dépasse les critères de Maastricht et ne cesse d'augmenter, alors qu'au contraire nos partenaires européens se lancent, tour à tour, dans un véritable désendettement de leur finances publiques.

Le Gouvernement est d'autant plus condamnable que, depuis 1998, la croissance est au rendez-vous : 3,2 % en 1998, 2,7 %, voire davantage en 1999, et probablement, d'après les experts - mais vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'ils se trompent quelquefois - plus de 3 % pour l'an 2000. Cela signifie que, durant la période où il pouvait le plus facilement y parvenir, le Gouvernement n'a strictement rien entrepris pour améliorer de façon significative la situation des finances publiques.

Voilà qui est très inquiétant. C'est en effet lorsque les finances vont bien qu'il faut redresser la barre. Si par malheur, dans les prochaines années, la conjoncture est moins bonne, que ferons-nous ? Le fabuliste l'a dit :

« Que faisiez-vous au temps chaud ? » Monsieur le ministre, c'est maintenant qu'il faut faire des économies.

L'insuffisante réduction du déficit public est un sérieux handicap, car le déficit continue toujours à fabriquer de la dette. C'est mathématique. Or la dette publique augmentera encore de 0,6 % en 1999, alors que nos partenaires européens la diminuent en moyenne de 1 % par an.

Réduire les dépenses n'est pas non plus votre priorité.

Vous avez parlé d'une croissance de la dépense publique limitée à 1 % en volume cette année et d'un gel des dépenses pour l'an 2000. Dominique Strauss-Kahn avait dit : « Ce qui compte ce n'est pas que le niveau des dépenses publiques diminue, mais que le niveau des dépenses publiques, par rapport au PIB, diminue. »

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Eh oui !

M. Gilbert Gantier.

En d'autres termes, cela signifie que le niveau des dépenses publiques doit rester le même lorsque la croissance permet au PIB d'augmenter. Etrange théorie, surtout au moment où les Etats-Unis, qui enregistrent déjà un excédent budgétaire d'une centaine de milliards de dollars, envisagent d'avoir totalement amorti leur dette publique d'ici à une dizaine d'années. Que n'en prenons-nous de la graine !

Mme Nicole Bricq.

Parlons aussi du déficit commercial des Etats-Unis ! Il faut tout dire sur les Etats-Unis !

M. Gilbert Gantier.

Nous n'allons pas engager un débat sur les Etats-Unis !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Gantier.

M. Gilbert Gantier.

La seule réduction de dépenses que vous proposez dans ce projet de loi de finances rectificative porte sur la décroissance des charges de la dette : 5 milliards en 1998, 9 milliards cette année et vous nous promettez 2,5 milliards pour l'année prochaine. Mais, monsieur le ministre, vous ne devez cette réduction qu'à la décrue des taux d'intérêt. D'ailleurs, sous les termes peu rigoureux « d'économies budgétaires », vous mélangez, pêle-mêle, baisse des charges de la dette, redéploiement de crédits et diverses débudgétisations. Ce n'est qu'un commencement. Pour l'an 2000, en effet, d'autres débudgétisations, plus importantes encore, sont prévues.

Vous nous annoncez donc 5,3 milliards de dépenses nouvelles nettes. Mais il convient au contraire de ne pas compter la réduction des charges de la dette comme une réduction de dépenses. En effet, ces charges reflètent la gestion du passé, pas celle du présent. Les dépenses augmentent, en réalité, de 14,3 milliards.

T aux d'inflation surestimé, débudgétisations, les dépenses évoluent en fait de façon extrêmement dynamique. Avec une croissance de 3,2 % sur les dix premiers mois de l'année en cours, l'objectif de 1 % d'augmentation des dépenses ne sera vraisemblablement pas tenu. Quant au gel des dépenses prévu pour l'année prochaine, il cache en réalité une augmentation de 1,8 % en volume, bien loin, par conséquent, de l'objectif de stabilisation affiché par le Gouvernement.

P ourquoi est-il impératif de réduire la dépense publique ? D'abord parce que son mode de financement repose sur la contrainte collective, sur l'impôt, et non sur le libre choix individuel, ce qui lui impose de respecter un impératif global de modération. Ensuite parce que la dépense publique génère du déficit, qui lui-même grossit la dette, et ainsi de suite.

Certes, le paiement des intérêts de la dette diminue.

Mais la charge financière, qu'il faudra bien que nous supportions un jour, ou que nos enfants devront supporter pour rembourser le capital, elle, ne cesse de s'alourdir. Le besoin de financement de l'Etat explose ainsi de 100 milliards l'année prochaine, à cause de l'arrivée à échéance de certaines charges d'amortissement.

J'en arrive à ce qui passait pour vos priorités : la réduction du déficit budgétaire et celle des prélèvements obligatoires.

Prenons le déficit budgétaire. Sa réduction d'année en année de 0,3 point de PIB, avec une croissance proche de 3 % c'est vraiment jouer « petit bras ». Que nous apporte ce collectif en matière de réduction du déficit budgétaire ? Une réduction - ce sont vos chiffres - de 2,4 milliards de francs, soit une goutte d'eau, compte tenu de l'ampleur des plus-values fiscales dont vous disposez par rapport aux prévisions faites à la fin de l'année dernière. Cette baisse d'un peu plus de 2 milliards par rapport à la loi de finances initiale est dérisoire, étant donné que la seule décrue des taux d'intérêts diminue la charge de la dette de plus de 8 milliards de francs.

En fait, l'afflux des rentrées fiscales, associé à la baisse des charges sur la dette, réduit automatiquement le déficit, sans que vous ayez à entreprendre le moindre effort pour cela. Les statistiques publiées hier par vos services, monsieur le ministre, font état d'un déficit budgétaire à


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la fin du dixième mois de l'année de 203,4 milliards de francs. Les comptes publics s'améliorent ainsi de plus de 50 milliards par rapport à la même période de 1998.

Maintenir un déficit à 234,2 milliards est par conséquent dérisoire, compte tenu de la bonne conjoncture actuelle.

De telles manipulations cachent en réalité une regrettable dynamique de la dépense, qui ne s'est en fait jamais interrompue.

L'autre priorité que vous vous étiez fixé concerne la réduction des prélèvements obligatoires. Or, non seulement ils n'ont pas été réduits, mais encore ils ont augmenté, pour atteindre un niveau historique. Le taux de prélèvements obligatoires est en effet passé de 44,8 % du PIB en 1998 à 45,3 en 1999.

Qu'à cela ne tienne ! Vous sortez de votre chapeau ce que je me permettrai d'appeler le « paradoxe de DSK », c'est-à-dire la théorie selon laquelle les impôts peuvent diminuer alors que le taux des prélèvements obligatoires augmente. Vous partez du principe que les impôts rapportent plus quand la croissance est forte...

M. Raymond Douyère.

C'est une lapalissade !

M. Gilbert Gantier.

Mais comment allez-vous nous expliquer que le rendement des impôts augmente de 10 à 15 %, et de 28 % pour l'impôt sur les sociétés, alors que la croissance n'est que de 2,7 ou 2,8 % ? Ce superrendement de l'impôt ne peut s'expliquer que par un phénomène que je vais tenter de décrire.

C'est là d'ailleurs que prend toute sa saveur le débat sur les réelles marges de manoeuvres que vous avez occulté depuis le mois de septembre. Les plus-values fiscales dépassent en réalité, selon moi, une quarantaine de milliards de francs. Et le taux de prélèvements obligatoires pourrait même ainsi s'élever à 45,6 ou 46,7 % du PIB.

Quel manque de chance, monsieur le ministre, que ces chiffres de votre ministère aient été publiés ce matin, au moment même où cette discussion allait s'engager.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela prouve qu'on est honnête !

M. Gilbert Gantier.

Il semble ainsi que, contrairement à ce que vous précisiez, les recettes fiscales aient augmenté, non pas de 6,1 % seulement par rapport à la même période, mais de 8,7 %. Or vous restez campé coûte que coûte sur un chiffre de 13 milliards de francs de plus-values fiscales, que vous minorez en plus de la prise en charge de l'application rétroactive de la TVA sur les travaux au 15 septembre dernier. Il paraît bien étonnant qu'entre les prévisions de septembre et le dépôt du collectif aucune révision des recettes n'ait été prise en compte par vos services.

En réalité, le Gouvernement semble avoir décidé de se livrer à un camouflage des fruits de la croissance afin de se constituer une sorte de cagnotte à utiliser en année électorale. L'Etat engrange donc silencieusement les fruits de la croissance et renvoie à plus tard la réforme fiscale.

Monsieur le ministre, qu'est devenue la baisse du taux normal de TVA promise par Lionel Jospin lors de la dernière campagne électorale ? Où en est la baisse promise de l'impôt sur le revenu ? Et la politique en faveur de l'innovation ? Reporter, renvoyer, ajourner, réexaminer constituent dans ces circonstances le vocabulaire favori du Gouvernement.

En revanche, toutes les augmentations d'impôts ont été au rendez-vous. Elles sont passées par la réduction du quotient familial, de l'abattement pour enfants mariés rattachés, du plafond de l'abattement de 10 % pour les retraités, par la suppression des abattements pour de nombreuses professions, par la baisse de l'avoir fiscal, par l'augmentation de la taxe sur les produits pétroliers, par la création de la taxe sur les activités polluantes. Ainsi, familles, retraités, salariés, entreprises, tous ont été frappés par des augmentations d'impôts. Et au lieu des 16 milliards de francs de baisses d'impôts annoncés en début d'année, nous avons eu 42 milliards de hausse d'impôts en 1999.

Malheureusement, tout cela continue en 2000 avec 88 milliards de francs de prélèvements supplémentaires.

Au total, depuis 1997, la pression fiscale et sociale s'est accrue - le chiffre m'a paru à peine croyable, et je l'ai vérifié - de 420 milliards de francs ! Le Gouvernement Jospin a en effet créé quatorze taxes, impôts et contributions supplémentaires, et a effectué plus de trente relèvements d'impôts pour des impôts et taxes qui existaient déjà.

Dans ces conditions, les 40 milliards de plus-values fiscales relancent un débat bien salutaire, monsieur le ministre, sur vos réelles marges de manoeuvre. Lesr éformes essentielles dont notre pays a besoin ne devraient plus pouvoir être différées.

Quant à la politique fiscale du Gouvernement, elle multiplie les incohérences. Faudrait-il donc réduire les impôts sans s'occuper des dépenses publiques ? Réduire les impôts, mais pas pour tout le monde ? Réduire les impôts tout en pénalisant les gros revenus ? Réduire les impôts tout en pénalisant le patrimoine ? Réduire les impôts sans porter atteinte au rendement fiscal ? Tout cela pourrait nous conduire à l'absurdité de devoir réduire les impôts sans réduire les impôts. On touche à l'absurde ! En fait, vous vous livrez à des mesures conjoncturelles, subtil cocktail de mesures électorales, de réductions ultraciblées, de suppressions de micro-impôts, sans répondre aux attentes de catégories socioprofessionnelles vraiment pénalisées par la pression fiscale.

Vous avez donc échoué s'agissant d'une véritable réforme fiscale ou de la réduction de la pression fiscale, mais on pourrait vous donner 20 sur 20 pour ce qui est des augmentations d'impôts depuis la constitution du Gouvernement. On voit bien la logique socialiste sur les prélèvements : réduire peu et augmenter beaucoup.

Or qu'auriez-vous pu faire avec ces 40 milliards de plus-values fiscales ? Réduire davantage le déficit - nous aurions applaudi à cette mesure - et rendre une partie du trop-perçu aux Français.

Etant donné que vous différez sans cesse la baisse de l'impôt sur le revenu, nous proposons, quant à nous, de relever le plafond du quotient familial, de relever aussi l'abattement pour les retraités et les enfants mariés et rattachés, et d'opérer une complète déductibilité de la CSG.

Ces mesures coûteraient entre 15 et 20 milliards.

Pourquoi ne pas réduire également d'un point le taux de chaque tranche du barème de l'impôt sur le revenu ? Cette réforme coûterait moins de 30 milliards. Sans doute allez-vous rétorquer, comme vous l'avez fait, au cours de l'émission « Le Grand Jury RTL Le Monde », que cet impôt n'est payé que par un Français sur deux.

Mais notre impôt sur le revenu étant à la fois très concentré et très progressif, cela ne signifie-t-il pas que chaque assujetti paie en vérité pour deux ? De plus, une telle rhétorique serait largement fallacieuse, la CSG


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constituant bel et bien la première tranche de l'impôt sur le revenu. Une complète déductibilité de la CSG illustrerait un souci de cohérence.

Malheureusement, votre collectif « voiture-balai » est un ensemble de mesures minimalistes.

Certes, vous réformez les « contrats DSK », produits d'assurance-vie en actions, dont les titres européens n'étaient pas éligibles. Mais sans cette disposition, la France serait tombée sous le coup d'un avis motivé de la Commission européenne.

La seconde harmonisation que vous proposez porte sur le plan d'épargne en actions. Là encore, c'est une réforme a minima . Vous rendez seuls éligibles les titres européens résultant d'une offre publique d'échange, ce qui introduit une discrimination tout à fait contestable entre les divers titres européens. A l'heure de l'euro, de la libre circulation des capitaux, la France justifie encore le cloisonnement de ses produits d'épargne. L'absence de réforme du PEA illustre bien que rien n'est fait, malheureusement, pour orienter l'épargne des Français vers les fonds propres de nos entreprises.

A cet égard, quelques comparaisons cruelles pourraient être faites. Ainsi que je l'ai lu aujourd'hui dans un journal économique du matin...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous lisez décidément beaucoup, monsieur Gantier ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Gantier.

... la capitalisation boursière de la société de téléphonie Nokia - cela concerne pourtant un tout petit pays de la zone euro - vaut à elle seule autant que les capitalisations boursières cumulées de Carrefour, d'AXA, de Vivendi et d'Alcatel.

M. Christian Cuvilliez.

C'est affreux !

M. Gilbert Gantier.

Oui, mon cher collègue, c'est très inquiétant, peut-être pas pour vous, mais pour vos enfants et vos petits-enfants.

Il est vraiment regrettable qu'on n'utilise pas les possibilités d'épargne de nos propres concitoyens pour faciliter le développement de nos entreprises et l'enrichissement général du pays.

Pour ce qui est de l'harmonisation fiscale européenne, le Gouvernement l'entend toujours à la hausse. La fiscalité des sociétés et la fiscalité de l'épargne sont des domaines où la France est malheureusement, il faut bien le dire, très peu « compétitive », ce qui entraîne une délocalisation des sièges sociaux des entreprises, une expatriation regrettable des patrimoines des particuliers et, plus regrettable encore, vous le savez comme moi, monsieur le ministre, l'exil de nos jeunes cadres les plus brillants.

Quelque 200 000 Français se seraient ainsi exilés volontairement. Et de nombreux chefs d'entreprise vont créer leur entreprise en Grande-Bretagne...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oh !

M. Gilbert Gantier.

... en Belgique, en Irlande ou ailleurs. Ce n'est pas ainsi que l'on enrichit un pays.

Ce tropisme confirme que des phénomènes de concentration vers les sites économiques les plus attrayants sont bel et bien en cours, qui appauvrissent notre pays dans l'immédiat et surtout pour l'avenir.

Or, la bataille pour la localisation des sièges sociaux des entreprises et la guerre des talents sont les enjeux qui détermineront demain notre prospérité. Ces centres décisionnaires commandent la création de centaines de milliers d'emplois et constituent des mines de travailleurs qualifiés.

En dépit de ces constatations, le Gouvernement persiste et signe.

Il renforce un Etat « Big Brother » par l'adoption de mesures d'inquisition fiscale.

Il a supprimé les niches fiscales et les possibilités d'exonération.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous le regrettez ? C'est incroyable !

M. Gilbert Gantier.

Je veux bien vous répondre, monsieur le ministre. Souhaitez-vous m'interrompre ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Excusez-moi !

M. le président.

Monsieur Gantier, pour combien de temps en avez-vous ? Ce n'est pas que je m'impatiente mais certains de nos collègues, et notamment les premiers orateurs inscrits dans la discussion générale, souhaitaient intervenir avant la levée de séance et aimeraient savoir s'ils le pourront.

M. Gilbert Gantier.

Je suis sur le point de terminer, monsieur le président, mais je ne crois pas avoir abusé de mon temps de parole.

M. le président.

Pas du tout. Rassurez-vous ; je vous rappelle même qu'au total, vous disposez d'une heure et demie.

M. Gilbert Gantier.

Absolument, mais je n'utiliserai pas tout ce temps.

M. le président.

Vous parlez depuis trente minutes...

seulement. (Sourires.) Vous n'abusez donc pas du tout de votre temps de parole, mais je pensais rendre service à certains de nos collègues en vous posant cette question.

M. Gilbert Gantier.

M. le ministre ayant souhaité m'interrompre, je lui disais que j'étais prêt à engager la discussion avec lui.

M. le président.

Je n'ai pas vu de demande tangible d'interruption de sa part.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'était une marque d'intérêt. (Rires.)

M. Gilbert Gantier.

Merci, monsieur le ministre. Je n'en doutais pas !

M. Jean-Claude Lefort.

Marque d'intérêt excessive !

M. Gilbert Gantier.

Je disais donc que le Gouvernement a supprimé les niches fiscales et les possibilités d'exonération. C'est ainsi que les contrats d'assurance-vie sont entrés dans le champ de l'impôt, que les abattements professionnels ont été supprimés, que les dividendes

« mère-fille » pour les groupes de sociétés se sont retrouvés taxés, que l'avoir fiscal a été diminué. J'en passe et des meilleures.

Il a même créé ce que l'on peut appeler une exit tax, qui soumet à l'impôt toute plus-value latente constatée en France, dès que le domicile fiscal du contribuable a été transféré hors de France.

P ersonne en Europe, apparemment, ne veut de l'harmonisation à la française que vous proposez.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est faux !

M. Gilbert Gantier.

Et pourtant, le Gouvernement cherche à l'imposer en Europe.

Il négocie actuellement, au niveau européen, un code de bonne conduite en matière d'impôt sur les sociétés, afin de ne pas baisser le taux de l'IS français, le deuxième taux le plus élevé d'Europe, le plus incertain également, puisqu'il change chaque année...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

M. Jean-Claude Lefort.

A quoi sert le Parlement, selon vous ?

M. Gilbert Gantier.

... ce qui est déplorable et rend difficile toute étude de prospective.

En outre, depuis deux ans, certaines professions se retrouvent dans le collimateur du Gouvernement.

Les médecins vont encore tomber sous les feux de l'administration fiscale.

M. Arthur Dehaine.

Eh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais non !

M. Gilbert Gantier.

Après avoir mis entre parenthèses le secret professionnel pour les 25 % de médecins qui ne font pas partie d'une association de gestion agréée, vous pénalisez les 75 % restants, en ne leur permettant pas de cumuler l'abattement spécifique dont ils disposent avec d'autres abattements, auxquels ils devraient néanmoins avoir droit. Tout cela vient après le recoupement des fichiers sociaux et fiscaux, voté l'an dernier. Bravo pour la mise sous tutelle des professions médicales...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non !

M. Gilbert Gantier.

... et de certaines autres.

Je ne dirai que quelques mots des emprunts russes, puisque mon collègue Charles de Courson en a parlé tout à l'heure. Ils feront l'objet d'un remboursement, mais le Gouvernement se livre à une injustice flagrante, révélatrice de son obsession du plafonnement.

En conclusion, votre projet de loi de finances rectificative se caractérise par un déficit insuffisamment réduit, de vraies fausses réductions de dépenses, et des prélèvements obligatoires en hausse - je crois en avoir apporté la démonstration. Le Gouvernement fait preuve d'un attentisme coupable.

Tout ce qui nous est proposé, c'est une manipulation organisée des chiffres, de beaux discours et une remise à demain de ce que l'on pourrait faire dès aujourd'hui.

La baisse de l'impôt sur le revenu, déjà reportée à 2001, est peut-être ajournée jusqu'en 2002 ! Ne serait ce point là, par hasard, une année électorale ? (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les fameuses marges de manoeuvre sont au rendezvous. Vous n'avez aucune excuse pour justifier une politique fiscale faite de conservatisme et d'immobilisme. Or vous nous présentez un texte vide sur lequel il n'y a pas lieu de débattre.

C'est pourquoi, mes chers collègues, au nom du groupe Démocratie libérale, je vous demande de bien vouloir voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur le ministre, avant de vous donner la parole, permettez-moi de vous rappeler que M. Gantier a trouvé votre réponse à M. de Courson fort longue. (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vais, comme toujours, suivre les conseils de sagesse de M. Gantier. Je lui répondrai donc aussi brièvement que possible ! (Sourires.)

Ainsi que l'a relevé tout à l'heure Mme Bricq, la manière dont vous prenez les Etats-Unis en exemple, monsieur Gantier, appelle quelques précautions. Si notre pays avait connu neuf années de croissance continue, notre situation budgétaire serait différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir fait des efforts depuis 1997. Si personne ne pouvait rien contre la crise de 1993, force est de constater que la reprise enregistrée à l'été 1995 a été frappée d'un coup de massue fiscale dans le domaine de la consommation.

M. Raymond Douyère.

Eh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela dit, l'exemple américain est à prendre en considération dans certains domaines, et notamment dans ceux des nouvelles technologies de l'information et de la b iotechnologie. Le Premier ministre a d'ailleurs la semaine dernière annoncé le déblocage d'un milliard de francs de crédits pour la recherche fondamentale dans ce dernier domaine afin de permettre à ces technologies nouvelles, qui représentent un fort potentiel de croissance et d'emplois, de se déveloper et de créér de nombreux emplois.

En matière de création d'entreprises, nous avons déjà pris également un certain nombre de dispositions. En particulier, nous avons rétabli, pour les entreprises de moins de quinze ans, des bons de croissance, c'est-à-dire des formes de rémunération pour les créateurs d'entreprise qui prennent des risques considérables. Ceux-ci avaient été auparavant abusivement taxés.

Vous avez fait références, monsieur Gantier, aux résultats de nos partenaires européens. Je pourrais, comme M. Fuchs, vous répondre que, en matière de déficit public rapporté au produit intérieur brut, la France est le pays qui a consenti le plus gros effort depuis trois ans, avec une baisse de 1,7 %. Celle observée en Allemagne est de 1,5 % et, en Italie, de 1,2 %. Par ailleurs, selon les prévisions qui sont faites et que vous ne contestez pas, la production française a crû au total de 11 % entre 1997 et 2000, alors qu'elle n'a augmenté que de 8 % en Allemagne et de 6 % en Italie. Vous voyez que les comparaisons peuvent se retourner à notre profit.

En ce qui concerne la France, je ne débatrai pas sur les chiffres que mon ministère a comme chaque mois, publiés. Ils sont sérieux. Simplement, il y a manière et manière de les commenter. Premièrement, on peut ignorer que, d'une année sur l'autre, le périmètre de certaines dépenses, voire de recettes, change. Deuxièmement, on peut faire des extrapolations sur les deux mois qui restent, bien qu'elles soient plus ou moins aventureuses.

A vous entendre, le Gouvernement voudrait se constituer une cagnotte. Je trouve, monsieur Gantier, cette idée de cagnotte extravagante alors que les intérêts de la dette atteignent à peu près le budget de l'éducation nationale ou celui de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas le sentiment, pour ma part, que l'Etat soit aussi riche que vous le prétendez.

Je terminerai en évoquant la réforme fiscale. Il est vrai que, contrairement à ce que vous dictent vos passions révolutionnaires, nous ne proposons pas de faire la réforme fiscale en une matinée ou une soirée. Nous la faisons par étapes. Nous avons commencé par la réforme de la taxe professionnelle qui, je crois, a été très bien ressentie, sur le terrain, par les petites et moyennes entreprises. Près d'un million d'établissements en bénéficieront l'an prochain.

Plutôt qu'une diminution du taux moyen de TVA, nous avons préféré engager des opérations fortes, notamment sur les travaux d'entretien des bâtiments. Pour les années 2001-2002, et peut-être un peu avant si les résultats de l'année 1999 se révèlent supérieurs à ceux que


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j'annonce prudemment, nous envisagerons la réforme de taxe d'habitation puis de l'impôt sur le revenu. A ce propos, je ne vois pas pourquoi, on devrait par principe ne faire aucune réforme durant les années électorales, comme le seront 2001 et 2002. Ce serait paradoxal.

Lorsque nous réfléchirons à la diminution de l'impôt sur le revenu, monsieur Gantier, nous défendrons, à l'évidence des conceptions différentes. Vous avez repris, me semble-t-il, des idées chères à M. Juppé. Elles ne lui ont pas vraiment porté bonheur. Alors que nous entendons en faire profiter les couches populaires, les couches moyennes, vos regards, à ce qu'il semble, se portent plutôt vers le sommet de la hiérarchie sociale.

M. Marc Laffineur.

Vous ne pouvez pas dire ça, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de la question préalable que M. Gantier a défendue avec son talent habituel mais avec des arguments qui, malheureusement, me paraissent mal fondées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Gantier a déposé une question préalable dont l'objet est de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Mais M. Gantier accepterait-il que nous ne débattions pas du financement des dépenses prévues par le Gouvernement, qu'il s'agisse du RMI, de la sécurité, dont la droite réclame à corps et à cri le renforcement, ou encore de l'activité économique, comme les remboursements aux Charbonnages de France ou à la SNCF. Si nous adoptions la question préalable, comme il le demande aucune de ces dépenses ne pourraient être engagées.

Par ailleurs, une partie de son argumentation a consisté à dire que le Gouvernement ne respectait pas, en fin de compte, la prévision triennale à laquelle il s'était engagé et notamment le déficit budgétaire. Je note, quant à moi, que le déficit budgétaire reste à 2,2 % du PIB, conformément aux prévisions du Gouvernement.

Quant à la fameuse cagnotte que vous accusez le Gouvernement de détenir par devers lui on l'impression que l'ensemble des membres de l'opposition se sont transformés en Harpagon s'écriant : « où est passée notre cassette » ?

M. Marc Laffineur.

C'est vous qui l'avez ! Vous devez savoir où elle est.

M. Raymond Douyère.

Le ministre et le rapporteur général ont clairement indiqué que le surplus de recettes n'était que d'un peu plus de 13 milliards de francs, dont une grande partie a déjà été largement dépensée du fait d e l'anticipation de certains allégements fiscaux, et notamment, de la réduction de TVA sur les travaux d'entretien dans les logements.

Par conséquent, le dépôt de la question préalable par M. Gantier témoigne, comme vient de le rappeler M. le ministre, d'une vision différente des dispositions qu'il convient de prendre en économie. En fin de compte, ce que souhaitent M. Gantier et ses amis, c'est que l'augmentation des recettes donne lieu a une diminution d'impôts pour les classes les plus aisées de la société !

M. Gilbert Gantier.

Permettez-moi de vous dire que vous inventez ! Je n'ai jamais dit ça !

M. Arthur Dehaine.

Il n'a jamais dit ça ! Je le confirme.

M. François Goulard.

Elucubrations !

M. Raymond Douyère.

Ce que nous souhaitons, pour notre part, si, comme le disait le rapporteur général, les recettes se révèlent, lors de l'examen de la loi de règlement, supérieures à celles prévues, c'est affecter ces recettes nouvelles à une baisse des impôts qui pèsent sur l'ensemble des populations laborieuses. Nous l'avons déjà fait dans la loi de finances initiale. Nous le faisons maintenant pour les droits de mutation. Nous prévoyons de le poursuivre dans la loi de finances pour 2000 pour le droit de bail. Bref, nous essayons de faire en sorte que les baisses d'impôts concernent le maximum de personnes, et notamment celles qui ont les revenus les plus faibles. Cela procède d'une vision complètement différente de la société.

Pour toutes ces raisons, je demande, au nom du groupe socialiste, le rejet de la question préalable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Hériaud.

M. Pierre Hériaud.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Gilbert Gantier a exposé abondamment...

M. François Goulard.

Et remarquablement !

M. Pierre Hériaud.

... et avec sérieux les raisons qui motivent le dépôt d'une question préalable sur ce texte.

Même dans la présentation officielle et réduite, le collectif budgétaire 1999 fait apparaître un excédent de ressources, qui ne vous permet que de réduire de deux milliards le déficit budgétaire pour 1999. Pourquoi ? En raison de la tendance lourde et continue à l'accroissement des dépenses publiques qui n'est pas volontairement maîtrisée.

Dans ce projet de loi de finances rectificative pour 1999, les dépenses de fonctionnement progressent d'au moins 3,5 % ; l'investissement reste la variable d'ajustement. C'est la capacité de financement des collectivités locales, qui, avec 0,25 à 0,3 point, a permis l'entrée de la France dans l'euro au 1er janvier 1998. Celle-ci est également prévue dans le budget 2000, et même sur les deux prochaines années, à 0,3 point.

Le collectif 1999 n'utilise pas l'excédent de ressources pour aller dans la bonne direction. On le verra demain quand sera connu le taux réel des prélèvements obligatoires. On le verra également, eu égard à la faible réduction du déficit, à l'accroissement de l'endettement de notre pays. Nous considérons en effet que nous avons pris la mauvaise direction.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Arthur Dehaine, pour un mot...

M. Arthur Dehaine.

Une phrase, si vous le permettez, monsieur le président : le RPR votera la question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous remercie. Je n'en attendais pas moins de vous, monsieur Dehaine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Laffineur.

Monsieur Laffineur, puis-je insister auprès de vous pour que nous puissions lever la séance à dix-neuf heures trente afin de reprendre celle de ce soir, en respectant le temps entre les séances, à vingt et une heures ?

M. Marc Laffineur.

Je vais essayer de vous donner satisfaction, monsieur le président.

« Le collectif budgétaire est un exercice classique, dont le seul objet est de financer les dépenses supplémentaires en cours d'année », c'est ainsi que vous présentez, monsieur le ministre, votre projet de loi de finances rectificative.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Eh oui !

M. Marc Laffineur.

C'est un exercice dont il ne faut attendre aucune vraie nouveauté, aucun « scoop », comme aurait dit votre prédécesseur. Résultat : vous nous présentez un collectif sans ambitions, qui évite soigneusement tout débat sur la gestion des finances publiques ou sur les baisses d'impôts.

Depuis deux ans, la France bénéficie pourtant d'un contexte économique très favorable. Avec 3,2 % de croissance en 1998, 2,7 % cette année, 3 % en 2000, la France connaît une phase de croissance ascendante, qui, on peut l'espérer, pourrait durer un certain temps.

Vous profitez des dividendes du désendettement, dont l'effort a été réalisé par l'actuelle opposition après la découverte en 1993, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'un déficit budgétaire qui s'était envolé. De 1993 à 1997, les déficits publics ont été réduits de 2,3 points de PIB, alors que la majorité actuelle, bénéficiant du retour de la croissance, ne l'a réduit que de 1,3 point entre 1997 et 1999, malgré la reprise économique.

C'est cet effort qui a rendu posssible la baisse des taux d'intérêt, dont les effets se font sentir aujourd'hui et qui a permis à la France de se qualifier pour l'euro, même s'il a sans doute entraîné la défaite de l'actuelle opposition.

Or, aujourd'hui, la croissance n'est pas utilisée par le Gouvernement pour rattraper les retards que la France a accumulés pendant les années de vaches maigres : pas de rattrapage en matière de déficit public, pas de retour dans la moyenne européenne pour les impôts et les dépenses publiques. En revanche, depuis deux ans, la dette augmente encore, et passe le seuil fatidique des 60,5 % du PIB.

Le 23 novembre dernier, le Premier ministre a dégagé quelques axes épars pour la politique qu'il entend mener en 2000 et 2001. Il a centré son intervention sur la réforme fiscale, une législation sur le gouvernement d'entreprise, quelques aides aux créateurs d'entreprise, des aides administratives pour le développement d'Internet.

C'est toujours la même méthode : beaucoup de promesses, beaucoup de réglementation, pas de liberté.

La réforme des retraites, la réforme fiscale sont toujours annoncées pour les mois à venir ; mais de quelle année ? On ne le sait pas. Pendant ce temps, la hausse des prélèvements, elle, est bien réelle.

Le candidat Jospin avait pourtant promis, lors de la campagne de 1997, une baisse des prélèvements obligatoires. Les Français attendent toujours une baisse générale de la TVA, pourtant promise dès 1997. La baisse de l'impôt sur le revenu ? Pas avant 2001, nous dit-on. La réforme de la fiscalité agricole ? Renvoyée au rapport de Mme Marre. La réforme de l'épargne salariale ? Reportée.

La réforme des stock-options ? Ajournée. La réforme fiscale ? Avortée. La réforme des retraites ? Toujours différée.

Avec le Gouvernement, les Français sont condamnés à attendre. On le voit bien, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.

En fin de compte, après trois ans aux affaires, c'est beaucoup de communication pour un maigre bilan.

Le collectif budgétaire que vous nous présentez est à l'image de ce bilan : bien terne. Les marges de manoeuvre sont minimisées, les dépenses publiques ne sont pas maîtrisées, le déficit budgétaire est toujours important.

Le déficit budgétaire se réduit à un train de tortue. On le voit bien, l'assainissement financier n'est pas l'objectif principal du Gouvernement. Ramené de 236,6 milliards de francs en loi de finances initiale à 234,2 milliards de francs en loi de finances rectificative, le déficit budgétaire ne se rapprochera pas du niveau prévu pour 2000. Le Gouvernement se flatte de réduire le déficit budgétaire de 0,3 point de PIB chaque année. Ce n'est pas très glorieux, puisque les plus-values fiscales dégagées cette année auraient permis d'atteindre le niveau prévu pour l'an prochain, dès cette année.

Nous sommes à des années-lumière de l'excédent budgétaire danois, de celui du Royaume-Uni ou du déficit de l'Espagne. J'ose à peine évoquer les 100 milliards de dollars d'excédent budgétaire américain en 1999.

Alors, que dit le Gouvernement ? Qu'il n'y a pas de p lus-values fiscales. Que fait le Gouvernement ? Il dépense encore et toujours plus.

L'absence de plus-values fiscales en 1999 - pardonnezmoi, monsieur le ministre - est le grand mensonge du Gouvernement.

La loi de finances initiale pour 1999 prévoyait une hausse de 5,7 % des recettes fiscales par rapport à 1998.

L'estimation a été révisée en août dernier à 6,1 %, soit seulement 12 milliards de plus que prévu. Le chiffre retenu sera de 13 milliards. Or nous sommes à 8,7 % en octobre, soit à peu près 45 milliards de francs d'excédent, chiffre d'emblée minimisé par l'application rétroactive de la baisse de TVA pour les travaux dans les logements, qui limitait le bonus fiscal net à seulement 7,8 milliards de francs en septembre, mais en fait, au vu des derniers éléments dont nous disposons, il est toujours à près de 40 milliards de francs.

Pourquoi le Gouvernement a-t-il décidé qu'il n'y aurait pas de surplus fiscal cette année ? Pour deux raisons : d'abord, par crainte de voir sa majorité se diviser, en réclamant des dépenses supplémentaires, ensuite, pour ne pas montrer aux Français qu'il a bel et bien augmenté encore les prélèvements, et qu'il a trop perçu d'argent des contribuables.

Nous proposons, nous, de rendre aux Français ce que vous leur avez pris indûment.

Car non seulement les objectifs de stabilisation des prélèvements obligatoires n'ont pas été tenus, mais ils ont laissé la place à une forte augmentation. Les prélèvements obligatoires sont passés de 44,9 % du PIB en 1998 à 45,3 % du PIB en 1999. Mais si les plus-values fiscales sont plus importantes de 40 milliards de francs, ce taux grimpera à 45,6 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Alors que vous annoncez 39 milliards de francs de baisses d'impôts pour l'an prochain, afficher un taux de prélèvements obligatoires en nette augmentation fait désordre.

La réalité, c'est que le Gouvernement a recueilli dans sa musette 40 milliards de francs de plus que prévu.

Même le rapporteur général estimait, en septembre, qu'il y avait des marges de manoeuvre fiscales, mais il s'est bien gardé de les chiffrer. La Cour des comptes, l'OFCE, la commission des finances du Sénat estiment ces plus-values fiscales issues de la croissance à 40 milliards de francs.

Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, au cours des dix premiers mois de 1999, les recettes fiscales encaissées par l'Etat ont progressé de 8,7 % par rapport à la même période de 1998, et non pas de 6,3 %. L'impôt sur le revenu a progressé de plus de 10 %, la TVA de 4,5 %, la TIPP de 6 % et l'IS de 28 %. Cette progression concerne les recettes fiscales brutes, hors remboursements et dégrèvements.

Mais le Gouvernement a une technique imparable pour minorer la cagnotte fiscale : il accélère les remboursements et dégrèvements d'impôt afin de minorer le produit fiscal net, et donc le surplus disponible.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est faux !

M. Marc Laffineur.

D'ailleurs, la Cour des comptes l'a montré dans son rapport sur l'exécution 1998. Les recettes fiscales nettes ont progressé encore moins vite qu'il n'était prévu, étant donné l'ampleur inattendue des remboursements et dégrèvement d'impôts, concernant particulièrement la TVA. Ces derniers ont en effet progressé de 28 % en 1998.

Les remboursements et dégrèvements ont été particulièrement élevés lors des quatre derniers mois de l'année : 57 milliards de francs en 1998, contre 39 milliards en 1997.

C'est par ces maquillages que le Gouvernement masque la réalité des prélèvements supportés par les Français.

Pourtant, il disposait de marges de manoeuvre importantes qu'il aurait pu consacrer soit à une réduction plus importante du déficit, soit à des baisses d'impôts.

Dans cette optique, le groupe Démocratie libérale et Indépendants ouvre au contraire le débat sur les marges de manoeuvre que vous avez systématiquement éludé depuis le mois de septembre, et propose de rendre aux Français le surplus d'impôt que vous leur avez pris.

Nous proposons de réduire le déficit pour 1999 de 10 milliards de francs au lieu des 2,4 milliards prévus par l e Gouvernement. Puisque la croissance a permis d'engranger plus de recettes fiscales que ne le prévoyait l'équilibre économique et financier voulu par le Gouvernement, il convient donc de rendre cet argent aux Français sous forme de baisses d'impôts sans attendre 2001.

Nous proposons, pour les familles, le relèvement du plafond du quotient familial, ainsi que le plafond de l'abattement pour enfants rattachés. Le coût de ces mesures est évalué à 4 ou 5 milliards de francs. Nous proposons pour les retraités le relèvement du plafond de 10 % à 24 000 francs. Pour les salariés, une totale déductibilité de la CSG de l'impôt sur le revenu car il n'est pas normal que le « net imposable » figurant sur nos feuilles d'impôts ne soit pas exactement identique au « net à payer ».

Concernant l'impôt sur le revenu, vous vous êtes empressés de supprimer les niches fiscales, mais sans mettre en oeuvre la baisse du barème décidée par la majorité précédente. Nous vous proposons donc de diminuer un peu cet impôt sur le revenu.

Au lieu d'engager une vraie politique de réduction des dépenses publiques, le Gouvernement se contente d'oukazes statistiques. Il avait affiché en 1999 un objectif de croissance des dépenses de 1 % en volume. Mais il comptait sur une inflation largement surestimée à 1,3 %. Avec un objectif de croissance de 2,3 % en valeur en loi de finances initiales, l'objectif du 1 % en volume était loin d'être tenu. Avec seulement 0,5 % d'inflation, la croissance des dépenses aurait atteint 1,8 % en volume.

En révisant le taux d'inflation pour 1999, vous revoyez officiellement les dépenses à la baisse, en ne prévoyant que 5,2 milliards de francs de dépenses nouvelles nettes contre 10,3 milliards en 1998. Les autres ouvertures de crédits étant financées par des économies budgétaires ou des redéploiements.

Mais la réduction des intérêts de la dette ne peut être considérée comme une réduction de dépenses, étant donné qu'elle ne provient que d'une décrue des taux d'intérêt.

Les ouvertures de crédits masquent, en réalité, des depenses nouvelles et la décrue des taux d'intérêt dissimule la dynamique de la dépense.

Quant aux économies budgétaires, elles ne se montent qu'à 16,5 milliards de francs. Comme toujours, les investissements militaires « boivent la tasse ». Après un recul de 9,7 % en 1998, les crédits militaires se voient amputés de 5,3 milliards de francs. La défense, traditionnelle victime de la régulation budgétaire - ce n'est pas propre à vous, malheureusement -, illustre la mauvaise gestion de l'Etat qui voit régulièrement progresser les crédits de fonctionnement au détriment des investissements.

Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que, avec une croissance des dépenses de l'Etat de 1 % en volume quand la croissance du PIB approche 3 %, vous créez des marges de manoeuvre pour une réduction du déficit et une baisse des prélèvements. Mais on peut affirmer qu'aucun de ces objectifs n'a été tenu. Depuis 1997, les prélèvements fiscaux et sociaux se sont accrus de 420 milliards de francs. Vous avez créé treize impôts et taxes différents. Ce sont la taxe sur les heures supplémentaires, la taxe générale sur les activités polluantes, la contribution sur les bénéfices, la taxe sur l'industrie pharmaceutique, la taxe sur les logements vacants, la taxe de 7,5 % sur les contrats d'assurance-vie, la taxe de 20 % sur les droits de mutation, la taxe sur les ventes directes de médicaments, le prélèvement sur les radiologues et les biologistes, la contribution sur les retransmissions audiovisuelles de manifestations sportives, l'Exit taxe, la taxe sur les dividendes dans le cadre du régime fille-mère, enfin la taxe sur la santé publique de 2,5 % sur les tabacs.

Vous ne rendrez pas aux Français le trop-plein fiscal perçu en 1999. Rien ne sera fait en 2000 puisque, au lieu des 39 milliards de baisse d'impôts annoncés, la totalité des prélèvements fiscaux et sociaux augmentera de 88 milliards.

L'heure n'est pas à l'immobilisme, monsieur le ministre. La croissance vous donne l'opportunité des réformes, mais la gauche plurielle, c'est vrai, vous lie les bras.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 DÉCEMBRE 1999

Le collectif budgétaire que vous nous proposez ne fait rien pour inverser la tendance, alors qu'une réforme fiscale, une réforme des retraites pourraient bénéficier de marges de manoeuvre inespérées.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indépendants ne votera pas le projet de loi de finances rectificative pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7 DÉCLARATION D'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, déposé ce jour.

Acte est donné de cette communication.

8

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999, no 1952 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1992) ; M. François Lamy, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 1991).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT