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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 325).

VIOLENCE À L'ÉCOLE (p. 325)

MM. François Sauvadet, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

FINANCEMENT DE LA LUTTE

CONTRE LA MARÉE NOIRE (p. 326)

M. Edouard Landrain, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

VIOLENCE À L'ÉCOLE (p. 326)

MM. Jean-Michel Marchand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

SITUATION DANS LES HÔPITAUX (p. 327)

Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

IMMIGRATION (p. 328)

MM. Thierry Mariani, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

AVENIR DES RETRAITES (p. 329)

M. Arthur Dehaine, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SOUTIEN AU SECTEUR FORESTIER (p. 330)

MM. François Vannson, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

SITUATION DANS LES HÔPITAUX (p. 331)

M. Patrick Malavieille, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

MOULINEX (p. 332)

Mme Yvette Roudy, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

RÉFORMES DE L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 333)

MM. Yves Durand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (p. 334)

M. Gérard Fuchs, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SÉCURITÉ DES BATEAUX DE PÊCHE (p. 335)

Mme Nicole Ameline, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 335)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

2. Egal accès aux mandats électoraux. - Discussion d'un projet de loi, après déclaration d'urgence, et d'un projet de loi organique (p. 335).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois.

Mme Odette Casanova, au nom de la délégation aux droits des femmes.

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (p. 345)

MM. Michel Suchod, Mmes Nicole Ameline, Cécile Helle, Marie-Jo Zimmermann, Muguette Jacquaint, Marie-Thérèse Boisseau, Chantal Robin-Rodrigo, Martine Lignières-Cassou,

M.

Jean-Luc Warsmann, Mme Frédérique Bredin,

MM. Alain Ferry, Patrick Malavieille, Mme Marie-Hélène Aubert.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Désignation de candidats à un organisme extraparlementaire (p. 364).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 364).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, comme bon nombre de Français, nous avons été extrêmement choqués par vos déclarations de dimanche concernant la violence à l'école. Une fois de plus, vous avez volontairement minimisé ce qui devient un véritable drame quotidien : une violence gratuite, parfois en groupe, qui frappe les jeunes, choque les parents et interpelle les enseignants et toute la société. Ainsi, les chiffres que vous avez avancés ne correspondent pas à la réalité du problème, qui ne cesse de s'étendre. Ce sont non pas, comme vous l'avez dit, 300 établissements du second degré qui sont concernés mais probablement plus de 1 000. Chacun d'entre nous, sur ces bancs, connaît au moins un de ces établissements où les actes de violence se multiplient et dont les auteurs et les victimes sont de plus en plus jeunes.

Monsieur le ministre, croyez-le bien, face à ce problème, ce ne sont pas quelques mesures gadgets ni la mobilisation de quelques nouveaux emplois jeunes qui c onstitueront une ébauche de solution. Du reste, l'annonce à grand renfort de communication d'un second plan contre la violence prouve bien l'échec du premier.

Allez-vous prendre, enfin la vraie mesure de ce qui se passe dans ces établissements et dans le pays ? Allez-vous prendre les dispositions qui s'imposent pour mettre un terme à la multiplication de ces drames que vivent au quotidien trop de nos enfants et trop d'enseignants et pour que l'école redevienne ce qu'elle doit être, un lieu de vie et non de violence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je n'ai pas l'intention, sur un problème aussi grave, d'entamer une polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) S'agissant de l'estimation de la violence, je vous renvoie aux chiffres donnés par l'observatoire indépendant et que je rendrai publics jeudi.

M. Jean-Louis Debré.

On ne peut donc pas les connaître aujourd'hui !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Cet observatoire montre que la violence a augmenté d'une manière exponentielle entre 1994 et 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) et que, depuis, elle s'est stabilisée. Vos exclamations n'y changeront rien !

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Et ça, ce n'est pas de la polémique ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

La conception, qui a prévalu pendant cette période et qui était d'ailleurs combattue par les ministres de l'intérieur de l'époque, était fausse. On n'avait pas compris que l'école n'était pas un sanctuaire et qu'elle faisait pleinement partie de la cité dans laquelle la violence augmente pour des raisons externes. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Cela étant, je maintiens qu'il n'y a en France que soixante établissements dans lesquels, il y a eu l'année dernière des actes de violence grave, et pas des milliers.

(« C'est faux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Un certain nombre de problèmes se sont posés dans 300 établissements.

M. Christian Estrosi.

Ce propos est scandaleux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Leur nombre a aujourd'hui diminué. Ainsi, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, vous ne faites plus allusion aux Minguettes, à Vaulx-en Velin, ou à Bron. Si vous n'en parlez plus...

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Et vous, vous ne parlez pas de Bayrou !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... et que vous n'en entendez plus parler, c'est que des équipes, constituées d'enseignants, de parents d'élèves et de chefs d'établissement, et travaillant en collaboration avec la police et la justice, ont remis ces établissements dans le droit et la République.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est grâce à Bartolone, sans doute ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

C'est donc que le plan violence 1 a réussi.

(Rires et exclamations sur les bancs du


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groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est pour cela que nous mettons en oeuvre un plan violence 2...

Mme Sylvia Bassot.

Et 1, et 2 et 3 !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mesdames, messieurs, chaque élu, dans ses fonctions, a le devoir, non pas de vociférer sur son banc, mais de s'attaquer avec nous à ce problème.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

FINANCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA MARÉE NOIRE

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

A la suite du naufrage de l' Erika, une véritable catastrophe écologique s'est abattue sur les côtes atlantiques.

Tous, professionnels, pompiers, personnel communal, armée, élus, bénévoles, se sont activés pour rendre à nos côtes leur aspect initial et ils y parviennent. Mais les communes du littoral, durement touchées et au budget souvent modeste, souffrent et vont souffrir davantage encore financièrement. Il faut donc les aider. Ne pensezvous pas que les départements qui ont opté pour la taxe départementale pour les espaces naturels sensibles pourraient être autorisés à l'utiliser sous forme d'avance par l'intermédiaire des conseils généraux ? Cela aiderait les communes à faire face à leurs besoins urgents sans compromettre leur budget.

Par ailleurs, au plan national, devant cette catastrophe dont on devine que les conséquences seront extrêmement onéreuses, ne pensez-vous pas que la taxe générale sur les activités polluantes - que certains, à l'époque, avaient baptisée écotaxe et qui a été utilisée pour équilibrer la politique des 35 heures - pourrait revenir à sa destination d'origine, à savoir la lutte contre la pollution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ne pourrait-elle être logiquement affectée principalement à la lutte contre la marée noire en attendant, comme l'a proposé l'UDF, la création d'un corps de garde-côtes aux pouvoirs véritables tels ceux des coast guards américains ? Les Français, révoltés devant ce désastre, apprécieraient une telle disposition, qui coûterait environ 3,2 milliards.

Le retour de cette taxe à sa destination première serait d'autant plus apprécié que, dans le même temps, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie a vu ses crédits diminuer et paraît particulièrement défavorisée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, d'une façon générale le Gouvernement entend appliquer avec fermeté le principe pollueurpayeur.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

C'est pour cela qu'il a mis en place, depuis deux ans et demi, une fiscalité écologique qui prend notamment la forme de la taxe générale sur les activités polluantes.

M. Lucien Degauchy C'est un impôt de plus !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Pour autant, le Gouvernement est attaché à la baisse des prélèvements obligatoires. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est la raison pour laquelle il a prévu d'affecter le produit de la TGAP au financement de la baisse des charges patronales sur les bas salaires.

Cela étant, le Gouvernement entend bien lutter contre les effets de la pollution. Je rappellerai que le budget de l'environnement a progressé de 14 % en 1999 et de 8 % en 2000.

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas la question !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

En ce qui concerne la marée noire, le Gouvernement a consacré un effort important pour venir en aide aux victimes de cette catastrophe. A cet effet, 120 millions de francs ont été dégagés à partir du budget des charges communes, pour abonder le fonds POLMAR qui permet aux communes de procéder à l'achat de tout le petit matériel mis à la disposition des bénévoles pour les opérations de dépollution.

Par ailleurs, le FIPOL, organisation internationale chargée de l'indemnisation des dommages causés par la pollution, versera une indemnité de 12 milliards aux victimes de la pollution.

En résumé, le Gouvernement déploie des efforts importants en faveur des victimes de la marée noire et il poursuivra avec constance la mise en oeuvre d'une fiscalité écologique favorable à la création d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

VIOLENCE À L'ÉCOLE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de récents phénomènes de violence au sein d'établissements scolaires inquiètent l'opinion publique. (« Mais non, voyons, ça n'existe pas ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Santini.

C'est sans objet !

M. Jean-Michel Marchand.

Nous pensons aux actes de torture perpétrés dans un lycée professionnel à Longwy, ou au racket - qui aurait pu être mortel - dont a été victime un collégien à Mantes-la-Jolie. Ce sont là des cas extrêmes, mais la violence au quotidien existe...

Mme Sylvia Bassot.

Mais non ! M. Allègre a expliqué que ce n'était pas vrai !


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M. Jean-Michel Marchand.

... moins médiatisée mais tout aussi mal vécue et tout aussi intolérable. Songeons aux dégradations, aux brimades et aux insultes infligées quotidiennement aux enfants, aux enseignants et au personnel des établissements scolaires.

M. Bernard Deflesselles.

C'est du laxisme !

M. Jean-Michel Marchand.

Cela fait bien longtemps que les syndicats d'enseignants, comme celui des chefs d'établissement, ne cessent de dénoncer à la puissance publique ce phénomène qui s'étend.

Certes, ces faits ne sont bien souvent que le reflet de notre société, société de consommation et de profit, société qui fait croire aux jeunes à la facilité, à la satis faction immédiate de leurs désirs, qui leur donne un sentiment d'impunité (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , cette société - mais vous en portez aussi une part de responsabilité, mes chers collègues - avec son cortège de « mal-vivre » et de chômage a déstructuré les familles et a transformé certains quartiers en ghettos où souvent l'école reste le dernier service public.

La violence est rentrée dans l'école...

M. Lucien Degauchy.

Que fait le Gouvernement ?

M. Jean-Michel Marchand.

... mais ne relève pas uniquement du ministère de l'éducation nationale. Ces faits interpellent l'ensemble de la société, les familles, les citoyens, les pouvoirs publics. Des mesures ont été prises, sous forme de moyens en postes et en heures et ils sont nécessaires pour renforcer les équipes pédagogiques et la présence des adultes. Vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir développer la prévention et l'éducation civique à l'école primaire, puis au collège et au lycée.

Mais, vous le savez bien, la gradation des sanctions existe dans tous les règlements intérieurs des établissements scolaires et la convocation d'un conseil de discipline par le chef d'établissement est toujours un acte réfléchi, concerté et lourd de conséquences pour la communauté scolaire.

Alors s'il faut réfléchir à la justice scolaire et rappeler les principes généraux de droit, il ne faut pas croire que cela réglera les situations les plus lourdes et les cas d'élèves en rupture de scolarité, qui ne peuvent être pris en charge que dans des structures spécifiques et par des équipes d'éducateurs spécialisés. Mais cela n'exclut nullement la formation à ces problèmes de l'ensemble des personnels.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour endiguer les problèmes actuels de violence ?

M. Yves Nicolin.

Mais le ministre nous dit qu'il n'y a pas de violence !

M. Jean-Michel Marchand.

Et quels moyens allez-vous proposer pour que ces situations ne se reproduisent plus ? Comment entendez-vous impliquer, aux côtés du monde éducatif, les jeunes et leurs familles, les collectivités locales et leurs élus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, nous annoncerons jeudi le deuxième plan violence...

M. Georges Tron.

Le plan anti-violence, non ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... et, à cette occasion, un certain nombre de mesures et de moyens seront mis à la disposition des établissements.

M. Jean Auclair. Pour protéger les voyous ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Une nouvelle réglementation sur un certain nombre de points sera également annoncée.

Monsieur le député, comme je l'ai déjà indiqué, le premier plan violence (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) a eu un certain nombre de résultats positifs...

M. Maurice Leroy.

C'est pourquoi il en faut un deuxième !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... tout en ne se révélant pas à la hauteur des demandes dans un certain nombre d'établissements.

Cette lutte de tous les jours implique non pas simplement le ministère de l'éducation nationale, mais également d'autres ministères. La justice, la police et la ville sont également concernées. De même, la constitution d'équipes éducatives composées d'enseignants, de chefs d'établissement, de parents d'élèves et d'élèves permet d'obtenir des succès.

M. Georges Tron.

Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Nous essayons de faire naître ces équipes partout en attribuant des moyens et en demandant la coopération de tout le monde. Nous pourrons venir à bout de la violence scolaire à condition de ne pas accepter un certain nombre d'actes absolument incompatibles avec la philosophie éducative, voire tout simplement la morale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Lucien Degauchy.

C'est un mot qui vous va mal !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

A condition de rétablir dans les établissements scolaires un enseignement de la morale, de la morale civique (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs) de l'instruction civique, comme nous le faisons. A condition, enfin, que tout le monde - j'y insiste se mobilise pour combattre ce fléau. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) L'école est en première ligne. Elle est présente partout sur le territoire national et elle fait son devoir y compris dans les conditions les plus difficiles.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

SITUATION DANS LES HÔPITAUX

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité et concerne la situation dans les hôpitaux.

L'objectif de maîtrise de dépenses de santé doit être notre priorité. Cependant, si la dotation régionalisée des dépenses hospitalières pour 2000 est de façon générale en


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légère progression par rapport à 1999, il n'en demeure pas moins que les budgets des hôpitaux sont contraints d'être revus à la baisse, entraînant un rééquilibrage par le bas. Je prendrai l'exemple du centre hospitalier de Tarbes où la dotation progresse de 1,4 %, ce dont je pourrais me féliciter. Néanmoins, à moyens constants, la progression ne sera, en réalité, que de 0,9 %. N'y a-t-il pas là risque de mettre en péril le fonctionnement du service des urgences, la poursuite du programme du traitement de la douleur, du développement des soins palliatifs, ou, pire, d e remettre en cause certaines dépenses essentielles concernant directement les soins aux malades ? Le 28 janvier prochain, les fédérations de santé des sept syndicats ont prévu une grève nationale dans les hôpitaux pour protester contre les conditions de travail et le manque de moyens. Ces préoccupations, touchant la qualité des soins, inquiètent l'ensemble de nos concitoyens.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour résoudre la crise qui frappe actuellement nos hôpitaux, tant en province qu'à Paris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, la politique hospitalière menée depuis deux ans et demi par le Gouvernement poursuit trois objectifs : répondre au mieux aux besoins de la population et à l'évolution des techniques, améliorer partout la sécurité et la qualité, enfin, réduire les inégal ités, notamment entre les régions mais aussi entre les établissements au sein des régions.

Pour ce faire, il a fallu mettre en place un certain nombre de moyens. Le budget relatif à la politique hospitalière a ainsi augmenté de 2,35 %, alors qu'en 1997 la précédente majorité avait voté un budget qui ne permettait même pas de couvrir l'inflation. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Surtout, nous avons changé de méthode, c'est-à-dire que nous avons essayé, avec les schémas régionaux d'organisation de la santé, de travailler en concertation avec les personnels hospitaliers mais aussi avec les élus, pour permettre à l'hôpital d'évoluer car chacun sait qu'il doit le faire et je crois que le personnel hospitalier l'a compris.

Ces transformations, très importantes et en cours depuis trois ans, butent aujourd'hui sur des difficultés et nous devons les regarder en face. Ainsi, des secteurs et des services souffrent. Vous avez parlé des urgences. A cet égard, je sais qu'un projet de rénovation des urgences, dont les crédits sont aujourd'hui de côté, est prévu à l'hôpital de Tarbes. Il est vrai que les urgences posent un problème partout en France. Ce service, c'est l'entrée des hommes et des femmes qui vont mal dans l'hôpital, c'est le rapport vers la société. Mais c'est vrai aussi de la psychiatrie sur laquelle nous travaillons, ou des soins coûteux dont beaucoup sont dispensés dans les CHU et qui sont mal pris en compte pour les allocations de ressources.

Ce sont des problèmes que nous allons examiner avec le personnel hospitalier.

Nous avons la volonté d'engager une nouvelle étape avec l'hôpital, de façon à examiner les problèmes de quelques catégories et secteurs, mais aussi les modalités de mise en place de la réduction de la durée du travail. Ce doit être pour nous l'occasion, à la fois, de mieux soigner et de mieux accueillir les malades, mais aussi de casser les cloisonnements, qui existent encore trop souvent dans l'hôpital, entre les services et entre les catégories pour améliorer les conditions de travail. Le Premier ministre l'a déjà dit, nous savons que, à l'hôpital, la réduction de la durée du travail dégagera des moyens et entraînera des créations d'emplois.

Une large concertation est nécessaire. C'est pourquoi je souhaite écouter et entendre les personnels hospitaliers médicaux et non médicaux. Le cabinet de Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale et le mien ont reçu, ces derniers jours, l'ensemble des organisations syndicales, et nous les recevrons, Dominique Gillot et moimême, prochainement, à notre tour, pour cerner tous les problèmes qui pourraient se poser.

Toutefois, je voudrais redire devant l'Assemblée que le meilleur moyen de soutenir l'hôpital, c'est d'avoir une sécurité sociale en équilibre, c'est d'être capable d'avancer avec le personnel hospitalier. Il sait, je le sais, qui les défend, qui met l'hôpital public au coeur du système de soins et je suis sûre qu'il ne se trompera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

IMMIGRATION

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l'intérieur n'a cessé de marteler, pendant les débats sur le projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il y avait longtemps !

M. Arnaud Montebourg.

Oui, on s'ennuyait !

M. Thierry Mariani.

... que vous aviez placé le curseur au bon endroit, au bon niveau. Aujourd'hui, n'en déplaise aux pousseurs de hauts cris de cet hémicycle, tout le monde constate que le curseur de l'immigration a tendance à s'emballer.

Permettez-moi de vous rappeler les dernières données statistiques du Haut Conseil à l'intégration. Le rapport pour 1998 révèle que l'immigration non européenne a augmenté de 55 % en 1998 par rapport à 1997. Certes, les prévisions mettent en évidence un fort besoin de la France en main-d'oeuvre immigrée pour l'avenir. Mais, selon les chiffres du Haut Conseil à l'intégration, 5 % seulement des nouveaux entrants sont des travailleurs.

M. Didier Boulaud.

Pasqua et Juppé, même combat !

M. Thierry Mariani.

La quasi-totalité des personnes entrées sur notre territoire en 1998 sont des ayants droit sociaux installés en France sans travail, et donc sans ressources, soit au titre du regroupement familial très élargi, soit au titre d'une des nombreuses cartes que vous avez créées.

Ne voulant pas froisser une partie de l'assistance, je n'aurai pas le front de rappeler que ces statistiques ne tiennent pas compte des 60 000 sans-papiers toujours présents sur notre sol et pour lesquels vous ne faites rien.

Une fois de plus, votre langage de fermeté ne trouve aucune traduction dans les faits. Une fois de plus, vous laissez faire et refusez de prendre vos responsabilités. Si les arrêtés de reconduite aux frontières ont augmenté de


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70 %, leur taux d'exécution a diminué de moitié, ce qui démontre votre renoncement à lutter contre l'immigration irrégulière.

Ma question est simple : quelle leçon allez-vous tirer du rapport alarmant du Haut conseil à l'intégration, qui illustre, d'une part, l'échec de votre politique, d'autre part, votre absence totale de volonté de régler ce problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse courte.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, il faut avoir une vue claire de ces choses. Les statistiques du Haut conseil à l'intégration ne recoupent pas celles du ministère de l'intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépend ants) qui répondent à une disposition de la loi

« RESEDA », prévoyant la publication annuelle par le Gouvernement d'un rapport sur le nombre de titres de séjour octroyés.

M. Pierre Lequiller.

Cherchez les tricheurs !

M. le ministre de l'intérieur.

En 1998, 115 000 nouveaux titres de séjour, pour des personnes qui auparavant n'en bénéficiaient pas, ont été accordés. Je considère que nous restons tout à fait dans la norme du nombre d'étrangers que la France peut accueillir parce qu'elle peut les intégrer. En effet, ces statistiques reflètent très largement les résultats de l'opération de régularisation qui touche, vous le savez bien, des membres de familles - enfants ou conjoints -, des célibataires très bien intégrés et, marginalement, des malades ou des personnes qui seraient menacées si elles retournaient dans leur pays.

Le nombre de mesures prononcées est, vous l'avez dit, élevé : 42 000, contre 41 000 en 1998 et 34 000 en 1997. Là encore, ce qui est important c'est que nous sommes à la fin de l'opération de régularisation, et que les préfets ont pris, comme je le leur ai demandé, des arrêtés de reconduite à la frontière. Tous n'ont pas été exécutés, mais une vision perspective de la situation montre que le nombre d'éloignements a oscillé entre 8 000 et 12 000. S'il est vrai que nous sommes au bas de cette fourchette, il n'en reste pas moins que la loi s'applique correctement. (Rictus sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne considère pas qu'il faille attribuer un code barre aux étrangers, comme certains démographes le suggèrent, pour harmoniser les statistiques du Haut Conseil à l'intégration et celles du ministère de l'intérieur.

Contrairement à ce que vous dites, nous accueillons plus d'étudiants, qui - et pour cause - ne sont effectivement pas des producteurs, plus de scientifiques, plus d'artistes (Exclamations sur les mêmes bancs), en vertu des titres qui ont été créés pour faciliter leur accueil en France. De la même manière, les informaticiens peuvent venir travailler librement en France, parce que cela correspond à une demande de nos entreprises.

M. Yves Nicolin.

Il n'y a pas d'informaticiens !

M. le ministre de l'intérieur.

Il y a là une bonne gestion des flux migratoires,...

M. Yves Nicolin.

Baratin !

M. le ministre de l'intérieur.

... dont je rappelle que le ministère de l'intérieur n'est pas le seul à exercer le contrôle.

M. Yves Nicolin.

La faute à qui ?

M. le ministre de l'intérieur.

Il nous faut, en effet, nous assurer la coopération des consulats des pays concernés pour trouver les identités des transporteurs, obtenir l'assentiment des juges - car c'est toujours sous le contrôle étroit de ceux-ci que s'exécutent les opérations de reconduite à la frontière.

Rien n'altère la volonté du ministère de mener à bien ces opérations, qui sont nécessaires. La loi doit être appliquée fermement, sans faiblesse mais sans excès, si nous voulons combattre les deux démagogies opposées que sont, d'un côté, le catastrophisme à visée électoraliste et, de l'autre, l'angélisme à visée médiatique.

(« Très bien ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Même M. Juppé a bien voulu nuancer le point de vue qui était le sien quand il était chef du Gouvernement.

C'est dire que la politique du Gouvernement est comprise même sur vos bancs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.) AVENIR DES RETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Arthur Dehaine.

M. Arthur Dehaine.

Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger sur un sujet qui inquiète légitimement l'ensemble de nos concitoyens, celui de l'avenir de nos retraites.

Il y a plusieurs mois, vous aviez demandé à un fonct ionnaire indépendant, appartenant à une instance reconnue pour ses compétences, le Commissariat général au Plan, de vous remettre un rapport. Celui-ci dressait un constat alarmant pour l'avenir de notre système de retraite et proposait un certain nombre de réformes urgentes.

Considérant sans doute que vos informations en ce domaine n'étaient pas suffisantes, vous avez, ensuite, décidé de confier à M. Teulade, dont je crois savoir qu'il est le suppléant de M. François Hollande (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), une nouvelle mission d'expertise. Le rapport qu'il vient de rendre est idyllique.

M. Teulade nous explique en substance que l'avenir de nos retraites n'est pas en péril puisque, tels la Pythie ou Nostradamus, il est capable de prévoir une croissance économique de 3,5 % pendant quarante ans et un chômage ramené à près de 3 % dans les dix ans.

Vous le savez sans doute, la prévision n'est pas un art facile. M. Teulade lui-même s'y était essayé en 1989, au nom du Commissariat général au Plan, sur l'évolution de nos systèmes de retraite. Il avait alors préconisé un allongement de la durée des cotisations.

Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre : lequel de ces rapports va constituer le fondement de votre politique en faveur de la modernisation et de la pérennisation de nos systèmes de retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, M. le Premier ministre avait, dès le premier jour, annoncé devant vous quelle serait sa méthode en ce qui concerne les retraites : un diagnostic, un dialogue et des décisions.

Nous avons terminé le dialogue, après le diagnostic.

Nous passons maintenant aux décisions.

(« Ah ! » sur quelq ues bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous avez rappelé que M. Charpin, délégué au Commissariat général au Plan, avait, à la demande du Premier ministre, élaboré un rapport qui a donné lieu, d'ailleurs, à une large concertation. Le Conseil économique et social, comme c'est son droit, a souhaité, quant à lui, commander à M. Teulade un rapport complémentaire. Celui-ci a été examiné au Conseil économique et social et constitue une contribution au débat parmi d'autres, dont le Gouvernement examinera les conclusions, comme il l'a fait pour le rapport Charpin, de la même façon qu'il entend l'ensemble des partenaires que nous recevons maintenant depuis le mois de septembre.

Sans annoncer les décisions que le Premier ministre rendra dans les semaines qui viennent, conformément à ce qu'il a toujours dit, je rappelle les grands axes de la politique que nous souhaitons mener. D'abord, consolider les régimes de retraite par répartition, sans montrer du doigt tel ou tel régime mais en faisant en sorte d'avancer par la concertation pour régler le problème qui est devant nous.

Outre les retraites, le problème des personnes âgées est, ensuite, celui de la dépendance et de la coordination des intervenants gérontologiques qui les entourent. Régler ce problème contribuera à apaiser leurs inquiétudes vis-à-vis de leur retraite.

Enfin, nous devons être capables de permettre aux salariés qui ont commencé à travailler tôt sur des tâches pénibles, et qui s'inquiètent aujourd'hui des mesures que nous serions amenés à prendre, de partir en retraite.

C'est donc le sujet dans son ensemble que le Gouvernement examine aujourd'hui.

M. Félix Leyzour.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, le Gouvernement n'agit ni avec la volonté de maintenir le statu quo ni dans la précipitation.

M. François Goulard.

C'est le moins que l'on puisse dire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il ne se laissera engager dans aucune voie qui le conduirait à ne rien faire ou à prendre des mesures brutales, sans que l'on sache, du reste, exactement lesquelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

SOUTIEN AU SECTEUR FORESTIER

M. le président.

La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur les intempéries subies par la forêt qui a été particulièrement meurtrie et peut-être un peu oubliée.

Le bilan est désastreux. Selon les premières estimations, dans la seule Lorraine, plus de 25 millions de mètres cubes de bois sont à terre. Aujourd'hui, l'heure est à la reconstruction. Pour ce faire, nous disposons de l'expérience de la forêt allemande qui a, elle aussi, été très gravement atteinte en 1990. Un plan sur cinq ans avait été alors mis en place.

Le ministère de l'environnement allemand, chargé du dossier du ravage de la Forêt noire, a publié, à la fin de 1992, un rapport analysant les résultats de la politique engagée. Il dresse un bilan détaillé du plan quinquennal, en commente la portée, chiffres à l'appui.

Des aides multiples, autres que financières, ont été instituées par les pouvoirs publics allemands.

Parmi les plus significatives, j'ai relevé, d'abord, le soutien du marché, par le biais notamment d'un stockage fédéral du bois. Cette mesure a été accompagnée d'une vente tournante de cette noble matière première afin d'éviter des ventes anarchiques. Grâce, entre autres, à ce dispositif, l'effondrement du marché a été endigué à 80 %. Ensuite, la défiscalisation de la main-d'oeuvre étrangère venue au secours des bûcherons allemands pour déblayer les arbres abattus.

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Mariani ne serait pas d'accord !

M. François Vannson.

Enfin, l'octroi de facilités pour l'importation de machines forestières.

Au total, l'Allemagne est parvenue en trois ans, au lieu des cinq prévus, à rétablir l'équilibre tant écologique que financier du secteur forestier.

Les professionnels français souhaitent que les pouvoirs p ublics instaurent des dispositifs déconcentrés qui répondent aux attentes spécifiques de chaque région et soient adaptés naturellement aux exigences de terrain.

Pour des dommages comparables à ceux qu'a connus l'Allemagne en 1990, monsieur le ministre, quel plan d'action offensif et quel échéancier précis proposez-vous aux propriétaires forestiers et aux professionnels du bois pour préserver ce secteur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser dire que la forêt a été oubliée, alors que nous avons tenu ensemble des réunions dans votre département - les Vosges -, en Gironde, dans le Médoc, en Dordogne, dans tous les départements où la forêt a été sinistrée.

M. Philippe Auberger.

Blablabla !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne peux pas vous laisser le dire quand le Gouvernement a prévu 1,6 milliard de francs pour la forêt française et 12 milliards de prêts bonifiés.

M. Philippe Auberger.

On n'en voit pas la couleur !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je ne peux pas vous laisser dire cela, alors que les dispositions arrêtées dans le plan forêt l'ont été en étroite concerta tion avec la filière forêt-bois-ameublement.

Cela dit, vous avez raison, monsieur le député, de rappeler que l'Allemagne a connu, en 1990, une tempête comparable, même si les dégâts ont été moindres 90 millions de mètres cubes en Allemagne, contre 140 ou 145 millions de mètres cubes en France. Néanmoins, c'est une expérience dont nous nous sommes inspirés. J'ai


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ainsi demandé, dès les tout premiers jours de janvier, à des membres de mes services de se rendre en Allemagne pour étudier le plan appliqué à l'époque, pour avoir des contacts avec l'administration allemande. Je peux vous dire que l'ensemble des dispositions que nous sommes en train de mettre en oeuvre ont été directement inspirées par le plan allemand.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe communiste.

SITUATION DANS LES HÔPITAUX

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavielle.

M. Patrick Malavieille.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et revient sur la question des hôpitaux.

Madame la ministre, des malades sont contraints à des attentes insupportables et sont parfois renvoyés d'un établissement à un autre, faute de lits. Les personnels surchargés ne peuvent plus prodiguer dans de bonnes conditions les soins et l'attention que sont en droit d'attendre des personnes fragilisées.

Les meilleures intentions d'humanisation, de sécurité et de qualité des soins se heurtent toujours au même problème : le manque de moyens. De nombreuses organisations syndicales, la fonction publique hospitalière et les médecins appellent à un mouvement de grève le 28 janvier prochain pour exiger que l'hôpital ait les moyens d'assurer ses missions.

Un député du groupe communiste.

Bravo !

M. Patrick Malavieille.

Depuis deux mois maintenant, la colère et l'exaspération des professionnels gagnent en intensité aux quatre coins de la France, notamment à Alès, dans ma circonscription, où les personnels, les médecins, les usagers mobilisés protestent contre le manque de moyens et d'effectifs, conséquence directe de l'insuffisance des budgets. Ils faut donc des moyens financiers immédiats pour répondre aux besoins.

Un collectif budgétaire devrait, selon nous, être mis en place dès maintenant. Mais au-delà de ces déblocages d'urgence, il nous faut entendre ce que nous disent les personnels, qui dénoncent unanimement le manque de moyens.

Lors du débat sur le financement de la sécurité sociale, le groupe communiste a fait des propositions, qui sont toujours valables, telles que, par exemple, la création d'un prélèvement sur les revenus de placements des entreprises ou la réforme de la cotisation employeur, modulée en fonction de la politique de l'emploi et des salaires de l'entreprise.

D'autres mesures pourraient être prises rapidement pour donner une bouffée d'oxygène aux hôpitaux, comme la diminution de la TVA pour les travaux de rénovation et l'octroi de prêts à taux zéro.

M adame la ministre, quelle mesure immédiate c omptez-vous prendre pour mettre en oeuvre les 35 heures, pour répondre aux attentes des personnels hospitaliers qui manifestent leur volonté de pouvoir dispenser des soins de qualité avec les moyens nécessaires ? Les défenseurs de l'hôpital public savent qu'ils n'ont rien à attendre de nos collègues de droite sur cette question. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, groupe Démocratie libérale et I ndépendants.)

Ils attendent néanmoins des mesures c oncrètes pour améliorer les budgets des hôpitaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Puisque vous parlez de la surcharge des hôpitaux, monsieur le député, je veux saisir cette occasion pour rendre un double hommage aux personnels hospitaliers.

Le premier parce qu'ils ont compris que l'hôpital devait évoluer, même s'ils réclament, à juste raison, d'être rassurés sur le devenir de chaque établissement et sur leur avenir propre ; c'est bien l'objet de la méthode que nous allons demander aux agences régionales d'hospitalisation de suivre, et qui commence d'ores et déjà à entrer dans les faits. Rappelons que les schémas régionaux d'organisation de la santé ont été votés dans tous les comités régi onaux d'organisation de la santé, où les personnels hospital iers sont pourtant majoritaires, hormis l'Assistance publique de Paris.

Le deuxième hommage, pour le comportement dont ils ont fait preuve en ce début d'année, où les conséquences des intempéries conjuguées à celles de l'épidémie de grippe, ont effectivement causé bien des surcharges et des difficultés. Notre hôpital public a montré qu'il savait faire face, ce qui n'est pas le cas dans la plupart des pays européens, notamment chez ceux qui ont cassé leur hôpital public. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.)

Tous les personnels, il faut le redire, ont été à leur poste ; certains même sont revenus, au moment des intempéries, avant même qu'on les rappelle, sachant que les Françaises et les Français avaient besoin d'eux.

Mais, je l'ai dit, des problèmes demeurent dans certaines zones géographiques, dans certains établissements, au sein d'une même région, et dans certains secteurs de l'hôpital - les urgences, la psychiatrie, les secteurs de pointe, pour ne prendre que ceux-là.

Nous continuerons à travailler pour une meilleure allocation des ressources ; dans certains domaines, celle-ci doit évoluer, j'en suis totalement consciente. Dès les jours qui viennent, avec Dominique Gillot, j'entendrai les organisations syndicales sur ce sujet. Nous écouterons les demandes et nous les prendrons en compte chaque fois qu'elles seront justifiées par un problème concret. C'est ainsi que nous avons avancé jusqu'à présent ; c'est ainsi que nous continuerons.

Nous avons devant nous le formidable chantier des 35 heures. Il doit permettre à l'hôpital public comme aux entreprises une réorganisation du travail, pour que les malades, les usagers soient mieux soignés... (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ... mais aussi pour que le personnel travaille dans de bonnes conditions.

M. Lucien Degauchy.

Comme à La Poste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme il l'a promis, le Gouvernement apportera des moyens pour accompagner cette grande négociation que nous allons engager avec les organisations syndicales des personnels médicaux et non médicaux.

Après deux ans et demi, pendant lesquels il a fallu engager les changements et mettre en place la politique hospitalière, nous arrivons à l'aube d'une deuxième étape.

Nous l'aborderons avec l'ensemble des personnels, qui,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

j'en suis convaincue, souhaitent tout comme nous que l'hôpital public reste au coeur de notre système de soins.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

MOULINEX

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Roudy.

Mme Yvette Roudy. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, ainsi qu'à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et a u-delà, à M. le Premier ministre. S'y associent l'ensemble des députés socialistes du Calvados.

Il s'agit de ce que j'appelle l'affaire Moulinex. Car je me demande, monsieur le Premier ministre, si, après l'affaire Michelin, nous n'avons pas maintenant une affaire Moulinex.

Depuis plus de quatre ans, les salariés de Moulinex font des efforts considérables pour sauver leur entreprise.

M. François Goulard.

Nationalisez Moulinex ! Mme Yvette Roudy. Or, depuis plus de quatre ans, leurs efforts ne sont ni reconnus ni récompensés. De plans sociaux en plans sociaux - nous en sommes maintenant au troisième -, la Normandie vit au rythme des suppressions d'emplois.

M. Lucien Degauchy. Résultat de la politique socialiste ! Mme Yvette Roudy. Pardonnez-moi de vous déranger, messieurs de l'opposition ! Me permettez-vous de continuer ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La Normandie, disais-je, vit au rythme des suppressions d'emplois et des fermetures de sites annoncés par Pierre Blayau, PDG de Moulinex. Hier, Mamers et A rgentan ; aujourd'hui, Falaise, Caen et Saint-Lô.

En 1996, 2 600 emplois ont été supprimés. D'ici à dixhuit mois, entre 1 500 et 2 000 emplois devraient l'être à nouveau, à en croire les dernières annonces de M. Blayau, ce matin même. Il y a quatre ans, Moulinex comptait plus de 8 000 emplois. Il n'y en aura bientôt plus que 4 500.

M. Lucien Degauchy. Avec les 35 heures, ce n'est pas fini ! Mme Yvette Roudy. Monsieur le Premier ministre, si un élu avait la responsabilité de l'entreprise Moulinex, il ne survivrait sûrement pas à un tel désastre humain et social.

M. Pierre Lellouche. Il ne survivrait pas non plus aux 35 heures ! Mme Yvette Roudy. Suivant une implacable logique libérale que je croyais d'un autre temps, des productions, des métiers, des savoir-faire entiers quitteront la France pour être transférés à l'étranger, où l'on se préoccup e peu de droits sociaux. Ainsi, les fours à micro-ondes seront fabriqués en Chine ou au Brésil, les aspirateurs en Pologne, les fers à repasser au Mexique. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pierre Blayau, PDG de Moulinex, vient d'annoncer qu'il n'y aura pas de licenciements secs. Il s'engage sur la reconversion des salariés et l'implantation de nouvelles entreprises là où des sites seront supprimés - je pense à F alaise. Quelles assurances pouvons-nous avoir (« Aucune ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe communiste)...

M. Patrice Carvalho. Moratoire !

Mme Yvette Roudy.

... quand on sait que, sur les 1 600 emplois promis par le même Pierre Blayau il y a trois ans, dans le cadre d'un premier plan de réindustrialisation, seuls 747 ont été créés, dont 7 % seulement sont revenus à des ex-employés de Moulinex ? Au moment où l'on nous annonce une reprise économique, de tels comportements sont-ils acceptables ? Plusieurs députés du groupe communiste. Non ! Mme Yvette Roudy. Je demande aux pouvoirs publics, dont M. Blayau a certainement besoin de temps en temps, de faire preuve de la plus grande vigilance sur l'évolution de cette affaire. Et je demande la mise en place d'un plan de réindustrialisation sur l'ensemble de la B asse-Normandie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

En effet, madame la députée, malgré un plan de redressement très durement ressenti par des milliers de salariés depuis plusieurs années, Moulinex ne parvient pas à sortir de ses difficultés.

Plusieurs députés du groupe Radical, Citoyen et Vert.

Et ses actionnaires ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Son chiffre d'affaires a diminué de 9 % au cours du dernier exercice et les pertes atteignent 213 millions au premier semestre.

Cela est dû aux délocalisations que vous avez évoquées, à une politique de guerre de prix menée dans le monde entier...

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est pas ça !

M. Richard Cazenave.

Et les 35 heures ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et qui suppose que nous nous attaquions à cette question avec une grande détermination. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je veux d'ailleurs saluer, tout comme vous, les efforts des salariés soumis à ce régime depuis plusieurs années, ainsi que l'action déterminée et responsable des organisations syndicales.

Le président de Moulinex a annoncé plusieurs orientations stratégiques : partenariat pour certaines de ses productions, notamment celles de fours à micro-ondes et d'aspirateurs dans le Calvados - Moulinex semble envisager, j'y reviendrai, une reconversion de ces établissements ; filialisation de certaines activités moteurs et composants à Saint-Lô et à Carpiquet - je souhaite clairement que Moulinex et son nouveau partenaire étudient la possibilité pour ces usines de fabriquer pour des tiers et pas uniquement pour elles-mêmes ; réorganisation enfin pour les autres produits, qui pourrait conduire au ren-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

forcement du pôle industriel d'Alençon dans l'Orne, et développement du coeur de l'activité, appareils de cuisine et soins de la personne.

Les conséquences industrielles et sociales ne sont pas encore totalement cernées. Elles préoccupent, soyez-en assurés, le Gouvernement autant que la représentation nationale. Nous demandons à Moulinex de prendre toutes les dispositions pour limiter l'impact de sa stratégie sur l'outil industriel français. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comment faire ?

M. Pierre Lequiller.

Passer aux 35 heures !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pour commencer, nous devons scrupuleusement veiller à ce que la promesse faite par les dirigeants de l'entreprise, ce matin encore, de ne procéder à aucun licenciement sec soit strictement tenue. Avec ma collègue Martine Aubry, nous exigerons de l'entreprise qu'elle tienne cet engagement. L'entreprise Moulinex a déjà largement exploité avec un plan de Robien les possibilité d'aménager et de réduire le temps de travail. Mais elle doit maintenant tout faire afin que la progression vers les 35 heures puisse, en partie tout au moins, apporter la solution pour la main-d'oeuvre indirecte. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lequiller.

Trente-deux heures ! N'hésitons pas !

M. Philippe Briand.

A 32, on stabilise et à 30, on embauche !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Sur la réindustrialisation à venir dans les sites concernés, je vous rejoins.

Nous exigeons de l'entreprise qu'elle assume sa part de responsabilités. Il convient d'abord de susciter la création de nouveaux emplois industriels. Vous avez eu raison d'indiquer que ce qui avait été annoncé voilà trois ans n'a pas encore été totalement réalisé.

Nous tenons également à ce que la mesure soit étalée dans le temps, afin de permettre la création effective d'emplois de substitution suffisamment à l'avance. Au vu de leur localisation définitive, et lorsque nous connaîtrons la totalité du plan et des suppressions d'emplois et que nous pourrons apprécier l'intensité des efforts fournis par l'entreprise, les pouvoirs publics pourront, comme c'est normal, les accompagner dans le respect des règles d'intervention prévues en la matière.

M. Pierre Lellouche.

Et comme d'habitude, le contribuable paiera !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous interviendrons dans trois directions, pour aider l'entreprise à trouver de nouveaux produits pertinents grâce à l'innovation, pour localiser de nouveaux projets industriels.

M. Thierry Mariani.

Baratin !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et pour encourager de nouveaux investissements créateurs d'emplois.

Enfin, si besoin est, nous aiderons à la mise en place d'une société de conversion. Nous en étudions la possibilité,...

L'Etat est, vous le voyez, solidaire des territoires et des salariés concernés.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En concertation avec tous les élus concernés, dont vous venez de rappeler la détermination, nous entendons continuer à avancer dans la bonne direction afin de préserver au mieux l'emploi, tout comme l'intérêt à long terme de ces territoires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

En attendant, ce sont 1 500 emplois en moins ! C'est nul ! RE

FORMES DE L'E

DUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, deux de mes collègues ont déjà posé une question sur les violences à l'école, se faisant l'écho, c'est bien compréhensible, de l'inquiétude des parents devant des faits inacceptables mais heureusement minoritaires.

Au-delà, ces événements mettent en évidence, me semble-t-il, la nécessité de réformes en profondeur allant au-delà de mesures, certes nécessaires, mais ponctuelles.

La déconcentration que vous et nous avons mise en place, et particulièrement lors de la dernière rentrée scolaire, a permis de rapprocher les enseignants de leur administration. Nous nous en félicitons.

M. Yves Nicolin.

Ils ne s'en sont pas rendu compte !

M. Yves Durand.

Le problème est maintenant de faire des établissements scolaires une vraie communauté éducative où l'on apprennne aussi les règles élémentaires de la vie en société et de la citoyenneté. La présence accrue d'adultes dans les collègues et les lycées est certes nécessaire ; c'est, grâce au budget que nous avons voté, en partie acquis. Mais cela ne suffit pas.

Ne pensez-vous pas qu'il est urgent de moderniser la gestion des personnels enseignants, dans le même esprit que celui a présidé à la déconcentration, afin de permettre le maintien des enseignants les plus chevronnés dans les établissements les plus sensibles et de créer des équipes éducatives solides, parce que durables ? Ne serait-il pas utile de mettre enfin en place de véritables services de ressources humaines au sein de l'éducation nationale ? Enfin, monsieur le ministre, qu'il me soit permis de témoigner au nom du groupe socialiste, notre entière solidarité et notre soutien à l'ensemble des personnels de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, d ela recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député,...

M. Yves Nicolin.

Tout va bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... je crois, comme vous, que la déconcentration des personnels et de la gestion dans l'éducation nationale est au coeur des solutions à long terme. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Lellouche.

Ah ! Le long terme, c'est important !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Nous avons engagé, vous le savez, la déconcentration du personnel par la création des bassins d'éducation, prévus dans la loi d'orientation, mais qui n'avaient encore pu être mis en place.

La déconcentration de la gestion des personnels que vous évoquez pose effectivement un problème dans la mesure où, dans certaines régions et dans certains établissements, la rotation des personnels atteint un tel rythme qu'il est impossible de maintenir des équipes éducatives. Bien souvent, les difficultés que nous rencontrons sont dues à cette rotation excessivement rapide.

Je crois, pour ma part, que nous devons rester attachés à un grand service national et, par voie de conséquence, au principe de l'égalité des chances dans les concours de recrutement. Mais il me semble possible d'étudier la mise en place des concours de recrutement nationaux à gestion déconcentrée, qui permettraient à toutes les académies de bénéficier de personnels de qualité stables pendant une longue durée. Beaucoup de régions le réclament.

Vous avez parlé de gestion des ressources humaines. Je suis heureux de vous annoncer, monsieur le député, que le premier séminaire de gestion de ressources humaines se tiendra dans quinze jours. Il réunira des responsables académiques et de bassin, avec la participation des directeurs de ressources humaines de tous les grands groupes publics et privés qui viendront aider à la mise en place de cet outil qui, effectivement, est devenu une nécessité. Tout comme vous, je suis persuadé que la modernisation de notre service public, auquel nous sommes tous très attachés, est la meilleure garantie de son efficacité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Fuchs.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, la deuxième loi sur les 35 heures, promulguée le 20 janvier, va entrer en vigueur le 1er février, c'est-à-dire dans moins d'une semaine. La réduction du temps de travail a déjà permis dans notre pays de créer ou de sauvegarder plus de 156 000 emplois (Protestations sur les bancs du groupe du rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste), dont plus de 2 100 dans mon seul département, messieurs de l'opposition ! Les salariés des entreprises concernées qui vous écoutent doivent se demander ce que, de vôtre côté, vous faites pour l'emploi ! Alors que des négociations sont engagées partout ou presque,...

M. Pierre Lellouche.

A la SNCF !

M. Gérard Fuchs.

... qui revitalisent un dialogue social bien nécessaire dans notre pays, il existe malheureusement un secteur où les salariés s'interrogent, un secteur où les directions ne répondent pas : celui des caisses de sécurité sociale (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), pourtant fort de plus de 180 000 salariés.

Il est vrai que l'organisme qui devrait piloter les négociations est présidé par un représentant du patronat, qui ne fait peut-être pas de la réduction du temps de travail sa première priorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Le silence assourdissant qui tient pour l'instant lieu de dialogue doit-il être considéré comme le premier mouvement d'un MEDEF en train de se retirer d'un paritarisme qui pourtant a apporté à nos concitoyens beaucoup de progrès social ?

M. Bernard Accoyer.

La faute à qui ?

M. Gérard Fuchs.

Ou ce silence traduit-il seulement l'attente de je ne sais quelle refondation qui viserait à inscrire le dialogue social dans notre Constitution, au risque de la fossiliser ? Madame la ministre, pouvez-vous donner à la représentation nationale votre sentiment sur les chances d'une négociation ? La sécurité sociale n'appartient pas au patronat. La loi doit s'y appliquer comme partout ailleurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Pouvez-vous surtout, à l'adresse des personnels des caisses qui travaillent quotidiennement pour tous les Français, nous faire savoir s'il existe une perspective d'ouverture pour un dialogue favorable aux conditions de vie, aux conditions de travail, à l'emploi, et plus généralement au service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, la réponse à votre question est oui. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'entends vous faire part de mon sentiment sur la réduction de la durée du travail dans les organismes de sécurité sociale.

Dans ces organismes comme dans les entreprises, la réduction de la durée du travail doit être l'occasion de mieux servir les usagers,...

M. Lucien Degauchy.

Travailler moins et faire plus !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et nous connaissons les problèmes qui se posent dans certaines caisses primaires d'assurance maladie ou caisses d'allocations familiales, mais aussi d'améliorer les conditions de travail des agents.

Dès l'été 1998, j'avais demandé au président de l'UCANSS - organisme géré, comme vous le savez, par les partenaires sociaux - d'engager la négociation sur la durée du travail. Il avait négocié et était parvenu à un projet d'accord. Malheureusement, ne se sentant pas suivi par son organisation, le MEDEF, il avait démissionné. Et de mars à septembre 1999, malgré de nombreux rappels de ma part, le MEDEF ne l'avait pas remplacé. Le nouveau président, M. Boisson, est enfin arrivé fin 1999 ; dès le 10 janvier, je lui ai écrit pour lui demander de réengager la négociation sur la durée du travail. Les discussions ont commencé. Je ne souhaite pas m'immiscer dans le paritarisme ni dans le dialogue entre les partenaires sociaux, mais je crois que ce sera effectivement pour le MEDEF l'occasion de montrer, là comme ailleurs, sa volonté de rénovation dans le domaine social comme dans celui des relations dans le cadre du paritarisme. J'attends maintenant avec sérénité, mais également avec autant d'impatience que vous, le résultat des négociations à l'UCANSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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SÉCURITÉ DES BATEAUX DE PÊCHE

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La Basse-Normandie connaît, on vient de l'évoquer, un drame particulier avec Moulinex. L'ensemble des élus de Basse-Normandie seront très attentifs à la réponse de l'Etat.

Mais c'est d'un autre drame dont je voudrais vous parler et surtout inviter à tirer les enseignements. La sécurité en mer ne concerne pas seulement les pétroliers, mais aussi l'ensemble des acteurs de la mer, y compris et surtout les plus vulnérables.

Nous avons, ce week-end, déploré un naufrage dans lequel quatre hommes ont péri, qui viennent s'ajouter à une liste déjà trop longue.

Quelles que soient les causes de cet accident, monsieur le ministre, les conditions de pêche deviennent, vous le savez, de plus en plus contraignantes et de plus en plus difficiles, précisément en baie de Seine où les lieux de pêche sont de plus en plus éloignés et où, parallèlement, se développent des trafics maritimes concurrents, parfois contradictoires, qui viennent encore accroître la dangerosité.

Il n'est plus question d'accepter cette situation. Or de trop nombreuses régions de France, dont la nôtre, ne disposent pas de suffisamment de droits à construire pour assurer le renouvellement de la flottille de pêche.

Je n'ignore pas les contraintes européennes, mais je voudrais connaître aujourd'hui vos intentions et l'orientation que vous souhaitez donner à votre politique, notamment dans le cadre de la présidence française du Conseil européen, afin de consolider la flottille de pêche en privilégiant la sécurité bien sûr, mais aussi pour favoriser le développement économique de cette activité.

Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à laisser plus de place à la subsidiarité dans la gestion des PME ? Par ailleurs, dans l'intérêt des pêcheurs eux-mêmes et de cette activité fort importante pour l'économie de nos régions mais aussi de l'ensemble du territoire, pouvonsnous envisager d'aller plus loin pour assurer la sécurité en développant les systèmes d'alerte et les moyens de survie, afin d'éviter que de tels accidents ne deviennent une fatalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Effectivement, madame la députée, la pêche française a connu ce week-end un nouveau drame, puisque le Cambronne , coquillier de Honfleur, qui avait appareillé vendredi 22 janvier pour une marée à la coquille de vingtquatre heures, a été porté disparu, samedi matin, par une alerte de l'armateur.

Un dispositif aérien et naval très important a aussitôt été mis en place. Malheureusement, les recherches sont restées vaines et nous devons déplorer quatre disparus.

L'enquête pour rechercher les causes de cette tragédie est en cours. Sans préjuger de ses résultats, et compte tenu de la dangerosité des métiers de la mer, je peux vous assurer que la sécurité des gens de mer est une préoccupation permanente de ce Gouvernement, en particulier de mon collègue Jean-Claude Gayssot dont, évidemment, je soutiens les propositions récentes : doublement du nombre des contrôles, augmentation du dispositif de surveillance, accent mis sur la sécurité dans la formation des marins, actions pédagogiques, notamment à destination des marins-pêcheurs pour qu'ils portent des vêtements de sécurité, ce qui est très difficile à faire passer dans les faits.

Vous avez raison, la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de cette année va nous permettre de faire valoir un certain nombre de ces propositions, touchant, bien entendu, le transport des matières dangereuses mais aussi, je tiens à le dire devant la représentation nationale, les activités de pêche.

Pour ce qui est de la subsidiarité, la pêche à la coquille Saint-Jacques, justement, en bénéficie puisque sa gestion est réalisée au niveau local par les comités régionaux des pêches.

Par ailleurs, les navires sont autorisés à pêcher en mer à des distances variables selon différentes catégories, en fonction de leur navigation et des normes de sécurité précisées par la réglementation nationale et internationale. Le Cambronne était un navire de troisième catégorie, c'est-àdire autorisé à pêcher dans les vingt milles. Il n'était donc pas soumis à la pression que vous décriviez, qui pousse les équipages à aller pêcher toujours de plus en plus loin.

En l'occurrence, le non-respect du principe de subsidiarité n'est pour rien dans cette tragédie. Néanmoins, je peux vous assurer que le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour tirer les leçons de ce drame. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Raymond Forni.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 ÉGAL ACCÈS AUX MANDATS ÉLECTORAUX Discussion d'un projet de loi, après déclaration d'urgence, et d'un projet de loi organique

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion : après déclaration d'urgence, du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;


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et du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Le rapport de la commission des lois porte également sur : la proposition de loi organique, no 1837, de Mme Marie-Jo Zimmermann tendant à instaurer une véritable parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique ; la proposition de loi, no 1268, de M. Pierre Albertini et plusieurs de ses collègues tendant à modifier la loi no 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et visant à assurer une représentation équilibrée des femmes en politique ; la proposition de loi, no 1761, de M. Michel Hunault visant à établir la parité dans les scrutins municipaux ; la proposition de loi, no 1850, de Mme Marie-Jo Zimmermann tendant à instaurer une véritable parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique ; la proposition de loi, no 1895, de M. Léonce Deprez et plusieurs de ses collègues tendant à rendre effectif le principe de parité entre hommes et femmes dans les communes de plus de 2001 habitants.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il y a cinquante-cinq ans, les Françaises obtenaient enfin le droit de vote. Un demi-siècle plus tard, leur place dans les lieux de pouvoir et de prise de décision demeure pourtant toujours aussi faible. Alors que les femmes représentent 53 % du corps électoral et 44 % de la population active, elles ne comptent que pour 10 % des députés, 6 % des sénateurs, 8 % des maires, 6 % des conseill ers généraux. Cette sous-représentation démontre combien le principe d'égalité formelle, reconnu par le préambule de la Constitution, ne parvient pas à s'ancrer dans la réalité.

Le fait que la répartition des rôles entre les hommes, investis dans la sphère publique, et les femmes tenues à la sphère privée ait été longtemps considéré comme faisant partie de l'ordre naturel des choses explique très largement sans doute cette situation. Le poids de l'histoire, de l'idéologie, de la culture, les inégalités persistantes dans le domaine économique et social, le rapport des hommes au pouvoir, constituent autant de freins et d'obstacles placés sur la route des citoyennes.

Parmi les nombreuses raisons qui expliquent une certaine incompréhension des citoyens à l'égard des assemblées représentatives, figure certainement ce fait simple : les instances élues ne sont pas suffisamment à l'image des populations qu'elles représentent.

Des distorsions sociales existent : des catégories professionnelles, des tranches de population sont mal ou pas du tout représentées. Mais le faible nombre de femmes frappe d'abord le regard.

Ce déficit dans la représentation s'ajoute à une crise réelle de la démocratie dans des sociétés et des nations soumises à la mondialisation par le marché. Si la politique n'a pas bonne cote, si la démocratie connaît des difficultés, c'est aussi parce que la mondialisation libérale aboutit à mettre hors de portée du suffrage universel les décisions importantes, comme par l'effet d'un dessein méthodique. Les responsables politiques, les élus, ont de moins en moins prise sur le réel.

Si les responsables politiques sont l'objet d'un certain discrédit, qu'il ne faut d'ailleurs pas surévaluer - il ne faut pas tomber dans une sorte de masochisme - ce n'est pas tant pour le pouvoir qu'ils exercent que pour les pouvoirs qu'on leur reproche de ne plus exercer, de ne plus pouvoir exercer parce que les leviers leur ont échappé au profit des marchés, principalement, ou d'instances échappant au contrôle du suffrage universel.

Pour combattre cet état de choses, il nous faut d'abord veiller à conserver la maîtrise des grandes décisions. C'est la première exigence, celle de la citoyenneté, qui implique le contrôle populaire.

Mais il nous faut aussi agir énergiquement pour que la représentation politique soit effective et ne se laisse pas caricaturer. Des assemblées où, par la force des choses ou les habitudes, les femmes sont quasiment absentes ne peuvent pas constituer les points d'ancrage dans lesquels une nation se reconnaît pour imposer la voix des peuples contre la voix des marchés.

Il faut savoir réformer à temps les pratiques ou les institutions, non pas seulement pour redorer leur blason, mais principalement parce que les outils dont dispose la volonté populaire dans une démocratie ne doivent pas se laisser émousser.

C'est le sens profond des réformes visant à la modernisation de la vie politique dont vous êtes saisis, qu'il s'agisse de la parité, de la réforme du scrutin sénatorial ou de la limitation du cumul des mandats.

La réforme constitutionnelle du 28 juin 1999 a permis de lever le verrou qui était jusqu'alors posé par le Conseil constitutionnel à toute mesure visant à favoriser les candidatures féminines aux différentes élections. Je veux évoquer ici la tentative de l'Assemblée nationale en 1982, à l'initiative de Gisèle Halimi, d'instaurer un quota de 25 % de femmes pour la constitution des listes, tentative qui s'était heurtée - peut-être certains et certaines sur ces bancs s'en souviennent-ils - à l'interprétation donnée à notre Constitution par le Conseil constitutionnel.

Très vite après que le Congrès a adopté la réforme assignant à la loi le devoir de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats et confiant aux partis politiques la mission d'y contribuer, le conseil des ministres, a adopté, le 8 décembre 1999 deux projets de loi, l'un ordinaire, l'autre organique, permettant d'instaurer le principe de parité dans notre droit électoral.

Désormais, si le Parlement l'accepte, la parité sera instaurée dans tous les scrutins de liste qui la permettent.

Le Gouvernement a d'abord fait le choix de la parité.

Au lieu des quotas, dispositif peu plaisant, né généralement du souci de protéger les minorités, la parité se fonde sur un principe incontestable : l'humanité est faite d'hommes et de femmes, qui ne sont pas des êtres identiques mais qui concourent ensemble et complémentairement à la pérennité de l'espèce humaine. Il leur appartient donc de concourir ensemble et complémentairement à la conduite des affaires de la cité. Les assemblées représentatives doivent être composées à parts égales d'hommes et de femmes.

C'est là une considération qui permet de trancher le débat mal posé à propos de l'universalisme qu'on voit quelquefois fleurir dans les colonnes de la presse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Certains adversaires de la parité objectent que réserver une place particulière aux femmes serait prendre le chemin d'une représentation obligatoire des minorités. Mais les femmes ne sont pas une minorité. C'est ignorer le fait que les hommes et les femmes ne sont pas des catégories.

La parité traverse toutes les catégories, qu'elles soient politiques, sociales, d'origine, de confession, de croyances.

La réalité que nous observons, le triste constat que nous faisons encore aujourd'hui, la sous-représentation des femmes, sont un défi jeté à l'universalisme républicain véritable qui ne peut rester un universalisme abstrait.

Mme Christine Boutin.

Vous n'y croyez pas vousmême !

M. le ministre de l'intérieur.

La parité est le seul moyen de relever ce défi, en restant fidèle au principe d'égalité.

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas possible !

M. le ministre de l'intérieur.

Voilà pourquoi, et sous l'impulsion du Premier ministre, le Gouvernement a choisi de déposer un texte fondé sur la parité 50-50 et non pas sur les quotas.

En second lieu, le principe de parité est proposé pour tous les scrutins qui l'autorisent.

Ces deux projets de loi ne comportent naturellement aucun changement de mode de scrutin, conformément à l'engagement du Premier ministre, mais, partout où la parité peut être mise en oeuvre, elle le sera, et cela dès le prochain renouvellement des assemblées concernées.

Dès mars 2001, pour les élections municipales, l'écart sur les listes entre le nombre des candidats de chaque sexe ne pourra être supérieur à un. Le projet qui vous est soumis inscrit cette règle pour les communes de plus de 3 500 habitants afin de ne modifier en rien les modes de scrutin.

Dès septembre 2001, cette règle vaudra pour les élections sénatoriales à la proportionnelle. Je rappelle qu'aujourd'hui la proportionnelle prévaut dans les départements comptant cinq sièges au moins et, demain, aux termes du projet de loi en cours d'examen, et si vous le voulez, elle prévaudra dans les départements comptant trois sièges de sénateurs au moins. Les listes devront être établies selon le même principe de parité et en fonction de la même règle.

Dès 2004, la règle s'appliquera aux élections régionales.

Les listes devront, de la même manière, compter autant de candidates que de candidats, à un chiffre près.

Dès juin 2004, enfin, pour les élections européennes, les listes devront être constituées selon le principe de parité.

Dans tous ces scrutins, le Gouvernement vous propose d'instaurer la parité par une seule et même formule que je répète : l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

M. Michel Hunault.

Et à quelle place seront les femmes ?

Mme Christine Boutin.

Et les présidentielles ? Et les cantonales ?

M. le ministre de l'intérieur.

Si vous m'aviez bien écouté, madame Boutin, vous auriez entendu que la parité ne s'applique qu'aux scrutins qui l'autorisent.

La formule d'alternance obligatoire candidat-candidate sur la liste n'a pas été retenue, chacun convenant de la nécessité d'une certaine souplesse, spécialement lors des fusions de listes au second tour.

J'ajoute qu'ayant choisi la parité 50-50 et la mise en oeuvre dès 2001, le Gouvernement n'a pas souhaité inscrire de contraintes supplémentaires. Il a préféré la simplicité et la souplesse dans l'application. Il appartient naturellement au Parlement d'apprécier s'il est possible ets ouhaitable de mettre en place un dispositif plus complexe.

La crainte parfois émise de voir les formations politiques placer délibérément toutes les candidates en fin de liste me paraît surestimée. Une telle pratique serait évidemment sanctionnée sévèrement par le corps électoral, qui comprend tout de même, faut-il le rappeler, 53 % de femmes. Mais il appartient à l'Assemblée d'apprécier si une mesure imposant la parité par tranche de six candidats, comme vous le propose la commission des lois pour les scrutins à deux tours, est utile.

La parité est une véritable révolution culturelle.

Mme Christine Boutin.

Ça, c'est vrai !

M. le ministre de l'intérieur.

Or aucune révolution ne peut réussir sans un minimum de pragmatisme. Chacun doit donc anticiper sur les conditions de son application.

S'agissant des communes de moins de 3 500 habitants, le mode de scrutin autorise aujourd'hui le panachage, n'exige pas le dépôt de liste dans les petites communes, autorise les listes incomplètes, ou les candidatures individuelles, et, surtout, n'exige pas l'enregistrement des listes en préfecture. Or le contrôle est, vous le savez, la clé de l'effectivité. Une parité de principe, sans moyen d'en contrôler la réalité, tromperait nos concitoyens. Ainsi, dans le dispositif proposé par le Gouvernement pour les communes de plus de 3 500 habitants, l'enregistrement d'une liste qui ne serait pas paritaire serait purement et simplement refusé par le préfet. Cependant, il n'est pas matériellement possible d'étendre cette règle à toutes les communes de moins de 3 500 habitants, car le contrôle nécessaire devrait porter alors sur plus d'un million de candidats.

Des dispositions peuvent être envisagées pour les communes de plus de 2 500 habitants. Le Gouvernement, je le répète, n'a pas voulu toucher le mode de scrutin et il appartient évidemment à la représentation nationale de se déterminer. Une déclaration des listes en préfecture peut être rendue obligatoire, sans changer le mode de scrutin, en permettant alors l'instauration de la parité dans les communes de plus de 2 500 habitants...

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

2 000 !

M. le ministre de l'intérieur.

... ou 2 000 si l'Assemblée le décide. Il s'agit de reprendre les strates auxquelles nous avons l'habitude de nous référer.

Mme Christine Boutin.

Tout cela manque d'enthousiasme !

M. le ministre de l'intérieur.

Le projet a été rédigé en conformité avec un certain nombre de directives qui ont été données. Il s'agira d'éviter de grossir toute difficulté qui pourrait se présenter, d'éviter toute fausse polémique, tout procès d'intention. Si la représentation nationale manifeste un consentement large, chevauchant les frontières des groupes, comme j'ai cru l'observer en suivant les débats au sein de la commission des lois, le Gouvernement, naturellement, ne s'y opposera pas, tout en appelant votre vigilante attention, comme je l'ai déjà fait, sur les conditions de mise en oeuvre, parce que vous aurez, dès l'année prochaine, à mettre en oeuvre cette loi au moment des élections municipales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Les élections cantonales, en raison du mode de scrutin uninominal et de l'inexistence du dispositif de compte de campagne et de remboursement des dépenses électorales pour les cantons de moins de 9 000 habitants, n'ont pu être concernées.

Nous avons voulu un projet clair qui s'énonce simplement, en treize articles pour la loi ordinaire, et qui s'applique sur tout le territoire de la République, y compris outre-mer. Cette simplicité est un grand atout pour la réussite concrète du projet, qu'il va falloir expliquer simplement.

Ce sera une novation majeure de notre vie politique, un encouragement au renouvellement des équipes, un véritable saut qualitatif, un encouragement à la promotion de nouvelles venues dans la vie politique, et, naturellement, l'occasion de renouveler la représentation politique dans notre pays.

Comme nous vivons dans une période de paix prolongée, ce dont il faut se féliciter, il n'est pas mauvais que la représentation nationale organise elle-même, non pas des mutations brusques, mais quelques sauts qualitatifs de l'espèce que je viens de mentionner.

Mme Christine Boutin.

C'est très gentil pour nous ! Merci !

M. le ministre de l'intérieur.

La parité sera vraiment un c ourant d'air vif dans nos institutions, j'en suis convaincu. Il faut en attendre de profonds changements, un renouvellement de nos élites politiques, des élus, une accélération de la féminisation dans tous les autres secteurs de la société.

S'agissant maintenant des élections législatives, sans modifier en rien le mode de scrutin, c'est un mécanisme de modulation financière qui a été retenu à l'encontre des partis qui ne présentent pas autant de femmes que d'hommes aux élections législatives.

Mme Christine Boutin.

Ça, ce n'est pas mieux !

M. le ministre de l'intérieur.

La pénalisation porte sur la première fraction de l'aide publique aux partis et groupements politiques, celle qui est calculée en fonction du nombre de voix obtenues par les partis présentant au moins cinquante candidats aux élections législatives.

Le dispositif retenu est progressif. Il affecte les partis en fonction de leur écart à l'objectif de parité. La pénalisation commence à partir d'un écart de 2 % entre les hommes et les femmes pour éviter de pénaliser un parti qui approcherait de très près l'objectif, et pour éviter de sanctionner une erreur purement matérielle de rattachement des candidats.

Les partis peuvent donc se voir retirer de 1 à 50 % de la première fraction des aides publiques. Un parti qui ne présenterait que des hommes, ou que des femmes, perdrait donc la moitié de la première fraction, c'est-à-dire un quart de son aide publique totale.

Mme Christine Boutin.

Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites ?

M. le ministre de l'intérieur.

La révision constitutionnelle assigne, en effet, aux partis et groupements politiques la responsabilité de concourir à l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats.

Ce système de modulation a été préféré à un système d'incitation, car il est toujours préférable de pénaliser ceux qui ne respectent pas la loi plutôt que de verser des primes à ceux qui la respectent.

(« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Deux adaptations relativement mineures ont été retenues pour l'outre-mer. Elles visent à placer les communes de plus de 3 500 habitants en Nouvelle-Calédonie dans la même situation qu'en métropole, et à prévoir un dispositif transitoire à Mayotte, compte tenu de ses caractéristiques particulières, ce qui sera d'ailleurs facilité par l'augm entation prochaine du nombre des conseillers municipaux. Un projet de loi organique, rendu nécessaire pour cette adaptation outre-mer, est donc examiné en même temps que le projet de loi ordinaire.

Le principe de la parité a rencontré un écho favorable, qui transcende les clivages traditionnels,...

M. Michel Hunault.

Il est bon de le rappeler.

M. le ministre de l'intérieur.

... laissant présager un débat public très ouvert, qui n'épousera pas nécessairement les frontières politiques que nous connaissons.

Je m'en réjouis personnellement. Lorsque j'étais parlementaire, en 1994, j'avais avec quelques amis déposé une proposition de loi constitutionnelle et une proposition de loi visant à instaurer la parité, que j'avais préparées avec le concours de Mme Gisèle Halimi. Il s'agit là, de ma part, d'un engagement ancien.

Depuis, le rapport de Mme Tasca en décembre 1998, la création en février 1999 d'une délégation parlementaire aux droits des femmes, qui a établi, sous la plume de Mme Casanova, un rapport très documenté sur les projets de loi, le rapport de Mme Gillot, au nom de l'Observatoire de la parité en septembre dernier, celui, tout récent, de Mme Génisson...

Mme Odette Grzegrzulka.

Le rapport de Mme Boutin sur la parité au Vatican ! (Rires sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de l'intérieur.

... tous ces travaux, toutes ces réflexions ont fait progresser très rapidement l'idée de parité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce qui est en cause, c'est une certaine idée de l'égalité entre les citoyennes et les citoyens, de l'égal accès aux fonctions et mandats. Je suis certain que l'Assemblée nationale et son rapporteur, M. Bernard Roman, contribueront ainsi à ce que la France, fidèle à son inspiration, sache trouver une voie originale et pionnière dans les démocraties.

Le temps paraît venu d'opérer cette correction qui sera, à vrai dire, une petite révolution. Sachons l'accomplir avec la dose utile de pragmatisme que nous devons puiser dans la connaissance des hommes et des choses. Bref, sachons la mener à bien et la conduire au succès.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, c'est un instant de vérité qui nous réunit aujourd'hui, vous, les élus de la nation dans votre pluralité politique, et le Gouvernement, par la voix de Jean-Pierre Chevènement, la mienne, et, vous me permettrez d'ajouter, en présence d'Elisabeth Guigou.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Cet instant de vérité, Jean-Pierre Chevènement vient de le qualifier de moment de révolution culturelle. En tout cas, je crois que ce moment fera date dans la conquête de l'égalité politique entre les femmes et les hommes que M. le Premier ministre souhaite, comme, je le pense, une large majorité de votre Assemblée.

Certains regrettent que nous soyons obligés en France d'utiliser la contrainte législative pour faire bouger les choses,...

M. Arthur Dehaine.

Eh oui ! C'est dommage ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... mais c'est ainsi. Chacun a conscience que l'application de la parité par nos partis politiques est un moyen efficace d'avancer rapidement vers des assemblées plus conformes à ce qu'est la société, car il s'agit bien d'agir pour plus de justice et de démocratie.

On l'a dit et redit, les femmes sont anormalement absentes des lieux de décision et de la vie politique.

Je ne rappellerai que deux chiffres qui concernent directement notre discussion : 7,6 % d'entre elles seulement sont maires de leurs communes, et les lois sont votées par 90 % d'hommes. Ce n'est plus accepté globalement par l'opinion. Les femmes et les hommes de notre pays ne se reconnaissent pas suffisamment dans notre société politique, qu'ils souhaitent voir modernisée, rénovée, féminisée.

Ce projet de loi sur la parité vient en débat devant l'Assemblée nationale après avoir été porté durant la décennie 1990/2000 par d'autres forces dans notre société et, notamment, par des associations et des personnalités féministes.

Je n'évoquerai que les grandes étapes de cette décennie.

« Au Pouvoir citoyennes ! », ont écrit certaines en 1992.

La même année, un sommet européen discutait du sujet

« Femmes au pouvoir ». Un manifeste de 577 signatures est publié en France en 1993, réclamant une loi organique. Le 18 mai 1998, la charte de Rome lance un appel pour le renouveau de la politique et de la société.

L a conférence de Paris, en avril 1999, intitulée

« Hommes et femmes au pouvoir », réunissait les ministres concernés des quinze pays de l'Union européenne. Ce jour-là, Lionel Jospin a fait adopter une déclaration commune et a présenté un plan d'action pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

La même volonté s'est exprimée tout au long du débat sur la révision constitutionnelle menée avec talent et conviction par Elisabeth Guigou l'an dernier.

Une dynamique s'est créée au sein de la société française : 80 % de nos concitoyens se déclarent favorables à la parité ! Jean-Pierre Chevènement vous a présenté le contenu du texte. Permettez-moi d'insister très brièvement sur trois points de cette réforme.

D'abord, le Premier ministre a fait le choix de la parité, c'est-à-dire celui d'une véritable égalité citoyenne

Cette approche correspond à la philosophie qui a prévalu lors de la révision constitutionnelle : les femmes ne sont pas une catégorie, elles constituent la moitié de l'humanité ; elles doivent pouvoir exercer justement et pleinement leurs droits politiques et civiques.

Certains amendements que vous avez votés en commission des lois, initiés parfois par la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité, tendent à renforcer cet objectif et à demander la parité tout au long de la liste par tranche de six noms pour les municipales et les régionales, c'est-à-dire pour les scrutins proportionnels à deux tours, et une alternance hommes-femmes pour les européennes et les sénatoriales concernées. Vous me permettrez de considérer ces amendements avec sympathie. Je note avec intérêt que l'observatoire de la parité a fait des propositions allant dans le même sens.

Ensuite, le Gouvernement a souhaité que ce projet de loi soit applicable dès les prochaines échéances électorales : 2001, pour les élections municipales et les élections sénatoriales concernées ; 2002, pour les élections législatives ; 2004 pour les élections régionales et européennes.

Enfin, s'agissant des élections législatives, il n'était pas facile de trouver des dispositions qui permettent de traduire l'objectif de parité pour une élection uninominale.

Le levier que le Gouvernement vous propose est celui de la sanction financière.

J'ai tenu à défendre le principe de la pénalité, donc d'un malus et non d'un bonus comme il me l'a été souvent demandé lors des concertations que j'ai menées avec l'ensemble des partis politiques. Quand on brûle un feu rouge, on est sanctionné ; quand on le respecte, on n'est pas récompensé. Personne ne peut accepter, me semble-t-il, une « prime à la femme », ce ne serait pas digne de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le premier grand enjeu concerne la rénovation de notre démocratie. Une arrivée plus massive des femmes dans la vie politique et publique, conjuguée à la limitation du cumul des mandats, élargira l'accès de nos concitoyens, hommes et femmes, aux mandats et fonctions électives et nous amènera à nouveau à débattre du statut de l'élu.

Cet ensemble de mesures dynamisera notre système politique et représentatif et devra répondre aussi à une autre gestion du temps. A cet égard, permettez-moi de présenter ici une considération d'ordre pratique, mais qui a son importance si nous voulons vraiment que les femmes soient pleinement associées à la vie politique. Il faut savoir que, du nord au sud de l'Europe, l'exigence des femmes engagées dans la vie publique est la même : mieux organiser les rythmes de la vie politique, les horaires et la durée des réunions, et ce pour le plus grand bien de tous.

L'arrivée des femmes en politique permettra l'émergence de sujets trop peu visibles aujourd'hui ou un meilleur traitement de certains, non pas parce que nos différences biologiques auraient forcément des effets sur nos pratiques politiques, mais parce que les hommes et les femmes n'ont pas culturellement, et ce depuis des siècles, le même vécu, les mêmes expériences, les mêmes parcours personnels et professionnels.

Mme Christine Boutin.

Ça, c'est vrai ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Les femmes, nous le savons, sont plus menacées que les hommes par la précarité. Elles sont encore massivement victimes de discriminations en matière de salaires, d'accès à la formation ou d'évolution de carrière, alors qu'elles aspirent à l'égalité professionnelle et que nous savons que la participation des femmes à l'activité économique est un puissant facteur d'amélioration de nos performances.

Jusqu'à présent, ces sujets ont été trop faiblement pris en compte dans nos politiques publiques, en dépit de la loi d'Yvette Roudy en 1983.


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J e pense pouvoir affirmer que la présence de onze femmes au Gouvernement, notamment celle de Martine Aubry en charge de dossiers majeurs comme l'emploi et la solidarité, que le nombre significatif de femmes dans certains groupes de l'Assemblée et que la création de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité ne sont pas étrangers à l'inscription de la proposition de loi sur les questions d'égalité professionnelle qui sera discutée le 7 mars prochain dans cette assemblée.

M. René Dosière.

Très juste ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

D'autres sujets, comme celui relatif à l'articulation nécessaire entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle et familiale, sujet qui préoccupe beaucoup de jeunes femmes et de couples, pénétreront, je l'espère, plus fortement encore la sphère politique.

Un premier constat des accords conclus dans les entreprises sur la réduction du temps de travail montre que les femmes ont pesé dans les négociations pour y introduire la question de la gestion des temps de vie. Certains sociologues disent déjà que la vie personnelle a fait une

« intrusion » inattendue dans les négociations sur l'organisation du travail et du temps de travail. Cette intrusion doit, évidemment, concerner autant les hommes que les femmes.

Les questions des gardes d'enfants, de l'accueil, de la petite enfance et de la gestion des temps sociaux sont cruciales. Nous devrons les traiter. L'accès équilibré des hommes et des femmes au pouvoir doit démontrer à chacun et à chacune que la modernisation de notre vie politique conduit à l'amélioration de notre vie quotidienne.

Mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais rappeler en conclusion que la parité est un moyen d'atteindre l'égalité, et qu'il est utile d'en faire régulièrement une évaluation.

Je ne sais si je peux déjà reprendre l'affirmation optimiste d'un journaliste qui déclarait, il y a quelques jours :

« La loi salique est morte, qui refusait la dévolution du pouvoir aux femmes depuis tant de siècles. » Avec le

recul, l'histoire jugera la hiérarchie des acquis dans cette marche du XXe siècle vers l'égalité : égal accès à l'éducation et à la formation, droit de vote, maîtrise de la maternité, partage du pouvoir politique.

Dernier pays de l'Union européenne sur ce point, avec la Grèce, nous devenons soudain moteur,...

Mme Yvette Roudy.

Oh, moteur, il ne faut pas exagérer ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

... à quelques mois de la rencontre mondiale de New-York et cinq ans après Pékin, de l'évolution vers l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'exercice des responsabilités politiques.

Mme Christine Boutin.

Oh là là ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je serais heureuse de dire que notre pays a décidé, à une grande majorité, de franchir un pas décisif dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les deux projets.

M. Bernard Roman, rapporteur.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui va marquer, je le pense, l'une des évolutions les plus importantes de l'histoire de notre démocratie.

Depuis l'instauration du droit de vote des femmes, il y a cinquante-six ans...

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Par le général de Gaulle !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Par le général de Gaulle, en effet.

M. Michel Hunault.

Merci de le rappeler !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Et c'est pourquoi les réactions qui ont accueilli certains propos des ministres auraient dû être moins nerveuses.

Mme Yvette Roudy.

Quelles réactions ? Ils sont résignés !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Depuis l'instauration du droit de vote des femmes, il y a cinquante-six ans, une succession de réformes a permis aux femmes d'échapper peu à peu, lentement, aux inégalités juridiques et aux injustices sociales dont elles étaient victimes. Jamais, cependant, ces réformes ne sont parvenues à influer durablement sur la représentation des femmes au sein du monde politique.

Il s'agit donc, je le disais, d'une évolution importante.

En tout cas, ce projet marquera l'histoire de notre démocratie. Et s'il ne constitue pas en soi une véritable révolution, au sens étymologique du terme, il conduira à une révolution culturelle dans la composition de nos instances représentatives.

Les objectifs de cette loi sont en effet audacieux. En fixant d'emblée le principe d'une parité arithmétique dès les prochaines échéances électorales - dans un peu plus d'un an pour les élections municipales de 2001 - nous allons bien au-delà de toutes les propositions, que l'on retrouve parfois dans certains amendements, visant à instaurer des quotas de 30, 35 ou 40 % selon leurs origines.

Il s'agit cette fois d'un système simple et radical, au moins pour les élections au scrutin de listes. Il prévoit une obligation et une sanction.

Une obligation : toutes les listes doivent être paritaires et comporter autant de candidatures féminines que de candidatures masculines.

Une sanction radicale : en cas de non-respect de l'obligation du paritarisme, les listes ne seront pas enregistrées.

Un nouveau visage de la représentation politique va ainsi émerger rapidement. D'ici à un an, deux tiers des Français vivront dans des communes dont les conseils m unicipaux compteront autant de femmes que d'hommes. En 2004, toutes les régions françaises auront des conseils régionaux paritaires. Dans les années qui viennent, les femmes feront une entrée massive non seulement à l'Assemblée nationale, mais surtout au Sénat.

Cet affichage clair des objectifs ne doit cependant pas nous empêcher d'aborder avec nuance et réalisme la question des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à l'égalité. De ce point de vue, ne nous trompons pas de combat. Ne confondons pas la fin et les moyens, les objectifs et leurs modalités de mise en oeuvre.

Notre combat à toutes et à tous, ce n'est ni la parité ni l'alternance systématique. Notre combat, notre objectif, notre finalité, c'est l'égalité et uniquement l'égalité. En


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l'occurrence, l'égalité trop longtemps bafouée entre les femmes et les hommes. La parité est un moyen parmi d'autres de parvenir à cette égalité. Prenons garde de ne pas entretenir la confusion.

Certains qui nous ont fait part de leur conception sur le sujet lors du débat que nous avons eu sur le projet de loi constitutionnel, pensaient d'ailleurs que l'universalisme érigé en moyen était un cadre dans lequel se construirait inéluctablement la véritable égalité. Ils érigeaient un prin cipe en outil d'action, mais ils se coupaient ainsi de toute réalité.

La société française est confrontée à un problème concret : la quasi-confiscation de la chose publique par la moitié masculine de l'humanité. Cet état de fait appelle des solutions efficaces. Or quelle efficacité a donc démontré l'universalisme républicain au cours des deux derniers siècles ? Ce principe essentiel, proclamé par des hommes depuis plus de deux cents ans, n'a pas permis d'instaurer l'égalité dans notre réalité quotidienne. Et à trop vouloir demeurer dans la sphère des principes on finit par en oublier les injustices du quotidien.

L'universalisme républicain est une valeur essentielle, une abstraction magnifique, une formidable hypothèse, une incantation fondatrice. Mais cette belle théorie républicaine reste par principe intemporelle. Elle ignore la réalité, le poids des normes et la force des contraintes sociales.

Parce qu'il faut comprendre le réel pour aller vers l'idéal, nous faisons aujourd'hui ce terrible constat : l'égalité ne se fera pas si la loi ne l'impose pas !

M. René Dosière.

Très juste !

Mme Christine Boutin.

Toujours la contrainte !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Le législateur est là dans son rôle le plus noble, le plus essentiel pour faire vivre notre idéal républicain : il inscrit dans les normes juridiques ce que la norme sociale ne permet pas de garantir.

La loi doit donc disposer d'un certain nombre de moyens pour instaurer l'égalité.

La parité est l'un de ces moyens, et sans doute le plus efficace aujourd'hui. En imposant une stricte égalité mathématique des hommes et des femmes parmi les candidats sur les scrutins de liste, la parité donne en effet sa pleine mesure au principe d'égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Le projet de loi qui nous est soumis par le Gouvernement constitue donc, dans ce long combat pour l'égalité des femmes et des hommes, une avancée décisive.

Un travail important a été mené sur ce texte au sein tant de la commission des lois, dont je veux saluer l'investissement de la présidente, Catherine Tasca, dans ce combat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), que de la délégation parlementaire aux droits des femmes, présidée par Martine Lignières-Cassou (Mêmes mouvements) ou de l'observatoire de la parité, présidé par Catherine Génisson.

(Mêmes mouvements.)

L'ensemble de ce travail a mis en évidence un certain nombre de problèmes soulevés par le texte, ce qui nous amène à formuler une série de propositions destinées à compléter le projet de loi et à renforcer les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif d'égalité.

La parité n'est d'ailleurs pas forcément le seul moyen, ni même parfois le meilleur moyen d'y parvenir. En effet, la nature de chaque mode de scrutin empêche objectivement de leur appliquer une seule et même règle. Car il ne s'agit pas, comme certains l'ont craint, d'adapter les m odes de scrutin à l'exigence égalitaire, mais, au contraire, d'adapter l'exigence égalitaire à la spécificité de chaque scrutin.

M. René Dosière.

Très bien !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Au-delà de l'affichage sans ambiguïté du texte du Gouvernement d'une définition claire de la parité, qui n'ouvre aucune brèche à un débat sur les quotas, nous nous sommes résignés à la quasi-impossibilité d'imposer la parité dans le cadre des élections cantonales.

Mme Christine Boutin.

Nous y voilà !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Nous regrettons cet état de fait, mais le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l'importance du nombre de candidats apolitiques et l'échelle du département pour le choix des investitures rendent inapplicable un dispositif de contraintes ou même d'incitations à l'égalité sexuelle des candidatures.

C'est donc avec regret que nous nous sommes résignés à ne pas amender ce texte sur ce point.

Nous avons cependant souhaité, à la lumière de notre histoire tout simplement, apporter sur l'ensemble des autres modes de scrutin un certain nombre de propositions qui visent à faire en sorte que l'objectif de parité des candidatures ne soit pas dévoyé au niveau du résultat.

C'est ainsi que pour les élections au scrutin de listes proportionnel à un tour - élections européennes, élections sénatoriales dans tous les départements qui élisent aujourd'hui cinq sénateurs et plus, et demain trois sénateurs et plus, lorsque le projet de loi relatif au mode d'élection des sénateurs en cours de navette entre nos deux assemblées aura été voté - nous pensons qu'il faut appliquer l'alternance systématique entre les hommes et les femmes.

Nous avons aussi souhaité proposer une amélioration du texte du Gouvernement sur les deux élections au scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire que constituent les élections municipales et les élections régionales. Nous défendrons un amendement qui conduira, dans le cadre de ces scrutins, à imposer sur chaque liste le respect de la parité par groupe de six candidats.

Cette proposition vise, d'une part, à faire en sorte que l'objectif paritaire ne soit pas dévoyé et, d'autre part, à laisser une certaine souplesse aux formations politiques pour négocier et afficher aux yeux des électeurs leurs a ccords dans le cadre de la constitution de listes communes ou de fusion de listes entre les deux tours.

Pour les élections municipales, le mode de scrutin présente au regard de la parité une difficulté majeure, puisque les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants sont élus au scrutin majoritaire.

Le panachage, l'absence d'obligation quant au dépôt des listes, l'existence de candidatures individuelles, toutes ces caractéristiques propres aux municipalités des petites communes rendent complexes l'instauration de règles précises.

Cette situation réclame, nous le pensons, de nouvelles solutions. Et s'il n'est pas souhaitable de changer les modes de scrutin, il est toujours possible de déplacer le curseur et de jouer sur les seuils afin d'impliquer de nouvelles communes dans le processus paritaire.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Vous jouez sur les mots !

M. René Dosière.

Mais non !


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M. Bernard Roman, rapporteur.

Je joue peut-être sur les mots, mais alors je ne suis pas le seul puisqu'un certain nombre d'amendements émanant tant du RPR que de l'UDF font le même type de proposition.

M. Jean-Luc Warsmann.

Lesquels ?

M. Bernard Roman, rapporteur.

Je pense à des amendements de M. Luca ou de M. Desprez, pour ne point les nommer ! Il me semble qu'ils appartiennent à des formations de l'opposition ! Mme Marie-Thérèse Boisseau et Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas un argument !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Le seuil de 3 500 habitants à partir duquel s'applique aujourd'hui la représentation proportionnelle ne correspond d'ailleurs à aucune réalité ni démographique, ni géographique, ni historique.

Aussi vous proposerai-je, comme l'ont déjà fait certains collègues de tous les groupes politiques, d'abaisser ce seuil à 2 000 habitants. Cela permettra d'associer près de 2 000 communes supplémentaires à cette réforme. Qui oserait s'en plaindre ?

M. René Dosière.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est contraire aux engagements du Premier ministre !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Il reste qu'environ 3 2 000 communes sur 36 000 comptent moins de 2 000 habitants et ne seront donc pas concernées. Mais si nous adoptons cet amendement, ce sont deux tiers des citoyennes et des citoyens français qui auront, dès les prochaines municipales, l'occasion de voter pour des listes paritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Nous nous sommes par ailleurs interrogés sur la place des femmes dans les exécutifs municipaux et au sein des conseils, de plus en plus nombreux et de plus en plus pertinents dans l'organisation du territoire, des intercommunalités.

Nous n'avons, ni pour l'un ni pour l'autre cas, souhaité amender le texte.

Nous pensons - puissions-nous avoir raison ! - que l'arrivée de nombreuses femmes dans les assemblées délibératives conduira de facto les exécutifs à associer un nombre de femmes croissant sinon paritaire.

En ce qui concerne les assemblées intercommunales, l'Observatoire de la parité comme la Délégation aux droits des femmes ont souhaité que nous allions le plus rapidement possible, monsieur le ministre de l'intérieur, vers leur élection au suffrage universel, ce qui me conduit à ne pas résister au plaisir de rappeler la position que j'avais prise, il y a un an, en demandant que nous inscrivions dans la loi sur l'intercommunalité cette élection au suffrage universel.

M. Michel Françaix.

Eh oui !

M. René Dosière.

Hélas ! vous n'avez pas été suivi.

M. Bernard Roman, rapporteur.

Sans doute était-il trop tôt.

Toujours est-il que l'intercommunalité trouve aujourd'hui, grâce à cette loi, un nouvel élan en France.

Je ne doute pas que le législateur fera en sorte que ce nouvel échelon soit légitimé dès les élections municipales de 2007.

Enfin, dans le cas des élections législatives, la parité n'est guère le moyen le plus adapté. C'est pourquoi le projet prévoit d'avoir recours aux sanctions financières destinées à accompagner le mouvement vers une égalité réelle en pénalisant les partis politiques qui ne présenteraient pas autant de candidates que de candidats. Le dispositif prévu est fondé sur une diminution sensible du montant des aides publiques en cas de manquement à l'égalité.

La sanction proposée par le texte est significative. Mais y a-t-il dissuasion sans sanction importante ? Votre rapporteur souhaite que cette disposition soit maintenue en l'état.

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Au total, l'ensemble de ces mesures devrait nous permettre d'aboutir rapidement à des résultats.

Le temps des incantations est révolu. L'action législative nous permet aujourd'hui de mettre en place un dispositif d'accès égalitaire aux mandats électoraux et fonctions électives.

Ce grand pas vers l'égalité est avant tout la conséquence d'une politique courageuse, menée par un gouvernement volontariste.

S'il est en effet des gouvernements et des majorités qui se nourrissent d'effets d'annonce et de perspectives lointaines, il en est d'autres qui ont à coeur de respecter leurs engagements et de les mener à bien, avec détermination, afin que les réformes souhaitées par les citoyens soient mises en oeuvre. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Les deux projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis vont dans ce sens. C'est d'une certaine manière le fait du Gouvernement, de l'ensemble de sa majorité, de la gauche, qui ont décidé d'avancer dans le sens de l'histoire et dans le sens de l'égalité. Puisse ce mouvement être suivi par l'ensemble de la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Casanova, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Mme Odette Casanova, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, dont l'article 1er , modifiant l'article 3 de la Constitution, précise que « la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives », représente le point d'orgue du long combat mené par les femmes pour mettre un terme à l'exclusion dont elles étaient victimes dans la sphère politique.

Ce combat a traversé toutes les sociétés, développées ou non, et l'on peut être légitimement fier que la France, après avoir si longtemps ignoré les femmes, se retrouve aujourd'hui à l'avant-garde.

Il faut saluer ici la volonté politique du Gouvernement qui, soucieux de voir la parité se concrétiser, a pris l'initiative de déposer, dans les plus brefs délais, deux projets de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives qui permettront de mettre en application, dès les prochains scrutins, la réforme constitutionnelle du 8 juillet 1999.

La délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie, à sa demande, de ces deux projets de loi par la commission compétente au fond, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La délégation a procédé, au x


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mois de novembre et décembre 1999, à une série d'auditions de politologues, de philosophes, de juristes et d'élus intéressés par les problèmes de la parité dans la vie politique. Je souhaite ici, au nom de la délégation, remercier tous les intervenants accueillis de la qualité et de la richesse de leur contribution.

Les recommandations de la délégation ont pour objet non d'analyser en détail les dispositifs de ces projets de loi, tâche qui incombe à la commission permanente compétente, mais de dresser un rapide état des lieux et d'examiner les projets de manière critique, car certains dispositifs qui y figurent devraient être renforcés tandis que d'autres, absents, devraient y être insérés ou faire l'objet d'études sérieuses dans un proche avenir.

Dès la première lecture des textes, la délégation a souhaité que la parité s'entende en tant que parité d'élus et non parité de candidatures. Il semble que le Gouvernement accepte de progresser vers la parité d'élus.

La délégation aurait également voulu que la loi traite de la représentation dans les structures intercommunales, d'autant que c'est vers celles-ci que se transfèrent progressivement les pouvoirs. A cet égard, il semble indispensable de se pencher prochainement sur une modification du mode de désignation de ses membres.

Enfin, les grands absents de ces projets de loi sont les exécutifs locaux, à savoir les adjoints et les maires. Le principe de parité y est rendu difficile, pour cause d'élection au scrutin uninominal majoritaire. Nous espérons que l'évolution paritaire à venir des conseils municipaux, après l'adoption des projets de loi, favorisera une présence plus significative des femmes dans les exécutifs locaux.

Dans ses délibérations et recommandations, la délégation a tenu compte d'abord, de l'évidente faiblesse de la présence féminine dans la politique française. Pourtant, depuis 1994, de nombreuses propositions de loi et rapports ont ponctué le chemin vers la parité et, aujourd'hui, 80 % des Français sont favorables à l'alternance femme-homme.

Une déclaration de principe a été adoptée dans laquelle la délégation a voulu affirmer que la parité en politique n'est pas un but mais un moyen, estimant que son application sera un formidable levier qui permettra d'assurer dans tous les domaines de la vie sociale, culturelle et économique, une véritable égalité des chances entre les femmes et les hommes.

En ce sens, la réalisation effective de la parité doit permettre de faire progresser les libertés et la démocratie dans notre pays.

La délégation propose quelques correctifs pour les scrutins de liste et pour les scrutins uninominaux.

Pour les scrutins de liste, la parité de candidatures imposée par la loi ne se traduirait pas forcément, si le texte restait en l'état, par une parité d'élus ; il nous a par conséquent semblé nécessaire d'alourdir la contrainte.

La délégation a souscrit à l'obligation d'alternance femme-homme pour tous les scrutins de liste, européennes, sénatoriales, régionales et municipales, avec tout efois une exception pour les élections municipales de 2001, en raison de leur proximité, dès lors que serait respectée une parité par tranche de six candidats au plus.

On constatera que cette disposition n'a pas été retenue par la commission des lois, qui a trouvé ce dispositif trop contraignant au regard des accords politiques susceptibles d'être passés au deuxième tour des élections.

J'en viens aux corrections portant sur les scrutins uninominaux.

Pour les élections législatives, la délégation s'est inquiétée de ce que la sanction prévue par le projet de loi ne concerne que l'obligation de parité des candidatures et non celle de parité des élus. A cet égard, le projet actuel est en retrait par rapport aux propositions de Dominique Gillot. La délégation a donc proposé une mesure contraignante imposant la parité des candidatures au niveau départemental, s'inspirant en l'occurrence de la proposition de loi déposée en 1994 par Jean-Pierre Chevènement.

La délégation a aussi souhaité que le montant de la sanction, à savoir les crédits issus d'une diminution éventuelle de l'aide publique aux partis politiques, soit affecté à des actions favorisant la parité - on en aura bien besoin.

Enfin, nous avons examiné les élections sénatoriales au scrutin majoritaire, les élections cantonales et les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui n'étaient pas du tout prises en compte dans ces textes.

La délégation, consciente d'aller plus loin que ne le souhaitait le Gouvernement, lequel ne voulait pas changer le mode de scrutin, a nuancé ses remarques et ses recommandations.

Pour les élections cantonales, elle a estimé que des études devaient être menées sur l'opportunité d'une modification de la loi du 11 mars 1988 sur l'aide publique aux partis politiques en y incluant les élections cantonales.

Pour les élections sénatoriales, la délégation a estimé qu'une manière d'augmenter la représentation féminime au Sénat serait d'agir sur l'élection des délégués sénato riaux, qui représentent 95 % de l'ensemble du collège électoral qui désigne les sénateurs, en espérant qu'un collège de délégués sénatoriaux plus féminisé aurait à coeur de voter pour des candidatures féminines et donc d'inciter les états-majors politiques à présenter un plus grand nombre de candidates. La délégation a réfléchi dans le cadre de la loi actuelle. La modification du mode de scrutin aux élections des sénateurs, qui doit être examinée ces jours-ci, permettra d'aller plus loin dans cette revendication.

Quant aux élections municipales, la solution la plus efficace, aujourd'hui, pour les communes de moins de 3 500 habitants, est de modifier le mode de scrutin pour le rendre identique à celui qui est en vigueur dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Enfin, la délégation a jugé indispensable qu'un rapport d'évaluation de la nouvelle législation soit présenté au Parlement, en 2002, puis tous les trois ans, ce rapport comprenant, au-delà de l'étude de l'application de la loi, l'évolution de ses conséquences sur les scrutins qui ne sont pas concernés par la loi, c'est-à-dire les organes délibérants des structures intercommunales et les exécutifs locaux.

En conclusion, je souhaiterais, mes chers collègues, à titre personnel, rendre hommage à l'ensemble du Gouvernement qui, en tenant ses engagements, a provoqué ce que je ne crains pas de considérer comme une accélération de l'histoire et une contribution fondementale à l'avancée des libertés et des droits des femmes. En moins de trois ans, nous avons révisé la Constitution en y insérant le principe de parité et nous avons créé une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Aujourd'hui, nous vivons ensemble la concrétisation de l'égalité politique entre les deux sexes. Ce moment constitue pour


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moi, comme pour beaucoup de femmes et d'hommes, l'aboutissement d'un long combat militant et politique en faveur de la reconnaissance légitime des droits des femmes.

Au Gouvernement et à l'ensemble des membres de la majorité, je veux dire ici combien je suis fière de participer à cet événement historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

(Mme Nicole Catala remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La parole est à Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en juin dernier, c'est-à-dire voici à peine plus de six mois, nous nous sommes réunis à Versailles avec nos collègues sénateurs afin de réviser la Constitution sur deux articles. Nous avons d'abord complété l'article 3 par un alinéa selon lequel la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Nous avons également complété l'article 4 de la Constitution par un alinéa, formulé et voté d'abord par le Sénat, selon lequel les partis politiques contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi.

Cette révision constitutionnelle, que j'ai eu l'honneur de rapporter, a eu le mérite de mobiliser dans un vif débat les milieux politiques, médiatiques, intellectuels et militants. Mais surtout, grâce à ces échanges, elle a permis de mieux faire comprendre l'idée de parité et, ainsi, au-delà de la modification constitutionnelle, de faire progresser cette idée dans l'opinion publique. Désormais, nos concitoyens attendent légitimement les premiers résultats.

Ils ne comprendraient pas qu'ils ne puissent apparaître dès les prochaines élections, donc lors des élections municipales de mars 2001. Là est bien l'objet des projets de loi que nous examinons aujourd'hui.

Après la révision de la Constitution, nous pouvons enfin décliner dans le code électoral l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. En termes simples, nous voici désormais aux travaux pratiques. Et, en vérité, ce sont eux qui compteront. C'est l'application concrète qui sera analysée et pesée par nos concitoyens.

Les projets de loi, tels qu'ils ont été présentés par le Gouvernement, en constituent le cadre. Une stricte égalité des candidatures pour les scrutins de listes y est imposée. Pour les élections législatives, la pénalisation financière à l'encontre des partis ne respectant pas un équilibre entre les candidatures féminines et masculines a été retenue.

Il nous revient désormais de préciser ces dispositifs.

C'est l'objet du travail parlementaire.

Dès à présent, je tiens à remercier le rapporteur, Bernard Roman, pour le sérieux et l'engagement de son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il a d'abord su enrichir sa réflexion des recommandations exprimées par la délégation aux droits des femmes à laquelle il participe et dont je salue les premiers travaux.

Il a ensuite su ne jamais écarter une méthode indispensable au succès de cette réforme, comme de beaucoup d'autres, le pragmatisme.

Je le répète, la parité ne constitue pas à mes yeux une valeur en elle-même, pas plus qu'elle ne constitue une finalité. L'idée de parité est un moyen au service d'une véritable valeur de notre République, l'égalité.

M. René Dosière.

Très juste !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous ne devons pas l'oublier si nous voulons légiférer avec justesse.

Il est donc important d'imaginer une mise en oeuvre de la parité qui, en garantissant de véritables résultats, puisse aussi permettre aux partis d'être responsabilisés en disposant d'une certaine liberté.

Cette liberté n'est pas gratuite, elle a une finalité importante dans notre jeu démocratique : permettre aux partis qui concourent à l'expression des suffrages d'afficher le choix des alliances comme de véritables choix politiques. Parce que cette souplesse ne doit pas pour autant rendre possible le détournement de l'objectif de parité, il me semble tout à fait judicieux de prévoir, comme le proposeront certains amendements, un système d'organisation de l'égalité entre candidatures féminines et masculines par tranche tout au long des listes.

Le débat en commission des lois a été, comme souvent, fort riche et largement consensuel. Il a fait apparaître certaines interrogations quant à la possibilité d'introduire l'objectif paritaire dans les élections cantonales, les élections des exécutifs locaux ou celles des représentants dans les structures intercommunales. Dans ce dernier cas, je crois que la question la plus importante est celle du passage à l'élection au suffrage universel qu'il nous faudra bien envisager dans les années à venir.

M. René Dosière.

Très bien !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Quant aux exécutifs locaux et, dans une certaine mesure, aux élections cantonales, je pense que les soumettre à la parité relèverait d'une logique trop contraignante. Le dispositif proposé par le Gouvernement et tel qu'il pourrait être amendé par le Parlement permettra sans aucun doute, et c'est l'essentiel, d'enclencher très rapidement une dynamique locale forte qui constituera ensuite le plus sûr moyen d'atteindre l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes à l'ensemble des mandats et fonctions.

Je n'oublie pas que l'élaboration de certaines listes paritaires, comme la réservation de nombreuses circonscriptions à des candidatures féminines, se fera parfois difficilement et dans la douleur.

(Sourires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Il faudra, pour chaque désignation, se rappeler la règle de la parité, se rappeler la loi et faire un choix entre hommes et femmes - il n'est jamais facile d'assumer un tel choix.

C'est une formidable occasion qui est offerte à toute la classe politique, aujourd'hui massivement masculine, de montrer qu'elle sait répondre à une attente forte de nos concitoyens. Au-delà, je suis certaine que donner aux femmes la possibilité d'accéder pleinement à la représentation politique aura également un effet d'entraînement dans tous les autres domaines de la vie sociale où il y a encore, malheureusement, tout autant à améliorer.


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Favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives en mettant en oeuvre l'idée de parité, la majorité et le Gouvernement s'y é taient engagés. Dans quelques mois, après cette deuxième phase du travail parlementaire que nous entamons, cet engagement, comme d'autres déjà, aura force de loi.

Soyons-en sûrs, cette loi sera de celles qui font date parce qu'elles sont à l'origine de véritables changements, peut-être plus profonds que nous ne l'imaginons aujourd'hui.

Lors de la révision de la Constitution, je me suis réjouie que des parlementaires siégeant sur différents bancs aient finalement pu partager cet objectif. J'espère qu'il en sera de même lors de cette nouvelle étape. J'espère que très peu d'entre vous céderont à la tentation d'une archaïque opposition systématique,...

Mme Nicole Bricq.

Comme Mme Alliot-Marie !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... qui est à des années-lumière en retard sur l'esprit de la réforme qui vous est proposée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale commune

M me la présidente.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Michel Suchod, premier orateur inscrit.

M. Michel Suchod.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, mes chers collègues, je suis le premier orateur inscrit dans un débat où les deux tiers des orateurs seront des femmes. Cela est tout à fait normal...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il faut bien rattraper le retard ! (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Suchod.

Je voudrais remercier un certain n ombre de mes collègues, Chantal Robin-Rodrigo, Marie-Hélène Aubert et Huguette Bello, qui ont voulu montrer que le groupe Radical, Citoyen et Vert était un groupe républicain qui, dans un débat comme celui-ci, donne également leur place aux hommes.

Mme Yvette Roudy.

Quelle démagogie !

M. Michel Suchod.

Une analyse stricte des textes fondateurs permettrait de soutenir - je vous renvoie à l'article 3 de la Constitution - que la souveraineté nationale appartient au peuple et qu'aucune section du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice. A première vue, ces principes s'opposeraient à toute division en catégories des électeurs ou des éligibles.

M. Jean-Luc Warsmann.

Les femmes ne sont pas une catégorie !

M. Michel Suchod.

C'est du reste ce que toute une série de jurisconsultes et d'hommes politiques éminents, tels que M. Badinter, rappelaient récemment encore.

Je pense néanmoins que le texte que nous allons adopter est un texte très important : il convient de sortir de l'hypocrisie qui a pu jouer contre les femmes comme contre d'autres catégories du peuple - je pense à la classe paysanne ou à la classe ouvrière -...

M. Jean-Luc Warsmann.

Les femmes ne sont pas une catégorie ! M. Michel Suchod ... car les droits reconnus en 1789 ont été compatibles avec une extraordinaire inégalité de fait.

Si l'on examine notre histoire, on constate que les femmes ont joué un rôle majeur - je pense notamment à des résistantes et chacun sait ici, monsieur le ministre, combien Jeanne d'Arc vous est chère.

(Sourires.)

Mais je pense aussi à des femmes conseillères, reines ou penseurs.

Après notre grande révolution, les femmes ont été écartées de la vie politique. Certes, il y a eu de très grandes opposantes, de George Sand à Louise Michel, mais il n'y a pas eu de femmes au pouvoir avant que Léon Blum ne s'en avisât et ne nommât au mois de juin 1936 trois femmes au Gouvernement, alors que, dans l'entre-deuxguerres, le Sénat s'était refusé par six fois à permettre aux femmes d'être électrices ou éligibles. Et nous connaissions encore, dans le siècle que nous venons de quitter,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Les communistes sont toujours là !

M. Michel Suchod.

... le devoir d'obéissance maritale, qui n'a été supprimé qu'en 1938, l'absence de capacité civile pour les femmes, avec l'impossibilité pour elles, jusqu'en 1965 - c'est-à-dire jusqu'à une date très récente , d'exercer véritablement leur droit à une profession sans l'accord de leur mari.

Nous avons vu se produire sous nos yeux une évolution extraordinaire. Les femmes ont fait des études secondaires et supérieures et, surtout, elles sont entrées massivement sur le marché du travail. Une évolution considérable dans la vie sociale a été la conséquence de la fin de la puissance paternelle, transformée en puissance parentale, et de l'instauration du divorce par consentement mutuel. Pendant ce demi-siècle de libéralisation, d'égalisation des sexes, un certain nombre de collègues ici présentes se sont illustrées.

Ce qui a suivi le moins, c'est la vie politique. Après une petite avancée permise par l'ordonnance du général de Gaulle du 21 avril 1944 et selon laquelle « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes »,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Le vote des femmes a été une

« petite avancée » ?

M. Michel Suchod.

... trente-quatre femmes ont été élues le 21 octobre 1945. Après cette avancée, qui était du reste une juste reconnaissance de la part qu'ont prise les femmes et dans la Résistance et dans l'économie de guerre, nous avons assisté à un effondrement, puisque aussi bien en 1951 qu'en 1956, où l'on votait à la proportionnelle, notre assemblée ne comptait que 3 % de f emmes. Aujourd'hui encore, on ne compte que 19 femmes sur 321 sénateurs au palais du Luxembourg.

Par conséquent, l'effondrement de la place des femmes dans la vie politique a été considérable. J'en veux pour preuve que, la dernière année de la présidence du général de Gaulle, le gouvernement ne comptait qu'une seule femme, dont quelques-uns ici se souviendront peut-être : je veux parler de Mme Marie-Madeleine Dienesch.

Je ne vais pas rappeler tout ce qui s'est passé les vingtcinq dernières années ; je me contenterai d'insister sur les quelques années qui viennent de s'écouler.

Aujourd'hui, il y a près de 11 % de femmes à l'Assemblée nationale. Le rôle de Lionel Jospin a été essentiel dans cette légitime promotion puisque l'on ne dénombre


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pas moins de onze femmes ministres. J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu'elles ne sont pas à la tête exclusivement de ministères sociaux, ce qui, conformément à la tradition des vingt-cinq dernières années, aurait pu être considéré comme classique, mais qu'elles occupent des postes régaliens, comme à la justice, ou, depuis peu, au budget, postes où les femmes n'étaient jamais arrivées auparavant.

Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui la France est toujours au cinquante-deuxième rang dans le monde pour la place des femmes dans notre Parlement, et à l'avantdernier rang en Europe. Par conséquent, on ne saurait se satisfaire d'un bon score aux élections proportionnelles où les femmes jouent évidemment un grand rôle - que sont les élections européennes et les élections régionales : il convient aujourd'hui de faire nettement plus, et d'agir.

C'est le sens de cette réforme.

Il était temps d'ajouter dans la Constitution un alinéa disposant que la loi favorise l'égal accès des femmes et des h ommes aux mandats électoraux. Cela permet de contourner l'obstacle constitutionnel qui nous avait été opposé en 1982, alors que Mme Gisèle Halimi avait proposé un texte allant dans le même sens que celui que nous allons voter, même s'il était nettement plus timide.

Alors que le texte qui nous est soumis sera, je crois, adopté à une très large majorité, je voudrais redire qu'il convient de réfléchir à la place d'autres sections du peuple dans les institutions politiques. Nous avons un Parlement où les professions libérales, le monde de l'entreprise, les chefs d'entreprise, le barreau et la fonction publique sont très représentés. C'est un Parlement où un certain nombre de catégories sociales - la classe ouvrière, le monde paysan, les employés et, plus généralement, le monde du travail - sont globalement écartées.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quelle solution ?

M. Michel Suchod.

Cela convient d'autant moins que, dans nos partis politiques, la jeunesse - je veux parler des moins de quarante ans, ce qui est une vision de la jeunesse déjà fort limitative (Sourires) - occupe 14 % des postes.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quelle solution ?

M. Michel Suchod.

Cela signifie que 86 % ont plus de quarante ans.

Une réflexion s'impose à cet égard. Mais il convient aussi de s'interroger sur la place des femmes ailleurs que dans la vie politique. Ce que nous faisons ici est essentiel : quand on verra une moitié de femmes conseillères municipales, des femmes maires en grand nombre, et plus de femmes députées comme de femmes sénatrices, un pas immense aura été accompli.

Cela dit, le principe constitutionnel de 1946, qui est toujours dans notre bloc de constitutionnalité, précise que

« la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

« Dans tous les domaines » : pas seulement dans la vie politique, qui pourrait être présentée comme une superstructure qui n'aurait pas de tradition dans les profondeurs de la société.

Nous savons que nous avons encore beaucoup à faire par des nominations à des postes à responsabilité dans la fonction publique, dans les ministères, dans l'armée et, surtout, dans l'entreprise. A cet égard, je voudrais rappeler deux slogans qui paraissent parfois oubliés : « A travail égal, salaire égal », mais aussi « A compétences égales, responsabilités égales ».

Mme Christine Boutin.

Exactement !

M. Michel Suchod.

Je terminerai en rappelant les mots fameux de Mao Zedong : « Les femmes sont la moitié du ciel. » Il nous appartient désormais de le démontrer dans

nos comportements et dans nos lois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une République moderne ? C'est une démocratie vivante, ouverte, qui donne à chacun et à chacune sa place dans la société et sa part de responsabilité dans les choix et les décisions publiques.

L'avenir des femmes n'a jamais été un combat de pure forme : il est au contraire au coeur de l'évolution de toute la société et, si l'on veut enfin réhabiliter le politique, en renouveler l'esprit et en assurer une meilleure adéquation avec les réalités du temps présent, cet avenir passe à l'évi dence par un nouveau rôle joué par les femmes de ce pays et par une nouvelle culture politique plus participative.

En vérité, redonner du sens à la vie politique, c'est rendre du pouvoir aux Français, et singulièrement aux Françaises. Trop longtemps, en effet, les progrès sociaux et politiques qui ont marqué l'histoire des femmes ont été autant de victoires et de conquêtes. Il est donc particulièrement urgent que les années 2000 soient celles de la parité.

Le texte qui nous est soumis, première traduction législative du principe constitutionnel que nous avons adopté, était attendu. En effet, nous ne pouvions en rester aux déclarations d'intention, fussent-elles inscrites dans notre loi fondamentale.

Ce texte traduit donc la volonté affichée d'accélérer l'histoire, de le faire aux différents niveaux de notre vie politique en commençant, calendrier oblige, par le premier, qui est aussi le coeur de notre organisation territoriale : la commune.

Si personne ne peut être réellement admiratif de cette vision comptable et arithmétique des listes électorales, on doit néanmoins être conscient et réaliste, et reconnaître que la démocratie, c'est aussi la loi du nombre et que ne pas exister en nombre, revient bien souvent à ne pas exister du tout. C'est pourquoi la réflexion étendue aux élues et non plus seulement aux candidates paraît devoir être prise en considération.

Par ailleurs, les mesures législatives que nous allons être conduits à prendre doivent être suffisamment incitatives pour qu'en 2015 un tel débat ne soit plus d'actualité. S'il l'était encore, ce serait terrifiant ! Les femmes n'ont rien à craindre de véritablement inquiétant si l'on reste dans les limites du texte. Elles n'ont en tout cas à craindre aucune dévalorisation du fait d'un accès élargi par la loi aux responsabilités politiques.

Quelle étrange idée de vouloir nier sa différence, de réclamer un droit à l'indifférence pour accéder à un milieu et à un monde politique qui n'est pas neutre et où l'image masculine est omniprésente ! C'est la réalité actuelle qui est dévalorisante en pérennisant l'idée qu'entrer en politique, c'est forcément se mettre dans une situation d'exception. Or, en politique particulièrement, les femmes qui réussissent restent souvent des objets de curiosité, comme si l'on remarquait ce qui ne saurait exister.


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Notre groupe Démocratie libérale approuve dans sa majorité le texte dans les conditions d'équilibre, de flexibilité et de souplesse qui le caractérisent et qui permettent une application immédiate du principe de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux en le réservant au seul scrutin de liste. Je voudrais insister un instant sur ce point car cela correspond à un engagement ferme, formel du Premier ministre, auquel nous étions particulièrement attentifs. Nous le restons, nous refusant, par voie de conséquence, à toute révision des seuils électoraux qui ouvrirait la voie à une modification des modes de scrutin, qui porterait atteinte à l'organisation de nos collectivités territoriales ainsi qu'à leurs règles de fonctionnement et qui, enfin, priverait les petites communes de la flexibilité et de la nécessaire liberté liées à leur importance démographique.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très juste !

Mme Nicole Ameline.

Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les élections restent des élections de très grande proximité,...

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est vrai !

M me Nicole Ameline.

... où l'élément humain l'emporte sur les clivages partisans. Il serait irrationnel de remettre en cause une attention que l'on juge bonne au profit d'une contrainte qui est toujours une tentation dans ce type de débat.

(Mme Marie-Thérèse Boisseau et M. Jean-Luc Warsmann applaudissent.)

Ce texte est important et le groupe Démocratie libérale souhaite le voter, après l'ensemble des discussions qui ont conduit à la réforme constitutionnelle et à tous les débats, commentaires et réflexions, qui étaient légitimes. Nous avons la chance de vivre dans une démocratie où le débat est riche et respectable.

Aujourd'hui, la loi est pleinement dans son rôle et rien n'exclut que ce texte soit voté à une très large majorité, ce qui, au-delà du fond, madame la secrétaire d'Etat, serait à l'évidence un signal fort à l'adresse des femmes de France.

Cependant, trop de contraintes nuiraient à l'esprit qui l'a inspiré et au nécessaire jeu de la démocratie - j'ajouterai : au respect de la liberté et de la responsabilité. Du reste, n'est-il pas plus subtil de laisser chacun face à ses propres responsabilités, que l'on soit responsable politique ou électeur ? L'enjeu, faut-il le rappeler, est un enjeu de société et non un enjeu de pouvoir partisan. Je souhaite que notre discussion, sur ce point précis, reste dans l'esprit qu'a souhaité le Premier ministre et qu'on ne fasse pas prévaloir une fois de plus la contrainte sur la liberté minimale nécessaire.

Je souhaite comme beaucoup d'entre vous que la culture politique française évolue. Elle doit évoluer dans un esprit volontariste, de façon que l'efficacité prime.

Nous avons trop vécu ce travers français qui consiste à tenir des discours extrêmement forts sans jamais se donner les moyens d'atteindre l'objectif.

Il y a désormais l'incitation législative et, on doit l'espèrer, la volonté des femmes. Mais offrir des champs de liberté et d'expression nouveaux, c'est aussi en prévoir les conditions d'exercice.

La place des femmes, qu'elle soit au coeur de la famille, au sein du monde professionnel ou dans la vie associative, est partout justifiée. C'est naturellement, madame la secrétaire d'Etat, la gestion du temps, que vous avez évoqué, qui sera le grand chantier de demain : le congé formation ; les aides familiales ; le retour à l'emploi ; le temps partiel ; une nouvelle politique de la famille qui doit rester cet espace sacré auquel nous tenons tous, mais modernisé, largement appuyé sur des responsabilités partagées du couple ; l'égalité des chances, des emplois, des salaires. Mais c'est aussi une autre vision, qui ne résultera pas seulement des chiffres, des quotas ou des nombres, ni des textes, mais des femmes elles-mêmes, enfin libérées de cette vision de la sphère privée et exclusive par rapport à la rue, à la place publique - chacun connaît ce modèle rousseauiste -, libérées de cette culture napoléonienne qui les a enfermées trop longtemps dans un rôle social bien défini et limité, libérées de ces freins psychologiques qui ont engendré une culture du renoncement et de la résignation.

Les femmes doivent aussi participer à cette révolution tranquille et les partis politiques doivent les y aider. Il ne s'agit pas de formation mais d'information, il ne s'agit pas seulement d'appels à candidatures mais de grandes campagnes de sensibilisation. Car si le droit a précédé les faits, le chemin pour réduire le formidable décalage qui existe aujourd'hui entre le pays politique et le pays réel ne doit pas être trop long. Démocratie libérale a ainsi lancé une action de sensibilisation à l'attention des femmes, en leur offrant le soutien et l'appui dont elles estiment, souvent bien à tout, avoir besoin.

Obliger les partis à respecter la parité est la bonne manière. A l'évidence, monsieur le ministre, la sanction est juridiquement beaucoup plus acceptable que l'incitation.

La politique, ce n'est pas seulement l'art de gérer les crises, c'est aussi celui de proposer un véritable projet de société et d'accepter pour cela les réformes nécessaires.

Beaucoup d'entre nous ont milité pour que la parité entre non seulement dans les textes, mais dans les têtes.

Aujourd'hui nous avons contribué à mettre notre démocratie en phase avec son temps. Il nous reste à la moderniser davantage en donnant du pouvoir à tous, aux citoyens, aux élus, aux femmes et cela avec le souci de l'efficacité qui vous anime, monsieur le ministre, mais aussi dans un grand esprit de liberté et de responsabilité.

Faire confiance aux individus, c'est aussi les laisser libres et responsables de leurs choix. Les femmes sauront en profiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert).

Mme la présidente.

La parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mesdames les présidentes, madame, m onsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le 17 juin 1997, Lionel Jospin, récemment nommé Premier ministre, s'exprimait à cette même tribune, dans son discours de politique générale, en ces termes : « La modernisation ne suppose pas seulement de profonds changem ents culturels, elle nécessite aussi des réformes institutionnelles. Il faut, à ce titre, permettre d'abord aux Français de s'engager sans entraves dans la vie publique.

En ce domaine, le progrès passe par l'évolution des mentalités et le changement des comportements. Mais il faut aller plus loin. Une révision de la Constitution, afin d'y inscrire l'objectif de parité entre les hommes et les femmes, sera proposée ».


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Un peu plus de deux ans plus tard, le 28 juin 1999, députées et sénatrices, députés et sénateurs, réunis e n congrès à Versailles, adoptaient le projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Restait une troisième et dernière étape, celle qui consiste à décliner concrètement cette réforme, et qui nous réunit aujourd'hui.

Six mois après ce congrès historique, il nous revient en tant que législateur de définir les modalités pratiques de cette parité politique. Je dirai, pour faire vite, qu'il était temps. Grand temps, même. A l'aube du

XXIe siècle, il devenait en effet de plus en plus urgent de redonner pleinement son sens au principe d'égalité, qui fonde notre modèle républicain, mais qui n'en a pas moins été bafoué pendant plus de deux siècles.

C omment, en effet, parler d'égalité républicaine lorsque les femmes, qui constituent 53 % du corps électoral, sont moins de 11 % au sein de notre assemblée ? Comment aussi prétendre combattre la désaffection grandissante des Françaises et des Français lors des consultations électorales lorsque l'on est une démocratie qui ne compte qu'une seule femme maire d'une ville de plus de 100 000 habitants ? Comment ne pas comprendre dès lors le fort sentiment d'« interdit politique » qui hante l'esprit de nombre de nos concitoyennes ? Ce constat d'une peu glorieuse exception française est a ujourd'hui bien connu, largement reconnu. Vousm êmes, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, y avez fait déjà largement allusion, d'autres après moi y reviendront certainement aussi.

Je m'attarderai pour ma part quelques instants sur cette démocratie inachevée, pour montrer combien elle apparaît paradoxale, peu compréhensible, et de fait intolérable, aux yeux des jeunes générations, c'est-à-dire aux yeux de celles et ceux qui, éduqués après 1968, ont toujours eu la chance d'évoluer dans un univers de parfaite mixité.

Je veux parler de ces filles et de ces garçons réunis sur les mêmes bancs de l'école, partageant des parties de billes dans les mêmes cours de récréation, élisant naturellement, et en toute confiance, au moins autant, si ce n'est plus, de déléguées de classe que de délégués pour les représenter dans les conseils d'établissements et autres conseils d'administration. Ces multiples moments de vie quotidienne, dans la mixité, constituent autant de temps forts d'un apprentissage de l'égalité et de la différence par la connaissance et la reconnaissance de l'autre.

Mais cette mixité a aussi été partagée dans les moments de lutte et de révolte, ceux qui forgent périodiquement des générations entières de citoyennes et de citoyens et qui se situent, pour cette génération, dans les frimas de l'automne 1986. Isabelle Thomas tout autant que David Assouline furent alors les leaders de toute une génération, et aussi, d'une certaine façon, des modèles pour toutes celles et tous ceux qui prétendaient alors construire leur devenir.

C'est bien cela, cette histoire particulière commune à la génération des moins de quarante ans, qui aujourd'hui me fait considérer, nous fait considérer comme un euphémisme de dire qu'il est indispensable, et même urgent, d'aller plus loin vers une meilleure prise en compte de la réalité sexuée de notre démocratie.

C'est bien cela également, ce cheminement singulier, qui me fait, qui nous fait avoir confiance dans l'évolution des mentalités et des comportements, confiance aussi dans l'évolution des changements culturels et sociaux qui doivent nécessairement accompagner cette réforme, seuls gages de sa pleine réussite. Certains, certaines peut-être, me parleront à cet égard de naïveté. J'accepterai pour ma part d'y voir tout au plus un peu d'idéalisme, dont on sait qu'il sied tant aux jeunes générations.

C'est bien cela encore, cette culture de la mixité, qui m'a fait tendre systématiquement, dans la discussion préparatoire de ce projet de loi, vers la recherche d'un juste équilibre permettant de concilier tout à la fois réalisme et souplesse, liberté d'initiative des formations politiques et confiance faite aux femmes pour prendre, voire revendiquer, une fois élues, leurs légitimes responsabilités. A ce titre, je me réjouis des positions de mon groupe sur certains des points clefs de cette réforme.

La parité par groupe de six vise à introduire la souplesse nécessaire aux composition et fusion de listes dans les scrutins proportionnels à deux tours, sans remettre en cause le moins du monde la dimension ambitieuse et courageuse de ce projet de loi puisque la proportion de femmes élues sera au minimum égale à 42 %. C'est cette même logique qui a conduit mon groupe à soutenir la proposition du rapporteur visant à généraliser les dispositions paritaires établies pour les élections municipales à toutes les communes de plus de 2 000 habitants. C'est toujours cette recherche d'un savant dosage entre ambition et raison qui nous a amenés à refuser de légiférer sur les exécutifs communaux et intercommunaux, convaincus des effets de la dynamique initiée par l'arrivée de nombreuses femmes aux responsabilités, soucieux aussi de laisser à chaque formation politique son propre degré de liberté.

C'est bien cela enfin, ce parcours atypique et pourtant déjà tellement symbolique pour toute une génération, qui me fait considérer, qui nous fait considérer avec une certaine dose de flegme, d'amusement même, la mauvaise foi flagrante de quelques-uns.

Cette mauvaise foi, ces sirènes alarmistes, nous les avons toutes et tous entendues, et même ici, au sein de notre assemblée, certes de façon moins flagrante qu'au Sénat.

On évoque ainsi souvent la difficulté à trouver des femmes en nombre suffisant pour les échéances électorales qui s'annoncent, dénonçant le rêve soi-disant inaccessible d'une génération spontanée. Je reste pour ma part persuadée que quand on cherche, on trouve. Nombre de femmes aujourd'hui impliquées dans nos partis politiques ou dans le réseau associatif local n'attendent qu'un signe de notre part pour nous rejoindre.

On évoque parfois le risque d'être obligé de faire appel à des femmes incompétentes et, crime de « lèse-démocratie », à des femmes potiches. Il y a quelque chose de réellement réconfortant de constater, à l'aube du XXIe siècle, combien certains se montrent sensibles à ce critère de compétence en politique. (Sourires.) Permettez-moi toutefois de noter, avec une pointe d'impertinence, que pendant des années, cela n'a apparemment choqué personne de faire appel à des hommes sandwichs et de limiter bien souvent la présence des femmes à des candidatures alibi.

Mme Monique Collange.

Très juste !

Mme Cécile Helle.

Enfin, on évoque la difficulté à annoncer aux sortants qu'ils ne seront pas cette fois-ci de l'aventure. Pour rester dans le ton du persiflage, je conseillerai à ceux qui risquent prochainement de se trouver confrontés à ce type de situation de promouvoir aux yeux des intéressés certaines activités depuis longtemps reconnues comme très enrichissantes sur le plan de l'épa-


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nouissement personnel. Je pense plus particulièrement au point de croix, à la couture ou encore aux tâches ménagères. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, citoyen et vert.)

Soyons sérieux. Le débat que nous nous apprêtons à avoir autour de ce projet de loi ambitieux mérite mieux que cette mauvaise foi. Personne n'a jamais prétendu qu'il serait aisé de mettre en place la parité politique. Elle constitue une réelle mutation pour l'histoire de notre démocratie. Elle est surtout un symbole de redistribution des pouvoirs, marquant par là même la fin de certains prés carrés. Pour cette raison, gardons-nous d'arguments critiques plus répandus dans nos rangs que parmi les Françaises et les Français. Gardons-nous aussi de ne pas paraître une nouvelle fois archaïques par rapport aux évolutions de notre société. Gardons-nous enfin de nous couper définitivement de toute réalité.

La parité politique est aussi un élément de rupture nécessaire à la rénovation de la vie publique française. A ce titre, elle constitue une véritable chance pour notre démocratie. Elle offre en effet à nos instances électives le moyen d'être un reflet beaucoup plus fidèle de la réalité du corps électoral. Et qui dit meilleure représentativité dit également plus grande identification des citoyens en leurs représentants élus. A ce titre, elle nous permettra de regagner quelque peu leur confiance.

La parité politique doit également permettre à notre démocratie de gagner en dynamisme, en imagination, en diversité même, par l'autre regard, ou du moins le regard complémentaire, que portent les femmes sur la chose publique.

La parité offre enfin le moyen de nous interroger sur n os propres fonctionnements, et incidemment nos propres archaïsmes. Et ce n'est pas là le moindre de ses enjeux. Je reste pour ma part persuadée que l'enjeu du

« plus de femmes » en politique, comme du « plus de jeunes », c'est le « faire différemment », le « faire autrement ». Les femmes se doivent en effet de changer la politique. Il ne saurait être question que la politique change les femmes.

J'en profite d'ailleurs, à ce point ultime de mon raisonnement, pour dénoncer fermement celles qui, par leur sectarisme, leur soif de pouvoir et leur opposition frontale, pour ne pas dire systématique, reproduisent purement et simplement certains des schémas caricaturaux d'un passé peu glorieux.

Ce n'est qu'à cette condition du « faire différemment », du « faire autrement » de la politique que la parité sera bien l'évidence tant attendue aujourd'hui par nos concitoyennes et concitoyens. Ce n'est qu'à cette condition, que, comme le dit un jour le poète, la femme politique sera l'avenir de l'homme politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, la parité en politique ne doit pas être traitée de manière dogmatique, ou sous un angle idéologique et partisan.

Toute démarche constructive, de bon sens, consiste au contraire à fixer des objectifs pratiques puis à rechercher les solutions les plus appropriées.

L'égalité juridique des hommes et des femmes est absolue en matière politique. Mais en raison de nombreux blocages sociologiques, cette égalité en droit ne correspond malheureusement pas à une égalité de fait. C'est donc la raison pour laquelle on peut et on doit se poser la question de savoir ce qu'il convient de faire afin de favoriser un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes dans l'accès aux responsabilités politiques, notamment aux fonctions électives.

Pratiquement tous les partis politiques sont favorables à ce que les femmes occupent leur juste place dans la vie publique. Tout le monde est en principe d'accord pour souhaiter une évolution en ce sens. La preuve en a d'ailleurs été donnée à Versailles où le Parlement a entériné la réforme constitutionnelle sur la parité à la quasi-unanimité.

Si aucun parti ne peut donc prétendre avoir le monopole de la parité, encore faut-il s'accorder sur les moyens et les solutions les plus adéquates pour faire progresser les choses.

Le titre Ier du projet de loi regroupe plusieurs articles qui appliquent la parité à dfférentes élections. Par sa nature même, il ne peut s'appliquer qu'aux élections proportionnelles, les principales élections concernées étant les municipales, les régionales et les européennes. Paradoxalement, il s'agit d'élections où la sous-représentation des femmes est la moins flagrante et où, progressivement, des évolutions positives ont été constatées. Les élections au scrutin majoritaire, notamment les législatives et la plupart des sénatoriales, restent donc en dehors du champ d'application de la loi alors que c'est à ce niveau que les distorsions sont les plus importantes.

On ne répétera jamais suffisamment qu'une véritable démocratie est avant tout une démocratie où l'électeur peut choisir librement ceux auxquels il confie la responsabilité des affaires publiques. Il faut veiller à concilier ce grand principe avec la nécessité de mesures efficaces en faveur de l'entrée des femmes en politique. Selon les modalités et le type de scrutin ou d'élection auquel il s'applique, un système d'obligation de parité peut avoir une portée variable. Cependant, plus on veut avancer dans le sens de la parité, plus on risque de porter atteinte à la liberté de choix de l'électeur.

Le projet du Gouvernement se limite à une obligation de parité globale qui impose de composer les listes avec une moitié d'hommes et une moitié de femmes. Pour l'essentiel, la liberté de candidature et la liberté de choix des électeurs sont donc respectées. C'est tout particulièrement vrai pour les listes qui comportent un nombre important de candidats comme pour les élections municipales, européennes ou les régionales. Cependant, on peut se demander si l'instauration d'une telle obligation est suffisante pour faire progresser les choses.

Elle a incontestablement un effet dans le cas des élections municipales, où la liste qui arrive en tête fait en général élire plus des trois quarts de ses candidats. Même si les femmes sont en majorité en fin de liste, un grand nombre d'entre elles sont élues. Il n'en va de même pour les scrutins où la proportion de candidats élus sur chaque liste est faible. Pour les élections européennes, par exemple, chaque liste fait en général élire 5 à 20 % de ses candidats. Si les hommes sont concentrés en tête de liste, il peut donc arriver que, malgré l'instauration d'une obligation de parité globale, les femmes continuent à être largement sous-représentées. Le même raisonnement s'applique aux élections régionales. Cependant, la prime majoritaire prévue pour les régionales de 2004 renforcera l'incidence de l'obligation de parité globale. Dans le cas des élections sénatoriales à la proportionnelle, l'application de la loi semble difficile à réaliser même avec l'alternance stricte que propose la commission des lois.


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Si l'on s'intéresse aux améliorations possibles du projet de loi, on est amené à évoquer l'hypothèse la plus rigide consistant à imposer, pour tous les scrutins, une alternance stricte homme-femme. Un tel dispositif serait toutefois excessif car il porterait atteinte à la liberté de choix de l'électeur et, plus généralement, à la liberté des candidatures.

Il n'en reste pas moins que l'on ne peut pas rejeter a priori l'éventualité d'une avancée supplémentaire, intermédiaire entre l'alternance stricte et l'obligation de parité globale. Elle consisterait à prévoir que l'obligation de parité s'applique sur chaque liste par tranche de candidats. Pour chaque élection, les tranches seraient définies en fonction, d'une part, du nombre de noms sur chaque liste et, d'autre part, du type de scrutin totalement proportionnel ou proportionnel avec prime majoritaire.

Pour les élections municipales et régionales, l'obligation de parité globale serait sans doute suffisante. Mais pour les élections européennes, il seraît intéressant d'instaurer l'obligation de parité par tranche. Les différentes listes obtenant en moyenne une dizaine de sièges, il pourrait s'agir de tranches de huit ou dix candidats. Pour les élections sénatoriales, il faudrait probablement envisager des tranches proches de l'alternance stricte. Etant donné que les listes n'obtiennent le plus souvent qu'un ou deux sièges, il apparaît en effet que l'existence d'une obligation de parité globale n'a aucune portée concrète. Une mesure volontariste serait d'autant plus justifiée que le Sénat a une composition particulièrement défavorable du point de vue de la parité homme-femme.

Je voudrais maintenant évoquer les scrutins qui ne sont pas pris en compte dans le titre premier du projet de loi, à savoir les scrutins majoritaires. A l'évidence, il n'est pas possible d'instaurer un système d'obligation de parité au niveau des candidatures qui, par leur nature même, ont un caractère individuel. Mais il ne faudrait pas en conclure qu'il est impossible de faire quoi que ce soit.

Des avancées, certes moins importantes et moins décisives que certaines options maximalistes, restent possibles, je me bornerai à en évoquer une. Elle consisterait à imposer que le titulaire et le suppléant soient de sexe différent dans les scrutins majoritaires. Quand on pense qu'à l'Assemblée nationale, une soixantaine de titulaires sont remplacés à chaque législature par leur suppléant, on voit combien cette mesure très simple serait efficace pour augmenter le nombre de femmes députés. La même mesure appliquée aux sénateurs élus au scrutin majoritaire perm ettrait également d'augmenter le pourcentage des femmes dans la Haute Assemblée.

En l'état actuel des choses, rien n'est prévu pour les élections cantonales. Or les conseils généraux sont l'une des assemblées où la sous-représentation des femmes est la plus flagrante. On pourrait donc décider dans l'immédiat que les conseillers généraux aient un suppléant et que celui-ci soit de sexe différent. Cela aurait le double intérêt de favoriser la parité et d'éviter la multiplication d'élections cantonales partielles.

J'en viens maintenant au titre II du projet de loi.

Celui-ci correspond à l'esprit de la réforme constitutionnelle que préconisaient les sénateurs. Il repose en effet sur l'idée qu'il vaut mieux inciter financièrement les partis politiques que les contraindre par le biais de quotas stricts et incontournables.

Le titre II du projet de loi incite en effet les partis à présenter une proportion minimale de femmes. Moins cette proportion sera respectée, plus ils seront pénalisés financièrement au niveau de l'aide publique qui leur est versée chaque année par l'Etat. Cette mesure répond à la logique selon laquelle on ne peut pas forcer le choix des électeurs.

En fait, ce titre présente l'intérêt de laisser une très large marge de manoeuvre et d'appréciation aux partis politiques. Paradoxalement, c'est peut-être là où le bât blesse, car on risque fort d'assister à une situation que l'on connaît déjà trop. Elle consiste à ne proposer aux femmes que les circonscriptions les plus difficiles, en un mot, celles où elles n'ont pratiquement aucune chance d'être élues.

Si l'on prend l'exemple des dernières élections législatives, on peut faire ce constat aussi bien dans les grands partis de droite que dans les grands partis de gauche. Les statistiques montrent que les femmes candidates de gauche se retrouvaient plutôt dans les circonscriptions de droite, et que les femmes candidates de droite se retrouvaient plutôt dans les circonscriptions de gauche. C'est ce qui explique que la proportion de femmes élues aux législatives de 1997 a été nettement moins importante que la proportion de femmes candidates.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi n'a donc qu'une portée très réduite dans la mesure où les partis politiques peuvent contourner l'obstacle et se soustraire aux objectifs de parité. Il n'en reste pas moins que c'est malgré tout un pas non négligeable qui mérite d'être complété par des avancées supplémentaires.

Une première avancée pourrait consister à maintenir le dispositif prévu, mais aussi à le renforcer. Il suffirait pour cela de le pondérer par la comparaison, non pas du nombre de candidats hommes avec le nombre de candidates femmes, mais de la comparaison entre les suffrages obtenus par les candidats hommes avec ceux obtenus par les candidates femmes.

Sous réserve d'ajustements et de mises au point divers, une telle mesure serait certainement beaucoup plus incitative et les partis politiques hésiteraient à deux fois avant de cantonner des femmes dans les circonscriptions où elles n'ont aucune chance.

Par ailleurs, il faut aussi souligner que le titre II ne prend en compte que la modulation de la première part de l'aide publique de l'Etat, c'est-à-dire celle qui est proportionnelle au nombre de voix obtenues lors des élections législatives. De ce fait, l'incitation à la parité ne s'exerce que sur les élections législatives et pas du tout sur les élections sénatoriales, alors que c'est surtout à ce niveau que la parité aurait le plus besoin d'être soutenue.

Une réflexion à moyen terme pourrait peut-être conduire ultérieurement à moduler cette part.

Cette seconde part est celle qui est proportionnelle au nombre de députés et de sénateurs se rattachant chaque année aux différents partis. La part correspondante de l'aide publique pourrait ainsi être ajustée en fonction du respect d'un minimum de parité hommes-femmes parmi les députés qui, chaque année, se rattachent au parti concerné.

En conclusion, je soulignerai à nouveau que tout le monde est d'accord pour constater qu'en France les femmes n'occupent pas leur juste place dans la société.

Une évolution rapide de cette situation est manifestement souhaitable. En particulier dans le domaine politique, il convient de briser les pesanteurs qui bloquent la représentation des femmes.

Lorsque, grâce à une législation incitative en faveur de la parité, les femmes auront accédé à une véritable égali té des chances alors la raison d'être d'une loi en faveur de la


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parité disparaîtra. L'objectif de base est donc de briser le décalage structurel qui s'exerce en politique au détriment des femmes.

Au terme de l'évolution, chaque femme et chaque homme devrait alors être élu sur ses mérites et pas dans le seul but d'imposer un principe d'égalité mathématique entre les sexes.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Toute loi sur la parité n'est donc qu'un moyen vers l'égalité des sexes et pas une fin en soi. Paradoxalement, la consécration de la loi que nous examinons aujourd'hui sera donc acquise lorsqu'elle ne sera plus nécessaire, c'est-à-dire lorsque les femmes seront réellement à égalité de chances avec les hommes.

Le groupe du Rassemblement pour la République votera donc le projet de loi. Cependant, nous souhaitons ardemment que d'autres mesures significatives interviennent en faveur de l'égalité des hommes et des femmes, notamment pour ce qui est de l'accès des femmes à des postes de responsabilité dans la haute fonction publique et dans la vie économique.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, de faire tout votre possible pour que au cours des prochains mois, des mesures significatives montrent la détermination du Gouvernement dans ce sens.

Mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés de gauche, vous n'avez pas le monopole de la modernisation de la vie publique,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très juste !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

... vous n'avez pas le monopole de la parité.

M. Bruno Le Roux.

Les faits sont là !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Toutefois le groupe du Rassemblement pour la République votera ce projet, car il veut que les femmes aient leur juste place en politique.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

La parité a-t-elle été une de vos priorités depuis votre arrivée au pouvoir, chers collègues socialistes ? Vos nominations dans la haute admin istration prouvent le contraire. Aujourd'hui, notre devoir est de travailler en urgence sur des lois d'accompagnement qui permettront réellement aux femmes d'accéder à cette égalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour expliquer le cheminement qui nous conduit aujourd'hui à examiner un projet de loi portant application de la révision constitutionnelle votée en juin dernier, je voudrais, au nom des députés communistes et apparentés, rendre hommage aux femmes, à toutes les femmes, et saluer leur combativité, leur détermination.

Elles vont aider la France à entrer dans le

XXIe siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Mme Odette Casanova, au nom de la délégation aux droits des femmes.

Très bien !

Mme Muguette Jacquaint.

Ayant marché à leur côté lors de la manifestation du 15 janvier dernier, organisée à l'appel de nombreuses associations, c'est aussi avec une certaine fierté que j'interviens sur la question décisive de l'égale participation des femmes et des hommes à la vie politique française. Elles, qui représentent plus de 50 % de l'électorat, auront dû attendre 1944 pour que le droit de vote leur soit accordé.

Si Arthur Rimbaud glorifiait les mains de JeanneMarie, dont « la chair chante des Marseillaises », si Louis Aragon affirmait « qu'elle est l'avenir de l'homme », si, en juillet 1919, la France a confié le symbole de la République à Marianne, une simple femme, il est une évidence : le bilan qui s'offre à nous montre qu'elles portent encore trace de plusieurs siècles d'esclavage.

Quelle étrange société, que celle qui vit d'un buste féminin statuaire mais qui recherche depuis l'aube des temps à maintenir les femmes de chair dans une demicitoyenneté ! L'importance donnée aujourd'hui à cette question est imposée par l'évolution de la société, par le rôle accru que les femmes y tiennent, et aussi par la conscience qu'elles ont prise de leur droit, à travers les bouleversements qu'a connus notre siècle et qui ont abouti à de profonds changements dans le monde.

Qu'on le veuille ou non, le XXe siècle comptera autrement que d'autres. Personne ne pourra lui dénier l'essor culturel, scientifique et technique qui le place au carrefour de questions humanitaires passionnantes : celle d'une autre place de l'individu dans la relation sociale. Personne ne pourra nier non plus les formidables révolutions, les mouvements de libération. Personne ne pourra lui discuter l'un de ces originalités : celle d'être le siècle des femmes.

Rien, en effet, ne sera plus tout à fait comme avant.

Comme avant ce moment où apparaît le féminisme, où des femmes, d'abord, des hommes, aussi, oeuvrent pour l'égalité des droits.

Droits de témoigner et d'ester en justice sans le consentement de leur mari, droit à un enseignement secondaire, droit de gérer leurs biens propres, droit de vote, droit à une contraception enfin libéralisée, droit à renoncer, dans certaines conditions, à une maternité non désirée, droit de donner, elles aussi, leur nom à leur enfant, et, bien sûr, certaines lois consacrant l'égalité entre hommes et femmes dans l'entreprise.

Pour autant, les femmes aujourd'hui, ne sont pas partout avec le sourire. Comment pourrait-il en être autrement quand la photographie de la société française offre, de façon persistante, l'image d'une situation de blocage et d'échec dans trop de domaines encore ? Leur sous-représentation dans les lieux de décision est réelle, dans les assemblées élues, mais aussi dans les entreprises, dans tous les lieux de pouvoir économique, médiatique ou associatif. C'est un manque à gagner préjudiciable pour la société dans son ensemble, pour la démocratie, en particulier.

La volonté de parité en politique n'est pas isolée de toutes les autres revendications. Elle est non pas une revendication de « pouvoir », mais une simple demande de justice et d'équité.

Le constat aujourd'hui est sans appel. L'Assemblée nationale et le Sénat comptent 82 femmes sur 893 élus, soit 9,18 %.


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Sur le plan municipal, les femmes représentent 21,7 % des conseillers municipaux, mais seulement 7 % des maires.

Sur 104 conseils généraux, un seul a vu l'élection d'une femme comme présidente et plus de 20 ne comptent aucune femme élue.

Si, grâce au mode de scrutin, la situation est quelque peu meilleure pour les élues régionales, il apparaît plus que nécessaire de faire preuve de volontarisme et de dépasser le consensus de principe et les déclarations d'intention.

En juin dernier, plusieurs formations politiques se sont engagées dans cette voie. Et le résultat est incontestable puisque la Délégation française au Parlement européen est composée de 40,2 % de femmes.

En imposant 50 % de candidatures féminines pour tous les scrutins de listes et pour les élections législatives, on peut donner au principe constitutionnel, que nous avons adopté, un contenu concret dans le domaine particulier de l'exercice des responsabilités politiques par les femmes et les hommes. Nos concitoyens sont acquis à cette idée, eux qui à 80 % pensent que la parité est nécessaire.

C'est dire combien les aspirations, le vécu des femmes, l es discriminations qu'elles subissent, mais aussi la recherche d'une autre façon d'investir le champ politique, donnent de la force à cette question ! Inscrire dans l'article de la Constitution, consacré à la souveraineté nationale, l'égal accès des femmes et des hommes aux divers mandats et fonctions constituait, sans aucun doute, une avancée réelle, une étape nécessaire et un solide point d'appui pour progresser.

L'application qu'il nous est proposé d'en faire aujourd'hui va dans le bon sens, mais elle perdrait beaucoup de sa force de progrès si, parallèlement, nous n'engagions pas une profonde réflexion sur nos institutions, en donnant la primauté au Parlement, en accroissant ses pouvoirs d'initiative, de décision et de contrôle, en permettant que les assemblées de notre pays reflètent ses diverses composantes et catégories socioprofessionnelles.

Etendre le scrutin proportionnel, limiter le cumul des mandats et adopter un véritable statut de l'élu pour les hommes et les femmes sont des mesures urgentes et nécessaires pour le rendre accessible. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Qui peut ignorer que les difficultés rencontrées par les femmes, à la fois pour exercer et éduquer les enfants - pour beaucoup dans un cadre monoparental - lese mpêchent souvent d'exercer tous leurs droits de citoyennes et d'élues ? Le statut de l'élu(e) se doit d'apporter les moyens et de créer les conditions de cette citoyenneté à part entière pour les hommes et les femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

Il ne faudra donc pas s'arrêter au milieu du gué. Le Gouvernement et la majorité doivent prendre leurs responsabilités en la matière et ne pas renoncer devant les pressions de ceux qui veulent faire de la politique la chasse gardée d'une élite formée dans les grandes écoles et qui tirent avantage d'une représentation démocratique mutilée à bien des égards.

Ce sont de véritables enjeux de société qui nous sont posés et auxquels nous devons répondre pour travailler à l'établissement de l'égalité dans de nombreux autres domaines.

Nous savons tous que les droits civiques et politiques sont indissociables des droits sociaux. Penser un autre visage de la politique, c'est nécessairement agir, dans le même temps et avec la même énergie, pour une autre conception du travail et des rapports sociaux.

A cet égard, l'application de la loi sur les 35 heures, l'amélioration des conditions de travail, la lutte contre les discriminations salariales, le développement de services publics et de proximité, la création de nouveaux droits pour les salariés, la lutte résolue contre toutes les formes d'exclusion sont autant de leviers pour une meilleure participation des femmes à la vie publique.

Des inégalités profondément scandaleuses persistent dans tous les secteurs, qu'il s'agisse de formation, de qualification, de déroulement de carrière, de salaires, de chômage ou de précarité. Les femmes sont majoritairement touchées. Le rapport de notre collègue Catherine Génisson est, à cet égard, éloquent.

Elles sont aujourd'hui 80 % à travailler dans les domaines culturel, social, scientifique, économique, où leur place est indéniable. Cependant, alors que la législation communautaire et nationale stipule l'égalité des traitements pour un travail de valeur égale, la différence entre la rémunération des femmes par rapport à celle des hommes persiste à accuser un écart important.

Dans le cadre du déroulement de carrière professionnelle, les femmes savent que de nombreux obstacles sont dressés devant elles. Le secteur privé est fortement touché mais le public n'est malheureusement pas épargné.

C'est dans la nature même d'une société toujours dominée par la rentabilité financière et le règne de la marchandisation, qui engendre les inégalités, fragilise les plus faibles, nourrit et utilise les mentalités rétrogrades, que se perpétue le refus de reconnaître la place des femmes.

Celles-ci luttent et elles savent pourquoi elles le font.

Nous avons, quant à nous, la responsabilité d'entendre ce qui gronde face à la triste distribution du libéralisme moderne.

La société civile attend de nous, en effet, autre chose que l'immobilisme. Nous avons fort à faire pour combler ce retard, ce grave déséquilibre. Il est grand temps qu'un pays comme la France invente un dessein démocratique qui favorise une citoyenneté active, solidaire, complète, mixte à tous les niveaux de représentation et de décision.

Une citoyenneté dont on sait qu'elle ne se décrète pas, mais qu'elle se conjugue avec la dignité et le respect de la personne humaine sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion comme l'indique d'ailleurs l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Les députés communistes s'inscrivent dans cette dynamique paritaire au moment d'aborder l'examen du projet de loi qui devrait tendre à un enrichissement de la vie publique française.

Avant de développer les réactions que nous inspirent les dispositions de ce texte, je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction de voir, conformément au souhait du Premier ministre qui incitait à une stricte égalité femmeshommes, que le Gouvernement a choisi l'instauration de la parité et non un système de quotas sur lequel nous étions particulièrement réservés.

L'avancée historique qu'induit ce projet se traduira dans les faits dès les prochaines élections municipales. Et l'adoption de ce texte, modifié sur certains aspects, comme nous le souhaitons, devrait honorer le Parlement.


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Concernant les dispositions à caractère obligatoire incluses dans le titre Ier qui impose le principe paritaire à toutes les élections qui se déroulent au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle, nous y sommes d'autant plus favorables qu'elles comportent une obligation de résultat.

Toutefois, nous regrettons que certaines autres ne répondent pas au souci d'efficacité que nous exprimons tous.

D'abord, concernant l'application de la loi pour les élections municipales, nous mêlons nos voix à celles de nombreuses autres associations et personnalités auditionnées notamment par l'observatoire de la parité pour déplorer qu'un nombre important de communes en soient écartées du fait du mode de scrutin en vigueur dans les communes de moins de 3 500 habitants. C'est pourquoi nous proposons qu'une modification intervienne pour intégrer dans le dispositif les communes dès 2 500 habitants dont les conseils sont élus aujourd'hui au scrutin de liste majoritaire. Et si le Gouvernement était d'accord pour descendre jusqu'à 2 000 habitants, nous en serions ravis.

Mme Yvette Roudy et Mme Martine Lignières-Cassou.

Très bien !

Mme Muguette Jacquaint.

Nous avons donc déposé un amendement qui modifie le mode de scrutin en appliquant le système de la représentation proportionnelle dans les communes, dès que le seuil de la population atteint 2 500 habitants, et - pourquoi pas ? - 2 000.

De la même façon, si le mode de scrutin uninominal des élections cantonales rend difficile l'application paritaire, il ne nous semble pas envisageable, au regard du faible nombre de conseillères générales que je rappelais tout à l'heure, d'en rester là. Quelle alternative y aurait-il sinon la proportionnelle ? Par ailleurs, si le projet prévoit la parité quant au nombre de candidates sur une liste, il reste totalement muet sur la place qu'elles devront y occuper. Le risque est grand de voir nombre de femmes se retrouver en fin de liste. Nous proposons d'intégrer une obligation d'alternance dans l'ordre de présentation lors du dépôt des listes au premier tour de l'élection.

J'en viens maintenant aux dispositions à caractère incitatif prévoyant de pénaliser financièrement les partis et groupements politiques qui ne respecteraient pas le principe de parité aux élections législatives.

Cette pénalisation, si on la considère a priori comme un moyen de pression sur les partis et groupements politiques qui n'assument pas leur responsabilité en matière de parité, peut apparaître comme une bonne solution.

Mais je crois qu'il faut l'apprécier dans le cadre de la révision constitutionnelle et de ses limites. En effet, il ne s'agit pas d'une obligation constitutionnelle de respecter la parité, mais d'une mesure tendant à « favoriser la parité ».

Mme Martine Lignières-Cassou.

C'est vrai !

M. Bernard Roman, rapporteur.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

Faute d'une loi contraignante qui s'impose aux partis et groupements politiques, on détourne l'obligation par des contraintes financières qui, si on y regarde de plus près, pèchent par leur manque d'efficacité au regard de l'objectif visé.

En effet, selon l'article 12, cette pénalité financière est proportionnelle à l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre total de candidats présentés par un parti ou groupement politique. Ce dispositif particulier ne pénaliserait pas les partis qui ne respecteraient pas le nombre de femmes et d'hommes élus dans cet hémicycle mais seulement ceux qui ne respecteraient pas la parité parmi les 577 candidats.

M. Alain Clary et M. Félix Leyzour.

Très bien !

M. Bernard Roman, rapporteur.

C'est vrai.

Mme Muguette Jacquaint.

Cette absence d'obligation de résultat risque d'aboutir à ce que l'Assemblée élue en 2002 affiche une image identique à celle que nous connaissons aujourd'hui, et cela sans que les partis ou groupements politiques ne soient pénalisés.

Nous souhaitons que le débat puisse faire évoluer cette situation sans accéder pour autant à la demande de certains d'instaurer une sorte de bonification-récompense aux formations politiques qui répondront aux dispositions de la loi. Nous y sommes farouchement opposés.

Mme Yvette Roudy.

Ce serait indécent !

Mme Muguette Jacquaint.

Les femmes ne doivent pas être la tirelire des partis politiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

En conclusion, le groupe communiste accompagnera ce projet de loi en souhaitant que la discussion fasse évoluer les questions de fond. C'est sans aucun regret et avec satisfaction que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, les lois sont les instruments d'une société de droit. Grâce à elles, notre société est censée devenir toujours plus égalitaire.

La parité n'est pas un principe, une fin en soi, mais un moyen de rendre plus égales les chances des Français et des Françaises. Je pense que nous sommes tous et toutes convaincus qu'il n'y a pas d'authentique démocratie sans participation féminine à tous les niveaux.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Dans une démocratie inachevée, privée de la force des femmes, il s'agit de redonner une chance à la féminité, comme le déclarait Romain Gary en 1974 dans La Nuit sera calme.

« Il ne suffit pas, disait-il, de mettre les femmes à la place des hommes pour avoir un monde nouveau. C'est idiot, ne serait-ce que parce que la plupart des femmes agissantes, actives ont déjà été réduites à l'état d'hommes par les besoins mêmes et les conditions de la lutte. »

Mme Muguette Jacquaint.

Je reste une femme, moi !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

« Le machisme en jupon n'est pas plus intéressant que l'autre. Je dis simplement qu'il faut donner une chance à la féminité, ce qui n'a jamais été tenté depuis que l'homme règne sur la terre. Si les choix politiques sont aujourd'hui si difficiles, c'est que, pour l'essentiel, toutes les forces en présence se réclament justement de la force, de la lutte, des victoires, du poing, de la masculinité en veux-tu en voilà. Il y a dans le monde politique une absence effrayante de mains féminines. Finalement, les idées, c'est dans les mains que ça prend corps et forme, les idées prennent la forme, la douceur ou la brutalité des mains qui leur donnent corps et il est temps qu'elles soient recueillies par des mains féminines. »


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Plus qu'un pouvoir, souvent stérile, la politique est d'abord l'expérience d'un débat où des individus libres, sexués apparaissent et se mesurent les uns les autres dans leur pluralité pour mieux penser l'intérêt public. Tel est d'ailleurs l'idéal de la cité grecque, cher à Hannah Arendt, dont nous pourrions essayer de nous rapprocher à l'occasion de cette discussion sur la parité en politique.

Cette discussion est d'autant plus nécessaire que, à certains égards, les choses évoluent peu dans ce domaine.

Tel est le constat qui ressort des dernières statistiques publiées par l'Union interparlementaire à l'ouverture d'une réunion préparatoire du Conseil économique des Nations unies pour l'Europe, chargée de tirer un premier bilan des engagements pris à Pékin lors de la conférence mondiale sur les femmes, en 1995. Et le rapport de conclure : « Les préjugés et les stéréotypes traditionnels subsistent d'un bout à l'autre de la planète sur les rôles supposés des hommes et des femmes. » Les femmes sont

toujours massivement absentes des institutions législatives et, plus encore, exécutives.

Pourtant, localement, il arrive que les choses changent vite, notamment en France - quoi qu'on en dise, - et contrairement à ce que Mme Casanova écrit dans son rapport. On assiste dans notre pays à un véritable mouvement de fond dans les mentalités. La société française, particulièrement les jeunes générations, souhaite à 80 % davantage de mixité à tous les niveaux de la vie politique.

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Non seulement la présence des femmes n'est pas contestée dans les différentes instances dirigeantes, mais elle est souhaitée. Et il est impensable aujourd'hui de présenter aux électeurs une liste de candidats uniquement masculins. Cela ne passe plus ! Mieux, dans une élection au scrutin uninominal difficile, on est tenté de présenter une femme parce qu'on p ense qu'elle apportera le plus qui permettra de l'emporter.

Mme Yvette Roudy.

Comme Mme Alliot-Marie !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Les chiffres sont là.

Sans les citer tous, je rappellerai la progression des conseillères municipales, avant la loi. Elles sont passées de 4 % en 1971 à 14 % en 1983, puis à 22 % en 1995.

Quant aux femmes parlementaires européennes, parties de 5 %, elles étaient 18 % en 1984, 31 % en 1994 et sont aujourd'hui 40 %.

Mme Yvette Roudy.

Parce qu'on a changé le mode de scrutin !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Pour prendre un exemple local - celui de l'Ille-et-Vilaine, bien sûr -, aucune femme ne siégeait au conseil général avant 1988 ; elles sont aujourd'hui 12 sur 53 conseillers généraux.

Dans ma circonscription, il n'y avait, en 1988, qu'une femme maire qui avait pris la suite de son mari ; elles sont aujourd'hui 10 sur 65 communes.

Ce n'est certes pas la panacée : il reste encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne la représentation nationale. D'où la nécessité d'une loi, qui sera d'autant plus efficace que le processus de féminisation est déjà enclenché. La loi est là pour le parfaire et l'accélérer.

Nous sommes convaincus de cette nécessité depuis longtemps à l'UDF. Dois-je rappeler à ce sujet la proposition de loi de Nicole Ameline et Gilles de Robien en 1996, et, dernièrement, celle de Pierre Albertini et d'Alain Ferry ?

Mme Yvette Roudy.

Elles étaient plutôt timides !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Nous sommes entièrement d'accord sur le principe d'une loi sur la parité. Et je vais maintenant vous livrer quelques remarques sur le projet dont nous débattons.

J'ai d'abord envie de rappeler à ses détracteurs que la démarche ne procède pas du communautarisme à l'américaine. « Aujourd'hui les femmes, demain les juifs, les noirs, les homosexuels ? Réponse simple mais implacable : les femmes ne forment pas une communauté. Elles ne sont ni une race ni une classe ni une ethnie ni une catégorie. Elles se trouvent dans tous ces groupes, elles les engendrent, elles les traversent. La différence des sexes constitue le paramètre initial. Avant d'être d'une classe, d'une corporation, l'être humain est d'abord masculin ou féminin. » J'ai cité Gisèle Halimi.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Bravo !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Notre approche est d'une tout autre nature. Nous voulons la parité, pas des quotas. Nous ne tenons pas à donner à ceux qui voudraient s'engouffrer dans la loi sur la parité les arguments pour demander des quotas, afin d'assurer une meilleure représentation politique des immigrés, par exemple. A cela, je dis non !

Mme Yvette Roudy.

Il ne faut pas se bloquer !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Nous nous devons d'être fidèles à la lettre et à l'esprit de la réforme const itutionnelle que nous avons adoptée à Versailles, le 28 juin 1999. Ce jour-là, nous avons complété l'article 3 par un alinéa ainsi rédigé : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. » Elle favorise, mes chers col-

lègues, elle ne garantit pas car elle ne peut transgresser l'exigence fondamentale du respect de la liberté des électeurs.

Je ne peux donc pas être d'accord avec la première recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes qui avance qu'une « véritable parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique doit se comprendre non c omme une égalité de candidatures de femmes et d'hommes mais comme une égalité d'élus ». J'espère qu'elle ne sera pas retenue.

Fidèle à la réforme constitutionnelle, la loi doit également respecter les engagements du Premier ministre et de son gouvernement. M. Jospin a affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y aura aucun changement de mode de scrutin à propos de la discussion de la loi sur la parité.

Ces propos ont été repris par Mme la ministre de la justice et, encore récemment, par vous-même, monsieur Chevènement. Je ne peux pas penser que, à la première occasion, le Premier ministre et son gouvernement reviennent sur une promesse aussi claire. Je vois donc d'un mauvais oeil...

Mme Yvette Roudy.

Le mauvais oeil, cela porte malheur !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... un certain amendement adopté en commission qui, sous prétexte de parité et sous couvert d'abaissement de seuil, modifie le mode de scrutin pour les communes comprises entre 2 000 et 3 500 habitants, les faisant passer d'un scrutin majoritaire à deux tours à un scrutin proportionnel avec prime majoritaire, ce qui est très différent.

M. Jean-Claude Lemoine.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ne mélangeons pas les genres. Nous discutons aujourd'hui de la parité. Cela dit, je suis tout à fait d'accord avec la proposition no 10 de l'observatoire de la parité qui souhaite, au-delà de cette loi, ne pas fermer le débat politique sur l'évolution des différents modes de scrutin. Avant la parité, la démocratie passe, à mon avis, par un lien direct entre l'élu et les électeurs. Cela implique de privilégier, chaque fois que faire se peut, le scrutin uninominal au scrutin de liste, ce qui est possible et souhaitable pour tous les types d'élection, à l'exception sans doute des municipales où il s'agit de présenter des équipes. Cette démarche n'est pas incompatible avec une meilleure participation féminine.

Sans scrutin uninominal, je ne serais pas là aujourd'hui.

Mme Yvette Roudy.

Cela aurait été dommage !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Puisqu'une majorité dans cet hémicycle penche en faveur de la parité, profitons-en, une fois n'est pas coutume, pour rédiger une bonne loi, c'est-à-dire une loi simple, applicable donc souple, qui n'engendre pas trop - et pas tout de suite d'effets pervers.

Les rapports, dans la vie, ne sont jamais mathématiques et mettent en jeu bien des paramètres, notamment, outre le sexe, la compétence et la générosité.

Mme Martine Lignières-Cassou.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je ne voudrais pas qu'une parité stricte et systématique - j'allais dire aveugle - prive notre société des services de personnalités riches, qu'elles soient masculines ou féminines.

Le dictionnaire Flammarion de la langue française définit la parité comme l'égalité, certes, mais aussi comme la similitude entre personnes ou choses de même qualité, de même nature.

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Comme notre collègue Jacques Pélissard, auditionné au titre de l'Association des maires de France, je crois qu'il nous faut voter « une loi d'impulsion visant à faire sauter le barrage philosophique des femmes et des hommes par rapport aux prises de responsabilités ». Cette loi, j'en suis convaincue, aura un effet d'entraînement. Avec le groupe UDF, je plaiderai donc pour la souplesse qui me paraît une facette non négligeable de l'intelligence...

M. Edouard Landrain.

Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... et proposerai que, dans toutes les élections, la parité soit respectée à 10 % près.

Cette disposition apaiserait l'inquiétude de nombreux maires, y compris de femmes maires, qui se sont attachés à l'équipe qu'ils ont formée dans le passé et avec laquelle ils veulent repartir parfois dans sa presque totalité.

Mme Yvette Roudy.

Il faut faire bouger les listes !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ils ne se voient pas congédier certains conseillers municipaux hommes sous prétexte de les remplacer par des femmes. Leur point de vue, très respectueux de leurs coéquipiers, n'est pas, me semble-t-il, dénué d'intérêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cela fait 2000 ans qu'on congédie les femmes !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En demandant la parité à plus ou moins 10 %, nous sommes en phase avec la proposition de Mme Dominique Gillot qui voulait 40 % de femmes dans les prochaines équipes municipales. Nous allons même plus loin, puisque 40 %, pour nous, c'est un minimum et que nous ménageons la possibilité d'avoir des listes féminines à 60 % dès 2001.

M. Bruno Le Roux.

Démagos !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En ce qui concerne les législatives, la proposition de 50-50 nous paraît totalement irréaliste et inapplicable.

M. Alain Clary.

On s'en doutait !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il serait souhaitable de laisser aux partis une marge de manoeuvre, non de 1 %, mais là aussi de 10 %, faute de quoi la loi sera immédiatement dévoyée sur le terrain par des candidatures sauvages et des primaires arrangées, pas forcément en faveur des femmes.

En d'autres termes, une démarche évolutive me semble plus réaliste et préférable au « grand soir » paritaire, au 50-50 immédiat. Telle est, d'ailleurs, la position du professeur Carcassonne : « Je pense qu'à 35 %, la partie est gagnée ; savoir si c'est 40, 45, 50 ou 55 relève du détail.

Quand on passe de 10 % à 35 % et au-delà, le changement n'est pas quantitatif, il est qualitatif. Je serais tenté de dire qu'à partir de 35 % dans ces assemblées, il y a autant de femmes que d'hommes. On passe d'un système à l'autre. On passe d'assemblées unisexuelles à des assemblées enfin bisexuelles ». N'est-ce pas ce que nous recherchons ?

M. Bernard Roman, rapporteur.

Non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Quant à la pénalisation financière des partis ne respectant pas la parité, elle est discutable. L'UDF lui aurait préféré une incitation. Une proposition en ce sens avait été déposée par des députés UDF dès février 1999. Il s'agissait d'inscrire une troisième fraction dans le montant des crédits affectés, dans le projet de loi de finances, au financement des partis et groupements politiques, afin d'accorder une prime aux formations qui décident de mettre en oeuvre l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes dans les élections législatives.

De surcroît, la pénalisation financière n'est pas liée aux résultats obtenus par les candidates. Rien n'interdit dès lors à un parti de les présenter dans des circonscriptions où elles auront peu de chances d'être élues.

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le projet gouvernemental prévoit que les crédits issus des diminutions éventuelles recevront une nouvelle affectation dans la loi de finances. De fait, l'aide de l'Etat aux partis politiques baissera en valeur absolue et c'est regrettable.

Mme Yvette Roudy.

Cela dépendra des partis !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'UDF a donc déposé un amendement tendant à ce que ces crédits soient redistribués aux partis qui auront respecté les règles de la parité.

Mme Yvette Roudy.

Dans ce cas...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mais la loi sur la parité ne sera pas suffisante pour instaurer une véritable égalité.

Il est indispensable de faire parallèlement évoluer les modes d'exercice des mandats politiques. Cela passe notamment, plusieurs orateurs l'ont dit avant moi mais j'y reviens, une révision du cumul des mandats, qui est, hélas ! une triste spécificité de la vie française et une entrave à son fonctionnement démocratique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

M. Bernard Roman, rapporteur.

La faute à qui ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il est grand temps d'analyser la situation et de prendre des décisions.

M. Bernard Roman, rapporteur.

On vote dans quinze jours !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Analyser la situation, c'est entre autres faire une liste, la plus exhaustive possible, des mandats concernés, sans oublier les présidences de structures intercommunales et en ajoutant l'exercice éventuel d'une profession.

Prendre une décision, c'est à mes yeux limiter leur nombre à deux pour permettre de cumuler un éventuel mandat national avec un mandat local. Il est essentiel que le député ou le sénateur puisse avoir une implantation locale pour un meilleur exercice de sa fonction législative.

Par ailleurs, une définition des moyens nécessaires à l'exercice de mandats, d'autant plus nécessaire que le cumul est limité, pourrait aussi grandement contribuer à la parité. Cette définition doit intégrer les indemnités, la formation, la protection sociale et les garanties dont les représentants pourraient se prévaloir en cas de défaite ou de retrait volontaire de la vie publique.

Cette démarche a une portée générale. Elle sécuriserait les femmes en général, mais aussi un certain nombre de catégories socialees dans lesquelles il est impossible en l'état d'abandonner momentanément sa profession.

Monsieur le ministre, comme le soulignait PierreChristophe Baguet dans on intervention au Congrès de Versailles, à supposer que la parité politique soit demain une réalité, ce que j'espère, il restera encore beaucoup de chemin à faire pour parvenir à une authentique parité, donc à une véritable démocratie, notamment dans les domaines professionnel et familial.

Dans le domaine professionnel d'abord, l'affirmation de Mme de Staël, « l'existence des femmes en société est encore incertaine sous beaucoup de rapports », reste d'une cruelle actualité. Les chiffres, qui ne datent que de trois ans, parlent d'eux-mêmes. Dans une fonction publique féminisée à 56 %, seulement douze directeurs d'administration sur soixante-cinq, trois recteurs sur vingtneuf, neuf ambassadeurs sur cent cinquante-sept, trois préfets sur cent-dix-sept et vingt et un sous-préfets sur quatre cent quarante sont des femmes. Et je pourrais continuer, la liste est longue !

M. Pierre Hériaud.

Il faut donner l'exemple !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Dans les 5 000 premières entreprises de France, on ne trouve que 7 % de cadres dirigeants femmes ; dans le privé, les femmes gagnent 12 % de moins que les hommes, toutes choses égales par ailleurs âge, diplôme, expérience, catégorie professionnelle ! La notion d'égalité des chances, longtemps jugée contradictoire avec des actions en faveur des femmes, apparaît aujourd'hui compatible avec des mesures ciblées.

Le Traité d'Amsterdam, récemment entré en vigueur, prévoit en effet dans son nouvel article 141que « le principe d'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sousreprésenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ».

Un immense chantier s'ouvre à la société française.

Mais le domaine professionnel ne doit pas être le seul visé. Les syndicats ne font pas mieux. Les femmes n'y sont pas plus présentes aux postes de responsabilité que dans la fonction publique et dans les entreprise. Jugez-en vous-même : dans les bureaux exécutif ou confédéraux, selon les cas, elles sont dix sur trente à la CFDT, sept sur dix-sept à la CGT, une sur seize à la CFTC, trois sur quatorze à FO et une sur onze à le CFE-CGC ! Le secteur culturel et sportif n'est pas davantage exemplaire. Les femmes commencent à juste titre à réagir contre ces inégalités. Je citerai à titre d'anecdocte, mais symptomatique, la mobilisation des soixante meilleurs joueuses de tennis mondiales au début de l'année, derrière Martina Hingis, pour obtenir les mêmes dotations financières que celles accordées aux hommes. Au cours de la dernière décennie, les femmes auront gagné la guerre du jeu et de l'audience, mais pas encore celles des prix. Sans évidemment parler de leurs absence dans les instances dirigeantes : dans notre pays, une seule femme est présidente d'une fédération sportive olympique. Mais ne perdons pas espoir : le CIO demande que 10 %, puis 20 % des postes décisionnels soient réservés aux femmes en 2005.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Et l'égalité des temps de parole ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'ai droit à vingt-cinq minutes.

M. Edouard Landrain.

Quelle intolérance ! Mme Guinchard-Kunstler n'aime pas les femmes !

Mme la présidente.

Mme Boisseau, je le confirme, a droit à vingt-cinq minutes de temps de parole.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Dans le domaine familial, enfin, nous pouvons dire, sans caricaturer, que nous sommes à ce jour encore très loin de la parité. Les discours ont évolué, à n'en pas douter, les mentalités aussi, paraît-il ! Mais, concrètement, nous en restons encore trop souvent à l'affirmation terrifiante de Xénophon, voilà vingt-quatre siècles : « Les dieux ont créé les femmes pour les fonctions du dedans, et l'homme pour toutes les autres. » Ce sont toujours les femmes qui assurent la ges-

tion domestique, en particulier la garde et l'éducation des enfants.

M. Alain Tourret.

Ça a changé !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Donnons-leur enfin les moyens de mener vraiment de front une vie familiale et une vie professionnelle, associative ou politique.

Cela passe, entre autres, par une amélioration des modes de garde des jeunes enfants et des aides à domicile pour les personnes âgées dépendantes. Il s'agit de vulgariser ces aides afin qu'elles bénéficient à un maximum de jeunes femmes qui, libérées des tâches matérielles au niveau de la famille, pourront se montrer d'autant plus dynamiques et inventives dans le domaine professionnel ou engagées sur le plan politique ou associatif.

En conclusion, le groupe UDF, dont je me fais le porte-parole, votera très majoritairement le projet de loi sur la parité,...

M. Bernard Roman, rapporteur.

Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... des deux mains si nos amendements sont adoptés, avec inquiétude quant à son application, si vous vous en tenez à ce strict 50 % qui ne correspond à rien, pas même au pourcentage réel des femmes dans notre société où nous sommes, je vous le rappelle, 53 % ! Au-delà de la lettre de cette loi, dont je crains qu'elle ne reste trop étriquée, je voudrais n'en retenir que l'esprit, celui de la recherche de la parité pour une meil-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

leure respiration de notre société. C'est une étape, non un point d'orgue, madame Casanova, une étape sur le chemin de la reconnaissance de l'autre dans son intégrité et dans sa différence. Ce n'est qu'une étape dans le long apprentissage de la tolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il n'est jamais trop tard pour monter dans le train !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous y voilà enfin ! Après des années de lutte, la parité en matière de représentation des hommes et des femmes dans les assemblées élues va entrer dans les faits. Même si ce combat n'a pas été mené seulement par la gauche, je suis fière que ce soit le Gouvernement de Lionel Jospin qui mette aujourd'hui en oeuvre un dispositif législatif de nature à traduire, dans la réalité, les articles 3 et 4 de la Constitution que nous avons modifiés lors de la révision constitutionnelle du 28 juin dernier.

M. Alain Tourret.

Très bien !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Il est finalement tout à fait juste, monsieur le ministre de l'intérieur, que ce soit vous qui défendiez, au nom du Gouvernement, ce projet de loi, vous qui, en tant que parlementaire, aviez déposé dès 1994 une proposition de loi constitutionnelle tendant à assurer l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats politiques.

Avant d'en venir au texte que vous nous présenter, je voudrais rappeler que la parité n'est qu'un aspect, certes important, de la lutte contre l'égalité. Il reste beaucoup à faire dans le monde du travail et au sein des familles pour qu'une juste répartition des droits et des devoirs, des responsabilités et des charges régisse les autres rapports entre hommes et femmes.

Pour mettre en oeuvre le principe de parité, le Gouvernement a choisi le pragmatisme, ce qui ne peut lui être reproché. Mais il apartient sans doute aux parlementaires, y compris à ceux de la majorité, de pousser plus avant la réflexion et de soulever les points qui peuvent poser problème et d'avancer des propositions.

La mise en oeuvre de la parité dans les consultations électorales se déroulant au scrutin de liste ne pose pas de difficultés particulières. Je présenterai toutefois une série d'amendements tendant à assurer la parité au sein des organes exécutifs des conseils régionaux et municipaux.

Mais l'essentiel de ma réflexion concerne plus spécif iquement, monsieur le ministre, la question, plus complexe, je le reconnais, de la mise en oeuvre de la parité pour les élections à scrutin majoritaire. Le projet de loi prévoit une sanction financière qui s'appliquerait pour les élections législatives, laissant de côté les électi ons cantonales et les sénatoriales pour ce qui concerne les départements où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire. S'agissant des élections législatives, le dispositif retenu apparaît relativement peu dissuasif, notamment pour les partis les plus riches et les mieux installés, comptant de surcroît le plus grand nombre de sortants masculins. Ils pourraient dès lors choisir de supporter des restrictions de ressources, au demeurant plafonnées, plutôt que de réellement mettre en oeuvre le principe de la parité.

On peut donc considérer que le dispositif retenu pour les élections à scrutin majoritaire et uninominal - fort peu contraignant pour les législatives et sans effet pour les cantonales - reste évidemment très en deçà de ce qui est prévu pour les élections à scrutin de liste. Dès lors, le débat sur l'opportunité de tel ou tel mode de scrutin réapparaît inévitablement, ce qui me paraît particulièrement dommageable pour la cause même de la parité. Une partie de la droite accuse d'ailleurs le Gouvernement de vouloir utiliser la parité pour introduire la proportionnelle aux législatives. Cet argument permet ainsi à des adversaires de la parité d'avancer masqués. De même, le lien souvent fait entre parité et scrutin de liste proportionnel par certains de nos partenaires de la gauche plurielle contribue à obscurcir les enjeux en substituant au débat sur la parité celui, légitime mais hors sujet, des modes de scrutin.

Mme Yvette Roudy.

En effet !

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande.

A bon entendeur, salut !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Pour toutes ces raisons, je propose une série d'amendements tendant à organiser la mise en oeuvre de la parité pour tous les modes de scrutin. Leur adoption permettrait de ne pas laisser à l'écart de la parité les élections cantonales et les élections sénatoriales qui se déroulent au scrutin majoritaire. Et surtout, elle créerait les conditions pour assurer l'entrée massive des femmes dans la prochaine Assemblée nationale, coeur de la souveraineté du peuple.

Le dispositif que je propose prévoit que tout parti ou groupement politique ayant bénéficié, l'année précédant l'élection, de la première fraction des aides attribuées aux partis et groupements politiques par la loi no 88-227 du 11 mars 1988 modifiée, sera tenu de présenter autant de femmes que d'hommes dans chaque département, à une unité près, pour toute consultation électorale se déroulant au scrutin majoritaire.

Mes amendements ne méconnaissent par le droit individuel de se présenter aux élections à scrutin majoritaire uninominal, mais ils contraindraient les partis à assurer une parité de candidatures.

Je souhaite enfin que la question de la parité dans les structures intercommunales soient abordée par le Gouvernement dans un avenir proche.

L'intercommunalité constitue en effet un enjeu majeur de l'avenir. Ce n'est pas vous, monsieur le ministre de l'intérieur, qui me contredirez sur ce point, puisque votre loi, récemment adoptée, est en train de se traduire dans les faits à grande vitesse. C'est dans le cadre de l'intercommunalité que se traiteront désormais les dossiers majeurs. C'est là que sera la réalité du pouvoir local. Il faudra, là aussi, organiser la mise en oeuvre de la parité.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, je suis bien évidemment favorable à votre texte que les radicaux de gauche voteront.

Mais bien évidemment, il faudra rechercher et engager les moyens d'une participation équilibrée des femmes et des hommes dans l'ensemble des organismes représentant le monde professionnel ou la société civile : je pense notamment à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes à l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique ou dans les grands corps de l'Etat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Mme Martine Lignières-Cassou.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, m es chers collègues, c'est la première fois que je m'adresse à vous en tant que président de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances, non sans une certaine émotion.

Permettez-moi tout d'abord de citer les propos fort anciens d'une républicaine à Paris en 1790. Elle dirait que la justice devait être la première vertu des hommes libres et la justice demande que les lois soient communes à tous les êtres comme l'air et le soleil, cependant que partout les lois étaient en faveur des hommes et aux dépens des femmes, parce que le pouvoir restait entre leurs mains. Avec 10 % de femmes à l'Assemblée nationale, la situation a-t-elle radicalement changé ? Le pouvoir est-il partagé ? Le droit de vote des femmes était déjà inscrit dans la Constitution de 1791. Il aura fallu attendre plus de cent cinquante ans pour que cette disposition soit effectivement mise en application ! Il faut croire, pour une fois, que le passé nous aura cette année servi de leçon. En effet, à peine cent cinquante jours après le Congrès de Versailles qui a inscrit la parité dans la Constitution, ce projet de loi va nous permettre dès aujourd'hui d'appliquer une égalité de fait entre les femmes et les hommes en politique. Le faux débat sur l'universalisme n'est donc plus de mise ; il s'agit maintenant de définir les actions à mettre en oeuvre concrètement.

Le député Jean-Pierre Chevènement, lui-même auteur d'une proposition sur la parité en 1994, n'aurait sans doute pas imaginé meilleur scénario : passer aussi vite de la proposition au projet.

Le plus frappant à mes yeux dans ce débat, c'est la rapidité de l'évolution des mentalités. Comme le rappelait Mme Péry, le combat féministe de ces dernières années et le débat sur la révision constitutionnelle l'hiver dernier ne sont sans doute pas étrangers à cette prise de conscience.

Les partis de gauche, les membres de l'actuel Gouvernement, ont été les premiers à en comprendre les enjeux. Je remercie également Laurent Fabius, président de l'Assemblée, de son soutien à la création de la délégation aux droits des femmes.

L'égalité en politique n'est malheureusement pas synonyme d'égalité dans la vie quotidienne. De nombreuses discriminations demeurent dans tous les domaines : accès à l'emploi, salaires, violence, précarité, etc. Inutile de toutes les énumérer : chacune et chacun ici les connaît aussi bien que moi, chaque jour nous avons l'occasion de les affronter. Je reste pourtant persuadée que la parité en politique peut devenir une locomotive pour tous les domaines de la vie tant publique que privée. La parité est un acte fort, un signal pour l'ensemble de la société.

Lorsque siégeront autant de femmes que d'hommes dans nos assemblées et nos conseils municipaux, je suis convaincue que la société ne restera pas indifférente au mouvement vers l'égalité. Rapprocher les femmes des lieux de pouvoir, c'est aussi rapprocher les femmes des lieux de décision. C'est leur permettre d'agir sur la vie quotidienne de tous, c'est nous permettre d'agir sur leur vie quotidienne. A travers cette loi, nous lançons un appel aux femmes pour qu'elles s'investissent massivement dans la vie publique, et cela, au moment où la politique suscite méfiance et scepticisme, en particulier de leur part.

D'après un récent sondage, plus de 60 % d'entre elles pensent que les élus sont éloignés de leurs préoccupations et ne les prennent pas en compte. Ce paradoxe rend d'autant plus pressante la mise en oeuvre de la modernisation de la vie publique, la réflexion sur les finalités du politique et de son mode d'exercice.

Je ne sais pas s'il existe une conception et une pratique typiquement féminines du pouvoir. Cela nous renvoie à un débat qui traverse le mouvement féministe depuis plus d'un siècle sur la différenciation des sexes, sur la nature et l'essence des genres.

En revanche, je sais qu'il est urgent de faire bouger les choses, de transformer la société. Et pour accomplir cette oeuvre-là, il faut dire aux femmes et surtout leur montrer que nous avons besoin de toutes les énergies, que nous avons besoin d'elles tout simplement.

Car l'enjeu est bien là : obtenir, si vous me permettez l'expression, une « égalité juste » entre les deux sexes. Ce n'est pas un pléonasme, mais simplement une réponse à ceux qui considèrent que l'égalité commence à partir de 20, 30 ou 40 % de femmes élues. A cet égard, en septembre dernier, les propos de Lionel Jospin sur la parité ont été décisifs. Pour notre Premier ministre, la parité, c'est bel et bien 50-50 ! Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est un bon cadre. La délégation aux droits des femmes qui en a été saisie par la commission des lois - et je remercie sa présidente Catherine Tasca et son rapporteur Bernard Roman - pense pourtant que des améliorations sont à apporter. Le projet de loi doit être plus explicite, car notre objectif est bien de parvenir à 50 % de femmes élues.

L'alternance femme-homme pour tous les scrutins de liste est la première recommandation adoptée par la délégation. C'est la traduction la plus simple, la plus visible du principe de parité. Depuis 1994, les élections européennes successives l'ont montré.

Et a contrario, en Belgique, la loi de 1994 a imposé un quota de candidatures féminines sur les listes sans fixer l'ordre de présentation. Au bout du compte, le nombre de femmes élues dans les conseils locaux...

Mme Yvette Roudy.

N'a pas bougé !

M me Martine Lignières-Cassou.

... a péniblement atteint 20 %, contre 10 % auparavant. C'est peut-être un progrès, monsieur le ministre, mais laissez-moi penser que la parité à 80-20, ce n'est pas la parité ! Le système mis en place en Belgique a montré ses limites. En instaurant des quotas, les partis politiques se sont bornés à faire le minimum, ni plus ni moins.

La France, et nous l'avons tous et toutes dit, est aujourd'hui à l'avant-dernier rang de l'Union européenne.

Cette loi ne doit donc pas être une mesure de plus, mais un geste fort pour l'ensemble des femmes européennes.

Et notre objectif n'est pas simplement de rattraper notre retard, mais de devenir un véritable modèle d'égalité pour tous. Soyons non seulement le pays des droits de l'homme, mais aussi celui de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous sommes attendus, et vous le disiez, madame la secrétaire d'Etat, nous sommes attendus et observés.

Si l'alternance est le système le plus efficace, il est vrai que certains scrutins de liste à deux tours peuvent demander une certaine souplesse. Nous aurons l'occasion d'en débattre tout au long de cette journée.

Le projet de loi prévoit également, pour les élections municipales, un seuil de 3 500 habitants, au-delà duquel les communes seront concernées. Nous proposons et nous


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demandons d'abaisser ce seuil, car les communes de moins de 3 500 habitants représentent 93 % de nos communes, c'est-à-dire 85 % des conseillers municipaux, et sur l'ensemble de ces communes, les femmes ne représentent qu'un cinquième des élus. Nous ne pouvons donc pas les exclure du champ d'application de la loi.

Par ailleurs, et cela a déjà été dit précédemment, le projet de loi n'aborde pas la question des élections cantonales. Il est pourtant évident que des efforts devront être entrepris pour favoriser, là aussi, la parité, soit par une modification du mode de scrutin, ce que proposait Mme Jacquaint, soit par une modification de la loi sur le financement des partis, car, nous le savons bien, les scrutins uninominaux sont les plus durs aux femmes.

En ce qui concerne les structures intercommunales, le mode d'élection des représentants ne nous permet pas aujourd'hui d'instaurer l'égalité entre les deux sexes, mais une probable et nécessaire réforme du mode de scrutin nous permettra de voir, dans un avenir que j'espère proche, autant de femmes que d'hommes siéger dans nos structures intercommunales.

Reste le débat sur les moyens que l'on se donne pour faire respecter la loi. Si nous sommes opposés au principe des primes, il nous semble en revanche nécessaire, pour les élections législatives, d'instaurer des sanctions financières à l'encontre des partis qui ne présenteraient pas autant d'hommes que de femmes... (Sourires.)

M. Jacques Pélissard.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

... autant de femmes que d'hommes, et qui décideraient volontairement de se placer hors la loi.

Je ne comprends pas le discours de ceux qui veulent assimiler les femmes à l'argent en politique. Non seulement, je ne le comprends pas mais il m'indigne. Est-il scandaleux d'imposer des sanctions financières aux automobilistes qui ne respectent pas le code de la route ?

Mme Yvette Roudy.

Non, en effet !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Est-il scandaleux de demander réparation à ceux qui ne respectent pas la loi ?

Mme Yvette Roudy.

Ce n'est pas scandaleux !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Pour moi, ce qui est scandaleux, c'est qu'il n'y ait que 8 % de femmes maires en France, 6 % de sénatrices et que, sur les cent premières entreprises françaises, le nombre de femmes dirigeantes se compte sur les doigts d'une seule main ! Il est là le scandale !

Mme Yvette Roudy.

Parfaitement !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Enfin, si nous souhaitons inscrire ce projet de loi dans une perspective à plus long terme d'égalité entre les hommes et les femmes, il est nécessaire de suivre de façon régulière la progression des femmes dans la vie publique. Pour cela, nous demandons une évaluation, portant sur l'ensemble des scrutins, sous la forme d'un rapport tous les trois ans.

La marche vers l'égalité entre les femmes et les hommes est un long chantier. Le projet de loi que nous sommes en train d'examiner peut devenir un formidable atout. L'enjeu est de taille et je suis pour ma part persuadé que le prochain siècle sera paritaire ou ne sera pas.

Mme Yvette Roudy et M. Claude Billard.

Très bien !

M me la présidente.

Veuillez conclure, madame Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Pour conclure, je remercie l'ensemble des membres de la délégation pour leur travail et, en particulier, Odette Casanova pour son rapport d'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque jour, nous pouvons constater, dans cet hémicycle comme dans beaucoup d'autres assemblées de notre pays, l'insuffisante présence des femmes aux responsabilités politiques. Ce constat a été fait sur tous les bancs de cette assemblée et nous avons choisi de résoudre ce problème par la loi.

Nous avons entamé une démarche qui nous a amenés, le 28 juin dernier, à lever l'obstacle posé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982, en décidant une modification des articles 3 et 4 de notre Constitution. J'ai voté oui, comme l'immense majorité du groupe auquel j'appartiens, à cette modification et, bien évidemment, je voterai oui pour cette loi qui vise à poursuivre cette démarche et à appliquer concrètement ces principes d'égal accès des femmes aux responsabilités publiques, répondant par là à la réalité, et aux attentes de la société.

Je voudrais cependant, mes chers collègues, attirer votre attention sur deux points.

D'abord, il me semble qu'un certain nombre de dispositions de ce projet méritent d'être améliorées. Je suis déçu qu'il ne comporte aucune disposition concrète pour les conseils généraux. D'autre collègues, appartenant à différents groupes, sont déjà intervenus à cette tribune, partageant la même inquiétude et faisant quelques suggestions. Je souhaite que ce débat, ainsi que ceux qui suivront au Sénat puis chez nous, permettent de trouver une solution.

J'avoue également n'être qu'à moitié convaincu par le système envisagé pour les élections législatives : lier la présence des femmes à une dotation financière n'est pas très satisfaisant sur le principe.

Mme Martine David.

C'est une sanction ! Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Luc Warsmann.

Au surplus, on peut craindre qu'il n'y ait pas une réelle parité dans les effectifs de l'Assemblée nationale élue pour la prochaine législature et que cette disposition ait des effets pervers.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann.

J'espère que le débat permettra de l'améliorer, même si, je le dis franchement, la matière est délicate.

Mme Martine David.

Que proposez-vous ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour d'autres élections, le projet du Gouvernement propose le principe 50-50, présence équilibrée des hommes et des femmes. Beaucoup, dont je fais partie, ont déposé des amendements pour aller plus loin : selon les modes de scrutin proposés, soit l'alternance homme-femme, soit l'alternance dans le cadre de groupes de six. Je crois que nous nous entendrons facilement pour améliorer le texte en ce sens.

Il reste le problème des élections municipales. Un grand nombre de collègues, dont le rapporteur, ont exprimé leur souhait d'étendre le système aux communes entre 2 500 et 3 500 habitants. Je partage cette orientation. Je suis favorable à cette modification.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Mais - et c'est le deuxième point que je voudrais évoquer - faut-il prendre prétexte de ce souhait pour modifier le mode de scrutin ? J'y suis totalement hostile, pour trois raisons.

Premièrement, ce serait complètement inutile. Il est tout à fait possible, sans aucune difficulté juridique, d'appliquer les règles d'égal accès des hommes et des femmes, d'assurer la présence d'autant d'hommes que de femmes d ans les listes aux élections municipales dans ces communes et d'imposer la présence d'un nombre égal d'hommes et de femmes par groupe de six, aux communes de 2 500 à 3 500 habitants en gardant le même mode de scrutin.

Deuxièmement, pour moi, ce serait une faute, parce que le système que semble défendre le rapporteur aboutirait à priver les habitants de ces communes d'une liberté, celle de « panacher », de choisir ses candidats, liberté qui est appréciée parce qu'il s'agit de communes où les candidats sont connus, où l'élection se joue sur cette connaissance par tous des candidats, sur leurs compétences, sur l'estime qu'on leur porte. Il est anachronique de vouloir ôter cette liberté aux électeurs pour augmenter le poids des listes ou le poids des étiquettes politiques, surtout à un moment où les partis politiques ont perdu beaucoup de leur force de conviction dans la société.

Mais, surtout, et je le dis avec beaucoup de gravité, ce serait une atteinde lourde à la morale politique. Mes chers collègues, nous avons tous écouté le Premier ministre prendre un certain nombre d'engagements, lors du congrès, le 28 juin dernier. Je me permets de lire sa déclaration : « Mais je veux redire ici ce que j'ai déjà précisé, le 9 décembre dernier, devant la représentation nationale : cette révision n'est pas conçue comme un prétexte à une modification des modes de scrutin, tout particulièrement du mode de scrutin législatif. »

M. Bernard Roman, rapporteur.

Du mode de scrutin législatif, en effet !

M. Jean-Luc Warsmann.

Le Premier ministre a été extrêmement clair. Je n'ose pas croire que le Gouvernement, quelques mois après, ou que la majorité qui soutient le Gouvernement, déchirerait un engagement qu'il a pris...

M. Bernard Roman, rapporteur.

Pour les législatives !

M. Jean-Luc Warsmann.

... pour obtenir le vote d'une modification de la Constitution. Ou alors il faudrait relire tous les engagements pris par le ministre de la justice et le Premier ministre à propos d'une autre modification constitutionnelle...

Mme Christine Boutin.

Ce serait sage !

M. Jean-Luc Warsmann.

... au regard d'un comportement d'une majorité qui, quelque mois après, déchirait ses engagements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne veux pas le croire et je suis plein d'optimisme après avoir entendu le discours de M. le ministre de l'intérieur qui, semble-t-il et je le souhaite ardemment - évitera ce dérapage.

En souhaitant que ce débat technique ne dévie pas sur le mode de scrutin municipal, je crois que nous avons l'occasion ce soir de faire oeuvre utile, de faire avancer la législation et de la mettre en harmonie avec les souhaits de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Ce jour, mes chers collègues, est un grand jour pour notre Parlement, un grand jour pour les femmes et un grand jour pour notre démocratie.

D'abord, c'est une grande et belle victoire pour les femmes. C'est une loi concrète, enfin, qui vise de façon précise les élections municipales, régionales, sénatoriales et même les élections législatives de manière indirecte.

C'est une loi forte aussi puisque le Gouvernement, à juste titre, a choisi la parité plutôt que les quotas, qu'il a décidé l'application de cette loi dès les prochaines élections municipales et qu'il a opté pour des sanctions financières plutôt que pour des "bonus" car il est normal que les femmes soient présentes dans la vie politique.

Cette loi est, à mon sens, plus importante que la révision constitutionnelle, même si elle était, bien sûr, un passage obligé, parce que c'est passer d'une démarche symbolique à une démarche effective, de l'autorisation de faire à la volonté de faire.

Pour saluer ce qui est une victoire importante pour les femmes, je voudrais rendre hommage à toutes celles qui se sont battues, à des époques sûrement plus difficiles que l a nôtre. Je pense aux premières révolutionnaires : Mme Roland, qui a péri sur l'échafaud, Olympe de Gouges, qui a été guillotinée pour avoir voulu publier une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Je pense aussi aux féministes qui, au début de ce siècle, ont mené le premier combat, celui du droit de vote des femmes. Rappelons-nous : en 1916 Maurice Barrès proposait le « suffrages des morts » pour les veuves de guerre.

En 1919, un député modéré, de l'Yonne, M. Flandin, proposait le droit de vote aux femmes, mais seulement pour les municipales, justement, et seulement pour les femmes de plus de trente ans. Et puis en 1936 enfin, une proposition de Louis Marin a été adoptée mais elle n'a jamais été même discutée par le Sénat, qui pendant trente ans a bloqué le droit de vote des femmes ! Enfin, je pense à toutes ces femmes anonymes qui se sont battues pour l'éducation des femmes, le travail des femmes, les droits des femmes. Nous pouvons imaginer quelle serait leur joie si elles pouvaient nous voir discuter de cette loi sur la représentativité des femmes en politique.

C'est aussi une grande et belle victoire pour la démocratie, parce que cette loi va apporter une véritable bouffée d'oxygène à nos institutions : au Parlement bien sûr, au Sénat, qui ne bloquera sans doute plus les textes en faveur des femmes, à l'Assemblée nationale, ainsi que dans les conseils municipaux.

Permettez-moi, sur ce point, de vous livrer mon témoignage personnel. A Fécamp, où je suis élue, il y a beaucoup de femmes au conseil municipal. Ce qu'elles ont apporté à notre vie municipale est considérable : leur enthousiasme, leur force, la nouveauté de leur regard, la simplicité de leurs méthodes et leur aspiration profonde à des avancées concrètes.

Cependant, mes chers collègues, nous ne saurions nous limiter à cela. La loi que nous examinons aujourd'hui ne peut être qu'une étape. Car, au-delà des nouveaux droits acquis, c'est l'égalité effective qui reste le combat à mener.

L'égalité effective passe sûrement par les dispositions contraignantes, les mesures spécifiques que nous voterons aujourd'hui. Mais elle passe aussi, et je voudrais m'y attarder un instant, par un statut moderne pour les élus.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

Il n'y aura pas de vraie promotion des femmes en politique, ni d'ailleurs dans la vie syndicale et associative ni même tout simplement dans la vie professionnelle et économique, sans nouveaux droits sociaux. Ce qui suppose une nouvelle organisation de notre société. Je pense notamment au droit à l'aide collective pour éduquer les enfants.

Le constat est connu : concilier une vie professionnelle, politique, syndicale, associative, et une vie familiale, surtout parentale, à plus forte raison quand il s'agit de familles monoparentales, pour reprendre une expression connue, à laquelle Mme Catala est très attachée, est un travail d'équilibriste. C'est l'ingérable double journée, c'est l'épuisante course-poursuite entre la nourrice, la crèche, l'école, le métro ou la voiture, le travail, les courses, le ménage, et le reste.

L'Etat et les collectivités locales ont un rôle à jouer pour trouver un meilleur équilibre des coûts et des responsabilités qui permette aux femmes de s'impliquer vraiment dans la vie économique, sociale et politique. Il faut multiplier les structures d'accueil des enfants, crèches et haltes-garderies. Il faut généraliser l'entrée en maternelle à deux ans. Il faut que les écoles soient ouvertes après seize heures, de manière que le père et la mère puissent travailler l'un et l'autre, à parité.

Majoritairement masculins, les élus se sont jusqu'à présent très peu passionnés pour ces questions. Désormais, nos assemblées seront équitablement, je l'espère, masculines et féminines. Peut-être prendront-elles alors des mesures fortes et concrètes.

Mais il n'y aura pas de vraie promotion des femmes en politique sans l'adoption d'un statut moderne de l'élu.

Notre système est archaïque. Il repose sur une vision dépassée de la politique. Et il faudra que le Gouvernement ait le courage d'aborder cette question, de sortir de l'hypocrisie et de rénover notre vie politique par un véritable statut, moderne, de l'élu.

M. Patrice Martin-Lalande.

Oui, et il y a urgence.

Mme Frédérique Bredin.

Avec Bernard Roman et M. le ministre de l'intérieur, nous en avions longuement discuté à l'occasion du débat sur le cumul des mandats.

Avec l'accord du Gouvernement, nous avons pu faire adopter un amendement sur l'indemnisation des maires, ainsi qu'un certain nombre de mesures concrètes sur les autorisations d'absence. Mais il faudra aller beaucoup plus loin. Et je pense particulièrement à la formation des élus.

Songeons combien les femmes sont modestes, souvent trop modestes d'ailleurs, pensant ne pas être au niveau pour assumer leurs nouvelles fonctions. Il faudra parler d'indemnisation, et pas seulement pour les maires, car la fonction d'élu est une fonction à part entière, qui mérite que l'on s'y consacre entièrement.

Mme la présidente.

Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Frédérique Bredin.

Il faudra parler de la retraite des élus.

L'étape suivante est indispensable, monsieur le ministre,...

M. Bernard Roman, rapporteur.

Eh oui !

Mme Frédérique Bredin.

... et nous en parlerons très concrètement le 8 février prochain, à l'occasion du débat sur la limitation du cumul des mandats.

Les femmes sont réalistes, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre : elles ne demandent pas seulement le libre choix théorique de leur vie et de leurs engagements : elles en voudraient, concrètement, les moyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de m'exprimer sur le projet de loi soumis aujourd'hui à notre examen.

J'avais, en effet, déposé en mars 1997 une proposition de loi visant à rééquilibrer la place faite aux femmes dans la vie publique, et l'ai déposée à nouveau récemment en m'associant à mon collègue Pierre Albertini.

Le projet de loi du Gouvernement est consécutif à la nouvelle rédaction des articles 3 et 4 de la Constitution.

Celle-ci autorise l'introduction de discriminations positives en faveur des femmes dans les futures lois électorales sans risquer la censure du Conseil constitutionnel.

On connaît la situation peu flatteuse de la France parmi les pays européens au regard de la représentation des femmes en politique, chacun a les chiffres présents à l'esprit.

Cherchons ensemble les causes de cette situation anormale.

Certaines sont évidentes : la Révolution française a exclu les femmes de l'exercice de la citoyenneté, le droit de vote ne leur est accordé qu'en 1944 par le général de Gaulle, il y a une corrélation observée entre l'ancienneté du droit de vote et la représentation des femmes en politique, et le milieu politique apparaît souvent aux femmes comme un monde masculin clos sur lui-même, un « syndicat de sortants ».

Cependant, ces facteurs ne suffisent pas à expliquer l'exception française dans ce domaine.

Dans la revue Le Débat , l'historienne Mona Ozouf a relevé que les Françaises s'étaient peu mobilisées au

XIXe et au XXe siècle pour obtenir le droit de vote. Notre pays n'a pas connu l'équivalent des suffragettes britanniques. La méfiance jacobine envers le droit d'association, qui n'est reconnu qu'en 1901, y est certainement pour beaucoup.

L'héritage latin est parfois incriminé, mais l'Italie et l'Espagne comptent davantage de femmes députés.

Finalement, le bon sens suggère une raison essentielle : la difficulté que connaissent les femmes à concilier un engagement politique et une vie familiale. Il est certain que l'Europe du nord favorise davantage l'engagement des femmes. La politique familiale doit donc prendre en compte cette exigence, Mme Bredin le disait tout à l'heure.

Cependant, pour promouvoir l'engagement des femmes dans la vie publique, le projet du Gouvernement est-il judicieux ? Plusieurs objections ont été avancées à l'encontre de ce texte.

Le soupçon de manoeuvre politicienne, en premier lieu : certains craignent que le Gouvernement ne cherche en réalité à imposer le scrutin proportionnel aux élections législatives. Il s'en défend. Nous en prenons acte.

La parité pourrait conduire à un phénomène observé aux Etats-Unis : les élus issus des minorités ethniques sont parfois dévalorisés, car ils sont réputés ne devoir leur élection qu'à la réglementation qui les favorise, non à leur mérite.

Plus largement, ce projet de loi serait le premier pas vers un morcellement communautaire de la société française. L'argument doit être considéré sérieusement. Si les


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droits de l'individu sont modulés en fonction d'une spécificité, il y a un risque de revendication de catégories qui s'estiment sous-représentées : les jeunes, les personnes âgées. De la même façon, que répondrait la justice à des hommes qui se plaindraient d'être insuffisamment représentés dans l'enseignement ou au barreau ? Tous ces arguments ont leur valeur, mais ils ne sau-r aient justifier l'immobilisme. Seule une disposition contraignante permettra d'obtenir un résultat rapide.

Je formule toutefois les réserves suivantes.

S'agissant des scrutins de liste, il convient d'inviter les partis à présenter non plus seulement le même nombre d'hommes et de femmes, mais autant de femmes que d'hommes en position éligible. C'est pourquoi je soutiens l'idée d'exiger le même nombre d'hommes et de femmes par « tranche » de six candidats. Plus la tranche retenue est petite, plus la contrainte est grande pour les partis.

Par ailleurs, une stricte parité de 50-50 est peut-être un peu rigide. On peut estimer que 40-60 serait plus réaliste car il faut tenir compte des difficultés que l'on peut rencontrer sur le terrain pour trouver des candidates.

C'est pourquoi le seuil de 3 500 habitants semble déjà exigeant pour les petites communes. En tout état de cause, je suis opposé à l'abaissement du seuil à 2 000 habitants, qui me paraît tout à fait irréaliste.

Sous ces quelques réserves, le projet de loi soumis à notre examen mérite l'approbation du Parlement, et je lui apporte évidemment tout mon soutien.

Mme la présidente.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une grande satisfaction pour le groupe communiste, comme l'a rappelé Mme Muguette Jacquaint, d'examiner ce projet de loi sur la parité des mandats électoraux.

Il aura fallu, en effet, du temps pour reconnaître le rôle et la place des femmes dans une société comme la nôtre. Pourtant, elles représentent près de la moitié de la population active. Dans l'enseignement supérieur, les étudiantes sont largement majoritaires. Dans le domaine artistique, scientifique, chacun reconnaît leur apport indéniable dans les avancées que ces secteurs ont connues. En quelques décennies, les inégalités juridiques se sont réduites jusqu'à disparaître. Ce mouvement a largement été impulsé par les femmes elles-mêmes, cela a été rappel é dans les débats.

Toutefois, des faits inégalitaires sont toujours là.

En dépit d'un taux d'activité de 47,6 %, les femmes restent à l'écart des postes de décision de la vie économique, 9,5 % des femmes appartiennent à la catégorie des cadres contre 16 % pour les hommes, elles sont représentées massivement dans le travail à temps partiel dont on connaît les effets : bas salaires mais aussi frein dans l'évolution des carrières. La notion « A travail égal, salaire égal » est un voeu pieux. Les inégalités salariales sont flagrantes. La rémunération des femmes persiste à accuser un écart de 25 % en moyenne par rapport à celle des hommes. La directive européenne n'est, pour une fois, pas appliquée.

La loi de 1983 sur l'égalité professionnelle, qui pouvait être un point d'appui, n'a que peu compté dans la législation sociale et dans la lutte contre les disparités. De même, le chômage frappe majoritairement les femmes.

Les inégalités existantes aujourd'hui sont aussi le reflet des freins de la société actuelle dans son évolution progressiste.

La place des femmes dans la vie publique, dans la vie politique s'inscrit dans ce contexte sociologique et économique. Une des avancées indéniables dans le domaine politique fait la réforme des articles 3 et 4 de la Constitution, qui s'est concrétisée le 28 juin 1999 au Congrès à Versailles. Elle s'est effectuée, on s'en souvient, dans un climat difficile. Le Sénat, dans un premier temps, avait montré avec force son hostilité.

Aujourd'hui, notre assemblée examine la mise en oeuvre pratique de cette réforme. Le projet de loi s'intègre dans le dispositif constitutionnel et législatif en vigueur, notamment avec les différents modes de scrutin. Or certains, notamment les scrutins majoritaires uninominaux, engendrent intrinsèquement l'impossibilité de légiférer efficacement pour tendre à la parité entre les hommes et les femmes. Les élections cantonales sont donc écartées.

Or celles-ci creusent les inégalités : une seule femme présidente de conseil général sur l'ensemble du territoire national et plus de vingt départements sans une seule conseillère générale ! Pour les élections législatives, le mode de scrutin actuel peut aussi apparaître comme un obstacle à la progression du nombre de femmes élues. L'article 12, à son étude, ne laisse présager que peu d'efficacité quant au résultat.

Concernant les autres modes de scrutin, l'adoption de cette loi, avec les améliorations apportées par le débat dans le sens d'une réelle parité, aura des répercussions non négligeables sur la représentativité des femmes dans les mandats électifs. Ce mouvement aura lieu pour les élections à scrutin de listes à la proportionnelle. Le paysage politique pour les élections municipales, régionales et sénatoriales en sera modifié.

Le taux de conseillères municipales dépassera largement les 21,8 % actuels. Il est certain que cela engendrera une forte hausse du nombre de femmes maires, qui est aujourd'hui de 8 % au total, avec un phénomène de décroissance dans les grandes villes. Quinze femmes sont maires de villes de plus de 20 000 habitants, mais deux femmes seulement, maires de communes de plus de 50 000 habitants.

La composition des conseils régionaux, du Sénat sera elle aussi largement modifiée, dans le respect d'une plus grande parité.

Après plusieurs années de débats et d'actions, nous sommes à une étape indispensable pour concrétiser dans la loi la parité, mais elle ne doit en aucun cas être l'étape finale. D'autres chantiers législatifs sont à ouvrir, notamment celui du statut de l'élu.

Cette loi marquera sans aucun doute une dimension nouvelle dans la démocratie. L'opinion publique attend son adoption de pied ferme. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en effet un moment historique que nous vivons aujourd'hui au sein de notre assemblée.

Certes, la révision constitutionnelle, qui revêt toujours une certaine solennité, avait marqué une étape importante dans la longue marche des femmes vers l'égalité en politique, la parité. Mais, avouons-le, chez un grand nombre


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

d'entre nous subsistait un doute sur l'application concrète qui serait donnée à ce texte. N'allions-nous pas rester, une fois de plus, au stade des déclarations d'intention ? Eh bien non. Non seulement nous en avons rêvé, mais nous l'avons fait, cette majorité l'a fait.

Je me souviens encore avec beaucoup d'acuité et d'émotion, parce que c'était hier, des dizaines de réunions dans des salles bien modestes, de meetings, de manifestations parfois clairsemées, menées au début dans une certaine indifférence. Que de chemin parcouru ! C'était compter sans la détermination et la mobilisation des associations, des élus que nous sommes, d'universitaires, de personnalités diverses, hommes et femmes, qui demandent depuis des années que le droit reconnaisse enfin que le genre humain est sexué et que ses deux moitiés ont droit à une égale représentation politique.

Les Verts ont été de ceux-là et ont inscrit dans leurs statuts, dès leur récente fondation, en 1984, le principe même de parité, et, même si nous connaissons les mêmes difficultés que d'autres partis à intéresser les femmes à la vie politique, ce n'est pas un hasard si la première présidence de région des Verts est revenue à une femme, Marie-Christine Blandin, et si le ministère vert, dans cette majorité, est aussi occupé par une femme, Dominique Voynet.

Rappelons aussi que la parité, c'est, comme le dit très bien le texte, 50 50, parce que les femmes constituent la moitié de l'humanité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

53 % !

Mme Marie-Hélène Aubert.

La parité n'est pas un quota, ni un avantage, une discrimination positive, comme on dit, donnée à une catégorie. Ainsi, l'universalisme n'est pas incompatible avec la parité et ceux qui ne le croient pas sont ceux qui ont une vision aveugle de la République, toujours aussi masculine et monolithique dans ses fonctionnements.

Cela dit, cette réforme, si nécessaire, est-elle suffisante ? Certains aspects du texte peuvent certes être améliorés, pour plus de clarté et de rigueur, et nous nous réjouissons de l'adoption en commission de la plupart des amendements que nous avions déposés, afin de viser le plus possible à une parité d'élues, et pas seulement de candidates, mais ce texte doit s'inscrire dans une réforme beaucoup plus globale de la vie politique. Or la modernisation de la vie politique fait pour l'instant du surplace, tant les conservatismes, notamment au Sénat, mais pas seulement, sont prégnants dans nos instances.

Trois points méritent à cet égard une attention plus soutenue.

Le cumul des mandats stagne, en effet, depuis son passage au Sénat. Nous y reviendrons bientôt, et c'est tant mieux. Cette réforme est très importante pour renouveler le personnel politique et la façon de faire de la politique.

Celle-ci ne doit plus être conçue comme une carrière, avec un tissage de mandats comme autant de filets de sécurité pour des individus qui seraient différents du reste de nos concitoyens, des politiciens à vie.

M. Bernard Roman, rapporteur.

Très bien !

Mme Marie-Hélène Aubert.

C'est cette conception de la politique qui mène inévitablement à toutes les dérives que nous connaissons, et qui défraient régulièrement la chronique. La loi sur le cumul des mandats doit enfin sortir de l'ornière.

Une vie politique renouvelée, c'est aussi une meilleure représentation des forces et des mouvements de ce pays, par l'instauration du scrutin proportionnel, même s'il peut être aménagé : engagement du contrat entre les Verts et le parti socialiste, notamment, et surtout engagement qui devrait éviter de figer artificiellement la structuration du paysage politique dans les schémas d'autrefois.

En ce qui concerne la parité, cette loi aurait été tellement meilleure avec la proportionnelle, qui aurait permis d'éviter de lier la présence ou non de femmes à une sanction financière, peu acceptable sur le plan symbolique et culturel, et qui fait encore le jeu des grands partis.

Cette occasion de démocratiser et de féminiser la vie politique dans des conditions plus honorables pour les femmes a été ratée, et nous le regrettons. Nous aurions mille fois préféré que ce soit la loi qui détermine la parité aux législatives et aux cantonales, et non pas l'argent.

C'était parité ou proportionnelle, nous a-t-on expliqué, notamment à cause de l'opposition à l'Assemblée nationale, et nous, nous voulons parité et proportionnelle, mais nous y reviendrons certainement dans les mois qui viennent.

Enfin, le statut de l'élu avait, a toujours besoin d'être revisité Quid des gardes d'enfants, qui pèsent toujours plus sur les élues femmes ? Quid d'un droit au temps partiel pour les élus municipaux ? Quid des indemnités, du fait d'encourager réellement les élus à se former, alors que l'on sait qu'une majorité d'entre eux ingorent même cette possibilité, quid du retour à l'emploi pour des élus qui ne soient pas uniquement issus de l'enseignement, de la fonction publique, rentiers, ou membres de certaines professions libérales ? Voilà des améliorations législatives possibles, souhaitables. Il faudra s'y atteler, et cent fois sur le métier nous remettrons notre ouvrage.

Cela dit, nous savons que tout ne passe pas par la loi et les partis. Les organisations politiques doivent aussi se poser la question de ce qui fait fuir les femmes, et pas seulement les femmes, dans leur fonctionnement, leur rythme, leurs pratiques, ainsi que dans leur approche du pouvoir. Dans une ère où les réseaux sont de plus en plus efficaces, où l'engagement est plus souvent thématique, plus souple, nos organisations ne sont-elles pas quelque peu dépassées, peu démocratiques, très lourdes, calquées trop souvent sur des schémas militaires ? Il nous faudra bien inventer aussi de nouvelles formes de militance, plus ouvertes et plus conviviales.

Enfin, la parité n'a pas pour objet de permettre à des femmes privilégiées d'accéder à des postes de pouvoir, sans rien changer au fond. Elle doit être au contraire un élément essentiel d'un vaste mouvement pour la mixité, pour l'égalité, toujours à conquérir, entre les hommes et les femmes, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, et, au-delà du cadre forcément rigide de la loi, ramener l'imagination, la diversité, la créativité, le souci de la proximité dans une vie politique menacée de sclérose, qui en a bien besoin.

Même si les femmes, en soi, ne sont ni meilleures ni pires que les hommes, elles amèneront forcément une différence que nous espérons féconde et porteuse d'espérance pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Voilà le formidable défi que nous avons encore à relever. N'en vaut-il pas la peine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 JANVIER 2000

3 DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation des trois membres titulaires de l'Assemblée nationale au sein du Conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du règlement, le soin de présenter les candidats a été confié à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Les candidatures devront être remises à la présidence avant le jeudi 3 février 2000, à dix-huit heures.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique.

Suite de la discussion : après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 2012, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; du projet de loi organique, no 2013, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-etFutuna.

M. Bernard Roman, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2103).

Mme Odette Casanova, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2074).

(Discussion générale commune.)

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT