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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 513).

APPLICATION DES 35 HEURES AU TRANSPORT ROUTIER (p. 513)

MM. Michel Vaxès, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

AUTRICHE (p. 513)

MM. Jacques Brunhes, Lionel Jospin, Premier ministre.

CONFLITS SOCIAUX LIÉS AUX 35 HEURES (p. 515)

M. Hervé Morin, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PLAN CONTRE LA VIOLENCE À L'ÉCOLE (p. 516)

Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE (p. 516)

MM. Thierry Carcenac, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ANIMAUX DANGEREUX (p. 517)

MM. Bertrand Kern, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS (p. 518)

M. Jean Rigal, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS (p. 519)

Mmes Sylvia Bassot, Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

RECETTES FISCALES (p. 520)

M. Philippe Briand, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE (p. 520)

M M. Christian Jacob, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE (p. 521)

MM. Jacques Myard, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Suspension et reprise de la séance (p. 522)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

2. Service public de l'électricité. - Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi (p. 522).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 524)

MM. Guy Hascoët, François Goulard, Alain Cacheux, Franck Borotra, Claude Billard, Claude Birraux.

Clôture de la discussion générale.

DERNIER TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (p. 542)

Amendements identiques nos 2 de la commission de la production et 1 de M. Proriol : MM. le rapporteur, Pierre Micaux, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 543)

Adoption de l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié.

3. Activités physiques et sportives. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 543).

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Leroy, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Catherine Picard, au nom de la délégation aux droits des femmes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

QUESTION PRÉALABLE (p. 550)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : M. Christian Estrosi, Mme la ministre, MM. Bernard Outin, JeanClaude Beauchaud. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 555)

M. Guy Drut.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 558).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe communiste.

APPLICATION DES 35 HEURES AU TRANSPORT ROUTIER

M. le président.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

L a deuxième loi sur les 35 heures, votée en décembre 1999, doit dynamiser la création d'emplois, permettre une avancée sociale pour l'ensemble des salariés sans remettre en cause les acquis, et les aider à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

Au premier jour de son application, des conflits se font jour et risquent de se prolonger en raison notamment dur efus persistant du patronat du transport routier d'entendre les préoccupations des salariés de ce secteur.

Les chauffeurs routiers ont, hier et aujourd'hui, cessé le travail. La raison de leur mécontentement trouve sa source dans les conditions d'application par les entreprises de transport de la réduction du temps de travail.

Personne ne conteste que les décrets d'application de la loi prennent en compte les spécificités de certaines professions, mais ils doivent prévoir des aménagements particuliers permettant à ce secteur de bénéficier, au même titre que les autres, de l'application des 35 heures, tout en ayant les moyens de faire face à la concurrence qui y sévit. Il faut pour cela ne négliger aucune initiative susceptible de relancer le dialogue social entre les différents protagonistes.

Monsieur le ministre, comment allez-vous oeuvrer pour favoriser ce dialogue et débloquer la situation ? Vous avez reçu, ce matin, des représentants syndicaux de la profession. Où en sont les négociations ? Dans six mois, la France va présider l'Union européenne. Réussirez-vous à faire progresser le dossier de l'harmonisation du temps de travail des routiers en Europe afin que cette harmonisation puisse se faire, comme vous l'avez souvent dit, par le haut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, je sors à l'instant d'une réunion avec les organisations syndicales de salariés qui m'ont fait part de leur détermination à : leur profession ne doit pas échapper aux dispositions, qu'ils considèrent positives, du décret relatif à la réduction du temps de travail. Le Gouvernement a donné l'assurance aux représentants des salariés que, dès aujourd'hui, 1er février, les mesures relatives au déclenchement des heures supplémentaires dès la trente-sixième heure de travail hebdomadaire ou bien à la durée maximale du travail de 220 heures, seront appliquées sans la moindre ambiguïté. Nous créerons les conditions pour que les organisations syndicales, le ministère et le Gouvernement puissent vérifier au jour le jour l'application des décrets.

Mes interlocuteurs m'ont également fait part de leurs inquiétudes concernant les salaires et le pouvoir d'achat.

Il est évident que la réduction de la durée du travail pour d es salariés qui font plus de 250 heures, parfois 300 heures, peut entraîner des problèmes réels. J'ai donc demandé que, dès la semaine prochaine, le 8 ou le 9 février, s'ouvrent des négociations paritaires à la fois sur l'application du décret, mais également sur les salaires.

Cela va dans le sens de ce qu'ils souhaitaient.

Je terminerai sur le problème majeur de l'harmonisation à l'échelle européenne à laquelle s'opposent aujourd'hui plusieurs gouvernements. J'ai invité les organisations de salariés à s'adresser directement à la Commission européenne, les assurant de mon soutien sur ce dossier.

Car nous sommes déterminés à oeuvrer pour que soit banni le dumping économique et social qui prévaut en Europe, au mépris non seulement des conditions de vie et de travail des chauffeurs routiers, mais aussi de la sécurité routière, sans parler de la survie des entreprises.

Je me suis engagé à agir et vous pouvez être assurés de la détermination du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

AUTRICHE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le Premier ministre, en Autriche, le leader de l'extrême droite Jo rg Haider, admirateur des Waffen SS et de « la politique de l'emploi de Hitler », négocie avec la droite autrichienne pour constituer un gouvernement.

L'accession au pouvoir du parti de Haider est un défi politique,...

M. Lucien Degauchy.

C'est la démocratie !

M. Jacques Brunhes.

... un défi éthique sans précédent depuis la guerre, alors même que l'Autriche est membre de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. Des réactions d'indignation s'expriment un peu partout. Le Président de la République a fait part de son inquiétude.

Mais l'émotion ne suffira pas. C'est aux actes qu'il faut passer pour mettre le dirigeants de Vienne au ban des opinions et des institutions communautaires. Comment


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accepter, en effet, un gouvernement autrichien où se retrouveraient des partisans de Haider et qui entrerait en contradiction ouverte avec les valeurs fondamentales de l'Union européenne et de la France ? Il ne s'agit pas d'isoler le peuple autrichien mais de proscrire Haider et tous ceux qui pactiseraient avec lui, comme l'avaient fait à Vienne, le 12 novembre dernier, les milliers de manifestants de la grande mobilisation antiraciste.

Personne ne peut s'exonérer de réfléchir aux raisons de cette situation en Autriche, aux conséquences des politiques néo-libérales, et aux conditions de l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale.

Dans l'immédiat, monsieur le Premier ministre, je vous demande, au nom des députés communistes, sur ce dossier où il y va des valeurs de la démocratie et de l'humanisme, quelle sera l'attitude du Gouvernement et quelles mesures il compte prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert,)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, l'émotion grave et forte qu'a suscité en Europe et dans notre pays le projet d'alliance entre le parti conservateur et le parti de l'extrême droite en Autriche est tout à fait légitime. Et je sais, monsieur le député, que lar éprobation que vous exprimez est partagée par l'ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Nous n'avons pas oublié les brûlures de l'histoire européenne. Certes, il ne faut pas amalgamer les situations historiques. Les années 2000 en Europe ne sont pas les années 30. L'Allemagne de Hindeburg et de Hitler ne peut être comparée à l'Autriche de MM. Schssel et Haider. Le FP lui-même, parti de M. Haider, n'est pas un parti national-socialiste.

Non, mais c'est un parti d'extrême droite xénophobe.

Non, mais c'est un parti dont le leader a rendu hommage en son temps - nous ne l'avons pas oublié - à Hitler, à sa politique de l'emploi et aux Waffen SS. Non, mais le FP est un parti dont le leader a révélé tout récemment encore, par ses dérapages verbaux inconvenants à l'égard du Président de la République française, répugnants vis-àvis du gouvernement belge, ce qu'il était.

(Applaudissements sur de nombreux bancs.) Il est donc logique que ce projet d'alliance provoque à la fois l'indignation et le refus.

Une question est posée, notamment à Vienne, par certains responsables autrichiens : cette alliance projetée n'est-elle pas seulement l'affaire des Autrichiens ? Je crois qu'il faut, à cet égard, insister sur un élément qui n'a pas été, jusqu'ici, suffisamment mis en valeur. Dire cela, c'est ne pas prendre en compte le fait que l'Autriche appartient désormais à une communauté fondée sur des principes et des valeurs humanistes.

Lorsque, au début des années 90, a été posée la question du passé de M. Kurt Waldheim, l'Autriche n'était pas membre de l'Union européenne. Chacun des pays européens, et des autres pays du monde, était libre de déterminer la nature de ses relations avec l'Autriche, libre de décider d'avoir ou pas des relations politiques avec elle. La communauté internationale des nations démocratiques avait alors marqué son refus en engageant une politique de boycott qui avait conduit à la démission de M. Kurt Waldheim.

Aujourd'hui, les choses sont différentes parce que l'Autriche fait partie de l'Union européenne. Nous nous réunissons régulièrement entre chefs d'Etat et de gouvernement ou au niveau des ministres, à quinze, dans l'Union européenne, et nous ne pouvons pas refuser, selon les règles du traité, la participation des Etats membres. C'est pourquoi, avant de parler d'ingérence, il faut bien considérer que le seul fait d'avoir à accepter dans ces instances des représentants de ces partis d'extrême droite,...

M. Francis Delattre.

Vous avez bien des communistes, vous !

M. le Premier ministre.

... équivaudrait, en réalité, à apporter notre caution politique à une alliance que certains dirigeant ont eux-mêmes déterminée en Autriche.

Or nous refusons cette alliance parce que nous la jugeons dangereuse, comme nous la refusons dans notre propre pays. Et je rends ici hommage à la droite parlementaire qui, à quelques exceptions près dans trois de nos régions, a refusé constamment - le Président de la République en particulier - cette alliance avec l'extrême droite. Nous n'avons pas à nous la voir imposer politiquement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. le Premier ministre.

Puisqu'une communauté implique de vivre ensemble, c'est aux quinze Etats membres de s'entendre sur les règles minimales de ce

« vivre ensemble ». Et les idées du FP sont contradictoires avec les principes sur lesquels est fondée la Communauté européenne.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, nous sommes effectivement passés aux actes, la France et les quatorze pays autres que l'Autriche. Le président de la République, avec mon plein accord (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République),...

M. Michel Hunault.

Le président de la République n'a pas besoin de votre accord !

M. le Premier ministre.

... dès vendredi, après avoir pris contact avec le chancelier allemand, a proposé au président de l'Union, M. Antonio Guterres, un certain nombre de mesures pratiques.

Moi-même, j'ai eu, durant le week-end, des contacts téléphoniques avec le président de l'Union et la présidence portugaise qui, après l'avoir proposé hier, a adressé au Président de la République autrichienne et à l'actuel Chancelier social-démocrate Klima une déclaration selon laquelle, si une telle alliance était constituée, il n'y aurait plus de contact politique et diplomatique officiel entre les quatorze pays et l'Union européenne, les contacts au niveau des ambassadeurs seraient maintenus à un seul niveau technique, nous n'appuierions aucune des propositions de l'Autriche en matière de postes au plan européen comme au plan international.

Si nous nous sommes situés au plan des relations bilatérales pour les quatorze pays et au plan politique, mesdames, messieurs les députés, c'est que le traité ne nous permettait pas d'agir préventivement. Selon l'article 7 du traité d'Amsterdam, des violations graves et persistantes d es principes fondateurs de l'Union devraient être


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commises par cet hypothétique nouveau gouvernement pour que nous puissions agir. Nous n'entendons pas attendre que cette situation se crée. C'est pourquoi la pression politique exercée par les chefs d'Etat et de gouvernement, par nos formations politiques, par les mouvements spirituels, par l'opinion elle-même, par les médias est absolument nécessaire.

L'objectif est de susciter une prise de conscience en Autriche, qui interrompe ce projet. S'il n'en était pas ainsi, monsieur le député, croyez bien qu'en contact avec ses partenaires européens, le gouvernement français serait conduit, sur la base de ce qui a été décidé et sur celle de nouvelles propositions qu'il pourrait faire, notamment s'il était confronté à cette situation pendant la présidence française, à prendre toutes mesures pour que l'Autriche de MM. Haider et Schssel soit politiquement isolée en Europe.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CONFLITS SOCIAUX LIÉS AUX 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et concerne la mise en oeuvre des 35 heures.

Nous sommes le 1er février 2000, premier jour d'application de la loi. En ce jour, les conflits sociaux dans notre pays se multiplient dans les entreprises du secteur privé, notamment dans le transport routier, et également dans l'ensemble du secteur public : les hôpitaux, la RATP, La Poste, la SNCF.

Nous n'avons cessé de rappeler, durant les débats législatifs, qu'il fallait une loi non pas dirigiste, obligatoire et autoritaire mais, au contraire, une loi d'inspiration décentralisatrice qui fasse confiance aux partenaires sociaux pour que la réduction du temps de travail puisse s'effectuer dans les meilleures conditions, entreprise par entreprise.

Nous sommes aujourd'hui le seul pays au monde, à l'exception de la Principauté de Monaco (Sourires), à appliquer de façon générale et obligatoire la réduction du temps de travail.

Le conflit des transporteurs routiers est symptomatique de l'impossibilité d'appliquer une loi identique pour toutes les entreprises, qui différent par la taille, par l'activité et qui sont inégalement soumises, à la concurrence européenne ou à la concurrence mondiale. Le Gouvernement l'a d'ailleurs lui-même reconnu puisque, dans le cadre du décret concernant le transport routier, il a d'ores et déjà remis en cause la loi que le Parlement venait de voter.

Ma question est simple, madame la ministre : comment allez-vous concilier la nécessaire compétitivité des entreprises françaises, notamment celles qui sont soumises à la concurrence européenne, avec la légitime volonté des salariés du secteur privé français de bénéficier des fruits de la croissance et donc de voir leur pouvoir d'achat augmenter ? Nous craignons, et nous n'avons cessé de le rappeler tout au long des débats, que la France, après avoir évité le bogue informatique, ne subisse un véritable bogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je crois qu'il vaut mieux que la raison l'emporte, comme d'habitude, et ne pas prendre ses désirs pour des réalités ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe du Rassemblement pour la Répubique. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Des conflits existent, nous ne pouvons pas les ignorer, même si la Poste et la RATP, que vous avez citées, sont des entreprises qui ne relèvent pas de la loi dont vous venez de parler.

S'agissant du transport routier, M. Gayssot a rappelé à juste titre la position qu'a adoptée la France depuis longtemps : seule une législation européenne permettra de régler le problème des camions qui traversent nos frontières et qui dépendent de législations différentes.

Bien qu'ils portent davantage sur le fonctionnement du secteur public que strictement sur l'application de la loi, nous n'ignorons pas ces conflits, et nous travaillons pour trouver des solutions.

D'ailleurs, monsieur Morin, n'en exagérons pas le nombre. Alors que, en 1998, vous nous aviez promis une flambée de conflits, il y a eu 350 000 journées de grèves, soit 100 000 de moins qu'en 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseA lliance et du groupe du Rassemblement pour la République) et ne parlons pas des 2 millions de journées de grève de 1995 ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

Enfin, ne nous trompons pas sur leur signification.

Dans beaucoup de cas, ces conflits montrent l'impatience des salariés de passer, dans le secteur public comme dans le secteur privé, aux 35 heures dans de bonnes conditions. Je vous rappelle simplement, sans les nommer tous, que plus de 25 000 accords sur la durée du travail ont déjà été signés - même si vous préférez vous int éresser à t rois entreprises qu'à ces 25 000 autres -, que 160 000 emplois ont été créés ou préservés grâce à ces accords.

Je vous rappelle également que, parmi ces 25 000 entreprises, figurent pratiquement toutes les grandes entreprises industrielles françaises - Renault, PSA, Alsthom, la SNECMA, Thomson, Aerospatiale, Dassault, Framatome, Usinor -...

M. Thierry Mariani.

La RATP !

M. Jean-Michel Ferrand.

Moulinex !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... toute la grande distribution et la plupart des grands groupes étrangers comme Ford, Philips, IBM, Caterpillar ou Mercedes, pour ne citer que ceux-là. Cela est encore vrai pour la plupart des grands services ainsi que dans le secteur médico-social, et le mouvement est enclenché dans le secteur public. Monsieur Morin, voyez le chômage qui baisse, voyez les 25 000 accords existants.

(Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Certes il ne faut pas négliger les conflits, mais nous, nous faisons confiance à la négociation sociale. Nous pensons surtout que le mouvement de négociation sans précédent qui se produit dans notre pays et même les conflits sont parfois l'occasion de régler des problèmes, d'avancer, de réduire le chômage, d'améliorer les conditions de travail. C'est ainsi, d'ailleurs, que nous entendons continuer. C'est ainsi que nous continuerons à obtenir des résultats en matière d'emploi.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

PLAN CONTRE LA VIOLENCE A L'ÉCOLE

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Ni tout préventif ni tout répressif, avez-vous dit, monsieur le ministre de l'éducation nationale, en présentant le deuxième volet de votre plan anti-violence dans les établissements scolaires.

Nous en sommes d'accord, car ce plan va permettre de déployer des moyens supplémentaires dans de nouvelles académies et de nouveaux établissements en difficulté.

M. Gilbert Meyer.

C'est la réponse ou la question ?

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Je rappelle qu'il prévoit sept mille adultes pour l'encadrement supplémentaire, une montée en puissance des classes relais pour les élèves en difficulté, des dispositifs de sécurité autour de soixante-quinze établissements difficiles, un meilleur statut et de meilleurs salaires pour les enseignants qui constituent les équipes pédagogiques de ces quartiers.

Nous avons ainsi une palette de mesures qui vont dans le bon sens.

Par ces décisions, monsieur le ministre, vous démontrez que le découragement qui pourrait saisir les acteurs sur le terrain n'est pas à l'ordre du jour et que, au contraire, les plans anti-violence et la sécurité restent parmi vos priorités.

Au-delà de l'amplification médiatique, aux effets parfois catastrophiques pour certaines régions - j'en parle en connaissance de cause, car je suis l'élue d'une circonscription difficile, à Mantes, où se sont produites récemment violences et agressions -, je tiens à souligner que subsistent encore bien des inquiétudes, bien des doutes, bien des interrogations.

M. Lucien Degauchy.

Il y a de quoi !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Monsieur le ministre, pouvez-vous dire devant la représentation nationale comment vous allez former les jeunes éducateurs qui seront confrontés au problème de la violence au quotidien ? Comment envisagez-vous l'articulation du partenariat entre l'école, la justice et l'éducation nationale, étant entendu que la clarification des rôles et des compétences est l'une des clés du succès de votre plan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je souhaite que le rythme des questions et des réponses s'accélère.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Madame la députée, le combat que nous menons contre la violence est programmé et méthodique. Nous y affecterons quatre mille aides-éducateurs qui seront formés, cent postes de conseiller principal d'éducation, huit cents surveillants à mitemps, cent postes d'infirmière, auxquels s'ajouteront deux mille emplois de jeune ouvrier, plus de mille emplois d'adulte-relais du ministère de la ville et près de huit mille personnes nouvelles concentrées dans 412 établissements.

La dotation exacte sera communiquée aux recteurs le mardi 8 février, et presque tous ces moyens seront disponibles immédiatement sauf ceux qui, pour des raisons statutaires, demandent des concours de recrutement organisés selon les règles de la fonction publique.

A cet égard je tiens à insister devant la représentation nationale sur la formation des emplois-jeunes parce qu'elle constitue une originalité. Ils seront en effet, regroupés pendant trois mois après leur recrutement pour suivre une formation qui sera élaborée par un comité de p ilotage placé sous la direction d'une universitaire, Mme Jacqueline Costa-Lascoux, en partenariat avec la police, la gendarmerie, la protection judiciaire de la jeunesse et les responsables de la politique de la ville.

Ce dispositif a été testé en Seine-Saint-Denis et, plus important encore, un processus de validation des acquis professionnels a été engagé avec les trois IUT délivrant actuellement en France le DEUST de médiation urbaine et sociale. Dès la rentrée, l'IUT de Villetaneuse sur le site de Bobigny et celui de Montreuil seront aussi habilités à décerner ce diplôme. Nous aurons donc un système de formation et, en même temps, une nouvelle formation de médiation urbaine ouverte dans les IUT.

Par ailleurs, une instruction sera adressée dès lundi prochain à la hiérarchie, lui rappelant son devoir de soutien vis-à-vis des individus et des établissements. Mme la garde des sceaux a déjà envoyé une instruction générale au parquet pour renforcer l'application des dispositions législatives et, dès cette semaine, le ministre de l'intérieur enverra une circulaire d'urgence pour les suivis renforcés dans les établissements privés. Début mars, sera signée une convention avec le ministère de la défense pour assurer une surveillance de proximité des établissements.

Enfin, la semaine prochaine, je commencerai à rencontrer les représentants des élus pour faire en sorte que les choses se passent bien, mais, madame la députée, l'élément le plus important, je tiens à le rappeler, c'est l'engagement des équipes animées par des chefs d'établissement avec des enseignants et des personnels éducatifs. Je tiens à l eur rendre hommage au nom du Gouvernement.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) RE

ORGANISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE

M. le président.

La parole est à M. Thierry Carcenac, pour une question rapide.

M. Thierry Carcenac.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez décidé d'engager, à l'horizon 2003, une réorganisation sans précédent de l'administration fiscale. Elle doit aboutir, selon votre souhait, à une modernisation dont les objectifs sont l'adaptation du service public aux attentes de nos concitoyens, la simplification du système déclaratif et du paiement des impôts et la création d'un correspondant fiscal unique.

Certes nous sommes favorables à la nécessaire modernisation de l'administration et à la définition de nouvelles missions pour les agents des administrations fiscales,


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notamment en matière de gestion de la dépense publique et de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

Nous sommes également favorables à ce que la simplification réduise le coût de la collecte des impôts. En clair, nous partageons la volonté de modernisation qui vous anime. Elle est la marque de ce gouvernement et de cette majorité qui, depuis 1997, réforment la société en profondeur.

Néanmoins cette modernisation ne saurait intervenir sans une concertation étroite avec les parlementaires que nous sommes et qui votent l'impôt, avec les élus locaux - beaucoup d'entre nous le sont également - qui s'inquiètent des conséquences que la réforme pourrait avoir sur l'aménagement du territoire et la survie d'un service public de proximité, avec les agents du ministère et leurs représentants syndicaux. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de nous donner des assurances sur le maintien d'un service public de proximité, sur la préservation des emplois et sur les modalités de la concertation à venir.

Vos réponses doivent rassurer les 180 000 agents du ministère, inquiets et méfiants, ainsi que les élus, plus particulièrement ceux du milieu rural.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous approuvez la volonté de moderniser l'Etat qui était au coeur de la déclaration de politique générale du Premier ministre. Il avait parlé d'un vaste effort de rénovation du service public. Cet effort est engagé dans le ministère dont j'ai la responsabilité.

Avec Florence Parly, je veux rapidement faire en sorte que les usagers aient en face d'eux un interlocuteur unique et n'aient plus besoin d'aller d'un bureau à l'autre pour accomplir les formalités les plus simples, qu'il s'agisse de particuliers on de petites et moyennes entreprises.

Si les usagers seront gagnants avec cette réforme, les agents le seront aussi. En effet, nous mettons en cause non leur qualité, mais l'organisation du travail. Ainsi les agents auront des métiers plus intéressants, de meilleures carrières et des garanties seront apportées à ceux qui seront touchés par la réforme.

M. Lucien Degauchy.

Mais alors pourquoi ne sont-ils pas contents ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le service public sera également gagnant parce que, si certains considèrent que, pour le réformer, il faut supprimer des emplois de fonctionnaire, pour nous, il s'agit d'offrir un meilleur service et d'avoir un service public fort, transparent et proche des usagers.

J'en viens à vos trois questions.

D'abord, le service public de proximité sera maintenu.

(« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Les ervice assuré aux collectivités locales, aux 36 000 communes notamment, par le réseau du Trésor public sera préservé, car telle est sa vocation principale.

En ce qui concerne les impôts, le réseau sera organisé sur la base des centres des impôts actuels. Toutes les cartes qui circulent actuellement à ce sujet sont de la désinformation. Elles sont nulles et non avenues.

(« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

S'agissant, ensuite, des emplois, la réforme que nous entreprenons n'a pas pour but une suppression massive, contrairement à ce qui se passait à une autre époque.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous voulons rendre le service public plus efficace et faire en sorte que les gains d'efficacité servent à renforcer certaines de ses missions, par exemple, le contrôle fiscal, l'accueil des usagers ou le conseil juridique aux collectivités locales. Il faut aussi que ces gains d'efficacité profitent aux agents sous la forme de meilleures perspectives de carrière, de formations valorisantes et que le service public aille vers d'autres services publics qui n'ont pas les mêmes capacités d'utilisation des technologies de l'information.

Pour ce qui est, enfin, de la concertation, nous en avons débattu, ce matin, au sein de la commission des finances. Je peux donc prendre solennellement devant les députés l'engagement que la concertation avec les élus se poursuivra au niveau national et qu'elle se tiendra dans chaque département sur les projets et non pas sur les décisions. Florence Parly et moi-même veillerons au respect scrupuleux de cet engagement.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

On en reparlera ! ANIMAUX DANGEREUX

M. le président.

La parole est à M. Bertrand Kern.

M. Bertrand Kern.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux est entrée en vigueur le 6 janvier dernier. Son dispositif prévoit des mesures réglementaires fortes visant à assurer un meilleur contrôle des chiens qualifiés de dangereux, notamment ceux dits d'attaque, comme les pit-bulls et les boer-bulls.

Leur acquisition, leur vente et leur importation sont désormais interdites ; leur stérilisation est obligatoire.

En cas de non-respect de ces dispositions, les propriétaires de ces chiens s'exposent à des sanctions administratives et pénales : amende, confiscation de l'animal, voire peine d'emprisonnement pour les cas les plus graves.

Bien qu'elle soit très dissuasive, l'application de ces mesures, à en croire les médias, semblerait difficile.

Bon nombre de nos concitoyens, dans nos villes, ont apprécié que le Gouvernement et le Parlement traitent de ce sujet. Ils approuvent cette loi et souhaitent qu'elle soit appliquée. Aussi, le Gouvernement peut-il nous dresser un premier bilan de son application et indiquer quelles mesures il compte éventuellement prendre pour l'améliorer ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Monsieur le député, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Jean-Pierre Chevènement qui est aujourd'hui retenu par une réunion à Berlin.

Je partage votre sentiment sur la forte inquiétude qui s'exprime dans nos villes vis-à-vis des chiens d'attaque. En effet des agressions ont été commises et elles ont justifié le recours à la loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

La loi du 6 janvier 1999 a imposé des obligations aux propriétaires de chiens et elle a été transcrite dans le code rural. Parmi ses dispositions figurent notamment des interdictions relatives à la personne du propriétaire. Ainsi, la détention d'un chien d'attaque est interdite aux mineurs et aux personnes condamnées.

L'accès aux transports en commun et aux lieux ouverts au public est également interdit à ces animaux qui doivent toujours être tenus en laisse et muselés sur la voie publique. Enfin, depuis le début de cette année, ils doivent être stérilisés et une déclaration en mairie est obligatoire.

Des sanctions sont prévues, vous l'avez rappelé, et les fonctionnaires de police et de gendarmerie peuvent exiger la production de documents d'identification et le respect des règles que j'ai indiquées.

A Paris la préfecture de police dispose d'une équipe cynophile qui peut intervenir dans ce domaine et une formation a été organisée au sein de la police nationale.

Avec le décret publié au Journal officiel du 30 décembre dernier figurent les formulaires de déclaration en mairie et une notice à l'intention des propriétaires et des détenteurs de chiens visés par la question. Ces informations ont été portées à la connaissance des maires et la procédure est désormais publique. Les premières déclarations sont d'ailleurs déjà intervenues.

Au vu des premiers résultats, une campagne d'information pourra être organisée comme vous l'avez suggéré, en liaison avec le ministre de l'agriculture et de la pêche.

A cet égard, je tiens à affirmer la détermination du Gouvernement, donc des forces de police et de gendarmerie, à faire appliquer cette loi qui date de 1999.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

M. le président.

La parole est à M. Jean Rigal.

M. Jean Rigal.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ma question concerne la gestion des déchets radioactifs.

Mes compatriotes aveyronnais sont choqués et inquiets.

Ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Les habitants de soixante et onze cantons, répartis sur seize départements, éprouvent probablement les mêmes craintes. Vendredi dernier, nous avons en effet appris par la presse quotidienne qu'une mission intitulée pudiquement « mission collégiale de concertation granit » avait identifié quinze massifs granitiques, dont celui dit de Sanvensa, dans l'Aveyron, pour étudier l'implantation de laboratoires souterrains d'étude du stockage de déchets radioactifs en couches géologiques profondes.

Y a-t-il eu volonté de rétention d'informations de la part d'un organisme officiel ? (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Y a-t-il eu, au contraire, de la part d'organismes beaucoup moins officiels, l'organisation d'une fuite dans le but de désinformer et d'affoler vite et fort les populations et les élus ? Certes, il est légitime que les pouvoirs publics se préoccupent, dans le cadre des dispositions de la loi du 30 décembre 1991, du difficile problème de la gestion à long terme des déchets radioactifs.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Cependant les citoyens et leurs représentants ont droit à la transparence sur un dossier d'une telle sensibilité.

M. Richard Cazenave.

C'est vrai !

M. Jean Rigal.

En effet, les déchets à haute activité et à vie longue peuvent rester radioactifs pendant plusieurs milliers d'années et la voie du stockage en couches géologiques profondes est, semble-t-il, de plus en plus remise en cause.

Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la ministre, que les élus territoriaux, plus particulièrement ceux des quatre cantons aveyronnais, dont je suis, s'interrogent sur le déroulement d'une démarche qui pourrait avoir un impact désastreux sur le développement local dans une région à forte vocation agricole et à caractère touristique.

C'est pourquoi je souhaiterais, madame la ministre, que vous indiquiez à la représentation nationale le mécanisme qui a provoqué la diffusion de cette information et les étapes de l'action du Gouvernement sur ce dossier.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour une réponse courte, si elle le veut bien.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, comme vous l'avez rappelé, la loi de 1991, dite loi Bataille, prévoit trois voies de recherche pour la gestion des déchets nucléaires : la transmutation, le stockage en subsurface et le stockage en profondeur.

En ce qui concerne le stockage en profondeur, le Gouvernement a décidé d'implanter un laboratoire en site argileux, à Bure, dans la Meuse, et de rechercher un deuxième site, en terrain granitique cette fois. Il a rendu publique cette décision le 9 février 1998. L'ANDRA a confié au BRGM le soin d'identifier a priori les zones qui pourraient convenir. Une commission de scientifiques, assistée de la commission nationale d'évaluation mise en place par la loi Bataille, a émis un avis favorable pour 15 des 350 sites identifiés, lesquels vont maintenant faire l'objet d'une concertation : une commission collégiale de concertation, dont les membres ont été désignés par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, le secrétaire d'Etat à l'industrie et moimême, veillera à recueillir les avis des élus et des populations. C'est seulement, bien sûr, au vu de leur rapport que des études plus approfondies seront engagées avant toute décision définitive.

La mise en place de cette commission collégiale de concertation remonte à un arrêté du 19 novembre 1999.

Sa mission a été précisée par des rencontres avec les ministres concernés. J'ai moi-même insisté auprès des

« missionnaires » sur la nécessité non seulement de vérifier la faisabilité technique et l'existence de dessertes, mais aussi l'acceptabilité sociale et l'intégration dans un projet de développement territorial.

Il était normal, vous en conviendrez avec moi, qu'avant même le lancement de la concertation proprement dite, les trois « missionnaires » prennent des contacts de courtoisie avec les présidents de conseils généraux et les parlementaires.

Comme vous le savez, monsieur le député, l'ensemble des informations est disponible sur le site Internet de l'ANDRA, ainsi que sur le site de mon ministère. J'ai


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

demandé aux « missionnaires » de jouer le jeu de la transparence à toutes les étapes de la procédure et de prendre le temps d'engager une concertation loyale et équitable. Il s'agit, en effet, de traduire de façon concrète l'évolution des méthodes adoptées par l'ANDRA, comme l'indique la nomination de M. Le Bars à la tête de l'agence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste).

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

M. le président.

La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ma question est voisine de celle qui vient de vous êtes posée et à laquelle vous n'avez pas répondu de manière entièrement satisfaisante.

Vendredi dernier, par hasard, par une fuite dans la presse,...

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Encore une fuite !

Mme Sylvia Bassot.

Il faudrait en effet penser à changer les joints ! (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs.)

Arrêtez votre pétard ! (Mêmes mouvements.)

Vendredi dernier, par une fuite dans la presse, disais-je, j'ai pris connaissance, comme de nombreux élus, de la liste des quinze massifs géologiquement favorables au stockage de déchets radioactifs dans le granit. L'élaboration de cette liste, qui concerne cinq cantons de ma circonscription, et tout particulièrement le canton d'Athis, s'est faite sans que les élus concernés soient tenus au courant.

Après recoupement d'informations, cette absence totale de concertation vaut pour tout le territoire.

En matière de fuite, je suis au regret de vous dire qu'il y a récidive. Au printemps de l'année dernière, c'est déjà par une fuite dans la presse,...

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Encore !

Mme Sylvia Bassot.

... que les élus ont pris connaissance de la carte des zones éligibles à la prime à l'aménagement du territoire.

Au moment où je vous parle, ni les conseillers généraux, ni les maires des cantons retenus pour l'enfouissement des matières nucléaires n'ont été officiellement informés.

M. François d'Aubert.

C'est lamentable !

Mme Sylvia Bassot.

Vous admettrez, mes chers collègues, que le procédé est pour le moins cavalier.

M. Charles Ehrmann.

Tout à fait !

M. François Goulard.

C'est scandaleux.

Mme Sylvia Bassot.

Pourtant, le 19 novembre dernier, trois « missionnaires », comme vous les appelez, madame la ministre, avaient été nommés par le Gouvernement afin d'informer les élus et les populations concernés.

Qu'ont-ils fait depuis cette date ? Sur un dossier aussi sensible que le nucléaire, dossier qui a priori vous est cher, madame la ministre, je considère qu'il y a un manquement grave au devoir d'information à l'égard des élus comme de la population.

Le Gouvernement clame haut et fort son attachement à la concertation, au dialogue, à la transparence. Or sa gestion des dossiers est centralisatrice, jacobine et opaque.

Vous ne faites pas ce que vous dites.

Sur un dossier aussi lourd de conséquences, le Gouvernement entend-il, comme il en a souvent l'habitude, se limiter à une concertation de façade avec les élus locaux ? Verra-t-on une fois de plus les élus émettre des avis dont personne ne tiendra compte, les décisions ayant été élaborées dans des bureaux parisiens ? Les élus locaux de ce pays ont-ils encore une utilité aux yeux de ce gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la députée, je tiens à vous faire part de ma perplexité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

Si tout n'est pas, en tous temps et en tous lieux, rendu public, vous invoquez la tradition de secret et d'opacité de l'industrie nucléaire. C'est d'ailleurs un point sur lequel il m'est arrivé, figurez-vous, de partager votre avis.

Si, à l'inverse, la communication a lieu de façon transparente, en temps et en heure, sans rien celer, et en utilisant les moyens modernes de communication - Internet, le fax, sans oublier, bien sûr, les rencontres directes avec les élus - vous appelez cela des fuites !

M. François Goulard.

Mais non ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Que voulez-vous exactement ?

M. François d'Aubert.

La presse est informée avant nous ! Or nous vous avons déjà posé une question sur ce sujet.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La commission de concertation n'est pas composée de suppôts du lobby nucléaire. Elle est constituée de M. Mingasson, ancien préfet, de M. Huet, ingénieur général des eaux et forêts, de M. Boisson, ingénieur des mines.

Nous leur avons demandé deux choses : premièrement de rompre avec les pratiques passées de l'ANDRA, qui s'apparentaient parfois à l'achat des consciences (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. François d'Aubert.

Ce n'est pas vrai !

M. René André.

C'est scandaleux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... deuxièmement, d'assurer la transparence et le respect effectif d'une procédure de concertation qui prendra le temps nécessaire mais qui doit aboutir à faire mûrir la réflexion sur la base d'un échange d'arguments objectifs avancés par l'ensemble des parties concernées.

J'entends, avec Christian Pierret et Claude Allègre, me porter garant de la loyauté et du sérieux de cette concertation. Je considère que la publication de tous les


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éléments dont nous disposons constitue un premier gage de cette volonté.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

RECETTES FISCALES

M. le président.

La parole est à M. Philippe Briand.

M. Philippe Briand.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En préalable, je reprendrai l'excellente analyse du Monde d'aujourd'hui. Il y est en effet écrit : « Les parlementaires de droite avaient raison : l'Etat a engrangé, en 1999, de considérables plus-values de recettes fiscales ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous remercie.

En effet, pour la troisième fois, monsieur le Premier ministre, vous vous apprêtez à annoncer des rentrées d'impôts très supérieures à vos prévisions : 13 milliards le 24 novembre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), 11 milliards avant Noël (Applaudissements sur les mêmes bancs), et près de 20 milliards, nous dit-on aujourd'hui. (Mêmes mouvements.)

Je me suis livré à un petit jeu très intéressant : j'ai relu les déclarations de vos ministres. L'excellent M. Sautter, par exemple, ne qualifiait-il pas MM. Marini et de Courson de « princes de l'extrapolation » lorsqu'ils évoquaient, à l'automne, l'existence d'une cagnotte de l'ordre de 30 à 40 milliards ? Monsieur le Premier ministre, avez-vous voulu dissimuler ces fonds à votre propre majorité, certes très dépensière, ou s'agit-il d'un manque d'appréciation, voire de compétence, de vos propres experts ? En tout état de cause, il serait bon aujourd'hui de nous soumettre une loi de finances rectificative, en cette année où la France a battu des records en matière de prélèvements, destinée à rendre aux Français les milliards qui leur ont été pris. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair et M. Lucien Degauchy.

Voleurs !

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, la croissance est là et c'est une excellente nouvelle dont tout le monde, je crois, se réjouit.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Et que répond Sautter !

M. Gérard Bapt.

La droite est contre la parité !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

La croissance est là...

M. Thierry Mariani.

Les impôts aussi !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

... et elle apporte des recettes fiscales supplémentaires, vous l'avez rappelé.

M. Thierry Mariani.

Rendez l'argent !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Là encore, c'est une bonne nouvelle.

M. Jean-Michel Ferrand.

Rendez l'argent !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Vous la connaissiez déjà puisque, lors de l'examen du collectif le Gouvernement a rectifié à la hausse les recettes fiscales : d'abord de 13 milliards, puis de 11 milliards, soit au total de 24 milliards.

Ce qui est aussi une excellente nouvelle, c'est que ces plus-values proviennent de l'impôt sur les sociétés.

M. Thierry Mariani.

Non, de l'impôt des Français !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Et si les entreprises paient plus d'impôt, c'est le signe qu'elles vont bien et que l'emploi, lui aussi, va bien.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Depuis ce matin, les chiffres les plus divers, voire les plus fantaisistes circulent : on parle de 20 milliards de plus que les 24 milliards déjà inscrits dans le collectif, et même de 40 milliards. Bien entendu, ces chiffres sont sans fondement.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sur les plus-values fiscales comme sur les déficits, nous serons fixés d'ici à la mi-février. Vous savez, monsieur le député, pour l'avoir lu dans la presse, que nous avons arrêté les comptes pour les dépenses hier au soir.

M. Laurent Dominati.

Ce sont les recettes dont il s'agit !

Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Il n'est pas tout à fait anormal qu'en dépit d'un système comptable très performant, nous ayons besoin de quelques jours pour vous fournir des informations exactes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comme l'a suggéré le président de la commission des finances, le Parlement et la commission des finances en auront la primeur. Il s'agira de chiffres exacts et non pas d'extrapolations.

(Appplaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la semaine dernière, des rumeurs, confirmées par vos services décentralisés, ont fait état de la fermeture prochaine de très nombreuses perceptions. Dans le cadre de la réforme attendue de votre ministère, vous avez en effet choisi de faire des économies et la piste que vous avez retenue, qui est maintenant devenue une tradition dans votre majorité, consiste à dépouiller les zones rurales au profit des concentrations urbaines.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

M. Jean Auclair.

Tout à fait !

M. Lucien Degauchy.

C'est bien vrai !

M. Christian Jacob.

Or, si nous sommes tous ici favorables à la réforme de l'Etat et de ses structures, nous estimons que celle-ci doit se faire au service de nos concitoyens et non pas à leur détriment. Un certain nombre de mesures simples sont à prendre à cet effet qui vous ont d'ailleurs déjà été proposées par un rapport parlementaire.

Monsieur le ministre, entendez-vous, oui ou non, revenir sur la décision de fermer des perceptions ? Vous nous avez dit il y a quelques minutes que vous poursuiviez la concertation avec les élus. Je regrette, monsieur le ministre, de vous contredire mais, pour moi et pour nombre de mes collègues, cette concertation n'a même pas commencé.

J'espère que vous n'avez pas la même conception de la concertation que votre collègue, M. Glavany, qui ne la mène qu'avec les parlementaires de sa majorité. Je n'ose penser cela de vous, monsieur le ministre.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, chacun des membres du Gouvernement a une notion de la concertation qui mérite, me semble-t-il, de meilleurs compliments que ceux que vous adressez.

Vous revenez sur le réseau rural des perceptions. Je v ous répondrai très simplement que les 37 000 commmunes que compte notre pays dépendent, pour le bon fonctionnement de leur vie administrative, de la présence sur leur sol d'un comptable : non seulement celui-ci établit la comptabilité, mais encore, lorsque le maire le souhaite, il donne des conseils pour la gestion financière de la commune.

Je l'ai dit et je le répète, le réseau rural des perceptions ne sera pas touché par cette réforme.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean Auclair.

Mensonge ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je l'avais déjà dit en réponse à la question de M. Carcenac. Mais peut-être n'écoutez-vous pas les réponses que je fais à la majorité. Je suis donc heureux de répéter le même message pour l'opposition.

Une concertation aura lieu au niveau départemental,...

M. Yves Nicolin.

Quand ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... à laquelle seront associés tous les élus, sur l'évolution de la répartition des tâches fiscales entre le réseau du Trésor public, d'un côté, et le réseau des impôts, de l'autre. Vous verrez : la concertation aura lieu.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste. Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, car le sujet, me semble-t-il, est important : il touche toutes les catégories sociales de la population et revêt même une certaine gravité.

Monsieur le Premier ministre, il ne se passe pas une semaine sans que nous n'apprenions que celles et ceux qui ont pour devoir de défendre notre langue la bafouent et la trahissent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est un haut fonctionnaire des finances qui s'adresse dans un idiome étranger au Parlement européen alors même qu'il y a une traduction simultanée.

C'est un PDG d'une entreprise nationale qui impose ce même idiome étranger comme langue de travail de son conseil d'administration.

C'est votre ministre de l'éducation nationale qui lance des appels d'offres dans ce même idiome étranger. (Sourires.) C'est vous-même, monsieur le Premier ministre, qui, lors de manifestations publiques dans des voyages à l'étranger, au Québec ou en Chine, vous adressez dans cette même langue étrangère à des gens qui, parfois, ne la parlent pas. (« Oh ! » sur divers bancs du groupe socialiste.)

Enfin - dernière nouvelle - c'est l'Assistance publique de Paris qui refuse de publier des articles de recherche écrits en français et impose cette même langue étrangère.

Monsieur le Premier ministre, trop, c'est trop ! Nous ne pouvons accepter que notre langue devienne une langue morte ! Nous ne pouvons accepter d'être obligés d'utiliser une langue étrangère comme langue de travail, au mépris de nos intérêts économiques, politiques et culturels. J'en prends à témoin M. Lang ! Après la pensée unique, va-t-il nous être imposé la langue unique ? Après l'exclusion sociale, allez-vous favoriser l'exclusion linguistique ?

M onsieur le Premier ministre, quelles mesures comptez-vous prendre - mesures que vous respecterez vous-même, je n'en doute pas - pour que la langue française demeure en France la langue de travail de chacun, pour que l'on puisse vivre et travailler en France en parlant français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, je ne vous répondrai pas en breton, ne connaissant pas cette langue et n'ayant pas besoin de m'en excuser puisqu'elle n'a jamais été parlée dans la région qui, depuis, bientôt vingt-cinq ans, m'élit. (Sourires.)

M. Yves Nicolin.

Vos électeurs ne sont pas rancuniers ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Sur les questions touchant à la francophonie, je vous invite à raison garder et, en particulier, à ne pas considérer le français comme une citadelle assiégée par la langue anglaise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Dans le même temps que l'on constate dans de nombreux pays dits francophones la volonté de s'ouvrir à la langue anglaise - laquelle, ne l'oublions pas, est aussi une des grandes langues du continent africain - les pays anglophones manifestent eux - et sans que cela soit souligné autant qu'il le faudrait - une grande appétence de français et nous essayons de satisfaire cette demande.

L'une des priorités affichées du sommet de Hanoï a été de renforcer la présence et la pratique du français, notamment dans les institutions internationales, et une ligne de crédits spécifique a été prévue pour organiser la formation à cette fin des diplomates concernés.

M. Jean-Louis Debré.

Répondez à la question posée ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Je me permets de rappeler que le français n'est pas une langue de travail dans toutes les institutions et dans toutes les enceintes, mais nous essayons, chaque fois que l'occasion nous en est donnée, de rappeler aux fonctionnaires qui dépendent du gouvernement français et de son autorité...

M. Jean-Louis Debré.

Il faut le dire à M. Jospin aussi ! M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

... qu'ils ont à s'exprimer en français chaque fois que ce dernier est une langue de travail reconnue.

Telles sont les réponses que je tenais à vous faire.

De grâce, n'ayons pas de la francophonie une idée rétrécie. Adoptons plutôt une attitude conquérante. Le f rançais est réclamé. Donnons-nous les moyens de répondre à cette demande. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ Discussion, en lecture définitive, d'un projet de loi

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 26 janvier 2000.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous transmettre, ci-joint, le texte du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 19 janvier 2000 et modifié par le Sénat dans sa séance du 25 janvier 2000.

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir statuer définitivement.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de ce projet de loi (nos 2110, 2122).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'Assemblée nationale s'apprête, et c'est très heureux, à examiner en lecture définitive le projet de loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité.

Je me réjouis tout d'abord que dix-huit articles aient été adoptés en des termes identiques par les deux assemblées. Un consensus a ainsi pu être trouvé sur les dispositions des articles 47 et 48, concernant les conditions de révision des contrats existants, essentielles à la traduction dans les faits de l'évolution vers la nouvelle organisation électrique. Je me félicite également de l'accord intervenu sur l'article 43, relatif aux dispositions sociales, qui prévoit notamment l'introduction de mécanismes de négociation collective, qui seront particulièrement adaptés dans un secteur où les acteurs vont devenir plus nombreux et plus diversifiés.

Je tiens une fois de plus à saluer la qualité du travail réalisé par l'Assemblée nationale, mais aussi par le Sénat, et revenir sur les avancées qui me paraissent les plus significatives. Je veux tout d'abord, chacun le comprendra, rendre hommage au président de la commission de la production et des échanges, M. André Lajoinie, et à l'excellent travail de votre rapporteur, M. Christian Bataille, qui ont contribué à façonner ce texte sur plusieurs aspects déterminants. La rédaction de l'objet légal d'EDF, adoptée à l'initiative de M. Lajoinie, introduit d'utiles précisions par rapport à la proposition initiale du Gouvernement. Nous avons ainsi pleinement concilié, me semble-t-il, les deux objectifs que nous visions : permettre à EDF d'affronter la concurrence dans la plus totale équité tout en conservant son statut d'établissement public.

Je me félicite également du compromis trouvé à l'article 22, largement inspiré par les propositions de la commission de la production et des échanges, qui permet aux producteurs d'acheter de l'élecricité pour compléter leur offre. Cette possibilité est utile au bon fonctionnement du marché, mais elle l'est également pour EDF ellemême.

Je saluerai ensuite l'instauration d'une tarification dite

« produits de première nécessité » et le renforcement du mécanisme d'aide pour la fourniture d'électricité aux plus démunis. Ces dispositions, décidées par votre assemblée à l'initiative de votre excellent collègue M. Claude Billard et du groupe communiste, devraient permettre la mise en oeuvre concrète d'un véritable droit à l'énergie pour tous dans le domaine de l'électricité.

Les interventions denses et sensées des membres du groupe socialiste, notamment de son responsable de groupe pour ce débat, M. Alain Cacheux, mais également de M. Pierre Ducout, de M. Jean-Pierre Montané et de

M. Jean-Louis Dumont ont permis d'apporter des précisions et de réaliser des avancées significatives sur les p ossibilités d'intervention des collectivités locales en matière d'auto-production - il était nécessaire de clarifier cette question -, d'accès au réseau et de maîtrise de la


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demande d'électricité. Elles ont également conduit à la mutualisation, par le biais du fonds de péréquation de l'électricité, des coûts liés au maintien du service public de l'électricité dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire.

Au sein du groupe Radical, Citoyen et Vert, un opportun amendement de M. Robert Honde, repris par le Gouvernement à l'article 42, a utilement précisé la possibilité pour EDF d'intervenir en matière de maîtrise d'oeuvre. M. Guy Hascoët et ses collègues ont, pour leur part, introduit des allégements de certaines contraintes en faveur des petits producteurs, notamment ceux qui produisent de l'électricité à partir des énergies nouvelles renouvelables : exonération du fonds de service public de la production d'électricité, substitution d'une simple déclaration à la procédure d'autorisation. Je n'aurai garde d'oublier M. Desallangre pour son éminente contribution au débat.

Enfin, je ne veux pas minimiser la contribution des groupes parlementaires de l'opposition, et particulièrement les interventions acérées de MM. Borotra, Goulard, Birraux et de plusieurs autres qui, bien que s'opposant au Gouvernement sur les grandes options, ont apporté de nombreuses améliorations techniques et rédactionnelles au texte. Il en est de même de l'article 13 bis , introduit par le Sénat, sur les incompatibilités professionnelles pour les agents du GRT. Des précisions ont également été effectuées concernant l'habilitation et l'assermentation.

Toutefois, malgré l'esprit constructif des débats qui avaient marqué la première lecture au Sénat, force est de constater que la Haute Assemblée a choisi, la semaine dernière, de rétablir à l'identique son texte initial, exception faite de l'article 21, adopté à l'unanimité par votre assemblée en vue de faciliter la reconstruction des ouvrages électriques endommagés par les tempêtes de décembre 1999.

Votre assemblée, après avoir éventuellement pris en compte l'amélioration introduite à l'article 21 par le Sénat, devrait finalement retenir des dispositions beaucoup plus conformes aux choix politiques qui ont inspiré votre majorité tout au long des débats en revenant au texte qu'elle avait adopté en deuxième lecture. Je ne cache pas que je trouve cette démarche tout à fait indiquée...

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et conforme à la volonté du Gouvernement.

M. Alain Cacheux.

Tout est bien qui finit bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

J'entends maintenant, grâce à votre appui, parachever l'important travail accompli en veillant à ce que les décrets d'application de ce texte soient publiés dans les meilleurs délais. La richesse des débats sur ce projet de loi a bien illustré l'importance des enjeux liés à la mise en place du nouveau système électrique français et la forte sensibilité sociale qui y est associée - M. Kucheida a souvent eu l'occasion de le souligner.

Des procédures de concertation sont prévues pour la mise au point des décrets, qui prévoient, selon les matières abordées, les avis du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, du comité technique de l'électricité, de la commission de régulation de l'électricité, qui devrait être mise en place dans les toutes prochaines semaines, du Conseil de la concurrence et, bien entendu, du Conseil d'Etat. Mes services veilleront à ce que ces indispensables concertations soient évidemment menées de manière approfondie tout en respectant un calendrier très serré. Le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz que préside votre collègue M. Kucheida sera donc saisi, sitôt la loi promulguée, des premiers projets de décrets qui seront rédigés dans les jours, sinon les heures qui viennent afin de permettre la mise en oeuvre concrète des orientations voulues par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale. Notre volonté est bien que cette transcription législative trouve au plus vite sa traduction réglementaire, conformément à la volonté du Parlement. Je souhaite que la loi soit promulguée dans les meilleurs délais et je ne doute pas que tous les groupes qui, au long des débats, ont insisté sur la nécessité de renforcer l'industrie française partagent le point de vue du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, préalablement à cette lecture définitive du texte relatif à la modernisation et au service public de l'électricité, nous avons reçu communication du texte de loi adopté par le Sénat la semaine dernière. Je veux me féliciter de la rapidité avec laquelle nos collègues ont travaillé. Je m'étonne en revanche de la tonalité polémique à l'excès du rapport et je me refuserai d'entrer dans une querelle sur les prérogatives respectives des uns et des autres. Je veux donc affirmer à la seconde chambre, si cela est encore nécessaire, mon respect pour la vénérable institution qu'elle est, en me réjouissant d'ailleurs de voir son mode de représentation encore amélioré grâce à une prochaine loi.

M. Pierre Ducout.

On le lui dira !

M. François Goulard.

C'est mesquin !

M. Christian Bataille, rapporteur.

Il est clair que l'Assemblée nationale a pu trouver un équilibre satisfaisant sur la transposition en droit français de la directive européenne. Il est non moins clair que toute latitude avait été laissée aux Etats sur le degré d'application de la directive.

La Communauté européenne n'est pas responsable de tous les maux, comme on l'a parfois laissé entendre. mais, je trouve choquant que M. Werner Mller, ministre allemand de l'économie et de la technologie, s'immisce dans la politique économique de notre pays...

M. François Goulard.

Que dirait-on s'il était Autrichien !

M. Christian Bataille, rapporteur.

... en réclamant au Gouvernement français la sortie du nucléaire et la privatisation d'EDF.

« J'attends donc que le Gouvernement français privatise

EDF » a-t-il déclaré dans Le Monde du samedi 29 janvier.

Il n'en sera rien ! Et c'est une excellente chose de voir, au terme de l'examen de la présente loi, l'Assemblée nationale réaffirmer, en même temps que le Gouvernement, son attachement à la Communauté européenne comme au service public de l'électricité et à l'entreprise publique EDF.

M. Pierre Ducout.

Très bien !

M. Christian Bataille, rapporteur.

Pour en revenir à la nouvelle lecture, je veux souligner, en peu de mots, que le Sénat a été beaucoup moins porté vers la conciliation que notre assemblée puisque, sur un total de quarante et


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un articles, trois seulement ont fait l'objet d'une adoption conforme alors que nous-mêmes en avions retenu quatorze lors de notre séance du 17 janvier.

M. François Goulard.

Quelle ouverture d'esprit !

M. Christian Bataille, rapporteur.

Ce rappel suffirait à résumer le caractère inconciliable des positions des deux assemblées. Le rapprochement des points de vue relevait à l'évidence d'une équation impossible que d'aucuns avaient cru pouvoir résoudre.

Je vous proposerai toutefois de retenir l'amendement introduit à l'article 21 qui avait lui-même fait l'objet d'un complément important de la part de notre assemblée, lors de l'examen en nouvelle lecture. Cet amendement permettra de préciser les dispositions de l'article « tempêtes » en ce qui concerne la reconstruction des ouvrages détruitso u endommagés à la suite des intempéries de décembre 1999.

Je veux enfin rappeler que, entre la commission mixte paritaire du 18 novembre 1999 et l'examen définitif de ce 1er février 2000, il aura suffi de quelques toutes petites semaines, sans conséquences sur le plan économique mais très utiles sur le plan démocratique, qui auront permis à la représentation nationale de mieux exprimer sa volonté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Hascoët, premier orateur inscrit.

M. Guy Hascoët.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour cette troisième lecture, annonçant la fin du débat, mon propos, qui sera court, se divisera en trois parties : l'esprit de la loi, la philosophie de l'action et le rendez-vous de l'avenir.

Concernant l'esprit de la loi, j'ai eu l'occasion de le répéter en seconde lecture, pour nous, les choses sont claires : il faut réaffirmer la nécessité d'un service public de l'énergie ; il ne faut pas confondre la notion de service public avec l'absolu monopole en tout et pour tout ; il convient d'affirmer notre volonté de diversifier les filières, d'accompagner la décentralisation de la production, d'enclencher les processus de maîtrise de la demande en matière d'énergie et de remettre les collectivités locales au coeur de l'action. Sur l'ensemble de ces points, le texte enregistre des progrès ou réaffirme des principes.

Quant à la philosophie de l'action - elle requerra de notre part une vigilance et une attention toutes particulières -, ce sera de traduire dans l'esprit et dans la forme cette phase intermédiaire que va sans doute connaître la grande maison EDF et, peut-être, demain, GDF. Les comportements et l'évolution que nous observerons dans les mois à venir feront l'objet d'un nouveau débat dans notre assemblée d'ici à quelques années. Les conditions d'appel d'offres pour faire de la place et permettre aux filières nouvelles de s'inscrire dans notre paysage, les conditions de reprise, la clarté ou la facilitation des contrats entre les collectivités, les producteurs et le repreneur qui possède et maîtrise l'ensemble de la distribution, tout comme l'introduction des politiques de maîtrise de la demande seront autant de paramètres qui nous permettront de forger notre appréciation.

Je ne sais pas si le ministre allemand s'est montré avisé, quand il a prétendu décrire ce que devrait être la politique française. M. Christian Bataille sait que je ne partage pas son point de vue sur les deux aspects qu'il a traités. Il est certain en tout cas que le paysage européen va évoluer sensiblement et rapidement.

Finalement, l'entreprise publique - et la notion même de service public - ne sortira renforcée que si elle sait s'adapter à cette nouvelle configuration et à ce nouveau contexte européen, tout en jouant le jeu de manière transparente et sincère avec l'ensemble des acteurs qu'elle aura à rencontrer et des partenaires avec lesquels elle aura à traiter dans les mois et les années qui viennent.

M. François Goulard.

Très juste, j'aurais pu dire la même chose !

M. Guy Hascoët.

Cette vigilance et cette attention, je ne doute pas qu'elle sera d'abord le fait des responsables de l'entreprise publique.

Venons-en au rendez-vous de l'avenir. Certains ont voulu voir dans ce texte des choses que je ne voulais absolument pas y voir, les uns le trouvant insuffisamment libéral, d'autres considérant qu'il n'était pas assez concret ni affirmatif sur la place, plus grande encore, que pourraient prendre les collectivités dans l'action concrète. Il a néanmoins le mérite de trouver un équilibre pour accompagner l'adaptation d'une directive au droit français qui n'était pas si aisée a priori.

Il ouvre un champ d'action et il ouvre la voie à la modernisation. Je suis convaincu qu'une fois transposée dans le droit français la directive Electricité - ce que nous achevons aujourd'hui - puis, sans doute, dans quelques semaines, la directive Gaz, et peut-être, d'ici un an à dix-huit mois, la directive Energies renouvelables, on s'apercevra que le paysage de l'énergie a profondément changé.

Dès lors, ayant recueilli toutes les données et les attitudes concrètes observées, il nous faudra revenir ici débattre, non pas pour devancer la réalité, mais simplement pour la prendre en compte et mieux apprécier encore les évolutions ou le cadrage que nous devrons donner à notre propre politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, très probablement, grâce à l'abstention - bienvenue - du groupe communiste, la loi sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité sera adoptée dans quelques instants.

Nous avons déjà eu des exemples de projets de loi présentés par ce gouvernement dont l'intitulé était une antiphrase. Après la loi réduisant autoritairement le temps de travail baptisée « loi d'incitation à la réduction négociée du temps de travail », en voici un second exemple. Au lieu de moderniser, la présente loi vise à interdire l'évolution du secteur de l'électricité et au lieu de développer le service public, elle en organise, à terme, la nécrose.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Elle n'a pas été écrite pour donner au secteur de l'électricité le cadre le plus favorable à son développement.

M. Alain Cacheux.

Je vous trouve un peu mou cet après-midi !

M. François Goulard.

Attendez la suite ! Cette loi est le fruit d'une contorsion rendue nécessaire par deux objectifs parfaitement contradictoires : transposer en droit interne une directive européenne libéralisant le marché de l'électricité, d'une part, satisfaire le Parti communiste, d'autre part.


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La transposition de la directive nous imposait d'introduire loyalement la concurrence, de préparer son extension, par étapes, certes dans des conditions permettant de ménager les transitions et de faciliter les adaptations, mais en faisant en sorte qu'à terme la concurrence soit la règle et non pas l'exception.

Mais le Parti communiste considère que tout changement de la position actuellement occupée par EDF est politiquement inacceptable. Cette position de principe ne découle pas, à mon avis, de considérations idéologiques, car le Parti communiste n'a plus guère d'idéologie et il a renoncé à défendre bien des causes qui étaient traditionnellement les siennes, mais les particularités du financement du comité central de l'entreprise EDF ont des charmes auxquels on renonce difficilement...

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Argument de caniveau, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez mis votre habilité, et elle est grande, à naviguer entre les deux écueils : la condamnation de la France par l'Europe et la condamnation du Parti communiste. Mais en évitant Charybde, vous avez heurté Scylla ! En donnant satisfaction au Parti communiste, vous avez pris le risque de nous mettre en délicatesse avec l'Europe, et c'est ce qui se passe aujourd'hui.

Votre texte n'est pas une transposition honnête de la directive européenne.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Ainsi, alors que les traités nous font obligation, quand nous transposons une directive, de le mentionner explicitement dans le texte de loi, vous vous contentez d'une rapide mention dans l'exposé des motifs, lequel ne sera pas publié au Journal officiel.

Votre loi n'est donc pas, officiellement, une loi de transposition. Tous nos partenaires européens vous le disent avec netteté, avec force et avec de plus en plus d'insistance.

Le rapporteur a fait allusion aux propos tenus il y a q uelques jours, par la ministre allemand, dans les colonnes d'un grand journal français. Il vous demandait d'ouvrir le capital d'EDF. Pourtant, c'est un ministre socialiste appartenant au gouvernement Schrder !

M. Christian Bataille, rapporteur.

C'est un non-inscrit !

M. Alain Cacheux.

M. Goulard aime les socialistes lorsqu'ils sont ailleurs !

M. François Goulard.

Comment comprendre, en effet, qu'EDF puisse acquérir des entreprises de production ou de distribution d'électricité dans les autres pays européens où le marché a été totalement libéralisé, ce qui est le c as chez la plupart de nos partenaires, tout en s'affranchissant, sur son marché national, des règles du marché et en conservant quasiment intact son monopole ? Cette position n'est pas tenable et elle ne sera pas tenue. Personne ne saurait l'admettre. L'Europe appelle la réciprocité, que vous refusez clairement dans l'organisation que vous nous proposez de mettre en place.

Dans quelques mois ou dans quelques années, la justice ou la force des choses vous contraindront, vous, ou un autre gouvernement, à changer ce texte. Nous aurons perdu du temps, un temps précieux pour la transformation d'EDF, pour le formidable effort que cette grande entreprise doit consentir afin de s'adapter à des conditions totalement nouvelles. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : on ne peut pas passer, du jour au lendemain, d'un monopole total à un marché totalement ouvert.

Cela implique de la part des salariés, des cadres et des d irigeants surtout, un changement profond dans l'approche de leur métier. Ce changement, France Télécom est en train de l'accomplir. Mais il ne va pas sans mal parce que, là aussi, nous sommes partis avec du retard.

Et le service public, me direz-vous ? Vous mettez d errière ce mot une charge émotionnelle, que je comprends, mais qui vous fait commettre parfois des injustices et souvent des erreurs.

Vous commettez une injustice quand vous célébrez, à très juste titre d'ailleurs, les efforts des agents d'EDF lors de la catastrophe qui a frappé la France il y a peu, mais en oubliant un peu trop les autres.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pas du tout !

M. François Goulard.

Vous commettez une erreur quand vous voulez faire échapper le service public à toute évolution.

Entendons-nous bien : je souhaite, pour ma part, davantage d'efficacité, de force et de moyens pour le service public de la justice, quand nous voyons l'état de nos prisons ou la lenteur des procédures. J'en souhaite tout autant au service public de l'éducation, quand nous voyons dans quelles conditions il fonctionne dans certains collèges ou certains lycées.

Mais admettez aussi que les télécommunications, par exemple, qui étaient un service public il y a cinq ans seulement, relèvent aujourd'hui largement de l'économie de marché, que des obligations de service public aient été posées, et les consommateurs plébiscitent cette évolution.

S'agissant de l'électricité, quel est l'objectif, quel est notre objectif ? Que tous les Français, bien sûr, disposent de l'électricité dans les meilleures conditions économiques possibles. Cet objectif est, évidemment, compatible avec la concurrence. Il l'est dans les autres pays ; pourquoi pas dans le nôtre ? La concurrence, que vous le vouliez ou non, s'imposera. Elle s'imposera pour des raisons juridiques - l'Europe -, pour des raisons économiques - la demande des consommateurs - et aussi pour des raisons techniques.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement auquel vous appartenez se pare volontiers des vertus de la modernité.

M. Alain Cacheux.

A juste raison !

M. François Goulard.

Mais face à un blocage politique - ce n'est pas un reproche, c'est une constatation - vous n'êtes pas en mesure de conduire, dans le secteur de l'énergie, une politique conforme aux intérêts de notre pays. Nous le déplorons et nous prenons date, aujourd'hui, pour faire valoir dans quelques années, que nous avions raison.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblément pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous acheminons vers l'adoption définitive du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et nous transposons ainsi la directive de 1996 dans notre droit interne. Je veux donc rappeler, à nouveau, brièvement, les axes essentiels qui ont guidé les députés socialistes dans cette transposition.

Premier axe, n'ouvrir que progressivement le marché de l'électricité à la concurrence dans le respect de la directive européenne, une concurrence dont nous ne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

sommes pas les chantres permanents, qui n'a d'ailleurs pas toujours, notamment en matière d'électricité, les vertus mécaniques qu'on lui prête, en particulier sur les prix, et dont il faut bien voir que la logique, surtout si elle est portée à son paroxysme, est contradictoire avec l'esprit et le contenu d'un service public de qualité.

Or, parce que EDF a une bonne image auprès des Français et que tout récemment, en décembre, le service public de l'électricité a démontré toute son efficacité, l'opposition est intervenue dans ce débat en feignant de croire que la logique d'une concurrence très affirmée n'était en rien contradictoire avec un service public qu'elle prétendait moderniser avec ses amendements.

Dans l'esprit de nos collègues de l'opposition, toute limitation mise à la concurrence serait donc le produit d'une conception passéiste d'un service public archaïque - on vient encore de l'entendre.

En réalité, il y a bien contradiction entre la logique de la concurrence, surtout quand elle est précipitée, débridée et même sauvage, et les principes de base du service public de l'électricité. C'est en particulier, mais pas seulement, le cas de la péréquation tarifaire sur tout le territoire national que la concurrence forcenée mettrait inéluctablement en pièces.

Et puisqu'en deuxième lecture, on a évoqué l'exemple de notre voisin allemand, il faut rappeler que celui-ci ne connaît pas le principe de péréquation des tarifs et apparaît bien loin de la conception que nous nous faisons de l'égal accès au service public.

Ceux qui veulent un service public modernisé sont donc ceux qui veulent respecter un équilibre entre les lois du marché et les principes du service public. C'est cet équilibre que les députés socialistes ont essayé de maintenir tout au long du débat. Vouloir faire pencher par trop la balance dans le sens de la concurrence, c'est remettre en cause les principes du service public et donc préparer son démantèlement, ce dont nous ne voulons pas.

Cet équilibre, nous l'avons évidemment défini dans le respect de la spécificité française et de la conception qui est la nôtre du service public à la française.

Que les libéraux, les ultra-libéraux - on vient encore de l'entendre - n'en veuillent pas, c'est dans l'ordre des choses. Mais que vous, monsieur Borotra, qui vous dites gaulliste, vous ne teniez pas à la spécificité française, j'ai du mal à le croire. L'affaire devient piquante quand on sait que c'est grâce à vous que nous avons pu faire une transposition de gauche de la directive « électricité », puisque c'est vous, comme ministre, qui avez, en 1996, négocié et obtenu les marges de manoeuvre que nous nous sommes contentés d'utiliser complètement.

M. Pierre Ducout.

C'est vrai !

M. Alain Cacheux.

Il faut donc voir, dans votre attitude, un ralliement, d'ailleurs très provisoire, à un discours qui n'est pas le vôtre, au nom d'une unité de l'opp osition parfaitement factice puisque vous êtes profondément divisés sur le sujet. A moins que ce ne soit l'application, tout aussi surprenante de votre part, de la règle de l'opposition systématique au Gouvernement édictée par la nouvelle présidente du RPR.

Cette négociation de 1996 avait d'ailleurs été l'occasion, il faut le reconnaître, d'avancées non négligeables vers les conceptions françaises du service public, même si on en était encore assez loin. L'interview du ministre allemand montre d'ailleurs l'ampleur de nos divergences actuelles. Mais vous vous étiez battu.

Dès lors, comment nous reprocher de poursuivre ce combat, en France à travers la transposition et, surtout, en Europe, puisque les vents ultralibéraux ont fléchi ces dernières années, mais qu'ils sont encore puissants.

Le second axe de notre action a été de défendre les chances de l'entreprise publique dans cette concurrence qui s'ouvre, puisqu'elle vient de démontrer son efficacité, en élargissant le principe de spécialité, en lui donnant la possibilité, de proposer, comme ses concurrents, une offre multi-énergie aux clients éligibles et, surtout, en maintenant son intégrité. C'est tout le débat que nous avons eu sur le gestionnaire du réseau de transport dont nous avons pu mesurer l'importance.

Là encore, durant tout le débat, certains membres de l'opposition - pas tous, heureusement - n'ont pu taire l'hostilité de principe et la montée d'adrénaline que provoque chez eux la notion même d'entreprise publique.

Toute mesure - on vient encore de l'entendre - servant les intérêts d'entreprises privées, fussent-elles hégémoniques, serait bonne ou juste alors que toute disposition préservant les chances d'une entreprise publique, fût-elle efficace, performante et appréciée des Français, serait par nature mauvaise, injuste, dépassée.

Il est vrai qu'en seconde lecture, début janvier, vous avez dû, chers collègues de l'opposition, atténuer votre discours, après les événements de décembre, car une grande entreprise pétrolière privée avait fait preuve d'irresponsabilité et de pusillanimité tandis qu'EDF faisait face, avec efficacité et volonté de servir l'usager, aux conséquences de la tempête.

Les socialistes ont été, sur ce point, des pragmatiques : oui à l'entreprise privée quand, à travers la concurrence, elle améliore le service rendu au client ; mais oui aussi à l'entreprise publique quand elle se met au service de tous ses usagers, sans oublier les plus démunis. Et quand il y a contradiction entre ces intérêts, on définit une position d'équilibre, sans pencher systématiquement du même côté. Nous avons été des pragmatiques, vous avez été des dogmatiques.

Troisième axe, défendre les pleines responsabilités de l'Etat et des pouvoirs publics dans ce secteur si sensible de l'électricité. Ce fut notre débat sur la commission de régulation de l'électricité, ses attributions, ses compétences et son fonctionnement.

Enfin, dernier axe, défendre le statut du personnel des industries électriques et gazières, non pas en vertu d'une conception étriquée de la défense des acquis sociaux, mais parce que l'adhésion du personnel est la condition nécessaire du bon fonctionnement du service public de l'électricité. Et je voudrais m'y attarder un peu.

Pour certains représentants de l'opposition - heureusement, pas tous - toute avancée sociale obtenue par les salariés, parfois de haute lutte, doit être rognée, combattue et même démantelée, souvent, d'ailleurs, par l'usage immodéré d'une concurrence sauvage. Tel est le moyen qu'ils préconisent. C'est même un de leurs principaux objectifs si l'on en croit leur plaidoyer permanent en faveur de la concurrence.

Pour nous, les socialistes, ces avantages doivent être préservés. C'est même le sens de notre combat, et s'il faut égaliser les conditions de la concurrence, que ce soit par le haut, comme nous l'avons fait, et pas par le bas.

En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, nous avons travaillé et, je crois, réussi à établir un texte équilibré, pragmatique, soucieux de préserver les res-


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ponsabilités de l'Etat et les intérêts légitimes des salariés des industries électriques et gazières, en un mot à définir un texte moderne.

Cet équilibre durera-t-il un demi-siècle comme la loi de 1946 ? Je n'en sais rien. Mais je suis persuadé qu'il durera bien plus longtemps que beaucoup, dans cette assemblée et ailleurs, ne le croient.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Franck Borotra.

M. Franck Borotra.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers amis - sur tous les bancs, parce que l'on ne compte pas nécessairement ses meilleurs amis parmi ses amis politiques, n'est-ce pas, monsieur Billard ? (Sourires) - j'ai écouté les premières interventions avec beaucoup de plaisir.

D'abord, monsieur le secrétaire d'Etat a procédé à la distribution des prix. Ce fut très réussi ! Il n'a oublié personne, excepté peut-être M. Meï...

M. Roger Meï.

Ce n'est que partie remise ! (Sourires.)

M. Franck Borotra.

Puis M. Bataille a qualifié la Haute assemblée de « vénérable » - il aurait du reste pu dire respectable - ce qui, étant donné ce qu'il est, devrait faire grand plaisir au Sénat.

(Rires.)

M. Christian Bataille, rapporteur. On le lui rapportera !

M. Franck Borotra.

Quant à M. Cacheux - et je le remercie du ton qu'il a utilisé et qui, du reste, a été celui de toutes ses interventions lors de ce débat -, il a parlé d'une transposition de gauche. Pour ma part, je considère que c'est surtout une transposition gauche, c'est-à-dire maladroite, et je vais tenter de vous le démontrer.

Je me tourne maintenant vers M. le secrétaire d'Etat.

On ne va pas refaire une troisième fois un débat qui a déjà eu lieu à l'occasion des deux première lectures du texte et dont vous avez eu raison de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il avait été un débat de qualité au cours duquel chacun avait pu exprimer sont point de vue dans le respect de celui d'autrui. Je tiens simplement à rappeler quelques réalités de bon sens et, à l'instar de François Goulard, à prendre date.

Première remarque : le texte que vous allez faire voter s'inscrit dans un contexte politique consternant. Pourquoi ? Parce que, pour la deuxième fois, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sciemment rompu le consensus qui existait sur la politique énergétique française. Or il s'agit de sujets qu'il n'est pas souhaitable de voir soumis au cycle désastreux des remises en cause à l'occasion des alternances politiques. Vous avez pris cette responsabilité. Vous l'aviez déjà fait avec Superphénix, vous le refaites aujourd'hui avec la directive Electricité, et, en agissant ainsi, je crois que vous commettez une faute politique grave.

Pour vous - du reste, le rapporteur l'a dit -, l'intérêt national ne réside que dans la préservation de l'équilibre délicat de la majorité plurielle. Votre souci est de ne pas déplaire aux communistes - la France est probablement le seul pays d'Europe où les communistes font encore la loi ! Deuxième remarque : contrairement à l'idée que vous et vos amis ont tenté d'accréditer, le débat qui est en cause en cette affaire n'est pas celui du service public contre le marché, celui d'EDF, établissement public, contre EDF, entreprise privée. Il a été fait fi de cette calembredaine, et je réponds ainsi indirectement à Alain Cacheux.

Nous sommes tous attachés aux missions de service public et à EDF. Notre souci consiste d'abord à valoriser cette grande entreprise publique. Pour ma part, je ne crois pas, s'agissant de l'énergie, à la seule vertu du marché ; je l'ai déjà dit et montré.

M. Pierre Ducout.

Nous nous retrouvons sur ce point !

M. Franck Borotra.

Toutefois, vous vous trompez sur la notion de service public. Pour vous, monsieur le secrétaire d'Etat, et pour un certain nombre de ceux qui vous soutiennent, cette notion est inséparable du monopole, de la tutelle étatique, du choix des dirigeants par le pouvoir politique, d'un statut exorbitant du droit commun, des possibilités des prélèvements sur l'entreprise quand l'Etat en a besoin, voire du pantouflage.

M. Alain Cacheux.

Qui a dit ça ?

M. Franck Borotra.

C'est une conception archaïque du service public. Il faut cesser de la faire prévaloir. Il vous faut évoluer.

Bref, en dépit de vos efforts, ce débat est déjà dépassé.

Le vrai débat, c'est celui de l'intérêt de l'économie française et d'EDF.

Vous plaidez pour que EDF reste en l'état, avec son organisation, son cadre juridique, son statut d'établissement public, son organisation syndicale. Vous croyez que le statu quo est viable. Or là, vous faites un contresens : le statu quo est intenable, car EDF va devoir évoluer d'autant plus vite que la pression extérieure sera forte à la suite du vote de cette loi. La voie que vous avez choisie d'emprunter plombe l'image d'EDF à l'extérieur et ne lève pas les incertitudes qui pèsent sur la grande entreprise publique. Elle la soumet à la loi de la réciprocité - et je ne répéterai pas à ce propos les déclarations du ministre allemand de l'économie -, tout simplement parce que vous refusez d'introduire un minimum de logique du marché. Pour autant, le présent texte ne permet pas d'apporter la moindre garantie pour l'avenir.

Vous ne faites que retarder l'inéluctable.

Autre remarque de bon sens : à partir de ce contresens économique et politique, vous avez élaboré une loi fragile qui contribue à isoler la France, loi qui sera contestée et qui sera forcément remise en cause, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Je le dis comme je le pense.

Ligne après ligne, votre loi est en apparence conforme à la directive. Mais c'est globalement qu'elle n'est pas acceptable. En Europe, le taux d'ouverture à la concurrence est supérieur à 60 %, et, partout, l'organisation du marché se fait autour d'opérateurs de production et de distribution multiples. Une telle situation - et vous le savez comme moi - porte en elle la logique de la dérégulation généralisée à terme.

Si vous aviez choisi de transposer la directive avec le réel souci d'ouvrir une partie du marché à la concurrence, vous auriez pu à terme - et je réponds en cela à notre ami Cacheux -, défendre une spécificité de l'organisation du marché électrique en France. Or, en rendant une copie qui est incompréhensible pour nos partenaires, vous allez rapidement vous apercevoir que vous exposez la France à se voir opposer une décision prise - à la majorité qualifiée ou non - par des pays qui, dans leur immense majorité, ont choisi une véritable ouverture et ont décidé d'emprunter le chemin de la dérégulation complète. Et ça, je ne le souhaite pas.

Du même coup, en faisant ce choix, vous exposez EDF, son personnel, ses clients, aux procès d'intention, aux risques contentieux, mais surtout à une évolution du marché qui risque de se faire sans elle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Il fallait, au contraire, profiter de l'occasion pour faire entrer EDF de plain-pied dans la concurrence, pour faire d'EDF une entreprise à part entière, souple dans son organisation, avec un statut de société anonyme, une entreprise compétitive, capable de nouer des alliances, de conquérir des marchés, de choisir sa stratégie industrielle et commerciale. Bref, une entreprise libérée. Et elle y était prête.

Nous pouvions faire autrement. Notre débat n'est pas un débat de nature, mais bien un débat de degré. Il suffisait de prendre quelques précautions de bon sens, qui, de toute façon, finiront par s'imposer d'elles-mêmes, sans remettre en cause les limites de l'ouverture à la concurrence. Pour ma part, je ne souhaitais pas davantage que ce qui est inscrit dans la directive.

Monsieur Cacheux, vous évoquiez le problème de la gestion des réseaux des transports. Permettez-moi de vous renvoyer aux propos de Marcel Boiteux, personnalité qu'il est difficile de récuser dans ce débat. Je le cite : « Le réseau et son emploi sont dissociés. On n'a jamais songé à nationaliser la circulation automobile pour rationaliser l'emploi du réseau routier. » Cette phrase est de simple

bon sens.

L e plus sûr moyen de défendre les entreprises publiques, c'est de les libérer des tutelles et des charges qui entravent leur fonctionnement. Après France Télécom, mais avant Gaz de France, La Poste et la SNCF, EDF aurait pu être un excellent exemple.

Vous auriez pu aussi en profiter pour engager la nouvelle politique qui s'impose dans le domaine de l'énergie pour les vingt-cinq ans à venir. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne l'avez pas voulu, pour des raisons politiciennes, pour des raisons un peu mesquines, et, de ce fait, vous n'avez rien résolu.

Pour conclure, je vous laisse méditer ce qu'a écrit un jour Saint-Just : « Ceux qui ne font la révolution qu'à moitié ne font que creuser leur propre tombe. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous parvenons au terme de l'examen d'un projet de loi qui, sous l'effet de l'actuelle construction européenne, va, sans aucun doute, profondément modifier le paysage juridique du secteur de l'électricité.

La semaine dernière, une nouvelle fois, l'opposition de droite au Sénat a infléchi le texte dans un sens plus libéral. Il en va ainsi des pouvoirs et du rôle de la Commission de régulation de l'électricité, lesquels ont été éte ndus, des modalités de soutien à la production décentralisée, du rôle des pouvoirs publics dans l'élaboration de la politique énergétique, rôle qui a été affaibli, du statut du ges tionnaire du réseau de transport et des conditions d'exercice du négoce.

Sur tous ces points essentiels, la majorité plurielle avait, en deuxième lecture, rétabli, en l'améliorant, le texte qu'elle avait adopté lors de la première lecture, ce que nous avions d'ailleurs apprécié.

Nous nous félicitons tout particulièrement que soient inscrits dans la loi la reconnaissance d'un droit à l'électricité pour tous et le principe d'une tarification sociale, dispositions auxquelles nous étions et sommes fermement attachés.

Cela étant, les différentes lectures de ce projet de loi ne nous ont pas fait changer d'appréciation sur ses aspects dangereux. En effet, sous la pression d'une Europe d'inspiration libérale, nous sommes contraints de faire place aux intérêts privés dans un système qui fonctionnait jusqu'à présent au mieux de l'intérêt général.

Même maîtrisée et progressive, comme le veut votre projet de loi de transposition de la directive, monsieur le secrétaire d'Etat, l'introduction de la concurrence dans ce secteur essentiel et particulier qu'est celui de l'énergie électrique n'en reste pas moins perverse et contraire à la préservation des intérêts vitaux de notre pays et des besoins de notre population.

En fait, l'unique raison de l'ouverture à la concurrence dans ce domaine n'est pas, comme le prétendent les tenants du libéralisme économique, de faire baisser les prix en faveur des consommateurs, grands ou petits, mais de permettre à des intérêts particuliers de prendre place sur un marché où la rentabilité peut être énorme.

Il y a, à l'évidence, contradiction entre la logique de la concurrence et celle du service public. C'est avec cette contradiction, cette incompatibilité, que le présent texte tente de biaiser en prétendant parvenir à un équilibre.

C'est là son ambiguïté fondamentale.

Il aurait pu, et dû, mieux conforter le service public de l'électricité et limiter davantage qu'il ne le fait les effets néfastes de la concurrence. Je crains que ses faiblesses n'apparaissent rapidement et qu'elles n'entraînent un rétrécissement du champ d'action du service public.

Certains ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, puisqu'ils réclament dès maintenant d'aller plus loin. Le ministre allemand de l'économie et de la technologie, jeudi dernier, avant même que notre assemblée se prononce, ne pressait-il pas le Gouvernement de privatiser EDF ? Ces propos inacceptables sont révélateurs d'une logique avec laquelle votre projet de loi tente de composer, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est la raison principale pour laquelle le groupe communiste s'abstiendra, comme il l'a fait lors des lectures précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France victime de la tempête panse ses plaies. Certes l'émotion s'estompe, mais cela n'enlève rien à la solidarité nationale et internationale qui s'est manifestée à cette occasion. Je tiens d'ailleurs à renouveler l'hommage du groupe UDF non seulement aux personnels d'EDF, pour leur solidarité, leur conscience professionnelle, leur courage et leur dévouement, mais aussi - on les a oubliés trop souvent, je dirai même sciemment - aux agents des entreprises privées, à ceux des entreprises européennes, publiques et privées, qui ont travaillé de concert, dans un même élan de solidarité.

Nous abordons la dernière lecture de ce projet de loi.

Le Sénat a rétabli sa rédaction, comme l'Assemblée l'avait fait huit jours plus tôt. Faut-il s'en étonner ? Sûrement pas, étant donné le peu de considération que la majorité avait manifesté pour le travail sénatorial en commission mixte paritaire.

Par-delà les problèmes internes à la majorité et à ses divergences sur ce texte, la méthode utilisée visait à donner du Sénat une image négative, alors que, je le rappelle, en première lecture, près de 70 % des amendements adoptés au Sénat l'ont été avec l'accord du Gouvernement. Même notre rapporteur, d'habitude plus tolérant et ouvert, s'est permis quelques pointes d'intolérance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

A l'heure où le Parlement discute de textes relatifs à l'organisation du Sénat, je me demande si cette attitude de la majorité n'est pas préméditée pour discréditer la Haute assemblée, dont je ne sais, au demeurant, si elle est vénérable.

J'ajoute que, dans cette action concertée de la majorité contre le Sénat, les déclarations du président de la commission des affaires étrangères ont parachevé, si je puis dire, l'oeuvre de démolition entreprise. A moins que ce dernier n'ait confondu « l'inutilité du Sénat » avec celle d'un sénateur de Paris, qui lui fait de l'ombre dans une histoire d'élection municipale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Destot.

Ça vole bas !

M. Claude Birraux.

Cela dit, cette nouvelle lecture n'appelle pas de nouveaux développements par rapport aux précédentes. Toutefois, je veux réaffirmer ma crainte que ce texte ne contribue à placer la France et EDF dans une position d'une grande fragilité.

Tout d'abord, en étant le dernier pays à transposer cette directive dans son droit interne, la France attire sur elle les regards de ses partenaires et attise leur scepticisme.

Non seulement nous aurions dû procéder à cette transposition avant le 19 février 1999, mais, de plus, vous aviez laissé croire à l'Union européenne que tout serait bouclé avant la fin de l'année 1999 ! Le Gouvernement porte l'entière responsabilité d'avoir attendu sept mois après la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale pour l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat. Il en résulte que l'Union européenne, dont la patience a des limites, a déclenché la procédure d'infraction. Nous allons donc être soumis aux regards critiques de l'Union européenne et de nos partenaires européens.

Le texte qui sera voté présente pour le moins des faiblesses au regard de l'esprit et de la lettre de la directive.

Le gestionnaire du réseau de transport, GRT, dont l'indépendance n'est pas démontrée, sera soumis à une pression très forte des concurrents d'EDF.

Bien que la règle de la réciprocité ne soit pas écrite dans la directive, elle est implicite. De ce point de vue, les dispositions que vous avez prévues pour le commerce de l'électricité me paraissent incompatibles avec cette règle.

Autre cause de fragilité : l'inscription dans la loi d'un certain nombre de seuils, qu'ils soient d'éligibilité ou de puissance d'installations. Vous figez ces seuils et vous refusez par avance toute souplesse dans la possibilité laissée au gouvernement de procéder à toute adaptation en fonction de l'évolution du marché et de la situation en Europe.

De même, votre entêtement à réduire le champ d'intervention de la commission de régulation de l'électricité ne permettra manifestement pas de la promouvoir au rang d'autorité. Voilà encore une cause de fragilité.

Cette fragilité est renforcée par le refus d'accorder aux régies la possibilité de faire des offres globales à leurs clients éligibles, ce qui enlève aux régies toute liberté d'action pour défendre leur existence même.

Une autre cause de fragilité résulte des contraintes liées au statut que vous imposez à tout nouvel entrant dans la production électrique sur le territoire national. Cette fragilité est d'ailleurs double : d'une part - et vous le savez -, il existe déjà des moyens de contourner ce statut et il est possible, au sein d'un marché européen, de conquérir des parts en France depuis les pays voisins ; d'autre part, le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz -, cet organisme « antisocial », qui, selon M. Cacheux, cherche à chaque occasion à raboter les avantages sociaux conquis de haute lutte et qui est présidé par un réactionnaire notoire, membre de la majorité de cette assemblée - affirme que la légalité même de certaines dispositions est plus que sujette à caution, en particulier au regard des lois Auroux.

Je regrette que le Gouvernement n'ait pas saisi l'opportunité que lui offrait la transposition de la directive pour remettre à plat le dossier relatif au statut d'EDF, ou celui concernant les retraites, retraites dont l'avenir est incertain à partir de 2015, ou bien encore le dossier du démantèlement, qui implique de garantir les provisions.

Toutes ces fragilités accumulées risquent de mettre EDF en difficulté dans sa stratégie de développement européen.

On pourrait imaginer que, pour faciliter ce développement, le statut d'EDF évolue vers celui d'une société anonyme détenue par l'Etat. En effet, vous savez bien que, pour mener sa stratégie de développement européen, EDF est obligée d'avoir recours à des subterfuges, certes légaux, mais destinés surtout à lui permettre de contourner les règles liées à son statut d'établissement public.

En vérité, pour ne pas déplaire à certains membres de sa majorité, le Gouvernement a choisi la stratégie la plus conservatrice en tentant de faire croire que l'ouverture européenne et la directive n'allaient rien changer, tout en proclamant que l'Europe devait être le marché d'EDF.

Tout se passe comme si le Gouvernement ne croyait pas le producteur national EDF capable de relever le défi de l'ouverture européenne.

Quand on récapitule toutes les entraves et tous les handicaps auxquels le Gouvernement soumet l'entreprise publique, il a peut-être quelque raison d'être méfiant. En fin de compte, je me demande si le Gouvernement n'est pas conscient des difficultés qu'il crée. Mais que ne ferait-il pas par électoralisme, quitte à ce que les recours juridiques fassent tomber ces lignes Maginot, bien fragiles et illusoires, que la majorité a cru édifier pour protéger une situation acquise ? Ce serait là une bien piètre stratégie, avec des effets boomerang qui pourraient être dévastateurs. Pour le moins, c'est une occasion gâchée pour véritablement moderniser le service public afin qu'il entre avec confiance dans l'ère du marché européen.

Pour toutes ces raisons, nous confirmerons notre vote négatif sur ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun...

M. Franck Borotra.

A-t-on essayé ?

M. le président.

... l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

TITRE Ier LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ

« Art. 1er . - Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.

« Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise d es choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie.

« Il concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.

« Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité es t géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique.

« Le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'Etat et les communes ou leurs établissements publics de coopération. »

« Art. 2. - Selon les principes et conditions énoncés à l'article 1er , le service public de l'électricité assure le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ainsi que la fourniture d'électricité, dans les conditions définies ci-après.

« I. - Non modifié

« II. La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste à assurer :

« 1o La desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution, dans le respect de l'environnement, et l'interconnexion avec les pays voisins ;

« 2o Le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution.

« Sont chargés de cette mission Electricité de France, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport et de réseaux publics de distribution, les autorités concédantes de la distribution publique d'électricité agissant dans le cadre de l'article 36 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, et, dans leur zone de desserte exclusive, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en leur qualité de gestionnaires de réseaux publics de distribution, ainsi que les collectivités organisatrices de la distribution publique d'électricité les ayant constitués. Ils accomplissent cette mission conformément aux dispositions des titres III et IV de la présente loi et, s'agissant des réseaux publics de distribution, aux cahiers des charges des concessions ou aux règlements de service des régies mentionnés à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.

Les charges résultant strictement de cette mission font l'objet d'une compensation intégrale dans les conditions prévues au II de l'article 5 en matière d'exploitation des réseaux.

« III. La mission de fourniture d'électricité consiste à assurer sur l'ensemble du territoire :

« 1o La fourniture d'électricité aux clients qui ne sont pas éligibles au sens de l'article 22 de la présente loi, en concourant à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation géographique nationale des tarifs, de la garantie de maintien temporaire de la fourniture d'électricité instit uée par l'article 43-5 de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et du dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité par l'article 43-6 de la même loi, et en favorisant la maîtrise de la demande d'électricité. Cette fourniture d'électricité s'effectue par le raccordement aux réseaux publics ou, le cas échéant, par la mise en oeuvre des installations de production d'électricité de proximité mentionnées à l'article L. 2224-33 du code général des collectivités territoriales.

« Pour garantir le droit à l'électricité, la mission d'aide à la fourniture d'électricité aux personnes en situation de précarité mentionnée ci-dessus est élargie pour permettre à ces personnes de bénéficier, en fonction de leur situation particulière et pour une durée adaptée, du dispositif prévu aux articles 43-5 et 43-6 de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 précitée.

« Un décret définit les modalités de cette aide, notamment les critères nationaux d'attribution à respecter par les conventions départementales en fonction des revenus et des besoins effectifs des familles et des personnes visées à l'article 43-5 de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 précitée ;

« 2o Une fourniture d'électricité de secours aux producteurs ou aux clients éligibles raccordés aux réseaux publics, lorsqu'ils en font la demande. Cette fourniture de secours vise exclusivement à pallier des défaillances imprévues de fourniture et n'a pas pour objet de compléter une offre de fourniture partielle ;

« 3o La fourniture électrique à tout client éligible lorsque ce dernier ne trouve aucun fournisseur.

« Electricité de France ainsi que, dans le cadre de leur objet légal et dans leur zone de desserte exclusive, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée :

« - sont les organismes en charge de la mission mentionnée au 1o du présent paragraphe, qu'ils accomplissent conformément aux dispositions des cahiers des charges de concession ou aux règlements de service des régies mentionnés à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ; les charges résultant de la mission de cohésion sociale sont réparties entre les organismes de distribution dans les conditions prévues au II de l'article 5 de la présente loi ;

« - assurent la mission mentionnée au 2o du présent paragraphe, sous réserve pour les distributeurs non nationalisés de disposer des capacités de production nécessaires, en concluant des contrats de secours dont les conditions financières garantissent la couverture de la totalité des coûts qu'ils supportent ;

« - exécutent la mission mentionnée au 3o du présent paragraphe en concluant des contrats de vente, dans la limite de leurs capacités de fourniture et dans des conditions financières qui tiennent notamment compte de la faible utilisation des installations de production mobilisées pour cette fourniture.

« Dans le cadre des missions mentionnées aux 2o et 3o du présent paragraphe, lorsque la fourniture est effectuée à partir du réseau de distribution, Electricité de France et les distributeurs non nationalisés accomplissent cette mission conformément aux dispositions des cahiers des charges de concession ou des règlements de service des régies mentionnés à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. »

« Art. 3. - Le Gouvernement prend les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des missions du service public de l'électricité prévues par la présente loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

« Le ministre chargé de l'énergie, le ministre chargé de l'économie, les autorités concédantes visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, les collectivités locales ayant constitué un distributeur non nationalisé visé à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée et la Commission de régulation de l'électricité définie à l'article 28 de la présente loi veil lent, chacun en ce qui le concerne, au bon accomplissement de ces missions et au bon fonctionnement du marché de l'électricité.

« Le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, le Conseil de la concurrence, les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics mentionnées à l'article 28 de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, et les conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire instituées par l'article 34 ter de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat concourent à l'exercice des missions incombant aux personnes mentionnées à l'alinéa précédent et à la Commission de régulation de l'électricité.

« A cet effet, les organismes en charge de la distribution publique d'électricité adressent à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics et au comité régional de distribution ainsi qu'à la Commission de régulation de l'électricité un rapport annuel d'activité portant sur l'exécution des missions de service public dont ils ont la charge. La commission départementale et le comité régional sont également saisis de toute question relative aux missions définies au 1o du II et au 1o du III de l'article 2 de la présente loi. Ils peuvent formuler, auprès du ministre chargé de l'énergie, des autorités concédantes visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, des collectivités locales ayant constitué un distributeur non nationalisé visé à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée et de la Commission de régulation de l'électri cité, tout avis ou proposition dans les domaines précités, destiné à améliorer le service public de l'électricité.

« Dans le cadre de l'élaboration du schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, la conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire est consultée sur la planification des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité d'intérêt régional et le développement de la production décentralisée d'électricité. Elle peut formuler, auprès du ministre chargé de l'énergie, de la Commission de régulation de l'électricité ainsi que, pour ce qui concerne la production décentralisée d'électricité, des autorités concé dantes visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, des collectivités locales ayant constitué un distributeur non nationalisé visé à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, tout avis ou proposition dans les domaines précités.

« Un Observatoire national du service public de l'électricité est créé auprès du Conseil économique et social, en vue d'examiner les conditions de mise en oeuvre du service public. Il peut émettre des avis sur toute question de sa compétence et formuler des propositions motivées qui sont rendues publiques.

« Il est composé de représentants de chacun des types de clients, des autorités concédantes visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, des collectivités locales ayant constitué un distributeur non nationalisé visé à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, des organisations syndicales représentatives, d'Electricité de France et des autres opérateurs du secteur de l'électricité, des associations intervenant dans le domaine économique et social, et d'élus locaux et nationaux.

« Il est doté des moyens utiles à l'accomplissement de ses missions.

« Un décret fixe la composition et le fonctionnement de cet observatoire.

« Dans chaque région, un observatoire régional du service public de l'électricité est créé auprès des conseils économiques et sociaux. Cet observatoire examine les conditions de mise en oeuvre du service public et transmet ses avis et remarques au préfet de région, au conseil régional et au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz.

« Il est composé de représentants de chacun des types de clients, des autorités concédantes visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, des collectivités locales ayant constitué un distributeur non nationalisé visé à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, des organisations syndicales représentatives, d'Electricité de France et des autres opérateurs du secteur de l'électricité et d'élus locaux et territoriaux.

« Les fonctions de membre d'un observatoire visé au présent article ne donnent lieu à aucune rémunération.

« Un décret fixe la composition et le fonctionnement des observatoires. »

« Art. 4. - I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent aux tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles, aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, aux tarifs du secours mentionné au 2o du III de l'article 2 de la présente loi et aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution.

« Ces mêmes dispositions s'appliquent aux plafonds de prix qui peuvent être fixés pour la fourniture d'électricité aux clients éligibles dans les zones du territoire non interconnectées au réseau métropolitain continental.

« Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, du caractère indispensable de l'électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale " produit de première nécessité ". Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa dans le cadre des dispositions de l'article 43-6 de la loi no 881088 du 1er décembre 1988 précitée.

« II. Les tarifs mentionnés au premier alinéa du I du présent article sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ; les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux.

« Figurent notamment parmi ces coûts les surcoûts de recherche et de développement nécessaires à l'accroissement des capacités de transport des lignes électriques, en particulier de celles destinées à l'interconnexion avec les pays voisins et à l'amélioration de leur inser tion esthétique dans l'environnement.

« Matérialisant le principe de gestion du service public aux meilleures conditions de coûts et de prix mentionné à l'article 1er , les tarifs de vente de l'électricité aux clients


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non éligibles couvrent l'ensemble des coûts supportés à ce titre par Electricité de France et par les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en y intégrant notamment les dépenses de développement du service public pour ces usagers et en proscrivant les subventions en faveur des clients éligibles. »

« Les tarifs du secours mentionné au 2o du III de l'article 2 de la présente loi ne peuvent être inférieurs au coût de revient.

« III. Non modifié »

« Art. 5. - I. - Les charges imputables aux missions de service public assignées aux producteurs d'électricité sont intégralement compensées.

« Ces charges comprennent :

« 1o Les surcoûts qui résultent, le cas échéant, des contrats consécutifs aux appels d'offres ou à la mise en oeuvre de l'obligation d'achat, mentionnés aux articles 8e t 10, par rapport aux coûts d'investissement et d'exploitation évités à Electricité de France ou, le cas échéant, à ceux évités aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, qui seraient concernés ;

« 2o Les surcoûts de production, dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, qui, en raison des particularités du parc de production inhérentes à la nature de ces zones, ne sont pas couverts par la part relative à la production dans les tarifs de vente aux clients non éligibles ou par les éventuels plafonds de prix prévus par le I de l'article 4 ;

« 3o Supprimé

« Ces charges sont calculées sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les opérateurs qui les supportent. Cette comptabilité est contrôlée à leurs frais par un organisme indépendant agréé par la Commission der égulation de l'électricité. Les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent le montant des charges sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité.

« La compensation de ces charges est assurée par un fonds du service public de la production d'électricité, dont la gestion comptable et financière est assurée par la Caisse des dépôts et consignations dans un compte spécifique. Les frais de gestion exposés par la caisse sont imputés sur le fonds.

« Le fonds est alimenté par des contributions dues par les producteurs ou leurs filiales, par les fournisseurs visés au II de l'article 22 et par les organismes de distribution, lorsque ces différents opérateurs livrent à des clients finals installés sur le terri toire national, par les producteurs d'électricité produisant pour leur propre usage au-delà d'une quantité d'électricité produite annuellement, et fixée par décret, ainsi que par les clients finals importateurs d'électricité ou qui effectuent des acquisitions intracommunautaires d'électricité. Les installations de production d'électricité d'une puissance installée par site de production inférieure ou égale à 4,5 mégawatts sont dispensées de contribution au fonds.

« Le montant des contributions supportées par les redevables mentionnés ci-dessus est calculé au prorata du nombre de kilowattheures livrés à des clients finals établis sur le territoire national ou produits par les producteurs pour leur propre usage au-delà de la quantité mentionnée à l'alinéa précédent. Les charges visées aux 1o et 2o supportées directement par les redevables sont déduites du montant de leurs contributions brutes ; seules sont versées au fonds les contributions nettes.

« Le fonds verse aux opérateurs qui supportent les charges visées aux 1o et 2o ci-dessus une contribution financière nette destinée à couvrir ces charges. Le montant des contributions nettes que les redevables et les opérateurs versent ou reçoivent est arrêté par les ministres chargés de l'économie, du budget et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité.

« Les contributions sont recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations selon les modalités prévues pour les créances de cet établissement. Lorsque le montant des contributions ne correspond pas au montant des charges de l'année, la régularisation intervient l'année suivante. Si les sommes dues ne sont pas recouvrées dans un délai d'un an, elles sont imputées sur le fonds au cours de l'année suivante. Les frais de gestion justifiés par la caisse sont arrêtés par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie et sont imputés sur le fonds.

« La Commission de régulation de l'électricité évalue chaque année dans son rapport annuel le fonctionnement du fonds du service public de la production d'électricité.

« II à IV. Non modifiés »

TITRE II LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ

« Art. 6. - I. - Avant le 31 décembre 2002, une loi d'orientation sur l'énergie exposera les lignes directrices de la programmation pluriannuelle des investissements de production.

« Le ministre chargé de l'énergie arrête et rend publique la programmation pluriannuelle des investissements de production qui fixe les objectifs en matière de répartition des capacités de production par source d'énergie primaire et, le cas échéant, par technique de production et par zone géographique. Cette programmation est établie de manière à laisser une place aux productions décentralisées, à la cogénération et aux technologies nouvelles. Cette programmation fait l'objet d'un rapport présenté au Parlement par le ministre chargé de l'énergie dans l'année suivant tout renouvellement de l'Assemblée nationale. Le premier de ces rapports est présenté dans l'année qui suit la promulgation de la présente loi.

« Pour élaborer cette programmation, le ministre chargé de l'énergie s'appuie notamment sur le schéma de services collectifs de l'énergie et sur un bilan prévisionnel pluriannuel établi au moins tous les deux ans, sous le contrôle de l'Etat, par le gestionnaire du réseau public de transport. Ce bilan prend en compte les évolutions de la consommation, des capacités de transport, de distribution et des échanges avec les réseaux étrangers.

« II. Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements, les nouvelles installations de production sont exploitées par toute personne, sousr éserve des dispositions des articles L. 2224-32 et L. 2224-33 du code général des collectivités territoriales, dès lors que cette personne est titulaire d'une autorisation d'exploiter obtenue selon la procédure prévue à l'article 7, le cas échéant au terme d'un appel d'offres tel que prévu à l'article 8.

« Toutefois, les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à 4,5 mégawatts sont réputées autorisées sur simple déclaration préalable adressée au ministre chargé de l'énergie, qui en vérifie la conformité avec les dispositions de la présente loi.

« Sont également considérées comme nouvelles installations de production au sens du présent article les installations qui remplacent une installation existante ou en aug-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

mentent la puissance installée d'au moins 10 % ainsi que les installations dont la source d'énergie primaire change.

Pour les installations dont la puissance installée augmente de moins de 10 %, une déclaration est faite par l'exploitant auprès du ministre chargé de l'énergie.

« III. En cas de crise grave sur le marché de l'énergie, de me nace pour la sécurité ou la sûreté des réseaux et installations électriques, ou de risque pour la sécurité des personnes, des mesures temporaires de sauvegarde peuvent être prises par le ministre chargé de l'énergie, notamment en matière d'octroi ou de suspension des autorisations, sans que ces mesures puissent faire l'objet d'une indemnisation. »

« Art. 7. - I. - L'autorisation d'exploiter est délivrée par le ministre chargé de l'énergie.

« L'autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d'exploitant, l'autorisation ne peut être transférée au nouvel exploitant que par décision du ministre chargé de l'énergie.

« Lors du dépôt d'une demande d'autorisation d'exp loiter une nouvelle installation de production, le ministre chargé de l'énergie en rend publiques les principales caractéristiques en termes de capacité de production, de source d'énergie primaire, de technique de production et de localisation afin d'assurer une parfaite transparence dans la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle des investissements.

« II et III. Non modifiés

« IV. Les producteurs autorisés au titre du présent article sont réputés autorisés à consommer l'électricité ainsi produite pour leur propre usage sous réserve des dispositions des articles L. 2224-32 et L. 2224-33 du code général des collectivités territoriales. »

« Art. 8. - Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, le ministre chargé de l'énergie peut recourir à la procédure d'appel d'offres, après avis du gestionnaire du réseau public de transport et, le cas échéant, de chaque gestionnaire de réseau public de distribution concerné.

« Le ministre chargé de l'énergie définit les conditions de l'appel d'offres que met en oeuvre la Commission de régulation de l'électri cité sur la base d'un cahier des charges détaillé. Sont notamment précisées les caractéristiques énergétiques, techniques, économiques, financières, l'utilisation attendue et la région d'implantation de l'installation de production objet de l'appel d'offres.

« Peut participer à un appel d'offres toute personne, sous réserve des dispositions des articles L. 2224-32 et L. 2224-33 du code général des collectivités territoriales, exploitant ou désirant construire et exploiter une unité de production, installée sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou, dans le cadre de l'exécution d'accords internationaux, sur le territoire de tout autre Etat.

« Après avoir recueilli l'avis motivé de la Commission de régulation de l'électricité, le ministre chargé de l'éner gie désigne le ou les candidats retenus à la suite d'un appel d'offres. Lorsqu'il prend sa décision, le ministre procède à la publication de l'avis de la commission. Il délivre les autorisations prévues à l'article 7. Il a la faculté de ne pas donner suite à l'appel d'offres.

« Lorsqu'ils ne sont pas retenus, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal dès lors que les installations de production sont raccordées à leur réseau de distribution, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure dans les conditions fixées par l'appel d'offres, un contrat d'achat de l'électricité avec le candidat retenu, en tenant compte du résultat de l'appel d'offres.

« Electricité de France ou, le cas échéant, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée concernés préservent la confidentialité des informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont le service qui négocie et qui conclut le contrat d'achat d'électricité a connaissance dans l'accomplissement de ses missions et dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles de concurrence libre et loyale et de non-discrimination imposées par la loi. La liste de ces informations est déterminée par décret en Conseil d'Etat.

Est puni de 100 000 francs d'amende la révélation à toute personne étrangère au service qui négocie et qui conclut le contrat d'achat d'une des informations précitées par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire. »

« Art. 9. - I. - Non modifié

« II. Des décrets en Conseil d'Etat fixent les modalités d'application des articles 6 à 9. »

« Art. 10. - Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par :

« 1o Les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ou qui visent l'alimentation d'un réseau de chaleur ; dans ce dernier cas, la puissance installée de ces installations doit être en rapport avec la taille du réseau existant ou à créer ;

« 2o Les installations dont la puissance installée par site de production n'excède pas 12 mégawatts qui utilisent des énergies renouvelables ou qui mettent en oeuvre des techniques performantes en termes d'efficacité énergétique, telles que la cogénération, lorsque ces installations ne peuvent trouver des clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables au regard du degré d'ouverture du marché national de l'électricité. Un décret en Conseil d'Etat fixe, par catégorie d'installations, les limites de puissance installée par site de production des installations qui peuvent bénéficier de cette obligation d'achat. Ces limites sont révisées pour prendre en compte l'ouverture progressive du marché national de l'électricité.

« Un décret précise les obligations qui s'imposent aux producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat, ainsi que les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent, après avis de la Commission de régulation de l'électricité, les conditions d'achat de l'électricité ainsi produite.

« Sous réserve du maintien des contrats en cours et des dispositions de l'article 48, l'obligation de conclure un contrat d'achat prévu au présent article peut être partiellement ou totalement suspendue par décret, pour une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

durée qui ne peut excéder dix ans, si cette obligation ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements.

« Les contrats conclus en application du présent article par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée prévoient des conditions d'achat p renant en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par ces acheteurs. Les conditions d'achat font l'objet d'une révision périodique afin de tenir compte de l'évolution des coûts évités et des charges mentionnées au I de l'article 5.

« Par ailleurs, le ministre chargé de l'énergie peut, pour des raisons de sécurité d'approvisionnement, ordonner que les installations de production existantes à la date de publication de la présente loi utilisant du charbon indigène comme énergie primaire soient appelées en priorité par le service gestionnaire du réseau public de transport dans une proportion n'excédant pas, au cours d'une année civile, 10 % de la quantité totale d'énergie primaire nécessaire pour produire l'électricité consommée en France.

« Les surcoûts éventuels qui en découlent sont supportés par le fonds du service public de la production d'électricité créé par l'article 5.

« L'Observatoire national du service public de l'électricité est tenu informé des conditions d'application du présent article. »

« Art. 11. - I. - Le chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 6 intitulée : " Distribution et production d'électricité ", dans laquelle sont insérés deux articles L. 2224-32 et L. 2224-33 ainsi rédigés :

« Art. L. 2224-32 . - Sous réserve de l'autorisation prévue à l'article 7 de la loi no ... du ... précitée et dans la mesure où l'électricité produite n'est pas destinée à l'alimentation de clients éligibles, les communes, sur leur territoire, et les établissements publics de coopération, sur le territoire des communes qui en sont membres, peuvent, outre les possibilités ouvertes par les douzième et treizième alinéas de l'article 8 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, aménager et exploiter dans les conditions prévues par le présent code toute nou velle installation hydroélectrique d'une puissance maximale de 8 000 kVA (puissance maximale des machines électrogènes susceptibles de fonctionner simultanément), toute nouvelle installation utilisant les autres énergies renouvelables, toute nouvelle installation de valorisation énergétique des déchets ménagers ou assimilés mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14, ou toute nouvelle installation de cogénération ou de récupération d'énergie provenant d'installations visant l'alimentation d'un réseau de chaleur dans les conditions fixées par le dixième alinéa (6o ) de l'article 8 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée lorsque ces nouvelles installations se traduisent par une économie d'énergie et une réduction des pollutions atmosphériques.

« Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent sans préjudice du maintien des activités de production existantes à la date de publication de la loi no ... du ...

précitée, en application notamment de l'article 23 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique.

« Pour les installations mentionnées au présent article entrant dans le champ d'application de l'article 10 de la loi no ... du ... précitée, les communes et les établissements publics de coopération dont elles sont membres bénéficient, à leur demande, de l'obligation d'achat de l'électricité produite dans les conditions prévues à cet article.

« Art. L. 2224-33 . - Dans le cadre de la distribution publique d'électricité, et sous réserve de l'autorisation prévue à l'article 7 de la loi no ... du ... précitée, les autorités concédantes de la distribution d'électricité visées au I de l'article L. 2224-31 peuvent aménager, exploiter directement ou faire exploiter par leur concessionnaire de la distribution d'électricité toute installation de production d'électricité de proximité d'une puissance inférieure à un seuil fixé par décret, lorsque cette installation est de nature à éviter, dans de bonnes conditions économiques, de qualité, de sécurité et de sûreté de l'alimentation él ectrique, l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'électricité relevant de leur compétence. »

« II. Non modifié »

....................................................................

TITRE

III LE TRANSPORT ET LA DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ C HAPITRE Ier Le transport d'électricité

« Art. 13. - Au sein d'Electricité de France, le service gestionnaire du réseau public de transport d'électricité exerce ses missions dans des conditions fixées par un cahier des charges type de concession approuvé par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission de régulation de l'électricité.

« Le gestionnaire du réseau public de transport est indépendant sur le plan de la gestion des autres activités d'Electricité de France.

« Pour la désignation de son directeur, le président d'Electricité de France propose trois candidats au ministre chargé de l'énergie. Celui-ci nomme un de ces candidats au poste de directeur pour six ans, après avis de la Commission de régulation de l'électricité. Il ne peut être mis fin de manière anticipée aux fonctions de directeur que, dans l'intérêt du service, par arrêté du ministre chargé de l'énergie, après avis motivé de la Commission de régulation de l'électricité transmis au ministre et notifié à l'intéressé. Le directeur du gestionnaire du réseau public de transport rend compte des activités de celui-ci devant la Commission de régulation de l'électricité. Il veille au caractère non discriminatoire des décisions prises pour l'exécution des missions prévues aux articles 2, 14, 15 et 23.

« Le directeur du gestionnaire du réseau public de transport ne peut être membre du conseil d'administration d'Electricité de France.

« Il est consulté préalablement à toute décision touchant la car rière d'un agent affecté au gestionnaire du réseau public de transport. Les agents affectés au gestionnaire du réseau public de transport ne peuvent recevoir d'instructions que du directeur ou d'un agent placé sous son autorité.

« Au sein d'Electricité de France, le gestionnaire du réseau public de transport dispose d'un budget qui lui est propre. Ce budget et les comptes du gestionnaire du réseau public de transport sont transmis à la Commission de régulation de l'électricité qui en assure la communication à toute personne en faisant la demande.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

« Le directeur du gestionnaire du réseau public de transport est seul responsable de sa gestion et dispose, à ce titre, du pouvoir d'engager les dépenses liées à son fonctionnement et à l'accomplissement de ses missions.

« Le gestionnaire du réseau public de transport exerce sa mission conformément aux principes du service public énoncés aux articles 1er et 2. »

« Art. 13 bis. - Un agent du gestionnaire du réseau public de transport ayant eu à connaître dans l'exercice de ses fonctions des informations dont la divulgation est sanctionnée par l'article 16 ne peut exercer, en dehors du gestionnaire du réseau public de transport, des activités dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Ce décret fixe la durée de l'interdiction.

« Articles 13 ter et 13 quater . - Supprimés »

« Art. 14. - Conforme »

« Art. 15. - I. - Non modifié

« II. Le gestionnaire du réseau public de transport assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci. Il veille également au respect des règles relatives à l'interconnexion des différents réseaux nationaux de transport d'électricité.

« Dans ce but, le gestionnaire du réseau public de transport peut modifier les programmes d'appel. Sous réserve des contraintes techniques du réseau et des obligations de sûreté, de sécurité et de qualité du service public de l'électricité, ces modifications tiennent compte de l'ordre de préséance économique entre les propositions d'ajustement qui lui sont soumises. Les critères de choix sont objectifs, non discriminatoires et publiés.

« La Commission de régulation de l'électricité veille à la régula rité de la présentation des offres et des critères de choix retenus.

« III et IV. Non modifiés »

« Art. 16. - Conforme »

C HAPITRE II La distribution d'électricité

« Art. 17. - Il est inséré, dans la section 6 du chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie du code g énéral des collectivités territoriales, deux articles L. 2224-31 et L. 2224-34 ainsi rédigés :

« Art. L. 2224-31 . - I. - Sans préjudice des dispositions de l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité en application de l'article 6 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de l'article 36 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions.

« Les autorités concédantes précitées assurent le contrôle des réseaux publics de distribution d'électri cité.

A cette fin, elles désignent un agent du contrôle distinct du gestionnaire du réseau public de distribution.

« Chaque organisme de distribution tient à la disposition de chacune des autorités concédantes précitées dont il dépend les infor mations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique utiles à l'exercice des compétences de celle-ci, sous réserve des dispositions de l'article 20 de la loi no ... du ... relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

« En application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 36 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, les collectivités et établissements précités peuvent assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de développement des réseaux publics de distribution d'électricité. Le même droit est accordé aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération compétents en matière de distribution publique d'électricité ayant constitué un organisme de distribution mentionné à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée.

« II. Pour assurer le respect des principes et conditions énoncés à l'article 1er de la loi no ... du ... précitée, des décrets en Conseil d'Etat fixent en tant que de besoin :

« - les procédures et prescriptions particulières applicables aux cahiers des charges des concessions et aux règlements de service des régies ;

« - les règles et les indicateurs de performances techniques destinés à répondre aux objectifs de sécurité et de qualité de l'électricité livrée ;

« - les normes relatives à l'intégration visuelle et à la protection de l'environnement applicables aux réseaux publics de distribution ;

« - les conditions dans lesquelles les collectivités concédantes peuvent faire prendre en charge par leur concessionnaire des opérations de maîtrise de la demande d'électricité ;

« - les conditions financières des concessions en matière de redevance et de pénalités. »

« Art. L. 2224-34 . - Afin de répondre aux objectifs fixés au titre 1er de la loi no ... du ... précitée, les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération compétents en matière de distribution publique d'électricité peuvent réaliser ou faire réaliser dans le cadre des dispositions de l'article L. 2224-31 des actions tendant à maîtriser la demande d'électricité des consommateurs desservis en basse tension lorsque ces actions sont de nature à éviter ou à différer, dans de bonnes conditions économiques, l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'électricité relevant de leur compétence. Ces actions peuvent également tendre à maîtriser la demande d'électricité des personnes en situation de précarité mentionnées au 1o du III de l'article 2 de la même loi.

« Ils peuvent notamment apporter leur aide à ces consommateurs en prenant en charge, en tout ou partie, des travaux d'isolation, de régulation thermique ou de régulation de la consommation d'électricité, ou l'acquisition d'équipements domestiques à faible consommation.

Ces aides font l'objet de conventions avec les bénéficiaires.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »

« Art. 18. - Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46628 du 8 avril 1946 précitée sont les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité.

« Dans sa zone de desserte exclusive, le gestionnaire du réseau public de distribution est responsable de l'exploitation et de l'entretien du réseau public de distribution d'électricité. Sous réserve des dispositions du quatrième


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

alinéa de l'article 36 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée et des dispositions des règlements de service des distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la même loi, il est responsable de son développement afin d e permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs, ainsi que l'interconnexion avec d'autres réseaux.

« Afin d'assurer la sécurité et la sûreté du réseau ainsi que la qualité de son fonctionnement, un décret pris après avis du comité technique de l'électricité institué par la loi du 15 juin 1906 précitée fixe les prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de distribution d'électricité auxquelles doivent satisfaire les installations des producteurs et celles des consommateurs, les circuits d'interconnexion ainsi que les lignes directes mentionnées à l'article 24 de la présente loi.

« Art. 19 et 20. - Conformes »

C HAPITRE

III Sécurité et sûreté des réseaux

« Art. 21. - En cas d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la sûreté des réseaux publics de transport et de distribution ou à la qualité de leur fonctionnement, et sans préjudice des pouvoirs reconnus aux gestionnaires de réseaux par les articles 14, 15, 18 et 19 et à la Commission de régulation de l'électricité par l'article 36, le ministre chargé de l'énergie peut d'office ou sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité ordonner les mesures conservatoires nécessaires.

« Afin de garantir la sécurité des personnes, la continuité du ser vice public, la sécurité et la sûreté des réseaux publics, la reconstruction des ouvrages et accessoires des lignes de transport et de distribution d'énergie électrique détruits ou endommagés par les tempêtes de décembre 1999 est autorisée de plein droit dès lors que les ouvrages sont situés sur un emplacement identique et ont les mêmes fonctions et des caractéristiques techniques analogues. Cette autorisation est délivrée par le préfet après consultation d'une commission de concertation qu'il préside, dont il arrête la composition et qui comprend notamment des représentants des collectivités territoriales concernées, des distributeurs d'énergie, des associations d'usagers ainsi que des associations qui se consacrent à la protection de l'environnement et du patrimoine. Ces travaux sont dispensés de toute autre autorisation administrative.

« Lorsque le rétablissement d'une ligne existante détruite par ces tempêtes nécessite la reconstruction des supports à des emplacements différents et à proximité immédiate, le préfet peut, après consultation de la commission visée à l'alinéa précédent et nonobstant toute disposition contraire, autoriser l'occupation temporaire des terrains selon les procédures fixées par la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics. Cette autorisation ne peut être accordée qu'à la condition que les modifications apportées ne conduisent pas à accentuer l'impact de ces ouvrages sur les monument historiques et les sites, et que, lorsque les ouvrages ont donné lieu à déclaration d'utilité publique, les nouveaux ouvrages soient implantés, à proximité immédiate des anciens, à l'intérieur des périmètres délimités par la déclaration d'utilité publique. Pendant la durée d'occupation temporaire, ces travaux sont dispensés de toute autre autorisation administrative.

« Les ouvrages réalisés selon les dispositions de l'alinéa précédent ne pourront être maintenus que s'ils font l'objet d'autorisations délivrées dans le cadre des procédures de droit commun dans un délai maximum de deux ans en ce qui concerne le réseau public de transport et au plus tard au 31 décembre 2000 en ce qui concerne les réseaux de distribution publics d'énergie.

« Les travaux réalisés en urgence à compter du 26 décembre 1999 et jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente loi sont réputés avoir été exécutés conformé ment aux dispositions des trois alinéas précédents. »

TITRE IV L'ACCÈS AUX RÉSEAUX PUBLICS D'ÉLECTRICITÉ

« Art. 22. - I. - Un consommateur final dont la consommation annuelle d'électricité sur un site est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat est reconnu client éligible pour ce site. Ce seuil est défini de manière à permettre une ouverture du marché national de l'électricité limitée aux parts communautaires moyennes définissant le degré d'ouverture du marché communautaire prévues par l'article 19 de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Ce même décret détermine la procédure de reconnaissance de l'éligibilité et les modalités d'application de ce seuil en fonction des variations des consommations annuelles d'électricité.

« Pour l'application du présent I aux entreprises exploitant des services de transport ferroviaire, l'éligibilité est fonction de la consommation annuelle totale d'électricité de traction sur le territoire national.

« II. Sont, en outre, reconnus clients éligibles :

« - sous réserve des dispositions du IV, les producteurs autorisés en application de l'article 7, autres que les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération dont elles sont membres, et les filiales de ces producteurs au sens de l'article 354 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales qui exercent l'activité d'achat pour revente aux clients éligibles ;

« - les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en vue de l'approvisionnement effectif des clients éligibles situés dans leur zone de desserte ;

« - sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa du I, les propriétaires ou les gestionnaires de réseaux ferroviaires ou de réseaux de transports collectifs urbains électriquement interconnectés en aval des points de livraison par Electricité de France ou par un distributeur non nationalisé mentionné à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée.

« III. Non modifié

« IV. Les producteurs visés au II du présent article ou les filiales de ces producteurs au sens de l'article 354 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 précitée qui, afin de compléter leur offre, achètent pour revente aux clients éligibles doivent, pour exercer cette activité, obtenir une autorisation délivrée pour une durée déterminée par le ministre chargé de l'énergie après avis de la Commission de régulation de l'électricité. Pour obtenir cette autorisation, ils établissent que la quantité d'électricité achetée pour être revendue aux clients éligibles est inférieure à un pourcentage, défini par décret en Conseil d'Etat, de l'électricité produite à partir de capacités de production dont ils ont la disposition.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

« Cette autorisation peut être refusée ou retirée pour des motifs portant sur les capacités techniques, économiques ou financières du demandeur, de manière à prendre en compte la sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés et la compatibilité avec les missions de service public.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent IV.

« V. - Le ministre chargé de l'énergie établit et rend publiques la liste des clients éligibles et celles des producteurs et opérateurs qui achètent pour revente aux clients éligibles. »

« Art. 23. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux, pour :

« - assurer les missions de service public définies au III de l'article 2 ;

« - assurer l'exécution des contrats prévus à l'article 22 ;

« - permettre l'approvisionnement par un producteur de ses établissements, de ses filiales et de sa société mère, dans les limites de sa propre production ;

« - assurer l'exécution des contrats d'exportation d'électricité conclus par un producteur ou par un fournisseur autorisé en application du IV de l'article 22 installés sur le territoire national.

« A cet effet, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. Dans le cas où les gestionnaires des réseaux publics concernés et les utilisateurs de ces réseaux ne sont pas des personnes morales distinctes, des protocoles règlent leurs relations, notamment les conditions d'accès aux réseaux et de leur utilisation, ainsi que les conditions d'application de la tarification de l'utilisation des réseaux. Ces contrats et protocoles sont transmis à la Commission de régulation de l'électricité.

« Tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'électricité. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement.

« Dans les mêmes conditions, un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est également garanti à toute collectivité territoriale pour satisfaire, à partir de ses installations de production et dans la limite de leur production, les besoins des services publics locaux dont elle assure la gestion directe. Le même droit est reconnu dans les mêmes conditions à tout établissement public de coopération intercommunale.

« Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les modalités d'application de ces dispositions et notamment les procédures d'établissement des contrats et protocoles visés par le présent article. »

« Art. 24. - Afin d'assurer l'exécution des contrats prévus au III de l'article 22 et des contrats d'exportation d'électricité mentionnés à l'article 23, ainsi que de permettre l'approvisionnement par un producteur de ses établissements, de ses filiales et de sa société mère dans les limites de sa propre production, la construction de lignes directes complémentaires aux réseaux publics de transport et de distribution est autorisée par l'autorité administrative compétente en application des législations relatives à la construction, à l'exécution des travaux et à la mise en service de lignes électriques, sous réserve que le demandeur ait la libre disposition des terrains où doivent être situés les ouvrages projetés ou bénéficie d'une permission de voirie. Pour délivrer les autorisations, l'autorité administrative prend en compte les prescriptions environnementales applicables dans la zone concernée.

« Toutefois, l'autorité administrative compétente peut refuser, après avis de la Commission de régulation de l'électricité, l'autorisation de construction d'une ligne directe si l'octroi de cette autorisation est incompatible avec des impératifs d'intérêt général ou le bon accomplissement des missions de service public. La décision de refus est motivée et notifiée à l'intéressé, accompagnée de l'avis de la Commission de régulation de l'électricité.

« Les autorisations sont délivrées pour une durée ne pouvant pas excéder vingt ans. Elles sont toutefois renouvelables dans les mêmes conditions. Les autorisations initiales et les renouvellements d'autorisations sont accordés sous réserve du respect de dispositions concernant l'intégration visuelle des lignes directes dans l'environnement, identiques à celles contenues dans les cahiers des charges des concessions ou dans les règlements de service des régies, applicables aux réseaux publics dans les territoires concernés. Les titulaires d'autorisation doivent déposer les parties aériennes des ouvrages quand celles-ci ne sont pas exploitées pendant plus de trois ans consécutifs. Cette dépose doit être effectuée dans le délai de trois mois à compter de l'expiration de cette période de trois ans.

« En cas de refus d'accès aux réseaux publics de transport ou de distribution ou en l'absence de réponse du gestionnaire de réseau concerné dans un délai de trois mois à compter de la demande, le demandeur peut bénéficier d'une déclaration d'utilité publique pour l'institution, dans les conditions fixées par les législations mentionnées au premier alinéa, de servitudes d'ancrage, d'appui, de passage et d'abattage d'arbres nécessaires à l'établissement d'une ligne di recte, à l'exclusion de toute expropriation et de toute possibilité pour les agents du bénéficiaire de pénétrer dans les locaux d'habitation. Il est procédé à une enquête publique. Les propriétaires concernés sont appelés à présenter leurs observations. Les indemnités dues en raison des servitudes sont versées au propriétaire et à l'exploitant du fonds pourvu d'un titre régulier d'occupation, en considération du préjudice effectivement subi par chacun d'eux en leur qualité respective. A défaut d'accord amiable entre le demandeur et les intéressés, ces indemnités sont fixées par les juridictions compétentes en matière d'expropriation.

TITRE V LA DISSOCIATION COMPTABLE ET LA TRANSPARENCE DE LA COMPTABILITÉ

« Art. 25. - Electricité de France, les distributeurs non nationalisés visés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée et la Compa gnie nationale du Rhône tiennent, dans leur comptabilité interne, des comptes séparés au titre, respectivement, de la production, du transport et de la distribution d'électricité ainsi q ue, le cas échéant, un compte séparé regroupant l'ensemble de leurs autres activités. »

« Ils font figurer, dans l'annexe de leurs comptes annuels, un bilan et un compte de résultat pour chaque activité dans le secteur de l'électricité devant faire l'objet d'une séparation comptable en vertu de l'alinéa ci-dessus,


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ainsi que, le cas échéant, pour l'ensemble de leurs autres activités. Lorsque leur effectif atteint le seuil d'assujettissement prévu à l'article L. 438-1 du code du travail, ils établissent également, pour chacune de ces activités, un bilan social.

« Ils précisent, dans l'annexe de leurs comptes annuels, les règles d'imputation des postes d'actif et de passif et des charges et produits qu'ils appliquent pour établir les comptes séparés mentionnés au premier alinéa, ainsi que le périmètre de chacune des activités comptablement séparées et les principes déterminant les relations financières entre ces activités. Toute modification de ces règles, de ces périmètres ou de ces principes est indiquée et motivée dans l'annexe de leurs comptes annuels et son incidence y est spécifiée.

« Ils précisent également, dans les mêmes documents, les opérations éventuellement réalisées avec des sociétés appartenant au même groupe lorsque ces opérations sont supérieures à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.

« Les comptes mentionnés aux deuxième et troisième alinéas sont publiés dans les mêmes conditions que les comptes annuels. Les opérateurs mentionnés au premier alinéa auxquels la loi ou les règlements n'imposent pas de publier leurs comptes annuels tiennent à la disposition du public un exemplaire de ces comptes séparés, ainsi que les règles d'imputation, les périmètres et les principes visés au troisième alinéa.

« La Commission de régulation de l'électricité approuve, après avis du Conseil de la concurrence, les règles d'imputation, les périmètres comptables et les principes visés au troisième alinéa, qui sont proposés par les opérateurs concernés pour mettre en oeuvre la séparation comptable prévue au premier alinéa, ainsi que toute modification ultérieure de ces règles, de ces périmètres ou de ces principes. La commission veille à ce que ces règles, ces périmètres et ces principes ne permettent aucune discrimination, subvention croisée ou distorsion de concurrence. »

« Art. 26. - Conforme »

« Art. 27. - Pour l'application de la présente loi, et en particulier de ses articles 4, 5, 25, 26, 42, 44 et 46, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ainsi que la Commission de régulation de l'électricité ont, dans des conditions définies aux articles 33 et 33 bis, le droit d'accès, quel qu'en soit le support, à la comptabilité des entreprises exerçant une activité dans le secteur de l'électricité ainsi qu'aux informations économiques, financières et sociales nécessaires à leur mission de contrôle. »

TITRE VI LA RÉGULATION

« Art. 28. - Conforme »

« Art. 29. - Un commissaire du Gouvernement auprès de la Commission de régulation de l'électricité, nommé par le ministre chargé de l'énergie, fait connaître les analyses du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne la politique énergétique. Il ne peut être simultanément commissaire du Gouvernement auprès d'Electricité de France. Il se retire lors des délibérations de la commission.

« Il peut faire inscrire à l'ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique énergétique ou la sécurité et la sûreté des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ou entrant dans les compétences de la commission. L'examen de cette question ne peut être refusé. »

« Art. 30. - La Commission de régulation de l'électricité dispose de services qui sont placés sous l'autorité du président.

« La commission établit un règlement intérieur qui est publié au Journal officiel de la République française.

« La commission peut employer des fonctionnaires en position d'activité ou en position de détachement et recruter des agents contractuels dans les mêmes conditions que le ministère chargé de l'énergie.

« La commission perçoit, le cas échéant, des rémunérations pour services rendus.

« La commission propose au ministre chargé de l'énergie, lors de l'élaboration du projet de loi de finances, les crédits nécessaires, outre les ressources mentionnées à l'alinéa précédent, à l'accomplissement de ses missions.

Ces crédits sont inscrits au budget général de l'Etat. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion. Le président de la commission est ordonnateur des recettes et des dépenses. La commission est soumise au contrôle de la Cour des comptes.

« Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à la Commission de régulation de l'électricité, le président de la commission a qualité pour agir en justice. »

« Art. 31. - La Commission de régulation de l'électricité est préalablement consultée sur les projets de règlement relatifs à l'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité et à leur utilisation.

« La commission est associée, à la demande du ministre chargé de l'énergie, à la préparation de la position franç aise dans les négociations internationales dans le domaine de l'électricité. Elle participe, à la demande du ministre chargé de l'énergie, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine. »

« Art. 32. - Les commissions du Parlement compétentes en matière d'énergie, le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, l'Observatoire national du service public de l'électricité et le Conseil économique et social peuvent entendre les membres de la Commission de régulation de l'électricité. Ils peuvent également consulter la commission sur toute question intéressant la régulation du secteur de l'électricité ou la gestion des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité. La commission peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information.

« Le président de la Commission de régulation de l'électricité rend compte des activités de la commission d evant les commissions permanentes du Parlement compétentes en matière d'électricité, à leur demande.

« La Commission de régulation de l'électricité établit chaque année, avant le 30 juin, un rapport public qui rend compte de son activité, de l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'accès aux réseaux publics de transport et de distribution et à l'utilisation de ces réseaux. Ce rapport évalue les effets de ses décisions sur les conditions d'accès aux réseaux publics et l'exécution des missions du service public de l'électricité.

Il est adressé au Gouvernement, au Parlement et au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz. Les suggestions et propositions de ce dernier sont transmises au ministre chargé de l'énergie et à la Commission de régulation de l'électricité.


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« Les avis et propositions de la Commission de régulation de l'électricité sont motivés. Lorsque l'autorité administrative compé tente prend sa décision sur leur base, elle procède à leur publication ou, s'il s'agit d'une décision individuelle, à leur notification à l'intéressé. »

« Art. 33. - Pour l'accomplissement des missions qui lui sont confiées, la Commission de régulation de l'électricité peut recueillir toutes les informations nécessaires auprès des ministres respectivement chargés de l'économie et de l'énergie, ainsi qu'auprès des gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution et des opérateurs intervenant sur le marché de l'électricité.

« I. - Des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le ministre chargé de l'énergie ou par le ministre chargé de l'économie procèdent aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions de la présente loi.

« Les agents de la Commission de régulation de l'électricité habilités à cet effet par le président disposent des mêmes pouvoirs pour l'accomplissement des missions confiées à la commission.

« Les enquêtes donnent lieu à procès-verbal. Un double en est transmis dans les cinq jours aux parties intéressées.

« Le ministre chargé de l'énergie ou la Commission der égulation de l'électricité désignent toute personne compétente pour réaliser, le cas échéant, une expertise.

« II et III. Non modifiés »

« Art. 33 bis. - En dehors des cas visés à l'article 33, les fonctionnaires et agents habilités en vertu du même article ne peuvent procéder aux visites en tous lieux, ainsi qu'à la saisie de pièces et de documents, dans le cadre d'enquêtes demandées par le ministre de l'énergie, le ministre chargé de l'économie ou la Commission de régulation de l'électricité, que sur autorisation judiciaire, donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des présidents compétents.

« Le juge vérifie que la demande d'autorisation qui lui est sou mise comporte tous les éléments d'information de nature à justifier la visite.

« La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.

Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de la juridiction à laquelle il appartient, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au président du tribunal de grand instance dans le ressort duquel s'effectue la visite.

« Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention, dont il peut, à tout moment, décider la suspension ou l'arrêt.

« L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Ce pourvoi n'est pas suspensif.

« La visite, qui ne peut commencer avant six heures ou après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant.

« Les enquêteurs, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.

« Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du code de procédure pénale.

Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite. Les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité sont restitués à l'occupant des lieux. »

« Art. 34. - Conforme »

« Art. 34 bis. - I. - La Commission de régulation de l'électricité propose :

« 1o Les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, conformément à l'article 4 ;

« 2o Le montant des charges imputables aux missions de service public assignées aux producteurs d'électricité, et le montant des contributions nettes qui s'y rapportent, conformément au I de l'article 5 ;

« 3o Le montant des charges définies à l'article 46 et le montant des contributions nettes qui s'y rapportent.

« II. Elle agrée les organismes indépendants mentionnés au I de l'article 5.

« III. Elle propose au ministre chargé de l'énergie des mesures conservatoires nécessaires pour assurer la sécurité et la sûreté des réseaux publics et garantir la qua lité de leur fonctionnement, conformément à l'article 21.

« IV. Elle donne un avis sur :

« 1o Les tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles, les plafonds de prix applicables à la fourniture d'électricité aux clients éligibles dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés et les tarifs de secours, conformément à l'article 4 ;

« 2o Le ou les candidats retenus après les appels d'offres prévus à l'article 8 ;

« 3o L'arrêté ministériel fixant les conditions d'achat de l'électri cité produite dans le cadre de l'obligation d'achat définie à l'article 10 ;

« 4o Le cahier des charges de concession du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, conformément à l'article 13 ;

« 5o La nomination et la cessation anticipée des fonctions du directeur du gestionnaire du réseau public de transport, conformément à l'article 13 ;

« 6o Le schéma de développement du réseau public de transport, conformément à l'article 14 ;

« 7o Les demandes d'autorisation mentionnées au IV de l'article 22 ;

« 8o Le refus d'autorisation de construction d'une ligne directe, en application de l'article 24.

« V. - Elle est consultée sur les projets de règlement visés à l'article 31.

« VI. Elle met en oeuvre les appels d'offres dans les conditions décidées par le ministre chargé de l'énergie, conformément à l'article 8.

« VII. Elle reçoit communication :

« 1o Des rapports annuels d'activité des organismes en charge de la distribution publique d'électricité, en application de l'article 3 ;

« 2o Du budget et des comptes du gestionnaire du réseau public de transport, conformément à l'article 13 ;

« 3o Des contrats et des protocoles d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution, conformément à l'article 23.

« VIII. Elle reçoit notification des refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électri cité, conformément à l'article 23.


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« IX. Elle veille à la régularité de la présentation des offres et des critères de choix retenus par le gestionnaire d u réseau public de transport, conformément à l'article 15.

« X. Elle approuve :

« 1o Les règles d'imputation, les périmètres et les principes déterminant les principales relations financières entre les différentes acti vités faisant l'objet d'une séparation comptable, conformément aux articles 25 et 26, sur proposition des entreprises et établissements visés aux mêmes articles ;

« 2o Le programme d'investissement du gestionnaire du réseau public de transport, conformément à l'article 14.

« XI. Elle a accès à la comptabilité des entreprises exerçant une activité dans le secteur de l'électricité et aux informations économiques, financières et sociales, conformément à l'article 27, ainsi qu'aux informations nécessaires à l'exercice de ses missions, conformément à l'article 33.

« XII. Elle adopte les règlements mentionnés à l'article 35.

« XIII. Elle se prononce sur les litiges dont elle est saisie, conformément à l'article 36.

« XIV. Elle dispose d'un pouvoir d'enquête, de saisie et de sanction, conformément aux articles 33, 33 bis et 38. »

« Art. 35. - Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, la Commission de régulation de l'électricité précise, en tant que de besoin, par décision publiée au Journal officiel de la République française, les règles concernant :

« 1o Les missions des gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en matière d'exploitation et de développement des réseaux, en application des articles 14 et 18 ;

« 2o Les conditions de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, en application des articles 14 et 18 ;

« 3o Les conditions d'accès aux réseaux et de leur utilisation, en application de l'article 23 ;

« 4o La mise en oeuvre et l'ajustement des programmes d'appel, d'approvisionnement et de consommation, et la compensation financière des écarts, en application des articles 15 et 19 ;

« 5o La conclusion de contrats d'achat et de protocoles par les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution, en application du III de l'article 15 ;

« 6o Les périmètres de chacune des activités comptablement sé parées, les règles d'imputation comptable appliquées pour obtenir les comptes séparés et les principes déterminant les relations financières entre ces activités, conformément aux articles 25 et 26 ;

« 7o à 9o Supprimés »

« Art. 36. - Conforme »

« Art. 36 bis. - Supprimé »

« Art. 37. - Le président de la Commission de régulation de l'électricité saisit le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il a connaissance dans le secteur de l'électricité. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d'une procédure d'urgence, conformément à l'article 12 de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Il peut également le saisir pour avis de toute autre question relevant de sa compétence.

« Le Conseil de la concurrence communique à la Commission de régulation de l'électricité toute saisine entrant dans le champ des compé tences de celle-ci définies à l'article 36 de la présente loi. Il peut également saisir la commission, pour avis, de toute question relative au secteur de l'électricité.

« Le président de la Commission de régulation de l'électricité informe le procureur de la République des faits qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale. »

« Art. 38. - Conforme »

« Art. 39. - Le ministre chargé de l'énergie prononce, dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article 38, une sanction pécuniaire, le retrait ou la suspension, pour une durée n'excédant pas un an, de l'autorisation d'exploiter une installation ou de l'autorisation mentionnée au IV de l'article 22, à l'encontre des auteurs des manquements qu'il cons tate aux obligations de paiement des contributions prévues à l'article 5.

« Il peut prononcer, dans les conditions définies au premier alinéa, la ou les sanctions pécuniaire et administrative prévues à cet alinéa à l'encontre des auteurs de manquements qu'il constate :

« - aux obligations de paiement des contributions prévues à l'article 46 ;

« - à une disposition législative ou réglementaire relative à la production, à l'éligibilité ou à l'activité d'a chat pour revente d'électri cité, telles que définies aux articles 7 à 10 et 22, ou aux prescriptions du titre en vertu duquel cette activité est exercée ;

« - à l'obligation de fourniture des données prévue à l'article 45. »

« Art. 40. - Le fait d'exploiter une installation de production d'électricité sans être titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article 7 ou de cons truire ou de mettre en service une ligne directe sans être titulaire de l'autorisation visée à l'article 24 est puni d'un an d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende.

« Le fait de s'opposer de quelque façon que ce soit à l'exercice des fonctions dont les fonctionnaires et agents désignés aux articles 33 et 33 bis sont chargés ou de refuser de leur communiquer les éléments mentionnés au II de l'article 33 et à l'article 33 bis est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende.

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux alinéas précédents encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1o La fermeture temporaire ou à titre définitif de l'un, de plusieurs, ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la personne condamnée ;

« 2o L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal ;

« 3o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions définies aux deux premiers alinéas du présent article, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal ;


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« 2o La fermeture temporaire, pour une durée de cinq ans au plus, ou à titre définitif de l'un, de plusieurs, ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la personne condamnée ;

« 3o L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 4o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »

« Art. 41. - Sont qualifiés pour procéder, dans l'exercice de leurs fonctions, à la recherche et à la constatation des infractions à la présente loi les fonctionnaires et agents habilités par le ministre chargé de l'énergie et les agents de la Commission de régulation de l'électricité habilités par le président, mentionnés aux premier et deuxième alinéas du I de l'article 33, et assermentés dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

« Pour la recherche et la constatation de ces infractions, c es fonctionnaires et agents disposent des pouvoirs d'enquête définis à l'article 33.

« Les infractions pénales prévues par la présente loi sont constatées par des procès- verbaux qui sont adressés, sous peine de nullité, dans les cinq jours qui suivent leur clôture, au procureur de la République. Une copie en est remise dans le même délai à l'intéressé. Ces procèsverbaux font foi jusqu'à preuve contraire.

« Le procureur de la République est préalablement informé des opérations envisagées en vue de la recherche des infractions. Il peut s'opposer à ces opérations. »

TITRE

VII L'OBJET D'ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

« Art. 42. - I et II. - Non modifiés

« III. Electricité de France, en dehors de sa mission de fourni ture d'électricité, et les filiales qu'il contrôle directement ou indirectement ne peuvent proposer aux clients non éligibles présents sur le territoire national que des prestations de conseil destinées à promouvoir la maîtrise de la demande d'électricité. Ils ne peuvent offrir de services portant sur la réalisation ou l'entretien des installations intérieures, la vente et la location d'appareils utilisateurs d'énergie.

« Electricité de France peut toutefois, par des filiales ou des sociétés, groupements ou organismes, dans lesquels lui-même ou ses filiales détiennent des participations, proposer aux collectivités locales des prestations liées à la production, au transport, à la distribution ou à l'utilisation de l'énergie pour l'éclairage public, le traitement des déchets et les réseaux de chaleur. Electricité de France, en tant que partenaire des collectivités territoriales, peut intervenir comme conducteur d'opérations conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi no 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée.

« Un observatoire de la diversification des activités d'Electricité de France destinées aux clients finals éligibles et non éligibles, se réunissant au moins deux fois par an, émet un avis motivé sur toute question relevant de l'application du II et du présent paragraphe. Il peut, à tout moment, être saisi par le ministre chargé de l'énergie de demandes d'avis ou d'études sur ces mêmes questions.

« IV. Non modifié »

TITRE

VIII

DISPOSITIONS SOCIALES

« Art. 43. - Conforme »

....................................................................

TITRE IX

DISPOSITIONS DIVERSES OU TRANSITOIRES

« Art. 45. - Toute personne physique ou morale qui produit, transporte, distribue, importe, exporte ou fournit de l'électricité est tenue d'adresser au ministre chargé de l'énergie toutes les données relatives à son activité et qui sont nécessaires :

« 1o A l'établissement de statistiques aux fins d'élaboration de la politique énergétique en matière d'électricité et de communication à des organismes spécialisés dans le cadre des engagements internationaux de la France ;

« 2o A la transmission à la Commission des Communautés européennes des éléments nécessaires au calcul de la part communautaire moyenne qui définit le degré d'ouverture du marché communautaire de l'électricité ;

« 3o A la définition des clients éligibles mentionnés à l'article 22 ;

« 4o Au suivi de l'impact de la présente loi sur le niveau et la structure de l'emploi dans le secteur de l'électricité.

« La liste des données à fournir est fixée par arrêté du ministre chargé de l'énergie.

« Le Gouvernement communique la synthèse de ces données aux commissions du Parlement compétentes en matière d'électricité. Cette synthèse fait, le cas échéan t, l'objet d'une publication.

« Les agents chargés de recueillir et exploiter ces données sont tenus au secret professionnel.

« Les informations recueillies en application du présent article, lorsqu'elles sont protégées par un secret visé à l'article 6 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, ne peuvent être divulguées.

« Art. 46 et 47. - Conformes. »

« Art. 48. - Les contrats d'achat d'électricité conclus ou négociés avant la publication de la présente loi entre Electricité de France ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, d'une part, et les producteurs d'électricité, d'autre part, peuvent être dénoncés par les producteurs d'électricité moyennant un préavis de trois mois, sans que puissent être opposées les clauses d'exclusivité que peuvent comporter ces contrats.

« A compter de la date de publication de la présente loi, les surcoûts qui peuvent résulter des contrats d'achat d'électricité conclus ou négociés avant la publication de la présente loi entre Electricité de France ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée, d'une part, et les producteurs d'électricité, d'autre part, font l'objet, lorsqu'ils sont maintenus et jusqu'au terme initialement fixé lors de leur conclusion, d'une compensation dans les conditions prévues au I de l'article 5 de la présente loi.

« Par dérogation aux premier et deuxième alinéas, les contrats et conventions précités qui lient Electricité de France à une entreprise du secteur public sont révisés par les parties, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, afin de les mettre en confor-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

mité avec ses dispositions. A défaut d'accord entre les parties dans ce délai, un comité, composé de deux m embres désignés respectivement par Electricité de France et par son ou ses cocontractants et d'un président désigné par le ministre chargé de l'énergie, détermine, par une décision prise à la majorité dans un délai de six mois, les conditions de révision desdits contrats et conventions, et notamment les conditions de l'éventuelle indemnisation. Cette décision peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort.

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas a ux contrats mentionnés au deuxième alinéa de l'article 46, ainsi qu'aux conventions et contrats venant à expiration dans un délai inférieur à deux ans à compter de la publication de la présente loi. »

« Art. 49. - Conforme »

« Art. 49 bis. - Supprimé »

« Art. 49 ter. - Conforme »

« Art. 50. - I. - La loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée est ainsi modifiée :

« 1o L'article 1er est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi no ... du ... relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, les activités de production, d'importation et d'exportation d'électricité, ainsi que les activités de fourniture aux clients éligibles, sont exercées dans les conditions déterminées par cette même loi. »

;

« 2o Le premier alinéa de l'article 8 bis est ainsi rédigé :

« Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la présente loi ne peuvent acheter l'énergie produite par les producteurs installés sur le territoire national que si leurs installations ont été régulièrement autorisées et, le cas échéant, c oncédées. »

;

« 3o Les quatorzième, seizième et dix-neuvième alinéas de l'article 20 sont supprimés ;

« 3o bis L'article 20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au sein de chacun des services nationaux, le conseil d'administration peut déléguer à son président celles de ses compétences que la loi ou la réglementation en vigueur ne lui prescrivent pas d'exercer lui-même, avec la faculté de les déléguer et de les subdéléguer ; il peut aussi habiliter le président à déléguer sa signature. Un décret préci sera en tant que de besoin les modalités de publication de ces délégations et subdélégations. »

;

« 4o Le neuvième alinéa de l'article 33 est supprimé ;

« 5o Les troisième à neuvième alinéas de l'article 45 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz est composé par parties égales de membres du Parlement, de représentants des ministères concernés, des collectivités locales, des consommateurs éligibles et non éligibles, des entreprises électriques et gazières et du personnel de ces industries. »

;

« 6o Au 4o de l'article 46, après les mots : " services de distribution ", sont insérés les mots : " de gaz » ;

« 7o Supprimé

« II. Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes réglementaires, décisions, accords, contrats et marchés signés par les services nationaux Electricité de France ou Gaz de France antérieurement à la date de la publication de la présente loi, en tant qu'ils ont été pris ou conclus sur le fondement de délibérations de leur conseil d'administration par lesquelles le conseil a délégué certaines de ses compétences à son président ou au directeur général du service national, avec le cas échéant faculté de les subdéléguer.

« Les mêmes actes sont validés, en tant qu'ils seront signés sur le fondement de ces mêmes délibérations, jusqu'à la publication de nouvelles délégations et subdélégations de compétences dans les formes prévues au dernier alinéa de l'article 20 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée et, au plus tard, jusqu'au terme d'une période de deux mois suivant la date de publication de la présente loi.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Ces amendements, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution et 114, alinéa 3, du règlement, reprennent des amendements adoptés par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 1.

L'amendement no 2 est présenté par M. Bataille, rapporteur, M. Montané et M. Micaux ; l'amendement no 1 est présenté par M. Proriol et M. Goulard.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 21, après les mots : "des collectivités territoriales concernées", insérer les mots : "des autorités concédantes de la distribution publique d'électricité visées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, des distributeurs non nationalisés visés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 précitée et des collectivités organisatrices de la distribution publique d'électricité les ayant constitués,". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

2.

M. Christian Bataille, rapporteur.

L'amendement no 2 est la reprise, comme vous l'avez dit, monsieur le président, d'un amendement adopté par le Sénat qui précise la composition de la commission de concertation consultée par le préfet pour autoriser la reconstruction rapide des ouvrages détruits ou endommagés par les tempêtes de décembre dernier, en y incluant des représentants des distributeurs non nationalisés et des autorités concédantes ou organisatrices de la distribution d'électricité.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Micaux, pour soutenir l'amendement no

1.

M. Pierre Micaux.

Je suis étonné que cet amendement ait été adopté en commission ce matin.

Cela dit, je profite de l'occasion pour regretter que nous n'ayons pas discuté de l'application de la directive européenne, mais de la prise en compte de la directive du Parti communiste dans le cadre des nécessités de la majorité plurielle.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. François Goulard.

On appelle cela un oukase !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie, un peu de calme.

M. Pierre Micaux.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce ne sont pas des couleuvres qu'on vous a fait avaler, ce sont des boas et vous les avez bien digérés.

M. Jean-Louis Dumont.

Il a un solide appétit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

M. Franck Borotra.

Il a de l'estomac !

M. Pierre Micaux.

Comment pouvez-vous soutenir les prises de participation d'EDF en Allemagne, en GrandeBretagne, en Amérique du Sud ? Comment pouvez-vous aujourd'hui opérer un tel virage à 160 degrés par rapport à la première lecture ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Vous voulez sans doute dire 180 degrés ?

M. Pierre Micaux.

De surcroît, en imposant aux éventuels intervenants étrangers l'obligation d'appliquer nos règles sociales et fiscales, vous allez susciter une série de procès devant la Cour de justice européenne, et pourquoi pas au niveau de l'OMC...

M. Pierre Ducout.

Pas jusque-là !

M. Pierre Micaux.

Nous sommes en effet présents au Brésil, en Argentine et, pour Gaz de France, bientôt au Mexique. L'OMC existera tôt ou tard.

M. Pierre Ducout.

Qu'est-ce qu'il connaît à l'OMC ?

M. Pierre Micaux.

Après, vous aurez les larmes pour pleurer et l'outrecuidance de plaindre les Français d'avoir à payer les dépens des procès. Merci d'avance.

M. Robert Galley et M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

En nouvelle lecture au Sénat, je m'en étais remis à la sagesse de la Haute assemblée. Je pensais en effet qu'un tel amendement n'était pas nécessaire parce que la composition de la commission consultative placée auprès du préfet était suffisamment explicite et ne souffrait aucune ambiguïté. Si l'Assemblée nationale veut suivre le Sénat,...

M. Christian Bataille, rapporteur.

Dans sa sagesse.

(Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... je ne vois que des avantages à ce que les distributeurs non nationalisés participent, par l'intermédiaire de leurs représentants, à la commission placée auprès du préfet et qui aura à connaître des conditions de réparation et de réfection des réseaux endommagés par la tempête.

M. Pierre Ducout.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2 et 1.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. Alain Bocquet.

Quelle belle unanimité !

M. le président.

Effectivement, à l'unanimité.

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.

M. Alain Bocquet.

Le groupe communiste s'abstient.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3 ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (nos 1821, 2115).

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui constitue le quatrième volet de la démarche de rénovation législative entreprise depuis 1998. Je rappellerai brièvement les objectifs des trois premières phases.

La loi du 6 mars 1998 renforce la sécurité des installations sportives et garantit le droit à l'information sur les manifestations sportives.

La loi du 23 mars 1999 assure une meilleure protection de la santé des sportives et sportifs et attribue des moyens exceptionnels à la lutte contre le dopage. Cette loi, vous le savez, a contribué à accélérer la mobilisation des Etats au niveau international. La création de l'Agence mondiale antidopage représente un pas en avant considérable. A ce propos, je saisis l'occasion qui m'est donnée pour évoquer la candidature déposée par la capitale autrichienne pour obtenir le siège de l'agence. Je le dis avec une certaine gravité : s'il se confirme que des représentants d'un parti extrémiste et xénophobe accèdent au gouvernement de ce pays, il est totalement exclu que la France soutienne une telle candidature. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Je souhaite que cette position, qui relève d'une certaine éthique, soit partagée par mes collègues de l'Union européenne. En fait, je n'en doute pas.

La loi du 28 décembre 1999 concerne principalement, quant à elle, le sport professionnel. Elle modernise le statut des sociétés sportives et définit leurs relations avec les associations et les collectivités territoriales. Elle interdit toute transaction commerciale concernant les mineurs et protège à la fois l'effort de formation entrepris par les clubs et les jeunes qui s'engagent dans un projet d'accès à l'élite.

Ces trois réformes ont en commun une volonté de placer les valeurs humaines au centre des évolutions du sport. C'est le même esprit qui anime le dernier volet de ce travail législatif.

Le projet qui vous est soumis aujourd'hui repose sur un triple objectif : assurer l'indépendance et valoriser l'action des associations sportives, de leurs bénévoles et éducateurs ; encourager le développement et la démocratisation des pratiques sportives ; organiser un véritable service public du sport prenant en compte le rôle central du mouvement sportif, ainsi que la diversité des pratiques et des partenaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Initiée par Edwige Avice, la loi de 1984 constituait un point d'appui solide et cohérent pour atteindre ces objectifs, mais il était nécessaire d'adapter de telles missions aux réalités d'aujourd'hui, aux enjeux qui traversent le sport.

En premier lieu, il ne me semble pas inutile de cerner le champ de notre action à travers quelques données chiffrées. La reconnaissance relativement récente du sport en tant que fait social et économique rend cet exercice a ssez délicat. Avec l'aide de l'INSEE, nous nous employons, désormais, à rattraper le retard.

Les fondations du sport, ce sont treize millions de licenciés, 170 000 associations, 530 000 bénévoles et 15 000 éducateurs professionnels. La pratique d'une activité physique ne se limite pas au cadre de l'association ou du club. On estime, au total, à vingt-six millions le nombre des personnes qui pratiquent un sport.

Il est donc nécessaire de construire des passerelles entre les différentes formes d'activités physiques et sportives.

Sur le plan économique, les évolutions liées au sport sont considérables. Ainsi, les droits de télévision constituent aujourd'hui la première source de financement du sport professionnel. Leur montant annuel dépasse les trois milliards de francs. Mais ces droits ne bénéficient qu'à quelques sports et, à l'intérieur même de ces disciplines, leur répartition reste très inégale.

Autre donnée significative : la dépense sportive des ménages, de l'Etat, des collectivités, des entreprises se situe aux alentours de 135 milliards de francs. Les entreprises du sport emploient environ 85 000 personnes.

Entre 1994 et 1999, les emplois de ces entreprises se sont accrus de 35 %, contre 7 % pour l'ensemble des autres secteurs. Enfin, près de 40 000 emplois-jeunes à dominante sportive ou d'éducation populaire ont été créés à ce jour.

Ces chiffres témoignent de l'ampleur de la demande sociale en matière d'animation et d'encadrement sportif.

Au-delà de ces éléments statistiques, nul ne conteste l'extraordinaire évolution de la place du sport dans nos sociétés. Simple passe-temps masculin de privilégiés fortunés au début du XXe siècle, le sport devenu planétaire est reconnu aujourd'hui pour sa capacité à créer du lien social, à être une source d'épanouissement individuel et d'émotions collectives, à devenir ce nouvel alphabet de la solidarité pour des jeunes en quête de repères positifs, à jouer ainsi un rôle éducatif.

Cette évolution se poursuit. Je pense notamment à la place nouvelle des femmes dans le sport. Tant au niveau des pratiques que de l'exercice des responsabilités, nous n'en sommes encore qu'au tout début de ce qui s'annonce sans doute comme la transformation majeure du sport au cours du

XXIe siècle.

La mesure nouvelle que je vous propose d'adopter en ce sens ainsi que les amendements retenus par votre commission visent précisément à placer le sport au coeur d'une évolution qui constitue, à mes yeux, un choix irréversible de civilisation.

Dans le champ nouveau des valeurs positives, je pense également à la possibilité d'exprimer à travers le sport son appartenance à une communauté nationale ouverte et multiple. Ce phénomène, révélé fortement par la dernière Coupe du monde de football, se vérifie chaque fois que les équipes de France répondent présent à un rendez-vous important. Qui aurait imaginé il y a encore peu de temps que l'équipe de France féminine de handball puisse enthousiasmer jusqu'à 12 millions de téléspectateurs ? Ne banalisons pas de tels moments. Ils nous disent aussi, à leur manière, que face aux inquiétudes et aux angoisses suscitées par un certain type de mondialisation, les équipes nationales peuvent incarner une France ouverte sur le monde et solidaire.

Le renforcement de la place et du rôle des fédérations dans le dispositif que je vous propose répond aussi à cette fonction identificatrice du sport.

Parmi les autres évolutions, je citerai enfin la démocratisation de pratiques naguère réservées à certaines catégories, l'apparition de nouveaux sports ainsi que le développement des activités physiques et sportives de pleine nature qui s'inscrivent désormais dans une dynamique d'aménagement du territoire. Je tiens à remercier la commission pour son travail en ce domaine.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Merci, madame la ministre !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Cela étant, les vingt années qui viennent de s'écouler se caractérisent essentiellement par l'influence croissante des acteurs économiques dans le monde du sport.

Cette inscription d'une partie importante des activités sportives dans la sphère économique ne doit pas être diabolisée en elle-même. Dans une certaine mesure, elle contribue en effet à conforter la reconnaissance sociale du fait sportif. C'est d'ailleurs dans cette perspective que j'organise, le 6 avril, une rencontre avec de nombreux grands dirigeants d'entreprises sur le rapport de celles-ci au sport.

Pour autant, chacun et chacune s'accorde désormais à souligner, y compris parmi les acteurs économiques, les risques résultant d'une utilisation du sport pour des intérêts uniquement financiers au détriment de son éthique, de son unité, de ses règles et, en définitive, des sportifs et des sportives eux-mêmes.

L es illustrations de ces dérives inquiétantes ne manquent pas. Il s'agit, par exemple, des initiatives, heureusement contenues pour l'instant, de création de championnats privés.

Il s'agit aussi du rythme infernal des compétitions nationales et internationales qui ne peut que favoriser le recours au dopage. Il s'agit encore des errements inadmissibles de certains intermédiaires qui font de l'argent sur la situation précaire de jeunes, notamment de jeunes étrangers.

Aujourd'hui, plus encore que par le passé, seule une volonté politique déterminée et partagée par l'ensemble des acteurs concernés - collectivités territoriales, entreprises, mouvement associatif sportif et, bien sûr, les sportifs et sportives eux-mêmes - pourra préserver et promouvoir les valeurs que l'on prête au sport, en termes d'éducation, de culture, d'éthique, de respect de soi et d'autrui et de solidarité.

Cette exigence est d'autant plus forte que la société n'a jamais autant sollicité les valeurs humanistes et citoyennes du sport.

Cette ambition est parfaitement réalisable en rejetant les inévitables dérives de la déréglementation ou de l'étati sation et en s'inscrivant dans une voie originale, si chère au regretté Nelson Paillou, celle d'une étroite coopération entre les pouvoirs publics, le mouvement sportif et, désormais, les acteurs économiques.

C'est le sens du présent projet qui a fait l'objet d'une très large concertation avec le mouvement sportif et tous les acteurs et actrices du sport. C'est également le sens de sa cohérence avec les lois votées en 1998 et 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Le renforcement du service public du sport constitue le premier objectif.

Dans ce domaine, ce que l'on appelle « le modèle français » est fondé sur une étroite complémentarité, un partenariat entre l'Etat, les collectivités et le mouvement sportif.

Entièrement renouvelé, l'article 1er affirme la fonction éducative, sociale et culturelle du sport, et organise les responsabilités dévolues aux différents acteurs concernés pour sa promotion et son développement. Une attention toute particulière est portée à la vie démocratique et à l'accès égal des hommes et des femmes aux responsabilités et aux pratiques dans les clubs et les fédérations. Les textes d'application de ces articles reprendront naturellement les préconisations issues de la mission confiée par le Premier ministre à M. le député François Asensi.

Le deuxième objectif porte sur le renforcement de l'unité et de l'indépendance du mouvement sportif.

Regroupées au sein du Comité national olympique et sportif français, dont les prérogatives sont renforcées par l'article 12, les fédérations sportives disposent désormais de moyens appropriés pour réguler les aspects économiques des pratiques organisées en leur sein.

Je sais combien l'article consacré aux intermédiaires constitue un point d'appui solide pour les fédérations qui veulent, et elles sont nombreuses, moraliser cette profession.

C'est le même objectif de cohésion que poursuit l'article 19. Il instaure une mutualisation d'une partie des ressources des droits de télévision en faveur du sport amateur, principalement pour aider au fonctionnement des clubs et à la formation des éducateurs. Il concrétise la nécessaire solidarité entre le sport professionnel et les autres formes de pratiques.

Vous le savez, cette disposition est approuvée par une très large majorité de l'opinion. Elle est soutenue par c elles et ceux qui, dans les associations sportives, admettent de moins en moins qu'une partie du sport draine des sommes considérables et parfois indécentes, pendant que l'autre partie doit souvent se débattre avec les moyens du bord. Elle est reconnue légitime, sur le fond, par un avis récent du Conseil constitutionnel. Elle figure, dans son principe, parmi les recommandations du président de la Commission de l'Union européenne pour sauvegarder les fonctions sociales du sport.

En Europe, cette mesure a été adoptée par le gouvernement britannique et elle vient d'être soutenue publiquement par ma collègue italienne.

Lors de la présidence française, je proposerai, parmi d'autres propositions, la généralisation de cette mesure aux Etats de l'Union européenne.

Le troisième objectif est de reconnaître la diversité des pratiques sportives et de les valoriser.

Tout en soulignant le rôle majeur et irremplaçable du mouvement sportif dans cette dynamique de développement, il importe également de reconnaître la diversité des modes d'expression sportive et de soutenir les autres acteurs qui les promeuvent. Tel est l'objet de l'article 8 qui reconnaît l'apport des associations de jeunesse et d'éducation populaire. Je me félicite à ce propos de l'adoption par la commission d'un amendement incitant à des groupements de jeunes mineurs sous le parrainage de clubs sportifs.

En ce qui concerne les sports de pleine nature, plusieurs amendements visent à répondre à un besoin de liberté et de sécurité. C'est extrêmement positif. Je peux d'ailleurs vous annoncer à ce sujet que j'organiserai, en avril prochain, une journée de travail avec tous les partenaires concernés.

Afin d'associer l'ensemble des acteurs du sport, le Conseil national des activités physiques et sportives devra pleinement remplir sa fonction de rencontres, d'échanges, d'analyses critiques et de propositions. L'article 25 lui attribue explicitement cette mission et lui confie également deux nouvelles fonctions importantes : le pilotage de la politique de recherche dans le domaine du sport et l'examen des normes d'équipements sportifs établies par les fédérations. Des amendements adoptés par votre commission visent à élargir encore ces missions, s'agissant notamment de la place des femmes.

J'attache une très grande importance à ce que les textes d'application nécessaires au bon fonctionnement de cette instance paraissent très rapidement après la promulgation de la loi. Je peux d'ores et déjà vous informer que j'envisage une composition du CNAPS qui pourrait s'articuler autour de sept collèges regroupant des représentants du CNOSF, des ministères concernés, des élus, des entreprises, des confédérations syndicales et patronales, des éducateurs sportifs ainsi que des experts et des personnalités qualifiées.

La consolidation du sport de haut niveau constitue notre quatrième objectif. L'article 21 renforce le rôle majeur de la Commission nationale du sport de haut niveau. L'article 22 donne une base législative solide à la reconnaissance des droits et des obligations des sportifs de haut niveau. Les articles 23 et 24 améliorent notablement les possibilités d'insertion professionnelle et d'emploi des sportifs de haut niveau dans la fonction publique et dans les entreprises publiques et privées. Je note, à la lecture de vos amendements, que vous souhaitez élargir l'accès au sport de haut niveau et je soutiens cette démarche.

Le cinquième objectif est de moderniser l'organisation de l'encadrement des activités physiques et sportives. Le développement de l'emploi et l'amélioration qualitative des pratiques nécessitent une profonde rénovation de l'org anisation des métiers et des qualifications autour d'objectifs majeurs définis à l'article 32. L'intégration de l'ensemble du dispositif dans les règles communes du droit du travail et de la formation professionnelle est nécessaire. Cela permettra une meilleure protection des salariés, la reconnaissance du paritarisme social et la validation des expériences acquises, qu'elles soient professionnelles ou bénévoles.

Mesdames, messieurs les députés, si le sport est désormais reconnu à sa juste place, il ne peut évidemment pas s'affranchir des règles communes de la vie sociale et économique. Il ne saurait être asservi à des logiques qui lui sont étrangères et encore moins être soumis aux seules lois du marché et des intérêts financiers. Il lui appartient donc d'affirmer sa spécificité en tirant le meilleur profit de son positionnement au carrefour des fonctions éducatives, culturelles et sociales. Le présent projet de loi a pour ambition de contribuer à cet objectif.

Ce projet, votre commission a souhaité l'amender, parfois sensiblement, sur une série de points. Je note avec satisfaction que, loin de remettre en cause les fondements mêmes du texte initial, nombre d'amendements renforcent la démarche du Gouvernement dans ce domaine.

Je veux en particulier souligner combien j'apprécie vos propositions en faveur des bénévoles :...

M. François Rochebloine.

Très bien !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

M me la ministre de la jeunesse et des sports.

... congés de formation, validation des acquis, dégrèvements fiscaux. Si votre assemblée adopte ces propositions tant attendues, tous les bénévoles y verront un signe clair et concret d'une reconnaissance de leur rôle irremplaçable.

M. François Rochebloine.

Ça c'est positif !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Elles constitueront une avancée considérable.

Mesdames, messieurs les députés, le débat que nous allons engager à présent et les mesures précises qui en découleront sortiront sont très attendus. Je sais qu'au-delà des différentes sensibilités politiques, il existe, dans cette assemblée, un attachement et une attention à la place du sport dans notre société. Je sais que nous sommes nombreuses, nombreux, à inscrire cet attachement dans le champ de la libération humaine. Je vous remercie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Leroy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Est-il vraiment indispensable de légiférer une huitième fois pour modifier au fond la loi du 16 juillet 1984 alors que nous sommes déjà intervenus à quatre reprises depuis les élections de 1997 ? Pour répondre à cette interrogation liminaire, un bref rappel n'est sans doute pas superflu.

La loi no 98-146 du 6 mars 1998 a permis de renforcer le dispositif de sécurité mis en place en 1992 afin que la Coupe du monde de football se déroule dans de bonnes conditions. Notre collègue Henri Nayrou peut se féliciter du travail qu'il a accompli comme rapporteur. Il n'y eut qu'un accident grave à déplorer, même si c'est encore de trop. La victime, le malheureux gendarme Nivel, se remet peu à peu de son épreuve, tandis que ses agresseurs ont été condamnés. Par ailleurs, les quelques fraudes à la billetterie sont soit réglées, soit en cours d'instruction.

Les inquiétudes manifestées par l'ensemble du monde sportif quant aux pratiques de dopage ont conduit fort l ogiquement les pouvoirs publics, c'est-à-dire vous, madame la ministre, à soumettre au Parlement le projet de loi relatif à la préservation de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage que M. Alain Néri a défendu comme rapporteur avec toute la conviction qu'on lui connaît.

L'actualité allait vite, en ce domaine, rattraper et dépasser largement ce que l'on soupçonnait. On nous fait souvent le reproche de légiférer après coup, dans l'urgence des scandales. Or, les événements survenus pendant l'édition 98 du Tour de France allaient, malheureusement devrait-on dire, donner une éclatante justification au travail législatif en cours. J'invite tous ceux qui en douteraient encore à prendre connaissance de quelques uns des milliers d'appels, souvent angoissés, reçus sur le numéro vert mis en place par le ministère depuis le 24 novembre 1998. Quant aux détracteurs habituels qui s'inquiétaient - mais étaient-ils sincères ? - de la distorsion de concurrence que risquait de créer la mise en oeuvre de règles plus strictes en France qu'ailleurs, l'action que vous avez menée au plan international, madame la ministre, pourra les rassurer s'il en était besoin. La signature d'accords internationaux, parmi lesquels celui signé avec votre homologue australienne alors que les prochains jeux olympiques d'été se dérouleront à Sydney, et la création de l'Agence internationale de lutte contre le dopage dont les statuts ont fait l'objet de l'accord de Lausanne le 10 novembre dernier, en témoignent incontestablement.

La loi no 99-493 du 15 juin 1999 relative à la délivrance des grades des arts martiaux, que j'avais proposée au nom du groupe communiste, et qu'il fallait adopter rapidement, ce qui a été le cas, a mis un terme au problème de la validation des grades et dans attribués par les différentes fédérations.

La proposition de loi présentée par Jean-Marc Ayrault et dont l'instruction a été conduite à bon terme par JeanClaude Beauchaud est en vigueur depuis le 28 décembre dernier. Elle a permis de donner aux clubs professionnels les statuts juridiques leur permettant de lutter à armes égales avec les grands clubs européens,...

M. François Rochebloine.

Ah non !

M. Patrick Leroy, rapporteur.

... de rétablir la possibilité pour ces clubs de recevoir des subventions dans des conditions déterminées...

M. Edouard Landrain.

Hélas !

M. Patrick Leroy, rapporteur.

... et de protéger les jeunes candidats au football professionnel.

M. Alain Néri.

Très bien !

M. Patrick Leroy, rapporteur.

Voilà un bilan largement positif, madame la ministre, que pourraient vous envier nombre de vos prédécesseurs. Pour autant, tout cela aurait un goût d'inachevé si vous ne poursuiviez pas ce que vous avez si bien commencé. En fait, les textes qui viennent d'être évoqués font partie du vaste projet de refonte de la loi de 1984, qu'il vous a fallu démembrer pour faire face à l'urgence. Cela explique l'impression qu'il pourrait ne s'agir que de mesures éparses, constituant ce que nous appelons, dans un langage qui nous est familier, un DMOS, bien particulier toutefois : un projet portant diverses mesures d'ordre sportif. Or, chacun l'aura compris, il convient de replacer l'examen des mesures qu'il contient dans un contexte plus large qui comprend donc les dispositions déjà adoptés. La cohérence du dispositif initialement prévu apparaît alors pleinement. Dans cette optique, le projet poursuit l'oeuvre de moralisation entreprise depuis 1997 sur votre initiative, madame la ministre. Il instaure une démocratisation à laquelle aspire l'ensemble des acteurs du monde sportif et jette les bases d'une modernisation garantissant plus de sécurité pour les pratiquants.

La moralisation, tout d'abord. La profession d'intermédiaire fait l'objet d'une réforme propre à écarter les personnages indélicats qui ont nui à de nombreux joueurs ainsi qu'à certains clubs. La commission des affaires culturelles a fort utilement complété les dispositions initiales, qui interdisaient la profession aux personnes ayant fait l'objet de condamnations graves, en étendant cette incompatibilité à toutes les condamnations figurant au casier judiciaire no 2. Elle a maintenu la disposition prohibant le cumul de responsabilités au sein d'un groupement sportif, partie prenante du contrat pour lequel l'int ermédiaire serait mandaté, et réaffirmé clairement l'interdiction de percevoir des commissions simultanément du joueur et du club. Si elle ne reprend pas l'interdiction relative au contrat concernant un mineur redondante avec la mesure inscrite à l'article 15-3 de la loi de 1984 et promulguée le 28 décembre dernier, qui interdit à tout intermédiaire de percevoir une quelconque i ndemnisation pour son intervention concernant un mineur -, elle a adopté une disposition importante qui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

contraint l'intermédiaire à obtenir, préalablement à toute intervention de sa part, l'autorisation de la fédération concernée.

La précédente loi avait permis le rétablissement des subventions aux clubs sportifs professionnels sous condition de ressources et en contrepartie de missions d'intérêt général. Le présent projet prévoit quant à lui de limiter le montant des sommes qu'une commune, un groupement de commune, un département ou une région peut dépenser auprès d'un club professionnel pour une opération publicitaire valorisant l'image de la collectivité.

Les capitaux que drainent certaines activités sportives dont vous avez souligné, madame la ministre, qu'ils dépassent le montant de votre budget - 3,6 milliards de francs contre moins de 3,2 milliards pour votre ministère pour 2000 - ne profitent qu'à un nombre trop restreint de clubs sportifs. Vous avez fort judicieusement fait adopter, dans la loi de finances pour 2000, une taxe de 5 % sur les droits de retransmission télévisée des manifestations sportives les plus médiatisées, dont le produit doit être redistribué à destination de disciplines plus confidentielles et de l'ensemble des petits clubs. Cette manne de 150 à 180 millions de francs sera gérée par le FNDS - personne ne le conteste - et l'inscription du principe même dans cette loi ne remet pas en cause les modalités de fonctionnement votées en loi de finances. Elle permettra d'améliorer le fonctionnement d'un grand nombre de petits clubs en indemnisant des bénévoles en rétribuant un encadrement qui fait cruellement défaut aujourd'hui.

L'aide aux clubs les plus modestes par le biais de la redistribution des droits de télévision sera complétée par le rétablissement de la garantie d'emprunt accordée par une collectivité. Seuls les clubs disposant de ressources inférieures à 500 000 francs, hors subvention, pourront bénéficier de cette possibilité, avons-nous précisé. Je tiens à rassurer mes collègues élus locaux, les conditions drastiques qui encadrent les garanties d'emprunt qu'une collectivité peut accorder la mettent à l'abri des dérives qui avaient conduit à leur interdiction par la loi de 1992.

Plus de moralité, c'est également mieux définir les droits et les devoirs de chacun. Les conditions d'exercice du sport de haut niveau par les sportifs concernés seront donc mieux précisées pour ce qui concerne leurs études, leur emploi - aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique - ainsi qu'en matière de formation et d'insertion profesionnelles.

Démocratisation, ensuite. Votre projet subordonne l'agrément que peut recevoir une fédération à l'existence, dans ses statuts, de dispositions qui, d'une part, favorisent l'égal accès des hommes et des femmes aux instances dirigeantes de la discipline et, d'autre part, qui permettent une meilleure représentation des licenciés. Non seulement tout le monde approuve ces orientations, mais nous serions tentés de dire : « enfin ! ». Les statuts des fédérations devant être conformes à des statuts types fixés par décret en Conseil d'Etat, il suffira aux fédérations de s'y conformer. La commission a de surcroît prévu que les élections des représentants seront organisées par scrutin de liste en excluant les listes bloquées, avec pouvoir délégué limité à une seule procuration, disposition qui devrait permettre un renouvellement des cadres et une meilleure représentation des aspirations de chacun.

M. Alain Néri.

Et la démocratie dans le sport !

M. Patrick Leroy, rapporteur.

Absolument ! Le droit d'accès aux activités physiques pour les personnes handicapées fait également l'objet d'un rappel indispensable, que ce soit à l'école, dans les établissements spécialisés ou dans les associations sportives scolaires, universitaires ou d'entreprise.

Plus de démocratie, c'est aussi plus de reconnaissance pour ceux qui sont la cheville ouvrière du fonctionnement des associations sportives comme de l'éducation populaire et de la jeunesse. Or les bénévoles - car il s'agit bien d'eux - n'avaient pas la place qui leur était due dans le projet. La commission a veillé à réparer cette lacune en reprenant la faculté de favoriser le bénévolat - ouverte dans le cadre des conventions relatives à la réduction du temps de travail. L'initiative en revient à nos collègues de l'opposition, qui, comme l'a finement fait remarquer le p résident Le Garrec, semblent prendre peu à peu conscience du bien-fondé de cette loi qu'ils ont pourtant tant combattue.

M. Alain Bocquet.

Très bien !

M. Patrick Leroy, rapporteur.

Ils finiront par adorer ce qu'ils ont vilipendé, ainsi qu'il en a été pour les congés individuels de formation.

Relève aussi de cette démarche la reconnaissance du travail accompli par les organisations de jeunesse et d'éducation populaire, les fédérations affinitaires et multisports qui ont - ô combien ! - contribué au développement des activités physiques et sportives. Le projet prévoit de les autoriser à édicter des règles techniques pour les pratiques sportives qui ne font pas l'objet de la délégation ministérielle mentionnée à l'article 17 de la loi de 1984. La commission a adopté un amendement dont la rédaction lève l'équivoque relative aux disciplines dont les fédérations délégataires ont la charge et met un terme à l'émotion soulevée. Il ne sera donc plus question que de règles et de pratiques adaptées. A ce sujet, sait-on par exemple que le saut à la perche et le triple saut féminins, dont les épreuves officielles sont désormais organisées par la Fédération française d'athlétisme, ont d'abord été mis au point par la Fédération sportive et gymnique du travail, la FSGT ? Le monopole des fédérations délégataires n'est donc pas remis en cause, mais le travail, souvent innovant, de ces organismes est ainsi reconnu.

La reconnaissance de cet univers jusqu'alors quelque peu ignoré, voire méprisé, sera nettement améliorée par la présence de ces organismes au sein du Conseil national des activités physiques et sportives, le CNAPS. Celui-ci, bien que prévu par la loi de 1984, n'a en fait jamais vu le jour. Pourtant les missions qui lui ont été dévolues, comme la détermination de l'application des normes des équipements nécessaires aux épreuves sportives, l'évaluation des politiques en matière d'activités physiques et sportives et la remise au Parlement d'un rapport annuel sur cette évaluation, devraient lui donner les raisons de vivre et de combler ainsi un déficit démocratique au sein du mouvement sportif.

La modernisation, enfin. L'enseignement, l'encadrement, la sécurisation des pratiques sportives font l'objet de mesures nouvelles qui complètent les dispositions relatives à la moralisation et à la démocratisation. Les métiers du sport sont régis par des dispositions trop rigides et souvent mal adaptées à la réalité.

S'il n'est pas question d'amoindrir l'exigence de sécurité des pratiquants, que trop de faits divers viennent hélas réaffirmer, force est de constater, notamment dans le domaine du sport de loisir, qu'une exigence de diplômes trop systématique nuit au développement de l'emploi, quand elle ne favorise pas des des pratiques hors


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la loi. Il était donc nécessaire de s'attaquer à ces pesanteurs. Tel est l'objet, madame la ministre, de l'une des plus importantes dispositions de votre projet, que la commission a cherché à améliorer en supprimant la référence à une liste de disciplines « à risques » au contenu introuvable, vous l'avez vous-même indiqué lors de votre audition.

La prise en compte du développement d'activités nouvelles, en particulier celles qui se déroulent en pleine nature, a rendu nécesaire la mise en place d'une base de réglementation de ces activités, base qui est ébauchée dans le projet avec la charte de l'environnement que le Comité national olympique et sportif français peut élaborer. Participe aussi de cette modernisation le renforcement des pouvoirs de ce dernier.

Adapter la formation des professeurs d'école à un enseignement obligatoire de qualité, équiper les nouveaux collèges et lycées d'installations sportives - obligation que la commission souhaite étendre aux opérations de rénovation -, donner les moyens aux établissements de l'enseignement supérieur d'autoriser l'accès de leurs installations sportives aux associations sportives et aux collectivités territoriales pour en permettre un usage élargi, sont également des mesures qui vont dans le bon sens.

Toutefois, il conviendra de déterminer ce que l'on entend par formation au sein des IUFM : formation générale de base pour tous les futurs enseignants ou maintien des spécialisations, encore appelées dominantes, qui n'ont pas encore connu d'application réelle mais qui pourraient conduire à une spécialisation de l'éducation physique et sportive ? Le débat reste ouvert.

La conciliation, procédure désormais obligatoire pour l'ensemble des fédérations agréées, préalable à tout recours contentieux qui ménage un possible arbitrage pour tout conflit entre une fédération et l'un de ses adhérents, licencié ou association, est substantiellement remaniée. Le président de la conférence des conciliateurs, nouvelle autorité créée par le projet, aura à juger du bien-fondé de la saisine, ce qui permettra d'écarter d'emblée toute tentative dilatoire pour obtenir, par exemple, la suspension d'une sanction.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, je vous prie de bien vouloir conclure !

M. Patrick Leroy, rapporteur.

Dans le même esprit, la commission a prévu d'étendre la faculté d'écarter la conciliation pour les faits de violence manifeste. Par ailleurs, sur un plan pratique, la commission propose de renforcer l'applicabilité du dispositif du projet en instaurant des délais-limites pour les décisions du conciliateur et les éventuelles contestations des parties intéressées.

En conclusion, chacun est conscient des enjeux qui s'offrent à nous puisqu'il s'agit d'adapter la loi de 1984, laquelle a vocation à organiser le sport en France de la maternelle jusqu'à la participation aux jeux Olympiques, en fonction de l'évolution des pratiques et de l'économie du sport. Pour moi, madame la ministre, ma conviction est faite : tel qu'il est amendé par la commission des affaires culturelles, qui a bien travaillé, votre projet est un texte qui équilibre les pouvoirs, renforce l'unité du monde sportif et permet de se prémunir contre les dérives que ne manqueraient pas de provoquer les excès d'un libéralisme sauvage contraire à l'éthique sportive.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Picard, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté a pour objectif la rénovation du cadre de fonctionnement des structures du mouvement sportif. Il réaffirme la volonté politique de démocratiser l'accès au sport et d'assurer une large ouverture sur la vie locale. Il traduit l'ambition du Gouvernement de renforcer l'unité du mouvement sportif et de développer tant le sport de haut niveau que la pratique sportive quotidienne en tant qu'élément important de la cohésion sociale.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été satisfaite de trouver dans ce projet de loi une volonté politique en faveur du développement du sport féminin, mais aussi et surtout en faveur de l'accession des femmes à tous les niveaux de représentation et de décision des instances sportives.

Les succès remportés par les sportives françaises dans les différentes compétitions ont eu pour effet positif d'amener un nombre croissant de jeunes filles à la pratique du sport en club. Toutefois, aucun mouvement similaire n'a pu être observé du point de vue de la redistribution des responsabilités dans les instances des clubs et fédérations, qui demeurent des univers largement masculins.

Mme Martine David.

Malheureusement !

Mme Catherine Picard.

En 1999, sur 202 fédérations, deux seulement avaient à leur tête une présidente. Sur 52 postes de directeur technique national, trois seulement étaient occupés par des femmes. Enfin, pour les clubs, une évaluation en cours engagée par le ministère met en évidence le faible nombre de femmes ayant accédé à des responsabilités, comparé à leur proportion croissante dans les effectifs des clubs, qui est passée de 9 % en 1968 à 32,5 % en 1997.

En vue d'inverser cette tendance, le ministère a engagé une réflexion sur le thème des femmes et du sport. Une conseillère technique auprès de Mme la ministre est chargée de ce dossier. Les assises nationales

« Femmes et sports », tenues en mai 1999, ont constitué une étape importante de ce travail et une source primordiale de renseignements.

Pour aller plus loin, la prise en compte des contraintes spécifiques aux femmes est une exigence qui ne doit pas être méconnue. La présence d'un plus grand nombre de femmes dans l'organisation des compétitions est essentielle pour atteindre cet objectif. La réalisation de progrès en ce domaine sera un atout non négligeable pour la France dans la perspective de l'organisation de la conférence européenne sur les femmes et le sport, en 2004.

La parité doit devenir la règle dans la composition des organes du mouvement sportif, et à ce tous les niveaux : Commission nationale du sport de haut niveau, groupes spécialisés, FNDS, CNAPS. C'est pourquoi l'article 25 du projet de loi détermine la composition de l'ensemble de ces organes.

Un rééquilibrage doit également être entamé aux échelons des fédérations, ligues et clubs, comme le prévoit l'article 5. Cet article, qui modifie la loi de 1984, a trait au contenu du statut des groupements sportifs. La prise en compte dans les statuts de dispositions favorisant un f onctionnement plus démocratique et une meilleure représentation féminine dans les organes dirigeants constitue en effet une exigence majeure.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

La préoccupation d'une meilleure représentation des femmes s'était manifestée dès 1963. Un arrêté en date du 4 avril portant sur l'administration des fédérations et des ligues sportives prévoyait de réserver aux femmes un siège au comité directeur par tranche de 10 % de licenciées féminines dans l'effectif total. Mais force est de constater que, malgré l'entrée en vigueur de ces dispositions réglementaires et leur consécration par la jurisprudence, la place des femmes dans les organes dirigeants du monde sportif n'a guère progressé. Pourtant, les progrès du sport féminin, de masse comme de haut niveau, ne se démentent pas. Le mouvement ne s'est malheureusement pas étendu aux échelons d'administration et de direction.

S'il convient de féliciter ceux qui favorisent l'accès des femmes aux responsabilités, il conviendra de sanctionner ceux qui le refuseront. La procédure d'agrément ministériel prévue par l'article 5 pourra être utilisée à cet effet.

L'agrément est en effet nécessaire pour l'attribution de subventions de l'Etat à un groupement associatif. Il servira aussi à sanctionner des situations manifestement anormales en matière de démocratie et de libre accès des femmes aux instances dirigeantes, sans pour autant être un instrument de contrôle préalable autre que formel.

Le décret du 13 février 1985 donne à l'Etat la possibilité de retirer son agrément à une structure qui aurait cessé de remplir les conditions requises pour sa délivrance. Toutefois, si l'agrément ministériel est nécessaire pour l'obtention de subventions de l'Etat, il ne l'est pas pour l'attribution de subventions des collectivités locales.

L'extension de cette exigence serait opportune, au vu des objectifs affichés dans ce projet de loi.

Pour les membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, la future loi sera un outil précieux pour la démocratisation du monde sportif. Cela dit, nous avons jugé utile de formuler certaines recommandations, en vue d'en faire un instrument encore plus efficace au service de nos objectifs.

Premièrement, pour mieux assurer la parité dans les instances décisionnelles, l'agrément doit être subordonné à l'adoption de dispositions statutaires favorisant réellement la démocratisation et l'égalité d'accès aux activités physiques et sportives.

Deuxièmement, la procédure d'agrément doit être modifiée en conséquence.

Troisièmement, une date limite doit être fixée pour la mise en conformité des statuts. Ce pourrait être le 31 décembre 2000 ou le 31 juin 2001.

Quatrièmement, le principe de parité doit s'appliquer à la composition du Conseil national des activités physiques et sportives.

Cinquièmement, un bilan annuel devra être effectué par le Gouvernement pour évaluer l'efficacité du dispositif et arrêter les mesures à prendre afin d'atteindre les objectifs fixés.

Sixièmement, l'Etat doit allouer en priorité ses subventions aux structures sportives satisfaisant aux exigences de démocratisation et de féminisation.

Septièmement, enfin, la fonction éducative, sociale et culturelle du sport pour tous et pour toutes n'est plus à démontrer. C'est donc à tous les niveaux que doit être assurée une juste représentation des femmes et des hommes dans les fonctions d'administration, d'encadrement et d'animation des structures sportives. L'Etat et les collectivités locales doivent prendre toute la mesure de cette exigence, en particulier dans le cadre des actions d'animation sportive et de développement de l'accès au sport menées dans les quartiers difficiles et en milieu rural.

Démocratiser le mouvement sportif à tous les niveaux : tel est l'enjeu de l'avenir qui s'ouvre dès à présent. Les m embres de la délégation aux droits des femmes appellent de leurs voeux la réalisation des objectifs de ce projet de loi. C'est pourquoi nous apportons notre soutien le plus net à son adoption par notre assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des a ffaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la ministre, quelques mots très rapides, d'abord pour vous remercier de votre ouverture à nos réflexions et propositions, de votre totale disponibilité dans les contacts multiples que nous avons eus, et ensuite, bien entendu, pour féliciter la commission du travail qu'elle a fourni. Mais vous savez à quel point certains de ses membres, siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, sont passionnés par la chose sportive. C'est donc un travail que nous effectuons avec plaisir et même enthousiasme.

Cette loi est indispensable car elle vient compléter les deux grands textes dont nous avons déjà débattu : loi pour la protection de la santé des sportifs, d'abord, mais aussi contre le dopage ; loi sur les clubs professionnels.

Elle est indispensable aussi parce qu'elle ouvre largement le champ du développement du sport de masse dans toutes ses composantes, problème que nous avons longuement évoqué lors de nos précédents débats.

Vous avez rappelé deux chiffres essentiels. Il faut le faire souvent pour qu'ils soient bien retenus car ils sont i mpressionnants. Avec 23 millions de sportifs et 850 000 bénévoles, on a vraiment affaire, dans toute la vigueur de l'expression, à un mouvement de masse où se rencontrent des notions très fortes : le plaisir et la santé, mais aussi la citoyenneté. A une époque où la réflexion sur le temps libéré est de plus en plus d'actualité, ce mouvement de masse est quelque chose de considérable.

C'est là son aspect le plus porteur, mais il s'agit aussi d'un mouvement économique et financier. Et là aussi, madame la ministre, les chiffres que vous avez donnés sont impressionnants et méritent d'être répétés : 135 milliards de dépenses, c'est énorme ; 85 000 emplois créés dans un développement exponentiel, c'est très positif.

Mais ce mouvement s'accompagne d'une véritable bulle financière. Et comme toute bulle financière, elle peut éclater. Il y a des risques de déviance, il y des risques de dérive. Je crois donc essentiel, ne serait-ce que pour protéger le mouvement de masse, que nous ayons dans cette loi le souci, si ce n'est d'arrêter son développement, ce qui serait insensé, tout au moins d'en maîtriser les conséquences.

Loi importante, mais loi difficile. Pour la concevoir, madame la ministre, vous vous êtes calée sur la loi d'Edwige Avice de 1984, avancée considérable à l'époque.

C'était probablement la meilleure démarche législative, mais il en résulte une certaine difficulté de lecture. Il nous faut donc, et vous en êtes d'accord, dégager de votre projet les grandes orientations qui le structurent pour que les journalistes et tous ceux qui nous écoutent aient clairement à l'esprit les objectifs que nous visons et la manière dont ils « chapeautent », si j'ose dire, l'ensemble de ces dispositions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Très modestement, pour aider à ce travail de ciblage politique, j'aimerais développer devant vous et devant notre assemblée trois grands thèmes : de la transparence et de l'unité du mouvement sportif ; de la protection du sportif de haut niveau ; du développement du sport de masse et de l'éducation populaire.

Transparence et unité : j'ai encore en mémoire ces vieilles images où les « gros pardessus »...

M. Edouard Landrain.

Il faisait froid ! (Sourires.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... géraient le monde du rugby depuis un bistrot de la bonne ville d'Agen où ils tapaient le carton !

M. Guy Drut.

Ils jouaient à la belote !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Exactement, monsieur Drut ! C'était une belle époque, dont il est plaisant d'évoquer le souvenir, mais elle est révolue.

Nous avons besoin aujourd'hui d'un mouvement sportif t ransparent et plusieurs articles du projet de loi répondent à cette nécessité.

D'abord, et c'est fondamental, l'article 9 prévoit de doter les ligues professionnelles d'une commission de contrôle. Si cela avait été fait pour un sport qui se développe, on n'assisterait pas aujourd'hui à ce véritable drame qu'une ville est en train de vivre. Chacun d'entre vous en connaît le nom.

Ensuite, le texte vise à assurer la maîtrise des subventions publiques en les liant par convention à des actions d'intérêt général. Là aussi, nous sortons d'un flou dont nous savons très bien à quelles dérives il pouvait conduire.

Enfin, la démocratisation de la gestion du mouvement sportif est organisée à l'article 8, enrichi par les amendements de la commission qui, je l'espère, seront également adoptés par l'Assemblée. Je pense en particulier à l'amendement no 48, qui permet une meilleure organisation des élections dans les fédérations sportives. Je pense par ailleurs aux dispositions évoquées par Mme le rapporteur de la délégation aux droits des femmes et dont l'objectif est d'assurer la parité dans les instances dirigeantes du sport.

A l'heure actuelle, à ma connaissance, il n'y a pas une seule femme au Comité national olympique et sportif français ! Cela montre l'ampleur du chemin qui reste à parcourir.

Deuxième grand thème, la protection du sportif de haut niveau est un problème que nous avons rencontré en permanence lors du débat sur le texte relatif à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

Le projet de loi a d'abord pour objet la moralisation du rôle d'intermédiaire. A mon avis, les dispositions de l'article 7 sont déterminantes en la matière. Elles étaient indispensables ; il fallait sortir de la situation actuelle, avec ses dérives, ses inconséquences, ses excès, en particulier pour assurer la protection des mineurs. Là encore, les débats en commission nous ont permis de progresser.

Je considère personnellement, madame la ministre, que les articles 23 et 24, qui garantissent aux sportifs de haut niveau une continuité de carrière sont des articles fondamentaux. Je me souviens très bien de l'époque où l'entreprise dans laquelle j'assumais quelques responsabilités préparait les sorties de carrière d'hommes comme Delecour, Lissenko, Monclar et bien d'autres. Il faut reprendre cette démarche, c'est une nécessité avec des carrières de sportifs dont on sait très bien qu'elles sont courtes, difficiles, usantes, et qu'elles laissent parfois sur le bord du chemin, dans des conditions épouvantables, des sportifs qui ont pourtant beaucoup apporté. De ce point de vue, l'amendement no 56, relatif à l'élaboration du calendrier des compétitions et au respect de ses prescriptions, me semble améliorer très utilement l'article 9.

Troisième thème, enfin : le développement du sport de masse et de l'éducation populaire.

La redistribution de solidarité de 5 % des frais de retransmission est une décision d'autant plus importante que les frais de retransmission, on le sait, ont doublé en un an et continueront à augmenter. Le montant de cette redistribution, évalué aujourd'hui entre 150 et 180 millions, va donc s'accroître. Ces fonds, permettront, par le canal du FNDS, de financer des projets qui peuvent par exemple, j'y pense à l'instant, recouvrir des missions d'intérêt général en faveur des jeunes de quartiers en grande difficulté. Ils feront ainsi un réapprentissage de la citoyenneté à travers le geste sportif. On sait le rôle d'entraînement qu'ont, notamment dans les sports de combat, certains sportifs de haut niveau. Leur image peut aider incontestablement les jeunes à entrer dans ce que l'on pourrait presque appeler des écoles de citoyenneté.

Voilà une orientation fondamentale pour laquelle, avec votre appui, madame la ministre, nous devons nous battre.

Tous les amendements que la commission a adoptés en faveur des bénévoles représentent un pas considérable puisqu'ils permettent de mettre en place le congé de formation, la validation des acquis, ainsi que des dégrèvements fiscaux. Nous le savons tous, on ne peut plus traiter aujourd'hui le problème du bénévolat comme on le faisait il y a vingt ans ou trente ans, compte tenu des difficultés d'encadrement et des problèmes de sécurité et de santé. Mais je n'insiste pas sur ces aspects que les passionnés que vous êtes tous connaissent parfaitement.

Enfin, toute la réflexion que nous avons eue sur le développement des sports dans l'espace naturel, dans l'environnement, avec Germinal Peiro, vice-champion du monde de canoë-kayak, avec le rapporteur Jean-Claude Beauchaud et avec Alain Néri, présente indéniablement un grand intérêt.

Avec ces trois grands principes : transparence du monde sportif, protection des sportifs de haut niveau et des mineurs, développement du sport de masse et de l'éducation populaire, je pense, madame la ministre, que nous tenons les clés de votre projet. C'est sur ces thèmes-là qu'il nous faut avancer. Les amendements de la commission, me semble-t-il, améliorent le texte. La deuxième navette, si nécessaire, permettra de préciser tel ou tel point.

M. François Rochebloine.

Il n'y en aura pas : l'urgence est déclarée.

M. Jean Le Garrec, president de la commission.

Je suis convaincu, madame la ministre, que votre loi montrera vite son importance, car elle permettra au plaisir de la pratique sportive de s'épanouir, à l'école de citoyenneté que représentent les clubs de se développer, et au sport de masse de devenir, pour de plus en plus d'adhérents, une activité de tous les jours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Question préalable

M.

le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

La parole est à M. Christian Estrosi.

M.

Christian Estrosi.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec impatience que nous attendions de débattre de ce texte annoncé depuis plusieurs mois et reporté à de multiples reprises. Sans jamais le voir arriver, nous avons eu droit, au cours de l'année et demie écoulée, à quelques communications en conseil des ministres,...

M.

Alain Néri.

Vous êtes donc bien informé !

M.

Christian Estrosi.

... et à différents textes examinés dans l'urgence. Impatience, car les problèmes auxquels il devrait s'attaquer revêtent aujourd'hui une acuité toute particulière. Impatience, car le monde sportif connaît de profonds bouleversements ; il bouge, évolue, se modifie, se transforme tous les jours. Il est donc impératif de prendre en compte ces mutations souvent brutales.

Cependant, c'est avec une grande déception que nous avons découvert le contenu de votre projet, madame la ministre. Notre déception ne relève pas d'une approche manichéenne propre au débat politique. Le sport, je crois que nous pouvons tous en convenir, mérite mieux que l'habituel combat politicien. Je refuserai, pour ma part, de l'enfermer dans une vision idéologique de la société.

M.

Jean Le Garrec, président de la commission.

Qui le fait ?

M.

Christian Estrosi.

Notre déception est causée par les lacunes, les absences et les erreurs de votre projet.

Vous nous aviez promis une grande loi d'orientation sur le sport, vous nous présentez un texte dont les ambitions ont fondu au fil des mois.

Bien sûr, certaines dispositions sont positives, mais, finalement, c'est l'habillage qui domine le concret, l'effet d'annonce qui prend le pas sur le fond. Ce texte aurait pu être l'occasion de lancer un grand débat national afin de forger les outils du sport français de demain. Je crains qu'il ne serve seulement d'alibi pour masquer une nouvelle tentative d'étatisation du sport français.

M.

Jean Le Garrec, président de la commission.

Oh !

M.

Christian Estrosi.

C'est devenu une habitude chez vous, madame la ministre . Nous retrouvons les mêmes techniques et les mêmes arguments qui vous ont servi lors du débat budgétaire où, en catimini, vous avez introduit, à cinq heures du matin, un prélèvement sur les recettes des clubs professionnels. Nous retrouvons là la philosophie qui anime tous vos projets, jusqu'à celui, que nous avons heureusement fait échouer, sur la budgétisation du FNDS. Nous avons, grâce à notre mobilisation, évité que vous ne supprimiez son mode de gestion paritaire. C'eût été si confortable pour vous, en cette circonstance, madame la ministre, de faire passer votre budget à près de 2 milliards de francs et de devenir la seule autorité à pouvoir distribuer l'ensemble de la manne du FNDS ! Votre philosophie consiste, d'abord et avant tout, à reprendre en main le mouvement sportif et à rogner les libertés des fédérations délégataires. Après de telles op érations, comment voulez-vous que le mouvement sportif et nous-mêmes vous fassions confiance ? Sur le présent texte, vous utilisez le leurre du football pour cacher l'ensemble des autres dispositions. Mais pas plus que l'arbre ne cache la forêt, le football ne représente l'ensemble du sport français. Il existe plus de cinquante autres fédérations qui témoignent de la réalité et de la diversité du sport en France.

A quelques jours de ce débat, vous avez demandé un rapport de l'inspection sur les centres de formation de football. Nous condamnons, évidemment, les dérives constatées et nous souhaitons que des réponses adaptées soient trouvées pour y mettre un terme, mais nous nous interrogeons sur la coïncidence de ce rapport et de notre discussion. Sachez que nous ne sommes pas dupes et le mouvement sportif non plus.

Je saisis l'occasion pour dire un mot sur les centres de formation. Nous sommes tout à fait favorables à un contrôle accru de telles activités. N'oubliez toutefois pas que, si la France doit être le leader dans ce domaine, il s'agit d'une évolution à accomplir au niveau européen, sinon, comme d'habitude, nous serons les premiers pénalisés. Fermons la parenthèse sur ce point précis et revenons aux réalités du projet de loi.

Il me semble que vous ne prenez pas toute la dimension du sport en France et que vous faites surtout du clientélisme. Il ne s'agit pas de répondre à un effet de mode en surfant sur la vague d'une Coupe du monde réussie dont on voudrait capter les vents porteurs. Le sport, c'est plutôt une réalité, une passion partagée et, pour chacun d'entre nous, un sujet de réflexion et de préoccupation. Il me semble que vous n'appréciez pas de façon pertinente la place qu'occupe le sport dans notre société, ses dimensions éthique, éducative et économique.

Alors que nous attendions de vous une réflexion globale sur le sport, un « projet 2000 » pour le millénaire ou, à tout le moins le siècle qui s'ouvre, vous nous présentez un projet quelconque en le saupoudrant de sujets à la mode.

Soyons raisonnables, car le sport est un secteur complexe où coexistent une unité certaine forgée par des valeurs communes mais aussi des diversités extrêmes.

Cette complexité se renforce avec l'évolution du sport contemporain. Le sport porteur des valeurs les plus nobles de notre société - esprit de compétition, modèle d'intégration, égalité des chances, respect de la loi commune, sens du dépassement - est aussi devenu un enjeu économique. Cette évolution a conduit à des dérives très éloignées du respect de l'éthique sportive. Le drame du Heysel, l'affaire Valenciennes-OM, les scandales du dopage, l'instrumentalisation politique par certains Etats des performances sportives ont gravement remis en cause ce modèle immaculé.

Cette situation appelle, bien sûr, une réaction du Gouvernement et du législateur. Il ne s'agit pas de rejeter de façon dogmatique le nouveau paysage sportif, comme vous avez tendance à le faire. Il faut, au contraire, tenter d'encadrer ces évolutions. Certes, il était temps de réagir et nous attendions un texte à la hauteur de ces enjeux.

Hélas ! votre projet est bien décevant.

Prenons le thème qui nous est cher des fédérations sportives. La base même de l'efficacité du fonctionnement des structures sportives repose sur la délégation de service public à une fédération, et une seule, de l'ensemble des prérogatives et missions d'une discipline. Si ce principe fondamental n'est pas respecté, nous allons au-devant de problèmes insolubles. La coexistence de deux niveaux de décision et d'organisation conduira à un nivellement par le bas, en particulier en ce qui concerne les normes de sécurité. Aujourd'hui, une fédération délégataire peut to ut à fait confier à une fédération affinitaire l'organisation de compétitions. Il est donc inutile et dangereux de vouloir changer la loi pour atteindre le même objectif.

Porter ainsi atteinte à ce principe fondamental de l'organisation du sport français traduit d'autres desseins que nous comprenons bien mais que vous refusez d'avouer.

Vous allez au-devant de complications importantes dans ce domaine.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

En vérité, vous n'avez pas compris que le sport, comme l'ensemble des activités, a subi les conséquences d'une mondialisation brutale qui apparaît difficile à maîtriser mais qui est pourtant incontournable. Vous tentez vainement d'y répliquer par des mesures obsolètes au lieu d'y répondre intelligemment. Finalement, en braquant les projecteurs sur le football, vous espérez que le reste de votre projet de loi passera sans problème alors que vous ne répondez pas aux questions qui hantent le monde sportif.

Les fédérations sportives constatent avec surprise que votre projet de loi les affaiblit plutôt qu'il ne les renforce face à un avenir incertain. Elles qui gèrent leur sport au quotidien et doivent évoluer avec leur temps attendent de l'Etat qu'il les accompagne et les conforte face à cette évolution. Vos propositions, bien au contraire, les fragilisent.

Les dispositions prévues par votre projet en matière de formation sont ainsi particulièrement dangereuses. En introduisant une différence entre sports à risques et sports sans risque, vous démontrez votre méconnaissance totale des pratiques sportives. Tous les sports peuvent en effet devenir dangereux s'ils sont pratiqués dans de mauvaises conditions.

En fait, vous n'employez cet argument que pour rendre moins exigeant le niveau de la formation sportive. On perçoit bien, derrière cet affaiblissement volontaire des conditions de l'encadrement sportif, la nécessité politique de trouver à la hâte des débouchés aux 50 000 ou 60 000 emplois-jeunes qui, dans peu de temps, n'auront plus d'affectation. J'ajoute que la saturation des centres de formation a privé les titulaires de ces emplois-jeunes d'une véritable formation et qu'ils ont appris sur le tas le métier d'encadrement ou d'animateur sportif. Le Gouvernement Jospin avait simplement oublié d'indiquer que ces jeunes, cinq ans plus tard, n'auraient plus de place.

M. Alain Néri.

On verra ça en temps utile !

M. Christian Estrosi.

Finalement, vous agissez toujours de la même manière. Alors que le niveau de qualité de la formation sportive n'est déjà pas satisfaisant, vous l'affaiblissez encore pour résoudre un problème politique qui dépasse les enjeux sportifs.

J e voudrais également dénoncer les gadgets qui peuplent ce texte et qui sont révélateurs d'un certain état d'esprit privilégiant la forme au détriment du fond. C'est notamment le cas de l'article 12, avec la mise en place de la commission nationale du sport de haut niveau, qui nous laisse imaginer que, demain, vous supprimerez l'ordre des avocats ou des médecins.

M. Alain Néri.

Ce serait une bonne chose !

M. Christian Estrosi.

J'ai relevé encore, à l'article 18, des déclarations d'intention sans aucun effet sur la place des personnes handicapées et leur accès aux différentes disciplines physiques et sportives. Et que dire de l'article 5 qui concerne la parité ! Je m'amuse d'avance de l'égal accès des femmes et des hommes aux instances dirigeantes de la danse classique, des ballets ou encore de l'haltérophilie ou de la pétanque.

M. Bernard Outin.

Les femmes qui jouent à la pétanque apprécieront !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Voilà un homme moderne !

M. Christian Estrosi.

On se demande d'ailleurs pourquoi vous n'avez pas inscrit tout cela dans la Constitution.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est absurde !

M. Christian Estrosi.

Ces gadgets n'auront finalement que peu d'importance. Il n'en est pas de même pour l'axe central de votre projet, la mutualisation. Un bien grand mot pour une étrange idée qui ne semble pas susciter l'enthousiasme que vous escomptiez. Il est vrai que cette idée est à la fois trompeuse, injuste et inefficace.

Elle est trompeuse, car nous sommes fondés à contester cette opposition artificielle entre grandes fédérations vouées aux gémonies et petites fédérations qui devraient recevoir la manne céleste. Ce schéma est simple au regard du niveau de la ponction financière et de la multitude de petits clubs sportifs en France. Mais nous allons assister à une imposture. Les gros paieront et les petits croiront recevoir. Ils ne percevront en fait rien d'autre qu'un pourboire. Les clubs devraient, grâce à ce système miracle, pouvoir s'acheter un véhicule pour transporter les enfants sur les terrains. Ils bénéficieront en fait, royalement, de 500, 1 000 ou 2 000 francs de subsides de l'Etat. Ils se retourneront alors vers leurs fédérations qui n'auront plus d'argent. Nous voilà avec un bel effet d'annonce et un résultat nul.

Idée injuste également, car l'Etat choisira ses pauvres et distribuera au gré de ses envies à tel ou tel club. La volonté d'étatisation n'est jamais très loin dans ce texte.

Inefficace, car c'est vous-même, madame la ministre, qui avez offert la possibilité aux collectivités locales de subventionner les clubs sportifs professionnels. L'Etat reprendra donc d'une main au football, au rugby, au tennis et au cyclisme ce qu'il aura, de l'autre, permis aux collectivités locales de donner. Tant pis pour le contribuable local et pour le sport. Désormais, alors qu'elles n'avaient plus de raison de le faire, les municipalités, les collectivités devront subventionner les clubs sportifs professionnels.

Or, aujourd'hui, le petit club communal ne vit que grâce à la subvention qui lui est accordée par le maire et le conseil municipal.

M. Alain Néri.

Et la buvette !

M. François Rochebloine et M. Edouard Landrain.

Oui, la buvette !

M. Christian Estrosi.

Cette subvention n'est pas suffisante.

Avec votre disposition, le maire sera obligé de donner aux clubs sportifs professionnels plutôt qu'aux petits, tandis que vous prendrez aux gros pour donner vous-même aux petits. Cela ne réglera aucun problème ! Vous savez pertinemment que nos grands clubs, dans bien des domaines, manquent d'argent. Ils se trouvent bien souvent dans une situation de concurrence inégale face à leurs rivaux européens.

M. François Rochebloine.

C'est vrai !

M. Christian Estrosi.

Ils subiront, de plus, le poids d'une nouvelle taxe dont nous ignorons toutes les modalités.

M. François Rochebloine.

C'est vrai !

M. Christian Estrosi.

Vous leur enlevez, de surcroît, une capacité de négociation importante dans le ballet des transferts européens notamment.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Bravo !

M. Christian Estrosi.

Leur marge était déjà faible, elle le sera encore plus demain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Certains, pour moins que cela, dénonceraient un véritable hold-up de l'Etat. Je ne peux croire pourtant que vous ignoriez les effets de la mondialisation. Ainsi, je crains que votre projet n'aboutisse à de nouvelles délocalisations de la part des fédérations, qui pourraient créer des succursales à l'étranger ou déléguer, hors de France, à leur fédération internationale les droits de télévision de tel ou tel événement, s'assurant par convention le reversement de tout ou partie de ces droits. Que ferez-vous si demain la fédération française de tennis, par exemple, décide de reverser à la fédération internationale de tennis à Londres les droits de télévision de Roland-Garros pour se les faire restituer au titre de la participation à l'organisation de l'événement ? Les droits de télévision auront disparu,e ntraînant des conséquences encore insoupçonnées aujourd'hui. Piètre résultat pour tout le monde ! Voilà pour répondre à votre besoin d'affichage politique. Avez-vous pensé, encore, que des organisations privées, telles qu'il en existe dans le cyclisme, pourraient désormais gérer à l'étranger leurs droits de télévision ? Les grands organisateurs d'événements sportifs ne manqueront pas de se détourner de la France pour monter des manifestations sportives et cela n'est pas pour conforter notre candidature aux Jeux olympiques de 2008.

M. Alain Néri.

Le Tour de France organisé par les Chinois, ce serait bien !

M. Christian Estrosi.

Nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences d'une telle disposition.

Je souhaite, enfin, aborder un sujet qui me semble très étonnant, pour ne pas dire plus, à l'article 22 de votre projet de loi : la participation des sportifs à des missions d'intérêt général.

Il m'apparaît tout à fait scandaleux d'aborder par la loi un sujet qui relève de la stricte autonomie des fédérations qui l'ont toujours géré de façon exemplaire. Il n'y a pas, à ma connaissance, de fédération défaillante à cet égard, et il n'y a donc pas lieu d'aborder ce thème de façon aussi critique.

Quant à la « participation à des missions d'intérêt général » des sportifs de haut niveau, il m'apparaît que personne plus et mieux que les sportifs ne contribue volontairement et, bien sûr, bénévolement à leur mise en oeuvre.

De même, exiger des fédérations qu'elles imposent à des sportifs de haut niveau un calendrier duquel ils ne pourraient sortir à aucun prix, c'est ignorer l'essence même de cette profession qui se gère sur une courte durée de vie. C'est aux sportifs et à eux seuls qu'il appartient de décider de la manière dont ils entendent gérer leur carrière tant sur le plan professionnel que sur celui de leurs performances.

M. Alain Néri.

Vous n'avez rien compris !

M. Christian Estrosi.

Comment ferez-vous pour qu'un sportif de haut niveau dans une équipe de rugby, dans un club de judo ou de lutte - je connais de nombreux cas en France - puisse satisfaire aux exigences d'un calendrier coordonné par les fédérations de ces trois disciplines sportives ? Comment pourrez-vous, au moment où vous essayez de mettre toutes les fédérations sur un pied d'égalité, qu'elles soient délégataires ou affinitaires, faire en sorte que tel ou tel cycliste, tel ou tel footballeur participe en même temps à un championnat FSGT et à un changement organisé par la fédération française de cyclisme ou de football ? Vous ne réussirez pas à régler ce problème ! Avec votre dispositif, vous êtes complètement à côté de la plaque ! Madame la ministre, le mouvement sportif attendait autre chose du Gouvernement.

Nous aurions voulu que, à travers ce texte, vous donniez l'impulsion nécessaire, avant la présidence française de l'Union européenne, à la mise en place de grandes orientations permettant d'assurer aux acteurs du monde sportif la possibilité de lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers.

L'évolution du statut des clubs, afin de permettre, notamment, la cotation en Bourse, et un financement des clubs professionnels transparent et conforme à l'éthique sportive, sont des objectifs prioritaires à définir à l'échelle européenne. Nous devons profiter de cette présidence pour aller plus loin dans l'harmonisation européenne du statut des clubs en essayant de rapprocher des règles fiscales et sociales qui sont aujourd'hui par trop défavorables à la France. Or, à aucun moment, vous n'avez la moindre approche quant au taux de TVA qui est encore à 20,6 % en France, contre 5,5 % dans la plupart des autres pays d'Europe.

M. Denis Jacquat et M. François Robebloine.

Très bien !

M. Bernard Outin.

Merci Juppé !

M. Christian Estrosi.

Il faut préparer l'avenir, ne pas pénaliser le sport professionnel tout en encourageant le sport amateur, et mettre en oeuvre quelques principes simples et forts qui seront respectés sur l'ensemble du territoire européen tels que la préservation de l'intégrité des compétitions, la reconnaissance du rôle formateur des clubs, ou encore la primauté des fédérations délégataires.

La France doit être, au sein de l'Union européenne, un ferment qui apporte une véritable valeur ajoutée pour l'intérêt général du sport. La lutte contre le dopage, la préservation de l'esprit olympique, l'égal accès du public aux rencontres sportives, pour éviter que, après avoir eu droit à des compétitions à deux vitesses, nous n'ayons, demain, des retransmissions à deux vitesses entre télévisions non payantes et programmes à péage, s'inscrivent au premier rang des propositions que la France peut formuler.

Ainsi que je l'ai réclamé lors des trois derniers débats sur le budget de la jeunesse et des sports, nous attendions une initiative tendant à coordonner les actions menées par différents ministères et par les collectivités dans le domaine du sport. Malheureusement, je ne vois rien de tel. Pourtant, nous savons que le ministère de la ville ou le ministère de l'aménagement du territoire dépensent beaucoup d'argent pour le sport dans ce pays. Nous savons que des initiatives ont été prises dans les contrats de plan passés entre l'Etat et les régions, notamment dans le cadre du financement des nouveaux pays, mis en place par la loi sur l'aménagement du territoire, ou en liaison avec la politique des quartiers en difficulté.

Nous assistons en effet, parfois, à la mise en oeuvre d'actions décidées par des associations, avec l'aide de financements de l'Etat et d'une région, par exemple pour l'aménagement d'une salle polyvalente, mais sans qu'un directeur départemental de la jeunesse et des sports ait participé à la définition du projet. Ainsi, il arrive que l'argent du contribuable soit dépensé pour la réalisation d'équipements qui ne sont même pas aux normes. Un projet tel que celui-ci aurait dû prévoir la coordination de l'ensemble de ces initiatives et permettre à votre ministère d'avoir un droit de regard sur les initiatives prises par d'autres ministères. Hélas ! tel n'est pas le cas.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Nous attendions plus et mieux de votre part pour assurer l'avenir du sport en France et son développement harmonieux. Au lieu de cela, vous nous offrez un texte fourre-tout dans lequel on perçoit toujours l'influence d'un certain esprit partisan qui entraîne le sport dans un processus technocratique où l'éparpillement le dispute à l'aveuglement, et par lequel le Gouvernement cherche à remettre en cause le principe selon lequel la charte olympique doit prédominer.

En fait, nous attendions une loi d'orientation sur le sport, prenant en considération les enjeux économiques sans oublier l'essentiel, c'est-à-dire la dimension éthique du sport.

Aucune des dispositions de votre projet ne relève ce défi. Pour toutes ces raisons, ce texte ne nous apparaît pas opportun et nous estimons qu'il n'y a pas lieu d'en débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le député Estrosi, peut-on penser au sport sans penser clientélisme, étatisme, politique politicienne ? Vous ne semblez pas croire cela possible, moi si ! Je pense partenariat, travail en commun avec le mouvement sportif, avec tous les acteurs et actrices du sport. Pour cela, il faut leur faire un minimum confiance et ne pas penser que les

« fédés » n'ont en tête que l'idée de délocaliser leurs moyens ou leurs épreuves.

Le mouvement sportif français a montré, à travers la lutte pour la santé des sportifs et contre le dopage, qu'il voulait un sport français, un sport net, un sport porteur de valeurs, et qu'il était disposé à s'atteler à cette tâche avec le Gouvernement.

Vous parlez de modernité et vous parlez de mutation.

Mais quel est le gouvernement qui a osé aborder les questions posées au sport professionnel, sinon le nôtre ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Guy Drut.

Pas du tout !

M. Christian Estrosi.

Vous oubliez Guy Drut !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Quel est le gouvernement qui a pris la décision d'autoriser de nouveau le versement de subventions publiques aux clubs professionnels pour leurs actions d'intérêt général ? C'est le nôtre, parce qu'il a pris en compte la réalité économique du sport d'aujourd'hui dans notre pays.

M. Bruno Le Roux.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Vous parlez de modernité, mais quel est le gouvernement qui a inscrit le sport parmi les neuf schémas collectifs prévus par la loi sur l'aménagement du territoire, sinon le nôtre ? Vous parlez de modernité, mais vous osez, encore aujourd'hui, en l'an 2000, parler de cette manière de la place des femmes dans le sport, de leur capacité à pratiquer tous les sports ou à avoir une opinion sur tous les sports !

M. Christian Estrosi.

Cela n'a rien à voir !

M. Guy Drut.

Nous ne l'avons jamais contesté !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

En ce qui concerne le FNDS, non seulement nous ne l'avons pas budgétisé, mais nous lui attribuons de nouvelles sources de revenus : les bénéfices de la Coupe du monde et, si ce texte est voté, le produit des 5 % de prélèvement sur les droits de retransmission.

M. Alain Néri.

Voilà !

M. Guy Drut.

Encore un impôt supplémentaire !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

A ce propos, il faudrait savoir ! Soit ce prélèvement n'est rien ce qui signifierait que, pour vous, une voiture ou 1 000 francs à un club ne serait rien - et alors il ne faudrait pas se faire de souci et il serait inutile d'en discuter ! Soit il représente quelque chose de terrible, et alors cela vaut le coup d'en débattre.

M. Christian Estrosi.

Ce n'est pas qu'il ne serve à rien, mais c'est une machine à faire perdre !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Il convient simplement de considérer qu'il s'agit d'une mesure de solidarité, laquelle permettra en outre d'éviter des cassures qui auraient pu être terribles dans certaines fédérations.

Enfin, monsieur Estrosi, je pense que la plus belle façon de porter la candidature de Paris-Ile-de-France aux Jeux olympiques de 2008 est de mettre en avant les valeurs du sport telles que nous les exprimons et les défendons dans les différents travaux législatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

J'ai été très surpris à la fois du dépôt de cette question préalable et de la façon dont elle a été défendue. En effet, alors que je croyais comprendre que notre collègue M. Estrosi voulait débattre de tout, il nous propose de ne pas débattre du tout ! Or refuser de débattre d'une telle rénovation et de la mise à jour de la loi de 1984 revient à refuser de prendre en compte les évolutions. Cela pourrait être une mesure conservatoire, mais il me semble que c'est plutôt du conservatisme.

(Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Refuser de débattre de la révision de la loi de 1984, c'est refuser de voir la mondialisation - qui a pourtant été citée - de la communication sur les événements sportifs, l'évolution des pratiques, l'irruption des femmes dans le monde sportif et les résultats qu'elles obtiennent, l'arrivée massive de l'argent.

Refuser de débattre reviendrait à admettre que, après la loi sur le dopage, après celles sur la sécurité et sur les clubs professionnels, il n'y aurait plus à traiter des activités physiques et sportives dans notre pays.

Au contraire, monsieur Estrosi, il reste encore beaucoup à faire. Nous voulons débattre, et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre votre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Beauchaud.

M. Jean-Claude Beauchaud.

Le groupe socialiste ne votera pas non plus la question préalable. Auparavant, je tiens à relever certaines anomalies dans les propos de M. Estrosi.

Ainsi, après avoir déclaré qu'il était impatient de voir ce texte qu'il attendait depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, il a annoncé qu'il n'en voulait plus et qu'il souhaitait nous renvoyer dans nos foyers.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

Mme Martine David.

Il est inconstant ! Il ne sait pas ce qu'il veut !

M. Jean-Claude Beauchaud.

Une telle démarche ne va pas du tout dans le sens du travail réalisé en commission.

Au regard des objectifs assignés à ce texte, cela reviendrait aussi à nier l'évolution de notre société depuis seize ans.

Il a affirmé que le projet avait des lacunes, des absences et manquait d'ambition. Personnellement, c'est plutôt son exposé qui m'a semblé comporter quelques lacunes. En particulier, la fin de son intervention révèle une étrange conception du respect des normes pour les installations sportives. En effet, nous savons tous que celles-ci sont construites sous la responsabilité de maîtres d'oeuvre et de maîtres d'ouvrage, qui sont contraints de respecter des normes. Il s'agit donc d'un procès d'intention, d'une accusation déplacée.

Par ailleurs, nous n'avons pas la même lecture de la notion d'encadrement des activités, que M. Estrosi appelle étatisation.

Ses mises en garde n'ont donc pas convaincu notre groupe. Il est essentiel d'examiner ce texte. Il existe ; nous voulons l'enrichir et l'adopter car il intéresse tous les sportifs de notre pays. Il est attendu par plus de la moitié du peuple français. Nous voterons donc contre la question préalable de M. Estrosi et du groupe RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Plus personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Drut, premier orateur inscrit.

M. Christian Estrosi.

Lui a fait beaucoup de choses !

M. Guy Drut.

Je veux d'abord revenir sur l'état d'esprit qui préside à l'ouverture de ce débat.

En commission - j'en prends à témoin ceux qui ont participé aux débats -, nous avons eu une discussion correcte sur ce texte qui le mérite, mais surtout le nécessite.

En effet, il a déjà fallu consentir de gros efforts pour le comprendre. M. Le Garrec lui-même a avoué qu'il n'en saisissait pas toujours le fil directeur.

Pour ma part, j'essaierai - mais ma position n'est pas facile, madame la ministre, puisque je suis votre prédécesseur - de faire bénéficier à la fois cette assemblée et la France sportive de l'expérience que j'ai pu acquérir depuis déjà - malheureusement - presque cinquante années de pratique sportive.

Dois-je d'abord vous rappeler - cela ne vous a peutêtre pas sauté aux yeux bien que le mouvement sportif, une certaine presse et même quelques parlementaires l'aient souligné - que j'ai quelques petites réalisations à mon actif, mais vraiment toutes petites ? En tout cas, cela n'est pas bien grave, et nous verrons bien lequel de nos noms, le vôtre ou le mien, l'histoire sportive française retiendra. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Catherine Picard.

C'est petit !

Mme Martine David.

Vous nous avez habitués à mieux !

M. le président.

Je vous en prie, chers collègues, laissez

M. Drut poursuivre.

M. Guy Drut.

A semelle, semelle et demie.

Mme Martine David.

Relevez votre niveau !

M. Guy Drut.

Pour le vôtre c'est trop tard ! J'attendais, comme nombre d'entre vous, chers collègues, un texte ambitieux, une loi d'orientation. Malgré un accompagnement médiatique important - en la matière je dois reconnaître vos qualités - de nombreux parlementaires et le mouvement sportif ont été déçus par le projet proposé. Je crois d'ailleurs me souvenir que, lors de votre audition en commission, certains députés de votre majorité ont émis quelques regrets quant à la rapidité avec laquelle il a fallu examiner ce texte.

En répondant à M. Estrosi, vous avez de nouveau évoqué la concertation. Or, comme vous le savez, je suis membre du conseil d'administration du Comité national olympique et sportif français. Je me souviens donc très bien que, après la présentation de ce texte en conseil des ministres, il a, à sa grande majorité, exprimé le souhait que son examen soit reporté. Vous n'en avez pas tenu compte.

A propos de concertation, je peux aussi rappeller comment l'amendement instituant la taxation de 5 % sur les droits de télévision a été adopté, de manière furtive, à sept heures et demie du matin, le dernier jour de l'examen de la loi de finances, sans avoir été étudié par la commission des finances. Bel exemple de concertation !

M. Alain Néri.

Il a été voté à l'unanimité !

M. Guy Drut.

Oui, mais vous n'étiez que quatre ou cinq ! Manifestement, et je ne suis pas le seul à le dire, ce texte n'est pas fini puisqu'il a provoqué le dépôt de plus de 250 amendements. Il ne s'agissait évidemment pas d'obstruction puisqu'ils venaient de tous les bancs de l'Assemblée.

Ainsi, le projet initial n'évoquait pas du tout ou fort peu des sujets aussi essentiels que le bénévolat ou les sports de pleine nature. Il a donc fallu les ajouter. Vous aviez même oublié de mentionner la notion de service public. Un amendement a été nécessaire pour rétablir le sport en tant que service public.

Il est indéniable que nous allons devoir beaucoup travailler sur ce texte.

Je veux ensuite traiter de deux autres points particuliers : les questions européennes et la constitutionnalité du texte, même si nous faisons confiance à la première lecture ici et au Sénat, puis aux deux autres lectures pour apporter les rectifications nécessaires.

Je suis très étonné de la vision quelque peu restrictive de ce projet en matière européenne, surtout à moins de six mois de la présidence française de l'Union. Il est même légitime de se demander si le principe de mutualisation, tel que vous l'avez déterminé, ne va pas entrer en conflit avec les textes communautaires, en particulier avec les dispositions relatives à la libre concurrence et à la libre prestation des services contenues dans le traité d'Amsterdam.

On peut en effet considérer que le prélèvement prévu sera discriminatoire au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Il pourrait en effet toucher des opérateurs d'origine communautaire dont une partie des recettes issues des contrats signés avec les fédérations serait allouée au sport amateur fran-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

çais, alors que, parallèlement, le sport amateur d'un autre pays communautaire ne bénéficierait pas de mesures d'aide équivalentes de la part de la France. Ainsi, notre pays pourrait être attaqué pour discrimination au regard du droit communautaire.

Je tiens également à vous mettre en garde pour ce qui est de l'aide directe des collectivités locales aux sociétés sportives. En effet, en vertu du nouvel article 88 du traité d'Amsterdam, de tels apports doivent être soumis à l'approbation des services de la Commission. Or, à ma connaissance, rien n'a été fait en la matière.

Enfin, je suis désolé de vous annoncer que les mesures que vous proposez pour la profession d'agent - même si elles vont dans le bon sens, je n'en disconviens pas - traduisent une vision très limitée de cette pratique à l'échelle européenne.

De toute façon, ces dispositions devront être examinées par la Commission. En effet, vous voulez réglementer un secteur dans lequel une majorité d'agents peut d'ores et déjà opérer à partir d'un autre pays européen.

Autant dire que, pour produire une grande loi sur le sport, il aurait été utile de pouvoir réglementer au-delà de nos frontières, au-delà de notre pré carré, et d'avoir une vision plus concertée à l'échelle européenne.

J'en viens au point de constitutionnalité et, à ce sujet, je reviens sur la question de la parité. Les filles qui brillent ou ont brillé sous nos couleurs ne nous ont pas attendus, ni les uns ni les autres, pour faire ce qu'elles avaient à faire. Je ne suis pas du tout contre la parité, mais je m'étonne tout de même de l'audace de votre interprétation de la Constitution en cette matière. Je tiens à vous rappeler que la parité telle qu'elle est inscrite dans le nouvel article 3 de la Constitution s'applique aux mandats politiques et non à ceux s'exerçant dans le cadre de la direction des fédérations ou autres organes sportifs.

Pour introduire ce principe avec plus d'efficacité à l'échelle du mouvement sportif, il aurait été plus facile de réunir de façon concertée l'ensemble des représentants des fédérations afin de leur demander comment, de façon concrète, rendre applicable une telle mesure. Et il aurait fallu le faire avant l'adoption du texte à Versailles en juin dernier.

Depuis 1984, le sport a profondément changé : il a progressé dans certaines de ses dimensions - ses dimensions économique et sociale - et stagné dans d'autres : je pense en particulier à sa dimension éducative. J'en prends à témoin M. Néri qui, en commission, a insisté sur le fait qu'aujourd'hui, l'éducation physique n'est pas assurée dans les écoles primaires et que l'Etat faillit donc à sa responsabilité d'assurer cet enseignement qui est obligatoire, les collectivités locales étant amenées à pallier cette défa illance de l'éducation nationale.

M. Néri, de temps en temps, parle d'or comme nombre de ses collègues, et notamment toutes celles et ceux qui avaient accepté de suivre les propositions que j'avais faites quand j'étais à votre place, madame la ministre, en matière d'aménagement des rythmes scolaires.

L'article 2 du projet de loi concerne la formation des professeurs d'école. C'est très bien. Je suis à 200 % d'accord avec vous. Mais vous savez très bien que, si le sport reste, à l'école primaire, une activité extra-scolaire, jamais rien ne pourra changer.

M. Alain Calmat.

N'oubliez pas les contrats bleus !

M. Guy Drut.

Je ne parle pas des contrats bleus, mais des rythmes scolaires !

M. Alain Calmat.

Justement, les contrats bleus avaient pour but de les aménager !

M. le président.

Monsieur Calmat, vous n'avez pas la parole.

M. Guy Drut.

M. Calmat peut m'interrompre, si vous l'y autorisez M. le président.

M. le président.

Le président ne l'y autorise pas, poursuivez, monsieur Drut.

M. Guy Drut.

Monsieur Calmat, j'ai su reconnaître l'action de mes prédécesseurs, et vous le savez. J'ai toujours dit, quand j'ai parlé de l'aménagement des rythmes scolaires, que je reprenais l'action initiée par la circulaire Calmat-Chevènement. C'est vrai ou c'est faux ?

M. Alain Calmat.

Il ne s'agit pas d'un problème personnel !

M. Guy Drut.

C'est la raison pour laquelle, quand on me renvoie systématiquement dans les bordures, ça m'énerve ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Alain Calmat.

Il ne s'agit pas d'un problème personnel, je le repète.

M. Guy Drut.

La lumière ne s'est pas faite quand vous êtes arrivés au pouvoir. Nous avons existé avant !

M. Alain Néri.

Oui, mais la lumière ne s'est pas éteinte non plus avec votre départ !

M. Edouard Landrain.

La balle au centre !

M. Guy Drut.

Revenons à des choses sérieuses.

Madame la ministre, je vous approuve quand vous parlez du sport à l'école et j'aimerais pouvoir vous aider à l'imposer à votre collègue de l'éducation nationale, qui théoriquement s'occupe de ce problème mais qui, manifestement, et malheureusement, contrairement à son supérieur hiérarchique, M. Allègre, excusez-moi de le dire, n'a pas compris grand chose au film.

M. Alain Néri.

Oh !

M. Guy Drut.

Les contrats locaux d'éducation ne veulent rien dire. C'est du patronage. Ce n'est pas ce que nous, nous avons fait, vous le savez bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri.

Encore que le patronage, en son temps, a permis de développer le sport dans notre pays.

M. le président.

Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Drut !

M. Guy Drut.

Ils veulent un débat, ils l'ont !

Mme Martine David.

Pas de ce type !

M. Bernard Outin.

Elevez un peu le niveau du débat !

M. Guy Drut.

Je vais l'élever, mais ce n'est malheureusement pas toujours facile non plus avec vous ! Nous aurons bien entendu l'occasion d'étudier en détail les dispositions du projet de loi lors de l'examen des articles. Je souhaite donc axer plus particulièrement mon intervention dans la discussion générale sur les fédérations affinitaires et la mutualisation.

Mais permettez-moi, madame la ministre, de rappeler que nous avons voté votre loi contre le dopage chez les sportifs. Je suis sûr que vous vous en souvenez. Lors de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 1er FÉVRIER 2000

grande manifestation organisée par le CIO sur le dopage, en février dernier, j'ai pu souligner votre action en ce sens et dire au monde sportif entier quelle avait été la position de la France contre le dopage. C'est également à mon initiative qu'il est désormais exigé des pays qui se portent candidats pour l'organisation des Jeux olympiques d'avoir une législation ou un règlement très fort contre le dopage.

Donc, vous le voyez, au-delà des mots, on peut quand même, de temps en temps, s'entendre.

Objectivement, en lisant le titre de votre projet de loi, madame la ministre, j'attendais une vraie modernisation de notre cadre législatif.

J'attendais une adaptation à l'ouverture européenne.

Je m'attendais à une concertation avec vos homologues européens afin de lancer une initiative commune à six mois de la présidence fraçaise.

J'attendais que le mouvement sportif dispose - enfin de moyens analogues à ceux d'autres mouvement voisins.

Il y a dix ans, on comptait 1 800 cadres techniques, pour 9,5 millions de licenciés. Aujourd'hui, il n'y a plus que 1 683 cadres pour 14,5 millions de licenciés. Certains chiffres méritent d'être rappelés ! J'attendais que la réforme sur le statut du bénévolat enclenchée par Mme Alliot-Marie en 1993 et poursuivie par mes soins en liaison avec M. Juppé et avec le CNVA, trouve enfin écho à ses revendications.

Bref, j'attendais une vraie vision de la pratique sportive en France.

Or je trouve dans votre projet, madame la ministre, une série de dispositions qui relèvent plus de la déclaration d'intention que de l'organisation du paysage sportif, ou qui dépendent plus du règlement que de la loi.

Et parmi celles-ci, certaines - force est de le constater se révèlent dangereuses parce qu'elles ont pour effet de procéder à une étatisation du sport ou à un démantèlement des bases sur lesquelles notre mouvement sportif s'était jusqu'alors développé avec succès.

Je ne citerai qu'un dispositif de votre projet : l'article 8, qui modifie l'article 16 de la loi du 6 juillet 1984, et notamment son troisième paragraphe, qui, s'il était adopté en l'état, donnerait la faculté non seulement aux fédérations agréées, mais également à une simple association de jeunesse et d'éducation populaire d'adapter les règles techniques de toutes disciplines.

Vous savez très bien que cela se fait déjà. C'est accepté par tout le monde. C'est une forme éducative, une forme de rapprochement avec le sport. Moi-même, dans ma bonne ville de Coulommiers, j'ai initié un triathlon un peu spécial qui consiste en de la course à pied, du vélo et du canoë-kayak. Il n'est pas dans mon intention d'instituer quoi que ce soit ! C'est simplement un événement exceptionnel. Tout est possible.

Avec votre disposition, il va être possible d'instituer le football avec un ballon carré, le rugby à 17, ou que sais-je encore ? (Sourires.)

M. Edouard Landrain.

Ça peut être intéressant !

M. Guy Drut.

Cela se passe déjà dans les faits. Tout le monde le pratique. Est-il nécessaire de le mettre dans la loi ? Je ne le crois pas.

Je ne vous apprendrai pas, par ailleurs, que la spécificité française en matière d'organisation des sports repose notamment sur un système fédéral et délégataire.

M. François Rochebloine.

Eh oui !

M. Guy Drut.

Les fédérations délégataires participent à une mission de service public.

A ce propos, je citerai une phrase, très instructive, du président du comité national olympique et sportif français, M. Henri Sérandour, extraite d'un article paru dans un journal qui ne pratique pas la censure, puisqu'il s'agit de l'Humanité : « Seule la règle fait le jeu, seul le jeu fait le sport. La règle, le jeu, le sport ne peuvent vivre et progresser que si les hommes se rassemblent, s'associent, se fédèrent pour les garantir. En dehors de cela, point de salut, pas de lendemains qui chantent. »

M. Félix Leyzour.

Très bien !

M. Guy Drut.

Laissez donc l'organisation sportive française aux fédérations délégataires et vous verrez que le partenariat que vous évoquiez tout à l'heure entre elles et les délégations affinitaires se passera toujours de la meilleure façon.

J'en viens enfin à la mutualisation.

Non seulement vous attaquez le système sportif français, mais, en plus, vous affaiblissez son image et son attractivité. En effet, vous proposez la création d'un fonds de mutualisation. C'est une idée louable. Je l'avais moimême envisagé en proposant, certains s'en souviennent, la

CSG : la contribution sportive généralisée.

M. Alain Néri.

Tout à fait ! C'était une bonne idée !

M. Guy Drut.

Je suis d'accord sur la création de ce fonds, mais à condition qu'elle procède d'un acte volontaire et ne se réduise pas une fois de plus à une taxation ! Vous créez toujours de nouveaux impôts.

Je veux bien admettre que, pour tirer la sonnette d'alarme et mettre le mouvement sportif face à ses responsabilités, vous ayez fait adopter cet amendement en loi de finances. Mais je refuse qu'il soit pérennisé dans la loi, tout simplement parce que cela deviendrait une habitude et que nous ne saurions pas quelle serait l'affectation des sommes en jeu.

Je ne veux même pas discuter pour savoir si 150 ou 160 millions, c'est trop ou pas assez. Peu importe ! Une fois de plus, cela va être du saupoudrage.

En réalité, vous choisissez vos pauvres. Je ne voudrais pas, madame la ministre, qu'à l'instar d'un Bernard Tapie qui, lui, distribuait des ballons de foot, vous vous mettrez, dans quelques temps, à distribuer des aumônes.

Vous parliez d'autos tout à l'heure...

Vous affaibliriez votre image et ce serait dommage.

Le sport français n'a pas besoin de « Robin des Bois » pour faire preuve de solidarité. Il ne faut pas vouloir systématiquement créer de nouvelles taxes.

J'ai deux idées à vous proposer.

D'abord, on pourrait imaginer de taxer Bercy, pour une fois. Il est vrai que c'est une citadelle. Le président de la Cour des comptes lui-même a bien du mal avec ses fonctionnaires qui ne savent même pas combien ils sont.

M. Alain Néri.

Ce n'est pas nouveau !

M. Guy Drut.

C'est bien pour cela qu'il faut s'unir pour les « avoir » ! Dans le cadre de cette mutualisation, la ligue française de football a perçu environ 8 milliards de francs de droits. Comme le taux de TVA qui leur est appliqué est de 20,6 %, cela signifie que Bercy va empocher 1,5 milliard.

Or, j'ai lu dans la presse, madame la ministre, que vous étiez favorable à un taux de TVA à 5,5 %.


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Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

C'est vrai !

M. Guy Drut.

Pourquoi ne pas faire la différence entre 20,6 % et 5,5 % ? Cela représenterait beaucoup plus que 150 millions !

M. Edouard Landrain.

Bien sûr !

M. François Rochebloine.

Excellente proposition !

M. Guy Drut.

Une autre proposition pourrait être faite au mouvement sportif, une vraie, pas une « en l'air » car il y a une gradation dans les propositions ! De quoi souffrent les fédérations les moins médiatiques ? De ne pas avoir accès à l'image, à la télévision.

Un projet est actuellement ardemment défendu par M. Denis Massiglia et il tient la route : à savoir la création d'une chaîne sportive cogérée par le Comité national olympique et sportif français. Elle nécessiterait une mise de fonds de 150 millions. Il suffirait de demander aux fédérations qui ont un peu plus de sous que les autres de s'arranger et de faire un pot commun pour prendre en charge l'édification de cette chaîne.

Il ne serait plus question ensuite de taxation !

M. Edouard Landrain.

Ça serait aussi bien que la chaîne parlementaire !

M. Guy Drut.

Ce qui est inacceptable c'est votre volonté de toujours créer des impôts. Votre gouvernement dit qu'il va baisser les impôts. Mais, depuis deux ans, ce ne sont pas moins de treize taxations supplémentaires qui ont été créées.

Telles sont les observations que je voulais vous présenter, madame la ministre.

Mon propos était peut-être un peu décousu...

M. Bernard Outin.

Mais non ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Guy Drut.

... mais il est à l'image de votre texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Je pourrais, je vous assure, satisfaire au contrôle : je suis clean.

Mme Martine David.

Heureusement !

M. Jean-Claude Daniel.

Ce n'est pas ceux qui le disent qui le sont !

M. Guy Drut.

Chère madame, votre projet est vraiment trop électoraliste et trop clientéliste pour que nous puissions l'adopter en l'état. Au terme de son examen, c'est-àdire après sa discussion, en première et deuxième lectures dans cette enceinte et au Sénat, il sera temps de juger de l'opportunité de le voter, à la lumière des correctifs que vous aurez bien voulu accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi no 1821, modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives : M. Patrick Leroy, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2115) ; Mme Catherine Picard, rapporteur au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2101).

Le séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT