page 00894page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Présomption d'innocence. - Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 896).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 896)

MM. Michel Hunault, Jacques Floch, Louis Mermaz, Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Clôture de la discussion générale.

Rappel au règlement (p. 903)

MM. Pierre Albertini, le président.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 903)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteBlazy : M. Renaud Donnedieu de Vabres, Mme la garde des sceaux, MM. Christophe Caresche, André Gerin, Jean-Luc Warsmann, Alain Tourret, Philippe Houillon. Rejet.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 909)

Mme la présidente de la commission.

Article 1er (p. 909)

Amendement no 85 de la commission des lois, avec le sousamendement no 200 de M. Albertini : Mmes Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois ; la garde des sceaux, MM. Emile Blessig, Jean-Luc Warsmann, Pierre Albertini, Patrick Devedjian. - Rejet du sousamendement ; adoption de l'amendement.

Les amendements nos 33, 32 et 34 de M. Devedjian n'ont plus d'objet.

Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 911)

Amendement no 2 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, Frédérique Bredin. - Rejet.

A mendement no 35 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. Retrait.

Article 1er ter (p. 913)

Le Sénat a supprimé cet article.

Article 2 A. - Adoption (p. 914)

Après l'article 2 B (p. 914)

A mendement no 36 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian. - Retrait.

Après l'article 2 C (p. 914)

Amendement no 86 rectifié de la commission, avec les sousamendements nos 206 de M. Albertini et 254 de M. Tourret : Mmes Frédérique Bredin, la garde des sceaux, MM. Pierre Albertini, Alain Tourret, Mme la rapporteuse, M. Louis Mermaz. - Retrait du sousamendement no 254.

Mme la garde des sceaux, MM. le président, Pierre Albertini. - Adoption du sous-amendement no 206 rectifié et de l'amendement no 86 rectifié et modifié.

Article 2 D (p. 916)

Mmes Nicole Catala, Frédérique Bredin.

Amendement no 87 de la commission : Mmes la rapport euse, la garde des sceaux, M. Philippe Houillon,

Mmes Nicole Catala, Frédérique Bredin. - Adoption.

L'article 2 D est ainsi rédigé.

Article 2 E bis. - Adoption (p. 917)

Article 2 G (p. 917)

Amendement de suppression no 88 de la commission :

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 2 G est supprimé.

L'amendement no 199 corrigé de Mme Catala n'a plus d'objet.

Après l'article 2 (p. 918)

Amendement no 90 de la commission, avec le sousamendement no 244 de Mme Catala, et amendement no 66 corrigé de M. Warsmann : Mme Frédérique Bredin, M. Jean-Luc Warsmann, Mmes Nicole Catala, la rapporteuse, la garde des sceaux. - Rejet du sousamendement no 244.

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, MM. Pierre Albertini, Philippe Houillon, Mme Frédérique Bredin. Adoption de l'amendement no 90 ; l'amendement no 66 corrigé n'a plus d'objet.

Amendement no 89 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 2 ter (p. 921)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendements identiques nos 91 de la commission et 259 de M. Devedjian : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, M. Patrick Devedjian. - Retrait de l'amendement no 259 ; adoption de l'amendement no

91. L'article 2 ter est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Après l'article 2 ter (p. 921)

Amendement no 198 de Mme Catala : Mmes Nicole Catala, la rapporteuse, la garde des sceaux, M. Louis Mermaz, Mme la présidente de la commission, MM. Patrick Devedjian, Renaud Donnedieu de Vabres. - Rejet.


page précédente page 00895page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Article 2 quater (p. 923)

Amendement de suppression no 92 de la commission :

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 2 quater est supprimé.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de propositions de loi (p. 923).

3. Dépôt de rapports (p. 924).

4. Dépôt de projets de loi adoptés par le Sénat (p. 924).

5. Dépôt d'un projet de loi adopté avec modifications par le Sénat (p. 925).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 925).


page précédente page 00896page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE SIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

PRE

SOMPTION D'INNOCENCE Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1743, 2136).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Dans la suite de cette discusion, la parole est à

M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici réunis ce soir pour examiner, en deuxième lecture, le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence.

Vous avez rappelé tout à l'heure, madame la garde des sceaux, les grandes lignes du projet initial déposé le 16 septembre 1998. Les 207 amendements adoptés par le Sénat ont profondément modifié et reconnaissons-le, amélioré le texte que nous avions examiné en première lecture.

Il est vrai que l'échec du Congrès sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature vous a incitée, madame la garde des sceaux, à rechercher - et je m'en félicite - une plus large adhésion. Celle-ci vous est acquise sur le fond puisque, me semble-t-il, aucun groupe ne votera contre ce projet.

M. Alain Tourret.

C'est une excellente chose !

M. Michel Hunault.

Je voudrais revenir sur certaines de ces avancées.

L'examen de ce projet de loi a été l'occasion d'un débat. Plus qu'une prise de conscience, il manifeste une volonté, celle de mieux garantir les libertés individuelles.

Cela passe avant tout par le renforcement des droits de la victime. Celle-ci, mieux informée de ses droits, pourra se constituer partie civile selon une procédure simplifiée. La privation de liberté doit demeurer, vous l'avez réaffirmé, exceptionnelle.

Je salue les limites apportées à la détention provisoire.

Nous sommes en effet nombreux dans l'hémicycle, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, à nous élever contre les abus de la détention provisoire. Ils sont la cause, on ne le dira jamais assez, de la surpopulation carcérale. En outre, certaines personnes n'ont rien à faire en prison. L'Assemblée a d'ailleurs constitué cet aprèsmidi la commission d'enquête sur les prisons.

Tout ce qui tend à limiter la détention provisoire est donc une amélioration, non seulement la création d'un juge spécifique, distinct du juge chargé de l'instruction, mais également la limitation de la durée de la détention provisoire.

Vous avez rappelé tout à l'heure, madame la garde des sceaux, que la garde à vue concernait 400 000 personnes par an. La présence de l'avocat, dès la première heure, puis à la vingtième heure, est une avancée. Il me paraît cependant indispensable de mieux encadrer les conditions de la garde à vue. Vous avez bien voulu, dans le Journal officiel du 14 juin dernier, répondre à une question écrite sur ces conditions. Cette mise au point mériterait d'être diffusée dans de nombreux commissariats.

M. Robert Pandraud.

Les policiers connaissent les règles ! Il ne faut pas exagérer ! M. Michel Hunault. Si nous sommes d'accord pour limiter la détention provisoire, nous pensons qu'il faut aussi privilégier les mesures alternatives à la détention provisoire. Je voudrais évoquer à ce propos le bracelet électronique.

Son principe, adopté en décembre 1997, n'a jamais été appliqué. Est-ce parce qu'il s'agissait d'une proposition de l'UDF ? Je n'en sais rien. En tout état de cause, on gagnerait en crédibilité en utilisant ce bracelet électronique, d'autant plus qu'il sera désormais applicable comme mesure alternative à la détention provisoire.

Autre progrès considérable, l'appel des décisions en matière criminelle. Cette dernière avancée nous met en conformité avec la convention européenne des droits de l'homme, dont le protocole garantit à « toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal (...) le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation ».

Vous me permettrez d'associer à cette démarche votre prédécesseur, madame, M. Jacques Toubon, qui avait fait adopter, dès 1997, le principe de l'appel des décisions de cours d'assises.

Concernant la mise en examen, je souscris aux propos de mon collègue Devedjian, qui a repris les propositions d'Edouard Balladur. Les mesures qui sont prises ne sont pas suffisantes, et la mise en examen, telle qu'elle est pratiquée, s'apparente plus à une mise en accusation. Dois-je rappeler qu'un membre du Gouvernement a même dû démissionner, puisqu'il avait été mis en examen,...

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Il a démissionné avant même d'être mis en examen ! M. Michel Hunault. ... alors que sa culpabilité n'est toujours pas prouvée aujourd'hui ?


page précédente page 00897page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il n'était pas encore mis en examen ! M. Michel Hunault. Je ne parlais pas d'un membre du gouvernement actuel...

Il est donc nécessaire de mieux encadrer la mise en examen ; pour ma part, je serais même partisan de la supprimer.

Plusieurs mesures vont dans le bon sens, celui de la préservation des libertés individuelles, que ce soit la réduction des délais d'instruction, la présence de l'avocat, le double degré de juridiction en matière criminelle, les mesures alternatives à l'incarcération, l'enregistrement des gardes à vue.

Je terminerai en vous posant une question, madame la garde des sceaux. Etes-vous certaine d'avoir les moyens de votre politique ? Car tout cela nécessite des moyens. Ces dernières années, la part des crédits du ministère de la justice dans le budget de l'Etat a certes sensiblement augmenté. Mais je me permettrai de vous faire une proposition : que toutes ces mesures, qui participent à la grande réforme de la justice, s'accompagnent d'une loi de programmation réactualisée,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres. Très bien !

M. Michel Hunault.

... donnant à chacun les moyens de les appliquer. Ces mesures constituent un réel progrès ; encore faudrait-il que les magistrats et tous ceux qui seront chargés de les mettre en oeuvre en aient réellement la possibilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Mme la rapporteur, avec talent et savoir-faire, a décrit le contenu de ce grand projet de loi, suivie en cela par plusieurs de nos collègues. Car n'en déplaise à Mme Catala, c'est un grand projet de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture.

Le travail accompli en commission a été excellent, grâce au dialogue permanent entretenu entre le Gouvernement et le Parlement. Faut-il le regretter ?

M. Michel Hunault.

Non !

M. Jacques Floch.

Il faut s'en féliciter. C'est ainsi que les « godillots » sont définitivement mis au placard et n'ont plus leur utilité.

Aussi, madame la garde des sceaux, on ne vous remerciera jamais assez d'avoir osé ouvrir ce grand débat sur ce que doit être la justice aujourd'hui.

M. Patrick Devedjian.

Et cela, ce n'est pas « godillot » ?

M. Jacques Floch.

Non, c'est une politesse. (Sourires.)

Car c'est bien vous, madame, qui avez décidé de prendre ce risque, alors qu'aux dires de certains, la tâche est insurmontable.

Vous auriez pu vous contenter de gérer le quotidien, avec sa longue liste d'insuffisances, de récriminations, d'exigences, d'espoirs, de désarrois. Autant de mots qui vous ont conduit à nous proposer des réflexions, des réponses à cette simple phrase du programme du gouvernement de Lionel Jospin : « Nous réformerons la justice. »

Quelles réformes ? Quelle justice ? Quelles réformes pour la justice ? Ces défis à la société, ces défis à l'histoire, ces dé fis aux conservatismes de tous bords ne peuvent se comprendre que si l'on admet les changements majeurs qui ont bouleversé la deuxième moitié du XXe siècle, que si l'on admet les velléités d'équité, les exigences d'égalité devant la loi sans parler d'égalité devant la justice, la loi n'étant pas toujours la justice.

Madame la garde des sceaux, votre persévérance,...

M. Patrick Devedjian.

Comme il est poli !

M. Jacques Floch.

... votre courage pour tenter de convaincre...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... les esprit obtus, les esprits ringards comme les nôtres !

M. Jacques Floch.

... de la nécessité de rendre performante l'administration judiciaire - parce que vous croyez intimement à son rôle essentiel pour la régulation sociale - nous a obligés à sortir des sentiers battus, des faux débats comme des fausses confrontations. C'est cela et surtout cela qui déplaît mais c'est cela et surtout cela qui nous permet de nous engager à vos côtés pour essayer de détruire toutes ces insolentes forteresses dont les tenants n'ont pas encore compris que nous ne sommes plus

XIXe siècle.

Ce legs du passé pèse d'un poids énorme sur l'institution judiciaire et les conséquences de ses décisions, d'autant que pendant des lustres, il s'est accompagné de l'indifférence générale.

Certes, on s'y intéresse, l'opinion publique s'y intéresse, mais l'intérêt de l'opinion publique est intéressé, orienté surtout par ce qui est spectaculaire : les grands crimes, les crimes odieux, répétés, ceux qui jettent l'effroi, ceux qui ont autorisé un autre crime - la peine de mort ou la conduite à l'enfer du bagne.

Mais qui s'intéresse à l'évolution, à la nécessaire correction du code pénal et du code de procédure pénale, dont la marque bonapartiste ne finit pas d'entraver l'histoire progressiste de notre société ? La pensée unique a de beaux ancêtres ; si l'on n'y prend garde, elle finira par s'en réclamer ; c'est d'ailleurs déjà fait pour certains grands auteurs contemporains de romans ou de biographies.

Mais qui s'intéresse à toutes les décisions prises par le juge civil dans les tribunaux d'instance, décisions souvent équitables, marquées du coin du bon sens et qui font beaucoup pour la paix civile, la paix sociale, l'équilibre familial, la tranquillité d'esprit de nos concitoyens ? Qui les met en exergue ? Qui en rend compte ? Qui simplement le dit ? Madame la garde des sceaux, en ouvrant plusieurs fronts pour porter cette folle idée de réforme qui touche au rôle, au poids de l'institution judiciaire ainsi qu'aux hommes et aux femmes qui font ce qu'elle est, vous vous rendez coupable d'un orgueil sans borne, d'une présomption téméraire, ô combien ! Quelques-uns ici ont envie, avec vous, d'être téméraires, d'être orgueilleux, car nous ne pouvons pas abandonner cette longue marche que nous avons entreprise.

Certes, des retards imprévus, mais aussi voulus, nous empêchent d'aller à Versailles. Ce n'est que partie remise.

Bientôt, dans ce haut lieu de notre histoire, de jeunes arbres seront replantés, la tempête ayant fait table rase du p assé. J'y vois un symbole pour notre démarche commune.

M. Patrick Devedjian.

C'est la gauche versaillaise. Il ne manquait plus que cela...


page précédente page 00898page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. Jacques Floch.

... comme je vois un symbole dans notre débat d'aujourd'hui. Nous avons vraiment envie de dépasser les turbulences de décembre et janvier et de bien montrer que notre volonté commune de réformer est loin d'être émoussée.

Ce texte sur la présomption d'innocence, sur le droit des victimes, nous offre la grande chance de la réaffirmer.

Certains disent déjà que nous sommes allés trop loin et parlent de révolution. Ce mot fait encore peur, mais moi, il me rassure, car je sais que nous ne faisons qu'effleurer l a réforme. Dans le contexte actuel d'immobilisme affirmé, cette grande démarche nous fait avancer et c'est presque un exploit.

On le doit au Premier ministre, à vous, madame la garde des sceaux, à vous, madame la présidente de la commission des lois, à vous, madame la rapporteur, à vous tous, mes chers collègues, qui vous êtes investis avec conviction dans cette grande démarche.

Imaginez un instant ou plutôt souvenez-vous qu'en 1789, après avoir écrit, publié la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, nos prédécesseurs ne s'empressèrent pas de rédiger un code civil, voire un code des relations sociales capables de mettre en oeuvre le beau texte fondateur. Non, hommes éclairés, certes, mais surt out bourgeois et propriétaires, ils adoptèrent, à l'automne 1791, le code pénal, car ils voulaient garantir l'ordre public et assurer à la société, ou plutôt à l'ordre social auquel ils appartenaient, « sa conservation par des remèdes rapides ». Napoléon et ses jurisconsultes surent en tirer profit : le code pénal de 1810 n'est qu'un approfondissement de cet important travail de droit.

Mais les constituants de 1791 avaient quelques restes du siècle des Lumières. La prison devait être un lieu der édemption, de perfection, de correction. Napoléon Bonaparte n'avait pas les mêmes scrupules. La législation pénale deviendra ce qu'elle est restée : une longue liste de peines « non pas pour apaiser la colère mais pour prévenir le crime ».

Quelle conception ! Quelle vision du monde ! Quelle erreur profonde ! Mais aussi quel souci de mise à l'écart par l'enfermement de tous ceux, et pas seulement les déviants, les criminels, qui représentent un danger pour l'ordre social, voire politique ! Rappelez-vous le titre de l'ouvrage de Louis Chevalier, publié en 1984 : Classes laborieuses, classes dangereuses, et le long combat que certains menèrent pour lutter contre ce conformisme terrible. En 1832, les circonstances atténuantes ; en 1885, la libération conditionnelle ; en 1891, le sursis ; en 1938, la suppression du bagne ; en 1981, la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat ; en 1981, l'abolition de la peine de mort ; en 1982, la suppression des tribunaux des forces armées.

Je suis sûr, madame la garde des sceaux, que l'histoire ajoutera qu'en l'an 2000, ensemble, nous avons réformé la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes et que le droit et la justice en sont sortis grandis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, depuis le début de la législature, de nombreuses réformes ont été entreprises, et bientôt les sociologues, avant les historiens, en décriront les effets sur le terrain.

Ce débat sur la présomption d'innocence et les droits des victimes intervient au moment où la réforme du Conseil supérieur de la magistrature est en panne - provisoirement, espérons-le - et où l'Assemblée nationale crée une commission d'enquête sur les prisons.

La réforme du CSM, dans notre esprit, devait bien sûr asseoir l'indépendance des juges, y compris celle des parquetiers, mais sutout garantir leur légimité et éviter le corporatisme, grâce à la compostion de l'organisme qui les désigne.

La commission d'enquête sur les prisons, qui, selon nous, devra s'intéresser à l'ensemble du système pénitentiaire, de la chancellerie au mitard, nous permettra de savoir ce qui se passe réellement dans les prisons, après l'émotion provoquée par la publication du livre de Mme Vasseur. Fermer des prisons, en construire qui soient décentes, c'est nécessaire, mais il faut surtout faire en sorte qu'il y ait moins de gens en prison. A mon sens, si un garde des sceaux pouvait se prévaloir d'une baisse du nombre de prisonniers depuis sa prise de fonctions - cela ne s'est pas vu depuis fort longtemps -, ce serait un grand garde des sceaux.

Aujourd'hui, nous nous préoccupons de la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes, dans un débat, nous dit-on, apaisé, qui fait l'objet d'un certain consensus, même si beaucoup d'entre nous, sur tous les bancs, savent que cette réforme ne sera pas la dernière et qu'en matière de justice, le progrès doit être continu. Mais le projet de loi, en l'état, comporte des avancées certaines par rapport à la version présentée en première lecture, qui marquait déjà un progrès par rapport à la situation actuelle.

Tout le monde y a travaillé : Mme la garde des sceaux, à qui notre collègue M. Floch a rendu un légitime hommage, le Gouvernement, le Sénat - je serais tenté de faire l'éloge du bicamérisme -...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Hier, nous n'avons pas entendu le même discours ! (Sourires.)

M. Louis Mermaz.

... la commission des lois, Mme Lazerges. Je ne citerai pas tous les membres de mon groupe, mais je pense notamment à Mme Frédérique Bredin, et à M. Alain Tourret, qui appartient à un groupe voisin. Je ne citerai pas non plus les députés de l'opposition, car ce serait les compromettre. (Rires.)

Je ferai tout de même une exception pour M. Albertini, si vous voulez.

M. Pierre Albertini.

C'est le baiser qui tue !

M. Louis Mermaz.

Les idées sont venues de divers côtés et les amendements se sont succédé.

A l'heure qu'il est, le texte est suffisamment connu pour que je sois rapide.

La garde à vue sera désormais encadrée. L'avocat sera présent dès la première heure et il reviendra à la vingtième et à la trente-sixième. On se préoccupera de l'alimentation du suspect. On fera un enregistrement sonore de ce qui se passera non seulement pour les mineurs mais aussi pour les majeurs, et il est fort à parier qu'un jour on ira jusqu'à procéder à l'enregistrement vidéo. Le respect de la dignité des personnes sera ainsi renforcé. Enfin, nous aurons à débattre d'un amendement, qui sera sousamendé, pour réglementer strictement les odieuses fouilles au corps.

M. Alain Tourret.

Très bien !


page précédente page 00899page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. Louis Mermaz.

Vous nous avez dit, madame la garde des sceaux, que 400 000 personnes passaient en garde à vue chaque année. Le chiffre est vraiment terrifiant ; c'est l'équivalent de la population d'une grande ville française.

Les délais d'instruction seront limités.

En matière de détention provisoire, point fort du texte, des progrès sont attendus si la loi est appliquée. Car 13 000 personnes sont placées en détention provisoire avant jugement et 8 000 autres ont fait appel ou ont saisi la Cour de cassation. Au total, 28 000 personnes sont concernées - soit la population d'une ville moyenne -, avec une durée d'internement de quatre mois environ. Ce chiffre aussi est effrayant, quand on sait que, d'après le code pénal actuel, la détention devrait être exceptionnelle.

Nous allons limiter la durée de détention provisoire et nous allons coiffer le dispositif d'une institution nouvelle : le juge de la détention.

Dans une démocratie, il n'est pas mauvais que majorité et opposition, notamment quand il s'agit de la défense d es droits de l'homme, puissent se rencontrer un moment. Cependant, des différences demeurent : pour ne compromettre personne et surtout pas moi-même, je rappellerai que la loi Badinter de 1985 prévoyait la création, dans un délai de trois ans, d'une juridiction collégiale de mise en détention provisoire, mais que cette excellente loi a été abrogée le 30 décembre 1987 ; l'opposition se souvient certainement de quelle période de notre histoire politique il s'agit.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cette loi était inapplicable.

D'ailleurs, vous ne l'aviez pas appliquée. Il est scandaleux de tenir de tels propos !

M. Jacques Floch.

Monsieur Warsmann, gardez donc votre calme.

M. Louis Mermaz.

Les moyens financiers avaient été prévus, monsieur Warsmann.

Derechef, la loi Vauzelle du 4 janvier 1993 instaurait un juge délégué, dans un premier temps, et une juridiction collégiale, dans un second temps. Derechef, cette deuxième loi a été abrogée, le 24 août 1993 ;...

Mme la garde des sceaux.

Eh oui !

M. Louis Mermaz.

... il s'agit là encore d'une période particulière de l'histoire politique du pays.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pourquoi n'avez-vous pas rétabli immédiatement cette loi ? Quelle démagogie !

M. Louis Mermaz.

Mais nous y venons, monsieur Warsmann. Quoi qu'il en soit, je décris un fait véridique.

Félicitons-nous, monsieur Warsmann, vous comme moi, que la majorité d'hier, opposition d'aujourd'hui, ait accompli sa révolution culturelle et rompe avec la philosophie sécuritaire qui se répand parfois de façon excessive dans notre pays.

M. Patrick Devedjian.

Vous parlez peut-être de M. Chevènement ?

M. Louis Mermaz.

Enfin, la disposition instaurant le numerus clausus imposera, d'ici à trois ans, que les personnes mises en examen et écrouées soient retenues dans des cellules individuelles. C'est certainement une disposition très importante, et nous devrons, Gouvernement et Parlement, veiller à ce que les moyens financiers suivent.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. Louis Mermaz.

Et puis, il y a cette grande réforme : la possibilité d'appel devant la cour d'assises, par appel tournant. Vous le souhaitiez, madame la garde des sceaux, vous allez le faire, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cette réforme accomplie, il restera encore beaucoup à faire.

Il faudra réformer le système de comparution immédiate, qui concerne la plupart des futurs détenus, car les magistrats sont les premiers à nous dire qu'ils font de l'abattage - ce sont leurs propres termes. Les choses doivent changer et le plus tôt sera le mieux. Nous aime-r ions que le Gouvernement, comme le Parlement, s'engage maintenant sur cette voie, dans le cadre de toutes les réformes en cours.

Il faudra aussi revoir l'échelle des peines. Nous nous en étions préoccupés lorsque nous avions discuté de la proposition de loi de M. Tourret, car beaucoup de délits sont punis de peines dont l'esprit remonte au début du siècle, quand ce n'est pas au milieu du précédent. Et parfois, quand nous leur reprochons d'être trop sévères, les magistrats nous conseillent de commencer par revoir les codes et par voter des lois plus humaines.

M. Alain Tourret.

C'est vrai !

M. Louis Mermaz.

Très importants aussi seront les moyens financiers consacrés à l'augmentation du nombre de postes de juges. Certes, le budget de la justice n'a jamais été aussi élevé que ces dernières années, mais le travail à accomplir est si lourd qu'il faudra créer plus de postes, notamment dans les greffes.

Et puis, surtout, il faudra développer l'alternative à l'emprisonnement. Nous avons voté des textes qui vont dans ce sens.

Il faudra aussi apporter un soin particulier à l'incarcération des mineurs, qui est catastrophique, pour eux comme pour la société réduite à cette extrémité.

Les nouvelles orientations en matière de protection judiciaire de la jeunesse, adoptées en 1999, contiennent l'engagement de créer cent centres éducatifs et cinquante centres de placement immédiat d'ici à la fin de 2000.

Comme diraient nos agriculteurs, « cela va dans le bon sens », mais par rapport aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, c'est encore nettement insuffisant, et le Parlement doit jouer son rôle en incitant à faire davantage.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quel aveu !

M. André Gerin.

Je suis d'accord avec M. Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Ce débat et la façon dont ce projet de loi aura finalement été élaboré, grâce à des discussio ns entre le Gouvernement, le Sénat et l'Assemblée, font progresser la notion de contradictoire, ce que l'on appelle

« l'égalité des armes » dans la Convention européenne des droits de l'homme, fille de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen bien connue chez nous. Désormais, le juge devra instruire autant à décharge qu'à charge. C'est un esprit nouveau qui est en train de naître.

Il faut espérer que les magistrats suivront, mais beaucoup y sont décidés, car ils le réclamaient depuis longtemps.

Cela profitera non seulement au suspect, mais également - ne l'oublions jamais ! - aux victimes qui pourront désormais se constituer partie civile d'une manière simplifiée. Cela va dans le sens d'un bon équilibre, selon un terme dont le Gouvernement abuse parfois. L'équilibre y est. Bravo ! Enfin, une nouvelle étape sera franchie si la loi est véritablement appliquée et si les moyens financiers


page précédente page 00900page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

indispensables suivent. C'est un travail que nous devrons accomplir en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

Mme Christiane Taubira-Delannon.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, nous parvenons en fin de parcours, mais nous n'aurions garde d'oublier combien ce texte porte un joli nom, avec de si jolis mots, qui sont autant de promesses d'une rigueur généreuse d'autant plus apaisante qu'elle s'inspire simplement et sainement du droit des gens. Par ses mots, mais surtout par son contenu, ses équilibres astucieux, les échanges toujours intenses qu'il a suscités lors de son élaboration, ce texte témoigne de nos idéaux de justice et de progrès humain, de nos choix d'une société solidaire et protectrice des plus vulnérables, de notre attachement à ces principes qui rappellent qu'entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère. Nous avons le privilège de vivre une époque où l'audace n'est plus constitutionnellement sacrilège, politiquement incorrecte ou culturellement insolite.

L'Etat français n'est plus un Etat central unifié. La nationalité française recouvre désormais trois citoyennetés : la citoyenneté française, enrichie en certains pays d'une citoyenneté néo-calédonienne et d'une citoyenneté polynésienne. Elle reconnaît encore plus d'identités et de cultures : la tahitienne, la mélanésienne, l'européenne, la marquisienne et même, sans le dire ni l'écrire encore, la corse, la guyanaise, car, il faudra bien y venir, et sans doute la martiniquaise, la guadeloupéenne et la réunionnaise. Elle survit à une diversité plus large encore avec une population majoritairement musulmane à Mayotte, une monarchie à Wallis et, en Guyane, des Amérindiens et des Bushinengs dont les référents culturels sont si différenciés.

Nous savons que cette pratique de l'altérité au quotidien ne se fait ni sans étonnement, ni sans surprise, nis ans imprudence. Nous l'avons constaté récemment encore lors du débat du texte sur la parité. Pourtant, il faudra continuer à avancer et considérer la disparité des situations en nous interrogeant en même temps sur les principes dont on risque de s'éloigner lorsque l'on se rapproche des réalités, parce que les réalités sont humaines, qu'elles ne sont pas toujours conformes à l'égalité et à la justice, qu'elles peuvent être inégalitaires, conservatrices et dominatrices. Nous devrons donc nous interroger sur leur cohérence, leur logique, leurs relations aux plus faibles.

C'est, à mon avis, dans cet esprit que devra s'effectuer l'exploration des systèmes juridiques qui ne relèvent pas du droit positif. Ce que l'on appelle les coutumiers en Guyane, qui devraient être de vrais codes de droit amérindien et bushinengais, devraient être approchés de façon aussi avertie et avisée.

Vous avez toujours montré, madame la garde des sceaux, votre souci que les principes imprègnent les actes.

Vous le traduisez par le recrutement et l'affectation de magistrats et d'autres personnels, par la mise en place et la modernisation de structures et d'instruments. A ce titre, certaines demandes méritent d'être examinées avec attention. Je pense à la création d'une cour d'appel de plein exercice en Guyane de nature à assurer aux justiciables un vrai deuxième niveau de juridiction qui ne soit pas assujetti à des combinaisons de personnels effectuées dans la rareté, au maintien des permanences qui s'effectuent dans l'Ouest et dans l'Est guyanais à Saint-Laurentdu-Maroni, Maripasoula, Saint-Georges-de-l'Oyapock et à la définition d'un statut des interprètes dont le recours est sans commune mesure avec ce qui se pratique ici compte tenu de la situation multiculturelle. C'est une des grandeurs du droit français de permettre au justiciable de participer aux débats et de prendre connaissance du jugement dans sa langue.

Plus encore que l'accès à la justice, qui sera forcément fluidifié, amélioré par ce texte, l'accès au droit mérite d'être renforcé par la mise à jour du guide de l'accès au droit, l'élaboration et la diffusion de brochures d'information juridique dans les langues natives et dans les langues étrangères les plus communément pratiquées, le maintien des consultations juridiques gratuites et la mise à disposition d'un psychologue pour accueillir les victimes de préjudices moraux dus aux viols, aux cambriolages avec violence, cela afin de pallier l'absence d'associations ayant un tel objet social.

Ce débat n'est pas la circonstance appropriée pour insister sur la vétusté du tribunal de grande instance de Cayenne et les mesures de sécurité à consolider au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, mais leurs conséquences psychologiques, professionnelles et sociales sont telles qu'il importe de les rappeler. Vous avez dû, madame la garde des sceaux, reporter la série de visites que vous aviez prévu d'effectuer en Guyane, à la Martinique, en Guadeloupe. Je sais votre conviction sur l'utilité de ces visites non seulement pour mieux évaluer les besoins matériels, mais également pour mieux prendre la mesure des relations conflictuelles, difficiles, réciproquement défiantes et suspicieuses entre l'institution judiciaire et nos sociétés d'accueil. L'incompréhension mutuelle est toujours une source de malentendus et de méfiance.

L'Etat a parfois été prédateur. Ce fut le cas en 1898 avec le décret foncier de confiscation et d'accaparement des terres. Il lui est arrivé d'être négligent et les Amérindiens bushinengais en ont été longtemps les victimes par privation d'état civil. L'Etat a aussi été parasite lorsqu'il a spolié les orpailleurs et détourné les stocks d'or de la Guyane en 1943. Il a été discriminatoire lorsqu'il a infligé un code de l'indigénat et appliqué un arrêté préfectoral limitant la libre circulation - c'est encore le cas aujourd'hui. Il est aussi injuste lorsqu'il refuse de rembourser certains médicaments contre le paludisme, par exemple, dans des zones déshéritées.

L'Etat n'est donc pas toujours parfait, mais ce texte nous enseigne qu'un Gouvernement peut résolument choisir de mettre la puissance d'Etat et ses prérogatives au service des plus vulnérables. Il peut décider que lorsque l'adversité, la détresse, l'infortune frappent le citoyen déjà affaibli, celui-ci doit être sécurisé et non terrorisé.

Ce texte est flamboyant, madame la garde des sceaux.

Il aurait sans doute pu l'être davantage, mais il sera voluptueux de le voter et je souhaiterais presque qu'il y ait dix lectures simplement pour avoir dix fois le bonheur de le voter. (Exclamations sur divers bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Permettez-moi de dire quelques mots avant que nous abordions l'examen des articles.


page précédente page 00901page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Ce projet de loi est assurément un grand texte qui réforme en profondeur des moments clés de la procédure pénale en renforçant le respect de la présomption d'innoncence et le droit des victimes.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est de l'autosatisfaction !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Sur un sujet aussi complexe, Mme la garde des sceaux l'a rappelé à juste raison, les solutions ne peuvent pas être toutes idéales. Mais l'essentiel est d'avancer et ce texte est incontestablement un grand progrès pour un plus juste rapport des citoyens à la justice. Ce sentiment est d'ailleurs très largement partagé par la grande majorité des membres de la commission des lois.

P ermettez-moi, en tant que présidente de cette commission, de rappeler à ceux qui seraient tentés de réécrire l'histoire de ce texte, et même de s'attribuer tous les mérites de son évolution, que cette loi nous la devons d'abord à la volonté profondément réformatrice de Lionel Jospin et d'Elisabeth Guigou, qui ont engagé pour notre justice, et donc pour tous les justiciables, des réformes législatives considérables, assorties des moyens de les mettre en oeuvre. C'est ce ministre de la justice, ce gouvernement qui en seront crédités par nos concitoyens.

Je veux dire également mon étonnement, mon inquiétude même, devant la manière dont certains de nos collègues présentent notre travail et devant l'idée qu'ils se font de l'espace du débat parlementaire. Certaines interventions m'ont semblé manquer singulièrement d'ambition pour notre Parlement. Oui, de très nombreux parlementaires, de divers groupes, ont beaucoup travaillé pour renforcer ce texte. Ils l'ont fait ni contre, ni sans le Gouvernement, mais avec lui. Nous devons plutôt nous réjouir ici que le débat parlementaire ait pris toute sa place. N'est-ce pas notre voeu à tous ? Hier, pour le PACS, certains dans l'opposition regrettaient qu'il ne s'agisse que d'une proposition de loi. Ils s'inquiétaient, car cela ne leur semblait pas de nature à garantir l'aboutissement du projet. Les faits leur ont donné tort.

Aujourd'hui, certains déplorent qu'un projet de loi intègre largement le travail de notre assemblée. Je ne pense pas qu'ils veuillent reprocher à notre majorité et à Mme la ministre d'avoir su travailler ensemble. Au-delà de la majorité, je souhaite pour ma part que cet espace c ommun d'initiative soit toujours plus approfondi.

L'essentiel, c'est qu'au bout du chemin, et grâce à ces échanges, un texte fort et novateur réponde bientôt à l'attente de nos concitoyens, si vous en décidez ainsi. Et la vraie histoire de ce texte, ce sera ce résultat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, medames, messieurs les députés, je ne serai pas longue, car beaucoup de choses ont été dites. Je voudrais simplement relever quelques points dans cette discussion générale.

D'abord, vous avez été nombreux à intervenir pour reconnaître les avancées de ce texte et je vous en remercie. Je ne sais pas si je reprendrai le terme « flamboyant », madame Taubira-Delannon. On l'est dans les îles, peutêtre moins ici. Nous n'avons pas ce talent ! En tout cas, ce texte donne davantage de place à la liberté dans le respect de l'efficacité de l'enquête. Jacques Floch, Louis Mermaz, Christine Lazerges, André Gerin, Alain Tourret ont eu des accents extrêmement convaincants sur ce plan et ont rappelé que nous poursuivons ce but depuis longtemps.

Vous avez aussi souligné l'avancée essentielle que représentaient les progrès réalisés en matière de détention provisoire, notamment avec la création du juge de la détention provisoire. André Gerin a particulièrement insisté là-dessus pour déplorer que l'on n'institue pas la collégialité, tout en espérant que ce soit un jour le cas. Pour ma part, je n'y verrais aucun inconvénient, au contraire. Sans doute faudra-t-il se poser à nouveau la question le jour où nous aurons réussi à remettre à flot toutes les juridictions. On peut en effet considérer que le progrès que représente la création du juge de la détention provisoire serait probablement plus net s'il y avait délibération collective. Mais je voudrais vous rappeler le principe de réalité qui est le mien. J'ai refusé de vous présenter des réformes ou de m'associer à des propositions de réforme qui ne seraient pas financées par les moyens correspondants.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux ! Ce sont des mots !

Mme la garde des sceaux.

Notre justice a trop longtemps souffert de cette disproportion entre les effets d'annonce et les moyens effectifs. Par conséquent, même si cela peut être coûteux, pendant un temps en tout cas, il vaut mieux se contenter de faire ce que nous pouvons faire à un moment donné.

S'agissant des moyens justement, André Gerin, Michel Hunault et Nicole Catala ont souligné à quel point ils étaient importants et je sais gré à M. Hunault en particulier, parce qu'il est dans l'opposition, d'avoir eu l'honnêteté de reconnaître qu'un effort avait été fait ces dernières années. Je suis d'ailleurs la première à dire que cet effort est encore insuffisant, mais il est sans précédent.

J'ai été très intéressée par la suggestion de Mme Catala qui a proposé que les cabinets d'instruction tiennent sur informatique l'état des lieux de la détention provisoire.

En effet, la plupart des cabinets sont aujourd'hui informatisés, la gestion des délais de la détention et de l'instruction fait déjà l'objet d'un suivi informatique, et l'introduction des nouveaux délais que vous allez voter, je l'espère, car vous les avez tous approuvés, ne posera aucun problème précisément parce que les moyens informatiques existent et que les juges d'instruction pourront vérifier sur leur ordinateur.

J'ai aussi noté quelques imprécisions et quelques fausses pistes. S'agissant de la détention provisoire, je tiens à rectifier les chiffres qui ont été donnés. Cela dit, je ne fais pas grief à ceux qui les ont cités car ce sont les propres statistiques de mon ministère qui continuent à établir une confusion - cela ne sera plus le cas cette année - entre les détenus provisoires, qui n'ont jamais été jugés, qui sont là du fait d'un juge d'instruction, et ceux qui sont en attente d'un jugement de la cour d'appel ou de la Cour de cassation. Les chiffres que je vais vous donner reflètent le nombre de détenus à un moment donné et parmi eux le nombre de détenus provisoires. Je raisonne en « stocks », si je puis dire - le mot est affreux, j'en conviens - et non en entrées de détenus provisoires par année.

Au 1er janvier 2000, le nombre total de détenus était de 51 900, dont 31 400 définitivement condamnés. Par différence, ceux que l'on compte comme prévenus étaient donc 20 500. Ceux qui parlent de 40 % de prévenus n'ont par conséquent pas tort. Parmi ces personnes qui ne sont pas définitivement jugées, 14 000 prévenus ont


page précédente page 00902page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

été placés en détention par un juge d'instruction, c'est-àdire 23 % des détenus et non 40 %, 6 000 prévenus condamnés sont en attente d'un appel ou d'une cassation - voyez la différence ! Les autres, soit 500 à 600 prévenus, seront jugés selon une procédure de comparution immédiate. Les prévenus concernés par ce projet de loi, c'est-à-dire ceux qui sont mis en prison par un juge d'instruction, qui n'ont jamais été jugés, sont donc 14 000 - 12 000 dont l'instruction est en cours et 2 000 dont l'instruction est terminée -, soit environ 23 % des détenus. Cela dit, je reconnais avec vous que c'est encore beaucoup trop.

J'ai aussi noté quelques fausses bonnes idées. D'abord, sur la mise en examen, et là je me tournerai vers M. Devedjian, qui a encore une fois évoqué sa suppression. M. Balladur l'avait déjà demandée et, de ce fait, cela avait fait l'objet d'une particulière attention de ma part.

Mais si l'on supprime la mise en examen, nous allons n ous retrouver exactement dans la même situation qu'après la réforme de 1992 : en supprimant l'inculpation pour la remplacer par la mise en examen nous n'avons fait que transférer sur cette dernière tous les défauts que l'on attribuait à l'inculpation. C'est la raison pour laquelle je ne préconise pas la suppression de la mise ene xamen. Je propose, au contraire, d'en repousser l'échéance grâce à la procédure de témoin assisté, qui n'est pas destinée à la remplacer, mais qui permettra de n'utiliser la mise en examen que lorsqu'elle sera vraiment indispensable. Comme son nom l'indique, la procédure de témoin assisté s'adresse à des personnes qui ne seront sans doute pas mises en examen, mais qui pourront être entendues par un juge et assistées par leur avocat.

S'agissant du tribunal de la mise en examen, comme je l'ai expliqué à plusieurs reprises, il serait terrible qu'un tribunal donne son avis sur la mise en examen, car ce serait une sorte de préjugement. Pour la personne qui verrait un tribunal confirmer la mise en examen édictée par un juge d'instruction, ce serait terminé, même si elle devait bénéficier d'un non-lieu par la suite. Certes, je comprends pourquoi une telle idée est avancée - on imagine aller jusqu'au bout du contradictoire, de la procédure d'appel - mais, en l'occurrence, cela se ferait véritablement au détriment du justiciable que l'on veut protéger.

Autre fausse bonne idée - je le dis à l'adresse de JeanPierre Michel, qui n'est plus là mais qui, sans aucun doute, lira attentivement le Journal officiel : la suppression du juge d'instruction. M. Devedjian l'a reconnu luimême, plus personne ne demande cette suppression, ce qui était encore le cas de M. Balladur au mois de juin.

De ce côté-ci de l'hémicycle, je n'ai entendu personne le suggérer. Mais Jean-Pierre Michel, ancien juge d'instruction,...

M. Jacques Floch.

C'est pour cela !

Mme la garde des sceaux.

... l'a fait. Et il a semblé dire que mon plaidoyer en faveur du maintien du juge d'instruction m'avait été soufflé par des collaborateurs.

Premièrement, rien de ce que je dis et rien de ce sur quoi je prends position n'a été déterminé par d'autres que par moi-même.

Deuxièmement, il y a une différence entre Jean-Pierre Michel et moi, comme vous l'avez sans doute compris à la suite du raisonnement que j'ai repris en introduction.

A la question : un seul homme, fût-il juge du siège, peut-il instruire à charge et à décharge ? j'ai répondu : oui, avec les garanties nouvelles que nous donnons. Car nous plaçons le juge d'instruction dans une position différente, dans une position d'impartialité, en accordant beaucoup plus de place à l'avocat et en resituant, par conséquent, l'accusation à sa place.

Je fais confiance aux juges d'instruction. Je constate que les jeunes générations, en particulier, condamnent les comportements qui induisent ce décalage entre les textes qui disposent que les juges d'instruction doivent instruire à charge et à décharge, et la réalité. Ces jeunes juges d'instruction, que je rencontre souvent, sont les premiers à déplorer ces dérives.

Contrairement à beaucoup, je suis optimiste et je parie sur la capacité des juges d'instruction, notamment des jeunes juges d'instruction, à s'approprier cette réforme afin qu'elle puisse aller dans le sens des libertés. Je suis convaincue que, sur le papier, notre système est le meilleur possible. Certes, aucune procédure pénale n'est idéale, puisqu'elle est un compromis entre la protection des justiciables et l'efficacité de l'enquête. Certes, il nous faut réduire ce décalage entre les principes inscrits dans nos lois et leur application. Mais je crois que les juges d'instruction sont capables de le faire, en particulier ceux des jeunes générations. Car ils ont appris que dans notre société plus personne ne peut s'abstenir de rendre des comptes, de dire et d'expliquer ce qu'il fait. C'est peutêtre ce qui me différencie de certains qui, par expérience sans doute, sont devenus plus pessimistes.

M. Devedjian a mêlé le Kosovo, Auschwitz, le drame arménien à l'article 26 du projet relatif aux dispositions réprimant l'atteinte à la dignité d'une victime d'une infraction pénale. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit d'une exagération qui n'avait pas lieu d'être.

M. André Gerin.

D'un dérapage !

Mme la garde des sceaux.

Ce qui est en cause dans cet article 26, c'est l'atteinte à la dignité d'individus qui sont seuls, que personne ne protège. Ce n'est pas l'image tragique, au regard de l'histoire, mais la seule reproduction de circonstances d'un crime portant atteinte à la dignité, telle qu'elle est définie par les textes et la jurisprudence française et européenne.

En tout état de cause, l'amendement que j'ai présenté en deuxième lecture conditionne l'infraction, à l'atteinte grave à la dignité, d'une part, et au fait que la photo ait été réalisée sans l'accord de la victime, d'autre part.

Ces dispositions doivent suffire à exclure, sans contestation possible, de l'incrimination, des témoignages sur les drames de l'histoire. Les craintes de M. Devedjian me semblent donc très excessives et sans objet. Seul compte le respect de cette victime anonyme que personne ne viendra défendre si la loi ne le fait pas.

Enfin, j'ai constaté, lors de ce débat, l'embarras de l'opposition à propos de la réforme constitutionnelle.

J'ai entendu M. Devedjian sur ce sujet. J'ai aussi entendu M. Albertini. André Gerin et Frédérique Bredin ont rappelé avec beaucoup d'éloquence pourquoi il fallait cette réforme constitutionnelle, je ne peux que souhaiter, avec eux, que le blocage de l'opposition soit levé rapidement.

Mais je voudrais dire à M. Albertini que tout n'est pas dans tout. Le texte dont nous parlons aujourd'hui sur la présomption d'innocence n'est pas lié à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. D'autres textes le sont, mais pas celui-ci.

La loi constitutionnelle - la seule d'ailleurs - qui devait être soumise au Congrès le 24 janvier dernier soulevait deux questions simples : voulons-nous que les procureurs et les procureurs généraux soient désormais nom-


page précédente page 00903page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

més comme des magistrats et non pas comme des préfets ? Voulons-nous que le Conseil supérieur de la magistrature, qui gère les carrières des magistrats et qui prend les mesures disciplinaires, soit ouvert sur la société ? A ces deux questions, il y a un peu plus d'un an maintenant, 90 % des députés et des sénateurs ont répondu : oui. Et l'on demandait au Congrès de confirmer le vote positif - ou négatif - émis il y a un an.

En déployant un rideau de fumée, on voudrait laisser penser que les six autres textes de la réforme sont eux aussi soumis au vote du Congrès. Or ce texte sur la présomption d'innocence qui est dans le second volet de la réforme n'est pas lié à la réforme constitutionnelle.

Je vois bien pourquoi l'opposition cherche en permanence à revenir sur cette idée et à procéder à cette

« globalisation ». C'est que le blocage est tellement difficile à justifier !

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais qu'est-ce que c'est que cette polémique ? Arrêtez, c'est vraiment déplacé !

Mme la garde des sceaux.

Dans une démocratie comme la nôtre, il doit y avoir, c'est vrai, une double procédure d'adoption concernant les réformes constitutionnelles. Mais concernant les lois ordinaires et les lois organiques, il appartient à la majorité de faire passer ses projets.

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous voulez les faire passer en force et vous vous étonnez qu'il n'y ait pas eu de Congrès !

Mme la garde des sceaux.

Il n'y a pas « coproduction » sur les projets de loi ordinaires entre la majorité et entre l'opposition.

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument !

Mme la garde des sceaux.

Il convenait de ne pas laisser se confirmer cette « globalisation » qui tend à faire oublier pourquoi il y a eu blocage et pourquoi le Président de la République s'est senti contraint de repousser le Congrès.

Madame Christiane Taubira-Delannon, le sort de la Guyane, vous le savez, ne m'a pas laissée insensible. Des efforts ont été faits : travaux de réhabilitation du TGI de Cayenne ; création de la maison de justice et du droit de Saint-Laurent-du-Maroni ; accès au droit, qui est exemplaires dans ce département ; état civil des Amérindiens.

Sans compter Rémire Mont-Joly, dont l'inauguration a eu lieu en mars 1998.

Enfin, je remercie Catherine Tasca qui a rappelé avec des mots très simples que ce texte est une coproduction entre le Gouvernement et la majorité, coproduction à laquelle ont participé certains des députés de l'opposition.

Ceux-ci avaient fait des propositions très intéressantes que j'avais acceptées en première lecture, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Je les salue ici à l'occasion de la deuxième lecture.

Sans doute ne procéderons-nous pas à dix lectures. Où irions-nous, d'ailleurs ? Mais peut-être finirions-nous par trouver la procédure pénale idéale...

Quoi qu'il en soit, si nous avons su, dans ce débat, rapprocher les uns et les autres, tenir compte des propositions, discuter de la rédaction dans le détail pour éviter que les textes n'aillent pas à l'encontre des objectifs affichés - j'y reviendrai à propos des amendements -, le texte que nous bâtirons emportera un large consensus et aura, de ce fait, d'autant plus de chances d'être appliqué par les acteurs qui seront chargés de l'appliquer, c'est-àdire de le faire entrer dans la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Et dans l'histoire !

M. le président.

La discussion générale est close.

Rappel au règlement

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Sur quel article ?

M. Pierre Albertini.

Sur l'article 58 relatif à l'organisation des débats.

M. le président.

En principe, c'est moi qui organise les débats...

M. Pierre Albertini.

Vous êtes juge de la bonne tenue de ces débats, monsieur le président, et nous vous reconnaissons comme arbitre.

Un de nos collègues, peut-être emporté par une excitation inhabituelle, se tournant vers l'opposition, a pointé un index que je ne veux pas croire vengeur et a fait la remarque suivante : « Ce ne sont pas des démocrates. »

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est scandaleux !

M. Pierre Albertini.

Je considère cette assertion comme absolument inadmissible. Je demande qu'elle soit retirée.

Je ne vous connais pas, cher collègue. Je ne porte sur vous aucun jugement, pas plus que sur votre aptitude à la tolérance, à la démocratie ou aux vertus républicaines.

C'est le cadet de mes soucis, mais je ne peux pas tolérer, au nom de l'opposition et en mon nom personnel, ce genre d'accusation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Albertini, je n'ai pas entendu ces mots et je gage que les services des comptes rendus ne les ont pas entendu non plus...

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je constate avec satisfaction que nous pouvons, enfin, avoir un débat approfondi et serein sur la nécessaire réforme de notre système judiciaire. Mais cette satisfaction est tempérée par le fait qu'il nous manque, à cette heure et à ce stade de nos débats, une vision d'ensemble exacte de l'intention du Gouvernement sur les différents textes concernant la réforme de notre justice.

M. Patrick Devedjian. C'est évident !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous avions souhaité pouvoir faire le point, directement avec vous en commission,


page précédente page 00904page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

pour savoir quelle était l'intention du Gouvernement concernant certains de ses projets qui n'étaient pas définitivement formalisés - je pense aux textes et aux dispositions relatifs à la responsabilité des magistrats.

Le report du Congrès - je parle, bien sûr, au nom de mon groupe, sans doute au nom d'autres parlementaires de l'opposition, mais évidemment pas au nom du Président de la République qui a pris la décision - n'a pas correspondu à une attitude politicienne mais à une volonté, que nous assumons parfaitement, de marquer un temps d'arrêt, nécessaire pour dissiper de nombreux malentendus.

M. Jean-Yves Caullet. Casuiste ! M. Renaud Donnedieu de Vabres. Cela a permis à la gauche, au Gouvernement comme aux parlementaires, de dire que la droite n'était pas favorable à l'indépendance de la justice. Vous pouvez le penser. Vous l'avez dit. Ce n'est pas la réalité.

Nous avons senti, au sein de la magistrature, un trouble très profond et nous avons estimé nécessaire de faire le point, de prendre le temps et de réfléchir plus profondément sur certaines dispositions.

Cette réforme de la justice est nécessaire. Mais ne soyons pas nous-mêmes, ni injustes, ni caricaturaux.

Ne soyons pas injustes. Nous ne devons pas faire des magistrats, ni des avocats, ni des professions judiciaires, ni de la police ou de la gendarmerie les boucs émissaires des dysfonctionnements de notre justice.

M. Pierre Albertini. Très bien ! M. Renaud Donnedieu de Vabres. Sachons parler de nos erreurs, de nos lâchetés. Au législateur de définir les règles, les principes intelligibles, la dépénalisation, de procéder au toilettage des textes. C'est à nous de le faire. Le jugement que certains de nos concitoyens portent sur la justice, ne nous trompons pas, porte davantage sur l'insuffisance de moyens que sur les acteurs de la justice.

Gardons-nous des caricatures. Je le dis solennellement, comme avait su le faire avec force le président Giscard d'Estaing, nous n'acceptons pas ce faux procès sur l'indépendance de la justice que le Gouvernement et la gauche ont fait à la droite parlementaire.

Soyons lucides. Soyons évolutifs. Traquons ce qui est obsolète et inapplicable. Redéfinissons des principes clairs et des règles applicables. Mais ne nous rassurons pas à bon compte. L'invention de nouveaux concepts doit être confrontée à l'épreuve de la réalité. Souvenons-nous, les uns et les autres, avec modestie, que la suppression de l'inculpation, qui devait tout régler au titre de la présomption d'innocence, n'a finalement pas réglé grandchose, puisque nous avons encore à en débattre, et que, si je souhaite le renvoi en commission, c'est parce qu'il me semble que nous avons encore des progrès à faire en ce domaine.

Faisons preuve d'un peu de modestie, d'un peu d'audace également, car rien n'est sacrilège. Nous sommes au milieu du gué. Des progrès ont été accomplis, c'est indéniable. Mais le nouvel équilibre n'est pas solidement et définitivement construit. Passer de la présomption de culpabilité à la présomption d'innocence suppose un combat idéologique, politique, intellectuel, pédagogique fondé sur les réalités. Encore une fois, ne nous rassurons pas à bon compte. Partons de la réalité.

Nous devons rétablir les principes fondateurs de notre droit républicain, posés par les deux phrases essentielles de la Déclaration des droits de l'homme et de la Convention européenne des droits de l'homme : « Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable » et « Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

Notre objectif, en souhaitant en revenir à ces principes, n'est pas d'étouffer une affaire, de s'autoprotéger, de s'amnistier, de s'exonérer de toute responsabilité. Nous devons combattre l'air du temps. Nous devons avoir ce courage. Nous devons combattre les amalgames, les idées fausses, les rumeurs, les condamnations sommaires et définitives, la désignation à la vindicte publique de boucs émissaires ou de victimes expiatoires. Nous devons refuser les règlements de comptes sordides.

Ne nous méprenons pas sur l'attitude de nos concitoyens. Le droit à l'information, au sensationnel, est aujourd'hui plus légitime que les droits de la défense ou de la personne. C'est lui qui prime. Il est d'ailleurs essentiel à la démocratie, à la lutte contre la barbarie, le terrorisme et l'injustice.

Mais nous devons aussi prendre garde à certaines dérives. La présomption de culpabilité a fleuri, comme une sorte de fleur vénéneuse, au milieu du terreau de détritus que produisent les adversaires de la démocratie.

La procédure est perçue comme une lenteur et non comme une garantie. Certes, la vérité est une valeur.

Mais certaines atteintes au respect de la personne sont intolérables, dégradantes, choquantes.

Lorsque la justice a parlé, elle est souveraine. Il faut donc éviter que l'opinion puisse s'ériger en juge de manière instantanée, passionnelle et partiale. Se faire justice soit-même est le pire des remèdes : disons-le avec force. En contrepartie, il faut répondre au besoin de justice, c'est-à-dire d'autorité de la loi. Nous devons ainsi nous attacher à rendre intelligible, compréhensible, accessible, non seulement la décision de justice, mais également la loi. Nous devons aussi nous demander pourquoi nos concitoyens sont parfois si avides de désigner des coupables ou des boucs émissaires. Doit-on y voir la contrepartie à certaines dérives, un effet de balancier, un appétit de vengence ou une soif de pouvoir ? Ce phénomène de meute se produirait-il si nous exercions davantage notre fonction de contrôle ? Pourquoi la magistrature a-t-elle le sentiment d'être concurrencée, injustement méprisée dans ses prérogatives, contrecarrée dans ses initiatives, bridée dans ses possibilités ? N'éludons pas ces questions : elles conditionnent une vraie réforme de la justice. Elles sont en amont de notre débat sur la présomption d'innoncence.

Pourquoi cette motion de renvoi en commission ? Contrairement à ce que vous pouvez penser, il ne s'agit pas d'une manoeuvre dilatoire de l'opposition. Nous considérons plutôt que ce texte, qui comporte un certain nombre d'avancées, est une étape vers une réforme plus profonde, aujourd'hui à portée de main, pour peu que nous acceptions de prolonger un peu la réflexion. Je donnerai trois exemples pour illustrer mon propos.

Tout d'abord, nous devons mieux définir les quatre grandes étapes de la procédure judiciaire aux yeux de nos concitoyens : engager les poursuites et saisir un juge d'instruction, mener l'information et l'instruction, juger et, enfin, appliquer et exécuter la peine.

En fait, deux grands systèmes sont possibles. Le premier proposé par Edouard Balladur, Patrick Devedjian, Philippe Houillon et Pierre Albertini est fondé sur le recours exclusif à la procédure de témoin assisté, la mise en examen équivalant au renvoi devant le tribunal.


page précédente page 00905page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Le second, sans relever du système accusatoire, permettrait de clarifier les responsabilités. On pourrait imaginer une mise en examen prononcée par le parquet et ensuite le renvoi devant le juge d'instruction afin que soient menées l'information et l'instruction. C'est ainsi que nous éviterions les défauts, notamment en termes de coûts, du système accusatoire tout en établissant un distinguo entre la saisine et l'enquête. La typologie serait plus claire pour nos concitoyens. Il y aurait une meilleure identification du rôle de chacun.

Madame la garde des sceaux, cette clarification des responsabilités est une nécessité pour le bon fonctionnement de la justice et pour le justiciable. Le rôle du juge d'instruction instruisant à charge et à décharge pourrait apparaître de manière beaucoup plus claire et évidente. Trop de confusions existent aujourd'hui : confusion des magistrats du parquet et du siège dans la gestion d'un corps administratif unique ; confusion des tâches d'accusation et de justice dans les audiences pénales publiques, puisque le président, qui mène lui-même l'interrogatoire, fait office non pas de juge mais d'accusateur ; confusion des tâches d'investigations et des tâches juridictionnelles en la personne du juge d'instruction.

Madame la garde des sceaux, nous devons traiter le mal à la racine. Nous ne pouvons donc rester au milieu du gué. Or le dispositif de témoin assisté ne clôt pas le débat car la mise en examen, lorsqu'elle sera prononcée dans votre système, sera en fait perçue par l'opinion comme un renvoi devant le tribunal. D'une certaine manière, plus on retarde le moment où la mise en examen sera prononcée, plus celle-ci s'apparentera à un renvoi devant le tribunal.

Juge de la détention ou collégialité ? Sur ce point non plus, le débat n'est pas clos. Que doit-on préférer ? Comment se passera le dialogue entre un juge d'instruction et un juge de la détention ? Quelle sera l'autonomie de ce dernier ? Comment son travail sera-t-il pris en compte ? C'est évident, une réflexion collective et la collégialité permettraient davantage d'aboutir à une décision équilibrée.

Mon deuxième exemple visant à montrer que ce projet est encore « entre deux eaux » porte sur le secret de l'instruction. Faut-il oui ou non maintenir encore le secret de l'instruction ? Si l'on répond par l'affirmative, alors faisons-le respecter ! Tous nous pourrions citer le cas d'une de ces personnes qui, quelques heures après avoir reçu par courrier une lettre de mise en examen, faisait la une de la presse. C'est donc bien qu'il y a eu violation du secret professionnel auquel sont soumis un certain nombre d'intervenants de la justice.

Alors le secret de l'instruction est-il encore une valeur ? Si l'on répond par l'affirmative, il faut déclencher des enquêtes sur la violation du secret de l'instruction.

Mme la garde des sceaux.

Cela se fait !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Si l'on répond par la négative, il faut avoir le courage de le supprimer et d'en tirer les conséquences sur les droits de la défense et de la personne. En tout état de cause, il importe de sortir du système hybride que nous connaissons aujourd'hui.

Mon troisième exemple porte sur les moyens nécessaires à la réforme. Madame la garde des sceaux, nous ne contestons pas les chiffres. Nous avons effectivement noté les augmentations de votre budget ces deux dernières années.

Mme la garde des sceaux.

Trois !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Trois dernières années, en effet. Mais pourquoi ne pas prévoir une loi de programme pour la justice ? Saisissez l'occasion de ce grand débat national, avec ses péripéties, ses accrocs, ses échecs, mais aussi ses succès, pour obtenir du Premier ministre une véritable loi de programme en faveur de cette grande fonction régalienne qu'est la justice.

En effet, madame la garde des sceaux, nombre des mesures prévues dans votre dispositif se heurteront à des problèmes, non pas de volontés individuelles, mais de moyens. Il en est ainsi des dates butoirs, ou de la collégialité, notamment. Dans votre budget, 75 % des crédits sont consacrés à l'administration pénitentiaire, au sens large du terme, et 25 % sont affectés au fonctionnement du système judiciaire, hors fonctionnement des prisons.

En valeur absolue, ce n'est pas considérable. Si donc nous voulons que cette réforme de la justice constitue une priorité absolue, faisons en sorte qu'une loi de programme en définisse le contenu pour les effectifs, les recrutements et les équipements.

En fait, toutes les fonctions régaliennes de l'Etat d evraient bénéficier d'un dispositif spécifique. Elles devraient relever d'une loi de programme que le Gouvernement, ou plus précisément le ministre des finances, ne pourrait pas revisiter à sa guise, par voie réglementaire.

Seul le Parlement aurait le droit de remettre en cause les décisions d'exécution annuelle d'une loi de programme.

Madame la garde des sceaux, saisissez l'occasion de ce débat, tant dans cet hémicycle qu'au coeur de l'opinion, pour prendre en compte cette nécessité et convaincre le Premier ministre.

Si l'on veut faire progresser la réforme de la justice, il f audra aussi entreprendre le toilettage d'un certain nombre de textes. Restaurer l'autorité de la décision de justice, sa sérénité, qui lui confère sa force, son indépendance par rapport à toute pression et toute pensée unique : tels sont les enjeux de notre débat.

Madame la ministre de la justice, votre ministère porte le nom d'une vertu ; c'est le seul. Faisons en sorte que le sentiment de justice progresse, que le système judiciaire soit plus accessible, plus rapide, mieux compris, que chacun de nos concitoyens accepte de croire à la justice de son pays et ne s'érige pas lui-même en juge, et que la présomption d'innocence, principe essentiel d'un Etat de droit soit mieux fondée. A tout cela, il faut encore travailler. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF souhaite le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Donnedieu de Vabres, j'ai apprécié le ton de votre intervention. Vous avez cru bon de préciser que cette motion de renvoi en commission n'était pas une manoeuvre dilatoire. J'y vois, quant à moi, un exercice de style que s'impose de temps en temps l'opposition. Et, après tout, on a vu pire dans le genre. (

« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Albertini.

Ce n'est pas très gentil !

Mme la garde des sceaux.

Mais un exercice de style comporte forcément des figures imposées qui brident le talent et obligent à forcer un peu la note. (« Non ! » sur


page précédente page 00906page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je voudrais revenir sur l'importante question de la médiatisation qui entoure la mise en cause des personnes.

Le secret de l'instruction peut-il être encore opérant aujourd'hui ? C'est l'un des points-clefs de ce débat. Vous considérez, quant à vous, qu'à défaut de le faire respecter, il faut le supprimer. Je rappellerai une fois encore que le secret de l'instruction n'est pas un secret absolu dans la loi. C'est un secret professionnel qui ne s'impose...

M. Jean-Louis Debré.

Il s'impose à toute personne qui participe à l'instruction.

Mme la garde des sceaux.

... qu'à une partie des acteurs en cause : les juges d'instruction et les officiers de police judiciaire.

M. Jean-Louis Debré.

Et les procureurs !

Mme la garde des sceaux.

Oui, bien sûr. Mais il ne s'impose pas aux parties civiles et aux journalistes. Par conséquent, et à condition d'avoir des preuves bien entendu, seuls les acteurs soumis au secret de l'instruction sont susceptibles d'être sanctionnés. A cet égard, sachez que j'ai saisi les instances disciplinaires compétentes chaque fois que j'ai été informée d'une violation de ce secret par des acteurs du système judiciaire et qu'on m'en a apporté des preuves tangibles. Et je continuerai d'agir ainsi.

Mais puisqu'un certain nombre d'acteurs n'y sont pas soumis, le secret de l'instruction ne peut être que partiel.

Il est donc confronté aux impératifs de l'information. Dès lors, la question est en effet de savoir comment éviter le sensationnel. Nous avons tous à l'esprit des reportages sur des personnes plus ou moins connues qui s'apparentaient à une sorte d'acharnement. Qu'elles aient été ou non formellement mises en cause par la justice, on a le sentiment d'une sorte de condamnation à l'avance qui, à l'évidence, fait fi de toute idée même de présomption d'innocence.

Je suis moi-même à la fois choquée et indignée par ces phénomènes. Mais je suis aussi convaincue que le problème de la médiatisation de nos sociétés ne peut être résolu par la procédure pénale. On ferait fausse route en voulant agir ainsi. La procédure pénale peut assurer la publicité et organiser un débat contradictoire au cours duquel l'ensemble des arguments pourra être mis sur la table. Mais elle ne peut rien contre la médiatisation croissante de nos sociétés à laquelle personne d'ailleurs ne peut s'opposer. Ainsi, dans la procédure pénale britannique, le secret de l'enquête, qui devrait être absolu, n'est plus respecté. La médiatisation submerge tout.

Alors que faire ? D'abord, je crois qu'il est bon d'en parler. C'est la raison pour laquelle j'ai relevé ce point de votre propos. Il faudra poser le problème publiquement et demander à nos concitoyennes et nos concitoyens, si ce type de mise en cause, voire d'acharnement, est véritablement fondé.

Je sais que de plus en plus de membres de la presse se posent ce type de question, estimant que cela relève de leurs règles déontologiques. J'ai d'ailleurs vu, pendant l'interruption de séance, un reportage sur France 2 très explicite à cet égard : aujourd'hui la télévision publique et c'est très nouveau - saisit l'occasion de notre débat pour poser ouvertement le problème de la responsabilité des médias et des journalistes, de l'équilibre à trouver entre l'information et ce qui peut apparaître, et qui est quelquefois, une sorte d'acharnement, de course au scoop.

Nous-mêmes, en tant qu'élus de la nation, nous avons le devoir de poser ce problème, non pas pour proposer de fausses solutions qui consisteraient à « museler » la presse - cela, on ne peut pas le faire - ou à modifier la procédure pénale, mais pour engager un vrai débat de société.

Un dernier mot sur les moyens. Je vous remercie d'avoir souligné l'effort consenti par le Gouvernement depuis trois ans sous l'impulsion du Premier ministre qui, je veux le souligner, s'est impliqué personnellement. S'il y a une telle régularité, une telle progression de nos crédits depuis trois ans, c'est parce que le Premier ministre l'a personnellement voulu et a pesé dans les arbitrages budgétaires pour qu'il en soit ainsi.

Vous réclamez une loi de programme. Pourquoi pas ? Mais l'expérience a montré que les lois de programme votées par le Parlement dans le passé...

M. Jean-Luc Warsmann.

Elle vous été refusée en 1997 !

Mme la garde des sceaux.

Ecoutez-moi, monsieur Warsmann,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Ecoutez-nous aussi ! C'est cela le dialogue !

Mme la garde des sceaux.

Essayons d'avoir une discussion. Souvenez-vous du sort qu'a connu la dernière loi de programme : une première année parfaite suivie d'un gel budgétaire !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il faut raisonner à long terme !

Mme la garde des sceaux.

Vous avez proposé le vote de telles lois pour les grandes fonctions régaliennes.

Compte tenu des événements passés, je vous dis que, en tout cas, je préfère, quant à moi, démontrer année après année, avec le soutien personnel du Premier ministre, que nous poursuivons notre effort dans la durée. Nous avons bien conscience que la justice en a besoin. Bien sûr, nous sommes encore loin d'avoir rattrapé les retards qui résultent de vingt, vingt-cinq années, voire plus, d'insuffisante attention accordée à la justice. Nous en sommes tous, par conséquent, collectivement responsables.

Telles sont les deux observations que je voulais faire après votre intervention, monsieur Donnedieu de Vabres, en appréciant le ton que vous avez voulu lui donner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Gerin.

Très bien !

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de réunir en commission, la parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche.

Je reviendrai sur deux points de l'intervention de M. Donnedieu de Vabres.

Il a posé une question assez pertinente mais qui doit être relativisée au regard du contexte, sur le besoin de nos concitoyens de désigner des boucs émissaires et sur les raisons qui conduisent la présomption de culpabilité à prendre très vite le pas sur la présomption d'innocence.

Dans ce débat, on ne peut pas occulter le fait que beaucoup de Français considèrent notre justice comme encore très inégalitaire, que les puissants ne sont pas des justiciables comme les autres. Ils nourrissent encore sur la justice des soupçons qu'il convient de lever.

Si l'on devait établir un lien entre le texte sur les rapports entre la chancellerie et le parquet et ce projet, il serait d'ordre psychologique : les parlementaires ne seront crédibles sur la présomption d'innocence que dès lors


page précédente page 00907page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

qu'ils auront levé la suspicion qui pèse sur les relations qu'entretiennent les politiques avec la justice. C'est pourquoi je regrette profondément le report du Congrès qui représentait, dans l'esprit des Français, une étape à cet égard. Le Gouvernement a montré sa volonté de franchir cette étape avec la suppression de l'instruction individuelle et le fait de soumettre les propositions de nomination par le garde des sceaux à l'avis du CSM. Mais tant que nous n'aurons pas cassé ce lien symboliquement par la loi, monsieur Donnedieu de Vabres, nous resterons toujours suspects au yeux de l'opinion publique. Cette réforme était importante parce que beaucoup pensent encore que l'intérêt que nous portons à la justice est dicté par les affaires liées au monde politique.

Le deuxième point que je veux relever est l'idée, que l'opposition développe depuis le début de la discussion, selon laquelle le texte ne va pas assez loin et qu'il conviendrait de bouleverser profondément la nature de la procédure pénale en France.

Nombre des dispositions du présent projet de loi figuraient déjà dans la loi de 1992 qui a été abrogée, et je remercie M. Devedjian de l'avoir rappelé. A l'époque, M. Balladur était Premier ministre, M. Méhaignerie était ministre de la justice et je crois que c'est M. Houillon qui avait qui avait rapporté le texte.

M. Jean-Luc Warsmann.

La loi était inapplicable !

M. Christophe Caresche.

Mais l'opposition, si d'aventure elle revenait au pouvoir - ce que je ne souhaite pas mettrait-elle en oeuvre ces dispositions ? Je ne le crois pas.

Il est exact que nous ne proposons pas d'aller vers un système accusatoire qui bénéficie d'une sorte d'effet de mode. La modernisation de la justice devrait en passer par là, le système inquisitoire français serait condamné parce qu'il n'est pas adapté.

Ainsi que Mme la ministre l'a signalé, pendant que les pays anglo-saxons introduisent dans leur procédure des éléments qui sont liés au système inquisitoire, de notre côté, nous faisons en quelque sorte un pas vers eux en injectant du contradictoire dans la nôtre. Ce faisant, nous bâtissons un modèle hybride que nous pouvons tout à fait assumer.

Je ne crois pas que le système accusatoire soit la panacée. Il n'est que de voir les dérapages extrêmement préoccupants que connaît la justice aux Etats-Unis. La majorité et le Gouvernement assument donc l'orientation choisie, qui ne correspond certes pas à celle que préconisent les libéraux. Le système anglo-saxon vers lequel ils inclinent repose sur des fondements idéologiques et philosophiques qui ne sont pas les nôtres. En ce sens, nous ne sommes pas là devant un projet entre deux eaux. Il est véritablement abouti.

J'en termine.

M. le président.

S'il vous plaît !

M. Christophe Caresche.

Vous m'accorderez que M. Donnedieu de Vabres n'a pas apporté beaucoup d'arguments pour le renvoi en commission et qu'il s'est plutôt livré à une pétition de principe.

M. le président.

Raison de plus pour être bref, mon cher collègue !

M. Christophe Caresche.

Je demande simplement le rejet de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Gerin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

M. Donnedieu de Vabres nous a fait un discours embarrassé, empreint d'une certaine difficulté à reconnaître que la justice n'est la propriété ni des magistrats ni des responsables politiques mais des seuls justiciables. Vous avez du mal, monsieur, à concevoir que faire progresser le droit n'est le monopole de personne mais la responsabilité de tous. C'est à mon avis le coeur du débat. A cet égard, je vous ai trouvé bien frileux et je me l'explique par le fait que c'est un gouvernement de gauche qui ose avancer sur cette question essentielle.

Mme Frédérique Bredin.

Absolument !

M. André Gerin.

Soyez beau joueur. Départissez-vous de l'attitude défensive que vous avez adoptée pour demander le renvoi en commission.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Elle n'avait rien de défensif !

M. André Gerin.

Les Français ont besoin de sentir qu'il y a une volonté politique claire de faire aboutir ce projet, de le rendre efficace et pertinent. Ils attendent de lar eprésentation nationale qu'elle sache, en certains domaines, dépasser les intérêts partisans. Ce projet est de l'intérêt de la République et de la France. Il faut repousser la notion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les explications de vote qui viennent d'être prononcées et je suis d'accord avec M. Caresche sur deux points.

Le premier, c'est le lien évident de ce texte avec l'ensemble des autres projets portant réforme de la justice.

L'opposition considère depuis le début qu'il n'est pas de bonne méthode de « saucissonner » cette réforme.

Le deuxième point sur lequel je suis entièrement d'accord avec lui, c'est qu'il est vrai que nos concitoyens soupçonnent toujours les politiques de se mêler de la justice. Et si notre collègue recherche les causes de cette suspicion, je vais lui en suggérer une : la volonté de l'actuelle ministre de la justice d'être informée au jour le jour et en détail de l'évolution de toutes les instructions se déroulant sur le territoire français, qui sont dites « affaires signalées », c'est-à-dire qui mettent en cause une personnalité connue.

Je comprends que les Français aient des doutes sur l'intervention des politiques quand ils apprennent que dans l'affaire Dumas, par exemple, le ministère exige, heure par heure, d'être informé.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il y a des caméras cachées place Vendôme !

M. Jean-Luc Warsmann.

Ainsi, dans le projet de loi sur les liens entre le parquet et la chancellerie, Mme la ministre de la justice nous a demandé de voter des dispositions inédites, faisant obligation à tous les procureurs de la République de l'informer en temps réel du détail de toutes les affaires.

Mme Frédérique Bredin.

Parlons de l'Himalaya !

M. Jean-Luc Warsmann.

Voilà des méthodes que l'opposition réformera dès son retour au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


page précédente page 00908page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

J'en viens au point le plus important : les moyens.

Nous allons discuter de mesure dont l'application aura un coût. Une manière saine de légiférer consiste à procéder auparavant à des études d'impact et des évaluations les plus objectives possible des moyens nécessaires.

La réforme ayant été saucissonnée, nous avons une étude d'impact saucissonnée elle aussi ! Nous avons en effet une étude d'impact partielle sur la mise en place du juge de la détention, qui se révèle extrêmement coûteuse.

En revanche, nous n'en avons pas sur l'instauration de l'appel tournant. Je serais très heureux que Mme la ministre de la justice veuille bien confirmer sa conviction d'avoir les moyens nécessaires. Et je souhaiterais, pour la clarté du débat : premièrement connaître les moyens nécessaires en effectifs ; deuxièmement, qu'elle publie ces chiffres et qu'elle nous donne les dates de mise en oeuvre de ces moyens.

Un autre domaine où je souhaiterais disposer d'une étude d'impact est celui de la réduction de la détention provisoire. Nous y reviendrons ultérieurement, mais j'en parle parce que nous avons déjà eu, il y a quelques mois, des débats sur ce sujet. A l'époque, madame la ministre, les chiffres que vous nous avez donnés tout à l'heure sur les différentes catégories de détenus provisoires étaient déjà publics depuis plusieurs années. En revanche, ce qui n'est pas connu, c'est l'impact qu'auront les nouvelles dispositions.

D'où ma deuxième requête : pourrait-on savoir, pour l'année 1999, par exemple, combien de délinquants auraient évité la détention provisoire avec les textes qui nous sont proposés ? Il est important que nous puissions légiférer en connaissance de cause.

Tous ces éléments montrent - et mon collègue Patrick Devedjian en a fait également la démonstration dans la discussion générale - que le texte n'a pas du tout l'ampleur de la réforme générale que mériterait la justice aujourd'hui et qu'il requiert encore de nombreux affinements.

Quant à l'évaluation des moyens et à l'impact des mesures, nous n'avons pas les données nécessaires. C'est pourquoi le groupe RPR votera la motion défendue par M. Donnedieu de Vabres. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Frédérique Bredin.

Ce n'est pas brillant !

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'adoption de cette motion de renvoi en commission n'aboutirait, en fait, qu'à faire deux sortes de victimes : les premières étant les personnes qui ne pourraient pas invoquer les dispositions que nous allons voter sur la présomption d'innocence, les secondes, celles qui, déjà victimes d'infraction, ne pourraient pas faire juger leurs droits le plus rapidement possible.

Parlons d'abord des premières. Je comprends parfaitement qu'on puisse réclamer un examen complémentaire.

Mais je pense aussi à ceux qui, jugés aujourd'hui en assises, ne pourront pas y comparaître une deuxième fois.

La loi leur sera passée devant si l'on attend encore six mois ou un an pour la voter. Je pense à ceux qui sont mis en détention provisoire à tort en application des textes actuels et qui n'ont pas encore la possibilité de demander l'indemnisation du préjudice qu'ils subissent.

Mme Raymonde Le Texier.

Absolument !

M. André Gerin.

Ce n'est pas le problème de l'opposition !

M. Alain Tourret.

Je pense à ceux qui, ayant eu à répondre d'une infraction devant le tribunal, seront relaxés sans pouvoir demander l'indemnisation des frais irrépétibles. Ces personnes seront des milliers à ne pas pouvoir faire triompher leurs droits si la motion de renvoi est votée.

Et les victimes qui pourraient se constituer plus facilement partie civile ? Elles ne le pourront pas ! Celles qui pourraient saisir les commissions chargées de l'indemnisation des victimes, les CIVI ? Impossible ! Comparant les quelques avantages qui pourraient résulter d'un examen complémentaire - il y en a toujours, on pourrait y passer des dizaines d'années - aux attentes qui s'expriment dans la réalité, je me dis que les inconvénients sont bien supérieurs et qu'il faut rejeter cette motion. Il faut naturellement voter rapidement ce texte qui sera une grande loi fondatrice. Il ne faut plus attendre !

M. René Dosière.

On leur a déjà dit !

M. André Gerin.

Ce n'est pas leur problème !

M. Alain Tourret.

Je m'opposerai donc à cette demande de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je tiens à rappeler, madame la présidente de la commission des lois, ce que nous avons été unanimes à dénoncer lorsque la commission a eu à examiner, au titre de l'article 88, nombre d'amendements du Gouvernement.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

On va y venir !

M. Philippe Houillon.

Vous étiez la première à dire que de telles conditions de travail n'étaient pas admissibles et vous deviez le rappeler ici.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Oui !

M. Philippe Houillon.

Je le fais, moi, pour être sûr que les choses soient effectivement dites.

M. Pierre Albertini.

A défaut d'être changées !

M. Philippe Houillon.

Chacun des membres de la commission des lois en était d'accord !

M. Pierre Albertini.

Bien sûr !

M. Philippe Houillon.

Cela seul justifie renvoi en commission.

Quant à M. Tourret, je l'ai écouté, et avec attention nous sommes souvent d'accord. A l'entendre, si nous votons le renvoi, nombre de victimes ne pourront pas faire valoir leurs droits,...

M. René Dosière.

C'est vrai !

M. Philippe Houillon.

... nombre d'accusés ou de condamnés aux assises ne pourront pas faire valoir le nouveau recours.

M. René Dosière.

Il a raison !

M. Philippe Houillon.

Peut-être, mais combien de réformes attendent depuis des années d'être appliquées faute de décrets ?

M. René Dosière.

Ce ne sera pas le cas pour celle-ci !


page précédente page 00909page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. Philippe Houillon.

J'en veux pour exemple, puisqu'il en est aussi question dans ce texte, le bracelet électronique.

M. Jean-Luc Warsmann.

Les empreintes génétiques !

M. Michel Hunault.

C'est un vrai problème !

M. Philippe Houillon.

Le décret n'est pas sorti. Et sur l'aide aux victimes et d'autres lois encore pas de décret ! Il est facile, monsieur Tourret, de voter, comme vous nous y invitez, dans la précipitation et de constater par la suite que les moyens ne suivent pas et que finalement les réformes ne sont pas appliquées. Pour ma part, je préfère attendre quelques semaines de plus afin d'être sûr que les victimes, les condamnés dont vous parliez, bénéficieront effectivement des dispositions votées plutôt que d'adopter aujourd'hui un texte dont nous avons tout lieu de pressentir qu'il ne sera pas appliqué. Toutes ces réformes, M. Warsmann l'a très bien dit, exigent des moyens. Or nous n'avons aucune indication sur ces moyens. La moindre des choses, à plus forte raison lorsqu'un texte a été aussi chamboulé que celui-ci, serait d'avoir un débat un peu plus complet, afin que nous soyons certains de ce que nous allons voter.

Enfin, monsieur Caresche, vous avez tenté de vous livrer à un certain nombre d'amalgames, alors que nous souhaitons tout simplement nous mettre en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, que vous le vouliez ou non, c'est bien le droit positif qui s'applique désormais dans notre pays. De condamnation en condamnation, il faudra bien que la France parvienne un jour à se doter de textes parfaitement conformes à cette convention européenne, et pas simplement à moitié.

Voilà les raisons pour laquelle mon groupe votera la motion de renvoi déposée par l'UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, sur le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Monsieur le président, je n'entendais pas laisser à M. Houillon le privilège de défendre les conditions de travail de la commission des lois. Si je n'ai pas encore évoqué ce dont nous avons parlé ce matin, c'est justement parce que j'attendais que nous abordions l'examen des articles et des amendements.

M. Jean-Luc Warsmann.

Péché avoué est à moitié pardonné !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il me faut en effet vous dire, madame la garde des sceaux, que notre commission a été saisie très tardivement, ce matin même, de plusieurs amendements dont certains étaient suffisamment complexes pour que nous estimions ne pas pouvoir prendre sérieusement position sur leur contenu avant d'avoir été mieux éclairés par vous-même.

C'était le cas également pour certains amendements d'origine parlementaire.

Je saisis donc cette occasion pour appeler l'attention du Gouvernement - la responsabilité ne vous en revient pas à vous seule - sur les réelles difficultés posées par un ordre du jour qui, s'il traduit l'engagement réformateur du Gouvernement et de notre majorité, oblige trop souvent les parlementaires en commission à des délais d'examen nettement insuffisants au regard des problèmes sur lesquels il leur revient de juger afin de se déterminer.

C e matin encore, nous nous sommes retrouvés confrontés à cette situation une fois de plus, allais-je dire,...

M. Pierre Albertini.

Hélas !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... car le fait n'est pas exceptionnel. Madame la garde des sceaux, nous souhaitons que vous vous fassiez l'interprète de notre préoccupation auprès de l'ensemble du Gouvernement. Comme vous avez pu le constater lors de la discussion générale, de nombreux parlementaires se sont fortement impliqués, et de façon positive, dans l'étude de ce texte. Ils veulent pouvoir continuer de le faire en disposant des informations qui leur permettent d'assumer, individuellement et collectivement, toutes leurs responsabilités.

M. Alain Tourret et M. Pierre Albertini.

Très bien ! Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Il est inséré, en tête du code de procédure pénale, un article préliminaire ainsi rédigé :

« Article préliminaire. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie dans le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et de l'équilibre des droits des parties.

« Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

« Les mesures de contrainte dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée, ne pas porter atteinte à la dignité de la personne et être strictement limitées aux nécessités de la procédure.

« Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

« Les atteintes à la présomption d'innocence sont prévenues, limitées, réparées et réprimées selon les dispositions du présent code, du code civil, du code pénal et des lois relatives à la presse écrite ou audiovisuelle.

« L'autorité judiciaire veille à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. »

Mme Christine Lazergues, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté un amendement, no 85, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article préliminaire du code de procédure pénale :

« I. Les personnes qui concourent à la procédure pénale participent à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des principes ciaprès, qui sont mis en oeuvre dans les conditions prévues par la loi.


page précédente page 00910page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

« II. La procédure pénale doit être juste et équitable, respecter le principe du contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.

« Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.

« Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.

« III. L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

« IV. Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.

« Elle a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

« Les mesures de contrainte prises à son encontre doivent l'être sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.

« Ces mesures doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et strictement limitées aux nécessités de la procédure. Elles ne doivent en aucun cas porter atteinte à sa dignité.

« Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

« Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. »

Sur cet amendement, M. Albertini et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un sous-amendement, no 200, ainsi rédigé :

« Compléter l'avant-dernier alinéa du IV de l'amendement no 85 par les mots : "conforme aux engagements internationaux ratifiés par la France". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

85.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La commission des lois souhaite par cet amendemet que nous rétablissions l'article 1er tel que nous l'avions adopté en première lecture. Le Sénat avait quant à lui repris le texte initial du Gouvernement. Nous avions beaucoup travaillé la rédaction de cet article, très important à nos yeux. Ce sera en effet le futur article préliminaire du code de procédure pénale. Aussi avons-nous souhaité qu'il comporte une introduction ; c'est le paragraphe I. Nous avons ensuite tenu à ce qu'il rappelle les principes directeurs, fondamentaux de la procédure pénale, en plaçant la victime au coeur du texte de la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. C'est l'objet du paragraphe III : « L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. »

Vient ensuite un paragraphe IV dans lequel sont énoncés un à un les droits des personnes poursuivies.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Je pense que, sur cet article préliminaire, un accord pourra intervenir, qui conciliera la précision du texte de votre commission des lois et la concision du texte du Sénat.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir le sous-amendement no 200.

M. Emile Blessig.

Le sous-amendement no 200 vise à préciser la notion de « délai raisonnable » qui figure à l'avant-dernier alinéa du paragraphe IV, en indiquant que ce délai devra être conforme aux engagements internationaux ratifiés par la France. La Convention européenne des droits de l'homme, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises dans nos débats, a donné lieu à une jurisprudence extrêmement précise sur ce point, qui tient notamment compte de la complexité des affaires. En nous y référant, nous préciserions utilement la notion de

« délai raisonnable » au caractère par trop forfaitaire et abstrait.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Nous entendons évidemment nous conformer à la Convention européenne des droits de l'homme ; la France, de façon générale, se doit de respecter, dans toutes les dispositions qu'elle prend, les engagements internationaux qu'elle a ratifiés.

Il n'y a pas de raison de mentionner une telle évidence à l'avant-dernier alinéa du IV ou alors il faudrait le faire à chaque alinéa de l'article préliminaire du code de procédure pénale. Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la rapporteuse.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mme la ministre n'a pas répondu aux deux questions que j'ai posées sur l'évaluation, en termes de moyens, des dispositions prévues dans la loi et sur l'impact des mesures proposées pour la détention provisoire.

Je souhaite par ailleurs faire deux remarques. La première concerne la réaction de Mme Lazergues au sousamendement présenté par M. Albertini. L'article 1er , tel que rédigé par l'amendement no 85, rappelle plusieurs principes applicables en droit positif ; je suppose qu'il s'agit là d'une volonté délibérée des auteurs de l'amendement, qui tenaient à poser un certain nombre de grands principes fondamentaux, sans pour autant introduire de grandes nouveautés en droit positif. Dans ces conditions, je ne vois pas d'objection à faire référence à nos engagements internationaux ; à cet égard, le sous-amendement de M. Albertini s'inscrit bien dans la ligne de cet article.

Deuxièmement, Mme Lazergues a expliqué que son amendement reprenait le texte adopté par l'Assemblée. Il y manque cependant le principe du respect de la loyauté de l'enquête et de l'information, ainsi que la référence à des preuves loyalement obtenues. Mon amendement no 33 tendait justement à réintroduire ces précisions. Mais comme celui-ci risque de tomber du fait de l'adoption de l'amendement no 85, je demande à Mme Lazergues si elle veut bien rectifier son amendement. Ce qui rendrait mon amendement no 33 sans objet et du même coup totalement exact l'exposé sommaire de l'amendement no 85 :

« Cet amendement rétablit le texte adopté par l'Assemblée en première lecture ».

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Je souhaite évidemment que les preuves soient loyalement obtenues.

Mais on ne peut demander aux juridictions de le vérifier


page précédente page 00911page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

pour chaque preuve apportée, d'autant que le système français est fondé sur l'intime conviction, non sur des preuves légales. Chaque moyen de preuve y est apprécié en toute liberté. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation le rappelle de façon constante - je cite un de ses arrêts - qu'aucune disposition légale ne permet au juge répressif d'écarter les moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, q u'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante. Dans ces conditions, nous, nous ne pouvons pas préciser comme nous l'avions fait par erreur en première lecture que les preuves doivent être « loyalement obtenues ». Les victimes en particulier sont totalement libres de se procurer leurs preuves comme bon leur semble ; il revient ensuite aux magistrats de voir ce qu'ils en font.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Si l'article 1er comportait une référence générale à la convention européenne des droits de l'homme en précisant que la France s'engageait à en respecter la teneur, je n'aurais pas proposé de sousamendement sur la notion de délai raisonnable. Du reste, ce texte fait état de nombreux principes dont, on l'a souligné, l'effectivité n'est pas nécessairement assurée. Ainsi en est-il du droit pour toute personne condamnée à faire examiner sa condamnation par une autre juridiction, introduit dans le texte avant même que l'on ne décide le principe d'un appel tournant. Vous nous aviez dit, madame la rapporteuse, qu'il fallait précéder le mouvement. Vous n'éprouviez pas alors le scrupule dont vous faites maintenant état...

En fait, mon sous-amendement a surtout une vertu pédagogique. Je n'ignore évidemment pas que la France doit, dans tous les aspects de sa procédure, respecter les engagements internationaux qu'elle a ratifiés. Mais le faitelle ? Si nous étions parfaits, je n'aurais aucune raison de rappeler cette nécessité. Mais c'est précisément parce que nous ne le sommes pas et parce que j'ai l'intime conviction que nous sommes perfectibles que je juge utile de la proclamer.

Nous avons dans notre droit des normes très claires, très précises, très contraignantes et qui, de ce fait, s'interprètent strictement. Mais nous avons également quantité de dispositions dont la vertu reste avant tout d'ordre pédagogique et celle-ci en est une. Je crois nécessaire de bien rappeler que, en matière de conformité à la Convention européenne des droits de l'homme et aux principes qu'elle contient, notre pays ne doit pas rester en arrière, en avançant à pas comptés, contraint et forcé par les condamnations qui s'accumulent. Mieux vaut regarder l'avenir avec optimisme et confiance. Voilà pourquoi je tiens à ce que nous votions sur mon sous-amendement.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il est clair, madame la rapporteuse, que votre amendement ne rétablit pas strictement la rédaction de la première lecture, seulement un texte amputé. Mais, en fait, vous venez d'apporter vous-même le meilleur argument en faveur de ce sous-amendement.

La Cour de cassation, dites-vous, a souligné qu'il n'existait pas dans notre droit de fondements pour écarter des preuves qui n'auraient été loyalement obtenues. Or ce que nous vous proposons a justement pour but d'introduire ce fondement légal. Vous avez pris la précaution de rappeler que vous n'étiez pas pour l'utilisation de preuves déloyales. Eh bien ! nous vous en offrons les moyens légaux... Ce serait un grand progrès, ou plutôt, pour employer votre vocabulaire répétitif, une avancée que de permettre au juge de disposer d'un fondement légal, comme le demande la Cour de cassation, pour écarter les preuves non loyalement obtenues.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 200.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements 33, 32 et 34 de M. Devedjian tombent.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

85. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Le premier alinéa de l'article 80-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art.

80-1. Le juge d'instruction a le pouvoir d'entendre toute personne dont le concours lui paraît utile à la manifestation de la vérité. Il l'avise des faits à l'occasion desquels son témoignage est requis et de la qualification juridique de ces faits. Il lui précise qu'elle a le droit d'être assistée d'un avocat de son choix ou commis d'office et que le nom de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat commis d'office doit être communiqué à son greffe. Elle a l'obligation de répondre aux questions du juge d'instruction, sans toutefois être tenue de témoigner contre elle-même. »

« II. Dans la section I du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale, il est inséré un article 80-2 ainsi rédigé :

« Art.

80-2. Le juge d'instruction, à l'issue de l'instruction, qu'il a conduite à charge et à décharge, rend, s'il y a lieu, une ordonnance de mise en accusation dans laquelle il énumère les faits susceptibles de caractériser la ou les infractions pénales poursuivies et qu'il estime avoir établis à l'encontre de tel témoin convoqué ou entendu à la procédure.

« L'ordonnance de mise en accusation, non frappée d'appel ou confirmée par la chambre d'accusation, vaut ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente.

« III. Dans la première phrase des sixième et septième alinéas de l'article 81 du code de procédure pénale, les mots : "personnes mises en examen" sont remplacés par les mots : "personnes qu'il envisage de mettre en accusation".

« IV. Au début de la cinquième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, les mots : "Lorsque la personne mise en examen est détenue" sont remplacés par les mots : "Lorsqu'une personne est détenue".

« V. Dans la section I du chapitre premier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale, il est inséré un article 80-3 ainsi rédigé :

« Art.

80-3. Si le procureur de la République assortit son réquisitoire d'une demande de placement sous contrôle judiciaire ou de mise en déten-


page précédente page 00912page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

tion provisoire, sa requête énumère, outre les motifs de la mesure sollicitée, les faits susceptibles de caractériser la ou les infractions pénales qu'il poursuit et qui ont pu être établis par les services d'enquête.

« Le tribunal de la liberté examine, en audience publique, les charges alléguées et, s'il les estime suffisantes, les motifs qui fondent la demande de mesure de placement sous contrôle judiciaire ou de mise en détention provisoire, dans les conditions prévues aux articles 102 et suivants.

« Sa décision prise, le tribunal de la liberté transmet le dossier au juge d'instruction désigné pour en connaître.

« VI. Dans le troisième alinéa de l'article 82 du code de procédure pénale, les mots : "de la personne mise en examen" sont supprimés.

« Dans les deux derniers alinéas du même article, les mots "juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "tribunal de la liberté".

« VII. L'article 82-1 du code de procédure pénale est abrogé.

« VIII. Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 91 du code de procédure pénale, les mots : "la personne mise en examen ou toute autre personne visée" sont remplacés par les mots : "toute personne mentionnée".

« IX. L'article 95 du même code est ainsi rédigé :

« Art.

95. Si la perquisition a lieu dans un domicile, le juge d'instruction doit se conformer aux dispositions des articles 57 et 59.

« X. Dans l'article 102 du code de procédure pénale, les mots : ", et hors la présence de la personne mise en examen," sont supprimés.

« XI. Au premier alinéa de l'article 109 du code de procédure pénale, les mots : ", de prêter serment et de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal" sont supprimés.

« XII. 1.

Dans le deuxième alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale, les mots : "ou l'audition de la partie" sont remplacés par les mots : "du témoin".

«

2. Dans les première et deuxième phrases du troisième alinéa du même article, les mots : "de la personne mise en examen" sont supprimés.

«

3. Au huitième alinéa du même article, les mots : "les personnes mises en examen" sont supprimés.

« XIII. 1.

Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 116 du code de procédure pénale, le mot : "comparution" est remplacé par le mot : "audition".

«

2. Dans les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas du même article, les mots : "la personne mise en examen" sont remplacés par les mots : "le témoin".

« XIV. Le premier alinéa de l'article 119 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art.

119. Le procureur de la République peut assister à toute audition. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Ma défense de cet amendement de M. Balladur vaudra l'essentiel des explications pour la suite. Notre collègue ancien Premier ministre propose un dispositif alternatif qui a le mérite de régler les difficultés que pose la présomption d'innocence.

Premièrement, il supprime purement et simplement la mise en examen en généralisant la pratique du témoin assisté et en donnant satisfaction à ce que réclamait tout à l'heure M. Jean-Pierre Michel, c'est-à-dire en reportant l'accusation à la fin de l'enquête.

Deuxièmement, sur la détention provisoire il prévoit une mécanique réellement protectrice de la liberté, ainsi que nous le demandons tous, en instituant un tribunal de la liberté qui statue sur la détention provisoire en audience collégiale et, surtout, publique. La publicité de la décision de mise en détention provisoire apparaît en effet comme un élément de contrôle majeur.

Cet amendement procède, on le sait, d'une philosophie radicalement différente de celle qui sous-tend le projet de loi.

M. Balladur avait espéré - Mme le garde des sceaux y ayant, à défaut de promesses, manifesté quelques signes d'intérêt - que sa proposition permettrait un vrai dialogue entre la majorité et l'opposition sur l'organisation de la présomption d'innocence, le projet de loi apparaissant, dans son ensemble, insuffisamment protecteur des libertés individuelles.

Vous avez, madame la garde des sceaux, parlé du système dit du double regard. Or le fait que le juge d'instruction continue, même indirectement, à participer à la procédure de mise en détention provisoire, puisque c'est lui qui saisit le juge de la détention provisoire, et encore lui et lui seul qui peut ordonner la mise en liberté, n'apporte aucune protection réelle.

Ce n'est, d'ailleurs, pas conforme aux voeux de la commission Truche, auxquels très souvent on se réfère, commission qui avait, à plusieurs reprises, dans son rapport, rappelé le danger de laisser le juge d'instruction qui se trouve dans une autre optique, celle de l'enquête - participer à la procédure de mise en détention provisoire et demandé de manière unanime, qu'il en soit totalement écarté.

Voilà le reproche principal que nous faisons à la philosophie de ce texte.

Il faut bien reconnaître que, jusqu'à présent, personne, ni à droite ni à gauche, n'a franchi le Rubicon. Mais les esprits évoluent, en tout cas, nous, dans l'opposition, sur ce point, nos esprits ont évolué, et c'est une bonne chose.

Nous considérons qu'il n'y aura pas de véritable protection de la présomption d'innocence tant que l'enquêteur mélangera les genres, qu'il sera à la fois Maigret et Salomon, comme l'avait expliqué Robert Badinter. Le dispositif de M. Balladur a cet avantage, précisément, d'écarter définitivement le juge d'instruction de la procédure, qui doit être impartiale, de mise en détention et de le cantonner à ce qui est vraiment sa vocation, l'enquête.

Il ne s'agit pas du tout de le supprimer, car il est très utile, mais d'empêcher le mélange des genres.

Je sais bien que nous sommes en désaccord total sur cette évolution, mais je crois que le dispositif proposé par Edouard Balladur est plus proche de l'esprit de la Convention européenne des droits de l'homme et de sa jurisprudence. Et si l'on parle d'un modèle européen de protection des libertés, tôt ou tard on en viendra à écarter définitivement et totalement le juge d'instruction de la procédure de mise en détention provisoire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


page précédente page 00913page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Si je le suis sur d'autres, M. Devedjian est bien répétitif sur ce sujet !

M. Patrick Devedjian.

C'est la pédagogie qui veut cela !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Je ne crois pas que ce qu'il nous propose constitue une « avancée ». Cela me paraît être plutôt un recul par rapport à ce que nous proposons, nous. Supprimer la mise en examen et faire de tous les inculpés d'autrefois des témoins assistés, si ce n'est pas un recul, c'est pour le moins du sur place ! Nous essayons - sans doute ne sommes-nous pas assez pédagogues - de démontrer qu'en instaurant dans la procédure pénale des paliers, une gradation - le témoin simple, le suspect, le témoin assisté, le mis en examen - il n'y aura pas de confusion des genres. Nous souhaitons que la mise en examen intervienne tard dans le processus, qu'elle n'intervienne que si les indices sont précis, graves ou concordants.

Le système proposé par M. Balladur ne permet pas du tout cela. Il supprime la mise en examen et fait de tout un chacun, dès qu'il est suspect, un témoin assisté. Et l'on revient ainsi à la case départ, c'est-à-dire à la situation actuelle.

M. Devedjian, en même temps que l'amendement no 2, vous avez défendu tout un système. Nous y répondrons peut-être tout à l'heure. Quant à votre amendement, la commission y est tout à fait défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

L'amendement no 2 ne fait que reprendre une proposition que ses auteurs avaient déjà soumise aux débats de première lecture et qui a été repoussée par la représentation nationale, non pas parce qu'elle était présentée par l'opposition mais parce qu'elle n'atteint pas les buts qu'elle s'est elle-même fixés.

L'idée est simple, peut-être d'ailleurs trop simple : la mise en examen est supprimée, au nom de la présomption d'innocence ; toute personne dont le concours paraît utile à la manifestation de la vérité est témoin assisté et a droit à l'accès au dossier ; si les circonstances de l'affaire l'exigent, le contrôle judiciaire ou la détention provisoire sont décidés au vu d'une ordonnace de mise en accusation prise par le juge d'instruction.

Sans reprendre, de façon exhausitve, l'argumentation que j'avais développée lors des débats en première lecture, je veux rappeler simplement qu'à mon sens les effets pervers de ce système l'emportent largement sur des avantages, que l'on a d'ailleurs quelque mal à distinguer.

Tout d'abord, se débarrasser de l'expression « mise en examen » ne suffira pas à faire disparaître la réalité objective qu'elle recouvre, comme la suppression du recours au terme « inculpé » n'a pas fait disparaître l'opprobre pesant sur la réalité sémantique qui l'a remplacé, en l'occurrence cette « mise en examen » que l'on veut faire disparaître aujourd'hui. Donc ne répétons pas les erreurs d'hier.

Au contraire, si dans une procédure toute personne dont le concours paraît utile à la manifestation de la vérité devient un témoin assisté, quel que soit le degré de sa mise en cause, ou l'absence de degré d'ailleurs, quels que soient les indices révélant sa culpabilité éventuelle ou l'absence d'indices, alors, cette personne sera touchée par l'opprobre car l'opinion publique, ne pouvant plus faire de distinction, verra immédiatement en elle une mise en examen mal dissimulée.

Je me demande aussi pourquoi il faudrait que toute personne dont le concours paraît utile à la manifestation de la vérité, un simple témoin, par exemple, se voie attribuer le statut de témoin assisté et ait donc accès au dossier, au risque d'entraver les investigations, risque non négligeable en cas de réseau ou de criminalité organisée, mais surtout de faire peser une suspicion sur lui.

J'arrêterai là mes explications. Comme je l'avais indiqué en première lecture, j'ai l'impression que les auteurs de cet amendement n'ont pas bien évalué, d'une part, les avancées déjà réalisées par le projet de loi et, d'autre par t, les nouvelles propositions du Gouvernement relatives à la mise en examen, que j'ai évoquées dans mon discours, et qui me paraissent vraiment apporter des garanties plus tangibles par rapport au but que vous poursuivez qui est d'éviter que la mise en examen ne soit prononcée lorsqu'elle n'est pas véritablement nécessaire.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Ce que propose M. Devedjian et les autres auteurs de cet amendement est moins protecteur que le texte qui nous est soumis.

Cette innovation qu'est l'élargissement de la catégorie des témoins assistés permettra à chacun, s'il est mis en cause dans un réquisitoire nominatif, ou par une plainte ou par la victime, d'avoir accès à son dossier, d'avoir droit à une confrontation. C'est donc un procédé extrêmement protecteur de la personne. Que la mise en examen soit réservée aux cas où il y a des indices précis, graves ou concordants, sauf si la personne le demande, qu'un entretien préalable soit prévu, comme le propose le Gouvernement, avant la mise en examen, institue une gradation en fonction du déroulement de l'enquête, gradation qui est beaucoup plus protectrice que le système proposé par l'opposition.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Devedjian a présenté un amendement, no 35, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il instruit à charge et à décharge". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

L'amendement no 35 est satisfait à l'article 1er bis qui a été adopté conforme par le Sénat. La commission souhaite, comme M. Devedjian, que le juge d'instruction instruise à charge et à décharge.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. le président.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Devedjian ?

M. Patrick Devedjian.

Je le retire, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 35 est retiré.

Article 1er ter

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 1er ter.


page précédente page 00914page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Article 2 A

M. le président.

Je donne lecture de l'article 2 A :

TITRE Ier

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE C HAPITRE Ier Dispositions renforçant les droits de la défense et le respect du caractère contradictoire de la procédure Section 1 Dispositions relatives à la garde à vue

« Art.

2 A. Le troisième alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre ; il tient à cet effet un registre répertoriant le nombre et la fréquence des contrôles effectués dans ces différents locaux. »

L'amendement no 207 de M. lang n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 2 A. (L'article 2 A est adopté.)

Après l'article 2 B

M. le président.

M. Devedjian a présenté un amendement, no 36, ainsi libellé :

« Après l'article 2 B, insérer l'article suivant :

« Après l'article 62 du code de procédure pénale, il est inséré un article 62 bis ainsi rédigé :

« Art.

62 bis. Dès le début de leur audition, les personnes convoquées sont informées qu'elles ne sont entendues qu'en qualité de témoin. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je retire cet amendement.

M. le président.

L'amendement no 36 est retiré.

Comme l'amendement no 207 de M. Lang n'a pas été examiné, son amendement no 208 à l'article 2 C n'a plus d'objet et l'article 2 C n'a donc pas lieu d'être appelé.

Après l'article 2 C

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, Mme Bredin et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 86 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 2 C, insérer l'article suivant :

« Après le troisième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes gardées à vue doivent être retenues dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine auquel chacun a droit. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 206 et 254, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 206, présenté par M. Albertini et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 86 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne pourra être procédé à des fouilles portant atteinte à son intégrité physique. La personne gardée à vue bénéficiera d'un temps de repos raisonnable et devra être alimentée de manière à conserver toutes ses capacités physiques et mentales. »

Le sous-amendement no 254, présenté par M. Tourret, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 86 rectifié par l'alinéa suivant :

« Il ne pourra être procédé à des fouilles corporelles portant atteinte à leur intégrité physique.

Les fouilles corporelles ne pourront être effectuées q ue sur autorisation du procureur de la République. »

La parole est à Mme Frédérique Bredin, pour soutenir l'amendement no 86 rectifié.

Mme Frédérique Bredin.

Monsieur le président, il s'agit d'ajouter un alinéa à l'article 63 du code de procédure pénale pour bien indiquer que les gardes à vue doivent être effectuées dans des conditions conformes au respect de la dignité humaine auquel chacun a droit.

Dans cet article, certes de portée générale, est visé le droit au repos, le droit à s'alimenter normalement, le droit aussi à ne pas être fouillé dans des conditions indignes, bref le droit au respect de la dignité physique et morale de chacun.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la garde des sceaux. Favorable, je l'ai indiqué dans mon discours introductif.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini pour soutenir le sous-amendement no 206.

M. Pierre Albertini.

L'amendement no 86 rectifié et les deux sous-amendements nos 206 et 254 traitent du même sujet, à savoir les conditions dans lesquelles la garde à vue est opérée. Ils font référence, en des termes plus ou moins précis, au respect de la dignité de la personne, au respect de son intégrité physique.

Nous avons été plusieurs à dénoncer dans la discussion générale le caractère non seulement traumatisant mais déstabilisant que présente la fouille à corps.

Or l'amendement et les deux sous-amendements ont des degrés de précision croissante. L'amendement de Mme Bredin est sympathique, mais il a un caractère assez général : « ... conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine ».

Il faudrait, d'ailleurs, madame la garde des sceaux, plus que vous, interroger, le ministre de l'intérieur sur ce sujet, car c'est lui qui devrait être à ce banc, en ce moment, pour répondre des conditions dans lesquelles s'effectuent les gardes à vue. En effet, vous le savez bien, par le biais des commissions rogatoires et compte tenu de l'usage qui en est fait, le juge d'instruction n'a, sur les conditions de la garde à vue, qu'une vision assez lointaine. Et c'est peu que de dire que, bien souvent, il s'y produit des faits parfaitement condamnables. Mes chers collègues, je crois que nous en conviendrons tous.

La rédaction que j'ai proposée est, me semble-il, plus précise puisqu'elle fait référence notamment à des fouilles pouvant porter atteinte à l'intégrité physique de la personne gardée à vue. Quant à Alain Tourret, il est allé plus loin encore puisqu'il a expressément fait référence à des « fouilles corporelles portant atteinte à leur intégrité physique ».

En tout état de cause, les deux sous-amendements prolongent l'énoncé de simples intentions, et je veux attirer l'attention de l'Assemblée sur l'intérêt que présente celui de M. Tourret.


page précédente page 00915page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. le président.

... qui va le défendre lui-même ! La parole est à M. Alain Tourret, pour défendre le sous-amendement no 254.

M. Alain Tourret.

C'est un moment important que celui de la garde à vue, qui, bien souvent, a été entendue comme un moment de non-droit. C'est le moment de la rupture entre l'état de liberté et celui dans lequel on se trouve soumis à des policiers ou à des gendarmes, dans des conditions qui sont, pas toujours mais souvent, inacceptables et qui ont des conséquences désastreuses sur le plan psychique pour ces gens qui s'en souviennent toute leur vie.

Entrons un peu maintenant dans les détails, même si ce n'est pas l'habitude sur un tel sujet.

Que se passe-t-il quand vous êtes placé en garde à vue ? Après une fouille à corps, on vous dénude, puis on vous fouille corporellement. C'est pratiquement un viol qui est commis dans des conditions légales. Et ça, je ne peux pas le supporter ! Il faut le rappeler crûment ici : c'est ainsi que cela se passe. Je le sais pour avoir connu tant de personnes ayant subi ces atteintes, alors qu'elles n'avaient rien à se reprocher, au seul motif qu'elles auraient pu cacher, dans leur intimité, des sachets de drogue, voire des armes ! De qui se moque-t-on ? Si nous restions dans un cadre purement théorique, la situation perdurerait car le texte de loi dont on ne pourra certes dénier qu'il est généreux, ne sera pas assez précis pour empêcher les pratiques que j'ai décrites.

Je conçois qu'il faille parfois procéder à des fouilles corporelles mais je n'admets pas que ce soit la règle générale. Mon sous-amendement propose donc que ce soit sur autorisation du procureur de la République qu'il soit procédé à des fouilles corporelles portant atteinte à l'intégri té physique de personnes sur lesquelles, je le rappelle, ne pèsent que des doutes. Elles sont 400 000 en France susceptibles d'être concernées. Je demande que les fouilles corporelles ne soient pas la règle générale, mais qu'elles soient décidées en fonction, naturellement, de l'infraction ou de la dangerosité de la personne. Il n'est pas question de les interdire mais de s'interroger sur leur opportunité, au cas par cas. D'où la nécessité de l'autorisation du procureur de la République, car je reste finalement dans la logique de la garde à vue soumise au contrôle de celui-ci.

Lors de la discussion en commission, j'ai expliqué qu'il n'était pas besoin d'autorisation expresse, car il faut pouvoir aller vite. Il n'en est pas moins indispensables, de fournir, des protections à l'individu, des garanties de respect de sa dignité.

J'ai connu des personnes, qui ont siégé ici, et qui ont été démolies par les violences qu'elles ont subies en de telles circonstances.

Voilà pourquoi j'insiste pour que le sous-amendement soit adopté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est une question extrêmement difficile et douloureuse.

Il est exact, monsieur Tourret, que quantité de personnes ont été fouillées dans des conditions absolument indignes alors qu'elles étaient à peine suspectes, voire pas du tout, à l'époque où les témoins simples étaient gardés à vue.

Néanmoins il est difficile d'interdire radicalement les fouilles, ce que ne fait pas, me semble-t-il, le sousamendement de M. Albertini, qui indique simplement qu'il ne pourra être procédé à des fouilles portant atteinte à l'intégrité physique. Ce qui revient à dire aux forces de police et de gendarmerie qu'il y a fouilles et fouilles, et qu'il faut y procéder sans porter atteinte à l'intégrité physique. On peut difficilement être défavorable à ce sousamendement.

M. le président.

Madame la rapporteur, quel est, par conséquent, l'avis de la commission sur les deux sousamendements ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Je préfère celui de M. Albertini, celui de M. Tourret me paraissant difficile à mettre en oeuvre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

M. Tourret et M. Albertini poursuivent le même objectif : éviter que la garde à vue et les fouilles ne soient dégradantes. C'est bien entendu un objectif que l'on ne peut que partager.

Ce qui me gêne dans l'amendement de M. Tourret, c'est la disposition qui prévoit que « les fouilles corporelles ne pourront être effectuées que sur autorisation du procureur de la République ». Il y a là substitution de responsabilité. C'est la police qui est responsable de la garde à vue, et si elle devait téléphoner au procureur à chaque fois, on aurait une confusion des responsabilités qui ne me paraît vraiment pas souhaitable, et qui, probablement, n'offrirait qu'une garantie illusoire parce que le procureur devrait être là tout le temps, ce qui n'est pas son rôle et ne serait au demeurant pas possible.

L'amendement de M. Albertini réaffirme les garanties qu'il faut prendre. On ne peut pas interdire les fouilles, ils l'ont dit tous les deux, elles sont nécessaires pour des raisons de sécurité. Rappeler, comme le fait l'amendement de M. Albertini, qu'il ne peut pas y avoir de fouilles portant atteinte à l'intégrité physique et que l'on doit faire en sorte que les personnes soient alimentées normalement, cela me paraît une bonne chose. Je suis donc, moi aussi, favorable au sous-amendement no 206.

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

En commission des lois, nous ne nous sommes pas prononcés sur le sous-amendement de M. Albertini parce qu'il était prévu qu'un autre sousamendement viendrait en séance publique, et c'était précisément celui de M. Tourret, lequel souhaitait pratiquement interdire les fouilles corporelles, dont il a longuement parlé, faisant une exception s'il y avait autorisation du procureur de la République.

Si le sous-amendement adopté devait être celui de M. Albertini, il faudrait que nous ayons l'assurance que le garde des sceaux a bien entendu ce qui a été dit très fortement par M. Tourret et qui, je crois, est partagé par l'ensemble de ces bancs. Il est beaucoup question en ce moment des circulaires qui seront désormais adressées aux procureurs par le ministre : eh bien ! voilà qui peut faire l'objet d'une circulaire, pour mettre fin à des pratiques indignes.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Compte tenu de ce qu'a dit M. Mermaz, je suis d'accord pour retirer mon sous-amendement.

Mais je souhaiterais que Mme le garde des sceaux s'engage, ici, à préciser par écrit les conditions dans lesquelles doivent être effectuées les fouilles corporelles.

Celles-ci ne doivent pas être systématiques. Il faut qu'elles se fassent ou pas, en fonction de l'état de dangerosité et de l'importance de l'affaire en question. Dans ces conditions, bien évidemment, je retire mon sous-amendement et je me rallie à celui de M. Albertini, dont il ne se distinguait d'ailleurs que dans sa deuxième partie.


page précédente page 00916page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. le président.

Le sous-amendement no 254 est retiré.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Ce que je peux promettre à M. Tourret, c'est de saisir, en effet, mon collègue de l'intérieur - et celui de la défense, pour la gendarmerie - de la nécessité de rappeler les règles qui auront été votées

Mais encore une fois, ce dont il est question ici n'est pas de la responsabilité du procureur.

M. Patrick Devedjian.

Il a le contrôle de la garde à vue !

Mme la garde des sceaux.

Certes, mais il ne peut pas se substituer entièrement et en permanence à ceux qui mènent la garde à vue, sinon, autant confier la garde à vue au procureur de la République. Voilà la difficulté.

M. le président.

Avant de passer au vote, je demanderai à M. Albertini s'il accepterait, pour des raisons de cohérence syntaxique, que son amendement soit mis au pluriel car l'amendement 86 rectifié concerne « les » personnes gardées à vue. Le sous-amendement no 206 devrait donc se lire ainsi :

« Il ne pourra être procédé à des fouilles portant atteinte à leur intégrité physique. Les personnes gardées à vue bénéficieront d'un temps de repos raisonnable et devront être alimentées de manière à conserver toutes leurs capacités physiques et mentales ».

En êtes-vous d'accord, monsieur Albertini.

M. Pierre Albertini.

Bien sûr, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 206 tel qu'il vient d'être rectifié.

(Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'amendement no 86 rectifié, modifié par le sous-amendement no 206 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2 D

M. le président.

« Art. 2

D. I. Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du même code, après les mots : "agent de police judiciaire,", sont insérés les mots : "des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle, ».

« II. Supprimé. »

La parole est à Mme Nicole Catala, induite sur l'article.

Mme Nicole Catala.

S'agissant de l'information de la personne gardée à vue, je regrette que la commission des lois ait choisi de revenir au texte de l'Assemblée. Car le texte du Sénat reprenait mot pour mot les dispositions de l'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme, qui, dans son paragraphe 2, prévoit que « toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ».

Le texte de l'amendement no 87, adopté par la commission, propose simplement d'indiquer à la personne placée en garde à vue « la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête », ce qui est beaucoup moins précis.

En adoptant ce texte, nous serions donc en retrait par rapport à un engagement international ratifié par la France. On a pourtant déjà exprimé ici le souhait que la législation française soit en conformité avec la Convention européenne. Même s'il y a des difficultés pratiques à remplir pleinement les exigences de son article 5, nous devrions au moins sur ce point précis, le transposer littéralement.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Au sein de la commission des lois, les avis exprimés par l'opposition n'étaient pas les mêmes, mais enfin. Dont acte.

Sur le fond, ce qui est gênant dans la formulation de la Convention européenne, ce sont les mots « arrestation » et « accusation portée ». Puisqu'il s'agit précisément de maintenir la présomption d'innocence, mieux vaut ne pas employer des mots aussi lourds de sens et aussi subjectifs.

La formulation retenue par la commission semble beaucoup plus sage.

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 87, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 D :

« I. Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du même code, après les mots : "agent de police judiciaire,", sont insérés les mots : "de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête,". »

« II. Le premier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les dispositions de l'article 77-2 sont également portées à sa connaissance". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Nous souhaitons le retour au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale pour les raisons que Mme Bredin vient d'indiquer.

Notre souci, s'agissant de ces garanties nouvelles apportées à la présomption d'innocence, c'est que rien de subjectif ne puisse laisser penser, dès le début de la procédure, qu'il existe des accusations précises. Notre débat porte en fait sur la traduction de l'anglais au français. En effet, l'article 5-2 de la Convention européenne a d'abord été rédigé en anglais, puis traduit en français. La rédac tion proposée par la commission correspond à peu de chose près au texte de la Convention européenne dans sa version anglaise.

Je le répète, il ne faut pas considérer que la personne qui est gardée à vue est, à proprement parler, accusée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Comme je l'ai dit en commission, nous avons du mal à adapter nos textes à la Convention européenne. Mais je frémis en entendant l'argument avancé pour justifier qu'on ne reprenne pas dans notre droit les termes de son article 5-2. Si j'ai bien compris, la raison en est que ce texte aurait d'abord été rédigé en anglais et que son sens ne serait pas tout à fait le même en français ! L'article 5-2 de la Convention européenne parle bien de « toute personne arrêtée ». Or, la garde à vue, c'est-à-dire le fait de retenir une personne pendant 24 heures ou 48 heures, constitue bien une arrestation. La moindre des choses est que toute personne arrêtée soit informée de ce qu'on lui reproche.

Mais Mme le rapporteur nous dit qu'il est difficile de remplir cette obligation parce qu'on ne sait pas très bien ce que l'on reproche à la personne gardée à vue. Je lis en


page précédente page 00917page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

effet dans l'exposé sommaire de son amendement que

« cette obligation d'information, qui s'impose dans la suite de la procédure, paraît difficile à satisfaire au stade de la garde à vue : en effet, le dossier de la personne gardée à vue est le plus souvent vide. »

Eh bien voyez-vous, je suis un peu inquiet de savoir qu'on peut arrêter quelqu'un en vertu d'un dossier qui est vide, qu'on n'a rien à lui dire, que c'est normal, et que, si on n'applique pas la Convention européenne, c'est simplement parce qu'on a mal traduit l'anglais en français !

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Philippe Houillon.

Je trouve que c'est un peu court, comme explication, madame le rapporteur ! Infiniment trop court !

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. Philippe Houillon.

Il me semble important de reprendre le texte de la Convention européenne, qui a été correctement traduit en français. On sait bien ce qu'une arrestation veut dire, et quand on est gardé à vue, on est bel et bien arrêté. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Lorsque vous êtes gardé à vue, vous avez été, en effet, arrêté, interpellé . On devra dorénavant vous indiquer la nature des infractions qui ont conduit à cette interpellation et à ce maintien dans des locaux de police ou de gendarmerie. Soit dit en passant, c'est d'ailleurs pour cette raison que nous refusons qu'un simple témoin, à qui aucune infraction n'est reprochée, puisse être gardé à vue.

Mais d'un autre côté, quand on est gardé à vue, on n'est pas encore véritablement « accusé », au sens que la langue française donne à ce terme. On est seulement suspecté d'avoir commis telle ou telle infraction : c'est très exactement ce que dit cet amendement.

M. Philippe Houillon.

Quand on est gardé à vue, on est arrêté !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Oui, on est arrêté et suspecté. Mais on n'est pas, en principe, accusé.

M. Patrick Devedjian.

Je suis arrêté et je ne sais pas pourquoi ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Mais si !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Mais si, monsieur Devedjian, on vous dit pourquoi ! On vous informe, dit l'amendement, « de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ».

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Je voudrais simplement compléter l'excellente analyse de M. Houillon. A l'avenir, il faudra des indices pour qu'une personne soit placée en garde à vue. Il sera très important pour elle de savoir si les indices qui ont conduit à son interpellation la mettent en cause en tant qu'auteur, ou complice, ou coauteur de l'infraction, bref, quel est le lien entre les indices qui justifient l'interpellation et l'interrogatoire dont elle est l'objet. L'expression de l'article 5-2 de la Convention européenne, les « accusations portées contre elle », vise exactement ce point-là.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Je crois qu'il faut tout de même laisser à l'enquêteur les moyens de mener son interrogatoire. Celui-ci doit se faire dans des conditions extrêmement correctes, certes, mais pour autant, l'enquêteur n'est pas obligé de fournir d'emblée à la personne gardée à vue l'ensemble des éléments dont elle pourra éventuellement se servir pour se défausser. Ce qui est important, c'est que soit indiquée la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, et qui justifie la garde à vue.

Peut-être ces derniers mots pourraient-ils être ajoutés, mais en tout état de cause, l'enquêteur doit quand même avoir les moyens d'obtenir quelques renseignements.

D'autre part, je reviens sur le terme « accusation ». Il y a en effet une différence entre la notion de soupçon et celle d'accusation. Le mot accusation est extrêmement lourd, et je ne comprends pas bien, mesdames et messieurs de l'opposition, que vous le repreniez à votre compte.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

87. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 D est ainsi rédigé.

Article 2 E bis

M. le président.

« Art. 2 E bis. - L'article 63-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si cette personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également êtrer ecouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité. »

Je mets aux voix l'article 2 E bis.

(L'article 2 E bis est adopté.)

Article 2 G

M. le président.

« Art. 2 G. - I. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 716 du même code est ainsi rédigée :

« Il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail. »

« II. Les dispositions du I entreront en vigueur cinq ans après la publication de la loi no ..... du ..... renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. »

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 88, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 2 G ».

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un amendement de suppression, m ais de déplacement. Les dispositions de l'article concernent les modalités d'emprisonnement. Nous vous proposerons de les adopter lorsque nous débattrons ensemble de la détention provisoire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je n'ai pas d'objection à ce que l'on déplace la discussion, monsieur le président.

(Sourires.)


page précédente page 00918page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 G est supprimé.

L'amendement no 199 corrigé de Mme Catala devient sans objet.

Après l'article 2

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 90 et 66 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 90, présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, Mme Bredin et les commissaires membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, après l'article 63-4 du code de procédure pénale, un article 63-5 ainsi rédigé :

« Art.

63-5. Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.

« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure.

« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »

« II. Dans le dernier alinéa de l'article 77 du même code, après la référence "63-4," est insérée l a référence : "63-5,". »

Sur cet amendement, Mme Catala a présenté un sousamendement, no 244, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'amendement no 90 par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les affaires jugées en cour d'assises, le délai de conservation de l'enregistrement est de vingt ans, ou au moins de la durée d'exécution de la peine par la personne condamnée, majorée d'un an. »

L'amendement no 66 corrigé, présenté par M. Warsmann et M. Devedjian, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« L'article 63-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les interrogatoires sont enregistrés sur bandes magnétiques ».

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no

90.

M me Christine Lazerges, rapporteuse.

Je laisse à Mme Bredin le soin de présenter cet amendement, M. le président.

M. le président.

Vous avez la parole, madame Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Cet amendement rassurera tous les députés sur le déroulement de la garde à vue. Il s'agit de prévoir un enregistrement sonore de la garde à vue, qui sera simplement une pièce versée au dossier. Il ne remplacera absolument pas le procès-verbal, mais constituera un élément objectif auquel il sera possible de se référer en cas de contestation du déroulement de la garde à vue ou si le juge d'instruction a besoin d'informations supplémentaires - quelles questions ont été posées, quelles réponses ont été apportées ? Même si cette disposition peut paraître assez technique, elle constitue, à n'en pas douter, une véritable révolution silencieuse de la garde à vue, en ce qu'elle entraînera une modification des rapports entre la personne qui interroge et celle qui est interrogée.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement no 66 corrigé.

M. Jean-Luc Warsmann.

Les justifications de l'enregistrement sonore ont déjà été données, je n'y reviendrai donc pas. Je souhaite simplement obtenir des informations sur la position des ministres de l'intérieur et de la défense sur la faisabilité de ce qui est envisagé. Sur l'application pratique de ces mesures, quel est l'avis des responsables de la police et de la gendarmerie ? Et quelle est, également, la position des organisations professionnelles représentant la police ?

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala, pour soutenir le sous-amendement no 244.

Mme Nicole Catala. Le délai fixé pour la destruction des enregistrements sonores - cinq ans - me semble un peu court, en particulier si l'affaire a donné lieu à un arrêt de cour d'assise, chacun sait, en effet, que dans ce cas un procès en révision peut avoir lieu. Il serait alors important de pouvoir se référer à un enregistrement sonore. C'est pourquoi je propose que la durée de conservation de cet enregistrement soit portée, pour les affaires jugées en cour d'assise à vingt ans ou à une durée inférieure si la personne condamnée a entièrement effectué sa peine. Cette durée devrait dans ce dernier cas être majorée d'un an, car cette personne pourrait souhaiter demander sa réhabilitation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 244 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

La commission a prévu un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique. Ce délai me semble raisonnable, et l'on pourrait en rester là, pour éviter que les bandes magnétiques soient cause d'encombrement.

M. le président.

Vous êtes donc plutôt défavorable au sous-amendement no 244, madame la rapporteuse ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

En effet.

Mme Nicole Catala.

On ne pourrait donc pas se servir des enregistrements pour les procès en révision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 244 ?

Mme la garde des sceaux.

Le délai proposé me paraît excessif. C'est pourquoi j'y suis défavorable. Au demeurant, une révision peut intervenir plus de vingt ans après les faits, y compris en matière correctionnelle. Je ne vois donc pas la pertinence de ce sous-amendement.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 244.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suppose évidemment que la commission est favorable à l'amendement no 90, qu'elle a adopté, et par conséquent défavorable à l'amendement no 66 corrigé ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

En effet, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?


page précédente page 00919page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Mme la garde des sceaux.

L'amendement no 90 prévoit l'enregistrement sonore des interrogatoires des personnes gardées à vue, mineures ou majeures. J'ai déjà indiqué dans mon discours introductif que je ne m'opposai pas à cette proposition parce que j'adhère à l'objectif d'un meilleur contrôle des gardes à vue. Mais je veux insister sur les difficultés que soulève cet amendement et sur certaines de ses conséquences afin que votre assemblée soit complètement éclairée.

J'observe d'abord que les objectifs recherchés par cet amendement ne sont pas clairement définis. S'agit-il de renforcer le contrôle des gardes à vue alors que seuls les interrogatoires sont enregistrés, et uniquement sous forme sonore ? S'agit-il de garantir la sincérité des déclarations figurant sur le procès-verbal, ce qui ne coïncide pas avec le caractère écrit de notre procédure pénale ? Sur ce deuxième point, je voudrais indiquer que si le procès-verbal de déclaration n'a pas pour but d'être la reproduction intégrale des propos tenus, il doit retranscrire fidèlement, bien que sous forme synthétique, le contenu des propos. Cela vaut ici comme pour les auditions des victimes mineures d'infractions sexuelles, et j'ai d'ailleurs donné cette précision dans la circulaire du 20 avril 1999 qui commentait la loi du 17 juin 1998 sur ce point.

L'intérêt principal d'un enregistrement est donc de vérifier d'éventuelles discordances de fond et non de forme entre les propos tenus et les propos retranscrits dans un procès-verbal signé par l'intéressé, qui accepte ainsi cette retranscription.

A cet égard, l'amendement no 90 précise que l'enregistrement « peut » être écouté sur décision d'un magistrat, ce qui semble indiquer qu'aucun contentieux ne pourrait intervenir si ce magistrat, malgré la demande des parties, refusait cet enregistrement. On peut cependant penser qu'il sera difficile pour la juridiction d'instruction ou de jugement de refuser de faire droit à de telles demandes. Si celles-ci sont faites de façon systématique dans le cadre des audiences de comparution immédiate, cela risque de signifier la fin des procédures en temps réel, qui sont pourtant indispensables pour juger la délinquance urbaine. Une telle difficulté mérite d'être signalée.

Par ailleurs, certaines personnes, sachant que leurs propos seront enregistrés, pourront refuser de parler. Si elles ne refusent pas de parler, l'enregistrement pourra être utilisé contre elles, contrairement au but, du moins je le crois, poursuivi par les auteurs de l'amendement. Ne faut-il donc pas prévoir, comme pour les mineurs victimes, l'hypothèse dans laquelle la personne refuse l'enregistrement ? En conclusion, la question est complexe et la réflexion devra nécessairement progresser, ne serait-ce que pour prévoir un délai d'entrée en vigueur de cette partie de la réforme. Et je souhaite que cette réflexion puisse être menée de façon constructive. C'est pourquoi, malgré les observations que je viens de faire, je m'en remets, pour le vote sur l'amendement no 90, à la sagesse de votre assemblée.

Quant à l'amendement no 66 de M. Warsmann, je n'y suis pas favorable parce que le texte de la commission me paraît plus précis.

M. Warsmann a posé des questions sur les enregistrements sonores. La loi de juin 1998 sur la délinquance sexuelle a introduit le principe de l'enregistrement des mineurs victimes et les ministères de l'intérieur et de la défense ont déjà prévu les modalités pratiques. Du reste, l'enregistrement des mineurs en garde à vue avait déjà été voté en première lecture, ce qui a conduit le Gouvernement à entamer la réflexion sur ses conséquences pratiques.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

J'ai entendu Mme Bredin parler d'une « virtuelle révolution silencieuse ». Je crains que la révolution ne soit de plus en plus virtuelle. J'allais me réjouir un peu tôt de voir que la commission des lois elle-même se soit finalement ralliée à un amendement semblable à celui que j'avais déposé en première lecture, et qui avait été rejeté, après un débat au cours duquel le pour et le contre avaient déjà été assez largement soupesés.

Un des arguments invoqués à l'époque - Dieu merci, il ne l'est pas aujourd'hui - était le coût de cette mesure.

Quand on sait ce que représente l'acquisition d'un m agnétophone pour l'enregistrement sonore, on comprend que la portée d'une telle objection est pour le moins réduite.

En vérité, la question de fond, Mme la ministre vient de le souligner, c'est que le procès-verbal doit être non pas exhaustif mais synthétique, tout en étant fidèle. En pratique, la façon de poser les questions, que l'on peut faire ensuite disparaître du procès-verbal, l'ordre dans lequel on les pose, l'insistance avec laquelle on revient sur un sujet qui, comme par hasard, laissera ensuite place à une rédaction neutre, tout cela peut profondément travestir le climat psychologique dans lequel se trouve la personne gardée à vue, à plus forte raison si elle est fragile, exposée pour la première fois à cette épreuve - les délin quants professionnels, eux, savent comment la surmonter.

C'est sur les personnes les plus vulnérables que doit porter toute notre attention.

Mme la ministre a souhaité que soit précisée la nature des enregistrements. Nous voulons que l'audition des enregistrements soit possible au cours de la procédure et qu'il soit très difficile de la refuser.

En conclusion, je ne peux pas imaginer un seul instant que les inconvénients, s'ils devaient exister, l'emportent sur les avantages de l'enregistrement sonore.

Madame la ministre, vous avez dit qu'il fallait protéger contre elle-même la personne qui aurait reconnu des faits et vous craignez que l'enregistrement sonore puisse donner une traduction encore plus saisissante qu'un procèsverbal écrit.

Ces méthodes, qui consistent non pas à veiller à l'équilibre d'une procédure ou au respect de la personne humaine, mais à vouloir s'occuper du sentiment profond d'une personne, au besoin contre elle-même et contre les signes extérieurs qu'elle manifeste, nous rappellent de mauvais souvenirs. Cela nous ramène très loin en arrière, à une époque où les méthodes inquisitoriales ne glorifiaient pas ceux qui les pratiquaient ! Très franchement, notre proposition constitue un progrès de nature à rendre l'interrogatoire pendant la garde à vue plus sérieux, plus pondéré qu'il ne l'est, hélas ! quelquefois.

Les ministres de l'intérieur et de la défense ont sans doute dû plaider leur cause depuis quelques semaines et faire valoir toutes les objections de la police et de la gendarmerie à cette petite révolution silencieuse. J'espère, madame la garde des sceaux, que l'Assemblée fera usage de son pouvoir d'écrire la loi et que nous pourrons, ensemble, améliorer les conditions de la garde à vue.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.


page précédente page 00920page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. Philippe Houillon.

M. Albertini vient d'exprimer la crainte que la révolution ne soit que virtuelle. Je crains quant à moi que ce ne soit une révolution silencieuse, c'est-à-dire qu'on n'entende plus parler de cette réforme.

L'amendement no 90, que Mme le rapporteur a défendu, a fait l'objet d'un débat consensuel en commission et même d'un vote unanime. Le problème avait déjà été soulevé lors de la première lecture et vous aviez alors opposé, madame la garde des sceaux, un avis défavorable notamment, mais pas seulement, pour une question de moyens. Aujourd'hui, vous semblez émettre un avis plus consensuel puisque, dans le souci d'améliorer le système des gardes à vue, vous vous en rapportez à la sagesse de l'Assemblée. Mais, dans votre argumentation, vous avez surtout décliné des mises en garde, souligné les nombreuses difficultés que la proposition soulevait.

Mme la garde des sceaux.

Eh oui !

M. Philippe Houillon.

Ainsi, vous avez objecté qu'il fallait faire attention à l'intérêt de la personne entendue ; un enregistrement pouvant être utilisé contre elle. Comme si c'était différent pour les procès-verbaux !

Mme la garde des sceaux.

Ce n'est pas la même chose.

M. Philippe Houillon.

Je ne suis pas sûr que cette réponse soit des plus sensées.

Cela étant, vous nous devez la vérité, vous qui parlez toujours de transparence. De deux choses l'une, ou nous n'aurons ni décret d'application ni moyens mis en oeuvre compte tenu de vos préventions, auquel cas, il vaut mieux le savoir avant de voter ce texte.

Mme la garde des sceaux.

Ce sont des pratiques d'un autre âge.

M. Philippe Houillon.

Ou bien, nous disposerons des moyens ainsi que des décrets et ce texte sera effectivement appliqué.

Des questions pertinentes ont été posées tout à l'heure sur les réactions de vos collègues de la défense et de l'intérieur, et sur celles des syndicats de police. Nous ne pouvons pas nous contenter de la liste de préventions que vous nous avez dressée. Etes-vous, oui ou non, en mesure de nous promettre que les décrets vont suivre et que les moyens seront débloqués ? Si vous ne pouvez pas vous engager, je crains que cette révolution ne soit en effet virtuelle et silencieuse.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

M me Frédérique Bredin.

L'avancée que propose l'amendement no 90 n'est pas virtuelle, elle est réelle.

En première lecture, l'Assemblée avait proposé cette mesure pour les mineurs. En deuxième lecture, nous proposons qu'elle soit étendue à l'ensemble des personnes gardées à vue. Pourquoi ? D'abord, pour se donner les moyens d'un contrôle, en cas de contestation, sur le déroulement même de la garde à vue, sur la nature des échanges. C'est un vrai changement de culture. Il faut savoir comment sont notamment menés les interrogatoires, et je pense bien sûr aux questions mais aussi aux réponses - les menaces ou les insultes ne sont pas forcément que dans les questions. Un contrôle objectif sera un élément protecteur pour ceux qui posent les questions comme pour ceux qui y répondent.

Ensuite, pour contrôler, toujours en cas de contestation, la conformité du procès-verbal avec les réponses données. Cette amélioration sera précieuse pour la personne mise en cause mais aussi pour le magistrat responsable de l'enquête s'il a besoin d'aller vérifier tel ou tel point qui lui semble important.

Faut-il que la procédure judiciaire change et évolue vers les nouvelles technologies, notamment vers les moyens audiovisuels et informatiques modernes ? Je le crois profondément. On ne va pas changer, du jour au lendemain, la nature de nos procédures, mais introduire des éléments de procédure audiovisuels ou sonores dans les procédures judiciaires constitue une première étape.

Sans doute faudra-t-il réfléchir d'ailleurs à la nature peutêtre trop écrite des procédures de justice.

Un premier pas a été franchi avec le texte traitant des infractions sexuelles sur mineurs. C'est souvent le droit pénal sur les enfants, qu'ils soient victimes ou délinquants, qui progresse le plus vite. Aujourd'hui, franchissons une étape supplémentaire pour l'ensemble du code de procédure pénale.

On nous objecte le refus éventuel de la personne gardée à vue. Mais le cas ne pourra pas se présenter, pas plus que la personne gardée à vue ne peut refuser d'être en garde à vue. La garde à vue se déroule dans les conditions fixées par la loi. Personnellement, je considère que l'audiovisuel sera l'aboutissement d'un processus dont l'enregistrement sonore est une première étape importante.

S'agissant des moyens, je ne vois pas comment, à partir du moment où le législateur aura décidé l'enregistrement, une garde à vue pourra s'en dispenser, d'autant plus qu'elle est placée sous le contrôle du procureur et sous le regard vigilant des avocats.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

M. Houillon a entendu certains de mes arguments mais pas tous. Je précise donc que, si j'ai voulu éclairer l'Assemblée sur les conséquences possibles, pas inéluctables mais possibles, de l'amendement qu'elle s'apprête à voter, c'est que je considère de mon devoir de le faire. Je continue en effet à penser qu'il est nécessaire, lorsqu'on vote une disposition de ce genre, de bien être conscient de l'objectif poursuivi mais aussi des effets pervers, le cas échéant, de la décision prise.

Si l'Assemblée vote l'amendement no 90, le Gouvernement appliquera bien évidemment les dispositions qu'il contient.

M. Michel Hunault.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Ce gouvernement applique les lois de la République.

M. Michel Hunault.

Pas toujours !

Mme la garde des sceaux.

Pour les projets de loi, le financement et les dispositions pratiques sont prévus à l'avance ; pour les propositions de loi, les dispositions sont prises postérieurement.

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas toujours le cas ! Vous voulez des exemples ?

M. Patrick Devedjian.

Le bracelet électronique !

Mme la garde des sceaux.

En tout état de cause, il ne fait pas de doute qu'une fois la loi votée elle sera appliquée par le Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

90. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 66 corrigé devient sans objet.


page précédente page 00921page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 89, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 64 du code de procédure pénale, après les mots : "ces interrogatoires," sont insérés les mots : "les heures auxquelles elle a pu s'alimenter". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Sur le registre des gardes à vue sont indiquées les heures pendant lesquelles la personne gardée à vue a pu se reposer. Nous demandons que soient également indiquées les heures auxquelles la personne gardée à vue a pu s'alimenter.

Dans quantité de gardes à vue, les personnes restent à jeûn. Cela ne nous paraît pas conforme au respect de la dignité de chacun. Encore une petite révolution silencieuse !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis très favorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

89. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Après l'article 2 bis

M. le président.

Les amendements nos 209, 210 et 211 de M. Lang ne sont pas défendus.

Article 2 ter

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 2 ter

Je suis saisi de deux amendements identiques, no 91 et 259.

L'amendement no 91 est présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, M. Warsmann et M. Devedjian ; l'amendement no 259 est présenté par M. Devedjian.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rétablir l'article 2 ter dans le texte suivant :

« L'article 4 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par un paragraphe VI ainsi rédigé :

« VI. Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet d'un enregistrement sonore.

L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.

« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure.

« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »

La parole est à Mme la rapporteur, pour soutenir l'amendement no

91.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Nous proposons de revenir au texte adopté en première lecture. Il s'agit de l'enregistrement des auditions des mineurs pendant les gardes à vue. Cet amendement ne fait aucune difficulté, dans la mesure où nous avons adopté la même disposition pour les majeurs.

M. le président.

L'amendement no 259 est-il défendu ?

M. Patrick Devedjian.

Il est défendu, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. Patrick Devedjian.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Jacques Floch.

C'est pour le plaisir. N'est-ce pas, monsieur Devedjian ?

M. Patrick Devedjian.

En effet, pour le plaisir.

Je retire mon amendement no 259 et je me rallie à l'amendement no 91, qui est identique.

Je me félicite de l'évolution de la majorité. En reprenant le procès-verbal de la première lecture, je constate, madame le rapporteur, que vous vous étiez prononcée contre l'enregistrement.

M. Christian Estrosi.

Tout à fait.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Ah non !

M. Patrick Devedjian.

Vous aviez alors déclaré : « Pour l'instant, je donne un avis défavorable. » Mme la garde

des sceaux s'était également montrée défavorable à l'enregistrement, tant pour les majeurs que pour les mineurs.

Les droits de la défense ont donc progressé. Je pense d'ailleurs que c'est par la conjugaison des efforts de l'opposition et d'une partie de la majorité socialiste, en particulier de Mme Bredin.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Si cela pouvait arriver plus souvent...

M. le président.

L'amendement no 259 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no

91. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

L'article 2 ter est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Après l'article 2 ter

M. le président.

Mme Catala a présenté un amendement, no 198, ainsi libellé :

« Après l'article 2 ter, insérer l'article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le dossier de l'instruction doit comporter toutes les pièces réunies par le juge et afférentes à l'affaire en cours. Ces pièces doivent être cotées et paraphées. »

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Certains d'entre vous le savent, il arrive parfois que des pièces - en particulier des rapports de police - ne soient pas immédiatement incorporées au dossier de l'instruction, mais soient conservées par les resp onsables de l'enquête jusqu'au moment qui leur convient.

M. Jacques Floch.

C'est vrai.


page précédente page 00922page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Mme Nicole Catala.

C'est une pratique inacceptable.

Toutes les pièces doivent être incluses dans le dossier, cotées, paraphées et communiquées à la défense dès lors que celle-ci a accès au dossier. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis défavorable.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M. Michel Hunault.

Nous n'en avons pas discuté !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il nous a paru inutile. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Estrosi et M. Robert Galley.

Pourquoi ?

M. Michel Hunault.

Pour quel argument de fond ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Les juges d'instruction interrogés sur le sujet affirment que toutes les pièces sont cotées...

M. Robert Galley et Mme Nicole Catala.

C'est faux !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

... et ils estiment un peu injurieux de prétendre que leurs dossiers sont mal constitués, que certaines pièces ne sont pas cotées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je considère également que cet amendement est inutile car l'article 81 du code de procédure pénale dispose déjà que les pièces du dossier sont cotées « au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction ».

M. Christian Estrosi.

Il ne s'agit pas de cela !

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Je considère que l'amendement présenté par Mme Catala est de bon sens. Je ne vois pas en quoi il est gênant, même s'il n'a pas été apprécié à s a juste valeur en commission. Vous objectez d'ailleurs de votre opposition avec beaucoup de douceur, madame la rapporteuse...

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est déjà prévu dans le code !

M. Louis Mermaz.

Cette disposition est-elle inscrite dans le code de procédure pénale, madame Catala ?

Mme Nicole Catala.

Non !

M. Louis Mermaz.

Ah ! tout le monde n'a pas l'air d'accord.

Dans l'amendement, il est question de toutes les pièces : « Le dossier d'instruction doit comporter toutes les pièces réunies par le juge et afférentes à l'affaire en cours. Ces pièces doivent être cotées et paraphées. »

M. Michel Hunault.

C'est du bon sens !

M. Louis Mermaz.

Mais si Mme la garde des sceaux nous dit que cette disposition figure déjà dans le code, nous serons tous d'accord et Mme Catala retirera son amendement.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ce n'est pas dans le code !

M. Louis Mermaz.

Il faudrait savoir !

M. le président.

Peut-être n'avez-vous pas la même édition...

M. Patrick Devedjian.

Il faut lire le code !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je lis les deux premiers alinéas de l'article 81 du code de procédure pénale :

« Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.

« Il est établi une copie de ces actes ainsi que de toutes les pièces de procédure ; chaque copie est certifiée conforme par le greffier ou l'officier de police judiciaire commis mentionné à l'alinéa 4. Toutes les pièces du dossier sont cotées et inventoriées par le greffier au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction. »

On ne peut être plus clair, je crois.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Dans certaines procédures, et la presse s'en fait parfois l'écho, des pièces, des rapports de police en particulier, sont laissés de côté jusqu'à ce que l'enquête ait suffisamment avancé et, au moment opportun, on les fait ressortir pour aggraver les charges retenues contre la personne mise en examen. C'est inadmissible.

Dès qu'un rapport de police a été établi, il doit être inclus dans le dossier.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Qu'il y ait des dysfonctionnements, c'est toujours possible.

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en train de rédiger la loi. Que des fautes soient commises ici ou là, que la loi ne soit pas toujours respectée, ce n'est pas impossible, mais nous n'avons pas à réinscrire dans la loi des dispositions qu'elle contient déjà.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est insensé ! Vous savez bien qu'une nouvelle loi n'a pas à respecter une loi antérieure !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

La loi est la loi, monsieur Warsmann, et il serait inutile d'adopter une nouvelle fois cette disposition, à moins de vouloir faire peser un soupçon général, fondé sur des accidents particuliers. Ce serait aller au-delà de ce que nous souhaitons, mes chers collègues.

Mme Frédérique Bredin.

Absolument !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il y a une différence entre l'amendement de Mme Catala et le deuxième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, que Mme la garde des sceaux vient de nous lire : l'amendement de Mme Catala prévoit que toutes les pièces doivent être jointes au dossier, alors que le code de procédure dispose que toutes les pièces du dossier sont cotées.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est encore plus contraignant !

M. Patrick Devedjian.

C'est une nuance, mais une nuance capitale : on ne cote que les pièces figurant au dossier ; c'est pourquoi Mme Catala demande que toutes les pièces soient jointes au dossier, après quoi elles seront cotées.

M. Christian Estrosi.

C'est suffisamment clair !

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.


page précédente page 00923page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Heureusement, dans ce débat, certaines questions sont plus importantes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République).

M. Patrick Devedjian.

La liberté est dans les détails !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Tout à l'heure, vous nous avez reproché à plusieurs reprises de rapiécer, de bégayer. En l'occurrence, il s'agit purement et simplement de bégaiement législatif ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République).

M. Michel Hunault.

Vous auriez pu faire l'économie de cette intervention.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Mme Catala a voulu soulever le problème de l'accès en temps réel aux éléments du dossier.

M. le président.

Je crois que tout le monde l'a compris.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il s'est parfois trouvé que des éléments soient portés à la connaissance de personnes extérieures à l'affaire, alors que les défenseurs et les avocats n'en avaient pas connaissance et qu'ils ne figuraient pas au dossier.

M. Michel Hunault.

C'est cela le problème !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Catala.

Franchement, vous ne défendez pas les libertés ! Article 2 quater

M. le président.

« Art. 2 quater . - Après l'article 19-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 19-2 ainsi rédigé :

« Art.

19-2. - L'inspection générale de la police judiciaire, placée sous l'autorité du ministre de la justice, est chargée d'enquêter sur les infractions commises par les officiers de police judiciaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Un décret en Conseil d'Etat fixe sa composition. »

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 92, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 2 quater. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Nous demandons que l'article 2 quater soit supprimé, parce qu'il relève du troisième volet de la réforme de la justice, à savoir le projet de loi relatif à l'action publique. Il concerne en effet le contrôle de la police judiciaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

92. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 quater est supprimé.

Après l'article 2 quater

M. le président.

Les amendements nos 214, 212 et 213 de M. Lang ne sont pas défendus.

M. Jean-Luc Warsmann.

M. Lang présente beaucoup d'amendements, mais il ne vient pas les défendre ! Et ses amis ne les défendent pas non plus ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Il est en campagne.

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à renforcer la sécurité du transport maritime et à lutter contre les pollutions marines.

Cette proposition de loi, no 2143, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi portant réforme du code civil pour les dispositions relatives à la prestation compensatoire.

Cette proposition de loi, no 2144, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Didier Quentin, une proposition de loi relative à la départementalisation de l'indemnisation des dégâts du gibier.

Cette proposition de loi, no 2145, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de Mme Roselyne Bachelot-Narquin une proposition de loi tendant à rendre obligatoire la mise en place des comités consultatifs compétents sur les problèmes d'intérêt communal.

Cette proposition de loi, no 2146, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Bernard Charles et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à instituer une journée nationale du souvenir des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

Cette proposition de loi, no 2147, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Bernard Accoyer et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative à la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants.

Cette proposition de loi, no 2148, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Elie Hoarau, Mme Huguette Bello et M. Claude Hoarau, une proposition de loi tendant à la création, dans les Caraïbes, le


page précédente page 00924page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

Pacifique et l'océan Indien, d'observatoires régionaux sur les effets du réchauffement climatique dans les territoires de l'outre-mer français.

Cette proposition de loi, no 2149, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Bernard Birsinger et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à combattre l'incitation à la haine homophobe.

Cette proposition de loi, no 2150, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à renforcer le dispositif juridique à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine.

Cette proposition de loi, no 2151, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Bernard Perrut, une proposition de loi relative à la création d'un statut particulier de psychologue de l'éducation nationale.

Cette proposition de loi, no 2152, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Jean-Pierre Michel et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à faciliter l'accès à la nationalité française.

Cette proposition de loi, no 2153, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Roger Meï, et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à rendre obligatoire la gratuité sur les sections autoroutières en milieu urbain et péri-urbain en cas de non-mise en oeuvre d'une véritable politique de développement des transports en commun.

Cette proposition de loi, no 2154, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Renaud Dutreil, une proposition de loi relative à l'augmentation des majorations de durée d'assurance vieillesse pour les mères de famille.

Cette proposition de loi, no 2155, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Eric Doligé, une proposition de loi tendant à renforcer notre dispositif légal de lutte contre les sectes.

Cette proposition de loi, no 2156, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Charles de Courson, un rapport, no 2142, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse (no 1734).

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. André Capet, un rapport, no 2159, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur le projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et p ortant modification du code de l'aviation civile (no 2067).

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Jean Rouger, un rapport, no 2165, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (no 2116).

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Jean Rouger, un rapport, no 2166, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant abrogation de l'article 78 de la loi no 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle (no 2117).

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. Marcel Rogemont, un rapport, no 2167, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi relatif à l'archéologie préventive (no 1575).

4 DÉPÔT DE PROJETS DE LOI ADOPTES PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 9 février 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique.

Ce projet de loi, no 2158, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention.

Ce projet de loi, no 2160, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.


page précédente page 00925

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 9 FÉVRIER 2000

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe).

Ce projet de loi, no 2161, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

Ce projet de loi, no 2162, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

Ce projet de loi, no 2163, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 9 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention, établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

Ce projet de loi, no 2164, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS

M. le président.

J'ai reçu, le 9 février 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

Ce projet de loi, no 2157, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 1743, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : Mme Christine Lazerges, rapporteuse, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2136).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 10 février 2000, à zéro heu re quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants : Communication du 8 février 2000 No E 1396. - Proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial (COM [1999] 638 final).

No E 1397. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la prorogation de la décision no 710/97/CE concernant une approche coordonnée des autorisations dans le domaine des services de communications personnelles par satellite dans la Communauté (COM [1999] 745 final).

No E 1398. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant vingt et unième modification de la directive 76/769/CEE relative à la limitation de la mise sur le marché et l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses (substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction - c/m/r) (COM [1999] 746 final).

No E 1399. - Proposition de directive du Parlement européen et d u Conseil modifiant les directives 85/11/CEE, 92/96/CEE et 93/22/CEE en ce qui concerne l'échange d'informations avec des pays tiers (COM [1999] 748 final).

No E 1400. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc concernant certaines modifications des annexes 2, 3, 4 et 6 de l'accord euro-méditerranéen établissant une a ssociation entre les Communautés et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part (SEC [2000] 101 final).

No E 1401. - Projet de décision de la commission modifiant la décision no 2136/97/CECA de la commission du 12 septembre 1997 relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurg iques en provenance de la Fédération de Russie (SEC [2000] 85 final).