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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Présomption d'innocence. - Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi (p. 933).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 933)

Article 3 bis (p. 933)

Amendement no 15 du Gouvernement, avec le sousamendement no 93 de la commission des lois : Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois ; MM. Jacques Floch, Patrick Devedjian. - Adoption du sous-amendement no 93 et de l'amendement no 15 modifié.

L'article 3 bis est ainsi rédigé.

L'amendement no 260 de M. Devedjian n'a plus d'objet.

Après l'article 3 bis (p. 934)

Amendement no 94 de la commission : Mme la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 3 ter (p. 934)

Amendement no 16 du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse, MM. Patrick Devedjian, Alain Tourret, Mme Frédérique Bredin. - Adoption.

L'article 3 ter est ainsi rédigé.

Article 4 bis. - Adoption (p. 936)

Après l'article 4 bis (p. 936)

Amendement no 17 du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse. - Adoption.

Amendement no 18 du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse, M. Patrick Devedjian. - Adoption.

Après l'article 4 ter (p. 937)

Amendement no 19, deuxième rectification, du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse, M. Alain Tourret. - Adoption.

Article 4 quater (p. 938)

Amendement no 236 de M. Houillon : M. Pierre Albertini,

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 4 quater.

Article 4 quinquies. - Adoption (p. 938)

Article 5 (p. 938)

L'amendement de suppression no 3 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Amendement no 95 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, MM. André Gerin, Jean-Pierre Michel. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Après l'article 5 (p. 939)

Amendement no 96 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 5 bis (p. 939)

Amendement de suppression no 237 de M. Houillon : M. Pierre Albertini, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 226 du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse. - Adoption.

Adoption de l'article 5 bis modifié.

Après l'article 5 bis (p. 939)

Amendement no 229 du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse. - Adoption.

Avant l'article 5 ter (p. 940)

Amendement no 100 de la commission : Mme la rapporteuse, MM. Jacques Floch, Pierre Albertini, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 5 ter (p. 941)

Amendement de suppression no 97 de la commission. Adoption.

L'article 5 ter est supprimé.

Article 5 quater (p. 941)

Amendement de suppression no 98 de la commission. Adoption.

L'article 5 quater est supprimé.

Article 5 quinquies (p. 942)

Amendement de suppression no 99 de la commission. Adoption.

L'article 5 quinquies est supprimé.

Article 6 (p. 942)

L'amendement de suppression no 4 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 6.

Article 6 bis (p. 942)

Amendement de suppression no 101 de la commission :

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 6 bis est supprimé.

Article 7 (p. 943)

L'amendement de suppression no 5 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Amendement no 102 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 103 de la commission : Mmes la rapporteuse, Frédérique Bredin, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 104 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 20 du Gouvernement, avec le sousamendement no 105 de la commission : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse. - Adoption du sous-amendement no 105 et de l'amendement no 20 rectifié et modifié.

Adoption de l'article 7 modifié.


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Après l'article 7 (p. 945)

Amendement no 233 de M. Houillon : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Rejet.

Après l'article 8 (p. 945)

Amendement no 37 de M. Devedjian : Mmes Jacqueline Mathieu Obadia, la rapporteuse, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 38 de M. Devedjian : Mmes Jacqueline Mathieu Obadia, la rapporteuse, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 258 de M. Devedjian : Mmes Jacqueline Mathieu Obadia, la rapporteuse, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 106 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Articles 9 A, 9 B, 9 C et 9 bis. - Adoption (p. 946)

Après l'article 9 bis (p. 946)

Amendement no 107 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 9 ter (p. 946)

Amendement no 108 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 9 ter est ainsi rédigé.

Article 9 quater (p. 947)

Amendement no 109 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 9 quater modifié.

Article 9 quinquies (p. 947)

Amendement de suppression no 110 de la commission :

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 9 quinquies est supprimé.

Article 9 sexies (p. 947)

Amendement de suppression no 111 de la commission :

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 9 sexies est supprimé.

Article 9 septies (p. 948)

Amendement de suppression no 112 de la commission :

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 9 septies est supprimé.

Après l'article 9 septies (p. 949)

Amendement no 114 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 113 rectifié de la commission : Mmes la rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 223 rectifié du Gouvernement : Mmes la garde des sceaux, la rapporteuse, MM. Alain Tourret, A ndré Gerin, Patrick Devedjian, Pierre Albertini,

Mme Frédérique Bredin.

Sous-amendement no 265 de Mme Bredin : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux.

Rappel au règlement (p. 953)

M. Louis Mermaz.

M. Pierre Albertini.

Suspension et reprise de la séance (p. 953)

Reprise de la discussion (p. 954)

Mme la garde des sceaux, M. Patrick Devedjian, Mme Frédérique Bredin. - Retrait du sous-amendement no 265.

MM. Alain Tourret, Patrick Devedjian, Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 223, deuxième rectification.

Article 10 A (p. 955)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendement no 115 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, M. André Gerin. - Adoption.

L'article 10 A est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Mme la rapporteuse.

Article 10 B (p. 956)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendement no 116 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, M. André Gerin. - Adoption.

L'article 10 B est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 10 C (p. 957)

Le Sénat a supprimé cet article.

Amendement no 117 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, MM. Alain Tourret, Louis Mermaz, Patrick Devedjian. - Rejet.

L'article 10 C demeure supprimé.

Avant l'article 10 (p. 958)

Amendement no 6 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian,

Mme la rapporteuse. - L'amendement n'a plus d'objet.

Article 10 (p. 958)

Amendement no 7 de M. Balladur : M. Patrick Devedjian,

Mmes la rapporteuses, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 118 de la commission, avec le sousamendement no 201 de M. Albertini : Mme la rapporteuse, M. Pierre Albertini, Mme la garde des sceaux, M. Jean-Luc Warsmann. - Rejet du sous-amendement no 201 ; adoption de l'amendement no 118.

Amendements nos 234 de M. Houillon et amendements identiques nos 39 de M. Devedjian et 216 de M. Lang : M. Patrick Devedjian, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, M. Jean-Luc Warsmann. - Rejets.

Amendement no 235 de M. Houillon : M. Pierre Albertini,

Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 119 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 120 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 121 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 10 modifié.

Après l'article 10 (p. 963)

Amendement no 122 rectifié de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux, M. Alain Tourret. Adoption.

Article 10 bis A (p. 964)

A mendement no 40 de M. Devedjian : M. Jean-Luc Warsmann, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. Retrait.


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Amendement no 125 de la commission : M. Alain Tourret,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 10 bis A modifié.

Après l'article 10 bis (p. 965)

Amendement no 123 de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 10 bis (p. 965)

Le Sénat a suprimé cet article.

A mendements nos 124 de la commission et 194 de M. Heuclin : Mmes la rapporteuse, Frédérique Bredin, la garde des sceaux, MM. Jean-Luc Warsmann, Pierre Albertini, Mme Catherine Tasca, présidente de la commision des lois ; M. André Gerin. - Adoption de l'amendement no 124 ; l'amendement no 194 n'a plus d'objet.

L'article 10 bis est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Après l'article 10 bis (p. 967)

Amendement no 126 rectifié de la commission : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 12 (p. 967)

A mendement no 41 de M. Devedjian : M. Jean-Luc Warsmann, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. Rejet.

Amendements no 127 de la commission et 8 de M. Balladur : Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 127.

M. Pierre Albertini. - Retrait de l'amendement no

8. Adoption de l'article 12 modifié.

Article 13 (p. 968)

A mendement no 42 de M. Devedjian : M. Jean-Luc Warsmann, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. Rejet.

A mendements nos 128 de la commission et 9 de M. Balladur : l'amendement no 9 n'a plus d'objet ; Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 128.

Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 (p. 968)

A mendement no 43 de M. Devedjian : M. Jean-Luc Warsmann, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 10 de M. Balladur. - Retrait.

A mendements nos 129 de la commission et 11 de M. Balladur. - Adoption de l'amendement no 129 ; retrait de l'amendement no

11. Adoption de l'article 14 modifié.

Après l'article 14 (p. 969)

Retrait des amendements nos 13, 14 et 12 de M. Balladur.

Avant l'article 15 (p. 969)

Amendement no 261 de M. Devedjian : M. Jean-Luc Warsmann, Mmes la rapporteuse, la garde des sceaux. Retrait.

Article 15 (p. 970)

Amendement no 130 de la commission : M. Alain Tourret, Mme la garde des sceaux, MM. Pierre Albertini, Jean-Luc Warsmann, Louis Mermaz, Mme la rapporteuse. - Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 973).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 PRÉSOMPTION D'INNOCENCE Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1743, 2136).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion et s'est arrêté à l'amendement no 15 du Gouvernement à l'article 3 bis.

Article 3 bis

M. le président.

« Art. 3 bis. - Dans le premier alinéa de l'article 80-1 du même code, après le mot : "indices" sont insérés les mots : "graves ou concordants" » Le Gouvernement a présenté un amendement, no 15, ainsi libéllé :

« Rédiger ainsi l'article 3 bis :

« L'article 80-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 80-1. - Le juge d'instruction peut mettre en examen toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemb lable qu'elle a participé, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

« Il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les faires, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions prévues par l'article 116 relatif à l'interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-8.

« Le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté. »

Sur cet amendement, Mme Lazerges, rapporteuse de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et d e l'administration générale de la République, et Mme Bredin ont présenté un sous-amendement, no 93, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'amendement no 15 :

« Art. 80-1. - A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices précis, graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi. »

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour soutenir l'amendement no

15.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous abordons un point important, celui de la mise en examen.

Conformément à ce que j'avais indiqué dans un courrier adressé aux parlementaires à la mi-décembre, et conformément à ce que j'ai indiqué dans mon discours introductif, je vous présente un amendement qui réécrit totalement l'article 80-1 du code de procédure pénale.

Cet amendement pose trois principes. Le premier, c'est que le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants de culpabilité ; le deuxième, c'est que le juge d'instruction ne peut procéder à une mise en examen sans avoir préalablement entendu les observations de la personne, ou l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée d'un avocat ; le troisième, c'est que la mise en examen ne doit intervenir que si le recours à la procédure de témoin assisté n'est pas possible.

Il paraît par ailleurs préférable de faire référence à des indices « rendant vraisemblable » la culpabilité de la personne, plutôt qu'à des indices « laissant présumer » cette culpabilité, puisque la personne est « présumée » innocente.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour défendre le sous-amendement no

93.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Ce sous-amendement tend à rendre plus difficile, mais surtout plus précise, la mise en examen. Les qualificatifs « précis, graves ou concordants » indiquent clairement que la mise en examen ne peut intervenir que lorsqu'il est plus que vraisemblable que la personne a participé aux faits, comme auteur ou complice. Autrement dit, nous vous demandons d'ajouter « précis » à l'expression classique : « graves ou concordants ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Mme la garde des sceaux.

Je n'ai pas d'objection à ce que l'on ajoute l'adjectif « précis », mais je voudrais revenir sur l'expression « à peine de nullité » introduite par la commission en tête du texte proposé par mon amendement.

Dans mon esprit, cette expression ne peut pas être comprise comme une possibilité de faire appel de la mise en examen. Elle ne peut que rappeler la possibilité de demander la nullité de la mise en examen dans les conditions dans lesquelles elle est déjà utilisée dans le code de procédure pénale. Il n'y aura donc pas de modification du régime de nullité.

Ces précisions étant apportées, je suis favorable au sous-amendement no

93.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Je voudrais conforter les deux arguments présentés par Mme la rapporteuse et par Mme la garde des sceaux. Cet amendement répond à un double souhait : limiter le côté subjectif de la mise en examen et contrôler celle-ci. Les mots sont importants et, additionnés les uns aux autres, ils permettent d'encadrer cette mise en examen.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, je voudrais revenir sur la notion d'indices « graves et concordants », qui a d'ailleurs inspiré mon amendement no 260 - amendement qui tombera nécessairement si le sous-amendement de Mme Lazerges ou l'amendement du Gouvernement sont adoptés. Une discussion a eu lieu au Sénat à ce propos, et il me paraîtrait dommage qu'on n'en discute pas à l'Assemblée.

La jurisprudence a toujours considéré ces critères comme cumulatifs et non pas alternatifs. Cela signifie que ces indices devaient être graves « et » concordants. Le fait d'avoir des indices concordants, s'ils ne sont pas graves, ne devrait pas permettre la mise en examen.

Dans toute l'histoire de l'inculpation, on a considéré que c'était cumulatif. Or, pour la première fois, c'est alternatif. Cette nouvelle rédaction risque de faciliter la mise en examen.

Mme Frédérique Bredin.

Ce n'est pas exact !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est faux !

M. Patrick Devedjian.

Le « ou » est alternatif ; le « et » est cumulatif, puisqu'on ajoute des conditions. C'est une simple question de grammaire.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Monsieur Devedjian, le « et » de l'article 105 du code de procédure pénale entraînait potentiellement une nullité. Ici, il s'agit simplement de donner une marge de manoeuvre au juge d'instruction qui, bien entendu, « est obligé » de mettre en examen si les indices sont « précis, graves et concordants » et qui « peut » mettre en examen dès lors que les indices sont « précis, graves ou concordants ».

M. Patrick Devedjian.

Vous ouvrez davantage la possibilité de mettre en examen !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il faut bien que la mise en examen ne soit pas automatique, et que, grâce à cette marge de manoeuvre, le magistrat puisse choisir la procédure la mieux adaptée : témoin assisté ou mise en examen.

M. Patrick Devedjian.

Ce sera plus large qu'avant !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Non. Avant, on pouvait mettre en examen sans que les indices soient

« graves et concordants ».

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

93. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 15, modifié par le sous-amendement no

93. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé et l'amendement no 260 de M. Patrick Devedjian n'a plus d'objet.

Après l'article 3 bis

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, et Mme Bredin ont présenté un amendement, no 94, ainsi rédigé :

« Après l'article 3 bis , réinsérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 105 du code de procédure pénale, après les mots : "indices", est inséré le mot : "précis,". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

En effet.

Je mets aux voix l'amendement no

94. (L'amendement est adopté.)

Article 3 ter

M. le président.

« Art. 3 ter - Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 80-1 du code de procédure pénale, sont insérées quatre phrases ainsi rédigées :

« Dans ce cas, le juge doit au préalable informer la personne, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de son intention de la mettre en examen. Dans les trois jours suivant la réception, la personne peut demander à être entendue en présence de son avocat. Le juge est tenu de faire droit à cette demande. A défaut d'une telle demande ou si la personne ne répond pas à la convocation, le juge peut procéder à la mise en examen par l'envoi d'une lettre recommandée. »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 3 ter :

« I. - Il est inséré après l'article 80-1 du même code un article 80-2 ainsi rédigé :

« Art. 80-2. - Le juge d'instruction peut informer une personne par lettre recommandée qu'elle est convoquée, dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois, pour qu'il soit procédé à sa première comparution dans les conditions prévues par l'article 116. Cette lettre indique la date et l'heure de la convocation. Elle donne connaissance à la personne de chacun des faits dont ce magistrat est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée, tout en précisant leur qualification juridique. Elle fait connaître à la personne qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de deman-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

der qu'il lui en soit désigné un d'office, ce choix ou cette demande devant être adressé au greffe du juge d'instruction. Elle précise que la mise en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue de la première comparution de la personne devant le juge d'instruction.

« Le juge d'instruction peut également faire notifier cette convocation par un officier de police judiciaire. Cette notification comprend les mentions prévues à l'alinéa précède ; elle est constatée par un procès-verbal signé par la personne qui en reçoit copie.

« L'avocat choisi ou désigné est convoqué dans les conditions prévues par l'article 114 ; il a accès au dossier de la procédure dans les conditions prévues par cet article. »

« II. L'article 116-1 du même code est abrogé. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Conformément au principe désormais posé par l'article 80-1 interdisant à un juge d'instruction de mettre une personne en examen sans lui permettre de présenter préalablement des observations, la mise en examen par lettre recommandée n'est plus possible sans débat contradictoire préalable. En revanche, il faut permettre au juge d'aviser une personne par lettre recommandée qu'elle est convoquée - dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois pour qu'il soit procédé à sa première comparution, comparution à l'issue de laquelle elle pourra, le cas échéant et après avoir été entendue dans ses explications, être mise en examen. La personne peut, ainsi, sans attendre, choisir un avocat ou en faire désigner un d'office et être assistée par cet avocat qui aura déjà pris connaissance du dossier lors de la comparution.

Il convient par ailleurs d'abroger par coordination l'article 116-1, qui n'a plus d'utilité puisqu'il envisageait l'hypothèse, désormais supprimée, dans laquelle une personne mise en examen par lettre recommandée tardait à être convoquée par le juge et demandait, en conséquence, qu'il soit procédé à sa première comparution.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? Mme Christine Lazerges rapporteuse.

La commission est tout à fait favorable à cet entretien entre le juge d'instruction et la personne que l'on va peut-être mettre en examen. Il n'est d'ailleurs pas du tout obligatoire que cela débouche sur une mise en examen ; c'est peut-être le statut du témoin assisté qui sera choisi. Faire précéder la décision du juge d'un entretien de première comparution, plutôt que de faire succéder cet entretien à une décision du juge, me paraît logique.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Voilà qui illustre les propos que j'avais tenus au moment de la discussion générale et qui m'avaient attiré les sarcasmes de la gauche.

L'article 116-1 est une disposition qui résulte de la loi du 4 janvier 1993 - et contrairement à ce que vous disiez, madame Lazerges, ce n'est pas la droite qui a abrogé les dispositions de la loi du 4 janvier 1993 : c'est vous...

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

La droite en a abrogé une bonne partie ! M. Patrick Devedjian. Il avait donné lieu, de votre côté, à tant de manifestations d'autosatisfaction ! Mais j'aurais tendance à être indulgent parce que ce n'était pas une mauvaise disposition.

M. Jacques Floch. Alors ? M. Patrick Devedjian. Elle demandait à être améliorée.

Seulement, comme toujours en « vibrionnant » et sans même conduire votre réflexion jusqu'à son terme, vous abandonnez toute logique.

L'article 116-1 avait au moins l'avantage de permettre que la mise en examen ait lieu dans une relative discrétion. On évitait à la personne mise en examen par lettre d'être accueillie au cabinet du juge d'instruction par des journalistes et des photographes. Ce n'était pas mal.

Il avait un inconvénient auquel on pouvait remédier.

En réalité, la notification par courrier était souvent extrêmement sommaire et ne donnait pas à la personne mise en examen la possibilité de connaître réellement les charges qui pesaient sur elle, et donc d'organiser sa défense en conséquence. Il eût suffi de modifier cette disposition pour obliger le juge d'instruction à donner une explication plus complète des charges pesant sur la personne pour que les droits de la défense fussent satisfaits.

A u lieu de quoi vous vous dites aujourd'hui, madame Lazerges, qu'on fait passer le procès-verbal de première comparution avant la mise en examen. Mais la première comparution permet le recueil des déclarations spontanées. Or les déclarations spontanées de la personne mise en examen ne peuvent venir que postérieurement à la notification de sa mise en examen. Il est donc d'une absurdité totale de considérer que la première comparution puisse intervenir avant même que la personne connaisse les charges qui pèsent sur elle ; on ne s'exprime qu'au vu des charges qui sont notifiées ! Le fait de procéder à un débat préalable obligera le juge à énoncer les charges avant la mise en examen. Il faut donc que le juge dise ce qu'il reproche avant même qu'il le notifie. Il y a là une incohérence difficilement surmontable.

Par ailleurs, il n'y a pas là de vrai progrès. En effet, lorsque le juge se soumettra à tout le formalisme que demande le débat préalable que vous instaurez, en réalité, son opinion sera déjà faite. La procédure s'en trouvera donc considérablement alourdie. Alors que le juge pouvait procéder avec une relative rapidité sur la simple notification de la mise en examen, vous ralentissez considérablement la durée de la procédure car, bien évidemment, les juges pourront faire peu de mises en examen chaque jour.

Enfin, je vois une contradiction dans ce dispositif. En effet, avec l'organisation d'une sorte de débat préalable, vous commencez à « juridictionnaliser » la mise en examen qui ne sera plus un simple acte administratif. Dès lors, il est tout à fait contradictoire de refuser qu'il soit possible de faire appel de la mise en examen. D'un côté, vous faites, d'une certaine manière, un procès dans le procès, mais de l'autre vous interdisez la voie du recours.

Cela ne me paraît pas sérieux.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Mon avis est exactement opposé à celui de Patrick Devedjian.

En effet, on cherche à avoir un débat contradictoire, à être renseigné et à assurer les droits de la défense. Or, pour la première fois, un article du code de procédure pénale impose précisément, d'abord, d'indiquer non pas les incriminations mais les faits. Cela va permettre une certaine graduation. Après avoir indiqué les faits dont il est saisi, le juge devra préciser les qualifications juridiques et expliquer en quoi faits et qualifications juridiques peuvent entraîner une éventuelle mise en examen.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Grâce à ce dispositif logique et cohérent, la personne qui recevra ce courrier pourra commencer à préparer sa défense et même se faire accompagner d'un avocat. Nous éviterons ainsi, comme nous le souhaitons, les mises en examen abusives, prématurées ou précipitées. Il s'agit de bien préparer le débat contradictoire pour repousser le plus tard possible la mise en examen. Le magistrat instructeur pourra très bien choisir de donner à la personne concernée le statut de témoin assisté. C'est exactement ce que nous souhaitons. Voilà pourquoi je comprends mal les reproches de Patrick Devedjian. Contrairement à lui, je considère que ce dispositif constitue un réel progrès.

Quant aux lettres recommandées, elles étaient le soir même communiquées à la presse.

M. Patrick Devedjian.

Par qui ?

M. Alain Tourret.

Je n'en sais rien ou plutôt je ne le sais que trop, monsieur Devedjian ! Loin d'assurer une certaine confidentialité, elles étaient presque systématiquement communiquées à la presse, du moins dans toutes les affaires un peu importantes.

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas vrai !

M. Alain Tourret.

Alors, supprimons-les ! En outre, avec ce dispositif, la procédure sera contenue dans un certain délai. Ainsi, la personne ne sera pas convoquée trois ou quatre mois après. Il s'agit d'éliminer cette période de non-droit pendant laquelle toutes les rumeurs peuvent s'épanouir.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

On reste stupéfait devant le caractère contradictoire des propos de M. Devedjian. Cela pourrait même faire douter de la bonne foi de l'opposition quant elle parle de renforcer la présomption d'innocence...

Hier, en effet, il demandait, avec d'autres, que l'on supprime la mise en examen ; il nous reproche aujourd'hui que celle-ci soit appelée à devenir trop rare ou pas assez rapide.

M. Patrick Devedjian.

Vous n'avez pas très bien compris mon propos !

Mme Frédérique Bredin.

L'entretien préalable constitue une innovation très importante qui permettra à chacun de s'expliquer devant le juge, assisté éventuellement d'un avocat. On pourra peut-être faire valoir que la mise en examen ne s'impose pas et que la procédure de témoin assisté suffirait.

Pourquoi ne voulez-vous pas reconnaître cette avancée, monsieur Devedjian ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je crois qu'il y a un malentendu. M. Devedjian regrette que la mise en examen par lettre, c'est-à-dire de façon discrète, ne soit plus possible.

M. Patrick Devedjian.

En effet !

Mme la garde des sceaux.

Mais nous n'interdisons pas la mise en examen par lettre. Dans le dispositif antérieur, l'article 116-1 fixait un délai pour la mise en examen par lettre. Avec le nouveau dispositif, cela n'est plus utile puisque la mise en examen ne peut pas être prononcée avant le débat contradictoire. Si le juge décide de mettre en examen la personne concernée au cours du débat, il la préviendra immédiatement oralement. Et il procédera de même s'il lui donne le statut de témoin assisté. En revanche, si le juge a besoin d'un temps de réflexion, la possibilité reste toujours ouverte, après ce débat contradictoire, d'envoyer une lettre à la personne visée pour lui faire part de sa décision différée.

Ainsi, monsieur Devedjian, il sera toujours possible de notifier une mise en examen de façon discrète, par lettre recommandée. Il faudra simplement qu'un débat contradictoire ait eu lieu auparavant.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 ter est ainsi rédigé.

Article 4 bis

M. le président.

« Art. 4 bis I. Non modifié

« II. Dans le premier alinéa de l'article 186-1 du même code, les mots : "l'article 82-1" sont remplacés par les mots : "les articles 82-1 et 82-3". »

Je mets aux voix l'article 4 bis

(L'article 4 bis est adopté.)

Après l'article 4 bis

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 17, ainsi libellé :

« Après l'article 4 bis , insérer l'article suivant :

« I. Les deux premiers alinéas de l'article 116 du code de procédure pénale sont remplacés par les trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'il envisage de mettre en examen une personne qui n'a pas déjà été entendue comme témoin assisté, le juge d'instruction procède à sa première comparution selon les modalités prévues par le présent article.

« Le juge d'instruction constate l'identité de la personne et lui fait connaître expressément, en précisant leur qualification juridique, chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée. Mention de ces faits et de leur qualification juridique est portée au procès-verbal.

« Lorsqu'il a été fait application des dispositions de l'article 80-2 et que la personne est assistée d'un avocat, le juge d'instruction procède à son interrogatoire ; l'avocat de la personne peut présenter ses observations au juge d'instruction. »

« II. Dans la première et la troisième phrase du troisième alinéa de l'article 116, devenu le quatrième alinéa, les mots : "la personne mise en examen" sont remplacés par les mots : "la personne". »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit de modifier les modalités de la première comparution d'une personne devant le juge d'instruction. Ces modifications sont rendues nécessaires par l'instauration d'un débat préalable à toute décision sur la mise en examen.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis très favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« Après l'article 4 bis, insérer l'article suivant :

« Le troisième alinéa de l'article 134 du même code est complété par la phrase suivante :

« La personne est alors considérée comme mise en examen pour l'application de l'article 176. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit d'un amendement de coordination indispensable. La mise en examen ne pouvant intervenir qu'après l'audition de la personne, le simple fait de délivrer un mandat d'amener - pour faire venir de force une personne qui ne répond pas aux convocations ou risque de prendre la fuite - ou un mandat d'arrêt - contre une personne en fuite - ne pourra p lus, contrairement à ce que prévoit actuellement l'article 80-1, être assimilé à une mise en examen.

La personne arrêtée sur mandat d'amener ou d'arrêt pourra ainsi, après avoir été entendue par le juge, bénéficier le cas échéant du statut de témoin assisté, si les explications données au magistrat ont convaincu ce dernier de renoncer à la mettre en examen.

Mais dans l'hypothèse où la personne ne peut être retrouvée avant la clôture de l'information - hypothèse que prévoit l'article 134 du code de procédure pénale, il faut que le juge puisse ordonner le renvoi des intéressés devant la juridiction de jugement s'il existe contre eux des charges suffisantes, conformément à l'article 176 du code de procédure pénale. L'article 134 doit donc être complété à cette fin.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je ne comprends pas bien cette disposition, madame la garde des sceaux. Dès lors que le mandat d'amener ou le mandat d'arrêt ne tient plus lieu de mise en examen, de quelle légitimité peut-on se prévaloir pour se saisir par la force d'une personne et l'obliger à comparaître ? On légitimait la privation de liberté de la personne par son inculpation ou sa mise en examen. En l'absence de celle-ci, où est la légitimité juridique ?

Mme Frédérique Bredin.

Décidément, M. Devedjian regrette la mise en examen !

M. Patrick Devedjian.

Au lieu de polémiquer, faites un peu de droit, madame Bredin ! Vous avez de bons professeurs dans la famille ! (Rires.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Devedjian, la situation ne sera pas différente. Aujourd'hui, l'interpellation, le mandat d'amener ou le mandat d'arrêt valent mise en examen. Désormais, puisque la mise en examen n'est pas possible avant le débat contradictoire, le mandat d'amener ou d'arrêt n'impliqueront pas automatiquement un prononcé de la mise en examen.

M. Patrick Devedjian.

Je comprends.

Mme la garde des sceaux.

Il est probable que le juge prononcera ensuite la mise en examen. Mais il pourra aussi décider de s'en tenir au statut de témoin assisté s'il se rend compte que la mise en examen n'est pas justifiée.

Le fait qu'il ait fait amener par la force une personne qui s'était dérobée à sa convocation ne l'obligera à rien.

M. Patrick Devedjian.

Je suis d'accord.

Mme la garde des sceaux.

Sans cet amendement, nous aurions une automaticité de la mise en examen sans débat contradictoire.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

C'est parfaitement cohérent et même indispensable avec ce qui vient d'être voté. Je suis d'accord, madame la garde des sceaux. Mais quel est alors le fondement juridique de l'arrestation ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il est dans le fait que la personne interpellée a voulu se soustraire à la justice, en ne répondant pas à une convocation ou en prenant la fuite.

M. Patrick Devedjian.

Non, puisqu'il est témoin !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

Après l'article 4 ter

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 19, deuxième rectification, ainsi libellé :

« Après l'article 4 ter , insérer l'article suivant :

« I. - Le troisième alinéa de l'article 116 du m ême code, devenu le quatrième alinéa, est complété par une phrase ainsi rédigée : "L'avocat de la personne peut également présenter ses observations au juge d'instruction".

« II. - Le quatrième alinéa de cet article, devenu le cinquième alinéa, est ainsi rédigé :

« Après avoir, le cas échéant, recueilli les déclarations de la personne ou procédé à son interrogatoire et entendu les observations de son avocat, le juge d'instruction lui notifie :

« soit qu'elle n'est pas mise en examen ; le juge d'instruction informe alors la personne qu'elle bénéficie des droits du témoin assisté ;

« - soit qu'elle est mise en examen ; le juge d'instruction porte alors à la connaissance de la personne les faits ou la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés, si ces faits ou ces qualifications diffèrent de ceux qui lui ont déjà été notifiés ; il l'informe de ses droits de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en annulation sur le fondement des articles 81, 82-1, 82-2, 156 et 173 durant le déroulement de l'information et au plus tard le vingtième jour suivant l'avis prévu par le dernier alinéa de l'article 175, sous réserve des dispositions de l'article 173-1.

« III. Au cinquième alinéa de cet article, devenu le sixième alinéa, les mots : "la personne mise en examen" sont remplacés par les mots : "la personne". »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Cet amendement complète la modification de l'article 116 du code de procédure pénale. Désormais, lors de la première comparution, le juge d'instruction, après avoir entendu les observations de la personne assistée de son avocat, décidera soit de l'entendre comme témoin assisté, soit de la mettre en examen, et il l'informera des droits qui résultent de son statut.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Madame la garde des sceaux, les observations de l'avocat de la personne convoquée par le j uge d'instruction pourront-elles être faites à tout moment ou simplement à la fin de l'audition ? Par ailleurs, devront-elles obligatoirement figurer au procèsverbal du juge d'instruction ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Les conditions seront absolument identiques à celles d'une audition ordinaire, c'està-dire que l'avocat pourra intervenir à tout moment et ses remarques seront inscrites au dossier.

M. Alain Tourret.

Ce n'est pas le cas actuellement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 19, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Article 4 quater

M. le président.

« Art. 4 quater . - L'article 120 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 120. - Le juge d'instruction dirige les interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur de la République et les avocats des parties peuvent poser des questions ou présenter de brèves observations.

« Le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et peut y mettre un terme lorsqu'il s'estime suffisamment informé. Il peut s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la dignitié de la personne.

« Mention de ce refus est portée au procès-verbal.

« Les conclusions déposées par le procureur de la République ou les avocats des parties afin de demander acte d'un désaccord avec le juge d'instruction sur le contenu du procès-verbal sont, par le juge d'instruction, versées au dossier. »

M. Houillon a présenté un amendement, no 236, ainsi rédigé :

« Supprimer le deuxième alinéa du texte propose pour l'article 120 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir cet amendement.

M. Pierre Albertini.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4 quater

(L'article 4 quater est adopté.)

Article 4 quinquies

M. le président.

« Art. 4 quinquies - L'article 121 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la personne mise en examen est atteinte de surdité, le juge d'instruction nomme d'office pour l'assister lors de l'information un interprète en langue des signes ou toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les sourds.

Celui-ci, s'il n'est pas assermenté, prête serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Il peut être également recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec la personne mise en examen. Si la personne mise en examen sait lire et écrire, le juge d'instruction peut également communiquer avec elle par écrit. »

Je mets aux voix l'article 4 quinquies

(L'article 4 quinquies , est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - I. - Non modifié

« I bis . - L'article 156 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf dispositions particulières, les mesures d'instruction ordonnées par le juge pénal obéissent aux règles de procédure civile. »

« II et III. - Non modifiés »

L'amendement no 3 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 95, ainsi rédigé :

« Supprimer le I bis de l'article 5. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il s'agit de supprimer des dispositions introduites par le Sénat et visant à faire en sorte que les expertises obéissent aux règles de la procédure civile.

Sur le fond, l'application du principe du contradictoire aux expertises pénales soulève en effet de très grandes difficultés. Elle risque d'allonger la durée des instructions, au moment même où le législateur recherche l'objectif inverse, sans apporter de réelles garanties supplémentaires.

En outre, le principe semble difficilement conciliable avec les spécificités de la procédure pénale. Imaginez combien il serait pénible d'obliger une victime d'une atteinte à la personne à subir une expertise en présence de l'auteur du viol ou de la tentative de viol ! Je demande donc la suppression du I bis de l'article 5, ne serait-ce que par respect de la victime et de sa dignité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la rapporteuse.

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

Je considère quant à moi qu'il serait dommage de supprimer cette proposition introduite, au Sénat, à l'initiative du groupe socialiste. Il s'agit de faire en sorte que les expertises ordonnées au pénal respectent le principe de la procédure du contradictoire qui vaut pour le civil. Comment en effet discuter d'un rapport d'experts si les parties n'ont pas été associées à son élabo ration, aux constatations de l'expert, à l'échange des arguments ? Le risque de perte de temps ne me paraît pas suff isant d'autant que certaines dispositions du projet tendent justement à renforcer le caractère contradictoire de l'expertise pénale.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

Pour ma part, je suis favorable à cet amendement qui tend à renforcer l'autonomie du droit pénal. Et je trouve que le Sénat est plein de contra-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

dictions. Au moment où dans le débat sur la responsabilité des décideurs, le problème de la collusion entre la faute civile et la faute pénale se pose et où il faut à tout prix séparer les deux, il importe précisément de ne pas

« privatiser » à l'excès le pénal qui est un droit sui generis

Les règles en matière d'expertise doivent donc être différentes en matière pénale et en matière civile. Le droit pénal n'est pas un droit par essence contradictoire. Alors d'accord pour renforcer les droits de la défense, mais veillons à présenter l'autonomie du droit pénal.

M. Jacques Floch.

Très bien !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Bonne intervention !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

95. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

95. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Houillon ont présenté un amendement, no 96, ainsi rédigé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 217 du code de procédure pénale, les mots : "les dispositifs des arrêts" sont remplacés par les mots : "les arrêts". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

M. Houillon n'étant pas là, je défendrai son amendement de praticien.

A l'heure actuelle, les arrêts de la chambre d'accusation susceptibles de recours ne sont transmis dans leur intégralité qu'aux parties, leurs conseils ne pouvant avoir accès qu'au dispositif.

Il me paraît tout à fait normal que l'on transmette systématiquement aux conseils l'intégralité des décisions pour leur permettre d'apprécier l'opportunité d'un pouvoir dont le délai n'est que de cinq jours.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

96. (L'amendement est adopté.)

Article 5 bis

M. le président.

« Art. 5 bis. I. Après l'article 173 du même code, il est inséré un article 173-1 ainsi rédigé :

« Art. 173-1 Sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans les cas où elle n'aurait pu les connaître.

« Il en est de même pour la partie civile à compter de sa première audition. »

« II. Le premier alinéa de l'article 89-1 et le quatrième alinéa de l'article 116 du même code sont complétés par les mots : ", sous réserve des dispositions de l'article 173-1".

« III. Au cinquième alinéa de l'article 173 du même code, après les mots : "du présent article, troisième ou q uatrième alinéas", sont insérés les mots : ", de l'article 173-1". »

M. Houillon a présenté un amendement, no 237, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 5 bis »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Pierre Albertini.

Il est défendu, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 226, ainsi rédigé :

« Dans le II de l'article 5 bis , substituer aux mots : "et le quatrième alinéa de l'article 116 du même code sont complétés", les mots : "est complété". »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

C'est un amendement de c oordination. Les dispositions ainsi supprimées à l'article 5 bis ont été reprises dans l'amendement no 19 rectifié du Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 226.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5 bis , modifié par l'amendement no 226.

(L'article 5 bis , ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5 bis

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 229, ainsi libellé :

« Après l'article 5 bis , insérer l'article suivant :

« Après l'article 174 du même code, il est inséré un article 174-1 ainsi rédigé :

« Art. 174-1 Lorsque la chambre d'accusation annule une mise en examen pour violation des dispositions de l'article 80-1, la personne est considérée comme témoin assisté à compter de son inter-r ogatoire de première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires ultérieurs, jusqu'à l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et 113-8. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit d'un amendement de coordination avec le sous-amendement no 93 de la commission des lois, qui précise que les nouvelles conditions de la mise en examen sont édictées à peine de nullité.

Son objet est en effet d'indiquer clairement les conséquences d'une éventuelle annulation de la mise en examen par la chambre d'accusation, à savoir que la per-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

sonne doit alors bénéficier du statut de témoin assisté pour le reste de la procédure et que les interrogatoires auxquels le juge a pu procéder doivent être considérés comme les auditions d'un témoin assisté et non comme les interrogatoires d'un mis en examen. Bien évidemment, la personne pourra toujours être mise en examen ulté-r ieurement, conformément aux dispositions des articles 113-6 - mise en examen du témoin assisté à sa demande - ou 113-8 - mise en examen à l'initiative du juge d'instruction.

Si nous n'introduisions pas une telle précision, la personne n'aurait plus aucun statut dans la procédure, ce qui porterait atteinte aux droits de la défense.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 229.

(L'amendement est adopté.)

Avant l'article 5 ter

M. le président.

Je donne lecture de l'intitulé de la section 3 bis :

« Section 3 bis

« Dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus locaux. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 100, ainsi rédigé :

« Avant l'article 5 ter, supprimer l'intitulé :

« Section 3 bis

« Dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus locaux. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Monsieur le président, le Sénat, par plusieurs amendements, créé, à la suite de la section 2 bis relative aux modalités de mise en examen, une section 3 bis intitulée « Dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus locaux ». Ainsi, de façon étrange, ont été insérés, entre la mise en examen e t la suite du projet, plusieurs articles sur la responsabilité pénale des élus locaux.

Il est hors de question de prévoir, pour les élus locaux, un cas particulier de responsabilité pénale. Vous le savez, la commission Massot a réfléchi de façon très judicieuse à la question. Une proposition de loi sur ce sujet a été adoptée en première lecture par le Sénat, le 27 janvier dernier. Et M. Jean-Pierre Michel vient à l'instant encore de souligner combien était difficile à établir la distinction entre la faute civile d'imprudence et la faute pénale d'imprudence.

Tout cela est passionnant, mais relève du droit pénal, non de la procédure pénale. Le Sénat est donc tombé, avec ces amendements, dans le hors sujet caractérisé. Je ne puis donc, avec la commission, qu'y être défavorable.

M. le président.

Une série d'amendements à l'article 5 quinquies , jusqu'au no 99 inclus, est effectivement concernée par les propos que vous venez de tenir.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Je soutiens les amendements de suppression car les dispositions introduites par le Sénat n'ont pas leur place ici et, comme l'a dit Mme le professeur Lazerges, sont hors sujet.

Le problème de la responsabilité réelle des élus locaux est maintenant bien posé dans notre pays. Et à un an des élections municipales, il n'est pas utile de tenter de les rassurer. Ce n'est, du reste, pas ce qu'ils demandent. Ils souhaitent simplement que leur statut soit précisé en la matière. J'espère que les recommandations de la commission Massot et la proposition de loi adoptée au Sénat vont nous permettre de régler le problème à la satisfaction des élus locaux.

Aujourd'hui, nombre d'entre eux font l'objet de décisions judiciaires qui leur portent manifestement un grand préjudice ainsi qu'à tous les élus locaux qui assument pleinement leurs responsabilités avec les risques que l'on sait. Madame la garde des sceaux, vous avez le souci d'y remédier et je vous en remercie. Chacun sait que nous ne pouvons pas laisser nos textes en l'état et qu'il faut absolument traiter ce sujet.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Il s'agit, en effet, d'une question très importante. Je ne suis pas certain que le Sénat ait fait un hors sujet, je crois qu'il a plutôt mal traité la question. Je suis là peut-être un peu plus sévère que vous.

C'est un vrai problème auquel on a apporté une mauvaise solution.

D'abord, demander au conseil d'Etat de jouer le rôle de filtre en se prononçant sur le caractère détachable du service de la faute pour déterminer la juridiction dont relèverait l'élu, administrative ou pénale, reviendrait, en réalité, à faire du conseil d'Etat le juge du fond. Car, pour savoir s'il y a ou non une faute détachable susceptible d'une incrimination pénale, il faut aborder les rives du droit pénal. Avec tout le respect que je lui dois, je ne crois pas que ce soit la vocation du conseil d'Etat ni même sa véritable compétence.

Ensuite, tant sur le plan du fond que sur celui de la procédure, il n'est pas opportun d'instituer un régime dérogatoire pour les seuls élus en matière de responsabilité pénale. Le problème est beaucoup plus général. Il touche tous les décideurs : élus, mais aussi fonctionnaires, chefs d'entreprises, présidents d'associations, directeurs d'écoles, principaux de collèges, proviseurs de lycées. Et il se résume à la question centrale de la faute non intentionnelle.

Je crois donc que nous aurions intérêt à traiter le problème globalement et non pas à faire un sort particulier aux élus. Du reste, la proposition de loi de notre collègue Fauchon, pour constituer une très bonne initiative, n'en a pas moins un caractère homéopathique, et je doute qu'elle soit à la hauteur du problème.

En matière de procédure, nous ne souhaitons pas non plus de privilège de juridiction pour les élus. Ce serait revenir sur une décision prise en 1993 et cela les condamnerait en même temps probablement plus lourdement encore aux yeux de l'opinion. Leur offrir une procédure dérogatoire aurait donc l'effet contraire de celui recherché qui est de réhabiliter l'exercice de la fonction.

M. Jacques Floch.

Majoritairement, ils ne le demandent pas !

M. Pierre Albertini.

Voilà pourquoi je crois qu'il sera bon de reprendre, je l'espère dans quelques semaines, le débat sur la base de la proposition du sénateur Fauchon, qui mérite d'être quelque peu amendée et améliorée. Cela


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dit, elle me paraît relever d'une démarche plus saine que celle que le Sénat a suivie, peut-être d'une manière un peu précipitée.

M. le président.

Madame la ministre, à travers l'amendement no 100 qui concerne simplement l'intitulé, se pose en réalité la question de la suppression complète de la section 3 bis . Peut-être pourriez-vous donner un avis global qui nous permettra d'avancer plus vite ensuite ?

Mme la garde des sceaux.

Je me réjouis de pouvoir observer un consensus dans l'analyse qui est faite sur tous les bancs de l'Assemblée nationale. Jacques Floch l'a très bien dit, nous sommes devant un vrai sujet : celui de la responsabilité pénale des élus, bien entendu, mais aussi des décideurs publics en cas de faute non intentionnelle.

C'est une question très importante qui suscite une grande émotion, beaucoup ayant le sentiment que des condamnations interviennent sans qu'il y ait de lien entre la faute et le dommage. Ce sujet a déjà fait l'objet d'un débat, y compris au Parlement, à l'occasion d'une question orale de M. Haenel que nous avions examinée durant une journée entière. A la suite de quoi, au printemps dernier, j'avais constitué une commission composée de juristes et d'élus, et présidée par M. Massot, à qui j'avais demandé de me faire des propositions.

Entre-temps, le Sénat avait voté, lors de la première lecture du projet de loi sur la présomption d'innocence, la série de dispositions que nous sommes tous d'accord pour supprimer aujourd'hui, car, comme l'a dit M. Albertini, c'est une mauvaise réponse à une bonne question.

En effet, ces dispositions aboutiraient, si nous les conservions en l'état, à traiter de façon spécifique les élus par rapport au reste de la population, car tout un chacun peut se trouver en situation de responsabilité en cas de faute non intentionnelle.

Cela, le Gouvernement ne le veut pas, votre assemblée non plus, mais cela ne nous dispense pas de traiter ce vrai problème. Nous le ferons à la fin du mois, à l'occasion de l'examen dans cette assemblée de la proposition de loi Fauchon, déjà votée en première lecture au Sénat. J'indique que cette proposition de loi est intéressante en ce qu'elle s'adresse à tous les citoyens et non pas à une catégorie d'entre eux seulement. Elle s'attache, en outre, à mieux définir le lien entre la faute et le dommage. Néanmoins, nous devrons vérifier que la rédaction est bien adaptée à ce que nous voulons faire, car ce sera pour nous une innovation. Par ailleurs, il faudra s'interroger sur l'accroissement de la responsabilité pénale des personnes morales que préconise la proposition Fauchon.

Pour sa part, le Gouvernement y est très réticent, j'en expliquerai les raisons devant l'Assemblée comme je l'ai fait au Sénat.

Enfin, comme vous, je ne crois pas possible de résoudre cette importante question par la seule modification du code pénal. Le rapport Massot indique d'ailleurs des pistes extérieures au droit pénal, extralégislatives même, qui devraient nous permettre de limiter le recours au juge pénal en cas de faute non intentionnelle. Ces pistes pourraient être l'accélération de la justice administrative pour inciter les personnes lésées à se tourner plutôt vers cette juridiction l'indemnisation civile, ou encore la formation des magistrats et des élus. J'espère que nous aurons un débat exhaustif tant sur les dispositions du code pénal que sur d'autres, législatives ou non.

M. René Dosière.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, la division et l'intitulé sont supprimés.

Article 5 ter

M. le Président.

« Art. 5 ter . - I. - Le quatrième alinéa de l'article 11 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :

« Les dispositions prévues aux articles L.

2123-34,

L. 3123-28 et L.

4135-28 du code général des collectivités territoriales sont applicables au fonctionnaire, à l'agent non titulaire de droit public ou à l'ancien fonctionnaire lorsqu'il risque d'être mis en cause pénalement. »

« II. - L'article 11 bis A de la même loi est abrogé. »

Mme Lazergus, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 97, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 5 ter »

Cet amendement a été défendu.

Le Gouvernement a émis un avis favorable.

Je mets aux voix l'amendement no

97. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 5 ter est supprimé.

Article 5 quater

M. le président.

« Art. 5 quater . - I. - L'article

L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L.

2123-34 . - Dès qu'un maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation est susceptible d'être mis en cause pénalement, le Conseil d'Etat est saisi sans délai par le procureur de la République afin de désigner dans les soixante-douze heures un tribunal administratif chargé de déterminer si l'élu concerné a commis une faute détachable de l'exercice de ses fonctions.

« Le tribunal administratif dispose d'un mois pour statuer.

« S'il conclut à l'existence d'une faute détachable, le maire ou l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation peut être mis en cause pénalement dans les conditions de droit commun. Dans le cas contraire, c'est au tribunal administratif territorialement compétent d'en connaître, conformément aux dispositions de l'article L.

3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. »

« II. - L'article L.

3123-28 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.

3123-28. Dès qu'un président de conseil général ou un vice-président ayant reçu une délégation es t susceptible d'être mis en cause pénalement, le Conseil d'Etat est saisi sans délai par le procureur de la République afin de désigner dans les soixante-douze heures un tribunal administratif chargé de déterminer si l'élu concerné a commis une faute détachable de l'exercice de ses fonctions.

« Le tribunal administratif dispose d'un mois pour statuer.

« S'il conclut à l'existence d'une faute détachable, le président du conseil général ou le vice-président ayant reçu une délégation peut être mis en cause pénalement


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dans les conditions de droit commun. Dans le cas contraire, c'est au tribunal administratif territorialement compétent d'en connaître, conformément aux dispositions de l'article L.

3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. »

« III. - L'article L.

4135-28 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.

4135-28 . - Dès qu'un président de conseil régional ou un vice-président ayant reçu une délégation est susceptible d'être mis en cause pénalement, le Conseil d'Etat est saisi sans délai par le procureur de la République afin de désigner dans les soixante-douze heures un tribunal administratif chargé de déterminer si l'élu concerné a commis une faute détachable de l'exercice de ses fonctions.

« Le tribunal administratif dispose d'un mois pour statuer.

« S'il conclut à l'existence d'une faute détachable, le président du conseil régional ou le vice-président ayant reçu une délégation peut être mis en cause pénalement dans les conditions de droit commun. Dans le cas contraire, c'est au tribunal administratif territorialement compétent d'en connaître, conformément aux dispositions de l'article L.

3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. »

« IV. - Les dispositions de cet article sont applicables aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

« V. - Les modalités d'application de cet article sont déterminées par décret. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 98, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 5 quater »

Cet amendement a été défendu.

Le Gouvernement a émis un avis favorable.

Je mets aux voix l'amendement no

98. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 5 quater est supprimé.

Article 5 quinquies

M. le président.

« Art. 5 quinquies - Après le premier alinéa de l'article 11 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les maires ou les élus municipaux les suppléant bénéficient de la même protection lorsqu'ils agissent en qualité d'agent de l'Etat. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 99, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 5 quinquies. »

Cet amendement a été défendu.

Le Gouvernement a émis un avis favorable.

Je mets aux voix l'amendement no

99. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 5 quinquies est supprimé.

Article 6

M. le président.

« Art. 6.

- I et II. Non modifiés.

« II bis L'article 102 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si le témoin est atteint de surdité, le juge d'instruction nomme d'office pour l'assister lors de son audition un interprète en langue des signes ou toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les sourds. Celui-ci, s'il n'est pas assermenté, prête serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec le témoin. Si le témoin atteint de surdité sait lire et écrire, le juge d'instruction peut également communiquer avec lui par écrit. »

« III. Non modifié.

« IV. L'article 153 du même code est ainsi modifié :

« 1o Au deuxième alinéa, les mots : "à l'article 109, alinéas 2 et 3" sont remplacés par les mots : "aux troisième et quatrième alinéas de l'article 109" ;

« 2o Supprimé.

« V. Supprimé. »

L'amendement no 4 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 bis

M. le président.

« Art. 6 bis I. Après les mots : "force publique", la fin du troisième alinéa de l'article 109 du code de procédure pénale est supprimée.

« II. Après l'article 434-15, il est inséré dans le code pénal un article 434-15-1 ainsi rédigé :

« Art. 434-15-1 Le fait de ne pas comparaître, sans excuse ni justification, devant le juge d'instruction par une personne qui a été citée par lui pour y être entendue comme témoin est puni de 25 000 F d'amende. »

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 101, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 6 bis »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Nous demandons la suppression d'un article que le Sénat avait, là encore, ajouté à notre texte conférant aux seuls tribunaux correctionnels et non plus aux juges d'instruction la faculté de prononcer une amende à l'encontre d'un témoin refusant de comparaître. Il avait, en conséquence, introduit dans le code pénal un article 434-15-1 prévoyant une amende, qui me paraît fort excessive, 25 000 francs, en cas de non-comparution de témoin.

Il est apparu à la commission des lois beaucoup plus simple d'en rester au système actuel et donc de confier au juge d'instruction, magistrat du siège, le soin de sanctionner, si besoin est, la non-comparution d'un témoin. Nous pensons, de plus, préférable de ne pas retenir les sommes envisagées par le Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.


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Article 7

M. le président.

« Art. 7. Après l'article 113 du code de procédure pénale, il est inséré une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« Du témoin assisté

« Art. 113-1. Non modifié.

« Art. 113-2. Toute personne nommément visée par une plainte ou une dénonciation, ou mise en cause par la victime ou par un témoin en cours d'instruction, ou contre laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a pu commettre une infraction, et qui n'est pas mise en examen peut être entendue comme témoin assisté. Elle l'est obligatoirement si elle en fait la demande.

« Art. 113-3. Le témoin assisté bénéficie du droit à être assisté d'un avocat et a accès au dossier de l'instruction.

« Art. 113-4 et 113-5. Non modifiés.

« Art. 113-6. Supprimé.

« Art. 113-7. Le témoin assisté ne prête pas serment.

« Art. 113-8. Le juge d'instruction peut mettre en examen à tout moment de la procédure, dans les conditions prévues à l'article 80-1, une personne entendue comme témoin assisté. Lorsque cette mise en examen est faite par lettre recommandée conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 80-1, cette lettre peut être adressée en même temps que l'avis prévu à l'article 175, qui précise alors que la personne dispose d'un délai de vingt jours pour formuler une demande ou présenter une requête sur le fondement du neuvième alinéa de l'article 81, de l'article 82-1, du premier alinéa de l'article 156 et du troisième alinéa de l'article 173. »

L'amendement no 5 de M. Balladur n'a plus d'objet.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 102, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 113-2 du code de procédure pénale :

« Art. 113-2 Toute personne nommément visée par une plainte ou mise en cause par la victime peut être entendue comme témoin assisté. Elle est obligatoirement entendue en cette qualité si elle en fait la demande.

« Toute personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont le j uge d'instruction est saisi peut être entendue comme témoin assisté. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

L'amendement no 102 est essentiel puisqu'il s'agit d'élargir la catégorie des témoins assistés, dans une moindre proportion toutefois que ce que le Sénat proposait.

Dans le texte qui vous est proposé ce matin, toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif d'instance ou par une plainte avec constitution de partie civile peut obtenir de droit le statut de témoin assisté. La troisième catégorie que nous introduisons, plus réduite que celle envisagée par le Sénat, concerne toute personne nommément visée par une plainte ou mise en cause par la victime. Celle-ci serait alors, à sa demande, obligatoirement entendue en cette qualité. Nous pensons devoir aller jusque-là, mais pas au-delà. Ainsi, n'aurait pas droit automatiquemet au statut de témoin assisté tout témoin simple non mis en cause nommément, car nous ne souhaitons pas que cette catégorie de témoin puisse entrer dans le dossier.

Nous vous proposons là une solution d'équilibre, qui permet un accès assez facile aux droits du témoin assisté sans être porteuse d'effets pervers.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis tout à fait favorable à cet amendement de Mme Lazerges qui étend le champ d'application de la procédure de témoin assisté. Je l'ai indiqué dans mon discours introductif.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 102.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 103, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 113-3 du code de procédure pénale :

« Art. 113-3 Le témoin assisté bénéficie du droit d'être assisté par un avocat qui est avisé préalablement des auditions et a accès au dossier de la p rocédure, conformément aux dispositions des articles 114 et 114-1. Il peut également demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'article 82-1, à être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en cause.

« Lors de sa première audition comme témoin assisté, la personne est informée de ses droits par le juge d'instruction. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement précise les droits du témoin assisté, dont plusieurs d'entre nous ont parlé hier dans leurs propos introductifs. Le témoin assisté a droit à l'assistance de son avocat et a accès à son dossier. Le texte proposé pour l'article 113-3 du code de procédure pénale précise en outre que le témoin assisté peut également demander à être confronté avec la ou les personnes qui l'ont mis en cause.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis tout à fait favorable à cet examen qui précise les droits du témoin assisté.

Ceux-ci, comme vient de le rappeler Mme Lazerges, doivent être très étendus, mais toutefois moins que ceux de la personne mise en examen, afin d'éviter toute confusion entre les deux statuts et de faire en sorte que la procédure du témoin assisté soit réellement utilisée.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Je soutiens cet amendement, effectivement très important, qui précise utilement les droits des témoins assistés. Grâce aux propositions du Gouvernement et de l'Assemblée, cette procédure pourra dorénavant s'appliquer à un public assez large.

Nous préciserons en outre que toute personne entendue comme témoin assisté pourra demander à être mise en examen, les droits du témoin assisté n'étant pas tout à fait aussi étendus que ceux de la personne mise en examen.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 103.

(L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 104, ainsi rédigé :

« Rétablir le texte proposé pour l'article 113-6 du code de procédure pénale dans le texte suivant :

« Art. 113-6. - A tout moment de la procédure, le témoin assisté peut, à l'occasion de son audition ou par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, demander au juge d'instruction à être mis en examen ; la personne est alors considérée c omme mise en examen et elle bénéficie de l'ensemble des droits de la défense dès sa demande ou l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception.

« Les dispositions du premier alinéa de l'article 105 ne sont pas applicables au temoin assisté. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est justement c et amendement qu'évoquait à l'instant Frédérique Bredin. Il prévoit que le témoin assisté peut parfaitement, à l'occasion d'une audition, demander au juge d'instruction à être mis en examen. Cette disposition apparaît logique dans la mesure où, nous venons de le voir, les droits du témoin assisté ne seront pas rigoureusement les mêmes que ceux du mis en examen. Il ne faudrait donc pas que le statut de témoin assisté pénalise celui auquel il s'applique. Si l'intéressé ne craint pas d'être stigmatisé par le statut de mis en examen, il a parfaitement le droit de demander la mise en examen et alors de bénéficier de l'intégralité des droits de la défense, notamment celui de demander des actes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 104.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 20, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 113-8 du code de procédure pénale :

« S'il apparaît au cours de la procédure que des indices graves ou concordants justifient la mise en examen du témoin assisté, le juge d'instruction peut procéder à cette mise en examen en faisant applicat ion des dispositions du quatrième alinéa de l'article 116, qu'après avoir informé la personne de son intention, le cas échéant par lettre recommandée, et l'avoir mis en mesure de faire connaître ses observations. Il peut également procéder à cette mise en examen en adressant à la personne, en même temps que l'avis de fin d'information prévu par l'article 175, une lettre recommandée précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique, et l'informant de son droit de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en annulation sur le fondement des articles 81, 82-1, 82-2, 156 et 173 pendant une durée de vingt jours.

La personne est également informée que si elle demande à être à nouveau entendue par le juge, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire. »

Sur cet amendement, Mme Lazerges, rapporteuse, et Mme Bredin ont présenté un sous-amendement, no 105, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 20 après le mot : "indices", insérer le mot : "précis". »

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no

20.

Mme la garde des sceaux.

Par cohérence avec les principes énoncés à l'article 80-1, toute mise en examen, y compris celle d'un témoin assisté, suppose que la personne puisse faire valoir ses observations au juge avant d'être mise en examen et en étant informée de l'intention du juge de procéder à cette mise en examen.

Il convient toutefois de permettre au juge de procéder à la mise en examen d'un témoin assisté sans être pour autant obligé de l'informer à nouveau de son intention et de le réentendre, dans l'hypothèse où cette mise en examen intervient en toute fin d'information, avec la communication du dossier pour règlement.

Cette possibilité, présente un double avantage.

Sur le plan de l'efficacité de l'information et du respect des délais, elle évite au juge de devoir réentendre une personne qui a d'abord été entendue à plusieurs reprises comme témoin assisté au cours de la procédure ; elle incite donc le juge à utiliser la procédure de témoin assisté.

Elle est également intéressante pour la personne ellemême, dans la manière où celle-ci n'aura été mise en examen que pendant un temps très bref avant son renvoi devant le tribunal, ce qui aura limité l'atteinte à la présomption d'innocence qui résulte du statut de mise en examen.

Il est toutefois prévu, pour garantir totalement les droits de la défense, que si la personne veut à nouveau s'expliquer devant le juge, celui-ci sera tenu de faire droit à sa demande.

Je souhaite pour terminer, monsieur le président, que soit corrigée une erreur de rédaction. En effet, après les mots : « S'il apparaît au cours de la procédure que des indices graves ou concordants justifient la mise en examen du témoin assisté », il convient de lire : « le juge d'instruction ne peut procéder à cette mise en examen », au lieu de : « le juge d'instruction peut procéder à cette mise en examen », ce qui, évidemment, modifierait profondément le sens de cet amendement.

M. le président.

En effet, madame le garde des sceaux, cette rectification, à laquelle il sera procédé, n'est pas sans importance ! (Sourires.)

La parole est à Mme la rapporteuse, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 20, ainsi rectifié, et présenter le sous-amendement no 105.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis favorable à l'amendement no 20 rectifié.

Le sous-amendement no 105 introduit lui aussi une petite rectification, non sans importance, dans le texte proposé pour l'article 113-8 du code de procédure pénale. Nous avons souhaité depuis le début du débat que la mise en examen n'intervienne qu'en cas d'indices précis, graves, ou concordants. Aussi proposons-nous, par cohérence, d'ajouter l'adjectif « précis » aux critères justifiant la mise en examen d'un témoin assisté.

M. le président.

Comme vous l'aviez déjà fait par le sous-amendement no

93. Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 105.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 20 rectifié, modifié par le sous-amendement no 105.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement no 20 rectifié.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Après l'article 7

M. le président.

M. Houillon a présenté un amendement, no 233, ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 78 du code de procédure pénale, un article 78-1 ainsi rédigé :

« Art. 78-1. - Toute personne nommément visée par une plainte ou une dénonciation, ou mise en cause par un témoin en cours d'enquête préliminaire, peut avoir accès au dossier et bénéficie d'un avocat. »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir cet amendement.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 233.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 8

M. le président.

M. Devedjian a présenté un amendement, no 37, ainsi rédigé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 92 du code de procédure pénale, les mots : "Il en donne" sont remplacés par les mots : "Il peut donner". »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir cet amendement.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

37. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Devedjian a présenté un amendement, no 38, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article 152 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'officier de police judiciaire ne peut procéder à aucune perquisition si elle n'est spécialement visée par la commission rogatoire ou dûment autorisée par le juge mandant. »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir cet amendement.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

38. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Devedjian a présenté un amendement, no 258, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 429 du même code, un article 429-1 ainsi rédigé :

« Art. 429-1. - Toute dénonciation doit comporter l'identité de son auteur. A défaut, elle ne saurait être utilisée comme moyen de preuve d'une quelconque infraction. »

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, pour soutenir cet amendement.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 106, ainsi rédigé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article 652 du même code est complété par l'alinéa suivant :

« Les dispositions de cet article ne s'appliquent p as aux membres du Gouvernement entendus comme témoin assisté. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement vise à compléter l'article 652 du code de procédure pénale en précisant qu'un membre du Gouvernement peut être entendu comme témoin assisté sans qu'il soit besoin de l'autorisation du conseil des ministres. Le but est de privilégier le statut de témoin assisté plutôt que celui de mise en examen dès lors qu'un ministre est en passe de faire l'objet d'une mise en examen. Or l'interrogatoire d'un ministre en tant que témoin suppose une autorisation du conseil des ministres. Le texte proposé ne précise pas si cette obligation s'applique aux témoins assistés. Nous suggérons que, pour eux, l'autorisation du conseil des ministres ne soit pas requise afin d'inciter à l'utilisation de cette procédure et d'assurer, en quelque sorte, un peu plus de discrétion à l'intéressé...

M. Jacques Floch.

Il faut l'espérer !

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Je reconnais que ce n'est pas forcément un bon argument...

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je comprends bien l'intention de Mme Lazerges. Mais ce genre de disposition peut se retourner contre celui auquel elle est censée bénéficier.

Je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 106.

(L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Articles 9 A, 9 B, 9 C et 9 bis

M. le président.

« Art. 9 A. L'article 312 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 312 Sous réserve des dispositions de l'article 309, le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions à l'accusé, à la partie civile, aux témoins et à toutes les personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président.

« L'accusé et la partie civile peuvent également poser des questions par l'intermédiaire du président. »

Je mets aux voix l'article 9 A. (L'article 9 A est adopté.)

M. le président.

« Art. 9 B. L'article 345 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 345 Si l'accusé est atteint de surdité, le président nomme d'office pour l'assister lors du procès un interprète en langue des signes ou toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les sourds. Celui-ci prête serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.

« Le président peut également décider de recourir à tout dispositif technique permettant de communiquer avec la personne atteinte de surdité.

« Si l'accusé sait lire et écrire, le président peut également communiquer avec lui par écrit.

« Les autres dispositions du précédent article sont applicables.

« Le président peut procéder de même avec les témoins ou les parties civiles atteints de surdité. » - (

Adopté.

)

« Art. 9

C. L'article 408 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 408 Si le prévenu est atteint de surdité, le président nomme d'office pour l'assister lors du procès un interprète en langue des signes ou toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les sourds. Celui-ci prête serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.

« Le président peut également décider de recourir à tout dispositif technique permettant de communiquer avec la personne atteinte de surdité.

« Si le prévenu sait lire et écrire, le président peut également communiquer avec lui par écrit.

« Les autres dispositions du précédent article sont applicables.

« Le président peut procéder de même avec les témoins ou les parties civiles atteints de surdité. » - (

Adopté.

)

« Art. 9 bis L'article 304 du même code est ainsi modifié :

« 1o Après les mots : "ni ceux de la société qui l'accuse", sont insérés les mots : "ni ceux de la victime" ;

« 2o Après les mots : "ni la crainte ou l'affection ;", sont insérés les mots : "de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ;". » - ( Adopté.

)

Après l'article 9 bis

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 107, ainsi libellé :

« Après l'article 9 bis , insérer l'article suivant :

« L'article 429 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les parties ou leurs avocats en font la demande, tout procès-verbal d'interrogatoire doit, à peine de nullité, comporter les questions auxquelles il est répondu. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement reprend dans le chapitre Ier du projet de loi, consacré au renforcement des droits de la défense et au respect du caractère contradictoire de la procédure, les dispositions de l'article 21 septies qui prévoit que les procès-verbaux d'interrogatoire doivent comporter les questions auxquelles il est répondu.

Afin d'éviter d'alourdir inutilement la procédure, nous proposons de ne prévoir cette formalité que lorsque les parties ou leurs avocats le demandent. En fait, nous estimons qu'il est plus judicieux de placer à cet endroit des dispositions que le Sénat avait adoptées dans un autre article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable. Cet amendement améliore la rédaction retenue par le Sénat.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 107.

(L'amendement est adopté.)

Article 9 ter

M. le président.

« Art. 9 ter Dans le premier alinéa de l'article 498 du même code, les mots : "de dix jours" sont remplacés par les mots : "d'un mois". »

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 108, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 9 ter :

« Il est inséré, après l'article 500 du même code, un article 500-1 ainsi rédigé :

« Art. 500-1. Lorsqu'il intervient dans un délai d'un mois à compter de l'appel, le désistement par le prévenu ou la partie civile de son appel principal entraîne la caducité des appels incidents, y compris celui du ministère public. Constitue un appel incident l'appel formé dans le délai prévu par l'article 500, ainsi que l'appel formé, à la suite d'un précédent appel, dans les délais prévus par les articles 498 ou 505, lorsque l'appelant précise qu'il s'agit d'un appel incident. Dans tous les cas, le ministère public peut toujours se désister de son appel formé après celui du prévenu en cas de désistement de celui-ci. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Le Sénat désirait allonger les délais d'appel afin de donner aux gens plus de temps pour réfléchir. Votre commission des lois a pour sa part estimé que, pour éviter de prolonger l'incertitude juridique des parties, il paraît préférable de maintenir à dix jours le délai d'appel en matière correctionnelle, comme le prévoit l'actuel article 498 du code de procédure pénale.

Il est cependant un point sur lequel nous sommes d'accord avec nos collègues sénateurs : ces appels rapides ont quelquefois des effets dommageables. Aussi proposonsnous une nouvelle rédaction précisant que le désistement de l'appel principal dans le délai d'un mois entraînera automatiquement la caducité des appels incidents, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Autrement dit, nous maintenons le délai de dix jours pour l'appel, mais nous accordons un mois pour le désistement. Et si l'appelant principal se désiste, les appelants incidents ne pourront plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

poursuivre dans la voie de l'appel. Nous simplifions donc le système, mais d'une façon différente de celle choisie par le Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 ter est ainsi rédigé.

Article 9 quater

M. le président.

« Art. 9 quater. - Le troisième alinéa de l'article 513 du même code est ainsi rédigé :

« Après que l'appelant ou son représentant a sommairement indiqué les motifs de son appel, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 109, ainsi libellé :

« Avant le premier alinéa de l'article 9 quater, insérer le paragraphe suivant :

« I. - Le deuxième alinéa de l'article 513 du code du procédure pénale est ainsi rédigé :

« Les témoins à décharge cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux articles 435 à 457. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. La cour tranche avant tout débat au fond. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse

Notre collègue M. Montebourg a proposé de rendre la procédure devant la cour d'appel plus contradictoire et d'autoriser l'audition des témoins à décharge cités par le prévenu devant la cour d'appel, grâce à une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article 513 du code de procédure pénale : « Les témoins à décharge cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux articles 435 à 437. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. La cour tranche avant tout débat au fond. »

L'idée de notre collègue Montebourg, retenue par toute la commission des lois, est de permettre à la défense de présenter les mêmes moyens de défense en appel qu'en première instance. En d'autres termes, il s'agit d'un véritable appel, avec la possibilité d'entendre à nouveau tous les arguments.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Cet excellent amendement améliore les droits de la défense en appel sans pour autant risquer d'entraîner des débats inutiles. J'y suis donc tout à fait favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9 quater , modifié par l'amendement no 109.

(L'article 9 quater , ainsi modifié, est adopté.)

Article 9 quinquies

M. le président.

« Art. 9 quinquies . - L'article 652 du même code est ainsi modifié :

«

1. Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sauf dans les cas de procédures ouvertes devant la Cour de justice de la République et concernant les crimes et délits qu'ils auraient accomplis dans l'exercice de leurs fonctions gouvernementales, le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins que sur des faits détachables de leurs fonctions et après autorisation du conseil des ministres, sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice. »

;

«

2. Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf dans le cas de procédures ouvertes devant la Cour de justice de la République et concernant les crimes et délits qu'ils auraient accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, les anciens membres du Gouvernement ne peuvent être entendus comme témoins que sur des faits détachables de leurs anciennes fonctions gouvernementales. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 110, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 9 quinquies »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Le Sénat craignait beaucoup pour les anciens membres de Gouvernement qui auraient maille à partir avec la justice. Aussi avait-il introduit un article 9 quinquies qui aurait eu pour conséquence d'interdire à toute juridiction d'entendre comme simple témoin un membre ou un ancien membre du Gouvernement sur des actes non détachables de leurs fonctions, par exemple une infraction commise par un collaborateur.

Nous estimons pour notre part qu'un membre ou un ancien membre du Gouvernement ne saurait bénéficier en la matière de privilèges particuliers. Aussi demandonsnous la suppression de l'article 9 quinquies.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 110.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 quinquies est supprimé.

Article 9 sexies

M. le président.

« Art. 9 sexies . - I. - Après les mots : "par la chambre criminelle, soit sur requête du", la fin du deuxième alinéa de l'article 665 du même code est ainsi rédigée : "ministère public établi près la juridiction saisie soit sur requête des parties". »

« II. - Le troisième alinéa de l'article 663 du même code est supprimé. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 111, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 9 sexies »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement rétablit le filtre du procureur général près la cour d'appel en cas de demande des parties tendant au renvoi d'une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

affaire devant une juridiction « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». Le Sénat aurait en fait voulu que l'on puisse très facilement demander le dépaysement d'une affaire. Nous considérons pour notre part que le filtre du procureur général est un impératif.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 111.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 sexies est supprimé.

Article 9 septies

M. le président.

« Art. 9 septies . - I. - Les articles 679 à 686 du code de procédure pénale sont rétablis dans la rédaction suivante :

« Art 679 . - Lorsqu'un membre du conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, un préfet, un magistrat de l'ordre judiciaire, un magistrat consulaire ou un magistrat des tribunaux administratifs est susceptible d'être mis en examen pour un crime ou un délit commis hors l'exercice de ses fonctions, le procureur de la République, saisi de l'affaire, présente requête à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui procède et statue comme en matière de règlement de juges et désigne la juridiction chargée de l'instruction et du jugement de l'affaire.

« La chambre criminelle doit se prononcer dans la huitaine qui suit le jour où la requête lui sera parvenue.

« Art. 680 . - Le juge d'instruction désigné conformément aux dispositions de l'article 83 doit procéder personnellement aux auditions, aux interrogatoires et aux confrontations des personnes visées aux articles 679 et 685 en considération desquelles sa désignation a été évoquée.

« Art. 681 . - Lorsqu'une des personnes énumérées à l'article 679, ou un maire, ou l'élu municipal le suppléant, ou un président de communauté urbaine, de district ou de syndicat de communes, ou le président ou le vice-président d'une délégation spéciale, ou le président ou le vice-président d'un conseil général ou régional, sont susceptibles d'être mis en examen pour un crime ou un délit commis dans l'exercice de leurs fonctions, le procureur de la République saisi de l'affaire présente, sans délai, requête à la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui statue comme en matière de règlement des juges et désigne la chambre d'accusation qui pourra être chargée de l'instruction.

« S'il estime qu'il y a lieu à poursuite, le procureur général près la cour d'appel désignée en application des dispositions de l'alinéa précédent requiert l'ouverture d'une information.

« L'information peut être également ouverte si la partie lésée adresse une plainte, assortie d'une constitution de partie civile, aux présidents et conseillers composant la chambre d'accusation.

« Dans ce cas, communication de cette plainte au procureur général est ordonnée pour que ce magistrat prenne des réquisitions ainsi qu'il est dit à l'article 86.

« L'information est commune aux complices de la personne poursuivie et aux autres auteurs de l'infraction commise, lors même qu'ils n'exerçaient point de fonctions judiciaires ou administratives.

« Lorsque le crime ou le délit dénoncé a été commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire et implique la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie.

« La procédure prévue au présent article est également applicable lorsqu'un avocat est susceptible d'être mis en examen pour un des délits visés à l'article 433-5 du code pénal.

« Art. 682 La chambre d'accusation saisie commet un de ses membres qui prescrit tous actes d'instruction nécessaires dans les formes et conditions prévues par le chapitre 1er du livre 1er . Ce magistrat a compétence même en dehors des limites prévues par l'article 93.

« Il peut requérir par commission rogatoire tout juge, tout officier de police judiciaire ou tout juge d'instruction dans les conditions prévues par les articles 151 et 155.

« Les décisions de caractère juridictionnel, notamment celles relatives à la mise ou au maintien en détention ou à la mise en liberté de l'inculpé ainsi que celles qui terminent l'information, sont rendues par la chambre d'accusation après communication du dossier au procureur général.

« Sur réquisitions du procureur général, le président de cette chambre peut, avant sa réunion, décerner mandat contre l'inculpé. Dans les cinq jours qui suivent l'arrestation de l'inculpé, la chambre décide s'il y a lieu ou non de maintenir en détention.

« Art. 683 Lorsque l'instruction est terminée, la chambre d'accusation peut :

« soit dire qu'il y a lieu à poursuivre ;

« soit, si l'infraction retenue à la charge de l'inculpé constitue un délit, le renvoyer devant une juridiction correctionnelle du premier degré autre que celle dans le ressort de laquelle l'inculpé exerçait ses fonctions ;

« soit, si l'infraction retenue constitue un crime, le renvoyer devant une cour d'assises autre que celle dans le ressort de laquelle l'accusé exerçait ses fonctions.

« Art. 684. Les arrêts de la chambre d'accusation sont susceptibles de pourvoi dans les conditions déterminées par le titre Ier du livre III. Toutefois, par dérogation à l'article 574, l'arrêt de la chambre d'accusation portant renvoi du mis en examen devant le tribunal correctionnel peut, dans tous les cas, faire l'objet d'un pourvoi en cassation. L'arrêt de renvoi devenu définitif couvre, s'il en existe, les vices de la procédure antérieure.

« Art. 685. Lorsqu'un officier de police judiciaire est susceptible d'être mis en examen pour un crime ou un délit, qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, hors ou dans l'exercice de ses fonctions, ou s'il s'agit d'un maire ou de ses adjoints, lorsque les dispositions de l'article 681 ne leur sont pas applicables, le procureur de la République saisi de l'affaire présente sans délai requête à la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui procède et statue comme en matière de règlement des juges et désigne la juridiction chargée de l'instruction et du jugement de l'affaire.

« La chambre criminelle se prononce dans la huitaine qui suit le jour auquel la requête lui est parvenue.

« Les dispositions des articles 680 et du cinquième alinéa de l'article 681 sont applicables.

« Art. 686. Jusqu'à la désignation de la juridiction compétente comme il est dit ci-dessus, la procédure est suivie conformément aux règles de compétence de droit commun. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

« II. L'article L.

341-3 du code forestier est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L.

341-3. Les dispositions de l'article 685 du code de procédure pénale sont applicables aux crimes et délits commis, dans la circonscription où ils sont territorialement compétents, par les ingénieurs de l'Etat chargés des forêts, dans leurs fonctions ou hors de leurs fonctions, et par les techniciens et agents de l'Etat chargés des forêts dans l'exercice de leurs fonctions de police judiciaire. »

« III. L'article L.

115 du code électoral est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L.

115. Les articles 679 à 686 du code de procédure pénale sont applicables aux crimes et aux délits ou à leurs tentatives qui auront été commis afin de favoriser ou de combattre une candidature de quelque nature qu'elle soit. »

« IV. Après le premier alinéa de l'article L.

212-8 du code des juridictions financières, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les magistrats bénéficient du privilège de juridiction prévu à l'article 679 du code de procédure pénale. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 112, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 9 septies. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

L'article 9 septies , que nous proposons de supprimer, concerne les élus locaux. Désireux de prendre en compte leur spécificité, le Sénat a souhaité rétablir les privilèges de juridiction, abrogés en 1993. Le rétablissement des privilèges de juridiction ne nous paraît pas une bonne solution. Ceux-ci s'étaient du reste traduits, durant tout le temps où ils ont existé, par de très nombreuses annulations de procédure.

Nous estimons qu'il n'y a aucune raison de les réinstaurer aujourd'hui pour les élus locaux.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. André Gerin.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 septies est supprimé.

Après l'article 9 septies

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 114, ainsi rédigé :

« Après l'article 9 septies, insérer l'intitulé suivant :

« Section 6. - Dispositions assurant l'exercice des droits de la défense par les avocats. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 114.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 113 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 9 septies, insérer l'article suivant :

« I. - Le premier alinéa de l'article 56-1 du code de procédure pénale est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. 56-1. - Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué. Ce magistrat et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie.

« Le bâtonnier ou son délégué peut s'opposer à la saisie d'un document à laquelle le magistrat a l'intention de procéder s'il estime que cette saisie serait irrégulière. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procèsverbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal, ainsi que le document placé sous scellé fermé, sont transmis sans délai au président du tribunal de grande instance ou, en cas d'empêchement, au magistrat qui le remplace, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le président du tribunal de grande instance ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

« A cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

« S'il estime qu'il n'a pas lieu à saisir le document, le président du tribunal de grande instance ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction du jugement ou la chambre d'accusation.

« II. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 56-1 du code de procédure pénale constituent un article 56-3.

« III. - L'article 96 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles 56-1, 56-2 et 56-3 sont applicables aux perquisitions effectuées par le juge d'instruction. »

Sur cet amendement, M. Lang a présenté un sousamendement, no 220, qui n'est pas soutenu.

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no 113 rectifié.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

C'est une question difficile, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé.

Il s'agit des perquisitions dans un cabinet d'avocat. Nous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

nous sommes d'ailleurs très largement inspirés des propositions du groupe de travail présidé par le premier président près la Cour de cassation, qui était alors président de la cour d'appel.

Nous proposons un contrôle a priori et un contrôle a posteriori. D'abord, les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ne pourraient être effectuées sans la présence d'un magistrat, le magistrat instructeur, lequel serait assisté ou accompagné du bâtonnier ou de son délégué.

Si, par la suite, certaines pièces saisies paraissaient ne pas l'avoir été à juste titre, fonctionnerait alors le contrôle a posteriori, le bâtonnier ou son délégué pouvant demander, dans les cinq jours, au président du tribunal de grande instance d'indiquer si, oui ou non, la pièce peut être incluse dans le dossier du juge d'instruction. Quelle que soit la décision, il peut par la suite être fait état de la nullité de la pièce au cours de la procédure.

Il apparaît à la commission des lois que la présence du bâtonnier ou de son délégué au moment de la saisie, la possibilité de contester le bien-fondé de la saisie et la faculté ultime d'intenter une action en nullité concernant telle ou telle pièce garantissent suffisamment les perquisitions dans un cabinet d'avocat.

J'ajoute que le président du tribunal de grande instance, qui va statuer sur le bien-fondé d'une pièce retenue dans le cadre d'une perquisition, sera en principe le juge de la détention provisoire, puisque nous souhaitons que ce soit ce magistrat qui devienne juge de la détention provisoire et du contrôle des enquêtes - y compris les perquisitions dans un cabinet d'avocat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je soutiens cet amendement qui reprend, en effet, les propositions du groupe de travail réuni, à ma demande, en 1999 à la Cour d'appel de Paris autour du premier président Canivet. Le dispositif - nécessaire - qu'il propose offre toute garantie pour les avocats, qui pourraient saisir le président du tribunal de grande instance pour trancher du caractère des pièces saisies. En même temps, il permet de ne pas faire obstacle aux investigations nécessaires. Cet amendement améliore celui proposé par M. Haenel au Sénat, qui avait été soutenu par M. Badinter.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 113 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 223 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 9 septies, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 139 du code de procédure pénale, un article 139-1 ainsi rédigé :

« Art. 139-1. - Lorsqu'un avocat a fait l'objet de l'interdiction prévue par le 12o de l'article 138 en raison de faits commis dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses activités, il peut, dans le jour suivant la décision du juge d'instruction, contester cette décision devant le président du tribunal de grande instance, à qui le dossier de la procédure est alors transmis sans délai. Cette contestation suspend l'exécution de l'interdiction d'exercice et interdit une éventuelle révocation du contrôle judiciaire.

« Dans les cinq jours suivant la réception du dossier, le président du tribunal de grande instance statue par ordonnance motivée non susceptible de recours, après un débat contradictoire au cours duquel il entend les observations du procureur de la République puis de l'avocat, assisté, le cas échéant, de son conseil.

« Le bâtonnier de l'ordre des avocats peut présenter des observations devant le président du tribunal de grande instance. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit d'un amendement auquel le Gouvernement attache une importance particulière, car il concerne un sujet fondamental : la protection de l'exercice des droits de la défense.

Un Etat de droit doit, en effet, assurer aussi efficacement que possible cette protection. C'est pourquoi, comme vient de le faire votre assemblée, des garanties extrêmement fortes doivent être instituées en matière de perquisitions dans les cabinets d'avocats. Et c'est pourquoi des garanties aussi fortes doivent être instituées pour éviter que, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, un avocat mis en examen puisse se voir interdit d'exercer sa profession dans des hypothèses qui ne le justifieraient pas.

Cette question a fait l'objet en 1993, d'une réforme, sur laquelle je crois nécessaire de revenir un instant.

L a loi du 4 janvier 1993 a ainsi complété l'article 138 (12o ) du code de procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction peut, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, interdire à la personne mise en examen l'exercice de l'activité à l'occasion de laquelle ont été commis les faits reprochés, en indiquant que « lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre qui statue comme il est dit à l'article 23 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ».

Dans l'esprit de l'auteur de cette disposition, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Pezet, l'objectif de la réforme était de retirer au magistrat instructeur la possibilité d'interdire lui-même à un avocat l'exercice de son activité. M. Pezet précisait, en effet, que « si un juge d'instruction estime qu'un avocat peut être effectivement suspendu de son activité professionnelle, il doit auparavant saisir le conseil de l'ordre, qui statue conformément à la loi ». L'amendement fut alors adopté, malgré l'avis défavorable de M. Vauzelle, garde des sceaux, qui déclara que le texte avait pour effet de « subordonner l'application d'une règle générale de procédure pénale à la décision d'une instance disciplinaire », ce qui n'était pas acceptable.

Toutefois, devant le Sénat, le texte adopté par l'Assemblée nationale fut interprété différemment, comme exigeant que le juge d'instruction saisisse le conseil de l'ordre après avoir prononcé l'interdiction d'exercice.

Cette interprétation, qui satisfaisait le Gouvernement, fut en conséquence reprise dans la circulaire d'application de la chancellerie et elle est celle qui est actuellement retenue par la Cour de cassation.

Je pense que des améliorations peuvent être apportées à ce texte. Je partage, en effet, le souci de votre assemblée d'assurer aux avocats des garanties spécifiques dans l'exercice de leur mission fondamentale.

J e comprends donc, dans ces conditions, que M. Gouzes, qui était d'ailleurs le président de la commission des lois lors de l'adoption de la loi de 1993, ait déposé, en première lecture, un amendement dont l'objet est d'inscrire clairement dans la loi l'objectif visé en 1993.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Ces dispositions qui figurent maintenant à l'article 33 bis du projet retirent donc au juge d'instruction la possibilité d'interdire à un avocat mis en examen et placé sous contrôle judiciaire l'exercice de sa profession, même si les faits qui lui sont reprochés ont été commis à l'occasion de cet exercice et qu'ils risquent de se renouveler.

Cette interdiction ne pourrait plus être prononcée que par le conseil de l'ordre, à la demande du juge d'instruction et sous le contrôle de la chambre d'accusation.

Cette solution, proposée par M. Gouzes, n'est toutefois pas satisfaisante. Même si la profession d'avocat justifie des garanties particulières pour éviter de porter atteinte aux droits de la défense, une telle règle est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi. Un ordre professionnel, aussi estimable qu'il puisse être, ne peut pas se substituer à l'autorité judiciaire en matière pénale.

Cette solution présente également de graves effets pervers en risquant d'inciter les autorités judiciaires à placer un avocat en détention provisoire, si cette détention paraît la seule possible pour éviter le renouvellement d'une infraction, du moins tant qu'une interdiction d'exercice n'aura pas été prononcée par le conseil de l'ordre.

C'est pourquoi j'ai déposé le présent amendement qui est totalement similaire, dans son esprit et dans son économie, à celui que vous venez d'adopter en matière de perquisitions dans les cabinets d'avocats. Cet amendement propose d'instituer, tout en conservant au juge d'instruction ses prérogatives en matière de contrôle judiciaire, un recours suspensif confié au président du tribunal de grande instance devant lequel le bâtonnier de l'ordre des avocats pourra formuler ses observations.

Le caractère suspensif de ce recours empêchera donc l'applicabilité de l'interdiction prononcée par le juge et l'éventuelle révocation du contrôle judiciaire en cas de violation de cette interdiction, tant que le président du tribunal, éclairé par les déclarations du bâtonnier, n'aura pas confirmé cette interdiction d'exercice.

Evidemment, l'information du conseil de l'ordre prévue par l'article 138 sera maintenue, le président du tribunal ayant cinq jours pour se prononcer sur la contestation. Si le conseil prend l'initiative de statuer dans ce délai, il pourra même advenir que le contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercice deviendra dès lors inutile et il ne sera pas confirmé par le président.

Vous le voyez, il s'agit de garanties réelles, concrètes, mais qui ont aussi l'avantage de rester conformes à notre ordre juridique.

Vous avez, avec raison, supprimé les dispositions adoptées par le Sénat qui créaient des régimes spécifiques au profit des élus publics. Bien que le texte de l'article 33 bis que vous avez adopté en première lecture, l'ait été avec les meilleures intentions du monde, le conserver serait rendre un mauvais service aux avocats qui bénéficieraient alors d'un privilège similaire à celui que le Sénat voulait donner aux élus.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter le présent amendement qui est un hommage rendu au rôle difficile et essentiel des avocats dans une société démocratique. Il permet justement le contrôle par le conseil de l'ordre mais dans le cadre d'un recours suspensif, ce qui évite, par conséquent, de soumettre une décision pénale à l'avis déterminant d'un ordre disciplinaire. C'est, à mon avis, la seule façon de concilier convenablement, dans le respect de nos principes, la protection, évidemment indispensable, des avocats dans l'exercice de leurs fonctions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

La commission a repoussé l'amendement parce que nous ne voulions pas nous prononcer avant d'avoir les explications de Mme la garde des sceaux, qui m'ont personnellement complètement convaincue du bien-fondé de l'amendement no 223 et du parallélisme - que nous souhaitons - entre cet amendement et celui sur les perquisitions dans un cabinet d'avocat.

J'ajoute que l'argument invoqué par Mme la ministre de la justice au sujet de la détention provisoire est très fort. D'une part, le Parlement ne doit pas créer de régime spécifique pour telle ou telle catégorie de professionnels, qu'il s'agisse d'élus ou d'auxiliaires de justice. Mais, d'autre part, si nous en restions à l'amendement adopté en première lecture, les juges d'instruction choisiraient bien évidemment la détention provisoire dans les cas difficiles. Ce n'est certainement pas ce que désirent les avocats.

C'est pourquoi, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à l'amendement tel qu'il est rédigé par le Gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

C'est un sujet délicat parce que les avocats ne sont pas de simples citoyens à l'occasion d'un procès pénal. Et, à mon sens, ils se trouvent dans une situation très différente de celle des décideurs publics dont on parlait tout à l'heure. En effet, ils sont détenteurs des secrets que leur ont confiés leurs clients, et d'un certain nombre de pièces qui constituent des éléments essentiels de la défense et contribuent, en même temps, à la présomption d'innocence.

Prétendre qu'il n'est pas possible de prendre des dispositions qui feraient des avocats des citoyens différents des autres me gêne beaucoup. Car ils ne sont pas comme les autres, dans le cadre de la procédure pénale ! Dès lors, selon moi, l'ordre des avocats est le plus à même de prendre certaines mesures, susceptibles d'ailleurs d'un recours en appel.

Par tradition, les ordres qui organisent la profession d'avocat respectent strictement les règles de la déontologie. Il faut leur faire confiance, ainsi qu'à ceux qui les dirigent, les bâtonniers.

Madame la garde des sceaux, en dépit de vos explications très claires, je ne peux me défaire d'un certain scepticisme. Il faut savoir au surplus que la plupart des ordres des avocats sont contre vos propositions. Je m'abstiendrai donc sur vos propositions.

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

Je soutiens la proposition du Gouvernement parce que je pense que la justice n'est la propriété ni des magistrats, ni des avocats, ni des hommes politiques, y compris ceux qui sont au pouvoir. La justice est d'abord l'affaire des justiciables. C'est dire que le débat dépasse largement le cadre de la question des avocats et se pose en termes d'éthique de responsabilité, laquelle s'impose aussi aux hommes politiques. Actuellement, nos concitoyens sont très critiques tant à l'égard de la justice que de la façon dont on fait de la politique dans notre pays.

Je soutiens d'autant plus la proposition du Gouvernement que, derrière cette question, se profile celle de notre conception républicaine de la mission de service public de service au public - de la justice. De ce point de vue, nous avons des efforts à faire pour redynamiser, revisiter, ressourcer cette conception.


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M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je suis contre cet amendement.

Naturellement, l'idée d'égalité de tous, quelle que soit sa profession, devant la justice, s'impose. Mais l'avocat est plus exposé que tout le monde dans le débat judiciaire, par profession.

M. André Gerin.

Oh !

M. Patrick Devedjian.

Il est souvent le contradicteur du juge.

M. Pierre Albertini.

Bien sûr !

M. Patrick Devedjian.

Il s'oppose à lui et je peux vous assurer que la relation entre l'avocat et le juge est parfois très dure. Le juge, en effet, est convaincu qu'il a raison, qu'il a affaire à un malfaiteur dangereux qu'il faut arriver à confondre, et il a parfois le sentiment que l'avocat nuit à la réalisation de cet objectif. Les rapports entre les deux hommes sont souvent très tendus. C'est inévitable et c'est inhérent à la fonction même de l'avocat. On a parfois dit que c'était « l'homme seul contre les pouvoirs ».

Le remettre, pour être jugé, entre les mains de son contradicteur, c'est, en réalité, affaiblir la défense. Car le juge, dans cette affaire, n'est pas impartial : il est partie prenante au conflit qui l'oppose à l'avocat. Il faut donc que ce soit un tiers qui tranche et il faut que ce tiers soit indépendant : ce sera l'ordre des avocats.

Cette conception remonte tout de même à SaintLouis ! Les avocats doivent être soustraits à tout autre pouvoir, l'exécutif et le judiciaire.

Vous voulez que la justice soit indépendante. Cela passe aussi par l'indépendance de la défense. Et si vous mettez la défense sous la domination du juge, qui est son adversaire naturel - oui, le juge est l'adversaire naturel de l'avocat dans le procès parce que le procès est un conflit et un conflit parfois tendu -, vous rendez l'avocat dépendant et vous portez atteinte à la liberté de la défense.

Je comprends que l'on soit réticent à voir le conseil de l'ordre régler cette question, de crainte que puisse jouer un certain corporatisme.

M. André Gerin.

Le pré carré !

M. Patrick Devedjian.

C'est une objection que je ne mésestime pas. Je conçois que l'on puisse être réticent à ce que le conflit soit réglé par la profession, étant donné la solidarité et les liens d'amitié qui peuvent exister. Pour autant, la décision du conseil de l'ordre est susceptible d'appel, lequel a lieu devant des magistrats de la cour d'appel. Et ces magistrats, qui sont extérieurs au conflit qu'il y a eu entre l'avocat et le juge, ont suffisamment de recul pour prendre une décision équitable.

Si l'on prend l'histoire des affaires disciplinaires traitées par l'ordre des avocats de Paris - le barreau de Paris, qui a toujours comporté en son sein de fortes personnalités, a vu certains de ses membres les plus éminents, dont certains étaient parlementaires, être poursuivis et parfois suspendus -...

M. Alain Tourret.

Isorni, par exemple !

M. Patrick Devedjian.

... on se rend compte que la cour d'appel, formée uniquement de magistrats, a toujours maîtrisé convenablement les risques de corporatisme. Je connais une affaire dans laquelle la sanction, excessivement sévère, prononcée par l'ordre des avocats à l'encontre d'un avocat également parlementaire a été réduite par la cour d'appel : alors que la suspension était à vie, elle a été ramenée à trois ans.

Le système actuel de régulation fonctionne donc assez bien et permet d'assurer l'indépendance de la justice.

En tout cas, ne soyez pas le gouvernement qui aura mis la défense sous le boisseau ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je m'associe aux propos de Patrick Devedjian.

M. André Gerin.

Ils étaient excessifs !

M. Pierre Albertini.

Je ne sais pas s'il s'agit d'un combat mais, en tout cas, c'est une confrontation de points de vue. Et ce qu'il faut, c'est parvenir à équilibrer le fonctionnement de cette dialectique.

Il faut faire confiance à l'avocat. Sinon, on réduit son rôle, la fonction qu'il représente, l'autorité qu'il incarne dans la défense, dans la mise en oeuvre des droits des justiciables et des droits de la personne en général.

N'oublions pas que le conseil de l'ordre des avocats est déjà très sévère. La profession d'avocat est parfaitement régulée par les sanctions qu'il prend. Il s'agit, non de faire du corporatisme ou de défendre un pré carré, mais d'avoir une conception saine de la balance de la justice.

Or, la spécificité du rôle de l'avocat représente l'une des plateaux de cette balance, il faut donc reconnaître cette caractéristique.

Voilà pourquoi je suis hostile à l'amendement du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je tiens à indiquer à M. Devedjian et à M. Albertini, qui, je crois, n'étaient pas en séance quand j'ai présenté l'amendement, quel est mon souci.

Je suis aussi bien le ministre des avocats que celui des magistrats.

M. André Gerin.

Exactement !

M me la garde des sceaux.

Par conséquent, je comprends parfaitement le souci manifesté - avec beaucoup de talent d'ailleurs - par M. Devedjian de voir reconnaître la spécificité du rôle des avocats, puisque c'est aussi le mien. M. Albertini et M. Tourret se sont également fait l'écho d'une telle préoccupation.

Il est vrai que, face au juge d'instruction, l'avocat n'est pas placé dans la situation de tout un chacun, puisqu'il a déjà pu avoir des confrontations avec lui et qu'il en aura encore. Il faut donc reconnaître cette spécificité. Le problème est de savoir comment organiser cette reconnaissance sans déroger à nos principes juridiques qui veulent q u'un ordre professionnel, si important soit-il, si compétent soit-il, si rigoureux soit-il - et il est vrai que les bâtonniers sont sévères par rapport aux dérives en question - ne peut pas se substituer au juge pénal.

C'est la raison pour laquelle j'ai souligné, en présentant mon amendement, que la solution que je proposais était absolument similaire à celle que votre assemblée venait d'adopter en matière de perquisition dans les cabinets d'avocats et qui, justement, donne à un tiers la possibilité de se prononcer sur le caractère justifié ou non de la révocation du contrôle judiciaire, de la suspension de l'activité professionnelle.

Le mécanisme de recours suspensif devant le président du tribunal de grande instance doit permettre à l'ordre des avocats de faire valoir son point de vue. Et c'est bien


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

un tiers, monsieur Devedjian - le président du tribunal, éclairé par les déclarations du bâtonnier -, qui tranche la question de savoir si l'interdiction d'exercice est justifiée ou pas.

Voilà le dispositif que je propose. Je considère que c'est vraiment la meilleure façon de concilier la reconnaissance indispensable - Alain Tourret l'a fort bien souligné tout à l'heure - de la spécificité du rôle de l'avocat et le respect des principes propres à notre ordre juridique.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Ce sujet difficile mérite sûrement que notre assemblée y réfléchisse, d'autant que, comme l'a indiqué Mme le rapporteur, nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner cet amendement en commission.

Je m'interroge. Ne pourrait-on pas concevoir un appel de l'ordonnance prise par le président du tribunal ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Ma proposition ne supprime pas la possibilité d'appel.

M. Alain Tourret.

Si ! Il est écrit dans l'amendement que l'ordonnance du président du tribunal de grande instance est « non susceptible de recours ».

M. Pierre Albertini.

Hélas !

Mme la garde des sceaux.

La décision de contrôle judiciaire peut toujours faire l'objet d'un appel. En revanche, la décision du président du tribunal, elle, n'est pas susceptible d'appel.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Je propose un sous-amendement qui vise à supprimer cette absence de possibilité de recours.

M. le président.

Je vous invite à me faire parvenir ce sous-amendement.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Dans cette hypothèse spécifique, il ne me paraît pas très raisonnable de créer une possibilité d'appel des décisions du président du tribunal, puisqu'il existe, en parallèle, une possibilité d'appel sur la décision de contrôle judiciaire et qu'il n'y a jamais d'appel des décisions du président du TGI lorsqu'il prolonge une garde à vue ou contrôle des perquisitions, c'est-à-dire lorsqu'il agit dans le cadre de ses compétences en matière de contrôle de l'enquête.

M. Pierre Albertini.

C'est autre chose !

M me Christine Lazerges, rapporteuse.

Cela étant, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, la décision de contrôle judiciaire peut faire l'objet d'un appel.

En créant une possibilité d'appel de la décision prise par le président du TGI, nous risquons d'embrouiller les choses en matière de compétences dudit président.

M. Alain Tourret.

Le président du TGI est toujours plus proche du juge d'instruction !

M. le président.

La présidence vient d'être saisie d'un sous-amendement, no 265, présenté par Mme Bredin.

Ce sous-amendement est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 223 rectifié, au deuxième aliéna du texte proposé pour l'article 139-1 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "non susceptible de recours". »

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Je ne peux donner qu'un avis personnel. Etant favorable à l'amendement du Gouvernement, je suis donc opposée à la suppression des mots « non susceptible de recours ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je vais tenter de dissiper le malentendu.

Tout en conservant au juge d'instruction ses prérogatives en matière de contrôle judiciaire, notre objectif est d'assurer une protection à l'avocat. Selon les termes de l'amendement, la décision du juge d'instruction peut faire l'objet d'un recours devant le président du tribunal de grande instance. Si le président du tribunal de grande instance dit « non », il n'y a pas de contrôle judiciaire. En revanche, s'il dit « oui », la mesure devient effective et, à ce moment-là, le recours est possible. Il est, de ce fait, inutile de le préciser.

Pourquoi, dès lors, prévoir un recours contre une décision qui n'existe pas ?

M. Jean-Pierre Michel.

Raison de plus pour supprimer les mots « non susceptible de recours » !

M. le président.

J'en déduis, madame la garde des sceaux, que vous êtes défavorable au sous-amendement no 265 de Mme Bredin.

Mme la garde des sceaux.

En effet, monsieur le président.

Rappel au règlement

M. Louis Mermaz.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Mermaz, pour un rappel au règlement.

M. Louis Mermaz.

Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58.

N ous venons d'avoir, monsieur le président, la démonstration des conséquences que peut avoir le dépôt tardif d'amendements. Si la commission des lois avait pu travailler, nous ne serions pas dans une telle confusion.

M. Henry Jean-Baptiste.

C'est vrai !

M. Louis Mermaz.

Je souhaiterais que cela serve d'exemple et que, à l'avenir, on ne présente pas au dernier moment des amendements que la commission ne peut pas examiner au cours de la réunion tenue en application de l'article 88. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.)

Si nous ne pouvons pas parvenir ici à un accord avec le Gouvernement, il serait bon que la commission des lois se réunisse.

M. le président.

Monsieur Mermaz, je vous donne acte de votre rappel au règlement auquel tout le monde ne peut, bien sûr, que souscrire.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Chacun d'entre nous doit bien mesurer les conséquences du vote qu'il va émettre, car il s'agit d'une affaire grave. En conséquence, je demande une suspension de séance d'une dizaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures dix.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président.

Nous revenons à l'amendement no 223 rectifié du Gouvernement et au sous-amendement no 265 présenté en séance par Mme Frédérique Bredin.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, pour accentuer encore les garanties qui sont données aux avocats compte tenu de la spécificité de leur métier, je ferai une proposition à l'Assemblée.

Auparavant, pour que chacun comprenne bien, je voudrais rappeler l'économie du dispositif que je propose dans l'amendement no 223 rectifié.

Au départ, le juge d'instruction prononce un contrôle judiciaire à l'encontre d'un avocat. L'éventuel recours contre cette décision par l'avocat est suspensif de la décision. La décision de contrôle judiciaire, l'interdiction professionnelle, ne s'applique donc pas. Le recours est envoyé au président du tribunal de grande instance.

La décision d'interdiction professionnelle ne s'appliquant pas, si le président du tribunal de grande instance dit qu'il n'y a pas motif à contrôle judiciaire, tout s'arrête. Et cette décision n'est pas susceptible de recours. En revanche, si le président du TGI considère la décision de contrôle judiciaire justifiée, les cinq jours de suspension qui ont précédé la décision du TGI auront été mis à pr ofit par l'ordre professionnel pour présenter ces observations. Le président du TGI décidera au vu de ces observations.

En résumé, dans le dispositif proposé par l'amendement no 223 rectifié, le recours contre la décision du juge d'instruction est suspensif, il empêche que la décision d'interdiction professionnelle s'applique et permet à l'ordre des avocats de présenter ses observations.

Si le président du TGI confirme la décision du juge d'instruction, le contrôle judiciaire devient effectif. Mais ce contrôle judiciaire est susceptible d'appel devant la cour d'appel. Dans ce cas, nous ne modifions pas le système.

La question de fond qui se pose, et dont nous venons de discuter notamment avec Louis Mermaz, Frédérique Bredin, Jacques Floch et Catherine Lazerges, porte sur le délai de l'appel formé devant le président de la cour d'appel. Actuellement, le délai est de 20 jours. Doit-on réduire ce délai ? Ou alors ne peut-on rendre l'appel devant la cour d'appel suspensif, au même titre que le recours devant le président du TGI ? Je vous propose de retenir cette solution, qui se concrétiserait sur la forme d'un quatrième alinéa à l'amendement no 223 rectifié ainsi rédigé :

« L'appel formé contre l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire confirmée par le président du TGI suspend l'exécution de l'interdiction d'exercice. »

De la sorte, nous aurons une suspension tout au long de la chaîne, jusqu'à ce que la cour d'appel rende sa décision.

Cette solution me semble...

Mme Frédérique Bredin.

Très bonne.

Mme la garde des sceaux...

très protectrice. En même temps, elle n'est pas contraire à notre arsenal juridique, qui ne permet pas à un ordre professionnel de contrevenir à une décision pénale. De surcroît, elle est susceptible d e diminuer le risque que nous avions souligné, Mme Lazerges et moi, que les juges d'instruction soient incités à mettre en détention provisoire un avocat qui se serait rendu coupable d'actes délictueux.

Ce dispositif, qui ne dénature pas l'esprit initial, est équilibré et permet de renforcer la protection des avocats.

M. le président.

L'amendement no 223 rectifié du Gouvernement devient l'amendement no 223 deuxième rectification. Il est ainsi rédigé :

« Après l'article 9 septies, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 139 du code de procédure pénale, un article 139-1 ainsi rédigé :

« Art. 139-1. - Losqu'un avocat a fait l'objet de l'interdiction prévue par le 12o de l'article 138 en raison de faits commis dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses activités, il peut, dans le jour suivant la décision du juge d'instruction, contester cette décision devant le président du tribunal de grande instance, à qui le dossier de la procédure est alors transmis sans délai. Cette contestation suspend l'exécution de l'interdiction d'exercice et interdit une éventuelle révocation du contrôle judiciaire.

« Dans les cinq jours suivant la réception du dossier, le président du tribunal de grande instance statue par ordonnance motivée non susceptible de recours, après un débat contradictoire au cours duquel il entend les observations du procureur de la République puis de l'avocat, assisté, le cas échéant, de son conseil.

« Le bâtonnier de l'ordre des avocats peut présenter des observations devant le président du tribunal de grande instance.

« L'appel formé contre l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire confirmée par le président du tribunal de grande instance suspend l'exécution de l'interdiction d'exercice. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Mme la garde des sceaux, je conçois, au nom de l'unité de la procédure, que le fait de laisser à l'ordre des avocats le soin le statuer peut poser problème. Mais je trouve encore plus problématique le fait que ce soit le juge d'instruction qui prenne la première décision, même si elle est susceptible d'appel avec un effet suspensif. Le juge d'instruction est en effet, en l'occurrence, juge et partie. Que le juge d'instruction en cause dans le conflit avec l'avocat soit celui qui prenne la décision, laquelle donnera ensuite lieu à appel et à examen par le président du tribunal de grande instance, me paraît vicieux.

Il vaudrait mieux que le juge d'instruction saisisse le président du tribunal de grande instance de son conflit et que ce soit celui-ci qui prenne la décision. Si vous ne voulez que la décision initiale soit prise par l'ordre des avocats, qu'au moins cette décision soit prise par ce tiers afin d'éviter la confusion entre juge et partie.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Devedjian, ce que je propose revient exactement au même. Même si le juge d'instruction prend une décision de contrôle judiciaire, celle-ci ne s'applique pas, puisque le recours a un effet suspensif, tant que la décision n'est pas confirmée, premièrement, par le président du tribunal de grande instance, deuxièmement, par le président de la cour d'appel s'il y a un recours. La décision du juge n'a donc pas de


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c onséquences négatives. Il arrive que des avocats commettent des actes graves. Je ne crois pas que ce soit l'intérêt de la profession des avocats de dénier au juge d'instruction la capacité de prendre des décisions à l'encontre des avocats - ils sont peu nombreux mais ils existent comme dans toutes les professions - qui se livrent à des activités répréhensibles.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

La solution proposée par Mme la garde des sceaux me paraît excellente. Il ne serait pas acceptable qu'un ordre professionnel puisse contrevenir à une décision pénale, quel que soit cet ordre. La solution proposée d'appel suspensif est tout à fait protectrice : la décision du président du tribunal de grande instance dans les cinq jours a un effet suspensif puis, si le contrôle judiciaire est confirmé, l'appel devant la cour d'appel a, lui aussi, un effet suspensif. La protection de la fonction d'avocat dans le processus judiciaire est vraiment assurée.

M. Patrick Devedjian.

Non !

Mme Frédérique Bredin.

Dans ces conditions, je retire mon sous-amendement no 265.

M. André Gerin.

Très bien !

M. le président.

Le sous-amendement no 265 est retiré.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Madame la garde des sceaux, l'avocat, nous l'avons souligné tout à l'heure, n'est pas une personne lambda devant la justice. Le système de protection proposé prévoit un juste équilibre entre la nécessité de prendre des décisions contre des avocats qui ont failli et l'obligation de protéger des personnes qui jouent un rôle particulier dans la procédure judiciaire.

Dès lors que l'on estime que ce n'est ni au bâtonnier ni au conseil de l'ordre de prendre la décision, qui peut le faire, si ce n'est le juge d'instruction ?

M. Patrick Devedjian.

Le président du tribunal !

M. Alain Tourret.

Non, il est préférable que ce soit le juge d'instruction qui est au courant de l'affaire plutôt que le président du TGI après avoir entendu le juge d'instruction.

Le juge d'instruction doit motiver sa décision, puis, après avoir entendu le bâtonnier de l'ordre des avocats, puisque telle est la procédure prévue pendant le délai de cinq jours, le président du tribunal prendra la sienne.

Ce qui nous ennuyait un peu, c'était le problème de proximité, qui peut se poser pour un certain nombre de petits tribunaux. Il faut en effet reconnaître que la justice est à deux vitesses : il y a Paris et le reste de la France.

Des proximités sont très importantes - en province, nous le savons bien - telles que celles entre le président du tribunal de grande instance et le juge d'instruction.

On veut éviter ces situations et, pour cela, on prévoit la possibilité d'un appel de la décision, négative en ce qui concerne l'avocat, confirmant la décision du juge d'instruction prononçant la suspension. Le renvoi devant la cour d'appel me paraissait indispensable et, à partir du moment où l'exécution de la mesure est suspendue à la décision du président, les droits des avocats me semblent garantis.

En conséquence, je voterai l'amendement no 223, deuxième rectification.

M. André Gerin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

N'y a-t-il pas une contradiction dans la rédaction de l'amendement ? Au deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 139-1, il est précisé que le président du tribunal de grande instance statue « par ordonnance motivée non susceptible de recours » et, au quatrième alinéa, que l'appel formé contre « l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire » suspend l'exécution de l'interdiction d'exercice. N'est-ce pas contradictoire ?

Mme la garde des sceaux.

Je m'en suis déjà expliquée !

Mme Frédérique Bredin.

C'est de l'ordonnance de placement qu'il s'agit !

M. Patrick Devedjian.

Dans ce cas, il faut le préciser.

De quelle ordonnance peut-il être fait appel ?

M. Henry Jean-Baptiste.

M. Devedjian a raison de poser la question !

M. le président.

Ce n'est pas la même ordonnance qui est visée dans les deux cas !

M. Patrick Devedjian.

Précisons les choses !

M. le président.

Je pense que le texte est suffisamment clair...

M. Patrick Devedjian.

Vous pensez qu'une précision n'ajouterait rien ?

M. le président.

Je n'ai pas me prononcer à ce sujet.

La parole est Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il y a bien deux ordonnances.

Je vous propose qu'à la faveur des navettes nous précisions la rédaction, sachant, sur le fond, que nous sommes maintenant d'accord. Je prends l'engagement que nous reverrons la rédaction pour éviter toute confusion.

Quand la décision du président du tribunal est négative, tout s'arrête. Ce n'est que lorsque cette décision est positive que le recours en appel est suspensif.

Je ne suis pas favorable à ce que nous précisions les choses aujourd'hui en séance publique, car nous risquerions d'adopter une solution qui pourrait présenter d'autres inconvénients.

Vous aurez de toute façon, mesdames, messieurs, l'occasion d'examiner le texte que le Sénat aura adopté en deuxième lecture.

M. le président.

Vos propos, madame la garde dess ceaux, nous éclairent sur ce qu'il convient de comprendre.

Je mets aux voix l'amendement no 223, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Article 10 A

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 10 A.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 115, ainsi libellé :

« Rétablir l'article 10 A dans le texte suivant :

« L'article 137 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 137. La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

L'article 10 A, supprimé par le Sénat, nous paraît important et c'est pourquoi nous proposons de le rétablir.

Cet article précise clairement que la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Tel est le principe. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, celle-ci peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire.

Telle est la première exception. Lorsque ces obligations se révèlent insuffisantes au regard de ces objectifs, la personne peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire.

Il y a donc bien une gradation : le principe, c'est la liberté ; l'exception, c'est le contrôle judiciaire ; si, d'aventure, le contrôle judiciaire n'était pas suffisant, la détention provisoire pourrait être, à titre exceptionnel, décidée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

Il est choquant que le Sénat ait supprimé l'article 10 A, qui rappelle les données fondamentales du statut de la personne mise en examen. Je suis très heureux que la commission propose de le rétablir.

Présumée innocente, la personne mise en examen doit rester en liberté, la détention provisoire devant demeurer l'exception. Telle est en tout cas notre conviction.

Comment peut-on, comme cela a été fait, soutenir que cet article est redondant quand ont connaît la réalité des prisons françaises et quand on sait ce que représente la population carcérale ? Je constate la gravité des carences de notre système judiciaire, qu'on déplore d'autant plus si l'on a une connaissance suffisante du milieu carcéral.

La multiplication des placements en détention provisoire et la prolongation des délais n'ont pas permis de faire reculer l'insécurité, beaucoup s'en faut. Une durée de détention provisioire beaucoup trop longue a de mult iples conséquences négatives, en particulier sur les mineurs et les jeunes majeurs. Toute avancée en ce domaine est à prendre en compte.

Nous considérons que les précisions que tend à rétablir l'amendement ne peuvent nuire à la volonté affichée de limiter le recours à la détention provisoire, d'autant qu'il est rappelé qu'elle doit toujours demeurer l'exception.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 115.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 10 A est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Monsieur le président, j'ai omis d'indiquer que la section 1 A : Dispositions générales, devait être établie avant l'article 10 A.

M. le président.

Je prends acte de cette précision.

Article 10 B

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 10 B. Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 116, ainsi rédigé :

« Rétablir l'article 10 B dans le texte suivant :

« Le premier alinéa de l'article L.

611-1 du code de l'organisation judiciaire est supprimé. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

La commission considère que l'article 10 B, supprimé par le Sénat, est très important, bien qu'il soit très court, puisqu'il ne rendrait plus obligatoire qu'il y ait un juge d'instruction par tribunal de grande instance.

Notre souhait, à la commission des lois, est que, dans un nombre croissant de juridictions se créent des pools de juges d'instruction qui prennent l'habitude de travailler ensemble et qu'ainsi la tâche d'instruire devienne une tâche collective. Nous estimons qu'il existe dans ce pays quelques tribunaux où il n'est pas indispensable d'avoir un juge d'instruction et qu'il vaut mieux avoir de véritables cabinets d'instruction, au moins un par département, mais pas forcément un par tribunal de grande instance.

C'est l'amorce d'une révision intelligente de la carte judiciaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

Je suis réservé.

Supprimer le premier alinéa de l'article L.

611-1 du code de l'organisation judiciaire équivaut à supprimer l'obligation pour chaque tribunal de grande instance d'avoir un juge d'instruction au moins. Mais quel est le rapport avec la protection de la présomption d'innocence ? Quand bien même la révision de la carte judiciaire interviendrait dans les deux années qui suivront la promulgation de la future loi, ce que propose la commission irait à l'encontre de la justice de proximité, à laquelle nous tenons tous.

Pourrais-je avoir quelques précisions ?

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Mon cher collègue, je vous apporterai bien volontiers les précisions que vous souhaitez.

Savez-vous que certains juges d'instruction sont terriblement isolés et qu'ils demandent eux-mêmes à travailler avec des collègues ? Ainsi que nous le verrons un peu plus loin dans le texte, nous allons mettre en place un juge de la détention. Cette innovation induit, dans un souci de bon fonctionnement de la justice pénale, un regroupement des juges d'instruction.

Je connais des juges d'instruction, au fin fond de petits tribunaux, qui ne souhaitent qu'une chose : être moins seuls et pouvoir échanger leurs points de vue.

Il faut aussi prendre conscience que le travail judiciaire n'est plus ce qu'il était au début ni même au milieu du siècle qui vient de s'achever. Souvent, le fait de collaborer avec un collègue sur une affaire difficile est très utile. Et des affaires difficiles, il y en a dans toutes les juridictions !


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Je ne crois pas que le principe de l'existence d'un juge d'instruction dans chaque petit tribunal de grande instance aille dans le sens d'un bon fonctionnement de la justice pénale.

La mesure que nous proposons n'est pas contradictoire avec la justice de proximité. La justice de proximité implique que l'on puisse trouver un juge d'instance pour de petits conflits au quotidien ; elle implique qu'il y ait des maisons de justice là où il n'y a pas de juge d'instance ; mais elle n'impose pas qu'il y ait partout un juge d'instruction.

Les juges d'instruction ont des missions bien définies.

Ils n'instruisent que 7 % ou 8 % des affaires qui viennent devant le juge pénal, et ce chiffre montre bien qu'il faut les regrouper dans des lieux-centres où ils puissent travailler en collaboration.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Nous avons déjà eu en première lecture un débat sur l'amendement présenté par

Mme Lazerges, auquel je suis très favorable.

C et amendement permet au juge d'instruction confronté à des affaires complexes de travailler davantage en équipe, et c'est cela qui est important. D'ailleurs, c'est déjà le cas en matière de délinquance économique et financière : au sein des pôles financiers, nous adjoignons au juge d'instruction des assistants spécialisés qui lui permettent de sortir de sa solitude, pour traiter des dossiers extrêmement complexes, dont les éléments sont très difficiles à démêler et pour le traitement desquels le dialogue avec d'autres personnes peut, bien que celles-ci ne soient pas des magistrats, se révéler utile. S'agissant d'affaires graves et complexes, la logique conduit à encourager le travail en équipe, ce qui ne peut se faire, on le comprend, que si l'on procède à un certain regroupement.

Je connais le souci de M. Gerin d'avoir une justice de proximité, et une justice qui soit rendue pour les justiciables, notre organisation judiciaire n'étant pas seulement destinée à faciliter le travail des magistrats. Mais la mesure proposée n'est pas du tout incompatible avec ce souci car le justiciable confronté à un juge d'instruction a tout intérêt à ce que la décision soit prise aussi vite que possible pour sortir de cette période intermédiaire où une personne est, sans être jugée, mise en cause.

Le regroupement est, me semble-t-il, une incitation à rendre l'enquête plus rapide.

Nous appliquons déjà un tel système pour ce qui concerne les juges pour enfants. Aujourd'hui, il n'est pas prévu qu'il y ait un juge pour enfants dans chaque TGI.

Je m'oppose d'ailleurs aux demandes qui consistent à réclamer, pour mieux traiter la délinquance juvénile, un juge pour enfants.

On a donc intérêt aux regroupements.

Si l'on a plusieurs juges pour enfants dans un même TGI, ceux-ci pourront assurer des permanences, assurer une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y compris pendant le week-end, et traiter immédiatement le cas du jeune qui aura mis le feu quelque part et que l'on ne devra pas laisser dans sa famille ou son quartier.

Je ne ferai pas ce raisonnement pour toutes les affaires où le besoin de très grande proximité se fait sentir. Nous avons alors d'autres modes de traitement qui nous permettent de faire face à ce besoin, tant au niveau des tribunaux d'instance qu'à celui des maisons de la justice et du droit.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 116.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 10 B est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 10 C

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 10

C. Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 117, ainsi rédigé :

« Rétablir l'article 10 C dans le texte suivant :

« La carte judiciaire sera révisée dans les deux a nnées qui suivent la publication de la loi no du renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement tend à rétablir l'article 10 C tel que l'avait adopté notre assemblée en première lecture et selon lequel la carte judiciaire devrait être révisée dans les deux années qui suivront la publication de la future loi.

Cette révision est déjà engagée avec le regroupement des juridictions de commerce.

Si nous voulons que le juge de la détention puisse effectuer le travail qui va être le sien, une révision de la carte judiciaire s'impose.

Tous les magistrats, tous les professionnels de justice le disent : le premier des impératifs, en dehors des textes qui sont votés par le Parlement, et qui sont indispensables, est la révision de la carte judiciaire, et le second la suffisance des moyens en magistrats et en personnels de justice.

La révision de la carte judiciaire s'intègre bien, nous semble-t-il, dans le texte que nous examinons.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

En première lecture, j'avais émis un avis défavorable. Il en sera de même en deuxième lecture.

Autant je pense que la révision de la carte judiciaire est absolument indispensable - elle est d'ailleurs en cours, comme vient de le rappeler Mme Lazerges -, autant je suis persuadée qu'elle n'a pas à être liée à la présente réforme car le Gouvernement doit rester maître du rythme de cette révision.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

J'avais déposé un amendement similaire en première lecture, lequel a été repris par notre rapporteuse.

Nous n'échapperons pas à une révision de la carte judiciaire. Ayons le courage de le dire ! Tous les lobbies locaux et politiques s'y opposeront, mais nous pouvons déjà même réfléchir sur les tribunaux de grande instance.

Je suis persuadé que la justice de proximité doit continuer d'exister et que certaines compétences des tribunaux d'instance doivent être renforcées.

On peut parfaitement concevoir que, dans le droit de la famille, tout le contentieux postérieur au divorce soit de la compétence de ces tribunaux et non plus de celle du juge aux affaires familiales, au tribunal de grande instance. Savoir si la pension alimentaire doit être augmentée de 100 francs par mois ou si l'on peut avoir son


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

enfant le samedi ou le dimanche relève effectivement d'une justice de proximité qui doit être redonnée au tribunal d'instance, dont les fonctions seront ainsi renforcées.

En revanche, on n'échappera pas à une révision de certaines attributions des tout petits tribunaux de grande instance.

Dans quel délai ? Un délai de deux ans nous a semblé pouvoir dans le même temps renforcer la crédibilité du juge de la détention. En effet, comment fera-t-on, compte tenu des compétences territoriales, pour trouver des juges de la détention, qui ne connaîtront pas le dossier étant donné toutes les difficultés actuelles, et compte tenu de la jurisprudence européenne sur le président du tribunal de grande instance qui, lorsqu'il a statué en référé, ne peut plus statuer au fond ? Nous risquons de ne plus avoir de juges ! La première solution consiste à doter chaque petit tribunal de grande instance d'un ou deux magistrats supplémentaires. Si l'on ne s'oriente pas vers cette solution, on sera bien obligé de recourir à la proposition de notre rapporteuse sur la départementalisation de l'instruction, d'une part, et d'engager une réflexion sur les petits tribunaux de grande instance, d'autre part.

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Je crois que Mme la ministre a répondu au souci de l'Assemblée. Dans ces conditions, peut-être Mme Lazerges acceptera-t-elle de retirer l'amendement, qui ressemble beaucoup à un cavalier.

Je relèverai au surplus un petit paradoxe : l'amendement enjoint au Gouvernement de faire les choses dans les deux ans alors que de nombreux élus multiplient les démarches pour protéger leur tribunal.

(Sourires.)

Il faut faire confiance à Mme la ministre pour faire aboutir la réforme que nous souhaitons et qui est déjà engagée, mais sans prévoir de date butoir, d'autant plus que deux ans, c'est très court.

M. le président.

Madame la rapporteuse, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

En réalité, il n'y a pas de problème pratique, puisque la réforme de la carte judiciaire est déjà entamée. Mais la commission des lois veut montrer qu'une bonne mise en oeuvre de cette réforme suppose de s'intéresser en urgence à la carte judiciaire.

Par conséquent, au nom de la commission, je ne retire pas l'amendement no 117.

M. le président.

Nous l'avons bien compris, il ne s'agit pas du fond, mais d'enjoindre au Gouvernement d'agir dans un délai précis.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je soutiens l'amendement de Mme Lazerges, parce que la réforme de la carte judiciaire est effectivement indispensable mais très difficile à mettre en oeuvre. Il s'agit d'aider le Gouvernement, confronté à la position de tous ces élus locaux, de gauche comme de droite, qui résistent aux modifications de la carte judiciaire. La mission d'investigation sur la carte judiciaire constate en effet combien ce gouvernement - tout comme ceux qui l'ont précédé - se heurte à de fortes résistances.

Ainsi, en deux ans et demi, le Gouvernement n'a supprimé aucun tribunal judiciaire. Il a certes supprimé 36 tribunaux de commerce, et c'est une bonne chose.

M. François Colcombet.

Une très bonne chose !

M. Patrick Devedjian.

On nous avait annoncé, pour le mois de décembre, puis pour le mois de janvier, une d euxième vague de suppressions de tribunaux de commerce, que l'on attend encore - peut-être n'est-ce que partie remise, mais ce sera effectivement très difficile.

Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne les tribunaux judiciaires, il ne s'est absolument rien passé. Or aucune réforme n'est réellement possible sans ce préalable, en particulier toutes celles qui sont consommatrices de magistrats.

L'intention de Mme Lazerges était pure ; loin de constituer une injonction, monsieur le président, elle était destinée à aider le Gouvernement, qui aurait pu s'appuyer sur la volonté du Parlement pour contraindre les élus, de gauche comme de droite, à accepter enfin ce progrès.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 10 C demeure supprimé.

Avant l'article 10

M. le président.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Avant l'article 10, insérer l'article suivant :

« Au début du premier alinéa de l'article 137 du code de procédure pénale, les mots : "La personne mise en examen" sont remplacés par les mots : "Le témoin contre lequel des charges suffisantes ont été réunies". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement de M. Balladur fait partie, avec d'autres, du dispositif dont, malheureusement, cette assemblée a rejeté le socle. Je profite de l'occasion pour le rappeler encore une fois, le dispositif de M. Balladur protégeait la présomption d'innocence, puisqu'il prévoyait qu'il n'y ait que des témoins, assistés ou non, lors de l'instruction. Ainsi, dans un premier temps, il aurait été impossible de distinguer entre tous ceux qui entrent dans le cabinet du juge d'instruction, qu'ils finissent ou non par être mis en examen.

Il s'agit donc d'un amendement de cohérence. J'en soutiens le principe, mais je suis sans illusion, compte tenu du sort qui a été réservé à l'amendement principal.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il me semble que l'amendement no 6 tombe.

M. le président.

Effectivement, il semble que l'amendement no 6 n'ait plus d'objet. N'est-ce pas, monsieur Devedjian ?

M. Patrick Devedjian.

Je l'admets.

M. le président.

L'amendement no 6 tombe.

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - Après l'article 137 du code de procédure pénale, sont insérés cinq articles 137-1 à 137-5 ainsi rédigés :

« Art. 137-1. - La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par un magistrat du siège ayant rang de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

président, de premier vice-président ou de vice-président désigné par le président du tribunal de grande instance.

Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises.

« Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu.

« Il est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui lui transmet le dossier de la procédure acc ompagné des réquisitions du procureur de la République. Il statue à l'issue d'un débat contradictoire.

« Art. 137-2. - Le contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction, qui statue après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République.

« Le contrôle judiciaire peut être également ordonné par le magistrat mentionné à l'article 137-1, lorsqu'il est saisi.

« Art. 137-3. - Lorsqu'il ne décide ni le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci ni la prescription d'une mesure de contrôle judiciaire, le magistrat mentionné à l'article 137-1 statue par une ordonnance motivée.

« Art. 137-4. - Le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance dans les cas suivants :

« 1o Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire ou demandant la prolongation de celle-ci, il ne transmet pas le dossier de la procédure au magistrat mentionné à l'article 137-1 ;

« 2o Lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.

« Art. 137-5. - Non modifié. »

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 10 :

« Il est inséré, après l'article 137 du même code, cinq articles ainsi rédigés :

« Art. 137-1. - La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le tribunal de la liberté. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises.

« Le tribunal de la liberté est composé de magistrats du siège désignés par le président du tribunal de grande instance. Ils peuvent être remplacés dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 50. Les débats de ce tribunal sont contradictoires ; il est assisté d'un greffier.

« Les magistrats composant le tribunal de la liberté ne peuvent, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont ils ont connu.

« Lorsque la mesure de mise en détention provisoire est requise en même temps que celle ouvrant une instruction, ces réquisitions saisissent le tribunal de la liberté. Elles énumèrent les charges déjà recueillies à l'encontre du témoin et les motifs de nature à justifier la mesure.

« Dans les autres cas, le tribunal de la liberté est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction, qui a préalablement rendu une ordonnance de mise en accusation.

« Art. 137-2. - Le contrôle judiciaire est ordonné par le tribunal de la liberté qui statue après avoirr ecueilli les réquisitions du procureur de la République.

« Art. 137-3. - Lorsqu'il estime ne pas devoir décider le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle-ci, ni prescrire une mesure de contrôle judiciaire, le tribunal de la liberté n'est pas tenu de statuer par une décision motivée.

« Art. 137-4. - Le juge d'instruction n'est pas tenu de statuer par ordonnance dans les cas suivants :

« 1o Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire, il ne transmet pas le dossier de la procédure au tribunal de la liberté ;

« 2o Lorsqu'il ne suit pas les réquisitions du procureur de la République tendant au prononcé d'une mesure de contrôle judiciaire.

« Art. 137-5. - Lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, ou à la prolongation de la détention provisoire, le procureur de la République peut saisir directement la chambre d'accusation dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis défavorable.

Nous ne souhaitons pas que certaines exceptions à la non-publicité du débat sur le placement en détention provisoire soient supprimées.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 215 et 118, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 215, n'est pas défendu.

L'amendement no 118, présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, est ainsi rédigé :

« Substituer au premier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale, les deux alinéas suivants :

« Art. 137-1. - La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge de la détention provisoire. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises.

« Le juge de la détention provisoire est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande instance. Lorsqu'il statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier. »

Sur cet amendement, M. Albertini et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un sous-amendement, no 201, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 118, supprimer les mots : "ou prolongée". »

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no 118.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Il s'agit de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

L'amendement a un double objet. D'une part, il rétablit le titre de « juge de la détention provisoire ». D'autre part, il prévoit que celui-ci ne puisse être choisi que parmi des magistrats ayant une certaine expérience : présidents, premiers vice-présidents et vice-présidents ; d'ailleurs - et j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier -, la commission des lois souhaite que, le plus souvent possible, le juge de la détention provisoire soit le président du tribunal de grande instance.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir le sous-amendement no 201.

M. Pierre Albertini.

J'avais déjà déposé ce sous-amendement en première lecture : il consiste à rendre plus difficile la prolongation de la détention provisoire, ou, en tous les cas, à l'entourer de garanties supplémentaires.

La décision de placement en détention provisoire sera prise par le juge de la détention, qui sera un juge unique, quelle que soit la solennité qui s'attachera à sa désignation. Il nous semblerait par conséquent souhaitable que la prolongation de cette mesure soit décidée par une juridiction de type collégial.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 118 et le sous-amendement no 201 ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis très favorable à l'amendement no 118, qui renforce la crédibilité du juge de la détention provisoire.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement no 201. En effet, la logique du projet est de donner au juge de la détention provisoire un regard sur toutes les décisions relatives à la détention provisoire - placement, prolongation, demande de mise en liberté.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

J'en profite pour rappeler les réserves que m'inspire le dispositif proposé.

Première réserve : les juges de la détention seront des magistrats ayant rang de président, de premier viceprésident ou de vice-président, ce qui posera des difficultés d'organisation dans nombre de juridictions.

Deuxième réserve : cette mesure coûtera très cher en moyens et en postes de magistrats. Est-elle justifiée, alors que toutes les juridictions battent des records de retard ? Troisième réserve : je doute que cette disposition modifie considérablement le recours à la détention provisoire. Ce magistrat, que l'on appellera, qui devra parfois faire plusieurs dizaines de kilomètres, un soir, pour consulter un dossier dans un bureau, modifiera-t-il profondément les habitudes en matière de recours à la détention provisoire ? J'en doute.

Je tiens au passage à dénoncer le discours que l'on a pu entendre, de-ci de-là, selon lequel les magistrats français n'auraient qu'un seul but : essayer de placer en détention provisoire tous les suspects dont ils ont à s'occuper. Les magistrats ont d'abord le souci d'appliquer les textes que nous votons. Si les textes ne sont pas bons, qu'on les change ! Je ne crois pas qu'il y ait un abus systématique. Les magistrats s'attachent avant tout à rendre la justice, et la défiance systématique à leur égard me semble injustifiée.

J'ajoute que la priorité numéro un, dont nous reparlerons un peu plus tard, est la détention provisoire des personnes qui attendent dans une cellule pendant un an ou un an et demi, une fois l'instruction terminée, en attendant qu'une date d'audience soit fixée. C'est dans ce cas que la détention provisoire est la plus abusive, la plus inacceptable.

Le problème est pris par le mauvais bout. L'efficacité du juge de la détention pour améliorer le fonctionnement du service public de la justice et la défense des libertés sera-t-elle à la hauteur de son coût ? Je n'en suis pas convaincu.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

On s'y perd un peu, parce que M. Warsmann juge trop coûteux et inutile d'instituer un juge de la détention provisoire, alors que M. Albertini demande qu'il y en ait trois. On ne sait plus très bien où la droite en est.

Pour notre part, c'est très clair : nous souhaitons qu'un juge de la détention provisoire porte un second regard sur l'instruction lorsque le juge d'instruction demande la détention provisoire, et nous ne pensons pas, monsieur Albertini, que la collégialité soit nécessaire pour prononcer la prolongation de la détention provisoire. Ce serait trop lourd, et ce ne serait pas dans l'esprit du projet de loi.

Au demeurant, ce sera bien une instance collégiale qui statuera lorsqu'il sera fait appel de la décision prise par le juge de la détention provisoire. La décision, à un moment ou un autre, sera donc collégiale.

En définitive, notre système fixe un juste équilibre entre les solutions radicalement opposées que viennent de présenter M. Warsmann et M. Albertini.

Mme la garde des sceaux.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame le rapporteur, la caricature est facile, mais n'éclaire pas le débat.

Mme la garde des sceaux.

Mme Lazerges ne caricature jamais !

M. Jean-Luc Warsmann.

On pourrait aussi parler des divergences profondes entre composante de majorité plurielle. Respectez donc le principe selon lequel chaque parlementaire est libre de ses positions ! Je le répète, il faut prendre en compte le rapport coût/efficacité. Est-on assez riche pour se payer une telle mesure ? Vous estimez que oui. Pour ma part, je considère qu'il vaudrait mieux déterminer la fonction à laquelle ces dizaines de magistrats devraient être affectés en priorité.

Je crains que le ministère de la justice ne soit actuellement victime du syndrome du ministère de l'éducation nationale : chaque ministre veut attacher son nom à des dispositions, et, au fil des années, cela coûte très cher, pour une efficacité souvent douteuse.

Enfin, un oeil extérieur s'intéresse déjà à la détentio n provisoire : celui de la chambre d'accusation. Est-ce satisfaisant ? Beaucoup de décisions sont-elles réformées ? Pensez-vous que, avec le juge de la détention, le taux de réforme évoluera considérablement ? J'avoue que c'est un problème important. Lorsqu'une mesure est prise, on peut facilement évaluer ce qu'elle coûtera, mais il est plus difficile de prévoir ce qu'elle changera. En tant que parlem entaire, je peux donc légitimement exprimer des réserves.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 201.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 118.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 234, 39 et 216, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 234, présenté par M. Houillon, est ainsi rédigé :

« Substituer au dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale les deux alinéas suivants :

« Il est saisi par les réquisitions du procureur de la République s'agissant de la mise en détention provisoire ou de sa prolongation.

« Il est saisi à la demande de la personne mise en examen et faisant l'objet d'une mesure de détention provisoire, s'agissant d'une demande de mise en liberté. Le procureur de la République a également la faculté de saisir le juge de la détention d'une demande de mise en liberté. Il statue par ordonnance motivée à l'issue d'un débat contradictoire. »

Les amendements nos 39 et 216 sont identiques.

L'amendement no 39 est présenté par M. Devedjian et M. Warsmann ; l'amendement no 216 est présenté par

M. Lang.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-1 du code de procédure pénale :

« Il est saisi par un réquisitoire du procureur de la République. »

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir les amendements nos 234 et 39.

M. Patrick Devedjian.

Je suis favorable à ce que les fonctions de juge de la détention provisoire et de juge d'instruction soient séparées, mais le dispositif proposé entraîne une certaine confusion des genres.

Le juge de la détention provisoire est saisi par une ordonnance du juge d'instruction, laquelle peut faire l'objet de recours, tandis que le juge de la détention provisoire, dans le cas où il laisse le justiciable en liberté, ne rend pas d'ordonnance. Le paradoxe est tout à fait extraordinaire : le juge d'instruction saisit par voie d'ordonnance, cette ordonnance est susceptible de recours, mais celui qui prend finalement la décision peut ne pas rendre d'ordonnance, ce qui signifie qu'aucun recours n'est alors possible ! En outre, par définition, le juge d'instruction qui saisit le juge de la détention provisoire réclame une mise en détention provisoire. Premièrement, c'est une atteinte à son impartialité, car il requiert alors une mesure qui lui échappe ; or le juge doit juger, et non pas requérir.

Deuxièmement, ce n'est pas sa place. Le parquet est fait pour cela ; en France, le système de la procédure pénale repose sur les réquisitions du parquet. Cette disposition introduit par conséquent un particularisme : le juge d'instruction n'est plus impartial et il est conçu comme un être hybride dont on ne connaît pas la nature exacte - est-ce un juge ou un procureur ? Enfin, autre anomalie, un juge pourra être désavoué par un juge du même degré. C'est une autre innovation majeure en droit français.

Rétablissons donc la simple cohérence et respectons la tradition du code de procédure, sans quoi le parquet finira par ne plus servir à rien, à force d'être dépossédé au profit du juge d'instruction. Rendons au parquet sa mission, qui est de requérir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

L'avis de la commission est défavorable. Le système présenté par M. Devedjian n'est pas celui que nous avons choisi, après mûre réflexion.

Nous l'avons déjà dit à de nombreuses reprises depuis le début de ce débat, le juge de la détention provisoire porte un second regard, après le juge d'instruction.

Ils sont tous deux magistrats du siège. La décision n'est pas collégiale, mais presque, puisque le juge d'instruction ne renvoie la décision au juge de la détention provisoire que lorsqu'il estime que la détention provisoire est nécessaire. Il a donc, lui, déjà, en magistrat du siège, en magistrat instructeur, un avis averti sur la détention provisoire, et s'il pensait que la détention provisoire n'était pas nécessaire, il prononcerait le contrôle judiciaire, qui est de sa compétence. Le juge de la détention provisoire est un de ses collègues, magistrat du siège, qui porte ce second regard. Dans notre système, le parquet n'intervient pas.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il est également défavorable.

D'abord, dans notre système, le caractère répressif du rôle du juge d'instruction n'est pas accentué, bien au contraire. Le juge d'instruction, en effet, a toujours la possibilité de ne pas décider la détention provisoire. Il peut décider la mise en liberté. Nous avons à coeur de placer le juge d'instruction en position d'arbitre impartial.

Ensuite, le système préconisé par M. Devedjian a sa cohérence, mais il élimine le juge d'instruction en raison de la relation directe qu'il établit entre le parquet et d'autres juges du siège. Nous préférons une autre solution. Je me suis abondamment expliquée à ce sujet dans mon discours introductif.

La saisine directe du juge de la détention par le parquet supprime l'une des avancées essentielles de la réforme, à savoir que la détention provisoire ne pourra intervenir que si deux juges du siège - le juge d'instruction, d'une part, le juge de la détention provisoire, de l'autre - l'estiment nécessaire.

J'ajoute que le juge de la détention provisoire n'est pas sur un pied d'égalité avec le juge d'instruction, puisque c'est soit le président, soit le vice-président du tribunal.

Nous avons précisément veillé à ce qu'il n'y ait pas de stricte égalité pour donner, en quelque sorte, une prime d'autorité au juge qui décidera de la détention provisoire.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann L'avantage de cet amendement est de bien poser le problème de l'efficacité du nouveau dispositif. Aujourd'hui, une décision de mise en détention provisoire est susceptible d'appel devant la chambre d'accusation. Le taux des invalidations de décisions de mise en détention provisoire est-il élevé ? Non. La situation changera-t-elle substantiellement dans le nouveau système ? L'intérêt de cette discussion tend à prouver combien il sera peu évident, pour le collègue du juge qui demande la mise en détention, d'aller à l'encontre de la volonté de ce dernier.

Par ailleurs, combien coûtera l'institution du juge de la détention provisoire ? Pour que chacun soit éclairé, je vais lire un extrait de document. La majorité ne risque pas de contester une telle source, puisqu'il s'agit d'un courrier adressé par M. Lionel Jospin au président de l'Assemblée,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

courrier qui évaluait la charge de travail nouvelle induite par l'institution de ce nouveau juge : « Selon les estimations, il a été prononcé, en 1996, 30 000 décisions initiales de placement en détention qui ont donné lieu, en m oyenne, à deux demandes de mise en liberté. »

60 000 décisions ont donc été prises en un an. « Par ailleurs, dans les affaires déjà en cours, il a été également évalué à deux le nombre de demandes de mise en liberté formées par les 10 000 détenus concernés, soit de l'ordre de 20 000 décisions. »

A combien l'étude d'impact évalue-t-elle le temps que passera ce juge extérieur pour étudier le dossier et décider ou non s'il accorde la mise en détention ? « Le temps de traitement des mesures initiales de placement en détention provisoire a été évalué à deux heures trente, tandis q ue le temps de traitement des prolongations et demandes de mise en liberté a été évalué à une heure trente. »

Un juge de la détention, imaginons-le est appelé à vingt et une heures à un tribunal situé à 100 kilomètres.

Il consacrera, en moyenne, deux heures trente au dossier.

Pensez-vous qu'il aura le temps de l'étudier en totalité, afin de pouvoir se prononcer sur la décision de son collègue ! Chacun peut avoir son opinion sur le sujet. N'oublions pas qu'il découvrira le dossier en question ! Quoi qu'il en soit, cela représente 114 emplois de juges à temps plein.

Mes chers collègues, il y a 6 000 juges environ en France. Nous sommes donc en train de prendre une décision qui aboutira à en affecter 114 à la détention provisoire. Pour quelle efficacité, en termes de libertés ? Et puis, aujourd'hui, ces 114 juges ne seraient-ils pas plus utiles ailleurs ? Il peut y avoir de bonnes réformes qu'on n'est pas assez riche pour appliquer immédiatement.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je suis favorable à l'institution d'un juge de la détention provisoire. Mais je trouve que le système du « double regard », exposé par Mme Lazerges, ne change rien à la situation existante.

On reproche au juge d'instruction de pouvoir dire - il ne le fait pas toujours, loin de là, mais c'est arrivé et je l'ai vu - à quelqu'un : « Parlez ou je vous mets en détention. » M. Truche, d'ailleurs, mentionne très explicite-

ment dans son rapport qu'il est arrivé à des juges d'utiliser la détention comme moyen de pression pour obtenir des aveux. M. Truche est tout de même premier président de la Cour de cassation, c'est-à-dire un orfèvre en la matière...

Envoyer quelqu'un en prison pour le faire parler, c'est une forme atténuée de la torture du Moyen Age ! Il faut y mettre fin ! Le système que vous instituez le permettra-t-il ? Je ne le pense pas, madame la garde des sceaux, et c'est le reproche principal que je fais à votre projet.

Imaginons le dialogue du juge avec le mis en examen :

« Monsieur, parlez sinon je vous défère au juge de la détention provisoire. Le juge de la détention provisoire ne vous mettra peut-être pas en détention. Il statuera impartialement. Mais admettez qu'il y a un risque. Je vais lui transmettre votre dossier et demander votre mise en détention. En revanche, si vous parlez, il n'y a pas de risque. En effet, c'est moi qui prendrai la décision de vous mettre en liberté. »

Le dialogue est tout à fait différent. Autrefois, c'était :

« Parlez et je vous mets en prison. » Aujourd'hui, il est

:

« Parlez et je vous mets en liberté. » Ce sont pourtant les

deux faces de la même monnaie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Il n'y a que le coût qui soit certain !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Rappelez-vous mon discours introductif. J'avais relevé une grande différence entre M. Devedjian et moi.

Personnellement, j'ai confiance dans la capacité du juge d'instruction à se placer en position d'arbitre impartial ; nous lui en donnons des possibilités accrues. Je fais aussi confiance au président ou au vice-président du tribunal pour se décider en conscience et prendre ses responsabilités.

M. Devedjian est en revanche profondément pessimiste, qu'il s'agisse des juges d'instruction ou des présidents de tribunaux. C'est une question d'appréciation.

P eut-être suis-je naïve, mais je préfère leur faire confiance.

J'ajoute à l'adresse de M. Warsmann que cette réforme est déjà financée, avant même son vote par le Parlement.

J'ai déjà affecté l'année dernière 60 juges à la déten tion provisoire et le budget 2000 me permettra de procéder à l'affectation des 40 derniers. Ce qui nous empêche pas d'améliorer, grâce aux magistrats supplémentaires que nous recrutons, le fonctionnement des tribunaux. Nous avons, notamment, procédé à un véritable sauvetage des cours d'appel. Cette année, grâce au budget que le Parlement a bien voulu voter, nous pouvons créer 212 postes de juges, soit le plus grand nombre de postes de juges depuis vingt-cinq ans !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je désire répondre à Mme la ministre.

Premièrement, je remarque que l'étude faite par le Premier ministre aboutissait à 114. 60 plus 40, cela ne fait pas le compte. Il en manque un peu ! Deuxièmement, et c'est un point de désaccord essentiel, vous dites que vous avez nommé 60 juges l'année dernière, 40 cette année, et que vous allez les affecter à la détention provisoire. Mais aujourd'hui, quand on nomme des juges, quelle est la première chose à leur faire faire ? Vous nous dites que 212 postes de juges ont été créés cette année. Vous allez les utiliser d'abord à votre réforme des tribunaux de commerce ; puis à cette réforme de la détention ; puis 34 à la résorption des retards ; enfin 25 seulement à la délinquance des mineurs. Ainsi, aujourd'hui, en France, la résorption des retards ne serait que la troisième priorité et la lutte contre la délinquance des mineurs la quatrième ? A mon avis, vous n'avez pas le quarté dans le bon ordre. Je ne suis pas d'accord avec cette politique d'affectation des moyens.

M. Jacques Floch.

Il faut devenir garde des sceaux ! Et d'abord gagner les élections !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 39 et 216.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

M. Houillon a présenté un amendement, no 235, ainsi rédigé :

« Supprimer les cinquième à dixième alinéas de l'article 10. »

Est-il défendu ?

M. Pierre Albertini.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

La motivation est une bonne chose, mais la liberté ne se motive pas. Seuls les placements en détention provisoire doivent faire l'objet d'une ordonnance motivée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la rapporteuse, pour les mêmes raisons.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 235.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 119, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 137-2 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "par le magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "par le juge de la détention provisoire". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Le Sénat, vous l'avez remarqué, ne veut pas de la dénomination de « juge de la détention provisoire », et préfère parler de « magistrat mentionné à l'article 137-1 ». Je crois plus pédagogique d'appeler un chat un chat. Nous proposons donc de remplacer, dans l'ensemble du texte, la dénomination de « magistrat mentionné à l'article 137-1 » par celle de

« juge de la détention provisoire ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 119.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 120, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 137-3 du code de procédure pénale :

« Art. 137-3. Lorsque le juge de la détention provisoire ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu'il rejette une demande de mise en liberté, il statue par une ordonnance spécialement motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144.

« Lorsque le juge de la détention constate que la détention n'est pas ou n'est plus justifiée par les nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, il refuse d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire ou fait droit à demande de mise en liberté en statuant par une ordonnance non motivée.

« Les ordonnances prévues par le présent article sont notifiées à la personne mise en examen qui en reçoit copie intégrale contre émargement au dossier de la procédure. »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement réécrit l'article 137-3. Il indique clairement que les décisions ordonnant ou prolongeant une détention provisoire ou rejetant une demande de mise en liberté sont prises par une ordonnance spécialement motivée. A l'inverse, les décisions refusant d'ordonner ou de prolonger une détention provisoire ou faisant droit à la demande de mise en liberté n'ont pas à faire l'objet d'une ordonnance motivée. Comme je le disais tout à l'heure, la liberté ne se m otive pas, mais le placement en détention, bien entendu, se motive.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

C'est une excellente clarification. Je suis très favorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 121, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (1o ) du texte proposé pour l'article 137-4 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "au magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "au juge de la détention provisoire." » La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Même chose.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 121.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 10

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 122 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« Il est inséré, après l'article 52 du code de procédure pénale, un article ainsi rédigé :

« Art. 52-1. - Lorsque le président du tribunal de grande instance n'exerce pas lui-même les fonctions de juge de la détention provisoire, il peut également confier au magistrat désigné en application de l'article 137-1 les fonctions prévues :

« par les articles 56-1, 77-2, 139-1, 396, 706-23, 706-24, 706-28 et 706-29 du présent code ;

« par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

« par l'article 64 du code des douanes ;

« par les articles 35 bis et 35 quater de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

« par l'article 48 de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

« par l'article L. 351 du code de la santé publique. »

La parole est à Mme la rapporteuse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement est très important.

Il propose que lorsque le président du tribunal de grande instance n'exerce pas lui-même les fonctions de juge de la détention provisoire, il puisse les déléguer à un autre magistrat.

Il propose aussi que - facultativement - le président du tribunal de grande instance délègue à cet autre magistrat diverses compétences qui sont aujourd'hui les siennes, comme la prolongation de la garde à vue dans les affaires de terrorisme ou de trafic de stupéfiants, les perquisitions dans un cabinet d'avocats, le placement d'un avocat sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercice de sa profession, le contrôle de la durée de l'enquête préliminaire, le placement en détention provisoire en matière de comparution immédiate.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je l'ai dit dans mon discours introductif, cette disposition est très utile, notamment dans les grandes juridictions. J'y suis donc très favorable.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Cet amendement paraît fort bon, mais on aurait pu aller plus loin. Je m'en suis entretenu avec Mme la rapporteuse. Il faudrait que le juge de la détention provisoire soit aussi celui du contrôle judiciaire, qu'un juge soit chargé de l'instruction, et qu'un autre celui de la détention provisoire - soit chargé de toutes les mesures touchant aux libertés.

J'espère qu'une nouvelle lecture permettra de faire du juge de la détention provisoire un juge à véritables compétences, et non pas simplement à compétences déléguées.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 122 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 10 bis A

M. le président.

« Art. 10 bis A. - L'article 138 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

« 1o Dans le septième alinéa (5o ), après les mots : "services", sont insérés les mots : ", associations habilitées" ;

« 2o Dans le huitième alinéa (6o ), après les mots : "de toute autorité", sont insérés les mots : ", de toute association" ;

« 3o Le même alinéa est complété par les mots : "ainsi qu'aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir la récidive". »

M. Devedjian et M. Warsmann ont présenté un amendement, no 40, ainsi libellé :

« Compléter l'article 10 bis A par l'alinéa suivant :

« 4o Le treizième alinéa (11o ) est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 11o Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de mise en place, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ainsi que de la nature et de la valeur des biens constituant son patrimoine.

« Le mis en examen pourra s'acquitter du cautionnement dans les conditions fixées par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement vise à faciliter la mise en liberté sous caution, en prévoyant que le juge doit tenir compte non seulement des ressources, mais aussi des charges de la personne en cause.

Par ailleurs, le versement de la caution stricto sensu est une méthode économique dépassée. D'autres procédés, notamment ceux prévus aux articles L. 277 et suivants et R. 277-1 et suivants du livre des procédures fiscales, permettent au débiteur fiscal de fournir un cautionnement sérieux : hypothèque, garantie bancaire, nantissement ou valeurs mobilières.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

La commission a rejeté cet amendement, en a adopté un qui est un peu différent, qui nous paraît meilleur et qui est mieux placé, plus loin dans le texte.

Nous voulons, nous aussi, que le cautionnement prenne un peu plus de place qu'il n'en a aujourd'hui, qu'il soit fonction non seulement des ressources mais que des charges et aussi la prise de sûretés puisse être imposée à la personne placée sous contrôle judiciaire.

Le système que propose M. Warsmann est effroyablement lourd, et je suggère que nous reparlions de ce sujet en détail, lorsque je vous présenterai le système adopté par la commission des lois.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je préfère, moi aussi, le système qui sera présenté par la commission des lois dans son amendement no 124. Ce que propose M. Warsmann ne me paraît pas techniquement adapté.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Premièrement, cet amendement prévoit très précisément de fixer le montant du cautionnement, compte tenu notamment des ressources et des charges. Son objectif est donc le même que celui visé par la commission.

Deuxièmement, je ne vois pas ce qu'il a d'« effroyablement complexe ». Peut-être y a-t-il là un certain parti pris : un amendement de l'opposition n'est pas le mieux placé pour résoudre le problème. Mais passons. Je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 40 est retiré.

Mme Lazergues, rapporteuse, et M. Tourret ont présenté un amendement, no 125, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 10 bis A par le paragraphe suivant :

« Dans la première phrase du septième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, après les mots : "éducation surveillée", sont insérés les mots : "ou toute association habilitée". »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

L'article 81 du code de procédure pénale permet au juge d'instruction de commettre, suivant les cas, le comité de probation et d'assistance aux libérés, le service compétent de l'éducation surveillée ou toute personne habilitée en application de l'alinéa qui précède à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures propres à favoriser son insertion sociale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

J'ai proposé, pour reprendre une initiative du Sénat qui me semblait heureuse et qui avait abouti à modifier l'article 38 du code de procédure pénale en retenant le rôle des associations habilitées, d'ajouter, dans le cadre des services qui peuvent être saisis, ces associations habilitées qui se trouvent auprès des tribunaux de grande instance et qui sont très utiles. Il semblerait intéressant de leur confier des missions et, par là-même, de les renforcer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 125.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10 bis A, modifié par l'amendement no 125.

(L'article 10 bis A, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 10 bis A

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement, no 123, ainsi rédigé :

« Après l'article 10 bis A, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du septième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, les mots : "l'éducation surveillée", sont remplacés par les mots : "la protection judiciaire de la jeunesse". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Amendement rédactionnel. Les services de l'éducation surveillée ont été remplacés par les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Or dans de nombreux articles du code de procédure pénale on trouve encore les mots « éducation surveillée ».

De même, nous avons remplacé les mots « comité de probation et d'assistance aux libérés », par les mots « service pénitentiaire d'insertion et de probation ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 123.

(L'amendement est adopté.)

Article 10 bis

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 10 bis

Je suis saisi de deux amendements, nos 124 et 194, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 124, présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, est ainsi rédigé :

« Rétablir l'article 10 bis dans le texte suivant :

« I. Au 11o de l'article 138 du code de procédure pénale, les mots : "des ressources de la personne mise en examen" sont remplacés par les mots : "des ressources et des charges de la personne mise en examen".

« II. Au 15o de cet article, les mots : "destinées à garantir les droits de la victime" sont supprimés.

« III. A l'article 142 du même code, les mots : "à fournir un cautionnement, ce cautionnement garantit" sont remplacés par les mots : "à fournir un cautionnement ou à constituer des sûretés, ce cautionnement ou ces sûretés garantissent".

« IV. Le dernier alinéa de cet article est ainsi rédigé :

« La décision du juge d'instruction détermine les sommes affectées à chacune des deux parties du cautionnement ou des sûretés. Le juge d'instruction peut toutefois décider que les sûretés garantiront dans leur totalité les droits des victimes.

« V. Au premier alinéa de l'article 142-2 du même code, il est inséré, après les mots : "la première partie du cautionnement est restituée", les mots : "ou la première partie des sûretés est levée".

« VI. Les deux derniers alinéas de cet article sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas contraire, sauf motif légitime d'excuse ou décision de non-lieu, de relaxe, d'acquittement ou d'exemption de peine, la première partie du cautionnement est acquise à l'Etat, ou il est procédé au recouvrement de la créance garantie par la première partie des sûretés.

« VII. Il est inséré après le deuxième alinéa de l'article 142-3 un alinéa ainsi rédigé :

« La deuxième partie des sûretés est levée ou il est procédé au recouvrement des créances que cette partie garantit selon les distinctions prévues aux deux alinéas précédents. »

L'amendement no 194, présenté par M. Heuclin et les membres du groupe socialiste appartenant à la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rétablir l'article 10 bis dans le texte suivant :

« I. Le 11o de l'article 138 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 11o Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de mise en place, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction en proportion notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ainsi que de son patrimoine.

« La personne mise en examen pourra s'acquitter du cautionnement dans les conditions fixées par l'article L.

277 du livre des procédures fiscales ;

« II. Au début de l'article 142-2 du même code, les mots : "première partie" sont remplacés par les mots : "totalité". »

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no 124.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Voici l'amendement dont j'ai parlé à M. Warsmann il y a quelques instants.

Nous souhaitons favoriser le contrôle judiciaire en étendant le champ du cautionnement, mais en précisant bien que celui-ci doit prendre en compte les ressources et les charges. Nous voulons aussi que, dans les obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction puisse inclure la constitution de sûretés non seulement pour protéger les victimes, mais aussi pour éviter que la personne poursuivie organise son insolvabilité.

Diverses solutions sont possibles pour la constitution de sûretés. La commission des lois, quant à elle, a choisi de ne pas faire référence au livre 277 du code des procédures fiscales qui impose un système effroyablement compliqué. On voit mal, en effet, le juge d'instruction aller consulter un comptable du Trésor pour savoir si, oui ou non, on peut autoriser la constitution de suretés. Le système retenu par la commission des lois, beaucoup plus simple que celui proposé par M. Heuclin, devrait permettre le développement de cette formule.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin pour soutenir l'amendement no 194.

Mme Frédérique Bredin.

L'amendement de M. Heuclin présente, selon moi, deux avantages. Tout d'abord, il prévoit clairement que le cautionnement doit être fixé par le juge d'instruction en proportion des ressources et des charges de la personne, ce qui rejoint les préoccupations exprimées sur tous ces bancs.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

Mme Frédérique Bredin.

Ensuite, il fait référence au livre des procédures fiscales, et à une procédure qui a le mérite d'exister et de fonctionner. Qu'en sera-t-il du système proposé par l'amendement de la commission ? N'oublions pas que les décrets d'application sur les sûretés ne sont toujours pas parus.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouverement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement no 124 et défavorable à l'amendement no 194.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je veux revenir sur le problème des décrets d'application soulevé à l'instant par Frédérique Bredin à propos des sûretés.

Hier, vous nous avez expliqué, madame la garde des sceaux, que vous souhaitiez que vos textes soient suivis d'effets. Eh bien, nous, nous attendons, impatients - ou exaspérés -, que paraissent, enfin, les décrets d'application d'un certain nombre de textes très importants qui ont été votés depuis que vous êtes garde des sceaux ! S'agissant de la loi sur la délinquance sexuelle votée en juin 1998, je pense au décret d'application créant le fichier national d'empreintes génétiques dont on nous assure qu'il devrait être opérationnel en mars prochain, ou à celui qui devrait permettre aux tribunaux de condamner un délinquant sexuel à se soigner pendant une période de cinq à dix ans - c'est l'injonction thérapeutique. Certes, on nous dit que le décret d'application serait devant le Conseil d'Etat. Mais nous sommes en février 2000 et la loi date de juin 1998.

De même, faute de décrets, les procureurs ne peuvent pas utiliser la composition pénale, disposition adoptée dans la loi visant à simplifier la procédure pénale et qui a été adoptée en juin 1999. Enfin, je n'aurai pas la cruauté de citer la loi de décembre 1997 sur le bracelet électronique, qui n'est toujours pas appliquée.

Il faut donc savoir limiter la frénésie législative et surtout faire en sorte que les textes votés soient suivis d'effets, c'est-à-dire veiller à ce que les décrets d'application sortent le plus rapidement possible. Je présice que tous les points que j'ai soulevés sont au coeur des dispositifs que nous avions adoptés.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Jean-Luc Warsmann vient de soulever un problème qui va au-delà de la mise en application des lois sur la justice. Dans quelle mesure les lois votées par le Parlement sont-elles ou non suivies d'effets ? Avec quel empressement ? Quel zèle ? Quelle force d'inertie, voire quelquefois quelle opposition, plus ou moins secrète, par la suite ? Cela pose le problème de notre rôle.

Et c'est à Mme Tasca que je voudrais plus particulièrement m'adresser.

Il me semble en effet qu'une des missions de la commission des lois consisterait précisément à porter un regard critique, utile à tous, sur les conditions dans lesquelles les lois sont ou ne sont pas appliquées et dans quels délais. Nous gagnerions beaucoup à acquérir une capacité d'expertise un peu plus affinée dans ce domaine, afin de mesurer sereinement les conséquences des votes que nous émettons, souvent dans l'ignorance des blocages qui pourront ultérieurement se présenter. Ce point nous concerne tous. Ne voyez donc là aucune intention polémique. Un effort en ce sens permettra à l'avenir d'éclairer plus utilement les travaux parlementaires.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il faut un service après-vente législatif !

M. le président.

Nous nous éloignons quelque peu du texte et des amendements, mes chers collègues. Je sais bien que tout est lié, mais enfin...

M. Pierre Albertini.

Tout est dans tout ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je partage totalement les préoccupations qui viennent d'être exprimées. Je l'ai d'ailleurs indiqué lors d'une réunion de notre commission. Au sein de l'équipe d'administrateurs qui travaillent avec nous, une personne est chargée d'un tel suivi. Mais il est vrai que ce n'est pas une parlementaire, et qu'elle est forcément très dépendante des différents ministères concernés pour obtenir des informations. Je suis donc tout à fait disposée à reprendre ce sujet avec vous tous, en commission des lois. Mais il faudra sûrement cibler notre effort sur quelques textes car nos forces ne sont pas illimitées. Sur le principe, je suis d'accord, en tout cas.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il serait très utile, en effet, qu'une évaluation conjointe, périodique et peut-être plus systématique des décrets d'application soit effectuée par le Parlement et le Gouvernement. C'est un problème extrêmement important, et j'y suis moi-même très attentive.

Chacun pourrait ainsi prendre la mesure des difficultés objectives qui existent et qui expliquent aussi que les décrets ne sortent pas : nécessité de consulter les professionnels concernés afin d'être sûr que les mesures prises pourront effectivement être appliquées, procédures interministérielles, etc. Quelquefois, ce sont la surcharge de travail ou l'inertie qu'il faut incriminer. En tout cas, je ne verrais que des avantages à ce que, grâce à un travail plus transparent, on tente d'éliminer tout ce qui est de l'ordre de l'inertie.

J'ai avec moi un bilan, dont je vais vous faire grâce car je pourrai vous le transmettre par écrit. Il fait apparaître qu'il n'y a pas que des retards. Il en est ainsi de la loi relative à la nationalité, ou de celle concernant les infractions sexuelles, pour laquelle 90 % des textes - et ils sont extrêmement nombreux - ont déjà été rédigés ; tout sera bouclé en mars. Je pense également à la loi de juillet 1998 portant création des assistants spécialisés. Il est vrai que des difficultés subsistent sur l'accès au droit et la résolution amiable des conflits. Mais ces sujets réclament une concertation, notamment avec les avocats, et nous ne pouvons pas faire abstraction des remarques - d'ailleurs souvent très justifiées - des professionnels. Evidemment, je ne parlerai pas de la loi portant création du pacte civil de solidarité qui a été mise en oeuvre dans des délais records.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mais les retards que j'ai soulignés sont bien réels !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

La question posée est beaucoup plus générale. Elle est même de portée constitutionnelle. Sur tous les grands sujets - et cela commence avec le budget -, il s'agit de redonner la primauté au législatif. C'est essentiel si l'on veut à la fois revaloriser la politique et renforcer le rôle de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, je soutiens l'amendement défendu par Frédérique Bredin, car il va dans le sens de la justice et de l'équité sociale.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 124.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

L'article 10 bis est rétabli et se trouve ainsi rédigé et l'amendement no 194 n'a plus d'objet.

Après l'article 10 bis

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteuse, a présenté un amendement no 126 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 10 bis , insérer l'article suivant :

« L'article 145 du même code est ainsi modifié :

« I. Les premiers et deuxième alinéas sont remplacés par les alinéas suivants :

« Le juge de la détention provisoire saisi par une ordonnance du juge d'instruction tendant au placement en détention de la personne mise en examen fait comparaître cette personne devant lui, assistée de son avocat si celui-ci a déjà été désigné, et procède conformément aux dispositions du présent article.

« Au vu des éléments du dossier et après avoir, s'il l'estime utile, recueilli les observations de l'intéressé, ce magistrat fait connaître à la personne mise en examen s'il envisage de la placer en détention provisoire.

« S'il n'envisage pas de la placer en détention provisoire, ce magistrat, après avoir le cas échéant ordonné le placement de la personne sous contrôle judiciaire, procède conformément aux deux derniers alinéas de l'article 116 relatifs à la déclaration d'adresse.

« S'il envisage d'ordonner la détention provisoire de la personne, il l'informe que sa décision ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un débat contradictoire et qu'elle a le droit de demander un délai pour préparer sa défense.

« II. - Dans les quatrième et cinquième alinéas les mots « le juge d'instruction » sont remplacés par les mots : « le juge de la détention provisoire ».

« III. - Dans l'avant-dernier alinéa les mots : "aux deuxième et troisième alinéas" sont remplacés par les mots : "au sixième alinéa". »

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement vise à préciser la procédure devant le juge de la détention provisoire. De manière systématique, la personne qu'adresse le juge d'instruction au juge de la détention comparaîtra devant lui. Mais le débat contradictoire, tel qu'il existait devant le juge d'instruction, n'aura lieu devant le juge de la détention provisoire que si ce dernier envisage la détention.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable. Cette clarification est bienvenue.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 126 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 12

M. le président.

« Art. 12. L'article 146 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 146. S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le magistrat mentionné à l'article 137-1 aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire.

« Le magistrat mentionné à l'article 137-1 statue dans le délai de trois jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction. »

M. Devedjian et M. Warsmann ont présenté un amendement, no 41, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 146 du code de procédure pénale :

« Art. 146. S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue et que le mis en examen est détenu, le juge d'instruction doit communiquer le dossier au procureur de la République auquel il appartient éventuellement de saisir le juge de la détention provisoire aux fins de statuer à nouveau sur la détention provisoire ».

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 127 et 8, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 127, présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, est ainsi rédigé :

« I. Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 146 du code de procédure pénale subst ituer aux mots : "le magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "le juge de la détention provisoire".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le dernier alinéa de cet article. »

L'amendement no 8, présenté par MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 146 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "tribunal de la liberté". »

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no 127.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Cet amendement t end à préciser que le magistrat mentionné à l'article 137-1 s'appelle juge de la détention provisoire.

Ce point a déjà été évoqué.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini pour soutenir l'amendement no

8.

M. Pierre Albertini.

Cet amendement et plusieurs autres qui suivent s'inscrivent dans la même logique.

Mon intervention permettra d'en prendre acte même si, sur le plan de la stricte cohérence, ils ont sans doute été implicitement rejetés par les votes déjà émis.

L'idée, très simple, consistait à mieux séparer l'investigation du jugement et à donner, en matière de jugement, exclusivement à des magistrats, et notamment à une juridiction collégiale dénommée tribunal de la liberté, le soin de prononcer les mesures privatives de liberté. Voilà quelle était la logique. Elle était évidemment différente de celle qui a été retenue, ce qui ne l'affecte pas nécessairement d'une tare définitive. Je crois en effet qu'on arrivera progressivement, même si on n'ose pas le dire aujourd'hui, à une séparation de plus en plus claire entre l'investigation et le jugement, entre l'accusation et le jugement. Pour l'heure, les esprits ne sont peut-être pas tout à fait prêts à cette réforme.

M. Jacques Floch.

C'est le sens de l'histoire !

M. Pierre Albertini.

Sans doute, monsieur Floch. En tout cas, nous tenons à en prendre acte pour les années qui viennent.

M. le président.

Puis-je en déduire, monsieur Albertini, que l'amendement est retiré ?

M. Pierre Albertini.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 8 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement no 127 est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par l'amendement no 127.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 147 du même code est ainsi rédigée :

« Sauf s'il ordonne la mise en liberté de la personne, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant les réquisitions du procureur de la République, transmettre le dossier, assorti de son avis motivé, au magistrat mentionné à l'article 137-1, qui statue dans le délai de trois jours ouvrables. »

M. Devedjian ont présenté un amendement, no 42, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 13 :

« L'article 147 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 147. - En toute matière, le juge d'instruction peut de lui-même communiquer le dossier au procureur de la République afin de saisine du juge de la détention et qu'il soit statué à nouveau sur la détention.

« Le procureur de la République peut également de lui-même saisir le juge de la détention d'un réquisitoire aux fins de mise en liberté. Chaque fois qu'il est saisi, le procureur de la République doit adresser ses réquisitions au juge de la détention dans un délai de cinq jours. Ce dernier dispose du même délai pour statuer. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je considère qu'il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 128 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 128, présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 13, substituer a ux mots : "au magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "au juge de la détention provisoire". »

L'amendement no 9 présenté par MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 13, substituer aux mots : "magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "tribunal de la liberté". »

L'amendement no 9 n'a plus d'objet.

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no 128.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 128.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article no 13, modifié par l'amendement no 128.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président.

« Art. 14. L'article 148 du même code est ainsi modifié :

« 1o Les trois premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues à l'article précédent.

« La demande de mise en liberté est adressée au juge d'instruction, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions.

« Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la trans-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

mettre avec son avis motivé au magistrat mentionné à l'article 137-1. Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144. Toutefois, lorsqu'il n'a pas encore été statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une précédente ordonnance de refus de mise en liberté, les délais précités ne commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. »

;

« 2o Au cinquième alinéa, les mots : "le juge d'instruction" sont remplacés par les mots : "le magistrat mentionné à l'article 137-1". »

MM. Devedjian et M. Warsmann ont présenté un amendement, no 43, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 14 :

« L'article 148 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 148 En toute matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en s'adressant au juge de la mise en détention provisoire qui se fait immédiatement communiquer le dossier par le juge d'instruction et demande au procureur de la République ses réquisitions. Il doit statuer dans un délai de cinq jours par une ordonnance motivée sur le fondement de l'article 144 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Balladur, Albertini, Devedjian, Goasguen et Houillon ont présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 14, après les mots : "avis motivé" insérer les mots : "et son ordonnance de mise en accusation". »

Dans la logique de ce qu'a dit M. Albertini, cet amendement doit connaître le même sort que les précédents.

M. Pierre Albertini.

Absolument ! Nous retirons, ainsi que les amendements nos 11, 13, 14 et 12.

M. le président.

L'amendement no 10 est donc retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 129 et 11, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 129, présenté par Mme Lazerges, rapporteuse, est ainsi rédigé :

« I. Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 14, substituer aux mots : "magistrat mentionné à l'article 137-1", les mots : "juge de la détention provisoire".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le dernier alinéa (2o ) de cet article. »

L'amendement no 11 vient d'être retiré.

L'amendement no 129 étant rédactionnel, je pense pouvoir considérer que le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme la garde des sceaux.

Tout à fait.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 129.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement no 129.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 14

M. le président.

Les amendements nos 13, 14 et 12 de M. Balladur ont été retirés.

Avant l'article 15

M. le président.

M. Devedjian a présenté un amendement, no 261, ainsi rédigé :

« Avant l'article 15, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement présentera au Parlement un bilan de la mise en oeuvre de la loi du 19 décembre 1997 (no 97-1159), concernant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté, avant le 31 décembre 2000. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il s'agit de prévoir que le G ouvernement présentera au Parlement, avant le 31 décembre 2000, un bilan de la mise en oeuvre de la loi votée définitivement en décembre 1997 concernant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Un rapport de plus me paraît inutile. D'ailleurs, il faudrait commencer par sortir le décret d'application avant de tirer quelque bilan que ce soit. Cette demande est donc, à tout le moins, prématurée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. le président.

Monsieur Warsmann, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Comme Mme Lazerges, je suis, par principe, réticent envers la prolifération de rapports. Mais quand un parlementaire dépose un amendement, c'est toujours avec l'espoir de susciter un débat et de recueillir des informations. J'osais espérer que mon amendement inciterait Mme la garde des sceaux à nous donner une explication, que j'appelle à nouveau de mes voeux, complétant le mot « défavorable ». Si mon souhait était exaucé et assorti d'engagements, je pourrais même retirer l'amendement.

M. le président.

Madame la garde des sceaux, souhaitez-vous répondre à cet appel à l'aide de notre collègue ? (Sourires.)

Mme la garde des sceaux.

Je donnerai cette explication à propos de l'amendement présenté par la commission.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 10 FÉVRIER 2000

M. le président.

Consentez-vous, monsieur Warsmann, à retirer votre amendement no 261 par anticipation ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Fermant les yeux sur la mesquinerie de Mme la garde des sceaux, je retire l'amendement. (Rires.)

M. le président.

Ne gâchez pas votre geste ! (Sourires.)

M. Jacques Floch.

Il va avoir des aigreurs d'estomac avant le déjeuner !

M. le président.

L'amendement no 261 est retiré.

Article 15

M. le président.

« Art. 15. L'article 144 du même code est remplacé par deux articles 143-1 et 144 ainsi rédigés :

« Art. 143-1 Sous réserve des dispositions de l'article 137, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que dans l'un des cas ci-après énumérés :

« 1o La personne mise en examen encourt une peine criminelle ;

« 2o La personne mise en examen encourt une peine c orrectionnelle d'une durée supérieure à deux ans d'emprisonnement.

« La détention provisoire peut également être ordonnée dans les conditions prévues à l'article 141-2 lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.

« Art. 144 La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen :

« 1o De conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices ;

« 2o De protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

« 3o De mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Toutefois, ce motif ne peut justifier la prolongation de la détention provisoire lorsque la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement. »

Mme Lazerges, rapporteuse, et M. Tourret ont présenté un amendement, no 130, ainsi rédigé :

« Substituer à l'avant-dernier alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 143-1 du code de procédure pénale les trois alinéas suivants :

« 2o La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement.

« 3o La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à cinq ans d'emprisonnement pour un délit prévu au livre III du code pénal.

« 4o La personne mise en examen a déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an. »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

L'article 15 est très important.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse.

Capital !

M. Alain Tourret.

Et l'amendement no 130 ne l'est pas moins, qui tend à instaurer des seuils clairs.

Nous avons bien conçu que, pour limiter la détention provisoire, il y avait deux moyens. Le premier, c'est l'apport d'un oeil neuf qui sera celui du juge de la détention.

Le second moyen, c'est la limitation des cas susceptibles de donnier lieu à un placement en détention provisoire. Actuellement, l'article 143 du code de procédure pénale offre de très larges possibilités de mise en détention provisoire. En première lecture, nous avions remonté les seuils à trois ans pour les délits contre les biens et deux ans pour les délits contre les personnes. Puis le Sénat a franchi une nouvelle étape en retenant un dispositif simple de trois ans.

Au mois d'avril 1998, la proposition de loi sur la détention provisoire que j'avais présentée avait été l'occasion pour l'Assemblée d'aller au-delà en fixant un seuil de trois ans pour les délits contre les personnes et cinq ans pour les délits contre les biens. Avec cet amendement, je crois que nous parvenons enfin à des seuils clairs, équilibrés et précis. Il a le mérite de proposer un système simple à quatre étages permettant de déterminer si la détention provisoire est possible ou pas.

Ainsi, le placement en détention provisoire est désormais possible si la personne mise en examen encourt une p eine criminelle, une peine supérieure à trois ans d'emprisonnement ou une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement dans le cas d'un délit contre les biens, ou encore si elle a déjà été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an.

Dans ce dernier cas de figure, nous n'avons pas voulu qu'un individu ayant déjà été condamné puisse bénéfici er de la même bienveillance qu'un autre qui ne l'aurait pas été.

Cet amendement a fait l'objet d'un large consensus en commission. Il a été rédigé en commun avec Mme la rapporteuse et l'ensemble des commissaires. Je crois qu'il constitue un grand progrès en ce qu'il permet d'éliminer un grand nombre de cas, à l'évidence inutiles, que nous avons multiplié à foison dans les textes prévoyant des sanctions pénales. C'est un grand amendement de liberté et je souhaite qu'il soit adopté à l'unanimité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Me tournant vers M. Tourret, qui a beaucoup travaillé, avec d'autres, sur ce sujet depuis sa proposition de loi, je dirai qu'il s'agit, en effet, d'un amendement important qui détermine les seuils de peine en dessous desquels la mise en détention provisoire en matière correctionnelle est purement et simplement interdite.

C'est un exercice difficile qui exige de concilier le caractère exceptionnel de la détention - c'est le but que nous poursuivons tous ici - et le respect du principe de proportionnalité, sans pour autant désarmer la répression.

Il n'est donc pas anormal que, sur un sujet aussi délicat, la position du Parlement - Assemblée nationale et Sénat -, comme celle du Gouvernement, ait pu évoluer.

En première lecture, votre assemblée avait adopté le projet du Gouvernement qui élevait ces seuils - actuellement fixés à un ou deux ans - à deux ou trois ans selon les cas. Dans un souci de simplification, le Sénat a fixé


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un seuil unique de trois ans que j'ai accepté. Votre commission propose désormais un seuil général de trois ans, plus un seuil de cinq ans s'agissant des délits contre les biens.

Nous avons procédé à une analyse détaillée de l'impact de ces nouveaux seuils, qui a donné lieu à de nombreuses discussions entre nous, en particulier avec Mme la rapporteuse, la présidente de la commission des lois et Fréd érique Bredin. Nous nous sommes interrogés sur l'apport réel de cette nouvelle élévation de seuil à cinq ans et sur l'opportunité d'y inclure ou pas les peines de cinq ans.

Je vais éclairer l'Assemblée sur les effets de son vote tels que je les analyse et donner quelques indications à la fois juridiques et statistiques.

D'un point de vue juridique, la distinction entre les délits prévus par le livre III du code pénal, les délits contre les biens, comme le vol ou l'abus de confiance pour lesquels un seuil de cinq ans sera exigé, et les autres délits, pour lesquels le seuil sera de trois ans, me paraît justifiée. Il en résultera notamment que, pour les principaux délits en matière économique et financière, qui ne figurent pas dans le code pénal, comme par exemple l'abus de biens sociaux, la détention provisoire restera possible. C'était un point essentiel à mes yeux. En revanche, elle ne le sera plus pour les délits du livre III du code pénal, comme l'abus de confiance qui, lui, est puni de trois ans d'emprisonnement.

Pour rester sur cet exemple, qui témoigne du caractère détaillé de la réflexion que nous avons eue, la différence entre l'abus de confiance et l'abus de biens sociaux est compréhensible. L'abus de confiance concerne en principe une relation entre deux personnes, tandis que l'abus de biens sociaux est constitué par le détournement, le plus souvent de façon occulte, des biens d'une société.

Nous pouvons souvent nous trouver dans des cas plus complexes où la détention provisoire est nécessaire pour empêcher la disparition des preuves.

Il existe, certes, des abus de confiance d'une particulière gravité comme, par exemple, le détournement des fonds d'une association caritative. Il conviendrait sans doute, dans un tel cas, de prévoir des peines aggravées, comme le suggère d'ailleurs votre commission.

D'un point de vue statistique, au vu des derniers chiffres disponibles en matière de détention provisoire, qui datent de 1997 - ce n'est, certes, pas récent -, le nouveau seuil de cinq ans entraînera en principe, par rapport au seuil adopté par le Sénat, une baisse d'environ 1 700 détentions en flux, principalement pour des vols simples et des abus de confiance. Le seuil général de trois ans fixé par le Sénat et repris par votre commission entraînera, quant à lui, une diminution de 3 000 détentions. C'est donc une baisse totale d'environ 4 800 détentions sur les 27 500 enregistrées, soit 17 % des détentions, qui devrait résulter de ces nouveaux textes. Sans parler, bien entendu, de la baisse attendue de la création du juge de la détention provisoire, qu'il n'est pas possible de quantifier puisque la décision est laissée à l'appréciation du juge. Mais déjà l'impact est loin d'être négligeable.

J'ajoute que, dans l'analyse, nous avons eu une longue réflexion sur l'application des seuils de détention en dessous desquels la détention provisoire est interdite aux mineurs. Il est vrai qu'il subsiste aujourd'hui une incertitude juridique sur l'option que prendront les magistrats quant à l'application de la peine. Ils peuvent, en effet, l'appliquer telle qu'elle figure dans le code pénal ou la diviser par deux. Compte tenu de l'incertitude qui résulte de l'absence de jurisprudence absolument certaine, je rappelle ici l'interprétation que nous donnons de cette disposition. L'ordonnance de 1945 sur la délinquance juvénile prévoit de diviser par deux les peines encourues par les mineurs, mais nous considérons, je l'ai précisé dans mon discours introductif, que, pour la détermination des seuils de placement en détention provisoire, la peine prise en compte doit être celle qui est prévue par le code pénal et non pas celle qui peut être prononcée par les juridictions de jugement du fait de la minorité, cause légale de réduction de la peine.

Cette précision, à la fois dans le discours introductif et dans la discussion de cet amendement, devrait permettre de lever toute incertitude sur ce point. Je crois donc que cet amendement permet de concilier les exigences de répression tout en limitant les excès de la détention provisoire. Le Gouvernement y est donc favorable.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Nous soutiendrons cet amendement qui témoigne, en effet, d'un effort constant pour éviter les excès du placement en détention provisoire.

Mme la ministre vient d'en être l'interprète, le fait de jouer sur la corde des seuils de peine montre bien toute la perversité du système actuel dont les excès nous conduisent à retenir des formules d'automaticité, donc des seuils en deçà desquels il sera interdit de placer en détention provisoire.

Sur le plan des purs principes, la méthode est quelque peu choquante. En réalité, on devrait s'interroger sur le caractère, justifié ou non, de la mise en détention provisoire et ne pas retenir comme seul critère la peine encourue. Mais c'est le seul moyen pratique que nous ayons trouvé. Les chiffres que vous venez d'indiquer, madame la ministre, sur la base d'une statistique un peu ancienne, d'une réduction d'environ 17 % des placements en détention provisoire, montrent bien que c'est la seule corde vraiment utilisable. En même temps, et je le déplore, cela montre que le système était pratiqué d'une manière non convaincante.

Nous aurons à tirer un bilan de ces nouvelles mesures.

Et si, pour reprendre ce que vous disiez sur le pessimisme ou la naïveté, la confiance ou la lucidité des juges d'instruction et des futurs juges de la détention provisoire, nous disposons dans quelques années d'un bilan précis, nous pourrons peut-être alors avoir un jugement plus éclairé. En tous cas, nous soutenons dans l'immédiat l'amendement de notre collègue Tourret.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je suis, quant à moi, réservé sur cet amendement pour plusieurs raisons. La première est liée au discours que nous tient, depuis le début du débat, Mme la garde des sceaux. Elle vient encore de nous expliquer qu'on fait confiance aux magistrats, mais pas trop tout de même puisque, sous prétexte d'introduire un nouveau regard, on enlève au juge d'instruction la possibilité de placer en détention pour la réserver à un juge de la détention. Grâce à ce nouveau système - coûteux, comme je l'ai déjà dit - le recours à la détention provisoire sera limité. Puis, on nous dit que, en fin de compte, on n'a pas tellement confiance ni dans ce système ni dans les magistrats et on soustrait de leur compétence en matière de détention provisoire toute une série de domaines.


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J'ai eu l'occasion d'affirmer à plusieurs reprises combien la réduction de la durée de détention provisoire en France était un objectif d'intérêt général absolu. Chacun, ici, le reconnaît. Mais par quel bout prendre le problème, si je puis m'exprimer ainsi ? Il existe des détentions provisoires tout à fait scandaleuses. J'ai parlé des personnes qui attendent dans leur cellule que la justice leur fixe une date d'audience. Cette détention provisoire, c'est la pire qui soit. Or ce n'est pas celle-là qui est visée.

Le but, c'est d'interdire au juge d'avoir recours systématiquement à la détention provisoire. J'ai consulté le livre III. Il me semble que d'autres infractions y figurent.

La destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui est également visée à l'article 322-2, de même que la destruction de biens publics. La difficulté, dans le sujet qui nous préoccupe, c'est de positionner le curseur de manière à assurer un équilibre entre les moyens mis à la disposition des personnes garantes de l'ordre public et la défense des libertés individuelles.

Limiter les possibilités de mise en détention provisoire alors que de nombreux actes de délinquance pèsent sur la vie quotidienne de nos concitoyens, est-ce vraiment la meilleure voie ? Non.

Mme Frédérique Bredin.

Au RPR, vous êtes comme des girouettes, vous tournez avec le vent !

M. Jean-Luc Warsmann.

J'estime, pour ma part, qu'il faut placer le curseur avec une grande prudence et je crains que ce ne soit pas le cas. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'estimation de 17 % reflète la différence entre les effets de l'amendement en discussion, et les résultats du droit positif actuel. En effet, Mme la garde des sceaux a expliqué qu'il s'agissait de la différence entre la proposition du Sénat et celle de l'Assemblée, pas entre le droit positif et l'amendement.

C'est la raison pour laquelle je suis extrêmement réservé. Il me paraît contradictoire de mettre en place un système plus équilibré, en apportant, avec le regard extérieur, des garde-fous - mais y a-t-il des fous à garder ? - offrant davantage de garanties et, parallèlement, d'en interdire l'application pour certaines infractions. Ce n'est pas cohérent et cela n'aura pas d'effet positif sur des situations que chacun de nous peut connaître dans son département.

M. le président.

Pourriez-vous conclure, le temps presse.

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai demandé à quelques magistrats leur opinion à ce sujet. Eux aussi sont pour le moins sceptiques.

M. Alain Tourret.

Vos amis ont tous exprimé un avis contraire en commission et en première lecture. Il faudrait savoir !

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai dit la même chose pour la proposition de loi Tourret !

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Nous parlons de la présomption d'innocence, qui n'empêche pas qu'il y ait par la suite des condamnations. Nous voulons seulement éviter d'enfermer à titre préventif des gens qui ensuite verront leur procès se dérouler.

Je me réjouis que le Gouvernement et l'Assemblée se soient retrouvés sur l'abaissement des seuils. C'est déjà dans ce sens que nous voulions agir voilà deux ans, lorsque nous avions discuté d'une proposition de loi de notre collège Alain Tourret. Au moment où se constitue une commission d'enquête sur l'état des prisons, nous ne pouvons qu'être satisfaits de voir que l'on compte désormais moins de gens enfermés dans les prisons, ce qui ne pourra qu'améliorer la condition des détenus. Ajoutons que la mise en oeuvre de tous les textes que nous sommes en train de voter nous permettra de voir, d'ici à un an ou deux ans, comment évoluera le nombre des détenus ; celui-ci devrait effectivement diminuer comme Mme la ministre de la justice l'a indiqué.

M. le président.

La parole est à Mme la rapporteuse.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit d'un des amendements sur lequel nous avons le plus réfléchi et travaillé. Ce n'est pas sur un coup de tête que nous nous sommes résolus à borner ainsi la détention provisoire.

Pour commencer, il nous a paru indispensable de distinguer les infractions contre les biens. Par ailleurs, nous ne voulions pas que des infractions dont personne ne savait finalement très bien si elles étaient dirigées contre les personnes ou contre les biens - je pense à des infractions extérieures au code pénal, par exemple les fraudes alimentaires - puissent échapper à la détention provisoire.

Nous voulions par ailleurs en finir avec ces drames auxquels chacun d'entre nous a pu être confronté, ces cas de mères de cinq ou six enfants placées en détention provisoire pour le vol d'un pull-over, et finissant par se suicider. Des cas de ce genre, nous en avons tous connus dans nos circonscriptions.

N ous avons enfin estimé qu'une personne déjà condamnée à une peine ferme d'emprisonnement ne devait pas échapper à la détention provisoire ; d'où le 4o du texte proposé pour l'article 143-1 du code de procédure pénale, sur lequel j'attire l'attention de l'Assemblée et qui prévoit que la détention provisoire peut être décidée si la personne mise en examen a déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun à une peine privative de liberté sans sursis supérieur à un an ; peu importe l a nouvelle infraction qu'elle sera présumée avoir commise.

La détention provisoire est un choc épouvantable. Mais la situation n'est pas la même lorsque l'intéressé a déjà connu la prison, à la suite d'une condamnation. Ce cas mis à part, nous sommes tous d'accord ici pour éviter, autant que peut se faire, à des délinquants primaires de connaître l'expérience catastrophique de la détention provisoire, surtout lorsque l'on sait ce que sont les conditions de détention dans nombre de nos prisons. Voilà pourquoi le dispositif que nous vous proposons nous paraît équilibré et raisonnable, en tout cas très raisonné.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, une phrase seulement...

M. le président.

Une phrase seulement, monsieur Warsmann ; vous vous êtes vraiment beaucoup exprimé.

M. Jean-Luc Warsmann.

... pour répondre à

Mme Lazerges.

M. le président.

Ah non, il n'y a pas à répondre !

M. Jean-Luc Warsmann.

Cette interdiction aura une conséquence très simple : un individu qui se sera par exemple livré à des dégradations sur des biens appartenant à autrui ou des biens publics pourra tout simple-


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ment ressortir du commissariat au bout de deux heures et rentrer chez lui. Dans certaines situations, je suis persuadé que le magistrat devrait conserver la possibilité de recourir malgré tout à la détention provisoire.

M. le président.

Toutes ces questions ont déjà été débattues, monsieur Warsmann.

Je mets aux voix l'amendement no 130.

(L'amendement est adopté.)

M. Jacques Floch.

Très bien !

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de l'heure, nous ne pouvons aller au terme de l'article comme je l'espérais.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 1743, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2136).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT