page 01116page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PHILIPPE

HOUILLON

1. Archéologie préventive - Discussion d'un projet de loi (p. 1117).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 1120)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : M. François Goulard, Mme la ministre, MM. le rapporteur, Emile Blessig, Jacques Pélissard, François Goulard, Serge Blisko, Bernard Outin. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1125)

MM. Bernard Outin, Christian Kert, André Aschieri, Pierre Cardo, Serge Blisko, Bruno Bourg-Broc, André Vauchez, Mme Bernadette Isaac-Sibille,

MM. Bernard Schreiner, Jean Briane.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 1139)

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Louis Debré : M. Jacques Pélissard, Mme la ministre, MM. Pierre Cardo, Christian Kert, Bruno Bourg-Broc, Serge Blisko, Bernard Outin. - Rejet.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 1144)

Article 1er (p. 1144)

M. Jean Briane.

A mendement de suppression no 95 de M. Hellier : MM. Pierre Cardo, le rapporteur, Mme la ministre. Rejet.

Amendement no 32 de M. Outin : MM. Bernard Outin, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendements nos 44 de M. Fousseret, 68 de M. Pélissard et 52 de M. Kert : MM. Jean-Louis Fousseret, Jacques P élissard, Christian Kert, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no 44 ; les amendements nos 68 et 52 n'ont plus d'objet.

Amendements nos 51 de M. Kert et 23 de M. Bourg-Broc : MM. Christian Kert, Bruno Bourg-Broc, le rapporteur,

Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 1 de la commission des affaires culturelles :

M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 2 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Les amendements nos 69 de M. Pélissard et 84 de

Mme Boutin n'ont plus d'objet.

Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 1146)

Amendement no 3 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre.

Sous-amendement no 53 de M. Kert : MM. Christian Kert, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 70 de M. Pélissard : MM. Jacques Pélissard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 66 de M. Pélissard : MM. Jacques Pélissard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Sous-amendement no 54 de M. Kert : MM. Christian Kert, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'amendement no

3. Amendement no 4 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. Pierre Cardo.

Sous-amendements nos 71 de M. Pélissard et 100 du Gouvernement : M. Jacques Pélissard, Mme la ministre, M. le rapporteur. - Rejet du sous-amendement no 71 ; adoption du sous-amendement no 100.

Le sous-amendement no 87 de M. Kert n'a plus d'objet.

Adoption de l'amendement no 4 rectifié et modifié.

Amendements identiques nos 39 corrigé de M. Outin et 45 de M. Aschieri : MM. Bernard Outin, André Aschieri, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt de projets de loi (p. 1150).

3. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 1150).

4. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 1150).

5. Dépôt d'un rapport d'information (p. 1150).

6. Dépôt d'un projet de loi adopté avec modifications par le Sénat (p. 1150).

7. Communication relative aux assemblées territoriales (p. 1150).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1151).


page précédente page 01117page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive (nos 1575, 2167).

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

Cette discipline essentielle assure la préservation du patrimoine ou, à défaut, la transmission à la collectivité, sous forme d'archives, des connaissances contenues dans le sol, quand des éléments du patrimoine archéologique sont affectés ou susceptibles d'être affectés par des travaux publics ou privés d'aménagement.

Situé au croisement de logiques patrimoniales et scientifiques et de logiques de développement économique et social, le sujet vous est bien connu, car les élus sont régulièrement confrontés à la contradiction entre l'accomplissement du devoir de mémoire et les impératifs d'aménagement du territoire des villes, des bourgs, de nos campagnes.

Cette archéologie, née de l'essor des grands chantiers d'aménagement et des rénovations qui remodèlent depuis les années soixante, sur des échelles jusqu'alors inconnues, les centres et les périphéries des villes, s'est malheureusement développée en dehors d'un cadre légal adapté. Son essor est en effet postérieur à la loi validée de 1941 sur l'archéologie qui ne pouvait offrir un cadre pertinent pour l'exercice de cette activité scientifique soumise au rythme et au calendrier de réalisation des opérations d'aménagement et de construction.

Cette carence juridique a pesé sur l'archéologie en général et sur ses différents acteurs, qu'ils soient institutionnels ou bénévoles, alors même que cette branche de l'archéologie, qui fournit 90 % des données scientifiques, est un outil majeur d'exploration des traces de notre passé et de restitution de l'histoire du cadre de vie.

Si les archives papiers, les archives sonores, les témoins monumentaux ont, depuis le

XIXe siècle, fait l'objet de corps de doctrines, force est de constater que les archives du sol, trop longtemps considérées comme une contrainte plutôt que comme une chance, ont suscité un moindre intérêt ; comme le note votre rapporteur, l'archéologie n'a pas été, en France, perçue comme un facteur de construction de l'identité nationale.

Ces temps me semblent aujourd'hui révolus. Les comportements sont appelés à évoluer encore, mais je suis frappée de la place prise par les repères patrimoniaux au regard des identités territoriales en cours de recomposition dans l'espace national et dans l'espace européen : là où il a longtemps été perçu comme un handicap, le patrimoine est, d'une manière croissante, compris par les collectivités territoriales comme facteur de développement et de recomposition sociale.

Dans ce contexte, j'ai voulu rompre enfin avec l'instabilité et les malentendus créés par l'absence de cadre légal dont souffre l'archéologie préventive.

Je souhaite que les opérations d'archéologie préventive soient mises en oeuvre sans délais, sur l'ensemble du territoire, avec des coûts transparents, une préoccupation constante d'équité à l'égard des aménageurs et des exigences scientifiques de haut niveau.

Dans le rapport que m'ont remis en décembre 1998 MM. Bernard Poignant, maire de Quimper, Bernard Pêcheur, conseiller d'Etat, et Jean-Paul Demoule, archéologue et universitaire, la mise en chantier d'une réforme affirmant le caractère scientifique et de service public de l'archéologie préventive était préconisée. J'ai proposé a u Gouvernement de retenir ces orientations.

Le projet de loi qui vous est soumis affirme le rôle de prescription, de contrôle et d'évaluation scientifique de l'Etat. Il crée un établissement public à caractère administratif, placé sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère chargé de la recherche. Il aura pour mission d'effectuer, pour le compte de l'Etat, les opérations de diagnostics et de fouilles rendues nécessaires par les risques de destruction de vestiges archéologiques à l'occasion de travaux, et, dans ce cadre, d'assurer des missions de recherche, de publication, de diffusion, d'animation et de formation.

L'Etat a la responsabilité d'assurer, en tout temps et en tout lieu du territoire, l'égalité de prestations, de coûts et de délais dans le traitement du patrimoine archéologique.

Il a besoin d'un établissement public dont les capacités et le format doivent être suffisants pour pouvoir intervenir à tout moment, en tous lieux.

M ais l'archéologie préventive n'est pas seulement l'affaire de l'Etat et du futur établissement public.

Devant la représentation nationale, je veux redire avec solennité combien je suis attachée à ce que l'établissement dont je propose la création prenne appui sur l'ensemble des réseaux de compétences structurées : services archéologiques des collectivités territoriales, Centre national de la recherche scientifique, universités, associations qualifiées, entre autres. A cet égard, l'amendement de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui permettra aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques agréés d'être exonérées de la rede-


page précédente page 01118page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

vance quand elles peuvent prendre une fouille en charge, est conforme à l'esprit du projet de loi et sera soutenu par le Gouvernement.

Cette volonté d'ouverture se traduira aussi dans les dispositions qui vont régler l'organisation et le fonctionnem ent des instances du nouvel établissement, dans lesquelles les élus et aménageurs seront représentés, et par les conventions qu'il devra conclure avec les organismes compétents.

L'établissement public ne sera donc pas placé en situation d'autarcie. Il sera, contrairement à ce qui a pu être dit, très différent de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, qui procède d'une logique empirique dont les limites sont atteintes depuis lontemps.

J'en viens maintenant au financement de l'archéologie préventive. Les prescriptions des services de l'Etat ont pour corollaire le versement par les aménageurs de redevances ayant le caractère d'impositions de toute nature.

Plusieurs parlementaires ont émis des observations sur le dispositif prévu à l'article 4 du projet de loi et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté plusieurs amendements destinés à l'améliorer. Ces amendements seront soutenus par le Gouvernement.

Lors de mon audition par cette commission, j'avais fait part de mon intention de rechercher les voies d'un dispositif plus simple et plus transparent que celui qui a été adopté en conseil des ministres, plus équitable pour les aménageurs. J'ai été attentive à leurs préoccupations lég itimes de voir encadrer la part d'aléas inhérente au risque archéologique et de voir assurer une meilleure prévisibilité des coûts.

C'est pourquoi le Gouvernement propose à votre assemblée d'adopter un amendement à l'article 4 du projet de loi, afin de confirmer le principe d'une double redevance. Par souci de simplicité, un taux unique s'appliquera pour les sondages et diagnostics. La charge supportée par les aménageurs sera uniquement fonction de l'emprise au sol des travaux et aménagements projetés. La redevance sera donc intégralement mutualisée entre les aménageurs, qui seront en mesure, dès le stade de la prescription par les services de l'Etat, d'anticiper le coût des sondages et des diagnostics.

Lorsque les services de l'Etat prescriront, à l'issue des diagnostics, une fouille archéologique, celle-ci donnera lieu au paiement d'une redevance également calculée de façon simple et transparente. Son montant variera en fonction de la nature des sites archéologiques, stratifiés ou non stratifiés, en prenant respectivement en compte la hauteur moyenne de la couche archéologique et le nombre de structures archéologiques tels qu'ils résultent des sondages et diagnostics.

La redevance pour fouilles sera donc, elle aussi, calculée sur des bases objectives. Son montant sera connu des aménageurs à l'issue des diagnostics. Chacun saura à quoi s'attendre en matière de paiement. Le montant ne pourra augmenter au cours de la réalisation des fouilles, à la suite, par exemple, de la découverte inattendue de vestiges ou de difficultés imprévues.

Ainsi, l'établissement public ne pourra reporter sur les aménageurs les coûts supplémentaires qu'entraînerait un éventuel allongement des délais de réalisation des diagnostics et des fouilles au-delà de ceux qu'il aura indiqués à la suite des prescriptions de l'Etat.

Les redevances seront établies par l'établissement public sur un plan matériel. Mais ce sont les services de l'Etat qui fixeront, sans aucune exception, l'ensemble de leurs paramètres de calcul. L'établissement public ne disposera donc d'aucune compétence discrétionnaire à cet égard.

Dans le même esprit, le Gouvernement soutient l'amendement créant une instance de médiation entre les aménageurs, l'établissement public et l'Etat.

Garanties d'objectivité et de transparence dans la détermination du montant des redevances, maîtrise des délais de réalisation des sondages, diagnostics et fouilles, prise en compte de l'intervention des services d'archéologie des collectivités territoriales et des moyens humains et matériels mis à disposition par les aménageurs qui viendront en réduction des redevances à leur charge : je crois que nous avons, ensemble, réuni les conditions d'un dispositif plus compréhensible, donc mieux admis, assurant une plus grande égalité de traitement entre aménageurs devant les charges publiques et conciliant les impératifs du développement économique et social et de restitution de la part enfouie de notre passé collectif.

En dépit d'une nécessité manifeste, la création d'un service public de l'archéologie préventive n'avait pas été engagée. Cette réforme, ardemment souhaitée depuis vingt ans et même davantage, mais jamais mise en oeuvre, est essentielle au regard de l'apport irremplaçable de l'archéologie préventive dans la découverte de la mémoire du sol. Elle met notre législation en conformité avec les objectifs politiques auxquels la France a adhéré à travers la convention de Malte du 16 janvier 1992.

Je souhaite que ce nouveau dispositif contribue à dépassionner les débats dont cette discipline fait l'objet depuis longtemps et permette à tous ses acteurs de trouver de nouvelles modalités de travail.

Je m'attacherai, pour ma part, à vous proposer der edonner à l'archéologie programmée des moyens budgétaires qui se sont érodés au fil du temps, afin que l'archéologie préventive, toujours effectuée dans l'urgence et sous la contrainte légitime de calendriers extérieurs à la seule logique scientifique, ne sature pas la totalité du champ de cette discipline.

La connaissance, dans toute sa profondeur temporelle, de l'occupation humaine nous éclaire chaque jour davantage sur notre histoire et sur nos interactions avec l'environnement. En convoquant des savoirs de plus en plus complexes, au croisement de l'anthropologie et des sciences naturelles, à l'articulation des sciences humaines et des sciences exactes, l'archéologie programmée fournit aux scientifiques un espace nécessaire de travail et d'avancées conceptuelles, éclairant en retour les méthodes et les données extraites par l'archéologie préventive.

J'attends également des services déconcentrés de l'Etat qu'ils travaillent en partenariat de plus en plus étroit avec les collectivités territoriales.

La tenue de la carte archéologique sera, aux termes de la loi, assurée par l'Etat. La carte archéologique est un outil de gestion dont ont besoin les services de l'Etat dans leur activité quotidienne, mais ce doit être aussi une banque de données patrimoniales disponible, à la constitution de laquelle doivent concourir les collectivités territoriales, le réseau associatif et tous les membres de la communauté scientifique. Ces contributions seront, je n'en doute pas, utiles à l'optimisation de cet outil et à son enrichissement.

Un effort doit aussi être accompli en matière de publications pour que ces dernières rendent compte, dans des délais raisonnables, d'une manière aussi complète que possible, et pour tous les publics, des résultats des recherches. Ce sera une priorité de futur établissement, qui s'appuiera sur les possibilités offertes par les nouvelles


page précédente page 01119page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

technologies de l'information pour des diffusions scientifiques dont on connaît à la fois la nécessité et le faible nombre de destinataires.

Il faut aussi persévérer et sans doute innover pour maintenir et développer l'attachement et la curiosité d'un large public à l'égard de son patrimoine archéologique.

Vous connaissez ma détermination à conduire une politique de démocratisation de la culture, affirmée récemment par des mesures de gratuité et d'aménagement tarifaire dans les musées, les monuments, les théâtres.

D'autres moyens sont concevables qui relèvent de la pédagogie la plus classique ou la plus participative, à exercer sur les lieux d'enseignement ou les sites archéologiques.

La nécessaire professionnalisation de l'activité archéologique ne doit pas annihiler la dimension d'activité citoyenne qu'elle revêt pour nombre d'habitants. Des adaptations, des innovations sont nécessaires.

Je souhaite que la réflexion et l'action en ces domaines nous deviennent de plus en plus familières.

Les archives enfouies dont parlait Michelet exaltent un bien commun, fondateur d'une identité et énonciateur du long récit d'une histoire partagée. C'est à ce rassemblement et à la réalisation de ce dessein que je vous invite tous.

Pour terminer, je remercierai très vivement le président de la commission des affaires culturelles et le rapporteur pour leur contribution à la réflexion, ainsi que tous les parlementaires qui se sont exprimés lors de mon audition et qui ont participé à l'élaboration de ce texte. Je souhaite que le débat se déroule dans le même esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des a ffaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la ministre, je voudrais, au préalable, vous remercier pour votre disponibilité, celle des personnes qui vous entourent et celle de votre administration dont les compétences nous ont beaucoup aidés dans nos travaux en permettant d'avancer, notamment sur l'aspect financier, des propositions salutaires. Ces remerciements vous sont dus plus encore si je rappelle que vous nous avez transmis les deux projets de décrets d'application de ce projet de loi, ce qui nous permet de délibérer aujourd'hui dans les meilleures conditions d'information possibles.

J'aimerais tout d'abord formuler quelques réflexions complémentaires et tenter de comprendre pourquoi nous avons attendu si longtemps pour délibérer sur l'archéologie ? Puis je souhaiterais, de façon schématique et au-delà de l'actualité de ces derniers mois, présenter la scène de l'archéologie à partir de ses trois acteurs scientifiques, techniques et économiques. Enfin, j'expliquerai le sens du travail de la commission et dessinerai les grandes lignes des amendements qui seront présentés.

Pourquoi la France a-t-elle autant tardé avant de délibérer sur l'archéologie et sur l'archéologie préventive ? Certains expliquent le peu d'appétence dont témoigne la communauté scientifique française à cette partie du patrimoine par ces mots : il ne s'agirait que des Gaulois. Dès lors, des générations d'archéologues français sont allées exceller en Egypte, en Grèce ou dans d'autres contrées lointaines.

Ce peu d'appétence tiendrait alors à ce que la formation de notre identité nationale ne réclamait pas la même attention, le même travail qu'ailleurs, car elle était déjà réalisée sur le plan interne par une histoire commune féconde. D'autres pays européens ont agi plus que nous dans le domaine de l'archéologie, à la recherche qu'ils étaient de leurs racines pour fonder, ou tenter de fonder, une identité propre.

Peut-être cette réflexion explique-t-elle en partie la déficience de la législation française en matière d'archéologie, et surtout en matière d'archéologie préventive.

Ainsi, la loi sur les monuments historiques date de 1913, et, aujourd'hui encore, l'archéologie est régie par une loi de 1941 inspirée par Jérôme Carcopino, helléniste de son état ; sont-ce des hasards ?

M. François Goulard.

Il était surtout latiniste !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cette loi était prévue pour organiser le travail archéologique sur des sites repérés, comme celui d'Alésia. Pour résumer, il fallait faire en sorte que les équipes ne soient pas toutes en même temps sur le même site, à pratiquer des fouilles dans le plus grand désordre. Bref, il s'agissait d'archéologie programmée.

La question de la découverte fortuite, dont la loi imposait la déclaration, n'était traitée que de façon accessoire, comme accidentelle, par rapport aux préoccupations scientifiques des archéologues. Pourtant, comment se présente la scène de l'archéologie ? Voilà que l'accidentel, l'accessoire sont devenus la règle. Vous le rappeliez, madame la ministre : 90 % de la recherche archéologique française sont alimentés aujourd'hui par des fouilles décidées en urgence, à l'occasion de travaux d'aménagement urbain ou de grandes infrastructures. Ainsi la recherche archéologique programmée représente-t-elle quelques dizaines de millions de francs, alors que l'archéologie préventive, c'est quelques centaines de millions de francs.

Dans ce contexte, les acteurs de l'archéologie se sont organisés.

L'acteur scientifique tout d'abord : chaque région possède un service régional de l'archéologie, composé de personnels compétents, tandis que des commissions interrégionales de l'archéologie, représentant l'ensemble de la communauté archéologique, assistent le représentant de l'Etat pour établir les décisions de fouilles et les prescriptions qui les accompagnent.

Mais, devant l'urgence, il a été mis en place un acteur technique pour effectuer les fouilles le plus rapidement possible, et avec toutes les garanties scientifiques nécessaires. Son organisation étant difficile au sein de l'appareil d'Etat, il lui a été préféré, en 1973, une association, l'AFAN, l'Association des fouilles archéologiques nationales.

Cependant, la belle, fructueuse, et même efficiente, relation, instituée entre l'acteur scientifique et l'acteur technique, n'a pas résisté à la nécessité de préciser not amment le statut juridique de l'action technique, ainsi que l'actualité de ces derniers mois avec la grève des agents de l'AFAN en témoigne.

Le fonctionnement entre les acteurs scientifiques et techniques laisse parfois peu de place à l'initiateur de l'urgence : je veux parler de l'acteur économique, qu'il soit public, privé, promoteur immobilier ou de grandes infrastructures.

C'est l'acteur économique qui déclare la découverte fortuite. C'est l'acteur économique qui a l'impression d'avoir à passer sous les fourches Caudines de l'archéologie avant de bâtir, ou seulement d'envisager de bâtir. Et c'est aussi l'acteur économique qui, à titre d'exemple,


page précédente page 01120page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

peut se voir réclamer pour des fouilles 300 000 francs pour un kilomètre d'autoroute ici, 1 000 000 de francs là en quittant une région pour une autre alors qu'il s'agit de la même autoroute.

Bref, l'acteur économique a souvent l'impression, lorsqu'il est confronté à l'archéologie d'urgence, et donc à l'archéologie préventive, d'être dans une nasse dont il ne peut se sortir que par un chèque à l'AFAN.

Aussi, s'il y a lieu de délibérer pour une organisation nouvelle, pérenne de l'acteur technique - dont vous avez b ien voulu nous décrire le dispositif, madame le ministre - il y a lieu aussi de mieux répondre encore aux attentes de l'acteur économique. Ce dernier réclame une organisation préventive de l'archéologie préventive. Et j'en viens aux amendements qui seront proposés.

Une organisation préventive de l'archéologie préventive doit posséder deux qualités essentielles : prévisibilité et transparence.

Prévisibilité d'abord : il s'agit bien sûr de la prévisibilité du risque archéologique.

L'acteur économique veut connaître le risque archéologique lié au terrain qu'il va utiliser. Un meilleur accès à la carte archéologique est donc nécessaire. Ainsi les informations concourant à la carte archéologique pourraient être mises à la disposition des mairies, permettant à tout citoyen souhaitant connaître le risque archéologique lié à tel ou tel terrain d'être informé.

L'acteur économique veut aussi connaître le coût lié à la contrainte archéologique, autrement que comme une conséquence dont il ne maîtrise aucune des données. Il faut donc un financement clair et prévisible. Il en sera ainsi avec le principe de la redevance, madame la ministre, dès lors que cette dernière procède d'une instruction de l'Etat et non de l'acteur technique.

L'acteur économique veut enfin connaître les délais.

Pour ce faire, il faut un engagement de la part des scientifiques, et le caractère forfaitaire de la redevance fera peser le coût de la durée des fouilles sur l'opérateur des fouilles et non plus sur le financeur comme c'est le cas aujourd'hui.

Prévisibilité, mais aussi transparence de l'archéologie.

Transparence d'abord dans la formation du coût de l'archéologie, qui accroît d'ailleurs sa prévisibilité. La simplicité doit être la règle même si être simple ne veut pas toujours dire être équitable. Nous devons privilégier la transparence et la création automatique du montant de la redevance.

Transparence ensuite dans les décisions et dans les prescriptions, notamment dans la fixation de la redevance. Nous proposerons l'institution d'une commission de recours gracieux, qui contribuera à cette garantie à la fois de transparence et de sécurité pour les acteurs économiques.

L'archéologie préventive se présente à nous comme une scène à trois acteurs - je viens de les présenter - qui jouent une pièce écrite, dont je viens de définir les qualités essentielles : prévisibilité et transparence. Cette pièce doit respecter les trois règles d'or du théâtre classique : unité d'action, unité de lieu, unité de temps.

Unité d'action : l'archéologie est un acte intellectuel, scientifique et la fouille est inséparable de cet acte qui la sous-tend. Le travail manuel de terrassement ne se conçoit que sous l'autorité scientifique, et requiert des qualités particulières.

M. Pierre Cardo.

Ce n'est pas toujours le cas.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Le garant de l'unité d'action est l'Etat.

M. Pierre Cardo.

En effet !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Celui-ci désigne le responsable scientifique de la fouille.

Unité de lieu : la fouille archéologique est un enjeu économique et scientifique là où elle se déroule, et dans sa particularité locale. L'archéologie n'est faite que d'événements locaux qui se révèlent au gré de décisions qui ne lui appartiennent pas, et pourtant elle ne peut pas abandonner une partie du territoire national, sauf à laisser sans solution les projets de développement dans les zones les plus difficiles, notamment rurales. Le garant de l'unité de lieu, c'est-à-dire que ces fouilles puissent être réalisées en n'importe quel lieu de France, est l'établissement public qui devra se rendre disponible là où il faut, quand il le faut.

Unité de temps, enfin : pour l'acteur économique, tout retard dans son projet coûte, mais chaque fouille intéresse une période particulière de l'histoire qui renvoie à des spécialistes le plus souvent particuliers et cette unité de temps ne permet pas toujours l'interchangeabilité des équipes désignées pour effectuer les fouilles. La garantie de l'unité se situe à la jonction entre l'Etat et l'établissement public.

Voilà les contraintes complexes de l'archéologie qui font, au bout du compte, entrer l'archéologie préventive dans la sphère publique : pour tout temps, en tout lieu, un acte scientifique prévisible et transparent doit pouvoir affranchir de la contrainte archéologique.

L'entrée de l'archéologie préventive dans la sphère publique doit s'accompagner, madame la ministre, d'un supplément de responsabilité de l'établissement public vers les citoyens que nous sommes. Il convient de prolonger, d'intensifier, de généraliser les initiatives prises en matière de médiations culturelles autour de l'archéologie préventive. Celle-ci y gagnera ainsi une légitimité supplémentaire.

C'est ainsi que nous pourrons bâtir des relations apaisées et confiantes entre tous les acteurs de l'archéologie préventive.

C'est ainsi que nous pourrons « protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'études historique et scientifique », comme le prévoit la convention européenne de la protection du patrimoine archéologique signée à Malte en 1992, ratifiée par la France en 1994 et dont le présent projet de loi vise une mise en application.

Nous l'attendions depuis si longtemps, madame la ministre, que votre rapporteur ne peut être qu'à votre côté pour que ce projet de loi devienne la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Cardo.

Belle envolée ! Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Goulard, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Oh non !


page précédente page 01121page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. le président.

Il n'est pas obligé de tenir ce temps.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, je vous rassure, je n'ai pas l'intention d'occuper cette tribune pendant une heure trente. Je voudrais simplement exposer un certain nombre de raisons qui nous ont poussés à soulever l'exception d'irrecevabilité.

Ce projet de loi peut paraître anodin, il aurait pur ecueillir - peut-être le pensiez-vous, madame la ministre - un large consensus. En fait, ce texte viole, selon nous, la Constitution sur au moins trois points. Le président de la commission des affaires sociales semble s'en étonner, mais je crois très sincèrement que bien que court, cinq articles, ce texte comporte des atteintes sérieuses à notre loi fondamentale. Je ne suis pas, loin s'en faut, un spécialiste de l'archéologie, je considère cependant, que ce texte, tel qu'il se présente, heurte des principes qui méritent d'être rappelés.

Nous le savons, quand il s'agit d'un côté, de préserver les vestiges du passé et de l'autre, de ne point entraver la vie sociale, la vie économique en bloquant indûment les projets, l'équilibre est difficile à trouver. Nous voulons tous ici atteindre cet objectif.

Mais le dispositif que vous proposez, madame, me semble particulièrement simpliste. En effet, l'article 1er stipule que l'Etat prescrit. Aucune modalité, aucune précaution, aucune enquête, aucune formalité, aucune consultation, aucune commission - pour une fois. L'Etat prescrit, souverainement, sans contrôles, sans conditions.

Pour les propriétaires concernés, le seul recours, c'est le tribunal administratif ou le Conseil d'Etat, suivant l'organe qui, au nom de l'Etat, décidera, organe qui n'est d'ailleurs pas précisé. La reconnaissance de l'erreur manifeste d'appréciation, voilà la seule garantie qui sera offerte au propriétaire. Nous considérons que c'est une atteinte excessive que vous portez au droit de propriété. Or le droit de propriété est protégé dans la Constitution par référence à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Une atteinte au droit de propriété n'implique pas nécessairement dépossession, mais atteinte excessive à l'usage ou à la jouissance du bien. Certes, le motif peut être légitime mais la procédure qui garantirait un minimum de protection du droit de propriété est absente du texte. Je ne veux pas polémiquer, mais le législateur de 1941 - horresco referens était plus protecteur du droit des tiers, puisqu'en l'absence d'accord amiable avec le p ropriétaire il prévoyait une procédure d'enquête publique.

A l'article 2, vous tentez de trouver une solution légale à une situation pour le moins baroque. En effet, l'association pour les fouilles, créée il y a plusieurs années, travaille dans des conditions que je qualifierai « d'a-légales ».

En l'absence de texte qui fonde son intervention, cet organisme a été épinglé à plusieurs reprises par la Cour de comptes et par le Conseil de la concurrence.

Mais en substituant un établissement public à cette association, vous créez un monopole au profit de cet établissement public.

Mme Christine Boutin.

C'est incroyable !

M. François Goulard.

Madame la ministre, non seulement cette solution n'est pas de notre époque, mais elle n'est pas efficace et ne ménage pas tous ceux qui oeuvrent aujourd'hui dans le domaine de l'archéologie.

Mme Christine Boutin.

C'est ringard !

M. François Goulard.

Au surplus, vous enfreignez une liberté fondamentale, là encore protégée par la Constitution, qui est la liberté d'entreprendre.

Depuis la décision du 16 janvier 1982 portant sur les lois de nationalisation, nous savons que la liberté d'entreprendre est protégée par la Constitution. En créant ce monopole sans aucune motivation ni aucune justification, vous portez atteinte à cette liberté constitutionnellement protégée.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Absolument.

Mme Christine Boutin et M. Jacques Pélissard.

Très juste !

M. François Goulard.

Vous portez là atteinte, madame la ministre, à une liberté traditionnellement considérée comme économique. De fait, quelques entreprises travaillent dans le domaine de l'archéologie préventive. Vous êtes en contradiction avec la Constitution, au regard non seulement de la liberté d'entreprendre, mais également du droit de propriété, car en privant d'activité ces entreprises, vous dépossédez leurs propriétaires de leurs biens, et cela sans la condition requise par la Constitution d'une juste et préalable indemnisation.

Au surplus, la liberté d'entreprendre n'est plus aujourd'hui seulement économique. C'est, au sens le plus large du terme, la liberté d'initiative des collectivités locales qui ont créé des services s'occupant d'archéologie préventive, la liberté d'initiative des associations qui jouent un rôle toujours accru dans la société contemporaine. Vous ne pouvez pas dire non à la liberté d'initiative des collectivités locales dont la libre administration est d'ailleurs protégée par la Constitution. Vous ne pouvez pas dire non à la libre initiative des associations, elles aussi protégées par la Constitution. Vous ne pouvez pas dire non à la liberté d'initiative des entreprises. Vous ne pouvez pas substituer à cette libre initiative la chape de plomb d'un monopole d'Etat.

Troisième point sur lequel nous pensons que vous êtese n contradiction avec les principes constitutionnels, l'article 4, qui a trait aux redevances qui financeront le nouvel établissement public, puisqu'il lui faudra bien trouver des moyens pour fonctionner.

Vous avez annoncé tout à l'heure - vous avez d'ailleurs eu la courtoisie de le faire par lettre pour les membres de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales - un changement de pied du Gouvernement sur ce point par voie d'amendement. Je n'ai pas eu le temps personnellement d'en étudier le contenu de manière approfondie. Mais il ne semble pas que vous ayez levé complètement l'objection que j'ai déjà faite en ce qui concerne les redevances. Le texte initial - et je pense que cela est maintenu dans la nouvelle version - donne à l'établissement public le soin de fixer en définitive l'impôt.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Mais non !

M. François Goulard.

Si, le texte donne à l'établissement public le soin de fixer l'impôt puisque c'est lui qui déterminera le degré de complexité des sondages ou des fouilles, ce qui veut dire que la contribution pourra varier dans des proportions très importantes.

M. Jacques Pélissard.

Bien sûr !

M. François Goulard.

Elle varie de 100 francs à 8 000 francs pour les travaux de fouille.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non.

M. François Goulard.

C'est le texte, monsieur le président.


page précédente page 01122page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est du passé.

M. François Goulard.

Je me réfère au projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais nous avons travaillé cet après-midi sur ce sujet.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Vous fouillez dans le passé.

(Sourires.)

M. Bernard Outin.

Il fait de l'archéologie vivante.

M. François Goulard.

Toujours est-il qu'en donnant à l'établissement public le pouvoir de déterminer les ressources qui lui seront affectées, vous faites fi de l'article 34 de la Constitution qui réserve au législateur le soin de fixer les modalités et le taux de l'impôt.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait.

M. François Goulard.

Voilà les trois raisons qui nous ont poussés à déposer une exception d'irrecevabilité.

Ce projet de loi est, vous me permettrez cette formule, de l'« archéosocialisme ». (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. Bernard Outin.

Il a osé le faire.

M. François Goulard.

Ce sont des solutions qui n'ont plus cours aujourd'hui.

Dans les années soixante, on pouvait créer des monopoles d'Etat, on pouvait créer des établissements publics administratifs dotés d'un agent comptable, soumis à la comptabilité publique et auxquels était conféré un monopole. Aujourd'hui on ne peut plus, devant la diversité de la vie scientifique, de la vie économique, de la vie sociale, recourir à de pareilles solutions.

Je ne doute pas que vous trouverez une majorité pour repousser cette exception d'irrecevabilité. S'il existe un lobby de l'archéologie, il doit être moins puissant que le lobby de l'électricité. J'ai en tout cas bon espoir de rassembler le nombre requis de parlementaires de l'opposition pour saisir le Conseil constitutionnel sur ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Goulard a voulu me convaincre d'« archéosocialisme », mais son discours était, lui, archéolibéral. En fait d'atteinte à la Constitution, il a surtout parlé d'atteinte à la propriété et à la liberté d'entreprendre. Autant d'arguments que l'on peu aisément rejeter.

Il s'agit bien d'une compétence régalienne. L'Etat estr esponsable et détenteur des archives du sol, par conséquent, il a toute autorité pour prescrire, selon des modalités que la loi définit.

M. Pierre Cardo.

L'Etat doit faire faire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le législateur contrôle aujourd'hui même dans quelles conditions la loi établit le fonctionnement de l'établissement public. Celui-ci ne prescrit pas mais agit, fait les diagnostics, entreprend les fouilles, en collaboration avec un ensemble de partenaires : les collectivités territoriales et leurs services...

M. François Goulard.

Il n'y en a pas toujours !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... les associations et les entreprises qui ont compétence pour agir.

Mme Christine Boutin.

Ce ne sera plus le cas !

M. François Goulard.

Le projet de loi n'en dit rien.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, il y a ce qui relève de la loi et ce qui relève du décret. La loi ouvre toutes possibilités de partenariat. Certains amendements de la commission élargissent même ces possibilités.

Il faut le dire d'emblée, monsieur le député, vous avez commis quelques erreurs. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de commission. Or, il existe une commission interrégionale de l'archéologie - la CIRA - qui se prononce sur les prescriptions faites par les services de l'Etat dans les régions.

Vous avez également déploré l'absence de protection pour les propriétaires. Mais la prescription relèvera du même contrôle et des mêmes voies de recours que les autres décisions administratives. De plus, grâce à l'amendement de votre rapporteur sur la redevance, une commission de médiation pourra être mise en place pour permettre un recours.

Il y a donc moyen, d'une part, de contrôler la manière dont l'Etat établit un diagnostic et prescrit des fouilles ; d'autre part, de vérifier, au travers du fonctionnement même de l'établissement public qui dépend de la tutelle, s'il respecte le cadre dans lequel son travail doit s'accomplir.

J'en viens à la liberté d'entreprendre. Vous le savez, il y a très peu d'entreprises dans ce domaine.

M. Pierre Cardo.

Il y a des associations !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Certes. En aucun cas, elles ne sont privées d'activités : elles peuvent être sollicitées dans le cadre des travaux entrepris en région.

J'ai lu hier dans un journal de ma région - peut-être avez-vous les mêmes lectures ? - qu'une société se déclarait prête, pour défendre son activité, à faire en sorte que le Conseil constitutionnel soit saisi s'il le fallait. Entre certains archéologues et les bancs de l'opposition, il y a des menaces que je saisis parfaitement ce soir. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Ils vont être contents, les archéologues ! C'est incroyable !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous avez parlé de lobby. Je ne peux accepter de tels propos ! Si on peut parler d'attitude objective de la part du Gouvernement, c'est bien à propos de ce projet de loi.

Son élaboration a été longue et patiente. Nous nous sommes appuyés sur un rapport extrêmement complet, rédigé par un représentant des collectivités, un conseiller d'Etat et un universitaire. Il n'y a donc ni privation d'activité, ni empêchement d'entreprendre puisque les collectivités elles-mêmes sont directement associées.

Enfin, concernant la redevance, je rappelle que son principe sera voté par le Parlement du moins si le projet est adopté. Elle sera due par les aménageurs exclusivement en fonction de la réalisation effective des diagnostics et des fouilles. Il existera donc un véritable lien entre les impositions créées et l'archéologie préventive. Il ne s'agit pas d'un prélèvement qui ne reposerait sur rien.


page précédente page 01123page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Ce sont les services de l'Etat qui fixeront l'ensemble des paramètres sans exception, l'établissement public n'a en charge que la collecte des sommes dues au titre de la redevance. Les choses sont très claires : l'Etat prescrit, contrôle, évalue et calcule la redevance ; l'établissement public agit, il n'est pas maître de la décision, il lève seulement la redevance auprès des aménageurs. Il est d'ailleurs limité car, en cas de dépassement du prix des fouilles ou des délais, il devra prendre les frais à sa charge.

Comme le disait excellemment le rapporteur, on inverse la charge qui pesait jusqu'ici sur les aménageurs pour la faire supporter - et c'est normal - par celui qui est responsable de la prescription, c'est-à-dire l'Etat ou plutôt l'établissement public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

J'aimerais répondre sur la notion de monopole.

Mes chers collègues, il faut savoir que l'établissement public administratif se voit conférer des droits exclusifs...

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Exactement !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

... pour répondre aux milliers d'actes d'archéologie préventive, réalisés sur tout le territoire. Ces droits garantissent pour l'ensemble du pays des travaux d'archéologie préventive proportionnels à l'action, en temps et en coût. C'est donc une responsabilité.

Etre responsable, c'est savoir et pouvoir tout faire, mais cela ne veut pas dire que l'on doit tout faire.

M. Pierre Cardo.

Non ! Ce n'est pas ça !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Et ce n'est pas ce qui est envisagé dans le projet du Gouvernement, ou dans nos amendements qui nous permettront de prendre en compte cet aspect du problème.

En fait, vous avez une vision totalisante de l'action de l'établissement public administratif. (Exclamations et riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

C'est le monde à l'envers !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Et pourquoi pas totalitaire !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Oui, pourquoi pas.

L'établissement ne va pas fonctionner comme vous le dites.

M. Pierre Cardo.

Mais nous ne sommes pas contre l'établissement public !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

D'abord, il est ouvert sur la communauté scientifique et sur l'ensemble des partenaires de l'archéologie.

Ensuite, chers collègues, regardez ce qui se passe en Europe.

M. Pierre Cardo.

Rien !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Vous vous apercevrez qu'aucune des diverses solutions adoptées par nos partenaires ne nous permet de dire que la concurrence existe.

Elle est illusoire. Au mieux, il y a des petits monopoles locaux. Mais personne ne peut répondre à l'ensemble des travaux d'archéologie préventive suscités par les décisions des acteurs économiques à travers tout le territoire.

Or, c'est bien pour garantir l'acteur économique contre le « risque archéologique » qu'un établissement public est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Vous raisonnez en économiste, monsieur !

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Emile Blessig, pour le groupe UDF.

M. Emile Blessig.

L'archéologie fait partie d'un patrimoine à défendre, et pour ce faire, différentes solutions sont possibles.

La vôtre, madame la ministre, repose sur un monopole. Elle va à l'encontre de certaines libertés minimales qui ont été consacrées, notamment par la décentralisation. Tous les propriétaires ne sont pas des propriétaires au sens du code civil. Ce sont aussi des collectivités locales, des territoires qui cherchent à se développer, à aménager. Vous leur opposez une démarche de monopole dans laquelle vous ne prévoyez aucune concertation. En vertu d'un pouvoir régalien, l'établissement public imposera sa décision à tous les niveaux de l'action.

Cette vision est contraire à la Constitution, contraire à tout ce que nous essayons de construire, contraire à notre façon de travailler. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF votera pour l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe RPR, la parole est à

M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

A l'appui de l'exception d'irrecevabilité, je dirai quelques mots sur le seul registre du monopole.

Aujourd'hui, à peu près la moitié des fouilles préventives sont conduites par l'AFAN, un quart par les services territoriaux d'archéologie au niveau des départements ou des communes, et un autre quart est de la compétence des universités et du CNRS.

C'est donc une recherche pluraliste. Or vous voulez passer à une situation de monopole...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Non !

M. Jacques Pélissard.

... qui est condamné par le Conseil de la concurrence dans son avis de mai 1998 et qui est contraire à la mise en valeur des richesses de notre pays. C'est bien la prise en compte des données du territoire qui donne une pertinence à la démarche archéologique. Une équipe nationale dispersée aux quatre coins de la France ne pourra pas appréhender précisément les richesses territoriales. C'est grâce à un suivi local par les universités, par le CNRS et par les archéologues territoriaux que l'on pourra y parvenir.

En ce sens, l'exception d'irrecevabilité nous paraît justifiée. Le groupe du RPR la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

Reconnaissez, chers collègues, que je n'ai pas abusé de mon temps de parole tout à l'heure.


page précédente page 01124page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Madame la ministre, ce n'est pas au regard des bonnes intentions du Gouvernement que s'apprécie la constitutionnalité d'une loi. C'est en fonction de son texte.

Quand, dans l'article 1er , vous ne prévoyez aucune modalité particulière d'évaluation de l'atteinte qui est portée au droit de propriété, nous sommes fondés à penser qu'il y a atteinte à ce droit de propriété.

A propos du monopole, madame la ministre, vous avez tenté une polémique, que je n'hésite pas à qualifier de subalterne, en disant que nous serions associés à l'intérêt de telle entreprise, qui est d'ailleurs plutôt dans votre région que dans la mienne. Je vous dis très sérieusement que je m'honore de défendre les intérêts d'une entreprise s'ils sont lésés par un texte qui est contraire à notre Constitution.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Pas lésés !

M. François Goulard.

Ce monopole est totalement inadapté aux besoins de l'archéologie préventive.

Si vous aviez prévu dans l'article 1er des modalités différentes pour préciser qu'il revenait à l'Etat de décider des mesures d'archéologie préventive, chacun, je crois, aurait pu être d'accord.

Dans l'article 2, vous auriez pu admettre que, à côté d'un établissement public qui résulterait de la tranformation d'une association mal fondée en droit pouvaient exister d'autres acteurs de l'archéologie préventive, l'Etat gardant un pouvoir de prescription, de choix et également de contrôle : pourquoi ne pas mettre en place un dispositif d'agrément des sociétés, des associations et des organismes chargés de pratiquer l'archéologie préventive ? Nous n'aurions rien trouvé à y redire.

Ce qui n'est pas acceptable, c'est d'établir un monopole en niant totalement l'existence et les compétences de tous les acteurs de l'archéologie préventive.

Mme Christine Boutin.

Très juste !

M. François Goulard.

Tous les milieux concernés, à l'exception des quelques intéressés qui vont voir leur situation confortée, ne peuvent qu'être révoltés, choqués par votre manière de procéder. Nous maintenons que ce texte n'est pas conforme à la Constitution, et Pierre Cardo, pour le groupe Démocratie libérale et Indépend ants, et d'autres collègues démontreront tous les inconvénients pratiques du dispositif que vous mettez en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.

M. Serge Blisko.

Je suis un peu surpris...

M. Gilbert Meyer.

Ne le soyez pas !

M. Serge Blisko.

...parce que j'ai l'impression que vous n'avez compris ni la lettre ni l'esprit du texte, monsieur le député ! En fait, il améliore la liberté d'entreprendre, il ne la restreint pas comme vous le dites. Il s'agit de prévention.

L'établissement public donnera un diagnostic à l'aménageur, qu'il soit public ou privé, collectivité locale ou entreprise, en l'avertissant des éventuels « risques archéologiques ».

M. Gilbert Meyer.

Ce n'est pas la question !

M. Serge Blisko.

Et cela pour pas très cher, ce rôle étant fixé par la loi.

S'il s'agit d'une zone qui nécessite des fouilles, le montant de la redevance sera donné par avance, ce qui est extraordinairement protecteur.

Mme Christine Boutin.

Non !

M. Serge Blisko.

L'aménageur saura parfaitement où il va. C'est la liberté d'entreprendre avec des délais fixés, dans un cadre clair et prévisible.

De plus, la charge de la prise de risques revient à l'établissement public. Mme la ministre a déjà montré que l'Etat ne s'arroge pas un droit, mais veut, depuis les débuts de l'archéologie préventive, en être l'acteur principal.

Il n'est pas question d'un monopole des opérations, mais, au contraire, d'une association, tant avec les archéologues des collectivités territoriales qu'avec les sociétés savantes et les bureaux d'études privés. Ce projet de loi n'entend en aucun cas interdire à une entreprise ou une association à but non lucratif de travailler.

Mme Christine Boutin.

Comment cela se fera-t-il ?

M. Serge Blisko.

Sur la question du monopole, vous vous crispez sur une vision qui n'est pas du tout celle du texte.

Par ailleurs, chaque fois qu'un permis de construire est déposé, des prescriptions doivent être observées. Pourquoi voulez-vous faire sortir l'archéologie de cette longue liste de prescriptions ? C'est quand même extraordinaire ! Vous êtes tout à fait fondés à défendre la liberté d'entreprendre, mais vous ne pouvez pas dire que chaque fois que l'Etat agit, il entrave cette liberté.

Mme Christine Boutin.

Mais là, c'est un monopole !

M. Serge Blisko.

J'ai l'impression excusez ce ton polémique - que vous sortez vos griffes dès que vous entendez le mot « public » ou « administratif » ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Soyez plus décontractés, lisez le texte ! Sur l'article 4, monsieur Goulard, je crois que nous ne nous sommes malheureusement pas bien compris.

M. Gilbert Meyer.

Exactement !

M. Serge Blisko.

Il y a une autre version que celle que vous avez exposée. Le Gouvernement a tenu compte des avis de tous les groupes pour modifier ce texte jugé compliqué. Excusez-moi, mais vous parlez de quelque chose qui n'est plus d'actualité.

M. François Goulard.

Nous discutons du texte déposé sur le bureau de l'Assemblée, pas d'autre chose !

M. le président.

Monsieur Blisko, poursuivez !

M. Serge Blisko.

L'amendement du Gouvernement exposé cet après-midi même en commission a bien montré que les préoccupations venues de tous les groupes de l'Assemblée et des collectivités locales ont été entendues.

Il propose une opposabilité du système et une procédure de recours amiable, afin d'éviter de noyer les tribunaux administratifs sous les recours contentieux.

Ce texte est extraordinairement protecteur pour celui qui entreprend, qu'il s'agisse d'une personne publique ou privée. Le groupe socialiste ne peut que regretter votre intervention. Il votera contre l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Bernard Outin.


page précédente page 01125page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Bernard Outin.

Quand nos collègues de l'opposition entendent le mot « public », ils réagissent comme le chien de Pavlov. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Cardo.

Nous ne sommes quand même pas des chiens !

M. Bernard Outin.

Il y a des mots comme celui-là qui provoquent des réflexes. Et quand on parle de monopole public, bigre ! la réaction est démultipliée.

Mme Christine Boutin.

Vous, c'est Pavlov dans l'autre sens !

M. Bernard Outin.

L'établissement public, madame Boutin, encaissera le redevance, il ne vendra pas des prestations. Il pourra passer des conventions avec d'autres structures qui s'intéressent à l'archéologie. Ce monopole, c'est tout simplement le pouvoir d'agir au nom de l'intérêt général.

Vous l'aviez compris, nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Outin, premier orateur inscrit.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il était temps, grand temps que le Gouvernement dépose un projet de loi réglementant l'archéologie préventive en la plaçant clairement dans le champ d'action du service public. Nous apprécions cette démarche. Elle répond en outre positivement à la demande réitérée des professionnels et chercheurs de l'archéologie et de la collectivité.

Ces dernières années, trop d'affaires ont mis en danger l'archéologie préventive, risquant d'entraîner dans son sillage l'archéologie tout entière. En clair, un enjeu important apparaissait, plaçant en situation de collision frontale l'aménagement du territoire et les vestiges de notre histoire.

Trop de complaisances à l'égard des aménageurs se sont multipliées ces dernières années jusque dans les plus hautes sphères politiques.

Mme Christine Boutin.

Qui visez-vous ?

M. Bernard Outin.

Là aussi prévalait la logique « faire le moins cher possible dans le délai le plus court possible ». Cela n'est plus acceptable.

Rodez, Saint-Omer sont le reflet d'une gestion inappropriée et erratique de l'archéologie, en particulier de l'archéologie préventive. Ces cas ont démontré l'urgence d'un financement clair de l'archéologie préventive, la nécessité de réaliser un équilibre judicieux entre les obligations de protection du patrimoine archéologique et les réalités économiques des aménageurs.

L'archéologie préventive, parce qu'elle participe du respect d'un bien commun, doit prendre un nouvel essor.

Nous ne pouvons plus concevoir un aménagement, un projet immobilier, sans déclencher le plus en amont possible tous les processus de l'archéologie préventive.

La dimension archéologique doit être envisagée dans une large concertation des différentes parties, pour concilier aménagement du territoire et préservation du patrimoine archéologique. Oui, cela relève du principe de précaution.

M. Pierre Cardo.

Jusque-là, tout va bien !

M. Bernard Outin.

Il faut donner un sens nouveau au rôle des aménageurs afin de s'extraire d'un contexte de culpabilité et pour évoluer désormais dans le cadre de la responsabilité collective en instituant une réglementation claire et transparente.

Plus l'archéologie sera préventive, plus les coûts pour tous seront réduits. Cela participe d'une certaine citoyenneté, en tout cas à nos yeux du respect de l'intérêt géné ral, où élus, responsables politiques, aménageurs, citoyens, parce qu'ils ont la volonté de protéger un bien commun, construisent ensemble de nouvelles pratiques.

L'histoire nous montre que la reconnaissance de l'archéologie ne s'est pas faite en un jour, tout comme celle de sa dimension scientifique. Il en va de même pour l'archéologie préventive. Ce projet de loi doit lui permettre d'être véritablement reconnue comme discipline de recherche à part entière présentant la particularité d'être au confluent d'intérêts culturel, social et économique.

Mme Christine Boutin.

Et historique !

M. Bernard Outin.

Au début lieux de chasse au trésor ou de découverte d'objets d'art, les sites archéologiques sont devenus aujourd'hui des sources d'informations irremplaçables pour retracer l'histoire des sociétés.

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

M. Bernard Outin.

Voilà vingt ans que la communauté archéologique lutte pour que l'archéologie préventive soit reconnue comme une priorité publique et relève de missions de service public. Aujourd'hui, ce projet de loi met fin aux errements juridiques de la loi de 1941.

M. Pierre Cardo.

Pas du tout.

M. Bernard Outin.

Il organise le mode de financement et le fonctionnement de l'archéologie préventive. L'émergence de cette discipline a contribué à poser la question cruciale du service public de l'archéologie qui n'existait pas dans la loi de 1941.

M. Pierre Cardo.

Certes !

M. Bernard Outin.

C'est l'occasion de consacrer l'archéologie préventive en complétant la démarche de sauvetage d'hier, opération d'intervention d'urgence, par une démarche de prévention et donc de précaution.

Oui, nous posons d'emblée que l'Etat doit être le garant du nouveau régime de l'archéologie préventive ! Ici, nous sommes face à des risques potentiels de destruction de notre patrimoine archéologique. Sa préservation, ainsi que sa détection, sa conservation, son étude, sa mise en valeur et la diffusion des connaissances pour faire progresser la recherche et informer le grand public relèvent de la seule puissance publique. Que le projet sous-tende ce principe par la création d'un établissement public est fondamental. La création de cet établissement est un moyen. Nous vous proposons d'affirmer dès l'article 1er l'éthique de la démarche en spécifiant que l'archéologie préventive relève de missions de service public.

Il importe aussi que l'établissement public soit doté de sa propre instance scientifique, à savoir un conseil scientifique assistant le conseil d'administration. Par ailleurs, sa


page précédente page 01126page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

vocation scientifique, tout comme son ancrage dans la communauté scientifique, seront consacrés par la publication systématique des résultats de recherche et l'obligation de passer convention avec les établissements publics de recherche, le CNRS, les universités.

Mme Christine Boutin.

Comment cela se passera-t-il ?

M. Bernard Outin.

Le principe d'une cotutelle du ministère de la culture et de celui de la recherche est indispensable. Cela a d'ailleurs été proposé.

Aujourd'hui nous allons enfin pouvoir construire un maillage du territoire plus opérationnel, où les services déconcentrés de l'Etat, les collectivités territoriales, l'établissement public seront les trois éléments d'un pilotage national de l'archéologie préventive. Mais il faut veiller aux moyens humains et financiers que l'Etat mettra demain en place...

M. Pierre Cardo.

Il y a intérêt à y veiller !

M. Bernard Outin.

... pour permettre à ses services d'assumer en temps et en heure, tout comme en qualité de services rendus, les charges nouvelles d'une archéologie préventive. A cet égard, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les personnels de l'établissement public relèveront de la fonction publique avec le statut qui s'y rattache ? Nous sommes inquiets car un projet de décret confie au conseil d'administration le soin de définir les conditions générales de recrutement, d'emploi et de rémunération du personnel et d'approuver son statut.

Aujourd'hui les capacités du ministère de la culture à remplir ses missions ne sont-elles pas fragilisées ? En effet, de 1993 à 2000, les opérations en archéologie préventive ont été multipliées par dix et, par ailleurs, les services régionaux de l'archéologie, qui comptaient 280 agents en 1993, ont perdu quinze postes alors que, dans cette période, la charge de travail s'accroissait.

Au fil des années a émergé avec beaucoup de force, notamment à la suite des lois de décentralisation, le rôle des collectivités territoriales en matière d'archéologie préventive. Celles-ci sont devenues des acteurs incontournables. Or, le projet de loi ne les reconnaissait que peu.

Partout où les collectivités territoriales ont donné à des services d'archéologie les moyens de fonctionner, les résultats sont probants.

Mme Christine Boutin.

C'est la vérité !

M. Bernard Outin.

La permanence de ces services a permis un travail de proximité propice à la connaissance, aux partenariats, à la dynamisation de la vie locale. L'importance des territoires concernés, le nombre d'opérations appellent cette reconnaissance de l'apport des collectivités territoriales. Nous proposons donc de renforcer leur rôle en rendant obligatoire par voie de conventionnement la coopération avec les collectivités territoriales. De la même façon, nous soutenons la démarche de M. le rapporteur quand il propose que ce soit l'Etat qui dresse et mette périodiquement à jour une carte archéologique nationale et des cartes locales avec le concours des établissements publics, des organismes de recherche, des collectivités territoriales.

Face à ce développement de l'archéologie préventive, la carte d'archéologie nationale et les cartes locales vont devenir des outils précieux.

Dans ce projet nous percevons très vite les transversalités qui se dessinent lorsqu'il s'agit de concilier aménagement du territoire et préservation du patrimoine archéologique. Selon votre dossier de presse, madame la ministre, l'application de la présente loi sera assurée par un comité interministériel de la recherche archéologique.

Mais celui-ci est prévu depuis 1994. Verra-t-il enfin le jour ? J'en viens à l'épicentre de ce projet de loi : son financement. Le choix d'une redevance a été fait, ce qui est positif à nos yeux. Un autre système, comme celui de la taxe, aurait pu être choisi, mais il a le défaut de dédouaner celui qui paye de ses responsabilités. Le système de la redevance permettra de préserver le site en place.

Assise sur un système à deux étages, le premier relatif au diagnostic, le second aux fouilles, la redevance offre la possibilité à l'aménageur de réviser son projet d'aménagement pour ne pas avoir à payer la seconde partie relative aux fouilles et préserver ainsi les vestiges archéologiques.

Nous vous proposerons un amendement visant à assujettir la redevance à un système déclaratif, afin d'engager les opérations de diagnostic avant même l'autorisation d'utilisation du sol. Cette redevance pourrait s'associer pleinement à l'esprit que nous souhaitons impulser à cette loi, à savoir celui du concept de responsabilité collective associé au principe de précaution.

Nous parlerons de l'efficacité de la redevance lors de la discussion des articles. La proposition du rapporteur de faire référence à la loi du 19 juillet 1976 est intéressante, car elle permet de prendre en compte les carrières. Mais nous continuons à penser qu'il faut élargir encore l'assiette. Il y va de la protection de notre patrimoine.

C'est dans cet esprit que nous avons retravaillé nos amendements, car notre patrimoine archéologique se situe majoritairement dans la zone des deux mètres.

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur les exonérations de redevance. Je souhaite que le remboursement soit réalisé avec la plus grande rigueur, car nous avons en la matière quelques exemples regrettables.

L'établissement public recevra par ailleurs des subventions de l'Etat. Ce deuxième point est tout aussi important que le premier, car l'Etat doit demeurer un partenaire incontournable, en particulier sur la question des moyens humains et financiers. Ce projet relevant du principe de solidarité, il doit tenir ses engagements à ce titre. Aussi souhaiterions-nous, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur le volume des subventions, en sachant notamment qu'en 1993 l'AFAN recevait une subvention de fonctionnement de l'ordre de 5 millions de francs et que depuis 1996 celle-ci est devenue quasiment nulle.

Nous considérons, dans l'état actuel des choses, que la principale faiblesse du texte réside dans les restrictions du financement et dans la présence d'un pouvoir discrétionnaire de l'Etat. Cela diminuera d'autant l'efficacité de la redevance, compromettra la viabilité de l'établissement public. Or, il est évident que tout cela est conditionné p ar l'ampleur que l'on souhaite donner demain à l'archéologie préventive. Je souhaite que notre débat ouvre des perspectives prometteuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Madame la ministre, nous n'avons pas de chance ! Chaque fois que je viens ici, j'ai envie de voter le texte que vous nous proposez pour vous faire plaisir (Sourires) ,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et vous n'y arrivez jamais !

M. Christian Kert.

... mais là, vous n'y avez pas mis du vôtre ! Nous attendions un texte qui recueille le consensus de la profession, de celles et ceux qui la


page précédente page 01127page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

financent, c'est-à-dire les aménageurs privés, publics, les collectivités territoriales, et vous n'avez consulté quasiment personne ! C'est du moins ce qu'on nous dit ! Ce texte nous donne l'impression d'être conjoncturel, destiné avant tout à règler le problème de l'AFAN, ce qui est certes nécessaire, mais en ne s'occupant que de la refonte du rôle de l'Etat, de la légalisation de cette association par la création d'un établissement public et de son mode de fonctionnement.

Nous avons le sentiment que, par crainte de voir l'archéologie préventive tomber dans le domaine concurrentiel, vous avez institué ce que nous appelons un véritable monopole légal - vous vous en défendez et je le comprends - pour toute intervention archéologique.

Nous estimons quant à nous que ce retour en force d'une archéologie d'Etat, d'un certain jacobinisme, est regrettable. Malgré vos propos, nous nous demandons si, en créant ce nouvel établissement public, votre projet de loi ne tourne pas résolument le dos à toute idée de décentralisation, au détriment de plusieurs centaines d'archéologues salariés de l'université, du CNRS, de grands établissements ou de collectivités territoriales qui, c'est vrai, madame la ministre, nous ont sensibilisés. Ces différents acteurs se sont toujours impliqués dans des opérations d'archéologie préventive et ont ainsi acquis une connaissance historique du terrain en pratiquant une sorte d'archéologie de proximité, connaissance que ne parviendront pas à rattraper les archéologues de l'établissement public dépêchés sur les lieux, quelles que soient par ailleurs leurs qualités que nous avons tous pu apprécier.

Etes-vous sûre, madame la ministre, que la création de cet établissement, jouissant d'un monopole sur les opérations de sondage et de fouille, mettra fin aux critiques de la Cour des comptes s'agissant de l'AFAN ? Nous craignons que ces critiques ne perdurent : dérive des coûts, longueur de la procédure, en un mot toutes les caractéristiques d'une grosse machine administrative. Certes, la restructuration de cette association est indispensable, mais rien ne justifie la création de ce monopole qui, comme notre ami Goulard l'a rappelé, loin de respecter les engagements européens de la France, contrevient aux dispositions du traité de Rome sur la concurrence et les abus de position dominante. Afin de limiter cet effet de monopole, le groupe UDF a déposé des amendements visant à permettre une réelle prise en considération de tous les acteurs de l'archéologie préventive : collectivités territoriales, associations d'archéologues bénévoles dont les compétences doivent bien entendu être reconnues officiellement, organismes agréés par l'Etat. Je ne vous cache pas que le sort que vous réserverez à ces amendements déterminera notre position.

Le rapporteur enthousiaste, et néanmoins excellent, a rappelé en commission que les opérations d'archéologie préventive étaient dirigées pour moitié environ par les personnels de l'AFAN, pour un quart par les archéologues des collectivités territoriales, les personnels des serv ices régionaux de l'archéologie, des universités et du CNRS se partageant le dernier quart. Nous savons toutefois que souvent les équipes locales sont trop peu nombreuses ou pas assez spécialisées selon la période du site à fouiller pour mener à bien ces opérations. Dans ce cas, il nous paraîtrait normal que ce soit à l'actuelle AFAN, établissement public de demain, d'intervenir.

Pour ne pas heurter les susceptibilités locales, il serait bon de prévoir la possibilité de détacher l'archéologue territorial auprès de l'établissement public pour l'intégrer à l'équipe et réaliser ainsi une sorte de symbiose entre l'échelon national et l'échelon local. Mais cela n'est possible que si l'établissement public ne dispose pas d'un monopole absolu.

Par ailleurs, quel sera désormais le rôle exact des c onservateurs du patrimoine qui, dans les régions, devraient être les intermédiaires entre collectivités et établissement public ? Le texte ne dit rien sur le pouvoir de saisine de ces conservateurs.

Je terminerai par le dispositif de financement de l'archéologie préventive. Vous nous avez, madame la ministre, présenté le nouveau mécanisme que vous souhaitez insérer à l'article 4 du projet de loi. Selon vos propres termes et ceux de M. le rapporteur, ce nouveau dispositif est plus simple, plus équitable, et correspond aux préoccupations légitimes exprimées par les aménageurs.

Pour ce qui est de sa simplicité, j'ai noté la grande perplexité de notre président de commission lorsque le rapporteur lui a lu l'une des bases du dispositif : « la formule R (en francs par mètre carré) = T N / 2000 pour les ensembles de structures archéologiques non stratifiées. »

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Il faut sortir de Polytechnique pour comprendre !

M. Christian Kert.

Il ne faut pas être un littéraire pour écrire la loi sur l'archéologie !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est pourtant très simple !

M. Christian Kert.

Nous avons quant à nous le sentiment que vous ajoutez là, madame la ministre, une petite usine à gaz !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Mais non !

M. Christian Kert.

Après un examen rapide du texte proposé, les critiques faites au projet initial demeurent.

Seule l'institution d'un taux unique de redevance pourrait être considérée comme une avancée positive. Il y a trop d'incertitudes sur l'interprétation à donner au texte et, surtout, le montant de la redevance reste économiquement inacceptable pour les aménageurs - ils nous le disent.

M. le président.

Monsieur Kert, il faudrait vous diriger vers la fin !

M. Christian Kert.

J'y viens, monsieur le président ! Nous aurions aimé, madame la ministre, que vous situiez votre texte dans le cadre d'une décentralisation qui permette, d'une part, de rapprocher la décision, l'exécution et les financements, d'autre part, et peut-être surtout, au-delà d'une politique du patrimoine, d'intégrer l'archéologie dans une dynamique culturelle générale liée à l'ensemble des pratiques politiques publiques. A cet égard, madame la ministre, votre texte est à ranger au rayon des souhaits plutôt qu'à celui des certitudes. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et d u groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'archéologie est une discipline en crise parce que son activité a été transformée de l'intérieur, sous l'effet de l'aménagement du territoire, par la croissance de l'archéologie préventive.


page précédente page 01128page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Avant toute chose, je tiens, au nom de mes collègues Verts, à souligner les avancées de votre texte dans ce domaine. Ce projet permettra de faire de l'archéologie préventive un véritable service public à caractère scientifique. Il confortera cette activité sur des bases légales, dans l'intérêt de tous.

Nul besoin de rappeler ici la mission de service public qu'assure l'archéologie préventive. Au-delà de sa dimension culturelle, qui est notre première préoccupation, l'archéologie est un allié fiable. Quand la raison ne s'est pas fait entendre, elle permet de découvrir la capacité de c ertains sites et d'orienter les futurs aménagements d'urbanisme.

Depuis 1975, une vingtaine de rapports sur l'archéologie ont été demandés par les gouvernements Aucun, jusqu'à votre projet, madame la ministre, n'a permis d'initier une réforme comme celle que vous nous proposez aujourd'hui.

M. Pierre Cardo.

Aucun n'a été suivi d'effet !

M. André Aschieri.

La précarisation constante de l'emploi scientifique ainsi que la jurisprudence, souvent favorable aux aménageurs, nous imposent aujourd'hui de voter cette réforme.

Si le texte ne nous satisfait pas entièrement, j'ai noté avec plaisir que certains de nos amendements ont été retenus ou repris. Je tiens ici à remercier notre rapporteur, M. Marcel Rogemont, pour la qualité de son écoute. C'est une autre manière de faire de la politique, que j'apprécie.

Je souhaite toutefois insister sur deux points.

D'abord, le transfert à un établissement public de la mission d'exécution des travaux doit s'accompagner d'un réel renforcement de la capacité de l'Etat non seulement à initier, mais aussi à décider et à contrôler toutes les tâches. Nous avons tous à l'esprit des situations dans lesquelles des transferts de compétence, sans moyens appropriés, ont abouti à condamner le fonctionnement de l'établissement public concerné.

Ensuite, je plaiderai pour une mutualisation des coûts de l'archéologie. En effet, comment de petites communes pourraient-elles prendre en charge le coût des fouilles lorsqu'il s'agit de projets de construction autres que ceux qui ouvrent droit à l'exonération - comme les logements locatifs, par exemple - lors de la découverte d'un site archéologique particulièrement riche ? Mais, au-delà de ce texte, nous espérons qu'une grande réforme sera initiée. Une réforme ambitieuse et attendue, qui ira bien au-delà de la résolution du problème de l'AFAN, même si, je le répète, la réforme est nécessaire.

Quelles sont nos propositions ? Nous souhaitons avant tout changer la loi de 1941 afin de permettre la mise en oeuvre d'une loi nouvelle qui prenne en compte toute l'archéologie, et non plus uniq uement l'archéologie préventive. Pourquoi ne pas commencer, par exemple, par rapprocher le droit de l'archéologie du droit de l'environnement, comme cela avait été proposé par le rapport Godineau en 1990 ? Ce sont les principes que nous défendons dans le domaine de l'environnement qui doivent s'appliquer ici.

Nous souhaitons aussi définir ensemble un principe aménageur-payeur, comme il existe un principe pollueurpayeur.

Nous souhaitons enfin que soient encouragées les associations qui réalisent, avec une conscience, que je qualifierai de professionnelle, les inventaires des sites. Je tiens ici à saluer le travail de ces associations. J'ai eu l'occasion de rencontrer les membres de l'Institut de préhistoire et d'archéologie des Alpes-Maritimes ainsi que le groupe de recherches historiques de Provence ; ils m'ont montré une carte archéologique du département, fruit de plusieurs années de recherche menée en collaboration avec la DRAC. Il me semble que de telles recherches locales devraient être encouragées. Elles permettraient, en entretenant une mémoire collective vivante d'éviter de prévoir des travaux dans des zones riches en histoire.

J'insiste sur la nécessité de publier les recherches et les résultats, et pas seulement au niveau local. En archéologie, la spatialité est au moins aussi importante que la temporalité. Il nous faut déconcentrer les savoirs.

Dans cette perspective, il apparaît nécessaire de créer des structures régionalisées, qui permettront de fonder une archéologie de proximité. Il est évident qu'on ne peut pas à la fois encourager les collectivités locales à développer des services archéologiques et ne pas leur en donner les moyens. Décentraliser, c'est permettre de prendre en compte les spécificités régionales.

L'archéologie doit devenir un outil moderne au service de l'aménagement du territoire. Nous ne devons plus continuer à penser le progrès et le devenir de nos paysages comme un enchaînement de causes et d'effets, dans le sens d'une uniformisation ou de l'abandon de pans entiers de notre territoire. Non ! Nous devons, à l'avenir, intégrer la géodiversité du passé comme base de réflexion.

On sait étudier la durabilité des constructions paysagères.

On connaît la dynamique sur le long terme. Eh bien, il faut utiliser ces connaissances pour dégager les lignes de force d'un aménagement du territoire respectueux de cette géodiversité.

Il convient de faire de l'archéologie des paysages un véritable outil au service de l'aménagement du territoire.

Transformons une vision trop patrimoniale qui éloigne l'objet historique de son environnement, au profit d'une vision plus géographique et dynamique. Dans l'avenir, la recherche paléopaysagère et archéologique devra devenir une composante majeure des choix d'aménagement du territoire. Nous regrettons, sur ce point, l'absence de relation entre un projet de réforme de l'archéologie et la loi d'aménagement durable du territoire. Nous souhaitons, par cette transformation, voir insérer l'histoire dans l'environnement, afin de mieux comprendre le passé pour préparer l'avenir.

Une grande action nationale auprès des collectivités territoriales et des services administratifs doit être mise en oeuvre. Il est nécessaire de former les décideurs, les techniciens mais aussi les élus à cette nouvelle culture, à cette nouvelle lecture de nos paysages. C'est par cette formation que nous ferons évoluer les comportements en matière de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de démocratie locale.

On peut rêver un instant et imaginer que cette éducation des élus et des techniciens provoquera un élan comparable à celui qui a accompagné la découverte du patrimoine au

XIXe siècle. C'est, je crois, le sens de l'étude de votre collègue, ministre de l'aménagement du territoire, qui organise actuellement une évaluation des effets des politiques publiques sur le paysage.

A terme, et pour réconcilier culture et aménagement du territoire, il m'apparaît nécessaire de repenser la gestion centralisée de l'archéologie. Celle-ci ne doit pas dépendre uniquement de votre ministère mais aussi de


page précédente page 01129page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

ceux de la recherche et de l'environnement. Sur le terrain, les choses ne sont pas aussi cloisonnées qu'au niveau de l'administration centrale.

Une véritable réforme de l'archéologie, malgré les apparences, n'est pas du domaine technique, professionnel ou corporatiste, mais elle est d'ordre culturel et politique. Les Verts proposent un changement de perspective, qui réforme l'archéologie non en l'adaptant à la logique actuelle de l'aménagement du territoire, mais en concevant autrement le développement durable des territoires.

C'est pourquoi, madame la ministre, et dans l'espoir d'une future réforme d'une plus grande ampleur, les députés Verts votent sans réserve votre projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Une réforme paraissait absolument nécessaire pour remédier aux dysfonctionnements actuels de l'archéologie préventive et pallier les carences de l'Etat dans un domaine où il affirme, aujourd'hui plus qu'hier, la mission de service public de l'archéologie. Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui est censé apporter une réponse cohérente, au moins au niveau de l'archéologie préventive.

Depuis cinquante ans qu'était apparu le premier cadre législatif réglementant les fouilles archéologiques, on ne peut pas dire, malgré la création de l'AFAN, en 1973, que la France se soit donné les moyens, tant financiers que juridiques, de développer l'archéologie - qu'elle soit préventive ou non - sur son territoire. Comment s'étonner, dès lors, de la floraison d'intervenants divers dans ce domaine, chacun ayant acquis une connaissance et un savoir-faire que l'Etat leur a abandonnés bien volontiers ? La logique voudrait que l'Etat, d'abord assume ses responsabilités, ensuite s'en donne les moyens dans un cadre légal, national et européen, si possible et enfin additionne les savoirs et savoir-faire en essayant d'en tirer le meilleur profit pour la science.

Sans entrer dans le détail du projet - de nombreux collègues l'ont fait et nous irons un peu plus au fond lors de la discussion des articles -, je me contenterai de reprendre la définition du concept de l'archéologie préventive, que le rapporteur de notre commission découpe en trois opérations, à savoir : les démarches préalables de diagnostic - études, prospection, etc.

; les opérations de fouilles ; le rendu, c'est-à-dire, entre autres, la publication des résultats.

Le diagnostic est directement lié à l'établissement, par l'Etat, de la carte nationale archéologique, mission confiée à l'AFAN. On n'a pas l'impression, à ce jour, que l'Etat se soit donné les moyens de compléter ce document de base. Mme la ministre a d'ailleurs elle-même admis, lors de son audition devant la commission, que 95 % des données scientifiques viennent de l'archéologie d'urgence, et donc des chantiers, privés ou publics, sur des fonds qui, la plupart du temps, ne proviennent pas de l'Etat.

S'il fallait juger de l'intérêt, pour la science, de faire totalement dépendre l'activité archéologique nationale de l'Etat, ce seul chiffre inciterait à réfléchir sur les risques d'un monopole de l'Etat dans ce domaine. Mais il me paraît évident que le contrôle de l'établissement de cette carte et sa mise à jour sont une mission de service public et relèvent donc de l'Etat.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Pierre Cardo.

Quant à sa mise en oeuvre, je ne vois pas pourquoi il faudrait se priver des apports indispensables des autres intervenants que sont les collectivités territoriales, le CNRS, les associations et les différentes sociétés.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Pierre Cardo.

Venons-en aux opérations de fouilles de l'archéologie préventive. Je crois, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous en avez une conception inadaptée.

Le Conseil de la concurrence a bien spécifié, dans son avis du 19 mai 1998, que l'exécution des fouilles constitue une activité économique qu'il convient de soumettre aux règles du droit de la concurrence.

La convention de Malte, approuvée par la loi du 26 octobre 1994, précise quant à elle l'engagement des parties « à mettre en oeuvre selon les modalités propres à chaque Etat, un régime juridique de protection du patrimoine archéologique. »

Il est simplement demandé aux Etats, en matière d'archéologie préventive, de « garantir la signification scientifique des opérations de recherches archéologiques et d'accroître les moyens de l'archéologie préventive. » C'est

l'article 6 de la convention.

Vous affirmez que votre projet de loi est conforme au droit européen et à l'esprit de la convention de Malte.

Un sérieux problème se pose. Garantir la signification scientifique des opérations de recherches ne signifie pas de les faire soi-même, et encore moins de les faire toutes.

La mission de service public, à ce stade de l'intervention, consiste à préciser clairement, par un cahier des charges, par exemple, les conditions dans lesquelles « les opérations de recherches seront exécutées. ». Elle consiste aussi

à mettre en place les moyens de contrôler la bonne exécution, et donc, le respect du cahier des charges. Elle ne consiste pas obligatoirement à faire les fouilles.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Pierre Cardo.

Donc, la mission de votre établissement public, pour être conforme à l'esprit de la convention, consiste à fouiller la question et non pas à « farfouiller » le site...

Mme Christine Boutin.

C'est très bon ! (Sourires.)

M. Pierre Cardo.

Car on en est là : la fouille est une activité économique, et le conseil de la concurrence ne s'y est pas trompé. Vous non plus d'ailleurs, monsieur le rapporteur, qui dites lors de l'examen des articles que vous faites en commission : « En revanche, dans la phase des fouilles, c'est une activité économique qui s'exerce. ».

A priori , monsieur le rapporteur, nous sommes d'accord... Je trouve d'ailleurs que vous avez une analyse très objective du sujet ! Vous reprenez le rapport Demoule, Pêcheur et Poignant, en rappelant qu'il a une logique différente, pour préciser qu'il : « ne nie pas la dimension économique de l'archéologie préventive mais considère que les trois opérations : diagnostic, fouille, rendu, si elles se succèdent dans le temps, mais ne sont pas intellectuellement séparables »... On en revient au principe d'unicité que vous évoquiez tout à l'heure.

Autrement dit, si je regarde une carte pour m'assurer de la nature d'un site archéologique, je ne puis m'empêcher d'aller y fouiller moi-même, au risque d'un déséquilibre intellectuel. (Sourires.)


page précédente page 01130page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Plaisanterie mise à part, l'argument est un peu court pour étayer la thèse d'un service public obligatoire sur la fouille et d'un monopole de l'Etat sur une activité réellement économique.

J'aurais espéré que notre assemblée, y compris notre rapporteur, fasse preuve d'un peu plus d'indépendance d'esprit à l'égard d'un gouvernement dont le projet n'est pas simple mais simpliste, malgré l'importance du dossier.

Rappelons l'esprit de la convention de Malte, que nous avons approuvée ici. Celle-ci exige que l'Etat accroisse les moyens matériels de l'archéologie préventive. Or ce projet, je suis désolé de le dire, n'est pas, pour l'instant, conforme à cet objectif. L'établissement public aura des subventions de l'Etat et sera financé par les aménageurs.

Mais les travaux relatifs aux logements sociaux et les constructions d'une surface hors oeuvre nette inférieure à 5 000 mètres carrés seront exonérés de la redevance d'archéologie préventive. Et comme il y a très peu de projets de dimension supérieure - il suffit de se reporter aux années précédentes -, côté financement, il y aura un peti t problème.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Non, nous avons changé !...

M. Pierre Cardo.

Nous verrons ce que cela va rapporter.

Entre un engagement conforme à l'esprit de la convention de Malte où le Gouvernement doit s'engager à donn er des moyens supplémentaires pour permettre à l'archéologie préventive de se développer réellement, et ce que j'ai vu, du moins jusqu'à présent, il y a un pas ! Et les promesses, dans l'immédiat, n'engagent que ceux qui les croient.

Il y aura donc peu d'argent - mais je ne demande qu'à être convaincu... Et les seuls financeurs de cet établissement public, par le biais de cette règle et par le biais des conventions que vous envisagez de signer avec elles, seront les collectivités territoriales, seules à avoir des projets de cette envergure.

Où sont les moyens accrus de l'Etat ? Il n'en est fait mention nulle part, en tout cas, pas avec certitude.

Quand on sait la mission globale et monopolistique que vous voulez confier à l'établissement public, les besoins dont il devra disposer pour assumer une mission somme toute conséquente, on peut s'interroger sur le bien-fondé de votre dispositif, et surtout sur sa viabilité.

J'en viens à la troisième opération de l'archéologie préventive, à savoir le rendu et donc l'exploitation et la publication des résultats.

C'est bien une activité de service public. Mais que la fouille soit faite par une société privée, une association reconnue ou une collectivité, cela ne pose aucune difficulté. Que le cahier des charges impose les conditions de rendu n'en pose pas non plus. Encore faudrait-il qu'il en ait, surtout si l'établissement public contrôle en permanence la bonne exécution de la fouille. Encore faudrait-il qu'il en ait les moyens. J'arrêterai là mon exposé plutôt critique pour vous dire, mes chers collègues et madame la ministre, que ce texte, tant qu'il prévoira un monopole d'Etat dans un domaine économique, à savoir la fouille archéologique, ne peut pas être amendé.

Ce texte doit être refusé en raison du principe qu'il impose. Nous voterons contre car il n'est ni conforme aux principes de la convention de Malte, ni aux règles de la concurrence, ni au droit européen en général.

De plus, il pose le problème des acteurs de terrain qui ont assuré une sorte de service public délégué en l'absence d'une législation et de moyens financiers adaptés. Votre projet évacue, en fait, la plupart des bénévoles, scientifiques ou non, qui ont été à l'origine de la plupart des découvertes en archéologie comme dans d'autres domaines scientifiques. Pour beaucoup, ils disparaitront avec leur savoir-faire parce que l'Etat n'a voulu entendre qu'un son de cloche et, face à un public délicat, a cru se simplifier la vie en apportant une réponse largement inspirée par une idéologie dépassée.

C'est une façon peu élégante de remercier tous ceux, - bénévoles, professionnels, amateurs, scientifiques -, qui, au fil des siècles, ont, sans l'Etat, construit l'archéologie en France et dans le monde.

Mais il est encore temps, madame la ministre, d'adopter une attitude plus respectueuse à l'égard de ces acteurs multiples. Je vous demande d'y réfléchir car les éléments que j'ai exposés, s'ils n'ont su vous convaincre, pourraient en revanche convaincre le Conseil constitutionnel, voire d'autres instances, de la non-compatibilité de votre projet avec les règles de la concurrence, la convention de Malte, les principes communautaires et, plus généralement, l'intérêt de la science. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il existe dans notre société un décalage surprenant entre l'image un peu mythique que le grand public se fait de l'archéologie et la réalité quotidienne de la pratique archéologique.

Mme Christine Boutin.

C'est vrai.

M. Serge Blisko.

L'archéologue d'aujourd'hui est tout sauf un aventurier individualiste en quête d'un bel objet qu'il ramènera triomphalement après maintes péripéties.

Cette image fait place à celle d'une discipline rigoureuse servie par les techniques les plus modernes.

Depuis cinquante ans, l'archéologie qui rend toujours hommage à Schliemann, Mariette et Champollion a c onsidérablement évolué dans son objet, dans ses approches comme dans ses méthodes. L'évolution s'est faite dans le sens d'un élargissement, d'une ouverture.

Si les objets, au sens le plus large du terme, demeurent au coeur de la recherche archéologique, la rupture avec une archéologie du bel objet est désormais consacrée, sans qu'on néglige pour autant ce dernier. La notion de culture matérielle s'est imposée, et je pense en particulier à l'exploration du site de Pincevent, en Seine-et-Marne, sous la direction d'André Leroi-Gourhan, qui a réellement fait faire un saut épistémologique et qui caractérise un des progrès de l'archéologie. Dès lors, ce qui importe, ce n'est plus seulement l'établissement par l'archéologue de la succession chronologique sur un site donné, mais aussi la reconstitution, époque par époque, de la vie quotidienne des hommes qui l'ont occupé comme des activités diverses qui y sont repérables.

Un autre effet induit par cette évolution est l'institutionnalisation de l'archéologie, son entrée en force à l'université, comme la professionnalisation de ses structures. Face aux « progrès » de notre civilisation, l'archéologue, pour intervenir utilement et quelquefois pour s'interposer efficacement doit, le cas échéant, être reconnu comme un interlocuteur à part entière, ce qui implique qu'il soit un scientifique doublé d'un professionnel. En l'espace de quelques décennies, l'archéologie dite « nationale », par opposition à l'archéologie « expatriée » qui opère en terre étrangère, est passée de l'amateurisme


page précédente page 01131page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

éclairé tel qu'on l'a connu au

XIXe siècle dans les sociétés savantes qu'on appelait « sociétés d'antiquaires » au professionnalisme.

Parmi les éléments qui ont contribué à remodeler, dans les années cinquante et surtout soixante, soixante-dix, le visage de l'archéologie, figurent l'explosion urbaine de l'après-guerre ou les grands programmes autoroutiers, ou encore la politique de remembrement en zone rurale. De là est née, souvent dans l'incompréhension et la polémique, une archéologie de l'urgence, que symbolisait récemment encore la pratique des fouilles dites de sauvetage, aujourd'hui heureusement relayée par l'archéologie dite préventive, pour laquelle mieux vaut prévenir que risquer de ne pas guérir. De là provient également l'archéologie urbaine, tout à la fois archéologie dans la ville et archéologie de la ville, dont les résultats ont été à la hauteur du défi soulevé par la restructuration des grands centres urbains.

On conçoit que, dans ce climat d'urgence, le repérage des sites archéologiques soit devenu, plus ou moins tardivement selon les pays, une part importante de l'activité archéologique, et qu'il ait été l'occasion de l'élaboration ou d'un renouvellement des méthodes, - à l'aide de la photographie aérienne et spatiale - ou même de l'archéologie sous-marine ou subaquatique.

Aujourd'hui, comme l'indique très justement le rapport de Marcel Rogemont, 90 % des données scientifiques sont à attribuer à l'archéologie préventive. C'est dire à quel point ce type de fouilles est important. Or, nous devons constater qu'en matière d'encadrement juridique, comme en matière financière, les moyens mis en oeuvre restent insuffisants.

L'encadrement législatif et réglementaire de l'activité archéologique a été tardif. Jusqu'à aujourd'hui, c'est à une association de droit privé, l'AFAN, créée en 1973, par un simple échange de lettres entre le ministre des finances et le ministre de la culture, que cette mission de service public est dévolue.

L'AFAN est la destinataire exclusive des crédits alloués aux recherches sur le territoire national dans le cadre d'opérations de sauvetage et de fouilles programmées. En quinze ans, l'AFAN est devenue un dispositif essentiel de la recherche archéologique française sans que personne ne l'ait ni jamais décidé ni jamais prévu. L'AFAN emploie aujourd'hui près de 2 000 contractuels dont 1 100 à temps complet, le nombre d'archéologues qui lui sont attachés étant supérieur à celui de tout autre organisme institutionnel.

Cette association de droit privé présente un bilan d'activité satisfaisant, mais elle souffre aussi d'un double handicap : un statut inadapté et par ailleurs un financement insuffisant et irrégulier.

Le statut d'association de la loi de 1901 pour une mission de service public ne semble pas le mieux adapté. Le rapport de MM. Demoule, Pêcheur et Poignant a noté une croissance progressive des coûts des diagnostics et des fouilles entrepris par l'AFAN et surtout une variabilité des coûts suivant les régions qui demeurent toujours mal expliquée. Une quinzaine de rapports ont d'ailleurs été commandés par le ministère de la culture à ce sujet.

La charge financière subie par les aménageurs est souvent trop élevée. Enfin, la question des nécessaires collaborations scientifiques entre l'AFAN et les archéologues de l'université ou du CNRS reste mal résolue dans le cadre actuel ; de la même façon, la médiatisation et la valorisation du résultat - ce que M. Cardo a appelé le rendu des fouilles - restent aujourd'hui mal assurées.

C'est à ces problèmes que le projet de loi, dont nous débattons aujourd'hui, a souhaité apporter des réponses et je voudrais ici vous remercier, madame la ministre, d'avoir porté ce projet car, comme le disait plaisamment le président de la commission M. Le Garrec, « ce n'est pas très souvent qu'on a l'occasion de discuter d'archéologie dans notre assemblée ». Bravo, pour l'avoir fait ! Le projet de loi que vous présentez, madame la ministre, répond à la question de statut par la création d'un établissement public national à caractère administratif. Doté de droits exclusifs en matière d'archéologie préventive, cet établissement public viendra se substituer à l'AFAN et bénéficiera d'un cadre juridique plus adapté à sa fonction.

Placé sous l'autorité conjointe du ministère de la culture et du ministère de la recherche, cet établissement travaillera à la réalisation de sondages, aux diagnostics et aux opérations de fouilles préventives ; ce travail - et vous nous avez rassuré sur cette question - se fera évidemment en collaboration avec les chercheurs du CNRS, les services archéologiques des collectivités territoriales et les associations qualifiées. Toujours dans le souci d'associer tous les acteurs de l'archéologie préventive, son conseil d'administration et son conseil scientifique seront ouverts à leurs représentants.

Ces dispositions devront éviter que la qualité des prestations fournies ne soit subordonnée à la capacité financière de l'aménageur.

Enfin, vous avez, madame la ministre, lors de votre audition le 9 février dernier, confirmé que l'établissement public développera la démocratisation de l'accès aux découvertes archéologiques en assurant une médiation culturelle sur les lieux de fouilles ou à proximité et en communiquant au public les résultats des travaux.

Le problème très délicat du financement est abordé à l'article 4 d'une façon plus transparente et plus claire que celle qui prévalait jusqu'à maintenant. Bien évidemment, les constructions de logements individuels ou de logements sociaux sont exonérées. Le projet de loi institue deux redevances versées par les aménageurs en différenciant, d'une part, les opérations de sondage et de diagnostic, pas très chères - le moins cher possible -, d'autre part, les opérations de fouille quand les sondages et les diagnostics ont montré qu'elles étaient nécessaires. Mais les fouilles ne sont pas systématiques.

Sans entrer dans le détail mathématique - très simple, c'est une règle de trois, et à ce sujet le rapporteur nous a convaincus cet après-midi en commission...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Merci !

M. Serge Blisko.

... je voudrais faire remarquer que la stratigraphie, en fait, la profondeur, pour parler simplement, est prise en compte. Cela équivaut à la reconnaissance par la loi que l'ancienne activité humaine et l'action naturelle ont toutes deux imprimé une marque dans le sol, et ont produit une sédimentation, ce que l'on appelle en archéologie une stratification : à la superposition spatiale de dépôts correspond une succession temporelle. Je me réjouis également que les tarifs fixés dans la loi soient désormais publics et opposables. Ainsi, les aménageurs seront en mesure d'anticiper le coût des diagnostics et de prendre des décisions en conséquence.

Mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui vise en fait à gérer l'urgence le mieux possible.

Les fouilles de sauvetage, parents pauvres de l'archéologie française, sont nées de la dénonciation de scandales retentissants comme, par exemple, celui de la place de la


page précédente page 01132page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Bourse à Marseille qui a conduit en 1967, à l'ouverture inopinée d'un vaste chantier au coeur de la ville et qui a abouti à la préservation, imprévue au départ, de vestiges magnifiques de l'antique Phocéa, aujourd'hui intelligemment mis en valeur.

La fouille de sauvetage souffre, dans son essence même, des conditions qui ont présidé à sa mise en place : elle n'est jamais le résultat ou l'agent d'une problématique archéologique précise, mais le fruit de contraintes extrinsèques, telles que la certitude de la destruction future des vestiges à fouiller ou le choix « politique » de mise en valeur de tel ou tel type de ruines. Le caractère spectaculaire de certaines découvertes nées dans un contexte de sauvetage ne doit pas faire oublier la faiblesse congénitale de l'archéologie de l'urgence. Nous essayons aujourd'hui de la corriger ! Les vingt-cinq dernières années ont donné l'occasion aux archéologues de préserver des données extrêmement importantes de notre passé. Cela n'a pas toujours été le cas. Entre 1 500 et 2 000 sites archéologiques d'importance furent victimes dans les années cinquante, des grands chantiers autoroutiers, pour ne parler que d'eux.

Les débats en commission que tout comme les contacts que chacun d'entre nous a pu développer avec la profession ont montré que l'on est passé aujourd'hui du sauvetage à la prévention. Il reste à faire en sorte que l'étab lissement public que nous allons créer aboutisse rapidement à la carte archéologique de la France, car vous le savez, mes chers collègues, la France est très en retard dans ce domaine par rapport à la Suède, à la GrandeBretagne et aux Pays-Bas.

La carte archéologique de la France permettra d'alerter les aménageurs sur la présence de zones archéologiques à risque et de choisir, tant en milieu rural qu'en milieu urbain, les zones qui doivent être préservées et, lorsqu'on ne peut éviter de les fouiller, celles qui doivent l'être en priorité.

En conclusion, permettez-moi, chers collègues, de saluer le travail des archéologues qui, en Europe, en Egypte, au Proche et au Moyen-Orient, ou en ExtrêmeOrient ont contribué à sauvegarder le patrimoine mondial de l'humanité. Permettez-moi aussi de saluer tous ceux qui, en France, font revivre notre histoire et notre mémoire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur l'archéologie préventive est attendu depuis de longues années. Tout le monde est satisfait de disposer désormais d'un texte, le rapporteur en est même si ému qu'il a transformé en helléniste le romaniste qu'était Jérôme Carcopino. (Sourires.)

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ah ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

A l'époque, on ne pouvait pas être l'un sans être l'autre !

M. Bruno Bourg-Broc.

Il faut mettre à votre crédit, madame la ministre, d'avoir tenté de remédier à une situation déplorée par tous. J'oserai dire que c'est, malheureusement, le seul crédit que l'on puisse vous accorder. En effet, si l'attente a été longue - vous avez vousmême employé l'expression « un débat long et lent » -, le résultat n'est satisfaisant ni pour nous ni pour l'ensemble des acteurs de l'archéologie préventive.

La prévisibilité et la transparence sont indispensables.

Au nom de principes incontestables, l'Etat prescrit, mais pour prescrire, il use d'un monopole contraire à tout ce que propose par ailleurs le Gouvernement en ce moment.

Votre texte est inachevé, incomplet et mal ficelé. J'en veux pour preuve les péripéties autour de l'article essentiel de ce texte, le II de l'article 4. Les modalités de financement de l'établissement public ont été complètement revues par un amendement gouvernemental, que vous avez eu, madame la ministre, la courtoisie de nous adresser. Mais pour un texte en préparation depuis plusieurs mois, il semblerait que la concertation et la préparation aient été sommaires. J'ajoute, sans m'attarder plus longuement sur cet aspect des choses, car Jacques Pélissard y reviendra dans quelques instants, que le nouveau mode de financement s'apparente à une véritable usine à gaz.

Il aurait été intéressant, pour la bonne information de la représentation nationale et pour la bonne compréhension du texte, que des exemples soient fournis. En effet, nous sommes dans l'incapacité, et les opérateurs concernés au premier chef avec nous, de chiffrer les coûts des fouilles avec votre nouveau système.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

J'ai fourni les chiffres à la commission !

M. Bruno Bourg-Broc.

Quelle est la hauteur moyenne de la couche archéologique ? Quelle est l'évaluation moyenne potentielle des structures archéologiques à l'hectare ? Ce jargon est probablement intéressant et compréhensible pour les archéologues. Il ne l'est pas pour nous, en tout cas sans explication. Autrement dit, comment pouvons-nous voter ce que nous ne pouvons chiffrer ? Plus généralement, c'est l'économie même de votre texte qui n'est pas cohérente. Deux cohérences, également défendables, s'affrontent.

Soit le Gouvernement considère que l'archéologie préventive relève du service public, soit il estime qu'elle relève du domaine concurrentiel. Mais si les aménageurs doivent payer, il faut leur laisser le choix.

Cela dit, quel que soit le vôtre, on doit en tirer toutes les conséquences et organiser le financement de l'archéologie préventive en fonction de celui-ci.

Si vous considérez que l'archéologie préventive relève du service public, le financement de cette activité doit relever de l'impôt. Si, au contraire vous pensez que l'archéologie préventive relève du domaine concurrentiel, alors l'EPA doit se transformer en EPIC et ses ressources relever du produit de son activité.

Or, vous mélangez les deux concepts. D'un côté, vous voulez le service public, mais l'impôt ne doit pas supporter les dépenses afférentes aux travaux. De l'autre, vous refusez la concurrence, mais vous envisagez tout à fait que les opérateurs directement concernés acquittent une redevance à un établissement public monopolistique. Il n'y a dans les modalités de financement de l'établissement public aucune cohérence, pas plus qu'il n'y en a dans l'ensemble de votre projet.

Nous formulerons donc, pour notre part, des contrepropositions. A l'instar du conseil de la concurrence dont l'avis de mai 1998 a déjà cité, nous pensons que l'archéologie préventive doit relever du domaine concurrentiel. A l'heure où la législation européenne nous conduit, à juste titre, à démanteler la plupart de nos monopoles, il est pour le moins surprenant d'en établir d'autres.

Comme je l'ai dit, l'EPA doit devenir un EPIC et son financement provenir des recettes que lui procure son activité.


page précédente page 01133page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

En matière d'archéologie préventive, il est tout à fait possible que plusieurs opérateurs interviennent dans les fouilles. Bien entendu, il serait souhaitable que ces opérateurs offrent toutes les garanties nécessaires au plan scientifique. Les amendements que nous vous proposons auraient, si vous les acceptiez, le mérite de la cohérence tout en offrant les garanties scientifiques nécessaires au bon déroulement des opérations de fouilles. En effet, dès lors que l'opérateur est choisi sur une liste préalablement agréée par l'Etat, l'indépendance et la qualité des intervenants qui pourraient être le CNRS, les universités, des archéologues ou les services archéologiques d'une collectivité territoriale seraient garanties.

Telles sont, madame la ministre, notre critique fondamentale à l'égard de votre texte et notre contre-proposition.

Je terminerai mon propos par quelques remarques secondaires, mais qu'il me semble important de formuler.

Tout d'abord, il faudrait que l'article 1er fixe des délais précis pour la décision de réaliser ou non des fouilles. Il est en effet essentiel que l'aménageur ait connaissance du calendrier exact des opérateurs et ne soit pas dans l'incertitude quant à la réalisation de son projet.

De plus, depuis plusieurs années, l'Etat s'est engagé à moderniser ses rapports avec les administrés, notamment en fixant des délais impératifs de réponse.

Il serait judicieux, et là encore cohérent, de prévoir des dispositions similaires dès lors que la loi envisage des obligations nouvelles pour des administrés.

Le second point sur lequel je voudrais attirer votre attention concerne le I de l'article 4 et, plus précisément, la formule : « Les redevances d'archéologie préventives sont dues par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux.... ».

Le terme « projetant » me paraît dangereux et je souhaiterais que vous l'explicitiez. En effet, si l'on prend ce terme dans son sens littéral, cela suppose que si un aménageur envisage un projet et dépose un permis de construire, il est redevable même s'il abandonne son projet. Dites-nous, madame la ministre, si telle est bien votre volonté.

Le groupe RPR a déposé d'autres amendements que nous discuterons dans quelques instants.

En conclusion, vous comprendez que, dans l'état actuel des choses, notre groupe ne votera pas votre texte car celui-ci ne répond pas aux problèmes soulevés par les dysfonctionnements de l'AFAN et nous semble totalement incohérent. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Madame la ministre, votre projet était attendu. Il était temps de mettre fin à une situation qui n'avait que trop duré. Si la création de l'AFAN, en 1993, apportait une solution au problème des fouilles préventives, force est de constater que, depuis des années, des dérives, dont on ne recherchera pas les origines, ont fait que les réalisations de cette association recevaient de sévères critiques, en particulier des élus locaux, non pas sur leur qualité scientifique, vous le savez bien, mais sur la façon dont les financeurs devaient s'acquitter de coûts parfois élevés sans repères avec d'autres chantiers évolutifs, en raison de travaux retardés, d'un manque de communication avec l'opérateur ou l'investisseur. Bref, quelquefois cela se traduisait par un arrêt de l'investissement prévu. Dans beaucoup de petites et moyennes communes, les exemples ne manquent pas et je pourrais vous en citer.

Que faire lorsque la plus grande partie d'une commune se situe dans une zone sensible du point de vue de l'archéologie - en particulier son POS - avec d'autres contraintes constituées par les voies ferrées, les routes, les rivières, les canaux et j'en passe ? La situation n'a que trop duré. Votre projet, que d'aucuns avant vous auraient pu avoir la volonté de présenter, permettra de tourner la page en oeuvrant dans le bon sens, même si j'ai encore quelques craintes sur le problème du financement des fouilles.

La création de l'établissement public est une bonne chose. Dès lors que la protection des vestiges est un droit régalien, celui-ci devient la référence. Il sera dirigé par un conseil d'administration comprenant plusieurs collèges.

Cela permettra aussi de régler le problème du personnel de l'AFAN, qui pourra intégrer cet organisme s'il le souhaite.

Par ailleurs vous laissez la possibilité aux archéologues territoriaux agréés d'intervenir dans les fouilles, ce qui balaie l'argument du monopole public strict s'imposant à tous.

Cela étant, je le répète, vous étiez attendue au niveau du financement par les élus locaux - qualité que certains députés ont encore en raison du cumul des fonctions électives - car ils sont responsables de projets de zones d'habitation, de zones d'activités et d'autres. Or l'injustice face au risque archéologique est parfois criante entre des secteurs distants de quelques dizaines de kilomètres. En effet, certaines communes sont totalement concernées alors que d'autres, pourtant proches, ne le sont pas du tout. Il est évident que les coûts des réalisations sont bien différents.

Je prends pour exemples des chiffres incontestables concernant deux régions de France : la Bourgogne et la Franche-Comté. Alors que cette dernière est deux fois moins étendue que la première qui est en outre très connue pour son passé, en 1997, avaient été recensés 4 288 sites en Bourgogne contre 10 653 en FrancheComté ! On a du mal à comprendre. Pauvres communes de Franche-Comté qui seront davantage touchées que celles de Bourgogne ! Madame la ministre, vous avez été sensible à ce problème du financement par les collectivités, tout comme M. le rapporteur qui m'en a fait la confidence à plusieurs reprises. Vous avez dont accepté que l'on gomme certaines aspérités et que l'on desserre certains carcans par voie d'amendements. Vous avez également souhaité une garantie de transparence et d'objectivité, ainsi qu'une simplification du barème pour aboutir à un coût moyen, à une mutualisation accrue de la charge financière de l'archéologie préventive. Certes ce terme est très beau, mais je souhaite que l'on aille encore plus loin.

En effet les communes qui recèlent des vestiges sont les seules à payer. Le principe pollueur-payeur sur lequel nous sommes d'accord est souvent évoqué. En revanche le principe selon lequel celui qui a des richesses archéologiques sous ses pieds doit payer et ne pas en profiter pose un vrai problème. Il me semblerait plus judicieux que les 400 millions de francs de surcoûts que cause chaque année l'archéologie préventive fassent l'objet d'une plus grande mutualisation entre l'ensemble des communes de France, comme cela avait été envisagé par un rapport remis au Gouvernement en 1989. Il évoquait la possibilité d'asseoir cette mutualisation sur une taxe addi-


page précédente page 01134page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

tionnelle à la taxe locale d'équipement, pour la survie de la grande cause nationale, voire mondiale qu'est la sauvegarde du patrimoine ancien. Cette solution n'a pas été retenue.

Je le regrette mais j'espère, madame la ministre, que, demain, votre projet qui deviendra loi sur l'archéologie permettra enfin de répondre aux attentes des collectivités.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Bernadette IsaacSibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues - un peu trop disséminés, mais la qualité prime - on pourrait dire que les trois devoirs ou engagements de l'archéologue sont la conservation, la restauration et la publication, parce que la responsabilité de l'archéologue ne cesse pas avec la fin de la fouille. C'est pourquoi il y a effectivement besoin d'une loi.

Toutefois le texte de présentation du projet de loi limite sa portée à la nécessité de donner un cadre légal au financement de l'archéologie de sauvetage et à résoudre les problèmes posés par les personnels de l'AFAN, dont tout le monde connaît la valeur. Cette question est certes importante, mais pourquoi réduire ainsi la portée que devrait avoir une véritable loi sur l'archéologie ? Si j'avais le temps j'évoquerais, sans faire preuve de mauvais esprit, ce que ce texte sous-tend de mépris pour les archéologues et l'archéologie.

Je me bornerai donc à insister sur trois points essentiels, qui nous obligent à voter contre ce projet et même à demander son renvoi en commission afin que l'on ait le temps de proposer une véritable loi qui prenne tout en c ompte, loi que nous attendons depuis vingt ans, madame la ministre.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Outin.

Au moins !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Bien qu'il évoque toujours la décentralisation, le Gouvernement n'a de cesse, dans tous les domaines, de recentraliser, à l'opposé de la démarche engagée par les lois Defferre de 1982.

Il paraît ainsi tout de même insensé de créer un établissement public administratif national doté de droits exclusifs, alors que l'archéologie de collectivité territoriale prend de plus en plus de place non seulement en mettant en pratique de nouveaux systèmes de fouilles, mais aussi en créant - et l'on en a peu parlé - des lieux de conservation de la documentation très utiles pour élaborer des banques de données archéologiques.

Je voudrais avoir le temps de vous exposer tout ce que nous avons réalisé à Lyon dans ce domaine depuis vingt ans. Elue depuis vingt-trois ans d'un territoire qui est d evenu patrimoine mondial de l'humanité, grâce à l'action innovante de la municipalité de Francisque Collomb qui a déclenché la réhabilitation de vingt-sept hectares sauvegardés, sans parler du sous-sol de l'ancienne capitale des trois Gaules - que vous avez honorée de votre visite il y a quelques jours, madame la ministre -, je puis témoigner que nous avons tous travaillé ensemble,

Etat - c'est-à-dire ministère de la culture, préfecture, universités, CNRS - et collectivités locales. Nous avons signé des conventions pour régler les problèmes auxquels nous avons aussi adapté les POS.

Pourquoi vouloir aujourd'hui tout recentraliser pour tout figer ? Pourquoi essayer de résoudre le problème du financement des fouilles en instaurant une redevance qui sera acquittée par les aménageurs, mais qui, en fin de compte, sera à la charge des collectivités locales ? Une fois de plus, la solution finale trouvée par le Gouvernement est celle de faire payer les collectivités locales.

Il serait préférable que cette charge soit clairement et simplement répartie entre toutes les parties, d'autant que le coût des fouilles au mètre carré pour les terrains soumis à l'emprise montre qu'il serait possible de réaliser des économies. Et je ne parle pas des litiges qui vont découler de cette procédure.

Forts de notre expérience à Lyon, nous avons des solutions expérimentées à vous proposer, parce que nous avons rencontré des difficultés que nous avons essayé de bien analyser localement pour trouver des solutions appropriées, mais vous ne nous avez pas consultés.

D'autres villes ou départements, la Seine Saint-Denis par exemple, qui ont suivi des démarches identiques pourraient aussi vous faire profiter de leur expérience pour élaborer un texte qui prenne tout en compte.

Malheureusement, vous ne faites aucun cas de l'archéologie des collectivités territoriales qui, depuis des années, essaient d'améliorer l'existant et jouent un rôle de plus en plus important dans la conservation de notre patrimoine.

Pour ces quelques réflexions, trop réduites à cause des rares minutes dont je disposais, je voterai contre ce projet de loi en demandant instamment que tous les acteurs consacrant leur vie à cette passion, car l'archéologie est vraiment une passion qui nous permet de garder nos racines, se rencontrent pour élaborer un texte portant une véritable réforme utile.

Madame la ministre, l'histoire de la France s'inscrit dans l'histoire de tous ses départements et non pas dans la centralisation d'un seul établissement public administratif national qui décidera tout. Faites donc confiance aux départements et aux collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la nécessité de réformer le système actuel de l'archéologie préventive ne fait pas de doute. Devant le mécontentement général et l'évolution qu'a connue l'archéologie préventive ces dernières années, le dispositif mis en place en 1977, qui se voulait d'ailleurs temporaire, devait être modifié.

L'archéologie préventive n'ayant pas de cadre juridique spécifique, il était devenu indispensable de donner une assise juridique claire à la préservation du patrimoine.

Sans qu'il soit besoin d'entrer dans le détail de l'analyse des dysfonctionnements de l'organisation actuelle de l'archéologie préventive, toute réforme digne de ce nom aurait dû être sous-tendue par le souhait d'apporter une réponse globale aux questions cruciales de l'organisation de cette discipline et de son financement.

La première question est celle de savoir si le texte proposé aujourd'hui à la représentation nationale apporte des réponses complètes et durables à ces dysfonctionnements ou s'il n'a pas, derrière de louables intentions exprimées, pour seul objectif de sauver l'AFAN dont l'existence, compte tenu de l'avis rendu par le Conseil de la concurrence en mai 1998, était largement contestée au regard du droit européen.

Le projet de loi qui nous est soumis est centré autour de deux sujets principaux.

Le premier est la définition de l'archéologie préventive et le rôle que doit jouer l'Etat en cette matière.


page précédente page 01135page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Nul ne conteste aujourd'hui qu'il soit du devoir de l'Etat d'intervenir pour « protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'étude historique et scientifique », ainsi que le souligne la convention de Malte de 1992 ratifiée par la France. S'il est acquis que l'Etat a un rôle à jouer dans la mission de sauvetage du patrimoine archéologique, toute la question est de savoir lequel.

A la lumière de l'avis du Conseil de la concurrence, l'activité archéologique peut être considérée comme une activité économique et relève du traité de Rome. Dans ce cas, le monopole de l'AFAN contrevient aux dispositions de ce dernier relatives à la concurrence et aux abus de position dominante.

Il convient d'ailleurs de souligner qu'un tel monopole n'existe dans aucun des pays européens. Généralement, les fouilles s'y effectuent sous le contrôle des autorités en charge de l'archéologie, conformément à la convention de Malte, mais nulle part il n'existe un opérateur unique de fouille tel que le prévoit du Gouvernement. Les statuts les concernant sont très diversifiés : structure parapublique, association, entreprise privée, association, fondation. Le moins que l'on puisse dire est que le dispositif prévu par le projet de loi ne s'est pas inspiré de ces exemples européens.

On peut aisément comprendre, au regard de la mission d'intérêt général dont relève l'archéologie préventive , qu'il n'était pas souhaitable de la considérer comme une activité économique ordinaire répondant aux seules lois du marché. Cependant, la solution préconisée par le projet de loi qui est de transformer l'AFAN, association de la loi de 1901, en établissement public administratif disposant d'un quasi monopole ou, si vous préférez, de droits exclusifs en toutes matières concernant l'archéologie préventive, n'est pas satisfaisante à plus d'un titre.

D'abord, au sein de l'établissement public administratif qui sera créé, la confusion des rôles sera la règle.

Il aurait été plus judicieux de mettre en place un dispositif qui permette de distinguer les fonctions de contrôle, de prescription et d'autorisation, des fonctions de fouilles à proprement parler. Une réforme réalisée dans cet esprit aurait certainement été plus conforme au droit européen.

Le fait que le projet prévoit que, pour l'exécution de la mission, l'établissement public peut faire appel « par voie de convention à d'autres personnes morales dotées de services de recherche archéologique » est d'autant plus insuffisant pour éviter cette confusion des rôles que le projet ne dit rien sur les conditions d'accès des personnes privées extérieures. Si l'on en juge par les difficultés auxquelles sont actuellement confrontées les quelques entreprises privées qui opèrent sur le marché, les plus grandes inquiétudes sont légitimes.

Ensuite, il me semble également légitime de s'interroger sur la capacité qu'aura cet établissement, compte tenu de sa taille et de l'ampleur de la tâche à accomplir sur la totalité du territoire national, de répondre rapidement aux demandes.

La rigidité de la structure induira forcément des délais d'intervention longs, donc en contradiction totale avec l'objectif du projet de loi inscrit dans l'exposé des motifs, qui est de répondre « à la fois aux souhaits des aménageurs qui, très légitimement, demandent que leur terrain soit libéré le plus rapidement possible de la contrainte archéologique, et aux impératifs publics qui exigent que soit assurée dans de bonnes conditions l'étude de traces du passé vouées à la disparition ».

La mise en place d'un « véritable zonage archéologique pour mettre fin à l'imprévisibilité actuelle de l'archéologie préventive » peut constituer une avancée intéressante pour les aménageurs, à condition que les fouilles se réalisent dans des délais raisonnables. Le futur établissement public sera-t-il en mesure de garantir de tels délais ? Enfin, quel est, dans ce dispositif, la place des collectivités locales qui, bien souvent, doivent subir toutes les contraintes liées aux fouilles archéologiques et en assurer le financement ? Le projet initial ne prévoyait même pas leur présence au sein du conseil d'administration. Un amendement de notre rapporteur, M. Rogemont, adopté par la commission des affaires culturelles, a heureusement modifié la composition du conseil d'administration en prévoyant au moins la représentation des collectivités locales.

Le second objet principal de ce texte concerne les modalités arrêtées pour le financement de cet établissement, donc des opérations d'archéologie préventive. Or elles sont loin d'être satisfaisantes.

M. le président.

Monsieur Schreiner, j'ai déjà été indulgent !

M. Bernard Schreiner.

Je termine.

M. le président.

Votre temps de parole est largement dépassé, il faudrait vous acheminer rapidement vers votre conclusion.

M. Bernard Schreiner.

J'apprécie votre indulgence. Je conclus.

On peut donc se demander dans quelle mesure ce texte permettra de résoudre les problèmes financiers posés par l'archéologie préventive aux collectivités locales. En effet, malgré l'amendement proposé cet après-midi, elles seront les grandes perdantes puisqu'elles devront assumer le coût de ces opérations. Contrairement à ce qui avait été envisagé, il n'a pas été prévu une mutualisation sur l'ensemble du territoire national. La solution retenue ne nous satisfait pas et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne voterons pas le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Briane.

M. Jean Briane.

Je tiens tout d'abord à féliciter M. le rapporteur pour la qualité de son rapport : grâce à lui, j'ai pu, alors que je ne suis pas membre de la commission, me remettre dans le bain et comprendre les problèmes de l'archéologie préventive.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh bien voilà !

M. Jean Briane.

Après quelques brèves considérations sur la problématique et les propositions du Gouvernement, je présenterai plusieurs contre-propositions.

La problématique, tout d'abord. La France est riche d'un important patrimoine archéologique, qui est le témoin de notre histoire. Ce patrimoine doit être préservé. Il doit être protégé en tant que mémoire collective et instrument d'étude historique et scientifique. La France a ratifié la convention de Malte : il faut donc s'y tenir.

Le fait archéologique se présente, et doit être abordé et géré comme un risque collectif. Sont concernés de nombreux acteurs : l'Etat en premier lieu, qui doit exercer son droit régalien, mais aussi les aménageurs, les maîtres d'ouvrages publics et privés, les collectivités territoriales, et tous les professionnels archéologues, qu'ils soient dese xperts travaillant individuellement ou qu'ils soient regroupés dans des associations.


page précédente page 01136page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Je souhaiterais que le risque archéologique soit mutualisé. La nécessité de cette mutualisation me paraît être une évidence, et je pense que, sur cet objectif, madame la ministre, nous pourrions être d'accord.

J'en viens à vos propositions, madame la ministre. Si je suis d'accord avec vous sur les prérogatives à donner à l'Etat en matière d'archéologie, ma position diverge totalement de la vôtre quant à l'exercice de celles-ci.

La création en 1973 de l'AFAN - qui est d'abord et avant tout une association d'archéologues - n'avait déjà pas été une formule heureuse et les dérives auxquelles nous avons assisté me conduisent même à penser que ce fut une erreur. Vous connaissez les nombreuses contestations auxquelles elle a donné lieu. Cette association est certes composée de gens de qualité, mais je crois que les responsabilités qui lui ont été confiées ont provoqué certains dérapages.

La création d'un établissement public national à caractère administratif me paraît être une erreur encore plus grande. Madame la ministre, errare humanum est, perseverare diabolicum.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Alors vous allez vous arrêter là ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Briane.

C'est pourquoi je vais maintenant présenter quelques contre-propositions.

Si nous voulons vraiment régler les problèmes de l'archéologie préventive, il faut à tout prix éviter, madame la ministre, d'instituer un établissement public administratif, qui, cela a été déjà dit à plusieurs reprises, sera une véritable usine à gaz...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais pourquoi ?

M. Jean Briane.

... au coût et au fonctionnement très lourds.

Il faut, je l'ai déjà dit, mutualiser le risque, et ce jusque dans le financement. C'est la raison pour laquelle il me paraît nécessaire de simplifier le processus, de le rendre plus opérationnel et de le déconcentrer au niveau régional - et non pas interrégional - puisque ce sont les régions qui sont les territoires pertinents pour l'aménagement du territoire et, par là même, l'organisation de fouilles dans le cadre de l'archéologie préventive.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Et c'est bien ce qui se fera !

M. Jean Briane.

Madame la ministre, il y a des services dans les régions et l'on y trouve des associations qualifiées qui pourraient être agréées. C'est cette notion d'agrément qu'il importe de creuser car elle me semble la plus adéquate en la matière. Un EPA ne saurait être un élément dynamisant pour l'archéologie préventive.

Nous avons déposé quelques amendements. Je me suis personnellement abstenu de déposer des amendements que je qualifie de « radicaux », c'est-à-dire proposant une nouvelle rédaction de certains articles. Pourquoi ? Parce que je suis dans l'opposition !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est honorable !

M. Jean Briane.

Compte tenu du manichéisme qui prévaut dans cette assemblée,...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Pas du tout !

M. Jean Briane.

... j'ai pensé qu'il valait mieux en faire l'économie. Je regrette, d'ailleurs, cette évolution. Cela fait maintenant quelque temps que je siège dans cette maison et j'ai vu, avec regret, se développer cette tendance au fil du temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je serai très bref, me bornant à quelques remarques générales.

Tout d'abord, je me permets de « rebondir » sur ce que vient de dire M. Briane. Comme lui, je remercie notre rapporteur pour l'excellent travail qu'il a fait sur un sujet difficile et complexe et pour la préparation d'un débat qui était attendu depuis longtemps. D'ailleurs, pour être précis, il faut rappeler qu'il n'y a jamais eu de débat sur ce sujet dans un Parlement et que, de ce point de vue, le texte du 27 septembre 1941 n'est pas à proprement parler une loi. C'est donc la première fois que le Parlement est appelé à débattre de ce problème d'une importance grandissante, particulièrement pour les entrepreneurs et les collectivités territoriales.

Deuxième remarque : chacun reconnaît - mais ne le dit pas assez - que l'AFAN a fait un excellent travail.

Mais on se rend compte aujourd'hui que sa structure ets a forme de financement ne sauraient perdurer.

Reconnaissons ces deux points entre nous, et mettonsnous déjà d'accord à leur sujet : nous pourrons alors débattre plus clairement.

Je souhaite revenir sur trois problèmes qui ont été abordés par le rapporteur, avec l'appui de M. Blisko.

Premièrement, j'insiste, madame la ministre, sur la nécessité d'établir une carte archéologique. Il faut en outre qu'elle puisse être communiquée. Nous y tenons beaucoup, et c'est d'ailleurs une obligation légale. Cette carte archéologique doit progressivement devenir un instrument important non seulement de connaissance mais aussi de décision.

Deuxièmement, le rapporteur a déposé une série d'amendements auxquels, j'en suis persuadé, le Gouvernement donnera un avis favorable - vous l'avez d'ailleurs déja indiqué, madame la ministre,...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Absolument.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... qui ouvrent le conseil d'administration aux représentants des collectivités territoriales, qui ouvrent le conseil scientifique - et c'est très important - aux associations d'archéologues bénévoles, et qui ouvrent les possibilités de conventionnement. C'est donc, contrairement à ce qu'ont dit certains, une structure très souple qui se dessine,...

M. Jean Briane.

Elle est souple en théorie !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... très ouverte, adaptable à toutes les formes de conventionnement, y compris avec des groupements de communes ou des grandes villes.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ça existe déjà !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

La fixat ion ultra-bureaucratique que certains d'entre vous semblent voir dans le texte lui est tout à fait étrangère et encore plus aux amendements très judicieux déposés par notre rapporteur.


page précédente page 01137page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Troisième remarque : beaucoup d'interventions, et c'est logique, ont porté sur le système de financement. On constate ici un peu d'hésitation. Le rapporteur, en négociation avec le Gouvernement, a introduit un amendement qui a fait l'objet cet après-midi d'un long débat, auquel ont participé certains membres de l'opposition, comme M. Schneider.

Des documents ont été distribués, comparant les coûts de diagnostic et de fouilles dans la procédure de l'AFAN et dans celle du projet, et faisant apparaître une certaine maîtrise des dépenses. Cet amendement est important, car il introduit une responsabilité pour l'établissement public et dissocie ce qui relève du diagnostic de ce qui relève des fouilles, tout en imposant le respect des délais, sans, bien entendu, mésestimer l'aspect aléatoire de toute fouille.

Nous sommes là au coeur du problème.

Certains d'entre vous demandent une mutualisation. Je suis un peu étonné, car en définitive le financement tel qu'il est proposé introduit un principe de responsabilité.

Il est établi un lien direct entre le diagnostic avant que la décision soit prise et la fouille, dont le coût est connu.

Cela oblige l'établissement public à s'adapter à une responsabilité de travaux. Si l'on mutualisait comme vous le proposez pour obtenir un financement indolore, parce que très large, c'est pour le coup que l'établissement public deviendrait bureaucratisé, centralisé, et sans réelles responsabilités, ce que vous venez de dire ne pas vouloir.

Bien entendu, comme l'a rappelé M. Vauchez, les petites communes peuvent rencontrer des difficultés de financement qui les conduisent à rechercher des formes de mutualisation, dans le cadre de communautés de communes, ou dans un cadre plus large s'il s'agit de problèmes très importants.

L'un d'entre vous a parlé de risque collectif. Non ! Il s'agit bien d'une richesse collective, et même, pour certaines collectivités, d'un patrimoine dont elles usent pour attirer sur leur territoire un certain nombre d'activités et développer des missions touristiques.

Au total, le dispositif proposé répond à un souci d'équilibre, de souplesse, d'adaptation, d'ouverture sur un conventionnement le plus large possible et une véritable responsabilisation de l'établissement public, qui trouve son financement à la hauteur de ce qu'il est capable d'assumer.

Cela me semble vraiment être la méthode la plus sûre pour éviter ce que vous craignez, à savoir la centralisation et la bureaucratisation, à moins que, comme je l'ai entendu, certains d'entre vous croient une fois de plus que le marché réglera tout.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Non !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Par ce texte, nous voulons placer la préservation du patrimoine national sous la garantie de l'Etat. Pour nous, cela n'a rien à voir avec la logique de marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait d'accord !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de préciser que, si j'ai personnellement tenu à déposer devant le Parlement un projet de loi sur l'archéologie préventive, c'est parce que j'ai bénéficié pendant plusieurs années du travail des archéologues et que je respecte profondément cette discipline scientifique. Et je considère qu'elle n'a pas, aujourd'hui, en France, la place qu'elle mérite.

M. Pascal Terrasse.

Bravo !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je veux également insister sur le fait que ceux qui ont travaillé au sein de l'AFAN depuis sa création, sous un mépris et des critiques permanents, méritent mieux que ce qui a été dit parfois à cette tribune, parce qu'ils n'avaient pas les moyens, dans le contexte dans lequel ils exerçaient, de faire mieux.

Je veux encore souligner que, si l'archéologie faisait l'objet depuis vingt ans, comme vous le dites, de tant d'intérêt - pas moins de trente rapports lui ayant été consacrés -, on aurait pu tout de même trouver l'occasion de légiférer à son sujet. On peut toujours critiquer le projet de loi présenté aujourd'hui par le Gouvernement et le qualifier de simpliste, il n'en reste pas moins que c'est la première fois que l'Etat fait face à ses responsabilités en définissant le rôle qui doit être le sien dans ce domaine,...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Exactement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... après avoir sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, qui a si souvent été évoqué à cette tribune et en avoir tenu compte. Certes, le Conseil ne s'était pas prononcé sur la responsabilité de l'Etat en la matière, mais le rapport que le Gouvernement a commandé à la suite de l'avis qu'il avait rendu a parfaitement établi le caractère insécable des trois phases constituant l'acte archéologique, qui procède d'une démarche scientifique : le diagnostic, les fouilles proprement dites, l'analyse et la publication des résultats - qui permet de contrôler ce qu'il est fait des découvertes archéologiques. Cela crée un lien de responsabilité que l'Etat doit préserver.

L'archéologie préventive s'est développée ultérieurement à la loi de 1941. La loi que nous vous proposons est donc complémentaire. Elle s'en inspire d'ailleurs totalement quant à sa dimension protectrice.

Près de soixante ans après la promulgation, dans une période troublée, et sans examen par un parlement, de cette loi nous pouvons enfin, aujourd'hui, au passage d'un millénaire à un autre, donner à ce type d'archéologie ses lettres de noblesse.

Le projet de loi veille à éviter les fouilles qui ne sont pas indispensables. Je trouve dommageable que l'on ne parle de risque de fouille qu'à l'occasion d'opérations d'aménagement. Je connais bien ces questions pour y avoir été moi-même confrontée en tant que responsable d'une collectivité locale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Eh oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Et je parle d'une ville où quand des fouilles sont réalisées, ce ne sont pas huit ou dix mètres qu'il faut creuser mais plusieurs dizaines de mètres pour retrouver des vestiges de la période préhistorique.

Le texte que je vous propose précise donc bien les conditions dans lesquelles doivent s'opérer les fouilles. Il ne s'agit pas de fouiller partout, n'importe comment et à tout propos. De fait, 29 % seulement des diagnostics sont suivis de fouilles. Le projet de loi définit ainsi l'économie de l'atteinte au sous-sol et à la mémoire du sol.

Cette précision est importante car les fouilles apparaissent trop souvent comme un empêchement à la réalisation d'un certain nombre d'aménagements. Il faut affirmer haut et clair que c'est une richesse.


page précédente page 01138page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Elles peuvent entraîner, je le reconnais volontiers, une dépense pour les communes. C'est pourquoi le principe de financement suppose non pas une mutualisation complète sur tout le territoire national, mais un partage de la charge qui permet d'éviter, comme on l'a vu parfois, que les tarifs de fouille soient différents d'une région à l'autre ou d'une zone à l'autre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le système auquel nous sommes parvenus me semble beaucoup plus transparent et beaucoup plus clair sur le plan juridique puisqu'il fonde la responsabilité de l'Etat et qu'il tranche le débat sur la nature des opérations de fouille. On se demandait jusqu'à présent si elles devaient être soumises aux règles du droit de la concurrence ou non. En fait, elles entraîneront le versement d'une redevance, tout comme le diagnostic. Il y aura deux redevances différentes pour tenir compte de la spécificité de l'un et l'autre acte. C'est le premier objectif de la loi : donner un cadre juridique clair et transparent afin que chaque aménageur, qu'il soit public ou privé, puisse entreprendre le projet qu'il a conçu en toute sécurité.

Pour ce faire, le risque archéologique doit être maîtrisé.

Dès qu'une fouille sera prescrite, l'aménageur connaîtra exactement son coût et il saura que celui-ci sera maîtrisé tout au long du chantier. A partir de là, les travaux pourront être engagés. Il aura également une assurance quant aux délais de réalisation de ces travaux.

Les communes qui n'auraient pas les moyens de financer, en tant qu'aménageurs, des fouilles d'un intérêt important pour la collectivité auront toujours la possibilité, si le coût est particulièrement élevé, de se tourner vers l'Etat. Elles pourront alors, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, bénéficier de subventions. Les moyens financiers proviendront donc dans ce cas du budget de l'Etat.

Pourquoi avons-nous préféré un système de redevances à une négociation de gré à gré, comme l'on proposé certains intervenants ? Parce que nous recherchons l'équité et que la seconde solution ne me semble pas la garantir.

Lorsqu'on veut parvenir à un équilibre et établir - comme l'Etat doit s'y engager puisqu'il affirme sa responsabilité un coût identique pour chaque commune, quels que soient sa taille, sa situation géographique et les intervenants en présence, on ne peut pas imaginer de passer par la négociation et encore moins - comme cela s'est vu - d'être moins « regardant » sur la fouille pour essayer de trouver des modalités d'arrangement.

La création de l'AFAN a eu le mérite de mettre fin aux pratique de certains promoteurs qui venaient dégager à coups de bulldozer leurs terrains d'aménagement. Peutêtre est-il arrivé à certains d'entre vous de s'opposer à de tels chantiers ; ce n'est pas si vieux...

Pour autant, il ne s'agit pas d'empêcher la réalisation d'infrastructures publiques ni de constructions privées.

Aussi avons-nous établi deux types d'exonérations, l'un pour les constructions à usage d'habitation personnelle, avec une limite de surface, l'autre pour le logement social qui lui aussi doit pouvoir prétendre à exonération dès lors que la solidarité nationale est en jeu.

Ces deux dispositions sont évidemment intégrées dans le calcul de l'assiette ; la transparence du système de financement est donc parfaitement assurée.

Qu'en est-il maintenant de la question du monopole ? J'entends dire monopole dans un sens, monopole dans un autre sens. Non ! L'Etat, en matière d'archéologie préventive, a une responsabilité qu'il doit assumer et qu'il met en oeuvre par l'intermédiaire d'un établissement public attributaire d'un revenu fiscal. Un tel dispositif n'a rien de bien original ; nous n'avons fait que reprendre quelque chose qui existait depuis longtemps.

Le statut des personnels de cet établissement public répondra aux exigences de la réglementation de droit commun en matière d'agents contractuels publics. Les personnels seront réintégrés - s'ils en font le choix, bien évidemment - dans le cadre de contrats à durée indéterminée de droit public.

Un mot sur la décentralisation. Chacun sait que je tiens le plus grand compte de la situation des collectivités territoriales. Mais dès lors qu'il s'agit de préserver un patrimoine collectif, d'intérêt général, sur le territoire national, l'Etat peut-il exiger des collectivités de se substituer à sa propre responsabilité ? Bien évidemment non.

Les collectivités peuvent participer, elles l'ont déjà fait, si elles le souhaitent ; mais il n'est pas question de leur imposer la création d'un service d'archéologie. J'entends respecter leur liberté.

Nous nous retrouvions face à une situation de fait dans la mesure où nous n'avions aucune loi ni texte de référence pour déterminer les compétences ou organiser leur transfert. J'ai donc proposé que des conventions puissent être passées entre l'établissement public, les collectivités territoriales, les associations ou les entreprises, souvent de p etite taille, qui elles aussi peuvent apporter leur concours. Et dès lors que, par le biais d'une convention avec l'établissement public, des collectivités participent, réalisent elles-mêmes des fouilles et y consacrent des moyens en équipement, en matériel ou en personnel, elles bénéficieront d'une réduction ou d'une exonération de redevance. Cela me paraît une façon parfaitement équitable de prendre en compte leur contribution.

On nous reproche parfois d'ignorer le niveau régional ou local. Rappelons tout de même qu'il existe des services régionaux d'archéologie. Je reconnais qu'ils ne sont pas toujours suffisamment dotés en personnel et en moyens financiers suffisants ; je veillerai à ce qu'ils le soient, car je crois que ce texte doit être l'occasion, pour tout le monde, de prendre conscience de la nécessité d'un bon fonctionnement de nos services régionaux d'archéologie.

Quoi qu'il en soit, leur existence prouve que l'Etat est déjà déconcentré et qu'un partenariat est possible sur le plan local. Et s'il y a discussion, la commission de médiation peut être saisie.

S'agissant de la représentation des collectivités dans le conseil d'administration, j'avais prévu que cette question soit traitée par décret. Mais j'ai compris que cette idée suscitait quelque inquiétude, que, tout comme à saint T homas, il vous fallait des preuves et que, par conséquent, il valait mieux le prévoir dans la loi. Si cela peut rassurer les parlementaires, je suis entièrement disposée à reprendre la proposition du rapporteur, puisqu'elle rejoint tout à fait, sur le fond, mon intention.

Quelques mots enfin sur la question de la carte archéologique, soulevée par M. Le Garrec. L'établissement de cette carte fait également partie des préoccupations de la direction de l'architecture et du patrimoine. Le travail d'élaboration prendra un certain temps mais, en attendant de disposer d'un document complet, véritablement opposable aux tiers, il permettra, là où il sera déjà assez avancé, d'alerter utilement les aménageurs en les guidant dans le choix des terrains, tout comme les élus des collectivités territoriales au moment de l'établissement de leurs POS ou de leurs documents d'urbanisme.


page précédente page 01139page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Ce faisant, nous raisonnons en termes opérationnels, mais sans perdre pour autant de vue la dimension culturelle de cette cartographie archéologique ; elle pourra, si vous le voulez, être complétée par un inventaire du bâti, des monuments historiques, des sites et des espaces verts - ce qui répond à l'observation faite à propos du paysage et des territoires.

Par ailleurs, des moyens budgétaires supplémentaires seront affectés aux publications qui relèvent de l'obligation de l'établissement public, afin d'accroître l'effort de diffusion. Là encore, nous pourrons nous retrouver avec les collectivités territoriales lorsqu'elles réalisent, comme certaines, un musée archéologique ou qu'elles organisent, ce qui arrive souvent, des expositions et autres opérations destinées à valoriser et enrichir la connaissance de leur environnement et de leur patrimoine. Notre objectif est que les découvertes réalisées grâce aux familles ne soient pas seulement perçues comme des charges supplémentaires par nos concitoyens ; au demeurant, ceux-ci sont généralement très intéressés par les chantiers de fouilles dont ils espèrent toujours qu'ils donneront lieu à des découvertes. Ces dépenses doivent également être appréciées pour ce qu'elles peuvent apporter en termes de valorisation et de développement culturel dans une commune ou une région. Si parfois des fouilles peuvent constituer une charge insupportable, je suis convaincue qu'il est possible d'en tirer avantage en modifiant notre rapport au patrimoine et en regardant, avec les collectivités concernées, comment une dépense à première vue inutile peut être transformée dans le cadre d'un projet de développement local.

Certains orateurs, sur les bancs de l'opposition, ont posé de bonnes questions, mais les réponses qu'ils y ont apportées n'étaient pas à mon sens recevables. On a reproché à ce texte de loi d'être trop simple. Au regard des mois de travail, des trente rapports passés, de celui que j'ai moi-même demandé, il n'était pas évident, sur un sujet aussi compliqué, d'aboutir à une loi et un mode de financement aussi simples. C'est pourquoi je tiens à remercier mes collaborateurs de la direction de l'architecture et du patrimoine ainsi que mes collaborateurs directs de s'être, contre vents et marées, attelés à la tâche pour obtenir ce résultat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par trois constats liminaires, pour montrer qu'il existe entre nous des points d'accord.

Premier constat, l'archéologie préventive constitue un aspect essentiel de la recherche archéologique.

Deuxième constat - le président Le Garrec vient de le faire -, la situation de l'AFAN, association loi 1901, qui a fait du bon travail, ne peut plus durer.

Troisième constat, la législation applicable en France, qui date de la loi Carcopino de 1941, est obsolète.

Une réforme était donc nécessaire, et l'ensemble de la profession la réclamait depuis deux décennies. Mais, madame la ministre, un projet de réforme présenté en l'an 2000 doit répondre à la situation d'aujourd'hui, non à celle d'il y a vingt ans. Le volume des interventions de terrain a connu une évolution exponentielle. L'activité de sauvetage représente désormais 95 % des interventions.

Mais ce qui aurait dû être une dimension nouvelle et enrichissante est devenu une fin en soi.

Réintégrer l'archéologie préventive dans une démarche scientifique est un impératif catégorique, qui implique à l'évidence un suivi scientifique, mais aussi, on l'a trop longtemps et trop souvent oublié, des moyens de conservation et de valorisation de ce qu'on a appelé les « archives du sol ».

Qu'est-ce qui justifie le projet du ministère de la culture ? Le but est clairement affiché dans l'exposé des motifs : mettre en place un cadre légal du financement de l'archéologie de sauvetage et résoudre la question sociale posée par les personnels de l'AFAN. Il ne s'agit pas de nier l'importance de ces problèmes, mais devons-nous pour autant aller jusqu'à officialiser une situation et des pratiques contestables ? Selon M. Troadec, du service d'archéologie de la ville de Bourges, « l'objectif est seulement de résoudre les effets désastreux d'une absence, depuis vingt ans, de réelle politique sans, au fond, pallier celle-ci. Le texte du projet est fondé sur une notion particulièrement réductrice de l'archéologie. L'activité de fouilles de sauvetage devient le

« môle » de la proposition de réforme au détriment de la discipline tout entière. Une réforme consiste à transformer une situation bloquée. On ne peut parler de réforme quand une proposition consiste à confirmer, voire à aggraver, une situation d'impasse ».

Cette analyse s'explique par le fait que votre projet a, semble-t-il, quoi qu'en pense M. le rapporteur, péché par absence de concertation. Plusieurs centaines de scientifiques l'ont dénoncée dans une pétition qui vous a été adressée, madame la ministre, le 8 juin 1999 : « Ce que nous refusons dans le projet de loi, c'est d'abord une manière de procéder, une absence complète de concertation entre le ministère porteur de ce projet et la communauté scientifique ». Il semble effectivement que, depuis l'adoption en conseil des ministres, le 5 mai 1999, aucune communication officielle n'ait été faite en direction des professionnels de l'archéologie. Rien n'a été fait pour leur exposer la manière dont le projet de loi se traduira dans l'exercice quotidien de leurs activités. Il paraîtrait même que leur pétition du 8 juin, signée par 400 archéologues de tous statuts et dans laquelle ils demandaient de la part des ministères information et concertation, soit restée sans réponse ! Au niveau de l'Assemblée nationale, elle-même, malgré l'importance de ce projet au regard des sommes mise en oeuvre, de l'enjeu même sur le plan de la connaissance de notre histoire et du caractère transversal d'un domaine qui implique tout à la fois l'Etat, les collectivités locales, les aménageurs et les différentes équipes d'archéologues, qu'ils soient universitaires, chercheurs au CNRS, archéologues municipaux, territoriaux ou bénévoles, la commission n'a pas procédé aux auditions nécessaires : la seule qui ait été diligentée fut la vôtre, madame le ministre.

Aucune étude d'impact, en particulier financière, n'a été conduite. C'est un peu dommage. Une véritable concertation et une meilleure information m'eût paru souhaitable.

Voilà pour la forme.

S'agissant maintenant du fond, votre projet reste marqué par trop d'imprécisions et d'approximations. J'en donnerai deux exemples.


page précédente page 01140page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Le premier, déjà évoqué, tient aux conséquences qu'aura l'institution du monopole sur la situation des archéologues territoriaux. Votre projet de loi donne en effet au futur établissement public le monopole de l'intervention dans le domaine de l'archéologie préventive. L'exposé des motifs de votre loi est parfaitement clair : l'établissement sera « doté de droits exclusifs en matière de réalisation de sondages, de diagnostics et d'opérations de fouilles préventives ». Et l'article 2 de décliner ce principe de monopole : « Les sondages, diagnostics et opérations de fouille d'archéologie préventive sont confiés à cet établissement public. »

Cette disposition pose un problème juridique, que l'on a évoqué tout à l'heure. Le Conseil de la concurrence luimême, dans son avis rendu le 19 mai 1998, concluait que l'exécution des fouilles constituait une activité économique et qu'il convenait en conséquence de la soumettre aux règles du droit de la concurrence.

Un tel monopole n'existe, semble-t-il, dans aucun autre pays européen. Si l'exécution des fouilles s'y effectue généralement, comme c'est normal, sous le contrôle des autorités en charge de l'archéologie, conformément d'ailleurs à ce que prévoit la convention de Malte, ratifiée ici même, il n'existe nulle part un opérateur unique des fouilles. Selon les cas, on trouve des structures parapubliques, universités, musées, collectivités territoriales, des coopératives d'archéologues, en Italie - c'est une bonne formule -, des archéologues libéraux en Espagne, des associations ou des fondations, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. La notion même de recherche d'Etat est dépassée. Il faut affirmer le principe d'une recherche qui ne peut être que pluraliste, incluant par voie de conséquence tant les archéologues municipaux que les chercheurs des universités et du CNRS ou les associations de bénévoles, dans des conditions sur lesquelles je reviendrai.

Deuxième point, le monopole pose également le problème de la gestion décentralisée des fouilles. Un très intéressant colloque a eu lieu sur ce sujet au Sénat, le 9 juin 1999, dans le cadre de l'Association nationale des archéologues des collectivités territoriales. M. Lascoux, du service archéologique de Lyon - l'un de nos collègues a é voqué ce qui se passait dans cette communauté urbaine -, a décrit la méthode appliquée pour une ligne de métro et pour le fameux périphérique lyonnais, dossiers auquel le service d'archéologie a dès l'origine été associé : « L'aspect le plus exemplaire de ce projet est à notre avis la programmation qui fut d'une extrême complexité en raison des contraintes et des logiques i mposées par les nombreux intervenants. Ainsi, les détournements provisoires de réseaux et de voiries se sont déroulés en plusieurs phases, étalées dans le temps, imposant aux travaux de génie civil une autre logique d'intervention et donc un phasage devant être concilié avec les opérations archéologiques ». M. Lascoux précise : « Forte de cette expérience, la collectivité étudie une solution qui intégrerait le risque archéologique à l'ensemble de ses projets afin d'inscrire les budgets et les durées prévisionnelles d'évolution et de fouille, de sauvetage aux phases d'exécution des projets ».

Sur un autre registre, M. Revillion, du centre archéologique de Seclin, dans le département de la région Nord Pas de Calais, s'est exprimé ainsi : « Une véritable archéologie territoriale est née. Elle permet de prendre en c ompte l'étude de la dynamique des occupations humaines au sein d'un territoire donné. En considérant l'évolution de ce territoire, des questions aussi intéressantes que celles de la dynamique à l'origine du développement urbain à l'époque gallo-romaine ou du rapport domaine urbain-domaine périurbain durant le Haut Moyen-Age, peuvent être ainsi abordées dans une perspective environnementale et historique plus complète ».

Et de conclure : « Ces nouvelles démarches montrent comment la pérennité du travail des services archéologiques de collectivités territoriales facilitent la réalisation de véritables synthèses inaccessibles à des équipes perpétuellement mobiles aux quatre coins de l'Hexagone ».

D'autres exemples passionnants, tel celui du centre d'archéologie de la Seine-Saint-Denis, démontrent l'étroite implication de la démarche archéologique avec le dispositif éducatif. Ainsi, selon M. Olivier Meyer, directeur de ce centre archéologique, « seul un service archéologique de collectivité territoriale déterminé à jouer pleinement son rôle dans la société peut envisager de porter ce type d'expérimentation ».

Cette richesse que constitue l'apport des archéologues municipaux, des universitaires, des chercheurs au CNRS, ne la bridons pas. Alors que les agents des services archéologiques ont été intégrés dans les filières culture lles de la fonction publique par le décret du 2 septembre 1991, ne passons pas d'une décentralisation inachevée dans ce domaine à une décentralisation purement et simplement niée. Telle serait en effet la situation des tiers par rapport à l'établissement public administratif si l'on analyse votre texte, madame la ministre. Et même si des amendements sont venus améliorer votre projet initial, ils n'apportent pas pour autant la sécurité nécessaire.

Examinons par exemple les rapports entre le monopole et la possible intervention des archéologues municipaux.

Malgré des efforts méritoires du rapporteur, le rôle des archéologues territoriaux reste très fragile. Dans le texte initial, l'EPA « peut faire appel » par voie de convention à telle structure de personne morale compétente en matière d'archéologie. L'apport de la commission est réel, puisqu'il est désormais proposé que l'établissement public

« associe » par voie de convention.

Cela ressemble à un progrès, mais n'est-ce pas plutôt une pétition de principe ? Si l'établissement public refuse d'associer, ou s'il associe de façon marginale, un recours sera possible devant la commission administrative prévue par l'amendement no 17. Mais, en attendant que celle-ci statue, l'aménageur sera soumis à la contrainte du temps.

Pour ne pas retarder les travaux, il lui faudra se plier à la décision unilatérale de l'établissement public administratif. Il n'y a pas de négociation équilibrée entre celui que l'on peut associer de façon unilatérale et celui qui, précisément, demande cette association.

En réalité, l'établissement public administratif est érigé en seul juge de la participation des services archéologiques des collectivités territoriales, du CNRS, des universités.

Ce rôle prédominant de l'EPA est confirmé par les modalités de la désignation du responsable scientifique. Dans le texte initial du ministère, l'Etat est cantonné dans un simple rôle d'approbation de la désignation. Grâce aux efforts du rapporteur, c'est maintenant l'Etat qui désigne, sur proposition de l'établissement public. Selon la formule classique, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.

L'EPA, opérateur des fouilles financé par la redevance dont il est le destinataire, est en réalité le seul maître de la désignation du responsable scientifique. Bref, il est à la fois percepteur unique, décideur principal du choix des responsables scientifiques, réalisateur unique des sondages, opérateur unique des fouilles. Il nous faut encadrer ce rôle exorbitant, le limiter, mieux organiser son contrôle.


page précédente page 01141page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Autre aspect pervers du système, le dispositif des redevances s'avère éminemment contestable. Sa complexité est tout d'abord effroyable. L'article 4 initial prévoyait ainsi, pour les opérations de sondage, le fameux « franc par mètre carré » affecté d'un coefficient de complexité de 1 à 5 et, pour les fouilles, un taux par mètre carré de 100 à 8 000 francs en fonction du degré de complexité.

Le 9 février, lors de son audition par la commission, Mme la ministre a précisé que le dispositif prévu pourrait être amélioré, que le Gouvernement présenterait des propositions en ce sens. Il a, en effet, fallu attendre le 14 février 2000 - alors que le projet de loi a été déposé le 5 mai 1999 - pour que nous disposions d'un amendement qui rend la formule encore plus complexe, en bouleversant au passage l'architecture initiale. Ce sera une source de controverses infinies.

Ainsi, pour les fouilles, on se demandera où commence la stratification. J'ai reçu, à ce sujet, une lettre d'un archéologue qui considère que « les notions véhiculées par ce document - "sites archéologiques stratifiés", "ensemble de structures archéologiques non stratifiées", "hauteur moyenne de la couche archéologique affectée par la construction", "accumulation sédimentaire ou superposition de structures simples ou complexes comportant des éléments de patrimoine archéologique" - ne correspondent à aucune réalité archéologique ». Quid de la fameuse variable n et de l'évaluation qu'elle permet en fonction du nombre de structures archéologiques à l'hectare ? « Jamais des sondages et des diagnostics, même poussés, ne permettront dans de nombreux cas de définir le nombre de structures contenues dans un site d'une surface donnée. Qu'est-ce qu'une structure archéologique ? Sur une surface donnée, on peut avoir une structure archéologique - une motte fortifiée médiévale ou un foyer ouvert paléolithique - ou des centaines - les trous de poteaux témoignant de l'existence d'une construction en bois du haut Moyen Age, chacune posant des problèmes de fouille et donc de coût très différents. »

M. le rapporteur a distribué cet après-midi des tableaux énumérant plusieurs exemples de fouilles non stratifiées. Pour la nécropole gauloise de Chambly, la surface fouillée est de 7 000 mètres carrés, le nombre de sites, et donc de structures - la variante n - est de 69, la redevance pour fouilles, d'après le projet de loi, se monterait à 149 730 francs. A la ligne suivante il est question, sur la commune de Glisy, dans le département de la Somme, d'une ferme gauloise de 6 000 mètres carrés - soit 1 000 de moins que la surface précédente - pour laquelle le nombre de sites est de 945, et où l'opération génère un coût qui bondit à dix fois le chiffre de la ligne précédente : 1 757 700 francs.

La variante n a pour effet de fausser et de pervertir le calcul. Pour deux sites aux surfaces fouillées approchantes, on passe de 149 000 francs à 1 757 700 francs. La variante n qui est capitale dans le calcul du coût des fouilles n'est pas précisément et scientifiquement déterminée par le projet de loi.

On peut, à titre anecdotique, se poser la même question pour certains modes de construction. Par exemple, quel est le mode de calcul ? S'agit-il de fouilles stratifiées ? Quelle surface prend-on en compte ? Celle des pieux ? Là encore, ce texte nous laisse dans une obscurité totale.

Preuve de la complexité, du caractère hermétique de cet article, il s'accompagne - ce qui est assez rare - d'une sorte de notice explicative.

Enfin, pour ce qui est de la constante t à 620 francs, ou de celle à 240 francs, la source des chiffres reste tout aussi nébuleuse. Aucun lien n'est établi entre la prestation et la rémunération. Le système risque d'être incontrôlable et injuste. En effet, l'établissement public est chargé de réaliser les sondages qui sous-tendent le chiffrage du coût des fouilles. L'EPA serait ainsi le seul maître du calcul de la variable n

Pour les opérations de fouilles, le chiffre fourni par la formule peut certes prémunir l'aménageur contre des coûts supérieurs, mais la redevance devant correspondre au service rendu - c'est la règle en droit français -, des fouilles largement négatives sur la surface qui servirait d'assiette au calcul risquent d'être contestées.

De même, la situation inverse peut se produire lorsque le coût réel des fouilles sera très largement supérieur à la redevance légale, au détriment, cette fois, de l'établissement public. Le dispositif est donc porteur d'effets pervers, et contrairement à ce que M. le président Le Garrec disait, il ne responsabilise en aucune façon. Ce qui responsabilise l'opérateur, c'est le risque de concurrence, le risque de contestation de son chiffrage et la contestation de l'efficacité de sa prestation. Sans concurrence, il n'y a pas de responsabilité.

M. Bernard Outin.

Ce n'est pas prouvé !

M. Jacques Pélissard.

Enfin, ce dispositif est extrêmement coûteux. Dans une lettre qu'il a adressée à notre collègue Martin-Lalande, M. Despriée, ancien directeur des antiquités préhistoriques, indique que le taux pour les prospections préalables est aujourd'hui de 15 000 à 20 000 francs par hectare. S'il augmentait et passait à 25 000, ce ne serait pas dramatique. Mais le coût, pour des fouilles, apparaîtrait largement majoré si était appliquée la formule du II de l'article 4.

Ainsi, dans ma propre ville, j'ai réalisé un parking de 1 200 mètres carrés avec une profondeur de fouilles de 3 mètres. La fameuse constante de 620 multipliée par 3 donne 1860, somme qui, multipliée par 1 200, produit un coût total de fouilles de 2,232 millions. A l'époque, l'AFAN m'avait remis un devis de 900 000 francs. Pour les opérations de centre-ville en particulier, ce dispositif comporte, par rapport aux anciennes prestations de l'AFAN, un renchérissement en situation de terrain stratifié.

La concurrence ou les services archéologiques territoriaux - ma ville en est dotée - permettraient de mieux maîtriser les coûts face à cette loi partielle, archaïque en ce qu'elle instaure un monopole.

N ous pourrions, en commission, concevoir une approche novatrice, que je vais résumer en trois points.

Tout d'abord, et pour ne pas laisser certaines accusations se développer, il convient de réaffirmer le rôle de l'Etat. L'interlocuteur de tous les archéologues doit être l'Etat, au travers des services régionaux de l'archéologie, qui sont seuls garants de l'application des textes réglementaires, garants de l'agrément des structures intervenantes nous verrons tout à l'heure si cette formule a été retenue -, garants du choix des responsables d'opérations. Il appartient à l'Etat de choisir et pas simplement d'avaliser des propositions d'établissements publics. L'Etat est garant du contrôle des évaluations préalables. Il est responsable de la vérification de la qualité des fouilles et des rapports.

Les services régionaux de l'archéologie n'ont pas démérité malgré la situation difficile de leurs personnels et de leurs moyens. Il convient d'affirmer ou de réaffirmer ce


page précédente page 01142page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

rôle essentiel dans le cadre du service public de l'Etat et de ses services déconcentrés que sont les services régionaux de l'archéologie au travers des directions régionales des affaires culturelles.

Le deuxième point sur lequel pourrait se développer une réflexion novatrice en commission a trait au financement. Je ne suis pas d'accord avec les réponses que Mme la ministre a données à M. Vauchez et à l'un de mes collègues de l'opposition sur ce qu'on a appelé la mutualisation. Tous les citoyens de notre pays sont intéressés par la découverte et la protection du patrimoine archéologique, qui constitue une richesse nationale. Dans l'optique réaffirmée du « caractère de service public national de l'archéologie préventive » je cite la page 15 du rapport de M. Rogemont -, pourquoi pénaliser financièrement telle zone riche - en réalité riche de coûts archéologiques ? Un financement très allégé pourrait, à mon sens, porter sur l'ensemble des mètres carrés construits en France.

Ainsi, 190 000 permis de construire sont délivrés chaque année dans notre pays. Ils génèrent la construction de 56 millions de mètres carrés, avec un prix moyen du mètre carré de 8 500 francs. Le budget de l'AFAN est d'environ 400 à 500 millions de francs. Une contribution modeste, par exemple de 10 francs par mètre carré sur l'ensemble des surfaces construites en France, collectée par l'établissement public administratif chargé de la seule gestion de la redevance, permettrait de financer des missions qui ressortent de la responsabilité de l'Etat : la carte archéologique, les opérations exonérées et la diffusion qui nous le savons, mais il est bon de le répéter - est le parent pauvre de l'archéologie préventive. Cette diffusion implique bien sûr aussi la conservation, la mise en valeur du mobilier trouvé, en particulier sa mise en valeur muséographique.

Enfin, je tiens à affirmer la nécessité du pluralisme des acteurs.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

D'accord !

M. Jacques Pélissard.

Il faut l'AFAN nouvelle formule, opérateur et non plus collecteur de redevances ; il faut des archéologues municipaux, départementaux,...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Jacques Pélissard.

... il faut des chercheurs du CNRS, des universitaires,...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Jacques Pélissard.

... il faut éventuellement des archéologues regroupés en coopératives, en associations,...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Jacques Pélissard.

... il faut des acteurs agréés par l'Etat,...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Nous sommes d'accord !

M. Jacques Pélissard.

... ce qui permettrait de faire jouer la concurrence. Ce cas de figure, monsieur le rapporteur, est par exemple celui des géomètres qui exécutent des missions de service public ou d'intérêt général...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cela existe dans le projet de loi !

M. Jacques Pélissard.

... comme les opérations de remembrement ou d'aménagement foncier. Les géomètres-experts sont choisis sur une liste de géomètres agréés, établie par le ministère de l'agriculture et prévue à l'article L. 121-6 du code rural. Ces intervenants, pluralistes dans leur origine, dans leur statut, tous agréés par l'Etat pour une durée courte qui peut être d'un an, pourraient être choisis soit par l'Etat lui-même, pour les opérations dont il a la maîtrise d'ouvrage, soit par un aménageur public collectivité territoriale non pourvue d'un service spécifique - ou par un aménageur privé.

Tout cela se déroulerait sous le contrôle de l'Etat, sous réserve de son agrément et de l'établissement du cahier des charges par le service régional de l'archéologie.

Chaque structure choisie par l'aménageur fixerait contractuellement, à la suite d'un appel d'offres, le montant de sa prestation. Chaque maître d'ouvrage pourrait être aidé par l'Etat dans le cadre d'un soutien à ses activités de fouilles archéologiques, la dépense étant supportée par l'établissement public mais expertisée par le SRA. Ce dispositif n'est pas une invention, monsieur le rapporteur, il existe dans le droit français et fonctionne correctement dans le domaine de la protection de l'environnement.

C'est ainsi que l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, reçoit désormais, après l'avoir collecté, le produit de la taxe de la mise en décharge et finance hier à 50 %, aujourd'hui à 30 ou 40 % les opérations de construction et d'installation des usines de traitement des déchets ménagers. L'Agence de l'eau finance les opérations de traitement et d'assainissement des affluents liquides. Ni l'ADEME ni l'agence de bassin ne sont les opérateurs, qu'il est important de distinguer des collecteurs. Dans ce texte, par contre, la confusion des genres est très préjudiciable.

Au dispositif que je viens de décrire et qui s'intéresse au rôle de l'Etat, au financement et aux acteurs, pourraient être conjugués les éléments essentiels que sont le rôle central de l'Etat, l'absence de monopole des fouilles, la liaison prestations-rémunérations, la mutualisation du financement et le soutien de la collectivité nationale aux opérations de fouilles préventives.

Le texte que nous examinons représente un effort louable pour trouver des solutions à une situation perverse, qui s'est enkystée. Si son approche n'est pas celle que nous souhaitons, celle qui serait vraiment efficace, cohérente et globale, il comporte déjà de bons éléments.

Il faut le travailler et, pour ce faire, le renvoyer d'abord en commission. Une vision nouvelle, étayée par l'audition des acteurs de l'ensemble de la filière archéologique, permettra de dégager un texte novateur, porteur d'avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous répétez, monsieur le député, qu'il n'y a eu ni consultation ni concertation. Or, la préparation du rapport que j'avais demandé à trois personnalités s'est accompagnée d'une écoute importante de l'ensemble des acteurs. Après l'adoption du projet de loi par le conseil des ministres, s'est déroulée toute une série de rencontres avec les divers représentants. J'ai encore présenté ce texte devant le conseil consultatif des collectivités locales, que j'ai souhaité associer à ma démarche, dès le mois de novembre. Enfin, il a été examiné en commission, à l'Assemblée nationale.


page précédente page 01143page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Nous avons donc fait un parcours complet en matière de concertation. Cette précision me paraissait utile, afin que votre assemblée n'imagine pas que je n'avais pas pris l'avis des différents interlocuteurs qui sont nos partenaires de demain.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Pierre Cardo.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants est favorable à un renvoi en commission, d'abord parce que ce texte, dont on a souligné l'importance, mérite un consensus plus large, compte tenu du travail qui a été effectué par les services compétents, mais aussi par tous ceux qui ont essayé de remettre de l'ordre dans ce secteur aussi essentiel pour la recherche.

Il pose cependant plusieurs problèmes. J'en ai déjà évoqué quelques-uns. Il y a d'abord un problème de principe : à travers cet établissement public, l'Etat est à la fois juge et partie pour différentes décisions.

La question du financement, d'autre part, n'est pas très claire et, surtout, peut-être pas très juste. Je suis surpris qu'on n'ait pas songé à s'inspirer de ce qui se fait dans des domaines qui ne sont pas très éloignés de celui que nous évoquons aujourd'hui. Ainsi, dans le cas des risques naturels, l'Etat, par le biais de ses services, et notamment de l'IGC, l'inspection générale des carrières, est le seul prescripteur. Il construit la carte des risques en se fondant sur des opérations de sondage, de fouille et de reconnaissance qui, la plupart du temps, sont réalisées par des privés. En l'occurrence, le financement du fonds d'intervention s'appuie sur les permis de construire.

Des exemples existent, qui montrent que des solutions moins délicates à mettre en oeuvre que celles qui sont préconisées dans ce texte pouvaient être trouvées.

D'ailleurs, dans votre propre ministère, certains services fonctionnent autrement : pour les monuments historiques, ce ne sont pas les architectes des Bâtiments de France qui se chargent des travaux, ceux-ci sont confiés, après appel d'offres, à d'autres. En revanche, que les prescriptions, le cahier des charges, le contrôle de l'exécution, le rendu, soient maîtrisés par l'Etat, cela me paraît tout à fait normal.

On aurait pu s'inspirer de l'existant. En tout état de cause, je crois qu'un renvoi en commission permettrait de faire en sorte que le texte soit accepté beaucoup plus largement ce qu'il mérite, entre nous soit dit.

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Christian Kert.

J'ai été sensible aux propositions formulées par M. Pélissard qui me paraissent rejoindre les préoccupations que nous avons exprimées.

Son intervention montre bien le malaise provoqué par ce texte. Je ne doute pas, madame la ministre, que vos services et vous-même ayez fait un effort de concertation, mais il semble qu'un nombre important d'acteurs de l'archéologie n'ont pas été sensibles à cet effort de concertation.

En effet, des archéologues, des aménageurs, des maîtres d'ouvrage, des professionnels de l'acte de bâtir nous ont dit ne pas être d'accord avec ce texte.

Pourquoi un tel mécontentement ? Il me semble qu'en introduisant cette notion de monopole que vous contestez en partie -, on porte atteinte à l'idée de recherche pluraliste, à la liberté que devraient a voir toutes les structures, tous les organismes de recherche en archéologie préventive d'exister et d'agir en tant que tels.

On porte également atteinte à ce que l'on pourrait appeler la compétition du savoir, qui est quand même, localement, une notion importante sur le plan culturel comme sur le plan artistique.

Enfin, ce texte porte quelque peu atteinte à la notion de décentralisation. L'archéologie est-elle spécifique au point de devoir échapper à l'évolution générale de la société française dans beaucoup d'autres domaines, pour ne pas dire dans tous les domaines ? Tout à l'heure, vous avez, madame la ministre, fait un très beau plaidoyer pour ce texte. Nous mesurons le fossé qui existe entre nous et considérons, comme notre collègue Pélissard, qu'il conviendrait de renvoyer ce texte en commission.

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Bruno Bourg-Broc.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas ne pas avoir été, comme nous-mêmes, impressionnée, au fond de vous, par la rigueur de la démonstration faite par M. Pélissard. Il a souligné notamment le caractère nébuleux de ce texte, fût-il amendé. Mais

M. Pélissard a également reconnu que, grâce à ce texte, l'opposition avait pu poser de bonnes questions, vous l'avez vous-même admis, même si vous estimez que nous n'apportons pas de bonnes réponses.

Vous considérez que la concertation a eu lieu. Mais M. Pélissard a rappelé la pétition du 8 juin 1999, signée par 400 professionnels de l'archéologie.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L'eau a coulé sous les ponts depuis.

M. Bruno Bourg-Broc.

Le principal grief, c'était l'absence de concertation. Ce n'est pas M. Pélissard qui le dit, ce sont des professionnels de l'archéologie qui le regrettent.

Ce que nous vous demandons est, somme toute, banal.

Les dispositions qui régissaient l'archéologie préventive depuis 1941 étaient obsolètes. Nous avons attendu près de soixante ans pour les réformer. Nous ne souhaitons pas renvoyer ce texte aux calendes grecques, nous aimerions simplement profiter de quelques semaines supplémentaires pour l'approfondir en commission. Le groupe du Rassemblement pour la République votera donc la moitié de renvoi en commission défendue par M. Pélissard.

M. le président.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.

M. Serge Blisko.

M. Pélissard a fait une très bonne intervention, je tiens à le dire. Il a montré, pour reprendre l'expression de M. Kert, que le fossé était en train d'être comblé - il a d'ailleurs, à plusieurs reprises, félicité le rapporteur d'avoir bien amélioré le texte.

M. Bruno Bourg-Broc.

C'est vrai !

M. Serge Blisko.

La concertation a été menée. Depuis le mois de mai, nous avons eu le temps de lever des incompréhensions.

Les archéologues des collectivités territoriales s'étaient émus, mais Mme la ministre a bien précisé, tant lors de son audition par la commission qu'aujourd'hui, qu'il n'était pas question d'oublier, de négliger ou de mettre de côté les archéologues des collectivités territoriales.


page précédente page 01144page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Pélissard a cité des lettres et évoqué un colloque sur le sujet. On a cité l'exemple du périphérique de Lyon, des travaux de fouilles à Saint-Denis ou à Seclin.

Mais toutes les collectivités territoriales ne peuvent malheureusement pas « se payer » de tels services d'archéologie, nous le savons. L'Etat doit jouer son rôle et les services régionaux également. On ne peut pas supposer que toutes les villes puissent, demain, monter des services archéologiques, mais, chaque fois qu'il y en a un, nous nous en félicitons, parce que cela permet de faire du bon travail scientifique dans la durée et de valoriser encore, notamment chez les élus, les découvertes archéologiques.

La place éminente aux côtés des archéologues, de ceux qui travaillent aujourd'hui pour l'AFAN et travailleront d emain pour l'établissement public, est entièrement reconnue.

Quant au monopole, il ne s'agit pas d'un monopole d'opération, il ne s'agit pas d'un opérateur unique. Il peut conventionner, y compris avec des collectivités territoriales qui n'ont pas de services archéologiques, quand elles mettent du matériel à disposition. C'est dire la souplesse qui a été introduite dans ce texte.

Pour terminer, je reprendrai un mot employé par M. Pélissard à propos de la formule proposée par le Gouvernement à l'article 4. Il l'a qualifiée d'« effroyable ».

Mais ce n'est pas plus compliqué qu'un loyer. Il s'agit de multiplier une surface par un prix. La loi dit exactement qu'un diagnostic coûte 2,58 francs du mètre carré, soit, en arrondissant, 26 000 francs à l'hectare. Il n'y a là rien d'effroyable. Une telle clarté est suffisamment rare pour être relevée.

Ce travail de renvoi en commission, nous l'avons eu depuis le moment où nous avons pris connaissance du texte, en février. Nous avions alors trouvé le système en effet effroyable et estimé qu'il devait être simplifié : cela a été fait par le Gouvernement. Le travail a été donc accompli avant que vous ne nous le demandiez. Il faut donc poursuivre la discussion.

M. Jacques Pélissard.

Le n est toujours incompréhensible !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin, pour le groupe communiste.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, cette demande de renvoi en commission pourrait être motivée par la volonté de faire d'autres propositions totalement bouclées. Or nous n'avons entendu aucune contreproposition à l'occasion des travaux de commission.

M. Serge Blisko.

C'est vrai !

M. Bernard Outin.

C'était pourtant le moment.

De la même manière, notre collègue Goulard faisait, tout à l'heure, référence au premier texte. Je lui répondrai qu'il faut être venu en première et en deuxième semaine pour avoir le droit de venir en troisième. Nous avons travaillé en commission. Il est temps maintenant de passer au débat dans l'hémicycle. C'est la raison pour laquelle je ne souhaite pas que ce projet de loi soit renvoyé en commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er L'archéologie préventive a pour objet d'assurer, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde, par l'étude scientifique, des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés d'aménagement. Elle a également pour objet la diffusion des résultats obtenus.

« L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il dresse la carte archéologique nationale. Il prescrit les mesures visant à la conservation ou à la sauvegarde scienfique du patrimoine archéologique, approuve la désignation du responsable scientifique de toute opération de fouilles d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations. »

La parole est à M. Jean Briane, inscrit sur l'article.

M. Jean Briane.

Madame le ministre, si nous pouvons être d'accord sur les objectifs à atteindre, nous divergeons sur les moyens d'y parvenir.

L'article 1er rappelle les prérogatives de l'Etat en matière d'archéologie préventive. Je n'y reviens pas. Ce qui me gêne, c'est de lire, pages 13 et 14 du rapport de M. Rogemont, que la genèse du projet de loi repose sur deux séries de contraintes.

En effet, si je suis d'accord sur la première série de contraintes, la nécessité de se conformer aux engagements internationaux de la France, et notamment à la conclusion de la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, ou convention de Malte, je suis moins convaincu par la seconde série de contraintes.

Celles-ci sont d'ordre interne, puisqu'elles concernent l'AFAN. Eu égard à la nature juridique de cette association et à la compatibilité de ses interventions avec le droit national et communautaire de la concurrence, le quasimonopole de fait exercé par l'AFAN est très contestable et contesté, à commencer par la Cour des comptes. Mais, en l'occurrence, l'objectif du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est la réforme de l'archéologie préventive, et non la continuité ou le sauvetage de l'AFAN. Ne nous trompons pas de finalité.

Si le problème de l'AFAN doit être pris en compte, et j'en conviens, il ne doit pas compromettre la cohérence du dispositif et sa transparence. L'AFAN, dont la compétence, notamment de ses experts, n'est pas remise en cause, ne peut pas être à la fois juge et partie.

Si le cas de l'AFAN trouve une solution dans ce projet de loi, je crains que ce ne soit pas le cas pour les aménageurs, collectivités territoriales, constructeurs publics et privés ou tout autre professionnel de l'archéologie préventive, quel que soit son statut - les contestations que nous enregistrons en témoignent.

M. le président.

M. Hellier et M. Cardo ont présenté un amendement, no 95, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Je me suis expliqué assez longuement sur ce que je reprochais aux principes de cette loi.

L'article 1er précise les obligations qui relèvent de l'Etat


page précédente page 01145page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

- la conciliation des exigences, etc. - mais un alinéa qui va devenir article additionnel après l'article 1er prévoit que l'Etat désigne, sur proposition de l'établissement public, le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive. Cela me gêne. L'établissement public va dépendre de deux ministères avec une autorité conjointe.

Les opérations en cause sont en général relativement urgentes. Or, entre la signature du ministère de la culture, l'approbation du ministère de la recherche, sans compter la navette, plus les opérations de sauvetage, beaucoup de temps va s'écouler.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais non, on travaille ensemble.

M. Pierre Cardo.

Je ne suis pas certain que ce soit la solution la plus simple.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Marcel Rogemont rapporteur.

Cet amendement n'a pas été discuté par la commission. A titre personnel, je me prononce pour son rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

95. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Outin et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "L'archéologie préventive", insérer les mots : "qui relève de missions de service public,". »

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Nous voulons insister sur l'idée selon laquelle l'archéologie préventive relève de missions de service public, et ce pour plusieurs raisons. D'une part, du fait des obligations que nous confions à l'établissement public, notamment celles d'assurer les sondages ou d'encaisser la redevance. Cette redevance n'est pas en lien direct avec la prestation fournie, il ne s'agit pas de la vente d'un service, mais bien d'un service au service de la collectivité dans son ensemble. D'autre part, au nom de l'exigence de qualité scientifique et d'indépendance par rapport aux préoccupations économiques de l'aménageur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, no s 44, 68 et 52, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 44, présenté par M. Fousseret, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "préventive", insérer les mots : "est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les mêmes principes de déontologie scientifique applicables à toute recherche. Elle". »

L'amendement no 68, présenté par MM. Pélissard, Bourg-Broc, Doligé et Schreiner, est ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "L'archéologie préventive", insérer les mots : "est partie intégrante de l'archéologie, elle est régie par les mêmes principes de déontologie scientifique applicables à toute recherche, elle". »

L'amendement no 52, présenté par M. Kert et M. Briane, est ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "l'archéologie préventive", insérer les mots : "est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie de ce fait par les mêmes principes de déontologie scientifique applicables à toute recherche et". »

La parole est à M. Jean-Louis Fousseret, pour soutenir l'amendement no

44.

M. Jean-Louis Fousseret.

Il s'agit d'un amendement de précision mais qui a son importance.

L'article 1er donne une définition globale de l'archéologie préventive. Il convient de ne pas dissocier l'archéologie préventive de l'archéologie en général. Nous le rappelons de façon très claire.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l'amendement no

68.

M. Jacques Pélissard.

Il nous paraît important d'affirmer que l'archéologie préventive est partie intégrante de l'archéologie et n'en constitue qu'un des aspects.

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l'amendement no

52. M. Christian Kert. Même volonté d'assurer le caractère scientifique de l'archéologie préventive.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

La commission a rejeté ces amendements, estimant qu'ils étaient plutôt déclaratifs et n'apportaient pas d'éléments nouveaux importants.

Cependant, je pense que l'Assemblée peut délibérer très librement...

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Devant une telle convergence de points de vue sur différents bancs, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 68 et 52, satisfaits, n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements, nos 51 et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 51, présenté par MM. Kert, Briane et Deprez, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , substituer au mot : "appropriés" les mots : "fixés par la présente loi". »

L'amendement no 23, présenté par M. Bourg-Broc, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , substituer au mot : "appropriés" les mots : "fixés à l'article 6". »


page précédente page 01146page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l'amendement no

51.

M. Christian Kert.

La notion de « délais appropriés », nous paraît trop imprécise. Dès lors que l'administration intervient, son action doit être encadrée par des délais

« fixés » par la loi. Nous souhaiterions intégrer cette dimension dès l'article 1er pour que la loi précise ultérieurement ces délais.

M. le président.

La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour soutenir l'amendement no

23.

M. Bruno Bourg-Broc.

Cet amendement ne se comprend qu'en référence à celui que j'ai déposé après l'article 5. Il impose un délai de réponse à l'administration qui reçoit une déclaration de travaux de décapage ou de découverte de vestiges archéologiques. Elle doit, dans les deux mois, faire connaître à l'aménageur sa décision de surveiller les travaux et de réaliser des fouilles.

Il est très important de fixer un délai précis, la notion de « délais appropriés » n'ayant aucune réalité juridique.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Défavorable pour la bonne et simple raison que des fouilles organisées dans deux communes comme Salon-de-Provence ou Châlonsen-Champagne, pour prendre ces seuls exemples...

M. Christian Kert.

Très bons exemples !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

... ne requièrent pas les mêmes délais. Je ne vois pas comment on pourrait fixer des délais dans la loi alors que c'est l'examen de chaque cas particulier qui est déterminant.

Par ailleurs, monsieur Bourg-Broc, un permis de construire est réputé acquis si, dans les deux mois, l'administration n'a pas donné de réponse. Et les services régionaux d'archéologie ont un mois pour se prononcer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

51. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , substituer aux mots : "d'aménagement", les mots : "concourant à l'aménagement". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement se justifie par son texte même.

Le concept d'aménagement nous semble trop restrictif.

Une formule ayant une portée plus large est préférable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 94 de M. Hellier n'est pas défendu.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 1er »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il est préférable de traiter séparément du rôle de l'Etat et de la carte archéologique qui est un élément indispensable à la prévisibilité du risque archéologique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 69 de M. Pélissard et 84 de Mme Boutin tombent.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, MM. Outin, Blisko et Fousseret ont présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la conservation ou à la sauvegarde scientifique du patrimoine archéologique, désigne, sur proposition de l'établissement public créé à l'article 2, le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement précise le rôle de l'Etat en matière de recherche archéologique. Après les débats qui ont eu lieu à ce sujet, il convient de bien dire que c'est l'Etat qui désigne le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Sur cet amendement, je suis saisi de plusieurs sous-amendements nos 53, 70, 66 et 54.

Le sous-amendement no 53, présenté par M. Kert et M. Briane, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début de la dernière phrase de l'amendement no 3 : « Lorsque des indices concordants établissent la présence de vestiges archéologiques, il prescrit... (le reste sans changement) ».

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Ce sous-amendement précise dans quels cas l'Etat peut prescrire des mesures de conservation ou de sauvegarde scientifique du patrimoine archéologique.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


page précédente page 01147page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Pour déterminer l'existence d'indices concordants, il faut déjà procéder à la première partie de l'opération d'archéologie préventive, c'est-à-dire aux sondages et au diagnostic. Chacun comprendra l'avis défavorable de la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

53. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 70, présenté par MM. Pélissard, Bourg-Broc, Doligé et Schreiner, est ainsi libellé :

« Après les mots : "patrimoine archéologique", rédiger ainsi la fin de la dernière phrase de l'amendement no 3 : "établit la liste des responsables scientifiques agréés susceptibles de conduire des opérations de fouille d'archéologie préventive". »

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Les aménageurs doivent avoir le choix du responsable scientifique, qui peut être un agent des collectivités territoriales, de l'établissement public créé par le texte ou des services du ministère de la culture.

Afin de sortir de la situation de monopole, le sousamendement propose que soit établie une liste des responsables scientifiques agréés par l'Etat.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Les choses sont claires : c'est l'Etat qui désigne le responsable scientifique en fonction des informations qui sont portées à sa connaissance. Ce responsable peut être chercheur au CNRS, universitaire ou agent d'une collectivité territoriale. Bref, toutes les possibilités que vous évoquez sont déjà comprises dans le texte, qui ne nécessite aucune précision complémentaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

70. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 66, présenté par MM. Pélissard, Bourg-Broc, Doligé et Schreiner, est ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase de l'amendement no 3, supprimer les mots : ", sur proposition de l'établissement public créé à l'article 2,". »

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Nous sommes tous d'accord pour considérer que c'est l'Etat qui a la maîtrise de la désignation et qu'il l'assume seul. Il nous semble donc superfétatoire de prévoir que l'établissement public en fait la proposition, car cela entraverait le pouvoir d'initiative de l'Etat.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même position.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

66. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le sous-amendement no 54, présenté par M. Kert et M. Briane, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 3 par l'alinéa suivant :

« L'Etat peut déléguer aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques tout ou partie des missions de l'archéologie préventive, telles que définies à l'article 1er . Cette délégation sera organisée par voie de convention, à l'initiative de la collectivité ou de l'Etat selon les modalités définies par décret. »

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Nous considérons que l'archéologie préventive n'a pas à être cantonnée au seul cadre de la fonction publique d'Etat mais qu'elle doit être étendue à la fonction publique territoriale. Dans la logique que nous suivons depuis le début de la soirée, ce sousamendement - qui ne doit pas enthousiasmer M. le rapporteur - a pour objet de déterminer la façon dont l'Etat peut déléguer aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques tout ou partie de la mission d'archéologie préventive.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

54. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Rogemont, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'Etat dresse et met périodiquement à jour, avec le concours des établissements publics et des organismes de recherche ayant des activités de recherche archéologique et avec le concours des collectivités territoriales, une carte archéologique nationale et des cartes archéologiques locales.

« Des extraits de ces documents sont communiqués aux autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Cet amendement tend à regrouper toutes les informations disponibles dans un document dénommé carte archéologique, à la réalisation duquel sont appelés à participer tous les partenaires de l'archéologie. Mais l'important est surtout la communicabilité de cette carte.

Nous souhaitons qu'elle soit disponible non seulement auprès des services régionaux d'archéologie dont c'est la mission, mais aussi auprès des maires, qui signent les permis de construire ou donnent les autorisations de travaux.

La mairie est, en effet, le lieu où l'on se procure habituellement des informations sur le destin des terrains que l'on possède ou sur lesquels on veut faire quelque chose.


page précédente page 01148page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

J'ai bien conscience qu'il ne s'agit pas là de documents opposables aux tiers comme le serait un plan d'occupation des sols. Et ce sera le cas tant que la carte archéologique n'aura pas été établie pour l'ensemble du territ oire. Il ne peut donc s'agir, pour l'instant, que d'informations supplémentaires délivrées en mairie.

C'est dans cet esprit qu'il faut lire cet amendement : la communicabilité de toute information concourant à la carte archéologique doit être renforcée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cet amendement pose problème dans chacun de ses alinéas.

Je comprends parfaitement le souci de M. Rogemont de mettre à disposition ces données pour les personnes qui peuvent en avoir besoin dans le cadre de recherches scientifiques, de décisions d'urbanisme ou autre.

Mais la rédaction du premier alinéa suppose qu'il y ait une carte archéologique nationale et des cartes archéologiques locales. Or il n'y a qu'une carte archéologique nationale, établie avec la coopération des collectivités territoriales.

Autre problème : l'ambiguïté du deuxième alinéa, qui laisse penser que les documents seraient déterminants pour délivrer une autorisation de travaux.

La carte, avant d'être opposable aux tiers, doit être définitivement établie ce qui prendra du temps. Le rapporteur l'a bien compris, là n'est d'ailleurs pas son souci.

Pour rendre service à tous ceux qui peuvent en avoir besoin, il veut permettre l'accès aux informations.

Mais la rédaction qu'il propose, trop ambiguë, peut être source de grandes difficultés. C'est pourquoi je lui demanderai de retirer son amendement. Les inconvénients l'emportent même si je partage l'intention qui l'anime. Nous pourrons affiner ce texte en deuxième lecture et lever ses ambiguïtés.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Il est difficile de rejeter cet amendement puisque nous venons d'adopter un amendement qui supprimait la mention de la carte archéologique de l'article 1er . Chacun a bien conscience que la carte archéologique est un élément essentiel : le premier alinéa de l'amendement est indispensable.

Je suis d'accord avec vous, madame la ministre, la carte archéologique est nationale, il ne peut pas y avoir de cartes archéologiques locales. Je propose donc que l'amendement soit rectifié en ce sens de façon que l'unicité de l'information archéologique soit bien claire pour tout le monde.

Dans le deuxième alinéa - je me permets d'insister sur ce point, madame la ministre - il ne s'agit pas de donner aux autorités compétentes, en l'occurrence les maires, un pouvoir d'appréciation sur les informations dont elles disposent pour délivrer des autorisations. Il s'agit simplement de faire en sorte que les services régionaux d'archéologie communiquent les informations et les laissent à la disposition des citoyens dans les mairies.

Je maintiens donc cet amendement en le rectifiant.

M. le président.

L'amendement no 4 devient donc l'amendement no 4 rectifié. A la fin du premier alinéa, les mots « et des cartes archéologiques locales » sont supprimés. Au début du deuxième alinéa, les mots : « Des extraits de ces documents » sont remplacés par les mots :

« Des extraits de ce document ».

Madame la ministre, compte tenu de cette rectification, l'avis du Gouvernement est-il toujours le même ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je suis favorable à la nouvelle rédaction du premier alinéa. Mais je proposerais de sous-amender le deuxième alinéa pour qu'il soit moins ambigu. Il faudrait remplacer les mots « Des extraits de ces documents sont communiqués aux autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux » par les mots

« Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux ont communication d'extraits de ces documents ». Cela me paraît pouvoir nous satisfaire tous les deux.

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

C'est une très bonne proposition !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Je voudrais que l'on approfondisse un peu la question du document dont il est fait état. Admettons que ce soit une carte archéologique nationale et que l'on ne veuille pas de cartes archéologiques locales. Mais ce document sera-t-il opposable aux tiers ou non ? Il faudrait se mettre d'accord ! En matière de risques naturels, par exemple, les PPR sont parfaitement opposables aux tiers. Ils imposent des contraintes pour les permis de construire qui peuvent ne pas être délivrés. En outre, l'Inspection générale des carrières définit des zones de risques dans lesquelles on est tenu d'effectuer des sondages si l'on veut construire. On est presque dans le même cas de figure.

Si le document est bien communiqué aux maires, le délai de réponse sera respecté car ils n'auront plus à courir après les informations. Mais la carte archéologique sera-t-elle opposable aux tiers ou non ? Selon moi, elle doit l'être dans la mesure où il risque d'y avoir des prescriptions. Ce document a bien une valeur juridique puisque l'Etat s'arroge la possibilité d'intervenir avant que les permis de construire ne soient accordés. D'ailleurs, s'il ne valait rien, sur quoi reposerait l'archéologie préventive ?

M. le président.

Sur l'amendement no 4 rectifié, je suis saisi de deux sous-amendements, no s 71 et 100, pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 71, présenté par MM. Pélissard, Bourg-Broc, Doligé et Schreiner, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'amendement no 4 rectifié :

« Il communique à toute personne publique ou privée qui lui en fait la demande toute information ou document existant sur les éléments du patrimoine archéologique susceptibles de se trouver dans un site géographique ; le défaut de réponse dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande vaut présomption d'absence de contrainte archéologique sur le site. »

Le sous-amendement no 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'amendement no 4 rectifié :

« Les autorités compétences pour délivrer les autorisations de travaux ont communication d'extraits de ce document dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir le sous-amendement no

71.

M. Jacques Pélissard.

Nous sommes tous d'accord sur la rectification tendant à ne mentionner dans le premier alinéa de l'amendement que la carte archéologique natio-


page précédente page 01149page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

nale. Ce qui pose problème, c'est le second alinéa que ce sous-amendement vise à rédiger différemment pour les raisons suivantes.

D'abord, cela permet de supprimer la notion d'« extraits », qui est extrêmement floue. Qu'est-ce qu'un extrait ? Le mot est ambigu.

Ensuite, cela permet de préciser que c'est l'Etat qui communique l'information, et non la mairie. De petites mairies ont en effet délégué l'instruction des permis de construire à la DDE et, dans le cadre de ce rôle central que nous évoquions tout à l'heure, c'est à l'Etat d'assurer une communication la plus large possible.

Quant au délai de deux mois, il doit permettre aux services de répondre. Si tel n'est pas le cas, cela vaudra présomption d'absence de contrainte archéologique sur le site, qui pourra d'ailleurs toujours être battue en brêche par une démonstration ultérieure.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 100.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ai simplement souhaité me rapprocher le plus possible de la formulation du second alinéa de l'amendement du rapporteur par respect pour le travail réalisé par la commission, mais en levant l'ambiguïté que j'ai soulignée.

Ce sous-amendement répond de façon simple et opérationnelle au souci exprimé par M. Pélissard.

Il s'agit de préciser que les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux auront communication d'extraits de ce document dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. C'est un droit qui sera ouvert aux autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux.

Pour répondre à la question de M. Cardo, il s'agit de communiquer des documents utilisables pour en tenir compte dans l'élaboration de documents d'urbanisme ou pour la connaissance du sol. Pour autant, en l'état, tant qu'elle ne sera pas complète et validée, la carte archéologique ne pourra pas être considérée comme opposable aux tiers. Voilà pourquoi la formulation est bonne : il s'agit d'« extraits » de ce document qui est en cours d'élaboration.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements nos 71 et 100 ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Quand on habite Lons-le-Saunier, on n'a pas besoin de connaître le risque archéologique à Salon-de-Provence. Voilà pourquoi il est question d'« extraits » de la carte nationale.

Par ailleurs, la carte archéologique déterminera un risque potentiel qu'existent des vestiges archéologiques, mais ce ne sera pas une certitude. Elle ne sera donc jamais opposable aux tiers. Elle a vocation à renseigner les personnes qui vont modifier un terrain sur le risque archéologique. Mais seul le sondage diagnostic, qui permettra de mesurer exactement le risque, sera opposable, car il y aura alors une prescription particulière.

M. le président.

Si j'ai bien compris, monsieur le rapp orteur, vous êtes défavorable au sous-amendement no 71 !

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Tout à fait, monsieur le président !

M. le président.

Et le sous-amendement no 100 du Gouvernement...

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Très bonne rédaction !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

71. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 100.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, le sous-amendement no 87 de M. Kert tombe.

Je mets aux voix l'amendement no 4 rectifié, modifié par le sous-amendement no 100.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 39 corrigé et 45.

L'amendement no 39 corrigé est présenté par M. Outin et les membres du groupe communiste ; l'amendement no 45 est présenté par M. Aschieri, Mme Aubert, MM. Cochet, Hascoët, Mamère et Marchand.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article premier, insérer l'article suivant :

« I. - Après le mot : "fouilles", la fin de la première phrase de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques est remplacée par les mots : "revient, à l'exception des objets visés par l'article 716 du code civil, à l'Etat. Après études, ces objets sont prioritairement déposés dans le musée classé contrôlé le plus proche du lieu de la découverte".

« II. - Dans la dernière phrase du même article, après les mots : "objets trouvés", sont insérés les mots : "qui relèvent des dispositions de l'article 716 du code civil". »

La parole est à M. Bernard Outin, pour soutenir l'amendement no 39 corrigé.

M. Bernard Outin.

Autrefois, les fouilles archéologiques étaient l'occasion pour certains chercheurs de découvrir des trésors plutôt que des traces du passé. Il existe d'ailleurs une législation partageant la propriété des « trésors » entre l'Etat et le propriétaire du terrain. Aujourd'hui, il est clair que l'on ne peut plus assimiler à des trésors l'ensemble des objets trouvés au cours des fouilles archéologiques. Nous proposons donc d'effectuer un tri parmi ce qui est découvert pour que les objets témoignant d'une civilisation, dépourvus de valeur marchande mais présentant un intérêt culturel soient l'entière propriété de l'Eta t et puissent ainsi être exposés dans les musées les plus proches.

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri, pour soutenir l'amendement no

45.

M. André Aschieri.

M. Outin s'est clairement expliqué.

Il faut donner à ces objets trouvés au cours de fouilles une valeur, un nom et une destination. S'ils relèvent de l'article 717 du code civil, ils sont considérés comme objets perdus. S'ils relèvent de l'article 716, ils deviennent des trésors et sont alors à partager entre celui qui les a découverts et le propriétaire du terrain. Ces amendements visent à préciser qu'ils seront propriété de l'Etat et exposés dans le musée classé le plus proche du lieu de leur découverte.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marcel Rogemont, rapporteur.

Ce projet de loi vise à déterminer le fonctionnement de l'archéologie préventive. Or les objets trouvés concernent aussi l'archéologie


page précédente page 01150page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

programmée. Il s'agit donc d'un problème général qui ne ressortit pas à l'archéologie préventive. C'est pourquoi, malgré l'intérêt de la question, la commission n'a pas souhaité adopter ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. En effet, la disposition proposée à l'alinéa I conduirait à une expropriation sans indemnités des propriétaires au profit de l'Etat. Elle apparaît contraire aux dispositifs constitutionnels et ne peut, de fait, être acceptée en l'état. En outre, l'amendement risquerait de faire naître de nombreux contentieux, car les désaccords sur les objets relevant ou non de l'article 716 du code civil risquent d'être fréquents, cet article ne définissant les trésors que de manière très générale.

Quant au second alinéa de ces amendements, c'est la conséquence logique du premier et j'y suis aussi défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 39 corrigé et 45.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 16 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi relatif à la chasse.

Ce projet de loi, no 2182, est renvoyé à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 2000, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes).

Ce projet de loi, no 2183, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 11 février 2000, de M. Joël Sarlot et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi constitutionnelle portant titre II à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2181, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 16 janvier 2000, de M. Alfred Marie-Jeanne, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d'outre-mer.

Cette proposition de résolution, no 2184, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 22 février 2000, de M. Paul Quilès, un rapport d'information, no 2185, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées, à la suite d'une étude d'opinion demandée à la SOFRES sur « Les Français, la Défense nationale et le rôle du Parlement ».

6 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 22 février 2000, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, relatif au référé devant les juridictions administratives.

Ce projet de loi, no 2186, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

7

COMMUNICATION RELATIVE AUX ASSEMBLÉES TERRITORIALES

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre, en date du 18 février 2000, relative à la consultation des assemblées territoriales de la NouvelleCalédonie, de la Polynésie française et de Wallis et Futuna sur le projet de loi autorisant la ratification du p rotocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes) (no 2183).


page précédente page 01151page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

Cette communication a été transmise à la commission des affaires étrangères.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 2117, portant abrogation de l'article 78 de la loi no 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle : M. Jean Rouger, rapporteur, au nom de la commission d es affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2166).

(Procédure d'examen simplifiée. - Art. 106 du règlement) ; Suite de la discussion du projet de loi, no 1575, relatif à l'archéologie préventive : M. Marcel Rogemont, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2167) ; Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 2116, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane : M. Jean Rouger, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2165).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 735, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce : M. Alain Vidalies, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2114) ; Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2109).

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 23 février 2000 à une heure quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES Communication du Conseil constitutionnel, en application de l'article L.O. 181 du code électoral

CIRCONSCRIPTION NOM DU DÉPUTÉ dont l'élection est contestée

NOM du requérant Landes (3e)

M. Henri Emmanuelli M. Robert Lucas

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 15 février 2000 No E 1402. - Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative au programme de travail de la Commission pour l'année 2000 (COM [2000] 155 final).

Communications du 16 février 2000 No E 1403. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (COM [2000] 30 final).

No E 1404. - Proposition de décision du Conseil portant création d'un Fonds européen pour les réfugiés (COM [1999] 686 final).

Communication du 17 février 2000 No E 1405. - Livre blanc sur la sécurité alimentaire (COM [1999] 719 final).

Communications du 18 février 2000 No E 1406. - Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : la création du ciel unique européen (COM [1999] 614 final).

No E 1407. - Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions : les transports aériens et l'environnement (COM [1999] 640 final).

No E 1408. - Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions : objectifs stratégiques de la Commission pour la période 2000-2005 (COM [2000] 154 final).

No E 1409. - Proposition de décision du Conseil autorisant la Commission à conclure, pour la Communauté européenne, un accord sous forme d'échange de lettres avec, respectivement, le Gouvernement de la Confédération helvétique, le Gouvernement de la République tchèque et le Gouvernement de chacun des pays non communaut aires, parties contractantes à la convention du 20 mai 1987 relative à un régime de transit commun, définissant les procédures d'extension du réseau commun d e communication/interface commune des systèmes (CCN/CSI) pour chacun d'entre eux (COM [2000] 29 final).

No E 1410. - Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CEE) no 737/90 relatif aux conditions d'importation de produits agricoles originaires des pays tiers à la suite de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl (COM [2000] 35 final).

Communication du 21 février 2000 No E 1411. Proposition de décision du Conseil prorogeant la décision 981/482/CEE relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne.

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communication du 15 février 2000 No E 1144. Proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil concernant les médicaments orphelins (COM[98] 450 final) (adopté le 16 décembre 1999).


page précédente page 01152

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 22 FÉVRIER 2000

No E 1267 : annexe 2. Projet de budget rectificatif et supplémentaire no 3 pour l'exercice 1999 - section IV Cour de justice - section VI Comité des régions : établi par le Conseil le 16 juillet 1999) (SEC[99]) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par le président du Parlement européen le 16 septembre 1999).

No E 1267 : annexe 3. Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire no 4/99. Section III. - Commission (SEC[99]) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par le président du Parlement européen le 16 septembre 1999).

No E 1317. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous force d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le g ouvernement de la République démocratique de Sao Tomé e Principe, pour la période du 1er juin 1999 au 31 mai 2002 (COM[99] 462 final) (adopté au conseil agriculture le 24 janvier 2000).

No E 1326. Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion des accords sous forme d'échange de lettres modifiant les accords sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne, d'une part, et d'autre part, la République de Bulgarie, la République de Hongrie et la Roumanie relatifs à l'établissement réciproque de contingents tarifaires pour certains vins, et modifiant le règlement (CE) no 933/95 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains vins (COM[99] 489 final) (adopté au conseil Affaires générales le 24 janvier 2000).

No E 1341. Proposition de règlement du Conseil relatif aux contributions financières de la Communauté au Fonds i nternational pour l'Irlande) (COM[99]549 final) (adopté au conseil Affaires générales le 24 janvier 2000).

No E 1350. Proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (procédure de l'article 27) (COM[99] 497 final) (adopté au conseil Affaires générales le 24 janvier 2000).

No E 1351. Proposition de règlement du Conseil adoptant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lettonie (maintien en 2000 des mesures prises par le R. 26-1999) (COM[99] 546 final) (adopté au conseil Affaires générales le 24 janvier 2000).

No E 1359. Proposition de règlement (CE) du Conseil portant reconduction en 2000 des mesures prévues au règlement (CE) no 1416/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 pour certains produits agricoles transformés (COM[99] 542 final) (adopté au conseil Affaires générales le 24 janvier 2000).

No E 1372. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (modernisation et simplification de la présentation et de la gestion) (COM[99] 649 final) (adopté au conseil ECOFIN le 31 janvier 2000).