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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. Prestation compensatoire en matière de divorce. - Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 1202).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des lois.

M me Nicole Bricq, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la délégation aux droits des femmes.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1208)

MM. Gérard Gouzes, Patrick Delnatte, Bernard Outin, Emile Blessig, André Aschieri, Yves Nicolin, Mmes Véronique Neiertz, Christine Boutin, Nicole Feidt,

M.

Christian Estrosi.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 1219)

Avant l'article 1er (p. 1219)

Amendement no 1 de la commission des lois : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 32 de M. Nicolin et 33 de M. Gouzes : M. Yves Nicolin. - Retrait de l'amendement no

32. MM. Gérard Gouzes, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Retrait de l'amendement no

33. Amendements nos 23 de M. Nicolin, 35 de M. Blessig et 34 corrigé de M. Gouzes : MM. Yves Nicolin, Emile Blessig, Gérard Gouzes, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Christine Boutin. - Retrait de l'amendement no 34 corrigé ; rejet des amendements nos 23 et 35.

Amendements nos 36 de M. Blessig, 24 de M. Nicolin et 2 de la commission, avec le sous-amendement no 46 de M. Delnatte : MM. Emile Blessig, Yves Nicolin, le rapporteur, Patrick Delnatte, Mme la garde des sceaux. Rejet des amendements nos 36 et 24 et du sousamendement no 46 ; adoption de l'amendement no

2. Article 1er (p. 1223)

Amendement no 19 de M. Quentin : MM. Didier Quentin, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Véronique Neiertz. - Rejet.

Amendement no 26 de M. Nicolin : MM. Yves Nicolin, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 37 de M. Blessig, 25 de M. Nicolin et 3 de la commission, avec les sous-amendements nos 47 et 45 de M. Delnatte : MM. Emile Blessig, Yves Nicolin, le rapporteur, Patrick Delnatte, Mme la garde des sceaux. Retrait de l'amendement no 37 ; rejet de l'amendement no 25 et des sous-amendements nos 47 et 45 ; adoption de l'amendement no

3. Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er (p. 1226)

Amendement no 27 de M. Nicolin : MM. Yves Nicolin, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

MM. Yves Nicolin, le président.

Article 1er bis (p. 1227)

Amendement de suppression no 4 de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 1er ter (p. 1227)

Amendement no 20 de M. Quentin : MM. Didier Quentin, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article 1er ter.

Après l'article 1er ter (p. 1228)

Amendement no 28 de M. Nicolin : M. Yves Nicolin. Retrait.

Article 1er quater (p. 1228)

Amendement de suppression no 38 de M. Blessig : M. Emile Blessig. - Cet amendement n'a plus d'objet.

Amendement no 5 de la commission, avec le sous-amendement no 52 du Gouvernement : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Patrick Delnatte, Yves Nicolin. Adoption du sous-amendement no 52 et de l'amendement no 5 modifié.

L'article 1er quater est ainsi rédigé.

L'amendement no 31 de M. Nicolin n'a plus d'objet.

Article 2 (p. 1229)

Amendements nos 39 de M. Blessig et 6 de la commission, avec le sous-amendement no 48 corrigé de M. Delnatte : MM. Emile Blessig, le rapporteur, Patrick Delnatte, Mme la garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 39 et du sous-amendement no 48 corrigé ; adoption de l'amendement no

6. L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 2 bis (p. 1230)

Amendements nos 29 de M. Nicolin, 21 de M. Quentin et 7 de la commission, avec le sous-amendement no 49 de M. Delnatte : MM. Yves Nicolin, Didier Quentin, le rapporteur, Patrick Delnatte, Mme la garde des sceaux. Rejet des amendements nos 29 et 21 et du sousamendement no 49 ; adoption de l'amendement no

7. L'article 2 bis est ainsi rédigé.

Après l'article 2 bis (p. 1231)

Amendement no 8 de la commission, avec les sousa mendements nos 54 de Mme Neiertz et 30 de M. Nicolin : M. le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Véronique Neiertz, M. Yves Nicolin. - Adoption du sous-amendement no 54 ; rejet du sous-amendement no 30 ; adoption de l'amendement no 8 modifié.

MM. le président, le rapporteur.

Amendement no 9 de la commission, avec les sousamendements nos 40 de M. Blessig et 53 du Gouvernement : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Emile Blessig. - Retrait du sous-amendement no

40.


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Mme la garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement no 53 et de l'amendement no 9 modifié.

Amendement no 41 rectifié de M. Blessig : M. Emile Blessig.

Amendement no 43 de M. de Courson : MM. Emile B lessig, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Patrick Delnatte. - Retrait des amendements nos 41 rectifié et 43.

Article 2 ter (p. 1235)

Amendement no 10 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 2 ter modifié.

Après l'article 2 ter (p. 1235)

Amendement no 13 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 14 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 11 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 12 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 3 (p. 1236)

L'article 3 a été retiré au Sénat.

Avant l'article 4 (p. 1236)

Amendement no 15 corrigé de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Article 4 (p. 1236)

Amendement no 42 de M. Blessig et 16 de la commission : M. Emile Blessig. - Retrait de l'amendement no

42. M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no

16. L'article 4 est ainsi rédigé.

Après l'article 4 (p. 1236)

Amendement no 22 de M. Nicolin : M. Yves Nicolin. Retrait.

Amendement no 17 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 18 de la commission et 50 du Gouvernement : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Gérard Gouzes, Pierre-Christophe Baguet. - Rejet de l'amendement no 18 ; adoption de l'amendement no

50. Amendement no 51 du Gouvernement : Mme la garde des sceaux, M. le rapporteur. - Adoption.

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 1238)

MM. Yves Nicolin, Gérard Gouzes, Patrick Delnatte, Alain Tourret, Emile Blessig, Bernard Outin.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 1239)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Mme la garde des sceaux.

2. Dépôt de rapports (p. 1239).

3. Dépôt d'un rapport d'information (p. 1240).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1240).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (nos 735, 2114).

Le rapport de la commission des lois porte également sur : la proposition de loi de M. André Gerin et plusieurs de ses collègues, relative à l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (no 156) ; la proposition de loi de M. Pierre-André Wiltzer et plusieurs de ses collègues, relative à l'assouplissement des conditions de versement de la prestation compensatoire définie à l'article 273 du code civil (no 579) ; la proposition de loi de M. Yves Nicolin et plusieurs de ses collègues, tendant à substituer à la prestation compensatoire une indemnité de séparation entre époux divorcés (no 1900) ; la proposition de loi de M. Michel Hunault, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (no 1989) ; la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et p lusieurs de ses collègues, relative aux prestations compensatoires en matière de divorce (no 2098).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée doit procéder aujourd'hui à l'examen de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire, votée par le Sénat en première lecture le 25 février 1998.

Je me réjouis que ce texte puisse venir ce soir en discussion. Il constitue en effet la première étape - certainement la plus urgente - de la réforme d'ensemble du droit de la famille que j'ai souhaité mettre en oeuvre dès mon arrivée au ministère de la justice.

Cette réforme intéresse la vie quotidienne d'un grand nombre de nos concitoyens. C'est pourquoi j'ai décidé d'en faire l'une des priorités de mon action, tout en prenant le temps d'élaborer, avec le Parlement, une réforme équilibrée, soucieuse d'adapter notre droit aux changements de la société comme de préserver les fondements de l'organisation familiale.

La réforme de la prestation compensatoire s'intègre pleinement dans le cadre de cette réforme du droit de la famille qui, je le rappelle, poursuit deux objectifs principaux : d'abord, elle entend garantir la stabilité de la filiation et assurer l'égalité entre les différents modes d'établissement de cette filiation et leurs conséquences sur les droits des individus ; ensuite, elle vise à faire en sorte que, lorsqu'ils ne peuvent demeurer unis, les couples se séparent dans des conditions qui respectent à la fois l'intérêt des enfants et la dignité des hommes et des femmes.

En présentant la réforme de la justice, il y a deux ans, j'ai indiqué que la prestation compensatoire devait être rénovée. J'ai souligné qu'il était indispensable de la situer dans le cadre plus large de la réflexion sur le droit de la famille.

Depuis, j'ai reçu deux rapports, celui d'Irène Théry en mai 1998 et celui du groupe de travail animé par le professeur Dekeuwer-Defossez en septembre 1999. Nous avons donc aujourd'hui une vue d'ensemble du cadre de la réforme du droit de la famille.

Ces analyses et ces propositions, vous le savez, font actuellement l'objet d'une large concertation auprès des mouvements représentatifs des différents courants de pensées philosophiques, sociaux, religieux et politiques.

Les propositions seront soumises à la conférence de la famille, qui se tiendra au mois de juin prochain. Après quoi, le Gouvernement arrêtera les grandes lignes du projet de loi, qui sera soumis au Parlement au début de l'année 2001.

Sans attendre cette réforme du droit de la famille, il est indispensable de réformer la prestation compensatoire.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d'inscrire la présente proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Les parlementaires, les médias se sont fait l'écho des situations absurdes qui sont la conséquence d'une législation devenue inadaptée. J'ai moi-même eu l'occasion de souligner à plusieurs reprises le caractère inéquitable des obligations mises à la charge de certains débiteurs de prestations compensatoires.

Comment, par exemple, être insensible à la détresse matérielle et morale de cette famille recomposée, dont l'époux, malade, voit la totalité de sa pension de retraite absorbée par le paiement d'une rente viagère à sa première épouse et qui doit vivre du seul RMI versé à sa seconde femme ? Que répondre à cette femme, découragée, qui m'a récemment raconté qu'elle doit, après le décès de son père, payer sur ses revenus personnels la rente de prestation compensatoire accordée à une seconde épouse qu'elle ne connaît pas, qu'elle n'a jamais vue, avec laquelle elle n'a aucun lien de parenté et qui perçoit en outre une confortable pension de réversion ?


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Mais comment ne pas entendre, aussi, cette autre femme, abandonnée après de longues années de mariage par un époux dont elle a assuré la réussite professionnelle au détriment de la sienne, et qui ne dispose plus, pour vivre, que de la prestation compensatoire ? Il s'agit, bien sûr, de cas extrêmes. Ils témoignent cependant que la loi de 1975 est inadaptée aux réalités actuelles de notre société.

Je voudrais rappeler pourquoi et en quoi la volonté du législateur de 1975 ne s'est pas traduite dans la réalité.

Car, au départ, il s'agissait d'une bonne loi, qui s'appuyait sur les meilleures intentions.

M. Yves Nicolin.

A l'époque, c'était une loi de Giscard !

Mme la garde des sceaux.

Je voudrais d'abord situer le problème de la prestation compensatoire dans celui, plus général, du divorce, en rappelant que cette forme juridique de séparation des couples ne s'applique, par nature, qu'aux couples mariés et non à l'ensemble des séparations.

Sur les 120 000 divorces qui sont prononcés chaque année, 13,7 % sont assortis d'une prestation compensatoire, soit un peu plus de 16 000 ; 80 % de ces divorces comprennent une rente, parfois en complément d'un capital, et 3 300 de ces rentes sont viagères.

On voit donc que, d'un point de vue quantitatif, le problème de la prestation compensatoire concerne une minorité de séparations. Pourtant, il ne faut pas minorer les difficultés que connaissent certaines des personnes qui doivent verser une prestation compensatoire, car, nous le savons, certaines situations sont très douloureuses, voire absurdes.

Je voudrais d'abord rappeler les questions qui se sont posées en 1975, et dont certaines demeurent d'actualité.

Le législateur avait entendu mettre fin aux nombreux contentieux qu'avait suscités le régime des pensions alimentaires versées entre conjoints. La prise en compte des torts pour l'allocation de ces pensions alimentaires, la possibilité de révision ouverte sans restriction avaient exacerbé les passions et laissé aux époux le sentiment qu'ils ne pouvaient clore définitivement une union qui s'était soldée par un échec.

En 1975, la loi nouvelle a ainsi institué la prestation compensatoire afin de régler une fois pour toutes les conséquences financières du divorce pour les époux et pour cela puisse se faire très vite après le prononcé du divorce.

La prestation compensatoire devait satisfaire à cet objectif, puisque, aux termes de l'article 270 du code civil, elle visait à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des exépoux. Pour ce faire, son fondement était indemnitaire et forfaitaire, elle était en principe attribuée sous forme de capital et, quand elle était versée sous forme de rente, elle n'était pas normalement révisable.

En laissant la possibilité, à titre subsidiaire, de fixer la prestation sous forme de rente, le législateur, il faut le dire, a créé un certain rapprochement avec les anciennes pensions alimentaires.

C'est ainsi que la prestation compensatoire est fixée, conformément à la loi de 1975, selon les besoins du créancier et les ressources du débiteur. Elle est indexée

« comme en matière de pension alimentaire » et peut varier par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins des intéressés. Elle peut, dans les divorces sur requête conjointe, être révisée en cas de changement imprévu dans la situation des époux, dès lors que ces derniers s'en sont réservé la faculté. Enfin, elle ne peut être accordée à l'époux qui voit prononcer le divorce à ses torts exclusifs.

Toutefois, s'écartant à certains égards des voeux du législateur de 1975, la pratique a accentué la ressemblance avec les anciennes pensions alimentaires. Elle y a été incitée par les perturbations du statut des familles, dues à la crise économique qui étaient, il faut le dire, difficilement prévisibles lors de l'adoption du texte, en 1975.

En fragilisant les revenus et le patrimoine des époux, la crise a limité les possibilités concrètes de versement des prestations compensatoires en capital, de même qu'elle a conduit à des situations manifestes d'iniquité. Par ailleurs, on le sait, le caractère exceptionnel de la révision s'est transformé, dans la pratique, en une quasi-interdiction.

On voit ainsi que, loin de favoriser un règlement définitif des droits entres les ex-époux, l'application de la loi de 1975 maintient des relations durables entre des époux qui ne partagent plus aucune communauté de vie.

Je voudrais, avec vous, aboutir à une réforme équilibrée, qui respecte les droits de ceux qui paient la prestation, mais aussi les droits des personnes qui la reçoivent et qui en ont besoin pour vivre et je veux rappeler que 97 % d'entre elles sont des femmes.

Quels sont les axes de la réforme ? Comme la commission des lois l'a souligné, il faut trouver des solutions aux problèmes pratiques rencontrés par les couples divorcés.

Je pense essentiellement aux difficultés à constituer le capital et à la quasi-impossibilité de réviser les modalités de paiement du capital et les mensualités.

Comment assurer la primauté du capital sur la rente ? Le premier principe, déjà posé par la loi de 195, mais qu'il convient de mieux affirmer, est celui de la primauté du capital sur la rente.

Actuellement, le recours à la rente est ouvert dès que le versement d'un capital s'avère impossible à ordonner et sans que le juge ait à motiver son choix.

En outre, le juge ne dispose pas de moyens juridiques suffisants pour faciliter le versement en capital, notamment par l'abandon de biens en propriété ou la souscription d'une assurance garantissant un emprunt destiné à payer la prestation. J'ai souhaité, devant le Sénat, faire évoluer la législation sur ce point, mais je n'ai pas été totalement suivie. Votre commission des lois a repris à son compte mes préoccupations ; je m'en félicite et je vous en remercie.

La durée de paiement du capital sera d'abord portée de trois à huit ans, voire, à titre exceptionnel, au-delà lorsque la révision des modalités de paiement du capital s'avérera nécessaire.

Cette démarche originale m'apparaît intéressante à un double titre. D'abord, parce qu'elle entend régler la question des rentes temporaires, qui sont en pratique les plus répandues puisqu'elles représentent 63% du total des rentes ordonnées. Ensuite parce qu'elle procède d'une démarche réaliste à l'égard des capacités financières des débiteurs de prestation, pour qui payer le capital en trois ans peut s'avérer impossible.

Pourtant, ce mécanisme suscite quelques interrogations que je ne crois pas inutiles, à ce stade de la discussion parlementaire, de formuler, mais dont je pense qu'elles pourront trouver des réponses dans la suite des travaux législatifs.


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Je crois tout d'abord qu'il faut bien mesurer les conséquences d'un dispositif qui permet d'étaler le versement d'un capital non seulement sur huit ans, mais encore sans limitation dans le temps, dans des situations exceptionnelles, il est vrai.

Un tel dispositif peut conduire, d'une part, à faire perdurer trop longtemps les relations financières entre exépoux, contrairement à l'objectif poursuivi par la réforme et, d'autre part, à suspendre tout versement jusqu'à un retour, souvent hypothétique, à meilleure fortune, au détriment du créancier.

Pour assurer la place privilégiée du versement en capital, votre commission préconise de conférer aux rentes un caractère véritablement exceptionnel. Elles ne pourront désormais être ordonnées que sous la forme de rentes viagères, décidées en considération de l'âge et de l'état de santé du créancier et par une motivation spéciale de la décision.

Votre commission fait également sienne la faculté adoptée par le Sénat de demander à tout moment la transformation de la rente en un capital immédiatement libérable, en la limitant toutefois au débiteur et à ses héritiers. Je vous propose d'étendre, sous certaines conditions, une telle faculté au créancier.

La femme, qui en est bénéficiaire dans la majorité des cas, aura ainsi le droit, lorsqu'elle y aura intérêt et que les moyens du débiteur le permettront, à percevoir un capital ; elle pourra disposer plus rapidement de la totalité des sommes attribuées par le juge et ce versement mettra fin, comme nous le souhaitons tous, aux relations financières des ex-époux.

Le deuxième objectif que nous poursuivons vise à assouplir les possibilités de révision des modalités de paiement du capital et des rentes.

C onformément aux principes retenus par votre commission, ces assouplissements sont différents suivant qu'ils portent sur le capital ou sur la rente viagère.

J'évoquerai d'abord les modalités de versement du capital. Cette faculté est ouverte seulement au débiteur, en cas de changement notable dans sa situation. Elle ne remet pas en cause le montant du capital alloué à l'époux bénéficiaire, dont la créance est définitivement arrêtée par le juge.

En ce qui concerne les rentes viagères, votre commission des lois en autorise la révision en cas de changement important de la situation financière des parties et se rallie ainsi au critère que j'ai proposé au Sénat.

Ainsi, le débiteur d'une rente de longue durée connaîtra à l'avance les limites de ses obligations. Cette disposition mettra fin aux situations d'injustice que nous connaissons actuellement, dans lesquelles un débiteur doit régler sur des revenus faibles une rente à un bénéficiaire qui n'en a plus réellement besoin.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très juste !

Mme la garde des sceaux.

Toutefois, votre commission limite cette révision de la rente à la seule diminution du montant de la prestation. Cela mérite que l'on s'interroge, car je souhaite également que soit préservée l'équité qui est due aux femmes bénéficiaires des prestations compensatoires, en trouvant un équilibre entre leurs droits et ceux des débiteurs.

Troisième objectif : élargir le droit des héritiers pour demander la révision de leurs obligations. C'est sans doute l'un des aspects les plus sensibles et où les prises de position sont les plus tranchées.

Depuis le vote de la loi de 1975, il est extrêmement difficile de réviser les rentes de prestations compensatoires. C'est pourquoi la proposition de loi facilitera la révision de la rente, tant pour le débiteur de son vivant que pour les héritiers s'ils ont accepté la succession.

En revanche, je ne peux souscrire à la proposition de votre commission de transmettre la charge du capital aux héritiers dans les seules limites de l'actif successoral. Une telle disposition s'écarterait en effet du droit commun des successions. Or il me semble nécessaire de préserver la cohérence de ce droit. Une prestation compensatoire est une dette qu'il convient d'honorer. Toutefois, il existe une solution simple à ces problèmes et que l'on oublie trop souvent : lorsque la prestation compensatoire excède les possibilités financières de l'héritier, celui-ci peut refuser une succession ou ne l'accepter que sous bénéfice d'inventaire. Il faut rappeler cette possibité car je reçois nombre de lettres, et encore récemment, de personnes me disant que, si elles l'avaient connue, elles auraient refusé la succession. Cela explique bien des situations difficiles.

Par ailleurs, votre commission pose le principe de la déduction de plein droit de la pension de réversion dont bénéficie éventuellement la créancière de la rente. C'est une solution que j'approuve. L'objectif recherché n'est pas de donner au conjoint divorcé un sort plus favorable au décès de son ex-époux que celui réservé au veuf ou à la veuve, qui ne dispose pour vivre que d'une pension de réversion ou d'une prestation compensatoire.

Toutefois, pour les rentes déjà allouées, je souhaite que la déduction de la pension de réversion n'ait pas de caractère automatique. Ce caractère ne doit s'appliquer qu'aux rentes ordonnées après l'entrée en vigueur de la loi. En effet, je suis attentive aux droits acquis des bénéficiaires de ces prestations, qu'il serait injuste, me semble-t-il, de priver brutalement d'une partie de leurs ressources. Une décision du juge adaptée à chaque situation me paraît, sur ce point, nécessaire.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les observations que je tenais, à ce stade de la discussion, à formuler devant vous. Je souhaite saluer encore une fois le travail accompli par votre commission des lois, par sa présidente, Catherine Tasca, et par votre rapporteur, M. Vidalies, dont la réflexion tout à fait approfondie débouche, je viens de le montrer, sur des pistes nouvelles sur lesquelles nous cheminons ensemble. Je voulais également souligner la qualité et la richesse du travail effectué par l'Assemblée nationale ainsi que la présence, sur tous ses bancs, à cette heure tardive, d'un nombre important de députés par rapport à d'autres circonstances. (Sourires.)

J'espère que nous pourrons trouver ensemble une solution pour une fois consensuelle qui permette d'améliorer notre droit et d'opérer des choix entre les intérêts en présence qu'il faut pouvoir concilier dans un souci d'équité.

La proposition de votre commission se veut à la fois globale et équilibrée, ce que je ne peux qu'approuver. Je l'en félicite. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, tous les parlementaires sont régulièrement saisis de situations dramatiques, parfois iniques, issues des conditions d'application de la loi de 1975. Tous les groupes de cette assemblée ont déposé des propositions


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de loi, certes différentes dans leur contenu, mais avec uno bjectif commun : mettre fin à des situations qui heurtent l'équité, voire le bon sens.

L'opinion publique est très sensibilisée à ce problème, notamment après avoir lu de nombreux articles de presse qui révèlent l'urgence d'une modification de la loi.

Le Gouvernement, conscient de cette urgence, a accepté, sans attendre la grande réforme du droit de la famille, de traiter par anticipation cette question particulière, en inscrivant à l'ordre du jour prioritaire la proposition de loi adoptée par le Sénat. Je tiens, madame la ministre, à vous remercier de cette initiative.

Si le législateur de 1975 a profondément modifié les règles régissant les rapports financiers entre les exconjoints, c'est essentiellement parce que les conditions d'application de l'ancien article 301 du code civil aboutissaient à maintenir entre les anciens époux la potentialité d'un combat judiciaire permanent, qui parfois continuait à les opposer quinze ou vingt ans après le divorce.

Avant 1975, le tribunal pouvait accorder une pension alimentaire au conjoint ayant obtenu le divorce. Cette pension alimentaire, dont le fondement était la compensation de la perte du devoir de secours, était révisable en permanence en fonction de l'évolution des besoins du demandeur et des ressources du débiteur.

La loi de 1975 fut, sur ce point, une réaction contre une situation qui aboutissait à maintenir leur vie durant un lien juridique entre les ex-conjoints. Le législateur de 1975 a modifié le fondement même des relations financières entres les ex-époux en instituant, par l'article 270 du code civil, une prestation compensatoire destinée à

« compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux.

Le caractère indemnitaire de cette prestation est clairement affirmé. Elle doit être forfaitaire, et son paiement doit intervenir en priorité sous la forme d'un capital, éventuellement payable en trois annuités.

La cohérence de la volonté du législateur est renforcée par la restriction sévère apportée à la possibilité de ré vision, qui n'est ouverte que si l'absence de révision, entraîne pour le débiteur des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Or, nous ne pouvons que constater aujourd'hui que les objectifs du législateur n'ont pu se concrétiser et que la pratique très majoritaire de la rente temporaire ou viagère, liée à la quasi-impossibilité de révision, a abouti à une situation inextricable qui justifie la modification de la loi.

La loi de 1975 avait clairement privilégié le versement en capital de la prestation compensatoire. En pratique, seulement 20 % des prestations compensatoires prennent aujourd'hui la forme d'un versement en capital, contre 61 % celle d'une rente.

La situation est encore plus accentuée pour les seuls divorces contentieux, le juge retenant alors le principe du versement d'une rente dans 78 % des décisions.

Parmi les rentes, les deux tiers sont limités dans le temps et un tiers accordés à titre viager. La proposition des rentes viagères augmente et c'est bien naturel avec l'âge de l'ex-époux. Ainsi, pour les femmes ayant entre cinquante et cinquante-neuf ans à la date du divorce, le pourcentage de rentes à vie atteint 64,4 %. Si le principe du paiement en capital a été largement ignoré par la pratique, la limitation des possibilités de révision a, au contraire, été interprétée d'une manière p articulièrement rigoureuse, l'exceptionnelle gravité n'étant reconnue que dans des cas très limités.

Ainsi, la majorité des ex-conjoints c'est-à-dire des exmaris, puisque la prestation compensatoire est allouée dans 98 % des cas à la femme ont été condamnés à payer des rentes non révisables et, dans une proportion non négligeable, des rentes à vie. Cette rente étant au surplus transmissible aux héritiers, lesquels, pas plus que le débiteur, n'ont la possibilité réelle d'en demander la révision.

Durant nos débats, nous devrions garder à l'esprit, comme Mme la ministre l'a dit à l'instant, à la fois les difficultés engendrées avant 1975 par des possibilités de révision permanente et celles issues du droit positif lié à la prédominance des rentes et à la quasi-impossibilité de leur révision.

La proposition de loi adoptée par le Sénat ne fait, à mon sens, que répondre à l'urgence de la situation, en ouvrant la possibilité d'une révision des prestations compensatoires en cours et à venir, en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties.

Dans l'état actuel de sa rédaction, il semble bien, d'ailleurs, que la révision puisse intervenir aussi bien à l'initiative du débiteur qu'à celle du créancier et entraîner ainsi dans certains cas une augmentation de la rente, alors que, par ailleurs, le caractère indemnitaire et forfaitaire de la prestation compensatoire est, lui, maintenu.

Il est à craindre que cette formulation aboutisse aux inconvénients qui ont justifié l'intervention du législateur en 1975 et que, devant l'inflation prévisible des procédures entre les ex-conjoints, la jurisprudence impose à nouveau une lecture très restrictive des changements substentiels permettant la révision.

Au vu de cette analyse de l'évolution de la législation et de la pratique, et après avoir procédé à des auditions, j'ai choisi de proposer à notre commission des lois une modification de la législation, qui, tout en partageant les mêmes objectifs que ceux du texte adopté par le Sénat, tente d'éviter pour l'avenir les inconvénients constatés sous l'empire des deux régimes, ceux d'avant et d'après 1975.

Il me semble tout d'abord que le principe du paiement en capital doit être réaffirmé. La prestation compensatoire a un caractère indemnitaire et le capital fixé par le juge ne doit jamais pouvoir être révisé dans son montant. Le juge devrait seulement pouvoir déterminer les modalités de paiement de ce capital sur une période maximale de huit années. Et en cas de changement notable dans la situation du débiteur, et à sa seule initiative, le juge pourrait alors modifier les modalités de paiement, sans jamais pouvoir réviser le capital initial.

En cas de décès du débiteur, la charge du capital restant dû passerait à ses héritiers, qui pourraient eux-mêmes engager l'action aux fins de modification des modalités de paiement.

La transmission à la charge des héritiers est incontournable dès lors que l'on affirme le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire, laquelle entre, comme les autres dettes, dans le passif de la succession.

Si le paiement en capital souhaité par le législateur de 1975 n'a finalement été retenu que dans 20 % des cas, c'est parce que la solution de la rente temporaire était


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plus adaptée à la réalité des situations patrimoniales, que la possibilité pour le débiteur de la déduire intégralement de ses revenus constitue une forte incitation fiscale...

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Patrice Martin-Lalande.

Il faut revoir la loi fiscale !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

... et que, enfin, elle présente, à l'évidence, une certaine facilité d'élaboration.

Mais, dès lors que nous souhaitons que le juge puisse toujours fixer un capital, la conversion de celui-ci en rentes temporaires et la possibilité de révision de ces rentes sont des objectifs logiquement inconciliables.

En effet, soit la révision aboutit à diminuer la charge du débiteur et donc à réduire le capital, et c'est une solution qu'il convient d'exclure car contraire au caractère forfaitaire de la prestation compensatoire ; soit la révisison ne porte que sur les modalités de paiement, et elle est alors satisfaite par la possibilité de moduler les conditions de paiement du capital sur huit ans qui a été adoptée par notre commission des lois.

Ainsi, pour que notre volonté soit claire, je vous propose d'exclure les rentes temporaires des modalités de fixation de la prestation compensatoire que le juge pourra imposer dans les divorces contentieux.

Seuls subsisteraient le paiement en capital avec les assouplissements nécessaires et, dans certains cas exceptionnels, la rente viagère.

M. Gérard Gouzes.

C'est très important ! M. Alain Vidalies, rapporteur.

Je suis bien conscient que la rente viagère est souvent à l'origine des situations dramatiques dont nous sommes saisis, mais je ne vous propose pas d'en supprimer le principe. En effet, dans certaines situations, liées à l'âge ou à l'état de santé du conjoint, elle apparaît, même dans une conception indemnitaire de la prestation compensatoire, comme la seule solution équitable.

Toutefois, ces rentes viagères, qui ont été retenues dans 3 336 décisions en 1997 pour 120 000 divorces, doivent être inscrites dans un dispositif distinct pour permettre d'en marquer le caractère exceptionnel et de lui réserver des conditions spécifiques de révision et de transmissibilité.

Le texte adopté par la commission des lois exige, pour que la solution de la rente viagère soit retenue, une motivation spéciale visant l'âge ou la santé de l'époux créancier. Cette rente pourrait être modifiée, mais uniquement à la baisse, en cas de changement important dans la situation du débiteur.

Il n'est en effet pas possible d'envisager la révision à la hausse de la rente viagère à l'initiative du créancier, sauf à vouloir revenir alors à une conception alimentaire et aux errements de la loi d'avant 1975.

M. Yves Nicolin.

Très juste !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Le débiteur conservera la possibilité de demander la capitalisation de la rente ou d'en faire assurer le paiement par un tiers garant, c'est-àdire un organisme financier.

Au décès du débiteur, la charge de la rente passerait à ses héritiers, mais sous déduction de plein droit de la pension de réversion du chef du conjoint décédé.

Les modifications que je vous propose d'adopter s'inscrivent dans les principes dégagés par le législateur de 1975. Ces principes restent d'actualité : la prestation compensatoire est une indemnité et non la compensation de la perte du devoir de secours.

Bien évidemment, comme le Sénat, je vous propose d'ouvrir les nouvelles possiblités de révision à toutes les rentes en cours.

Il reste, madame la ministre, que ce dispositif, que j'espère cohérent, n'est pas achevé en raison de l'absence de dispositions fiscales adaptées. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Si nous pouvons, comme je l'espère, sur ces bases enrichies par le travaux à venir du Sénat, parvenir à un texte juridiquement satisfaisant, nous ne pourrons prétendre avoir répondu à l'ensemble de la question.

La disparition proposée des rentes temporaires aujourd'hui déductibles du revenu du débiteur doit, à mon sens, être compensée par une déduction spécifique portant sur le capital versé sous forme d'annuités ou de mensualités ou sur les intérêts de l'emprunt destiné à son paiement immédiat.

M. François Léotard.

Très bien !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

J'espère que le Gouvernement sera en mesure de formuler des propositions adaptées à cette nouvelle législation.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous l'espérons aussi !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Pour terminer, je soulignerai que nos propositions rejoignent pour l'essentiel les recommandations adoptées par la délégation aux droits des femmes.

M. Patrick Delnatte et M. Yves Nicolin.

Pas toutes !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Certes, les débiteurs à qui nous allons ouvrir un droit à révision sont quasi exclusivement des hommes, et les créanciers des femmes.

Mais que personne ne tombe dans le raccourci d'en conclure que c'est une législation pour les hommes contre les femmes.

Beaucoup des très nombreuses lettres que j'ai reçues en ma qualité de rapporteur émanent de femmes, nouvelles épouses, nouvelles compagnes des hommes débiteurs d'une prestation compensatoire. Elles revendiquent, elles aussi, leur part de droit au bonheur, à la vie de couple, à la possibilité d'élever normalement leurs enfants, sans que leurs aspirations soient obérées par la pécarité matérielle de l'homme avec lequel elles ont choisi de vivre.

Mme Nicole Bricq.

C'est vrai !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Notre objectif n'est pas de favoriser les hommes ou les femmes, ni d'ignorer la n écessité de prévoir la compensation financière au moment du divorce. Il s'agit, comme l'écrit Mme Dekeuwer-Défossez dans son rapport sur le droit de la famille, de constater que « l'intangibilité des prestations compensatoires, voulue en 1975 pour assainir l'après-divorce, a créé à l'expérience des situations humaines intolérables ».

Il s'agit, en un mot, de tenter de faire oeuvre de justice. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Nicole Bricq, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, M. Vidalies, notre rapporteur, a abordé ce qui ne peut


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être qu'un paradoxe apparent : la délégation aux droits des femmes a souhaité, comme notre règlement l'y autorise, se saisir de ce texte, alors que 98 % des créanciers sont des femmes.

Je dirai d'abord qu'une injustice faite aux hommes ne rend pas justice aux femmes.

M. Alain Vidalies, rapporteur, et M. Gérard Gouzes.

C'est vrai !

Mme Nicole Bricq.

Je rappellerai ensuite que de nombreuses femmes subissent à leur tour le préjudice de cette prestation compensatoire.

D ans ces conditions, madame la ministre, vous comprendrez que l'urgence des situations et l'importance des dérives constatées aient mobilisé la délégation aux droits des femmes de notre assemblée.

Ce texte est attendu par ceux et par celles qui vivent des situations absurdes. Ce texte est attendu car il participe à la modernisation de la société à laquelle nous sommes tous et toutes attachés. Il est attendu car il permettra de réparer les injustices sociales qui sont notamment dues au chômage de masse qu'a connu notre pays pendant vingt-cinq ans.

La délégation a souhaité faire des recommandations portant sur quatre points fondamentaux.

En premier lieu, le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital doit être réaffirmé et adapté aux réalités. Nous devons permettre un versement fractionné du capital sous forme de versements mensuels ou annuels pour une durée limitée. Une durée de six à huit années me semble être la mieux adaptée et la plus équilibrée.

Dans le même ordre de préoccupation, il nous est apparu important que la modification du régime du divorce permette de lier les modalités de la prestation compensatoire et de la liquidation du régime matrimonial.

En outre, nous avons remarqué à la lecture des conclusions des rapports de Mme Théry et de Mme DekeuwerDéfossez qu'il était impératif de réviser les règles fiscales applicables au versement de la prestation. En effet, les dispositions actuelles encouragent fiscalement les versements en capital déguisés en rente. Il convient donc de clarifier la situation.

En second lieu, il est indispensable de prévoir une révision des modalités du paiement du capital sans pour autant en modifier le montant. Les aléas de la vie, par nature imprévisibles, peuvent placer l'époux débiteur dans une situation critique, et les exemples ne manquent pas.

Les modalités de paiement peuvent, dans ces conditions, faire l'objet d'une révision de l'échéancier des versements, sans modification du capital dû.

Troisième axe de notre réflexion : le régime juridique de la prestation versée sous forme de rente viagère.

Le versement sous la forme de rente viagère doit rester l'exception. Toute décision l'instituant doit être motivée de façon expresse par le juge. De plus, outre l'âge, l'état de santé du créancier et les éléments d'appréciation énumérés par l'article 272 actuel du code civil, il serait souhaitable que soient ajoutés la durée du mariage, les ressources et les besoins des deux parties.

Par ailleurs, des conditions de révision spécifiques de la rente doivent être prévues.

Maintenue dans un cadre exceptionnel, cette rente doit pouvoir faire l'objet de demandes de révision facilitées sans que les droits acquis soient remis en cause. Mais comme elle n'a pas de caractère alimentaire, elle ne peut être révisée qu'à la baisse.

La rente a été instituée dans une période récente de notre histoire au cours de laquelle les femmes accédaient bien moins que les hommes à une activité professionnelle.

Il en résultait donc une différence importante de revenus dans le couple. L'autonomie des femmes n'était pas établie. Désormais, il nous faut tenir compte des évolutions q ui encouragent le rattrapage des situations entre hommes et femmes.

L'égalité entre hommes et femmes sur le plan de l'activité professionnelle est un combat que nous menons par ailleurs. Du reste, nous aurons l'occasion, le 7 mars, de débattre, à la faveur d'une niche parlementaire, d'une proposition de loi concernant l'égalité professionnelle.

Depuis la loi Roudy de 1983, on a vu que le rattrapage était beaucoup plus lent qu'on ne l'avait pensé à l'époque. Mais si - on peut rêver - nous gagnons ce combat, la prestation compensatoire aura alors, c'est évident, vocation à s'éteindre.

Enfin, nous souhaitons insister sur le droit de révision applicable aux héritiers du débiteur. Le décès du débiteur laissant la charge de la dette aux héritiers, la loi doit permettre à ces derniers d'exercer une action en révision.

La révision peut porter sur le niveau de la rente lorsqu'il s'agit d'une rente viagère ou sur les modalités de paiement lorsqu'il s'agit d'un capital fixe.

Dans tous les cas de révision, quand le créancier perçoit une pension de réversion du chef du conjoint divorcé décédé, le montant de cette pension doit être déduit de la charge du montant du solde du capital ou de la rente.

Je voudrais insister sur l'importance de la déductibilité de la pension de réversion versée au créancier de la charge de la prestation compensatoire supportée par les héritiers du débiteur. Cette mesure s'ajoute au droit à la révision de la prestation au moment de la transmission et modère le poids de la charge qui pèse sur les héritiers.

Par notre vote, nous avons la possibilité d'affirmer ce que doit être la règle en matière de prestation compensatoire, de préciser ce que doit être l'exception et de rendre cohérentes les modalités de révision et de transmission de cette prestation.

Une évaluation régulière de la jurisprudence doit également favoriser le respect de cette volonté. Une statistique précise et continue du ministère de la justice nous est indispensable.

Par les correctifs que nous allons apporter, mes chers collègues, nous rétablirons les objectifs que le législateur a fixés en 1975 et nous les adapterons aux réalités.

Vingt-cinq ans plus tard, des situations individuelles et familiales difficiles issues des jugements pris en application de la loi nous imposent d'agir vite, très vite. La nouvelle loi votée, il appartiendra au Gouvernement de nous accompagner et de prendre rapidement les mesures réglementaires nécessaires.

Madame la ministre, nous ne doutons pas un instant de votre volonté ni de votre engagement pour faire appliquer ce texte, y compris dans ses aspects réglementaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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Discussion générale

M. le président.

Nous allons aborder la discussion générale.

Mes chers collègues, avant de donner la parole au premier orateur inscrit, je tiens à vous rappeler que la présente séance doit être levée vers une heure du matin car nous avons une autre séance demain matin. Je demande donc aux intervenants de respecter impérativement leur temps de parole, afin que nous puissions terminer à une heure du matin au plus tard.

La discussion de la proposition de loi, le Gouvernement n'ayant pas prévu d'autre séance consacrée à ce texte.

Je ferai donc en sorte que les temps de parole et le règlement soient respectés, et j'espère que vous voulez bien m'y aider.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les auteurs de la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce et créant la prestation compensatoire ne se doutaient pas de la situation désastreuse dans laquelle ils plongeraient des milliers de divorcés, débiteurs définitifs, contraints, quelle que soit l'évolution de leur situation - sauf exceptionnelle gravité - de payer une rente souvent à vie, toujours exorbitante eu égard à leurs revenus, directement transmissible à leurs héritiers, sans recours, sans appel, sans solution ! Véritables relégués à perpétuité, ceux-ci désespéra ient de voir le législateur reprendre ce texte dépassé, imparfait et injuste et, dans tous les cas, inadapté à notre époque, comme vous l'avez dit, madame la garde des sceaux.

Pour y remédier, plusieurs propositions de loi ont été déposées sur tous les bancs de cette assemblée. Le groupe socialiste, très sensibilisé, ne pouvait rester indifférent à l a situation de ces débiteurs à vie. Sa proposition de loi servira aujourd'hui de référence à l'ensemble des amendements que nous soutiendrons pour modifier et améliorer la proposition de loi des sénateurs About et Pagès, que nous allons examiner au vu de l'excellent rapport de notre collègue Vidalies.

Vous me permettez, madame la garde des sceaux, de vous remercier. Le rapport Dekeuwer-Défossez abordant les multiples facettes des problèmes concernant la famille aurait très bien pu contenir également une réforme de la prestation compensatoire, car vous étiez aussi, je le sais, sensibilisée aux situations que je viens de décrire. Nous avons été nombreux à insister en ce sens, et vous nous avez écoutés. Je tiens donc, au nom du groupe socialiste, à vous remercier solennellement, vous et le Gouvernement tout entier, pour avoir retenu le texte qui nous est soumis car les situations sont urgentes et elles ne pouvaient pas attendre 2001. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous savons, madame la garde des sceaux, qu'après le dépôt du rapport Dekeuwer-Défossez le Gouvernement va s'engager dans une série de réformes qui concerneront la famille, les successions, le divorce, après le vote du PACS. Il apparaît ainsi qu'en peu de temps cette majorité aura modernisé, de manière significative, les institutions qui définissent les conditions civiles de nos relations individuelles et familiales.

Il y a là, madame la garde des sceaux, un chantier qu'ile st indispensable d'ouvrir rapidement à l'orée du

XXIe siècle, un chantier urgent car, comme nous allons le voir, le texte dont nous allons débattre peut difficilement être séparé de la réforme du divorce lui-même.

Avant la loi de 1975, un conjoint qui divorçait à ses torts exclusifs demeurait débiteur du devoir de secours.

Le législateur de 1975 a eu la « bonne idée », entre guillemets, de supprimer ce devoir de secours et d'instaurer la prestation compensatoire, qui devait compenser, disait-on, la disparité des conditions de vie consécutive au divorce.

Capital forfaitaire et définitif, elle pouvait être transformée en rente lorsque le versement d'un capital se révélait impossible.

C'est ainsi que la « bonne idée » est devenue une source de cauchemar pour des milliers de prestataires : parce que les justiciables eux-mêmes préféraient souvent demander une rente plutôt que d'avoir un capital à gérer ou à payer ; parce que la consistance même des biens d'un époux ne permettait pas de verser un capital ; parce que le droit fiscal conseillait la rente plutôt que le capital ; parce que la confusion s'était installée dans les esprits entre le caractère alimentaire et la nature indemnitaire de la prestation ;...

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Tout à fait !

M. Gérard Gouzes.

... parce que la mesure était étendue à l'écrasante majorité des divorces prononcés aux torts partagés et non plus aux seuls époux innocents, comme en matière de pension alimentaire ; parce que, et je crois qu'il faut avoir le courage de le dire, il y a eu un laxisme démissionnaire de la Cour de cassation, qui a effacé la priorité légale donnée au capital sur la rente : c'est la rente qui est devenue le mode normal d'attribution de la prestation compensatoire, ce qui n'était pas le voeu du législateur de 1975.

Dès 1982, une étude faite sur les cours d'appel de Rennes et d'Angers révélait que 85 % des prestations compensatoires étaient attribués sous forme de rente. En Aquitaine, au cours du seul troisième trimestre de 1989, dans vingt-cinq divorces pour faute, vingt-deux prestations compensatoires étaient des rentes et seulement trois un capital ! Mais la rente, mes chers collègues, c'était aussi la certitude de voir la situation du débiteur se fragiliser au fil du temps. C'était prendre le risque d'une dérive de l'institution. C'était, compte tenu de l'extrême étroitesse de la possibilité de révision, condamner la prestation compensatoire à être déconnectée de la réalité et, par consé quent, à devenir foncièrement injuste.

Que le conjoint bénéficiaire de la prestation compensatoire hérite, gagne au Loto ou fasse un très riche remariage, la jurisprudence, rigide à l'excès, l'ignorait comme elle ignorait la diminution des revenus du débiteur de la prestation compensatoire. Pire : cette injustice pouvait se transmettre avec la même rigueur aux héritiers.

Comment ne pas considérer, dans ces conditions, le mariage comme un piège pour les uns et une aubaine pour les autres pour qui avoir été marié et divorcé constituait une source de revenus plus sûre qu'un emploi menacé ou une retraite incertaine ? Cette situation a conduit les juges à octroyer une rente parfois élevée aux femmes inactives et non aux femmes qui travaillaient. Dans ces conditions, je crois que l'on peut dire sans se tromper que le système en place contribuait aussi à maintenir le modèle ancien de la femme au


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foyer en ne favorisant pas sa réinsertion dans une vie professionnelle normale, en la maintenant dans l'assistance et la dépendance.

Quant au débiteur piégé, sa situation proprement scandaleuse contribuait à détériorer, à juste titre, sa confiance en notre système judiciaire lui-même.

Voilà comment l'idée de rééquilibrer les conditions de vie consécutives à un divorce a pu conduire à des situations que le législateur de 1975 n'avait certainement pas imaginées ou, en tout cas, pas voulues.

Aujourd'hui, un peu dans l'urgence, nous allons consacrer la prestation compensatoire sous la forme d'un capital. Nous allons, tout en maintenant son caractère patrim onial et forfaitaire, permettre l'adaptation de ses modalités de paiement aux revenus du débiteur. Nous allons autoriser la révision plus facile des rentes actuelles et atténuer la charge qui devait peser sur les héritiers, permettre la conversion des rentes en capital et autoriser ceux qui voudraient s'assurer contre de tels errements, comme ceux qui solliciteraient des relais bancaires, à le faire.

Respect des concepts juridiques, souplesse, responsabilité : voilà quelques mots qui résument notre fonction et notre volonté aujourd'hui. Mais, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ne l'oublions pas, nous ne devrons pas en rester là dans quelques mois ! Toute approche morcelée recèle des germes de confusion et, sans approche plus large, nous risquons de manquer l'objectif.

Il faudra mieux préciser que l'octroi d'une prestation compensatoire, véritable rançon versée pour retrouver sa liberté, ne sera plus accordée que de façon exceptionnelle.

Il faudra dire aussi que l'échec de la hiérarchie déjà imposée par la loi de 1975, et que nous allons solennellement renforcer aujourd'hui, tient au fait que, dans un divorce, la liquidation de la communauté intervient généralement bien longtemps après le prononcé du divorce.

Tous nos contentieux naissent de cette contradiction que nous ne pouvons pas résoudre aujourd'hui puisque nous ne traitons pas du divorce, née de l'obligation de fixer la prestation compensatoire indépendamment de la liquidation de la communauté, qui n'intervient que plus tard, parfois plusieurs années plus tard.

Il y a, en effet, quelque chose d'irréaliste à demander au juge, par application de l'article 272 du code civil, de prendre en considération, dans la détermination des besoins et des ressources des conjoints, en tenant compte de leur situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, le patrimoine des parties « après la liquidation du régime matrimonial » alors que la prestation compensatoire doit être prononcée dans le jugement de divorce lui-même, qui est, lui, toujours préalable à la liquidation de la communauté.

Ne vaudrait-il pas mieux globaliser la procédure de divorce ? Nous aurons l'occasion, dans quelques mois, de le faire.

Il ne faudra pas non plus se cacher, mes chers collègues, que l'incidence des règles fiscales viciera le système de l'octroi de la prestation compensatoire tant que nous ne modifierons pas le volet fiscal.

Mme Nicole Bricq.

C'est clair !

M. Gérard Gouzes.

En conséquence, et en conclusion, je vous avouerai, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, que c'est bien prudemment que j'aborderai cette proposition de loi.

Il s'agit aujourd'hui de mettre fin à des situations insupportables et de clarifier les concepts juridiques. Il nous reviendra demain d'approfondir l'ensemble du dispositif qui nous permettra de dédramatiser le divorce luimême et ses conséquences. En attendant, il nous faut redonner un sens aux mots de justice et d'équité pour ceux qui n'y croyaient plus. C'est ce que le groupe socialiste compte faire ce soir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, légiférer en prévoyant l'avenir, voilà une rude tâche à laquelle s'est essayé le législateur de 1975 avec la réforme du divorce. Il a innové en créant la prestation compensatoire, qui se substituait à l'ancienne pension alimentaire, dont le fondement était indemnitaire et présentait un caractère alimentaire, mais à laquelle il était justement reproché d'être la cause d'un abondant contentieux.

Partant du constat que le divorce et la fin du devoir de secours entre époux provoquaient parfois de profondes disparités dans les conditions de vie, le législateur de 1975 a souhaité instituer une prestation qui « compense, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »

Il était normal que le législateur se préoccupe tout spécialement des femmes ayant renoncé, suite à leur mariage, à leur vie professionnelle. En 1975, le nombre de femmes au foyer était deux fois plus important qu'aujourd'hui.

La loi de 1975 avait également pour but de concentrer dans le temps les effets du divorce.

Dans cette perspective, le principe de base était le versement de la prestation sous forme de capital.

Dans cet esprit également, la prestation avait un caractère forfaitaire et ne pouvait être révisée, même en cas de changements imprévus affectant les ressources ou les besoins des parties. La seule exception résidait dans l'hypothèse où l'absence de révision aurait entraîné pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Vingt-cinq ans après, force est de constater que ce système s'est révélé inadapté, en raison de l'évolution des conditions et pratiques de vie, mais aussi en raison de l'application qui en a été faite par la jurisprudence.

La prestation compensatoire est aujourd'hui payée par quelque 400 000 personnes, dont 98 % d'hommes. Or il n'est plus possible ni équitable d'éluder les difficultés rencontrées par certains de ces débiteurs.

La crise économique et ses conséquences redoutables chômage, surendettement - ont en effet parfois gravement déstabilisé les situation professionnelles et patrimoniales les mieux établies.

Dans le même temps, le phénomène grandissant des familles recomposées est venu compliquer encore la situation des intéressés. Aujourd'hui, un divorcé sur cinq se remarie. De sorte que les femmes et les enfants partageant la vie d'un homme remarié se trouvent parfois être les premières victimes du versement d'une prestation compensatoire dont le montant demeure intangible. Ce phénomène ne pourra d'ailleurs que s'accentuer à l'avenir du fait de l'allongement de la durée de vie adulte, qui augmente l'éventualité de changements dans la vie conjugale. Notons d'ailleurs qu'en sens inverse, le remariage du créancier peut modifier les disparités de conditions de vie que la prestation compensatoire est destinée à estomper.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Mais une large part des difficultés provient de l'attitude des juges qui se sont éloignés du principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital pour généraliser - dans 80 % des cas - la formule subsidiaire de versement qu'est la rente viagère ou temporaire.

Il est vrai qu'ils ont pu être encouragés dans cette voie par le régime fiscal des rentes viagères, qui s'avère nettement plus avantageux que celui du capital. Pour le débiteur, la rente est déductible des revenus et pour le créancier, elle bénéficie des abattements fiscaux applicables aux traitements et salaires. En revanche, le capital, même lorsqu'il est payé en trois annuités, est soumis aux droits de mutation à titre gratuit, à l'instar des donations. Au-delà d'un abattement de 330 000 francs, les droits varient de 5 à 40 %.

La jurisprudence est donc en partie à l'origine des difficultés liées à la prestation compensatoire, dans la mesure où elle a toujours refusé la moindre adaptation aux aléas des conditions de la vie du débiteur, en interprétant de façon très restrictive la notion de « gravité exceptionnelle », condition nécessaire pour la révision de la rente.

Ainsi, elle a rejeté une demande de révision d'un débiteur ayant perdu son emploi et touchant le RMI, refusant de voir là des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Enfin, la rente - qui, je le rappelle, n'est pas une pension alimentaire - est transmissible aux héritiers du débiteur sans aménagement possible. Cela leur crée parfois des obligations insupportables, alors qu'ils n'ont aucun lien de famille et de solidarité avec le créancier.

Toutes ces situations vécues comme des injustices profondes ont fait l'objet de maintes réclamations, tant de la part des intéressés que des praticiens du droit.

Le 12 décembre 1996, le sénateur Nicolas About déposait une proposition de loi permettant de remédier aux c onséquences négatives du régime de la prestation compensatoire. Il fut, suivi par plusieurs autres parlementaires et en février 1998, le Sénat adoptait à l'unanimité un texte en ce sens. Vous avez alors, madame la ministre, approuvé le bien-fondé de cette intiative sénatoriale, sans toutefois aller jusqu'à inscrire ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée.

Le 1er décembre 1999, au nom du groupe RPR, je vous posais une question d'actualité sur l'urgence de poursuivre et de mener à bien la procédure législative ainsi entamée. Vous en avez alors accepté le principe.

Aujourd'hui, près de trois mois après mon interpellation, en inscrivant ce texte à notre ordre du jour, vous avez tenu votre engagement et je vous en donne acte.

Les travaux du rapporteur et de la commission ont permis d'améliorer, en le précisant et en le complétant, le texte des sénateurs. Il reste cependant quelques questions en suspens, pour lesquelles il conviendra de trouver une solution au cours de notre débat.

Première question : la liberté laissée aux juges dans la fixation du montant du capital, ou à titre tout à fait subsidiaire, dans la fixation du montant de la rente, ne risque-t-elle pas d'entraîner des situations excessivement contrastées d'une juridiction à l'autre, comme nous le constatons déjà ?

M. Yves Nicolin.

Evidemment !

M. Patrick Delnatte.

Certains préconisent la mise en place d'un barême qui aurait l'avantage, même si l'appréciation des circonstances par le juge paraît souhaitable, d'éviter les contradictions les plus criantes.

M. Yves Nicolin.

Très bien !

M. Gérard Gouzes.

La situation n'est pas la même dans toutes les régions !

M. Patrick Delnatte.

Dans cet esprit, nous vous proposerons que le juge fixe le montant du capital en fonction d'un barème fixé par décret en Conseil d'Etat.

Lorsque, par décision spécialement motivée, le choix du juge se porte sur la rente viagère, nous proposerons que cette dernière ne puisse excéder 30 % des revenus nets d'impôts du débiteur.

Deuxième question : comment peut-on encore justifier le refus persistant de la jurisprudence de permettre aux tribunaux de soumettre la fixation définitive de la prestation compensatoire à la condition de la liquidation du régime matrimonial ? C'est pourtant l'une des suggestions faites par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Seul un règlement de tous les intérêts pécuniaires des époux au cours de l'instance serait de nature à éclairer les choix du juge sur des fondements certains. Nous proposerons donc, lors de l'examen des articles, un sous-amendement en ce sens.

Troisième question : a-t-on véritablement réglé le problème des héritiers du débiteur ? Certes, le texte améliore la situation des héritiers dans le cadre du versement du solde du capital dû. Mais en cas de rente, celle-ci demeure transmissible aux héritiers.

Nous pensons préférable de capitaliser automatiquement la rente au décès du débiteur. Le montant du capital ainsi obtenu constituerait un passif de succession et serait traité comme cela est prévu dans le nouvel article 276 du code civil, pour éviter aux héritiers des contentieux de révision.

Enfin, le volet fiscal doit impérativement être associé à cette réforme. On ne peut entendre privilégier le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital et, en même temps, laisser subsister une fiscalité qui pénalise lourdement ce type de règlement. Dans un arrêt du 10 juin 1997, la Cour de cassation a d'ailleurs à nouveau rappelé l'existence de la règle fiscale taxant différemment une prestation compensatoire, selon que son versement est effectué sous forme de rente ou de capital.

Nous savons bien que l'article 40 de la Constitution i nterdit aux parlementaires d'accroître les dépenses publiques et donc de proposer une fiscalité à la baisse.

Cette tâche revient donc au Gouvernement.

D'ores et déjà, vous n'avez pas été favorable, madame la garde des sceaux, à la suggestion sénatoriale de doubler le seuil d'exonération du droit de mutation. Vous avez tout de même reconnu la réalité du problème et vous vous étiez engagée alors à rechercher « une solution moins pénalisante pour les finances publiques ». Il est indispensable que vous présentiez ce soir des propositions équitables en matière fiscale, pour que la réforme de la prestation compensatoire soit efficace et le travail du Parlement utile.

Pour l'essentiel, le groupe RPR est favorable au texte proposé et souhaite l'améliorer en apportant des réponses aux questions en suspens que je viens de soulever.

Mais, au-delà de cette réforme ponctuelle, le RPR souhaite qu'une véritable réforme du droit de la famille soit sérieusement engagée. Pour l'instant, on ne peut pas dire que le Gouvernement se soit véritablement attelé à cette tâche. Bien au contraire. Il a consacré ses efforts au vote de la loi sur le pacte civil de solidarité, pacte civil qui est venu ajouter de la confusion au sein du code civil et brouiller les reprères.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Depuis 1998, vous disposez du rapport de Mme Théry et, depuis septembre 1999, du rapport et des travaux de la commission présidée par Mme Dekeuwer-Défossez.

Vous vous êtes engagée, madame la garde des sceaux, sur la base de ce dernier rapport, à réformer le droit de la famille.

Pour nous, cette réforme ne doit pas se contenter de réparer les malheurs et les échecs de la vie ni se lancer dans une épuisante fuite en avant pour adapter le droit aux moeurs.

C'est bien dans la perspective d'un droit de la famille construit autour de repères stables, sûrs et compréhensibles que s'inscrit la réflexion du groupe RPR.

Le droit à la famille fait lui aussi partie des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Le nier ou le négliger, c'est non seulement priver l'homme d'une partie essentielle de son existence, mais détruire le lien social.

Nous en mesurons tous les jours les conséquences néfastes sur la vie sociale, en particulier chez les jeunes.

Mettre la famille au coeur d'un projet de société moderne, ouverte et solidaire, voilà l'un des défis essentiels que nous voulons relever en ce début de XXIe siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 25 février 1998 le Sénat adoptait à l'unanimité une proposition de loi sur la prestation compensatoire, proposition que vous-même, madame la garde des sceaux, avez accompagnée dans son principe.

Cette question d'importance est délicate et toute tentation partisane serait ici déplacée.

Les dispositions de la proposition de loi que nous allons maintenant examiner, fruits de ce lourd travail, ne sont pas parfaites, chacun en convient. Elles nécessitent que nous approfondissions la réflexion, que la navette parlementaire favorise des améliorations. Mais il n'y a pas de recette miracle, nous le savons bien, d'autant que la prestation compensatoire ne constitue qu'un aspect de la procédure du divorce qui date maintenant de plus de vingt ans.

Nous pensons, nous aussi, que cette question aurait dû être examinée dans le cadre d'une réforme globale de la législation sur le divorce qui, sans aucun doute, doit être simplifiée. Mais il y avait urgence.

La famille a subi au cours des dernières décennies des bouleversements majeurs, que le droit n'a pas suffisamment pris en compte. Pour dix mariages célébrés, quatre d ivorces sont prononcés, selon les statistiques. Un nombre croissant de familles monoparentales concerne 1,6 million d'enfants, vivant la plupart du temps avec leur mère.

S'il est incontournable que le divorce entraîne souvent l'isolement, en particulier celui de la femme, le critère à retenir pour l'octroi de prestations à vocation spécifique est d'un maniement délicat et nécessite vraiment une réflexion d'ensemble.

Pour autant, les situations d'urgence auxquelles sont confrontées de très nombreuses personnes, de par l'application de l'article 270 du code civil notamment, ont conduit l'ensemble des groupes parlementaires à élaborer d es propositions de loi qui, bien que différentes, conduisent toutes à assouplir les rigidités de la prestation compensatoire.

Nous pouvons nous féliciter aujourd'hui que la décision ait été prise de ne pas attendre et de prendre les dispositions nécessaires qui permettront de mettre un terme aux situations souvent insupportables que cette prestation impose à nombre de divorcés débiteurs.

Cela ne signifie pas que rien ne doive subsister du mariage une fois le divorce prononcé. D'ailleurs, personne ne remet en cause le principe généreux contenu dans la loi de 1975 qui organise les suites du divorce.

Cette loi entendait mettre fin au contentieux, très abondant et conflictuel entre les ex-époux, qu'entraînait le versement d'une pension alimentaire. La prestation compensatoire en diffère profondément en ce sens qu'elle constitue pour le législateur un forfait indemnitaire versé pour compenser - dans toute la mesure du possible, bien sûr - « la disparité que crée la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des conjoints ».

Les oratrices et les orateurs qui m'ont précédé ont abondamment parlé de toutes les difficultés liées à la prestation compensatoire, en raison même de l'évolution de la vie. Tout le monde ici pourrait citer des exemples des résultats insatisfaisants de la loi de 1975. Je n'y reviendrai pas, sauf sur un point.

La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire.

Elle ne peut être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

L'exceptionnelle gravité est examinée en fonction de la seule situation de celui qui l'invoque ; elle ne joue pas si celui qui a bénéficié de la prestation obtient des avantages financiers importans qui ne pouvaient pas être prévus au moment du jugement.

Quand on sait que même le décès du conjoint débiteur ne change rien, puisque les héritiers devront continuer à verser la rente, on est en droit de se demander ce qui pourrait constituer l'exceptionnelle gravité...

M. Alain Vidalies, rapporteur.

C'est vrai !

M. Bernard Outin.

Ainsi, il a été jugé que le licenciement d'un débiteur ne constituait pas un changement imprévisible, compte tenu du contexte économique, et ne pouvait, par conséquent, justifier une révision. Il en a été jugé de même pour la mise à la retraite anticipée et la liquidation judiciaire.

Dans ces cas précis, non seulement l'application stricte de la loi est contraire à l'objectif visé par le législateur, mais encore, elle est redoutable pour le débiteur, qui se trouve, du jour au lendemain, dans une situation d'une injustice criante.

Force est de constater que, dans le contexte économique et social actuel, ces cas ne sont pas isolés. A l'heure où notre pays compte plus de deux millions et demi de chômeurs, à l'heure où un foyer sur trois est touché par le problème de la perte d'emploi, il est urgent de modifier la loi, d'autant que, dans la tranche d'âge la plus confrontée au divorce, la proportion de chômeurs de longue durée est la plus élevée.

Au surplus, la révision de la prestation n'est pas envisagée lorsque la situation du conjoint bénéficiaire de la rente s'est modifiée. Il est des cas, et nous en connaissons, où le conjoint débiteur se trouve financièrement et matériellement en bien plus grande difficulté que la personne à laquelle il doit apporter son soutien.

La proposition de loi adoptée par le Sénat est un texte de compromis qui comporte sans aucun doute des avancées réelles.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Notre groupe ne peut que se féliciter que notre commission des lois soit allée dans le même sens en améliorant et en précisant certaines dispositions clés du dispositif.

En insistant par exemple sur la nécessaire disparition de la rente au profit du versement d'un capital, la commission nous propose non seulement de rappeler ce qui doit rester la règle, mais, tenant compte de la situation économique et sociale, elle donne les moyens au débiteur d'accéder à cette forme de versement en échelonnant son règlement sur plusieurs années.

Ainsi, le juge ne pourra plus fixer la prestation compensatoire sous forme de rente « qu'à titre exceptionnel » et par décision « motivée », en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier.

Par ailleurs, les précisions apportées quant aux modalités de fixation du montant de la prestation, qui prendront en considération la durée du mariage et la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, nous semblent répondre aux interrogations de nombre d'intéressés.

Une autre question générait légitimement colère et souvent incompréhension : je veux parler de la révision de la rente qui, jusqu'alors, ne bénéficiait que d'une application très restrictive, voire impossible.

Nous souscrivons pleinement à l'élargissement des possibilités de révision de la rente en cas de changement notable dans les ressources ou les besoins des parties, changement susceptible d'être invoqué par le débiteur comme par ses héritiers. De même, la prise en compte de la pension de réversion dont bénéficie le créancier de la prestation est une disposition, à notre sens, très positive.

Permettez-moi, cependant, Mme la garde des sceaux, de m'interroger sur l'application concrète de cette juste mesure au règlement des situations en cours. Comment, en effet, les tribunaux, déjà asphyxiés par la charge des affaires en attente, vont-ils pouvoir faire face aux dizaines de milliers de demandes en révision qu'elle induit ? Des moyens ont-ils été prévus pour régler, dans les meilleurs délais, les situations conflictuelles ? Notre collègue Patrick Braouezec m'a signalé à plusieurs reprises des cas où les héritiers du débirentier décédé doivent renoncer à la succession parce qu'ils ne peuvent pas prendre en charge la prestation compensatoire. Dans d'autres cas, le débirentier ne se remarie pas pour éviter que sa seconde épouse ou les enfants issus de cette nouvelle union n'héritent de cette charge.

Il est vrai qu'il existe des situations qui nous font réfléchir, et l'exemple que vous avez évoqué, madame la ministre, lors du débat au Sénat nous amène effectivement à nous interroger sur la brutalité d'une mesure qui consisterait à poser le principe de l'intransmissibilité.

Mais la transmissibilité, même sous condition de révision, est-elle justifiable ? Dans une société moderne, qui doit prendre en charge les personnes sans ressources, la solidarité ne doit-elle pas être de la responsabilité des pouvoirs p ublics ou de la collectivité ? Comme le disait Robert Pagès en février 1998, les propositions qui nous sont faites introduisent une certaine souplesse permettant de sauvegarder les intérêts de chacun, mais elles n'ont pas vocation à clore le débat.

Pour conclure, je souligne à nouveau que l'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée de cette proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat en février 1998 est opportune. Je souhaite que ce texte puisse aboutir rapidement tant il est urgent de remédier à une situation douloureuse pour nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le présent texte est attendu depuis de longues années par nombre de nos concitoyens divorcés. L'UDF se réjouit que, presque deux ans après avoir été adoptée par le Sénat, la réforme de l a p restation compensatoire vienne enfin en discussion devant l'Assemblée nationale.

Pour aborder l'examen de cette réforme, il convient de rappeler les apports majeurs de la loi du 11 juillet 1975 sur le divorce et de préciser les raisons qui nous amènent aujourd'hui à la modifier.

Les deux idées majeures de la loi de 1975 restent d'actualité : détacher les conséquences pécuniaires du divorce de la question des torts ; éviter les sources de conflits postérieurs en conférant un caractère définitif à l a décision prise.

L'objectif de la loi de 1975 était de concentrer les effets patrimoniaux du divorce au moment de son prononcé et de donner à la prestation compensatoire un caractère indemnitaire, c'est-à-dire forfaitaire et invariable.

Si, dans cet esprit, l'article 275 du code civil prévoit bien le versement de la prestation compensatoire sous forme de somme d'argent, la portée de ce principe a été affaiblie par l'article 276, qui dispose qu'à défaut de capital, ou si celui-ci n'est pas suffisant, la prestation compensatoire prend la forme d'une rente. La notion de prestation compensatoire a ainsi perdu de sa clarté en revêtant une nature double : indemnitaire en cas de versement d'un capital, alimentaire en cas de versement d'une rente. Du moins est-ce la confusion qui a régné chez bon nombre de justiciables et d'intervenants.

En effet, quelle que soit la forme du paiement, la prestation compensatoire conserve en droit son caractère indemnitaire, avec les conséquences qui en découlent : en tant qu'indemnité, elle est forfaitaire ; son montant est invariable, d'où l'absence de révision sauf cas d'exceptionnelle gravité ; la dette est transmissible et entre dans le patrimoine de la succession, par conséquent dans celui des héritiers.

Après vingt-cinq années d'application, le régime de la prestation compensatoire, confronté aux difficultés nées de l'écoulement du temps et de la modification des conditions économiques et sociales, a conduit à de réelles injustices. L'objet de ce texte est donc double : éviter que ces injustices ne se reproduisent à l'avenir et les réparer pour ceux qui, de nos jours, en sont les victimes.

Dans quelle mesure faut-il modifier la loi de 1975 ? Pour l'UDF, il n'y a pas lieu d'en remettre en cause les principes. Il faut donc, nous en sommes tous d'accord, maintenir le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire. En revanche, il convient, comme l'a indiqué Mme la garde des sceaux, de rechercher un équilibre entre les droits du conjoint créancier, ceux du conjoint débiteur et, le cas échéant, ceux des héritiers de ce dernier.

Cinq idées principales ont conduit la réflexion du groupe UDF.

Premièrement, l'évaluation de la prestation compensatoire à partir de la situation des parties au moment du divorce.

Deuxièmement, la fixation obligatoire par le juge du montant en capital de la prestation compensatoire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Troisièmement, la variété et la souplesse dans les modalités de paiement : versement du capital en une ou plusieurs fois, avec un étalement maximum sur huit ans ; abandon de biens meubles ou immeubles, en pleine propriété ou en usufruit ; voire, comme cela a été proposé utilement, conversion du capital fixé en rente viagère dans les situations exceptionnelles et sur décision spécialement motivée par le juge.

Quatrièmement, la révision de la prestation compensatoire en cas de changement substantiel dans la situation des parties, révision ouverte aux parties ainsi qu'aux héritiers de l'époux débiteur.

Cinquième idée, enfin, ne pas laisser la loi fiscale torpiller la loi civile.

M. François Léotard.

Très bien !

M. Emile Blessig.

Je ne développerai que le premier et le dernier point dans le cadre de la présente intervention.

L'article 271 du code civil commande au juge de fixer la prestation compensatoire en fonction des besoins de l'époux créancier et des ressources de l'autre conjoint au moment du divorce et en fonction de l'évolution de leur situation dans un avenir prévisible. Nous proposons que la référence à l'évolution des situations respectives soit supprimée, car la loi ne peut demander au juge d'asseoir sa décision sur sa lecture de l'avenir des situations des parties. Lequel d'entre nous, chers collègues, pourrait soutenir qu'il a une idée précise de ce que sera sa situation dans les trois ou quatre ans qui viennent ? Dans ces conditions, comment justifier que la loi impose cet exercice au juge pour les conjoints qui divorcent, souvent pour de longues années, compte tenu de l'allongement de la durée de vie ? L'évolution du nombre des divorces, la modification du statut des époux, par rapport à 1975, dans le sens d'une parité généralisée, ainsi que l'allongement de la durée de vie, plaident en faveur de l'évaluation de la situation des parties par le juge au moment du divorce, et exclusivement à ce moment-là.

Nous avons également le souci de ne pas laisser la loi fiscale torpiller la loi civile. L'une des raisons du succès de la prestation compensatoire sous forme de rente est son statut fiscal avantageux. En effet, alors que le débiteur de la prestation compensatoire en capital n'a droit à aucune déduction fiscale, la rente est déductible du revenu du débiteur et imposable entre les mains de l'époux créancier : elle suit sur ce point le régime fiscal des pensions alimentaires.

J'ai déposé un amendement, cosigné par notre collègue Charles de Courson, prévoyant que le versement d'une prestation compensatoire en capital ouvrirait droit, pour le débiteur, à déduction chaque année, dans la limite de huit ans, d'un huitième du montant du capital versé, montant qui serait en contrepartie, et fort logiquement, imposé entre les mains du créancier. Il s'agit, à notre sens, d'une mesure d'équité et de simplification, qui uniformiserait le régime fiscal de la prestation compensatoire en capital, quelles qu'en soient les modalités de paiement.

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. Emile Blessig.

Si fixer dans la loi les nouvelles modalités de la prestation compensatoire est une nécessité, réparer les dérives et les injustices nées de l'application de la loi du 11 juillet 1975 est également indispensable. C'est pourquoi le groupe UDF est favorable au principe de la révision à la baisse des prestations compensatoires allouées sous l'empire de la loi de 1975, en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. Le tribunal fixera à cette occasion le montant résiduel de la prestation compensatoire, à la date de la demande de révision, en tenant compte éventuellement des sommes déjà versées. Cette action en révision devra bien entendu être ouverte aux héritiers de l'époux débiteur.

Deux observations rapides en forme de conclusion.

Pour M. le doyen Carbonnier, l'un des pères de la loi de 1975, « la législation n'est pas seulement une fabrication de règles de droit, elle doit être aussi une sorte de service après-vente ». C'est ce que nous faisons ce soir en adaptant cette loi aux évolutions de nos modes de vie, dans l'intérêt des 16 000 à 18 000 couples qui divorcent chaque année dans notre pays et dont le divorce s'accompagne du versement d'une prestation compensatoire.

Mais ce toilettage de la loi ne doit pas nous conduire à repousser l'examen plus global des relations patrimoniales et pécuniaires des parties au moment du divorce. Le rapport Dekeuwer-Defossez a proposé des pistes très intéressantes quant au régime des donations entre époux et à l'intégration du partage de communauté dans la procédure de divorce. Nous espérons que cette réforme viendra prochainement conforter le résultat de nos présents travaux.

Ma seconde observation, madame la garde des sceaux, concerne les justiciables qui, souvent depuis de longues années, souffrent des dispositions de la loi de 1975.

Régulièrement, des poursuites pénales sont engagées, et plusieurs dizaines de personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement, parfois ferme, faute de pouvoir payer, de bonne foi, à l'ex-époux créancier la prestation compensatoire fixée bien des années plus tôt. A la lumière de nos débats et des modifications législatives que nous allons adopter, je vous demande, au nom de l'UDF, si vous entendez donner des directives générales aux parquets, pour attirer leur attention sur les dispositions de la loi nouvelle et leur demander d'en tirer toutes les conséquences quant aux infractions nées sous l'emprise de la loi ancienne.

M. Yves Nicolin.

Très bien !

M. Emile Blessig.

De même, et a fortiori , la situation des personnes condamnées et incarcérées de ce chef de poursuite ne devrait-elle pas faire l'objet d'un examen par le juge de l'application des peines ?

M. Yves Nicolin.

Absolument !

M. Emile Blessig.

Au bénéfice de ces observations, le groupe UDF votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la nécessité de revoir certains aspects du régime de la prestation compensatoire, qui ne correspond plus à l'évolution de la société. Cette réforme, attendue et espérée par nombre de nos concitoyens, va nous permettre d'introduire proportion et modération dans le droit de la prestation compensatoire.

L'institution de celle-ci, en 1975, avait pour but de compenser la disparité des conditions de vie entre les exépoux qui pouvait résulter du divorce. La législation devait répondre au cas le plus fréquent, celui de l'épouse restée sans travailler durant son mariage et se trouvant


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

sans aucune ressource au moment du divorce. Ainsi, la prestation compensatoire consacrait un droit d'assistance et de solidarité au profit du conjoint le moins fortuné.

Elle devait être versée sous forme de capital, ou, à titre exceptionnel, sous forme de rente.

Aujourd'hui, l'exception est devenue la règle, et c'est à mon avis d'autant plus regrettable que le cadre légal présente une certaine rigidité. Ainsi, la prestation compensatoire ne peut être révisée qu'à titre exceptionnel, ce qui implique qu'elle ne l'est pas même lorsque des changements importants surviennent dans les ressources des parties.

Nous ne remettons pas en cause bien sûr, l'esprit originel de la prestation compensatoire. Il s'agissait de répondre à une situation sociétale. Mais, depuis les années 70, les choses ont bien changé. Les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail et, très souvent, elles s'assument financièrement. Il arrive même parfois, lorsqu'elles travaillent au moment du divorce, qu'elles refusent de recevoir ce type d'assistance. Pourquoi alors persister à maintenir un système archaïque que nous dénonçons tous, dans une unanimité et un calme peu coutumiers sur ces bancs ? (Sourires.)

La situation créée aujourd'hui par le régime de la prestation compensatoire n'est tolérable ni socialement ni juridiquement. Figée au moment du divorce, la rente n'est pas revue en fonction des évolutions postérieures. Le débiteur est obligé de poursuivre les versements même lorsque sa situation financière s'est dégradée. Nous ne sommes plus dans le contexte de plein emploi que nous avons connu dans les années 70 ! Pourquoi le chômage, la retraite ou la maladie ne sont-ils pas des motifs de révision ? Pourquoi, à l'inverse, l'amélioration de la situation financière du bénéficiaire n'est-elle pas prise en compte ? Je tiens également à souligner l'existence de situations anormales provoquées par la transmission de la dette aux enfants. Ce principe posé par la législation aboutit à des situations ubuesques, par exemple lorsque les enfants d'un premier mariage doivent verser cette pension à vie, après le décès de leur parent remarié, à un nouvel époux avec lequel ils n'ont aucun lien de parenté et qu'ils ne connaissent parfois même pas ! La prestation compensatoire privilégie l'un des époux divorcés, ce qui est en contradiction avec l'esprit du droit de la famille. Elle peut porter préjudice à l'enfant d'un second mariage, par exemple. La transmission de la dette aux héritiers est intolérable sur le plan de la morale. De telles situations ne peuvent persister. C'est pourquoi, madame la ministre, je me félicite de la réforme que vous envisagez.

J'aimerais toutefois appeler votre attention sur plusieurs points.

Le rapport Théry de mai 1998 souligne que si la prestation compensatoire doit être maintenue, elle ne saurait conduire à conserver un statut social comme un droit acquis par le mariage. Elle devrait simplement permettre de rétablir un équilibre rompu du fait de choix pris en commun par les époux pendant la vie commune. C'est pourquoi les Verts sont particulièrement favorables au versement d'un capital au moment du divorce, « pour solde de tout compte », pourrait-on dire. Les biens acquis pendant le mariage permettront, dans bien des cas, de clore la situation avec équité. Si le versement sous forme de capital ne peut être envisagé, alors, conformément à l'esprit de la loi de 1975, celui-ci pourra être converti en rente. Cependant, cette rente devra être révisable et révisée en fonction des changements de la situation économique des deux ex-époux. Par exemple, en cas de remariage de l'époux créancier, il n'y aurait plus lieu de maintenir la prestation.

Par ailleurs, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des personnes incarcérées pour non-versement des prestations. Chaque année sont prononcées des peines d'emprisonnement ferme, faute pour les prévenus de pouvoir ou de vouloir continuer à verser une prestation compensatoire fixée par le juge civil bien des années auparavant. Cette situation est légitime sur le plan du droit, mais difficilement acceptable sur celui de la morale. C'est le cas notamment lorsque la prestation est censée satisfaire à une obligation sociale qui a disparu. Ainsi, des ex-époux arrivent à être condamnés pour abandon de famille, alors même que le divorce met fin au devoir de secours. Ce type de condamnation reste bien sûr nécessaire lorsqu'il s'agit de parents qui abandonnent leur famille sans verser de pension alimentaire, mais il apparaît injuste dans bien des situations relatives à la prestation compensatoire.

Pour conclure, j'aimerais insister sur certains aspects de la législation familiale qui interpellent les députés Verts.

La réforme relative aux prestations compensatoires était une nécessité ; elle va être votée et c'est excellent. Mais il existe d'autres réformes auxquelles nous tenons. L'une d'elles en particulier me paraît nécessiter l'intervention urgente du législateur.

Si les divorces créent souvent des situations humainement difficiles, les séparations de couples concubins peuvent provoquer de véritables drames lorsqu'il y a eu adoption. On m'en a cité plusieurs exemples. La législation actuelle n'attribue en effet l'autorité parentale qu'à un seul des concubins. S'ils viennent à se séparer, l'autre n'a aucun droit et c'est un drame pour lui, car il perd l'enfant auquel il s'était attaché. Pensez-vous, madame la ministre, régler prochainement ce problème ? Plus globalement, nous souhaitons que la grande loi sur la famille que vous avez annoncée nous permette de moderniser notre législation en l'humanisant et surtout en l'adaptant à une société en perpétuelle évolution. C'est votre volonté, j'en suis sûr, et c'est pourquoi les députés Verts voteront la modification du régime de la prestation compensatoire, qu'ils considèrent comme un premier pas vers la réforme beaucoup plus large que vous nous avez promise.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, enfin un texte consensuel sur lequel, droite et gauche réunies, nous devrions pouvoir nous entendre. Certes, M. Gouzes a vanté les mérites de la proposition de loi du groupe socialiste. Mais il n'est pas question ici de discuter de l'antériorité de tel ou tel texte. Nous sommes là pour essayer de résoudre un vrai problème.

M. René Dosière.

M. Gouzes ne demande pas de droit d'auteur ! (Sourires.)

M. Yves Nicolin.

Encore heureux !

« Pourquoi suis-je condamné à la perpétuité ? Pire, pourquoi mes enfants vont-ils recevoir cette perpétuité en héritage ? » Qui n'a jamais entendu ces questions ? Si nous nous retrouvons ce soir, c'est précisément pour mettre fin, au-delà de nos divergences politiques, à de telles situations ubuesques.

Pauline et Stéphane sont frère et soeur. Ils ont dix-huit et vingt-quatre ans. Pauline entame ses études. Stéphane, lui, est comptable et gagne 7 500 francs par mois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Chaque fin de semaine, ils se rendent à la campagne dans la maison familiale où ils ont grandi, pour y retrouver leur père, aujourd'hui à la retraite. Mais voici que leur père décède. Premier choc ! Le notaire chargé de la succession révèle aux enfants en deuil que leur père a été marié une première fois et qu'à ce titre, il versait mensuellement une rente de prestation compensatoire de 5 600 francs à cette ancienne épouse.

Deuxième choc ! Il leur indique aussi que la rente à verser à une femme, qui n'est pas leur mère et dont ils découvrent l'existence, est désormais à leur charge et jusqu'à son décès. Troisième choc ! L'actif de la succession est composé essentiellement de la maison familiale à laquelle ils sont bien évidemment très attachés. Or Pauline, l'étudiante, n'a pas de ressources propres tandis que Stéphane ne peut assumer cette rente de 5 600 francs. La seule solution consiste donc à vendre la maison de famille pour entretenir à vie cette personne qui est pourtant remariée et vit confortablement. Quatrième choc ! Pauline et Stéphane, qui ne sont coupables de rien, devront donc se séparer de leur maison et assumer cette lourde charge toute leur vie sur leur modeste budget familial respectif, sous peine d'emprisonnement.

Voilà l'une des nombreuses situations, aberrantes mais bien réelles, que beaucoup sur ces bancs ont été amenés un jour à rencontrer dans leur circonscription.

M. Patrice Martin-Lalande.

Hélas !

M. Yves Nicolin.

C'est la raison pour laquelle, depuis une dizaine d'années, plusieurs propositions de réforme de la loi de 1975 ont été déposées par le Parlement et quelque 244 questions écrites ont été adressées aux ministres de la justice successifs.

M. Rudy Salles et M. Pierre-Christophe Baguet.

Eh, oui !

M. Yves Nicolin.

Alors, madame la garde des sceaux, je vous félicite d'avoir accepté que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour prioritaire de notre Assemblée.

Mme Véronique Neiertz.

Très bien !

M. Yves Nicolin.

Il aura toutefois fallu attendre deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour que ce texte du Sénat émanant de l'opposition...

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Et du groupe communiste !

M. Yves Nicolin.

... vienne en discussion.

Pourtant, derrière nos nombreuses initiatives parlementaires, il y a surtout l'immense attente de ces hommes et de ces femmes qui, en divorçant, croyaient sincèrement tourner une page de leur existence, de ces enfants de divorcés dont la douleur est déjà considérable, ainsi que de ces veuves ou seconds époux, tous condamnés à entretenir à vie une personne devenue étrangère, laquelle est bien souvent remariée et cumule parfois deux ou plusieurs rentes.

En substituant la prestation compensatoire à la pension alimentaire entre époux divorcés, la loi de 1975 avait pourtant cherché à limiter le plus possible les sources de conflits ultérieurs en donnant un caractère forfaitaire et quasi définitif à cette compensation et, donc, au divorce.

Il en est résulté deux principes inscrits dans notre code civil : le divorce met fin au devoir de secours entre exépoux ; le versement d'un capital constitue le principal moyen de paiement de la nouvelle prestation.

Or, dans la pratique, la rente est devenue la règle.

D'indemnitaire, la prestation compensatoire est de fait devenue alimentaire. En même temps, sa justification - conserver définitivement le statut social acquis pendant le mariage - s'avère aujourd'hui ringarde à l'heure où les femmes, en particulier, aspirent à l'indépendance, à davantage de responsabilité dans le travail et la vie publique, et à une plus grande égalité des sexes.

Mais le mariage conduit parfois une épouse ou un époux à renoncer à des perspectives professionnelles ou à des droits à la retraite. Cette renonciation dans l'intérêt de la famille et de l'autre époux dont la situation a été ainsi privilégiée, peut se transformer, au moment du divorce, en un véritable préjudice moral et matériel.

C'est pourquoi j'ai proposé avec plusieurs collègues du RPR, de l'UDF et de Démocratie libérale, de remplacer cette prestation compensatoire quelque peu périmée, par une indemnité de séparation versée en capital, dont le fondement serait de permettre l'adaptation de l'époux le plus fragile, à la nouvelle situation créée par la rupture.

La rente ne serait envisagée que de façon très subsidiaire.

En tout état de cause, sa révisibilité, son intransmissibilité et sa fin de plein droit en cas de remariage ou de conclusion d'un PACS seraient prévues.

Ma proposition de réforme tendait vers un objectif clair, qui je crois a été compris par la commission : donner aux époux les moyens de leur autonomie et de leur liberté futures. Grâce au Sénat que vous ne pourrez plus taxer de ringardise, et à sa majorité, consciente des évolutions sociales contemporaines, une proposition de réforme a pu enfin être inscrite à l'ordre du jour et adoptée en première lecture.

M. René Mangin.

Une fois n'est pas coutume !

M. Yves Nicolin.

Ce texte suscite un réel espoir, pour les 400 000 débiteurs qui attendent depuis si longtemps une réforme de la prestation compensatoire. Mais pour ne pas manquer son but, une telle réforme ne pourra se satisfaire de demi-mesures. Elle devra donc apporter de vraies solutions aux difficultés que pose l'actuel régime de la prestation compensatoire.

Premièrement, elle doit garantir le versement en capital. Afin de faciliter pour chacun la mise en oeuvre de ce capital, il faudra prévoir un versement échelonné, garanti le cas échéant par une assurance. De même, il convient de permettre au débiteur d'annuités ce que l'on permet au débiteur de la rente : la déduction fiscale de ces annuités.

Deuxièmement, la loi devrait tirer les conséquences de la pratique qui s'est développée au sein des différentes cours d'appel, en cherchant à uniformiser les critères et les montants de ces prestations aujourd'hui très disparates. Un réel besoin d'harmonisation des prestations - comme des pensions alimentaires d'ailleurs - se fait cruellement sentir aujourd'hui, non seulement à l'intérieur de chaque ressort de cour d'appel, mais aussi entre les juridictions de notre pays.

C'est pourquoi un barème indicatif - nous n'en demandons pas plus - établi en considération des jugements rendus sur plusieurs années, favoriserait la prévisibilité des décisions en matière de prestation compensatoire ainsi que leur homogénéité sur l'ensemble des tribunaux, sans porter atteinte à l'appréciation souveraine des juges.

Troisièmement, dans l'hypothèse, qui doit rester exceptionnelle, où les parties n'auraient vraiement d'autre solution que d'opter pour la rente, il est absolument néces-


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saire d'ouvrir un droit réel à sa révision, voire à sa suppression, dans les situations suivantes : évolution des besoins et ressources de chacun, montants déjà versés, éventuel remariage, PACS, ou concubinage notoire du créancier, enfin bien sûr, décès du débiteur.

L'idée d'une révision en cas de « changement important » nous paraît en effet trop vague et encore trop voi-s ine des cas « d'exceptionnelle gravité » prévus par l'article 273, qui interdit précisément aujourd'hui toute révision de la prestation compensatoire, en dehors des cas extrêmes d'exclusion et de cessation d'activité consécutive à une maladie grave.

Quatrièmement, ce droit à la révision selon des critères souples et précis, comme le principe d'intransmissibilité successorale de la rente, devrait naturellement s'appliquer aux rentes en cours, afin de permettre à ces milliers de familles parfois plongées dans les situations dramatiques que nous connaissons, d'obtenir rapidement du juge aux affaires familiales, une décision plus juste sur le fondement de la nouvelle loi.

Enfin, madame la garde des sceaux, j'attire votre attention sur les quelques dizaines de débiteurs actuellement incarcérés ou sur le point de l'être pour abandon de famille, après cessation de versement des rentes de prestation compensatoire.

L'esprit qui nous anime tous ici ce soir ne devrait-il pas vous conduire à donner dès à présent instruction aux magistrats d'éviter de requérir des peines d'emprisonnement pour celles et ceux qui, bien que ne vivant pas une situation exceptionnellement grave au sens de l'article 273, ne sont à l'évidence pas en mesure d'honorer cette dette ? En conclusion, je souhaite avec le groupe Démocratie libérale, une réforme qui, dans l'esprit de la proposition de notre collègue le sénateur Nicolas About, soit susceptible de donner à celles et ceux qui décident de se séparer, ainsi qu'à leurs enfants, les moyens d'un vrai nouveau départ dans la vie. Le régime de la future indemnité ou prestation qui naîtra de cette réforme, devra consacrer ce droit à l'autonomie des ex-époux, c'est-à-dire à la liberté.

Rien n'est sans doute pire après un mariage qui se brise, qu'un divorce qui s'éternise.

C'est pourquoi, madame la garde des sceaux, le groupe Démocratie libérale soutiendra cette proposition de loi, en souhaitant que le Gouvernement et nos collègues de la majorité se montrent un peu plus ouverts sur un sujet qui transcende nos clivages politiques. En effet, une fois encore, aucun de nos amendements n'a été accepté par la commission, et c'est regrettable.

Mme Véronique Neiertz.

C'est faux ! D'ailleurs vous n'étiez pas en commission !

M. Yves Nicolin.

Je suis membre de la commission des affaires sociales, pas de la commission des lois !

Mme Véronique Neiertz.

Vous ne pouvez donc pas savoir ce qui s'est passé !

M. le président.

Madame Neiertz, laissez M. Nicolin achevez son propos !

M. Yves Nicolin.

Je sais lire les comptes rendus, madame Neiertz !

M. Yves Nicolin.

Enfin, madame la garde des sceaux, il faut aussi prévoir des moyens pour permettre à la justice de fonctionner car les demandes reconventionnelles sur ce sujet ne manqueront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

M me Véronique Neiertz Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, M. le rapporteur et les différents intervenants ayant largement exposé les principes qui nous avaient guidés dans la réforme de la prestations compensatoire, je voudrais que puisse aussi s'exprimer de cette tribune ceux et celles qui sont directement concernés, à savoir les victimes. Comme vous tous, j'ai reçu énormément de courrier sur cette question. J'en ai retenu deux plus précisément dont je voudrais vous lire quelques lignes.

Le premier émane d'un homme divorcé.

« Divorcé depuis 1991, je verse une prestation compensatoire de 4 750 francs, soit 30 % de mes revenus mensuels - loi de 1975. Me voilà maintenant retraité depuis le 1er janvier 2000. Je vois donc mes revenus diminuer très sensiblement. Je suis logé par ma deuxième épouse, n'ayant pu emprunter pour me loger depuis 1991 ni conserver mon véhicule. Or, depuis plus d'un an, mon ex-épouse, elle, bénéficie de revenus supplémentaires.

Après quarante ans de travail je n'ai pas de toit et je suis condamné à vie... et à mort puisque cette condamnation perdurera pour mes enfants et mon épouse actuelle.

« C'est donc un cri de détresse que je vous adresse. Je vous demande qu'une loi plus juste soit adoptée, qu'il y ait une limite, un seuil, qu'il nous soit possible de faire appel des prestations en cours lorsque l'équilibre n'existe plus... »

Le second courrier m'a été adressé par une femme qui a épousé un homme divorcé. Il illustre donc, sous un angle différent, le problème qui nous préoccupe.

« J'ai épousé un divorcé mais pas n'importe lequel, un divorcé redevable à vie de la prestation compensatoire à son ex-épouse. Même si mon mari décède, je devrai continuer à subvenir aux besoins de l'ex-épouse, quelle que soit ma situation. Il faut changer cette loi. Il faut que la dette soit évaluée à un montant défini au moment du divorce, et non plus sous la forme d'une rente à vie. Je vous fais confiance pour mettre fin à cette loi inique. »

Tout est dit, ou presque, dans ces deux courriers de victimes de la loi de 1975 - ou plutôt de son application car l'intention du législateur n'était pas exactement cellelà : ...

M. Patrice Martin-Lalande.

Ce n'est pas la loi, c'est la jurisprudence !

Mme Véronique Neiertz.

... tout d'abord, la nécessité du versement sous forme de capital pour apurer la situation avant la mort du débiteur ; ensuite, celle d'en finir avec le régime de la rente viagère transmissible aux héritiers ; enfin, celle de réviser ou de pouvoir réviser le montant de la prestation compensatoire en cas de changement notable dans la situation du débiteur. Tels sont exactement les principes de la réforme dont nous discutons ce soir et qui nous ont guidés pour mettre au point ce nouveau texte.

Pour ma part, j'aurais souhaité supprimer dès maintenant la rente viagère et le principe de sa transmissibilité aux héritiers. Cette question a d'ailleurs été longuement évoquée au sein du groupe de travail et de la commission. En effet, le mariage n'est pas une assurance-vie.

M. René Mangin.

Très juste !

Mme Véronique Neiertz.

Et les femmes d'aujourd'hui le savent bien. Dans leur très grande majorité, elles travaillent et ont ainsi acquis leur autonomie financière.


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Mais avec la suppression de la rente viagère, nous risquerions de créer une nouvelle catégorie de victimes, celle des femmes d'un certain âge ayant peu ou pas travaillé, ou ayant travaillé comme conjoint de commerçant, d'artisan, de profession libérale sans être déclarée comme salariée et qui sont donc, au moment du divorce sans ressources personnelles ni possibilité de percevoir une retraite décente.

Mme Nicole Catala.

Tout à fait !

Mme Véronique Neiertz.

Par conséquent, nous avons décidé de remplacer la rente viagère par le versement d'un capital du vivant du débiteur, ce qui répond à la principale préoccupation exprimée dans tous les courriers que nous avons reçus.

Parallèlement, nous avons profondément modifié les conditions d'octroi de la rente viagère afin qu'elle devienne tout à fait exceptionnelle et que son montant - si elle est décidée malgré tout - puisse être révisé à la baisse, voire supprimé. Tel sera le sens d'un amendement du groupe socialiste.

Si je suis favorable à la suppression progressive de la rente viagère, je suis en revanche défavorable à celle de la prestation compensatoire, bien que j'aie noté l'étonnement de quelques collègues qui se demandent pourquoi on aurait droit à une prestation compensatoire dans un certain nombre de divorces.

Comme son nom l'indique, la prestation compensatoire compense. Elle compense une série d'inégalités persistantes entre hommes et femmes. A ce titre, elle restera indispensable tant que les salaires des femmes seront inférieurs de 30 % à ceux des hommes, tant que les pouvoirs publics encourageront les femmes à quitter le marché du travail en créant des prestations comme l'APE ou que les entreprises leur imposeront le temps partiel, et, enfin, tant que les pouvoirs publics et les entreprises n'accepteront pas de rendre concrètement compatible dans le quotidien la vie familiale et la vie professionnelle. Autant dire, madame la garde des sceaux, que la prestation compensatoire a encore de beaux jours devant elle ! (Sourires.) Cela étant, avec ce texte, nous commençons à adapter le droit de la famille aux nouvelles formes de vie familiale et sociale. Nous avons été aidés dans notre réflexion par le Sénat et par le rapport que Mme Dekeuwer-Défossez, vous a remis, madame la garde des sceaux. J'espère maintenant qu'avec l'aide du Gouvernement et au-delà des clivages politiques ou des divergences entre les deux chambres, nous allons pouvoir mettre fin aux injustices de la loi de 1975, sans pour autant créer, par la loi de l'an 2000, d'autres catégories d'injustices et donc d'autres catégories de victimes.

Enfin, s'agissant du régime fiscal, je préconise d'effacer tout avantage susceptible de rendre la rente plus attractive que le capital. Supprimons donc les avantages fiscaux. En suivant ma suggestion, madame la garde des sceaux, vous serez en outre dans les meilleurs termes avec votre collègue des finances. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

M me Christine Boutin.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, parmi tous les points du droit de la famille qu'il était envisagé de réformer, la prestation compensatoire est très certainement le dispositif dont la modification est la plus justifiée, la plus nécessaire et la plus urgente. Nous pouvons donc nous féliciter qu'il y ait une volonté commune de procéder à cette révision ; initiée par le Sénat, celle-ci a été reprise et complétée par l'Assemblée et le Gouvernement.

Dans l'esprit de la loi de 1975, la prestation compensatoire n'était ni une pension alimentaire, ni une indemnité compensatoire de reconversion. Néanmoins, avec la banalisation du paiement par rente, elle s'est rapprochée de la première, ce qui l'a éloignée de l'objectif de 1975.

Les modifications proposées par le Sénat et complétées en commission, loin de dénaturer en profondeur les dispositions de la loi de 1975, comme vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, proposent au contraire de renforcer les principes qu'elle avait posés.

De façon quasi unanime, les associations, les débiteurs et les juristes qui ont travaillé sur ce sujet se sont exprimés en faveur d'un paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital. Je partage cet avis. Il apparaît nécessaire de tout faire pour éviter un paiement sous forme de rente, en raison des complications que cela pose par la suite. Il faut donc nous donner les moyens d'y parvenir, et les amendements qui ont été proposés, notamment par le groupe UDF, permettront de garantir le recours systématique au paiement par capital et d'éviter que la jurisprudence dérive à nouveau vers le paiement par rente. Ce dernier apparaît en réalité comme une fausse bonne solution pour les débiteurs les moins aisés, alors que c'est précisément en raison de leur situation financière qu'il leur est appliqué. Cela est d'autant plus injuste que ces débiteurs par rente se retrouvent dans un système où, d'un côté, ils versent souvent sur le long terme un montant total bien supérieur à celui qu'ils auraient versé en capital alors que, d'un autre côté, ils ne disposent pas des liquidités nécessaires après leur divorce pour pouvoir verser la prestation sous forme de capital.

C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement de mon collègue Blessig qui prévoit que la prestation compensatoire devra toujours être calculée en capital, quelles que soient par la suite les modalités de son paiement. La possibilité de fractionner le paiement du capital sur huit ans devrait également grandement favoriser le recours au versement en capital.

Toujours pour favoriser le paiement en capital, il semble nécessaire de prévoir une réforme du régime fiscal.

Nombre de mes collègues y ont fait allusion. Ce versement devrait bénéficier du même régime que la rente et donc être déductible du montant des revenus imposable des débiteurs. Si je peux comprendre qu'une telle réforme fiscale ne soit pas possible aujourd'hui, je souhaiterais, madame la garde des sceaux, que vous puissiez vous engager à ce qu'elle figure dans le prochain projet de loi de finances. Ce serait un bon moyen d'éviter le versement de la prestation sous forme de rente et d'encourager le versement en capital, ce qui est l'un des principaux objectifs de ce texte nécessaire et urgent.

La transmissibilité de la rente viagère aux héritiers du débiteur a suscité des critiques compréhensibles de la part d es personnes concernées, notamment du nouveau conjoint du débiteur. Ses conséquences devraient être limitées en raison de la possibilité retenue par la commission d'ouvrir des actions en révision et de transformer la rente en capital pour les héritiers. Pour des raisons juridiques, la suppression aujourd'hui de cette transmissibilité aurait des conséquences très importantes et léserait considérablement l'ex-conjoint auquel on a attribué un droit à compensation. Pour l'instant, il est nécessaire, comme


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vous l'avez dit, madame la garde des sceaux, de bien informer les héritiers sur la nécessité de demander l'inventaire avant d'accepter une succession.

En tout état de cause, la grande réforme globale, attendue depuis vingt ans, du droit de la famille devra intervenir. Tout est prêt. Le problème essentiel qu'elle aura à traiter sera celui de la réforme du droit des successions.

C'est dans ce cadre qu'il faudra revoir en profondeur le problème posé aujourd'hui par la transmissibilité de la prestation compensatoire.

Pour ma part, madame la ministre, je suis heureuse que ce texte ait été inscrit aujourd'hui à l'ordre du jour : il permettra de répondre aux difficultés dramatiques que connaissent un certain nombre de famille.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, notre société

« bouge », se tranforme. Il apparaît dès lors indispensable que notre législation évolue pour accompagner ce changement. Nous avons d'ailleurs prouvé notre volonté de suivre l'évolution de la société par la mise en place du PACS. Nous avons aujourd'hui l'obligation de « remodeler » la prestation compensatoire. C'est là notre responsabilité et je suis heureuse de constater que nous avons enfin su répondre à cette demande.

Chacun a sans doute à l'esprit des situations dramatiques, dues notamment aux rentes viagères : celles-ci sont à l'origine de situations extrêmement délicates et douloureuses et, avouons-le, objectivement iniques.

Ayant considéré qu'il était difficile d'attendre l'entrée en vigueur de la réforme du droit de la famille pour engager - et clore - le dossier de la prestation compensatoire, nous avons agi avec célérité, faisant ainsi preuve de sagesse. Le consensus qui s'est établi, tant sur la nécessité de réformer cette prestation, que sur la réforme ellemême, est, à cet égard, assez significatif.

Le texte qui nous est proposé apporte des améliorations indéniables, notamment en réservant le versement d'une rente viagère à des situations véritablement exceptionnelles.

En instaurant le versement en capital comme la règle générale et la rente viagère ou temporaire, comme l'exception, alors qu'actuellement, dans les faits, le juge retient le principe du versement sous forme de rente dans 80 % des cas, il réalise l'objectif que s'était fixé le législa teur de 1975.

Je voudrais rapprocher ce texte de notre récent vote sur la parité. En effet, au moment où les femmes obtiennent enfin leur reconnaissance politique comme candidates, il est bon de rappeler que l'autonomie économique et sociale des femmes n'a pas attendu le vote d'aujourd'hui pour s'exercer. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler et l'indépendance, puis l'autonomie financière, ainsi acquises, notamment grâce à l'instruction et aux évolutions sociales, rend de moins en moins nécessaire l'existence de la prestation compensatoire.

En effet, la logique de cette prestation visant littéralement à « compenser » la perte de statut de la femme mariée résultant du divorce est appelée à disparaître à terme et, avec elle, cette prestation, dont seules certaines femmes répondant à des critères d'âge, de santé ou d'activité devraient continuer à bénéficier. On peut ainsi estimer qu'à l'avenir, les situations délicates et inéquitables liées à l'application de la loi de 1975 seront de moins en moins fréquentes dans la mesure où les femmes sont de plus en plus nombreuses à s'assumer professionnellement.

La loi se doit cependant d'accompagner ces évolutions en réaffirmant non seulement le principe du versement en capital de la prestation compensatoire, mais surtout en facilitant sa mise en oeuvre, notamment en rendant possible un paiement fractionné et échelonné ainsi qu'une révision de ses modalités de paiement.

En effet, cette possibilité de révision du versement du capital répond à une nécessité d'adaptation des procédures juridiques aux réalités et aux aléas économiques d'aujourd'hui, souvent lourds de conséquences pour ceux qui les subissent.

De même, en ce qui concerne les cas de révision du montant de la rente viagère, la prise en considération par le juge d'une évolution - non seulement des ressources du débiteur mais aussi des besoins du créancier doit permettre de mettre fin à des situations particulièrement iniques où l'on voit les ressources du débiteur s'amoindrir et celles du créancier augmenter - par exemple sous l'effet d'un remariage ou d'un retour à l'emploi - sans que le montant de la rente ne puisse varier. D'autres collègues ont déjà insisté sur ce point ! Enfin, le caractère transmissible de la prestation se devait d'être compensé par la possibilité également accordée aux héritiers du débiteur d'exercer une action en révision afin que ces personnes originellement étrangères à la dette, mais qui y deviennent assujetties, puissent adapter cette nouvelle charge à leur situation.

Ainsi, la proposition qui est soumise à notre discussion vient pallier les dysfonctionnements apparus lors de l'application de la loi de 1975, mais elle n'en modifie pas l'esprit. Au contraire, non seulement elle le préserve, mais encore elle le renforce.

Elle le préserve en reprenant l'objectif de règlement global des conséquences financières du divorce lors de son prononcé, de rupture définitive des liens entre les exépoux et d'encadrement des hypothèses de révision.

Elle le renforce en réaffirmant le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital et en autorisant la révision de ses modalités de paiement.

Par là même, elle tient compte à la fois de la nécessité de souplesse et d'adaptation et du besoin de sécurité qui caractérisent le domaine social.

Ainsi, cette proposition de loi consacre, d'une part, une évolution importante de notre société quant au statut de la femme mariée et, d'autre part, une évolution importante dans le sens de l'équité et représente une nouvelle avancée de notre société vers toujours plus d'égalité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il était temps que la représentation nationale aborde le sujet délicat de la réforme des prestations compensatoires.

Les difficultés sont parfaitement identifiées et les situations personnelles que certains de nos concitoyens ont eu à connaître sont loin d'être exceptionnelles. Il est donc souhaitable que le législateur se prononce au plus vite sur une réforme des prestations compensatoires en matière de divorce.


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Loin de nous l'idée de remettre en cause le devoir de secours qui apparaît immanquablement lors du divorce et se traduit par l'obligation alimentaire, en général à destination de l'épouse, compte tenu du fait qu'habituellement, au regard des moeurs, c'est elle qui se consacre à l'éducation des enfants et au foyer, renonçant par là même à construire une carrière professionnelle.

Néanmoins, la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce, même si elle a été un élément de progrès incontestable, n'a pas apporté une satisfaction totale.

Bien entendu, des améliorations très sensibles ont été obtenues grâce à la loi de 1975 par rapport au système de la pension alimentaire issue de l'ancien article 301 du code civil, en allant dans le sens d'une approche globaler ésolvant de manière définitive les conséquences pécuniaires du divorce.

Pour autant, tout n'a pas été résolu - loin s'en faut - par la mise en place du système des prestations compensatoires, en particulier, parce que des diversités i mportantes sont apparues, notamment, en ce qui concerne la fixation et la détermination de la prestation, de manière totalement subjective, par le juge. Par ailleurs, des difficultés sont apparues quant aux modalités de versement et de révision de la prestation compensatoire.

Les cas dramatiques, dont nous avons tous eu connaissance dans notre entourage, nous conduisent à une évolution logique de la réforme de 1975 pour répondre au fait que la prestation compensatoire n'est accordée que dans moins de 14 % des cas, que le versement d'un capital ne concerne que 20 % des divorces et que les demandes de révision de versement des prestations compensatoires sont exceptionnellement étudiées par la justice.

J'en profite pour dire que le législateur de 1975 avait souhaité que le versement d'un capital par l'époux fautif soit le plus souvent retenu, mais le ministère des finances a détourné la volonté du législateur en mettant en place des règles désavantageant cette solution au profit de la rente. C'est un exemple tout à fait condamnable de détournement de l'esprit de la loi par l'administration fiscale. Il convient d'y songer dans ce débat.

L'accord semble donc unanime sur la nécessité de réformer la prestation compensatoire afin d'en terminer avec les situations dramatiques que nous connaissons plaçant un époux dans l'impossibilité de reconstruire sa vie normalement, tant sa capacité financière est « absorbée » par le versement de la rente.

J'ajoute que le fait que les enfants issus d'un remariage et la seconde épouse doivent continuer à payer la rente m'apparaît tout à fait scandaleux dans sa forme actuelle.

La représentation nationale a donc souhaité prendre des initiatives dans ce sens et, encore une fois, nous devons nous féliciter de l'action dynamique des sénateurs qui poussent le Gouvernement vers la voie des l'action.

Notre seul objectif - et il est, me semble-t-il, commun à l'ensemble des parlementaires - est de mettre fin aux dérives dangereuses observées dans la pratique des principes issus de la loi du 11 juillet 1975.

Plusieurs pistes ont été envisagées et, qu'il s'agisse des textes présentés au Sénat ou à l'Assemblée nationale, il est de notre devoir de répondre au sentiment de détresse qui touche bon nombre de nos concitoyens.

Que faut-il ? Incontestablement, il convient de confirmer l'idée selon laquelle le versement en capital est préférable au paiement d'une rente viagère et, le cas échéant, d'imposer au juge de fixer la durée du versement de ladite rente.

Il faut à cet égard offrir différentes solutions ouvrant la possibilité de verser un capital, comme l'abandon d'un bien en propriété et, afin d'encourager cet objectif, de ne pas négliger l'aspect fiscal qui y est attaché.

Il faut, bien sûr, prévoir la possibilité de modifier le niveau de la prestation compensatoire en cas de versement de rente, pour faire face à des modifications de ressources, tant pour l'époux débiteur que pour ses héritiers, et offrir la possibilité aux juges de statuer sur la capitalisation de ladite rente.

Les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale comme celle votée au Sénat me semblent aller dans ce sens et les débats que nous avons eu en commission des lois le confirment.

Il est de notre responsabilité de répondre aujourd'hui à la détresse de certains de nos concitoyens et de leur famille.

Je rappelle que plus de 16 000 couples ont, en 1996, assorti leur divorce d'une prestation compensatoire. Il ne s'agit donc pas de cas exceptionnels et la représentation nationale s'honorerait - et, j'en suis convaincu, s'honorera - de répondre à l'attente de plusieurs dizaines de milliers de familles françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'intitulé suivant :

« Titre Ier : De la prestation compensatoire. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

L'amendement no 1 a pour objet de clarifier le dispositif que nous proposons en introduisant un nouveau titre intitulé : « De la prestation compensatoire ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements nos 32 et 33, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 32, présenté par MM. Nicolin, Goasguen et Perrut, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 270 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 270. - Sauf lorsqu'il est prononcé en raison de la rupture de la vie commune, le divorce met fin au devoir de secours prévu à l'article 212 du code


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civil ; mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une indemnité de séparation, destinée à permettre l'adaptation de l'autre époux à la situation créée par la rupture. »

L'amendement no 33, présenté par M. Gouzes, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après les mots : "l'article 212 du code civil", la fin de l'article 270 du code civil est ainsi rédigée : "Cependant, l'un des époux peut être tenu exceptionnellement de verser à l'autre une prestation destinée à compenser la disparité significative que la rupture du mariage crée dans les conditions de vies respectives". »

La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l'amendement no

32.

M. Yves Nicolin.

Il est retiré.

M. le président.

L'amendement no 32 est retiré.

La parole est à M. Gérard Gouzes, pour soutenir l'amendement no

33.

M. Gérard Gouzes.

L'amendement no 33 a pour objet de rendre tout à fait exceptionnelle - et j'insiste sur le terme - l'attribution d'une prestation compensatoire. En effet, si l'on peut concevoir que les époux, au moment du divorce, aient besoin de niveler, en quelque sorte, leurs conditions de vie respectives, chacun sait que, de plus en plus, dans un couple, les deux conjoints travaillent. En outre, la liquidation de la communauté - qui souvent, hélas ! intervient trop longtemps après le divorce - permet souvent de rééquilibrer les situations.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement no 33. En réalité, il touche à l'article 270 du code civil, c'est-à-dire à la définition même de la prestation compensatoire, sujet qui pourra être évoqué dans le cadre d'une réforme plus large du droit de la famille et du divorce, et non dans celui du texte dont nous débattons, pour lequel il nous a fallu limiter notre ambition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je partage la préoccupation de l'auteur de l'amendement de ne pas faire de la prestation compensatoire un droit acquis, qui serait systématiquement accordé en cas de divorce et d'en faire au contraire un droit résiduel. Mais je tiens à souligner que tel est d'ores et déjà le cas.

D'abord, parce que le code civil ne prévoit aucune automaticité en la matière mais au contraire pose des conditions à apprécier selon chaque cas d'espèce.

Ensuite, parce qu'en pratique la prestation compensatoire n'est accordée que dans 13 % des divorces, traduisant ainsi le caractère très subsidiaire de ce dispositif.

Je ne crois donc pas indispensable la modification proposée alors que par ailleurs il existe des situations qui sont loin d'être exceptionnelles pour certaines générations d'épouses, auxquelles Mme Nieirtz a fait notamment allusion tout à l'heure, justifiant pleinement le recours à ce mécanisme : je pense aux femmes qui ont sacrifié leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants.

C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Après les assurances que vient de me donner Mme la garde des sceaux, et même si 13 % me paraît un chiffre encore trop élevé, mais surtout après les propos de M. Vidalies - c'est vrai que nous reparlerons de cela au moment de la réforme du divorce -, je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 33 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements nos 23, 35 et 34 corrigé pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 23, présenté par MM. Nicolin, Goasguen et Perrut, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 271 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 271 La prestation est fixée en fonction des besoins du créancier, d'une part, et des res-s ources du débiteur, d'autre part, évalués au moment du prononcé du divorce. La consistance des patrimoines propres et communs des époux est établie par les parties ou, à défaut, par un notaire ou un avocat désigné d'office par le juge en application de l'article 1116 du nouveau code de procédure civile.

« Le notaire ou l'avocat désigné établit un inventaire des patrimoines des époux et dresse un projet de liquidation de la communauté.

« Si aucun accord n'est trouvé, il rend un rapport au juge sur l'état des patrimoines afin qu'il puisse être statué sur l'indemnité de séparation en connaissance de cause. »

L'amendement no 35, présenté par M. Blessig et M. Salles, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 271 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 271 La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de leur situation au moment du divorce. »

L'amendement no 34 corrigé, présenté par M. Gouzes, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 271 du code civil est ainsi rédigé :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins et les ressources de chacun des époux, en tenant compte de leurs situations au moment du divorce et de l'évaluation de celle-ci dans un avenir prévisible. »

La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l'amendement no

23.

M. Yves Nicolin.

Pour que le juge puisse statuer en toute connaissance de cause, il faut bien évidemment qu'il connaisse le patrimoine des époux. Par conséquent, nous proposons que ce patrimoine puisse être évalué, avec un certain degré de précision, par les parties elles-mêmes ou, à défaut, par un notaire ou un avocat désigné d'office.

Cette disposition de bon sens éviterait bien des discussions et, surtout, la fixation aléatoire des montants de prestation par différents juges.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement no

35.

M. Emile Blessig.

Je suis déjà intervenu sur ce point au cours de la discussion générale. Mon amendement propose de modifier l'article 271 du code civil afin que la prestation compensatoire soit fixée en ne tenant compte que de la situation des époux au moment du divorce et non « dans un avenir prévisible ». Il est impossible, je le


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répète, de demander au juge d'être devin. En outre, il est temps de tirer les conséquences juridiques de la durée aléatoire du mariage civil. Au reste, l'avenir prévisible est, par définition, une notion extrêmement subjective, source d'incertitude juridique d'un tribunal à l'autre, voire d'un magistrat à l'autre.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes, pour soutenir l'amendement no 34 corrigé.

M. Gérard Gouzes.

Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

La commission a rejeté ces trois amendements qui posent un problème sur lequel nous reviendrons à la faveur d'autres amendements. Certains d'entre eux reposent sur une idée juste, développée dans le rapport Dekeuwer et qui consiste à proposer que la liquidation de la communauté ou des droits patrimoniaux et la procédure de divorce, qui sont aujourd'hui indépendantes, sauf dans un cas - le seul d'ailleurs qui fonctionne assez bien - le divorce par requête conjointe, soient concomitante. Cela exigerait de réformer la procédure du divorce en faisant de propositions faites par les époux sur la liquidation de la communauté une condition de recevabilité de la demande en divorce présentée par l'un ou par l'autre.

Si cette orientation est bonne, ce que je crois, elle est prématurée dès lors qu'on ne touche pas à la procédure de divorce - c'est le cas aujourd'hui.

Sur le fond, on ne peut que partager les objectifs, mais, à ce stade et compte tenu de ce qu'est la proposition de loi, ils en dépassent largement le cadre.

Quant à l'amendement de M. Blessig, qui obéit à la même logique que tous ceux qu'il a déposés, il est d'une autre nature. Il vise à remettre en cause la nécessité pour le juge de prendre en compte l'« avenir prévisible ». Pourtant, si l'on se fonde tant sur la liste des critères figurant à l'article 272 que sur la pratique, il n'est pas inconvenable que le juge, au moment où il va statuer sur la prestation compensatoire, prenne en compte non pas l'avenir incertain mais l'avenir prévisible. On pourrait même imposer qu'il prenne en compte les droits des parties en matière de retraite, laquelle peut se produire dans un avenir proche.

Même si, mon cher collègue, vous connaissez des exemples de mauvaise appréciation du juge, cela ne justifie nullement que vous remettiez en cause cette disposition du code civil qui me paraît tout à fait nécessaire pour que le juge puisse statuer en équité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Comme M. le rapporteur, je suis favorable à ce qu'on lie la fixation de la prestation compensatoire à la liquidation du régime matrimonial des époux. M. Vidalies vient de rappeler que c'est une des préconisations du rapport Dekeuwer-Défossez. Ce serait en effet une bonne chose car c'est au moment de cette liquidation que les conjoints voient établis leurs droits patrimoniaux respectifs nés de la communauté de vie et peuvent donc disposer des liquidités.

L'amendement no 23 de M. Nicolin et M. Goasguen constitue donc une proposition intéressante. Mais je ne pense pas que l'on puisse y souscrire maintenant, et en l'état, parce que la préparation de la liquidation du régime matrimonial suppose un aménagement de la procédure de divorce, lequel me semble prématuré à ce stade de la discussion. Je souhaite que cette question soit renvoyée au projet de loi sur la réforme du droit de la famille que je vous présenterai au début de 2001. Il faut examiner dans son ensemble cette réforme des procédures de divorce. Aussi, bien que partageant l'objectif des auteurs de l'amendement no 23, je ne peux y adhérer aujourd'hui et je souhaiterais qu'ils le retirent.

Quant à l'amendement no 35, je comprends le souci de son auteur, M. Blessig, de ne pas obliger le juge à faire des pronostics aléatoires sur l'évolution de la situation des ex-conjoints pour déterminer le montant de la prestation compensatoire. Mais je ne peux pas le suivre sur les conséquences, à mes yeux, trop rigides qu'il en tire. Il ne s'agit pas pour le juge de se hasarder à des supputations que ne fonderait aucun élément subjectif. Il n'y a pas de raison de figer son pouvoir d'appréciation au moment précis du prononcé du divorce alors que des événements concrets pourraient être programmés à brève échéance.

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à son amendement.

Je comprends également que l'auteur de l'amendement no 34 souhaite des critères précis pour fixer le montant de la prestation compensatoire, mais ceux-ci figurent précisément à l'article 272 du code civil.

Par ailleurs, je ne pense pas qu'il soit souhaitable de poser comme principe général que la prestation compensatoire est fonction des besoins et des ressources de chaque partie, à moins d'assimiler son régime à celui des pensions alimentaires, avec tous les inconvénients que l'on sait, comme l'a révélé la législation antérieure à 1975.

Donc, comme votre rapporteur, je ne suis pas favorable à ces trois amendements.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

J'entends bien l'appel du Gouvernement. Mais nous allons devoir attendre un an avant de pouvoir fixer de manière précise les patrimoines. Il importe, même si cela doit être repris demain dans une loi relative au divorce, que nous sachions où nous allons.

Par conséquent, je maintiens mon amendement.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

J'ai bien entendu les argumentations de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux, mais elles ne m'ont pas convaincue.

Si j'ai bien compris, l'objectif du texte qui nous est proposé aujourd'hui est de favoriser, autant que faire se peut, le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital plutôt que de rente. Ce n'est pas ce qui s'est passé en 1975. Et si nous ne prévoyons pas de conditions pour y inciter, nous allons nous contenter aujourd'hui d'un coup d'épée dans l'eau et il y aura à nouveau, très rapidement, des dérapages.

En revanche, je trouve que la proposition de M. Blessig fournirait un certain nombre de garanties. Les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui dans l'application de la loi de 1975 sont dues précisément au fait qu'une somme n'est pas fixée au moment de la rupture. Dès lors, la rente s'installe et il arrive que le débiteur ne puisse plus l'honorer, lorsque sa vie a changé.

Il vaudrait mieux pour la sécurité à la fois des femmes - ce sont souvent elles qui sont concernées - qui ont besoin de la prestation compensatoire mais également des débiteurs - en général des hommes - que les choses


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soient claires : on décide d'un montant au moment de la rupture, quitte à prévoir un étalement du versement pouvant aller jusqu'à huit ans. Voilà qui me semble défendre vraiment l'intérêt tant de la femme que du mari au moment du divorce.

Et j'aimerais bien que vous me fournissiez d'autres arguments, monsieur le rapporteur !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Contrairement à Mme Boutin, j'ai été parfaitement convaincu par les arguments de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur et je retire mon amendement.

M. le président.

Je mets aux voix de l'amendement no

23. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

35. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 34 corrigé est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 36, 24 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 36, présenté par M. Blessig et M. Salles, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 272 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 272. Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment :

« l'âge et l'état de santé des époux ;

« la durée du mariage ;

« le temps déjà consacré ou qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants ;

« leurs qualifications et situations professionnelles ;

« leurs droits existants ;

« leur situation respective en matière de pension et de retraite ;

« leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial. »

L'amendement no 24, présenté par MM. Nicolin, Goasguen et Perrut, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 272 du code civil est ainsi modifié :

« 1o Après le quatrième alinéa sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« leur situation professionnelle au regard du marché du travail ;

« la durée du mariage ;

« 2o Dans le sixième alinéa, après le mot : "droits", sont insérés les mots : "et obligations". »

L'amendement no 2, présenté par M. Vidalies, rapporteur, et M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après le quatrième alinéa de l'article 272 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« leur situation professionnelle au regard du marché du travail ;

« la durée du mariage ; » Sur cet amendement, MM. Delnatte, Accoyer, MartinLalande et Mariani ont présenté un sous-amendement, no 46, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa de l'amendement no 2 par les mots : "ainsi que leurs droits existants et prévisibles en matière de retraite". »

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement no

36.

M. Emile Blessig.

Il est défendu.

M. le président.

L'amendement no 24 est-il défendu ?

M. Yves Nicolin.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement no

2.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

L'amendement no 2 propose d'ajouter deux critères à ceux qui sont prévus à l'article 272 du code civil. Pour ce qui est de la durée du mariage, elle est déjà très régulièrement prise en compte par la jurisprudence. Quant au second, la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail, il me donnera l'occasion de répondre à M. Nicolin qu'il s'est trompé tout à l'heure, puisque cette proposition avait été faite en commission par M. Goasguen, qui est donc cosignataire de cet amendement.

J'ajoute, concernant l'amendement no 24, que son premier alinéa est satisfait par l'amendement de la commission. Quant à son deuxième alinéa, il propose un ajout qui me semble superflu : cela ne sert pas à grand-chose de surcharger ainsi le code civil.

Pour ce qui est de l'amendement no 36, il est dans la logique de ce qui a déjà été développé par M. Blessig.

C'est donc pour les mêmes raisons qu'il a été repoussé par la commission.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir le sous-amendement no

46.

M. Patrick Delnatte.

Il s'agit d'ajouter aux critères introduits par l'amendement no 2 les « droits existants et prévisibles en matière de retraite ». Je me réfère ici au rapport de Mme Dekeuwer-Défossez, qui, soulignant à juste titre qu'il y a une véritable inégalité entre les Français devant la retraite, propose qu'il soit tenu compte, dans la fixation de la prestation compensatoire, des droits des époux, qu'on peut manifestement calculer par avance.

M. Gérard Gouzes.

Les retraites font partie des ressources !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

L'article 272 du code civil prévoit déjà qu'il doit être tenu compte des « droits existants et prévisibles » des époux. On peut approuver l'intention de notre collègue Delnatte, mais la précision qu'il propose d'ajouter va de soi et n'ajoute rien.

M. Gérard Gouzes.

Bien sûr !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

La jurisprudence actuelle prend systématiquement en compte les droits à retraite.

C'est un élément qui entre, évidemment, dans le champ des droits prévisibles visés par l'article 272. Il me semble tout à fait inutile d'alourdir ainsi le code civil. La commission a donc repoussé ce sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements et sur le sous-amendement no 46 ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement no 2. En effet, la durée du mariage est un élément que les juges prennent en considération pour attribuer une prestation compensatoire et en fixer le montant comme la forme. Cette pratique doit être consacrée par la loi.


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Quant au critère qui tient à la situation professionnelle au regard du marché du travail, j'observe que l'actuel article 272 du code civil évoque déjà les « qualifications professionnelles » des conjoints et « leur disponibilité pour de nouveaux emplois », ce qui me semble faire droit au souci de la commission. Cela étant, je n'ai pas d'objection, en l'état du débat, à ce que soit introduite une référence supplémentaire au marché du travail.

Je ne suis pas favorable à l'amendement no 24, car je pense que la rédaction de l'amendement no 2 lui est vraiment préférable.

Je ne suis pas favorable non plus à l'amendement no 36, pour les mêmes raisons.

Quant au sous-amendement no 46, il me paraît inutile.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

36. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

46. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er L'article 273 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 273. La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée qu'en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. »

M. Quentin a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du texte proposé pour l'article 273 du code civil, substituer aux mots : "La prestation compensatoire », les mots : "L'indemnité de séparation" ».

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Je suggère d'abandonner la notion d e « prestation compensatoire » au profit de celle d'« indemnité de séparation ».

En effet, la définition de la prestation compensatoire selon l'article 270 du code civil paraît en contradiction avec l'évolution sociale et la recherche d'une plus grande égalité entre les sexes. Ainsi, la rente versée ne saurait viser à pérenniser un statut social comme un droit définitivement acquis par le mariage, mais plutôt à indemniser un préjudice, préjudice causé par la séparation, en fonction de l'apport fait par chaque conjoint à la fortune du couple.

Tel est le sens de mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement a été rejeté par la commission car il relève d'un débat beaucoup plus large sur la procédure de divorce et sur la conception même de la prestation compensatoire. Il s'appuie, d'ailleurs, sur des propositions qui figurent dans divers rapports.

Sur le fond, il n'est pas à rejeter totalement, mais nous ne saurions aujourd'hui nous engager dans cette réforme dont les conséquences ne pourraient pas se limiter à un amendement aussi simple.

En effet, si l'on retenait l'idée que, dorénavant, il s'agit d'une indemnité destinée à compenser des engagements pris en commun par les époux, il faudrait déconnecter la prestation compensatoire de tout lien avec les torts et griefs dans le divorce. On voit que ce raisonnement va bien au-delà de la réflexion présente, et qu'on le retrouvera prochainement dans le cadre de la réforme de la famille.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable à l'amendement no 19, pour les mêmes raisons que le rapporteur.

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiert.

Mme Véronique Neiertz.

Je voudrais appeler l'attention de mes collègues sur le fait qu'une indemnité de séparation n'a absolument rien à voir, ni quant au contenu concret ni quant à sa signification philosophique et juridique, avec une prestation compensatoire.

Celle-ci est destinée à compenser une différence de revenus et un préjudice financier résultant d'un divorce.

Celle-là devrait être versée, logiquement, aux deux personnes qui se séparent. Mais au nom de quoi ? Et comment l'évaluerait-on ? Nous parlons en ce moment de tout autre chose.

Peut-être pourrions-nous avoir un tel débat mais cela n'entre absolument pas dans le champ de la prestation compensatoire, telle que nous l'avons définie, en 1975 comme aujourd'hui.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Nicolin, Goasguen et Perrut ont présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière phrase du texte proposé pour l'article 273 du code civil. »

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Cet amendement a simplement pour but d'éviter, sinon certaines hypocrisies, du moins l'utilisation d'adjectifs dans notre droit. L'un de nos anciens collègues, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, détestait cela et je crois qu'il avait raison.

Aux termes de l'article 273 adopté par le Sénat, la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée qu'en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. On fait donc référence à un changement substantiel au lieu de parler de conséquences d'une exceptionnelle gravité mais, à l'article 2 bis, la commission propose que la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère puisse être révisée. On ouvrira donc la porte à une éventuelle révision.

Par conséquent, autant être simple et clair, ne pas mettre d'adjectif et supprimer totalement la dernière phrase du texte proposé pour l'article 273 qui serait ainsi rédigé : « La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. » Nous traiterons de la révision ultérieurement.

Inutile de parler de changement substantiel ou de conséquences d'une exceptionnelle gravité !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

On touche là à l'architecture générale du texte. Si j'ai bien compris, puisque vous ne voulez pas d'adjectif, vous envisagez un dispositif qui permettrait d'une certaine façon d'engager une procédure


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

de révision de la prestation compensatoire sous forme de rente à la demande, dès que l'une des parties estimerait que c'est possible ou nécessaire selon son appréciation.

Toutes les solutions méritent d'être examinées mais il pèse sur nous une exigence de cohérence. Si vous ne précisez pas dans quelles conditions on peut engager une procédure de révision, vous revenez au dispositif d'avant 1975. Or, comme je l'ai expliqué tout à l'heure dans mon intervention liminaire, il ne faudrait pas oublier pourquoi le législateur est intervenu en 1975. C'est principalement parce que le mouvement d'opinion qui se manifeste aujourd'hui et dont nous sommes quelque part l'expression existait déjà à l'époque. Les gens protestaient contre la possibilité de voir se pérenniser un combat judiciaire tout au long de leur vie, maintenant ainsi un lien juridique entre les ex-conjoints. Je crois donc franchement qu'il faut préciser les conditions de la révision de la prestation compensatoire.

J'ajoute que la rédaction de cet amendement et de vos amendements successifs pose l'une des questions de notre débat. De quelle révision parlez-vous ? Moi, j'ai pris une position claire. Dans notre dispositif, la révision n'est possible qu'à la baisse.

Mme Nicole Bricq.

Oui !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

A vouloir trop ouvrir les possibilités de procédure, attention à ne pas avoir un résultat exactement contraire aux objectifs généraux qui sont par ailleurs avancés. Les débiteurs de prestation compensatoire se poseraient tout de même des questions si le dispositif que vous proposez permettait d'engager une procédure aboutissant à la hausse des rentes viagères.

M. Gérard Gouzes.

Exactement !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Il faut avoir un dispositif cohérent et précis, et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé à la commission de rejeter cet amendement...

M. René Dosière.

Très bien !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

... de même que ceux qui ont la même cohérence, et je ne reviendrai pas sur ces explications.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Après les explications données par le rapporteur, je vais pouvoir être très brève. Je partage son analyse.

Evidemment, il faut assouplir les conditions de révision de la prestation compensatoire, et nous sommes là pour cela ce soir, mais, en même temps, il faut éviter de revenir à un système comparable à celui des pensions alimentaires. C'est la raison pour laquelle je pense que les amendements nos 5 et 8 de la commission des lois que nous allons examiner tout à l'heure répondent mieux à ces préoccupations. Elles le font par un système différent, qui opère une distinction selon que la prestation compensatoire est fixée sous forme de capital ou sous forme de rente, et le mécanisme de la commission des lois me paraît préférable à celui que proposent les auteurs de l'amendement no 26, auquel je suis par conséquent défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Je ne suis pas sûr, monsieur le rapporteur, que le mot « substantiel » apporte quelque chose.

Ce qui est pour vous substantiel ne le sera peut être pas du tout pour un juge et peut-être encore moins pour un autre. C'est un qualificatif assez flou qui n'apportera aucune garantie, ne sera pas un garde-fou.

Quant au fait que mon amendement permette d'obtenir une révision à la hausse, nous verrons plus tard.

Qui va introduire une demande de révision ? Il serait bien étonnant que ce soit celui qui paye qui demande une révision à la hausse. Ensuite, nous sommes dans le cadre d'une prestation compensatoire, c'est-à-dire que le juge doit déterminer si le montant alloué va compenser une situation antérieure. Par conséquent, il n'est pas question de juger une situation postérieure au divorce pour changer la somme.

Je ne crois donc pas du tout à une possibilité de révision à la hausse, mais je voulais simplement montrer que le mot « substantiel » n'apporte pas grand-chose.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Ce n'est plus « substantiel ». La commission a proposé « important ».

M. Yves Nicolin.

Tout à fait, mais nous jouons sur les mots. Ce qui est important pour vous risque de l'être moins pour d'autres. C'est donc un terme qui me paraît inutile. Aux avocats, aux demandeurs de savoir s'ils ont intérêt à aller devant la justice pour demander une révision. Ils prennent leur risque, mais c'est le juge qui décide, et je ne suis pas sûr qu'ajouter un tel qualificatif l'empêche d'aller dans un sens ou dans un autre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 37, 25 et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 37, présenté par M. Blessig et M. Salles, est ainsi rédigé :

« Substituer à la dernière phrase du texte proposé pour l'article 273 du code civil les deux phrases suivantes :

« Son montant est obligatoirement chiffré sous la forme d'un capital. Il ne peut être révisé. »

L'amendement no 25, présenté par MM. Nicolin, Goasguen et Perrut, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du texte proposé pour l'article 273 du code civil :

« Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge selon un barème indicatif prévu par décret. »

L'amendement no 3, présenté par M. Vidalies, rapporteur, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du texte proposé pour l'article 273 du code civil :

« Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 47 et 45, présentés par MM. Delnatte, Martin-Lalande et Mariani.

Le sous-amendement no 47 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 3 par les mots : ", en fonction d'un barème fixé par décret en Conseil d'Etat. »

Le sous-amendement no 45 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 3 par la phrase suivante :

« Le juge peut surseoir à statuer sur le montant de ce capital jusqu'à la liquidation du régime matrimonial et, dans ce cas, il peut allouer une prestation compensatoire provisionnelle. »

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement no

37.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

M. Emile Blessig.

La première phrase de l'article 273 prévoit que la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. La commission propose ensuite, par l'amendement no 3, que cette prestation prenne la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. Mon amendement est ainsi partiellement satisfait. La différence, c'est qu'il prévoit expressément que le montant ne peut être révisé.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin, pour présenter l'amendement no

25.

M. Yves Nicolin.

Cet amendement a pour but d'aider les juges. L'évaluation peut être totalement différente d'un ressort à un autre. Nous proposons donc qu'un décret ministériel fixe un barème, c'est-à-dire une fourchette, qui permette aux juges de fixer le montant du capital qui sera alloué dans le cadre de la modification de la réglementation sur la prestation compensatoire. Il ne s'agit pas du tout d'interférer dans la décision des juges.

Il s'agit de faire en sorte que cette décision soit relativement homogène sur l'ensemble du territoire.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement no 3 et donner l'avis de la commission sur les amendements nos 37 et 25.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

L'amendement no 3 est peut-être l'élément essentiel de la réforme que nous examinons aujourd'hui puisque, en réécrivant l'article 273 du code civil, il écarte cette disposition étrange qui interdisait toute révision sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cette formulation qui est devenue quasiment célèbre compte tenu de ses conséquences va donc disparaître de notre code civil, la dernière phrase de l'article 273 prévoyant uniquement que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.

L'amendement de M. Blessig me semble ainsi être satisfait, car l'objectif est parfaitement le même.

Reste la question du barème que l'on reverra ultérieurement et qui repose sur cette idée qu'en matière de prestation compensatoire il pourrait exister un barème publié par décret.

Vu l'ensemble des paramètres nécessaires pour arriver à une grille prenant en considération l'âge respectif des époux, la durée du mariage, leur avenir prévisible, tous les critères définis dans l'article 272, ...

M. Gérard Gouzes.

Et ils en ont ajouté !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

... c'est parfaitement impossible. Le juge évalue le montant en fonction de la situation du couple dont il est saisi et il est parfaitement impossible de fixer un barème compte tenu de la diversité des situations et de la multiplicité des paramètres qu'il faudrait prendre en compte.

La question ne se pose d'ailleurs pas simplement pour la prestation compensatoire, mais à chaque fois qu'il s'agit de fixer le montant d'une indemnité. En matière d'accidents de la circulation, on a bien une évalution pour chaque victime. Même si des barèmes établis par les compagnies d'assurance circulent partout, voire des documents de jurisprudence, juges et victimes préfèrent que chaque cas soit examiné de manière particulière. C'est également souhaitable en matière de prestation compensatoire.

Cela n'empêche pas d'aller vers une harmonisation de la jurisprudence. Compte tenu des moyens modernes de communication, tout le monde dispose des états de jurisprudence. Tout le monde sait aujourd'hui quels arguments utiliser en la matière et, franchement, si l'idée du barème peut paraître relativement séduisante, c'est en réalité impossible à mettre en oeuvre, et je ne suis pas sûr que ceux qui demanderont que leur situation soit réexaminée apprécient que l'on utilise un barème. Je crois qu'ils préféreront que l'on porte une autre attention à leur situation.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir les sous-amendements nos 47 et 45.

M. Patrick Delnatte.

S'agissant du barème, je n'ai pas la même certitude que vous. Il faut bien évidement laisser au juge une capacité d'appréciation, mais on constate tout de même des situations extrêmement contrastées, presque une sorte de loterie. Il y a un effort d'harmonisation à l'intérieur des cours,...

M. Gérard Gouzes.

En fonction de quoi ?

M. Patrick Delnatte.

... mais selon que vous êtes à Lille, à Marseille ou à Bordeaux, c'est un petit peu la loterie.

Il me paraît donc nécessaire, dans le cadre de la politique de la justice, de fournir des indications par un d écret pour avoir une certaine harmonisation sur l'ensemble du territoire. Puisque c'est déjà le cas à l'intérieur des cours, faisons-le au niveau national. C'est la réalité française qui est en jeu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Alain Vidalies, rapporteur.

J'ai déjà donné mon avis.

Monsieur Delnatte, le même raisonnement peut s'appliquer à tous les domaines dans lesquels le juge va statuer.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Absolument !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

En matière pénale, pour telle ou telle infraction...

M. Yves Nicolin.

Il y a un barème ! M. Alain Vidalies, rapporteur.

... la sanction appliquée habituellement dans telle ou telle juridiction peut être en fonction d'une situation locale appliquée de manière différente. On ne publie pas des barèmes en matière d'accidents de la circulation, je l'ai dit tout à l'heure. Il faudrait aussi un barème systématique en matière de pension alimentaire pour les enfants. Je ne crois pas que ce soit une véritable solution ni une véritable revendication des justiciables.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis tout à fait favorable à l'amendement no 3 de la commission qui permet d'affirmer que la fixation de la prestation en capital est un principe fondamental de la réforme.

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

S'agissant de l'amendement no 37, l'objectif qu'il poursuit est atteint par l'amendement no 5 de la commission, dont la rédaction m'apparaît plus précise puisqu'elle distingue nettement le montant de la prestation et les modalités de son paiement.

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M me la garde des sceaux.

Quant à l'amendement no 25, qui concerne le barème, je ne crois pas non plus qu'il faille figer les choses et sortir d'un système


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rigide pour retomber dans un autre. Il faut laisser au juge un pouvoir d'appréciation et, en tout cas, le temps d'examiner la question.

Même observation sur le sous-amendement no

47. Pour le sous-amendement no 45, comme je l'ai souligné tout à l'heure, je ne crois pas possible de lier la fixation de la prestation compensatoire à la liquidation du régime matrimonial sans réexaminer la procédure de divorce. Il me semble que cette question devrait être abordée dans le cadre de la réforme globale du droit de la famille.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Sur le dernier point, madame la ministre, la formule proposée tient bien compte de la nécessité de réviser la procédure du divorce et d'accélér er la liquidation du régime matrimonial. Actuellement, en effet, et c'est l'un des défauts du régime actuel, cela peut durer plusieurs années, voire dix ans, et il est bon d'avancer en la matière. Le dispositif que je propose introduit la notion de prestation compensatoire provisionnelle, qui permet de lier la fixation de la prestation à la liquidation du régime matrimonial, même s'il y a une prestation compensatoire provisionnelle. C'est une étape que nous franchissons vers une formule qui a été souhaitée par la délégation aux droits de la femme. On va tout de même dans le bon sens.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

On a opposé trois objections à l'amendement.

D'abord, il serait impossible de mettre en place un barème qui réponde à tout un tas de critères multiples et variés. Mais ce n'est pas ce que l'on demande. On peut établir un barème fondé sur certains critères, notamment ceux liés aux revenus et au capital. Il n'est pas tout à fait normal, en effet, que des gens ayant un capital et des revenus pratiquement identiques soient « condamnés » à des peines totalement différentes selon qu'ils sont du nord ou du sud de la France. C'est un principe d'équité et de justice sur l'ensemble du territoire.

Un décret pourait fixer un barème tenant compte notamment du capital détenu par le couple et de ses revenus avant le divorce. Qui peut le plus peut le moins et ce serait déjà une avancée.

Vous avancez par ailleurs un contre-argument en expliquant qu'en matière accidentelle il peut y avoir des séquelles différentes. C'est évident, mais on peut tout de même avancer pour que les choses soient moins disparates qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Et puis, vous me dites, monsieur le rapporteur, qu'en matière pénale, les choses peuvent être différentes, mais je vous signale que la loi fixe des fourchettes, qu'il s'agisse d'une peine de prison ou d'une amende. Nous ne demandons pas des barèmes précis, nous demandons simplement qu'il y ait des fourchettes pour que les écarts ne soient pas aussi importants que ceux que l'on peut constater aujourd'hui.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Le montant du capital ainsi fixé est forfaitaire, selon la première phrase de l'article 273, mais est-il révisable ? Le texte en vigueur prévoit que la prestation compensatoire ne peut être révisée mais ce principe n'est plus affirmé dans la nouvelle rédaction. C'est la raison pour laquelle j'avais ajouté cette notion. Si on m'indiquait que ce capital n'est pas révisable, je serais plus rassuré et je serais prêt à retirer mon amendement, mais je n'ai pas entendu cela de la part du rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

C'est justement l'une des propositions fortes de la commission. Lorsque la prestation compensatoire sera fixée en capital, le montant du capital ne sera jamais révisable. Seules seront révisables les modalités de paiement. C'est clair et net.

M. Emile Blessig.

Dans ce cas, je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 37 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

47. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

45. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

L'amendement no 44 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

3. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je contate que le vote est acquis à l'unanimité.

Après l'article 1er

M. le président.

MM. Nicolin Goasguen et Perrot ont présenté un amendement, no 27, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant : Il est inséré, après l'article 273 du code civil, un article 273-1, ainsi rédigé :

« Art. 273-1. Le juge saisi d'une demande de révision ou d'annulation de la rente prend en considération :

« le montant total des sommes déjà versées à l'époux créancier ;

« l'évolution des besoins et ressources ainsi que de la situation matrimoniale ou quasi matrimoniale de chacune des parties. »

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Puisqu'aucune révision du capital n'est prévue, la révision de la rente doit dépendre de plusieurs critères.

M. Gérard Gouzes.

Un barème ! Un barème !

M. Yves Nicolin.

Monsieur Gouzes, ne dénaturez pas nos propos ! Vous l'avez remarqué, l'opposition vote les propositions de la commission, alors qu'aucun de nos amendements n'a été adopté pour l'instant : c'est que la gauche fait blocage.

M. Gérard Gouzes.

Non, c'est que vos amendements sont contradictoires !

M. Yves Nicolin.

Nous tâchons d'être constructifs, mais c haque fois que nous formulons une proposition,

M. Gouzes s'empresse de dire qu'elle est mauvaise.

M. Gérard Gouzes.

Mais oui, elles sont contradictoires !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

M. Yves Nicolin.

C'est faux !

M. le président.

Monsieur Nicolin, argumentez, s'il vous plaît !

M. Yves Nicolin.

Je voudrais pouvoir le faire, monsieur le président, mais je suis interrompu par M. Gouzes.

M. Jean-Paul Bret.

M. Nicolin s'interrompt tout seul !

M. Yves Nicolin.

Lorsqu'un couple se sépare, lorsqu'il y a rupture de la vie commune, la compensation doit prendre en compte l'abaissement du niveau de vie. Mais lorsque l'un des deux ex-conjoints et particulièrement celui qui est le créancier - retrouve une situation, que ce soit par le biais d'un PACS, d'un concubinage notoire ou d'un remariage, il retrouve en même temps des éléments de stabilisation, voire un certain train de vie.

Aussi nous proposons que, dans le cadre de la révision, il puisse être tenu compte de ces éléments et qu'il soit prévu que, si la personne qui touchait une prestation compensatoire sous forme de rente cesse d'être seule, la révision est envisageable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Sa place dans le dispositif est incongrue, puisqu'il vient après la nouvelle rédaction de l'article 273, qui, pour l'instant, stipule que « la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire » et qu'« elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ». Et voilà que M. Nicolin veut un article 273-1 qui stipulerait que « le juge saisi d'une demande de révision ou d'annulation de la rente prend en considération » tel ou tel élément. Cela n'aurait aucun sens, puisque, selon les propositions de la commission, la question de la rente est traitée dans un titre à part.

M. Yves Nicolin.

Cet amendement a été déposé avant la modification !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Mais cela a été discuté en commission des lois. Je conçois que vous n'ayez pu participer à cette réunion, mais reconnaissez que, à ce stade, votre amendement est techniquement invotable et impossible à intégrer dans le dispositif. Il serait bon que vous le retiriez.

M. Gérard Gouzes.

M. Nicolin a compris, il va le retirer.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis très défavorable à cet amendement. Il conduirait à ouvrir substantiellement la révision des rentes et, par là même, à ressusciter le contentieux qui existait avant 1975 en matière de pension alimentaire, alors que chacun s'accorde à reconnaître les graves inconvénients d'un système qui ne permettait pas de solder les relations financières entre les époux. Je rappelle d'ailleurs que le critère de l'évolution des besoins et des ressources des parties était celui-là même qui était pris en compte pour la pension alimentaire.

Il m'apparaît donc indispensable que la faculté de révision de la prestation compensatoire soit plus strictement encadrée, comme le propose la commission des lois.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

27.

M. Yves Nicolin.

Je désire répondre au Gouvernement.

M. le président.

J'ai ouvert le vote, monsieur Nicolin.

Je vous rappelle que l'article 56 du règlement me donne la possibilité - non l'obligation - de vous accorder la parole. Je m'efforce, depuis le début, de faire en sorte que chacun puisse s'exprimer. Je continuerai jusqu'à une heure du matin, heure à laquelle je léverai la séance. Par ailleurs, je n'ai pas vu votre main se lever, et j'en suis désolé.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er bis

M. le président.

« Art. 1er bis. - Dans le dernier alinéa de l'article 247 du code civil, après les mots : "la modification de la pension alimentaire", sont insérés les mots : "et la révision de la prestation compensatoire". »

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er bis. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement, purement rédactionnel, est l'une des propositions qui vont p ermettre de simplifier les démarches. En effet, l'article 247 du code civil donne compétence au juge aux affaires familiales pour connaître des demandes de révision, alors que, jusqu'à présent, en dehors des divorces par requête conjointe, le tribunal de grande instance était compétent. La procédure était plus lourde. Le Sénat avait, à juste titre, proposé que ce soit le juge aux affaires familiales, mais nous préférons placer la disposition plus loin dans le texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.

Article 1er ter

M. le président.

« Article 1er ter Le troisième alinéa (2) de l'article 275 du code civil est ainsi rédigé :

«

2. Abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier ; » M. Quentin a présenté un amendement, no 20, ainsi libellé :

« Compléter l'article 1er ter par le paragraphe suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 275, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas de versements échelonnés, ceux-ci cesseront de plein droit : en cas de remariage du créancier ou si celui-ci vit en état de concubinage notoire ou de conclusion d'un pacte civil de solidarité, et en cas de décès de l'époux débiteur. »

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Repoussé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

20. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er ter

(L'article 1er ter est adopté.)

Après l'article 1er ter

M. le président.

MM. Nicolin Goasguen, et Perrut ont présenté un amendement, no 28, ainsi libellé :

« Après l'article 1er ter, insérer l'article suivant :

« L'article 275-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 275-1 Le versement du capital fixé par le juge doit intervenir dans un délai d'un an à compter de la date où le jugement est devenu définitif. »

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Je retire cet amendement. Comme ça, nous serons couchés à une heure !

M. le président.

L'amendement no 28 est retiré.

Article 1er quater

M. le président.

« Art. 1er quater L'article 276 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le débiteur ou le créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge afin qu'il statue sur la capitalisation de la rente selon les modalités prévues aux articles 275 et 275-1. »

La parole est à M. Yves Nicolin, inscrit sur l'article.

M. Yves Nicolin.

Nous allons nous coucher plus tôt encore, puisque je renonce à mon droit de parole.

M. le président.

Merci, monsieur Nicolin, pour l'ensemble des services de l'Assemblée.

(Sourires.)

M. Blessig et M. Salles ont présenté un amendement, no 38, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er quater »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Cet amendement tombe compte tenu du rejet de l'amendement no

37.

M. le président.

En effet, cet amendemeznt n'a plus d'objet.

M. Vidalies, rapporteur, M. Cazenave, M. Goasguen et Mme Neiertz ont présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er quater :

« L'article 276 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276 Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 275, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

« Le débiteur peut demander la révision de ces m odalités de paiement en cas de changement notable de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans.

« A la mort de l'époux débiteur, la charge du solde du capital passe à l'hérédité dans la limite de l'actif successoral. Les héritiers peuvent demander la révision des modalités de paiement dans les conditions prévues au précédent alinéa.

« Le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital.

« Après la liquidation du régime matrimonial, le créancier de la prestation compensatoire peut saisir le juge d'une demande en paiement du solde du capital. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 52, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'amendement no 5, substituer aux mots : "à l'hérédité dans la limite de l'actif successoral" les mots : "à ses héritiers". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cette disposition essentielle de la loi propose une nouvelle rédaction de l'article 276 du code civil, qui prévoit la possibilité, pour le juge, de fixer les paiements du capital sur une période de huit ans, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le montant du capital initial ne pourra donc jamais être révisé. Seules les modalités pourront être modifiées , en cas de changement notable et uniquement à la demande du débiteur. Nous ne traitons pas simplement ici de concepts juridiques, nous parlons aussi et surtout de la réalité, de la vie des gens. Or il se peut que le débiteur connaisse des difficultés la septième ou la huitième année. Le délai de huit ans ne peut donc pas être totalement imposé et, à titre exceptionnel, le juge pourra non pas modifier le capital, mais aménager la durée de paiement au-delà de huit ans.

En cas de disparition du débiteur, les héritiers devront payer la part du capital initial qui n'aura pas été versée à la date du décès. Ils auront toutefois, eux aussi, la possibilité de demander un aménagement, comme le débiteur de son vivant.

Enfin, il sera possible de demander à tout moment de se libérer par anticipation du solde du capital. Nous sommes là au coeur de notre proposition, en revenant au principe qui avait été avancé par le législateur de 1975.

Cet amendement, que je présente au nom de la commission, n'est pas seulement signé par des membres de la majorité, mais a aussi reçu l'approbation de l'opposition, dont nous avons pris les arguments en considération.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement no 52, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement de la commission.

Mme la garde des sceaux.

Dans la mesure où l'on a retenu le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, lequel est par nature intangible, toutes les conséquences de cette décision doivent être tirées, y compris au niveau de la succession des héritiers du débiteur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Je voudrais rappeler que, en matière successorale, le principe est que les dettes se transmettent aux héritiers au-delà même de l'actif de la succession, et qu'ils en sont tenus sur leurs bien personnels. Si les héritiers veulent s'assurer que les biens successoraux sont suffisants pour s'acquitter de la prestation, ils peuvent invoquer le bénéfice d'inventaire qui leur permettra de ne pas être redevables personnellement des dettes du défunt. Dans l'hypothèse où la succession est déficitaire, les héritiers peuvent y renoncer et ils ne sont alors tenus d'aucun passif successoral. Ainsi, les règles de droit commun en matière successorale répondent déjà aux préoccupations de votre commission, qui souhaite ne pas voir les héritiers du débiteur tenus à titre personnel. Il n'y a donc pas lieu de créer une disposition spécifique.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

J'ai bien compris l'argumentation de Mme la ministre, mais ce sous-amendement marque un recul par rapport au texte que propose la commission.

Il faudra trancher ce problème de fond, et la présente formulation risque de pérenniser des situations inacceptables, qui sont très mal vécues. Sans doute faudrait-il s'en tenir à la proposition de la commission qui permet de régler ces situations et paraît beaucoup plus satisfaisante.

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Permettez-moi d'intervenir, au risque de retarder un peu le débat, mais je pense que nous nous coucherons suffisamment tôt.

M. le président.

N'insistez pas, j'ai compris, monsieur Nicolin.

M. Jean-Paul Bret.

Il ne va pas le redire chaque fois !

M. Yves Nicolin.

Je vous ai parlé tout à l'heure de Pauline et Stéphane. Si la prestation compensatoire entre de nouveau dans le cadre de la succession, nous anéantissons tous nos efforts de ce soir. Je pense très sincèrement qu'il y a deux cas de figure. Les héritiers issus du premier mariage sont déjà tenus à une obligation alimentaire.

Mais vous voulez enfermer ceux qui ne sont pas issus du premier mariage dans une hérédité qui va les obliger à rembourser toute leur vie une dette à quelqu'un qui n'est pas de leurs parents. C'est pourquoi nous sommes opposés au sous-amendement du Gouvernement et favorables à la position de la commission.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

52. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 5, modifié par le sous-amendement no

52. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er quater est ainsi rédigé.

L'amendement no 31 de M. Nicolin tombe.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. Le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Le juge fixe la durée de la rente, qui peut être viagère, en prenant en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272. Le décès de l'époux créancier avant l'expiration de cette durée met fin à la charge de la rente. »

Je suis saisi de deux amendements, nos 39 et 6, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 39, présenté par M. Blessig et M. Salles, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« Le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

« A titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, le juge peut, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier, prévoir la liquidation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272 ainsi que le montant global chiffré en capital prévu à l'article 273. »

L'amendement no 6, présenté par M. Vidalies, rapporteur, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« I. Le premier alinéa de l'article 276-1 du code civil est ainsi rédigé :

« A titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, le juge peut, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en consid ération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272. »

« II. En conséquence, le début du deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :

« La rente est indexée... (Le reste sans changement.) » Sur cet amendement, MM. Delnatte, Martin-Lalande et Mariani ont présenté un sous-amendement, no 48 corrigé, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du dernier alinéa du I de l'amendement no 6, insérer la phrase suivante :

« Toutefois, celle-ci ne pourra être supérieure à 30 % des revenus nets d'impôts du débiteur. »

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement no

39.

M. Emile Blessig.

Avec cet amendement, je reprends l'idée selon laquelle le juge doit fixer le montant de la prestation compensatoire en capital et, le cas échéant, dans des circonstances particulières, transformer ce capital en rente viagère. C'est là un point qui distingue fondamentalement le groupe UDF de la commission.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement no

6.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Avec cet amendement, qui est au coeur du dispositif, nous proposons une règle générale : le versement de la prestation compensatoire en capital, selon les modalités dont nous avons parlé. La question se posait : devait-on en rester là ou aller plus loin ? Cette formule prenait-elle en compte toutes les situations, dans leur grande diversité ? Nous ne le pensons pas.

Certaines dispositions particulières, à titre exceptionnel elles ont d'ailleurs été sorties des dispositions générales du code - concerneront les rentes viagères. Il nous semble en effet que, dans certaines situations, notamment celles créées par l'âge ou par l'état de santé de l'épouse, ce d ispositif doit pouvoir perdurer.

Sans remettre en cause le principe de la rente viagère, M. Blessig souhaite que le capital représentatif de cette rente soit également fixé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Cette exigence pose un problème : comment le juge va-t-il raisonner ? Vous le savez parfaitement, la rente viagère est une indemnité, la jurisprudence le confirme, mais, ce n'est un secret pour personne, elle conserve un aspect alimentaire. Le juge continuera à fixer le montant mensuel qui lui paraîtra nécessaire et calculera ensuite le capital correspondant. Je ne suis pas sûr qu'un tel système serait une avancée.

Vous observerez que notre dispositif donne la possibilité au débiteur de demander au juge, sans que ce soit une compétence liée, de remplacer la prestation compensatoire sous forme de rente par un capital, dans les conditions générales qui seront précisées aux articles 273 et suiv ants du code civil. Cela me paraît davantage correspondre à votre préoccupation. C'est pourquoi la commission a repoussé l'amendement no

39. M le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour soutenir le sous-amendement no 48 corrigé.

M. Patrick Delnatte.

Il s'agit tout simplement de fixer une limite supérieure à la rente : elle ne devrait pas dépasser 30 % des revenus nets d'impôts du débiteur.

Cela créerait les conditions d'une certaine harmonisation, tout en tenant compte d'une façon réaliste des possibilités du débiteur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 48 corrigé ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Je crains que le remède ne soit pire que le mal. Chacun sait très bien que, si l'on inscrit dans le code civil cette référence de 30 %, ce que vous estimez aujourd'hui être une protection risque de devenir la règle lors des jugements de divorce. Ce ne serait pas un service à rendre aux justiciables que de fixer un plafond ex abrupto . La commission et moi-même sommes fermement opposés à cette proposition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 39 et 6 et sur le sous-amendement no 48 corrigé ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement no 6 présenté par la commission, puisque le recours aux rentes viagères doit en effet demeurer l'exception, en raison des difficultés qu'elles peuvent générer. En outre, les critères tenant à l'âge ou à l'état de santé d u créancier me paraissent tout à fait pertinents.

En ce qui concerne l'amendement no 39, la préoccupation qu'il exprime me paraît déjà satisfaite par l'amendement no 6 de la commission, dont la rédaction me semble préférable.

Le sous-amendement no 48 corrigé ne me paraît pas souhaitable, d'abord parce qu'il limite considérablement le pouvoir d'appréciation du juge dans la fixation du montant de la rente, alors que les cas d'espèce peuvent être très différents, ensuite parce que la liaison qu'il établit entre le montant de la rente et les revenus peut être génératrice d'un abondant contentieux après divorce.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 48 corrigé.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 2 bis

M. le président.

« Art. 2 bis . - L'article 276-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ceux-ci peuvent en demander la révision dans les conditions prévues à l'article 273. »

Je suis saisi de trois amendements, nos 29, 21 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 29, présenté par MM. Nicolin Goasguen et Perrut, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 bis :

« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. - Par dérogation à l'article 276-1, le versement de la rente viagère cesse de plein droit :

« - lors du remariage du créancier, ou lorsque celui-ci a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire ;

« - lors du décès du débiteur. »

L'amendement no 21, présenté par M. Quentin, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 bis :

« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

«

« Art. 276-2 . - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente ou du capital est non transmissible aux héritiers. »

L'amendement no 7, présenté par M. Vidalies, rapporteur est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 bis :

« L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente viagère passe à l'hérédité. La pension de réversion éventuellement versée du chef du conjoint décédé est déduite de plein droit de la rente versée au créancier. »

Sur cet amendement, MM. Delnatte, Martin-Lalande et Mariani ont présenté un sous-amendement, no 49, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 7, substituer, dans la première phrase du texte proposé pour l'article 276-2 du code civil, aux mots : "la charge de la dette viagère passe à l'hérédité", les mots : "la prestation compensatoire à la charge des héritiers est automatiquement transformée en capital". »

La parole est à M. Yves Nicolin, pour soutenir l'amendement no

7.

M. Yves Nicolin.

Cet amendement est une reprise de celui que j'ai défendu tout à l'heure et au sujet duquel M. le rapporteur m'a fait remarquer qu'il était hors de propos, alors que ce n'était pas le cas lorsque je l'ai déposé. Je ne veux pas recommencer le débat, mais j'aurais souhaité que M. le rapporteur me réponde plus sur le fond que sur la forme.

Cela dit, j'aimerais savoir s'il considère que le créancier d'une prestation compensatoire versée sous forme de rente qui refait sa vie et s'établit dans un nouveau couple est fondé à profiter d'une rente mensuelle versée par l'époux précédent. Trouve-t-il cela normal ?

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin, pour soutenir l'amendement no

21.

M. Didier Quentin.

Cet amendement tend à préciser que le versement de la rente ou du capital n'est pas transmissible aux ayants droit au moment du décès de l'époux


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débiteur. Il va dans le sens d'une plus grande justice envers ceux qui ne sont pas responsables de la vie commune antérieure qui a pu conduire leurs parents ou leurs proches au divorce. Ils n'ont pas à assumer cet aléa de la vie.

La transmissibilité de la dette aux héritiers, qui est la règle habituelle, conduit en effet certains divorcés à ne pas se remarier afin de na pas « compromettre » l'avenir de leur futur époux. Ou bien, tout simplement, celui ou celle qui aurait pu le devenir, averti des dangers qu'il risque d'encourir, refuse d'endosser pareil héritage.

De même, certains débirentiers sont enclins à déshériter leurs propres enfants pour leur éviter d'avoir à accepter un héritage chargé d'histoire. Des patrimoines sont ainsi détournés de leur vocation naturelle ou tradit ionnelle. Une telle situation conduit les familles décomposées ou recomposées à des conflits relationnels qui n'éclateraient pas si la charge de la rente ou du capital n'était pas transmissible aux héritiers.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement no 7 et donner l'avis de la commission sur les amendements nos 29 et 21.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Le débat relatif à la transmissibilité de la charge de la rente aux héritiers est important. Très souvent j'entends dire que le principe même de cette transmissibilité est un scandale majeur qui suffit à justifier l'argumentation de ceux qui y sont opposés. Mais puisqu'il s'agit de droit qui touche à la vie des gens, je fonderai mon raisonnement sur des exemples concrets.

Prenons le cas d'un homme aisé qui a été marié pendant vingt-cinq ans et qui divorce. Il est alors condamné à payer une prestation compensatoire. Puis il se remarie, crée une famille et décède. Ses héritiers ont normalement une situation aisée, alors que l'ex-épouse, en général âgé e, ne dispose bien souvent d'aucun revenu. Devrait-on, dans un tel cas, appliquer automatiquement la règle de la nontransmissibilité ? Pour ma part, je considère que, dans une telle hypothèse, il faut se conserver la possibilité de la transmissibilité car ce ne serait pas faire oeuvre de justice que de renvoyer cette ex-épouse au RMI ou à la charge de la société.

Cela dit, la situation qui fait actuellement problème est d'une autre nature. Il s'agit du cas de la créancière de la prestation compensatoire qui s'est remariée et qui vit dans des conditions qui ne justifient plus que les héritiers de son premier mari soient obligés de lui verser une rente. Telle est l'hypothèse pour laquelle il faut trouver une solution, et c'est ce que nous avons essayé de faire.

Pour cela, nous proposons que, en cas de changement important dans les ressources et les besoins des parties, l'ex-époux débiteur ou ses héritiers puissent saisir la justice pour demander la diminution ou la suppression de la prestation compensatoire versée sous forme de rente. Il s'agit d'un système cohérent et juste.

C'est une modification importante qui permet de mettre fin à l'une des dispositions surprenantes de la loi de 1975, laquelle ne prenait en considération que l'évolution de la situation de celui qui payait la prestation compensatoire et non celle du créancier, même si la situation de ce dernier avait évolué. Seule la situation du demandeur à la procédure était prise en considération par le juge. En prévoyant une possibilité de révision en cas de changement important dans les ressources et les besoins des parties, on met fin à cette difficulté.

Par ailleurs, il n'est pas possible d'abandonner le principe de la transmission en se fondant uniquement sur une pétition de principe. Il faut aborder la question à partir des exemples que j'ai donnés et dont personne ne pourra contester qu'ils sont plausibles. D'ailleurs, toutes les lettres que nous recevons mentionnent l'un ou l'autre des exemples que j'ai cités.

Nous allons mettre fin à une situation intolérable sans pour autant créer de nouvelles victimes, qui, après celles de la loi de 1975, seraient alors devenues les victimes de la loi de 2000.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour défendre le sous-amendement no

49.

M. Patrick Delnatte.

Il s'agit d'un sous-amendement de repli, dans la mesure où nous admettons le principe de transmissibilité de la rente. Pour autant, afin d'éviter tout contentieux de révision aux héritiers au moment du décès du débiteur, ce sous-amendement prévoit que la rente est automatiquement transformée en capital. Les banques et les assurances sont tout à fait à même de faire ce calcul.

Le montant du capital ainsi obtenu constituerait un passif de succession et serait traité comme tel.

Une telle disposition permettrait d'éviter aux héritiers, qui, je le rappelle, n'éprouvent souvent aucun sentiment affectif à l'égard du créancier, des contentieux souvent difficiles à vivre. Du reste, le problème peut être réglé par le notaire.

Bref, un tel dispositif contribuerait à apaiser certaines situations conflictuelles.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

49. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 bis est ainsi rédigé.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je voudrais simplement donner l'avis du Gouvernement sur les trois amendements et sur le sous-amendement, monsieur le président.

(Sourires.)

Certes, les votes ont déjà eu lieu - et je suis très heureuse des résultats - mais, avant qu'il n'y soit procédé, je m'apprêtais à dire que je souscrivais entièrement à l'analyse développée par le rapporteur sur les conditions de transmissibilité de la rente aux héritiers et que je n'appouvais pas les amendements nos 29 et 21, pas plus que le sous-amendement no

49.

M. le président.

C'est ce que j'avais cru comprendre, et peut-être est-ce la raison pour laquelle je suis allé un peu vite. Je vous demande de me pardonner, madame la ministre.

Après l'article 2 bis

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Après l'article 2 bis, insérer l'article suivant :

« Après l'article 276-2 du code civil, il est inséré un article 276-3 ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

« Art. 276-3. - La prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère peut être révisée à la baisse en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

« L'action en révision est ouverte au débiteur et à ses héritiers. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 54 et 30.

Le sous-amendement no 54, présenté par Mme Neiertz, M. Gouzes et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 8, après les mots : "à la baisse", insérer les mots : "ou supprimée". »

Le sous-amendement, no 30, présenté par MM. Nicolin, Goasguen et Perrut, est ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa de l'amendement no 8, insérer l'alinéa suivant :

« Un tel changement peut résulter notamment du mariage du créancier ou lorsque celui-ci a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

8.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement concerne encore les prestations compensatoires versées sous forme de rente viagère et leur possibilité de révision.

Dans la logique de ce que nous avons envisagé jusqu'à présent, nous proposons que la révision du montant de la rente viagère ne puisse avoir lieu qu'en cas de changement important des ressources ou des besoins de parties, uniquement à la demande du débiteur ou de ses héritiers, et seulement à la baisse.

Il ne faut pas que le montant de la rente puisse être modifié dans les deux sens et à tout moment, auquel cas on reviendrait aux errements de la loi d'avant 1975. En même temps, le montant de la rente ne peut pas rester intangible, puisque c'est justement ce caractère qui est à l'origine de bien des difficultés. Nous proposons donc un système cohérent, qui respecte le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire, mais qui, en plus, prend en compte la réalité des événements que nous avons connus dans le cadre de l'application de la loi de 1975.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je me demande si nous ne devrions tout de même pas poursuivre la réflexion sur ce sujet. Cette possibilité de révision de la rente viagère ne devrait-elle pas être accordée au créancier comme au débiteur, et non pas uniquement à ce dernier ? Toutefois, à ce stade du débat, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz, pour soutenir le sous-amendement no

54.

Mme Véronique Neiertz.

L'amendement no 8 de la commission des lois, que vient de présenter notre rapporteur, est essentiel. Il concerne uniquement, je le souligne, la rente viagère, qui est l'exception - ou qui du moins le sera après notre réforme. Dorénavant, non seulement la rente pourra être révisée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties - c'est-à-dire des deux parties, j'y insiste -, mais, en outre, le débiteur, ou ses héritiers, pourra demander cette révision à la baisse. C'est déjà un énorme progrès.

Je m'inscris dans cette logique, en me permettant d'aller un petit peu plus loin, afin d'influer sur l'esprit de la jurisprudence qui devrait se dégager à partir de cet article.

Dire que la rente pourra être révisée « à la baisse », c'est sous-entendre qu'il faudra toujours en laisser subsister ne serait-ce qu'une toute petite partie. Or, il faut qu'il soit possible d'aller jusqu'à la suppression totale dans les cas extrêmes. Je pense en particulier à deux cas.

Le premier est celui où le débiteur - ou la débitrice se trouve dans une situation financière dramatique. Il peut être par exemple chômeur en fin de droits ou surrendetté passif. Et vu le nombre de dossiers que nous avons à traiter, c'est une situation plus fréquente qu'il n'y paraît. La suppression de la rente nous permettra de règler certaines de ces situations, voire d'éviter les cas de surendettements en chaîne, l'obligation de la rente se transmettant du débiteur à ses héritiers.

Il peut également se présenter le cas tout à fait contraire, celui où les ressources du créancier ont augmenté de façon telle que la suppression totale de la rente peut se justifier. Voilà donc la logique de ce sous-amendement. Il s'agit de faire bien comprendre à ceux qui appliqueront la loi non seulement que la rente viagère doit avoir un caractère exceptionnel et dérogatoire, mais aussi que l'esprit, c'est de la faire disparaître.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

La parole est M. Yves Nicolin, pour soutenir le sous-amendement no

30.

M. Yves Nicolin.

Je reviens à mon affaire. (Sourires.)

Je répète que le cas peut se présenter d'un créancier qui se remarie ou qui a conclu un PACS. Encore une fois, il me paraît tout à fait surprenant que l'on ne veuille pas prendre en compte cette situation et que l'on refuse d'ouvrir les yeux. Le créancier peut retrouver une vie commune, avoir une autre vie - parfois plus intéressante que celle qu'il pouvait avoir précédemment. Il faut y penser quand on modifie les règles régissant la révision de la pension.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Je vais d'abord répondre à M. Nicolin. Moi, je veux bien prendre en considération vos amendements ou sous-amendements, mon cher collègue, mais encore faudrait-il que leur rédaction n'aboutisse pas au résultat inverse de celui que vous dites vouloir poursuivre.

M. Yves Nicolin.

Corrigez-les !

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Je ne suis pas chargé de corriger vos sous-amendements.

Nous voulons que, en cas de changement important de situation, le débiteur puisse prendre l'initiative de demander une révision du montant de la rente à la baisse. Or si l'on prévoit, comme vous le proposez qu'un « tel changement peut résulter notamment du mariage du créancier ou lorsque celui-ci a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire », on restreint terriblement la portée de la mesure que nous proposons. Vous, vous n'envisagez que le mariage du créancier. Nous, nous pensons aussi à la possibilité pour le débiteur de refaire sa vie et cette nouvelle situation doit pouvoir être prise en considération par le juge. La rédaction que nous avons retenue est plus générale que celle que vous proposez, laquelle risque d'être interprétée a contrario comme excluant le remariage du débiteur. Par conséquent, je ne crois pas que votre sous-amendement permette d'atteindre l'objectif que vous dites vouloir poursuivre.


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Par ailleurs, nous, nous laissons au juge la faculté d'apprécier la notion de changement important de situation.

Vous, en énonçant une liste de situations, vous risquez, même si cette liste est précédée de l'adverbe « notamment », de faire en sorte qu'elle soit considérée comme quasi limitative par la jurisprudence. Or certaines situations comme le changement de statut matrimonial n'ont pas à être privilégiées par rapport à d'autres telles que le licenciement ou la maladie du débiteur.

J'ajoute enfin que si l'on veut être cohérent jusqu'au bout, il n'est pas possible de s'exonérer de l'obligation der especter le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire. Or lorsque vous jugez que le remariage est un élément qui doit être pris en considération en priorité, c'est parce que vous considérez que la création d'un nouveau droit de secours lié à ce remariage doit avoir automatiquement des conséquences sur la prestation compensatoire.

Un tel système a déjà existé avant 1975 et il n'est donc pas inconcevable. Toutefois, il n'est pas possible d'utiliser, au fil des amendements, tantôt un concept, tantôt un autre, car cela conduit à des incohérences.

En tout cas, la rédaction que vous proposez, monsieur Nicolin, risque d'aboutir au résultat inverse de celui que vous poursuivez. C'est pourquoi je suis tout à fait défavorable à votre proposition.

En ce qui concerne le sous-amendement no 54, il n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis tout à fait défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux sous-amendements ?

Mme la garde des sceaux.

En ce qui concerne le sousamendement no 54, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Sur le sous-amendement no 30, j'émets un avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

54. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

30. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 8, modifié par le sous-amendement no

54. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Chers collègues, il est une heure moins dix et il nous reste encore une vingtaine d'amendements à examiner.

Monsieur le rapporteur, je suis prêt à présider jusqu'à ce que l'Assemblée ait terminer la discussion du texte.

Mais nous avons une séance demain matin...

Mme Véronique Neiertz.

Il faut aller plus vite !

M. le président.

Madame Neiertz, ce n'est pas ma faute si nous n'allons pas plus vite !

Mme Véronique Neiertz.

Je sais bien, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président.

Je ne lèverai donc pas immédiatement la séance si le rapporteur et l'ensemble de l'Assemblée p rennent l'engagement formel d'en terminer vers une heure trente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Je propose que nous allions jusq'au terme de notre discussion. En tout état de cause, nous en aurons fini avant une heure trente.

M. le président.

Puis-je considérer qu'il s'agit là d'un engagement général de l'Assemblée ? (Assentiment.)

Nous poursuivons donc l'examen des amendements après l'article 2 bis

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi libellé :

« Après l'article 2 bis, insérer l'article suivant :

« Après l'article 276-3 du code civil, il est inséré un article 276-4 ainsi rédigé :

« Art. 276-4 . - Le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère peut à tout moment saisir le juge aux fins de statuer sur la substitution à la rente d'un capital déterminé selon les modalités prévues aux articles 275 et 276.

« Cette action est ouverte aux héritiers du débiteur. »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sousamendements, nos 40 et 53.

Le sous-amendement no 40, présenté par M. Blessig, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 9, substituer aux mots : "d'un capital", les mots : "du capital chiffré au moment de la procédure du divorce, selon l'article 273, et". »

Le sous-amendement no 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 9 par l'alinéa suivant :

« Le créancier de la prestation compensatoire peut former la même demande s'il établit qu'une modification de la situation du débiteur permet cette substitution, notamment lors de la liquidation du régime matrimonial. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

9.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement prévoit la possibilité pour le débiteur de demander à tout moment au juge de statuer sur la substitution d'un capital à la rente viagère. Cette demande peut également être faite par les héritiers du débiteur.

Cette disposition renvoie à des amendements qui ont été déposés par l'opposition.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 9 sous réserve de l'adoption de son sous-amendement no 53. Si celui-ci n'était pas adopté, le Gouvernement s'en remettrait à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour défendre le sous-amendement no

40.

M. Emile Blessig.

Je retire ce sous-amendement, monsieur le président.

M. le président.

Le sous-amendement no 40 est retiré.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement no

53.

Mme la garde des sceaux.

Je l'ai déjà défendu, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

53. (Le sous-amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 9, modifié par le sous-amendement no

53. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Patrick Delnatte.

Je renonce au sous-amendement no

55.

M. le président.

Le sous-amendement no 55 n'est pas défendu.

M. Blessig a présenté un amendement, no 41 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 2 bis, insérer l'article suivant :

« I. Dans l'article 80 quater du code général des impôts, les mots : "rentes prévues à l'article 276 du code civil" sont remplacés par les mots : "versements de la prestation compensatoire prévus à l'article 276 du code civil ainsi que la rente viagère prévue à l'article 276-1 du même code".

« II. La perte de recettes est compensée par une taxe additionnelle, au profit de l'Etat, aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, l'amendement no 41 rectifié et l'amendement no 48 ne pourraient-ils faire l'objet d'une discussion commune, le second étant la conséquence du premier ?

M. le président.

Soit ! mon cher collègue.

Je suis en effet saisi par MM. de Courson, Blessig et Salles d'un amendement, no 43, ainsi rédigé :

« Après l'article 2 bis , insérer l'article suivant :

« I. Le 2o bis du II de l'article 156 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« 2o bis) La prestation compensatoire, versée sous forme de capital, dans la limite d'un huitième de son montant, chaque année pendant huit années consécutives.

« Si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent est imputé successivement sur le revenu global des années suivantes.

« II. La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Vous avez la parole, monsieur Blessig.

M. Emile Blessig.

J'ai déjà dénoncé ce que j'appelle le torpillage de la loi civile par la loi fiscale.

Les deux amendements tendent à rétablir une situation d'équité entre les débiteurs de prestations compensatoires.

Il convient donc de permettre que le capital soit imputé sur le revenu global pendant huit années consécutives. Si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent sera imputé successivement sur le revenu global des années suivantes.

Au cours de la discussion générale, un certain nombre de collègues ont exprimé cette préoccupation.

Je précise que les deux amendements sont gagés sur les articles nos 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Un accompagnement fiscal est évidemment nécessaire.

A partir du moment où l'on remplace les rentes temporaires par un capital éventuellement payable en huit années, il faut prendre garde à ce que la modification de la loi n'entraîne pas de pénalisation sur le plan fiscal, au moins pour ceux qui payaient une rente temporaire et qui, demain, verseront un capital.

Lorsque le premier des amendements est venu en commission, j'avais souhaité qu'il soit adopté par la commission, afin, madame la ministre, que vous saisissiez la force de notre appel en faveur d'un cadre fiscal.

Un tel cadrage ne paraît d'ailleurs pas poser de problèmes majeurs : la jurisprudence a traité plusieurs fois de situations où un capital était versé sous forme d'annuités - il y a même une décision du Conseil d'Etat à cet égard -, et nous prévoyons dans notre dispositif, ce qui est fort heureux, que les modalités de versement de ce capital seront indexées comme en matière de pension alimentaire, ce qui permet de faire le lien avec le code général des impôts.

Cela dit, je perçois, à ce stade de la discussion, la difficulté, d'autant plus qu'il était très délicat de débattre des conséquences fiscales d'un cadrage juridique qui n'était pas définitivement fixé. Si nous avions conservé les rentes temporaires, la question posée ne serait pas d'actualité.

Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez au moins nous confirmer la détermination du Gouvernement à trouver une solution qui réponde à nos aspirations.

Je reconnais que, sur le plan technique, les deux amendements ne sont pas complètement ajustés : les situations anciennes obéissaient à d'autres critères et à d'autres défi nitions du code civil que celle que nous évoquons aujourd'hui. Il serait donc difficile de les adopter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 41 rectifié et 43 ?

Mme la garde des sceaux.

Il s'agit là d'une question très importante mais complexe, qui a des incidences aussi bien pour le débiteur que pour le créancier.

Il est proposé que le capital dont l'amendement no 43 prévoit la déduction du revenu des débiteurs soit imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des pensions chez le bénéficiaire. Je comprends la logique d'un tel système. Mais en raison même du mécanisme de l'impôt sur le revenu, fondé sur le principe de la progressivité, une telle disposition pourrait entraîner une imposition lourde pour le créancier.

L'équilibre n'est pas facile à trouver et la question doit être approfondie. En l'état actuel des choses, lorsque le v ersement s'effectue sous forme de capital, celui-ci n'ouvre droit à aucune déduction du revenu imposable du débiteur de la prestation...

M. Gérard Gouzes.

C'est pour cela qu'il y a des rentes !

Mme la garde des sceaux.

... et, corrélativement, n'est pas imposable entre les mains du bénéficiaire.

En revanche, lorsque le capital prend la forme d'une rente, la prestation compensatoire est déductible du revenu imposable de celui qui la doit, mais elle est bien entendu imposée selon le même régime que les pensions alimentaires au nom de la personne qui la reçoit.

Mme Véronique Neiertz.

C'est cela qu'il faut supprimer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Mme la garde des sceaux.

Je suis d'accord avec votre rapporteur pour reconnaître que, pour tenir compte des nouvelles dispositions du code civil que vous vous apprêtez à voter, il faut poser la question de la réforme du régime fiscal actuel des prestations compensatoires...

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

... lorsque le versement du capital est échelonné sur plusieurs années.

M. Didier Quentin.

Enfin ! On y arrive !

Mme la garde des sceaux.

En accord avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je m'engage ce soir à ce qu'une solution soit trouvée d'ici à la prochaine lecture en ce qui concerne le régime fiscal au regard de l'impôt sur le revenu des versements prévus par l'article 276 nouveau du code civil. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.)

Je soumettrai aux rapporteurs des deux assemblées des projets de texte susceptibles de recueillir un consensus.

Je sais que votre commission et son rapporteur sont soucieux d'avancer sur ce point car il est clair qu'une application satisfaisante du nouveau régime suppose une fiscalité adaptée. C'est pourquoi je demande à M. Blessig de retirer les amendements.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Madame la ministre, nous prenons acte de votre engagement. Vous l'aviez déjà pris au Sénat et, en deux ans, la réflexion avait le temps de mûrir. Nous pouvions donc nous attendre ce soir à une proposition. Prenez l'engagement ferme d'en faire une pour la prochaine lecture. J'espère que vous inscrirez cette lecture à notre ordre du jour très rapidement.

M. Gérard Gouzes.

Ne vous inquiétez pas : nous serons encore là dans deux ans !

M. le président.

Monsieur Blessig, quel sort réservezvous aux deux amendements ?

M. Emile Blessig.

Eu égard à l'engagement pris par

Mme la ministre, je les retire, monsieur le président.

M. le président.

Les amendements nos 41 rectifié et 43 sont retirés.

Article 2 ter

M. le président.

« Art. 2 ter L'article 277 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 277. Indépendamment de l'hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l'époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente. »

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 277 du code civil par les mots : "ou du capital". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié par l'amendement no

10. (L'article 2 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2 ter

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Après l'article 2 ter, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 247 du code civil, les mots : "et sur la modification de la pension alimentaire," sont remplacés par les mots : ", sur la modification de la pension alimentaire et sur la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui reprend l'article 1er bis de la proposition de loi, lequel donne la compétence au juge aux affaires familiales pour statuer sur les demandes de révision de la prestation compensatoire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Après l'article 2 ter, insérer l'article suivant :

« Les articles 274 et 275-1 du code civil sont supprimés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi libellé :

« Après l'article 2 ter, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 278 du code civil est complété par deux phrases, ainsi rédigées :

« La prestation compensatoire peut être assortie d'un terme extinctif ou d'une condition résolutoire.

Elle peut prendre, la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Il s'agit de préciser les formes que peut prendre, dans un divorce sur requête conjointe, la prestation compensatoire.

Comme nous sommes dans un cadre contractuel, les époux pourront, s'ils le souhaitent, convenir d'une prestation versée sous forme de rente temporaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Après l'article 2 ter, insérer l'article suivant :

« Dans le dernier alinéa de l'article 279 du code civil, le mot : "imprévu" est remplacé par le mot : "important". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

Article 3

M. le président.

L'article 3 de la proposition de loi a été retiré au Sénat.

Avant l'article 4

M. le président.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 15 corrigé, ainsi rédigé :

« Avant l'article 4, insérer l'intitulé suivant :

« Titre II : Dispositions transitoires. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 15 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. La révision des rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions prévues aux articles 1er à 2 ter. »

Je suis saisi de deux amendements, nos 42 et 16, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 42, présenté par M. Blessig et M. Valles, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« La révision à la baisse des prestations compensatoires attribuées sous forme de rente temporaire ou viagère avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée au juge en cas de changement substantiel dans les ressources et les besoins des parties.

« S'il s'agit d'une rente temporaire, la révision ne peut conduire à proroger sa durée initiale. A cette occasion, le juge fixe en capital le montant résiduel de la prestation compensatoire en se situant à la date de la demande de révision, compte tenu des sommes déjà versées au titre de cette prestation.

« A tout moment, le débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente temporaire ou viagère fixée avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut saisir le juge aux fins de statuer sur la substitution à la rente du capital ainsi chiffré, et déterminé selon les modalités prévues aux articles 275 et 276.

« Cette action est ouverte aux héritiers du débiteur. »

L'amendement no 16, présenté par M. Alain Vidalies, rapporteur, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« La révision des rentes viagères attribuées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions fixées à l'article 276-3 du code civil.

« La substitution d'un capital aux rentes viagères attribuées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions fixées à l'article 276-4 du même code. »

La parole est à M. Emile Blessig, pour soutenir l'amendement no

42.

M. Emile Blessig.

Je retire cet amendement, déjà satisfait.

M. le président.

L'amendement no 42 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

16.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement tend à ouvrir au débiteur et à ses héritiers la possibilité de demander la révision à la baisse de la rente viagère versée à l'entrée en vigueur de la future loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Après l'article 4

M. le président.

MM. Nicolin Goasguen et Perrut ont présenté un amendement, no 22, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. L'article 280 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 280. Nonobstant toute disposition contraire et quel que soit le régime matrimonial des époux, les transferts et abandons prévus au présent paragraphe ne sont pas assimilés à des donations. »

« II. La perte de recettes supportée par l'Etat est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Je retire l'amendement, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 22 est retiré.

M. Vidalies, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

« La prestation compensatoire versée sous forme de rente temporaire lors de l'entrée en vigueur de la présente loi peut être révisée à la baisse en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties. Sa révision ne peut conduire à proroger sa durée initiale.

« La prestation compensatoire peut également faire l'objet d'une demande tendant à lui substituer u n capital dans les conditions prévues aux articles 275 et 276 du code civil.

« Ces actions peuvent être engagées par le débiteur ou ses héritiers. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement prévoit des dispositions transitoires pour les rentes temporaires actuellement versées : celles-ci pourront être révisées uniquement à la baisse en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties. La révision ne pourra conduire à proroger la durée initiale fixée par le juge pour la rente temporaire, qui pourra aussi faire l'objet d'une demande de capitalisation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements, nos 18 et 50, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 18, présenté par M. Vidalies, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Dès l'entrée en vigueur de la présente loi, les pensions de réversion versées du chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit des prestations compensatoires en cours de versement attribuées sous forme de rente. »

L'amendement no 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Les pensions de réversion versées du chef du conjoint décédé peuvent, sur décision du juge saisi p ar les héritiers du débiteur de la prestation compensatoire, être déduites du montant des rentes en cours lors de l'entrée en vigueur de la présente loi. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

18.

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Cet amendement prévoit la déduction automatique de la pension de réversion dans le cadre du régime transitoire.

Nous avons donc décidé que la rente était transmissible aux héritiers, mais qu'elle serait déduite de plein droit de la pension de réversion. Soit ! Mais quid de l'application de ce principe aux situations existant à ce jour ? La commission a estimé qu'il était anormal de cumuler la prestation compensatoire et la pension de réversion. Au moment où le juge fixe le montant compensatoire, il ne prend pas compte, par définition de l'existence d'une pension de réversion, à moins de spéculer sur le décès des parties. Mais peut-on en la matière parler de « droits acquis », comme dans le droit du travail, le cumul ne pouvant cesser ipso facto par le fait d'une décision législative ? Ne vaudrait-il pas mieux saisir le juge ? Le débat est difficile. Cela dit, à partir du moment où l'on constate qu'une situation est anormale, il faut appliquer le nouveau droit non seulement aux situations futures, mais aussi aux situations existantes, de façon que le décès de l'un des ex-conjoints ne soit plus jamais une bonne nouvelle se traduisant par une amélioration de la situation de l'ex-conjoint survivant.

Tel est le sens de l'amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 50 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

18.

Mme la garde des sceaux.

Je suis évidemment d'accord sur le principe de la déduction de la pension de réversion.

Votre commission des lois propose de rendre automatique cette déduction pour les rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la réforme. Franchement, cette solution me paraît trop brutale. En effet, les bénéficiaires qui cumulent actuellement une prestation compensatoire et une pension de réversion peuvent se trouver dans des situations où la déduction brutale de la pension de réversion leur créerait des difficultés financières parfois insurmontables.

C'est pourquoi il me semble préférable de laisser une certaine souplesse au mécanisme en donnant au juge la possibilité de décider, selon les cas, si une déduction doit ou non être opérée. Tel est le sens de l'amendement no 50 qui, je l'espère, pourra se substituer à l'amendement no 18 de votre commission, auquel je ne suis pas favorable.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Les deux amendements en discussion poursuivent le même objectif, mais celui du Gouvernement introduit une souplesse qui n'existe pas dans celui de la commission.

L'amendement du Gouvernement, inspiré par la prudence, évitera certaines injustices que l'automaticité de la déduction pourrait entraîner.

Je conseillerai donc à notre rapporteur de regarder de plus près l'amendement du Gouvernement.

(Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous avons entendu et les explications du rapporteur et celles de la garde des sceaux. Montrant notre ouverture d'esprit, je dirai que nous sommes plutôt sensibles aux arguments de la garde des sceaux : son amendement introduit une souplesse et prend davantage en considération la situation des intéressés.

Nous voterons donc l'amendement du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

50. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 51, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Les dispositions de la présente loi sont applicables aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

Mme la garde des sceaux. Dans la mesure où, et j'en remercie l'Assemblée, le nouveau régime introduit une souplesse dans le mécanisme de révision des prestations compensatoires, il importe qu'il puisse être applicable aux instances en cours.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vidalies, rapporteur.

Très favorable : l'amendement est tout à fait opportun.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

51. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Chers collègues, je vous félicite pour la concision dont vous avez fait preuve.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Yves Nicolin.

Ce texte, que nous avons discuté en un temps record, permettra, en matière de divorce, des avancées positives. Certes, tout n'est pas rose et nous n'avons pas obtenu gain de cause sur tout. Mais la discussion de la prochaine loi sur la famille que présentera la garde des sceaux ainsi que les autres lectures de ce texte nous donneront l'occasion de revenir sur certains points.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants a décelé dans ce débat deux clivages entre la majorité et l'opposition.

D'abord, sur la question de la transmissibilité. Nous ne sommes pas en phase totale, ni avec la majorité ni avec le Gouvernement. Ensuite, sur la question de la fiscalité.

Même si le Gouvernement s'est engagé à plusieurs reprises sur ce sujet, des discussions sérieuses seront nécessaires pour faire en sorte que la fiscalité soit la plus neutre possible vis-à-vis des futurs divorcés, voire des personnes en instance de divorce ou ayant déjà divorcé.

Il est un point dont nous n'avons pas parlé, et qui se résout à une question que je poserai à Mme la garde des sceaux.

Nous avons aujourd'hui entamé une réforme qui risque d'amener bon nombre de Français à faire appel à la justice pour réviser leur situation.

Certains tribunaux s'inquiètent déjà d'un probable engorgement. Madame la garde des sceaux, comment comptez-vous répondre à cet afflux de procédures ?

M. Jean-Paul Bret.

On a déjà entendu cet argument avec le PACS !

M. Yves Nicolin.

Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera ce texte, dont le principe essentiel est la transformation de la rente en capital. Comment pourrions-nous nous opposer à un projet de loi qui permet de voir pour une fois le groupe communiste, les Verts et le groupe socialiste se déclarer favorables au capital ? (Sourires.)

Mme Nicole Bricq.

Au capital productif !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Gouzes.

Le groupe socialiste se félicite de ce débat, si l'on excepte les dernières plaisanteries de M. Nicolin,...

Mme Nicole Bricq.

Ce n'était pas méchant !

M. Gérard Gouzes.

... débat qui a été serein, sérieux et qui fut marqué par un esprit d'unanimité.

Au terme de cette première lecture à l'Assemblée nationale, nous allons aboutir à un texte à la fois juste et équilibré, libérateur pour tous ceux qui connaissent aujourd'hui une situation injuste qu'il était urgent de revoir.

Pour les situations passées comme pour les situations futures, nous aurons réussi, mes chers collègues, à réécrire un texte issu du Sénat en respectant certains principes juridiques.

Premier principe : la prestation compensatoire ne sera plus confondue avec la pension alimentaire. Deuxième principe : la transmissibilité. Eh oui, monsieur Nicolin ! Et à cet égard, je suis heureux de voir que c'est le groupe Démocratie libérale et Indépendants qui, aujourd'hui, se déclare contre l'héritage ! (Sourires.)

M. Yves Nicolin.

Contre le mauvais héritage !

M. Gérard Gouzes.

C'est une notion qu'il vous faudra prochainement développer dans votre programme. Je suis sûr que vos électeurs apprécieront...

On ne peut pas hériter uniquement de l'actif, on hérite aussi du passif.

Cette prestation compensatoire ne sera plus une rente sauf exception très spécialement motivée, mais un capital forfaitaire définitif dont les modalités de paiement seront toujours révisables.

Nous aurons introduit la souplesse indispensable à la révision de la rente qui, sous le régime de la loi de 1975, était devenu impossible. A l'extrême rigidité succède la juste adaptation aux situations. Car, aujourd'hui, certaines d'entre elles sont inextricables.

Mais nous aurons fait preuve de responsabilité en tenant compte de toutes les situations, y compris de celles des créanciers éventuellement en difficulté. A une injustice réparée ne doit pas succéder une autre injustice.

Il s'agit d'un excellent travail, réalisé grâce à vous, madame le garde des sceaux, grâce à notre excellent rapporteur, M. Vidalies, grâce à tous ceux qui, sur tous les bancs, auront appuyé une réforme tant attendue.

Voilà pourquoi, madame le garde des sceaux, le groupe socialiste votera ce texte qui participe de la modernisation des institutions et des textes définissant les relations individuelles et familiales. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Patrick Delnatte.

Le groupe RPR votera également cette réforme qui répond à nombre de nos objectifs et qui permet de véritables améliorations. Cependant, il regrette que les amendements qu'il avaient déposés n'aient pas été pris en compte. Leur but n'était pas de créer un nouveau déséquilibre au détriment des créancièrs, mais de simplifier le dispositif pour éviter les contentieux.

Notre inquiétude est que le texte laisse encore beaucoup de place à l'intervention du juge.

M. Gérard Gouzes.

Il n'y avait pas d'autre solution !

M. Patrick Delnatte.

On peut craindre un alourdissement des contentieux, voire des dérives comme celles qui sont apparues au moment de l'application de la loi de 1975.

Cela dit, en l'état actuel des choses, nous voterons ce texte. Mais il faudra impérativement une bonne réforme du droit de la famille, redonnant un certain nombre de repères.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Alain Tourret.

C'est effectivement un fort bon texte, que nous approuvons pleinement. Je ferai cependant quelques observations.

Après tout, le législateur de 1975 était peut-être lui aussi un bon législateur. Les dérives observées sont avant tout celles de la jurisprudence et des magistrats. Le législateur de 1975 voulait essentiellement un capital et non une rente. Ce sont les tribunaux qui, par facilité, ont fait prévaloir la rente, nous obligeant aujourd'hui à légiférer.

Cela m'amène à m'interroger - et je m'en suis entretenu avec le rapporteur - sur l'ouverture qui persiste et que ne manqueront pas d'exploiter les magistrats car, qu'on le veuille ou non, ceux-ci sont favorables à la rente et pas au capital. C'est comme cela. Je crains donc qu'ils n'utilisent la moindre meurtrière que nous aurons laissé subsiter. Cela dit, nos débats ont été suffisamment clairs aujourd'hui et je pense que la volonté du Parlement devra, là peut-être plus qu'ailleurs, primer sur celle des magistrats.

Ce texte assure un équilibre entre les droits du créancier et les droits du débiteur. Cet équilibre est à mon sens un gage de pérennité.

Je terminerai en félicitant tout particulièrement M. le rapporteur et Mme la ministre pour ce travail harmonieux, qui a abouti à un si bon texte.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le propos de ce débat était de corriger certaines dérives et de mieux préparer, à l'avenir, les conditions d'allocation de la prestation compensatoire, mais aussi de réparer les injustices apparues depuis vingt-cinq ans dans l'application de la loi de 1975.

Bien que nous n'ayons pas été d'accord sur tous les points - ce qui est normal -, notre débat a été utile et riche. Il permettra d'apporter dès maintenant une réponse satisfaisante aux préoccupations de nos concitoyens, qui sont nombreux à être concernés par ce problème. Il permettra de corriger les injustices. Mais il contribuera aussi à préparer l'avenir : d'abord sur le plan fiscal, pour éviter que la loi ne soit « anihilée » par la persistance de dispositions fiscales restrictives ; ensuite dans la perspective de la réforme du droit de la famille et du divorce, qui était présente à l'arrière-plan de ce débat.

Bien entendu, comme je l'ai déjà annoncé, le groupe UDF votera ce texte.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Outin, pour le groupe communiste.

M. Bernard Outin.

Monsieur le président, pour participer à la réussite du challenge que vous nous avez lancé je serai très bref.

Lors de la discussion générale, j'avais déjà annoncé que le groupe communiste soutiendrait ce texte qui comporte des avancées. Je confirme : nous le voterons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je me félicite, pour ma part, d'avoir présidé une soirée aussi consensuelle. (Sourires.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je remercie l'Assemblée de cet excellent travail, et la commission des lois ainsi que son rapporteur pour l'amélioration considérable qu'ils ont apportée au texte.

Je suis très heureuse que cette loi ait été votée à l'unanimité. Je souligne le caractère constructif des propositions et de l'attitude de l'opposition et remercie M. le président d'avoir conduit les débats à leur terme, avec la célérité, mais aussi la compétence qui lui sont habituelles.

M. le président.

Merci pour vos compliments, madame la ministre, et merci à l'Assemblée qui a fait les efforts nécessaires pour que cette séance se termine à l'heure prévue.

2 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. André Gerin un rapport, no 2187, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi de M. André Gerin relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (no 2046).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de Mme Raymonde Le Texier un rapport, no 2188, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (no 2140).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Patrick Delnatte un rapport, no 2189, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (no 1924).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Paul Dhaille un rapport, no 2190, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur : le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (no 1932) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (no 1933).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 FÉVRIER 2000

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. René Mangin un rapport, no 2191, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des

Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunit és sur le territoire français, ensemble une annexe (no 1931).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Bruno Le Roux un rapport, no 2193, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité (no 2139).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Jacky Darne un rapport, no 2194, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (no 2157).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Daniel Marcovitch un rapport, no 2195, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de M. Jean Le Garrec instaurant une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France (no 1727).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. André Vauchez un rapport, no 2196, fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national (no 2176).

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Christian Paul un rapport, no 2197, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (no 2158).

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 23 février 2000, de M. Pierre Brana un rapport d'information, no 2192, déposé, en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères, sur une mission d'information au Nigeria.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (no 2139) portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité : M. Bruno Le Roux, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2193) ; Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (no 2140) relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2188).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Eventuellement, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 24 février 2000, à une heure vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

Prix du numéro : 0,64 - 4,20 F Imprimerie, 26, rue Desaix, Paris (15e ). - Le préfet, Directeur des Journaux officiels : Jean-Paul BOLUFER 103000130-000200