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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Journée nationale des Justes de France. - Discussion d'une proposition de loi (p. 1327).

M. Daniel Marcovitch, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1329)

MM. Armand Jung, Georges Sarre, Michel Herbillon, Bernard Birsinger, Rudy Salles, Jean-Paul Bret, François Baroin, Jean-Paul Durieux.

M. le président.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Article unique. - Adoption (p. 1339)

M. le président de la commission.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 1339).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1340).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

JOURNÉE NATIONALE

DES JUSTES DE FRANCE Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean Le Garrec et plusieurs de ses collègues instaurant une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémistes de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France (nos 1727, 2195).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Daniel Marcovitch, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, mes chers collègues, le 16 juillet 1942, la journée s'achève. Il règne à l'intérieur du Vél'd'Hiv une chaleur étouffante. Hanna Cymerman a été arrêtée le matin avec ses deux filles, Fanny et Louise.

Des milliers de familles sont entassées dans des conditions d'hygiène inhumaines. Soudain, Hanna se lève, sans doute dans un mouvement dicté par le désespoir, prend ses deux filles par les mains et se dirige vers la sortie.

S'adressant à deux jeunes gens en uniforme qui gardent la porte, elle déclare, avec son accent polonais et dans un français approximatif : « Je suis entrée voir si je n'avais pas une amie qui était ici. Je ne l'ai pas trouvée, donc je m'en vais. » Les deux jeunes hommes se regardent, ils ne

sont pas dupes, mais ils s'écartent et la laissent sortir.

Hanna et ses deux filles survivront à la guerre.

Ces deux jeunes gendarmes, Fanny, aujourd'hui retraitée, aurait aimé les retrouver, peut-être pas pour leur décerner le titre de « Juste », mais certainement pour leur reconnaître le titre d'homme. Ils ont désobéi à des lois qui avaient été édictées par l'Etat français à la suite d'un processus irrémédiable par lequel la France allait toucher le fond de l'horreur et de la honte.

Le 10 juillet 1940, le Parlement est réuni au casino de Vichy pour voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

Je le rappelle, la chambre des députés a été élue le 5 mai 1936. En dehors de quarante-cinq députés communistes interdits depuis 1939, des députés retenus sur le Massilia et des deux cents députés et sénateurs encore sous les drapeaux ou prisonniers, seuls quatrevingts parlementaires - cinquante-huit députés et vingtdeux sénateurs - s'opposeront aux pleins pouvoirs du maréchal Pétain, dont on sait ce qu'ils vont donner.

A ce moment, commence la descente vers l'abîme. Car, avant même que l'occupant allemand ait pu exiger de la France qu'elle vote des lois raciales contre les juifs et les Tziganes, la France prend les devants. La litanie des lois, qui vont interdire aux juifs les métiers de la presse, de la finance, instituer le numerus clausus dans les universités et dans les écoles, interdire aux artistes de jouer, serait trop longue à rappeler.

Ces lois, c'est l'Etat français qui les décide et qui va les faire appliquer. Jusqu'à cette date du 16 juillet 1942 où 4 500 policiers et gendarmes, sous les ordres de Jean Leguay, délégué du secrétaire général de la police de Vichy, René Bousquet, procèdent à une rafle qui va toucher des milliers de familles : plus de 13 000 juifs seront arrêtés, dont 4 500 enfants internés au Vél'd'Hiv puis à Drancy, avant d'être déportés vers les camps de la mort.

Ce ne sont pas les premières rafles. D'autres ont déjà été organisées par la police et les gendarmes français, mais la rafle du Vél'd'Hiv, par son ampleur, son organisation et la participation de la police française, est certainement la plus importante.

En 1992, Jean Le Garrec propose qu'une loi crée une journée commémorative pour les victimes de ces crimes racistes. Le président Mitterrand transformera cette proposition de loi en décret et, depuis 1993, à la date de la rafle du Vél'd'Hiv, nous commémorons la mémoire de toutes les personnes qui ont été les victimes des lois racistes élaborées sous l'autorité de fait du gouvernement dit gouvernement de Vichy.

L'histoire est à la fois simple et compliquée.

Le gouvernement au pouvoir à l'époque était légal, à défaut d'être légitime, et les crimes ont été commis sous l'autorité de l'Etat français.

Mais, à côté de l'horreur, comme le général de Gaulle dès le 18 juin, ou les combattants de la Résistance, ou encore les députés et sénateurs qui, le 10 juillet 1940, ont refusé de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, dans l'ombre, mues par la seule conviction qu'il n'est pas de valeur plus haute que la vie humaine, d'autres personnes, comme ces gendarmes qui gardaient les portes du Vél'd'Hiv, se sont levées, et sans rien demander, sans rien dire, ont sauvé des milliers et des milliers de juifs.

Au total, sur les 76 000 juifs déportés dans 76 convois, seulement un peu plus de 2 000 sont revenus. Et si la communauté juive, qui, en France, comptait à peu près 300 000 personnes à l'époque, a vu les trois quarts de ses membres échapper à l'horreur, c'est pour une grande part grâce à ces hommes et ces femmes. Or la France ne les a jamais reconnus. Parce que, à l'époque, on parlait non pas de crimes racistes, mais des victimes civiles de la guerre. Parce que reconnaître ces hommes et ces femmes revenait à reconnaître les fautes. Jusqu'à ce mois de juillet 1995, où le Président de la République déclarait publiquement que l'irréparable avait été commis par l'Etat


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français, personne n'avait fait le lien, personne ne voulait réellement faire le lien entre le racisme, les déportations et la France elle-même.

Ces hommes et ces femmes n'ont donc jamais été honorés officiellement jusqu'à ce jour par la France. Seuls l'Institut de Yad Vashem en Israël en 1953, puis en France en 1963, et le Consistoire central israélite en 1978, leur ont reconnu un titre, celui de « Justes ».

Par sa simplicité et sa grandeur, ce titre de « Juste » traduit bien ce qu'il veut dire : un Juste est celui qui, par son action, est capable de sauver le reste de l'humanité.

C'est l'exemple, le modèle. Les Justes - comme à Sodome et Gomorrhe où Dieu avait dit à Abraham que s'il trouvait cinquante Justes, il sauverait la ville - ont sauvé l'honneur de la France.

Les honorer ne pouvait que se faire de façon collective.

La plupart sont morts, tous ne sont pas connus. On en a dénombré 1 900 à ce jour, mais la plupart ne seront jamais recensés. La France a les moyens d'honorer, à travers son histoire et en décernant des médailles, ceux qui sont toujours vivants.

Surtout, nous voulions, avec le président Le Garrec, qu'à travers la loi, ce soit la nation française qui, par ses représentants, reconnaisse la gloire et l'honneur de ces gens. Nous voulions que l'histoire officielle, qui niait jusqu'à ce jour la participation de l'Etat, reconnaisse enfin que ces crimes ont été commis au nom d'une certaine France, même s'il existait, à côté, une France combattante, résistante, à Londres, dans le Vercors ou en Afrique du Nord. Mais c'est bien un gouvernement qui se réclamait de la France qui a commis ces crimes.

En rendant hommage à ceux qui, à un moment, onts u porter plus haut que tout l'expression d'« être humain », la France est conviée à un devoir de mémoire.

Dans une période difficile où, nous le constatons, certains pays en Europe n'ont pas été capables de revenir sur le passé et de réaliser cette oeuvre de dénazification indispensable pour regarder l'avenir, la France, ainsi, s'honorera.

(Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, il est des moments privilégiés où, comme ce matin, dans cet hémicycle au décor chargé d'histoire, nous parlons un peu d'histoire.

Nous sommes peut-être entre nous, mais le fait est quand même important.

Vous étiez, monsieur le rapporteur, le mieux placé pour évoquer ces dates et ces événements tragiques. Vous l'avez fait avec beaucoup d'émotion, et je vous en remercie.

Pour introduire mon propos, je reprendrai une phrase bien connue de Primo Levi : « Quiconque oublie son passé est condamné à le revivre. » Cette phrase demeure

d'une brûlante actualité. Elle a beaucoup marqué notre pays ces dernières années.

En 1987, Rousso écrivait, dans Le Syndrome de Vichy et la collaboration, que la France était malade de son histoire. C'est vrai, il a fallu un long travail de mémoire pour reconnaître certains événements. Souvenons-nous des débats à la sortie du film de Max Ophuls, Le Chagrin et la Pitié, ou des polémiques à la publication du livre du grand historien américain Paxton, La France de Vichy.

Puis, au fil des années, au fil des débats, des combats, des témoignages, avec la volonté de la République de dire, l'histoire est revenue avec ses périodes troubles, sa part d'ombre, mais aussi de lumière.

Lorsque le 25 novembre 1992 j'ai déposé, en réponse à l'appel du comité du Vél'd'Hiv, une proposition de loi dont les cosignataires étaient Laurent Fabius, Yvette Roudy, Jean Auroux et bien d'autres, mon propos était non seulement de participer modestement à cet impératif de mémoire, mais aussi de faire reconnaître l'écrasante responsabilité du gouvernement de Vichy, de l'Etat français.

Le 4 février 1993, le Président de la République François Mitterrand publiait un décret organisant une Journée nationale de commémoration des persécutions racistes et antisémites à la date anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv.

Le 16 juillet 1995, le Président de la République, Jacques Chirac, reconnaissait clairement, et c'était peutêtre la première fois que les choses étaient dites avec autant de force, la responsabilité de la France en déclarant : « Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français ». Oui « la France a une dette imprescriptible à l'égard de ces victimes ».

C'est ce qui autorise le Premier ministre, Lionel Jospin, à dire à Stockholm, le 20 janvier 2000, que l'oeuvre de mémoire accomplie en quelques années est importante.

Oui, en dix ans, que de débats, de combats pour cette oeuvre de mémoire ! Pourtant, ce que j'avais souhaité que le Parlement fasse lui-même son propre travail de mémoire en s'exprimant sur le sujet - n'avait pas encore été accompli. Ce moment est venu et je considère cet acte comme très important.

Il s'agit non seulement de rappeler les événements du 10 juillet 1940, mais également de participer, dans cet hémicycle, à ce travail de mémoire, de rendre hommage car je pense que cela a été fait insuffisamment - aux quatre-vingts parlementaires qui ont dit « non », ce non minoritaire que Pierre Miquel désigne comme la première manifestation de résistance dans l'Hexagone. Nombre de ces députés seront d'ailleurs arrêtés, déportés, assassin és après s'être engagés bien souvent dans l'action directe ou le renseignement.

Je considère à ce propos comme très important, même si ces noms demeurent inconnus, le fait que le président de notre assemblée, Laurent Fabius, ait rendu hommage, le 20 juin 1990, aux trois députés encore vivants à l'époque : Emile Fouchard, Philippe Serre et Maurice Montel, présent dans l'hémicycle ce jour-là.

De la même façon, l'Assemblée nationale s'honorerait en apposant à la porte de l'hémicycle une plaque rappelant ces quatre-vingts noms de députés qui ont exprimé leur refus de ce qui allait se produire, témoignant ainsi incontestablement d'un esprit de résistance.

Cet esprit de résistance va prendre des formes différentes, vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le rapporteur.

Il y a eu, peu à peu, le refus de l'inacceptable, au nom de la solidarité humaine. Sur tout le territoire, en zone occupée comme en zone libre, des femmes, des hommes, dans l'ombre, discrètement, vont aider, protéger des israélites, leur fournir des papiers, les cacher, faire en sorte que la répression stupide, cruelle, brutale, injuste ne s'abatte pas sur eux.

Ces milliers de gestes modestes, anonymes très souvent, font qu'en cette période tragique et noire, il y a eu une part de lumière, la part des Justes. Et vous avez eu raison,


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monsieur le rapporteur, de rappeler que ce mot universel, est une référence biblique. Quelles que soient les hésitations de nos interlocuteurs, il n'était pas question pour nous de rechercher un équivalent. Nous devions conserver toute la force de ce terme.

Je pense au réseau Marcel d'Odette et Moussa Abadi, qui sauva 500 enfants juifs, à bien d'autres encore. J'ai une pensée, en cet instant, pour mon père.

Dans la proposition de loi initiale, il était prévu d'aller jusqu'à la création d'un titre de « Juste de France ». Mais, lors des auditions, nous avons rencontré des réticences et des hésitations, notamment à cause du risque de confusion avec le titre, ô combien important, décerné par l'institut Yad Vashem. Il n'était pas question pour nous de ne pas tenir compte de ces interrogations légitimes. Nous les comprenons très bien, la Shoah, cette blessure tellement profonde qu'elle n'est pas traduisible, hante les mémoires.

Nous amenderons le texte en le ramenant à quelque c hose de plus symbolique. Il appartiendra à la République, une fois cette proposition - je l'espère - très l argement votée, de rechercher les moyens d'une reconnaissance. Je suis d'ailleurs persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous y contribuerez.

Cela dit, hélas ! ce débat ne perd rien de sa nécessité quand on considère l'actualité. Je citais en introduction la remarquable phrase de Primo Levi : « Quiconque oublie son passé est condamné à le revivre. » Le travail de

mémoire a été fait, parfois douloureusement, en France.

Il a fallu du temps, beaucoup de passion, de volonté et de combats. Il a aussi été fait en Allemagne, où il a été extrêmement important et difficile. Mais il n'a pas été fait suffisamment en Autriche. Le grand écrivain Thomas Bernhard osait le dire, lui qui a été rejeté par son pays.

Et nous en voyons aujourd'hui les conséquences.

Pour ne choquer personne, je me contenterai de citer Franz Ceska, ambassadeur d'Autriche en France : « La Shoah, catastrophe unique dans l'histoire de l'humanité, a anéanti une grande partie des Juifs autrichiens, qui avaient joué un rôle si déterminant dans la culture, la politique, l'économie, en somme dans tous les domaines de la vie en Autriche. (...) Les Autrichiens savent aujourd'hui qu'ils ne peuvent s'abriter derrière la fiction d'avoir été seulement des victimes d'Hitler : victime, l'Autriche l'était, mais beaucoup d'Autrichiens ont été complices de l'horreur nazie. »

On mesure bien la portée extraordinaire de la phrase de Primo Levi. Jamais nous ne devons cesser de regarder notre histoire en face. Nous continuerons à le faire pour d'autres épisodes douloureux, comme la guerre d'Algérie.

C'est fondamental si nous ne voulons pas que le siècle qui s'ouvre soit un nouvel « âge des extrêmes » - je fais référence au remarquable livre du très grand historien anglais Eric Hobsbawm sur l'histoire du XXe siècle. Grandeur, découverte mais aussi durcissement extrême ont marqué la fin de ce siècle. Evitons qu'il en soit ainsi du siècle commençant.

En tout état de cause, il est à notre honneur de parlementaires d'avoir ce débat et de participer à la culture citoyenne et républicaine, au-delà de nos divergences, car nous y sommes tous très profondément attachés. Bien entendu, j'ai parfaitement conscience - et cet hémicycle peu fourni le prouve - qu'il nous faut demeurer modestes. Mais, parfois, l'addition de gestes contribue aussi à faire l'histoire, à éviter d'en écrire une autre.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste.

M. Armand Jung.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me permettrez de ne pas m'adresser à vous en cet instant, mais à toutes celles et ceux qui durant cinq longues années, de 1940 à 1945, ont vacillé entre vie, souffrance et mort en rejoignant les convois qui allaient les emporter vers la barbarie nazie.

C'est vous, Juifs connus, inconnus, Tsiganes, objecteurs de conscience, communistes, résistants, homosexuels, opposants politiques et droit commun, que j'appelle aujourd'hui et convoque à ce débat, à cette cérémonie du souvenir, afin que votre esprit et celui de vos frères de douleur se joignent à nous, à la République enfin lucide, à cette communion qui fait la grandeur des nations démocratiques.

Etait-ce un jour comme celui-ci, aussi gris que peut l'être l'âme de celui qui est arraché aux siens et à ses convictions ? Etait-ce dans la touffeur de l'été parisien, quand la rue s'immobilise sous le poids du ciel ? Ou bien était-ce un jour où les arbres déversent la neige de leur floraison dans le vent tiède ? Quel était donc ce jour où tu as été arraché à ta famille et aux êtres chéris pour a ller nourrir le Moloch barbare, son besoin de sang et de victoires iniques ? Nul ne le saura jamais, mais vous êtes ici à présent avec tous vos frères de malheur, ceux qui revinrent et les innombrables qui ne revinrent jamais.

Pour ceux qui, ayant survécu aux camps, connurent la grâce d'un retour et le renouveau de la vie, la vie n'aurait plus jamais le visage de l'insouciance joyeuse et du simple bonheur de vivre. La guerre, la souffrance et l'humiliation des camps nazis avaient marqué au fer les corps et les esprits des rescapés. Depuis plus d'un demi-siècle maintenant, ils ont porté témoignage et perpétué la mémoire de l'atroce épreuve de ceux qui, transitant par le Vélodrome d'Hiver, Drancy ou Schirmeck, ont rejoint Auschwitz sans espoir de retour.

Vivants ou disparus, ils sont aujourd'hui à nos côtés, parmi nous. Dans cette foule immense, aucun n'est anonyme, aucun n'est perdu, aucun n'est abandonné. Tous, ils ont leur place dans notre souvenir.

A vous tous, à vos frères de souffrance, ombres et fantômes des camps nazis, je dédie cette journée nationale du 16 juillet que nous allons instaurer aujourd'hui.

L'histoire n'est pas blanche ou noire, elle est grise, note avec justesse notre rapporteur. Il existe une face lumineuse qui doit aussi être mise en avant.

« Sauver une vie, c'est sauver l'humanité tout entière », dit l'inscription qui figure sur le monument érigé à Thon on-les-Bains en l'honneur des « Justes parmi les nations ». Ils sont près de 1 900 répertoriés par le comité français pour Yad Vashem.

Il fallait oser risquer sa vie et sa liberté pour sauver des Juifs.

Il y eut Léon Bronchard, de Lyon, Edmond Evrard, de Nice, Anne et Ernest Schoeller, de Longueville-enBarrois, André et Adèle Lambert, Marie-Jeanne Galand, Pierre Bockel, de Strasbourg et tant d'autres.

Il y eut également Joseph Storck, de Guebwiller, dans le Haut-Rhin, un des derniers sur la liste non définitive des récipiendaires de la médaille des Justes. C'est le 6 juin 1999 à Strasbourg qu'il l'a reçue à titre posthume.

J'ai eu le très grand honneur de participer à cette cérémonie particulièrement empreinte de dignité et d'émotion.

Joseph Storck, décédé en 1989, était, durant la guerre, proviseur de lycée à Limoges, où étaient réfugiés de nombreux Alsaciens. Il a protégé un de ses élèves, un jeune Juif, en le faisant vivre dans sa propre famille, puis en le


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dissimulant lors du passage des miliciens. Ce lycéen est devenu le professeur Lazare Landau, figure connue à Strasbourg et spécialiste des relations judéo-chrétiennes, avec lequel je me suis encore entretenu récemment.

Oui, entre la honte et l'honneur, il y a eu ce plus indéfinissable qu'on appelle héroïsme. Pour ces sauveteurs d e vies humaines, ces actes apparaissaient pourtant comme naturels.

Notre France n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est solidaire et fraternelle.

Est-ce à dire que notre débat d'aujourd'hui sur la responsabilité juridico-administrative des actes commis sous l'Occupation est secondaire ? On pourrait le penser au vu de tant de souffrances et de tant d'héroïsme. Je pense cependant le contraire.

Je suis élu d'une région, l'Alsace, qui a encore un compte à régler avec son histoire. Parce qu'elle ne l'a pas fait dans la foulée de la Libération, les mouvements populistes et xénophobes ont proliféré sur le terreau du passé. Il a fallu attendre plus de cinquante ans pour qu'une haute autorité régionale, le maire de Strasbourg, M. Roland Ries, aille dans un geste solennel s'incliner devant les victimes d'Oradour-sur-Glane, drame qui a profondément marqué l'Alsace.

Il en est de même pour l'Autriche d'aujourd'hui, qui n'a jamais procédé à l'inventaire ni à l'apurement de son passé.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très juste !

M. Armand Jung.

Le 10 juillet 1940, le Parlement français vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain par 569 voix pour, quatre-vingts voix contre et dix-sept abstentions. La République n'existe plus, mais l'Etat français demeure, avec ses forces de l'ordre et ses fonctionnaires.

L es déclarations du Président de la République en 1995, suivies de celles du Premier ministre, ont mis fin à cette ambiguïté typiquement française qui consistait, durant des années, à jouer sur les mots. C'est bien l'Etat français, « légal à défaut d'être légitime » comme le note notre rapporteur, qui a participé à ces crimes. Il y a désormais concordance entre mémoire et histoire.

M. Jean Le Garrec, président de notre commission, avait raison en 1995 quand il qualifiait d'« historiquement et juridiquement fausses » certaines réactions au discours du Président de la République lors du cinquantetroisième anniversaire des rafles du Vél'd'Hiv. Le mythe de l'irresponsabilité de l'Etat est désormais caduc. Votre rapporteur va même plus loin - et je l'approuve - en établissant la responsabilité collective de l'Etat français, qui a bien été complice de crimes contre l'humanité, selon la définition du tribunal de Nuremberg, et cela de deux manières : d'une part, en élaborant, de sa propre initiative, une législation raciste et antisémite ; d'autre part, en mettant en pratique la législation par les rafles et les déportations.

Si notre texte conclut à la responsabilité collective de l'Etat français, il ne va pas jusqu'à établir la culpabilité collective d'un peuple. Car les Français de 1939-1945 ont été divers et pluriels. A côté des ombres, il y a eu des lumières. La culpabilité comme l'innocence n'est pas collective, mais personnelle. Dans les procès Papon et Touvier, ce sont des hommes et non une institution qui furent jugés pour crime contre l'humanité.

Il aura donc fallu plus de cinquante ans pour qu'une vérité inscrite dans la mémoire de dizaines de millions de Français soit enfin reconnue et énoncée par la loi.

Oui, en juillet 1942, la France a commis l'irréparable.

Notre texte a valeur d'apurement du passé, mais également d'avertissement : l'Etat, fût-il bâti sur les principes de la République, peut fonctionner au rebours de ses principes et l'autorité qu'il détient peut être mise au service du crime.

C'est donc tout naturellement que le groupe socialiste votera ce texte dont il est l'initiateur. Il le fera avec émotion et solennité, mais également avec soulagement, car il aurait dû entrer en vigueur depuis longtemps.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au nom du Mouvement des citoyens, je tiens à apporter mon soutien à cette proposition de loi.

Il est heureux que soit instaurée une journée nationale qui rende hommage aux victimes des persécutions antisémites du régime de Vichy et que la France décerne une récompense solennelle à celles et ceux qui ont sauvé des juifs touchés par ces lois infâmes.

Il est bon de rappeler qu'à côté de la minorité d'activistes, héritiers de tous les combats contre la République, qui soutint l'imposture vichyssoise, le peuple français dans sa majorité refusa la mise en place de lois discriminatoires, étrangères à notre tradition et aux valeurs de la République. Car - et c'est une précision que j'entends introduire par rapport à l'exposé des motifs de cette proposition - la mise en place du régime de Vichy fut bien une disparition temporaire de la République, non une simple mise de côté. La vérité historique, c'est que le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain fut un coup de force, une usurpation qui justifiait pleinement la formule juridique utilisée par le gouvernement provisoire issue de la Résistance pour décrire Vichy : « autorité de fait ».

Ceux qui votèrent les pleins pouvoirs n'avaient plus de légitimité républicaine. Celle-ci s'incarnait, comme cela vient d'être rappelé, dans les quatre-vingts parlementaires qui les refusèrent, dans ceux qui, tel Pierre MendèsFrance, embarquèrent sur le Massilia , ou qui furent emprisonnés dans le sud algérien ou à Fresnes.

Le peuple de France, lui, sut se montrer digne des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité que la tradition républicaine, et singulièrement l'école laïque, lui avaient transmises. Il cacha courageusement, naturellement, les hommes, les femmes et les enfants qui étaient destinés à la mort par l'occupant et ses complices.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Etat d'Israël créa l'institut Yad Vashem qui a distingué de nombreux Français en leur décernant le titre de « Juste parmi les nations ». Je souhaite réaffirmer ici solennellement l'importance de cette distinction, quelque peu minimisée dans l'exposé des motifs de la proposition de loi. En effet, Yad Vashem joue un rôle primordial dans la transmission de la mémoire de la Shoah, notamment par l'éducation.

Sans ses efforts, nous ne saurions toujours rien du rôle éminent joué par ces justes.

Pour conclure, et en réitérant mon soutien à cette proposition, je souhaite que, pour fixer la date de cette journée nationale, l'on n'oublie pas la consultation des instances représentatives du judaïsme français, celle des associations représentatives de la Résistance étant, heureusement, prévue par le texte. Je souhaite, monsieur le


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secrétaire d'Etat, que le débat soit le plus ouvert possible afin que le Parlement ait une juste vision des choses.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Herbillon, au titre du groupe Démocratie libérale.

M. Michel Herbillon.

Trop longtemps la France n'a pas su et n'a pas voulu regarder en face, sans faux-semblants, l'histoire qui fut la sienne durant l'occupation nazie.

Trop longtemps notre pays a cherché à ignorer le rôle joué par le gouvernement de Vichy et l'administration placée sous son autorité dans les persécutions et la déportation de juifs français ou réfugiés sur notre sol, de tziganes, d'homosexuels ou de résistants.

Oui, des Français ont facilité les persécutions exercées par l'occupant, parfois au-delà même de ses exigences ! Oui, des Français ont été complices de crimes contre l'humanité ou les ont perpétrés eux-mêmes ! Ce n'est qu'à l'orée des années 80, avec la mise en cause de hauts fonctionnaires de Vichy, puis le procès Barbie et paradoxalement les théories révisionnistes dont le développement a souligné l'impérieuse nécessité de stimuler et de revivifier la mémoire collective, qu'a pu enfin être levé le voile sur cette période sombre de notre histoire et que l'exigence de vérité s'est fait jour. Cette exigence était nécessaire et salutaire, car assumer pleinement son histoire telle qu'elle fut, non seulement dans ses heures glorieuses, mais aussi dans ses heures sombres, est pour un pays un signe de maturité et de vitalité démocratique.

En cela, l'instauration, par le décret du 3 février 1993, d'une journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l'autorité de fait dite

« Gouvernement de l'Etat français » a contribué à restaurer la vérité sur la responsabilité de Vichy dans la violation des droits, les persécutions, les arrestations et la déportation de dizaines de milliers de juifs. A cet égard, je tiens à souligner le rôle qu'a joué à cette époque le pré sident de la commission des affaires culturelles, Jean Le Garrec.

L'étape décisive et la plus symbolique dans ce processus de réappropriation et d'acceptation de notre passé fut sans conteste franchie, avec un indéniable courage politique, par le Président de la République, Jacques Chirac, lorsqu'il a reconnu solennellement, le 16 juillet 1995, la responsabilité de l'Etat français dans la rafle du Vél'd'Hiv et plus largement dans la persécution des juifs. Cet acte du chef de l'Etat a singulièrement tranché avec l'attitude officielle faite jusqu'alors de non-dits, de silences gênés qui nourrissaient, il y a peu de temps encore, les illusions d'une bonne conscience collective, n'aspirant qu'au mythe d'une France unanimement résistante.

Cependant, comme le Président de la République l'a également souligné le 2 novembre 1997, lors de l'inauguration du Mémorial des Justes, élevé à l'initiative du Consistoire israélite de France à Thonon-les-Bains, « si le mal doit être reconnu, le bien ne doit pas être méconnu.

Aux heures les plus noires, la noblesse et l'espérance continuaient de vivre. Elles étaient dans le coeur des combattants de la France libre, des résistants, si nombreux dans cette belle province. Dans le coeur, aussi et surtout, de tous ces Français anonymes, ces Justes parmi les nations qui, au plus noir de la tourmente, sauvèrent les trois quarts de la communauté juive résidant sur notre sol ».

Le devoir de mémoire et l'équité exigent en effet de rendre aujourd'hui justice à tous ceux qui, par leurs actions, et le plus souvent au péril de leur vie, ont protégé et sauvé des milliers de juifs pourchassés par l'occupant et le régime de Vichy.

« Il faudrait commencer par le commencement, et le commencement de tout, c'est le courage », écrivait Vladimir Jankelevitch. C'est en effet au courage de ces milliers d'anonymes, comme à celui des résistants, que la France doit d'avoir, dans la tourmente, conservé son honneur.

En refusant l'inacceptable, en refusant l'oppression de Français par d'autres Français, en refusant que soit trahie notre tradition nationale d'asile et de terre d'accueil, ces hommes et ces femmes que l'on appelle les « Justes » ont permis que survivent les valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité.

La France ne leur a pas rendu, jusqu'à ce jour, un hommage suffisamment appuyé, alors que d'autres pays l'ont d'ores et déjà fait. Le mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, a ainsi accordé le titre de « Juste parmi les nations » à 1 900 de nos compatriotes. Le Consistoire israélite de France a, quant à lui, élevé en 1997 un mémorial des Justes en plein procès Papon.

Il est donc plus que temps, désormais, que l'Assemblée nationale rende, au nom du peuple français, l'hommage officiel qui est dû à ces hommes et à ces femmes. Cet hommage aura d'autant plus de force, à une heure où bien des Justes se sont malheureusement éteints, qu'il leur sera rendu collectivement, soulignant ainsi la somme de ces actions héroïques individuelles quotidiennes, naturelles à leurs yeux, qui ont contribué à sauver des milliers de juifs d'une mort certaine.

En reprenant et en modifiant l'article 1er du décret du 3 février 1993 afin que le 16 juillet, jour anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv, soit désormais reconnu par la loi comme journée nationale à la mémoire des victimes des c rimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France, l'Assemblée nationale contribuera grandement au nécessaire devoir de mémoire et de reconnaissance. Aussi, le groupe Démocratie libérale et Indépendants, qui se félicite du changement spectaculaire accompli depuis quelques années par notre pays dans l'approche de cette période sombre de notre histoire, apportera son soutien unanime à l'instauration de cette journée de commémoration nationale.

Que l'Assemblée nationale adopte cette loi en cette année 2000, qui marquera le soixantième anniversaire du vote, par la Chambre des députés et le Sénat réunis, des pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940, aura naturellement une signification supplémentaire. Ce sera une manière symbolique et solonnelle pour notre assemblée de revenir sur cette journée funeste où des parlementaires, en abdiquant l'autorité du Parlement, ont sabordé la République.

Il ne s'agit pas, en disant cela, de fustiger ceux qui ont apporté leur voix à ce désastre ou de réécrire l'histoire et le climat de cette période avec la connaissance qu'on en a maintenant, car qui peut dire aujourd'hui, en toute honnêtété, ce qu'il aurait fait s'il avait été plongé dans l a tourmente et l'effondrement de l'été 1940 ? Bien au contraire il s'agit, au moment où notre assemblée entend accomplir dans la sérénité un travail salutaire de vérité historique, de souligner le grand mérite de nos quatrevingts collègues parlementaires, sénateurs ou députés, qui, dans des circonstances particulièrement terribles pour notre pays, ont eu la clairvoyance et le courage de refuser de voter les pleins pouvoirs. Ce jour-là, ils ont sauvé l'honneur du Parlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

C'est pourquoi je réitère ma proposition faite en commission la semaine dernière, et dont j'ai saisi officiellement le président Laurent Fabius, que notre assemblée organise cette année en leur honneur un hommage solennel en posant une plaque commémorative dans l'enceinte du Palais Bourbon. De même, je propose à titre de reconnaissance que leurs portraits soient apposés sur la façade de l'Assemblée, soit à la date anniversaire du 10 juillet 2000, soit le 16 juillet, date retenue pour la Journée nationale du commémoration.

Par ce geste, comme par l'adoption aujourd'hui de la proposition de loi qui nous est soumise, notre assemblée montrera son souci de l'avenir et fera oeuvre de pédagogie. Car raviver la mémoire de cette période qui a exacerbé les plus grandes qualités comme les pires défauts de l'âme humaine, se retourner sur ces années noires et les assumer dans ce qu'elles ont exprimé de plus haut mais aussi de plus abject, n'a de sens que si c'est pour construire l'avenir.

Honorer la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites, rendre hommage aux « Justes » à ceux qui ont su à un moment donné dire « non » à l'inacceptable, doit servir d'exemple aux jeunes. Il est de notre devoir de nous livrer à un effort constant de formation et d'exigence morale vis-à-vis de ces jeunes générations, afin de fortifier en elles les sentiments de tolérance, de respect des différences, de solidarité humaine.

En effet, plus d'un demi-siècle après, la liste des crimes contre l'humanité ne s'est malheureusement pas terminée avec la fermeture des camps nazis. A cet instant me revient en mémoire le dialogue entre Jorge Semprun et Anton, le bibliothécaire du camp de Buchenwald, que relate l'écrivain dans son très beau livre L'Ecriture ou la vie . Semprun ne comprend pas l'exigence du bibliothécaire de Buchenwald de lui rendre les livres qu'il avait empruntés à la bibliothèque du camp. Il lui dit : « Mais Hitler va être battu ; le nazisme est défait ; le camp va bientôt fermer ! Pourquoi veux-tu que je rende ces livres ? », et Anton lui répond, pour justifier sa demande, que la fin du nazisme ne sera ni la fin de l'univers des camps de concentration ni le signe de l'avènement d'une société sans lutte de classes et répression ! Funeste prémon ition en vérité que celle du bibliothécaire de Buchenwald ! Les goulags staliniens, les crimes de Pol Pot, la dictature sanglante de Pinochet, les tentatives d'épuration ethnique au Kosovo illustrent que le combat pour le respect de la dignité humaine est une lutte prométhéenne, un combat sans fin. Le texte qui nous est proposé aujourd'hui a une résonance très actuelle dans la mesure où il honore la mémoire des victimes de la barbarie, rend hommage aux justes, à ces héros qui ont su dire non, et où il témoigne, au-delà des vicissitudes de notre histoire, de notre indéfectible foi en l'homme. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger, au titre du groupe communiste.

M. Bernard Birsinger.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec une certaine émotion que j'interviens au nom du groupe communiste pour soutenir la proposition de loi du groupe socialiste.

Cette proposition instaurant une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France touche à des moments sombres de notre histoire. Il est souvent difficile de les évoquer, car trouver les mots adaptés est un exercice difficile pour décrire l'horreur, la barbarie, les souffrances qui ont accompagné ces périodes. Mais cela est nécessaire à l'heure où certains partis politiques se révèlent porteurs d'une idéologie raciste et antisémite.

Cela est nécessaire quand, dans un pays membre de l'Union européenne, conservateurs et extrême droite pactisent pour s'ouvrir les portes du pouvoir. Le fait que cela se passe dans un pays, l'Autriche, qui s'est refusé à accomplir son travail de mémoire, montre toute l'acuité du débat d'aujourd'hui.

Témoigner, reconnaître les fautes du passé, y compris celles de l'Etat, ne rien occulter, participent de cette volonté d'assumer notre devoir de mémoire et notre combat contre toute tentative de banalisation de la haine raciale. C'est animé de cette volonté que le groupe communiste, par l'intermédiaire de Jean-Claude Gayssot, alors député, avait fait adopter une proposition de loi permettant de réprimer toute manifestation d'antisémitisme et toute tentative de négationnisme. Quand on voit ce qui se passe actuellement à Lyon et les tentatives de nier l'histoire, on mesure l'utilité de cette loi et de ce combat.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la même démarche. En effet, le régime de Vichy a mis de côté la République et ses principes fondateurs - démocratie, liberté, égalité, fraternité - au profit d'un Etat collaborant avec l'occupant nazi. Ainsi, plusieurs lois de l'Etat, selon le vocabulaire « maréchalien », ont qualifié tous les opposants de ce régime de hors-laloi, en particulier les juifs.

Par une loi du 3 octobre 1940, le gouvernement de Vichy interdit aux juifs d'appartenir à des organismes élus ou d'occuper des postes de responsabilité. Par une loi du 2 juin 1941, l'Etat du maréchal Pétain organisera le recensement des juifs et de leurs biens. Une loi d'octobre 1941 accordera aux préfets le droit d'interner les juifs étrangers dans des camps spéciaux ou de les assigner à résidence. A partir de 1942, la police française accepte de coopérer aux premiers internements massifs en zone occupée en cultivant ainsi la violence des rafles et des dénonciations. Le port de l'Etoile jaune devient obligatoire le 7 juin 1942.

Mais le pire, si l'on veut parler ainsi, reste à venir.

L'Etat français de cette période participera à la déportation massive de femmes, d'hommes et d'enfants. Ces déportations commencent par la rafle du Vél'd'Hiv les 16 et 17 juillet 1942 : 13 000 juifs de la région parisienne seront regroupés dans des camps, dont celui de Drancy, subissant les affres de la déportation et de l'internement.

Lorsque M. le Président de la République, puis M. le Premier ministre reconnaissent la responsabilité de l'Etat français au regard des persécutions antisémites perpétrées sous l'Occupation par le régime de Vichy, les communistes, bien évidemment, s'en félicitent, même s'il a fallu attendre cette reconnaissance plus d'un demi-siècle. Notre peuple doit assumer son histoire, sous toutes ses facettes, ses plus sombres comme ses plus héroïques. Aussi la France doit-elle reconnaître l'activité souvent héroïque de ces femmes et de ces hommes qui se sont élevés contre l'Etat vichyste. Nous avons bien conscience de participer à l'élaboration d'une loi à la portée symbolique très forte : il s'agit du premier acte législatif qui reconnaît la continuité politique de l'Etat français, donc sa responsabilité dans le sort réservé aux juifs sous l'Occupation.

Il est donc juste de rendre hommage aux courageux qui ont lutté contre le nazisme. Hommage doit être rendu à celles et ceux qui ont dit non. Non à l'avilissement national. Non à la trahison. Non à la barbarie. Le


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parti communiste fut du camp de la Résistance, parti communiste qui fut interdit dès 1939, dont les députés furent déchus, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, dont 70 000 militants furent exécutés, ce qui lui valut de nom de « parti des fusillés ». Nous serons toujours de ceux qui contribueront au précieux travail de mémoire dont tout peuple a besoin pour construire son avenir.

Aussi, aujourd'hui, nous serons de ceux qui entendent donner une reconnaissance législative à certains de celles et ceux qui sont restés fidèles à la patrie des droits de l'homme et du citoyen et qu'on appela les « Justes ». Ces Justes qui firent vivre au péril de leur vie leur idéeal de la France, terre d'asile, terre des droits de la Révolution. Ces femmes et ces hommes qui recueillirent des enfants juifs.

Ces femmes et ces hommes anonymes qui aidèrent matériellement et moralement des familles juives privées de tout moyen de subsistance. Ces femmes et ces hommes qui munirent de faux papiers les juifs, qui les prévinrent de rafles imminentes, qui refusèrent de livrer leurs noms aux autorités.

C'est cette chaîne active de solidarité, ce sont ces gestes courageux qui permirent d'éviter aux trois quarts de la communauté juive de France d'embarquer dans les wagons de la mort. En France, environ 1 900 personnes ont été honorées pour leur action. Ce chiffre est cependant bien inférieur à celui des personnes qui ont participé au secours des Juifs.

C'est donc non seulement un devoir de mémoire, mais aussi un devoir de vérité que de permettre aujourd'hui de rendre hommage à ces femmes et ces hommes, même si pour beaucoup d'entre eux cette reconnaissance vient trop tard. Nous espérons que la République saura honorer ceux de ces Justes qui sont toujours en vie.

Comme le précise l'exposé des motifs de la proposition de loi, la première initiative en la matière est à mettre à l'actif de l'institut israélien Yad Vashem, créé en 1952 et qui leur a décerné le titre de « Juste parmi les nations ».

A suivi l'initiative du Consistoire central qui, le 2 novembre 1997, rendait hommage à ces femmes et hommes en érigeant près de Thonon-les-Bains un monument à leur mémoire.

Nous sommes de ceux qui auraient souhaité que notre pays s'engage plus tôt sur ce chemin, mais mieux vaut tard que jamais ! Nous ne bouderons pas notre satisfaction qu'enfin soit venu le temps de la reconnaissance des anonymes qui ont contribué à la lutte pour la liberté et qui ont fait la grandeur de la France, de ces porteurs de tolérance, de ceux qui incarnent en actes la véritable République française dans des situations d'intenses pressions physiques et psychologiques.

Enfin, vous permettrez au député communiste de Drancy-Bobigny que je suis de se féliciter de chaque initiative qui permet une nouvelle avancée vers la connaissance de la vérité historique.

Drancy, avec son camp de la Muette, qui fut en effet la dernière demeure de la majorité des Juifs de France déportés et la gare de Bobigny le lieu de départ vers leur ultime destination, Auschwitz...

Je ne peux que saluer une initiative qui contribuera à développer la mémoire de ce que fut le nazisme en général et la Shoah en particulier, qui demeurera la grande tache sombre de notre XXe siècle.

Grâce à cette loi, comme à toutes les autres initiatives sur la mémoire, nous aidons notre civilisation à entrer dans le siècle prochain avec la ferme volonté que « plus rien ne soit comme avant ».

Il convient de démultiplier l'accès à la connaissance historique pour que chacun puisse mieux comprendre en quoi le nazisme est destructeur d'humanité. Comprendre comment des hommes sont capables de théoriser et d'aller au bout d'un indicible projet. Comprendre comment il est possible de s'y opposer et d'être acteur d'humanité, même dans les pires périodes. En reconnaissant l'action des Justes de France, nous contribuons à ce combat.

Parallèlement, il convient de se doter de nouveaux moyens financiers et institutionnels pour permettre à de nombreux projets sur la mémoire historique d'aboutir.

Bien entendu, je suis conscient des efforts accomplis, particulièrement par l'actuel gouvernement. Mais j'ai en tête ce que nous disent les associations : il faut abonder les subventions pour les projets portant sur cette question. Ces associations, dont il convient aujourd'hui de souligner la richesse et l'apport, déplorent elles aussi les difficultés rencontrées dans les démarches à effectuer pour faire vivre les projets, en raison, parfois, du nombre de ministères et d'administrations concernés. Il conviendrait d'engager une simplification administrative. Je suis déjà intervenu à ce propos auprès de M. le Premier ministre.

J'espère que le débat d'aujourd'hui sera l'occasion d'avancer en ce sens.

Permettez-moi, enfin, d'évoquer un projet sur la mémoire historique, qui me tient tout particulièrement à coeur : il s'agit du « Triangle de la solidarité » qui réunit dans un même projet contre les exclusions les trois lieux symboles que sont Gorée, qui vit partir les esclaves africains vers l'Amérique, Robben Island, la geôle de l'apartheid, et Drancy, dernière demeure des Juifs de France.

Symboles de trois grands drames de l'histoire de l'humanité, en se parlant, ces trois lieux parlent au monde et notre pays aurait tout à gagner à s'engager pleinement dans ce projet qui s'inscrit dans la résolution 51104 de l'Assemblée générale des Nations unies relative à la décennie pour l'information et l'éducation.

Chers collègues, les députés communistes voteront le texte qui nous est soumis aujourd'hui. Espérons qu'il apportera plus de lumière sur cette période de l'histoire, pour que plus personne ne puisse dire : « On ne savait pas ! », que plus personne ne nie la vérité et que chacun puisse reprendre l'expression de Baudelaire : « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. »

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je commencerai par le témoignage d'un ancien déporté.

« Né en 1927, j'ai douze ans à la déclaration de guerre.

Je suis un adolescent de quinze ans, élève au lycée Montaigne à Paris, lorsqu'en septembre 1942 la police, française hélas !, viendra m'arrêter avec toute ma famille : mon père, ma mère, mes deux soeurs, ma tante et mon oncle.

« Au total, nous sommes sept personnes qui, ce jour-là, prendrons le chemin qui nous conduira du camp de Drancy aux camps d'extermination d'Auschwitz et d'ailleurs, sept camps en totalité.

« Pour le seul fait d'être nés juifs.

« Une bonne constitution physique d'adolescent, une certaine dose de chance et, pendant un temps la présence de mon père à mes côtés, sont sans aucun doute les facteurs qui m'ont permis, malgré de multiples souffrances physiques et morales, de survivre à trois années de travaux forcés, de famine et de mauvais traitements.


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« Au gré des sélections, des évacuations et après la "marche de la mort", je connais les camps tristement célèbres de Blechhammer-Auschwitz, de Gross Rosen, de Buchenwald, de Dachau-Allach.

« Je pèse trente-huit kilos lorsqu'à bout de forces, aux limites de la survie, je suis enfin libéré des SS par les troupes américaines, le 30 avril 1945.

« Je venais tout juste d'avoir dix-huit ans.

« Rentré à Paris fin mai 1945, j'apprends que les miens ont été exterminés dans les chambres à gaz et les fours d'Auschwitz, fusillés ou morts de dysenterie.

« La solution finale, la Shoah, avait fait son oeuvre.

« Orphelin, c'est désormais seul ou presque que je vais devoir réapprendre à vivre, à vivre autrement que depuis cet automne 1942... »

Ces quelques lignes d'introduction sont un témoignage, celui d'un homme âgé aujourd'hui de soixantetreize ans, ancien déporté qui a eu, pardonnez-moi du mot, un peu de chance dans son immense malheur. Une chance difficile à exprimer quand on a été le seul rescapé d'une famille entièrement décimée par les actions barbares de la Gestapo. Ce témoin a d'ailleurs du mal à dire si le fait d'avoir survécu doit être considéré comme une chance ou bien s'il n'aurait pas mieux valu qu'il suive le sort des siens en les accompagnant dans la mort. Ce sont là des questions qui ont hanté, toute leur vie durant, et qui hantent encore, les rescapés des camps de la mort.

Des femmes et des hommes qui ont côtoyé de si près l'enfer sur terre, l'horreur intégrale, une atrocité poussée à l'extrême au point qu'à la fin de leur cauchemar, ceux qui s'en sont sortis ont mis beaucoup de temps à le croire. Ce même homme, notre témoin, nous expliquait que lors de sa libération, à l'ouverture du wagon à bestiaux dans lequel il se trouvait enfermé, entouré des cadavres de ses camarades de souffrance, alors que le GI américain lui indiquait qu'il était libre, il restait sans réaction, presque sans vie, ne disposant plus des forces intellectuelles, morales et physiques lui permettant de distinguer la liberté de la captivité.

Ce rescapé, que j'ai rencontré la semaine dernière et qui me racontait, comme il le fait régulièrement devant des auditoires de scolaires, cette tranche de vie qui restera à tout jamais comme une cicatrice indélébile non seulement chez lui mais aussi dans l'Histoire de l'humanité, ce rescapé avait le ton calme d'un homme sans haine.

Aux questions qu'on lui pose sur l'Allemagne, l'homme répond que les générations d'aujourd'hui ne sont pas responsables du passé. Néanmoins, l'émotion reste intacte et quand il parle du moment où les « kapos » le séparèrent définitivement de son père, les sanglots se mêlent à sa voix et la gorge de ses interlocuteurs se serre.

Ce qui me frappe également chez les rescapés des camps de la mort, c'est leur volonté de témoigner aujourd'hui, de se dépêcher avant qu'il ne soit trop tard, c'est-àdire, l'âge avançant, avant leur propre mort. Ce phénomène est encore plus accentué du fait que, pendant de nombreuses années, ils se sont tus. Ils se sont tus parce que la souffrance était encore trop forte pour pouvoir parler. Ils se sont tus, parce que l'horreur était trop grande pour qu'elle soit crédible. Ils se sont tus, enfin, parce que le nombre de témoins avait été soigneusement diminué par la Gestapo au moment de la Libération.

Ainsi, début 1945, alors que l'Allemagne nazie était prise en tenaille par les forces alliées, les déportés étaient exé cutés ou transférés d'un camp à l'autre de façon qu'ils ne puissent jamais raconter.

J'ai pu, comme certains d'entre vous, visiter le camp d'Auschwitz-Birkenau. C'était pendant l'hiver 1997 et la visite s'est effectuée de nuit, en raison de dérisoires retards d'avions.

Cette visite était commentée par deux anciennes déportées qui nous expliquaient leur propre cauchemar. L'émotion était tellement forte que la réalité de ce que nous visitions paraissait à peine croyable.

Ma réaction était mêlée de révolte face à la folie des hommes, de compassion vis-à-vis de ces personnes mais aussi d'admiration face à leur courage. A cet instant précis, déposant une gerbe de fleurs devant le mémorial de Birkenau, face à cette voie ferrée pénétrant sous un imposant mirador ou encore dans l'enceinte même des chambres à gaz auprès desquelles demeure un vieux camion dont les nazis actionnaient le moteur bruyant pour éviter que les détenus du camp n'entendent les cris de leurs frères en train de mourir, je me disais qu'il fallait non seulement ne jamais oublier mais surtout témoigner et donner une voix éternelle à ces témoignages. C'est aujourd'hui notre responsabilité collective.

Et puis, il y a ceux qui ont eu plus de chance, beaucoup plus de chance ; je veux parler de ceux qui ont pu être sauvés de la déportation par le geste d'amis, de voisins, d'inconnus. Souvent des femmes et des hommes bien ordinaires d'apparence, parfois - et ça n'était pas interdit, Dieu merci ! - des personnes investies de responsabilités leur permettant une certaine influence, toujours des gens de coeur et qui plaçaient souvent la vie des autres avant la leur.

Ceux qui ont compris et qui ont agi à cette époque pour sauver ceux qui étaient traqués du fait de leur naissance l'ont fait naturellement, n'attendant rien en retour, sinon le sourire d'un enfant blotti contre ses parents.

Quelques années plus tard, ce sont plusieurs milliers de ces personnes qui auraient pu et voulu rester anonymes et qui ont été reconnues « Justes parmi les nations » à la suite de témoignages précis attestant de leurs actions pour sauver des Juifs.

Comme certains d'entre vous, j'ai assisté à la remise de diplômes à des Justes. C'est, là aussi, un grand moment d'émotion de voir la rencontre, quand c'est possible, entre ceux qui ont été sauvés et ceux qui les ont sauvés.

Les liens qui se sont établis entre ces femmes et ces hommes dépassent souvent l'intensité des liens de sang.

Malheureusement, souvent, cette rencontre ne peut se faire car le temps a passé et les acteurs de cette période disparaissent. Néanmoins, de nouveaux Justes sont toujours reconnus, même à titre posthume, car il convient de ne jamais oublier leur courage dans une période aussi difficile. J'ai même pu appuyer un dossier collectif pour que soit reconnu « Juste parmi les nations » le village de Braux, dans les Alpes-de-Haute-Provence, en reconnaissance du courage et de l'action de toute une population pour le sauvetage de Juifs lors de la dernière guerre.

C'est notre responsabilité de ne pas oublier ces actes, mais c'est aussi notre devoir de révéler ces comportements qui doivent être érigés en exemples pour les générations futures.

Mais - car il y a un mais - nous avons encore d'autres combats à mener aujourd'hui pour empêcher que l'histoire ne se répète.

Après la dernière guerre, l'idée de construire l'Europe est venue à ceux qui ont voulu transformer un champ de bataille en un espace de paix, de liberté et de respect des droits de l'homme. Les ennemis d'hier sont devenus les amis d'aujourd'hui. Depuis cinquante-cinq ans, la guerre


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s'est tue dans l'Europe occidentale. Cependant, les guerres à caractère raciste ou antisémite ou les comportements de ce type dans certains Etats n'ont pas disparu. Je pense au Rwanda, au Burundi, à la Croatie, à la Bosnie, au Kosovo, je pense à la situation des Juifs en URSS et au goulag, je pense à l'Afrique du Sud, je pense à la Tchétchénie, je pense à toutes ces cicatrices qui balafrent l'humanité.

Mais je pense aussi aux risques de banalisation de certaines idées qui se nourrissent des instincts les plus bas de l'espèce humaine et qui hélas ! ont tendance à se développer. Ces idées se sont alimentées de la crise des années 1980-1990 en France, notamment, et ont été portées par le Front national. Pour être un élu du sud de la France, c'est-à-dire d'une région où ce parti a prospéré, pour avoir moi-même affronté Jean-Marie Le Pen aux élections législatives de 1993 dans la circonscription, je puis témoigner non seulement de la violence de la campagne mais aussi des ravages insidieux des idées extrémistes. Le langage modéré, le langage des démocrates est alors étouffé par la dialectique populiste. Je puis témoigner de la violence de la campagne - une de nos collègues en a été victime, mais je l'ai également été de façon diffé rente.

On a tenté de nous dissuader de continuer le combat.

Les alertes à la bombe, les menaces personnelles, les pneus crevés ou encore les graffitis en forme d'étoile jaune sur mon véhicule n'ont pas eu le poids suffisant pour me faire taire.

Mais aujourd'hui, nos inquiétudes sont devenues européennes. L'émergence d'un parti populiste et xénophobe et son accession au pouvoir en Autriche est un évévement majeur qui appelle notre intransigeance. Doit-on rappeler qu'il n'y a pas si longtemps son chef Jorg Haider faisait l'éloge de la « politique de l'emploi » menée sous le Reich hitlérien ? Doit-on rappeler qu'en octobre 1995 Haider rendait un hommage vibrant, devant une assemblée d'anciens SS, à ces « hommes honnêtes » qui sont restés

« fidèles à leurs convictions » envers et contre tout, car

« un peuple qui n'honore pas ses ancêtres est condamné à la décadence » ? L'intransigeance attendue de la part des gouvernements démocrates s'est manifestée par la voix des plus hautes autorités françaises. Le Président de la République tout d'abord, le Gouvernement ensuite ont réagi avec la fermeté que nécessite pareille situation. La présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine, a immédiatement exprimé sa réprobation vis-à-vis de la coalition autrichienne, ce qui lui a instantanément valu des menaces personnelles. Le président de l'UDF, François Bayrou, ainsi que le président du groupe UDF, Philippe DousteBlazy, ont adopté des positions semblables.

Mais ces interventions connaissent des limites contre lesquelles il faut se prémunir. D'abord, l'actualité va très vite et un sujet est donc rapidement remplacé par un autre. Le danger de l'oubli nous guette.

Ensuite, le risque de banalisation nous menace. C'est un risque qui, non seulement est dangereux par rapport à la situation visée, mais peut avoir aussi des conséquences encore plus dramatiques. Si le combat n'est pas soutenu avec une ardeur constante, il peut y avoir normalisation, voire contamination dans les pays voisins.

Enfin, vous voyons bien la faiblesse des institutions européennes face à une telle situation. En effet, l'article 7 du traité d'Amsterdam permet la mise à l'écart des instances décisionnelles de l'Union d'un pays qui a enfreint les principes fondamentaux de l'Europe. Cela veut dire que l'Europe ne peut intervenir qu' a posteriori, c'est-à-dire une fois que le mal est fait. Que signifie exactement dans ces conditions, une mise sous surveillance de l'Autriche ? Quels sont les moyens dont dispose l'Europe pour prévenir toute situation qui pourrait être irréversible ? Il faut une constitution européenne permettant de tracer très clairement, et plus en amont, la ligne que les partis au pouvoir ne doivent pas franchir. Ce n'est pas de l'ingérance. Paraphasant Jean-Marie Colombani dans un article du Monde du 19 février dernier, je dirai que nous ne pouvons accepter qu'un apprenti sorcier autrichien mette en péril les fondements mêmes de l'idée européenne.

Les pays qui ont décidé d'adhérer à l'Union européenne doivent en accepter les contraintes comme ils en acceptent les avantages. Et ces contraintes de principe doivent être absolument renforcées. Je souhaite vivement que la présidence française fasse des propositions dans cette direction et que le traité de Nice, en fin d'année, contienne de telles avancées.

La proposition de loi qui nous est soumise crée une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et rendant hommage aux Justes de France. C'est un texte qui réunit, dans un même hommage, ceux qui sont morts de la barbarie nazie et ceux qui ont oeuvré pour sauver des vies humaines.

Le texte a été modifié par rapport à la proposition de loi initiale. En effet, vous envisagiez la création d'un ordre des Justes de France qui aurait été, à terme, en concurrence avec l'ordre des Justes parmi les nations.

C'était un piège que, les uns et les autres, nous avons voulu éviter car cela était contraire aux principes qui nous animent. Nous n'avons pas non plus l'ambition de définir, dans le droit français, la notion de Juste qui est une notion biblique. Ce mot se suffit à lui-même.

Dans ces conditions, le groupe UDF se réjouit de cette initiative du Parlement qui répond au devoir de mémoire auquel nous sommes attachés. Il ne doit pas s'agir d'une mémoire passive, qui permet de se souvenir d'un événem ent le temps d'une commémoration et d'oublier ensuite, mais d'une mémoire active qui guide nos pas dans le futur pour éviter de répéter les errements du passé.

C'est pourquoi le groupe UDF est heureux et fier de voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bret, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bret.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est-ce le rôle du Parlement de légiférer sur un fait d'histoire ? La question ne semble même pas se poser auhourd'hui tant la réponse est d'évidence : oui. Et pourtant, à d'autres occasions, certains la soulèvent. Elle a été posée à plusieurs reprises lorsque notre assemblée a reconnu l'esclavage en tant que crime contre l'humanité et lorsque nous avons examiné et voté la reconnaissance du génocide arménien.

Il y a quelques jours, forts d'un argument qui consiste à dire que « la Constitution n'autorise pas le Parlement à qualifier l'histoire », les sénateurs ont refusé d'inscrire à leur ordre du jour le texte reconnaissant le génocide perpétré contre le peuple arménien en 1915, texte voté à l'unanimité par notre assemblée. Ils ont eu tort. Car, se souvenir, c'est penser l'avenir. C'est poser un regard lucide sur la vie des hommes. C'est accepter qu'il n'y ait pas de temps qui se succèdent, séparés les uns des autres par de petites cloisons, mais un temps unique qui se transforme, qui évolue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Le législateur peut se pencher sur l'histoire parce que l'histoire lui donne des repères et qu'elle l'aide à comprendre et à avancer. Notre droit est un droit qui se souvient, qui tire des enseignements d'aventures individuelles, qui se fonde sur la vie.

Pour autant, nous ne sommes pas des historiens. Nous ne nous substituons pas à leur travail. Nous vivons dans un état de droit et, depuis longtemps, nous faisons la diff érence entre l'oeuvre de recherche et l'oeuvre de mémoire. Nous savons qu'il existe des passerelles entre les deux. Il faut bien un fondement à nos travaux parlementaires. Les historiens nous fournissent une matière.

Et, si nous sommes là aujourd'hui, pour examiner un texte honorant la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites et rendant hommage aux Justes de France, c'est bien parce que, préalablement, des historiens ont consigné des faits irréfutables.

Mais si nous posons cet acte de loi plus de cinquante ans après, c'est aussi parce qu'il nous a fallu du temps pour accepter cet examen lucide de notre histoire. Il est heureux que nous parlions naturellement de ce passé.

Dans nos familles, comme dans celles de nos concitoyens, il existe un souvenir d'hier. Les souvenirs de guerre sont de toutes les natures. Infames ou glorieux, quels qu'ils soient, ils sont lourds. Qu'ils soient dits ou silencieux, ils se transmettent de génération en génération. Ils nous parviennent teintés de honte ou d'espoir, teintés d'autres sentiments encore. Pourquoi faudrait-il que le Parlement ignore les souvenirs qui sont l'histoire et la mémoire de la France ? Quiconque se promène au Chambon-sur-Lignon, ce petit village protestant de Haute-Loire, comprend que quelque chose s'y est passé, il y a longtemps. Cette commune respire au rythme de ses souvenirs. Le souvenir des familles et des personnes qui ont sauvé des enfants juifs est inscrit dans la pierre des maisons. Quiconque se rend au Centre d'histoire, de la résistance et de la déportation, à Lyon, apprend que, dans les sous-sols du bâtiment, des femmes et des hommes étaient torturés par l'occupant nazi, qui en avait fait son quartier général.

Klaus Barbie officiait dans ce sous-sol sordide. Le savoir n'est une entrave à rien. Au contraire, c'est une juste reconnaissance pour ceux qui ont souffert.

Le présent texte honore le Parlement. Chaque fois que notre assemblée s'attache à réveiller la mémoire, elle sort grandie de sa démarche. La mémoire, et précisément celle que nous réveillons aujourd'hui, nous enseigne que dans la vie, quels que soient la situation ou l'enjeu, même dans les pires moments, les citoyens que nous sommes ont encore le choix.

Qui sont les Justes ? Ils sont des hommes qui portent en eux la plus haute idée de la liberté. Ils choisissent la liberté quand d'autres acceptent de se soumettre. Dans des situations inextricables, ils s'attachent à repérer des espoirs, même s'ils sont minces, puis des parcelles de liberté. Souvent, la réussite de leurs actions ne tient qu'à un fil. Mais ce fil, si ténu soit-il, est porteur de changement. Les Justes ne gagnent pas toujours tout de suite.

Certains perdent leur vie dans cette bataille qui est incommensurable. Mais leur engagement est un préalable à un mouvement d'ensemble puis à la liberté de tous.

Après - bien plus tard, parfois -, leur engagement nous aide aussi à accepter toutes les facettes de notre histoire. Si nous pouvons regarder nos pages sombres, si nous pouvons en parler, si nous pouvons reconnaître que, sur notre territoire, des Français se sont rendus coupables de crimes racistes et antisémites, c'est parce que nous avons aussi des raisons d'être fiers. A la même époque, d'autres Français ont choisi de dire non et d'apporter leur aide à ces femmes, à ces hommes, à ces enfants juifs et tziganes. Il y a des pays qui n'ont pas cette chance. Avec le temps, ils s'enferment dans le mensonge de ce qu'ils ont été. Quelquefois, ils font même pression sur quiconque tente d'exhumer la vérité. Et ils se perdent dans la négation.

D ésormais, le troisième dimanche de juillet, le dimanche qui suivra le 16 juillet, journée-anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv, nous nous souviendrons de notre histoire, de toute notre histoire. De ceux qui n'ont pas eu la chance d'être sauvés et qui sont morts en déportation.

De ceux, vivants ou morts, qui ont sauvé des vies et qui, par leur geste, ont contribué à sauver notre pays. Aux uns et aux autres, nous devons reconnaissance.

Aux premiers, injustes victimes du nazisme, nous devons un souvenir éternel. Aux seconds, qui ont fait l'honneur de notre pays, nous devons les remerciements de la nation. Cette journée prendra tout son sens quand les initiatives de mémoire et d'hommage foisonneront dans toutes les communes de France. Nous aurons alors fait oeuvre utile de mémoire et pour cela, nous aurons simplement rempli notre devoir de représentants de la nation. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. François Baroin, au titre du groupe RPR.

M. François Baroin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui, par l'examen et le vote unanime - j'en suis convaincu - de ce texte important et symbolique, la représentation nationale va accomplir un nouvel acte solennel pour réconcilier notre pays avec son histoire.

Ce vote, ces actes forts n'auront été possibles que parce que le Président de la République, garant de l'unité nationale, incarnation de l'ensemble du peuple français, chargé de s'exprimer sur l'essentiel, a, le 16 juillet 1995, ouvert la voie à une modification de l'attitude de notre pays à l'égard de son histoire. Il a fallu, a-t-on dit à l'époque, du courage. Je ne crois pas. Il a fallu surtout une force de conviction pour exprimer sur l'essentiel ce qui, selon sa conscience, état juste et ce qui ne l'était pas.

Oui, les structures de l'Etat, de l'Etat français, ont prêté la main avec zèle à l'occupant dans son entreprise odieuse et barbare. Il n'a pas fallu longtemps au général de Gaulle, aux résistants de la première heure, aux Français libres, pour voir que la République était abattue, pour comprendre que la racaille du populisme et de l'extrémisme allait s'engouffrer dans les nouvelles institutions, que des élus, des fonctionnaires, des ambitieux de toutes sortes, des tièdes de toutes complexions allaient, soit par arrivisme, soit par idéologie, soit par opportunisme entrer dans la vaste machine administrative qui les rendraient complices de l'inacceptable.

Mais la France n'était évidemment pas tout entière dans ceux qui trahissaient son esprit, son histoire et son message. Les Français libres, les résistants continuaient le combat par les armes.

Partout en France, comme ailleurs en Europe et même au coeur de l'Allemagne, des Justes sauvaient la vie de Juifs et de tous les persécutés. C'est le village héroïque de Chambon-sur-Lignon ; ce sont là des prêtres, là des instituteurs, là des paysans qui cachent des familles. Au péril de leur vie, ils ont permis aux trois quarts des Juifs de France d'échapper à la solution finale. Il est juste qu'aujourd'hui la nation leur rende hommage.


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A l'initiative et sous l'impulsion de son président, JeanLouis Debré, le groupe du Rassemblement pour la République, mouvement dont les origines puisent profondément dans cette période de notre histoire, votera avec enthousiasme cette proposition de loi, qui revêt à ses yeux une grande signification.

Nous savons en effet que le travail de mémoire est difficile et qu'il demande un effort constant. Nous savons qu'il lasse parfois - pourquoi le taire ? « A quoi bon ressasser des combats passés, évoquer des souvenirs douloureux ? », se demandent certains. Nos mythologies nationales sont pleines de batailles, de martyres, au point parfois peut-être de lasser.

Dénoncer, stigmatiser, déclarer « plus jamais ça » est nécessaire pour conjurer les risques de retour de la barbarie. L'actualité récente nous montre que cela n'est pas toujours efficace. Pour certains, c'est aussi un substitut à la vertu, une excuse pour ne pas voir les menaces nouvelles qui pèsent sur les libertés, les détresses causées par le système économique dont on accepte avec résignation l'injustice.

C'est tout le risque des commémorations. Je l'ai personnellement vécu lors de la préparation de la mission du bicentenaire de la Révolution française.

Il y avait ceux qui voulaient limiter cette commémoration à la célébration de conquêtes vieilles de deux siècles.

Certes, le monde entier n'en a pas encore recueilli les fruits. Mais, fondamentalement, c'était une forme de confort de vouloir refaire, sans la violence, 1789 en 1989 et de célébrer des conquêtes déjà acquises pour nous.

Il y avait aussi ceux qui, animés d'une exigence intellectuelle et morale supérieure, auraient voulu donner un sens plus élevé à ces célébrations : prendre de nouvelles bastilles, faire naître une nouvelle génération de droits et de devoirs, fonder un dialogue renouvelé des religions, créer l'interlocution des cultures, inventer une morale pour un monde où l'universel est partout présent.

La célébration que nous allons aujourd'hui instituer est d'un ordre différent des autres et s'inscrit davantage dans cet esprit. Il s'agit d'exalter, au sens le plus élevé du terme, la part de lumière qui est en l'homme. Mieux qu'une dénonciation, l'exemple des Justes accusera les lâches. Elle démontrera que l'on pouvait faire autrement.

Mieux qu'une condamnation, elle servira à réveiller les consciences.

Dénoncer les forces du mal est une chose. Conforter la force du bien, que j'appellerai « la force de l'amour », est autrement plus productif. Dénoncer les crimes, les extrémismes, le terrorisme est une chose facile. Travailler sans relâche à la paix, avec patience, avec rigueur, sans éclats, en préservant les équilibres les plus fragiles, nécessite maîtrise de soi et abnégation.

Méditons sur ces Justes. En les interrogeant, comme l'a fait Marek Halter dans son film Tsedek, on découvre qu'ils répondent avec une simplicité naïve à la question du « comment ? ». A la question du « pourquoi ? », ils restent interdits et surpris, comme si la question était absurde. L'évidence de leur devoir, l'appel de l'amour des autres, de l'exigence supérieure de la vie ont été plus forts et ont étouffé tout autre voie intérieure.

Le monde, dit le Talmud, interprété par l'un des plus grands citoyens de la ville de Troyes, Rachi, repose sur trente-six Justes, deux fois dix-huit, chiffre du mot « vie » selon la guématrie juive. Les justes, c'est la force de vie qui donne la vie. C'est la vie de Français risquée pour sauver des vies de Juifs français et étrangers. En votant pour cette journée des Justes, nous votons contre la facilité de commémorations trop rituelles et de dénonciations habituelles, mais pour honorer la difficulté du véritable engagement, du véritable don de soi.

Comme l'a souhaité le Président de la République, nous voulons que ce texte ait pour nos compatriotes le sens d'un appel. Nous espérons avec ce vote fédérer toutes les énergies, toutes les forces de vie et nous construirons ainsi tous ensemble une communauté nationale et internationale plus belle et plus digne de l'homme.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Durieux, au titre du groupe socialiste.

M. Jean-Paul Durieux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de trop rares débats nous permettent, au-delà de nos sensibilités respectives, de retrouver les fondements mêmes de l'unité nationale. Votre proposition de loi, monsieur le président de la commission, nous en donne l'occasion. Elle nous rassemble, ce matin, dans une même émotion, dans une même volonté de nous souvenir.

Oui, vous nous donnez l'occasion de nous retourner vers notre passé avec lucidité, sans faiblesse. Oui, l'Etat français, des Français ont été complices de 1940 à 1944 de l'arrestation, de la déportation, de la mort de Juifs, de Tziganes, de tous ceux dont l'occupant nazi avait décidé l'extermination. Cette période sombre, il faut savoir la regarder en face, en garder mémoire, notamment de cette journée du 16 juillet qui fut celle de la rafle du Vél'd'Hiv, elle-même étape déchirante vers les camps de la mort. Reconnaître les fautes du passé, c'est se mettre également en mesure de construire un avenir dont l'homme soit le coeur. C'est également rendre hommage à ces victimes innocentes.

Mais dans cette longue nuit, il y a eu aussi cette vive lumière, celle qu'ont fait naître des hommes et femmes, anonymes, qui ont accueilli, recueilli, caché d'autres hommes, d'autres femmes, des enfants surtout pourchassés, traqués, voués à la mort. Ces anonymes, eux qui ne se connaissaient pas, qui ne partageaient pas sans doute en tout les mêmes idées, avaient en commun cette conviction forte que le persécuté devait être accueilli, que celui qui était voué à la mort devait être sauvé. Ils tém oignaient, aussi, sans éclat, que le courage peut être la caractéristique du citoyen dans les moments les plus sombres, mais aussi dans la vie de tous les jours. Ils répondaient à l'appel le plus profond de la conscience humaine.

A ce titre, ils ont mérité le beau nom de Justes. Ils sont notre conscience, ils sont aussi l'honneur de notre pays et sa fierté. La journée nationale que nous nous apprêtons à instaurer leur rendra enfin l'hommage que justifie leur courage, leur haute conscience et l'exemple qu'ils nous ont laissé pour maintenant et pour demain.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Mes chers collèges, je veux saluer la dignité et l'émotion qui ont marqué toutes les interventions. Dans la condamnation du racisme, de la xénophobie et de l'antisémitisme, la représentation nationale s'est montrée unanime, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

Mesdames, messieurs, après votre président, je veux moi aussi saluer la dignité de ce débat consacré à un devoir de mémoire, qui vous ras-


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semble toutes et tous, au-delà de vos engagements personnels. Cette démarche unanime s'inspire d'une double exigence de vérité et de reconnaissance.

L'exigence de vérité, d'abord. Depuis un certain nombre d'années, la France montre qu'elle est capable de prendre en compte lucidement et courageusement son histoire. Elle l'assume telle qu'elle a été, et c'est là le signe d'une démocratie forte et vivante. Oui, cette histoire nous l'acceptons et nous l'analysons avec détermination.

Le texte dont nous débattons ce matin complète l'initiative prise par le Président François Mitterrand, et confirme celle du Président Jacques Chirac lors de la cérémonie du juillet 1995 à la mémoire des victimes des arrestations du Vél'd'Hiv.

Nous avons un devoir de reconnaissance à l'égard de celles et ceux qui ont fait prévaloir les valeurs de la République, l'honneur de la France, le refus de la soumission. Ces hommes et ces femmes ont illustré le message universel de la République française. Ils se sont posés en acteurs de la défense et de la promotion des droits fondamentaux de l'homme et de la dignité même de l'être humain. Aujourd'hui encore, ce combat reste nécessaire, vous êtes nombreux à l'avoir rappelé. M. Salles, notamment, a évoqué les difficultés qu'il a rencontrées face à des candidats d'extrême-droite lors d'élections législatives.

La situation autrichienne aussi doit nous inviter à la vigilance et à la résistance. A cet égard, l'initiative de M. le Président de la République, confirmée par le Gouvernement, a été un acte fort, nécessaire, légitime.

La construction de l'Europe doit se faire en se référant à un bloc de valeurs universelles. Se rassembler sur l'essentiel est indispensable pour dépasser les clivages, et nous devons agir dans ce sens. Et en tant que Français, j'ai la faiblesse de penser que les valeurs de la République française incarnent cette référence.

La période dont nous parlons ce matin a connu des zones d'ombres et de lumière. La défaite de 1940, malgré l'héroïsme de nos soldats, est à inscrire au chapitre des ombres. N'oublions cependant jamais les 100 000 morts d e l'armée française durant cette période de maijuin 1940. Animée par la volonté d'affaiblir l'adversaire, l'armée française l'a objectivement affaibli ce qui a permis à l'Angleterre de s'organiser et de se préparer à l'affrontement décisif. N'oublions pas non plus les soldats de la ligne Maginot qui résistaient encore le 2 juillet 1940.

Au chapitre des ombres figurent aussi la mise en place du gouvernement de l'Etat français, les lois d'exclusion frappant les juifs, les francs-maçons, les communistes, les résistants, la collaboration avec l'Allemagne nazie, la chasse aux résistants, aux juifs, les arrestations, les tortures, les martyrs, la déportation, l'extermination.

Côté lumières, il y a le refus de l'occupation, l'appel du 18 juin 1940 lancé depuis Londres par le général de Gaulle, la création de la France libre, les actes de Jean Moulin, les premiers actes de résistance, notamment au musée de l'homme, l'engagement de nos troupes sous uniforme français, en Afrique, en Corse, en Italie, en Normandie, en Provence, les combats de la libération de la France, le développement de la résistance intérieure jusqu'à la création du Conseil national de la Résistance.

Permettez-moi d'évoquer l'action des quatre-vingts parlementaires qui ont refusé de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, à Pierre Laval, malgré les intimidations et les violences physiques dont ils ont été l'objet.

Une de mes premières sorties officielles en juillet 1997 fut de leur rendre hommage à Vichy.

L'opposition n'ayant pu s'exprimer au moment du vote, c'est donc sans débat que les pleins pouvoirs ont été accordés au maréchal Pétain, au gouvernement de Pierre Laval. Les quatre-vingts parlementaires qui s'y sont opposés ont eu l'intuition que derrière les pleins pouvoirs se profilaient l'abaissement de la République, la collaboration et que des Français en arrivaient à pourchasser et torturer d'autres Français. Telle fut la raison de leur refus.

Il est donc tout à fait essentiel qu'en 2000, soixantième anniversaire de leur acte de résistance, nous leur témoignions les uns et les autres du respect et de la reconnaissance.

Le Haut Conseil de la mémoire combattante, qui s'est réuni sous l'autorité de M. le Président de la République au mois de janvier dernier au palais de l'Elysée, a retenu leurs actes parmi ceux à commémorer en 2000.

Bien entendu, il appartiendra à votre assemblée de prendre toutes les initiatives qu'elle jugera utiles en la matière. Mais il me paraît important que les enfants des écoles aient connaissance, avant l'été, de l'action de ces quatre-vingts parlementaires au service des valeurs de la République. Je ferai part de ce souhait au ministre de l'éducation nationale et à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. Il serait souhaitable qu'un texte évoquant l'action des quatre-vingts parlementaires soit publié à l'intention des jeunes enfants.

M. Robert Pandraud.

Ce n'est pas beaucoup ! M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

En effet, c'est ainsi que l'on construit la citoyenneté et les jeunes doivent assumer leurs responsabilités dans ce XXe siècle en sachant que, au-delà des différences, on ne peut construire une société sans référence à des valeurs. Une société est faite d'un juste équilibre de droits et de devoirs, ces derniers étant les valeurs de la République française que nous devons porter dans nos responsabilités quotidiennes.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour illustrer une de ces pages de lumière, celle de l'engagement français dans la lutte contre la politique d'exclusion. Cette page de lumière porte le patronyme de milliers de Français qui, au nom de valeurs humaines, ont sauvé des hommes, des femmes et des enfants qu'ils ne connaissaient pas pour la plupart et qui étaient pourchassés simplement pour être nés juifs.

J'évoquerai la mémoire de cinq personnes parmi ces milliers de Françaises et de Français.

Auguste Boyer, qui était gardien du camp des Milles, dans les Bouches-du-Rhône, sauve une famille de juifs, les Neiger, le 10 août 1942, alors que la police procédait à la déportation des internés. Par la gaine d'un montecharge désaffecté, il descend trois enfants tour à tour sur son dos, en se laissant glisser le long d'une corde lisse.

Mais en descendant le dernier, il tombe et se blesse légèrement à la jambe. Ne pouvant plus transporter la mère des enfants, il repart seul chercher un marteau pour briser le mur de l'extérieur. Il peut cacher la famille dans le grenier du camp pendant trente-six heures, puis la recueille chez lui pendant une semaine, jusqu'à ce qu'un autre sauveteur les escorte vers Alès.

Maria Corbat, une vieille paysanne, dont le mari est paralysé, vit près de la frontière suisse, à Villars-lèsBlamont dans le Doubs. Une nuit de septembre 1942, on frappe à sa porte. C'est une femme affolée, Sonia Winischki, accompagnée de ses deux fillettes. Le passeur qui devait l'aider à passer la frontière, un escroc, vient de se fondre dans l'obscurité. Maria Corbat, d'abord désem-


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parée par cette visite inattendue, se ressaisit immédiatement, accueille les trois réfugiées juives et les héberge pendant dix jours, le temps de prendre contact avec d'autres sauveteurs.

Pour le pasteur Jean Lemaire, les actes de résistance ne se distinguaient pas du sauvetage des Juifs. Le décret qui l'admet dans l'ordre de la Légion d'honneur salue son rôle dans le mouvement Combat : « A participé à la lutte clandestine contre l'ennemi, a organisé de multiples évasions des prisons et des centres d'internement, permettant le passage à l'étranger et dans les groupes francs de la résistance des Français et des Alliés recherchés par l'ennemi. Arrêté par la Gestapo, interné, déporté à Mauthausen et Dachau, revenu grand invalide. » Si le Gouver-

nement français a ainsi honoré le résistant, le mémorial israélien de Yad Vashem lui a décerné le titre de Juste, pour avoir sauvé un grand nombre de Juifs et leur avoir procuré de fausses cartes d'identité.

Edouard Vigneron, chef du service des étrangers de la police de Nancy, son adjoint Pierre Marie et leurs cinq hommes - Charles Bouy, Henri Lespinasse, François Pinot, Charles Thouron, Emile Thiébault - ont fait échec à une rafle de Juifs, le 19 juillet 1942. Prévenus la veille de l'imminence de la rafle, ils ont passé la journée à prévenir les 385 Juifs concernés, et souvent à leur remettre de vrais-faux papiers d'identité. Résultat : le 19 juillet, à Nancy, au lieu des 385 prévus, seuls 18 Juifs - bien sûr, c'est encore trop - furent arrêtés. Edouard Vigneron sera démasqué, démis de ses fonctions et incarcéré à Fresnes.

Il sera libéré et réhabilité après le départ des Allemand s. Jeanne Roussel, fondatrice, animatrice d'un préventorium à Trélon, dans le sud de l'Avesnois, n'hésita pas à se servir de son établissement pour cacher des enfants juifs ; entre 1942 et 1944, ils furent près de 54 à trouver refuge à la Huda, discrètement mêlés aux autres pensionnaires ; 54 qui entrèrent en prononçant le mot de passe : « Avezvous besoin d'une bonne ? », et à qui elle retirait aussitôt leur étoile jaune, attribuait un nom, des faux papiers, assurait le gîte, le couvert, et laissait observer les rites judaïques, le tout dans le plus grand secret. Cette femme n'avait que le sentiment de faire son devoir, à tel point qu'elle se sentait la débitrice de ses protégés. « Merci de m'avoir appris à être meilleure chrétienne » leur dit-elle en guise d'adieu le 15 octobre 1944.

Ces cinq personnes expriment, comme des milliers d'autres, une certaine idée de la France. Je vous remercie, mesdames et messieurs les députés, de permettre à la République de leur rendre hommage, eux qui ont été à la hauteur des valeurs de la République française.

Je vous remercie aussi d'avoir pris l'initiative de solidifier dans notre calendrier commémoratif national une date qui permettra chaque année de rendre hommage aux victimes de la politique d'exclusion du gouvernement de l'Etat français ainsi qu'à ceux des nôtres, qui aux côtés des résistants ont été les meilleurs d'entre nous. (Applaudissements sur tous les bancs.) Article unique

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

« Article unique . - Il est institué une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes menacées de génocide.

« Cette journée est fixée au 16 juillet, date anniversaire de la rafle du vélodrome d'Hiver à Paris, si ce jour est un dimanche ; sinon elle est reportée au dimanche suivant.

« Chaque année, à cette date, des cérémonies officielles sont organisées aux niveaux national et départemental, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote a été acquis à l'unanimité.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Je voudrais clore ce débat en me félicitant de sa remarquable qualité. Nous avons accompli là un travail de parlementaires qui nous honore.

Le 25 novembre 1992, en déposant mon premier texte, je souhaitais ce vote. Il a fallu du temps, mais nous y sommes parvenus aujourd'hui. Ce texte est important, non seulement pour marquer ce qui relève de la responsabilité de l'Etat français de Vichy, mais aussi pour rendre hommage tant aux quatre-vingts parlementaires qui ont su dire non qu'aux Justes, ce mot qui exprime bien la réalité.

Je voudrais, d'autre part, remercier M. le rapporteur de la grande qualité de son rapport et demander à M. le secrétaire d'Etat d'intervenir auprès de son collègue chargé des relations avec le Parlement afin que le Sénat examine prochainement ce texte et le prolonge, en toute liberté, bien entendu.

Enfin, à titre exceptionnel - et cette proposition s'adresse au président de notre assemblée - je souhaiterais que le rapport, ainsi que toutes les interventions, soient publiés dans un document facile à diffuser...

M. Alain Cacheux et Mme Nicole Bricq.

Très bonne idée !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... qui constituerait un instrument citoyen, pédagogique et rendrait hommage au travail de notre assemblée trop souvent caricaturé, ce dont nous souffrons beaucoup. En effet, le travail de fond que nous menons est bien souvent méconnu.

Si notre assemblée prenait, cette décision, elle participerait utilement au travail de mémoire et ferait oeuvre de citoyenneté républicaine.

Merci à vous tous de ce que nous venons de faire.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 16 mars 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Le Gouvernement a en outre communiqué, en application de l'article 48, alinéa 5, du règlement, le programme de travail prévisionnel jusqu'au terme de la session.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Ces documents seront annexés au compte rendu intégral de la présente séance.

P ar ailleurs, en application des dispositions de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, il a été décidé que la sixième séance mensuelle d'initiative parlementaire, dont il revient au groupe Démocratie libérale et Indépendants de proposer l'ordre du jour, aurait lieu le mardi 28 mars, matin, et se poursuivrait le mardi 4 avril, matin.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2176, relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national : M. André Vauchez, rapporteur au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (rapport no 2196) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1924, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus : M. Patrick Delnatte, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2189) ; (Procédure d'examen simplifiée. - Art.

107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1931, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des

Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) : M. René Mangin, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2191) ; (Procédure d'examen simplifiée. - Art.

107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1932, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale : M. Paul Dhaille, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2190) ; (Procédure d'examen simplifiée. - Art. 107 du règlement) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1933, autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale : M. Paul Dhaille, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2190) ; Procédure d'examen simplifiée. - Art.

107 du règlement) ; Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 2157, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption : M. Jacky Darne, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2194) ; (Procédure d'examen simplifiée. - Art.

106 du règlement).

Discussion de la proposition de loi, no 2046, de M. André Gerin relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire : M. André Gerin, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2187) ; (Procédure d'examens simplifiée. - Art.

106 du règlement).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 2158, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique : M. Chritian Paul, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2197).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR PRÉVISIONNEL (Application de l'article 48, alinéa 5, du règlement) Monsieur le président, J'ai l'honneur de vous communiquer, en application de l'article 48, alinéa 5, du règlement de l'Assemblée nationale, le calendrier prévisionnel de l'ordre du jour prioritaire pour les six mois à venir.

Comme il est d'usage, et conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 1995, j'assortirai ce calendrier des réserves relatives au caractère indicatif de cette programmation, qui ne saurait lier le Gouvernement dans l'exercice des prérogatives mentionnées à l'article 48, alinéa premie r, de la Constitution.

Première quinzaine de mars : seconde lecture du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption ; première lecture du projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique ; nouvelle lecture du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; première lecture du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat et portant modification du code de l'aviation civile ; quatrième lecture du projet de loi organique relatif aux i ncompatibilités entre mandats électoraux et dernière lecture du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

première lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Deuxième quinzaine de mars : suite de la première lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ; seconde lecture du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture sur le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; première lecture de la proposition de loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels ; première lecture du projet de loi relatif à la chasse ; première lecture du projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et modifiant le code des juridictions financières.

En avril : seconde lecture du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs ; première lecture du projet de loi organique modifiant le nombre des sénateurs ; première lecture du projet de loi modifiant la répartition des sièges de sénateurs entre les séries et les départements ; première lecture du projet de loi habilitant le Gouvernement à adapter les textes législatifs au passage à l'euro ; première lecture du projet de loi portant diverses disposit ions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports ; première lecture du projet de loi portant organisation de la consultation de la population de Mayotte ; seconde lecture du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques ; seconde lecture du projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives. première lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.

Première quinzaine de mai : dernière lecture sur le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ; déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les priorités de la présidence française de l'Union européenne ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ; première lecture du projet de loi d'orientation sur l'outremer.

Deuxième quinzaine de mai : première lecture du projet de loi d'orientation sur la forêt ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi sur la chasse ; première lecture du projet de loi portant diverses disposit ions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'agriculture ; première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000 ; déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les orientations budgétaires pour 2001 ; première lecture du projet de loi portant règlement définitif du budget 1998.

En juin : dernière lecture du projet de loi relatif à l'élection des séna teurs ; dernière lecture du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ; dernière lecture du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; dernière lecture du projet de loi relatif à la chasse ; première lecture du projet de loi de modernisation sociale ; commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000 ; dernière lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ; dernière lecture du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; dernière lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000 ; dernière lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques.

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 29 février 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 29 février au jeudi 16 mars 2000 inclus a été ainsi fixé : Mardi 29 février 2000 : Le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de loi de M. Jean Le Garrec instaurant une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France (nos 1727-2195).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national (nos 2176-2196).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et jur idique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (nos 19242189).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'é tablissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (nos 1931-2191).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (nos 1932-2190).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (nos 1933-2190).

(Ces quatre derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 107 du règlement.) Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (nos 2157-2194).

Discussion de la proposition de loi de M. André Gerin relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (nos 2046-2187).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 29 FÉVRIER 2000

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (nos 2158-2197).

Mercredi 1er mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les service de police, de gendarmerie et de douane (nos 21162165).

Le soir, à 21 heures : Discussion du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (nos 2067, 2159).

Jeudi 2 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (nos 2123, 2130).

Mardi 7 mars 2000 : Le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (no 2132).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à 15 heures : Questions au Gouvernement.

A 17 h 15 et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les fe mmes et les hommes (no 2132).

Mercredi 8 mars 2000 : L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives.

Discussion, en quatrième lecture, du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux.

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).

Jeudi 9 mars 2000 : Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).

Mardi 14 mars 2000 : Le matin, à 9 heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).

Mercredi 15 mars 2000, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures et jeudi 16 mars 2000, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (no 2131).