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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

1. Questions au Gouvernement (p. 1540).

MOZAMBIQUE (p. 1540)

MM. Jean-Pierre Baeumler, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

ALLIANCE ENTRE LA DCN ET THOMSON CSF (p. 1541)

MM. Jean-Noël Kerdraon, Alain Richard, ministre de la défense.

POLLUTION MARITIME (p. 1541)

MM. René Leroux, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

PRISONS (p. 1542)

M. Bruno Le Roux, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (p. 1543)

MM. Yves Deniaud, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT (p. 1544)

MM. Jacques Godfrain, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p. 1545)

MM. André Schneider, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

POLITIQUE SPORTIVE (p. 1546)

M. Edouard Landrain, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Mme VOYNET ET LES AGRICULTEURS (p. 1547)

M. Yves Nicolin, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

PROCÈS DE SALARIÉS DE RENAULT (p. 1548)

M. Gilbert Biessy, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

CRÉDITS DE L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 1549)

MM. Daniel Paul, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

FINANCEMENT DES PRÉRETRAITES (p. 1550)

M. Jean Rigal, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 1550)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

2. N omination de députés en mission temporaire (p. 1550).

3. Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 1550).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 1551)

M.

Marcel Cabiddu, Mme Martine Lignières-Cassou,

M.

André Aschieri, Mmes Marie-Françoise Clergeau, Odile Saugues.

Clôture de la discussion générale.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 1557)

Article 1er (p. 1557)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Adoption de l'article 1er

Après l'article 1er (p. 1558)

A mendement no 47 de Mme Lignières-Cassou :

Mmes Martine Lignières-Cassou, Catherine Génisson, rapporteuse de la commission des affaires culturelles ; la secrétaire d'Etat. - Adoption.

Article 2. - Adoption (p. 1558)

Article 3 (p. 1558)

A mendement no 63 de Mme Bachelot-Narquin : Mmes Marie-Jo Zimmermann, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

A mendement no 84 de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille.

A mendement no 52 de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. Rejet des amendements nos 84 et 52.

A mendement no 53 de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. Rejet.

Adoption de l'article 3.

Après l'article 3 (p. 1560)

Amendement no 54 de M. Gremetz : M. Maxime Gremetz, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat, M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles. - Rejet.

Article 4 (p. 1561)

Amendement de suppression no 64 de Mme BachelotNarquin : Mmes Marie-Jo Zimmermann, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 88 du Gouvernement : Mmes la secrétaire d'Etat, la rapporteuse. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5. - Adoption (p. 1562)

Article 6 (p. 1562)

Amendement no 55 corrigé de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. Rejet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

A mendement no 56 de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. Retrait.

Adoption de l'article 6.

Article 7. - Adoption (p. 1562)

Article 8 (p. 1563)

Amendement de suppression no 57 de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article 8.

Article 9 (p. 1563)

Amendement de suppression no 86 du Gouvernement :

Mmes la secrétaire d'Etat, la rapporteuse. - Adoption.

L'article 9 est supprimé.

L'amendement no 80 de Mme Génisson n'a plus d'objet.

Après l'article 9 (p. 1564)

A mendement no 65 de Mme Bachelot-Narquin : Mmes Marie-Jo Zimmermann, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 59 de M. Patrick Malavieille et 29 rectifié de M. Vallini : MM. Patrick Malavieille, André Vallini ; l a rapporteuse, la secrétaire d'Etat, Marie-Thérèse Boisseau. - Rejets.

A mendements no 58 de M. Malavieille : M. Patrick Malavieille, Mmes la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. Rejet.

A mendement no 81 de Mme Bachelot-Narquin :

Mme Marie-Jo Zimmermann.

A mendement no 82 de Mme Bachelot-Narquin : Mmes Marie-Jo Zimmermann, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Rejet des amendements nos 81 et 82.

Amendement no 85 de Mme Boisseau : Mmes Marie-Thérèse Boisseau, la rapporteuse, la secrétaire d'Etat. - Retrait.

Avant l'article 10 (p. 1566)

Amendement no 48 de Mme Feidt : Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis de la commission des lois ; M. le ministre. - Adoption.

Article 10 (p. 1566)

Amendement de suppression no 30 de la commission des lois : Mme la rapporteuse pour avis, M. le ministre. Adoption.

L'article 10 est supprimé.

Article 11 (p. 1567)

Amendement de suppression no 31 de la commission des lois : Mme la rapporteuse pour avis, M. le ministre. Adoption.

L'article 11 est supprimé.

Article 12 (p. 1567)

Amendement de suppression no 32 de la commission des lois : Mme la rapporteuse pour avis, M. le ministre. Adoption.

L'article 12 est supprimé.

Article 13 (p. 1567)

M. Patrick Malavieille.

A mendement no 61 de M. Malavieille : M. Patrick

M alavieille, Mme la rapporteuse pour avis, M. le ministre. - Rejet.

Amenendement no 14 de Mme Roudy : Mmes Odette Casanova, la rapporteuse pour avis, M. le ministre. Rejet.

A mendement no 60 de M. Malavieille : M. Patrick

M alavieille, Mme la rapporteuse pour avis, M. le ministre. - Rejet.

A mendement no 15 de Mme Roudy : Mme Odette Casanova. - Retrait.

A mendement no 66 de Mme Lignières-Cassou :

Mme Martine Lignières-Cassou, la rapporteuse pour avis,

M. le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 13.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1570).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

J'indique dès à présent que la séance sera suspendue après les questions au Gouvernement, jusqu'à dix-sept heures quinze, en raison de la réception qui sera donnée à partir de seize heures trente, dans la galerie des fêtes, en l'honneur de M. Kim Dae-Jung, Président de la République de Corée. Vous êtes tous conviés à cette réception.

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe socialiste.

MOZAMBIQUE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, depuis un mois, le Mozambique, l'un des pays les plus pauvres du monde, doit faire face à des pluies diluviennes, qui sont à l'origine des pires inondations qu'a connues ce pays depuis cinquante ans. Selon un bilan très provisoire, cette catastrophe aurait déjà causé la mort de plus de 200 personnes et désorganisé totalement un Etat qui commençait à se relever d'une très longue et sanglante guerre civile. Selon l'estimation de l'ONU, 2 à 3 millions de personnes auraient perdu leur maison du fait des débordements

« historiques » des fleuves.

Malgré la mobilisation des autorités locales et de la c ommunauté internationale, seuls 60 000 sans-abri auraient trouvé refuge dans les soixante-quatorze centres de secours créés. Par ailleurs, de très nombreuses communautés villageoises, prisonnières des eaux, restent isolées et dépendent totalement de l'aide d'urgence, qui ne peut leur être apportée que par hélicoptère.

Après une brève accalmie, la pluie s'est remise à tomber hier sur le Mozambique. De nouvelles crues sont à craindre, menaçant à nouveau les milliers de personnes qui avaient commencé à retourner dans les zones qui, après avoir été submergées, étaient redevenues accessibles à la suite du mouvement de décrue qui s'était amorcé.

Plus grave, les organisations non gouvernementales qui oeuvrent sur place craignent à présent le développement d'épidémies de choléra et de paludisme auxquelles seront exposées au premier chef les populations concentrées dans les camps d'urgence.

La France est l'un des premiers pays à être intervenu sur place. Depuis le 19 février, elle apporte aide alim entaire et matérielle. Pour autant, au regard de l'ampleur de la catastrophe, l'aide internationale devra être intensifiée.

Monsieur le ministre, quelle part supplémentaire notre pays entend-il prendre dans cette mobilisation en faveur des populations sinistrées du Mozambique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

Monsieur le député, le sort s'acharne ene ffet sur le Mozambique, pays qui développe ses 800 000 kilomètres carrés entre l'océan Indien et les montagnes des pays avoisinants, qui sort à peine d'une guerre civile et dont un million d'habitants sur les dixsept qu'il compte est affecté par les inondations des plaines littorales.

Les pluies torrentielles ont commencé le 4 février, et c'est le 10 du même mois que l'Etat du Mozambique a lancé un appel au secours. Les premiers à intervenir ont été les Sud-Africains, qui ont déployé une noria d'hélicoptères, mais les agences des Nations Unies présentes dans ce pays ont aussi participé aux premières interventions.

En ce qui concerne la France, elle a, dès le 17 février, donc quelques jours après cet appel au secours, décidé l'envoi d'un Transall basé à la Réunion, lequel est arrivé le lendemain. Depuis, un nouveau Transall a été dépêché sur place et la Jeanne d'Arc a été détournée pour prêter ses hélicoptères. Actuellement, ces Transall et ces hélicoptères font, comme on dit, du « brouettage » pour aider les populations.

Le montant des pertes humaines est difficile à évaluer pour le moment. On a parlé de 200 morts, mais on peut craindre qu'il y en ait davantage et que l'on découvre de nouvelles victimes au fur et à mesure que les terres émergeront.

Pour l'heure, l'objectif est de mettre les populations au sec, et nous nous y employons avec l'aide - importante de la communauté internationale. On peut toujours regretter le retard avec lequel ces aides arrivent, mais, je le répète, les Français et les Sud-Africains ont été parmi les premiers à intervenir, comme vous l'avez vous-même souligné.

La crainte d'une épidémie de choléra n'est pas encore vérifiée mais, bien entendu, nous prenons, avec d'autres, les dispositions nécessaires pour lutter contre une telle éventualité.

Je rappelle que le premier gros porteur américain est arrivé ce matin avec le détachement que les Etats-Unis avaient promis d'envoyer. Il en va de même en ce qui concerne l'Allemagne et l'Angleterre.

Pour notre part, il importe que nous réorientions, dès à présent, notre aide vers la reconstruction dans la mesure où les populations sont quasiment sauvées. Encore faut-il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

s'assurer que les pluies qui recommencent, mais dont on nous dit qu'elles sont ordinaires, ne vont pas avoir d'effets trop négatifs. Le Gouvernement a mis en place - Lionel Jospin y a veillé - une nouvelle aide de l'ordre de 20 à 30 millions de francs, laquelle va être mobilisée au bénéfice des populations.

Cela étant, nous pouvons regretter, s'agissant de cette crise, que la coordination, en particulier européenne, ait été insuffisante, car sinon nous aurions pu réagir plusr apidement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) ALLIANCE ENTRE LA DCN ET THOMSON-CSF

M. le président.

La parole est M. Jean-Noël Kerdraon.

M. Jean-Noël Kerdraon.

Monsieur le ministre de la défense, depuis juin 1997 vous vous êtes attaché à la modernisation et à la restructuration de la direction des constructions navales qui regroupe 16 000 salariés répartis sur neuf établissements.

Après la mise en application d'un plan social, qui contribuera, grâce à des départs en retraite anticipée, à adapter les effectifs aux prévisions des charges des prochaines années, vous avez annoncé, au mois de mai dernier, le plan d'entreprise.

Celui-ci réorganise l'activité de la DCN en branches, favorise la diversification et transforme le statut d'administration en service à compétence nationale pour permettre plus de souplesse et d'efficacité en matière de gestion, de comptabilité et d'achat.

En début d'année, un accord de réduction du temps de travail a été signé par les principales organisations syndicales à l'issue d'une consultation de l'ensemble des personnels. Si des inquiétudes subsistent en matière d'emploi à Brest, mais aussi sur d'autres sites, ces différentes évolutions se font, je crois, dans la sérénité.

La première traduction de ces évolutions est une alliance, conclue ces dernières semaines, entre DCNInternational et Thomson-CSF dans le domaine naval militaire. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer notre assemblée des objectifs et du contenu de l'alliance passée entre Thomson-CSF et la DCN, ainsi que de ses répercussions sur cette dernière ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur Kerdraon, vous avez raison de souligner que l'accord industriel à l'exportation qui vient d'être conclu entre la DCN et Thomson-CSF s'inscrit dans la cohérence d'un plan d'entreprise qui, après avoir été longuement concerté, est maintenant appliqué. Ce plan s'est également traduit par une réduction du temps de travail, qui s'est accompagnée d'un gain d'efficacité industrielle, et par la mise en place d'un nouveau système de gestion permettant l'amélioration des performances.

Ce rapprochement limité entre Thomson-CSF et la DCN est par ailleurs conforme aux recommandations qui avaient été formulées par les membres de la commission de la défense de l'Assemblée, lesquels étaient intéressés à nos évolutions industrielles.

L'objectif de cette société commune est de développer le chiffre d'affaires commun à l'exportation de la DCN et de Thomson-CSF pour les réalisations navales militaires de haut niveau technologique.

Cette société aura donc comme fonction de négocier et de gérer les contrats à l'exportation, ce qui inclut les contrats de réalisation de matériel militaire en coopération industrielle. Nous voulons en particulier que la société soit mise en place au mois de juin, c'est-à-dire au moment de la commande définitive de la frégate francoitalienne Horizon.

Cette société sera détenue à parts égales par l'Etat, porteur de la DCN, et par Thomson. Son personnel, mis à disposition par les deux entreprises, sera peu nombreux, puisqu'il ne sera chargé que de la négociation et de la gestion des contrats.

Un tel système permettra à la fois de maintenir l'intégrité industrielle et technologique de la DCN et de renforcer la solidité financière de Thomson-CSF, qui est une société cotée. Ce regroupement de compétences contribuera à renforcer les chances industrielles de la DCN et à assurer les succès à l'exportation de Thomson.

Je devrais d'ailleurs solliciter du Parlement l'autorisation de procéder à ce rapprochement, puisqu'il y aura, m ême s'il est modeste, un transfert de fonds de commerce, c'est-à-dire une cession d'actifs de la DCN à une nouvelle société.

Il faut se réjouir d'une telle évolution. Je serais heureux, le moment venu, de vérifier qu'il y a une convergence de vues entre les souhaits de la représentation nationale et la politique du Gouvernement à cet égard.

J'ajoute que cette évolution s'inscrit dans le cadre d'une perspective éclaircie pour la DCN qui vient, avec Thomson, d'obtenir la commande de six nouveaux bateaux par nos amis de Singapour, et ce à l'issue d'une compétition d'une totale transparence.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

POLLUTION MARITIME

M. le président.

La parole est à M. René Leroux.

M. René Leroux.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, par suite du naufrage du pétrolier Erika survenu le 12 décembre dernier au large des côtes du Finistère, la marée noire a envahi les côtes atlantiques de la pointe de Penmarch à l'île de Ré. Depuis, des milliers de bénévoles, aidés par l'armée, la sécurité civile, les pompiers et les personnels communaux nettoient au quotidien et sans relâche les plages et les rochers des côtes souillées.

Sur le plan écologique, les dommages sont considérables, car c'est tout un écosystème qui est menacé. Il faut donc se féliciter des mesures importantes qui ont été annoncées lors du CIADT et du CIM qui se sont tenus à Nantes le 28 février dernier.

Toutefois, durant la seule semaine du 18 au 23 février, les avions des douanes de la marine nationale ont observé trente-neuf dégazages sauvages de pétroliers et de cargos nettoyant leur cuve en pleine mer entre Ouessant et la Gironde. Cet état de fait est particulièrement scandaleux.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser à la représentation nationale quelles sont les mesures que le Gouvernement pourrait adopter, et selon quel délai, afin que les opérations de dégazage puissent s'effectuer dans des conditions qui ne mettent pas l'environnement en danger ? Est-il possible de créer des ports d'accueil où pourraient avoir lieu ces opérations de dégazage ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Envisagez-vous de prendre des sanctions qui seront suffisamment dissuasives à l'encontre des contrevenants et qui, par là même, seront de nature à satisfaire l'ensemble des personnes engagées dans les opérations de nettoyage ainsi que les élus concernés ? Plus généralement, quelles sont les réformes envisagées, tant sur le plan national que sur le plan européen, en ce qui concerne le transport maritime des produits dangereux et polluants ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, je vous communiquerai d'abord une information. Ces dernières heures, il a été observé que la partie arrière de l'épave était à l'origine d'une pollution en surface un peu plus importante que celle des jours précédents. Il a donc été décidé d'hélitreuiller immédiatement des personnels et des moyens supplémentaires sur place afin de traiter cette pollution. De plus, un navire de pompage s'est rendu sur le site au cas où sa présence s'avérerait nécessaire.

J'en viens à votre question qui concerne notamment ce que l'on appelle communément les dégazages. Il s'agit en fait de déballastages, opérations qui consistent à nettoyer en mer des parties de ballasts, et de vidanges des moteurs des bateaux. Ces deux types d'opérations sont l'une et l'autre interdites, mais, malheureusement, elles ont lieu trop souvent et demeurent impunies. Le Gouvernement partage votre avis, monsieur le député : ces pratiques sont absolument condamnables.

Nous avons organisé une opération rails propres, qui nous a permis d'observer trente-neuf cas de dégazages et de verbaliser trois navires. S'agissant de ces trois navires, nous sommes déterminés à ce que les poursuites aillent jusqu'au bout et Mme la ministre de la justice a fait savoir qu'elle avait donné des instructions en ce sens au parquet.

J'ajoute que, dans le cadre du comité interministériel qui s'est tenu il y a quinze jours sous la présidence de M. le Premier ministre, nous avons décidé de doter la France de nouveaux moyens de surveillance. Ainsi, le plan douanes Polmar sera accéléré et disposera de nouveaux matériels, notamment de deux nouveaux avions modernisés.

Par ailleurs, s'agissant des mesures immédiates qui pourraient être prises dans les ports en matière de prévention, je vous indique, monsieur le député, que la France soutiendra l'adoption de la directive européenne obligeant les navires à attester du dépôt de leurs déchets avant de quitter un port de l'Union.

Toutefois, sans attendre l'adoption de cette directive, la réglementation française va anticiper sur la mise en place de ce dispositif européen, ce qui devrait permettre, en se dotant des moyens de contrôle suffisants, d'obliger les navires à déposer les déchets dans des endroits appropriés dans les ports.

J'ajoute que j'ai demandé que l'on étudie la possibilité d'installer une sorte de boîte noire sur les navires, qui permettrait de vérifier en permanence qu'ils n'ont pas dégazé ou déballasté en mer. Ce serait une avancée intéressante pour tout le monde.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

PRISONS

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux.

Madame la ministre de la justice, il y a quelque mois, vous avez mis en place une commission chargée de réfléchir et de proposer des solutions pour assurer un contrôle extérieur efficace des établissements pénitentiaires. La préoccupation est légitime au regard des attentes d'une société démocratique. Elle est aussi - mais faut-il le rappeler ? - d'une grande actualité.

Le Parlement s'est lui-même saisi - et d'ailleurs avec un consensus assez fort sur ces bancs - de la question.

D'abord, en revendiquant un droit de visite à tout moment des députés et sénateurs dans les prisons de leur circonscription.

Ensuite, en créant des commissions d'enquête, notamment une commission d'enquête présidée par Laurent Fabius, qui rendra son rapport dans quelques mois.

De son côté, la commission présidée par M. Canivet n'a pas souhaité agir dans l'urgence. Elle a procédé à de nombreuses auditions et vous a remis hier ses conclusions, qui s'articulent autour de vingt-neuf propositions dont certaines sont particulièrement novatrices.

Madame la ministre, quelles sont vos intentions quant à ces propositions ? Dans quelle mesure, comment et selon quels délais comptez-vous les mettre en oeuvre en les articulant avec le travail mené par notre assemblée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Pandraud.

Pourquoi nous « court-circuiter » ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je tiens d'abord à rappeler qu'il y a deux ans, en avril 1998, j'avais présenté au conseil des ministres une communication sur la politique pénitentiaire qu'entendait mener le Gouvernement, et déjà à l'époque, j'avais indiqué que la question du contrôle externe des prisons était très importante.

Cette communication a d'ailleurs déjà débouché sur des décisions concernant le contrôle. C'est le cas du code de déontologie dont le décret vient d'être approuvé par la C ommission nationale consultative des droits de l'homme.

En ce qui concerne le contrôle externe, j'ai installé en juillet 1999 la commission Canivet dont la composition est très représentative de l'ensemble de la société française. Je lui ai demandé de me faire des propositions. Au vu du rapport de très grande qualité qu'elle m'a remis, ces propositions me semblent novatrices et, pour certaines, audacieuses.

Quelles seront les suites données à ce rapport ? D'abord, j'ai décidé, compte tenu de sa qualité, d'en assurer une très large diffusion. Je l'ai déjà transmis aux commissions parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat qui se livrent à l'enquête que vous connaissez bien. J'ai également décidé de le transmettre aux organisations professionnelles représentant le personnel, ainsi que, bien entendu, à tous les parlementaires et aux intervenants, lesquels sont très nombreux - n'oublions pas que 30 000 personnes entrent tous les jours dans nos prisons.

Ensuite, je voudrais souligner que, d'ores et déjà, certaines recommandations du rapport ont fait l'objet d'un début d'exécution. C'est le cas pour l'amélioration de la situation matérielle dans les prisons, dont le rapport sou-


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ligne la nécessité. Je rappelle à la représentation nationale qu'un programme de six nouveaux établissements à été lancé - ils seront livrés en 2002 - et que, à la suite de la visite de votre commission des lois à la Réunion, il est même prévu d'en construire un septième à Saint-Denis.

Les contrôles externes sont nécessaires à la fois pour mieux protéger les droits des détenus et pour faire reconnaître le professionnalisme du personnel pénitentiaire. Car il faut bien savoir que l'amélioration des conditions de la détention des détenus doit absolument aller de pair avec l'amélioration des conditions de travail des personnels et que l'une et l'autre sont intimement liées. Si les conditions de travail du personnel sont meilleures, les conditions de la détention deviendront alors meilleures, et si les conditions de la détention sont meilleures les conditions de travail du personnel seront alors elles-même améliorées.

Je vais soumettre ces propositions à une concertation approfondie que je mènerai moi-même avec les personnels de l'administration pénitentiaire, car la réforme se fera avec eux.

Pour ce qui est du calendrier, je vous indique que, dès le 20 mars prochain, je soumettrai ce rapport et ces propositions au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire que j'ai recommencé à réunir il y a un an et demi - il n'avait plus été réuni depuis douze ans ! Vous voyez donc que j'ai un programme de travail important.

L'administration pénitentiaire n'a rien à craindre de cette ouverture sur l'extérieur. Elle a d'ailleurs montré, au moment de la publication du livre de Mme Vasseur, qu'elle acceptait d'ouvrir les établissements, de montrer ce qui s'y passe, de montrer ce qui va bien, car beaucoup de choses vont bien, et ce qui, en effet, va moins bien. Je pense que c'est l'opacité et non l'ouverture qui est nuisible, car c'est l'opacité qui contribue à porter un regard faux sur l'administration pénitentiaire.

Les personnels de l'administration pénitentiaire ont tout à gagner à une revalorisation de la mission très importante qu'ils exercent au nom de la nation et à ce que l'ensemble de la nation s'intéresse de façon continue à la situation dans nos prisons et pas seulement par crises.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, grâce à vous, la France vient de battre une nouvelle fois son propre record de hausse du taux des prélèvements obligatoires.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous allez me répondre que c'est la conséquence de la croissance. Certes, la croissance améliore les rentrées. Mais lorsque le produit des impôts et des taxes augmente plus vite que le produit d'une économie en forte progression comme la nôtre, c'est bien le résultat de vos décisions politiques,...

M. Dominique Dord.

Très juste !

M. Yves Deniaud.

... c'est-à-dire une hausse des impôts existants et la création, à ce jour, de quinze impôts nouveaux en attendant de passer à dix-sept dès la semaine prochaine.

Vous nous avez souvent « servi » les 100 milliards du gouvernement Juppé,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

M. Yves Deniaud.

... oubliant au passage les 48 milliards de baisse effective des charges sociales et les 25 milliards de baisse effective de l'impôt sur le revenu.

Vous vous acheminez, pour la fin de la législature, vers plus de 600 milliards de francs de hausse en solde net des impôts et des taxes.

(« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Sans doute nous indiquerez-vous que, cette fois-ci, « ça va baisser ». Mais vous nous le dites chaque année et, chaque année, vous faites le contraire de ce que vous annoncez.

Ma question s'impose d'évidence : pourquoi, cette fois-ci, les Français vous croiraient-ils ? (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, il est un fait que ce que l'on appelle les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire les impôts et les cotisations sociales, a, rapporté à la production annuelle, augmenté en 1999.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Muselier.

Quel aveu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

Le Gouvernement est absolument transparent ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de calme, chers collègues ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela contraste avec deux périodes précédentes : entre 1996 et 1998, les prélèvements sont restés stables, et cela grâce à nous, entre 1993 et 1996, alors qu'ils avaient connu une très forte hausse, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le député, et cela, c'était grâce à vous ! Pourquoi les prélèvements ont-ils augmenté en 1999 ?

M. Bernard Accoyer.

Quinze impôts supplémentaires !

M. Bernard Deflesselles.

Rendez-nous l'argent ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est parce que 1998 fut une très bonne année de croissance, une année comme on n'en avait pas connu depuis 1990. Les revenus des entreprises ont crû de 14 % et, corrélativement, l'impôt sur les bénéfices des entreprises a augmenté davantage encore. Les ménages ont bénéficié de gains de pouvoir d'achat qu'ils n'avaient pas eus depuis longtemps.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Ce n'est pas vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce pouvoir d'achat a augmenté de 3,8 %, ce qui a provoqué de plus fortes rentrées de l'impôt sur le revenu, dont le barème est progressif.

Nous avons effectivement corrigé le barème sur un point et un seul pour tenir la promesse que nous avions faite aux associations familiales.

M. Jean-Louis Debré.

Pour une fois que vous respectez une promesse ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous avons ainsi rétabli les allocations familiales pour tous (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), avec une baisse du quotient familial en contrepartie.

(Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Un peu de silence ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Un mot maintenant sur l'année 2000.

Ce sont 40 milliards de francs de baisse d'impôts qui ont déjà été votés.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils l'ont été du côté gauche de l'assemblée.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je citerai la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien et la baisse du droit de bail à partir du 1er janvier.

Vous examinerez bientôt un collectif de printemps, qui prévoira de nouvelles baisses d'impôts applicables dès la rentrée 2000.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je sais qui les votera et je sais qui ne les votera pas.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) AGRICULTURE ET ENVIRONNEMENT

M. le président.

La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, si les Français, les agriculteurs en particulier, ont apprécié les nombreuses visites qui ont eu lieu au Salon de l'agriculture, ils ont en particulier apprécié la vôtre ainsi que celle de M. le Premier ministre.

Mais ils se posent une question : pourquoi n'avez-vous pas été accompagné de votre collègue ministre de l'environnement, Mme Voynet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Cette question va un peu plus loin que ce que vous comprendrez être une boutade, dont je ne voudrais pas que Mme Voynet s'offusque.

Vous étiez le mieux à même, monsieur le ministre, de montrer à votre collègue que l'agriculture n'est pas une espèce en péril et que le Salon n'a pas l'habitude de fermer ses portes au nez d'un ministre.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Jacques Godfrain.

Vous auriez peut-être pu, déambulant dans les allées du Salon, évoquer un certain nombre de rapports que nous attendons et que les agriculteurs attendent de votre part.

La loi d'orientation agricole, que vous avez fait voter, portait dans ses articles un certain nombre d'obligations pour le Gouvernement de faire publier des rapports. Je prendrai à cet égard deux ou trois très brefs exemples.

A l'article 3 de la loi, il était fait obligation au Gouvernement de présenter, dans les trois mois suivant la promulgation du texte, c'est-à-dire au plus tard le 9 octobre dernier, un rapport sur les retraites agricoles, les petites retraites, en particulier, et les régimes complémentaires.

Ce rapport n'est toujours pas paru.

L'article 18 de la loi d'orientation, que vous auriez pu montrer à Mme Voynet, prévoyait un rapport sur les calamités agricoles, lequel devait mettre en évidence la nécessité de constituer des provisions pour les situations de calamités. Cela tombait bien quand on se souvient de ce qui vient de se passer en France. Mais ce rapport n'est, lui non plus, toujours pas paru.

Récemment, vous avez sorti un rapport sur l'élevage ovin. Je ne ferai pas de commentaires, me contentant d'imiter la tête que faisait votre collègue Martin Malvy, p résident de la région Midi-Pyrénées, tant il était consterné par le rapport que vous avez rendu.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Jacques Godfrain.

Je vais y venir, cher collègue.

Il restera un autre rapport à faire paraître : il concerne la baisse des charges en agriculture. Nous comptons sur vous pour le sortir pour le 1er avril.

Monsieur le ministre de l'agriculture, au-delà de cette visite manquée du Salon de l'agriculture, au cours de laquelle vous n'avez pas été accompagné, les Français se posent des questions. Ils attendaient un Gouvernement d'action et de décision. Ils ont un gouvernement qui s'en remet à des rapports, même pas publiés ! Que pouvezvous leur dire pour les rassurer ? J'attends votre réponse, car de nombreux agriculteurs voient leurs revenus diminuer, tout comme le nombre des exploitations créées.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, le Salon de l'agriculture a eu un très grand succès : plus de 600 000 Français s'y sont précipités.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Moins une ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il a été l'occasion de très grands débats entre les agriculteurs et la société. Un débat public s'est engagé sur la sécurité ali mentaire...

M. François Goulard.

Pas grâce à vous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Nous avons pu, avec les agriculteurs et leurs organisations professionnelles, traiter de ce sujet très important. Je pense aussi à d'autres débats, concernant en particulier les pratiques environnementales, à propos d'un rapport, monsieur Godfrain, qui m'a été remis, comme cela avait été promis par M. Paillotin, l'ancien président de l'INRA, sur l'agriculture raisonnée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Figurez-vous qu'une très grande organisation professionnelle agricole, dont je n'ose prononcer le nom mais que vous connaissez bien, a même organisé, pendant le Salon de l'agriculture, un collogue sur le thème : « L'agriculture, pilier de l'environnement ».

(Exclamations sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. René André.

Qu'est-ce qui vous choque ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

C'est bien le signe que ce thème est en train de se répandre dans la conscience de l'ensemble de la société et des agriculteurs.

Le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, ainsi que bon nombre de ministres...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mme Voynet !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et de personnalités de l'opposition, dont Mme Alliot-Marie, se sont rendus au Salon de l'agriculture pour participer à ce débat. Il eût été étonnant que ma collègue et amie Dominique Voynet ne vînt pas au Salon de l'agriculture participer à ce débat, comme c'est sa place, et parler de l'agriculture, pilier de l'environnement.

(Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'avais dit à Dominique Voynet que le Salon de l'agriculture était encore plus agréable après la fermeture des portes parce qu'on pouvait y discuter avec les éleveurs.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Huées.) Moi qui y étais tous les soirs jusqu'à minuit, je peux vous dire que c'est à ce moment que se nouent les vrais contacts avec eux.

Mon seul regret, monsieur Godfrain, c'est que mon emploi du temps m'ait empêché d'accueillir Dominique Voynet.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. le président.

La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, d'importants mouvements de grève agitent depuis une dizaine de jours les lycées professionnels. En effet, les enseignants de ces établissements protestent contre certaines dispositions du projet de réforme de leur statut.

La colère des enseignants des matières techniques porte tout particulièrement sur la modification de leur obligation statutaire de service, qui serait ramenée de vingt-trois à dix-huit heures, mais assortie d'un certain nombre de conditions.

Le texte a été adopté hier en comité technique paritaire.

Au mois de juillet 1999, vous avez publié une charte de l'enseignement professionnel intégré. Cette dernière devait donner à ce type d'enseignement ses lettres de noblesse et le hisser à égalité avec l'enseignement général.

Vous affirmiez vouloir mener cette réforme de manière transparente et cohérente. Or, aujourd'hui, les enseignants de ce secteur vous reprochent de leur imposer sans concertation préalable d'importantes modifications quant à l'organisation de leur temps de travail. Ils vous reprochent également de laisser une trop grande place aux entreprises dans la formation initiale des élèves.

Vouloir réformer l'enseignement professionnel pour mieux l'adapter à l'emploi, c'est bien. Mais cela doit-il se faire au détriment des élèves et contre l'avis des personnels impliqués ? Je ne le pense pas.

Vous souhaitiez donner à l'enseignement professionnel la place et la dignité qu'il n'aurait jamais dû cesser d'avoir. Pensez-vous que la réforme engagée soit susceptible de vous permettre d'atteindre cet objectif ? Nous attendons des engagements précis de votre part et, surtout, des actes ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je vous remercie de votre question (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), qui me permettra de préciser un certain nombre de choses.

Oui, nous avons la volonté de faire en sorte que tout l'enseignement professionnel fonctionne en partenariat avec une entreprise, sous forme contractuelle, et que cette collaboration soit fructueuse, dans l'intérêt des élèves comme de l'emploi. Il s'agit d'un voeu qui a été formulé par de nombreux ministres de l'éducation nationale avant moi.

Nous avons longuement négocié cette réforme. Nous avons organisé à Lille un grand colloque, auquel sont venus participer les grands responsables syndicaux, tels que Mme Notat, M. Thibault et M. Seillière ainsi que, naturellement, les syndicats d'enseignants.

Cette réforme, nous l'avons mise en place...

M. Lucien Depaudry.

Cela n'a pas changé grand-chose !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

En quoi consiste-t-elle pour les enseignants des métiers techniques ? Ils voient leurs horaires ramenés de vingt-trois à dix-huit heures par semaine, mais la répartition sur l'année sera meilleure.

Quant aux élèves, certains travaillaient quarante-deux heures par semaine. Désormais, aucun ne fera plus de trente-cinq heures, et la répartition se fera sur l'année.

Je précise qu'un travail en petits groupes, un tutorat, s'organisera pour les stages en entreprises. Une coopération intime sera possible entre les entreprises et les lycées professionnels, et entre les enseignants eux-mêmes et les entreprises.

Ce texte est soutenu par les principales organisations syndicales. Il est vrai qu'il y a des oppositions, ici ou là.

Nous continuons de discuter et la réforme se mettra en place.

Pour ma part, je crois avoir donné dans ce pays ses lettres de noblesse à l'enseignement professionnel (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République),...

M. Jean-Louis Debré.

Quelle prétention !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... qui n'était pas jusqu'alors donné en exemple, puisqu'on nous citait plutôt ce qui se passait à l'étranger.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Aujourd'hui, je peux vous le dire, l'enseignement professionnel français se porte bien. Plus nous favoriserons le partenariat école-entreprise, plus nous lutterons pour l'emploi et pour l'insertion des jeunes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Ce n'est pas la modestie qui vous étouffe !

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

POLITIQUE SPORTIVE

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Ma question s'adresse à

M. le Premier ministre.

Aujourd'hui, sur une demi-page, dans la plupart des grands quotidiens français, et cela n'est pas si banal, on peut lire une lettre ouverte qui vous est adressée. Elle est signée par le président du Comité national olympique et sportif français, Henri Sérandour, au nom du conseil d'administration unanime. Elle montre l'exaspération des sportifs français.

M. Guy Drut.

Le mot est faible !

M. Jean-Pierre Brard.

Ils étaient encore shootés !

M. Edouard Landrain.

Le projet de loi sur le sport, adopté par l'Assemblée nationale et actuellement soumis au Sénat, insuffisamment travaillé, redouté par l'ensemble des fédérations françaises, inquiète.

Les moniteurs de ski craignent pour leur avenir.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les dirigeants des clubs professionnels, n'ayant pas les m êmes contraintes que leurs adversaires européens, craignent pour leur avenir.

Les pratiquants des sports de pleine nature, mécontents de ne pas être considérés, craignent pour leur avenir.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) D'une façon générale, les sportifs français s'inquiètent de cette loi qui prévoit une multiplication des contrôles préalables, l'organisation par l'Etat de la déréglementation sportive, des dispositions autorisant toutes les dérives et nuisant à la sécurité des pratiquants et de nos enfants par une déstructuration des formations.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Edouard Landrain.

Le sport français - faut-il le rappeler ? - c'est 175 000 associations, 14 millions de licenciés, 1,5 millions de bénévoles découragés et un ministère au budget ridiculement bas, correspondant seulement à 0,187 % du budget général.

Mme Odette Grzegrzulka.

Parlez-en à Guy Drut !

M. Edouard Landrain.

Vous avez tout faux en matière sportive, monsieur le Premier ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le sport français est humilié. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Les sportifs vous demandent de les comprendre, sinon de les rassurer.

Quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, il y a un mois, lorsque le texte dont vous avez parlé est venu à l'Assemblée nationale, j'ai entendu dire sur les bancs de l'opposition qu'il ne contenait rien, qu'on attendait une grande loi Buffet et que celle qui était présentée était inutile.

Aujourd'hui, un encart publicitaire, qui a dû coûter 500 000 francs au CNOSF, ressemble à un mauvais conte pour faire peur aux petites filles et aux petits garçons.

(« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il présente cette loi sur un ton absolument effrayant.

M onsieur Landrain, qu'est-ce qui fait peur au

CNOSF ? Sont-ce les mesures sur les bénévoles ? Mais les bénévoles les attendent ! Qu'est-ce qui fait peur au CNOSF ?

M. Jean-Louis Debré.

C'est vous !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Sont-ce les mesures de mutualisation ? Mais le mouvement sportif attend cette mutualisation ! Qu'est-ce qui fait peur au CNOSF ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

C'est vous !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Sont-ce les mesures qui renforcent son autorité et celle des fédérations sportives ? Sont-ce les mesures qui démocratisent le mouvement sportif en prévoyant la présence des femmes et des jeunes ? Sont-ce les mesures qui visent à plus de qualification et de formation pour l'encadrement sportif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ces mesures feront peut-être que, demain, le mouvement sportif français recevra une aide législative pour faire face aux enjeux du

XXIe siècle.

Je n'ose penser que le CNOSF a peur de tout cela.

M. Yves Fromion.

Il a peur de vous !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

A moins que le CNOSF n'ait décidé de s'engager dans une pratique politicienne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est dommage car je pense que le sport vaut mieux que cela.

M. Pierre Lellouche.

Vous voulez « communiser » le sport !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Depuis trois ans, nous travaillons pour préserver le sens et les valeurs du sport. C'est un combat qui vaut le coup et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

qu'il faut poursuivre, parce qu'il répond à l'attente des pratiquants et des pratiquantes, des bénévoles du monde sportif et des dirigeants du mouvement sportif. C'est un combat que, pour ma part, je vais continuer à mener, sans a priori , à la différence du CNOSF.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Mme VOYNET ET LES AGRICULTEURS

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement...

M. Lucien Degauchy.

Elle est nulle !

Mme Odette Grzegrzulka.

Grossier personnage !

M. Yves Nicolin.

... et reprend en partie celle qui vient d'être posée au ministre de l'agriculture. Je vous félicite au passage, monsieur Glavany, pour le virage sur l'aile que avez pris à propos de Mme Voynet, acrobatie digne de la patrouille de France.

(Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Bravo !

M. Yves Nicolin.

Il y a quelques semaines, madame Voynet, vous aviez déjà nagé à contre-courant dans l'affaire de l' Erika , démontrant à la France entière votre incapacité à mesurer l'ampleur du drame écologique qui a frappé nos côtes atlantiques et aussi votre incapacité à prendre la dimension de vos responsabilités ministérielles.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.) Or, il y a quelques jours, vous avez récidivé en témoignant cette fois votre mépris aux agriculteurs tout en cherchant à soigner votre image personnelle, si c'est encore possible...

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

MM. Jean-Pierre Blazy, Gaëtan Gorce et Daniel Marcovitch.

Lamentable !

M. Yves Nicolin.

Pendant que les responsables politiques de notre pays rendent unanimement hommage à l'agriculture - le Président de la République, le Premier ministre, le président de notre assemblée, la plupart des ministres et chefs de parti, toutes tendances confondues -, vous, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pourtant élue d'une région rurale, vous vous rendez au Salon de l'agriculture en catimini, après la fermeture des portes au public, à la recherche d'un poney,...

M. Henri Nayrou.

C'était un cheval !

M. Yves Nicolin.

... afin d'y être photographiée par Paris-Match

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Madame la ministre, nous savions déjà votre manque d'intérêt vis-à-vis du monde agricole, qui pourtant fait partie des secteurs économiques les plus importants de notre pays, lui rapportant plusieurs centaines de milliards de devises chaque année.

M. Lucien Degauchy.

Elle est nulle !

M. Yves Nicolin.

Nous savions aussi le peu d'intérêt que vous portez aux agriculteurs, qui participent pourtant de façon déterminante à l'aménagement du territoire, dont vous avez la charge. Mais ce que nous ignorions encore, c'est votre capacité à mépriser les hommes et les femmes de ce milieu (Protestations sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République) en allant nuitamment les provoquer, eux qui se donnent la peine de produire ce qui nourrit les Français !

M. Bruno Le Roux.

Ces accusations sont honteuses !

M. Yves Nicolin.

Vous avez fait en sorte que tout le monde soit au courant de votre visite au Salon de l'agriculture, mais comment avez-vous pu y raser les murs, refusant de rencontrer les agriculteurs ?

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Yves Nicolin.

Car telle fut bien la stratégie que vous avez adoptée, au risque, une fois de plus, de vous distinguer dans un gouvernement de moins en moins pluriel mais de plus en plus gauche.

M. Christian Bourquin.

La question !

M. le président.

Voulez-vous conclure, s'il vous plaît, monsieur Nicolin ?

M. Yves Nicolin.

Madame la ministre, vos maladresses successives portent atteinte à votre responsabilité ministérielle et à la dignité de votre fonction.

(Claquements de pupitres et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Meylan.

Démission ! Démission !

M. le président.

Un peu de calme, mes chers collègues.

M. Yves Nicolin.

Je suis patient ; je vais attendre que la gauche se calme.

M. le président.

Concluez, monsieur Nicolin. J'ai été assez patient.

M. Yves Nicolin.

Madame la ministre, sans vous jeter la pierre et en espérant que vous nous épargnerez des propos lapidaires, je vous poserai cette question : que pouvez-vous dire au monde agricole, qui désespère de votre attitude ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du g roupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l 'aménagement du territoire et de l'environnement.

(Huées sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Nicolin, les yeux dans les yeux, dites-moi qui, ici, tient des propos lapidaires ? Qui, ici, caricature jusqu'à l'absurde le débat public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

L'an dernier, quelques jours après le saccage de mon bureau par une fraction minoritaire et même marginale du monde agricole, je suis allée dialoguer avec les agriculteurs au Salon de l'agriculture, j'y ai été accueillie par des insultes sexistes d'une brutalité inouïe et vous avez qualifié cette visite de provocatrice !

M. Yves Nicolin.

Pourquoi y étiez-vous allée ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cette année, je suis discrète.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Soisson.

Ah bravo ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je me contente de mener avec le monde agricole le dialogue démocratique et républicain qui convient, dans mon bureau, avec les représentants syndicaux, dans le cadre de groupes de travail pérennes qui se réunissent tous les jours. Nous y traitons du devenir des boues des stations d'épuration, de la fiscalité écologique, du bilan azoté des exploitations. Et l'opposition parle encore de provocation ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Que suis-je allée faire au Salon de l'agriculture, sans provoquer personne ? J'ai répondu bénévolement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) à l'invitation d'un photographe qui est en train de réaliser, avec plusieurs grandes personnalités, une série de photos sur des espèces animales en voie de disparition.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Pour ma part, j'ai souhaité être photographiée avec un cheval de l'Ariège, un mérens, pour montrer que certaines espèces, hier menacées, incarnent aujourd'hui l'aménagement du territoire, le renouveau des zones rurales et le développement d'activités liées à la créativité des personnes qui y vivent.

Je ne le regrette pas, monsieur le député, et je déplore que, une fois de plus, vous traitiez de provocatrice la victime (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) d'un dysfonctionnement entre certains élus de la nation et le Gouvernement.

Il est anormal que l'on ne puisse pas parler sereinement de l'impact des activités agricoles sur les milieux naturels, que l'on ne puisse pas parler sereinement du rôle que joue l'agriculture dans l'aménagement du territoire, que l'on ne puisse pas parler sereinement de la façon dont nous allons, demain, concilier le maintien de l'emploi dans ce secteur, la qualité des produits - pour satisfaire aux attentes de nos concitoyens - et la sécurité de l'environnement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

PROCE S DE SALARIÉS DE RENAULT

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Guy Drut.

M. Biessy pose sa question bénévolement...

M. Gilbert Biessy.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, le respect des droits et libertés des travailleurs est essentiel pour faire vivre la démocratie. Le droit de s'organiser collectivement pour défendre ses intérêts, pour revendiquer, pour faire grève, pour s'exprimer, découle des grands principes de la Constitution. Ces droits sont indispensables à la cohésion sociale.

Les négociations sur les 35 heures et les mouvements sociaux qu'elles provoquent nous montrent tous les jours que la bonne marche des entreprises passe obligatoirement par le dialogue social. Celui-ci permet que tous les intérêts soient pris en compte. C'est le passage obligé pour l'amélioration des conditions de travail, comme pour celle de la compétitivité des entreprises. C'est pourquoi nous protestons vivement contre les atteintes aux droits et libertés des salariés et de leurs représentants syndicaux.

Vendredi 10 mars, 46 salariés de l'usine Renault du Mans passeront devant le tribunal correctionnel pour délit de séquestration.

Leur faute ? Avoir participé à une grève pour garantir les droits des salariés malades. Un salarié étant injustement sanctionné, une délégation de grévistes s'est rendue dans les locaux de la direction pour lui demander de réexaminer la sanction. Il ne s'agit donc pas d'une séquestration, mais d'une demande de négociation.

Parmi les 46 inculpés, beaucoup détiennent des mandats de représentativité du personnel. Ces mandats, qui devraient leur apporter une protection particulière, ont servi de cible à la direction de Renault ; c'est intolérable ! Pour que les entreprises soient vraiment des lieux de citoyenneté, les droits et libertés des salariés doivent être non seulement protégés, mais amplifiés. La condamnation des 46 salariés de Renault irait à l'encontre de cet objectif.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour mieux garantir les droits et libertés des salariés et le respect des prérogatives de leurs représentants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison de dire, monsieur le député, que le respect des droits individuels et collectifs des salariés est une des bases de la démocratie. Vous savez d'ailleurs combien le Gouvernement est attaché au respect des libertés syndicales et du droit de grève.

Vous m'interrogez sur un dossier particulièrement lourd et exceptionnel. En effet, 46 salariés de l'établissement du Mans de Renault seront conduits devant le tribunal correctionnel après une action menée au sein de l'entreprise. Je tiens d'ailleurs à vous signaler que j'étais au Mans la semaine dernière et que j'ai rencontré une délégation de ces salariés.

Il ne m'appartient bien évidemment pas de me prononcer sur la qualification juridique de ces événements puisque la justice doit s'en saisir vendredi prochain, mais sachez bien que je suis attentive à ce dossier et que je le suivrai de près.

Tout comme vous, je souhaite qu'un dialogue social de qualité soit restauré dans l'établissement du Mans. Ce ne semble pas encore être le cas. Pourtant, Renault, l'année dernière, a signé avec les organisations syndicales des


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accords de groupe particulièrement innovants en matière de durée du travail - plus de 6 000 emplois ont été créés - ou de cessation anticipée d'activité des salariés âgés. Et, depuis 1997, contrairement à ce qui fut le cas pendant les dix-sept années précédentes, Renault n'a connu ni plan social ni licenciements.

Comme vous, monsieur le député, j'attends donc le jugement du 10 mars et je serai attentive aux conséquences qui en seront tirées pour ces salariés de l'usine du Mans. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

CRÉDITS DE L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, la carte scolaire de la rentrée prochaine suscite une forte émotion et beaucoup d'inquiétude parmi les enseignants, les parents d'élèves et les élus, en particulier les mesures touchant lourdement les zones d'éducation prioritaire.

Les exemples ne manquent pas : du Havre, où 31 fermetures de classe sont prévues dans des écoles situées en ZEP, au Gard ou à l'Hérault, confrontés à des insuffisances criantes de postes, partout, la mobilisation est forte et large.

Si l'évolution des effectifs est un élément de la carte scolaire, elle ne saurait constituer le seul aspect de la réflexion. Tout indique la nécessité d'améliorer l'encadrement des enfants et de se fixer pour objectif un maximum de vingt élèves un maximum par classe en ZEP, de former plus d'enseignants spécialisés, de respecter les projets élaborés par les établissements - à moins de découra ger les initiatives et les dynamiques locales - et d'assurer le remplacement des personnels absents.

Une autre préoccupation concerne le projet de réforme de l'enseignement professionnel. La réduction du temps de travail des professeurs des lycées professionnels de vingt-trois à dix-huit heures hebdomadaires, vieille revendication syndicale que nous approuvons, est accompagnée de créations d'emplois insuffisantes.

En outre, les rectorats ont diffusé des directives aux chefs d'établissements alors même que le projet de statut n'avait pas encore été soumis au comité technique paritaire ministériel, qui vient juste de se réunir. Et je n'oublie pas le décret d'assimilation au second grade des retraités PLP 1, qui est attendu avec impatience.

Monsieur le ministre, par ses enjeux culturels et de justice sociale, la formation est au coeur des préoccupations.

La gauche a toujours été synonyme d'avancées en ce domaine. Des demandes fortes s'adressent au service public de l'éducation, provenant de quartiers populaires - où se trouvent les enfants les plus en difficulté comme d'établissements préparant aux qualifications professionnelles. Au même moment, on évoque des rentrées fiscales supplémentaires significatives. Le choix de la gauche ne doit-il pas être d'apporter au système éducatif les moyens nécessaires à la réussite de tous les élèves ? Les moyens financiers existent. Le collectif budgétaire que vous prévoyez pour le mois d'avril doit donc également prévoir des crédits pour l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, vous avez raison, l'enseignement doit être une priorité pour un pays, et il fait partie des grandes priorités du Gouvernement.

Il faut rétablir l'égalité des chances entre tous les jeunes, mais aussi résorber les disparités entre départements ou académies. Et c'est ce que nous faisons : nous avons progressivement restauré l'égalité des chances d'un département à l'autre, alors que les différences étaient considérables lorsque nous sommes arrivés au gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ; nous avons rétabli les ZEP, abandonnées par le précédent gouvernement ;...

M. Jean-Claude Abrioux.

C'est faux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... en plus des ZEP, nous avons mis en place les réseaux d'éducation prioritaire ; enfin, nous n'avons supprimé aucun poste, malgré la démographie descendante, ce qui a amélioré le taux d'encadrement.

V ous évoquez les départements du Gard et de l'Hérault - à propos desquels je me suis déjà exprimé ainsi que la Seine-Maritime. Je vais vous donner des chiffres, monsieur le député.

En Seine-Maritime, on compte 2 000 élèves en moins.

Nous aurions donc dû supprimer cent postes. Or nous n'en supprimons que soixante. Par conséquent, dans ce département, le nombre d'élèves par classe est ramené à vingt-deux, soit un taux d'encadrement d'un enseignant pour quinze élèves.

La croissance démographique de certaines régions comme le Midi,...

M. Bernard Accoyer.

Ou la Haute-Savoie !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... nous contraint à transférer des emplois. Mais vous avez raison sur un point : il faut analyser la situation qualitativement et ne pas se contenter d'appliquer la règle de trois.

C'est la démarche que nous essayons d'adopter et le dialogue entre le Gouvernement et les élus est de nature à la faciliter. Le Gouvernement est ouvert au dialogue, vous le savez bien, et c'est pourquoi nous avons décidé de rendre plus transparente l'élaboration de de la carte scolaire.

Quant aux lycées professionnels,...

M. Maurice Leroy.

Ils sont dans la rue !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

... j'en ai parlé tout à l'heure. Ils constituent une priorité pour le Gouvernement. Avec notre réforme, tout le monde est gagnant.

Le temps de travail hebdomadaire des enseignants y passe effectivement de vingt-trois heures à dix-huit heures. Le cas de ceux qui travaillaient déjà dix-huit heures sera traité au cours des discussions sur l'aménagement du temps de travail. Il n'y avait aucune raison de se presser.

Par ailleurs, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, dans ces lycées, nous allons davantage favoriser le travail en petits groupes et l'aide individualisée.


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Nous voulons que les lycées professionnels soient à la pointe de l'enseignement - ils le sont d'ailleurs déjà pour partie - du point de vue non seulement de la modernité, mais également de l'insertion dans le monde du travail.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

FINANCEMENT DES PRÉRETRAITES

M. le président.

La parole est à M. Jean Rigal.

M. Jean Rigal.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, ma question porte sur ce sujet que l'on appelle familièrement « l'affaire des points de retraite gelés ». Il s'agit de la suspension des points de retraite attribués au titre des périodes de chômage, de solidarité et de préretraite par les régimes complémentaires de salariés et de cadres.

Le 25 avril 1996, en raison de l'absence de financement effectif de l'Etat, les régimes ARRCO et AGIRC ont décidé de geler les points de retraite à compter du 1er juillet 1996. Ces versements avaient pourtant été prévus dès 1984.

Concrètement, voici le type de courrier que les caisses peuvent envoyer à un député : « Nous vous précisons que les droits correspondant aux périodes de chômage indemnisées par l'Etat (FNE) ne doivent pas faire l'objet d'une inscription définitive dans le compte des participants lorsque le contrat de travail des intéressés a été rompu à compter du 1er juillet 1996. »

Madame la ministre, une telle situation n'est pas tolérable, à l'encontre de personnes qui ont subi la perte de leur emploi, le chômage, et qui croyaient avoir signé des documents contractuels ayant valeur d'engagement ferme.

Quelles mesures comptez-vous prendre afin de permettre à ces retraités de percevoir dans les plus brefs délais possibles la totalité de leur pension ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous posez une question qui me préoccupe depuis mon arrivée au Gouvernement. En effet, en 1984, l'Etat s'était engagé à prendre en charge la part des préretraites correspondant aux cotisations aux régimes solidarité et préretraite pendant les périodes de chômage. Or malgré cet engagement, l'Etat, quel que soit le gouvernement en place, a renoncé à verser ces sommes à l'AGIRC et à l'ARRCO, considérant que les modes de calcul afférents à ces périodes lui étaient défavorables.

Dès mon arrivée, en 1997, avec le ministère de l'économie et des finances, nous avons demandé à

M. Monier, conseiller maître à la Cour des comptes, d'étudier les termes du litige. Une fois son rapport rendu, nous nous sommes mis d'accord avec l'AGIRC et l'ARRCO sur la part des retraites que l'Etat devait financer.

A partir de là, nous avons engagé une négociation avec l'ARRCO et l'AGIRC, notamment avec les deux présidents qui avaient reçu mandat de leur conseil d'administration. Et au mois de juin dernier, nous étions parvenus à un accord. Malheureusement, les deux conseils d'administration n'ont pas souhaité aller au-delà des mandats qu'ils avaient donnés à leur président. Croyez bien que je le regrette ! Nous avons donc repris ce dossier. La semaine dernière, nous avons de nouveau rencontré les présidents de l'ARRCO et de l'AGIRC avec la ferme volonté d'aboutir dans les plus brefs délais. Je n'imagine pas en effet que nous puissions continuer à laisser des préretraités ne pas bénéficier de l'intégralité de leur retraite. C'est un impératif social et une mesure de justice. J'espère que tout le monde y mettra du sien et que nous pourrons conclure d'ici quelques jours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, citoyen et Vert).

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Je vais maintenant suspendre la séance jusqu'à dix-sept heures quinze.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dixsept heures quinze, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2

NOMINATION DE DÉPUTES EN MISSION TEMPORAIRE

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait chargé M. Philippe Duron, député du Calvados, et Mme Geneviève PerrinGaillard, députée des Deux-Sèvres, de missions temporaires dans le cadre des dispositions de l'article L.O.

144 du code électoral auprès de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les décrets correspondants ont été publiés au Journal officiel du mardi 7 mars 2000.

3 ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (nos 2132, 2220).


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Discussion générale (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Marcel Cabiddu.

M. Marcel Cabiddu.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, plus touchées par le chômage et la précarité, moins bien payées, plus rarement appelées à exercer des responsabilités, confinées dans quelques métiers, alors même qu'elles sont plus brillantes en matière d'études et de diplômes, les femmes sont au coeur d'un réel paradoxe. Face à cette situation, chacun est conscient que de gros efforts sont encore nécessaires aujourd'hui pour aboutir à une véritable égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Certes, le chemin est encore long, mais le travail accompli par notre collègue Catherine Génisson, rapporteuse générale de l'Observatoire de la parité, est un grand pas vers cette égalité.

Historiquement, les années 70 ont véritablement permis d'évoluer vers le principe d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Les années 80, en particulier avec la loi du 13 juillet 1983, dite loi Roudy, ont défini clairement quelques principes nécessaires pour y parvenir.

Cependant, à la veille du troisième millénaire, et comme je le soulignais en introduction, le constat est décevant. On ne peut se contenter d'admirer qu'une femme accède à la fonction de ministre, de pilote d'aviono u encore de chef de corps de sapeurs-pompiers.

L'engouement des femmes pour la vie professionnelle et leur participation plus qu'importante au développement économique de notre pays sont manifestement mal récompensés, ce qui justifie le nécessaire renforcement des instruments juridiques destinés à réaliser l'égalité.

Heureusement, les femmes sont loin d'être découragées. Elles poursuivent avec ténacité leur quête d'une véritable reconnaissance professionnelle, tout en conciliant leur métier et leur vie familiale. Et elles sont nombreuses ! Entre 1986 et 1996, elles ont été 850 000 de plus à exercer un emploi, ce qui n'a pas manqué de poser le problème, trop souvent rencontré, de métiers « féminisés » restreints. Le marché de l'emploi ne pourrait pas, en cas de non-diversification des activités, répondre à cette demande grandissante.

Il est ainsi nécessaire de lutter contre les stéréotypes tendant à une féminisation excessive de certaines professions, dans le domaine des soins, de l'éducation et autres.

Inversement, l'homme restant à la maison pour élever ses enfants n'est pas une fiction ! Les femmes aspirent donc légitimement à diversifier leurs activités tout en occupant des postes à responsabilités. Encore faut-il leur en donner les moyens ! Cela passe par une plus grande égalité des chances tout au long d'un parcours difficile, jalonné de quatre temps forts qui vont du choix d'un métier à son exercice effectif, après avoir passé l'obstacle de la recherche d'un emploi et de son obtention. Cette égalité des chances se joue donc dès que les choix d'orientation scolaire se posent aux jeunes.

Il est par conséquent nécessaire de faire prendre conscience des enjeux de l'orientation en termes d'insertion professionnelle. Il s'agit, par exemple, de susciter chez l'étudiante un plus grand intérêt pour les domaines scientifiques, domaines dans lequel le jeune homme garde traditionnellement une place prépondérante.

Cette égalité des chances doit ensuite intervenir lors de l'entrée sur le marché du travail. L'inscription indifférente des mentions homme-femme sur l'ensemble des offres d'emploi de l'ANPE est aujourd'hui, entre autres évolutions voire révolutions nécessaires, une étape importante à franchir.

Cela passe également par une amélioration de la participation active des femmes aux postes à responsabilités professionnelles proprement dits. Les femmes restent encore trop éloignées des véritables postes décisionnels au sein de l'entreprise. Elles ne représentent que 7 % des cadres dirigeants dans les cinq mille premières entreprises.

Elles en ont pourtant la volonté et la compétence ! Même lorsqu'elles accèdent à de telles fonctions, les femmes demeurent régulièrement en compétition avec leurs homologues masculins.

En matière de participation, il faut également parler de celle à la vie sociale de l'entreprise. Or on ne retrouve que trop rarement des femmes dans les syndicats, les conseils de prud'hommes, alors qu'elles y ont aussi un rôle majeur à jouer.

Enfin, les volets d'accès à la formation et à la promotion dans l'entreprise ne sont pas non plus à occulter.

Pour atteindre cet objectif d'égalité professionnelle, des négociations sont indispensables tant dans les entreprises que dans les branches professionnelles, qu'elles portent sur des obligations existantes, notamment en matière de rémunération ou de temps de travail, ou qu'elles permettent de faire respecter des mesures nouvelles, telle l'obligation de négocier tous les trois ans sur ce thème.

Dans la fonction publique, qu'elle soit d'Etat, territoriale ou hospitalière, la situation doit également évoluer vers plus d'égalité. Comme le suggère la proposition de loi que nous avons à examiner, un rééquilibrage entre hommes et femmes doit intervenir au sein des jurys, des comités de sélection et d'autres organes désignés par les administrations.

Tous les aspects que je viens de développer doivent évidemment être compatibles avec la volonté des femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale. Aujourd'hui, la maternité ne les empêche plus d'exercer une activité professionnelle. C'est peut-être alors dans les foyers que subsistent des îlots de résistance. Le rapport de Mme Génisson sur l'égalité professionnelle relève que 80 % de l'activité domestique incombent à la femme. En ajoutant activité professionnelle et activité familiale, on est loin des 35 heures ! Le texte dont nous discutons aujourd'hui, issu des trente propositions du rapport remis à M. le Premier ministre le 2 septembre 1999, constitue ainsi une riche contribution à l'élaboration de réformes nécessaires pour ouvrir la voie à une authentique égalité professionnelle garante d'une réelle égalité entre les hommes et les femmes du XXIe siècle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au lendemain du vote sur la parité à l'Assemblée nationale, je suis heureuse d'intervenir sur un texte qui s'inscrit dans la continuité de la volonté de Lio-


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nel Jospin d'obtenir, si j'ose dire, « une égalité vraie » entre les femmes et les hommes. Je remercie Catherine Génisson de son travail sur la vie professionnelle en entreprise et je souhaite mettre l'accent plus particulièrement sur les trois fonctions publiques.

Contrairement aux idées reçues, en effet, elles ne sont pas des modèles d'égalité professionnelle. Il est vrai que le principe d'égalité dans la fonction publique n'est entré dans le droit français que depuis un demi-siècle. Avant la Première Guerre mondiale, les choses étaient claires : l'arrêt Cuisset du Conseil d'Etat de 1912 interdisait aux femmes d'entrer dans la fonction publique, puisqu'elles n'accomplissaient pas leur service militaire. En 1936, un autre arrêt du Conseil d'Etat, l'arrêt Bobard, levait cette interdiction, mais introduisait une nouvelle ambiguïté dans le droit français : la présence des femmes était tolérée sous réserve de « raisons de service ».

La pleine reconnaissance du principe d'égalité ne fut donc obtenue qu'après la Libération grâce à la loi Thorez sur le statut général des fonctionnaires d'Etat.

M. Patrick Malavieille.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

La forteresse n'était pas tombée pour autant, puisque le principe d'égalité restait conditionné à des dérogations et il subsiste encore dans la loi la possibilité de recrutements distincts, nous y reviendrons dans le débat.

Contrairement à d'autres pays, la France ne s'est pas dotée des moyens de définir une politique globale d'égalité dans la fonction publique. Les avancées en la matière découlent finalement plus des répercussions du droit international et européen sur le droit français que d'une réelle volonté politique. Je prendrai deux exemples : il a fallu attendre plus de vingt ans, avec la loi du 10 juillet 1975, pour que la France ratifie la convention des Nations unies sur les droits politiques de la femme ; et il a fallu attendre quinze ans pour que la France daigne appliquer la directive européenne de 1976 sur l'accès des femmes à tous les corps de la fonction publique. Je ne suis pas certaine que nous ne serions pas encore aujourd'hui dans l'attente si la France n'avait pas été condamnée par la Cour de justice européenne en 1988.

Si nous devons reconnaître que la situation a évolué dans le bon sens, les chiffres restent préoccupants.

Aujourd'hui « majoritaires dans la fonction publique, les femmes sont rares dans les fonctions d'encadrement et les postes de responsabilité » : ainsi commence le rapport d'Anne-Marie Colmou sur l'encadrement supérieur de la fonction publique.

Tandis que le taux de féminisation continue de s'accroître, les disparités entre les secteurs demeurent fortes.

Le nombre de femmes est sans doute élevé dans les métiers liés aux affaires sociales - M. le ministre le rappelait ce matin avec 71 %, mais il reste encore faible dans les secteurs comme l'équipement ou l'intérieur. Dans tous les cas, les inégalités hiérarchiques sont flagrantes. Les femmes sont sous-représentées dans les emplois de directeur, de chef de service, de directeur adjoint. De manière plus générale, dans l'administration centrale, 87 % des hauts fonctionnaires sont des hommes ! Il en est de même pour la fonction publique territoriale. Une fois encore, si les femmes sont majoritaires, nous savons par exemple qu'elles sont peu présentes dans la filière technique. Or cette dernière est privilégiée dans les régimes indemnitaires comme dans les déroulements de carrière. Nous y reviendrons dans le débat.

Pour la fonction publique hospitalière, Mme Colmou a limité son champ d'analyse au seul corps des directeurs d'hôpitaux. Seulement 30 % des directeurs sont des direct rices et une seule femme est directrice générale d'un CHU ! Pour remédier à cette situation, les idées ne manquent pas et je vous renvoie une fois de plus au rapport de Mme Colmou. Pour n'en citer qu'une seule - et peut-être la plus prioritaire -, j'évoque la nécessité d'obtenir des statistiques sexuées précises afin d'inscrire l'objectif d'égalité dans la durée.

La proposition de loi sur laquelle nous travaillons aujourd'hui décline, en écho au rapport que je viens de citer, trois idées fortes : la redéfinition du principe d'égalité, en le distinguant bien de la notion de harcèlement sexuel, le rééquilibrage de la composition des jurys et la mixité dans les organismes paritaires.

A la suite de ce rapport, nous savons que le Gouvernement - M. le ministre le rappelait ce matin - va mettre en oeuvre des plans d'objectifs et créer un comité de pilotage sur les critères de recrutement. Il me semble néanmoins que les dispositions proposées concernant les fonctions publiques se révèlent lacunaires.

Premièrement, seul le statut général des fonctionnaires est concerné. Sont donc exclus les statuts particuliers tels que ceux de la magistrature ou de la fonction publique militaire.

Deuxièmement, pour les trois fonctions publiques, nous assistons à un détournement sémantique : dans certains jurys, la notion de mixité peut se résumer à la présence d'une seule femme, C'est inacceptable.

Troisièmement, pour la fonction publique d'Etat, les d ispositions relatives aux organismes paritaires s'appliquent seulement aux CAP et aux CTP et non à l'ensemble des organes consultatifs.

Quatrièmement, pour la fonction publique territoriale, il n'est prévu aucune disposition d'équilibre dans les organismes paritaires. Que l'on ne nous dise pas que cette carence s'explique par la faible présence de femmes élues.

Nous ne sommes pas en train de voter une loi sur la parité en politique pour rien ! C inquièmement, pour la fonction hospitalière, l'absence de dispositions concernant les comités techniques d'établissement exclut les établissements publics de santé.

Sixièmement, enfin,...

M. le président.

C'est pour conclure ?

Mme Martine Lignières-Cassou.

Bien sûr ! ...

nous ne pourrons pas faire évoluer la place des femmes dans les fonctions publiques sans l'implication des organisations syndicales.

Si la loi Roudy n'a malheureusement pas donné tous les effets escomptés, nous savons que c'est en grande partie parce que les organisations syndicales, dans leur ensemble, ne s'en sont pas suffisamment saisies. L'absence de représentantes du personnel dans les instances paritaires ne favorise pas l'égalité professionnelle. Une représentation équilibrée au sein des organisations syndicales doit concourir à cet objectif d'égalité.

C'est une question essentielle et je souhaite que nous ouvrions aujourd'hui ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert .)

M. le président.

La parole est M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, contestant le poids des textes, des habitudes et des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

coutumes, Olympe de Gouges, en écrivant sa déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, plaçait l'égalité professionnelle parmi les droits à conquérir. Les bastilles de l'inégalité sont toujours dressées. Au-delà de la parité qui devrait enfin conduire à l'égalité politique, qu'en est-il aujourd'hui de l'égalité professionnelle ? Qu'en est-il des trois « K » Kirche, Kche, Kinder - l'église, la cuisine, les enfants - qui ont été trop longtemps imposés aux femmes ? Les femmes représentent actuellement 45 % de la population active française mais, aujourd'hui, le modèle dominant est bien celui du cumul vie professionnelle et vie de famille. Les carrières féminines sont, dans leur grande majorité, continues. Les femmes s'arrêtent moins souvent de travailler pour élever leurs enfants. Pourtant les inégalités sont criantes : elles sont une fois et demi plus touchées par le chômage et celles qui travaillent accomplissent souvent des tâches plus pénibles que les hommes.

La loi Roudy a été une très grande avancée, mais elle ne peut trouver toute son application que dans une volonté politique forte. La façon dont nous considérons le chômage suffit à l'illustrer. Malgré tous ces facteurs, les inégalités perdurent, que ce soit en termes de salaires, de chômage, d'évolution de carrière ou de précarité.

Plus inquiétantes sont les nouvelles inégalités qui apparaissent. Ainsi le temps partiel, qui est très important aujourd'hui, n'est pas un temps choisi pour les femmes.

Il est souvent la seule alternative au chômage. Cette forme de travail concerne près de 4 millions de personnes, en majorité des femmes, dans des secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, le commerce, les services aux particuliers et aux entreprises.

Or le temps partiel doit résulter d'un choix effectué l ibrement à partir des motivations personnelles de femmes et ne pas aboutir à un nouveau sous-prolétariat, car ces travailleurs pauvres sont le plus souvent des femmes. C'est pourquoi, avec mes collègues députés Verts, nous regrettons que, dans un texte qui traite de l'inégalité professionnelle entre hommes et femmes, le plus grand facteur de discrimination, le temps, n'ait pas été abordé. En effet, il est l'enjeu central de l'inégalité professionnelle entre hommes et femmes. Des missions des cadres aux emplois subalternes, les femmes sont perçues comme moins disponibles, ce qui peut leur être préjudiciable, surtout dans le développement de leur carrière.

L'absentéisme, même annoncé et choisi, est souvent ressenti comme une forme de non-implication dans la vie de l'entreprise. Les conciliations, même légales, ont des effets discriminatoires. Il est nécessaire de réfléchir à une réforme des congés parentaux. Bien souvent, en effet, ils fragilisent la carrière des femmes peu qualifiées. Elles ne retrouvent que difficilement du travail après avoir bénéficié de l'allocation parentale d'éducation.

Enfin, lutter contre la pénibilité des emplois féminins doit être l'une des orientations majeures de notre travail.

L'égalité commence au quotidien. Les femmes, dans des emplois peu qualifiés, travaillent le plus souvent debout, pour des tâches répétitives. Cette pénibilité des emplois féminins passe d'autant plus facilement inaperçue que ces tâches recouvrent souvent un rôle réputé typiquement féminin : accomplir des tâches répétitives ou minutieuses, servir, faire plusieurs choses à la fois, garder une d isponibilité pour répondre aux demandes « intercurrentes ». Qu'il s'agisse de répondre aux demandes du patron ou du mari, lesdites qualités féminines sont mises en avant.

« Oui papa, oui chéri, oui patron », scandaient les féministes dans les années 70. Si le reste de la société a évolué, le monde du travail reste empreint de misogynie et cette pénibilité rime fréquemment avec absence de responsabilité. De même qu'il ne saurait y avoir de confiscation sexiste du pouvoir, il ne devrait y avoir d'exclusion des responsabilités professionnelles.

Le rapprochement entre l'égalité réelle et l'égalité formelle vient conforter la démocratie selon la dialectique bien connue : les lois changent les hommes, les hommes et les femmes, à leur tour, changent les lois.

Les conditions de travail des femmes, comme celles des hommes, sont à l'image de leur place dans la société. Les propos de Stendhal restent plus que jamais d'actualité :

« L'admission des femmes à égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation. »

Si nous ne pouvons changer directement les mentalités, nous devons changer les systèmes de régulation qui y conduisent. La parité, les luttes contre l'inégalité professionnelle sont autant de voies qui conduiront vers une société nouvelle, plus humaine et plus juste.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, au nom des députés Verts, je vous assure de notre soutien à ce texte.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui permettra de compléter, sur le terrain de l'activité professionnelle, le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes déjà fortement affirmé par la loi Roudy de 1983. Par ailleurs, ce texte constitue un signal fort destiné à rappeler aux différents acteurs du marché du travail la volonté de la représentation nationale de voir enfin respectée l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Catherine Génisson a pu montrer, dans son rapport, l'important décalage entre les principes élaborés par le législateur et les dures réalités qui s'imposent aux femmes dans leur expérience professionnelle. Je souhaite, quant à moi, apporter au débat une illustration locale qui ne peut nous laisser indifférents.

La sociologue Annie Dussuet, dans une étude sur les rapports sur l'égalité professionnelle dans les entreprises en Loire-Atlantique, menée en partenariat avec l'espace Simone-de-Beauvoir de Nantes et la direction départementale du travail de Loire-Atlantique, a dressé un constat particulièrement frappant.

Ainsi, la loi Roudy de 1983 fait obligation aux entreprises de fournir chaque année un rapport écrit sur « la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise ». Ce rapport annuel doit constituer un véritable outil de connaissance de la réalité susceptible de fournir un guide d'actions performant. Or force est de constater que nombre d'entreprises ne respectent pas cette obligation.

L'étude réalisée en 1997 relève que, sur plus de 900 entreprises de plus de cinquante salariés en LoireAtlantique, vingt seulement réalisent le rapport en question et, quand il est fourni, il s'agit bien souvent d'une réponse purement formelle, très éloignée de l'esprit de la loi. Les indications données ne permettent pas d'appréhender la situation réellement faite aux femmes dans l'entreprise.


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En effet, les entreprises, loin d'essayer de faire entrer leurs données dans les tableaux modèles proposés par un document de 1985 de la mission pour l'égalité professionnelle, ont construit leurs propres tableaux comparatifs, lesquels ne comportent pas toujours les éléments qui permettraient la mise en évidence de l'inégalité des situations entre les hommes et les femmes dans l'entreprise.

La sociologue a néanmoins su décrypter ces rapports et note principalement que les entreprises s'attachent ; par leur présentation des chiffres ; à s'affranchir d'une accusation de discrimination plutôt qu'à montrer et à analyser l'inégalité entre les hommes et les femmes.

Il n'en demeure pas moins que les femmes reçoivent une rémunération inférieure à celle des hommes. Cela s'explique notamment par le fait qu'elles occupent des emplois moins qualifiés.

Il est également démontré qu'il existe une inégalité de recrutement et de promotion particulièrement frappante entre les hommes et les femmes, au détriment de ces dernières.

Je ne détaillerai pas ces aspects. Ils sont bien connus et ont déjà fait l'objet de larges démonstrations dans cette enceinte.

Pire encore, une comparaison sur dix ans révèle que le bilan ne s'est pas amélioré. Les outils institués par la loi de 1983 n'ont manifestement pas été utilisés comme l'espérait le législateur. Les entreprises en ont rejeté le principe. Elles considèrent le rapport annuel comme un moyen de contrôle supplémentaire de l'administration et donc comme contraire à leurs impératifs de gestion des ressources humaines.

De plus, comme le relève l'étude que j'ai citée, la question de l'égalité professionnelle est quasiment exclue des mécanismes de dialogue social et de négociation, ce qui renforce le désintérêt des dirigeants d'entreprise pour cette question et favorise le non-respect des obligations instituées en 1983.

Au-delà des mesures nouvelles contenues dans la proposition de loi qui nous est soumise, il paraît donc particulièrement important de veiller au respect de l'application de la législation existante dans les entreprises.

L'inspection du travail doit être mobilisée afin qu'un contrôle strict puisse être effectué et que des sanctions puissent être infligées lorsque des irrégularités sont relevées. Cela doit passer par un renforcement des moyens et des effectifs de contrôle et d'inspection, non seulement dans les directions départementales du travail, mais aussi dans les sections d'inspection du travail qui sont de plus en plus sollicitées.

J'ai déjà appelé l'attention de Mme Aubry à plusieurs reprises dans cet hémicycle sur cette question. Je l'ai encore fait lors du débat sur la réduction du temps de travail. S'il est vrai que des évolutions ont déjà eu lieu, ile st important que nous continuions à y réfléchir ensemble pour y apporter une réponse rapide et concrète, manifestation de notre volonté politique. Cela est d'autant plus important que, comme le souligne la douzième recommandation du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, l'inspection du travail devrait contrôler le respect de l'obligation de négocier sur le thème de l'égalité professionnelle à tous les niveaux.

Je me suis attachée à démontrer que, sans un contrôle fort sur le terrain, dans les entreprises, nos décisions resteraient lettre morte. Ainsi, dans l'exemple que j'ai souhaité prendre, les rapports sur l'égalité professionnelle peuvent être un moyen permettant la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Pour cela, deux conditions sont nécessaires : tout d'abord, que ces rapports soient effectivement rédigés et diffusés et, ensuite, que les différents acteurs concernés - inspecteurs du travail, représentants syndicaux, chefs d'entreprise - puissent s'en saisir et mener des réflexions ad hoc sur des situation concrètes.

Les femmes se sentent actuellement totalement impuissantes face aux inégalités qu'elles subissent chaque jour dans leur travail. L'enjeu est donc d'importance. L'adoption du présent texte constitue un signal fort à leur atention. Mais pour atteindre son objectif, il doit nécessairement s'accompagner de mécanismes concrets d'incitation et de coercition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de la proposition de la loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, présentée par Catherine Génisson et le groupe socialiste, est pour moi l'occasion, à cette tribune, de rendre hommage à Yvette Roudy, ministre des droits des femmes, qui, dès 1983, a fait de l'égalité professionnelle une priorité inscrite dans la loi. Et si, dix-sept ans après, nous sommes de nouveau réunis sur ce même sujet, cela montre bien le caractère avantgardiste de ce texte fondateur, mais cela montre également et surtout la persistance de freins qui sont depuis bien longtemps identifiés.

Parmi ces freins, il y a, bien sûr, le patronat français, qui n'a jamais exprimé une préoccupation particulière face aux inégalités entre hommes et femmes, ni même face à la montée très préoccupante du harcèlement et de la violence sur le lieu de travail.

M. Patrick Malavieille.

Très juste !

Mme Odile Saugues.

Il y a aussi, malheureusement, les administrations et les services de l'Etat, qui ne se sont pas mobilisés sur cette question, soit parce que le problème leur semblait secondaire, soit parce qu'ils n'ont pas toujours les moyens de contrôle et d'intervention. Nous le savons toutes et tous : les effectifs de l'inspection du travail sont encore insuffisants, malgré les efforts qui sont entrepris depuis 1997. Nous avons été nombreux à le dénoncer dans cette assemblée. Il est important que nous prenions la mesure de ce problème.

La loi du 13 juillet 1983 a pourtant renforcé le contrôle que peut exercer l'inspection du travail en matière d'égalité professionnelle. Mais peu de procèsverbaux sont dressés en ce domaine, qu'il s'agisse des offres d'emploi - dont la relation dans la presse est de moins en moins en phase avec le principe de nondiscrimination - ou des écarts de rémunération - qui perdurent.

De même, ainsi que le souligne le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, les procès-verbaux dressés à part ir de discriminations sexuelles sont la plupart du temps classés sans suite par le parquet. Il y a là une source de démotivation, voire de résignation ! Enfin, reconnaissons-le et ceci me semble important : les organisations syndicales n'ont pas encore pleinement pris la mesure de l'importance de ce combat, et les dérapages sexistes de certains leaders syndicaux ont de quoi inquiéter les femmes salariées, alors qu'elles sont pourtant les plus exposées à la précarité, au harcèlement et à la flexibilité.


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De même, une récente campagne d'affichage à propos de la réduction du temps de travail peut aussi en dérouter plus d'un, et plus d'une. « Les 35 heures ne se feront pas sans vous », lit-on. Cela me semble être un bon slogan mais il ne semble concerner qu'un seul représentant masculin. Etonnant, non ? Pourtant, cette réforme importante concerne aussi, et je dirais même surtout, les femmes, à la fois par les emplois qu'elle crée, par le temps libre qu'elle génère, les organisations nouvelles qu'elle suscite, mais aussi par les risques que peut contenir une négociation mal conduite.

Les femmes ne sauraient être absentes de ce grand mouvement de négociations dans les entreprises françaises, car une négociation menée entre hommes ne saurait prendre parfaitement en compte les contraintes spécifiques que rencontrent les femmes.

Et là, nous devrons encore aller plus loin dans notre réflexion : de même que nous avons été capables d'imposer la mixité en politique, avec un texte important qui sera, d'ici à quelques semaines, une loi de la République, de même, nous devons être capables d'affirmer la mixité dans la vie syndicale, la parité dans le paritarisme, en somme. Après tout, les syndicats perçoivent, comme les partis politiques, des subventions de l'Etat. On ne voit pas ce qui pourrait les exempter de ce devoir de parité, qui permettrait de favoriser l'accès aux responsabilitéss yndicales, mais qui dépend aussi d'une politique d'embauche respectueuse de la mixité professionnelle.

Je suis convaincue que cette proposition de loi est une contribution importante sur la voie de l'égalité professionnelle. Enrichie par le débat parlementaire qui s'ouvre aujourd'hui, elle viendra compléter de manière décisive les efforts qu'entreprend le Gouvernement pour lutter à la fois contre le travail précaire et le recours abusif aux contrats à durée déterminée.

D'autres combats sont encore devant nous. Je songe à la situation des femmes dans le secteur du commerce et de l'artisanat car le conjoint est souvent un salarié sans rémunération, sans statut, sans protection sociale, sans retraite. C'est un chantier qu'il nous faudra ouvrir.

Je tiens aussi à saluer la volonté du Gouvernement d'affirmer de nouveaux droits pour les salariés saisonniers.

Dans les offices de tourisme, les agences de voyage, les activités thermales, les hôtels, ces salariés sont majoritairement des femmes, et bien souvent des jeunes femmes. Le scandale que constitue leur situation devrait préoccuper les pouvoirs publics. Nous devons mettre un terme à ces abus connus de tous.

Pour conclure, je veux dire que toutes ces réformes égalité professionnelle, droits des saisonniers, lutte contre la précarité, renforcement de l'inspection du travail constituent un cadre cohérent, une politique d'égalité et de progrès pour tous les salariés, pour faire en sorte que les réalités démocratiques ne s'arrêtent pas aux portes des entreprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Monsieur le président, je répondrai de façon très synthétique à chacun des intervenants.

Mme Casanova, Mme Clergeau et Mme Saugues ont insisté sur la nécessité de mobiliser l'inspection du travail.

Pour Martine Aubry comme pour moi-même, il est évident que celle-ci doit être mobilisée et je puis vous assurer qu'elle le sera. Des directives seront données à cet effet dès le vote de la loi.

Je répondrai à Mme Boisseau en trois points.

Tout d'abord, les inégalités d'accès à la formation tout au long de la vie dont sont victimes les femmes plus que les hommes m'ont sauté aux yeux dès ma prise de fonction tellement les chiffres étaient éloquents. Les trois outils dont j'ai parlé dans mon intervention de ce matin, et notamment la reconnaissance de l'expérience tout au long de la vie par une certification que nous allons voter en juin prochain dans le cadre de l'examen du texte sur la modernisation sociale, et l'élargissement des contrats d'inégalité prévu dans la présente proposition afin d'aider plus largement les accords d'entreprises les plus innovants, y compris par rapport à la garde des enfants, à une meilleure gestion des temps de vie et de carrière, seront très utiles pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes.

Deuxième point : Mme Boisseau a insisté, tout au long de son intervention, sur la nécessité de laisser évoluer la négociation entre partenaires sociaux.

Je crois à la négociation, madame Boisseau - les partenaires sociaux le savent bien, puisque c'est une méthode que je pratique avec eux depuis avril 1998, date de mon entrée au Gouvernement -, et je sais qu'elle prend du temps. Mais, même si je suis certaine que nous avancerons sur des sujets aussi fondamentaux que la formation tout au long de la vie ou l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, il ne reste pas moins du rôle du Gouvernement et du Parlement, quand les choses ne bougent pas, de donner les coups de pouce nécessaires par la voie législative. C'est évidemment par l'action conjointe de la négociation et de la loi, deux démarches qui se complètent, que les choses avancent et que les politiques sont appliquées.

Troisième et dernier point : vous souhaitez, madame Boisseau, clarifier le code du travail. Ma réponse sera un peu technique. C'est ce que nous avons essayé de faire aux articles 6 et 7. Nous avons opéré un transfert des dispositions de l'article L.

123-3-1 du code du travail relatif à la négociation de branche sur l'égalité professionnelle vers l'article L.

132-12, qui rassemble ainsi désormais toutes les dispositions relatives à la négociation dans les branches professionnelles, y compris l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est un bon début, madame la secrétaire d'Etat ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

Mme Chantal RobinRodrigo doute de la volonté des chefs d'entreprise de jouer réellement la carte de l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle a évoqué à ce propos une étude fort sérieuse, parue dans un magazine que je ne nommerai pas, qui témoigne de leur peu d'empressement naturel à relever le défi qui leur était lancé : à savoir nommer en trois ans 30 % de femmes dans leurs organes de direction quand la structure de l'entreprise le permet. Les réponses ont été extrêmement prudentes.

Concernant ma méthode de travail, monsieur Deflesselles, je tiens à vous dire avec une certaine fermeté que, chez moi, les décisions ne se prennent pas dans le secret des cabinets. Je crois au dialogue social et je le pratique.

Tous les articles du texte dont nous parlons aujourd'hui ont été discutés à plusieurs reprises en ma présence devant le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, instance où j'ai la chance de pouvoir rassembler tous les


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partenaires sociaux autour d'une même table. J'adopterai le même comportement pour l'élaboration des décrets après l'adoption de la proposition de loi.

M. Malavieille a évoqué des sujets qui, je le sais, inquiètent nombre d'entre nous : en particulier le travail de nuit des femmes et la protection des congés de maternité.

Le Gouvernement profitera de ce que nous allons très bientôt transposer dans notre droit des directives européennes anciennes sur ce sujet, dont une de 1976, pour mieux encadrer le travail de nuit, et donner davantage de protection aux hommes comme aux femmes.

Quant aux congés de maternité, vous savez bien que la France n'acceptera jamais le moindre recul de notre protection sociale en la matière, quelles que soient les dispositions européennes ou mondiales existantes.

M. Patrick Malavieille.

Très bien ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Catala préfère à la méthode législative, qu'elle juge très lourde et très contraignante dans le cas présent, la négociation. Si nous sommes les uns et les autres amenés à réfléchir à nouveau sur une proposition de loi, portant sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, c'est, à l'évidence, parce que les choses ne bougent pas assez. J'ai rappelé, dans mon intervention de ce matin, que seuls 34 plans d'égalité avaient été signés depuis 1983. Il fallai t donc remettre la mécanique en mouvement.

Mme Danièle Bousquet a rappelé fort justement que le travail des femmes est facteur de croissance et créateur d'emplois. Nous ne le répéterons jamais assez.

Mme Huguette Bello a parlé de son espoir de voir se produire un changement culturel dans l'entreprise dans son organisation et dans la définition de ses priorités grâce à un accès plus massif des femmes à des postes de responsabilité. Je partage cet espoir.

Mme Janine Jambu a souligné la précarité du statut professionnel des femmes. J'ai moi-même insisté ce matin sur le fait que c'était l'organisation même du monde du travail qui s'était transformée et que les femmes en subissaient le contrecoup de manière plus pénalisante que les hommes. Les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ont justement pour but de rattraper ces inégalités, y compris évidemment pour les femmes qui se trouvent dans les situations les plus précaires.

Mme Jambu a également présenté les amendements déposés par le groupe communiste. J'en ferai un bref commentaire.

Il est tout d'abord proposé de ramener la périodicité des négociations obligatoires de trois à deux ans. Ce sujet a été évoqué lors du conseil supérieur de l'égalité pr ofessionnelle et j'ai obtenu un accord des partenaires sociaux sur le délai de trois ans : celui-ci a été jugé normal pour laisser les politiques se construire et nous permettre de les évaluer dans l'entreprise.

Quant au partage de la charge de la preuve en matière de discrimination, il sera intégré dans le projet de loi sur la modernisation sociale.

J'ai bien noté que la lutte contre le harcèlement moral était, pour le groupe communiste, une priorité. Je vous informe que Martine Aubry a proposé au Premier ministre de demander au Conseil économique et social de faire un rapport sur ce sujet que nous jugeons très important.

J'ai noté évidemment avec satisfaction le soutien apporté par Mme Marisol Touraine et M. Marcel Cabiddu à la proposition de loi.

J'en arrive à une question de Mme Martine LignièresCassou sur la fonction publique.

J'ai proposé à Emile Zuccarelli de travailler en partenariat pour promouvoir l'égalité professionnelle dans les secteurs qui sont les plus à notre portée, c'est-à-dire là où l a volonté du Gouvernement peut être vite appliquée. A cet égard, les plans d'objectifs dont nous a parlé ce matin Emile Zuccarelli et qui sont prévus le plus souvent sur trois ans, vont permettre, dans nos propres administrations, de réels progrès en matière d'égalité professionnelle

Et je dois dire que j'ai trouvé en Emile Zuccarelli un réel partenaire pour mener à bien cette tâche.

Je précise également que le Premier ministre a un regard régulier sur le sujet. Tous les six mois, les membres du Gouvernement sont priés de dresser la liste des nominations auxquelles ils ont procédé en indiquant le nombre de femmes et le nombre d'hommes.

Je terminerai sur l'intervention tonique de M. Aschieri.

Je partage l'analyse qu'il a faite sur les congés parentaux et l'APE. Il est exact que, lorsqu'une femme souhaite de nouveau avoir un emploi après un congé parental, son retour dans le monde du travail est parfois difficile et les statistiques montrent que, plus le congé parental est long, plus ce retour est difficile. C'est pourquoi vous me permettrez de m'interroger sur l'opportunité de l'article 9 de la proposition de loi. Je ne suis pas sûre qu'il s'accorde avec une approche destinée à favoriser les droits des femmes et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. J'y reviendrai en deux mots lorsque nous examinerons cet article.

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Mesdames, messieurs les députés, je ne vais pas passer en revue toutes les interventions. Ma collègue Nicole Péry l'a fait de manière très précise et avec la vision globale qui est la sienne. Je concentrerai quant à moi mon propos sur la fonction publique.

Plusieurs orateurs, parmi ceux qui se sont exprimés avant mon propos liminaire, comme ceux qui se sont exprimés après, ont jugé insuffisantes les dispositions du titre II relatives à la fonction publique et ont déclaré qu'ils en attendaient un peu plus. Ce propos est naturel venant de l'opposition, laquelle n'a pas craint de manier le paradoxe. Après avoir regretté que la partie législative consacrée à la fonction publique soit si mince, Mme Boisseau n'a-t-elle pas contesté l'utilité d'une quelconque législation en matière d'égalité professionnelle ? Le propos me paraît un peu plus surprenant sur les bancs de la majorité, où l'on a en général bien lu le grand, l'excellent rapport que je suis tout à la fois très heureux et très fier d'avoir demandé à Mme Colmou.

Car, madame la présidente de la délégation, mesdames les rapporteuses, madame la présidente, personne ne peut ignorer notre volonté de changer ce qui n'a pas été changé jusqu'alors, ni le fait que si cela avait été changé avant, nous n'aurions pas à le faire aujourd'hui.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Certes.

M. André Vallini, rapporteur.

Très juste !

Mme Martine David.

La Palice n'aurait pas dit mieux !


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M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il fallait bien que cela fût dit. Et il me paraît tout de même surprenant d'en f aire reproche au premier ministre de la fonction publique décidé à prendre à bras-le-corps la question de la parité ou de l'égalité des femmes et des hommes dans l'accès aux hautes responsabilités de la fonction publique.

On sait que les femmes tiennent dans la fonction publique une place importante, et même généralement majoritaire, y compris au sein du cadre A. Mais lorsque l'on veut aller plus loin, non seulement dans ce que l'on appelle le cadre A+, mais dans les réelles fonctions de responsabilité et de commandement, dans les administrations notamment, le compte en effet n'y est pas. Reste que je trouve paradoxal d'entendre dauber sur ce qui se fait au moment où cela se fait, et je tenais à le faire savoir.

Le rapport Colmou propose un grand nombre de mesures concrètes qui n'en n'appellent pas forcément à la loi.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Nous sommes d'accord.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

S'agissant par exemple de l'Etat, le plus important est d'abord « d'organiser le volontarisme ». Nicole Péry a rappelé combien le Premier ministre s'y est montré attentif en demandant à chacun de nous de lui faire savoir ce que nous avons fait en termes de nominations, afin de voir si nous sommes réellement allés dans le bon sens. Il ne s'agit évidemment pas de créer une inégalité à l'envers, mais d'essayer à tout le moins de nous donner quelques objectifs.

J'avais indiqué dans mon propos introductif qu'une circulaire du Premier ministre allait bientôt paraître. Elle est parue en fait ce matin même au Journal officiel, assortie du décret rendant compétents les comités techniques paritaires ministériels pour examiner les plans d'objectifs de chaque ministère ainsi que la circulaire les rendant exécutoires. Chaque ministre a reçu mission impérative d'agir dans ce sens.

Nous sommes certes en pleine actualité. Vous remarquiez, madame Boisseau, que nous étions à la veille de la journée de la femme. Accordez-moi au moins que la partie législative de la proposition Génisson avait déjà été , voilà déjà quelques mois, soumise sous forme de décret au Conseil d'Etat, lequel a estimé dans sa sagesse que ces dispositions devraient relever de la loi et non d'un décret.

Mais la volonté était dès ce moment-là affirmée, et un texte préparé. Personne ne saurait dans ces conditions me suspecter d'opportunisme calendaire.

A propos de ce titre II, Mme Catala m'a accusé ce matin de jeter une scandaleuse suspicion sur les jurys, en rappelant qu'elle-même avait été nommée agrégée par un jury exclusivement masculin. Voilà qui est très bien et qui place encore plus haut le mérite personnel de Mme Catala.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

On est reçu à l'agrégation, pas nommé ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Reste que l'on ne peut pas ne pas être frappé par le fait que, à bagage égal, à dis positions identiques, on trouve moins de personnes de sexe féminin nommées dès lors que l'on dépasse un certain niveau de la hiérarchie. Et pourtant, elles ont les mêmes diplômes et se montrent au moins aussi brillantes que les hommes au niveau des formations initiales.

Il n'est évidemment pas question de faire à quiconque procès de malhonnêteté, mais nous n'en devons pas moins, à chaque niveau de la vie, à chaque porte, nous efforcer de faire disparaître tous les facteurs, parfois d'ordre strictement psychologique ou inconscients, qui peuvent jouer contre la promotion des femmes.

Le rapport Colmou, je l'ai dit, a bien identifié les trois niveaux où nous devons agir : le recrutement, la promotion et les conditions de travail. D'où l'intérêt que nous attachons aux jurys, aux CAP qui commandent la promotion et aux comités techniques paritaires qui traitent des conditions de travail. Ce n'est pas une plaisanterie ni un argument de circonstance que de penser que l'organisation de la journée de travail, surtout dans l'encadrement supérieur, qui commence dès que possible, vers huit heures du matin, et qui finit - quand on peut - fort tard le soir, ne favorise pas l'insertion des femmes à ces très hauts niveaux de responsabilité.

Ne prenons pas la partie émergée de l'iceberg, c'est-àdire la seule partie du rapport Colmou abordée dans le volet législatif du projet du ministère de la fonction publique, pour l'ensemble du plan que nous mettons en place afin de faire évoluer la situation. Il va bien au-delà.

Je vous assure que les choses commencent à bouger, peutêtre encore trop lentement, mais elles bougent bel et bien et bougeront de plus en plus vite dans les mois et années qui viennent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9 du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL

« Art. 1er . - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 423-3-1 du code du travail, les mots : "une analyse chiffrée" sont remplacés par les mots : "une analyse sur la base d'indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés, définis par décret et éve ntuellement complétés par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulière de l'entreprise". »

La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, inscrite sur l'article.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition dont nous débattons doit marquer un nouveau pas dans la lutte, très largement comprise et soutenue par nos concitoyens, pour une plus juste représentation des femmes dans la vie publique en général et dans le monde du travail en particulier. Visant à enrichir le loi Roudy dont l'actualité reste entière, à la rendre plus opérationnelle, ce texte est partie intégrante de la dynamique mise en place par la révision constitutionnelle et par la loi sur la parité en politique, autant de


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maillons d'une longue chaîne conduisant à plus d'équité.

Il convient à cet égard de saluer la détermination de la majorité gouvernementale, qui autorise ces avancées.

Pour revenir à la proposition de loi présentée par notre collègue Catherine Génisson, on ne peut que se féliciter en exergue de voir enfin mis l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans le cycle normal des négociations internes à l'entreprise. L'obligation de négociation en la matière doit effectivement devenir incontournable.

Mais les seules dispositions législatives en faveur des femmes au sein de l'entreprise ne peuvent suffire, nous le savons bien, à établir une égalité de fait. Le meilleur exemple en est, à mon sens, l'ambitieuse et toujours pertinente loi Roudy dont l'esprit n'a été, hélas ! que trop rarement respecté dans les pratiques sociales. La presse d'hier se faisait encore l'écho de la faible place laissée aux femmes, soulignant que cette situation ne cesse de se reproduire, puisque ces nouvelles entreprises que l'on appelle les start-up confirment, voire amplifient ce phénomène. Net Economie a beau s'afficher comme relevant d'une philosophie plus moderne, novatrice, différente, elle n'en reproduit pas moins en son sein, pour ne pas dire exacerbe, les inégalités professionnelles flagrantes entre hommes et femmes.

C'est pourquoi, en tous lieux, l'accentuation de la coopération entre employeurs, syndicats, comités d'entreprise est indispensable à la réussite des objectifs d'équilibre de la loi. A cet égard, je tiens à rappeler l'importance que nous attachons au dialogue social, à sa vitalité, à son efficacité. Seule une prise de conscience partagée par tous des impératifs d'égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine professionnel instaurera l'équilibre qui conférera à notre pays cet indispensable supplément d'âme démocratique que la grande majorité de nos concitoyens appellent de leurs voeux.

Il ne s'agit pas de gérer la société par décret, mais d'inciter au changement et au progrès en donnant aujourd'hui un nouvel élan à une ambition que la gauche parlementaire porte et soutient depuis près de vingt ans. Tel est entre autres l'objectif de cet article ; telle est, plus globalement, l'ambition de cette loi.

Nous mesurons tous ici l'ampleur des efforts qui restent à accomplir au regard d'une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des organisations syndicales. La récente réforme constitutionnelle sur la place des femmes en politique a indiqué la voie à suivre. Il convient maintenant que chacun se mobilise.

Dans le domaine syndical, les acteurs sociaux seront désormais, et plus que jamais, face à leurs responsabilités en la matière. Bien évidemment, nous les soutiendrons dans ce combat.

Enfin, on ne saurait éluder le rôle central, essentiel, de l'inspection du travail, déjà largement sollicitée par le droit en vigueur, et qui aura, une fois la loi votée, à jouer pleinement son rôle de contrôle et d'évaluation des objectifs législatifs, vous y avez fait allusion, madame la secrétaire d'Etat. Dans ces conditions, il conviendra sans nul doute de reconsidérer l'étendue des moyens tant humains que matériels dont elle dispose pour agir et dont dépend nécessairement la réussite de la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui et que nous voterons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

Mme Lignières-Cassou et Mme Casanova ont présenté un amendement, no 47, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article L.

432-3-1 du code du travail, après les mots : "pour tenir compte de l'avis", est inséré le mot : "motivé". »

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Nous avons jusqu'à présent incité les entreprises à négocier un rapport annuel. Mais que constatons-nous à lire les relevés de ces rapports ? Le plus souvent, les organisations syndicales se sont en fait contentées de les parapher, sans qu'il y ait eu véritablement débat au sein du comité d'entreprise. Je crains fort que, demain, même si la négociation devient obligatoire, le débat sur le rapport de la situation comparée ne soit pour autant engagé. C'est la raison pour laquelle je propose par cet amendement de préciser que l'avis rendu par le comité d'entreprise devra être motivé afin d'instaurer en son sein un véritable débat sur le rapport.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse de la commision des affaires culturelles, familiales et sociales.

L'amendement avait été retiré en commission. Il faut rappeler que l'avis est déjà motivé, puisque l'article L.

432-3-1 du code du travail prévoit que le comité d'entreprise peut formuler des demandes et que son avis transmis à l'inspection du travail peut donner lieu à modification du rapport de situation comparée. Si donc cet amendement est maintenu, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis.

M. le président.

Résistez-vous à cet appel à retirer votre amendement, madame Lignières-Cassou ?

Mme Martine Lignières-Cassou.

Je crois pour ma part que les choses vont mieux quand on les dit.

M. Maxime Gremetz.

Absolument !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

47. (L'amendement est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - L'article L.

432-3-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les indicateurs mentionnés au premier alinéa du présent article sont portés par l'employeur à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur les lieux de travail. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - L'article L.

132-27 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans les entreprises visées au premier alinéa, l'employeur est également tenu d'engager chaque année une négociation sur les objectifs d'amélioration de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

situation de l'entreprise au regard de l'égalité professionnelle, entre les femmes et les hommes, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre, à partir des éléments figurant dans le rapport de situation comparée prévu par l'article L.

432-3-1 et complété éventuellement par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulière de l'entreprise. A défaut d'une initiative de ce dernier depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, la négociation s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative dans le délai fixé à l'article L.

132-28 ci-après ; la demande de négociation formulée par l'organisation syndicale est transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations représentatives. Lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. »

« Les mesures permettant d'atteindre les objectifs visés à l'alinéa précédent peuvent être également déterminé es dans le cadre des négociations visées au premier alinéa du présent article. »

Mme Bachelot-Narquin et Mme Zimmermann ont présenté un amendement, no 63, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 3 :

« Avant la dernière phrase de l'article L.

132-27 du code du travail, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Elle est également l'occasion d'une information par l'employeur sur la situation de l'entreprise dans le domaine de l'égalité professionnelle hommes-femmes et sur les mesures mises en oeuvre pour les appliquer, à partir du rapport de situation comparée prévu à l'article L.

432-3-1, complété éventuellement par des indicateurs qui tiennent compte de la situation particulière de l'entreprise". »

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Il s'agit de privilégier l'incitation à la négociation dans le domaine de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, plutôt que l'obligation par la loi.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? Mme Catherine Génisson rapporteuse.

La commission n'a pas examiné cet amendement. La réécriture de l'article 3 ainsi proposée reviendrait à supprimer l'obligation de négociation annuelle dans l'entreprise. Or cette obligation existe déjà, par exemple pour les salaires, sans que les partenaires sociaux soient pour autant tenus de conclure un accord et de définir un contenu. Seule la réflexion est obligatoire. Pourquoi la loi ne pourrait-elle pas agir en la matière, alors que la proposition de loi relative à la participation et à la croissance pour tous - que l'opposition avait d'ailleurs cosignée - prévoyait, dans son article 3, une obligation de négocier sur l'intéressement ou la participation, y compris en l'absence de représentation des salariés ? Pour ma part, j'estime que, tout autant que l'épargne salariale, l'égalité professionnelle est un sujet trop important pour ne pas obliger à la négociation.

Avis défavorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

63. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 84, ainsi rédigé :

« Substituer à la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 3 les deux phrases suivantes : "Un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise. La périodicité de la négociation est portée à trois ans". »

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président.

Pourriez-vous présenter en même temps l'amendement no 52, monsieur Malavieille ?

M. Patrick Malavieille.

Tout à fait, monsieur le président.

M. le président.

Cet amendement, des mêmes auteurs, est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

132-27 du code du travail, substituer au mot : "trois", le mot : "deux". »

Veuillez poursuivre, monsieur Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Cet amendement se borne à apporter un complément.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement, à mes yeux satisfait par la rédaction proposée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

84. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

52. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 53, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

132-27 du code du travail. »

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Cet amendement se justifie de lui-même.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement. Le maintien de cet alinéa nous paraît indispensable. Il permet, d'une part, de tenir compte des accords signés antérieurement et d'intégrer les avancées déjà opérées en matière d'égalité professi onnelle entre les partenaires sociaux ; d'autre part, de saisir l'occasion de chaque négociation obligatoire pour tenter d'y intégrer l'objectif d'égalité professionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Après l'article 3

M. le président.

M. Gremetz et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 54, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

321-2 du code du travail, il est inséré un article L.

321-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

321-2-1 . - Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d'entreprise n'a pas été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi, et dans les entreprises employant plus de dix salariés où aucun délégué du personnel n'a été mis en place alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi, tout licenciement pour motif économique s'effectuant de ce fait sans que les obligations d'information, de réunion et de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel puissent être respectées, est irrégulier. Le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à trois mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dus. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Cet amendement est d'une portée considérable. En effet, lorsque l'on parle des salariées, il faut penser en particulier aux millions de femmes qui travaillent dans les 1 200 000 entreprises de moins de cinquante salariés. Nous proposons tout simplement de transposer dans la loi une jurisprudence toute récente, aux termes de laquelle il ne revient pas seulement aux organisations syndicales de présenter des candidates aux élections, quand il y en, a mais également à l'employeur de consulter les instances représentatives du personnel en cas de licenciement, d'accident du travail ou sur tout autre sujet lié aux conditions d'hygiène et de sécurité. A défaut, l'employeur est considéré comme responsable et ne saurait s'en tirer au motif qu'il n'existe pas d'organisation syndicale ni de candidats. C'est à lui qu'il incombe d'organiser des élections afin de mettre en place des instances représentatives du personnel, et notamment du personnel féminin.

Cet amendement n'a rien de révolutionnaire, à ceci près qu'il peut révolutionner bien des choses dans les entreprises en incitant précisément les femmes à s'impliquer dans les élections des représentants du personnel et à participer, en tant qu'élues, à la défense de leurs conditions de travail et de l'égalité professionnelle dont nous parlons aujourd'hui.

Cette disposition, je le rappelle pour mémoire, était incluse dans la proposition sur les licenciements collectifs mais, un article rétrograde ayant été utilisé de façon autoritaire, abusive, archaïque, comme disait la gauche à l'époque quand la droite l'utilisait, elle n'a pas pu être discutée. M. le président de la commission et le groupe socialiste ont en effet utilisé le fameux article 94, contre l'avis de tous les groupes d'ailleurs, alors que nous discutions de cette proposition dans le cadre d'une « niche parlementaire ». Aujourd'hui, nous avons la chance que la question soit examinée sur le fond.

Cet amendement vise à introduire dans la loi la jurisprudence qui a été décidée et à faire en sorte qu'elle s'applique dans toutes les entreprises de moins de vingt salariés dans l'ensemble du pays. Cela répond à une attente justifiée des femmes. Sinon, on ne peut pas parler d'égalité professionnelle et d'égalité devant les responsabilités.

Merci, monsieur le président, d'avoir été patient, mais je vois que vous êtes très bronzé, et je comprends votre patience.

M. le président.

C'est simplement que je suis maire d'une station de sports d'hiver, monsieur Gremetz. Je regrette pour vous que vous ne le soyez pas. (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission n'a pas retenu cet amendement en dépit de l'intérêt qu'il présente.

Il reprend l'un des articles de la proposition de loi communiste sur le licenciement pour motif économique rejetée le 25 janvier dernier, vous l'avez rappelé, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Dans les conditions que j'ai rappelées.

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

On peut regretter que trop d'entreprises n'aient pas de comité d'entreprise et votre amendement mérite largement d'être débattu, vous avez su ouvrir le débat. Le problème est que, dans sa rédaction, il ne sanctionne l'absence de comité d'entreprise que dans la procédure du licenciement pour motif économique.

M. Maxime Gremetz.

Non !

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

Il modifie d'ailleurs le code dans la partie qui lui est consacrée.

M. Maxime Gremetz.

C'est faux !

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

Il est donc totalement étranger au texte.

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas un cavalier !

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

C'est la raison pour laquelle la commission l'a repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je ne me prononcerai pas sur le fond de cet amendement, dont je vois bien l'intérêt. Je pense qu'il serait plus à sa place dans la loi de modernisation sociale de juin, mais peut-être que je m'avance beaucoup. Le fond mérite d'être discuté, mais, très franchement, accrocher une telle disposition ici me semble tout de même assez acrobatique.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur Gremetz, vous êtes un homme suffisamment habile pour bien mesurer mes propos. Quand vous dites que votre amendement n'a rien de révolutionnaire, je perçois comme un regret ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Les révolutions se font tous les jours !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait, et vous en êtes d'ailleurs un bon témoignage ! (Sourires.)

Cela dit, discutons au fond.

Vous posez un véritable problème et, avec habileté, je le reconnais, vous accrochez un amendement de manière détournée à un texte qui ne peut lui servir de support.

Ce problème concerne, en effet, une partie non négligeable du code du travail et, en particulier, tout ce qui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

relève du fonctionnement des comités d'entreprise. Vous vous appuyez sur une jurisprudence intéressante. Je vous fais remarquer que votre texte n'a pas été rejeté. Il y a eu absence de conclusion, ce qui n'est pas du tout la même chose. Nous en avons longuement débattu, et le Gouvernement - Mme Péry est là pour le représenter - s'est engagé à discuter du problème dans le cadre de la loi sur la modernisation sociale qui sera débattue lors de la deuxième quinzaine de juin.

Le problème, c'est le fonctionnement d'une entreprise dans laquelle il y a constat de carence. L'accrocher à ce texte sur l'égalité professionnelle n'est qu'une habileté, même si, bien entendu, cela concerne aussi les femmes.

M. Maxime Gremetz.

Pas aussi ! Surtout et majoritairement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Cela concerne des femmes salariées dans l'entreprise. Ne jouons pas sur les mots ! Comme je vous l'ai expliqué en commission, et j'ai soutenu la position de la rapporteuse, c'est un problème important, dont nous devrons débattre, mais pas à l'occasion de ce texte.

Il mérite une réflexion d'ensemble sur le fonctionnement des comités d'entreprise et les constats de carence.

Je ne souhaite donc pas que cet amendement soit retenu, mais je suis tout à fait favorable à ce que le débat s'engage dans le cadre de la loi de modernisation sociale.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je suis habile, mais M. le président de la commission l'est autant que moi,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles. C'est pour cela qu'on se connaît bien !

M. Maxime Gremetz.

... un peu plus même, puisqu'il est un peu plus âgé. L'expérience aidant, c'est normal !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Ce n'est pas la peine de le faire remarquer ! C'est désagréable ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Non, pas du tout ! C'est un acquis, n'est-ce-pas ! (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Gremetz, voulez-vous argumenter s'il vous plaît ?

M. Maxime Gremetz.

Tout d'abord, monsieur le président de la commission, il ne s'agit pas seulement des comités d'entreprise mais des organisations représentatives : comités d'entreprise, délégués du personnel, comités d'hygiène et de sécurité. Je vous rappelle que la jurisprudence parle d'instances représentatives.

Par ailleurs, il n'est pas question seulement de licenciement économique. La jurisprudence à laquelle je fais référence, qui date du 7 décembre 1999, concernait le reclassement d'un salarié accidenté. Je le répète pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

Si Mme la secrétaire d'Etat prend l'engagement que le Gouvernement intégrera cette jurisprudence dans la loi de modernisation sociale, qui ne portera pas seulement sur les licenciements puisque ce sera, je crois, une loi fourre-tout, et on ne peut pas qualifier la jurisprudence de la Cour de cassation de révolutionnaire - Saint-Just, oui, la Cour de cassation, non, c'est évident ! -, si cet engagement est pris, puisque l'on prétend qu'il y aura seulement un petit shoot sur Michelin, l'amendement Michelin,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Non !

M. le président.

Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

... je retirerai mon amendement.

Autrement, je le maintiens évidemment.

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je pèse mes mots : je peux prendre l'engagement d'engager le débat !

M. Maxime Gremetz.

Il est engagé depuis longtemps ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Vous savez pertinemment que je ne peux pas aller au-delà. Spontanément, je vous ai dit que cette question me paraissait relever de la loi de modernisation sociale, et je plaiderai en ce sens.

M. le président.

Monsieur Gremetz, retirez-vous votre amendement ?

M. Maxime Gremetz.

Non, pas sur un engagement d'engager le débat !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

54. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Le début de la première phrase de l'article L.

153-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« L'employeur qui se soustrait aux obligations prévues à l'article L.

132-27 (alinéas 1 et 3), à celle prévue à l'article L.132-28... (Le reste sans changement.) »

Mme Bachelot-Narquin et Mme Zimmermann ont présenté un amendement, no 64, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 4. »

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Il s'agit d'un amendem ent de conséquence de l'amendement présenté à l'article 3.

A partir du moment où l'on fait le choix de laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de définir les sujets de négociation, la sanction pénale prévue pour le nonrespect des négociations obligatoires n'a plus lieu d'être.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

64. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 88, ainsi rédigé :

« Après les mots "L. 132-27", supprimer l'incise "(alinéas 1 et 3)". »

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à l a formation professionnelle.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

88. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. Il est inséré, après l'article L. 132-27 du code du travail, un article L. 132-27-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-27-1. - Les négociations prévues par l'article L. 132-27 prennent en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6.

- I. L'article L. 123-1 du code du travail est supprimé.

« II. L'article L. 132-12 du même code est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les organisations qui sont liées par une convention de branche ou, à défaut, par un accord professionnel conclu dans les conditions prévues par les articles L. 132-1 à L. 132-17 du présent code se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées. La négociation porte notamment sur les point suivants :

« les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle ;

« les conditions de travail et d'emploi. »

« La négociation sur l'égalité professionnelle se déroule sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes dans ces domaines, et sur la base d'indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés, pour chaque secteur d'activité. »

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 55 corrigé, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article 6, substituer au mot : "trois", le mot : "deux". »

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

C'est un amendement de cohérence.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 55 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 56, ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa du II de l'article 6, insérer les deux alinéas suivants :

« les salaires conformément à l'article L. 140-2 du code du travail »

« la reconnaissance des qualifications professionnelles. »

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

L'article 6 renforce l'obligation de négocier au niveau de la branche sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en prévoyant une négociation sur la base d'un rapport présentant la situation comparée des hommes et des femmes. La négociation portera notamment sur deux points : les conditions d'accès à l'emploi, les conditions de travail et d'emploi.

Si ces deux indicateurs sont importants, il nous paraît essentiel d'intégrer deux autres thèmes de négociation : la reconnaissance des qualifications professionnelles, et les salaires, conformément à l'article L. 140-2 du code du travail. La notion de travail de valeur égale, inscrite dans le code du travail, ne peut exclure à mon sens de critères, d'autant que la différence entre les rémunérations pour un travail égal est très importante et non justifiée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement.

Le souci exprimé par l'amendement est louable, mais il est satisfait sur les salaires par la rédaction actuelle de l'article L. 132-12, la négociation annuelle sur les salaires comportant une analyse de ceux-ci par sexe, et par la rédaction proposée pour un article L.

132-12-1 par l'article 7 de la proposition, qui prévoit que la négociation annuelle sur les salaires devra désormais prendre en compte l'objectif d'égalité professionnelle.

Sur la partie formation, il est en partie satisfait par l'artice L. 933-2 du code du travail, qui prend en compte l'objectif d'égalité professionnelle. La future loi de modernisation sociale permettra également de traiter ce sujet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Le salaire et la classification sont traités à l'article 7 de la proposition. Je pense donc, monsieur Malavieille, que vous pourriez retirer cet amendement qui ne me paraît pas utile.

M. le président.

La parole est M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 56 est retiré.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - Il est inséré, après l'article

L. 132-12 du code du travail, un article L. 132-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

132-12-1. - Dans le cadre des négociations prévues par les articles L.

132-12, premier alinéa, et

L. 933-2, les organisations qui sont liées par une conven-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

tion de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, prennent en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Dans l'article 18 de la loi no 83-635 du 13 juillet 1983, portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les mots : "par des entreprises ou des groupements d'entreprises" sont remplacés par les mots : "ou dans le cadre de toute convention ou accord collectif par les employeurs mentionnés à l'article L.

131-2 du même code". »

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 57, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 8. »

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Cet amendement supprime l'aide financière issue de la loi Roudy de juillet 1983.

Sous un prétexte incitatif, cet article prévoit une aide financière au bénéfice des entreprises qui mettent en place des plans d'égalité. Instituée par la loi en 1983, cette aide n'a pas eu de résultats probants puisque trentequatre plans d'égalité seulement ont été conclus.

Surtout, il nous semble anormal de financer des dispositions qui ne font qu'inscrire dans les faits ou dans les moyens une égalité qui est finalement de droit.

Les situations d'inégalité sont à combattre par des mesures appropriées. L'égalité est un droit qui ne peut s'assimiler à de bonnes intentions que l'on devrait récompenser financièrement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement. En effet, l'obligation n'exclut pas d'aider les plus méritants. Il s'agit ici d'aider des actions exemplaires. C'est bien parce que les plans d'égalité n'ont pas fonctionné que l'on propose de les rénover et d'assouplir les conditions d'octroi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Cet article propose d'aller vers l'égalité par une obligation.

La loi, je l'ai dit tout à l'heure avec d'autres mots mais la logique est la même, ne suffit pas, il faut la mise en mouvement sur le terrain. Il convient donc d'accompagner des projets innovants dans des entreprises qui n'appliqueront pas les mêmes mesures partout. Les contrats d'égalité permettront d'aider les entreprises à réaliser des projets innovants auxquels je tiens et qui sont plus larges que les plans d'égalité. Cela concernera, par exemple, la garde des enfants, l'organisation du temps de travail, le renforcement de la formation tout au long de la vie pour les femmes. C'est pourquoi j'y suis très attachée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

57. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - Dans la première phrase de l'article L.

122-28-6 du code du travail, les mots : "prise en compte pour moitié dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté" sont remplacés par les mots : "assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que la salariée ou le salarié tient de son ancienneté". »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 86, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 9. »

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je vais essayer d'expliquer pourquoi l'article 9 ne me convient pas, en tant que secrétaire d'Etat aux droits des femmes.

A ctuellement, lorsqu'une femme utilise un congé parental, la durée de son congé est prise en compte pour moitié dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Prendre en compte l'ensemble du congé c'est, à mon avis, l'encourager à prendre de plus en plus un long congé. Or nous savons par les rapports de la CNAF que seulement 50 % des femmes qui ont pris un congé parental d'une certaine durée, trois ans par exemple, retrouvent un emploi lorsqu'elles souhaitent réintégrer le monde du travail. Je me demande donc si nous allons vers l'égalité professionnelle avec cet article. Je pense qu'une telle réflexion doit être engagée dans le cadre de la politique familiale, ce que nous sommes en train de faire, et que les congés parentaux doivent être mieux étudiés pour les mères et les pères et déconnectés de l'égalité professionnelle, du moins telle qu'elle est définie à l'article 9.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement. Néanmoins, j'ai écouté avec attention les arguments de Mme la secrétaire d'Etat et je dois dire qu'elle m'a très largement convaincue. Moimême, dans mon rapport, j'avais très largement évoqué les mêmes arguments pour parler de l'égalité professionnelle et des congés parentaux. Lorsque l'allocation parentale d'éducation est accordée pour une longue durée, bien souvent, malheureusement, cela éloigne la femme du monde du travail et la met en situation de très grande difficulté, voire de très grande précarité.

Si le Gouvernement nous assure que la mesure proposée à l'article 9 sera réétudiée dans le cadre d'une réflexion globale sur la politique familiale et une politique familiale féministe, je serai prête, à titre personnel, à accepter son amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

86. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 9 est supprimé.

L'amendement no 80 de Mme Génisson n'a plus d'objet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Après l'article 9

M. le président.

Mmes Bachelot-Narquin, Catala et Zimmermann ont présenté un amendement, no 65, ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« L'article 8 du code de l'artisanat est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. Le conjoint d'artisan disposant de la qualité de conjoint collaborateur, en application de l'article 1er de la loi no 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d'artisans et de commerçants travaillant dans l'entreprise familiale, est électeur et éligible dans les mêmes conditions que l'artisan inscrit en nom au registre des chambres des métiers. »

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Cet amendement vise à étendre aux « conjoints collaborateurs » d'artisans et de commerçants la possibilité d'être électeurs et d'être éli gibles aux élections aux chambres des métiers.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement. Certes, il s'agit d'un problème important, mais la commission a estimé qu'il était préférable de traiter le sujet des conjoints collaborateurs de façon globale plutôt que de prendre des mesures législatives éparses au fur et à mesure de l'examen des textes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Sur ce sujet, le Gouvernement va prendre des initiatives. Nous travaillons actuellement avec Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, sur trois sujets.

Le premier concerne la création d'un rendez-vous tous les cinq ans avec les conjoints collaborateurs pour réexaminer leur situation professionnelle et les inciter à opter pour un statut. En effet, malgré la loi de 1982, seules 6 % des conjointes ont opté pour ce statut.

Nous travaillons également sur les conditions d'inscription au répertoire des métiers, et, enfin, sur le développement de la validation des acquis professionnels pour les conjoints collaborateurs.

S'agissant de la question plus spécifique de la capacité des conjointes d'artisans et de commerçants à participer aux élections aux chambres des métiers, j'en ai saisi le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Cette question est examinée depuis le mois de décembre, et j'attends des propositions concrètes dans les tous prochains mois.

Faisons confiance au dialogue social, prenons le temps nécessaire pour que cette négociation puisse déboucher, et j'ai bon espoir que nous arrivions à une conclusion positive.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

65. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 59 et 29 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 59, présenté par M. Malavieille, Mmes Jambu, Jacquaint et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

122-48 du code du travail, sont insérés trois articles ainsi rédigés :

« Art. L.

122-49. - Aucun salarié ne peut faire l'objet d'un harcèlement par la dégradation délibérée de ses conditions de travail.

« Aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir témoigné des agissements définis à l'alinéa précédent ou pour les avoir relatés.

« Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

« Art. L.

122-50. - Est passible d'une sanction disciplinaire tout salarié ayant procédé aux agissements définis aux articles L.

122-46 et L.

122-49. »

« Art. L.

122-51. - Il appartient au chef d'entreprise de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes visés aux articles L.

122-46,

L. 122-49 et L.

122-50. »

L'amendement no 29 rectifié, présenté par M. Vallini, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article L.

122-46 du code du travail est ainsi rédigé :

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d'un employeur ou de son représent ant, qui a proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions sur ce salarié de nature à porter atteinte à son intégrité morale ou psychologique. »

La parole est à M. Patrick Malavieille, pour soutenir l'amendement no

59.

M. Patrick Malavieille.

Les amendements nos 59 et 29 rectifié traitent du même sujet : le harcèlement moral au travail.

Comme nous l'avons signalé dans la discussion générale, le groupe communiste a été à l'initiative d'une proposition de loi sur le harcèlement moral. Cette forme de harcèlement n'est pas nouvelle, mais la nouveauté réside dans la gravité, l'ampleur et surtout la banalisation du phénomène.

Selon une recherche menée en 1998 par la Fondation européenne, 9 % des salariés français, soit 1,9 million de personnes, auraient été victimes d'intimidations ou de brimades sur leurs lieux de travail au cours des douze mois précédents.

Des ouvrages ont permis à un large public de mieux connaître le phénomène en révélant la diversité de ces manifestations, en mettant aussi en évidence sa relation avec l'organisation du travail et le fait que, sans intervention reposant sur une législation nouvelle, les salariés peuvent rester piégés, désemparés et sans recours juridique possible.

Lutter contre le harcèlement moral au travail ne peut que contribuer à l'exercice concret de toutes les libertés.

Il nous semble que nous avons aujourd'hui l'occasion de répondre à l'attente de nombreux salariés qui souffrent et qui espèrent une décision du législateur. L'adoption de ces deux amendements serait un premier pas important en ce sens.

M. le président.

La parole est M. André Vallini, pour soutenir l'amendement no 29 rectifié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

M. André Vallini.

Je partage les propos de Patrick Malavieille.

Le harcèlement sexuel existe, hélas ! Il est combattu : des dispositions ont été prévues à cet effet. Mais, ainsi que l'a dit Patrick Malavieille, un autre harcèlement se répand : le harcèlement moral ou psychologique dans les entreprises. Il convient de le réprimer au même titre que le harcèlement sexuel et de façon aussi sévère. Mon amendement tend donc à transposer en matière de harcèlement moral ou psychologique les dispositions relatives au harcèlement sexuel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé ces deux amendements.

Pour autant, je considère, à titre personnel, qu'ils évoquent un sujet grave. En effet, nous sommes régulièrement alertés par les médecins du travail des effets du harcèlement moral et du harcèlement psychologique : cela va des travailleurs qui prennent des antidépresseurs ou des tranquillisants à ceux qui font des tentatives d'autolyse, voire se suicident.

Néanmoins, la question du harcèlement moral ou psychologique n'est pas directement liée à celle de l'égalité professionnelle, car elle touche aussi bien les femmes que les hommes. L'examen de ce problème ne paraît pas s'imposer dans la discussion de la présente proposition de loi, mais je souhaitais qu'il soit abordé à cette occasion pour connaître la position du Gouvernement sur le sujet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Je l'ai dit, Martine Aubry a demandé au Premier ministre de bien vouloir saisir le Conseil économique et social. Le sujet dont il est ici question est en effet très important, mais nous pensons plus utile de le soumettre aux partenaires sociaux pour qu'ils étudient ensemble quelles sont, en la matière, les é ventuelles dispositions législatives qu'il convient de prendre. Pour l'instant, ce sujet doit donc être traité par le dialogue social.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Génisson a raison, les hommes comme les femmes peuvent être victimes de harcèlement moral ou psychologique. Je suis toutefois un peu inquiète de voir que le Gouvernement semble vouloir légiférer, à terme, sur le sujet. Qu'est-ce que le harcèlement moral ou psychologique ? Quels sont ses contours ? Il existe, c'est certain, mais quelle est sa définition, et quelle peut être la responsabilité du chef d'entreprise ? Il ne suffit pas que quelqu'un prenne des tranquillisants ou ait fait une tentative de suicide pour qu'on puisse affirmer qu'elle est victime de harcèlement moral de la part d'un chef d'entreprise. Le harcèlement sexuel est bien défini, il peut être objectif, mais la notion de harcèlement moral ou psychologique est plus floue : j'avoue ne pas voir où il commence et où il finit.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Malavieille, Mmes Jambu, Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 58, ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Après l'article L.

123-4-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.

123-4-2. - Dès lors qu'une apparence de discrimination directe ou indirecte a été établie par le salarié, il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas violation du principe de l'égalité de traitement. »

La parole est M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Nous nous sommes déjà exprimés sur cet amendement dans la discussion générale. Il tend à mettre en conformité la législation française avec l a directive européenne no 97/80 du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la discrimination fondée sur le sexe dans les relations de travail, aux termes de laquelle la charge de la preuve de l'inégalité, directe ou indirecte, incombe à la partie défenderesse. Les Etats membres doivent adopter des dispositions législatives en ce sens au plus tard le 1er janvier 2000.

Ainsi, l'employeur qui serait dans l'incapacité de justifier les inégalités par des motifs objectifs pourrait se voir contraint par la justice de réparer le préjudice subi par les salariés victimes de ces inégalités. En conséquence, il nous semble que l'adoption de cet amendement rendrait plus efficaces les mesures d'égalité préconisées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a repoussé cet amendement. Elle n'y est pourtant pas opposée sur le fond, car le problème qu'il soulève est fondamental, mais elle a jugé préférable et plus cohérent que la directive européenne soit transposée de façon globale et que soient prises en compte non seulement les discriminations sexistes, mais également les discriminations ethniques et raciales.

C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement, qui avait d'ailleurs été retiré en commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

58. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Bachelot-Narquin et Mme Zimmermann ont présenté un amendement, no 81, ainsi rédigé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« La première phrase du premier alinéa de l'article L.

433-1 du code du travail est complétée par les mots : "et assurant une représentation équilibrée d'hommes et de femmes". »

Pouvez-vous, madame Zimmermann, soutenir également l'amendement no 82 ?

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Volontiers, monsieur le président.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

M. le président.

L'amendement no 82, présenté par Mmes Bachelot-Narquin, Zimmermann et M. MartinLalande, est ainsi rédigé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail est complété par les mots : "en assurant u ne représentation équilibrée d'hommes et de femmes". »

Veuillez poursuivre, madame Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

L'amendement no 81 tend à favoriser l'égale représentation des hommes et des femmes au sein des comités d'entreprise. Mme Catela est intervenue sur ce point ce matin.

L'amendement no 82 vise, quant à lui, à étendre l'égale représentation des hommes et des femmes aux listes présentées par les organisations syndicales pour l'élection des délégués du personnel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission les a repoussés tous les deux. Elle l'a fait, non pour une raison de fond, car nous souhaitons tous une représentation beaucoup plus équilibrée des femmes dans les instances syndicales, dans les négociations et sur les lieux de décision, mais parce que se posent le problème du droit à la liberté d'adhésion à un syndicat et celui du rôle du législateur. Celui-ci peut-il contraindre les syndicats ? J'avancerai aussi un argument d'ordre politique. Au moment où les partenaires sociaux ont établi une plateforme de négociations dans lesquelles le sujet de l'égalité professionnelle constitue l'une des priorités, au moment où le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle travaille sur le sujet, au moment où nous organisons une table ronde présidée par Mme Bachelot-Narquin sur le paritarisme et sur la négociation collective, j'estime qu'il serait prématuré d'adopter ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

81. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

82. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boisseau a présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé :

« Après l'article 9, insérer l'article suivant :

« Dans le cinquième alinéa de l'article L. 513-1 du code du travail, après les mots : "les cadres", sont insérés les mots : ", les conjoints collaborateurs mentionnés au répertoire des métiers". »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

M me Marie-Thérèse Boisseau.

Cet amendement rejoint, sinon sur la forme, tout au moins sur le fond, un a mendement déposé par Mme Bachelot-Narquin et Mme Zimmermann à propos des conjoints collaborateurs. Il s'inscrit dans la même logique.

Dans l'artisanat, les conjoints collaborateurs sont des femmes à 99,9 %. Il s'agit donc bien d'une histoire de femmes. Il n'est pas normal qu'elles ne puissent être ni électrices ni éligibles aux conseils de prud'hommes.

Je pense qu'il s'agit d'un problème concret d'inégalité criante entre les hommes et les femmes qui peut tout à fait être raccroché à ce texte sur l'égalité professionnelle

Toutefois, si vous me donnez l'assurance que ce problème sera traité et réglé dans l'année, je veux bien retirer mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Génisson, rapporteuse.

La commission a été sensible à l'argumentation de Mme Boisseau. Le problème est vraiment très important. Néanmoins, ayant à l'esprit l'objectif d'examiner globalement le sujet, et avec l'assurance du Gouvernement que cet aspect sera traité dans la loi de modernisation sociale, la commission a repoussé l'amendement. Mais elle ne s'y oppose pas du tout sur le fond.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Même avis que la commission.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 85 est retiré.

Avant l'article 10

M. le président.

Je donne lecture des intitulés du titre II et du chapitre Ier :

« Titre II. - Dispositions relatives à la fonction publique : « Chapitre Ier . - Dispositions modifiant la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »

Mme Feidt a présenté un amendement, no 48, ainsi rédigé :

« Avant l'article 10, supprimer la division et l'intitulé du chapitre Ier »

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Cet amendement est d'ordre rédactionnel. Il vise, comme les trois amendements de suppression des articles 10, 11 et 12, à regrouper l'ensemble des dispositions de coordination dans un même article.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

48. (L'amendement est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. - Dans le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots :

« de leur sexe » sont supprimés. »

Mme Feidt, rapporteuse pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté un amendement, no 30, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 10. »

La parole est à Mme la rapporteuse pour avis.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

C'est encore un amendement d'ordre rédactionnel. Comme je viens de l'indiquer, il a paru préférable à la commission de regrou-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

per dans un même article additionnel après l'article 14 toutes les dispositions nécessaires pour assurer la coordination des différents textes avec les articles 13 et 14 de la proposition de loi.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

30. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 10 est supprimé.

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - Dans le quatrième alinéa de l'article 6 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, les mots : "de même" sont remplacés par le mot : "toutefois". »

Mme Feidt, rapporteuse pour avis, a présenté un amendement, no 31, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 11. »

La parole est à Mme la rapporteuse pour avis.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

Cet amendement a le même objet que l'amendement précédent. Il est également d'ordre rédactionnel.

La commission des affaires culturelles a accepté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 11 est supprimé.

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - Les troisième, cinquième et sixième alinéas de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée sont supprimés. »

Mme Feidt, rapporteuse pour avis, a présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 12. »

La parole est à Mme la rapporteuse pour avis.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

C'est encore un amendement d'ordre rédactionnel. La commission des affaires culturelles l'a également accepté.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 12 est supprimé.

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - Il est inséré, après l'article 6 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, un article 6 bis ainsi rédigé :

« Art. 6 bis. - Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe.

« Toutefois, des recrutements distincts pour les femmes ou les hommes peuvent, exceptionnellement, être prévus lorsque l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions.

« De même, des distinctions peuvent être faites entre les femmes et les hommes en vue de la désignation, par l'administration, des membres des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires et de ses représentants au sein des organismes consultés sur les décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires et sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, afin de concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans ces organes. »

La parole est à M. Patrick Malavieille, inscrit sur l'article.

M. Patrick Malavieille. La proposition de loi traite, dans son titre II, de l'égalité professionnelle dans la fonction publique. Les mesures préconisées visent essentiellement à organiser une meilleure représentation des femmes dans les organismes paritaires et les jurys de concours.

Nous approuvons ces mesures, tout en proposant quelques amendements.

Toutefois, nous ne pouvons cantonner le débat dans le cadre du seul texte qui nous est soumis. En effet, l'échec récent des négociations dans la fonction publique nous conduit à donner notre avis sur la réduction et l'aménagement du temps de travail dans ce secteur, l'occasion étaient donnée, en abordant tous les aspects de l'organisation du travail, d'intégrer la dimension d'égalité.

Après ce dernier échec, le Gouvernement ne peut laisser les choses en l'état, car 5 600 000 fonctionnaires sont concernés. Un effort budgétaire vient d'être annoncé en faveur de la fonction publique hospitalière, et c'est, je le crois, une avancée importante.

Cela dit, si les trois fonctions publiques - la fonction publique d'Etat, la fonction territoriale et la fonction hospitalière - ont quelques spécificités particulières, elles o nt surtout des points communs. Tous les fonctionnaires devraient bénéficier d'une réduction du temps de travail qui permette à la fois d'améliorer les conditions de travail, de lutter contre le chômage et la précarité et d'offrir une meilleure qualité du service rendu aux usagers.

Pour cela, il faut envisager des créations d'emplois, car la seule réorganisation du travail ne conduirait qu'à une intensification du travail. Dès lors, les conditions de travail seraient automatiquement détériorées et la qualité des services en pâtirait.

C'est par l'amélioration des conditions de travail de tous que passera l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce qui se passe dans la fonction publique ayant valeur d'exemple, la mise en place de la réduction du temps de travail dans ce secteur doit s'accompagner d'une amélioration de l'égalité entre les hommes et les femmes. A ce titre, l'aménagement du temps de travail doit rendre possible l'harmonie entre vie professionnelle et vie familiale.

Pour autant, la précarité s'est fortement développée dans la fonction publique et les femmes en sont bien souvent les premières victimes. La mise en place de la réduction du temps de travail doit être l'occasion de prendre des mesures réelles et sérieuses afin de réduire cette précarité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

C'est la raison pour laquelle le groupe communiste souhaite une reprise des négociations sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique, lesquelles devront intégrer la dimension d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

M. le président.

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 61, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983, substituer au mot : "distinction" le mot : "discrimination". »

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Cet amendement vise à prendre en compte la notion de discrimination dans la fonction publique, car le terme « distinction » peut conduire à nier les différences, ce qui n'est pas l'objet de la proposition de loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

Le mot « distinction » lui semblant plus approprié que le mot « discrimination », la commission des affaires culturelles est défavorable à l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

En écoutant M. Malavieille, j'ai été très troublé car, comme il a évoqué les négociations en cours sur les 35 heures, je me suis demandé si nous parlions du même amendement.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 61. La formule actuelle a son histoire et sa symbolique. Elle se cale sur des textes qui sont aussi célèbres que leur valeur juridique est importante puisqu'ils sont inclus dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Pour ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas changer une belle formule, qui a d'ailleurs fait ses preuves dans notre droit.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mmes Roudy, Casanova, Bousquet, Lacuey, Lignières-Cassou et M. Vallini ont présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983. »

La parole est à Mme Odette Casanova.

M me Odette Casanova.

Nous considérons qu'il n'existe pas d'emploi qui ne puisse être exercé indifféremment par les hommes ou par les femmes. Des recrutements distincts pour les hommes et pour les femmes ne peuvent donc permettre de réaliser l'égalité professionnelle totale ou réelle, objectif visé par la proposition de l oi. Nous proposons en conséquence de supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 13.

On nous parle beaucoup de la fonction publique pénitentiaire, où il semble que l'on désire des concours différents. Nous pensons, quant à nous, que l'on peut organiser un concours unique pour les hommes et les femmes, et diversifier ensuite les affectations.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement, tout comme la commission des affaires culturelles.

La faculté de procéder à des recrutements distincts pour les femmes et pour les hommes, dont on se rappellera qu'elle n'est pas nouvelle, est strictement encadrée.

Elle doit satisfaire une condition légalement définie, le recrutement distinct n'étant possible que lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions. La pratique de tels recrutements ne saurait donc être envisagée pour le simple confort de l'administration. De plus, la liste des corps faisant l'objet de recrutements distincts est établie par décret en Conseil d'Etat. Et l'on connaît la vigilance de cette juridiction à l'égard du principe d'égalité entre les sexes.

La tendance est à une réduction du nombre des corps concernés par cette disposition. Ils sont au nombre de deux, dont l'un est l'administration pénitentiaire qui, à mon avis, pose tout de même un problème. Il est apparu à la commission des lois que la suppression de cette disposition ne saurait se faire sans une expertise préalable auprès des deux corps concernés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

L'amendement tend à supprimer la possibilité de recrutements distincts prévue à l'article 6 de la loi de 1983 et limitée aux cas où le critère du sexe est déterminant pour l'exercice des fonctions.

Je le dis d'emblée, l'avis du Gouvernement est défavorable.

La disposition que l'on envisage de supprimer est indispensable au fonctionnement de certains services. Elle pose des conditions rigoureuses sur lesquelles le juge administratif, depuis l'origine déjà ancienne du texte, et la Cour de justice des communautés européennes depuis m oins longtemps, s'appuient pour réduire toujours davantage le nombre des cas où cette exception est autorisée si les fonctions exercées l'exigent. Cela dit, il est vrai que la tendance est à la réduction du nombre des corps concernés.

Les conditions prévues dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis sont identiques à celles de la directive européenne 76-207 sur l'égalité entre les hommes et les femmes et qui, elle aussi, autorise desr ecrutements distincts uniquement dans les cas où l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue bien une condition déterminante de l'exercice des fonctions.

A l'heure actuelle, la France utilise cette modalité de recrutements séparés essentiellement pour certains corps de surveillance de l'administration pénitentiaire, afin de pouvoir affecter à certaines fonctions des femmes dans les prisons de femmes et des hommes dans les prisons d'hommes.

Les femmes ne représentent que 5 % des détenus. Cela interdit de régler la question au seul niveau de la gestion et des affectations du personnel.

Il se trouve en outre que votre assemblée vient de créer une commission d'enquête qui examinera la situation dans les prisons, et notamment les conditions de détention et la situation du personnel. Il me semble important d'attendre que cette commission fasse ses propositions avant d'envisager des évolutions sur le point dont il s'agit.

Pour ces raisons de principe et d'opportunité, il me semble indispensable de laisser le texte en l'état et de ne pas adopter l'amendement de suppression no

14.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

M. le président.

M. Malavieille, Mme Jambu, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 60, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983, supprimer le mot : "distincts". »

La parole est M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Il semble inutile de fermer certains métiers aux hommes ou aux femmes d'une façon générale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

L'amendement a été repoussé par la commission des affaires culturelles. Non seulement il vise à supprimer les recrutements distincts, suppression contre laquelle l'Assemblée s'est prononcée en rejetant l'amendement no 14, mais, s'il était adopté, il ôterait toute sa pertinence au deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Défavorable, pour les mêmes raisons que sur l'amendement no

14.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

60. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mmes Roudy, Casanova, Bousquet, Lacuey, Lignières-Cassou et M. Vallini ont présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983, substituer aux mots : "De même" le mot : "Toutefois". »

La parole est à Mme Odette Casanova.

Mme Odette Casanova.

Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement no 14. Celui-ci n'ayant pas été adopté, je retire l'amendement no

15.

M. le président.

L'amendement no 15 est retiré.

Mmes Lignières-Cassou, Bousquet, Casanova, Lacuey et M. Vallini ont présenté un amendement, no 66, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983, après les mots : "par l'administration", insérer les mots : "et par les organisations représentatives des personnels". »

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Tout au long de cette journée, nous avons insisté sur la nécessité d'impliquer les organisations syndicales dans le débat sur l'égalité professionnelle car nous voulons que les choses avancent.

A la faveur des auditions effectuées par la délégation aux droits des femmes, nous avons constaté que les organisations syndicales n'étaient pas opposées au fait de faire progresser une représentation équilibrée des femmes dans les différences instances paritaires.

Par ailleurs, Mme la secrétaire d'Etat, je vous ai entendue ce matin contester l'argument constitutionnel selon lequel, en demandant une représentation équilibrée des représentants du personnel au sein des instances paritaires, nous serions en contradiction avec le sixième alinéa d u préambule de la Constitution de 1946, lequel concerne la liberté syndicale. Pour ma part, je n'en crois rien.

L'article 34 de la Constitution permet au législateur d'examiner l'exercice des droits syndicaux. C'est donc plutôt à cet article-là de la Constitution que j'ai pour ma part envie de me référer.

Plusieurs de mes collègues, dont Odile Saugues, ont insisté sur la nécessaire implication des organisations syndicales. Aujourd'hui, il n'y a pas de représentantes du personnel dans les commissions administratives paritaires, non plus que dans les comités techniques paritaires centraux. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'égalité professionnelle dans la fonction publique n'avance pas.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis.

L'amendement a été repoussé par la commission des affaires culturelles. Il a le même objet que d'autres amendements présentés par Mme Lignières-Cassou et visant à étendre aux représentants du personnel l'objectif d'une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, ce qui rejoint l'amendement de Mme Zimmermann que nous avons rejeté tout à l'heure et qui faisait référence au travail des entreprises.

Si l'objectif paraît souhaitable, l'amendement qui nous est soumis soulève tout de même quelques difficultés. Il pose des problèmes juridiques car la disposition proposée risque de porter atteinte au principe d'égalité, qui a valeur constitutionnelle, si elle ne devait concerner que les seules organisations syndicales de la fonction publique.

On pourrait également s'interroger sur l'opportunité d'une disposition qui n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les syndicats.

Pour ces deux raisons, la commission a repoussé l'amendement de Mme Lignières-Cassou.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Le Gouvernement à le même avis que la commission.

Le Gouvernement est défavorable à l'extension de l'obligation aux représentants des personnels.

En la matière, outre les très vives réserves constitutionnelles que m'inspire la disposition proposée, j'ai déjà dit, dans mon propos initial, que je ne souhaitais pas procéder ainsi avec les organisations syndicales : notre règle a toujours été d'engager d'abord une concertation.

Dans la matière qui nous occupe, je souhaite que les dispositions prises pour l'Etat servent, à mesure qu'elles entreront en vigueur, d'exemple. Je ne souhaite pas utiliser la contrainte.

Par ailleurs, dans tous les organismes de la fonction publique de l'Etat auxquels ils participent, les syndicats désignent chacun des représentants en nombre déterminé par leurs résultats aux précédentes élections, nombre qui descend le plus souvent à un ou deux représentants pour l'un ou l'autre des sept syndicats représentatifs de la fonction publique. Dès lors, il me paraît impossible de leur imposer une obligation de résultat en matière d'équilibre sexué, sachant que celui-ci ne pourrait être atteint que s'ils partagent entre eux les obligations qui en résulteraient à cet égard.

Le matin, Mme Catala, qui me pardonnera de la citer en son absence, se référait à l'exemple allemand. Mais c elui-ci n'est évidemment pas transposable en l'occurrence, car, en matière syndicale, le pluralisme n'est pas, chez notre voisin, celui que nous connaissons en France.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 MARS 2000

Pour des raisons de principe, de choix politique et de pratique, le Gouvernement ne souhaite pas que l'on légifère sur ce point.

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Je comprends, monsieur le ministre, votre volonté de négocier sur ce point avec les organisations syndicales. Toutefois, il me semble que, dans le secteur privé, nous avons, à travers le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, commencé de poser la problématique avec l'ensemble des organisations syndicales. Je n'ai pas le sentiment, mais je peux me tromper, qu'en ce qui concerne la fonction publique, nous ayons à ce jour la même démarche.

J'aurais aimé savoir si vous aviez fixé un calendrier pour l'engagement des discussions avec les organisations syndicales. De votre réponse dépendra le retrait ou le maintien de l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

J'ai bien entendu Mme la présidente Lignières-Cassou. Mais le Gouvernement pense procéder de façon à donner l'exemple, quitte à engager ensuite une concertation dont je ne saurais aujourd'hui donner par avance le calendrier ni les objectifs. Nous allons commencer par balayer devant notre porte, si je puis m'exprimer ainsi.

M. le président.

Madame Lignières-Cassou, les propos du Gouvernement vous incitent-ils à retirer votre amendement ?

Mme Martine Lignières-Cassou.

Je vous avouerai, monsieur le ministre, que j'espérais un calendrier et des objectifs un peu plus précis. Je n'ignore pas que l'Etat doit montrer l'exemple, mais je sais aussi que les négociations avec les organisations syndicales dans la fonction publique, à l'heure actuelle, ne sont pas si faciles.

Je m'attendais à un réponse un peu plus volontariste.

(Sourires.)

M. le président.

L'amendement no 66 n'est donc pas retiré.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion de la proposition de loi, no 2132, de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : Mme Catherine Génisson, rapporteuse au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2220) ; Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 2225) ; M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2226).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT